I /// prima! ar Parisiis, die 21 mensis Januarii 1913, •i’ Leo Ad., Card. AMETTE, Arrli. Parisiens. DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT I,’EXPOSÉ DES DOCTHIXES DE l.\ THÉOLOGIE CATIIOI.IOl E LEURS PREUVES LEUR ET HISTOIRE ( <»MMI N< f; %<»< S Ι.Λ DIRECTION DF A. VACANT E. MANGENOT PROFESSEUR AU GRAND SÉMINAIRE DK NANCY % PROFESSEUR A L'INSTITUT CATROLIQUX DIS PARIS CONTINUÉ SOUS Cl.U.K DK É. AMANN - PROFESSI Vil A LA FACULTÉ DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE DE L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS TOM E CINQUIEME 01 1 XII.ME ΡΛΗΤΙΕ EUCHARISTIE — FIUME PAR IS-VI LIB RAI ΒΙΕ LETOUZEY ET 8 7, Boulevard R asp a il, 8 7 1939 TOUS DROITS KÎSEHXis ANÉ DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE E (Sw»7e) IV. EUCHARISTIE DU IXr A LA FIN DU Xe SIÈCLE. — 1. Les travaux. IL Les résultats. I. Les th a vaux. — 1° Écrivains latins, — 1. Pre­ mière controverse eucharistique : ix·' et x· siècles. — a) Au /X· siècle. — La littérature eucharistique du ix· siècle est abondante. S’ils s’occupent beaucoup de l’eucharistie, les contemporains de Charlemagne ne spéculent guère; ils sont orientés plutôt vers la pratique. La communion et la liturgie attirent et absorbent presque leur attention. Ici, comme en toutes choses. Charlemagne est l’excitateur. Entre divers actes, il publie, à Aix-la-Chapelle, en 809, un capitulaire sur la réserve eucharistique en vue de la communion des malades, adultes et petits enfants, P. L., t. xcvn, col. 326, qui passa dans la plupart des recueils de décrets composés du ixc au xin* siècle. Cf. L. Andricux, Le viatique et rcxJrème-onction des enfants, dans la Revue pratique d'apologétique, 15 juil­ let 1911, p. 562-561. Il demande, en 812, ά l’épiscopat de l’empire une explication des cérémonies du bap­ tême; la dernière question du programme est la sui­ vante : cur [catechumenus] corpore cl sanguine domi­ nico confirmatur. Voir sa lettre à Odilbert de Milan et à Amalaire, P. L„ t. xcvm, col. 933; t. xeix, col. 892. La réponsb d’Arnon de Salzbourg. qui sortit vainqueur de cette sorte de concours, cf. 11. Zelssbcrg. Arno erster Erbisçhof von Salzburg, Vienne, p. 57. est perdue. Mais nous possédons un assez grand nombre de ces réponses, quelques-unes avec leur nom (l’auteur, les autres anonymes, cf. P. de Puniet. Dictionnaire d*archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1910, t. Il, col. 2613; toutes s’expliquent sur la question relative ù l'eucharistie, en particulier celles de Lcidrad de Lyon. c. ix. P. L., t. xcîx. col. 866867, et de Théodulphe d’Orléans, c. χνιπ, P. L„ t. cv, col. 239-210, plus détaillées et importantes. Surtout Charlemagne imprime à la reforme liturgique inaugurée par Pépin le Bref un élan tel que. longtemps encore après sa mort, il n’avait point faibli. Il n. pour le servir dans cette campagne, le concours de son auxiliaire habituel. Alcuin, dont le rôle litur­ gique < lui assure le premier rang parmi les hommes de son temps ». F. Cabrol. Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1901, t. i. col. 1073. Deux disciples d’Alcuin, ilélisachar et Amalaire. et les deux adversaires d’Amalairc, Agobard et Florus de Lyon, sans parler de Baban Maur, etc., complètent l’œuvre d’Alcuin. Cf. H. Netzer, L'introduction de la messe romaine en Prance sous les Carolingiens, c. iv, Les grands liturgisles du /X· siècle, Paris, 1910. p. 4971, et. dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1901, t. i, F. Cabrol sur Alcuin, col. 1072-1092; E. Dcbroisc sur Amalaire, col. 13231330, et sur Agobard, col. 971-979. Ils corrigent et composent, en partie, les divers livres liturgiques, spécialement le sacra men ta ire, et, avec un mérite inégal, étudient les offices ecclésiastiques, princi­ palement les cérémonies de la messe. On vit de l’eucharistie, cl. selon la remarque de J. Bach. Die Dogmengeschichle des Miltelalters, Vienne, 1871, t. î, p. 160, la doctrine des anciens théologiens n’est claire que pour celui qui ne l’oublie pas et a cons­ tamment devant les yeux la pratique liturgique de l Eglise dans l’oITrande du sacrifice eucharistique; ΙΛ est la base sur laquelle ils étayent leurs théories. Ces théories n’apparaîtront qu’un peu plus tard; dans les écrits qui se rattachent à l’influence de Char­ lemagne. non seulement la présence réelle est tou­ jours supposée, mais elle est souvent affirmée de façon expresse, et la transsubstantiation même est. sinon formulée d’une manière complète, du moins claire­ ment indiquée. Cf. les livres carolins, 1. II. c. xxvn, P. L„ t. xevin, col. 1093-1096; voir Cuiouss (Livres), t. n. col. 1797; Théodulphe d’Orléans, De ordine baptismi, c. χνιιι. P. L., t. cv, col. 210 : ut... panis et vinum in corporis et sanguinis Domini transeant di­ gnitatem; Alcuin, Epist., xlî, P. L., t. c. col. 203 : co tempore opportuno quo panem et vinum in substan­ tiam corporis et sanguinis Christi consecraveris; Episl., xc, coi. 289; surtout Confessio fidei, part. IV, c. !-vn, P. L., t. ci, coi. 1085-1092. d’une force d’expression remarquable (l’attribution ù Alcuin est fort dou­ teuse). L’auteur de la Confessio fidei ne sc borne pas ù ufllnner la présence réelle et ù dire, c. ni, col. 1088, (pie panis et vint creatura in sacramentum carnis et sanguinis ejus, ineffabili Spiritus sanctificatione, transfertur; il ajoute : Omnes manducant ex eo (le Christ), sed unusquisque totum manducat. Dividitur per partes, sed totus in partibus. Manducatus ab omni 1211 EUCHARISTIE DU IXe Λ LA FIN DU XI· SIÈCLE 1212 jtopulü. tonus d integer manet. Tutus in cælot lotus in ment enseigné, ainsi que le lui prèle Florus, que cordibus fidelium. Il y a, dans ce texte, tous les élé­ le Christ a trois corps, ou bien aurait-il simplement ments du problème qui passionna les esprits. La chair exposé — ainsi l’interprète doni H. Ceillier, His­ toire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Pa­ et le sang du Christ sont mystérieusement présents ris, 1752, t. xvtii, p. 571 — que, « outre le corps dans le sacrifice de la messe, le corps du Christ est tout entier dans le ciel, tout entier dans chaque hostie naturel de Jésus-Christ, on peut encore dire quel'Église consacrée et dans chacune de ses parcelles; tous ceux , militante est son corps, mais d’une autre manière, et que l'ÉglIse des morts, qui comprend ceux qui sont qui communient le reçoivent tout entier et, d’autre part, il demeure intact. Comment concilier ces choses? dans le ciel et ceux qui sont dans le purgatoire, fait La part faite au mystère, une question surgit : quelles , aussi partie du corps de Jésus-Christ? » Nous pensons sont les propriétés du corps eucharistique du Christ? que ni l'une ni l’autre de ces explications n'est satis­ Est-il étendu ou non? A-t-il un mode d’être corporel , faisante. Amalaire étudie le symbolisme de la messe. ou spirituel? Quels sont 1rs rapports entre le Christ Il arrive à la fraction de l'hostie. L’hostie était alors eucharistique et le Christ historique? Ce coqjs, qui brisée en trois parties : l’une était mise dans le calice, est présent sur des milliers d’autels, est-ce le même la deuxième servait à la communion du prêtre et des que le corps céleste du Christ, ou en diffère-t-il? fidèles présents au sacrifice, la troisième était réservée Un essai de solution, partiel et mal venu, existe sur l’autel pour les morts, c'est-à-dire comme viaticum dans le De ecclesiasticis affictis d’Amalairc (vers 823), morienlis, col. 1155. Voici le symbolisme d’Amalairc : I. 111. c. xxxv, P. L., I. cv, col. 1154-1155, qui dit : i la partie de l’hostie mise dans le calice représente le Tn/orme est corpus Christi, eorum scilicet qui gusta­ corps du Christ, saint et immaculé, né de la Vierge verunt mortem et mortui sunt. Primum videlicet, san­ Marie, ressuscité des morts; la partie qui sert à la ctum d immaculatum, quod assumptum est ex Maria communion du prêtre et du peuple chrétien représente Virgine; alterum, quod ambulat in terra; tertium, le corps du Christ, qui, par la communion, est dans les quoti jacet in sepulcris. Per particulam oblalæ (l’hostie vivants; la partie qui est réservée représente le corps de la messe) immissa* in calicem ostenditur Christi du Christ qui gil dans les sépulcres, c’est-à-dire qui corpus quod jam resurrexit a mortuis; per comestam est dans ceux qui ont communié et qui sont morts. a sacerdote vel a populo, ambulans adhuc super terram; En ce sens encore, dans son Eclogœ de officio missa:, per relidam in altari, jacens in sepulcris. Florus de P. L., t. cv, col. 1328, traitant de nouveau de tractione Lyon, dans sa lutte contre Amalaire, s’empara de ce oblaturum, U se demande pourquoi on ne met qu’une passage, et le fil condamner par le concile de Kicrsypartie de l’hostie dans le calice^ tandis que le corps du sur-Oisc (838). comme de spiritibus erroris et doctrinis Christ est ressuscité tout entier : c’est, répond-il, daemoniorum sumptum, Opuse.adversus Amatorium, II. parce que Jésus-Christ est en partie ressuscité et vi­ c. VI, P. L., t. cxix, coi. 83; il présente ainsi l’opinion vant au ciel cl en partie sur la terre, partim resurrec­ d’Amalairc : asserit... corpus Christi trijorme et tripar­ turum, partim jam vivit ut ultra non moriatur, partim titum, imo tria esse Christi corpora, c. v, col. 81. Cf. mortale est, et tamen in cælo. Par la communion, le Opusc., I. c. iv, col. 74. Le texte d’Amalairc sur le corps du Christ resterait donc dans le corps de ceux corpus trijorme du Christ cul une fortune étrange. Il qui l’ont reçu, morts et vivants, et serait à la fois dans passa dans divers écrits : le De institutione clericorum le ciel, ressuscité, et sur la terre, ayant à ressusciter, et de Haban Maur, I. I, addition au dernier chapitre, cela jusqu’à la fin du monde, quia usque in finem sicP. L., t. evil, col. 326; le Microtogus (probablement cuti corpora sanctorum quiescent in sepulcris, col. 1555. de Remold de Constance), c. xvn, P. L., t. cli, col. Paschase Badbcrt détournait son · frère et compa­ 988; le Liber de divinis officiis du pseudo-Alcuin, gnon d’armes » Frudcgarde de ces « inepties ·, et c. xxxix, P.L., t. a, col. 1216, etc. Dans ce dernier ramenait à ces tonnes la présence du corps du Christ ouvrage, la phrase sc trouve placée A la suite de dans le communiant, P. L., t. cxx, col. 1365-1366 : l’assertion que le pape Sergius établit l’usage de réciter Ne sequaris ineptias de tripartito Christi corpore, non I’Agnus Dei (cf. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, salem aut mcl in eo admisceas, quod quidam voluerunt, Paris, 1886, t. i, p. 381), de telle sorte qu'un lecteur nec aliud adjicias, ncc subtrahas, sed totum ut Christus peu attentif pouvait croire que celle phrase d’Ama­ instituit ita esse credas et intetligas, quatenus per hoc lairc est dans la bouche de Sergius. C’est sans doute ce ille in nobis concorporatus maneat, sicut d nos in illo qui a trompé Gratien; en tout cas, ce dernier trans­ per hominem Deum quem assumpsit..., et non secundum crivit cette phrase comme une réponse de Sergius, deliramenta quorumdam. Amalaire fut-Il ébranlé par dans la III· partie de son Décret, De consecratione, les critiques dirigées contre sa théorie? Toujours est-il dlst. Il, c. xxii. Une fois attribuée à un pape, elle que, dans une lettre, Epist., vi, ad Guntradum, P. L., attira l’attention de tous les théologiens. Citons, t. cv, col. 1338, il déclare que l'essentiel est de recevoir entre autres. Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XII, le corps du Seigneur avec une bonne intention, et qu’il P. L., t. cxai, col. 866; Innocent III, De sacro altaris n'a pas à débattre si, après la communion, ce corps mgderio, I. VI, c. ni, P. L., t. ccxvn, col. 907,et saint invisibiliter assumatur in calum,an reservetur in corpore Thomas d’Aquin, Sum. theol., 111», q. lxxiii, a. 5, nostro usque in diem sepulluræ (c’est son ancienne ad 8··. Seulement tous ces auteurs interprétèrent opinion, sauf qu’il ne s'agissait pas du jour de la celle prétendue décision pontificale d’une manière sépulture, mais de la fin des temps), aut exhaletur in orthodoxe.· Ils y virent Vindication des diets produits auras, aut excal de corpore cum sanguine, aut per par le corps de Jésus-Christ, au ciel, sur la terre et en poros emittatur, dicente Domino : omne quod intrat in purgatoire. » J.-M.-A. Vacant, Le sacrifice de ta messe os in ventrem vadit d in secessum emittitur. Cctte dans la tradition de I Église latine, dans L'université manière d'exposer la question, même en se refusant à catholique, Lyon, 1891, t. xvi, p. 368, note. Quel est le l'examiner, prouve qu'Amalaire n’a qu'une idée très sens véritable d’Amalairc? Disons, tout d’abord, imparfaite du mode d'être du Christ dans l’eucha­ que sa terminologie sc distingue de celle dont saint ristie. Mais il s’exprime correctement sur le fait de Augustin a found les éléments, qu’adoptent Paschase la présence réelle, De ecclesiasticis officiis, 1. III. c. xxv, Hadbcrt, Liber de corpore d sanguine Christi, c. vu, P. L., t. cv, col. 1141 : Hic credimus naturam sim­ P L., 1. cxx. col. 1284-1286, et. avec lui. de nombreux plicem panis d vini mixti verti in naturam rationabi auteurs, cl qui consiste à appeler < corps du Christ » et lem (c’est le mot du canon de la messe qu’il vient le corps né de Marie, et le corps eucharistique, et le de commenter), scilicet corporis el sanguinis Christi, corps mystique ou l’Église. Amalaire aurait-il vrai­ et Episl., iv, ad Rantgarium episcopum, col. 1334-1335. 1213 EUCHARISTIE DU IX· Λ LA FIN DU XI* SIÈCLE Amalaire était allé étudier à Corbie, en 827, des manuscrits de liturgie romaine. S’entretint-il avec Paschase Hadbcrt, moine de cette abbaye, de son opinion sur le corps eucharistique du Christ? On l'ignore, et on ne sait pas s’il fut pour quelque chose dans la composition par Paschase du De corpore et sanguine Domini. Ce traité, écrit en 831 cl rendu public en 8*11, marque une grande date dans l'histoire du sacrement de l'eucharistie. C’est la première mono­ graphie scient Nique qui lui ait été consacrée. D'une Importance considérable par lui-même, il le fut encore par la controverse qu’il déchaîna. Nous nous contenterons d'esquisser les grandes lignes de cette controverse et la suite des faits, renvoyant, pour un exposé complet du rôle et des idées des principaux écrivains qui intervinrent, aux articles qui les con­ cernent dans ce Dictionnaire. La nouveauté de Paschase est d'affirmer comme une thèse fondamentale ce qui a été indiqué d’un mot et comme en passant par quelques Pères, à savoir, l’identité du coqjs historique et du corps eucharis­ tique du Christ, sans laquelle le corps eucharistique ne serait qu’une ombre cl une vaine figure de l’autre; du reste, réellement présent, le corps de Jésus dans l’eucharistie ne doit pas être entendu à la façon cophamaltiquc, il n’a point le meme mode d’etre que le corps historique, il a une présence spirituelle, cl l'eucharistie est à la fois vérité et ligure, vérité puis­ qu’elle contient réellement le corps cl le sang du Christ, figure puisqu'elle rappelle l'immolation de la croix, figure dans tout ce qui exterius sentitur, vérité dans ce qui interius recte intelligitur aut creditur. Cf. c. i, n. 2; c. iv, n. 1-2; c. vu, n. 2, P. L., t. cxx, col. 1269, 12771278, 1279, 1285, etc. Reste à expliquer comment le corps historique du Christ demeure identique ù luimême en cessant d’être étendu et palpable, comment il est ensemble corps véritable et spirituel; reste à expliquer la conversion elle-même, r· ce que devient le pain dont les apparences demeurent. Tout cela requiert une métaphysique surnaturelle de l’cucharistic, qui sera l’œuvre des grands docteurs du χπ· et du xiii· siècle, et que saint Thomas poussera ù sa per­ fection. Paschase n'y atteint pas, mais, s'il ne la formule pas tout entière, « reconnaissons que Paschase est plus près de la formuler que personne ne l’a jamais été. » P. Batiffol, Éludes d'histoire et de théologie posi­ tive, 2· série, L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, 3e édit., Paris, 1906, p. 361. Paschase Radbert avait dédié le De corpore et san­ guine Domini ù Charles le Chauve. S’il faut en croire Bérenger de Tours, Epist. ad Richardum, dans d’Achcry. Spicilegium, Paris. 1657, t. n, p. 510, à la demande de Charles le Chauve, Jean Scot Ériugène écrivit sur l’eucharistie. Sachant, par ailleurs, que ce fut sur l'ordre de Charles le Chauve que Ratramnc composa son De corpore et sanguine Domini, on a conclu que le traité de Paschase occasionna une con­ sultation de Charles le Chauve, d’où provinrent les traités de Jean Scot et de Ratramnc. Celte manière de voir n'a pas rallié tous les suffrages; des critiques ont pensé qu’il n’y eut pas un traité de Jean Scot Ériu­ gène distinct de celui de Ratramnc. Très probable­ ment Ériugène a traité de l'eucharistie dans un ouvrage qui ne se confond pas avec celui qui nous est parvenu sous le nom de Ratramnc, ou dans les parties perdues de ses commentaires sur le pseudo-Aivopaglte ou sur saint Jean, après 851 et avant 860. txss doc­ trines eucharistiques de Jean Scot diffèrent de l’ensei­ gnement de Paschase. Il n’est pas certain qu'il ait nié la présence réelle; il se servit au moins d'expressions ambiguës et dangereuses. Adrevnld de Fleury écrivit contre les · inepties · eucharistiques de Jean Scot. Voir Éiua&NE, t. v, col. 105-106. Cf. R. Heurtcvcnt, 1214 Durand de Troarn et les origines de T he rés te bêren· gariennr, Paris, 1912, Appendice 1, p. 253-285. C i si vers 859 que Ratramnc, moine de Corbie, écrivit le De corpore et sanguine Domini. Il y traite deux questions, (pii sont les suivantes. Tout est-il à dé­ couvert dans l'eucharistie, en telle sorte que les yeux voient tout ce qui s'y passe, sans aucune figure et sans aucun voile, ou y a-t-il quelque chose de secret qui n'est découvert qu'aux yeux de la foi? Le corps du Christ que l'on reçoit dans l'eucharistie est-il le meme qui est né de Marie, qui a souflert, est mort, a été ense­ veli, est ressuscité, est monté aux deux, est assis à la droite du Père, c. v, P. L.. t. cxxi, col. 129-1307 Il résume la réponse à la première question en disant, c. xi.ix, col. 147, que corpus et sanguis Christi, quæ fidelium ore in Ecclesia percipiuntur, figuræ sunl secundum speciem visibilem, at vero, secundum invi­ sibilem substantiam, id est, divini potentiam Verbi, vere corpus et sanguis Christi existant. A travers des gaucheries d’expression et des formules qu’il n’a pas réussi ù dégager de toute équivoque, Ratramne affirme la présence réelle. Le problème qu’il discute n’est pas de savoir s'il faut l'accepter, si l'eucharistie est réalité ou figure, mais si, étant réalité, elle est encore figure. En cela, au fond, il s'accorde avec Paschase Radbert, qui s’exprime mieux que lui. Cf. Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes, L IV, n. 32, Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 1863, t. xiv, p. 167-168; Loofs, Realencyklopâdie, 3· édit., 1896, t. i.p. 61. Mais, à la différence de Paschase.il n’admet pas l'identité du corps eucharistique du Christ et de son corps historique, et manifestement c'est Pas­ chase qu’il combat, quoiqu'il ne prononce pas son nom. Toutefois, le conflit est plus dans les mots que dans les idées. Le corps historique du Christ était visible, palpable, le corps eucharistique est invisible, impalpable, spirituel, donc ce n'est pas le même corps, dit Ratramnc. Le corps eucharistique est identique nu corps historique, dit Paschase, mais avec un mode d'être différent. Nihil igitur hic corporaliter sed spiriluahter sentiendum. dit Ratramne, c. lx. col. 152 : corpus Christi est, sed non corporaliter, et sanguis Christi est, sed non corporaliter. Et Paschase, c. x. n. 1, P. L., t. cxx, col. 1305, 1306 : Quatenus totum spiri­ taliter intclligcre mens satageret ubi ni hit carnale sen­ tire licet... Totum spiritale est quod comedimus. Lc fond du traité de Ratramne est exact, mais la forme est défectueuse. Il retarde considérablement sur Paschase Radbert. Un passage, c. uv, P. L., t. cxxi, col. 148-119, semble même, à première vue, présenter la conversion opérée par les paroles de la consécra­ tion comme ne portant pas sur la substance du pain et du vin, qui resterait immobile : nam. secundum creaturarum substantiam, quod /uerunt ante conse­ crationem. hoc d postea consistunt. Mais le mot sub­ stance n’a point 1Λ le sens que lui donna la scolastique d’après Aristote;dans ce texte,ainsi que dans d’autres textes où l’on a cru voir que Ratramne tiendrait pour la permanence de la substance du pain et du vin après la consécration, c. ix, xn, xiv, col. 131, 132, 133, Ratramne parait entendre que, pour les sens, le pain et le vin demeurent après la consécration ce qu’ils étaient avant elle. Cf. les notes de l’éditeur de Ratramne, Jacques Boileau. P. L., t. cxxi.col. 131-134, 117-119, et remarquer, col. 133. les mots : secun­ dum speciem namque creatura* [ormamque rerum visi­ bilium, et tout le contexte, qui spécifie que l’ab­ sence de changement dans le pain et le vin n’existe que pour les sens, cl, comme le dit encore Ratramne, col. 131, que parus qui per sacerdotis ministerium Christi corpus conficitur aliud exterius humanis sensibus ostendit et aliud interius fidelium mentibus clamat. Pas plus que Ratramnc, Haban ^oMr n’admit 1215 EUCHARISTIE DU IXe Λ LA FIN DU XI· SIÈCLE l’identité du corps historique cl du corps eucharistique du Christ. Il attaqua la doctrine de Paschasc ad be rt dans un traité sous tonne de lettre ù Égil, abbé de Prum (vers 854). Le point en litige n’était toujours pas la présence réelle; Haban la professait, et il croyait À la conversion du pain au corps du Christ. Cf. Liber de sacris ordinibus, c. xix. P. L., I. cxn. col. 1185; Episl., ni, ad Egilcm Prumiensem abbatem. c. i, in, iv, P. L., t. cxn, col. 1512, 1514. Mais ce n’est pas penser sainement, rite, disait-il. (pie de prétendre que le corps du Christ dans l'eucharistie est le même corps qui est né de Marie. Picnitcnliale, c. xxxiii, P. L., t. ex, col. 493; Episl. ad Egilcm, c. ii, P. L., L cxn. col. 1513. Conflit plus apparent que reel, puisque Haban déclarait que le corps eucharisti­ que cl le corps historique ne sont pas deux corps differents naturaliter, mais seulement specialiter, c. ni. col. 1513; Sane sciendum est nobis omnino, concluait-il. c. vu. col. 1517, quod, licet aliud specialiter corpus Christi, unde superius dixi, quod sedet ad dexteram Dei. et aliud specialiter istud quod divinitus creatur et con­ secratur quotidie novum, simul tamen non duo sunt (quod absit) corpora, sed unum. Cf. l’auteur anonyme du fragment public par Mabillon, Acta ordinis sancti Benedicti, sæc. iv. part. Il, Paris, 1680, t. vi, p. 596. Avec une terminologie autre, Paschasc Hadbert avait enseigné la même chose. Haban prête, en outre, A Paschasc cette opinion que quoties toto terra­ rum orbe missarum sotemnia celebrantur toties Domi­ num nostrum pati pnedicat, c. vi. coi. 1516. C’est une conséquence qu’il tire de la théorie de Paschasc mal comprise; elle n’appartient aucunement A Paschasc. Ajoutons que Haban, interrogé par Héribald, évêque d’Auxerre, utrum eucharistia, postquam consumitur, et in secessum emittitur more aliorum ciborum, iterum redeat in naturam pristinam quam habuerat antequam in altari consecraretur, Picnilenliate, c. xxxnt, /’. L., I. cx, coi. 492, fit une réponse que Mabillon, op. cit., p. xxxvii, qualifie justement de non parurn ambigua, el que nous retrouverons plus loin. D'autres écrivains s’approchèrent de la ligne de Ratramne et de Haban Maur, admettant la présence réelle, mais plus frappés de l’aspect spirituel et figu­ ratif de l'eucharistie que de son caractère de réalité, plus · symbolistes » que « réalistes », et ne niant pas ou même insinuant la transsubstantiation, mais s’expli­ quant peu, ou avec maladresse, sur elle. Tel fut Florus de Lyon, De expositione missor, c. ιι-ιπ, lx-lxiv (J. Bach, Die Dogmengeschichte des Mittclaltcrs, t. i, p. 203-206, 207-211, cite des passages d’un manu­ scrit, dont il désigne l’auteur, p. xiv, sous le nom d’ano­ nyme de Saint-Biaise; il n’a pas vu que c’est le De expositione missor de Florus), Opusc. adversus A mala­ rium, I. c. ix ; Opusc., II, c. vu, P. L., t. exix, col. 16-17, 52-36, 77-78, 83-88. Cf. dom H. Celllier, Histoire gêné- I rate des auteurs sacrés et ecclésiastiques, l. xix, p. 7-9. Tel encore Christian Druthmar, moine d'abord à Cor­ bie, puis (vers le milieu du ix· siècle) à Stavelot ; il y écrivit une Expositio in Matlhauim, dont le commen­ taire de l'institution de reucharistie, P. L., t. evi, col. 1176-1477, s’il peut recevoir < un sens très catho­ lique », comme s'applique à le démontrer dom Celllier, L xviii, p. 690-692,est d'un symbolisme aigu. Tel Walafnd Slr.ibon (| 849), De ecclesiasticarum rerum exordiis et incrementis, c. χνι-χνιι, P. L., I. αν, col. 936-937. Ces écrivains, expliquant dans un but pratique la liturge et 1 Écriture, appuient moins sur la réalité de la présence eucharistique du Clirist que sur le côté spir tuel et éthique du sacrement, sur les rapports avec li vie religieuse des fidèles;Ils symbolisent volontiers, mais sans tomber dans les extrêmes du symbolisme calviniste. 'outefois, l'influence de Ratramne ne fut ni exclu- . 1216 sive ni prédominante. De nombreux écrivains se ran­ gèrent à la suite de Paschasc Radbvrt. Cf. Mabillon, Acta ordinis sancti Benedicti, t. vi, p. xvn-xix. Le plus illustre fut Hincmar (f 882), Dr praedestinatione disser­ tatio posterior, c. xxxi; Explanatio in ferculum Salo­ monis (/n prose) cl Ferculum Salomonis (en vers); De cavendis vitiis cl virtutibus exercendis, c. νιιι-χ, P. L., I. crxv, col. 296. 827, 1202, 91 1-930. Le plus explicite, relui qui cul « les expressions les plus poussées du dogme de la transsubstantiation, moins le mot luimême, » dit P. Batiffol, Nouvelles études documentaires sur reucharistie, dans la Revue du clergé français, Paris, 1909. t. i.x, p. 510, fut lïaymon d'Albcrstadt (f 853), disciple d’Alcuin et ami de Haban Maur, Expositio in Episl. I ad Corinthios, c. x-xi, P. L., t. cxvn, col. 561, 569-575, surtout Dr carporc et sanguine Domini, P. L,, t. cxvin, col. 815-818. Sur l’authenticité de ccs écrits (le commentaire de saint Paul a été parfois attribué ù Rend de Heims, ou à Rend de Lyon, ou à Iterni d’Auxerre, cl, d'après une conjecture plus récente, ccs textes eucharistiques auraient été interpoles ou seraient l’œuvre d’Haymon, abbé d’Hirschau, 1091), cl. S. M. Deutsch, Realencijklopddic, 1899, l. vu, p. 348; P. BatifTol. Revue du clergé français. I. lx. p. 510, note. b) Au Xe siècle, — L'impulsion que le ix* siècle avait donnée aux éludes eucharistiques reste agissante au siècle suivant. Cependant, les écrivains sont infé­ rieurs en nombre et en mérite; ils n’ajoutent pas grand*chose aux travaux de leurs prédécesseurs. L'écrit principal est le De corpore cl sanguine Domini, dont l’auteur fut appelé jadis l’anonyme de Cellot, parce que son premier éditeur avait été le jésuite Cellot, qui le publia comme l’ouvrage d’un anonyme dans l’appendice de ΓHistoria Goltcschatci, Paris. 1655. Mabillon, Acta ordinis sancti Benedicti, t. vi, p. xxttxxiii, revendiqua la paternité de < et écrit pour I Icrigcr, abbé de Lobbcs (f 1007). B. Pcz, Thésaurus anccdotorum novissimus, Augsbourg, 1721, t. i b, col. 131, l’attribua ù Gerberl (Silvestre II, f 1003), sous le nom duquel il figure, P. L., t. cxxxix. I.es avis des savants se sont divisés entre Ilériger et Gerberl. Cf. 11. I lurter, Nomenclator literarius theologia: catholiccc, 3® édit., Inspruck. 1903,1.1, col. 912, 961. Une tentative d’attri­ bution à Jean Scot Érigènc n’a pas eu de succès. Na­ guère, dom G. Morin soumettait la question A un nouvel examen, Revue bénédictine, Marcdsous, 1908, I. xxv, p. 1-18, et concluait d'une manière, semble-t-il, défini­ tive pour Ilériger. Cf. B. Heurtcvcnt, op. cil., p. 255266. Deux points sont traités dans le De corpore cl sanguine Dominicelui de l’identité du corps eucharis­ tique et du corps historique du Christ, cl celui du stcrcoranîsme. L’auteur rejette avec indignation le stcrconmismc. Quant ù l’ident ité du corps cucharist i. non pas d’hérétiques ré­ cents, mais des millénaristes, en revanche, dans son (souvent sous le nom de Bertram), Jean Scot Ériugène. Ruban Maur, Héribald d’Auxerre, Prudence de Expositio in Matthirum, L XII, c. xxvi, P. L., t. cxx. Troyes, Florus de Lyon, Servat Loup de Ferrières, col. 890. Paschase parle de < certains > qui disent Walafrid Strabon, Christian Dntthmar, Rend non in re esse veritatem camis Christi vel sanguinis, d’Auxerre, etc.; il y a plus, un moment ils avaient sed in sacramento virtutem carnis et non carnem, entrepris de s’annexer Paschase lui-même. Or, il est virtutem sanguinis et non sanguinem, figuram et non vrai qu’on peut constater, au ix* siècle, l’existence de veritatem, umbram et non corpus, Cf. encore Paschase, deux courants, dont l’un peut être appelé réaliste et Epist, ad Erudegardum, P, L.. t. cxx, coi. 1351. 1352, l’autre symboliste, mais à la condition de ne pas 1356-1357,1361,et Confessio fidei attribuée Λ Alcuin, prendre ces mots dans un sens rigoureux et exclusif, part. IV, c. v, P. L,, t. et, col. 1089. Les novations, et de se rappeler que ces deux courants, qui partent, auxquels Mabillon avait d’abord songé. Acta san­ l’un, et c’est le symbolisme, de saint Augustin, l’autre, ctorum ordinis sancti Benedicti, sæc. iv, part. 11, t. vi, le réalisme, de saint Ambroise, sont < distincts ·, mais p. xin-xiv, ne semblent pas visés dans ces textes; < non point contraires ·. qu'ils se sont entrecroises un ceux qu’ils concernent, ce sont bien plutôt, d’après peu partout le long des siècles, cf. P. Batiilol, L'eucha­ une hypothèse que Mabillon préfère, les catholiques, ristie, la présence réelle et la transsubstantiation, p. 339, qui hæresim mente facile concipiunt tametsi eam verbis 341. et qu’ils sc rencontrent fréquemment au temps de non disseminent,p. χιν, semblables Λ ce saint vieillard, Paschase Radbert et tou* d'abord dans les écrits de « admirable en scs actions, mais simple en sa fol. * dont Paschase. « L’hérésie d’aujourd bui. a dit Pascal, les Vies des Pères du désert, reproduites par Paschase, Pensées, ne concevant pas que ce sacrement (l'euchALiber de cnrpore cl sanguine Domini, c. χιν, η. I, P, L., rlslle) contient tout ensemble et la presence de Jésust. cxx. col. 1318, racontent que, par ignorance, il Christ et sa figure, et qu'il soit sacrifice et commé­ disait non esse naturale corpus Christi panem istum moration de sacrifice, croit qu’on ne peut pas admettre quem sumimus sed figuram ejus esse, ou semblables à l’une de ces vérités sans exclure l’autre. · Les écrivains ces esprits qui Jugent trop charnellement de l’eucha­ du ixe siècle admettaient l’une et l'autre vérité, mats ristie et que dénonçait Fulbert de Chartres, à ces chacun, selon les circonstances ou sa tournure d’esprit, clercs du temps de saint Odon, archevêque de Cantor­ donnait son attention ù l'une plutôt qu’à l’autre. En ce béry (f 958), dont le biographe du saint, Osbcm sens, ils se partagent en symbolistes et réalistes. (f vers 1100), rapporte, Vita sancti Odonis, c. x, Quant à vouloir les classer en symbolistes et en réa­ P, L„ t. cxxxm, col. 939, que, maligno errore seducti, listes. comme si les réalistes affirmaient la présence asseverare conabantur panem et vinum qua* in altari réelle qui serait niée par les symbolistes, c’est une ponuntur post consecrationem in priori substantia per­ tent alive condamnée par l'histoire. On n pu s’y manere, et figuram tantummodo esse corporis et san- 9 1223 EUCHARISTIE DU IXe A LA FIN DU XIe SIÈCLE 1224 tromper tant qu'on n'a pas pris garde que la tenniaux sens, succèdent au terminus a quo. » Paschase est nolope sacrament .tin* n était pas fixée au ix* siècle, moins heureux quand il définit l'opération par laquelle que la signification des termes sacramentum, veritas, le corps succède au pain, le sjuig au vin; il l'appelle figura, res, vicias, natura, spiritus, species, substan­ une création, Liber de corpore et sanguine Domini, tia, de., n’était ni toujours ce quelle est aujourd’hui c. xv, ri. 1, P.L., t. exx, col. 1321, et cc mot impru­ ni constamment identique citez les écrivains de la dent sera repris par Ruban Maur, Epist., m, ad renaissance carolingienne. Une étude approfondie de Egilem Prumiensem abbatem, c. i, P. L., t. exir, la question a fait la lumière. Il est acquis maintenant col. 1512, 1517, rir Adelman de Liège, De ettehaque, a l'exception peut-être de Jean Scot Ériugènc, cistiæ sacramento ad Bercnyarium epistola, P. L., les écrivains du ix· siècle s’accordent dans la foi à la t. cxliii, col. 1293, par Ascelin le Breton, Epist. ad présence réelle. Aussi n’est-ce qu improprement qu'on Bcrcngariam, P. L., t. cl, col. 67, etc. « En outre, on place aux ix· et x· siècles la première controverse eu­ ne comprend pas que cc corps spirituel, rendu pré­ charistique» et au xi« siècle la seconde; la véritable sent sous le voile des apparences du pain, soit numé­ bataille, ce que les Allemands nomment Abendm-ddriquement identique au corps glorieux du Christ, et streit, éclate, pour la première fois, avec Bérenger. identique à lui-même en toutes les hosties. 11 faudrait Cf. F.Kntlenbusch, Realcncyklopâdie, 1908, t. xx, p. 60. que Paschase ait la notion de la présence substan­ Le corps eucharistique du Christ est à la fois iden­ tielle, c'est-à-dire une théorie métaphysique de la con­ tique à son corps historique et différent dans son mode stitution des corps, qui résolve métaphysiquement d’être. En appuyant sur l’identité, Paschase Rad­ le problème de la multilocation du corps glorieux et de ix rt sauvegarde mieux la présence réelle que Ra- l’identité du corps glorieux ou historique et du coqis tnimnc cl ceux qui, avec lui, insistent sur la diffé­ eucharistique, en faisant de l'étendue un accident : rence. L’erreur de Bérenger vient de ce qu'il n’a vu mais celte métaphysique manque à Paschase et à scs que la différence. Il l'a vue si exclusivement qu’il n’a contemporains. > P. Batiffol, L*eucharistie, la présence pas réussi à entrer dans la pensée de Lanfranc et de réelle et la transsubstantiation, p. 359, 365, 366-367. Paschase, je ne dis pas pour l'adopter, mais même Paschase est suivi et amélioré par Haymon d'IIalpour la comprendre. Il part en guerre contre Pas­ berstadt. Au xi· siècle, nouveaux progrès. Guitmond chase et Lanfranc» en supposant que, d'après eux, d’Avcrsa, en particulier, apporte de telles précisions le coq>s historique au Christ serait divisé en autant que, sauf le mot qui ne tardera guère, VExpositio de parcelles, portiuncula carnis Domini, qu’il y eut ou canonis missæ qui le renferme, P. L., I. cxlv, col. 883, qu'il y aura <1 hosties consacrées, et que ce corps, est attribuée faussement à saint Pierre Damien, ainsi démembré presque à l’infini et gardant son cf. J. de Ghcllinck, A propos du premier emploi du mot mode d’être» serait consommé par les communions transsubstantiation, I, dans Recherches de science reli­ successives. H. Reuter, Gcschichte der rcligioscn Au/gieuse, Paris, 1911, t. n, p. 466-169, il formule tout ktàrung un Mittelaltcr, Berlin, 1875, t. i, p. 287, le dogme de la transsubstantiation. Cf. Loofs, Real· note 12, relève une douzaine de textes de Bérenger cncyklopâdie, 1896, 1.1, p. 64 ; F. Kattcnbusch, Rcalensur cette prétendue portiuncula carnis Domini. Que cyklopâdic, 1908, L. xx, p. 61. Voir Eucharishe au le même corps, present au ciel dans son être matériel xn° siècle en Occident, coL 1233. En attendant le et physique, soit présent dans les hosties consacrées mot < transsubstantiation », nous avons, dans Guitmond selon un mode d’être spirituel, cette idée ne semble encore, le mot impanatio, I. ΙΙΙ, col. 1490; cf. col. 1430, pas même un instant efileurerson esprit. Le résultat, 1469, 1482, 1488. Et, en attendant la définition du c’est que, malgré des efforts pour maintenir la pré­ 1V° concile œcuménique de Latran, qui contiendra le sence réelle, Bérenger s’exprime sur elle d’une ma­ mot « transsubstantiation », le concile non œcuménique nière confuse, et, finalement, à travers toutes sortes de Latran de 1079 exige de Bérenger une profession de dt contradictions, l’ébranle, s'il ne la rejette pas tout foi qui renferme la doctrine de la transsubstantiation. simplement. 3° L'eucharistie après la consécration. — Une fois 2® La transsubstantiation. — Quoiqu'il n’ait pas établies la présence réelle et la transsubstantiation, évité les expressions équivoques, Ratramne ne semble plus d’une question restait à éclaircir. Que devient pas pouvoir être rangé parmi les adversaires de la l'eucharistie après la consécration, après la commu­ transsubstantiation. Iz;s centuriat cnrs de Mngde- nion? Que deviennent le corps cl le sang du Christ? bourg écrivent même, Centur., IX, c. iv, De doctrina : Que deviennent les saintes espèces? Sur ces points-là, transsubstanlialionis semina habet Ratcommis. Quant et sur tous les problèmes connexes, la pensée des écri­ à Bérenger, quelle qu’ait été son opinion sur la pré­ vains du ix· à la fin du xi® siècle est moins sûre que sence réelle, il n’a sûrement pas admis la transsub­ sur les précédents; elle hésite, elle s’embrouille, elle stantiation. Des deux classes de ses disciples, pendant tombe souvent dans de vraies puérilités, et elle que l’une ne voulait pas la presence réelle, l’autre la n’échappe pas toujours à l’erreur. Conservait, mais à la transsubstantiation elle substi­ Que devient le corps du Christ? On se rappelle tuait l’impanation, conformément, disait-elle, à la l’altitude d’Amalairc en présence des solutions qu’il pensée intime du maître. La négation bércngarivnnc entrevoit : après la communion, le corps du Christ poussa les écrivains orthodoxes à un travail scienti­ remonte au ciel, ou il reste dans le corps du commu­ fique diligent qui perfectionna l’exposé thcolcgiquc niant» ou il s’exhale dans les airs, ou il sort du corps du dogme. Déjà Paschase Radbert l'avait fait pro­ avec le sang, ou, entraîné dans le courant de la di­ gresser. Son enseignement sur l’identité du corps eu­ gestion, il est sujet aux mêmes vicissitudes que les charistique et du corps historique du Christ conduit à aliments et in secessum emittitur. A l’extrême opposé préciser la nature de la conversion substantielle pro­ du nominalisme eucharistique, pour lequel il n’y a duite par la consécration, « à en distinguer nettement dans l'hostie consacrée que la figure du corps lu le terminus a quo, le terminus ad quem, et, par suite, Christ, il y eut donc une sorte d’ultraréalismc et, h moyen terme... Le terminus a quo, c’est-à-dire le comme on l'appela au XIe siècle, de stcrcoranismc, pain cl lr vin, dans cc que Paschase appelle leur réa­ qui apparat au moins comme possible. Faut-il aller lité ou substance, et qui manifestement se distingue plus loin et croire qu’il eut des partisans avoués? La drs lors de leurs apparences sensibles, cessent d’être; chose demande examen. On a eu tort de compter Amalaire parmi scs tenants; dans la lettre ad Guntraet le terminus ad quem, c’est-à-dire le corps et le sang dum, Il ne veut pas discuter les opinions diverses qu’il du Christ, dans ce que Paschase appelle un mode spi­ rituel d'être, un mode cxtraspatial et insaisissable I énumère, et ailleurs il se déclare pour la j - ; 1225 EUCHARISTIE DU IX· A LA FIN DU XI· SIfcCLE du corps du Christ dans le corps des communiants» . Si quelqu’un a soutenu le stercoranisme au ix· siècle, il semble bien que c'est Héribald d'Auxerre qui posa à Haban Maur la question (pic nous avons vue, et que c’est Haban dans la réponse qu'il lui adressa. L'ano­ nyme de Ce! lot, c’est-à-dire très probablement Hériger de Lobbes, De corpore et sanguine Domini, c. i, P. L., t. cxxxix, col. 179, les stigmatise l’un et l’autre en ces termes : His qui dixerunt secessui obnoxium (quod | nunquam est auditum}, id est, Hcribaldo Antisiodorensi, qui turpiter proposuit, et Rabano Mogontino, qui tur­ pius assumpsit, turpissime vero conclusit, suus ad res­ pondendum locus servetur. Mais Mabillon a présenté une défense ingénieuse cl plausible de Haban cl meme d’Héribald, Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, sæc. iv, part. Il, t. vi, p. xxvh-xliii; la question d’Héribald : utrum eucharistia, postquam consumitur, et in secessum emittitur more aliorum ciborum, iterum redeat in naturam pristinam quam habuerat antequam in altari consecraretur, concernerait non le corps du Christ, mais les espèces du pain et du vin. Cf. encore j L.-El lies Dupin, Histoire des controverses et des ma­ tières ecclésiastiques traitées dans le ix* siècle, nouv.édit., Paris, 1721, p. 249. S’il en est ainsi, nous n’avons pas ! à citer un seul écrivain du ix· siècle qui ail défendu le stercoranisme. Toutefois, cc matérialisme grossier préoccupe les esprits, puisque Ratramne « entend en prendre la contre-partie, quand il affirme avec force que le corps eucharistique est chose spirituelle, et donc nihil corporeum, nihil corruptibile, · P. Batiffol, L*eucharistie, la présence réelle et la transsubstan­ tiation, p. 358, puisque Paschase Radbert, Liber de corpore cl sanguine Domini, c. xx, n. 1, 3, P. L., t. exx, col. 1330, 1331, le réfute — à propos, il est vrai, d’un apocryphe — et que Haban Maur en traite avec Héribald. Un anonyme, dont nous ignorons s’il vécut au ixeou aux® siècle (il est antérieur à Hériger. qui le cite), dans un traité sur l’eucharistie qui a été publié pard'Achcry, Spicilegium, Paris, 1G75, t. xn, p. 39-42, sous le titre de Responsio cujusdam de corpore et san­ guine Domini, combat, lui aussi, directement le sterco­ ranisme. Hériger, à son tour, le repousse avec énergie, De corpore et sanguine Domini,c, i, ix, P. L., t. cxxxix, col. 179, 187-188; il s’en prend à scs adeptes, mais alors que, pour le passé, il désigne Héribald et Raban Maur, dans le présent il n’indique pas des noms. Au xi· siècle, nous avons une lettre du cardinal Hum­ bert à Eusèbe Brunon, évêque d’Angers — il pas­ sait pour le protecteur de Bérenger — publiée par K. Francke, dans Nettes A relui» der Gcsellscha/t /tir altère deutschc Gcschichlskundc, Hanovre, 1882, t. vu, p. G14-615, et par P.-P. Brucker, L* Alsace et Γ Église au temps du papesaint Léon IX, Strasbourg-Paris, 1889, t. π, p. 393-395, dans laquelle il lui dit : si enim peu- I denier advertisses quod Dominus, qui (e ecclesia: tux prx/ecit, non per sophistas seu aristotclicos sed per simplices et idiotas Ecclesiam suam per omnes gentes /undaverit et diffuderit, non tot et tantos motus,.. exci­ tasses, nec cum Berengero tuo (ah ! pudet) slcrcoranista dici et aqnominari, sicut Franci genarum scripta qutc ad nos pervenerunt edocent, meruisses. Le même cardi­ nal, dans sa virulento Responsio sive contradictio contre Nicetas Peet oratus, c. χχιι, P, L., l. ex un, cnl. 993. écrit : sed, o perfide stcrconanista, qui putas fi­ deli participatione corporis et sanguinis Domini quadra­ gesimal ia atque ecclesiastica dissolu! /e/unia, omnino credens cxlcstcm escam vclut terrenam per aqualiculi /elidam et sordidam egestionem in secessum dimitti. Cf., sur le stercoranisme des grecs, \lgcr de Liège, De sacramentis corporis et sanguinis dominici, I. II. c. i, P, L,, t. clxxx, coi. 810. qui dépend d’Humbert. Le mot ■ stercoranisme » a fait son entrée dans l’histoire. Cf. aussi Durand de Troam, Liber de corpore et san­ 1226 guine Christi, c. ni, P. L., t. aux, col. 1382. Mais, quoi qu'il futile penser de ces écrits de Français parve­ nus au cardinal et racontant que Bérenger et son ami Eusèbe Brunon étaient appelés stcrcoranistcs, on ne voit pas comment cette ap|>ellation pourrait conve­ nir à l’hérésiarque, lequel professait exactement le contraire du stercoranisme et objectait à ses contradic­ teurs que leur croyance conduisait au stercoranisme. Cf. Guitmond, De corporis et sanguinis Christi veritate in eucharistia, I. H, P. L., L exux, col. 1150-1453. L’épithète ne s’applique pas davantage à Nicetas Pec­ toral us. comme on s’en aperçoit en lisant le Libellus contra latinos, c. xi-xiv, P. G., t. exx, col. 1017-1019, qui motive la réponse d’Humbert. Il ne dit pas que la communion rompt le Jeûne, mais que l’ancienne règle est de ne pas célébrer la messe pendant le carême, le dimanche et le samedi exceptés; ces deux jours, il est prescrit de célébrer à tierce et ensuite on prend de la nourriture, le jeûne n'étant pas compatible avec l’allégresse du samedi et du dimanche, tandis que, les autres jours de la semaine, on reste à jeun jusqu’apres la messe des présanctiflés, qui est fixée à none. Cc qu’il reproche aux latins, c’est non pas de rompre le jeûne par la réception de l’eucharistie, mais de communier à la troisième heure et de rompre le jeûne ensuite, au lieu d’attendre, pour Je rompre, la neuvième heure, c’est de faire tous les jours cc que les grecs ne font que le samedi et le dimanche. Il est plus ou moins exacte­ ment renseigné sur l’usage des latins en matière de jeûne; il ne professe pas le stercoranisme. Cf. Mabillon, Acta ordinis sancti Ben'didi, sæc. iv. part. II, t. vi, р. xxxiv-xxxv. Le stercoranisme exista donc à l’état de péril inquiétant la conscience catholique, de pro­ blème qui se posait avec une sorte d'obsession, peutêtre même fut-il admis franchement par des catho­ liques à l’esprit épais; il n’est pas un écrivain dont on puisse dire avec certitude qu’il l’enseigna. Le stercoranisme exclu, la question du devenir du corps du Christ après la communion reçut les solu­ tions suivantes. Wolphehue de Brauweiler, Epist. de sacramento eucharistiae contra errores Berengarii, P. L·, t. cuv. col. 414, dit simplement : post expletam more catholico communionem, sanum et incolume, vivum et integrum se recipit ad Patrem. Paschase Radbert in­ sista sur l'union entre la chair du Christ et la chair du communiant. Liber de corpore et sanguine Domini, с. xvin-x x; Epist. ad Frudegardum, P. L·, t. exx, col. 1325-1329, 1364-1366. Hériger, De corpore et san­ guine Domini, c. ix, P. L., t. cxxxix, col. 188, dit à son tour, dans un très beau langage qui n’est guère que la reproduction ipsis terminis du texte de Pas­ chase : Quia vero credimus non solum animam Sfd et carnem nostram hoc mysterio recreari.,,, carni quidem caro spiritualiler conviscerato transformatur, ut et Chri­ sti substantia in nostra carne inveniatur, sicut ei ipse nostram in suam constat assumpsisse deitatem. Ll qui manducat ejus carnem et bibit sanguinem vivat per ani­ mam et nunc et in aeternum, et caro de terrx pulvere ressuscitata vivificetur in novissimo die. Hériger ne parle pas ici des « symboles du pain et du vin. » comme le lui fait dire Ellies Dupin, Histoire des contro­ verses... traitées dans le tx· siècle, p. 250, mais du corps du Christ. Il enseigne, avec nombre de Pères, que par la communion notre chair devient la chair du Christ et reçoit un principe d’immortalité. Les mots ut et Christi substantia in nostra carne inveniatur semble­ raient même impliquer une permanence physique de la chair du Christ dans la chair du communiant. Cf. l’hypothèse de V.Contenson, Theologia mentis et cor­ dis, 1. XI. dissert. II, c. n, édit. Vives. Paris 1875, t. iv. p. 203. Mais leur sens est adouci par les mots qui précèdent : spiritualiler conviscerata* il y a bien perma­ nence. mais seulement d’effets, ainsi que le montre 1227 EUCHARISTIE DU IX· A LA FIN DU XI· SIÈCLE magnifiquement Frunze lin. Tractatus de SS, euchari­ stie sacramm!o et sacrificio, th. χιχ, 3· édit., Koine, 1878. p. 302-306, exposant In pensée des Pères. Vo.rl. n. col. 512-514. Que deviennent, après la communion, les espèces eucharistiques? D’après C. Holler, Die deutschcn Pàpste, Ratisbonne, 1839, t. n, p. 79, Paschase Rndbert admettrait l’incorruptibilité des saintes espèces. Ct P.-P. Brucker, L’Alsace cl ΓÉglise au temps du pape saint Léon IX, t. tî, p. 146, note 2. Or, nu con­ traire, en écartant toute conception caphnmaftlque, en distinguant dans l’eucharistie ce qui est vérité de ce qui est figure. Paschase a, sinon < précisé », comme on Γη écrit, du moins inissé fi entendre que les espèces ne sont pas inhérentes nu corps de Jésus-Christ ainsi qu’elles l’étaient au pain, et que, par consé­ quent. elles ne partagent pas la fortune du corps du Christ, que tout ce qui sument dans les espèces ne doit pas atteindre en meme temps le corps du Christ. Cf. J. Schwnnc, Dogmcngcschichtc^, t. m, Dogmengesc.ldchte der mittlercn Zeit, Fribourg-cnBrisgau, 1882, p. 630; trad. A. Degert, Paris, 1903, t. v, p. 463. C’est ce que tout le monde ne comprit pas assez. L’anonyme de d’Achcry, après avoir rap­ pelé que l’eucharistie se mange comme les autres nour­ ritures, qu’elle passe dans In bouche et descend dans l’estomac, déclare qu’il n’y a que Dieu qui sache ce qui lui arrive quand elle y est descendue, que, comme elle peut s’y consumer par une vertu spirituelle, elle peut aussi être conservée, le Christ pouvant faire l’une ou l’autre de ces choses selon son bon plaisir; il n’admet pas qu’elle se pourrisse, ou qu’elle soit dé­ truite par le feu, ou qu’on la laisse périr par négll- 1 gcncc, car elle échappe à ces disgrâces à cause de la bénédiction de la vertu qui y a été répandue spirituel­ lement. Spicilegium, t. xn, p. 42. L’anonyme englobe 1 dans un sort commun et le corps du Christ et les es­ pèces. Cf. pareillement Raoul Glaber, Hislor., 1. V, e. i, P. L., t. exui, col. 691. Hérlgcr tombe dans la même confusion, c. ix, col. 188, et adopte l’opinion de ’ l’anonyme dont il reproduit les paroles essentielles. Guitmond nie catégoriquement, De corporis et san­ guinis Christi veritate in eucharistia, I. H, P. L., t. cxlix, col. 1445-1453, que l’eucharistie soit corrup­ tible,qu'elle puisse se pourrir,être rongée par des rats ou d’autres animaux; si cela se produit, ce sont pures i apparences, permises par Dieu pour éprouver la foi ! des chrétiens ou punir leur incurie, l’eucharistie n’est 1 pas vraiment corrompue, ou réduite en pourriture, ou consumée par le feu. Faute de distinguer, dans l’eucha­ ristie, le corps du Christ invisible et les espèces visibles, · Guitmond s’embarrasse dans des explications inad- ' missiblcs. Il semble finir par s’en apercevoir. Après tout, si véritablement l’hostie consacrée est dévorée par les animaux, si placet Christo., iif luce sacramenta absque sui corruptione a bestiis sive avibus comedi pos­ sint, gutd hoc ad veritatem quam credimus dominici corporis obstat? coi. 1449. Et, continue-t-il, si vérita­ blement l’hostie est brûlée, dominici sacramenti sub­ stantia nullatenus crematur, mais les espèces du pain se comportent comme dans un pain livré à l’action du feu, qualitales vero sensuales, quas ibidem post immuta­ tionem substantia: Dei remanere altissimo consilio vo­ luit, ostendunt quod suum est; unde fit ut color et sapor, odor quoque, et si qua hujusmodi accidentia prioris es­ sent ite, videlicet panis, servata sunt, quemadmoaum in pane vel ustulato vel nimis diu servato solet fieri, simili modo hic quoque, sahrn omnino dominici corporis sub­ stantia, corruptioni exterius ipsa accidentia aliquatenus Videntur (Ure videantur) obnoxia, coi. 1150. λ ce viaeantur amphibologique substituons sint, et nous avons une formule excellente : dans l’hostie consacrée, le corps du Chnst est incorruptible, et les qualités sen- 1228 J siblcs — Guitmond a meme le mot accidentia — osten­ dunt quod suum est, se comportent comme elles so comporteraient dans du pain ordinaire. Pourquoi Guitmond n’a-t-il pas développé sa thèse à la lumière de cette distinction libératrice? D’autres que lui furent désemparés par l’objection bèrengarlennc tirée de l’incorruptibilité de la chair du Christ et de la corruptibilité de l’hostie consacrée, cl l’on sait la place que tint, dans la théologie du moyen fige, l’hypoUiésc d’un rat rongeant l’hostie après sa consécrat ion. Wolphclme de Brauwc 1er, Episl. de sacramento eucha­ ristie contra errores Hcrengarit, P. L., t. cliv col. 414, avait répondu que le corps de Jésus-Christ ne soutire rien, qu’il soit mangé par Judas ou par un animal, comme les rayons du soleil ne sont point souillés en passant dans un cloaque, mais que ce n’est que des élus et de ceux qui reçoivent dignement le corps du Seigneur qu’il est dit que Jésus-Christ demeure en eux et eux en lui. Il est regrettable qu’on ne se soit pas tenu fi cette réponse claire et complète dans sa brièveté. 4° Les sources de la théologie eucharistique. — Tout d’abord on s’adresse fi la sainte Écriture. Paschase Radbert signale, du coup, les principaux textes eu­ charistiques, fi savoir les paroles de la promesse et celles de l'institution de l'eucharistie; il les allègue pour établir non snlcmcnt la présence réelle, mais encore l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ. Liber de corpore et sanguine Domini, c. iv, n. 1, 3; c. vi, n. 2, P. L., t. exx, col. 1277, 1279, 1282. Plus tard, Expositio in Matthirum, I. XI I, c. xxvi, col. 890-894, il reprit les paroles de l’institution et leur consacra un commentaire assez ample, afin de réfuter scs contradicteurs. Il y revint encore dans sa lettre fi Frudegarde, col. 1351-1352, fi laquelle il joignit l’extrait de VExpositio sur la cène. Paschase avait dit l’essentiel. On ne fit guère que le suivre jusqu’au temps de Bérenger. On eut, alors, fi répondre aux objections scripturaires de l’hérésiarque. Il citait saint Pierre, Act., ni, 21 : quem oportet cœlum suscipere usque in tempora rcslitiLionis omnium, et en concluait que, puisqu’il doit être au ciel jusqu’à la fin du monde, il ne peut en descendre et venir dans l’eu­ charistie. Cf. Lanfranc, i.ibcr de corpore et sanguine Domini, c. x, P. L., t. cl. col. 421 ; Guitmond. De cor­ poris et sanguinis Domini veritate in eucharistia, 1. II, col. 1466. Bérenger essayait de démontrer que le pro­ nom Hoc, dans les paroles de la consécration, s’oppose à toute hypothèse de conversion du pain au corps du Sauveur; Guitmond s’attache fi le réfuter et lire de ces paroles un argument contre l’impanation aussi bien que contre l’absence réelle, I. II, III, col. 1463-1464, 1484, 1494 : < Le Seigneur, après avoir pris le pain et l’avoir béni, a dit : Ceci est mon corps. Il n’a pas dit : Mon corps est caché dans ceci. 11 n’a pas dit non plus : Mon sang est dans ce vin. Mais il a dit : Ceci est mon sang. Notrc-Sclgncur n'a pas dit : Une partie de ceci est mon corps. U a dit simplement : Ceci est mon corps.» Cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l'origine jusqu'au concile de Trente, Paris, 1904, p. 306-311. < Constamment les auteurs du moyen fige recou­ rurent aussi à la tradition pour établir leurs thèses sur l’eucharistie. Ceux de la première époque surtout firent plutôt de la théologie positive, c'cst-à-dirc qu’ils prouvèrent la vérité dogmatique plus fi l’aide des citai ions de la sainte Écriture et des Pères que pur le procédé du raisonnement et de la démonstration rationnelle ou théologique. » J.-A. Chollet, fxi doc­ trine de l'eucharistie chez les scolastiques, Paris, 1905, p. 15 Dans son prologue, Paschase Radbert, Liber de corpore et sanguine Domini, P. L., t. exx, col. 12671268,dit à son disciple Placide: Hæc autem ut securius | tua perlegat infantia, placuit, charissime, catholicos 1220 EUCHARISTIE DU IX' A LA FIN DU XI· SIECLE Ecclesia dot lures In principio adnolare, ex quibus puucu dr pluribus quasi lac teneritudinis cliquaverimus · Cyprianum scilicet, Ambrosium, Hilarium, Augusti­ num, Joannem, Hieronymum, Gregarium, ludorum. Isicium et Redam, quorum doctrina et fide imbutus melius possis ad altiora proficere, 11 se réclame égale­ ment de la liturgie, c. xn, n. 2, 3;c. xv, col. 1312, 13211324, et des miracles eucharistiques dont il trouve le récit dans les Vies des Pères du désert, dans saint Gré­ goire pape, etc., c. vi, n. 3; c. ix, n. 7-12; c. xiv, col. 1283-1284, 1298-1303, 1316-1321. Ceux qui vinrent après Paschase employèrent les mêmes arguments, mais la preuve patristique dut être revisée et com­ plétée. Paschase s’était appuyé principalement sim· saint Ambroise; Ratramne lui objecta saint Jérôme, saint Fulgcncc, surtout saint Augustin, doctor Eccle­ sia: præcipuus, cl s'efforça de tirer à sol saint Am­ broise. De corporc et sanguine Domini, c. xxih-xcvî, P. L., t. cxxi, col. 140-162. Une grande discussion était ouverte sur le sens véritable de saint Augustin et de saint Ambroise; les écrivains orthodoxes travail­ lèrent ù montrer que les deux grands docteurs ne se contredisent pas et témoignent également en faveur du dogme eucharistique, mois qu’il faut savoir lire saint Augustin et éclairer ses formules obscures par des passages clairs, cf. Lanfranc, Liber de corpore et sanguine Domin1, c. xvm, P. L., t. cl. col. 433-134, que ce « très noble docteur », lequel scandali pene totius videtur esse principium, étudié de près, n’offre nihil scrupulosum, nihil ambiguum, nam quidquid ex eo pro se decerpunt id attente perspectum,., aut pro nobis aut certe nihil contra nos facit.Guitmond, De cor­ poris et sanguinis Domini veritate in eucharistia, I. III, P. L., t. cxlix, c>l. 1469, 1470 Paschase ouvrit la campagne dans sa lettre à Fnidegarde; il versa au dos­ sier patristique des textes nouveaux. Malheureuse­ ment, un des plus importants, qu’il donnait comme extrait d’un sermon de saint Augustin Ad neophytos, col. 1352, était apocryphe, ce sermon étant « l’œuvre d’un inconnu du vin· ou du ix· siècle, qui avait uti­ lisé les formules de la liturgie mozarabe. » J. Turmel, op. cit., p. 436. En revanche, il apportait, sous le nom d’Eusèbc d’Émcsse, col. 1354, un texte qui parait être de Fauste de Riez et qui est de toute première importance pour ce qu’il exprime et pour le crédit qu’il rencontra à partir du ix· siècle. Cf. P. Batiffol, Nouvelles études documentaires sur la sainte eucha­ ristie, dans la Revue du clergé français, Paris. 1909, t. lx, p. 537-540. L’épttre de Paschase fut un noyau patristique que grossirent des apports ultérieurs, modestes mais utiles d'Hérigcr, de Durand de Troam, de Guitmond, etc. Çà et ΙΛ, cependant, l’apocryphe se glissa dans ces attestations. Les Actes de saint André, par exemple, sont cités par Hérigcr, De corpore et sanguine Domini, c. vin, P. L·,, t. cxxxix, col. 187, par Gérard de Cambrai. Dr corpore et sanguine Domini, P. L·., t. cxliï, col. 1281, par Wolphclmc de Brau­ weiler, Epistola de sacramento eucharistia* contra er­ rores RercngarU, P. L., t. ci.iv, coi. 414, etc. Paschase Radbert avait eu le mérite, Liber de corpore el sanguine Domini, c. xx, n. 1. 3, P. L.. t. exx, col. 1330, 1331, de reconnaître le caractère apocryphe de la lettre de saint Clément ô saint Jacques, mais sans nommer cet écrit. Durand de Troam, Liber de corpore cl sanguine Christi, c. x, P. L., t. cxlix, col. 1389-1390, loue Pascnase et cite son passage sur l'apocryphe, puis, ne s’apercevant pas que cet apo­ cryphe est la prétendue lettre de saint Clément, il cite cotte lettre et veut établir qu’elle n’est pas en désaccord avec Paschase. L’érudition de nos écri­ vains n’est donc pas impeccable. Sachons leur gré des résultats qu’ils obtiennent, d’autant plus qu’ils ne se bornent pas Λ enregistrer les textes; ils tentent de les 1230 expliquer en les rapprochant les uns des autres et en les plaçant dans la contexte. Leur critique est parfois sommaire et fragile; ni elle n’est absente ni elle n est toujours dépourvue de justesse et de pénétration. Durand de Troam donne de sages conseils de pru­ dence et u’humillté pour la lecture des Pères, c. xxvi, col. 1417, et s’explique en ces ternies remarquables sur saint Augustin, c. xxiv.rol. 1415 :Dum scribendis libris operose insudat, minus se quibusdam In Incis explicat, ac per hoc nonnullis minus eruditis, atque In sacris Scripturis apprime nequaquam elimatis, aut difficilis videtur aut, non recte intellectus, erroris seminarium fieri probatur. Cætcrum, st aliter quid Intellexisse hac de re et ab integritate tanti mysterii alienum probaretur dixisse, quod absit, ex diffinito proferendum erat quod Apostolus ait : etiamsi anqelus de caelo annuntiaverit vobis praeter quod accepistis, anathema sit. Cf. encore Eusêbe Bru n on, Eptst. ad Berengarlum magistrum, P. L., t. cxLvn, coi. 1203-1204. A propos de saint Augustin, Guitmond, De corporis et sanguinis Domini veritate in eucharistia, 1. Ill, P. L·, t. cxlix, coi. 1484-1488, rappelle l’enseignement du saint docteur sur la nécessité de s’incliner devant la croyance générale, devant celle qui est professée par l’Égiise catholique; les bérengariens ne sont qu’une poignée, iis ne sont pas l’Égiise; ergo vobis, o berengariani, beatus Augustinus ita ut solet, clarissimus est, judicium ejus sequimini... Beati Augustini judicio, vos stolidi esiis qui de corpore Christi quod in toto terra­ rum orbe creditur credere recusatis. D’autres que Guit­ mond fon- appel au grand principe d’autorité. Hugues de Langres. Tractatus de corpore et sanguine Christi contra Bercngarium, P. L., t. cxlii, coi. 1333-1334, écrit à Bérenger : nec præsumas singulariter sentire quod universitas non assent it. Ascclin lui dit, P. L., t. cl, coi. 68 : elavem scientia votvens. Ipse non in­ troire videris, quoniam universali Ecclesiae dissentis, et quibus persuades quod sentis nimirum Introeundi adi­ tum claudis. Durand de Troam, c. ii, coi. 1378. s’écrie : Absit... ut... minus aliquid fateamur quam catholica per universum orbem prædicat Ecclesia. Cf. Laniranc» c. ΧΧΠ, coi. 440-441. Et Adelman adjure Bérenger de ne pas se séparer ab unitate sanctæ matrts Ecctesiee et de ne pas déchirer la « paix catholique ». De euchari­ stia: sacramento ad Berengarlum epistola, P. L., t. cxlih. col. 1289-1290. Cf. E. Faivre. La question de l'auto­ rité au moyen âge : Bérenger de Tours, Toulouse, 1890. Rarement, le sentire cum Ecclesia est mieux apparu comme la règle de la foi orthodoxe. Panni tous ces progrès de l’argument scripturaire ou patristique et parallèlement à la mise en lumière du sentire cum Ecclesia, une métaphysique surnatu­ relle de l’eucharistie se dessine. La renaissance caro­ lingienne est riche de promesses : la philosophie aristo­ télicienne commence à être utilisée, on se préoccupe d’éclairer les données de l’Écriture et des Pères par les procédés de l’analyse philosophique, de l’analogie théologique, et la méthode scolastique proprement dite tend à s’établir Λ côté de la méthode positive pour la compléter. Bérenger, sans être le rationaliste que beaucoup ont vu en lui, par exemple, H. Reuter, Gcschichte der rcligiôsen Aufklârung im MitUlalter, t. I, p. 104-111; cf. Hauck, Realencyklopâdie, Leip­ zig, 1897. t. π, p. 611, fait la part très grande — et trop grande — à la raison et témoigne à la dialec­ tique une confiance excessive dans l’étude des dogmes. Les défenseurs de la doctrine catholique sont amenés Λ le suivre sur son terrain dans la mesure où la chose est légitime. L’hérésie bcrengaricnne est le point do départ d’une activité théologique féconde. Ce n’est pas encore la scolastique; ce sont scs premières lueurs, I faibles et hésitantes, mais annonçant le Jour qui vient. ί23ί EUCHARISTIE DU IX· Λ LA FIN DU XIe SIÈCLE 5” /> dogme eucharistique et la piété. — Une con­ naissance plus approfondie de la vérité dogmatique prépare un renouveau de la piété. Avec le sacrement de l'eucharistie, le sacrifice de la messe est l’objet de travaux nombreux. Cf. F. S. Rcnz, Die Geschichle des Messûpfm-Begrifli, t. r, AHertum and Mittclaltcr, Fnidng. 1901 (le I. III est consacré au moyen âge), et J.-M.-A, Vacant, La conception du sacrifice de la messe dans la tradition de Γ Église latine, dans L·*univert ité catholique, Lyon, 1891, t. xvi, p. 363-372. Les splendeurs du culte eucharistique, les manifestations extérieures que le moyen âge multiplia, ne s'épanoui­ ront que peu à peu. · Ixs commencements de la dévo­ tion au saint-sacrement, sous la forme aujourd'hui reçue, n’apparaissent guère qu'un siècle entier après h mort de Bérenger... On peut affirmer qu’à partir de 1200 la pensée et le culte de l'eucharistie deviennent dans presque toute l’Églisc un objet constant et im­ médiat de sollicitude. » II. Thurston, L’eucharistie et If Saint-Graal, trad. Λ. Boudinhon, dans la Revue du clergé français, Paris, 1608, t. lvi, p. 550, 555. Pour l’élévation de l'hostie à la messe, voir t. iv, col. 23212323. En règle générale, le progrès de la dévotion ne suit qu’à une certaine distance celui du dogme, et les magnificences du culte public sont précédées par les Intimités de la piété individuelle. Du ix· à la fin du xi· siècle, l'eucharistie gagne de la place dans la vie chrétienne, La réaction contre le bérengarianisme stimule la ferveur des fidèles. La communion semble mieux comprise, La communion fréquente, et meme quotidienne, est instamment recommandée par un saint Pierre Damien, un saint Grégoire VII,un Durand de Troam, soir t. ni. col. 526-527, et ce qui n’est pas moins digne d’attention que l’insistance avec laquelle ils la Jouent, c’est la manière dont ils en parlent ; il y a là. ci. aussi la Confessio fidei publiée panni les œuvres d’Alcuin, part. IV, c. l-vn, P. L., t. ci, col. 1085-1092, une délicatesse et une chaleur de sentiment qui an­ noncent les effusions de piété du moyen âge. Or, une fois de plus, Paschasc Badbert donne le ton. Il trouve des accents délicieux jusque dans l’acrostiche initial de son traité, et, quand il parle du « grand bien > de l'eucharistie, de la beauté qu'elle communique, des dispositions qu’elle réclame, Liber de corpore cl san­ guine Domini, c. xxi, n. 1-7; c. xxn, n. 4-5, P. L., t. exx, col. 1261-1262, 1335-1338, 1345-1346. il riva­ lise avec les plus dévots admirateurs du sacrement. Voir encore les belles prières qui terminent le traité, roi. 13-17-1350. Tant il est vrai qu’on rencontre Paschase Badbert ù toutes les avenues du domaine eu­ charistique I Paschasc Badbert, dit A. Harnack, Lehrbuch der Dogmctigeschichle, 3* édit., Friboiirg-cnBrisg.iu, 1897, t. ni, p. 287, est peut-être le théologien le plus savant et le plus solide après Alcuin, un homme aussi bien au courant de la théologie grecque qu’il est chez lui dans l’augustinisme, un esprit compréhen­ sif, qui ressent ce qu’il y a de plus profond dans les exigences de la vie, unit la théorie et la pratique, et tait valoir tout ce que la tradition ecclesiastique a en­ seigné jusqu’alors sur l'eucharistie· » P. Batiffol, L'eucharistie, la présence réelle d la transsubstantiation, p. 359. estime que de ce que la théologie < s'est établie sur les lignes posées par Paschase, il ne convient pas de surfaire son œuvre » et de mettre trop haut « le compilateur qu’est ce bon Paschase. Son livre, sans doute, est la première monographie théologique qui ait ét€ composée sur l'eucharistie. Mais Paschasc n est qu'un récapitulateur, lui aussi, comme était saint Jean Damascène.·· Aussi bien cette impersonnalité f üs üt-clte la force de son livre. ■ Entre ces deux juge­ ments il y a des différences. Ce qui leur est commun et ce qu’il faut retenir, c'est que Paschase Badbert a utilisé tout l’héritage du passé, qu’il a écrit la pre 1232 mière monographie théologique sur l'eucharislle, cl que les développements ultérieurs de la théologie eucharistique se sont produits sur les lignes qu'il avait posées. C’est assez pour que saint Paschase Badbert mérite le nom de theologus cuchanslicus. I. Sources. — Cette bibliographie n’embrasse que les écrits qui traitent ex professo du sacrement de l’eucharis­ tie; les principaux textes eucharistiques qui se trouvent dans les autres écrits ont été indiqués au cours de cet ar­ ticle. Pour les livras et traités liturgiques, recueils cano­ niques et pénitcnticls, voir Messe. On trouvera une biblio­ graphie des sources un peu sommaire dans J.-A. Chollet, Di doctrine de Γeucharistie chez les scolastiques, Paris, I9O5. p. 6-9, et une bibliographie détaillée, mais insuillsammcnt précise, dans !.. Biginelli. / benedittini c gli studi eucaristict ne! medio evo, Turin, 1895, p. 3-60. 1· An /.r* siècle. — Amalairc, Epist., vi, ad Guntradum, P. L., t. cv, col. 1336-1339; Florus de Lyon. Opuscula adversus Amalarium, P.L.,1. cxix.col. 71-91 (les deux premiers opuscules); S. Paschase Badbert. De corpore et sanguine Domini, P. /... t. exx, col. 1259-1350; Epistola de corpore d sanguine Domini ad Frudegardum, col. 1351-1366 (com­ prend Vexpositum sur .Matth.,xxvm,ou extrait du commen­ taire sur saint Matthieu, I. XII, c. xxvi, col. 890-891); pour itriugène et Adrcvald de Ilcury, voir Éhigène, t. v, col. 105-106. 119-120; Ba Ira mne. De corpore et sanguine Do­ mini, P. L,, t. cxxi. col. 125-170; Haban Maur, Epis!., π. ad Heribaldum episcopum Antissiodorensem, dans Pirnitcntiale, c. xxxiii, P. t. exil, col. 1510; t. ex, col. 192-191; Epist., ni. ad Egilem Pnuniensem abbatem, de corpore et sanguine Domini adversus Ralpertum, P. 1.'., t. exil, col. 1510-1518 (c’est le traité d’abord publié par Mabillon, Acta sanctorum ordinis sancti Benedtcli, s;ec. iv, part. 11, t. vi, p. 592-596, sous le titra de Dicta eufusdam sapientis de corpore et sanguine Domini adversus Radberlum, et identifié par lui avec la lettre de Haban Maur à Egil); l’auteur ano­ nyme du fragment publié par .Mabillon, p. 596; Hincmar, Ex Ferculo Salomonis. P. L., t. exxv, col. 1202 (fragment conservé par Durand de Troarn, Liber de corporc et sanguine C.hristl, c. xxi, P. L., t. cxlix. col. 1 107); Haymon d’Halberstadt. De corpore et sanguine Domini, P. t. cxvm, col. 815-818; l’auteur anonyme do la Responsio eufusdam de corpore cl sanguine Domini publiée par d’Achery, Spici­ legium, Paris, 1675, t. xii, p. 39-12 (n écrit peut-être au IX’ siècle, peut-être au xe)î Théodore Abucara, Contra lucre· tlcos, judiros et saracenos varia opuscula. Opusc., XXII, P. G., t. xcvii, col. 1551-1551; Pierre de Sicile, Serai., Ill, contra paulictanos qui dicunt Dominum in cerna discipulis suis haud vere obtulisse panem ac vinum sed parabolice loculum. P. G., t. civ, coi. 1347-1350. 2· Au i· siècle. — Berni d’Auxerre. Expositio de cele­ bratione missor, Z... t. ci. coi. 1246-1271 (cet écrit, inséré dans le Liber de divinis ofjlciis du pseudo-Aicuin, dont il forme le c. XL. semble bien l’œuvre de Hemi); Gézon de Torlonc. Liber de corpore cl sanguine Christi, P. L., t. cxxxvii, col. 371-106; Hathier de Vérone. Epist., i. ad Patricum de corpore et sanguine Domini, P. /..,t. (.xxxvi. col. 6*13-648; Hériger de Lobbes (ou Gerbert), Libellus de corpore cl sanguine Domini. P. L., t. cxxxix. col. 179-188. Les deux premiers recueils des semions d’Aelfric ont été édités par Thorpe, The homilies of lhe anglo-saxon Church. The first part, containing the Sermones catholici or homilies of Aelfric, Londres, 1811-1815, 2 vol.; le troisième recueil a été édité par Skcat, Aetfrlc's Lives of saints being a set of sermons on saints* days, Londres, 1881. 3· Au xi· siècle. — Fulbert de Chartres, Epist., in, Einarda : v, Adeotlado, P. L., t. CXLI. col. 192-195. 196204; Robert le Pieux, lettre Λ Leuthérlc, archevêque do Sens, rapportée par Ilelgnud de Fleury. l'.pUvma vilte regis Roberti pit, P. L„ t. cxli. col. 912; Gérard de Cambrai, De corpore el sanguine Domini, P. L., t. < xi il, col. 1278-1281 (une partie du discours de Gérant aux néo-manichéens d’Arras); pour les écrits de Béranger et ceux qui furent com­ posés pour ou contre lui nu xi· siècle, voir BènF.NGi.n de Tours, t. n. col. 740-711; Renallo de Barcelone, Versus excerpti de libro Renalli magistri lîarchinoncnsts Gerundensis de corporc Chrlslt, P. L., t. ex ni. col 599-602; S. Grégoire VII, Epist., 1. I, epist. xi x, ad comitissam ytathildcm, P. L., t. cxlviiï, col. 326-328; Samonns do Gaza, Disceptatio cum Achnicd saraceno perspicue doceni panem ac vinum, utrumque per sacerdotem consecratum, t>crum 1233 EUCHARISTIE AU XII’ SIÈCLE EN OCCIDENT ew et inh jrum corpus ac sanguinem Domini nostri Jrsu | Christi, P. G., t. cxx, coi. 821-832. II. Travaux. — Nicole, Amuuld, etc., La perpétuité de la foi de Γ Église catholique touchant Γeucharistie, Paris, 16691713. dernière édition publiée par Mignc, 4 vol., Paris, 1811 (niile,mais des défauts de méthode et vieilli; la petite Per­ pétuité de la /of, qui précéda la grande et fut publiée Λ Paris, 1664, a été réimprimée par Mignc en tête du t. 1): Mabillon, Acta nandorum ordinis sancti lienedictl, s®c iv, part, il, Paris, 11X80, t. VI, p. IV-LXViu; *æc- vi. part. 11. 1701, t. ix, p. vii-xLVf (le meilleur de* travaux anciens); U-E. Dupin, Histoire des controverses et des matières ecclé­ siastiques traitées dans le /x· siècle, nouv. édit., Paris, 1721, p. 208-254, 258-260; Histoire des controverses cl des ma­ tières ecclésiastiques traitées dans le xr siècle, 1699, p. 20-71; F. Cunilinti, Hibltoteca cucaristica in cul.,, si apportano gli scrittori che pci corso di tredici secoli successivamcntr nrlla Chiesa florirono, Venise, 1714; dom R. Gcillicr, Histoire général? des auteurs sacrés et ecclésiastiques, Paris. 17521757, t. xvni-xxn (relève avec soin les textes eucharis­ tiques); N. Alexandre, Historia ecclesiastica, édit. Mansi, Venise, 1778, t. vi, p. 409-431; l. vu, p. 67. 212-222. 389459; A. Ebrard, Das Dogma vom heiligen Abendmahl and seine Gcschichîe, 2 vol., Frnncfort-sur-lc-Mcin, 1815-1816; Angladc, Controverse sur reucharistie pendant le u· siècle, Paris, 1858;*M. I lausherr, Der heiligcdhischasius Kadbcrtus, cine Stimme uber die Eucharistie vor tausend Jahren, Mayence, 1862; J. Bach, Die Dogmcngcschichte des Mittelalters vom chrlstologlschcn Standpunkte, Vienne, 1871, t. i, p. 156-218, 364-389; H. Bouter, Geschichle der rchgiôscn Aufklarung im Mittelalter, Berlin, 1875, t. 1, p. 42-43. 91-128, 275, 286-296; F. Clément. Iss bénédictins qui ont écrit sur reucharistie, dans Analecta juris pontificii, Home, 1882, t. XXI, p. 550-582; J. Schwanc. Dogmengcschichte,t, in,Dogmcngcschichte der mitllcrcn Ze it, Frib >urgrn-Brisgau, 1882, p. 628-6-10; trad. A. Degerl, Paris, 1903, t. v, p. *60-478; J. Corbie t, Histoire dogmatique, liturgique rt archéologique du sacrement de Γeucharistie. Pari*, 1880, 2 vol.; L. Schuabc, Studien zur Geschichle de ■ zioeilen Abendniahlstreitcs, Berlin, 1887; E. Choisy, Paschasc Hadbcrt, étude historique sur le siècle, Gcnèv c, 1889; J. Schnitzer, Herengar von Tours, ein Jieitrag zur Abcndmahlslehre des beginnenden Mittelaltcrs, Munich, 1890; C. Gore. Disser­ tations on subjects connected ivilh the Incarnation, Londres, 1895; L. Biginelli, 1 benedettini e gli studi eucaristict net me­ dio evo, Turin, 1895; Im rinasccnza degli studi eucaristic! net medio ci>o üt occasione deir ercsia di Hcrengario, dans le Compte rendu du J V1 congrès international scientifique des ca­ tholiques, l'ribourg (Suisse), 1898, t. î. p. 19-31 ; J. Ernst, Die Jjchre des heiligen Paschas ius Hadbcrlus oon der Eucharistie, mit besonderer Berûcksichtigung der Striking des heiligen Hhabanus .Maurus und des Halramnus zu dersetberi. Fribourgcn-Brisgnu, 1896; Loots, art. .4bendmahl, II. dans Hru/cncgklopadie, 3· édit., Leipzig, 1896. p. 63-64; A. Harnack, Eehrbuch der Dogmcngcschichte, 3· édit., Frlbourg-en-Brisgati, 1897, t. in, p.284-298,317-355; J. Ebcrsolt, Essai sur Hérenger de Tours et la controverse sacramenta Ire au v/· siècle % dans la Hevuc de Γhistoire des religions, Paris, 1903, t. xi.viii, p. 1-42, 137-181; A. Naegle, Halramnus und die hcillge Eucharistie, zuglctch cine dogmatisch-hislorische W'iirdiqung des ersten Abcndniahlstrcites. Vienne. 1003; J. Turmrl. Histoire de la théologie positive depuis Γori­ gine jusqu'au concile de Trente, Paris. 1901. p. 306-316, 432-142; J.-A. Chollet· Im doctrine de reucharistie chez les scolastiques, Paris. 1905, p. 11-31; P. BatifTo'· Études d*histoire et de théologie positive, 2· série. / 'eucharistie, la présence réelle cl la transsubstantiation, 3’ édit.. Pari*, 1906, р. 339-387; K.-G. Gcetz, Die heutige Abcndmahlsfragc in Hirer geschiehtlichen Entudckliing, Leipzig, 1907, part. I, с. i, n. p. 1-22; F. Kattenbusch, art. Transsubstantiation, dans Hcalcncgklopadie, 3· édit., Leipzig, 1908, p. 58-63; T. Ilcitz, Essai historique sur les rapports entre la philoso­ phie et la foi de Hérenger d saint Thomas d'Aquin, Paris. 1909; Darwel Stone, A history oj the doctrine o/ the holy ciicharist, Londres, 1909, t. i; R. lleurtcvcnt. Durand de Troarn et les origines de l'hérésie bérengartenne (thèse), Paris. 1912. Voir, en outre, les travaux signales nu cours de cet article. F. Vehnet. 1231 ne peut se mesurer λ l’intérêt qu'ils suscitent de nos jours. On y écrit beaucoup; on n’y discute pas moins. Mais écrits et discussions ne s’élèvent guère au-dessus de travaux d’essais ou de tentatives d'approche : imprécisions de langage, inexactitudes dans l’expression, tâtonnements dans les recherches, fléchissements dans la pensée, tout cela place ces productions fort en deçà de la perfection du siè­ cle suivant. A côté des questions les plus graves s’en présentent d’enfantines sur lesquelles s’exerce une dialectique impitoyable, et il n’est pas rare que les problèmes de la métaphysique la plus profonde soient cllleurés, plutôt <|u'abnrdés, à propos de vraies puérilités ; singulier mélange de grandeur et de minutie, de spéculation saine et de puerile curio­ sité ! Mais, considérées dans la suite historique de leur élaborait ion, ces œuvres appellent l’attention, car elles constituent les premiers essais d’une pensée théologique naissante qui saura se frayer sa voie malgré les tâtonnements des premiers pas; en outre, elles opèrent la transmission des anciens matériaux patristiques, les codifient, les harmonisent, parfois les renouvellent; elles élaborent des theories et des systèmes qui vont se perfectionnant d’un auteur ou d’une école à une autre; elles précisent et fixent le vocabulaire, mais avec les hésitations et les méprises que rend inévitables l’emploi d’anciennes formules brusquement coupées de leur contexte. De ces divers points de vue, la théologie de l’eucharistie est parti­ culièrement Intéressante au xne siècle, malgré la longue série des travaux sans reliefs dont il faut suivre les détours pour arriver au résultat. L’histoire du dogme non plus ne peut s’en désintéresser, car cette période élaborât rice de la systématisation sacramentaire, si féconde pour la formule de la transsubstan­ tiation, trouve son couronnement dans une profes­ sion de fol, celle du IV· concile de Latran.cn 1215, dont I importance a été jugée sans égale dans les douze siècles qui separent les professions des conciles de Nicéc-Constantinoplc et de Trente. Harnack, l.rhrbuch der Dogmcngcschichte, 4· edit., Leipzig, 1910, I L in, p. 387. S’il n'\ a pas lieu de dresser ici une nomenclature complète (le grand travail critique qui reste à faire sur le terrain de l’inédit ou meme des sources impri­ mées la rendrait d’ailleurs impossible), il est avanta­ geux, croyons nous, d'exposer les principales caté­ gories d’ouvrages qui peuvent nous renseigner au I xir siècle sur le dogme cl la théologie de reucharistie. Elles nous révéleront les rapports qui unissent les écrivains de ce siècle avec ceux du cycle bérengurien ou paschasicn; car c’est sur les œuvres de la contro­ verse berengarienne, ou même paschasicnne, que sc bâtit la théologie eucharistique du xir siècle,ou que sc greffent les atl.ujues nouvelles. La littérature polémique contre les cathares, les vaudols, les ahnaI ricicns, etc.,fait suite aux traités dirigés contre Béren­ ger et fait connaître mainte argumentation qui accuse chez les sectes hérétiques la connaissance des i œuvres ou des objections bcrengarlennes. Les diver­ gences ou les Influences d’école se manifesteront en même temps entre les divers groupes thêologiques, ! comme ceux d’Abélard ou des \ ictorins, les thvoI logiens d’outre-Hhin et les écoles de Paris ou de I Bologne, etc., ainsi que les attaches multiples qui relient dans leurs matériaux, leur plan, leur mé­ thode, etc., la théologie cl le droit canon : c’est ainsi, pour ne citer ici qu’un exemple, que le canoniste 1 luguccio de Ferrare(t 1210),dont la Summa est encore Inédite, tributaire lui-même de Hugues de SaintV. EUCHARISTIE AU XII SIÈCLE EN OCCIDENT. — Victor dans sa IIIe partie, influe fortement sur Jean Dans l’histoire do la théologie de reucharistie, le xiie siècle constitue une période de transition I Lothaire de Segni, son élève, le futur Innocent III, durant laquelle la valeur intrinsèque des ouvrages * par le décret duquel sc ferme toute cette période EUCHARISTIE AU XIIe SIÈCLE EN OCCIDENT (Lilnn, 1215). On ne peut complètement négliger non plu*· les autres manifestations de l'activité ecclé­ siastique ou pastorale : la poésie liturgique, les truités liturgiques ou ascétiques, les sermons, etc., con­ tiennent des affirmations qui anticipent sur l’exposé systématique de l’école ou répandent sous une forme vulgarisée les expressions créées par les magistri scolarts. Il en va de même avec les recueils épistoiaires : consultations théologiques, doutes de con­ science, exposés complémentaires de certains points de doctrine, cas de rubrique, réfutations d’erreurs locales, etc., les lettres d'Anselme, d’Yves de Char­ tres, d’Arnoul de Rochester, de Hugues Métel, de Gilbert de la Porée, de Baudouin de Cnntorbèry, etc-, sont des plus précieuses en ces matières. Mais c’est aux ouvrages scolaires que revient le premier rôle dans l’œuvre de systématisation et de codification à laquelle se voue presque tout le xn· siècle; ia théo­ logie de l’eucharistie garantit à cette systématisa­ tion sacra men ta ire des Sommlstes d? l’époque un intérêt de premier rang,aussi bien pour l’ordonnance harmonieuse des concepts sur le sacramentum ou les corollaires de la doctrine sur la conversio, que pour l’habile utilisation des traités spéciaux de leurs pré­ décesseurs. H n’est pas de dissertation développée, comme celle de Guitmond ou celle d’Alger, ni de mono­ graphie de détail, comme les consultations sur In communion de Judas ou sur Je stcrcoranismc, qui n'ait trouvé quelque écho dans les Sententia* des pre­ miers Sommlstes. On ne peut oublier non plus que les grands théologiens du xiii· siècle sont en beau­ coup de points les héritiers directs de ces Sommlstes dont l’un, le plus célèbre si pas le plus méritant, Pierre Lombard, lègue à quatre siècles et davan­ tage ses Quatuor libri Sententiarum, comme cadre et thème de presque tous les commentaires théolo­ giques. Souvent même, comme Deni ile. K. Muller et d'autres en avaient déjà fût la remarque, c'est aux écrits du xn· siècle qu’il faut recourir, pour saisir la vraie portée ou les termes mêmes d’un problème développé au xni·. — 1. Principales sources d’infor­ mation. IL Doctrine qu’elles fournissent. I. PRINCIPALES SOURCES d'îNFOILMATION. — 1° Polé­ mique antihérétique. — 1. Résultats de la polémique contre les derniers partisans de Bérenger. Situation au début du xn* siècle. — Entre l'époque de Bérenger (1050 environ-1088) et celle de la systématisation opérée par les Sentcncicrs ou les Sommlstes, les traités particuliers forment en quelque sorte le trait d’union, les Sommistcs se contentant fréquemment de résumer, ou d’enregistrer, des questions déjà étudiées par ces [>olémlstes. L’on a déjà parlé ailleurs, voir Bérenger, L h. col. 738-739, des premiers adversaires de Béren­ ger qui,tous, ou peu s’en faut, se sont trouvés grou­ pés un moment autour de la chaire de Fulbert de Chartres (Adelman, Durand de Troarn, Hugues de Langrcs, Alger de Liège, etc.), ou de celle de Lanfr inc (Guitmond, Anselme, Arnoul de Rochester, etc.) cl dépassent leurs maîtres; presque tous aussi appar­ tiennent à l’ordre bénédictin. Ruin art, Abrégé de la I& de J. Mabillon, Paris, 1709, p. 321. Parmi ces premiers témoins ou ces premiers inspi­ rai· ur» dr la pensée théologique du xn· siècle sur le sujet qui nous occupe, il faut citer Ici, après celui de Lanfranc, les noms de Guitmond d’Avcrsa. d’Alger de Liège et de Grégoire de Bergamo. Le premier, ancien élève de Lanfranc et sur le point, un moment, de devenir évêque en Angleterre, passe finalement en Italie où il devient évêque d’Avcrsa (Apulie) après 10^8; il meurt dans les dernières années du xi· siècle, mais ton influence au siècle suivant exige qu’on en parle ici. C’est en Normandie, à La Croix-SalntLeufrol probablement, sous le règne de Grégoire VII 1236 (1073-1085) et avant le synode romain de 1078, qu'il écrit son ouvrage : De corporis cl sanguinis Ln/mini veritate libri 1res, P. L., t. cxi.ix, col. I 122 1191. L'ensemble du traité, directement dirigé contre celui de Bérenger paru peu auparavant, suit dans les grandes lignes hi marche du De sacra canna, édit. Vischer, Berlin» 1835. Après une introduction développée qui donne de précieuses indications, fort prisées de Mabillon, sur 1er principales catégories des partisans de Bérenger, Guitmond répond aux questions cl expose sa doc­ trine : c’est sous ia forme d’un dialogue où le moine Roger, plus tard cbbé de Montebourg dans le Coten­ tin, interroge l'auteur et lui présente les difficultés qui l’arrêtent, 1. I, ou les objections des adver­ saires, 1. H; le I. HI est consacré aux preuves pat ristiques de la foi catholique contre les doux grands groupes de bérengariens : les umbratici et les impanalores, op. cil., col. 1130, 1469, 1480, etc.; le dialogue y devient monologue, car le moine Roger n'a que deux mots d’approbation pour finir· Ibid., col. 1494, Les deux autres traités se placent plus tard et l'un d'eux longtemps après la mort de l’hérésiarque (1088), mais nous savons qu’un renouveau de l'er­ reur bérengarienne se produisait de temps à autre (voir entre autres textes, plus loin, celui d'Abé­ lard) et que les vestiges de l’hérésie continuaient à tourmenter les esprits. L'ouvrage d'Alger de Liège : De sacramento corporis et sanguinis dominici, P. L·., t. clxxx, col. 739-860. antérieur à l’entrée de son auteur à Cluny (vers 1120),fait le plus grand honneur aux écoles de Chartres et de Liège. Alger y tire profit de l’exposé de Guitmond, mais il dépasse son prédéces­ seur en pénétration et en exactitude. Si l’œuvre de Guitmond fit un moment placer l'évêque d’Avcrsa au-dessus même d’Anselme de Cantorbéry, cf. An­ selme, Episl., 1. I, epist. xvi, P. L., t. clviii, col. 1082, un juge aussi compétent que Pierre le Véné­ rable n’hésita pas à donner la palme à l’écolâtrc de Liège, Contra Ilenricum et Pelrobrusium lucreticos, P. L., t. clxxxix, col. 788, en plaçant les trois grands polémistes dans la gradation suivante : Lanfranc bene perfecte, Guitmond melius...perfectius, Alger optime... per/cclissime. Voir l’injuste appréciation d'EIlics Dupin partagée par VHistoirc littéraire de la France, t. xi, p, 158. Après un prologue où se trouve la liste des six erreurs principales, op. cil., col. 739740, le I. Iff d'Alger établit le dogme de la présence réelle et du changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Le H** répond ù un certain nombre de questions, de « pourquoi », fort discutées à cette époque : neuf chapitres sur les dix que comprend ce livre sont introduits par la particule cur. Son 1. III,qui n’était pas annoncé dans léprologue, ibid., col. 744, examine le problème répond : Ei iterum oidl quad si sacerdos... dignitate sanctitatis caret, si tamen per ligaturam sape, toris magistri ligatus non est. virtus altissimi miracula in eadem oblatione operatur. Epiri., xlin, P. L., t. cxcvn, coi. 212, 213. \ part cil écho des controverses sur la valeur des sacrements. que nous retrouverons d’ailleurs amplement développé chez les Sommistes, cette lettre contient peu de chose au point de vue dogmatique. Plus intéressante est la kttre Adpra latos moguntinenses,Epist..iiLyii,ibid., col.218-243,écrite à soixante-treize ans, ibid., col. * cjui contient, â côté de quelques comparai son s vicieuses, des passages sur la transsubstantiation, col. 224, sur les espèces, col. 225, sur la communion des apôtres ., t. clxxi,co1. 535, etc. 3° Œuvres cxég^tiqucs. — Avec les sermons qui ont pour sujet l'exégèse des textes eucharistiques de Γ Ancien ou du Nouveau Testament, il faudrait parler aussi des commentaires proprement dits. L'exégèse scripturaire, fort féconde à ce moment et si peu ori­ ginale, a fréquemment entremêlé de développements théologiques les pages relatives A l'eucharistie. Citons Brunon de Segni, voir plus loin; Rupert de Deutz, dont il faudra reparler Λ propos de l’impanation; Bruno le Chartreux, Expositio in psalmos, Ps. xxî, P. /.., t. eut, col. 725; Expositio in Epistolas S. Pauli, I Cor., c. v, x, P.L., t. ci.ui,col. 118, 176. etc. Nous avons déjà parlé des sermons de saint Bernard sur le Cantique des cantiques, Serm., i.xv, i.xvi, P. L., t. clxxxii, col. 1087sq., où il s’en prend aux sectes hérétiques. Son continuateur Gilbert de I lolland, abbé de Swineshead, dans le diocèse de Lincoln, depuis 1164, a aussi une page excellente sur la théologie de l’eucharistie. In Cantica, serm. vu, n. 8, P. L., t. clxxxv, col. 46 47. Le commentaire fort célèbre au xne siècle «le Raoul de Saint-Germer en Flaix, sur le Lévitique, Commentariorum in Leviticuni libri XX, dans la Maxima bibliotheca veterum Patrum, Lyon, 1677,1. χνπ, p. 47-246, fait des allusions frequentes aux rites de la nouvelle loi qu’il compare à ceux de l'ancienne. Le but poursuivi par l'auteur leur commu­ nique un intérêt qui ne peut se mesurer à la valeur contestable des rapprochements qu’il établit; c’est pour confirmer dans la vraie fol les Ames hésitantes devant les objections des Juifs, qu’il veut montrer dans l'ancienne loi la ligure de la nouvelle loi. Par­ iatio, ibid., p. 48-49. Il n'y a pas davantage à citer toute la liste des autres auteurs. Mais deux noms qui ne peuvent être omis ici sont ceux de Zacharias Chrysopolitanus et de Pierre Comestor. Le premier fait un commentaire sur une Concordia euangelica qu’il attribue, à tort, Λ Taticn (en réalité, c'est celle de Victor de Capoue, remaniée); il y donne en trois points un substantiel résumé de la doctrine de Γ Église sur la conversion, les accidents et les mystérieux contrastes de la présence du Christ au ciel et sur l’autel; ce dernier passage fait songer aux antithèses de l'incarnation dans lu fameuse lettre de saint Léon à Chalcédolnc. Epist., xxvin. Il termine par un important témoignage sur les vestiges de l’hérésie bérengarienne au milieu du xrre siècle. 7/r unum ex quatuor, iv, 156, P. L., t. clxxxvi, col. 503-508, surtout col. 507, 508 : Sunt nonnulli, imo forsan multi, sed vix notari possunt, qui cum damnato licrcngario idem sentiunt, et tamen eumdem cum Ecclesia damnant. In hoc videlicet damnant eum, quia formam verborum Ecclcsiic abjiciens nuditate sermonis scandalum movebat. Non sequebatur, ut dicunt, usum Scripturarum, quiv passim res significantes tanquam significatas appellant, prasertim in sacra­ mentis ut eorum virtutes exprimant. Alii vero latenter imponunt, quod non intclligant tropos et figuratas locutiones, idcoque miserabili morte animer signa pro rebus accipiant. Illud quoque maxime derident quod panis et vini species quidam dicunt in acre apparere; quidam vero sensus corporeos falli, post conversionem panis et vini in carnem et sanguinem Christi. La célèbre Historia scolastica de Pierre Comestor (avant 1176), si répandue au moyen Age comme l'at­ testent les Innombrables manuscrits, mentions et cita­ tions de l’œuvre, consacre le c. crar des Evangelia à l’eucharistie. Il y emploie le mot transsubstantiatio et y a une note intéressante sur le moment de la conséDICT. DE TIlEOL. CATIIOI. 1250 era lion par le Christ, P. t. cxcviît, col. 1618, dont nous devrons reparler plus loin. Zacharias Chrysopo­ li! anus parle également de la · forme » à la dernière cène. Op. cil., ibid., col. 503-508. 4° Œuvres liturgiques. — 1. Traités liturgiques. — A côté de ces traités, sermons, lettres, etc., se placent les œuvres des Uturglstes. S'ils considèrent avant tout dans l’eucharistie le sacrifice et les cérémonies de la messe, leur pensée sur les principaux points de la théologie eucharistique ne laisse pas de percer dans leurs écrits, qui à ce titre méritent d’être passés en revue. Les livres liturgiques trouveront leur place propre dans l’article sur la messe. Ix xit· siècle, du reste, n'assiste qu'à la disparition des anciens usages litur­ giques, celtiques, mozarabiques, etc.; leurs particu­ larités, quand elles intéressent l'histoire des doctrines, n’ont donc plus leur place marquée icL Le concile d’York de 1195 exige la correction des livres litur­ giques : ad verum et probatum exemplar canon missa corrigatur. Deer, π, Mansi, t. xxn.col. 653. Signalons toutefois, en raison des principes théoriques qui les commandent, une note intéressante d’un ancien missel du mont Gassin dans Ebner, Quetlen und Forschungen zur Gcschichte... des Missale romanum, Eribourg-en-Brisgau. 1896, p. 329, et quelques anciens usages liturgiques des nouveaux ordres comme les cisterciens, les prémontrés, les chartreux, auxquels nous ferons allusion plus loin. Ces usages ont un inté­ rêt spécial dans la question de l’origine de l’élévation de l’hostie et du calice. Voir, outre les historiens de la liturgie, M. Van Wacfelghem, Liturgie de Prémontré, Le liber ordinarius, p. 75-76, dans les Analectes de Tordre de Prémontré, 1905 sq. Voir Élévation, t. iv, col. 2320. Le xxî® siècle a été particulièrement fécond en œuvres liturgiques, les unes développées à la manière : n’est pas de lui; il lui a été faussement attribué par Beaugendre. Voir plus loin. Le long traité en douze livres De divinis officiis, P. L., L clxx, coi. 9-333, du mystique Bupert de Deutz (f 1135), l’un des auteurs les plus féconds et les plus personnels de cette époque, développe surtout les offices liturgiques autres que la messe, et le cycle des fêtes de l’année; le I. Il seul est consacré Λ l’expli­ cation de la messe. Les c. ix (materia), x (intentio), I xi (utilitas), χχιι (De azymo), ce dernier très véhé- | ment contre les grecs, contiennent des considérations personnelles» P. L., I. clxx, col. 40-43, 48-51, sur la manducation par les bons et les méchants, sur le but i du sacrifice et les effets de l’eucharistie, sur le pain ! fermenté des grecs. Ses écrits alimentèrent fréquem­ ment la prédication allemande en langue vulgaire. , Voir Schunbach. op. ctf. Mais qurlqui s chapitres du De divinis officiis de Bupert, L 11, n. îx. ibid., col. 35-19, censurés par Guil­ laume de Saint Wùcrry, Epistola ad quemdam mona­ chum. etc., P. L., t. CLxxx, col. 311-312, et non sub­ stantiellement modifiés dans la copie (ms. de Munich, hit. I/J55) qu’en envole l'auteur à Cunon de Bâtisbonne (Hauck, Kirclumgcschichlc Dcutscldands, Leip­ zig, 1903, t.iv p. 422, nolc2; le renvoi h l’ouvrage de holl, Rupert ®ΟΛ Deutz. GutvrMob, 1886. p. 325, est inexact et n'a pu être identifié par nous) ont prêté flanc, de la part d’historiens ou de théologiens protes­ tants (Luther, les centuriatours, Saumaise, Gerhard, Puwv. Gore) et catholiques (Baroidus, Bella rniin» 1252 Vasquez, Suarez), Λ des interprétations ou Λ des accusations qui tranchent avec les éloges de son pre­ mier éditeur, Jean Cochlée (1526). Les commentaires sur la Genèse, l’Exode et saint Jean, /n Gcn.,vi, 32; in Exod., π, 10; in Jou., xi, 52, P. L., L cjlxvii, col. 130-132, 617; t. clxxx, col. 481, présentent des consi­ dérations du même genre. On trouvera ces reproches détaillés à leur place pro­ pre à l’art. Blpeht; ils se ramènent à quatre chefs principaux : la présence du Christ dans l'eucharistie per figuram, la réception du corps du Christ par la foi seule, l'impanation, l'union bypostatique du pain et du vin avec le Verbe. Disons tout de suite que de nos jours les appréciations défavorables à l'orthodoxie de Bupert se font de plus en plus rares; les apologistes ne lui manquent pas depuis 1'Apologia Rupert i de dom Gerberon, Paris, 1679, P. L., t. clxxu, col. 99 sq., jusqu’il nos jours. Cf. Histoire littéraire de la France, t. îx, p. 456, 520, etc.; Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés, etc., Paris, 1729-1763, t. xxn, p. 129 sq.; Hauck, Kirchcngcschichle Dcutscldands, Leipzig, 1903, t. iv, p. 420-422» G. vonlloltum. Die Orthodoxie des Rupertus, dans les Sludien und Mitteilungen ans déni Ruicdiciiner und dan Cirtencicnser Orden, 1908, l. xxix, p. 191, etc. Moins développes peut-être, mais plus populaires encore sont les écrits liturgiques d’Honoré d'Aulun (·[· vers 1154) : compilations de nature complexe qui vulgarisent pour le clergé l'enseignement des écoles cl veulent suppléer, comme le dit fréquemment l’auteur, ù la pénurie des livres. Les litres, comme c’est le cas pour la plupart des œuvres de l'énigmatique reclus, sont parlants : Gemma aninuv, Spéculum Ecclesie, etc. Isidore de Séville, Amalaire de .Metz, Bupert de Deutz sont largement mis ù profit Les cha pitres de la Gemma sur la messe font la place fort grande à l'explication symboli(|ue, aux rapproche­ ments avec l'Ancicn Testament, à la représentation de la passion, etc. Le Sacrament urium est plus sobre et plus succinct. Sur la présence réelle et la conver­ sion, voir Gemma aninuv, i, 31, 32, 33, etc.; Sacra mentarium, 88, P. L., t. ci.xxii, col. 554 sq., 793; J. Endres, Honorius Augiistoduncnsis, Kempten, 1906, p. 38, 10, etc. Un De officiis ecclesiasticis en trois livres, imprime dans les œuvres de Hugues de Saint-Victor, mais dû à la plume d'un prêtre d'Amiens, Bobert Paululus, à en croire un bon manuscrit de Corbie, P. L., t. clxxvh, col. 381-456, est une compilation sans relief, qui prend beaucoup, meme verbalement ù VEpistola ad Joannem episcopum Piclaviensrm de officia missiv d'Isaac de Stella, prés Poitiers, p. i... t. çxcrv, col· 18891896; voir la préface de l’auteur, col. 381 et passim, qui parle de la présence réelle cl de la conversion au 1. II, c. xii, xxxii, etc., col. 418, 431,etc. L'auteur ne peut cire Hugues, puisqu’il se dit lui-même prêtre séculier occupé dans lemlnistèrc paroissial, I. I, c. xn, xxxii» col. 388, 399. Cf. Hauréau, Les oeuvres de Hugues de Suint-Victor, Paris, 1886, p. 203. Le texte ferebatur in manibus suis employé par saint Augustin. Enarrat, in ps. xxxiti, 1.2. P. i.., t. xxxvi» col. 306» 308, est appliqué à Jésus Christ ministre du sacrifice, col. 418, comme chez Guitrnond et d'autres. Vers la meme époque se place le Liber de canone mystici libaminis, P. J.., t. clxxvii, col. 155-470, fort répandu dans les bibliothèques du moyen âge. L’auteur est non pas Jean de Cornouailles, mais un chanoine de Pré montre, Bichard de Wrdin g hausen, près de Cologne. Haurcau, Notices cl extraits des manuscrits, t. xxiv, 2* partie, p. 145. Un allégorisme recherché prédomine avec excès dans cet exposé du canoa de la messe. Signalons les passages sur la présence réelle, voilée sous les Cbpccxs uu pain cl du vin, avec le miracle de 1253 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT Γéglise des Prémontrés, c. in, col.461,cl sur la conver­ sion : Qu vu benedictu sunt... in verum et summum tacriflciurn transformantur, ta est, in verum corpus et san­ guinem Christi, c. v, col. 462. Un autre écrit liturgique, Intitulé Speculum de mysteriis Ecclcslie, P. L·., t. clxxvii, coi. 335-380, cl gratuitement attribué à Hugues de Saint-Victor, est également une compilation qui puise beaucoup, entre autres, dans les œuvres du Victoria. Les consi­ dérations théologiques s'y mêlent à l'exposé litur­ gique, notamment depuis le c. vi jusqu’il la fln, sur la messe, les Écritures, la Trinité, etc. Tout ce qui s’y rencontre sur la théologie de l'eucharistie, sur la double manducation, etc., col. 362-367, avant que l'auteur passe à la paraphrase ou à l'explication des cérémonies de la messe, ne nous fournit qu'un écho de l'enseignement des Somrnistes. L'auteur se dit, dans sa préface, plus logicien que théologien, col. 335; il est resté inconnu; à tort on l’a confondu avec Hugues de Saint-Cher ou avec Innocent IIL Cf. Hauréau, Ln livre est aussi scolastique que liturgique quand il parle de l’eucharistie; c'est pour ces motifs que nous le pla­ çons plus loin, comme couronnement de l'enseigne­ ment scolaire sur le dogme eucharistique. 2. Poésie liturgique. — La poésie liturgique propre­ | ment dite ne fournit guère de pièces relatives à l'eu­ charistie au xn* siècle. Les Versus ad eucharistiam . sumendam, Droves-Blume, Analecta hymntca mtdfi ævi, Leipzig, 1907, t. n,p. 298, ou Bernard, Irish hymnenbook, t. n, p. 99, dans les publications de la Brad· show society, Londres, 1897, L xrv, de i'antipbonahc de Bangor (680-691), constituent une exception qui ne disparaîtra qu'avec l’établissement de la fête du saint-sacrement au xnr siècle : c'est alors que se produit une magnifique floraison <1 hymnes eucha­ ristiques, notamment dans les centres cisterciens ou sous la plume de saint Thomas d'Aquin. DrevesBlume, Ein Jahrtauscnd lateinischer Hgmnendichtung. Leipzig, 1909, t. il, p. 202 227, 355-359; Analecta hymntca. t. i, p. 384-389; l. iv. p. 28-32; t. v, | p. 24, 73, 71. 211, etc. En attendant, les recueils les plus riches, comme celui de l’abbaye de Saint-Martial à Limoges, ne contiennent rien sur l’eucharistie. Drives-Blume, Analecta hymnica, 1889, t.vii; Ein Jahrtauscnd, etc., t. n, p. 202. Une seule hymne est à signaler, mais nous n'osons faire nôtre l'affirmation de son premier éditeur, Eugène de Levis, Aneedota sacra, Turin, 1789, p. 53, qui l'attribue à saint Anselme sans aucune raison à l’appui. Dreves-Blume, Ein Jahrtauscnd. etc., (! t. π, p. 221. On peut la lire dans l’ouvrage cité de | Dreves-Blume ou dans le Thesaurus hymnologiciis de Daniel, t. n, p. 328. il affirme avec Insistance la pré­ 1 sence réelle : Christi corpus ave..., Viva caro.d Has in­ tegra, verus homo; mais le titre qu'elle porte : In ele­ vatione corporis et sanguinis Christi ne s’adapte pas du tout à la période qui suit immédiatement les luttes bércngaricnnes. Voir plus loin le moment de la trans­ substantiation. Si la poésie liturgique proprement dite est à peu prés silencieuse en la matière, il n'en va pas de même avec les autres productions poétiques du xii· siècle. La versification latine, en honneur dans les écoles et cultivée avec succès au xir siècle, cf. une ’ liste alphabétique de ces pièces publiée par Walten lacb, dans Zeitschrift /ür deutsches Alterthum, 1872, t. XV. p. 169-506; Hauréau, Journal des savants, 1891, p. 127 110, etc., s’exerce fréquemment sur les sujets eucharistiques. Il nous faut citer ici celles qui circulent sous le nom d Hildcbert du Mans, celles de Pierre de Blois, de 1 tenter, etc. Les unes se rattachent à la controverse bérengaîiennc, à l'instar de Durand de Troarn (f 1088) qui avait placé un prooemium en vers en tête de son Liber... contra Berengarium et ejus sedatores, P. L., t. exux, col. 1375. Les autres 1255 EUCHARISTIE AU XII* SIÈCLE EN OCCIDENT 125G n'ont aucun but polémique avoué, à moins qu’il i est virtuellement fermée par Anselme de Laon, ne faille y voir une réponse indirecte aux attaques I totius orbis latini lumen (Sententia9. inédites, ms. lat. B. N., 16523, fol. Isq.; voir Ilauréau, Journal des des cathares et des autres sectes hérétiques qui niaient l'efficacité du sacrifice de la messe peur les défunts, savants, juillet 1895), dont l'érudition patristique, voir plus haut : tel le récit de Renier, moine de Saint- un peu compacte, est reconnue par un élève aussi Laurent à Liège (f 1182) : De milite captivo et per hautain qu’Abélnrd. Celui-ci ajoute la documenta­ tion pour et contre de son Sic cl non. P. L., t. clxxviii, salutarem hostiam liberato,dans le De conflictu duorum animorum, libellus secundus, P.L.,L cciv, coi. 85-90. col. 1329-1611. Alger de Liège, si les Sententia Il en est parmi elles qui traduisent les préoccupations magistri A (inédites, ms. Troyes, Paris,Vatican; voir des livres scolaires de l'époque, comme celles que Alger, 1.1, col. 827) sont de lui, rentre plutôt dans le Beaugendre a gratuitement attribuées ù Uildebert sur groupe des anciens Sentenciers enregistreurs. A côté les trois parties du corps du Christ : quid divisio cor­ d'eux sc placent les collections canoniques qui leur poris Christi in (res partes significet, P. L., t. clxxi, fournissent beaucoup de leurs textes. C’est dans cette coi. 1280, 1406: question devenue classique depuis double série de recueils que les Sonunistes trouveront les interprétations ultra-symboliques d’Amalairc de en tout ou en partie leur dossier patristlque; d’aucuns Metz. Des pièces plus longues redisent, en des vers l’enrichiront de lectures personnelles dans les origi­ d’un mérite souvent problématique, l'enseignement naux; mais l'apport des collections canoniques, notam­ théologique des écoles, tels le Liber de sacra euchari­ ment dans la partie sacramcntaire, est incontestable. stia qui contient en réalité deux petits poèmes de Pierre Cf. P. Fournier, Les collections canoniques attribuées le Peintre, chanoine de Saint-Omer, L. Delisle, Cabinet à Yves de Chartres, dans la Bibliothèque de l’École des des manuscrits, Paris, 187-1, t. n, p. 453, et non d’Hil­ chartes, 1897, t. lvhi, p. 293, 410; Deux controverses debert du Mans, comme le donne à croire l'édition de sur les origines du Décret de Gratien, dans la Revue Beaugendre, P. L·, t. clxxi, col. 1195-1212, ni de | d'histoire et de littérature religieuses, 1898, t. m, p. 97, Pierre de Blois, comme le voulaient Budéc et Gous- 253; Annat, La documentation patristique de Pierre sainville, P. L., t. ccvn, col. 1135. Voir Ilauréau, Lombard, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Mélanges poétiques d'Uildebert de Lavardin, 1882, 190G, p. 88; Gillmann, Die Siebenzahl der Sakramenten p. 95-101; Notices et extraits de quelques manuscrits, bei der ersten Glossatorcn des Dekrcts Gratians, dans Paris, 1892, t. v, p. 210-228. En dépit de leur mince Der Katholik, 1909, etc. En outre, les courtes sùsvaleur poétique, ces pièces conservées dans beaucoup criptions en tête des canons donnent le contenu de de manuscrits offrent de l’intérêt, car elles remontent toute la doctrine; par leur précision, leur fréquent au début du xn· siècle et conservent encore l'écho de usage ecclésiastique et l'estampille quasi officielle qui questions telles que celles du Cur Deus homo, P. L., les < autorise» (authorizare, authenticus, etc.), ces cha­ ibid., col. 1199-1200, et de la valeur du sacrement pitres guident l'exposé du théologien sommislc: sa indépendamment du ministre, col. 1201-1202, ou des route est nettement balisée. 11 ne lui reste plus qu’à controverses sur la présence réelle du vrai corps du harmoniser et à systématiser en un corps d'ensemble Sauveur, col. 1199, 1205, etc., la conservation de son la doctrine contenue. intégrité malgré les multiples communions, col. 1201, Une courte comparaison entre le recueil classique 1 adjonction d'eau au vin, col. 1195, 1204, etc. D'un du xi· siècle dû & Burchard de Worms, aidé par caractère plus liturgique que théologique sont les Olbcrt de Gembloux (vers 1025), et celui d’Yves de Versus de sacrificio missæ, avec préface de Pierre Chartres (un peu avant 1100), donne une idée très Gaillard du Mans, dus à la plume d’Hildebert. C'est nette du chemin parcouru. Les 63 canons du 1. V de une paraphrase rimee des cérémonies et surtout des Burchard, De sacramentis corporis et sanguinis Domini, prières de la messe, P. L., ibid., col. 1175-119G, et P. L., t. exL, coi. 749-762, insistent surtout sur le un remaniement poétique de l’écrit d’Yves de Char­ côté pratique : matière du sacrement, vases sacrés, fré­ tres sur la matière, comme le montre Franz, Die Messe quentation, pureté de conscience,etc.,il n'a que peu ou im deutschen Miltelaller, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, pas de canons relatifs au dogme de !a présence réelle p. 451, dont nous avons diverses fois utilisé l’ouvrage ou de la conversion. Même Anselme de Laon est bien dans ce paragraphe. L’élévation n’y figure pas encore, sobre sur ces matières; s’il a collectionné quelquescol. 1153. Les écrits d’Hildebert sur le saint-sacre­ uns des bons textes, les suscriptions qu’il y a mises ment étaient fort goûtés par Guillaume de Malmes­ sont sans importance (ms. Bibi, nat., 16528, fol. 17bury, tout comme ceux d’Amalairc qu'il résume. 19, 97 sq.). Tout autre est le 1. I, can. 123-162, de la Abbreviatio Amatorii, inédit, ms. de Lambeth, 39, et Panormia d'Yves de Chartres : titre et contenu des ceux d’Yves de Chartres (voir la préface et l'épilogue canons sont significatifs pour la présence réelle, la de son résumé dans la Determinatio Joann is Pari- conversion, la permanence des espèces, etc. P. L., siensis praedicatoris Parisiensis, de modo existendi t. clxi, col. 1071-1084. Voir aussi le Decretum, corpus Christi, éditée par Jean Alix, Londres, 1686, π, 1 sq., col. 135-206, dont les rubriques sont cepen­ p. 82, 84). dant inférieures à celles de la Panormia. Même progrès Citons encore des vers sur les trois messes de Noël, dans d’autres collections canoniques que nous ne sur la pénitence requise avant la communion et l'ac­ pouvons développer en ce moment, pas plus que nous tion de grâces, etc. Ibid., col. 1439, 1426, 1410, etc. ne pouvons nous étendre ici sur les sources qui ont 5e Œuvres de systématisation : théologiens et cano­ alimenté le dossier des recueils chartrahis. Cf. Fournier, nistes. — 1. Premiers dossiers patristigues et recueils loc. cit. Toutes d’ailleurs trouvent leur couronnement canoniques. — Ce que nous venons de dire sur les dans Gratien, dont le De consecratione, dlst. Ill, est si traites particuliers, les sermons, les correspondances, largement mis à profit par Pierre Lombard. Nous en les travaux liturgiques de l’époque, nous a déjà ouvert parlerons plus loin à propos de la transsubstantiation; une échappée de saie sur l’enseignement des écoles ce chapitre montrera par un exemple l’utilisation des dont ces produits sont souvent le reflet. Pénétrons dossiers canoniques par les théologiens. Avant cela, davantage maintenant dans ces groupes scolaires et les Scntmliie attribuées à Alger de Liège (ms. Bibl. voyons la doctrine de l'eucharistie systématisée par nat., lat. 3881) avaient beaucoup puisé chez Yves. Fournier, ibid. les Sentenciers et les Sommistes. La liste des anciens Si l’on veut sc rappeler l’importance de ces recueils recueils de Sentences où l’on sc contentait d'aligner canoniques dans la vie ecclésiastique et le renom de ks textes de la Bible et des Pères, en les introduisant siècle (presque tous les premiers par une courte indication de leur contenu doctrinal, leurs auteurs au 1257 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT 1258 commentateurs de Gratien seront revêtus de la dignité tions, l’usage pratique affirme depuis longtemps une épiscopale ou même cardinalice), on comprendra sans croyance, dont l’expression tarde à sc produire dans peine quelle précision dans la pensée et quelle fixité la théorie ou dans les essais systématiques. Cette dans la transmission ces recueils devaient donner à constatation nous parait réduire l’importance attachée la doctrine. En effet, quand on passe des collections à la lettre d’Anselme par Harnack, Lehrbuch der canoniques aux nombreux Sentenciers du xn· siècle, Dogmcngeschichtr, 4· édit., 1910. t. m, p. 386, note, et un premier fait qui s'impose à l’attention est la re­ Loofs, Le il/oden der Dogmengeschichte, 4* édit., 1906» р. 504. production continuelle des mêmes idées, des memes remarques, des mêmes expressions, des mêmes pré­ De renseignement d’Abélard, qu’il serait spéciale­ ceptes, des mêmes citations, que celles qu’on a ren­ ment intéressant de connaître sur l'eucharistie, nous contrées chez les canonistes. Meme le De sacramentis ne possédons plus le texte,au moins pour la plus grande de Hugues de Saint-Victor, qui tranche si fortement partie. Il nous reste quelques échos de scs idées dans les accusations de scs adversaires, surtout à propos sur les produits d EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT 1266 nitif du livre des Sentences. Grâce surtout â Éber115; Kiiltncr, Folmar von Triefenstein, dans Tübinger theologi schc. Quartalschrift, 1883, t. lxv, p. 523-552; hard de Bamberg qui réunit une conférence dans sa Bach, Dogmengeschichtc des Mittclalters, t. i, p. 398, ville épiscopale, Folmar reconnut son erreur, Epist., 132, etc. Cette controverse met aux prises, outre Fol­ vm, P. L., t. exan, col. 500 sq.. et fit une profession complete de foi dont les termes sont orthodoxes. mar, tout le groupe des polémistes de Bclchcrsberg qui portent une attention toujours en éveil sur Epist., v. /*. A., t. exav, col. 1485-1486. les travaux et les assertions des théologiens dialec­ Gerhoch de Beichersberg (1169), qui compare un tiques des écoles de Paris, Epist., xv, xvn, etc., de moment son rôle à celui de saint Bernard (nos qui velut exploratores a b uno domino missi sumus, épitre Gerhoch de Reichersbcrg, son frère Arno, peut-être dédicatoirc du Libellus de eo quod princeps hujus Rüdiger, un autre de ses frères, ou un inconnu, B..., mundi jam judicatus sit, dans Monumenta Germanise outre Éber hard Ier de Salzbourg, Éberhard II de historica. Libelli de lite, t. in,p.241), eut à soutenir des Bamberg, etc. Voir une partie du dossier épistolaire polémiques, au sujet du sacrement de l'eucharistie, de toute celte polémique qui agite les centres mo avec ri autres qu’avec Fohnar de Triefenstein. Cette nnstiques et épiscopaux de la Bavière et de la fols, cc M>nt scs propres idées qui furent en cause. Franconic, dans Grctser, Opera, t. xn p. 100 sq.; S’appuyant sur une distinction entre les formules ou dans P. A., t. exav, col. 1481-1490; les lettres sacramentelles qui portent sur un objet inanimé (cyin v, vu, vin, xm, etc., parmi la correspondance de et vin, saint chrême) et celles qui s’adressent Sun Gerhoch de Reichersbcrg, P. A., t.cxan, col. 494,etc.; le Liber de gloria cl honore Filii hominis, xiii,xiv,etc., être animé (comme dans le baptême ou l’ordination), il nie la validité de l'eucharistie chez les prêtres schis­ P. A., t. cxciv. col. 1117, etc.; VA pote gel ieus contra matiques, car Vintenlio catholica ne peut pas intervenir Folmarum d’Arno de Beichersberg. édit. Weichert là comme chez le récipiendaire du baptême ou de Leipzig, 1888. etc. l’ordre. Il n y a pas heu de nous attarder sur le déve­ Formé probablement par les ouvrages de Pierre loppement de ces polémiques qui ne constituent qu'un Lombard, dont Gerhoch l'accuse gratuitement de chapitre des controverses sur la valeur des sacre­ dépendre pour une de scs erreurs, Epist., xv, P. L. ments en général à l'époque des Investitures. Disons t. cxciii. col. 547, et en tout cas par la lecture d'un seulement que Gerhoch défendit scs idées jusqu’en Sentcncicr dialecticien qui n'a pu être identifié Jus­ cour de Borne (1133) cl écrivit sur la matière le traité qu'ici, mais qui admet dans le Christ les trois natures De simoniacis, P. L., t. exav, col. 1335; Monumenta dont parle saint Jean Dama scène, De fide orthodoxa, Germaniæ historica. Libelli de lite, etc., t. m. p. 240 sq.; ni, 16,P.G., t. xciv, col. 1068 (voir la lettre d’Ébcrhard de Bamberg à Éberhard de Salzbourg, dans les œuvres il le dédia à saint Bernard qu'il n’avait pu personnel­ lement entretenir sur cc sujet à la dicte de Bamberg de Gerhoch, Epist., vm, P. A., t. exan, col. 502(en 1135); son avis était, du reste, partagé par plu­ 503), Folmar admettait que, si le Christ était dit se sieurs hauts personnages ecclésiastiques. Voir Epistola trouver dans toute son intégrité présent sous les ad Innocentium, Monumenta Germaniæ historica, espèces, il fallait entendre cette formule non de son ibid., p. 225; Liber contra duas hæreses, P. A., t. ex cm, corps, mais de sa personne; pour lui, la chair seule col. 1170; Epist., xxi, ibid., col. 577; Liber de simosans le sang ni les os était présente sous les espèces niacis ou Libellus de eo quod princeps hujus mundi,etc., du pain, et le sang seul sans la chair, sous le vin : Monumenta Germaniæ historica, ibid., p. 262. 267Solam carnem puram Christi sine ossibus sine membris 268. Cf. aussi le Commentarius aureus super psalmos, corporalibus. Epist., v, P. A., t. cxciv, coi. 1482; vert 1115, pour les ps. x-xxv, dans Monumenta Gervm, P. A., t. cxciii, coi. 500 503. Cette assertion qui s'appuyait, dans un effrayant littéralisme, sur un maniæ historica, ibid., p. 413-428; P. L., L exem, col. lo25, ps. xxi, 19. texte de saint Jean, vi, 54, Epist., vm. P. L., exan, col. 502, et sur une citation fautive d’Augustin, 4. Innocent III. — La lignée des maîtres en l’une et Epist., clxxxvii, 3, n. 10, dans le Liber de gloria et l’autre branche se ferme par un nom célèbre entre tous qui resume tous scs prédécesseurs, car dans Γhis­ honore Filii hominis, xiv, P. L., t. cxciv, col., 1121,etc., se rattachait à sa conception de la présence du Christ toire du dogme, de la théologie et du droit canon, localisée au ciel. Ibid., xm, col. 1117. Mais Fohnar ne l’œuvre de l.othaire de Segni (Innocent HL y 1216), renouvelait pas l’erreur de Bérenger, comme le lui sinon scs écrits proprement dits, prennent une place reprochent sans fondement Gerhoch : blasphemus considerable : il fait vraiment époque et par les défi­ Herengarii pedisequus, aller Hc-cngarius, ibid., xm, nitions du concik de l^itran, et par la législation cano­ nique à laquelle son nom est resté attaché. Le traite xiv, col. 1117, 1123, et Bach. op. cil., t. i, p. 405; sa dont il faut parler ici et dans lequel se résume tout lettre dit clairement qu’il admettait la présence réelle par la conversion, P. L., t. cxciv, col. 1 181, mais le l’enseignement scolaire précédent, est une etude litur­ gique : De sacro altaris mysterio libri sex, P. L., vrai corps du Christ, présent dans l’eucharistie, ne t. CCX.VJI, coi. 773 916, entremêlée do théologie et dont l’était pas, d’après lui, dans toute sa plénitude; celle-ci le succès fut brillant à travers les âges. n'existait qu’au ciel. Par suite, dans une hostie, con­ Remarquons toutefois qu’une édition critique serait tenue dans un ciboire, il y avait moins du corps du ù faire : il y a des interpolations évidentes comme celle Christ que dans une grande hostie sur l’autel : quasi du c. XVII, I. IV, col. 868. où intervient le frère Egide minus in cucharisliali quam in spatioso altari corpus (Gilles de Borne) avec les mots ex naturali concomi­ Damini comprehendi poss il. Epist., x m. P. L,, t. exem, tantia. Cf. .Egidii Columns theoremata de corpore col. 502. Christi, Rome, 155 L prop. L, p. 37. etc., où le mot Les accusations d'ublquisme (du Plessis d’Argcntrè, intervient souvent. Le Dr sacro altaris mysterio a dù Collectio judiciorum, l. i, p. 110) ne semblent pas être compose avant 1198. date de l’élévation de son fondées; Fohnar les retourne, du reste, contre ses auteur au souverain pontificat, car les soucis de cette adversaires. Cf. Arno, op. cit., p. 161. L’adoration de charge ne lui en auraient plus laisse le temps. Une allu­ l’humanité du Christ intervenait dans la discussion sion fort claire ù la participation des cardinaux à la comme corollaire, mais elle n’est, en somme, qu’un messe pontificale confirme l’idée de Mirbt qui date écho des vives controverses de ces mêmes polémistes l'ouvrage de l’époque où Lothaire de Segni était luisur In christologie, Epist., vu, xv, etc.» P. L., t. exem, col. 497, 547; Liber de gloria, etc.,xix, P. L., t. cxciv, I meme cardinal à Rome. Op. cit., 1. IV, c. xx, col. 874 ; Hcalencyclopddic, t. IX, p. 111. Au début du 1. I\, col. 1113, etc., dont l’Allemagne, la France, Rome col. 851, l.moccnt III interrompt brusquement la série et l’Italie auront ù s’occuper jusqu’au triomphe défi­ 12*57 EUCHARISTIE AU XII' SIÈCLE EN OCCIDENT de scs paraphrases des prières liturgiques.ou la descrip­ tion des cérémonies de la messe qui commence avec le I. II, pour donner une longue étude dogmatique sur l’eucharistie, col. 851-885. Il la fait débuter aussitôt qu’il a terminé l’explication de la prière du canon : ut fiat corpus et sanguis dilectissimi Filii tui Jesu Christi, coi. 852, et y Intercale la paraphrase des paroles qui se prononcent depuis cet endroit jus­ qu’aux mots : Unde et memores, avec lesquels s’ouvre le I. V, col. 885. Des passages plus ou moins longs de cette œuvre se retrouvent reproduits dans les lettres d’innocent III, comme dans celle à l’archevêque de Lyon démissionnaire, Jean de Bclcsmcs, Ep/s/. v, 121, Î9 novembre 1202, P. t. ccxiv, col. 1119, 1121. 'J. De iacro altaris mysterio, 1. IV, c. v, ix. Λ part les traités écrits contre Bérenger, c’est peuttre la plus longue œuvre dogmatique de toute cette époque sur l'eucharistie. Elle a sans doute des parties originales, mais fidèle à la tradition scolaire, l’auteur suit de près scs devanciers, tels que Hugues de SaintVictor, à qui il fait des emprunts qui s’appelleraient aujourd’hui de vrais plagiats. La suite des chapitres accuse des repetitions inutiles, des manques de logique dans l’ordre, etc., où se trahit la diversité des emprunts et des modèles; mais une étude détaillée des sources est encore A faire. Innocent III examine successi­ vement les figures anciennes de l'eucharistie, c. n; sa matière, pain et vin, azyme, c. ni, iv; sa forme actuelle et à la dernière cène, c. v, vî; la vérité de la présence réelle, c. vu; la présence sous l’hostie divisée, ; c vin, ix; la communion des apôtres et de Judas, 1 c. xîi, xiii; la double manducation, c. xiv, et la permanence du sacrement après la communion, c. xv, .xvL Ici commence un long passage sur la trnnssubstantintion, c. xvn xxi ; puis quelques cas de rubri­ ques, pain sans vin, vin oublié, etc., c. xxn-xxv. Avec les c. xxvi-xxvin, xxxv, xu, xliii (de hora institu­ tionis) recommence la paraphrase du canon : post­ quam carnatum est, entrecoupée de questions théolo­ giques sur la conversion de Γαριια cum vino, vinum sine aqua, etc., sur la raison d’être de l’espèce du pain et du vin, etc., c. xxix-xxxiv, sur le sacramentum et res sacramenti et les questions connexes, c. xxxvi-xu Enfin, un dernier chapitre, xliv, donne les motifs de l’institution. On peut dire que, si les Idées dévelop­ pées dans le De sacro altaris mysterio d’innocent III sont le résultat de tout un siècle de recherches et d’études, leur expression même matérielle est le résumé, disons mieux, le reflet ou l’écho fidèle des principaux représentants de l’enseignement théolo­ gique du xir siècle. Si le commentaire sur les Sentences, que lui attribue le carme Louis-Jacques de SaintCharles, Hibliolhtca pontificia, Lyon, 1613,1. I, p. 117, sur la foi de Possevin,nc peut se retrouver,la perte est sûrement compensée pour le chapitre de l’eucharistie par cet ample traité De sacro altaris mysterio. H. DOCTRINE CONTENUE DANS CES SOURCES.---- /. SA rriN/xoLOO/i b.v pbogms. augures r patmstiqub. BÎrtBiTtOÜ DK CBUC BAFUSTIK DAB8Î.A S&tUE DES 9ACHBB g Mrs. — De l’examen de ces nombreux traités géné­ raux ou particuliers qui se succèdent au xn* siècle,se dégage une première constatation : le progrès constant de la terminologie qui va se fixant. Alger de Liège, op. cil., I, 5, 17, P. L., t. cijcxx, col. 752, 791, avait déjà Lût remarquer les confusions qui surgissent de l’emploi d’un vocabulaire mal défini et tout ce qui a été dit à ce moment sur le sacramentum, etc., con­ firme m remarque. Petit à petit les mots prennent non reniement un sens plus précis qui écarte les syno­ nymes et les expressions tâtonnantes, mais, en outre, on en crée de nouveaux, tel celui de transsubstan · (ialio dont on parlera plus bas. Les espèces du pain et du vin désignées d’une manière fort différente : -12G8 forma, Alger, i, 9, col. 766; Pierre le Vénérable, t.cLxxxix,col. 803; Bob. Pulleyn, t. clxxxvijoI. 967; Innocent 11 IJ IV. c. ix, P. t. ccxvn, col. 862, etc. ; figura (passim); species, Alger, n, 1, col. 809; Bob. Pulleyn, col. 967; Grégoire de Bergame, c. xxx, p. 116, etc.; qualitas natura.', qualitates accidentales, Alger, i, 7, col. 757, 810;Grégoire de Bergame, c. xxi, p. 85; Arnoul de Rochester, d’Achcry, Spicilegium, t. n, p. 411; Bob. Pulleyn, col. 967,etc. ; proprietates, Bob. Pulleyn, col. 966; Pierre de Poitiers, L V, cxn, P. A.,t. ccxi, col. 1217, etc., marquent une tendance, qui s’affirme de plus en plus, ù préférer le mol de species et mieux d’accidcntia. Guitinond l’emploie déjà, II, P. L., t. cxlix, col. 1150; Guillaume de Saint-Thierry, P. L·, t. clxxx, col. 343; I lildebcri (?), accidentia sine subjecto, P. L·, t. clxxi, col. 1153; Baudouin de Can­ terbury, P. £., t. cciv, col. 771 ; Pierre de Blois, P. L·., t. ccvn, col. 420; Étienne de Tournai, De consecra­ tione, I. Il, c. xxxii, p. 272; Alain de Lille, Pierre de Poitiers, etc., avant eux Pierre Lombard cl Gralien, passim. Ce mot finira par dominer exclusivement. Le tonne de forma qui s’appliquait souvent ù l’ensem­ ble du rite consécratoire ou ù la matière et à la forme, voire même au ministre:par exemple, Giraud le Cam­ brien, Gemma ecclesiastica, i, 8, p. 26-28; Césalre d’Heistcrbach,Dia/o0Us, ix, 1, p. 166; Rufin, op. cit., p. 551; Innocent III, I. IV, vî, vin, P. A., t. ccxvn, col. 859, 861 ; Pierre de Poitiers, Hire attenditur in re­ bus et in verbis, 1. V, c.xi, P. L., t. ccxi, col. 1243, com­ mence à designer purement les formules: hoc est..., hic es/,c’esl-A-direcc qui, depuis Guillaumed’Auxcrrc, sera appelé désormais dans le langage technique la · forme » du sacrement. Il en va même avec le mot materia. En même temps se précisent les divers sens que peut revêtir le mol conversio et l’on écarte ceux qui ne cor­ respondent pas ù la réalité de la conversion eucha­ ristique. Sans doute, ce travail ne se fait pas sans tâtonnements; il s’y mêle des qualificatifs qui ne sont pas toujours heureux, ou des comparaisons qui manquent totalement de justesse, comme dans la lettre d’Hildegarde au clergé de Mayence, voir plus loin; mais sous 1’exprcssion hésitante ou l’explica­ tion incomplète, la vraie croyance à la chose se laisse apercevoir sûrement. L’ordre même et la disposition d’ensemble ou de détail des traités doit trop se débattre contre la fas­ cination des anciens textes qui se présentent auréolés par les siècles, ou contre l’attrait des discussions polé­ miques, surannées ou actuelles, qui veulent être enre­ gistrées, pour qu’un Magister divinitatis consente Λ les omettre sans engager sa réputation. De lâ, entre autres causes, des digressions, des répétitions, des longueurs, aussi bien à la fin qu’au début du siècle. Il faut attendre une main vigoureuse, au sendee d’un esprit puissant, pour étreindre tout cela en une systématisation parfaitement logique; le xin· siècle y sera aidé d’ailleurs par l’assoupissement de certaines questions fort agitées auparavant. La documentation patrlslique est abondante assu­ rément, principalement dans les traités anlibérengarlens, les collections canoniques de Gratien, d’Yves, d’Alger, etc., chez quelques Sommistes qui utilisent ces divers dossiers. Remarquons la survivance des principaux textes du Liber de corpore et sanguine Domini d’Hériger de Lobbes, Jadis attribué A Gerbert; ci. dom Morin, Les Dicta d’Diriger de Lobbes sur Γeucharistie, dans la Revue bénédictine, 1908, t. xxv, p. 1-18, qui lui-même puise dans Paschase Badbcrl, J. Ernst, Die Lehre des hl. Paschasius Radbertus von der Eucharistie, Eribourg-cn-Brisgau, 1896, p. 27, et celui-ci est dépendant de Fauste de Riez, cité sous b nom d’Eusèbe d’Émèse. Ibid., p. 36; P. L., t. xxx, col. 271. 1209 EUCHARISTIE AU XII* SIÈCLE EN OCCIBI.M On retrouve ces textes de Paschasc et d 1 lérlgcr un peu partout, dims les truités particuliers, duns les col­ lections canoniques, chez les Sommisics, parfois avec des attributions différentes qui hésitent entre Eusèbe d'Émèse cl saint Augustin. Ils reparaîtront encore au XIV’ siècle dans les (juodlibetu de Guillaume Occam et ailleurs. Il va sans dire que l'authenticité de tous ces textes (pii constituent le dossier palristiquc de l'eucharis­ tie n’est pas a l’abri de soupçon, pour ne pas dire davantage : telle la citation de saint Jérôme dans le Tractatus contra amaurianos sur la présence de Jésus Christ dans toutes les parties. Op. ci/., p. 59, c. xi. Cl. aussi De consecratione, dist. Il, c. 77, et la note des correctores romani, li serait prématuré de vouloir retrouver au xn· siècle l'acribie dont se pique le xix« ou le xxe siècle. Λ propos de la docu­ mentation patristique, notons aussi l'insistance à écarter les contrarietatcs entre les expressions ; elle dénote le trouble des esprits devant certaines for­ mules qu'à première vue ils ne pouvaient harmoniscr : Videat quomodo se expediat de sententiis Patrum quas sulqicimus. On peut voir, par exemple, Guil­ laume de Saint-Thierry, De sacramento altaris, xn, P. L., t. clxxx, col. 362 : considerare libet... cur super hac re in sanctorum Patrum tractatibus reperiunturlam dubiœ sentent iiv cl lam scrupulosæ et qua:... contractæ videantur. Cf. c. xi, col. 359. Cette insistance s’étend, du reste, à toutes les matières théologiques ou cano­ niques et fait créer la formule · non sunt adversi, sed diversi. Ifugues Métel, Gerhoch de Rcichcrsberg, Arno de Rcichersberg»Robert de Melun dans la préface du manuscrit de Bruges, etc. Alger avait dit, op. cit., 1, 17, P. L., t. clxxx, col. 790 : varie loquuntur sed non contrarie. Certains procédés d’exégèse sont à noter aussi, dont la formule, souvent exacte, donne occa­ sion, cependant, à des applications maladroites: tels les axiomes sur le double ou le triple corps du Christ, qui se ressentent des règles de Tyconlus jamais ou rarement nomme (par exemple, dans Innocent III, op. cit., 1. IV, c. xvn, P.L., t. ccxvn, col. 869), ou des idées d’Amalaire (désormais Sergius pape). Enfin, les textes d’Augustin sur la double manducation du corps du Christ ont une interprétation qu’on peut appeler classique et qui se retrouve chez la majorité ou la tota­ lité des auteurs théologiques. Dans le grand effort de systématisation qui carac­ térise les deux derniers tiers du xir siècle,les recherches sur ladéfinitiondusacromen/uniet son application à nos sept rites attirent tout de suite l’attention. Outre les attaques soulevées par les bérengariens et leurs suc­ cesseurs, qui tous abusaient du mot sacramentum, figura ou mysterium, pour nier la vérité de la présence du corps de Jésus-t hrist. ci. Guitmond, op. cit., n, P· L.,l. cxlix, col. 1-15*1, 1455, 1461; Alger,op. ci/., 1,4, P. L., t. clxxx, col. 751; Grégoire de Bergame, etc., c. xi, p. 43, les difficultés d’une systéma­ tisation poussée avec logique jusqu’au bout du classe­ ment se faisaient spécialement sentir, surtout pour la pénitence, le mariage et l’eucharistie, par exemple, Alger, I. 8, P. L., t. clxxx, col. 760 sq., sur l’eucharistic et scs rapports avec les autres sacrements, Guil­ laume de Saint Thierry, op. c//.. ix. xn, p. L., t. clxxx, col. 355, 362, sur le corpus triplex et allusion à la règle de Tyconlus. Sans doute, les préoccupations trop exclusivement dialecticiennes de ces Sommistes pro­ voquent à bon droit le reproche d’une subtilité à courte vue; néanmoins, la chose n’afialt pas sans soulever un problème : tout sacrement étant le signe de quelque chose, la forma visibilis d’une autre chose invisible, de quoi le corps du Christ est-il la figure? Comment est-il signe, puisqu’il est invisible? Voir, par exemple, Alger, op. cit., I, 4, 5, Ibid., I | j i 1270 col. 751, 752 sq. Comment peut-il être signe, puisqu'il est mysterium! N’est-il qu'un sacrum secretum! La difficulté grossissait encore par suite des idées régnan­ tes chez les canonistes, dont la plupart, à un moment donne (et liuguis de Saint-λ ictor, déposé sur les lèvres des fidèles : cum pim sit glori fi­ catum, nec aliquam in loco distantiam faciat. Contra contribuaient d’ailleurs ù perpétuer la question. Le même résultat était dû au prestige fascinateur du lucre tiens, I, 57, 58, 7’. L., t. ccx, col. 359, 361. triforme corpus Domini, depuis qu’un copiste avait mis Innocent 111 n’en dit pas drvantage. Op. cit., I. IV, par erreur sous le patronage du pape Sergius un с. xxviï, P. L., I. ccxvu, col. 875. Il recourt, comme Grégoire de Bergamc, voir plus haut, à l’analogie de texte tombé jadis de la plume d’Amalaire et primiti­ vement assez mal accueilli. Vacant, Le sacrifice de la parole humaine, dont le son remplit l’orcilic de tous la messe dans la conception de ΓEglise latine, extrait les auditeurs à la fois, ibid., col. 875, mais se pose la de VUniversité catholique. Paris, 1894, p. 31, n. 2; question en refusant d’y répondre : tutius est in tali­ il n’est guère de théologien, de canoniste ou de bus citra rationem subsistere quam ultra rationem exce­ liturgistc qui ne l’invoque d’une certaine façon (voir dere. Op.cit., IV, c. vin, P.L., t. ccxvn, coi. 861 ; voir plus liant); à l’aurore du xni· siècle, Innocent 111 aussi IV, c. xvi, ibid., col. 868. Il y a unanimité pour reconnaît combien la question offre encore de diflireconnaître que le corps échappe aux lois de l’espace; cultes : a paucis intelligi, dit-il. Op. cit., L IV, c. ix, mais les essais d’explication sont hésitants. Sur l’usage P. L., t. ccxvii, col. 861. et le sens du mol localis, les pages d’Alger, correctes La réponse que lui apporte le Victorin est exacte, pour l’idée et d’une grande influence sur les écrivains mais n’explique rien : le corps du Christ a l’air d’etre ultérieurs, montrent combien les expressions devaient divisé; en réalité, il ne l’est pas, il est tout entier encore se fixer. De sacramento altaris, prologus, P. L., dans chaque partie; Hugues se rejette sur la toutes t. CI.XXX, col. 711. Voir aussi la note de Harwell Stone, A history of the doctrine of the holy cucharist, Londres, puissance, non ideo /alsum est quia mirum est. Et verum 1909, t. I, p. 270. n. 4; l’on peut mettre en regard les est quia mirum est, nec tamen sit nurum quia opus I gnes de Zacharias Chrysopolitanus, sur ia presence Dei est. Op. cit., I. H, part. VIII, 7, P. L., t. clxxvî, du Christ, localiter it invisibiliter m ado..., Dens illocol. 469. Pas un mot ici de la fraction des espèces ; 1275 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT Hugues a eu trop de timidité pour sortir d’une réserve que nous appellerions volontiers excessive. Λ ce moment,du reste, les avis étaient fort parta­ gés, comme on peut en juger par le court morceau cité plus haut : De fractione corporis Christi, dû à la plume d’un polémiste plus véhément qu'éclairé, P. L., t. α.χ\Ί, col. 1311-1318, l’abbé Abbaud, qui s’en prend à Abélard ou aux dialecticiens de la théo­ logie. 11 ne veut pas entendre parler d'autre chose que d’une réelle fraction dans le corps même du Christ; pas question d’une fraction dans les espèces seulement, ibid., col. 1347; il a accumulé les textes (quelques-uns sc retrouvent, pour être réfutés, dans les Sententim divinitatis, édit. Geyer, p. 131 ;scd oppo­ nitur...; dans Pierre Lombard. voir plus loin, qui les interprète autrement, etc.),et les preuves de la toutepuissance divine, etc., pour établir que l'affirmation simultanée de la fraction et de l’intégrité ne doit pas être regardée comme absolument contradictoire : ne Ipsa fractionis et integritatis assertiu omnino absurde indicetur. Ibid.y col. 1316. On peut en rapprocher ce que dira Zacharias au début de la seconde moitié de ce siècle : lui aussi rapproche les antithèses : corpus... frangitur... totum suscipitur et integre.... Incorrupti bite est... dentibus atteritur, etc., op. cit., P. L., t. clxxxvi, col. 508, et plus lard le fougueux Gauthier de Saint-Victor qui sera loin de la sage modération de son illustre prédécesseur, Hugues; la polémique de ce dernier sera aussi vive qu’injuste contre les · quatre labyrinthes de la France , comme il les appelle, surtout contre Abélard et contre Pierre Lombard. C’est à celui-ci qu’il s’en prend, 1. III. c. xi. et non à Abélard, comme le voulait Mabillon, Vetera analecta. Paris, 1723, p. 54; le texte est dans les extraits de du Boulay, reproduits par Migne, P. L., t. cxr.ix.col. 1153 1151. La Summa sententiarum, vi, 8, P. t. ci.xxvr, col. Ill, qui nous renseigne sur les divers avis en présence et les appuis bibliques ou patrisliques qu’ils invoquent, ne peut évidemment admettre que a fraction s’opère dans Je corps du Christ; elle i v peut sympathiser non plus avec ceux qui affirment qu’il n’y a IA aucune fraction, mais simple apparence ; alii dicunt non est ibi fradio, sed videtur tantum et non est; rapprochcz-en la lettre déjà citée de saint Anselme, P. L·, t. eux, col. 256; un dernier avis appuyé d'un texte de saint Paul, 1 Cor., x, 16, semble avoir ses préférences : alii dicunt... fractio non alicujus rei quœ ibi sit (id est, panis) ; formule bien imprécise encore < pour désigner, si elle a un sens, la fraction des espèces. Cf. Mignon, op. cil., t. n. p. 180. Les Sententia divi­ nitatis, si souvent tributaires de la Summa senten­ tiarum. marquent plutôt un recul; elles affirment avec saint Augustin cl en s’appuyant sur la omparaison de la réfraction et du miroir, que le corps du Christ n'est pas rompu : videtur frangi... atteri et non fran­ gitur... L'opinion de ceux qui disent ; il y a fraction réelle, mais le corps reste impassible, alii dicunt quod vere frangitur et irrrfrigibilc remanet, quod miraculum est.ct. Kbbaud et Zacharias, lac. cit., est franchement repoussée, edit. Geyer, p. 131, 135. La réponse de Boland, qui rejet c toute fraction réelle dans le corps du Christ, édit. Gictl, p. 233, 231, est plus satisfaisante : id est, fit ut aim primo tantum sub una specie esset jam incipit esse sub diversis spe­ ciebus; frangitur enim sacramentali1er et non essen­ tialiter : plus haut il a aussi la comparaison de la refraction du bâton plonge dans l’eau, p. 223. L’explication donnée par Ognibene, par Γ anonyme de Salnt-Flori n. édit. Gictl, p. 233, par ’’Epitome, C. xxix. P. L.. L clxxviu, col. 1742, se borne Λ affir­ mer une fraction apparente, nullement réelle, et à rejeter toute Illusion, parce que cette apparence a 127G pour but notre salut; même négation de Γ illusio par les Sententiæ divinitatis, toc. cit. La vraie réponse devait être fournie par le Magi­ ster Pierre Lombard, 1. IV, dist. XII, 5, qui, cette fois, n’a pas de modèle connu. Baltzer, op. cit., p. 131, le fait trop peu remarquer; Pierre Lombard se contente si souvent d’enregistrer qu’il vaut bien la peine de constater ses titres d'originalité; il est, du reste, réservé dans son affirmation : sane did potest. Après avoir longuement enregistré les divers avis, selon son habitude, il continue : sed quia corpus Christi incorrup­ tibile est, sane dici potest fractio illa et partitio non in substantia corporis sed in ipsa forma panis sacramentaliter fieri, ut vera fractio et partitio sil ibi quæ fit non tn substantia sed in sacramento, id est, in specie. Comme expression, on ne pouvait être plus heureux. De son côté, Robert Pulleyn, Sententia, VIII, 5, P. L., t. clxxxvi, col.966,967, était arrivé à une exacte notion deschoses; une étude minutieuse des rapports entre le Lombard et le cardinal anglais pourra dire si le Ma­ gister l’a eu ici pour modèle : llæc qualitas (à savoir du pain et du vin) frangendo cl conterendo aliter variatur, res ipsa quœ sub specie latet nullo modo alteratur. Op. cil., P. L., t.clxxxvi, col. 967. Pierre de Poitiers, le fidèle disciple du Magister, répète en d’autres mots la même idée, tout en consta­ tant le nombre encore imposant des partisans que comptait l’interprétation grossière de la confession de Bérenger. Op. cit., 1. V, 12, P. L., t. ccxi, col. 1250. L'expression d'innocent III qui rejette l'explica­ tion trop facile, mais condamnable, de ceux qui main­ tiennent la présence du pain et du vin après la consé­ cration, op. cit., I. IV. 9, P. L., t. ccxvii. col. 861 862, consacre désormais la même idée : dicamus ergo quod forma panis frangitur et atteritur, sed Christus sumitur et comeditur, coi. 862; puis il explique dans ce sens la profession de foi de Bérenger. Op. cil., 1. IV, 10, col. 862-863. Alain de Lille répond de la même façon à objec­ tion des hérétiques tirée de la fraction du pain. op. cit., I, 57, P. L., t. ccx, col. 350 : potius ad formam panis refertur quam ad corpus Christi; et plus loin : fractio enim... non est in corpore Christi, sed in forma panis, 58, coi. 361. Chez les canonistes, Rufin, entre autres, avait donné la vraie solution à la difficulté suscitée par la profession de foi de Bérenger. Op. cit., De consecra­ tione, dsl., II, c. 42, 58, édit. Singer, p. 561. o. Permanence de la présence réelle après la communion et en cas d’outrage. — Ce n'était pas en ces termes que sc posait la question qu'il nous reste Λ examiner en ce moment On lui donnait souvent un nom dont l’éty­ mologie seule en dit assez : c’était celui de stercoranismc;ou bien encore, l'on formulait en termes fort nets les interrogations suivantes ; Que devient lo corps du Christ après que le fidèle a communié? Est-il soumis, comme les autres aliments,aux proces­ sus ordinaires de la digestion, etc.? Quivritur an corpus Christi vadat in secessum, comme s'exprime Étienne Langton (ms. cité de Bamlærg, fol. 682). Rappelée par Paschase Radbert, De corporc el san­ guine Domini, XX. P. L., t. cxx. col. 1330. et avant lut par Hériger de Lobbes,op.cit., P. L., t. cxxxix. col. 179, pour être aussitôt écartée, et par Amalaire, Epist., vi, P. L., t. cv, col. 1338, qui se contente d'émettre trois solutions hypothétiques, soulevée de nouveau par Héribald d’Auxerre et Raban, P. L., t. ccx, col. 492, qu'accusera à tort Guillaume de Malmesbury, pré­ face citée, op. cit., p. 82-83, la question formulée cidessus devait agiter tout le moyen âge à peu près et faire surgir,sous la plume des controversis tes trop peu renseignés en histoire, un groupe d’hérétiques, les sterI coranistcs, dont l'existence est toujours bien problé- -1277 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT maliquc, pour ne pas dire davantage, Alger, qui consacre à cette question un ample chapitre» op. cit., 11, 1, P. L., t. axxx, col. 807-811, emploie le mot de stercoranistc, ibid., col. 810, déjà appliqué aux grecs par le futur Étienne IX, le cardinal Frédéric de Lor­ raine, Contra Nlectam, P. L., t. cxi.ni, col. 993. Dé­ sormais, Il allait perdurer dans la littérature théologlquc; plus d'une fois même il sera, bien ù tort, lancé comme une injure Λ l’Église orientale orthodoxe. L’importance, et par suite la survivance de ce chapitre dans la polémique eucharistique, sc com­ prendra sans peine, si l’on songe que les partisans de Bérenger tiraient parti de la situation dégradante faite à l'hostie consacrée, tombée sur le sol, foulée aux pieds, mangée par les animaux, digérée comme les autres aliments, etc., pour en former un argument contre la présence réelle; il en allait de même, nous l'avons vu, avec la question de la communion de Judas, dont parle la consultation de Guibert de Nogent et la polémique de Rupert de Deutz avec le scho­ lasticus magnæ œstimationis. On peut rapprocher, sur le sujet qui nous occupe, la lettre de Wolphehn, de Brunvil lers, vers la lin du xi” siècle, P. L., t. CUV, col. 112, celle de Gilbert de la Porce qui refuse la communion aux condamnes à la pendaison, P. L., t. clxxxviii, col. 1258, et les chapitres consacrés par Guitmond, op. cit., n, P. L., t. cxlix, col. 1118,1150, 1151,et Alger, op. cil., II, 1, P. L., t. CLKxx, col. 807, 811, etc., à cette attaque des bérengariens; celle-ci allait être reprise à leur pro­ fit, comme nous le voyons chez Alain de Lille, op. cit., I, 57, 38, P. L., t. ccx, col. 359, 362-363, par les sectes hérétiques cathares, etc. On constate, par une expression de Hugues de Saint-Victor et d'inno­ cent III, que l’objection ne manquait pas de troubler les âmes : ccgitatio pulsat animum. C'est par celle voie que le problème de la durée de la presence réelle sous les espèces sacrées devait arriver à trou­ ver sa solution définitive. Il existait déjà une explication qui s'appliquait aussi au cas des pécheurs qui recevaient indignement le corps du Christ : la présence réelle cessait subite­ ment et l’hostie redevenait pain. Guitmond repousse vivement cette solution pour les pécheurs, op. cit., n, ni, P. Z... t. cxLix, col. 1453» 1 191; mais elle se re­ trouve encore dans V Eucharistiun,, P. L., I.clxx . xii, col. 1255 (pas dans les autres ouvrages) d’Honoré d'Autun. Guitmond. qui n'est plus d'accord ici avec lui même, cl Alger donnent une explication inexacte et, depuis lors, universellement rejetée; Bellarmin les en reprendra dans son De scriptoribus ecclesiasticis, Cologne, 1681, p. 161. 176. Pour Guitmond, le corps du Christ n’est pas atteint; H retourne au ciel, ou bien les anges 1 écartent lorsqu’il va devenir la proie d’un animal ou l’objet de quelque outrage. Op. ci/., n, P. L., t. (xxix, col. 1 115, 1448, 1119, 1150; ni, col. 1151 1153. Pour Alger, tout cela n’est qu'apparent; grâce à un miracle, rien ne se produit, meme dans les espèces. Op. cit., Il, L P. L·., I. clxxx, col. 813, etc. Hugues de Saint Victor parle de celle matière avec une discrétion que I on ne saurait trop admirer rl qui lui fait presque toucher la vraie réponse, quand il s’agit de la communion; quant aux outrages ex­ térieurs. tout cela a l’air de se faire, mais le corps du Christ reste inviolé, De sacramentis, 1. H, part. VIH, 12, Z*. t. clxxvi, col. 470; en somme il n'explique rien ici. Mais pour la presence réelle après In continunlon, il est plus heureux, nu point qu’il sera transcrit textuellement, ou peu s’en faut, par Garnier de Hochefort. Contra amaurianos, p. 61, et Innocent III. \ olr plus loin. bans être encore complet, comme le fait fort bien ; . . ' ( I | ! 1278 remarquer l'abbé Mignon, Hugues de Saint-Victor et 1rs origines de la scolastique, Paris, 1896, L n, p. 180, voici ce qu'il dit : comparant la venue visible du Christ en ce monde avec sa descente sur nos au­ tels, il continue : sic ergo in sacramento suo modo temporaliter venit ad te et est eo temporaliter tecum, ut tu per corporalem pnesenliam ad spiritualem quæ rendam exciteris et inveniendam adjuveris. Quando in manibus sacramentum ejus tenes, corporaliter tecum est. Quando ore suscipis, corporaliter tecum est. Deni­ que in visu, in tactu, in sapore corporaliter tecum «Z. Quamdiu sensus corporaliter afficitur, præsentia ejus corporalis non aufertur. Postquam autem sensus cor­ poralis in percipiendo deficit, deinceps corporalis præ­ sentia quærenda non est, sed spiritualis retinenda; dispensatio completa est, perfectum sacramentum, virtus manet, Christus de re ad cor transit. Melius est tibi ut eat in mentem tuam quam in oerdrcm tuum. De sacra­ mentis, I. II, part. VIII, 13, P. L., L clxxvi, coi. 470471. C'était s'approcher de bien près de la formule définitive; mais, malgré cc premier succès, le progrès sera lent. Guillaume de Saint-Thierry se contente d’une as­ sertion qui laisse sa pensée imprécise : sumpta ore carnis nostriv caro Christi nequaquam æstimanda est lege communium ciborum. Op. cit., vm, P. L., L glxxx, coi. 355. L'hésitation que traversent tous les tenants directs ou indirects de Γécole d’Abélard s’explique facile­ ment par le prestige du Magister Petrus. Il avait sou­ tenu une opinion bien voisine de celle de Guitmond, d'Alger, etc., de façon à rehausser l'autorité du passe par la fascination de son propre enseignement. Le texte nous en a été conservé dans les Capitula erro­ rum P. Abæbardi, édit. Cousin, t. n, p. 760-769; P. L., t. (xxxxii, col. 1052. Apres avoir rappelé ces outrages apparents, Abélard continue : et idto quæ· ritur quare Deus permittat ista fieri in corpore suo. An fort assis non ita fiat in corpore, sed tantum ita faciat apparere in specie? Ad quod dicimus quod rcuera non sit in corpore, sed Deus ita in speciebus ipsis propter ncgligenham ministrorum reprimendam habere facit, corpus vero suum prout ci placet, reponit et con­ servat. Boland n’admet pas que le corps du Christ, reçu dans la communion, soit soumis au processus de la digestion; an corpus Christi digeratur? Non, dit il. Op. cit., édit. Gictl, p. 232. Ognibcne et l’anonyme de Saint l lorian en disent autant. Ibid., p. 232, n. 234. Que se passe t il si l’hostie consacrée devient la proie d’un animal? Les avis sont partagés : Videtur corrodi et manet incorruptus, dit Hugues, op. at., I. II, part. VIII, 12. col. 170. La Sununa sententiarum ne dit rien; pour d’autres (Ognibcne, l’anonyme de SaintFlorian, ibid., p. 231, n. Il), le corps du Christ sc relire des espèces; ou bien la substance du pain y re­ vient; c'est l’avis que relate Boland, op. cit., p. 234235, lequel penche plutôt pour la repense allirmative: le corps du Christ traverse réellement ces outrages, mais sans corruption, comme le rayon du soleil qui pénètre partout sans souillure, p. 235. Remarquons» en passant» la connexion qu il y a entre cette question, que plusieurs resolvent en n'admettant qu’une appa­ rence extérieure de corruption, et ΓορΙηΙοη attri­ buée à Abélard sur les specus m aire. Cl. Ognibene, l’anonyme de Saint-Florian, toc. cit.; Guillaume de Saint-Thierry, Disputatio advenus Abœtardum, ix, P. I.., I. ci.xxx, col. 281 ; Alain de Lille, P,L., L ccx, col. 359, etc. Pierre Lombard est d’une circonspection qui étonne après la réponse si heureuse a lu question de la fraction : quid sumit mus? Deas novit, I. IV, dist. XIII, 1. vdit.Quaracchi,l. iv, p. 301; il r.e traite, du reste, cette matière qu'incidcmiucnt ; l'on croirait 1279 volon tiers Λ un oubli qu'il aurait voulu réparer, tant on est surpris de rencontrer quelques lignes sur celte question après le chapitre sur les consécrations des Indignes» Les gloses sur le Décret, connue celles de J. de Fant, peut-être de Jean de Faenza (sur l’identification, encore contestable, voir toutefois Schulte, Geschichle der Quellen des eau. Rcchls, Stuttgart, 1875, t. r, p. 1-10). croient encore à la disparition du corps du Christ, nu moment d'un outrage. De consecratione, (list. II, c. 91 , Qui bene, Lyon, 1634, p. 1964. Voir aussi les avis rapportés par Giraud le Cambrien, op. cit., i, 9, j). 30, et Césaire de Heisterbach, op. cit., i\. 13, p. 171, 175. Alain de Lille se rapproche davantage de la vé­ rité, quoique son explication, qui recourt à l’exemple de ceux qui se nourrissent de la seule odeur des fruits, soit peu satisfaisante. Contra luvrcticos, t, 58, P. L., t. ccx, col. 359, 362-363; quand il parle des produits de la digestion, il est moins heureux et ne touche pas à la vérité· Ibid., p. 363. Pierre de Poitiers a une solution meilleure a pro­ pos des prières : Jubé, Domine, istud deferri ni suMime altare tuum, qui rencontre des interprétations diflérentes, il se pose une question relative à la per­ manence de la présence réelle sur l’autel ou chez le communiant : voici la réponse qu’il relate : et dicunt quamdiu serpatur sapor qui remanet, facta transsu bstantiatione, tamdiu est ibi corpus Christi. Cum vero nec sentitur sapor, nec apparet species panis, non est ibi corpus Christi, quia non est ibi sacramentum, sub quo velabatur. Op. cit., 1. V, 12, P. L., t. ccxi, coi. 1252. Faut-il y voir une formule discrète em­ ployée à dessein pour éviter les mots an corpus Christi digeratur? C'est possible; mais son langage n'apporte qu’un peu plus de précision aux termes qu'il a pu trouver chez Hugues de Saint-Victor, loc. cit. On peut moine dire que celui-ci n’a guère été dépassé. Innocent III lui-même ne marque guère un progrès en ce point. S’il eut la sagesse de préférer, parmi les modèles qui s'oflralcnt à son choix, les discrètes remarques de I fugues de Saint-Victor (ce que fait aussi VExpositio connais misses du pseudo-Pierre Damien, en les entremêlant de phrases prises à Innocent, n. 6, P.L., t. cxlv,coL 883), il n’apporte aucune précision nouvelle ni dans la pensée, ni dans l’expression. Op.cit., I. IV, 15, P. L·., t. ccxvii, col. 867. Quant au cas d’incendie, etc., il admet qu’un nouveau pain est miraculeusement créé avant que les espèces devien­ nent la proie des flammes ou d’un animal, bien que, toutefois, les accidents séparés puissent être aussi brûlés ou manges. Op. cit., 1. IV, 11. col. 863. Pn vostin eut plus de décision : Il admet franche­ ment l'avis d'Eudes de Paris qu’il cite (ms. de Bruges 237, fol. 82, v. 2) : Item queritur quid sumat mus? Ici il se contente de mentionner le Dominus novit du Lom­ bard. Puis il continue : 3/. Odo dicit quod immun­ dius est os peccatoris quam os maris cl sicut potest esse in ore peccatoris sine sui inquinamento ita et in ore muris. Non est enim major ratio quare possit esse in immundissima pixide et non possit esse in ore muris. 6. Double manducation pour les bons ct les mauvais. — La double manducation par les bons ou par les mauvais a déjà été mentionnée diverses fois au cours de cet article; nous avons vu comment elle se liait aux problèmes Issus de la croyance à la présence réelle, commodans le fait de la communion de Judas, ou de la duree de cette présence dans les espèces sacranvntelles. Malgré la nette affirmation de Lanfranc, De corpore et sanguine Domini, xx, P. L., t. cl. col. 136, ii se rencontre, à la lin du xie siècle ct au commencement du xir siècle, des théologiens peu éclairés pour prétendre que le corps du Christ se SIÈCLE EN OCCIDENT 1280 retire de l’hostie au moment où un indigne va com­ munier. Gultinond réfute longuement cette erreur. Op. dt., ni, P. J.., t. cxlix, col. 1491 sq. Quelque quarante ans plus tard, VElucidariuni d’Honoré d’Autun reflétait encore cette opinion : corpus autem Christi per manus angelorum in cadum defertur, carbo vero a dicmone in os proficitur ut Cyprianus testatur, t, 30, P. L., t. clxxii, coi. 1131; cf. aussi col. 1132, sur Judas. L’Eucharistion est plus exact et la question posée :utrum in ore indigne sumentium in aliam naturam commutetur, 9, col. 1255, est résolue dans unsensqui ressemble à une rétractation(ù moins qu'il ne faille donner raison â Hauck contre Endres sur la paternité de l’ouvrage) : caro cjus di pane confecta in nullam aliam naturam transmutabitur. Idem enim est in ore pessimi quod tn orc piissimi... diversa in diversos c/Jicit, causa gloria*... causa perme. Ibid., col. 1255. Désormais, les représentants des écoles sont una­ nimes dans leur idée, si pas dans leurs expressions. Faut-il voir une exception dans Rupert de Deutz, comme le veulent quelques théologiens, tels que Bcllannin,op.ciL,obscrv«2B,ct Vasquez, In II/*™par­ tem, dist. LXXX, c. i? Les textes ne sont nullement concluants contre le moine de Saint-Laurent; ils seront discutés dans l’article sur Rupert. Nous ren­ voyons en attendant à VApologia Ituperti de Gerberon, P. L., t. clxx, col. 121 132. Hugues de Saint-Victor n’a pas de chapitre spécial sur cette matière, mah il prépare nettement le travail à scs successeurs par ses développements sur le sacramentum et rcs, op. cit., LH, part. VIH, 5, 7, P. L., t. clxxvi, col. 465, etc.; la Summa sententiarum dit que tous reçoivent le sacra­ mentum (se rappeler la distinction entre res et sacra­ mentum, la res toute seule et le sacramentum tout seul, c’est-à-dire ici corpus et sanguinem, vr, 7, P. L., t. clxxvi, col. 1130); les bons reçoivent,en outre,rem, c'est-à-dire ipsam efficaciam, ou, selon l'expression de saint Jérôme, spiritualem carnem Christi. Ibid. Pour Roland, 11 y a la corporalis ct spiritualis assumptio accordée aux bons, la corporalis tantum pour les mauvais (avec la communion de Judas, op. cit., p. 229-230). Voir aussi les Sententiœ divinitatis, p. 136, avec la question sur Judas, Ognibene, édit. Gictl, p. 229,14, et VEpitome,c.xxix, P.L.,t. clxxviii, col. 1741, etc. Le Magister Sententiarum a un long passage sur cette question : il y a, dit-il, la manducation sacramentalis pour les rnali, qui reçoivent la vraie chair née de Marie, mais non la chair mystique du Sa» veur; les boni ont la manducation sacramentalis et spiritualis (comme Roland : corporalis ct spiritualis). Le Lom­ bard continue scs développements dans toute la dist. IX et fait le commentaire des expressions difficiles d’Augustin, I. IV, dist. IX, édit. Quaracchi, p. 1992(H). Il a le texte classique de Lanfranc, De torpore ct sanguine Domini, xx, P. L., t. cl, col. 436, mais il le place, tout comme la Summa, vi, 6. P. L., t. clxxvi,col. 143,sous le pavillon de Grégoire le Grand, ibid., n. 2 : est quidem in peccatoribus ct indigne sumentibus vera Christi caro ct verus sanguis, sed essen­ tia non salubri efficientia. La spiritualis et Ia corporalis manducatio font l’objet de plusieurs chapitres aussi chez Guillaume de Saint Thierry, op.cit., v-vin, P. L., t. ci.xxx, col. 351-355. qui y applique la distinction du dupliciter caro Christi. Les paroles du Lombard seront répétées en résumé par Pierre de Poitiers, op. cil., I. V, 13, P. L., t. c< xi, col. 1252-1253, ct ici, comme souvent ailleurs, Inno­ cent III se fera l’héritier des idées ct meme des expressions de Pierre Lombard, loc. cil., et de Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, I. H, part. VIH. 5, P. L., L ccxxvi, col. 465 : boni comedunt ad salulcm, mali... ad judicium. Op. cil., IV, 14, P. L., t. ccxvn 1281 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT col. 866-867. La stropho de saint 'Diomas, Sumunt malt, sumunt boni, etc., dans le Pange lingua, était prêle depuis un siècle ! La vie du Christ présent dans l'cucharisllc a fait i l’objet de quelques courtes réflexions que nous nous contenions de mentionner : Rupert de Deutz, De ■ divinis of/lciis, n, 9, P. λ., t. clxx, 40, 41, auquel i répond Guillaume de Saint-Thierry, qui ne peut admettre ses vues, Epistola ad quemdam qui de corpore ct sanguine Domini scripserat, P. L.9 t. clxxx, col. 341-344, et Ilildebert, ou l'auteur du Brevis tra­ ctatus de sacramento altaris, P. L., t. clxxi, col. 1150- ! 1152. Innocent III, op.cit., I. IV, 8, P. L.,l. ccxvn, | col. 861, après avoir parlé de la présence du corps dans l'hostie ou ses parties, se défend d’aller plus loin dans ses investigations. Remarquons que la théologie actuelle, qui refuse au corps du Christ, dans l'eucha­ ristie, l'activité naturelle des sens, est beaucoup plus proche des idées de Rupert que de celles de Guillaume de Saint-Thierry. 7. Forme de l'eucharistie. Moment de la consécration à la dernière cène ou actuellement. — Cette question si importante de la « forme * du sacrement, en raison de ses liens intimes avec le problème de l’cpiclèse, ne peut sc séparer de l’histoire de la liturgie de la messe et, de ce point de vue, elle a surtout sa place dans les siècles antérieurs au xne. Par contre, l’in­ troduction de l'élévation après la consécration est un fait en connexion étroite avec les problèmes théo­ logiques ou dogmatiques qui agitent le xn· siècle. La généralité des auteurs placent la « forme », au sens actuel du mot, dans les paroles de la consécration, dans le sermo operatorius..., comme le dit Alger, op. cil., I, 7, P. L., t. clxxx, col. 756, ù la suite de saint Ambroise. Roland, op. cit., p. 232, tout comme Pierre Lombard, op. cit., 1. IV, dist. VIII, n.3, ne précise pas sa pensée, et scs abréviateurs comme Bandinus, Sen­ tent læ, I. IV, dist. VIII, P. L., t. ex ai, col. 1095, ou Gandulphc de Bologne, ms. de Bologne A. 57, foL 73, tout en donnant un autre texte, ne reproduisent pas non plus la formule littérale des paroles consécratoires. Ni Hugues, op. cit., 1. 11, part.VIII,2, P. L., t. clxxvi, coi. 461, ni la Summa, VI, I, P. L., ibid., col. 140-141, n'avaient été plus nets. Les collections canoniques, comme celles d'Yves ct de G ration, ne p-écis.*nt pas davantage; Pierre de Poitiers non plus, mais celui-ci dit expressément que l’invocation de la sainte Trinité qui précède n'est pas essentielle. Op.cit., I. V, 11,P.L.,L ccxi, col. 1213. Alain de Lille, Rcgulæ théologien, 169, P. L., t. ccx, col. 679, n’a rien de plus. Étienne de Tournai, op. cit., c. xxxix, p. 273, cite comme il suit les paroles consécratoires : hoc est corpus meum, etc., ct ne veut pas décider si l’omission de ce (pii précède ou de ce qui suit entraîne nullité. Il se rencontre un certain nombre d’auteurs pour dire que dans la dernière cène le Christ a produit la présence réelle par sa bénédiction, antérieurement aux paroles : hoc est corpus, etc., tels Odon de Cam­ brai, op. cil., P. L., t. clx, col. 1062, ct Pierre de Poitiers, op. cil., I. V, 11, P. L., t. c.cxi, col. 12441215, L T1IEOL CATIIOL. 1282 sentiment d’Odon, op. cit., 1. IV, 5, P. L., t. ccxvn, col. 858, fait ici un peu de critique littéraire à propos des expressions de la formule qui ne sc trouvent pas rapportées dans k· récit évangélique: elevatis oculis..., teterni Testamenti, mysterium fidei. Sur le moment même où s'opère la présence récite par ces paroles consécratoires, on peut voir Inno­ cent III, op. cit., 1. IV, 17, P.L.,L ccxvn,co’ 368, et Pierre de Poitiers, op. cil., 1. V, 11, 12, P. L., t.ccxi, col. 1244-1245, 1249; Étienne de Tournai sc refuse à examiner la question débattue de son temps, si la transsubstantiation sc produit petit à petit : sed utrum hoc pedetenlim fiat, ut verba dicuntur, quxrere aut disqui ere supervacaneum est. Op. cit., c. xxxix, p. 273. C'est qu’icl une question restait a trancher : la forme du sacrement opère-t-ellc La transsubstantiation séparément ct indépendamment pour le pain et pour le vin, ou la transsubstantiation ne se produit-elle qu’après la prolation de la formule du vin? D’après les quelques cas de rubnque cités plus haut (S. Bernard, Yves de Chartres, Gilbert de la Poréc, Hildegarde) et d’après l’avis des principaux théologiens, il n’y a pas de doute que la majorité (mulli doctorum, dit Césairc de Heisterbach, op. cit., ix, 27) des auteurs ne regarde la transsubstantiation opérée indépendamment par chacune des deux for­ mules; mais l’opinion qui retardait le moment de la transsubstantiation jusqu'à la fin de la seconde formule, a eu des représentants jusqu'au terme de la période dont nous nous occupons ici. Les témoignages de Pierre de Poitiers, op. cit., 1. V, 11, P. L., t. ccxi, col. 1245 (dicunt tamen qui­ dam...), d’innocent III,op· cit., L IV, 22, 17, P. L., L ccxvn, col. 872-873, 868, et avant lui de Sicard de Crémone (diverste sunt opiniones, ms. lat., Munich, 4555, fol. 75, dans Dtr Katholik, 1908, t. n. p. 421, note) sont explicites ;i ce sujet. Il y a plus; malgré la solution contraire de scint Bernard ct d’autres. Innocent III déclare à deux reprises que, pour plus de sûreté, dans ce conflit d’opinions (lui-même tient pour la valeur indépendante de chaque consécration, op.cit.,}. IV, 17), le prêtre qui continue la messe d’un confrère subitement empêche après la première consé­ cration doit recommencer les deux consécrations, op. cil., 1. IV,22, 24; cf. 17, P.L., t. ccxvn, col. 872, 873, 868, mais il déchire qu’il le faut faire en prenant une autre hostie. Ibid., 2*2. Maurice de Sully, au té­ moignage de Giraud le Cambrien, en dit autant Gemma ecclesiastica, i, 46, Opéra, t. n, p. 124. Cette réponse est contraire à la théorie qui préside à l’usage cistercien, tel qu'il nous est décrit et justifié par Cèsaire de 1 Icisterbach vers la même époque, Dialogus, ix, 27. édit. J. Strange, Cologne, Bonn, 1851, L n, p. 185; le moine bernardin attribue à Pierre le Chan­ tre et à scs sequaces, la doctrine opjKiséc qui ne veut voir qu’après la prolation des paroles : hic est sanguis meus, la transsubstantiation opérée : Quidam aiunt utnimque verbum ad ulriusque transsubstantiationem necessariam. Respondendum : diversa: opiniones, nec panem transsubstantian in corpus nisi verbis his prolatis : hic est sanguis meus. Pierre le Mangeur, au dire de Giraud le Cambrien (le texte invoqué par le P. Thurston dans le Tablet, 1907, t. π, p. 64 L ne se retrouve pas Λ l’endroit qu'il indique, mais dans la Gemma ecclesiastica, i, 8, Opéra, t. n. p. 27-28), était du même avis que Pierre le Chantre. Par contre, Étienne Langton, ancien étudiant lui aussi de Paris, est tout à fait d’accord avec l’opinion cistercienne, comme le montre son entretien avec Césairc, vers 1210, à l’abbaye de Heisterbach, rapporté dans les Libri miraculorum, édit. Meister : Dic Fragmente der Libri VIII miraculorum des Cicsarius von H ci s ter bai h, Pome, 1901, dans RôV. - H 1283 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT 1284 mische Quarlalschrifl, Supplemenlband. p. 16-17. C’est I une véritable hérésie dans l’emploi du pain levé; tel Alger de Liège, op. cil., H, 10, 8, P. L., t. clxxx, vers cette même date que ics ordonnances d'Eudes de Paris (entre 1196-1208) consacrent cette doctrine col. 827-830. Les autres sont pins modérés et conci­ par la pratique; elles ordonnent une élévation de liants, comme Gerhoch, Liber ue simoniacis, ibid., i’hodic apres tes mots : hoc est corpus meum, et ne p. 258, ou Innocent ill, op.cit., 1. IV,4, P. L., t. ccxvn, permettent pas de recommencer la première consécra­ cob 851; plusieurs se ressentent des pourparlers tion si, avant la seconde, on trouve le calice vide. engages au milieu de ce siècle avec les grecs et dont Mansi, Coneil., t. xxn, col. 682. L'usage de l'éléva­ Anselme de Havelberg, l'un des prélats les plus en tion après la première consécration commence à vue de l'Allemagne du nord, nous n laissé un compte s'affirmer dès lors dans les prescriptions conci­ rendu dans ses Dudogi (voir son échange de vues liaire» local s et des rapprochements suggestifs avec l'archevêque de x\’icomédie,sur le lèrmcntûtum et font voir au P. Thurston, dans Étienne Langton, Vazymum, Dialogi, m, 17-19, P. L., t. clxxx vni, archevêque de Cantorbery, ’’introducteur de cette col. 1334-1241). Il en est, comme Gandmphe de cérémonie de la messe dans la liturgie des églises | Bologne, qui ne se refusent pas Λ admettre une d'Angleterre, The elevation, dans The tablet, 1907, i révélation spéciale, faite à l’Eglise grecque sur ce p. 615 sq., 681; mais elle ne sc généralisé que gra­ pomi ; Verisimile uidetur quod alicui doiloruni eorum duellement, dans le monde catholique, à un moment revelatum fuerit (glose de Ganduiplie; De consecra­ où depuis longtemps la croyance à l'achèvement de tione, dist. Il, c. 3, lonservéc par Jean le 'Teuton et la transsubstantiation après chacune des deux for­ imprimée en marge dans les éditions du Corpus mules consecratoircs ne rencontrait plus de contra­ juris, par exemple, Lyon, 1624, p. 1913), et Huguccio dicteurs. Voir Elévation, t. iv, col. 2320· J de Ferrure (f 1219) répété son maître Gandulphc 8. Matière de reucharistie. — La matière du sacre- (ms. de Cambrai, col. 347 r»). Au vin il faut ajouter ment donne lieu à des considérations symboliques l'eau, ce que l’on appuie souvent de raisons symbo­ qui remontent par Fauste de liiez à saint Augustin et liques, par exemple, Pierre Lombard, 1. IV, dist. XI, à saint Cyprien,ou qui sont empruntées à la Bible. n. 7. Si l'eau n’est pas ajoutée au vin, la Sumniu sen­ On les base parfois sur une élymoiogie bien hardie, tentiarum n'osc pas se decider pour ou contre la vali­ comme Honoré d’Autun qui fait deriver punis de πάν. dité,!. VI,9, P.L., t. cL>.xvi, coi. 145;Gratiendit offerri Le pain et le vin ont été choisis parce qu’ils con­ non heel,De consecratione,dist. H, c.2, 7. Pour Poland, stituent la nourriture ordinaire,ou pour figurer l’unité le sacrement est valide, mais il conseille de recom­ dans l'Église, corps du Christ (parus ex multis granis, mencer le touL Op. cit., édit. Gietl, p. 231-232. Pierre vinum ex mullis acinis), comme on le trouve dans les Lombard, qui a tout un paragraphe sur la question, conférences entre Anselme de Havelberg et l'arche- i concède avec quelque hesitation la valeur de ces vêque de Nicomcdie,Dia/oyi,iii, 19,P.L.,L clxxxvhi, consécrations sans eau, en s’appuyant sur l'exemple des col. 1210, ou parce que l'âme est figurée par grecs. Op. cil., 1. IV, dist. XI, n. 8. Anselme de Havel­ le sang; or, l'eucharistie est prise ad tuitionem cor­ berg rapporte sa conference à ce sujet, au ch. xx. poris et uni nue; citons comme exemples : Summa Dialogi, m 20, P. L.,t. cxxxxvni, col. 1341-1245. Plus sententiarum,}, VI, 6, P. L., I. clxxvi, col. 142-113; tard, Étienne de Tournai se prononce contre la vali­ Sententia- divinitatis, v, édit. Geyer, p. 130, 139; dité, si l'omission de l'eau ou du vin a été produite Ogmbene, op. cit,, edit. Gietl, p. 227; l’anonyme de par la présomption ou l’hérésie : sccus est, ajoute-t-il, Saint-Florian, ibid., p. 227; Pierre Lombard, op. cit., si ignorantia vel negligentia (solum vinum vel solam L IV, disLXI, 6; Honoré d’Autun, Elucidurium, i, aquam fundat). Op.cit., part, ill,dist. 11, c. i, p. 279. 28, P. L., L CLXXii, col. 1129; Innocent Hl, op. cit., On peut voir dans Innocent III, op. cil., 1. IV, 18, 1. IV, 3, P.L., Lcoxvn,col. 854, etc. Innocent 111 pro­ 22, 23, 24, 25, 31, etc., ia solution de divers cas pra­ fite de ce»te question pour établir une connexion tiques relatifs à la forme ou à a matière du sacre­ nouvelle entre l’eucharistie et l’incarnation, op. cil., ment. P. L., t. ccxvn, col. 8G9, 872, etc. Nous I. IV, 21,P. L.,t. ccxvit, col. 874; du reste, celle ten­ passons également la question fréquemment débattue, dance s'accuse fréquemment; nous l'avons signa.ée si celle eau est aussi transsubstanticc au sang du déjà chez Honoré d’Autun, Eucharisliun, ni, P. L., Christ. Voir Innocent 111, op. cit., 1. IV, 29, ibid., t. clxxii, col. 1251, chez Guillaume de Saint-Thierry, col. 87G. op. cit., π, P. L., L clxxx, col 348, chez Nicolas 9. Ministre de Teucharistie. — Le ministre du sacre­ d’Amiens qui a une réminiscence ou une imitation ment est le prêtre : on rencontre quelques allusions ansciinicnne, semble-t-il. De acte seu de articulis catho­ aux prétentions des vaudois et d’au 1res sectes qui lica: fidei, iv, 3, P. L., L ccx, col. 613-614. veulent que les profanes puissent consacrer le orps C’est sou» ces espèces que le Christ se communique, el le sang du Christ (cf. les œuvres polémiques citées car la chair sanglante ferait horreur et ainsi la foi garde au déout de cet articie, â propos des attaques des en même temps son mérite; cette idée perpétuée depuis hérétiques); avant le milieu du siècle déjà, saint Paschase Radbert, dont le traité est toujours forte- 1 Bernard en parle longuement dans deux de ses ser­ ment u tu be, De corpore et sanguine Domini, xiii, P.L., mons in Cantica. C’est probablement ce mémo motif t exx, col. 1316, se retrouve sans cesse au xn* siècle de respect pour les droits de la hiérarchie sacerdotale dans aes cents des magistri, des cnn nist s ou théo­ qui fait tant insister à ce moment sur l’exer­ logiens, les sermons, etc. Citons VEhicidartum d'Ho­ cice des ordres ecclesiastiques par le Christ lui-meme nore d Autan, i, 28, P. L·, L clxxii, col. 1129; la durant sa vie mortelle. Aux textes cités dans i rlide Summa setUtniianun, L VI, 4, P.L., L clxxvi, col. 111; sur Pierre Lombard cl les Sept ordres ccclésiasliquei, les Sententia divinitatis, v, édit. Gtye , p. 130; dans la Revue d*histoire ecclésiastique, 1909, l. x, GniUvn, Ut vu nsecratio ne, édit. Quaracchi, disk 11,c.72; p. 29G, n. 3, on peut ajouter ceux de Hugues de Pierre Lombard, i. IV, di$L XI, p. 239. h faut du Reading ou de Rouen, Contra hivreticos libri 1res, 1. H, 9, 10; 1. ill, 2, P. L., t. cxai, col. 1289 sq., et pain de froment, triticeus, nisi de frumento, comine d*Innocent HI, op. cit., 1. 1, 3-5, etc., P. L., t. ccvn, discal Pierre Lombard, 1. IV, dist. XI, 8, et Alain de Labe, Regulas theologicae, 109, P. L., L ccx, col. 679. col. 76*777, < u . Un» opinion connexe rappelée par Abélard, mais qui L'noedaceus ne sulHl pas, étant destiné aux jumenta. a comme point de depart une idée exagérée de l’elïlCe pain loll êtr sans levain. I ici s’ouvre habituelle­ ment un paragraphe poicmlquc contre les grecs. , cacité des pu oies sacrûmcntelles, attribue toujours Les uns sont violents et sévères; Us voient meme I sa valeur à la formule consecral»»ire, fût-elic prononcée 1285 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT 1286 par un laïc,un prêtre ou une femme : Cujus cumque ait 1° Doctrines adverses : impanation, consubstan­ ordinis vel conditionis. Au dire d'Abélard, Theologia tiation, union hijposlutique avec le pain. — Les divers ihllstianu, IV, P. L., l. CLXXVI1I, coi. 1286, celle avis opposés à la transsubstantiation qu’c, uinêrc opinion était celle de Bernai d de Chartres (pour Alger, op. cit., prologus, P. L., L clxxx, coL 759, ridcnlilicaUon de Bernard, voir Clcrval, Les écoles sont considères par lui comme des erreurs et ne repré­ de Chm 1res au moyen âge, Paris, 1895, p. 159). sentent nullement à scs yeux un enseignement catho­ D'autres fois, il s'agit de maintenir ce droit pour lique, comme le donnerait à croire la courte citation tous les prêtres qui ont vécu après les apôtres; de là dc Boeholl, dans Healencydupadie fur proteslanΓ insistance avec laquelle le texte : Hoc facile in meam llsche 1 hcologie und Kirdie, t. xvn, p. 240. Guitmond commemorationem esl ordinairement ajouté à ceiui : d’Avcrsa,qui distingue si bien les nuances entre les lb»cest corpus, etc., dans la preuve de l'institution du divers groupes de bérengariens, est le premier qui nous sacrement et de la présence reçue. Voir,pussi/n, les té­ parle de iimpanation', au dire des adeptes dc celte moignages passés en revue puis haut, et Pierre le doctrine, ce serait là le fond dc la pensee de Bervngcr : Venerable, Contra pctrobiusiaiios, P. L., t. clxxxix, atii oero, redis Ecclesia: rationibus cedentes, nec lumen col. 798,810,etc. La Summa sententiarum,entre autres, a stultitia recedentes ut quasi utiquo modo nobiscum 1. Vi,4, P. Λ., L clxxvi, col. I ll, Boland Bandinelli, esse videantur, dicunt ibi corpus ei sanguinem Domini op. ci/., p. 216,et les Sentent ne diuinilalts, ediL Geyer, revera, sed latenter conlincit ii ui sumi possint (possit/) p. 110, 111, specillcnl ce droit pour les seins prêtres : guodanunodo ut Ua dixerim imponari. El hanc solis sacerdotibus. ipsius Eerengarii subtiliorem esse sciueniiam aiunt. Mais la confusion des idées qui se montre dans la Op. cit.,\. 1, P.L., l. cxlix,coI. 1430. Si ia pius grande polémiqué des investitures au sujet des sacrements, partie de son traité s'occupe des umbiatici, la corndes simoniaques, des excommunies, des indignes, panulio intervient au J. 111, ibid., col 1480, où sont etc., ne s'est pas encore dissipée une generation après relûtes les arguments des impanatores qui panent le concordat de W orms (1123). Ceia met sous la piuinc d'un Christ impanalum et invtnuium, coL 1482, I486; de plusieurs auteurs des opinions erronées. Si Hubert il rejet te en meme temps toute union ave le pain : Puiieyn, op. cit., Vill, 6, P. L., L clxxxvi, col. 968, nemo aicere audet, ita Deus el homo, et punis cl oinum reconnaît valides les consécrations faites par tous les Units est Christus. Unde igitur istis luce nova compo­ pretres, quels qu’ils soient, son avis n'est pas encore nat io/ ibid., col. 1182. Pius tard, Alger de Liege general. Plusieurs hésitent, d'autres ment cette vali­ s’occupe des mêmes erreurs, op. cil., prologus, et 1, 6, 8, dité pour une ou plusieurs des categories d'indignes, P. L., I. clxxx, col. 739, 754r-7a6, 7o5 ; quod Christus linpoi tante à cet egard esl la lettre de 1 fugues de Bea­ in pane sacramentali non lia pcrsonalilcr su impanading n Mathieu d’Aibano; eue lait anusion aux idées tus, ut in carne incarnatus. Mais il ne doniK pas deses Dialogi, 1. V, 11, P. L., I. excil, co·. 12U4, et d indication qui puisse fixer le nom d’aucun dcscs udexpose ù projxis de l’eucharistie une opinion sur la v ersaucs : errantes lumen quidam dc quibusuum sandovaleur des suciements qui rencontre beaucoup d'adhé­ I rum vc/bis dicunt Ua personaliter in pane impanalum rents. Li belli de h te, l. ni, p. 285; P. L., t. uxcn, Christum si cui in carne humana personaliter incarna­ col. 1227-1230. Meme sainte lludegarde, si sa ré­ tum Deum. ponse â la consultation rappelée pius haut est authen­ A ce moment cette erreur était nouvelle, nous dit tique, serait dans ce dernier sentiment. Epist., xun, Algci, mais quelle est dans su pvusce la portée UuunoP. L., t. cxGVil, col. 212-213. Pierre Lombard n a logique Ue ce mol? tecresis quia nova cl absurda pas non plus la note juste, op.cit., 1. IV» dist. Xlll, esl... radicitus esl cxsliipanda. Ibid., col. 754. outre et la Summit sententiarum, apres hesitation, se montre le groupe berengantn qu il a connu par l’ouvrage dc très favorable à un avis analogue, 1. VI, 9, P. L., Guitmond, Alger a-t-il en vue ici renseignement dc I. clxxvi, col. 116. On peut voir dans l'ouvrage de Biqxrl de Deutz? On l a dit, voir plus loin; mais la Sallet, Les réor dinations, Pans, 1907, p. 266-360, date du Dc sacramento corporis d sanguinis est trop Je trouble qui régnait a ce sujet dans les esprits jusque vaguement connue pour «ku\ n ail k droit oc lu dire bien après la redaction uu livre des Sentences; en anterieure 5 c.iie du De aiuinis ojpcus de Bupert. Allemagne, les polémiques se prolongent dans le Bernarquons aussi que les arguments des impanagroupe de Gerhoch de Bcichersperg et, avant ceia, lorcs chez Alger, col. 754-755, ne se rencontrent pas Honore d’Autun s'en fait l'écho dans son Offendicu­ chez Bupert, a part une meme comparaison gemnde lum, p. 53, etc. Voir le Tractatus de sasmuticis, avec I incarnation (encore les tenues de I objection écrit vers 1161-1168 par un Bavarois, ibid., t. m, chez Alger ne sont-ils pas ceux des trois ouvrages incri­ p. 126-128; le Liber contra duas hicrcscs et les écrits mines de Bupert; ce qu'il dit uu ch. vm,centieiit un texte de saint dean, vi, 51), que nous trouvons chez de Gerhoch ou d’autres sur ces questions dans les Monumenta Germanice historica. Libelli dc tile impe­ Bupert, P. L., t. clxix, col. 178 sq.; mais les corol­ laires que tire ici Alger de l impanatio sont formelle­ ratorum cl HH. ponti ficum, l. in, p 12,29, 131-525, etc. — Simon de Tournai rencontre l'objection du Lom­ ment nus par Bupert, d’autre part, les adversaires de bard tirée do l’expression de l'offertoire cl du canon : Guitmond, op. cit., coi. 1181, recouraient à d autres arguments que ceux d Alger; 11 semble même que la Offerimus (ms. cité do Bamberg, fol. 18) : conficitur sacramentum hoc actore Deo, sacerdote ministro, slue comparaison avec l'incarnation vient de Guitmond, bonus sloe moins sit minister. Ibid., fol. 46. col. 1182,plutôt que dc scs adversaires.Ce qui est sûr Sur la consecration d une meme hostie faite par en tout cas,c’est que la doctrine de I impanation revient plusieurs prêtres à la fois, comme c’était le cas des encore chez un contemporain qui en écrit à Bup ri; cardinaux qui oillcl aient avec le pape, les avis étaient c’est Guillaume deSaint-'l hlerry ; il redoute de rencon­ trer dans les consequi nces d une expression peu claire partages. Innocent I11» op.cit.,\. IV, 20,P.L., t.ccxvh, col. 87 I dit que si tous ont l'intention de ne consacrer du moine de Deutz (quid hic corpus sacrificii appelle­ qu’on meme temps que l’olllchint principal, une prio­ tis, penitus non vidto) i’crnur berengarienne de Γim­ rité de quelques instants chez *.n seul dans l'expres­ panation. Epistola ad quemdam inunuchum, P. L., sion de la lormulc, n'empêcherait pas les autres dc I. clxxx, coi. 311, 312. Pms lard, les Svnleiiciers, prendre réellement part ù la consécration. comme Pierre Lombard, voir pius loin, mentionne­ III. DOCI RIXK Ot LA r/IAXOSUIfs l AiX l IA ΓΙΟΝ.— La ront encore celte doctrine pour la rejeter, sans s'y principale question relative à l’eucharistie au xn· siè­ arrêter davantage. cle est assurément celle dc la transsubstantiation ». En dehors des demandes d explication que lui in- 1287 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT voir Guillaume de Saint-Thierry ou des allusions pos­ sibles chez Alger de Liège, la position que prend dans ccs chapitres Rupert de Dcutz, De divinis officiis, π, 2, 9, P. L,, t. glxx, col. 35, 10; In Exod., π, P. L., t. clxvh, col. 617-618; In Joa.,vi, 52, P.L., t. clxix, col. 481, et qu'on a interprétée dans le sens de l'iinpanatlon ou dans celui de la consubstantiation et d'une union personnelle avec le pain, Baronius, Anη/des cedes., nn. 1111, n. 49; Oellannin.Dc eucharistia, disp. XLIX, sccL n, n. 12; Vasquez, In III·*partem, disp. LXXX; Pusey, The doctrine of the real presence as contained in the Fathers, Londres, 1865, p. 5 sq.; tandis que d'autres l’absolvent de ccs erreurs: Gerberon, Apologia Rupert i, déjà citée; Histoire littéraire de la France,t. xi, p. 456,520,etc.; Noël Alexandre,Hist, cedes., Paris, 1714, t. vi, p. 520-524; Tournely, Cursus theologicus, Cologne, 1734, Lin, p. 358-359; Bach, Dogmcngeschichte des Miltclallcrs, Vienne, 1875, t. i, p. 413; Schwane, Dogmcngeschichte, Eribourg-enBnsgau, 1882, t. ni, p. 641; Pohle, art. Impanation, dans la Catholic encyclopedia, 1910, t. vu, p. 691, etc., demanderait une étude spéciale qui aura sa place propre dans l'article sur Bupcrt et qui doit tenir compte aussi des vues du moine de Saint-Laurent sur la christologie et l’incarnation. Dans les œuvres subséquentes de Bupcrt et même dans le De divinis officiis, se rencontrent des passages d une orthodoxie irréprochable et irréductibles â une interprétation conciliable avec l'impanation ou la consubstantia­ tion, par exemple, In Exod., iv, 7, P. L., L clxvh, vol. 701; Epistola nuncupaloriu ad Cunonem, P. L., t. clxix, col. 203; voir d’autres passages dans VApo­ logia lluperti de Gerberon, P. L., t. clxvh,col. 163 sq. Faut-il voir,dans les lignes incriminées de De divinis officiis, des conceptions passagères ou des manières de s’exprimer qui revêtent la vraie pensée de l'auteur de considérations mystiques, sans la rendre dans toute son exactitude? Peut-être; il faudrait alors, pour écarter la contradiction de ses diverses affirma­ tions, entendre ce changement du pain et du vin, non pas au sens destructif, mais dans un sens perfecti! qui les élève à la substance du corps du Christ. Des expressions d’une exactitude douteuse se rencontrent dc-ci dc-lù, comme explications, chez les auteurs fort orthodoxes que nous avons passés en revue. Nous pouvons ajouter que le peu d’écho que trouvent ces idées de Bupcrt, malgré la diffusion de ses écrits, nous permet de considérer son cas comme un chapitre spécial, plutôt dims l’histoire d’une personnalité théologique intéressante que dans celle du dogme ou de la théologie eucharistique; le développement des doctrines et des systèmes du xir siècle n’en a guère été alïecté.A part divers passages du Mitrale,ni,5, 6, P. L., L ccxni, col. 116-118, 129, de Slcard de Cré­ mone, nous n’en trouvons d’écho nulle part; encore Sicard a-t-il dans les mêmes chapitres, m, 8, ibid., coL 141, et plus loin, tout comme dans son œuvre canonique, un exposé complet de la transsubstantia­ tion, si bien qu’il n’a pas même l’air, en employant quelques -unes des expressions de Bupcrt, de leur soup­ çonner un sens qui répugné à la vraie doctrine qu'il professe; il ne leur donne que la valeur d’une compa­ raison. 2° Le terme* transsubstantiation—1. Premier emploi. — On a cru et répété longtemps, contre les allinnations déclaratoires de Luther qui attribuait à saint Thomas et aux thomistes l'introduction du mot «trans substantiation >,qu'Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, mort en 1134, était le premier auteur thez qui l'on constatât l’usage de ce terme. Le témoignage d Hildcbeit présentait cette particularité intéressante qu il faisait emploi du mot dans un sermon à ses prê­ tres, dix ou vingt ans, peut-être même davantage, 1288 avant la composition des traités systématiques des Victorins ou des Sommistes des écoles de Paris; en outre, la manière aisée et toute naturelle dont il fai­ sait intervenir l’expression dans une œuvre d’édifica­ tion donnait â croire qu’elle avait depuis assez long­ temps droit de cité dans le langage théologique pour pouvoir se passer de légitimer ses titres et être aisément comprise d’auditeurs étrangers à la termino­ logie scolaire. Voici le texte : Cum profero verba cano­ nis et verbum transsubstanliationis, et os nicum plénum est contradictione et amaritudine et dolo, quamvis cum honorem labiis, tamen spuo in faciem Salvatoris... Itaque mundamini, etc. Serm., xcin, P. L., I. xxi coi. 776. En réalité, le sermon n'est pas d'1 lildebert. Beaugendre, qui grossit outre mesure le bagage litté­ raire de l'évêque du Mans, dans l'édition de scs œuvres entreprise à quatre-vingts ans, Paris, 1708, fut cause de l'erreur de la plupart des théologiens et d'histo­ riens, comme Déni lie, Luther und Lulherthum, Mayence, 190-1, p. 239; Mgr Batiffol, Éludes d'histoire et de théologie positive, 2e série, L'eucharistie, Paris, 1906, p. 372; Darwell Stone, A history of the doctrine of the holy eucharist, Londres, 1909, p. 275, note 2. C'est non pas ù Hildebert, mais ù Pierre Comestor, mort vers 1178, qu'il faut désormais reconnaître la propriété du Serm., xcm,de l’édition deBeaugendre. Notons en passant que Bochmer écrit par erreur < sermon lxxiii » dans l’art. Hildebert de la Realencyclopédie de Hauck, t. vin, p. 69; la faute est corrigée par Kattenbusch au mot Transsubstan­ tiatio, t. xx, p. 57. La preuve de la paternité de Pierre le Mangeur a été faite par B. Haurcau, en 1887, dans les Notices et extraits de la Bibliothèque nationale, t. xxxn,2® partie, qui a singulièrement diminué l'héritage littéraire d'Hildebert au pro lit de Pierre Comestor, de Pierre Lombard ou de Geoffroy Babion. Il faut donc reculer le sermon et le témoignage y contenu d'une quaran­ taine d’années. Cela ne lui donne plus, tant s'en faut, la première place dans l’ordre chronologique, car nous trouvons fréquemment le mot en usage avant 1175. Denille a réduit à néant, avec sa vigueur coutumière, les accusations de Luther contre cette « introduction thomiste »; un substantiel chapitre, d'une virulence plutôt étrangère au style historique, groupe en quel­ ques pages les principales afllrmations qui se font jour au xiir siècle. Luther und Lulherthum, Mayence, 1904, p. 237-245; 2· édit., Mayence, 1906, t. i, p. 612. Elles ont été reprises et complétées ou corrigées par Kattenbusch dans Rcalencydopadle für protest. Théo­ logie und Kirchc, art. Transsubstantiatio, 1908, t. xx, p. 56-58 et, depuis lors, Fr. Gilhnann de Würz­ bourg a singulièrement grossi la liste des citations canoniques cans Der Katholik, 1908, t. n, p. 417 sq.; 1910, t. n, p. 77. Le premier témoignage en date serait celui (le Pierre Damien qui emploie l’expres­ sion dans VExpositio canonis missa*, retrouvée par le cardinal Mal, Scriptorum veterum collectio nova, t. vi, et reproduite par Migne, P. L., t. cxlv, col. 79 sq. : Hoc est corpus meuin; quivrilur quid de­ monstret sacerdos per hoc pronomen hoc? Si pancm, pani nunquam congruit esse corpus Christi, sed de­ monstrat corpus Christi; sed quando profertur ipsum pronomen, nondum est transsubstantiatio. Respondetur quod sacerdos non demonstrat, cum illis verbis non utatur enuntiative sed recitative. Up. cit., n. 7, ibid., col. 883. Pierre Damien, qui est le premier aussi, semble-t-il, qui emploie les mots sacramentum con­ fessionis, aurait également enrichi de cette expression la terminologie théologique. C’est l’avis de l’évêque de Birmingham,Ch. Gore,qui après avoir donné la prio­ rité probable à Étienne d’Autun,Dissertations on sub jccls connected with the Incarnation, Londres, 1895, 1289 EUCHARISTIE AU XI? SIÈCLE EN OCCIDENT p. 2G8. n. 3, penche ensuite en faveur de Pierre | Damien qui apparaît avoir le premier usé de ce terme. The body of Christ, Londres, 1901, p. 11G, note 2. C’est ce que (ait aussi Darwcll Stone, op. cit., t. i, p. 259 260, n.3. Gicsclcr, parfaitement documenté dans ce chapitre de sa Kirchengeschichte, les avait déjà précédés dans cette affirmation. Lehrbuch der Kirchcngescldchle, Bonn, 1818, Lu, p.434,n.5.Cette attri­ bution n’est malheureusement pas Justifiée. Katten­ busch, toc. cil., p. 57, et Endres, Petrus Damiani und die ivcttlichc Wisscnscha/l, dans les Bcitrüge zur Geschichte der Philosophie des Millelalters, L vin, p. 10, n. 31, ont raison de ne pas regarder l’authenti­ cité de l'œuvre comme hors de doute; nous ne pour­ rions actuellement lui assigner d'auteur, mais nous croyons pouvoir affirmer qu'elle n'est pas de Pierre Damien. Elle suit en maints chapitres, pas à pas, le 1. IV du De sacro altaris mysterio d’innocent III et,si celui-ci ne se fait pas faute de transcrire Hugues de Saint-Victor,comme nous le montrons ailleurs la com­ paraison entre les c. vi et xvn, par exemple, d’inno­ cent III, P. L., t. ccxvn, col. 859, 868,avec les para­ graphes 3 et 7 de Pierre Daqdcn, P. L., t. cxlv, col. 881, 8S3, montre qu’ici le plagiaire n’est pas l’auteur du De sacro altaris mysterio, mais le compila­ teur de VExposi io canonis missa:, qui tantôt copie littéralement le précédent, tantôt supprime des phra­ ses entières,tantôt les résumé. Le mot transsu bslantialio, qu’il emploie dans le passage indiqué, est pris au litre du chapitre De sacro altaris mysterio. 17, dont il copie les premières lignes. L'écrit attribue à Pierre Damien s’occupe, en outre, de beaucoup de dis­ cussions scolaires, ce qui s'éloigne de la façon ordi­ naire du cardinal de Saint Sixte. Cf. Endres, op. cit., passim. Ce texte est donc à écarter définitivement de la liste des premiers témoins et doit être reculé jusqu’à la fin du xn· siècle. Voir Recherches de science religieuse, 1911, t. Π, p. 465. Le premier emploi du mot qu'on puisse signaler au xn0 siècle est celui qu’en fait Étienne de Baugé, évêque d’Autun, mort en 1139 ou 1110, à Cluny, entre les bras de Pierre le Vénérable, Episl., v. 6, P. L., t. clxxxix, col. 390 : oramus ut cibus hominum fiat cibus angelorum, scilicet ut oblatio panis et vini transsubstantietur in corpus ct sanguinem Jcsu Christi, Tractatus de sacramento altaris, c. xin, P. L., L ci.xxn. coi. 1291. et un peu plus loin : Quasi diceret (Dominus), panem quem accepi in corpus meum transsubstantial^, et illud do vobis. Op. cit., c. xiv, coi. 1293. Cette œuvre est-elle sûrement authentique? Gore ne semble pas en douter, Dissertations, etc., 1895, p. 268, note 3; Kattenbusch est plus circonspect. Rcatcncyclopddie, t. xx. p.57..Jadis Labbe,qui hésitait, Disser­ tationes philologiae de scriptoribus ecclesiasticis, Paris, 1600, t. n, p. 372, se promettait d’élucider la question. ibid., appendice, p. 807; mais il n’a pu réaliser son projet. Depuis Mabillon. Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1739, t. vi, p. 270, l’on regarde communémen* comme auteur le premier des deux évêques d’Autun du xn· siècle qui portèrent le nom d’Étienne (le second a un successeur en 1186). Les paroles de Pierre de Cluny, toc. cit., appuient relie attribution à Étienne de Baugé. Remarquons, en outre, que dans les exemples du c. VI : Quando Christus ecclesiasticas administrationes suscepit, ibid., col. 1277 1278, l’auteur du Tractatus se fait seulement l'écho d’Yves de Chartres (·{· 1115), Serm., n, de excellentia sacrorum ordinum, P. L., t. clxii, col. 513 sq., mais pas encore de Hugues de Saint Victor, Dr sacramentis,\. II. part. III, c. vi sq., P. L., I. ci.xxvi, col. 424 sq., ce qui concorde parfaitement avec la paternité du premier Étienne; en outre, les exprès- | sions fort discrètes de l’auteur quand il parle de la 1290 fraction de l’hostie ct de la manducation du corps du Christ, c. xrv, xvtiî, ibid.,col. 1293, 1303, alors que pour d’autres points il a d’ncurcux développements, par exemple, c. xvn, placent son œuvre avant les progrès qu’accuse la terminologie de Pierre Lombard. Voir plus loin. Un témoignage qui ne soulève aucune incertitude et qui n’a pas été signalé jusqu’ici, croyons-nous, si ce n'est par Gillmann, loc. cit., p. 418, est celui de Roland Bandinelli, le futur Alexandre III, qui écrit ses Senlentne, vers 1140-1142 d'après Dcnifle, Archio fur IA ter(dur und Kirchengeschichte des Mittelalten, 1885, t. i, p. 604, Abâlard's Sentenzen und die Bearbeitungen seiner Theologia vor Mitte des xi! Jahrhundcrts;vers 1150 d’après Gietl, Die Sentenzen Rolands Bandinelli, 1891. p. xvi ; mais nous croyons avec le P. Ehrle, Zeitschrift fur katholische Théologie, 1892, L xvi, p. 1 18-149, que la preuve qu'apporte Gictl n’est nullement décisive. Le professeur de Bologne s'exprime ainsi : Verumtamen, si necessitate imminente sub alterius panis specie con­ secraretur, profecto fieret transsubstantiatio, sanguinis nutem nunquam fit nisi de vino transsubstantiatio. édit. Gictl, p. 231, Voir plus loin l'enseignement détaillé de Roland. A partir des années 1150-1160, les témoignages s’accumulent; on trouve le rnot transsubstantiatio (ou transsubstanliare) dans les recueils scolaires des maîtres de Paris (Pierre de Poitiers, Pierre Comestor, Alain de Lille, Prévostin, etc.), dans les sermons (Pierre de Celle, Pierre Comestor, etc.), dans les correspondances privées ou officielles (Pierre de Blois, Picrrt de Pavic, etc.), dans les traités polémiques (Alain, l’ano­ nyme Contra amaurianos), dans les ouvrages de liturgie (Sicard de Crémone, Giraud le Cambrien, Innocent III), dans les recueils canoniques (Étienne de Tournai, Huguccio). ct jusque dans les écrits des moines des deux sexes (sainte Hildcgarde ct divers écrivains cisterciens), jusqu’à ce que le ch. n des dé crvts de 1215 le sanctionne par une décision conciliaire. 2. l’sage avant 1215. — Nous rangeons ici, le plus possible par ordre chronologique, les principaux témoi­ gnages qui s’échelonnent jusqu'au concile de Latran : 1. Étienne de Baugé, évêque d’Autun (f 11391149) : Oremus ut... oblatio panis et vini transsubstanlictur in corpus et sanguinem Jesu Christi, P. L., t. ci-xxn. col. 1291, cl:quasi diceret (Dominus).panem quem accepi in corpus meum transsubslantiavi. Ibid., 1 I. col. 1293. 2. Roland Bandinelli (Alexandro HI), vers 11401112, probablement pas après 1145. et sûrement avant 1153 ; Verumtamen si necessitate imminente, sub alte­ rius panis specie consecraretur, profecto fieret transsub­ stantiatio ; sanguinis autem numquam fit nisi de vino transsubstantiatio. Scntentiir, édit. Gietl, p. 231. Cf. ibid., p. xvn; Ehrlc, Zeitschrift für katholische Théologie, 1893. t. xvi, p. 118-1 19; Denifle. Abâlard’s Sentenzen und die Bearbeitungen seiner Theologia vor Mitte des xti Jahrhunderts, dans Archia fur Literatur und Kirchengeschichte des Miltelalters, 1885. t. i, p. 603-611. 3. Adam du Petit-Pont, évêque de Saint-Asaph en 1175 (7 1181). vers 1159-1165, à en croire le renseignement d’Étienne de Tournai qui rappelle l'en­ seignement d’Adam (voir plus loin l’œuvre d'Étienne) : Determinabat ( Mag. Adam Parvifwntanus) autem eam (auctoritatem) sic : Id quod fuit panis, c(c., con­ vertitur. transsubstanliatur in corpus Christi; cum cnim omnia verba communionis admittantur, ut transsubstanliatur. convertitur ct hujusmodi, transsubslantiatum ut est vet erit,vcl fuit, non admittitur, ne tamquam ex materia fieri credatur, ul avis ex ovo; ila enim panis convertitur in corpus ul non sit verum hoc : erit illud, vcl ex hoc, tanquam ex materia, fid (Hud Op. cit., part. HI, dist. II, c. XL, p. 274. 1291 EUCHARISTIE AU XII0 SIÈCLE EN OCCIDENT 1292 4. Étienne de Tournai, avant l’élection d'Alexandre du ciel avant son élévation au siège épiscopal de ΙΠ (7 septembre 1159) au moins pour une partie de Chartres (1180), comme il le dit lui-même dans une son œuvre, carAchnrd de Saint-Victor,et non Richard, lettre qu'il écrit étant encore abbé de Saint Rend, à qui y est cité comme évêque, p. 373, ne monte sur le Reims. Epist., clxvji, col. 610 : supposuit (Jesus) pa­ siège d'Avnmches qu’en 1161 (cf. Gillmnnn, toc. cit., nem e/ vinum et transsubstantiavit in corpus et sangui­ p. 418-119, et von Schulte, Die Summa des Stephanas nem suum. Serm., xi.î, in cœna Domini, 8, col. 770. Tornaccnsis. Giessen. 1391, p. xx): De consecratione pa­ 11. Pierre de Blois, dans une lettre écrite, comme nis et vini cerium est quia ad verba Christi : Hoc est archidiacre de Bath, Λ un diacre d'Angleterre nommé corpus meum, hic est sanguis, etc,, fit transsubstantia­ Pierre, donc entre 1175 et 1195 environ : Pane cl vino tio, et II regarde comme superflu de rechercher si elle transsu bdantiat is virtute verborum eldest ium in corpus s'opère pedetentim h mesure que se profèrent les pa­ ct sanguinem Christi. Epist., cxl, P. L., t. ccvn, col. 420. roles. Op.ciL, part HI, dist. H. c. xxxrx, p. 273. 12. Baudouin de Cantorbéry (évêque de Worcester 5. Sainte Hildogarde (1098-1180), dans une lettre en 1181), avant 1181, puisqu'il signe frater Halduinus écrite à l’âge de soixante-treize nnsfcf. P. L.,t. exevir, Fordensis monasterii servus, cl en toute hypothèse avant col. 229), donc en 1171 : ad prndatos Moguntincnscs, 1184, date de la mort de son correspondant, dans sa dit ce qui suit : Oblatio panis cum vino et aqua in car­ lettre ou tniité Liber de sacramento altaris, envoyé ύ nem et sanquinem Salvatoris transsubstantialiter, quem­ Barthélemy, évêque d’Excter, 1161-1184 : Panis... vcl admodum liqnum in ardentem carbonem per ardorem fil corpus Christi et transsubstantiatur, vel mutatur, vcl ignis,mutatur. Epist., xlvh. P. L., t. cxcvir. col. 224. convertitur in corpus Christi, P. L., t. cciv, col. 662. 6. Jean do Facnzn. après 1171. le plagiaire de Rufin 13. Alain de Lille, après 1179, puisqu'il fait allu­ et d’Étienne de Tournai, substitue transsubstantiareΛ sion au concile de Lntran de cette année, Contra transmutat qu’il trouve chez Étienne: Vivificat, i. c., hrereticos, n, 14, P. L., t. ccx, col. 382, dans cette facit vivere quia panem et vinum transsu bdantiat in cor­ même œuvre emploie le mot fréquemment: Dicunt... pus cl sanquinem. Summa, c. i, 9,1, c. 80; ms. Munich, hæreticipancm non transsubstantiari in corpus Christi. lat. 17152, fol. 49. Cf. Gillmnnn. toc. cit., p. 120. Contra hfrreticos, r, 57, col. 359. Transsubstantiatio 7. Pierre Comestor, avant 1175, puisque son His­ est illa species mutationis secundum quam ct mutatur toria scolastica est dédiée à Guillaume aux Blanches- materia et substantia/is forma sed remanent accidentia. Mains, archevêque de Sens (1169-1175; Il passe Λ Unde diciturtranssubstantiatio quia nihil de substantia Reims en 1175) : Hoc est corpus.., ex virtute horum remanet, r, 58, coi. 360. Mêmes emplois du mot dans verborum fil transsubstantiatio. Historia sco/adica, in les Ecguhv thcologicœ, 107, coi. 678. Evangclia, c. eut. P. L·, t. c.xcvnr. col. 1618. 14. Sicard de Crémone (vers 1185-1195?) : Mira­ L'emploi du mol est à signaler chez Pierre Comestor, bilius est de nihilo cuncta creare, quam creaturam (ransà une date imprécise, dans le sermon attribué à subsfanliure. Mitrate, ni, 6, P. L., t. ccxiit, coi. 129. Hlldebert et déjà cité : Cum profero verba canonis Super quœ cum oravit pro hostia transsubslanlianda, et verbum transsubstantionis et os meum plénum est.., carnque transsubstantiavit ct transsubstantiatam Patri amaritudine et dedo, quamvis honorem cum labiis, obtulit, nunc orat pro ipsius acceptione, coi. 131. On tamen spuo in faciem Salvatoris... Itaque mundamini, le trouve encore ailleurs, col. 91,116,117, 118. Dans Serm.,xc\u, parmi les Opera Hildeberti. P. L., t. clxxi, sa Summa canonum qui ne peut que difllcilemcnt coi. 776. Remarquons aussi que ce même sermon xeni remonter avant l'année 1183, mais qui est anté­ d’Hildvbert sc trouve avec des modifications impor­ rieure au Mitrale, ni, 6, P. L., t. ccxin, col. 117, le tantes, mais sans le mot transsubstantiatio parmi les mot ne se rencontre pas moins de dix fois, aussi sermons de Pierre Comestor. Serm., χχχντπ, P, L., bien transsubstantiare que transsubstantiatio Cf. les t. cxcvin.col. 1813. Si le Serm., xcni, n'est donc pas textes dans Gillmann, toc. cit., p. 420, note 5. l’œuvre d’IIildcbert. il reste encore à faire une étude 15. Pierre le Chantre, dans sa Summa de sacra­ critique des divers manuscrits signalés par Hauréau mentis, etc., encore inédite (ms. lat. Bibl. nat., pour déterminer si la version, conservée dans le 11115) qui veut surtout s'occuper des points moins t clxxi de Mignc, n'est pas un remaniement de celle étudiés dans les écoles : Et in hoc omittamus ca quœ que présente le t. cxcvin. usitatius solent inquiri, fol. 161, emploie le verbe 8. Pierre de Poitiers, avant 1175. puisque son transsubstantiare dans la question : Si alius panis œuvre est dédiée au même archevêque de Sens, quam de frumento transsubstantiatur in corpus Christi, Guillaume, emploie fréquemment le mot dans ses fol. 164. Scntcntiæ, I. V, n. 12, P. L., t. ccxî, col. 1243 sq., 16. Huguccio, qui achève sa Summa au plus tôt en 1247,etc. : Similiter quaeritur de defectione eucharisttæ, 1187, puisqu'il y cite le pontificat de Grégoire VIII an prolata medietate horum verborum, hoc est corpus (ms. lat., Cambrai, fl9, fol. 197), emploie sans cesse meum, ad quorum prolationem habetur transsubstan­ le verbe transsubstantiare, transsubstantiari; le sub­ tiatio, debent alter sacerdos.,, incipere.,., col. 1232; verba stantif transsubstantiatio s'y rencontre aussi, mais autem ad quorum prolationem transsubstantiatur panis moins souvent. Voir une longue liste de textes cités In carnem, hire sunt..., etc., col. 1213. Le mot sc re­ par Gillmann, toc. cit., p. 421-423. trouve plus de quinze fols dans ces chapitres. 17. Innocent III. Outre le De sacro altaris mi/9. Pierre de Pnvic, évêque de Meaux, puis de sterio, écrit avant son élévation au souverain pon­ Bourges, et cardinal de Saint-Chrysogonc, dans une tificat (1198), comme tout porte ά le croire, scs lettres lettre de 1178. conservée entre autres par Roger font usage du mot, par exemple, le 29 novembre 1202, de Hovcdcn. C'est la lettre qui relate les événements ά Jean de Belesmcs, ancien archevêque de T.von : de sa légation dans le midi de la France : Panis et QuKsivisti... qu.v sit forma verborum quam ipsi Christus vinum in corpus et sanquinem Domini vere transsub­ expressit, cum in corpus suum ct sanguinem, panem et vinum transsubstantiavit... alii terent quod aqua cum stantiatur. Epist., in, P. L., t cxcix, col. 1222, ou Roger de Hovcdcn, Chronica, pars posterior, dans les I vino transsubstantiatur. Epist.,v, 121, P. L., t. cxxiv, Perum britannicanim medii icvi scriptorcs, or Chro­ ' coi. 1119, 1121 ; cf. De sacro altaris mysterio, passim, ’ 1. IV, 5,17, 19, etc.» I*. L., t. ccxvn, coi. 868, etc.; mais nicles and memoriales, etc., 1869, t. LI b, p. 157. en dehors des titres des chapitres, c'est le verbe (rans10. Pierre do Celle, probablement bien avant 1180, car scs sermons, sans qu’il les prêche lui-même, com­ substantiare plutôt que le substantif qui a les préfémencés pendant son séjour à Celle, Epist., xix, P. L., ! ronces d*Innocent IIL 18. Giraud le Cambrien qui offre son ouvrage fraiL cm, cot 421. sont déjà répandus aux quatre vents ! 1203 EUCHARISTIE AU XIIe SIÈCLE EN OCCIDENT 1294 chôment composé Λ Innocent III en 1199. Dr rebus netteté qu'elle doit au tenez travail des siècles nrécé qsr ut. 18. dit. citée plus haut. p. 119: Outer'· dents, A la transmission des anciens textes pot ristursi agita transsubstantiatur in sanguinem. Item quœtiques. aux cfTorts de coordination ct d'exposition rifur si fada sit Irons ubstantiatio pan Is In carnem. didactique provoqués par la querelle bérenonrimne Gemma ecclesiastica, ï, 8, édition citée, p. 17 ct d’abord, puis par les objections des autres sectes héré­ passim. tiques. Voir plus haut. Vous avons déjà indiqué pré­ 19. Garnier de Rochefort, cistercien, évêque de cédemment le» principaux résultats qui se dégagent, Lnngrcs : liane iqitur specient nanis d vini in corpus nettement formulés, dans les écrits des adversaires de Christi (ranssubstantlatam miraris. Numquid (pse est Bérenger: on peut voir la place que prend dans cet quid transfiguratus est9 Serm.. χνπ», P. L., t. ccv. exposé la doctrine catholique de la transsubstan incol. 687. Mêmes expressions dans le traité Contra tion ct les réflexions qu'il suggère aux historiens du amaudanns, écrit en 1298 au plus tôt. ct vraisembla­ dogme même Indépendants. blement en 1210. par le meme Garnier, comme tout Les autres explications sont très nettement reje­ porte à le croire. Bacumker, op. cit., p. 12-18 : Transtées. Après la polémique bérengarienne. ΓηίΠemo­ subsluntiatur erqo panis et vinum in corpus d sangui­ tion de cette même doctrine se perpétue dans des nem Christi. Et quid mirum... substantia panis vertitur recueils d'un autre genre dont l'efllrncité, en raison in substantiam carnis; unde ct illa conversio pronrie de leur nature même ct de leur diffusion dans les transsubstantiatio nominatur, c, xt. xn. n. 60. 63 de bibliothèques des églises, pénètre jusque dans la vie l'éditinn ile Bacumker. Ein Traklat gegen dic Almaquotidienne du clergé et par lui dans la crovnnce du ricianer. Paderborn. 1893. peuple chrétien; nous voulons parler des collections 20. Prévost in. oui écrit sa Somme vers 1200 et est canoniques qui. depuis celle de Burchard dr Worms chancelier en 1206. emploie continuellement les mots et même avant elle,donnent une place Importante au transsubstantiatio et transsubstantiare dans son cha­ dogme eucharistique. pitre sur l'eucharistie. Dans le manuscrit de Bruges Leur but étant de mettre dans les mnîns des évêques 237 : une des seules rubriques porte comme titre : De et du clergé une espèce de Corpus de ce qui leur est verbis quibus fittranssubstantiatio, fol. 81. Gillmnnn a nécessaire pour la direction de leurs ouailles (cf. la constaté remploi du mot 57 fois dans les manuscrits préface de la collection de Rcginon de Pnim dans l'édition de Wnwrschlcbcn), on s'explique parfai­ de Vienne 1301 ct d’Erlnngen 333. Der Kathotik, 1910. t. n, p. 77. « i tement cette étroite union de la théologie et du droit canon qui apparaît dans tous ces recueils ct se main­ 21. Étienne de Langton, avant son élévation au tient même dans celui de Gratien, part. III. De conse­ siège de Cantorbéry en 1263. fait souvent usage du mot : item iste panis transsubstantiatur... dici­ cratione, suries sacrements, surtout dist. II-FW mus aiiod transsubstantiatur in totum Christum... Il faut signaler en premier lieu, parmi les effets de ces collections canoniques, la transmission des textes Quœlibrt pars transsubstanliata, etc. (ms. cité de patristiques qui parlent de la conversion du pain ct Beaml»erg, fol. 68). du vin au corps ct au sang du Christ. Sur cette con­ 22. Simon de Tournai, vers la fin du siècle, dans sa Summa ou Institutiones : Quod genus mutationis version. citons les textes qu’on peut lire dans le De­ quæ fit in eucharistia? Desponsio de mutatione quœ cretum de Gratien, De consecratione, dist. II. ct qui fit virtute verbi quam sic distinguimus, aliud esse sc rencontrent aussi chez scs prédécesseurs : can. 34 (attribué n Grégoire, en réalité de Lanfrnnc), en outre commutationem, aliud esse mutationem, aliud transsubstantiationem (m?.. c'dé, fol 57k Même emploi du chez Yves (Décret ct Panormie), Alger (Liber Sentent.); cnn. 35 (attribué A tort A Eusibc d'Émèsc, d’autres mot dans scs Disputationes (ms. de Bruges, 103, fois à Augustin, ou Hilaire, etc.), en outre chez <1 isp. LXVk Yves, etc.; can. 141 (attribué à Augustin), en outre 23. Jean le Teuton, l'auteur do la Glossa ordinaria, chez Yves, Algcr. etc.; can. 43 (Desacramentis, vi, 1 du avant le concile de 1215, se montre fidèle disciple pscudo-Ambroise),chez Yves, Alger, etc.;can. 55 (lbid.9 d’huguccio; il emploie ces expressions fort souvent; IV, 4), chez Algcr, etc. ; can. 69(Ambroise, Ζλ nysteriis, dans la Glossa ordinaria imprimée, on en compte c.vnî,ix). chezLanfranc.Guitmond, Yves, Algcr,etc.; plus de trente exemples en marge du texte du Décret. cnn. 72 (Augustin-Paschasc), chez le cardinal Grégoire Voir la liste dans Gillmann, ibid., p. -121. note 1. 24. L'Instructio sacerdotis. Imprimée parmi les (Polycarpc), Alger, etc.; cnn. 73, 74. 82. 83. etc. Une étude plus détaillée montrerait la présence des mêmes apocryphes de saint Bernard, mais de date imprécise, textes dans les collections inédites du xi· ct du xn· a la phrase suivante : Panis enim in manibus luis siècle, celle de Sara gosse (les plus anciens manu­ In corpus unigeniti Fili Del transsubstantiatur, part. II, scrits, comme B N., lat. 3S75, n'ont cependant le 9, P. L., t. ci \\x \. col. 785. livre contre Bérenger contenu dans la copie du 25. L'Exordium magnum cislercicnse, n,6, dû sans Vatican, Barb. lat. 2864). le Polycarpe, etc., dans lo doute A Conrad d’Éberbach. entre 1206 et 1221 (voir Vncandard, Vie de S. Bernard, Paris, 1910. 1.1, 1 detail desquelles nous ne pouvons entrer ici. On peut sc faire déjA une idée du nombre ct de la diffu­ p. xi.ix; I biffer, Der hl. Bernard von Clairvaux. sion de ccs formules patristiques en consultant les Munster. 1886, p. 172-1837). rapporte un fait fort tables de Friedberg. Corpus juris canonici, t. i, voisin de celui que relate Herbert dans son Liber p. XLVi-LXXiv des Prolegomena, Leipzig. 1879. miraculorum, ni, 26. mais ce dernier n'a pas le mot Avec ces textes, ces collections indiquent en mémo transsubstantiatio : Quidam monachus... in tantam temps d’une certaine façon leur exégèse, grâce A la cordis inopiam devenerat ut diceret panem et vinum... suscription qui les Introduit. Ccs titres, qu'on doit nequaquam transsubstantiari posse in verum corpus consulter avec précaution, dans les éditions peu cri­ rt sanguinem Domini... (reproduit dans Ia Vita prima tiques de Burchard eu d’Yves de Chartres, nous four­ S. Bernardi, vn, 6, P. L., t. lxxxv, coi. -119). nissent en peu de mots l'enscmbh de la doctrine· 3° La doctrine. — 1. Son ani mation. - Si le mot ne Comme exemple, nous donnons ici les formules de fail son apparition avec certitude que dans Io second Gratien, De consecrat., dist. II : Post consecrationem quart du xn· siècle et s'afllnne avec une fréquence non substantiated species remanet (can. 34); visibiles remarquable vers 1170-1180, il serait néanmoins com­ maturœ in Christi corpus d sanguinem invisibiliter plètement erroné, nous l’avons déjà vu. d'en conclure convertuntur (can. 35); quare in specie panis d vini A une introduction aussi tardive et aussi limitée de sacramentum suiimChrlstus nobis ministravit (can.36); In doctrine. Celle-ci s< rencontre nu xn· siècle avec une 1295 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EN OCCIDENT I2! G non natura nascitur, sed consecratione nobis conficitur ι corpus Christi mutantur, accidentia (qu'ailleurs Π corpus et sanguis Christi (can. 39); quod ante bene­ I appelle souvent forma, qualitates, etc.) esse non dictionem panis et vinum est, post benedictionem est desinunt, sed omnia remanent. Ergo panis el vini sub­ corpus et sanguis Christi (can. 40); sub specie panis stantur esse desinit. Op. cil., i, 7, P. L., t. clxxx, col. 756-757. La légitimité de ses déductions laissée à part, et vini invisibitem Christi carnem et sanguinem sumi­ on ne pourrait mieux dire. mus (can. 41); quare elementorum species reserventur... Pour être plus développées, les considérations de (can. 43); ante consecrationem est panis, sed verbis Guitmond sur les quatre espèces de changements Christi in eius corpus convertitur (can. 55); quibus ■ substantiels », rerum mutationes substantivas sive exemplis prater naturam substantia panis et vini in corpus et sanguinem Christi converti probetur (can. 69); ef/lcieptias, op. cil., n, P. L., cxlix, col. 1 143, citées par la Bible, ne contenaient rien de plus: par création; post consecrationem, licet figura panis ct vini maneat, par annihilation, col. 1113; cf. ce qu’il y dit des acci­ tan en nichil est ibi nisi corpus ct sanguis Christi (can. 74); corpus quod ex Virgine sumptum est a dents qui périssent ou qui se changent en d’autres, fidelibus accipitur (can. 91), etc. Π serait aisé de dresser col. 1413-1441; par le passage naturel ou miraculeux une liste semblable à l'aide d’autres recueils can ο­ en une substance non existante auparavant, col. 1 1 1 I ; par le passage d’une chose existante en une autre niques; contentons-nous de renvoyer le lecteur, dans déjà existante aussi, col. 14-11; ce dernier mode est l'état actuel des sources inédites, à la dissertation toujours précieuse des Ballerini (dans leur édition réservé au seul cas de la · conversion », col. I l 11. Si nous passons aux principaux représentants de des «ruvres de saint Léon. P. L., t. evi, col. 9 sq.), ct aux travaux de P. Fournier, WolfT von Glanwcll, l'enseignement scolaire, nous constatons chez Robert Pullcyn, Sententiae, VIII, 5, P. L., t. clxxxvi, col. Thaner, etc. On le voit, toutes les donnée' relatives à la conver­ 966-968, toute la doctrine de la conversion avec la sion sont déjà fournies par les affirmations des adver­ permanence des accidents, sans le mot de transsub­ saires de Bérenger et par les textes recueillis dans les stantiation. Il se rencontre pour plusieurs expressions dossiers patristiques ou les collections canoniques. avec Boland Bandinclli, son confrère dans le cardi­ L'objet du dogme ne fait de doute pour personne ; nalat. l'on croit à cette époque qu’il y a vraiment < convcrDans il son exposé, Hugues de Saint-Victor se sion », c’est-à-dire que toute la substance du pain ct montre d’une sobriété qui tranche avec les développe­ du vin est changée en la substance du corps et du ments de la plupart des représentants du groupe sang de Jésus-Christ, que le pain et le vin n'existent abélardicn; mais, pour succinct qu’il soit et dépourvu plus après la consécration, mais que leurs apparences de toute verbosité dialectique, le c. îx du De sacra­ extérieures donna, figura, proprietates, qualitas mentis, I. Il, part VIII, consu.ue un modèle de pré­ naturalis, odor, sapor, species, accidentia, etc.), con­ cision théologique, qui écarte toute idée ou expres­ tinuent à subsister sans que leur substance y soit sion inexacte ct digne d’un esprit clair et ferme comme encore. Nous avons déjà indiqué la plupart des pas­ le sien. Cette conversion sc fait non pas per unionem, sages saillants en faisant le relevé des principales mais per transitionem; il n’y a pas d’augmentation sources d’information. Pour la question spéciale des quantitative. De plus, le corps du Christ ne reçoit pas accidents, voir Eucharistiques ( Accidents). son être de cc pain, mais la substance du pain se change 2. Explication et theories. — Mais l’étude même de dans le vrai corps que possède le Christ ct ce change­ la · conversion » et des problèmes philosophiques que ment du pain ne sc produit pas, parce que le pain cesse soulève cc dogme a été faite par ces mêmes auteurs d'être, mais en devenant cc qu’il n’était pas. Hugues avec une succession de tâtonnements ou de progrès, donne alors les motifs de la précision de son langage, qui allectent tantôt la pensée, tantôt l’expression; en opposant les divers points énumérés de la vraie n’oublions pas que tout le xn· siècle théologique en doctrine aux diverses catégories d'erreurs. P. L., est là. 11 ne faudrait pas non plus vouloir trop presser t. clxxvi, col. 168. le sens de certains mots du vocabulaire de l’époque Le célèbre contemporain de ces deux auteurs, qui ne s’est formé que petit à petit. Dès qu’elle sortait Abélard, a eu,semble-t-il,sur la permanence des acci­ des notions vulgaires, la terminologie des écoles, dents ou tout au moins sur la disparition du pain et tenue en lisière par le legs des textes anciens ct, par du vin, une idée étrange ct qui ne peut sc concilier, suite, désorientée quand elle sc trouvait en face quoi qu’en ait pensé son auteur, avec la croyance d’expressions dont l’interprétation historique lui orthodoxe. A en juger par l’accusai ion de Guillaume faisait défaut, ne pouvait atteindre sa fixation défi­ de Saint-Thierry, Disputatio adversus Abu lardum, nitive que par un long travail d’épuration. Le mot c. îx, P. L., t. clxxx, coi. 280, par la lettre de saint seul de substantia, qui joue son rôle dans la formation Bernard à Innocent II, Epist., cxc, Dr erroribus du mot transsubstantiatio, donnait lieu à plus d’une Abœlardi, c. iv, P. L., L clxxxii, col. 1062 : omitto équivoque; Guillaume de Conches le faisait remarquer quod dicit... post consecrationem panis ct calicis priora à cc moment, Dialogus de substantiis physicis, Stras­ accidentia qua* remanent pendere in aere, et par les bourg, 1567, p. 8. Il en allait de même avec les mots échos que reflètent les affirmations de ses disciples /orma, accidens, etc. Voir, par exemple, Pierre Lom­ immédiats ou médiats, il aurait enseigné que la sub­ bard, I. II.disL XXXVII, 4; 1.1, dist. V 111,8, etc.,ou stance du pain ct du vin disparaîtrait et que les acci­ 1rs dictionnaires de théologie de l'époque. Alain de dents subsisteraient dans l'air. Cf. les textes de Lille, Distinctiones distinctionum theologicarum, P. L., Boland, etc., dans Gletl, op. cil., p. 234, note 11: t. ccx, col. 960, etc. Voir aussi Espenbergcr, Die Sententia: divinitatis, édit. Gcycr.p. 134; cf. Don!Ile, Philosophie des Petrus Lombardus, dans Retirage Die Sentenzcn Abadards, etc., dans VArchiv für Litezur Gcschichte der Philosophie des .MiZ/r/a/fcrs,Munster, ratur- und Kirchengeschichte des Mittelalters, 1885, 1.1, 1901, l. ni, fasc. 5, p. 37 sq., Baumgartner, Die p. 433. Le texte même d'Abélard ne nous a été con philosophie des Alanus de Insulis, ibid.. Munster, serve que par les courtes citations des Capitula erro­ rum Petri Abâ tardi, v. îx. Voici ce que nous y lisons, 1898, t. n, fasc. 4, p. 39. Passons en revue quelques I édit.Cousin, t. n,p.768,ou P.L., t. clxxxii,col. 1052: individualités ou quelques groupes. Alger de Liège avait trouvé une formule des plus I De speciebus panis et vini quaeritur si sint modo in corpore Christi, sicut prius erant in substantia panis ct ex ictes dans sa brièveté : quidquid enim mutatur in vini qua* versa est in corpus Christi, an sint in aere. aliud, (n alio desinit esse quod /uerat sive substantia­ liter sive accidentally r; sed in pane el vino cum in i Sed verisimilius est quod sint in aere, cum sint in 1237 EUCHARISTIE AU XII· SIÈCLE EX OCCIDENT corpore Christi sua lineamenta ct suam speciem habeat sicut alia corpora humana. Species vero istic,scilicet pania ct vini, fluid in ore ad celandum ct obtegendum corpus Christi (ne scrait-cc pas in acre, na lieu de in ore?). Celte explication aboutirait donc à dire que l’air appa­ raît coloré, etc., ύ la façon du corps du Christ. Telle qu'elle est exposée par certains disciples ou relatée par les théologiens suivants, voir plus loin, elle sc contente d'affirmer une simple succession de la substance du corps à la place de la substance du pain; elle devait survivre un demi-siécie environ à son auteur, jusque dans les gloses du Decretum. Voir plus loin, Λ propos de la transsubstantiation chez Pierre Lombard. Mais si l'explication prête à des interpretations qui ne s’harmonisent pas avec le dogme, remarquons que le groupe abélardicn est en général fort correct dans l'affirmation même de la doctrine de la conversio; ce qui constitue une forte présomption en faveur de l'orthodoxie du Magister Petrus sur ce point. Il serait permis d’en conclure que les idées du maître ne péchaient que dans l’explication qu’il espérait pouvoir donner de la doctrine. La Summa sententiarum, vi, 4, P. L., t. cxxxvt, col. 141, qui présente, en maint endroit, des accoin­ tances avec le maître du Pallet, cf. Claeys-Bouùacrt, dans la Hevue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1909. t. x, p. 21S, 710 sq., est fort brève et discrète sur cc point; ce qu'elle doit, sans doute, à Hugues de SaintVictor, un de scs principaux modèles. A part la ques­ tion in quo sit illa species ct sapor, nous n’y trouvons rien de spécial. Dans V Epitome, c. xxix, P. /... t. clxxviii, col. 1710-174 1, il est à peine question de la conversion, ibid., col. 1741. En dehors d'une objection, les Sentences du manuscrit anonyme de Saint-Florian n’en disent guère davantage. Cf. Giell, op. cil., p. 223, 10. Par contre, Poland Bandinelli, édit. Gictl* p. 223, Ognibcne, ibid., et les Scnlcntiæ divinitatis, édit. Geycr, p. 128-112, lui donnent beaucoup plus d’exten­ sion. Poland, plus subtil que le Lombard dans son argumentation, prouve d’abord que la substance du pain et du vin est changée n'. corps et nu sang de Jesus-Christ, à cet effet, il fait appel nu texte d’Eusèbe d'Émèse (Fauste de liiez), classique depuis Paschase et Hériger, ct ù deux textes de saint Ambroise. Puis il accumule les objections dont plusieurs ont pour objet l’augmentation quantitative du corps du Christ cl sa formation en dehors du sein de Marie. Les réponses sc rangent en deux catégories : la pre­ mit', e veut que h substance, qui était· avant la consé­ cration, pain ct vin, soit ensuite corps et sriig; la seconde qui a les préférences de Poland: que scntcncia nostris pocius quam alia here! pectori bus,]>.22G,SAcrï fie en fin de compte, bien qu'elle conserve ic mot, p. 231, la notion de transsubstantiation,puisque,si elle admet la substance du corps et du sang sous les memes espèces qui recouvraient la substance du pc.i i ct vin. elle adopte une explication inconciliable avec lo change ment de l’un en l’autre : substantia panis ct vini dicunt quoniam dissolvitur ct redit ad elementa (c’est la troi­ sième des explications rappelées oar le Magister Sententiarum, I. IV. dlst.XI, I.édit. Quaracchi,p.239). Les Sententia* divinitatis ne tombent pas sous le même reproche; la pensée y est correcte; on ne peut relever chez leur auteur qu’une terminologie inexacte qui confond les changements formel ct accidentel. Il y a, dit-elle, deux espèces de changements de sub­ stance : mutatiosubslantiurum quandoque fit secundum accidentia tantum (femme de Loth changée en sel, /eau en vin, la glace en cristal, etc.), quandoque secundum utcumque; c'est cette seconde espèce qui sc produit dans la conversion eucharistique : le pain cesse d'exister ainsi que le vin; leur goût,couleur,etc., subsistent, mais plus en eux et pas non plus dans le 1298 corps du Christ, et ita hic fit commutatio secundum utrumque, édit. Geyer, p. 131-132. Après avoir nettement établi le fait de la conver­ sion, cf. les derniers mots du I. IV, dist. X. n. 2, édit· Quaracchî, p. 215, Pierre Lombard* dist. ΧΓ, n. 1* ibid. p. 238. pose le problème de la nature de cette conversion (le mot de « transsubstantiation - ne sc ren­ contre pas sous sa plume); est-elle formelle, demandet-il, substantielle, ou de quelque autre genre? vel alte­ rius generis? Ellcn’cst pas formelle,car la persistance des accidents (species rerum) s’y oppose; il penche pour la conversion substantielle; mais une objection de ses adversaires, fréquente alors encore, sur l'aug­ mentation du corps du Christ qui en serait la consé­ quence, ne provoque dans son esprit qu’une réponse peu ferme : quibus... responderi potat. Elle sc borne à nier que la conversion sc fasse de la même manière que la formation du corps du Christ dans le sein de Marie ct, pour l'explication,il en appelle à la toutepuissance divine, en s'abritant, pour cacher sa fuite* derrière une formule attribuée à saint Augustin. Liber Sententiarum Prosperi, νπι : Si vern quirris modum... breviter respondeo : mysterium... investigari salubriter non potest, I. IV, dist. XII,2, que lui procurait Alger do Liege, op. cit., i, 9, P. L., t. clxxx* col. 767 Vient ensuite, ibid., 2, edit. Quaracchi, p. 239, l’examen d’une question corollaire qui, chez Boland et d’ mires* n'était pas assez franchement distincte du problème principal. Le Magister a fort bien vu qu’il fallait sépar r les deux questions, dont la seconde sc réduisait chez beaucoup à un véritable exercice de dialectique d’école. La voici : la substance du pain est-elle â un moment donné le corps du Christ? Ici plusieurs opinions sont passées en revue avec l’explication de quelques expressions rencontrées incidemment chez les Pères et les auteurs antérieurs. CL Alger, par exemple, op. cil., i, 6. 7* P. L., t. clxxx, col. 755 sq. La discussion dans les milieux scolaires doit avoir été vive et prolongée, à en juger par quelques cita­ tions; elle sc manifeste pendant toute la durée du siècle et saint Thomas en a encore l’écho. Cf. Robert Pullcyn. op.cit., VIII. 5* P.L.A. (xxxxvt* col. 965-967; Étienne de Tournai* op. cit., I. III* dist. II. c. XL, p. 273-271, qui cite les avis de Robert de Melun, Adam du Petit-Pont, Richard de SaintVictor, etc.; Alain de Lille, Hegulæ théologie*. 107, ct Contra h*reticos,\.5$, P. L..L ccx, coL 678,360-361; Innocent 11 l.op. ' l. L l\ .2«\ P. !... t. ccxvu.col. S70$q., dit avec une sage rcsenc de toutes ces questions qui defnivaienl la fécondité dialectique des écoles : circa præsentem articulum subtiliter magis quam utiliter possunt inquiri, ibid., col. 870. Giraud le Cambrien, après avoir enregistré les divers avis.cn dit autant. Gemma ecclesiastica, i. 8, édit, citée, p. 28. Mêmes questions chez Prévostin, Simon de Tournai, Étienne Langton, ms. cité, fol. 67, etc. Voir aussi dans les gloses imprimées du Décret, ù defaut des inédites* l’écho de ces < iscussions cialcctico-lhéologiques chez les canonistes, par exemple* Dr iJ.isccrat., dist. II, c. 1,2,71,72, etc. L'on comprend que Pierre le Lombard n’aît pu se dispenser de faire le rck%é dc*> diverses solutions apportées de son temps ct dont la dernière seule est nettement rejetée par lui. La prcmî.’ro répond négati­ vement, bien qu’elle admette que le pr/n devienne le corps du CIuist.La seconde, qui a les sympat!.xs du Magister,à voir la manière dont ilia dêfend:/uc lamen 1 dicimus, admet que cc qui était le pain et le vin est, après la consécration, le corps cl le sang; mais la sub­ stance du pain n'est pas la substance du corps,ni celk du vin n'est la substance du sang. Les deux mode· d’explication qui suivent remettent en fin de compte en question la vraie notion de la transsubstantiation : 1299 EUCHARISTIE AU XIIe SIÈCLE EN OCCIDENT 1300 l une <ρι’Π relate ici d’une manière Impcrsonncllejdon sions : la substantielle et In formelle; toutes deux sc que plus loin il s’en inspire partiellement dans la théorie su bdi vîsen t : forma convertitursine su bstantia, su bs tantla qu'il adopte pour les accidents, dist. ΧΙΓ, 1 (Bandi- convertitur sine forma, utraque cum altéra: quant à la nus, son abréviatcur. qui réduit notablement ce cha­ conversion qu’il dit substantielle:substanda quandoque pitre par de vigoureuses coupures, reste hésitant convertitur in id quod sit (fit) cl non erat (In verge de entre deux interprétations dont l'une n'est pas ortho­ Moise, Exod., vir) cl tunc forma convertitur cum doxe, op. cit., P. L.. I. ex en, col. 1096), prétend voir subslanlfa, quandoque convertitur in id quod era/ d après la consécration la substance du corns et du non fit; telle est la conversion du pain dans I'cuchasar.g sous 1rs mêmes accidents sous lesquels était ristlc et, alors, la substance est changée, mnis non In auparavant la substance du pain et du vin; celle-ci forma. Ce dernier membre indique avec certitude retourne aux éléments ou est annihilée; cf. Roland, ce qu'il faut encore entendre à ce moment par le plus haut: In dernière enfin affirme la permanence du mot forma; nous sommes encore loin de la théorie pain et du vin et la juxtaposition simultanée de la aristotélicienne de la forme; le mot sc ressent encore substance du corps et du sang. Cette explication est de sa synonymie,si fréquente dans l’usage dr xn° siè­ rejetée avec vigueur et il conclut : pot/ consecrationem cle, avec spedes ou accidens. Avant cela, l’auteur avait igitur non est ibi substantia panis uct vini. lied species signalé deux explications de la transsubstantiation, remaneant, col. 239. Une glose du Décret, De consccr., entre lesquelles il ne dit pas claircme.it ses préfé­ dist H, c. 1, apporte ici que cet le opinio verior est,Lyon, rences; mais le reste de tout le traité nous indique 1634 p. 1911. mais fait remarquer que toutes ces qu'il rejette la première; celle-ci consiste Λ dire que explications admettent cependant la présence réelle. le corps du Christ commence à être présent à la place Les quelques objections touchées par le Lombard, du pain sous les mêmes accidents, tout comme la aux divers endroits énumérés, sont reprises par lettre a se change en c dans ag>, cgi, selon l'expres­ Pierre de Poitiers dans son chapitre : quis modus sion des grammairiens. La seconde manière d'ex­ conversionis quantum valeat explicari. Sent., I. V. 12, pliquer la transsubstantiation exige un vrai change­ P. L·, t. ccxn col. 1246, et poussées avec sa recherche ment du pain en ce qu'il n’était pas auparavant. Op. dialectique accoutumée. Nous ne le suivrons pas sur cit., îv. 20, P. L., t. eexvn. col. 870, 871. ce terrain. Constatons seulement sa restriction quan­ 3. Défense apologétique nu dogme cl de son expres­ tum valeat explicari (est-elle dans l'original?) et les sion contre les hérétique,. — Chez la plupart de tria genera conversionis qu’il connaît : par la pre­ ces auteurs,il n’est pas fait d'allusion à la création mière, aliqua substantia transit in allant ut sil ejus i récente du mot (voir p.us loin); quant à la doctrine malcria lacta varietate proprietatum circa materiam elle-même désignée pr.r ce terme, rien ne donnj l’im­ d materiatum (exemple : l'œuf et l'oiseau ou le filix) pression d’une nouveauté fraîchement introduite. et cela par processus naturel ou artificiel; par la Par tous, elle est acceptée comme croyance commune seconde il y n mutatio proprietatum ou circa camdem .et nécessaire; les divergences ne sc produisent que rem variatio, mais permanence de la substance, par dans l'explication de quelques points. Le partie con­ exemple, pain issu de farine, femme de Loth; parle sacrée chez eux à l'apologétique du dogme est assez tertium genus mutationis qui n’a lieu que dans l'eu­ développée; il est rare qu'ils manquent de faire appel charistie, il y a passage de la substance du pain en soit à l'action créatrice toute-puissante, soit à des la substance du corps, avec permanence des pro­ analogies naturelles, qu'ordinairement ils signalent prietates que possédait le pain, op. cit., col. 1246, comme incomplètes, soit à des miracles de la vie du cl le meilleur mot pour le dire est transsubstantiation, Sauveur (naissance virginale, multiplication des col 1247· pains, apparition après la résurrection). Les passages Moins usité, mais plus clair est le vocabulaire sont trop nombreux pour que nous les énumérions d'Alain de Lille, dans son traité Contra hæreticos, ici. Plusieurs s'inspirent des pages de Paschase ou j. 58, P. L„ t. ccx, col. 360. que résume la règle 107 d'Eusèbe d’Énièse (Fauste de Riez) déjà fréquem­ de scs Régula* lheologieæ. ibid., col. G78. La trans­ ment citées, ou des textes codifiés par Gratien. substantiation n’est pas V allevatio ni Valterilas, Mais ces comparaisons et ces essais d'explication ne mutatio quit fil secundum varidatrm accidentium in les empêchent pas d’assurer que le dogme dépasse eodem subjecto (comme le passage d’un objet du les limites de la raison. S'ils en écartent les contra­ blanc au noir); Valterilas est une autre espèce de diction ;, s'ils suppriment la cause de beaucoup d'atta­ changement, in qua manente eadem materia, non ques en précisant bien les concepts, notamment sur manent substantialia (par exemple, vin de Cana); en fin, la nature non soumise aux lois de l'espace et sur les la transsubstantiation est une troisième espèce qui éléments qui interviennent dans la transsubstantia­ change la matière et la forme substantielle, mais laisse tion, ils n'hésitent "pas à reconnaître que toute tenta­ persister les accidents : illa species mutationis secun­ tive u aller plus loin est vaine. dum quam d mutatur materia d substantialis forma, Nombreuses sont les réflexions par lesquelles ils sed remanent accidentia. Ibid., col. 360. sc défendent de pousser plus avant leurs recherches On volt que, si le docteur universel est un des dialectiques ou métrphysiques. On y a fréquem­ grands représentants du platonisme, a la fin du ment fait allusion déjà dans cette étude. Conten­ xn· siècle, sa terminologie et scs explications ne tons-nous de citer ou de rappeler ici V Eucharistion s'écartent guère pour le fond des idées communes ! d’IIonoré d'Aulun, P. L., t. clxxii, col. 1253; la puisées dans l'héritage occidental d’Aristote-Boèce. : Summa sententiarum, 1. VI. 8, P. L., t. ci.xxvi, 1 col. 415; les Sententia divinitatis, édit. Geyer, p. 133; Cf. B tumgnrtncr, op. cit., p. 12, 13, etc. Pour l'explication de Simon de Tournai (commu­ le Ilrevis tractatus mis sous le nom d’Hildebert» tatio, mutatio, transsubstanttatio) et celle de Raoul P. L., t. clxxi, col. 1153-1154, le De sacramentis l'Ardent qui lui ressemble de près, voir les Re­ de Hugues de Saint-Victor. I. Il,part. VIII. 11, P. L., cherches de science religieuse, novembre 1911. La t. clxxvi, col. 469; le Liber de sacramento altaris théorie d’Étienne Langton, qui distingue une triplex I de Baudouin de Cantorbéry, P. L., t. ccrv, col. 678; Pierre Lombard, loc. cil., avec le texte pris à Alger muhdm : accidentalis (noir en blanc), substantialis qui revient souvent ailleurs; Étienne de Tournai, (eau de Cana), materialis (transsubstantiation)· avec une Hu:itrèmc espèce qu'il appelle naturalis (ms. 1 op. cil., Ibid., c. xuv, p. 274; Pierre de Poitiers. op. cit., I. IV, 13, P. L., t. ccxi, col. 1254 : vanum cité de Bamberg, fol. 68), aura sh place ailleurs. mihi videtur in hujusmo<]i laborare et sequi naturam Pour Innocent 111. il y a deux espèce · de conver­ 130! EUCHARISTIE DU XIII· AU XV· SIÈCLE 1302 In miraculis; S leard de Crémone, Mitrale, vi, 3, en 1215, en est le couronnement naturel : Cujas /< t. ccxin, coi. 129. I (Jesu Christi} corpus et sanguis in sacramento altaris [/explication de Guillaume de Saint Thierry qui sub speciebas panis et vini veraciter continentur, pose claire nient le problème quid in sacrificio sancto transsuDstantiatis pane in corpus et vino in sanguinem secundum naturam, quid supra naturam faciat natu­ 1 potestate divina, c. I. Mansi, l. xxn,col.983;Dcnzingerrarum omnium creator Deus, De sacramento altaris, Bnnnwart, Enchiridon, n. 430. Ce long développe­ iv, P. L.. t. clxxx, coi. 350-351, est peu heureuse. ment historique dont la définition de Lat ran, reprise Elle part du principe de Boèce : Sola quippe mulari par le concile de Trente, constitue l'aboutissant, transformarique possunt qua: habent unius materiæ nous fournit en même temps une base d’appréclacommune subjectum, à savoir, seulement eu quæ in tinn qui réduit à sa juste valeur les réflexions de se et facere et pati possunt*, mais prise nu pied de la lettre l’évêque anglican de Birmingham, Ch. Gore, sur la transsubstantiation et le nihilisme. Dissertations, etc., et sans l'exposé que fournissent les autres parties de son traité, elle donne de la conversion une interpré­ Londres, 1895, p. 229-286; The body of Christ, Londres, 1905. Reprenant l'idée de Pusey sur la tation qui confine à l’inexactitude. A l'objection des hérétiques qui se demandaient consubstantiation, dans le sens de la coexistence du si la transsubstantiation constitue un article de foi pain et du vin. Gore établit un contraste entre les malgré son absence de tous les symboles (apostolique, principes qui ont présidé à l'élaboration de la doctrine Xicée, athanasien), Alain se contente de rapporter christologiquc et ceux qui ont commandé le dévelop­ pement de la formule de la transsubstantiation. Pour la réponse de ccrlainsdocteurs du temps,qui s’appuient sur le silence des hérétiques des premiers siècles à ce ce dernier dogme, on en est arrivé, dit-il, à annihiler l'élément naturel au point de détruire complètement sujet, pour affirmer la croyance commune à la trans­ le pain, tandis que dans les formules christologiqucs substantiation Λ cette époque; tandis que les erreurs • les ariens, des nestoriens, etc., ont fait préciser les on s'est toujours mis en garde contre toute atteinte articles du symbole sur la trinité et l'incarnation. à la réalité de l'élément humain dans l’union des Quant à* lui. il croit pouvoir voir l'affirmation de ce deux natures. Sans nous arrêter à ce que, en théorie, dogme dans l’article de la communion des saints, cette analogie entre les deux dogmes peut avoir de l’eucharistie unissant tous les fidèles : diet (amen spécieux à première vue, nous constatons que les potest. Contra hæreticos, i, 59, P. L., t. ccx, col. 363. considérations de Gore ne trouvent nullement leur Pierre de Poitiers justifie le mot par l’analyse du confirmation dans la réalité des faits du xn· siècle. concept y contenu en opposition à transformari : Les principes qui auraient dû, d’après lui, diriger les Quia nullum verbum adeo proprie hic ponitur sicut formules, ont poussé les théologiens de cette époque transsiibstantiari. quia substantia in substantiam â des résultats diamétralement opposés aux idées transivit manentibus eisdem proprietatibus ; cum vero qu’il expose. Les théologiens qui préconisent le plus dicitur : panis transformatur in corpus Christi, non est la suppression de l’élément naturel dans l’eucharistie satis expressum quia non transit forma in formam. sont souvent ceux qui divinisent le moins In nature humaine et récipr quement. Nous n’avons donc pas Sententia*. 1. V. 12, P. L., t. ccxi, coi. 1217. ici le parallélisme, auquel l’on serait en droit de s’at­ Ici, comme souvent ailleurs, Garnier de Rochefort s’inspire des expressions de Pierre de Poitiers : tendre comme conséquence de la théorie de Ch. Gore : undc et illa conversio proprie (ranssubstantlalio no­ l’hypothèse n'est nullement vérifiée par les faits. minatur. Op. cil., c. xn, édit. Baeumker, p. 63. Quant nu nihilisme christologiquc, il ne peut être Vers la même époque, Baudouin de Cantorbéry mis en avant ici; il n'était nullement la négation défend fort judicieusement le dogme et son expres­ de la réalité de l’élément humain. Le théologien du sion contre tout reproche : Confitetur Ecclesia sicut Pallet,par exemple,ne sera jamais représenté comme ex traditione orthodoxorum Patrum indubitanter appa­ grandissant l’élément divin dans le Christ au détri­ ret quod panis virtute divina benedictionis efficitur ment de la nature humaine; or. c’est lui qui, dans sa corpus Christi, vel fit corpus Christi et transsubslanthéorie de l’eucharistie, pousse à l’annihilation du pain tiatur vel mutatur vel convertitur in corpus Christi, et du vin, encore au delà de ce que veut le dogme de multisque modis aliis fidei institutum explicat. Et cum la transsubstantiation; une remarque analogue peut in hac fidei confessione multa sil verborum diversitas, s’appliquer à Eolmar de Triefenstein et à d’autres. Ce una est tamen fidei pictas et individua confessionis sont donc d’autres considérants que ceux dont Gore initas. Et quamvis hæc nomina, mutatio, conversio, fait l'exposé qu’il faut invoquer ici. D’autre part, le catcraque similia, mutationem vel conversionem in­ peu de succès que ces théologiens ont rencontré dans dicantia, quantum ad hanc fidei confessionem magis leurs excès d’annihilation,nous fait toucher du doigt un novrc inventionis esse videantur quam evangelirœ vel autre élément que Gore n’a pas fait entrer en ligne de aposlolica: traditionis, sanctis tamen doctoribus... compte; ce sont ces données de la tradition qui, placuit ob piam fidei confessionem, hujuscemodi verbis malgré quelques explications ou comparaisons pas­ uti. Nec judicanda est profana verborum novitas quam sagères, dues souvent aux besoins de la polémique et, induxit sanctorum Patrum auctoritas et fidei pietas par suite, suspectes dans leur généralisation, mar­ et ipsius confessionis necessitas. Aliquo enim modo quaient une orientation nette vers la formule de la oportuit dici quod debuit eredi, et comme exemple, transsubstantiation. Le xn· siècle, nous l’avons vu dont on puisse s’autoriser, il apporte Γόμοούσιον les a fréquemment invoquées. J. de Ghellinck. et la persona, licet de Νοίκι aut Veteri Testamento aucto­ ri talem non habeant. Op. cit., P. L., t. cciv, coi. 662. VI. EUCHARISTIE DU XIII· AU XV· SIÈCLE. — I Écrits de eette période et leurs caractères généraux. Voir aussi le c. xi du De sac. amcnto altaris de Guil­ II. Leur doctrine eucharistique. III. Erreurs de Wilaume de S lint Thierry, qui, en donnant la raison clif sur l’eucharistie. IV. L'eucharistie au concile de des expressions des Pères, fournit une défense indi­ recte de la doctrine ainsi précisée. P. L., t. ci.xxx, Florence. col. 359. I. Écrits db cette période et i.Erns caractéiies généraux. — l°/\u xm· siècle, véritable âge d’or de Get exposé de la doctrine de la transsubstantiation la scolastique, il parut sur l’eucharistie des ouvrages et des explications dont on l’accompagne au xn· siè­ cle nous dit clairement combien cette croyance était de pl islcurs sortes. D’abord, quelques écrits, d’allure universellement répandue et nettement formulée moins scolastique, dans lesquels la doctrine eucha­ à celte époque. La définition du concile de i.atran, ristique est exposée plus librement quo dans les 1303 EUCHARISTIE DU XIII· AU XV· SIÈCLE 1304 de Duns Scot. Citons Pierre d'Auriol, François Mayron traités d’école. avec plus d'a’ ondancc verbale et dans et François de Baccho dans leurs commentaires du des cadres moins techniques. Tels sont le De sacra IV· livre des Sentences. L'augustin Gilles de Bonic a menteeucharisties de Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, en sept chapitres. Opera omnia, in-fol., Venise, commenté les Sentences et a publié deux écrits spé­ 1591, part H, p. 410-431; le Liber de sacramento ciaux : un Tractatus de corpore Christi, Bologne, 1481, eucharisliæ d’Albert le Grand, Opera, Paris, 1899, et des Theoremata in hostia consecrata, Cologne, 1490. Ilsscrattachent Λ l’école scotiste, ainsi que les nomi­ t. χχχνπτ, p. 191-432. D’autres sont des commentaires développés des Sentences de Pierre Lombard, dont ils nalistes, Guillaume Occam, Ilolkot. Durand dcSainlsuivent le plan exposé plus haut, col. 1260 sq. Nom­ Pourçain,Gabriel Biel et Pierre d'Ailly. Nous signa­ mons ceux de saint Bonaventure, d’Albert le Grand,de lerons plus loin les points de doctrine sur lesquels ils saint Thomas, de Pierre de Tarentaise, de Richard de i s'écartent du sentiment commun. On leur attribue à Middlctown.de Duns Scot, voir t. iv, col. 1870-1871. Des tort une sorte de consubstantiation du pain et du Sommes, plus indépendantes du Maître des Sentences corps du Christ, qui aurait amené Luther à imaginer dans le plan et la méthode, sinon dans la doctrine, la théorie de l’impanation. Voir encore le De corpore virent aussi le jour. On connaît la Summa theologia; Christi de Nicolas de Lyre, Paris, 1513. d'Henri de Gand, Paris, 1520; V Universa; theologiæ H. Leur doctrine eucharistique. — Nous ne summa d’Alexandre de Halés, part. IV, q. x, Venise, relaterons pas ce que les docteurs de cette époque ont 1575, t. îv, p. 122-228; la Summa contra gentes, 1. IV, dit des noms et des ligures de l’eucharistie. Ils envi­ c. lxt-lxtx, et la Summa theologica, HP,q. lxxih- sagent l'eucharistie comme sacrement plutôt que uxxxm.de saint Thomas d’Aquin. Enfin, on trouve comme sacrifice, et ils le distinguent des autres sacre­ des résumés substantiels de la doctrine eucharistique ments principalement en ce qu’il n’est pas un simple dans le Hrcvitoquium, part. VI, c. ix, de saint Bona­ signe, mais en ce qu’il contient vraiment, réellement, venture et dans la prose Lauda Sion, de la messe du corporellement, le corps du Seigneur pour être la nour­ saint-sacrement par saint Thomas. riture spirituelle des chrétiens et qu’il est un signe Dans ces divers écrits, la doctrine eucharistique, I permanent dont l'existence est antérieure îi l’usage ébauchée au xn· siècle, s'élabore définitivement et qu’on en fait; on peut donc grouper leur doctrine atteint en saint Thomas sa perfection. Héritiers de eucharistique autour de ces quatre points principaux : leurs prédécesseurs, les scolastiques du xm· siècle pro­ 1° la présence réelle du Christ au sacrement; 2° la fitent des ressources scripturaires et patristiques, accu­ transsubstantiation; 3° le mode de présence; 1° le mulées par eux. les complètent, précisent encore leur sacrement lui-même. terminologie déjà en progrès, discutent leurs essais 1° Présence réelle. — 1. Son existence cl sa démons­ de solution, rejettent ceux qui leur paraissent insuffi­ tration. — Tous sans exception enseignent la présence sants, fortifient et mettent en lumière les explications ’ réelle du Christ. Ils n'en donnent pas tous les mêmes les mieux réussies et en proposent parfois de nouvelles. preuves. Guillaume d’Auvergne en appelle à la pro­ Ils ont à leur service une langue plus précise et plus messe : Caro mca verc est cibus et sanguis meus vcrc nette, ils suivent une méthode plus rigoureuse et ils est potus. Joa., vi, 56. De sacramento eucharistia;,c. m. se servent, les derniers surtout, pour la systémali- dans Opera omnia, part. II, Venise, 1591, p. 420-421. satlon des données révélées, de la philosophie aristo­ Alexandre de Halès raisonne sur les paroles de l’insti­ télicienne, définitivement introduite dans les écoles tution : Hoc est corpus meum, qui affirment la présence catholiques par saint Thomas. Leurs explications de véritable du corps sous les espèces cl qui sont la forme la transsubstantiation,du mode d’existence du Christ de la consécration du pain Summa thcol., part. IV, dans l’eucharistie et de la persistance des accidents j q. x, m. vu, a. 3, § 1, Venise, 1575, t. îv, p. 193. Le sans sujet connaturel d’inhérence sont notamment B. Albert le Grand tient le contraire pour une hérésie, plus fermes et plus nettes. L’enseignement de ces doc- I mais, pour le prouver, il recourt au raisonnement cl leurs est identique, pour le fond, et il n'est différent ne cite aucun texte, soit scripturaire, soit patristique. que sur quelques points particuliers, que nous indi- ! In IV Sent., I. IV, disl. X, a. 1, Opera, Paris, 1894. querons plus loin. t. XXIX, p. 244. Saint Bonaventure prouve que le corps 2° Au xiv· et au xv· siècle, les docteurs catholiques du Christ est vraiment à l’autel multiplici auctoritate, continuent à expliquer le Maître des Sentences, mais I et il cite les paroles de l'institution : Hoc est corpus ils s uvent les voles tracées par saint Thomas cl Duns meum, l’attestation de saint Paul : Panis quem fran­ Scot, qui deviennent les chefs de deux écoles diver­ gimus nonne participalia corporis Domini est? I (’.or., gentes. Les dominicains restent généralement fidèles x, 16, qui vont directement à la thèse, et aussi l'affir­ au docteur angélique; nommons Pierre de la Palu, mation du Sauveur ressuscité : Eccc ego vobiscum sum In 111·» et /V·· Sent.. 2 in-fol.,Paris. 1517, 1518, et omnibus diebus usque ad consummationem saeculi, Capréolus, le prince des thomistes. De/cnsiones theoMatlh.,xxvm, 20,qui prouve bien son assistance perlogiæ divi Thomæ Aquinatis, In IV Sent., Opéra, édit. pétuellcà l’égard de l’Egiise,mais non sa présence au Paban et Pègues, Tours, 1906, t. vi, p. 114-294. Voir sacrement. In IV Sent., 1. IV.dist. X.parl. I,a. 1, q. i. t. n, col. 1691. En rapprocher les 32 sermons De eucha­ Opéra, Lyon, 1668, t. v, p. 108. Saint Thomas recourt ristia, attribués à Albert le Grand, qui sont du xv· à Γ Écriture et à la tradition, à Γ Écriture, en montrant siècle. Voir A. Vacant, Histoire de la conception du dans l’eucharistie la réalisation de la promesse du sacrifice de la messe dans l'Église latine (extrait de l'Uni­ Christ, Joa., vi, 56, 57, Cont. gentes, 1. IV, c. i.xi ; versité catholique), Paris,Ly on, 1894, p. 40, note 3, et plus Sum. thcol., Ill·, q. lxxv, a. 1 ; et en citant les paroles haut, 1.1, col. 674-675. Les deux traités : De venerabili de l’institution, In IVSent., 1. IV, dist. X, a. 1 ;à la tra­ sacramento altaris; De sacramento eucharistia;, qui dition,en invoquant les témoignages de saint Hilair .de figurent au nombre des apocryphes de saint Thomas, saint Ambroise et . celte substance ne se résout pas en sa matière premiere, pas plus qu’elle n’est anéantie, puisqu’elle se convertit, non par un changement de forme, mais par un changement substantiel. Seul·, les accidents du pim cl du vin persistent Ni la matière, ni la forme substantielle ne demeurent. La substance du pain est convertie en la substance du corps du Chr st et celle du vin en celle du sang. Celle co.ivers on se fait instantanemc.it, au dernier instant de la consécration. Elle ressemble, en quelque chose, à la création et au chano’cin*it naturel, mais eue en diffère aussi. Elles ont toutes trois en commun | 4e à lu transformation natu­ relle, en deux points, au moins, sous quelque rapport. Prima quidem quia in utraque < n im eilreniorum transii m aliud. ...Aliter lamen hoc accidit ulrobique. 1308 nam in hoc sacramento tota substantia panis transit tn lotum corpus Christi, sed in transmutatione naturali materia unius suscipit /ormam alterius, priori /ornui deposita. Secundo conveniunt in hoc quod ulrobiquc remanet aliquid idem... differenter tamen : nam in transmutatione naturali remanet eadem materia vel subjectum, in hoc autem sacramento remanent eadem accidentia. On ne peut donc pas dire · Panis est corpus Christi, puisque les deux extremes n’existent pas simultanément. On peut dire cependant : Zsx pane fit corpus Christi,en considérant la succession des termes, mais pas : De pane fit corpus Christi, puisque cette formule entraînerait une cause consubstantielle. En lin, on ne peut pas dire : Panis fit corpus Christi, ni Panis erit corpus Christi, pour la même raison, si on consi­ dère la permanence du sujet commun. Toutefois comme, après la c.mversion,les accidents demeurent, il est permis d employer les trois dernières formules : secundum quamdam similitudinem, si par pain on entend non la substance du pain, sed in uniucrsaii hoc quod sub specie bus panis continetur, sub qui bus prius continetur substantia panis, d postea corpus Christi. In IV Sent., I. IV, dist. XI, q. i, a. l- l ; Sum. thcol., lib, q. lxxv, a. 3-8; Coni, génies, 1. IV, c. lxiii. Fina­ lement donc, la transsubstantiation est une conversion substantielle. Si elle est une conversion, il doit rester un élément stable, qui soit le siège et le substratum du changement. Cet élément Stable n’est pas la matière première, ni las accidents qui persistent miraculeuse­ ment en dehors de leur sujet naturel, la substance du pain et du vin; c’est la nature d’être, qui est commune à la matière et à la forme du pain et du vin et à la matière et à b> forme du corps du Christ. Or Dieu, l’auteur de l’être,convertit ce qu’il y a d’être dans une nature en ce qu’il y a d'etre dans une autre nature, sublalo co per quod ub illa distinguebatur. Sum. thcol., Ill·, q. LXXV, a. 1, ad 3‘,ra. Pour Richard de Middletown, la conversion est totale; la matière du pain est convertie en la matière du corps du Christ et sa forme en la forme de ce corps, non pas en cette forme qui donne au corps son être complet xl qui est l'âme intellectuelle, mais in /ar­ mum corporeum incompletam, per quam corpus habel incompletum esse, etiam in fjradu corporeitatis, quoi­ que Dieu aurait pu vouloir que le corps du Christ soit present au sacrement, par la conversion de la forme seule ou de la inaltéré seule. Bien qu’il ne reste rien de la substance du pain, en dehors des accidents, cette substance, toutefois, n’est pas anéantie, mais elle est changée en mieux. Ce changement, opéré par la puis­ sance divine, se fait instantanément et non suo ccssivement. C’est un changement surnaturel d'un sujet à un autre sujet, qui est plus merveilleux (pie la création et l'incarnation, au moms secundum quid, in quantum scilicet terminus ad quem est uhquid prieexistcns, quod per conversionem substanluc panis in ipsum non augetur, nec aliquo modo mutatur. In I \ Sent., L IV, dist. XI, a. 1, q. ii-vu Duns Scot s’est écarté de la doctrine de saint Tho­ mas au sujet du mode de la transsubstantiation. Il a • hésité au sujet de l'annihilation de la substance du î pain et du vin,et s’il s’est prononcé pour la conversion ; il a tiré de la théorie thomiste de la transsubstantia­ tion son hypothèse d’une /arma corporeitatis, distincte de la forme substantielle. Pour saint Thomas, lu forme du pain est convertie en la forme du corps du Christ. Or, cette tonne ne peut être l’âme du Christ, qui n’est présente sous les espèces du pain que par concomi­ tance. Il faut donc que ce soit une autre forme, qui donne au corps son organisation, sa qualité corporelle et sa vie matérielle, une forme spéciale, qui tient le milieu entre la mature première et l'ânie spirituelle· Voir L iv, col. PJ17-1918. I3ocalisé dans les espèces, quoique Dieu aurait pu vou­ ctionem, quæ corporali conformatur. Or,pour la réfection loir ce mode de présence. Par suite, il peut être pré­ corporelle, il faut cibus et potus. Deux choses concou­ sent en plusieurs lieux à la fois. In IV Sent., 1. IV, ’ rent donc à l’intégrité de l’eucharistie : scilicet spiri­ di$L IX, il 2, q. bin. 11 ne peut être mû que par acci­ tualis abus d spiritualis potus. Ci. Joa., νι, 56. Ergo dent, en raison de sa présence sous les espèces qui hoc sacramentum mulla quidem est materialiter, sed sont mues; il ne peut être touché immédiatement ni unum formaliter et perjeettve. Duns Scot explique aussi vu, soit par un esprit créé soit par un œil corporel. ù sa façon l’unité du sacrement de l'eucharistie. Voir Ibid., a. 1, 5. Π est tout entier sous chaque partie, t. iv, col. 1915. Pierre d’Auriol niait l’unité d'intégrité mais pas sous chaque point indivisible de l’hostie, a. G. du sacrement, par cette raison que le communiant Sur le mode de présence du corps du Christ dans qui recevait seulement le corps du Christ sous l’espère du vin recevait cependant tout le sacrement. In IV i’rucliaristic, Duns Scot s'écarte notablement du Scnt.,\. IV, diet. VIII, q. i, a. 2. Capreolus résout sentiment de saint Thomas, qu’il critique vivement. 1313 EUCHARISTIE DU XII!· AU XV· SIÈCLE ccttc difficulté,en observant que, d'après saint Thomas, sumens prœcise speciem panis consecrati non sumit intègre loin ni sacramentum, iicet su mat integre totum Christum, qui est rcs utriusque speciei· In IV Sent., J. IV, dist. VIII Ct IX, a. 3. 2. Matière. — Elle est double ct comprend le pain ct le vin. Jésus a institué l’eucharistie sous la forme ou les espèces du pain et du vin, ct le choix de cette double matière est justifié par leur signification ct par de multiples convenances. Alexandre de Halés, Summa theologia, part. IV, q. x, m. iv, a. 1, § 1, 2; Albert le Grand, in /V Sent., I. IV, dist. XII, a. 2; S. Bonaven­ ture, in IV Sent., 1. IV, dist. XI, part. II, n. 1, q. i; S. Thomas, Sum. thcol., Hl·, q. lxxiv, a. 2. Ce dernier | expose même, à cet endroit, quelles ont été les erreurs anciennes sur la matière de l'eucharistie. Saint Bona­ venture enseigne que ccs deux espèces sont néces­ saires il l’intégrité du sacrement, quoad significa­ tionem, non quoad efficaciam, in IV Sent., I. IV, dist. XI, part. II, a. 1, q. n. Bien n’est plus propre A la réfection que le pain et le vin. Brevttoquium, part. VI, c. ix. Le pain doit être du aln de blé ou d’autres espèces de pain qui n’en diffèrent qu’accidcntcllcment. Alexandre de Halés, Summa theologiæ, part. IV, q. x, m. iv, a. 1, § 4. Pour Albert le Grand, le pain de fro­ ment ne doit pas être mélangé de farine d’autres grains; l’épeau tre (spetla) est, à son jugement, une espèce de froment. Ce pain a été choisi, parce qu'il est melius cl nobilius nutrimentum· in IV Sent., I. IV, dist. XII, a. 7. Saini Bonaventure exclut tout autre pain, in IV Sent., 1. IV, dist. XI, part. II, n. 1, q. iv. Saint Tho­ mas exclut l’èpeautre, l’orge, in IV Seni., I. IV, disL XI, (|. n, a. 2, mais non siligo, le seigle, qui naît ex gruno trilici seminato in malis terris. Le pain de blé est le pain que les hommes mangent le plus communé­ ment ct celui qui fortifie davantage. C’est pour cette double raison que le Christ, qui s’était comparé au grain de froment, Joa., xn, 21, l’a choisi comme ma­ tière de l’eucharistie. Sum. lheol., Ill·, q. lxxiv, a. 3. Un petit mélange de farine étrangère n’empêcherait pas que le pain de blé c soit matière valide, mais un fort mélange, puta ex æquo, vel quasi, empêcherait l’emploi du pain ainsi formé, ibid., ad 3·*. Le pain corrompu n’est plus matière alide. Quand il y a seu­ lement aliqua dispositio ad c rruptionem, qui se mani­ feste par un changement de goût, la matière esl valide; sed peccat conficiens propter irreverentiam sacramenti. Et quia amylum (l’amidon) est ex tritico corrupto, non videtur quod panis ex eo confectus possit fieri corpus Christi, quamvis quidam contrarium dicunt, ibid., ad 4UW. Ui farine de blé doit être mouillée d’eau naturelle, ct non d’eau de rose ou d’autre liquide;autrement, on n’aurait pas de véritable pain, et le sacrement ne serait pas valide. Ibid., q. lxxiv, a. 8, ad S”*. CL Richard de Middletown, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, a. 2, q. n; Duns Scot, In IV Sent., I. IV, dist. XI. q. VI. Pour Duns Scot, voir t. iv, col. 1915-1916. Il ne parait pas ù Gabriel Biel qu’il soit prouvé que le pain de blé soit la matière nécessaire de l’eucharistie; l’èpeautre ct le seigle auraient donc pu fournir la matière du sa­ crement. Il lui parait même suffisant que c’eût été un pain quelconque, usuel parmi les hommes, même fail de. pois, de fèves, de lentilles et d’autres légumes, n’ayant pas d’épis; il n’excluait que le poivre et l’ivraie. Mais toute celle élucubration n’est qu'un exercice scolaire, dont les conclusions ne sont pas certaines ni suffisamment probables. En fait, il faut prendre du pain de blé, comme Jésus-Christ l’a fait ct comme (’Église I ordonne. Sacri canonis missa: expo­ sitio, fee., xxxv. Ce pain peut être du pain azyme ou du pain fer­ menté, comme le montre l’usage différent des grecs ct des latins; toutefois, l’usage latin est plus régulier. DICT. DE THÊOL. CATHOL. 131 i Alexandre de Halés, Summa theologiæ, part. IV, q. x, m. iv. a. 1. § 3. Le sacrement confici potest in utroque. Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, disL XII. n. 8. Il est convenable que chacun suive le rite de son Église. Consuetudo de pane azymo celebrandi rationabilior est, parce que le Christ s’est servi de pain azyme ct parce que ce pain représente mieux le corps du Christ, conçu sans corruption, ct qu’il convient à la sincérité des communiants. S. Thomas, Sum. lheol., III·, q. lxxiv, a. I; Cont. gentes, 1. IV, c. lxix; Richard de Mid­ dletown, In IV Sent., L IV, dist. XI, a. 2, q. ni. Le vin de la consécration doit être du vin de la vi­ gne. On ne doit pas employer de vinaigre ou de vin doux, qui n’a pas fermenté, ni (Tagresta, suc de raisins non mûrs. Alexandre de 1 lalès. Summa theologiæ, part. IV, q. x, m. iv, a. 1, § 7-9; Albert le Grand, In IV Sent., I. IV, dist. XII, a. 7; S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. ir, a. 3. Le Christ, qui s’est comparé ù la vigne, Joa., xv, 1, a institué le sacrement en se servant de vin de la vigne, Matth., xxvi, 29. et il □ choisi ccttc liqueur, qui est proprement du vin ct qui convient mieux à signifier un dc> effets du sacrement* la joie spirituelle, scion la parole : Vinum lælificat cor hominis, Ps. cui, 15. Sum. thcol.. Ill·, q. lxxiv, a.5. Les autres vins ne sont pas des vins à proprement parler; on ne les nomme ainsi que parce qu’ils ressem­ blent en quelque chose au vin de h vigne. /èhL.adl·®. Le vinaigre, étant un vin corrompu, ne peut servir A la confection du sacrement. Le vin qui s’aigrit serait matière valide, mais il y aurait péché A l’employer. Ibid., ad 2*®. Le suc de raisins non mûrs (agresla) n’est pas du vin ct ne peut senir. Le vin doux est matière valide. On ne peut y ajouter des raisins entiers, quia jam esset ibi aliquid præler vinum. 11 est défendu d’offrir du vin doux, slalim expressum de uoa in calice, quia hoc est indecens propter impuritatem musti. On pourrait le faire, toutefois, en cas de nécessité, d’après une décision attribuée au pape Jules. Ibid., ad 3ua. Cf. Bichard de Middletown, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, a. 2, q. iv, v. Gabriel Bivl exclut le vin de pom­ mes, ou le cidre, et le vin artificiel. Le vin de raisins doit vire exprimé (non vinum in uva); les raisins doivent être mûrs (non agresla). Le vinaigre n’est pas valide, ct il convient de ne pas sc servir de mustum, du vin doux. Sacri canonis missœ expositio, Icct. xxxv. Le vin doit être mêlé d’eau. D’après Alexandre de I lalès, ccttc eau, si on considère la substance, doit cire de l'eau naturelle, quoique ce ne soit pas nécessaire pour la validité du sacrement. Quant à la quantité, elle doit être telle, ut per se maner» non valcal, sed eam vinum absorbere cl consumere queat. Le prêtre qui consacrerait du vin pur sans eau, ferait le sacrement, mais il pêcherait gravement. Summa thcologiæ.part.IV, q. x, m. iv, a. 1. § 5, G. Albert le Grand enseigne que ce mélange, qui a été voulu par le Christ, doit être fait en petite quantité. Une quantité minime suffit. En l’ab­ sence d’eau, bene fit consecratio. Il signale diverses rai­ sons pour lesquelles on omet ce mélange: l’hérésie,le mépris ou la simple négligence. In IV Sent., L IV. dist. XII, a. G» 9. Pour saint Bonaventure, uqua non est de integritate, sed quid annexum materiæ. In IV ; Sent., I. IV, dist. XI, part. IL a. 1, q. m. Saint Tho­ mas déduit la non-nécessité de l’eau de sa signification. Celle-ci a trait ù la partici ntion du sacrement par les fidèles, quantum ad hoc quod per aquam mixtam vim significatur populus adunatus Christo. Or l’usage du • sacrement n’est pas nécessaire à la confection du sacrement. Le mélange d’eau n’est donc pas néecs saire. Sum. thcol., Ill·, q. lxxiv, a. 7. Par suite, pour la validité du sacrement, peu importe quelle call on emploie, eau naturelle ou eau artificielle, telle que l’eau de rose. Mais la convenance exige qu’on sc serve d’eau naturelle ct véritable. Ibid., ad 3“·. Pour déter. V. - 12 1315 EUCHARISTIE DU Xlll" AU XV' SIÈCLE miner h quantité d’eau qu'il faut mettre dans le calice, saint Thomas rappelle les trois opinions indi­ quées par Innocent III sur le sort de cette eau après la consécration. Quelques-uns prétendaient qu'elle reste dans sa propre substance, le vin étant changé nu sang du Christ ; mais leur opinion est insoutenable,puisque, la consécration faite, il ne reste au sacrement que le corps et le sang du Christ. D’autres disaient que l’eau du calice est changée en l’eau qui a coulé du côté du Christ, comme le vin l’est au sang; leur sentiment n’est pas raisonnable, car il s'ensuivrait que l’eau est consacrée à part du vin,comme levin à part du pain. Au jugement d’ Innocent III, l'opinion la plus probable est que l’eau est convertie au vin et le vin au sang du Christ. Or, cette conversion ne serait possible qu’ft la condition de verser dans le calice un peu d’eau seule­ ment. Il est donc plus sûr de ne verser qu’un peu d’eau, surtout si le vin est faible. Ibid,, a. 8. Il suffit que l'eau soit sentie au moment du mélange, et non .•près,ad l””.Si l'on ne mettait pas d’eau dans le calice, la signification de ce mélange ne serait pas obtenue, nd 2UO». Cette signification ne serait pas réalisée non plus, si on avait versé de l'eau dans le tonneau; elle exige que le mélange soit fait circa ipsam celebrationem sacramenti. Saint Thomas, sed contra, cite l'extrava­ gante d’Ilonorius III, tirée d’une lettre à l'archevêque d'Upsal, du 13 décembre 1220 : Perniciosus valde, sicut audioinus, in tuis partibus Inolevit abusus, quod in majore quantitate de aqua ponitur in sacrificio quam de vino, cum secundum rationabilem consuetudinem Ecclesia generalis plus in ipso sit de vino quam de aqua ponendum. Il faut abolir cet abus. Denzinger-Bannwart, η. 411. Cf. Richard de Middletown, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, a. 3. Duns Scot pense que l'eau mêlée au vin doit être convertie au vin avant d’être convertie au sang du Christ. Voir t. iv, col. 1916. G. Bicl enseigne que le mélange d’eau au vin n'est pas nécessaire pour l’efficacité du sacrement, mais pour sa complète signification. L’eau est transsubstantiéc avec le vin. Il faut en verser en petite quantité, avec précaution, au commencement de la messe ou à l’Évangile, pour qu’elle se mêle mieux avec le vin et soit absorbée par lui, au moment de la consécration. Ce doit être de l’eau élémentaire. Sacri canonis missie expositio. Icet. xxxv. Plusieurs docteurs du xm· siècle se sont demandé quelle quantité de matière le prêtre pouvait consacrer. Alexandre de Halés répondait à cette question que le prêtre devait consacrer la quantité de pain selon l’in­ tention ordinaire, conforme à celle de l’Église, c’est-àdire punis qui sumi posset a fidelibus.Summa theologia:, 1. IV, q. x, m. iv, § 6. Saint Bonaventure était du même avis et il pensait qu’on devait consacrer seu­ lement la quantité qu'on supposait nécessaire à l’usage des fidèles. Un prêtre, par conséquent, ne pouvait pas consacrer lout Je pain exposé nu marché ni tout le vin d'un tonneau. In IV Sent., 1. IV, dist. X, part. II. a. 1, q. iv. Saint Thomas n’admettait pas cette consé­ quence. Si la quantité de la matière de l’eucharistie est déterminée par l’usage des fidèles, cette déter­ mination ne se fait pas d'après le nombre des fidèles présents; autrement, un curé, qui n'a qu’un petit nombre de paroissiens, ne pourrait consacrer beau­ coup d'hosties. La détermination de la quantité de la matière à consacrer se fait per comparationem ad usum fidelium absolute. Le nombre des fideles étant indéter­ miné, la quantité de la matière n’est pas déterminée. Sum. theoL, IIP, q. lxxiv, a. 2. Si la consécration du pain ou du vin est faite pour une fi.i mauvaise, par exemple, p ir dérision ou pour faire des poisons, elle est \afide, quoique coupable. Ibid., ad 2um. Saint Thon as ne volt pas de dérision à consacrer tout le pain dune boulangerie cl tout le vin d’un cellier. Richard de Middletown se range à l’avis de saint 1316 Thomas. In IV Sent., I. IV, dist. X, n. 7, q. i. G. Bicl dit aussi que le prêtre peut consacrer du pain autant qu’il veut. Sacri canonis mlssæ expositio, icet. xxxv. 3. Forme. — La forme est double. Celle qui consuero le pain est, selon Alexandre de Halés, Surnma theologiic. part. IV, q. x, m. iv, a. 2, §1,2: Hoc est corpus meum. et le Christ hii-mêinc a consacré la première fois par ces paroles. La forme du vin est celle de la messe latine, jusqu'aux mots : Novl et œlernl Testa­ menti, qui ont été ajoutés; elle a été établie par les apôtres. Ibid., § 4. Pour saint Bonaventure, la con­ sécration se fait par la prolation de la forme vocale établie par le Seigneur, à savoir : Hoc est corpus meum sur le pain, et ; Hic est calix sanguinis mei sur le vin. Ilrcviloquium, part. VI, c. ix. La forme du sacrement, en effet, est celle que le Christ lui-même a instituée. Les mots : Accipite cl comedite ne font pas partie de la forme véritable, ou bien rentrent seulement dans la forme que l’Église a établie. Or, il y a péché grave à changer sciemment la forme ecclésiastique. In IV Sent., 1. IV’, dist. VIII, part. II, du b. î. Dans la forme du pain, le pronom : hoc désigne non ce qui tombe sous les sens, mais ce que la foi doit saisir. Donc, ce qui est désigné par ces signes est le corps du Christ. Le verbe : est est au présent et non au futur, et il indique la simultanéité de la présence réelle. Corpus est em­ ployé au lieu de caro, et meum indique que le prêtre parle in persona Christi. Les seuls mots : Hic est calix sanguinis met constituent la forme consécratoire du vin, et cette forme est recta cl ccrta cl lota congrua ; quod autem additur de bene esse. Les autres paroles énon­ cent les diets du sacrement» La forme usitée est pré­ férable à celle qui est rapportée dans les Évangiles. Ibid., a. 1, q. t, il. Pour Albert le Grand, la forme du pain ne comprend pas plus que les mots : Hoc est corpus meum. Hoc est un pronom démonstratif qui ne désigne pas le pain, car il est faux que le pain soit le corps du Christ,mais qui se réfère au corps du Christ. Meum désigne le corps du Christ. Les mots : Accipite et comedite n'appartiennent pas à la forme. Π est sûr (tutum) de dire : cnim, bien qu'il ne soit pas dans l’Évangile. La forme du vin cst · Hic est cnim rallx sanguinis mei, novi et teternl Testamenti, mysterium fidei, qui pro vobis cl pro multis effundetur in remis­ sionem peccatorum. Elle a été, sinon écrite, du moins transmise parles apôtres. In IV Sent.. 1. IV, disL VIII, a. 6, 7. Saint Thomas a précisé la doctrine de son maî­ tre. La forme du pain est celle dont le Christ s’est servi : Hoc est corpus meum. Les mots : Accipite et comedite se rapportent à l'usage de la matière consa­ crée, qui n’est pas nécessaire à l’existence du sacre­ ment; ils ne sont donc pas de la substance de la forme. La forme produit la consécration de la matière. Le verbe : est énonce que la conversion a lieu, non pas tn fieri, mais tn jacto esse. Le pronom démonstratif : hoc exprime le terminus a quo, ou le pain, mais seule­ ment relativement aux accidents sensibles qui demeu­ rent. Corpus indique le lcrminus ad quem de la con­ version, à savoir tout le corps du Christ, et non pas sa chair seulement. Meum exprime la personne du Christ, au nom de laquelle la forme est prononcée. La con­ jonction cnimqui relie la forme aux mots précédents est usitée dans l’Église romaine suivant une coutume cr pour la validité du des sept sacrements, l’eucharistie est placée la troi­ sacrement. Quant nu pain de blé, avt ’equel sc fait sacrement, il n'y a absolument aucun. importance sième après le baptême ct la confirmation. Avec les qu’il soit cuit le même Jour ou auparavant,car, pourvu, cinq premiers, ce sacrement a été institué pour In fier· en effet, que la substance du pain demeure, il n'y a faction spirituelle de chaque chrétien en particulier, ct il est le divin aliment des baptisés ou des confirmés. aucun doute à avoir qu'aussitôt après que les paroles de la consécration du corps ont été prononcées par Comme tous les autres, il est constitué par trois choses qui sont absolument nécessaires à sa confection Γ * le prêtre avec l’intention de consacrer, le pain ne soit videlicet rebus tanquam materia, verbis tanquam forma, transsubstanlié au vrai corps du Christ. Denzingeret persona ministri conterentis sacramentum cum inten­ Bannwart, n. 715. E. Mangenot. tione faciendi quod facit Ecclesia, C’est un des quatre Vlî. EUCHARISTIE D'APRÈS LE CONCILE DE sacrements, qui n'impriment pas de caractère ct qui trente. — Le concile de Trente, réuni pour con­ peuvent être réitérés· Denzinger-Bannwart, Enchiri­ damner les erreurs des protestants, eut nécessairement dion, n. 695. à s'occuper de l’eucharistie, ct il fit sur la matière des Le paragraphe spécial, consacré ù ce troisième sacre­ ment, expose explicitement sa matière, sa fonne ct scs canons ct des chapitres, que nous avons ù expliquer. — I. Histoire du texte. II. Doctrine du concile. effets. La matière est du pain de blé ct du vin de la I. Histoire du texte. — La discussion de la vigne, auquel on doit mêler, avant la consécration, doctrine de l’eucharistie se ressentit, plus qu'aucune un peu d’eau (aqua modicissima). Comme les Armé­ autre, des difficultés politiques qui troublèrent le niens ne pratiquaient pas le mélange d’eau au vin, concile. Loin de sc poursuivre dans une tranquille voirt. i, col. 1956; t. n, col. 698, on insiste longuement continuité, elle dut être interrompue ù diverses re­ ù son sujet. On justifie ce mélange par plusieurs prises, et parfois pour de longues années avant de raisons : a) les Pères ct les docteurs de l’Églisc s’achever. Commencée à Trente en février 1547, pour­ attestent que Jésus lui-même a institué l'eucharistie suivie à Bologne en mai de la même année, puis aban­ en se servant de vin mêlé d'eau; b) il exprime le sym­ donnée, elle ne fut reprise A Trente qu'en 1551; lâ bolisme relatif à la passion, qui a été indiqué dans une fausse décrétale du pape Alexandre Ier, ct suivant I même, on crut devoir différer l examen de certains articles qui ne furent discutés ct définitivement pro­ lequel le vin et l’eau du calice représentent le sang cl mulgués qu’en 1562. l’eau qui ont coulé du coté du Christ sur la croix; 11 est nécessaire, si l’on veut exposer clairement c) le symbolisme d’un des effets de l’eucharistie, à l’histoire assez compliquée de ces discussions, d’en savoir, l’union du peuple chrétien au Christ, confor­ étudier séparément les diverses phases. mément à la parole de l’Apocalypse, xvn, 15: Aquæ 1° Les discussions à Trente en 15Π. — Dans une mullœ... populi mulli, ct à la fausse décrétale attri­ congrégation générale du 31 janvier 1547, le cardinal buée au pape Jules Ier. Cet usage, suivi par l’Églisc de Sainte-Croix proposa une nouvelle méthode des­ romaine ct par les Églises latine ct grecque dès l’ori­ tinée, dans sa pensée, à hâter les travaux du con gine, doit être adopté partout. Aussi décide-t-on que elle. Pendant que les Pères s’occupaient des sacre les Arméniens eux-mêmes doivent sc mettre d’accord monts en général, du baptême ct de la confirmation, avec le monde chrétien tout entier et que leurs prêtres ou examinaient les canons de réforme sur la résidence, doivent mêler au vin un peu d’eau a l’oblation du les théologiens pourraient traiter tout de suite de calice. La forme de l’eucharistie est dans les pa­ l'eucharistie. La raison qu’invoquait le cardinal était roles mêmes par lesquelles le Sauveur a consacré; le que. beaucoup de ceux-ci devant bientôt s’absenter prêtre, en clïct, dans la confection du sacrement, parle pour les prédications du carême, il importait qu’ils in persona Christi. Par la vertu de ces mêmes paroles, eussent, avant leur départ, fourni une matière suffi­ la substance du pain ct celle du vi i sont changées, sante aux délibérations des prélats. On mènerait donc l’une au corps, l’autre au sang du Christ, de telle sorte, de front la double besogne. Massarelli, Diarium, Ill, toutefois, que le Christ tout entier soit contenu sous dans Merkle, Concilium tridadinum, Fribourg-enchaque, espèce cl sous chaque partie de ces deux espè­ Brisgau, t. i, p. 608; Theincr, Acta genuina SS. cecuces après la séparation. Celte décision visait l èpiclèse mcnici concilii tridcnlint, Agram, 1874, t. I, p. 405. qui, selon les Arméniens, voir t. i, col. 1956; t. n, On avait rédigé dix articles qui devaient servir de col. 698; cf. cependant t. v, col. 255-256, 263-261, base aux discussions ct dans lesquels on avait essaye opérait la consécration. Quant à l’effet de l'eucharistie de condenser les doctrines condamnables. En voici dans l’Ainc du digne communiant, c’est l’union du la teneur : « 1. Dans l’eucharistie, il n y a pas réelle­ fidèle au Christ, ct comme celte union sc fait par la ment Je corps cl le sang de Noire-Seigneur Jésusgrâce, il en résulte que la grâce est augmentée dans Christ, mais seulement en signe, comme on dit que le les dignes communiants ct que tous les effets produits vin est dans renseigne d'une auberge. 2. Dans l’eu­ par la nourriture ct la boisson matérielles en vue de charistie, le Christ est donné; mais il ne peut être la vie corporelle, sustentando, augendo, reparando et mangé que spirituellement par la foi 3. Dans l’eudelectando, sont realists par ce sacrement en vue de la charistie. il y a le corps cl le sang de Notre-Seigneur vie spirituelle, selon une parole du pape Urbain. Den­ Jésus-Christ, mais en même temps que la substance zinger-Bannwart, n. 698. du pain ct du vin; ainsi i n’y a pas transsubstan­ 3° Décret pro jacobitis. — Ce décret, publié encore tiation, mais union hypostalique de l'humanité du par Eugène IV dans la bulle Cantate Domino du 4 fé­ Christ avec la substance du pain ct du vin. 4. On ne vrier 1411, reproduit les précédents décrets pro græcis doit pas adorer le Christ dans l'eucharistie, ni l’honoct pro Armenis. Il ajoute à ce dernier une détermina­ rer par des fêtes, ni le promener en processions, ni le tion, qu'il ne contient pas, sur la forme des paroles de porter aux malades; ceux qui l’adorent sont de vrais la consécration du corps et du sang du Seigneur, que idolâtres. 5. Il ne faut pas conserver l’eucharistie dans l’Églisc romaine a eu toujours coutume d’employer. lo sanctuaire, mais la consommer tout de suite et la Or. pour consacrer le corps du Christ, elle se sert de donner aux présents; agir autrement, c’est abuser do celte forme : Hoc est cnim corpus meum,cl pour le sang, *327 EUCHARISTIE D’APRES LE CONCILE DE TRENTE ce sacrement. 6. Dans les hosties ou parcelles consa­ crées qui restent après la communion, il n'y a plus le corps du Seigneur; il n’y est que pendant qu’on le reçoit, ni avant, ni après. 7. C’est une loi divine que le peuple même communie sous les deux espèces; il y n donc péché à forcer le peuple ù ne se servir que d'une seule; et pourtant, si le concile ordonnait que l’on communiât sous les deux espèces, il faudrait alors ne communier que sous une seule. 8. Sous une seule espèce, il n'est pas contenu autant que sous les deux, et celui q ii communie s us une espèce ne reçoit pas autant que celui qui communie sous les deux. 9. La foi seule est une préparation suffisante à la réception dc l’eucharistie; on n'est pas obligé dc communier à Pâques. 10. Il n'est permis à personne de se communier soi-même. » Raynaldi, Annales, an. 1547, n. 28; I-c Plat, Monument, ad historiam concilii Iridentini, Louvain, 1783, t. ni, p. 505; Tlieiner, op.cit., L i, p. 408; S. Elises, Concilium tridenlinum, 1911, t. v, p. 869-871. Dès le 3 février, commencèrent les discussions des théologiens; elles eurent lieu tous les jours, excepté les dimanches, jusqu'au 19 inclusivement, sous la présidence du cardinal dc Sainte-Croix, le cardinal del Monte, premier président, étant alors occupé par les congrégations générales où les Pères discutaient parallèlement d’autres sujets. Près dc quarante pré­ lats et plus dc soixante théologiens y assistèrent. Trente et un de ceux-ci y prirent la parole, parmi lesquels les deux théologiens du pape, les jésuites Salmeron et Lainez.CL Elises, op. cit., t. v, p. 872-874, 876-878, 879-880, 882-892, 897-902, 905-907,912, 921, 923,925-926, 928-929, 931-932, 933-931, 936-959, 960-961. A vrai dire, I s discours des théologiens, tels que nous les trouvons résumés par le secrétaire du con­ cile, Massarelli, sont moins la discussion du texte proposé que la justification dc la doctrine dc l'Églisc sur les points en litige. Cependant, quelques modi­ fications furent proposées. A propos du 2· article, on lit remarquer que le mot dc manducation spirituelle demandait à être expliqué, puisque, dans un sens, il est très orthodoxe, la communion n’étant pas la man­ ducation charnelle du corps du Christ. Tlieiner, op. cil., t. i, p. 415, 113; Ehscs, t. v, p. 883-884. Pour le 8·, plusieurs théologiens, et en particulier Lainez, Theiner, ibid., p. 413, demandèrent que la seconde partie fût formulée avec plus dc précision; s’il est très vrai, en effet, que l’on reçoit Jésus-Christ tout entier sous une seule espèce, il est moins sûr que l’on reçoive autant dc grâce que le prêtre.qui communie sous les deux espèces; et 11 faut éviter de dirimer par une condam­ nation trop générale une question jusqu’alors librement débattue entre catholiques. Plusieurs regrettèrent aussi que le 9· article condamnât comme hérétiques ceux qui nieraient la nécessité dc la communion pascale, puisqu'il s'agit d’un précepte dc l’Églisc et non d’une doctrine révélée. Theiner, ibid., p. 408. Et enfin on désira une autre rédaction du dernier article, puis­ qu'on fail il n’est pas permis généralement de se com­ munier soi-même, mais seulement en cas dc nécessité ou s’il s'agit du prêtre qui célèbre. Theiner, ibid.9 p. 431. t Aux dix articles projetés, quelques théologiens, surtout François Visdomini, André Vega et Lainez, Theiner, ibid., p. 429, 442; Elises, t. v, p. 902, 928, 934, proposèrent d'en ajouter d'autres; l’un d’eux mérite d’etre signalé, car nous le retrouverons dans 1rs projets ultérieurs : c’est l'erreur qui affirmerait que l'eucharistie n’a été instituée que pour la rémis­ sion des péchés. C’est une erreur, disait Lainez, car l’eucharistie est sacramentum re/eettonis, non remis­ sionis. Elises, t. v, p. 934. 1328 Aussi, le G mars, quand on distribua aux Pères les exemplaires des articles qu’ils allaient Λ leur tour dis­ cuter, on les divisa en trois catégories : la première renfermait ceux que tous les théologiens avaient ju­ gés dignes d’etre condamnés tels quels; la deuxième, ceux dont plusieurs théologiens avaient demandé une retouche; une troisième contenait onze nouveaux articles qui avaient été proposés par quelques-uns. Merkle, op. cil., t. i, p. 623 ; Tlieiner, loc. cil., p. 466; Ehscs, t. v, p. 1007-1 *>08. Les Pères pouvaient, en effet, s’occuper maintenant de l'eucharistie, car, le 3 mars, dans la VII· session, ils avalent publié les chapitres et canons sur les sacre­ ments en général, le baptême et la confirmation. Donc, le 7 mars, en congrégation générale, le car­ dinal dc Sainte-Croix, en l'absence du cardinal de! Monte, souffrant des yeux, annonça aux Pères le nou­ veau sujet qui allait leur être soumis; le 8, com­ mencèrent les discussions et elles se poursuivirent le 9; une quarantaine dc prélats purent exprimer leur avis. Ehscs, t. v, p. 1010-1013. Mais les délibérations n'allèrent pas plus loin. Depuis longtemps, la situation politique et les diffi­ cultés avec les protestants inspiraient des inquié­ tudes et les départs d’évêques se faisaient dc jour en jour plus nombreux; dc plus, l'attitude dc CharlesQuint était de nature à alarmer le pape; il était à craindre que le concile, réuni dans une ville alle­ mande et immédiatement soumise à l’autorité impé­ riale, ne jouît pas d'une entière indépendance; et enfin on raconte que des paroles très vives échan­ gées entre le cardinal del Monte et le cardinal Madrucci, évêque dcTrente, auraient rendu pénibles les relations entre les membres du concile. Une maladie épidémique éclatant ù Trente fut l’occasion (le trans­ férer le concile dans une ville qui ne fût pas sous le pouvoir de l’empereur. Ixï décret dc translation fut lu à la VI11° session, le 11 mars; les Pères étalent invités à se rendre à Bologne pour y continuer sans retard leurs travaux. 2° Les discussions ά Bologne en 1617. — Peu d'évêques répondirent ù l’invitation. Charles-Quint se refusait à accepter que le concile se réunît hors de ses États; les évêques allemands et espagnols, obéis­ sant à scs ordres, demeurèrent ù Trente au nombre d’une quinzaine. D’autre part, les évêques français, qui avaient été peu nombreux à Trente à cause de la guerre entre François Ier et Charles-Quint, ne vinrent pas davantage ù Bologne. Il n'y eut donc dans cette dernière ville que peu de prélats, presque tous italiens. Aussi ne crut-on pas pouvoir y prononcer dc défi­ nitions en matière de foi; tout se passa en travaux préparatoires. Le 9 mai, le cardinal del Monte proposa aux Pères dc compléter la discussion des articles sur l’eucha­ ristie, restée en suspens depuis le 9 mars. Il annonça que l’on avait dressé sept canons; un exemplaire serait donné à chaque prélat. Massarelli, Diarium, IV, dans Merkle, op. cit., t. i, p. 650; Severolus donne le texte de quatre canons. Merkle, p. 146. Le cardinal dc Sainte-Croix expliqua ensuite qu’on avait intention­ nellement omis l'article où il était question dc ce qu’on reçoit sous une ou deux espèces; car,dit-il, si les théologiens sont unanimes à affirmer qu'il n'y a, entre les deux sortes de communion, aucune différence quoad sacramentum, ils ne le sont plus lorsqu’il s'agit dc la grâce qui y est conférée. L’examen des canons, commencé le 13 mal, s’acheva le 16. Les 17, 21 et 23, une commission retoucha les canons, conformément aux vœux émis et en ajouta un 8· sur la foi, disposition ù la communion. Le 25, I dans une congrégation générale à laquelle assistaient 1329 EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE 29 membres, elle présenta le texte ainsi refondu. j rompu et on livrait à l'examen des théologiens un pro­ Dc nouvelles corrections furent reconnues nécessaires; jet dc dix articles jugés condamnables et on indiquait la commission les opéra le 27 et proposa son nouveau le 8 pour leur examen. S. Merkle, op. cil., t. n,p. 2-13. texte Λ la congrégation générale du 28. Tous les ca­ A part un léger changement dans l'ordre suivi et nons y furent approuvés, à l’exception du 8·, sur quelques modifications où l'on avait tenu compte des lequel le général des servîtes fit une réserve. Enfin, principales observations faites en 1547, le texte est le 31 mai, dans une congrégation générale présidée identique au projet primitif; aussi ne le reproduisonspar les cardinaux del Monte et de Sainte-Croix, toute nous que lorsqu’il s’en écarte. « 1. Dans l'eucharistie, hésitation disparut et les canons furent approuvés il n’y a pas réellement le corps et le sang, ni la divi­ sans restriction. nité de Notre-Scigncur Jésus-Christ, mais seulement Il n'y avait donc plus, semblait-il, qu'à tenir une comme en signe (cf. a. 1 de 15-17). 2. Dans l’eucha­ session solennelle pour prononcer la définition; elle ristie, le Christ nous est donné; mais il ne peut être devait avoir lieu le 2 juin; mais le nombre trop res­ mangé que spirituellement par la foi, et non sacratreint des prélats présents imposait sur ce point la mentellcmcnt (cf. a. 2 de 1547). 3. Dans l’eucharis­ plus extrême réserve. Le 30 mai, les légats avaient tie, il y a le corps et le sang dc Notre-Seigneur Jésusreçu dc Home une lettre datée du 28, où le cardinal Christ, mais en même temps que la substance du pain Farnèse leur faisait connaître la volonté formelle et du vin; ainsi il n'y a pas transsubstantiation, mais du pape de différer la définition, au moins jusqu'à union hypostatique de l’humanité avec la substance la fin d'août. En conséquence, le 1er juin, le cardinal du pain et du vin, en sorte qu'il est vrai de dire : ce del Monte proposa d'en fixer la date au 15 septembre pain est mon corps, ce vin est mon sang (cf. a. 3). et donna les raisons dc cette prorogation : on comptait 4. L'eucharistie a été instituée seulement pour la ré­ sur l'envoi des légats a latere à l’empereur et au roi mission des péchés (art. proposé en 1547 par Lainez). dc France pour faire cesser l’opposition dc l’un et 5. (Reproduit l’a. 4 de 1547.) 6. (Reproduit les a. 5 obtenir l'adhésion dc l'autre; dc plus, ce retard per­ et 10.) 7. (Reproduit l’a. 6.) 8. C'est une loi divine que mettrait de mûrir davantage les questions si impor- | même le peuple et les enfants communient sous les tantes sur lesquelles il fallait prendre une décision deux espèces; il y a donc péché à obliger le peuple à et c préparer les canons dc réforme qui, d'après ne se servir que d'une seule (a. 7, 1°). 9. (Reproduit l'a. 8.) 10. La foi seule est une préparation suffisante l'usage suivi à Trente et auquel il ne convenait point à la réception de l’eucharistie; la confession n'est de déroger, devaient être promulgués en même temps pas requise, mais libre, surtout aux doctes. On n'est que les canons dogmatiques. Massarelli, dans Merkle, pas tenu dc communier à Pâques (cf. a 9). · Rayop. cil., 1.1, p.658. A la Xflscssion qui eut lieu le 2 juin, naldi, Annales, an. 1551, n. 39-10; Le Plat, op.ciL, on approuva le délai proposé. t. iv, p. 258-260; Theiner, t. i, p. 488. Mais, dans l’intcrv le, la situation ne s'était pas En même temps, on réglementait, autant que pos­ améliorée. Dans la congrégation générale du 14 sep­ sible, les discussions : les théologiens devaient par­ tembre, le cardinal del Monte dut donc demander un ler brièvement, sans se lancer dans des questions nouveau délai, en se basant sur les raisons suivantes : superflues, sans se laisser aller à des paroles bles­ des prélats français, deux seulement étaient présents; santes ou à des discussions opiniâtres; ils devaient douze autres étaient en route et ne pouvaient tarder tirer leurs arguments · de l’Écriture sainte, des tra­ d'arriver; or, il ne convenait pas sessionem sine tali ditions apostoliques, des saints conciles approuvés, et tanta natione celebrari. Le cardinal rappela l’arrivée des constitutions et décrets des souverains pontifes, récente de plusieurs évêques qui n’avaient pas encore des écrits des saints Pères et du consentement de eu le temps de se mettre au courant des questions l’Églisc catholique. » Theiner, op. cil., t. î, p. 489. qui devaient être tranchées. Il invoqua l’importance De fait, la discussion fut rapidement menée, soit de ces questions et la nécessité dc ne les point dé­ à cause dc ces sages réglementations, soit à cause du cider sans de mûres délibérations. Il fit allusion enfin travail déjà fait auparavant. aux complications politiques causées par la mort du Les réunions des théologiens curent lieu du 8 au duc de Plaisance et à l’imminence d’une guerre pour IG septembre. Vingt-quatre docteurs y prirent la la défense des États dc l’Églisc. Massarelli, dans parole, parmi lesquels les deux théologiens du pape, Merkle, op. cil., t. j, p.695. En conséquence, on pro­ les jésuites Lainez cl Salmeron, et les trois théolo­ rogea de nouveau la future session ad beneplacitum giens de l’empereur, Jean Arze, Melchior Cano et synodi. Jean d’Ortega. S. Merkle, op. cil., t. n, p. 243. 3° llcprisc de la discussion cl définition à Trente, Les art. 1, 3, 5, 6 (première partie), 7 et 8 pa­ en 1551. — Elle devait se faire attendre plusieurs rurent à tous hérétiques. Les avis se partagèrent et années. Le 17 septembre 15-19, en effet, Paul III les observations furent nombreuses sur les autres. envoyait aux quelques évêques qui étaient encore Le 2· parut à beaucoup superflu, soit parce qu’il se à Bologne l'ordre de se separer; ce fut seulement le trouvait contenu implicitement dans le lor, soit parce 14 novembre 1550 que l’ancien cardinal del Monte, que, sous la forme qu’on lui avait donnée, aucun héré­ devenu le pape Jules III, convoqua dc nouveau le tique ne l’avait soutenu. H eût mieux valu, remarqua concile à Trente pour le 1er mai de l’année suivante. Martin d’Olavc, Theiner, op. cil., t. I, p. 496, présen­ Mais, au jour fixe, les Pères étaient trop peu nom­ ter la rédaction suivante qui serait une erreur réelle­ breux pour qu’on pût espérer faire tout dc suite un ment soutenue par Œcolampade : Le Christ n’est travail utile. De la XI· à la XII· session (1er inaidonné sacr.unentcllement qu’à ceux qui le reçoivent 1·Γ septembre 1551), on attendit que l’on fût en spirituellement. Le 4· fut trouve ambigu. Sans I· nombre. A cette dernière date, en dehors du légat, des présidents et du cardinal Madrucci, évêque de mot solam, il serait catholique, dit Martin d’Olave, puisqu'on fait l’eucharistie produit la rémission des Trente, il n'y avait encore au concile que sept arche­ péchés; mais justement, observèrent Ambroise S torch vêques et vingt-six évêques. Theiner, op. cil., t. i, p. 487. On décida cependant de ne pas différer plus ou Pelargus et Reginald dc Gènes, Theiner, op. cil.t longtemps et de recommencer sans retard la dis­ t. i, p. 196, 499, aucun hérétique n’a prétendu que cussion sur l’eucharistie. l'eucharistie n'ait été instituée que pour la rémis­ 1. Discussion des articles ’par les théologiens. — sion des pêchés. La fin du 6· article réclamait aussi la; 3 septembre, en effet, on reprenait, comme si rien des précisions; on eût préféré la rédaction suivante : n’avait encore été fait, le travail si longtemps inter­ • En aucun cas, même s’il y a nécessité, même pour 1331 EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE 1332 le prêtre qui célèbre, il n est permis de se commu­ logique, soit pour ne pas imposer aux prêtres des charges nouvelles. Ibid., p. 506. Jofre de Borja, évêque nier soi-même. » Mais ce furent surtout les deux derniers articles qui de Ségorbe, proposait de remplacer les mots discutés donnèrent lieu aux discussions. A propos du 9e, par une simple recommandation adressée aux prêtres Melchior Cano, Jean d'Ortega et d’autres, Theiner, de se bien préparer ct de se confesser avant de célé­ t. i, p. 49-1, 496, 199, 500; P.illavicini, Histoire du brer. Ibid. Presque aucun no jugea qu’on dût af­ concile de Trente, trad, franç., I. XII, 2, soutinrent firmer sous peine d'hérésie la nécessité de la con­ l’opinion que la grâce est plus abondamment donnée fession. dans la communion sous les deux espèces. Une oppo­ Une autre question plus troublante, parce qu’elle sition aussi vive se manifesta contre le 10·. Quelques se compliquait de politique ct que les passions popu­ théologiens soutinrent l'opinion de Cajetan, selon laires y étaient mêlées, était celle de la communion laquelle il suffit, pour communier, que l’on soit en état sous 1rs deux espèces. Les utraquistes étaient nom­ de grâce, quelle que soit la manière dont les péchés breux en Allemagne; depuis le concile de Bâle, ils ont été effaces, par k contrition ou par la confession; prétendaient s’autoriser d'une reconnaissance offi­ ainsi François de Toro ct Réginald de Gênes. Thei­ cielle de leur pratique, ct les discussions soulevées ner, t. r, p. 196, 499. D’autres, tout en admettant que par le protestantisme leur étaient une occasion de k concile puisse rendre la confession obligatoire, renouveler leurs réclamations contre le refus de Rome exposèrent qu’il serait dur de condamner comme de sanctionner sur ce point les Compactait!. Plusieurs hérétique ce que de grands théologiens ont enseigné; évêques, surtout allemands, furent d’avis qu'il serait tout nu plus pouvait-on avoir égard aux dangers de expédient «le concéder à l’Allemagne la communion sacrilège que leur opinion entraînait, ct la condamner sous les deux espèces : ce serait, disait le cardinal de comme dangereuse; ainsi Melchior Cano, Jean dOr­ Trente, accéder aux vœux très pressants des catho­ tega et Martin d'OIave. Theiner t. i, p. 494, 496. liques allemands, travailler efficacement au réta­ Ambroise Storch demandait que l'on ajoutât au moins blissement de la paix religieuse cl faciliter la réu­ la restriction : habita copia con/essarii. Theiner, nion de l’Allemagne à l’Église. Theiner, t. i, p. 503. t. r. p. 497. Paul II Gregoranczl, évêque d’Agram, alla plus loin; Ce> oliservations furent transmises aux Pères le il soutint, en s’appuyant sur divers textes d'Écri17 septembre en même temps qu’on leur distribuait turc, que la communion sous les deux espèces est de les articles, divisés en deux catégories, ceux qui droit divin ct que, si l’Église a pu avoir des raisons avaient été Jugés à l’unanimité condamnables ct dans le passé de modifier la loi divine, elle peut en ceux pour lesquels on avait demandé des explica­ avoir d’autres maintenant pour y revenir en faveur tions plus complètes ou des retouches. Theiner, de l’Église d’Allemagne. Ibid., p. 503-504. Prcconio, t. r, p. 501-502; Pallavicini, op. cil,, I. XII, 2, 9. évêque de Monopoli, exprima la même pensée. Ibid., 2. Discussion des articles par les P^res. — A leur p. 510. Tel ne fut pas l’avis de la majorité; on reconnut tour, les Pères donnèrent leur avis dans des congré­ le plein pouvoir de l’Église en pareille matière, parce gations générales qui se tinrent du 21 au 30 sep­ que, justement, le droit divin n'y est pas engagé; tembre. Plusieurs se contentèrent d’ap rouver les plusieurs cependant ne virent aucun inconvénient remarques des théologiens; mais d’autres y ajou­ à (aire aux Allemands la concession souhaitée, à cer­ tèrent des observations nouvelles ct intéressantes. taines conditions qu'indiquait Fonseca, évêque de A diverses reprises, on insista sur le principe que des Castcffamarc : qu'ils la demandent, qu’ils reconnais­ théologiens avaient déjà souligné. « Le concile, dit sent que l'Église ne [s'est point trompée en prohibant le cardinal légat Crescenzi, a assez à faire s’il veut la communion sous les deux espèces ct qu'ils pro­ condamner les hérétiques; il n'a pas à prendre parti fessent, conformément à la doctrine catholique, que dans les discussions d’école, » Theiner, t. i, p. 502; Jésus-Christ tout entier est contenu sous une espèce et son observation fut répétée mot pour mot par aussi bien que sous les deux. Theiner, t. I, p. 506. Guerrero, archevêque de Grenade. « Le rôle du con­ Cette discussion en amorça une autre. Pour prou­ cile, dit plus clairement encore Alcpo, archevêque ver l’institution divine de la communion sous les deux de Sassari, n'est pas de décider des controverses ou espèces, les évêques d’Agram et de Monopoli s’étalent de condamner des opinions scolastiques, mais seu­ en partie appuyés sur le c. vi de saint Jean, où Jésus lement des hérésies. · Ibid., p. 504. Ce fut, en effet, semble distinguer ct imposer la double communion. d’après ce principe qu’on se régla dans les discussions, Plusieurs Pères en prirent occasion pour exprimer surtout pour les deux derniers articles. leur avis sur le sens général de ce chapitre. Le plus Reçoit-on autant de grâces sous une seule espèce grand nombre y virent au sens littéral une promesse que sous les deux? Mieux vaut ne pas prendre parti, formelle de l'eucharistie; ainsi Ayala, évêque de dit le cardinal légat, mieux vaut même ne pas parler Guadix, de Acuna y Avellaneda, évêque d’Astorga, de cette question; affirmer l’égalité absolue de la ct d'autres, Theiner, t. t, p. 512 sq.; quant à l'argu­ grâce, ce serait condamner un grand nombre de théo­ ment que les utraquistes prétendaient en tirer. Ils logiens catholiques; affirmer ou laisser supposer l’iné­ répondirent, soit en rappelant d’autres passages du galité de grâces, ce serait s’exposer à mécontenter même chapitre où la communion du pain est seule af­ les Irïcs qui se croiraient partiellement frustrés de firmée nécessaire, soit, comme le firent de llérédia, l’cfflci cité de la communion. Theiner, t. i, p. 502. lai évêque de Cagliari, ct Fon^cca, évêque de Castcllamajorité fut du même avis. La confession doit-elle marc, en disant que,Jésus-Christ étant présent tout précéder la communion? La plupart opinèrent pour entier sous chaque espèce, quiconque reçoit le pain l’affirmative, mais avec des nuances. Le cardinal consacré mange la chair ct boit le sang du Christ. M.idrucd, évêque de Trente, aurait voulu que l’on Mais d'autres orateurs soutinrent une Interprétation •joutât la restriction : habita copia confessorii, aut différente. Augustin, évêque do Huesea, ct Foscasaltem in voto. Theiner, L i, p. 503. Le cardinal légat rarl,évêque de Madène, Theiner, t. t, p. 509, 515, pensait, au contraire, que l’on pouvait Imposer la prétendirent que ce chapitre doit s’entendre au sens confession sans aucune restriction, puisqu'on cas de littéral d’une manducation spirituelle du Christ par la foi, ct que c’est seulement par allégorie qu’on peut nécessité, on peut se confesser à des laïcs, même à y voir une promesse du sacrement. Piccolomini, des femmes. Ibid., p. 502. Campeggi, évêque de Feltre. désirait que l’on ne parlât pas de la confes­ évêque de Lanciano, appliqua à ce chapitre la théo­ rie de saint Augustin sur la multiplicité des sens litsion, soit pour ne pas condamner une opinion théo­ 1333 EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE téraux < t émit l'kléo que les deux sens étaient par­ faitement compatibles. Ibid., p. 507. lai chose parut d’une telle importance à cause de scs conséquences pratiques que le deuxième prési­ dent du concile, Pighini, évêque de Siponto, crut devoir prendre la parole, «bien que ce ne fût pas l'habitude, dit-il, que les légats ou les présidents exprimassent leur avis durant l'examen des articles ou des décrets. » Il parla uniquement de la commu­ nion sous les deux espèces ct affirma que le passage allégué de saint Jean devait s'entendre d'une man­ ducation spirituelle; s'il y était question de la com­ munion sacramentelle, ajouta-t-il, chacun serait tenu de faire ce qui y est ordonné, donc de communier sous l'espèce du vin; car, même si l'on dit que quiconque reçoit le corps du Christ boit en même temps son sang, tout au moins devra-t-on avouer que Jésus-Christ aurait dit une chose vaine en distinguant ct en di­ sant · Nisi manducaveritis carnem... ct biberitis san­ guinem... Theiner, 1.1, p. 517. Lippomano, évêque de Vérone et troisième président, parla dans le même sens. Ibid., p. 518. 3. Hêdactlon ct discussion des canons· — Quand tous les Père eurent donné leur avis; le légat Cres­ cenzi résuma les discussions, annonçayju'on tiendrait compte des observations ct nomma une commission chargée de rédiger les canons. Elle fut composée de huit membres: les archevêques von I kussenstamm de Mayence et Alcpo de Sassari, les évêques Gregoranezi d’Agram, Musso de Biton to, de Navarra de Badajoz, Ayala de Guadix, de Acuiia y Avellaneda d’Astorga, ct Foscarari de Modène. Theiner, t. i, p. 519. Dès le lendemain, 1er octobre, la commission se ré­ unit avec le légat ct les présidents ct rédigea dix ca­ nons. Le 2, nouvelle réunion; les canons furent remaniés ct on en porta le nombre à treize. En voici la teneur: « 1. Si quelqu’un dit que, dans le très saint sacrement de l'cuch ristic, n’est pas contenu vrai­ ment, réellement ct subst nticllemcnt le corps ct le sang en même temps que l’âme ct la divinité de Notrc-Scigncur ésus-Chrlst, ct, par conséquent, le Christ tout entier, mais qu'il y est seulement comme en signe ou en figure ou par sa vertu, qu'il soit ana­ thème. 2. Si quelqu'un dit que,dans le très saint sacre­ ment de l'eucharistie, il reste la substance du pain ct du vin en même temps que le corps ct le sang de Noire-Seigneur Jésus-Christ; si, employant d’exé­ crables ct profanes nouveautés de paroles, il dit que (e Christ est impané; s'il nie cette m rvcillcuse ct sin­ gulière conversion de toute la substance du pain au corps ct c toute la substance du vin au sang, après laquelle il ne reste que les apparences du pain ct du vin, conversion que nos Pères ct toute l’Église catho­ lique ont très Justement appelée transsubstantiation, qu'il soit anathème. 3. Si quelqu’un nie que le Christ soit contenu sous chaque espèce ct sous chacune de scs parties, qu’il soit anathème. 4. Si quelqu'un dit qu'après la consécration, le corps cl le sang de NotrcScigncur Jésus-Christ ne sont pas dans l’admirable sacrement de l'eucharistie; qu’ils n'y sont que pen­ dant qu’on le reçoit, ni avant, ni après; ou que le corps du Seigneur ne reste pas dans les hosties ou parcelles consacrées qui demeurent après la commu­ nion, qu'il soit anathème. 5. Si quelqu’un dit que le très saint sacrement de l'eucharistie a été institué pour la seule rémission des péchés, qu'il soit ana­ thème. 6. Si quelqu’un dit que Notrc-Scigncur JésusChrist, Fils unique de Dieu, ne doit pas être adoré dans l'eucharistie du culte qu’on appelle de latrie, qu’on ne doit pas l’honorer par une adoration exté­ rieure ct une fête solennelle spéciale; ou qu'il n'est pas permis, selon le rite et la coutume pieuse cl louable de la sainte Église, de le porter solennelle­ 1334 ment dans les processions ’ou qu'on ne doit pas l'ex­ poser publiquement aux regards du peuple ct que ceux qui l’adorent sont des idolâtres, qu'il soit ana­ thème. 7. Si quelqu'un dit qu’il n'est pas permis de conserver la sainte eucharistie dans le sanctuaire, mais qu'il faut la consommer aussitôt après la consé­ cration ct la distribuer aux assistants; ou qu’il n'est pas permis de la porter avec honneur aux malades; ou que le prêtre qui célèbre n’a pas le droit de se com­ munier lui-même, qu'il soit anathème. 8. Si quelqu'un dit qu'il est nécessaire au salut cl prescrit par une loi divine que tous les fidèles du Christ communient sous les deux espèces; ou que l’Égli-ie a erré Jusqu’ici en communiant les laïcs ct non les prêtres célébrants sous la seule espèce du pain, qu'il soit anathème. 9. Si quelqu'un dit qu’il est nécessaire de droit divin de donner la communion aux enfants, même avant qu’ils soient parvenus à l'âge de discrétion, qu'il soit anathème. 10. Si quelqu'un dit qu'on reçoit moins en communiant sous une seule espèce que sous les deux, ou qu’on commet une injustice envers les laïcs, ou que ceux qui communient sous une seule espèce sont frustrés du fruit même du sacrement, qu’il soit anathème. 11. Si quelqu’un dit que le Christ est donné à manger seulement d’une manière spirituelle par la foi, ct non d’une manière sacramentelle, qu’il soit anathème. 12. Si quelqu'un nie que tous les fidèles du Christ ct chacun d’eux, de l'un ou de l'autre sexe, lorsqu'ils sont arrivés aux années de dis­ crétion, soient tenus de communier au moins une fois l’an à Pâques, selon le commandement de la sainte mère I Église, qu’il soit anathème. 13. Si quel­ qu'un dit que la foi seule est une préparation suffi­ sante à la réception du très auguste sacrement de la très sainte eucharistie, qu’il soit anathème. Et, de peur que ce sacrement des sacrements ne soit reçu in­ dignement, pour la mort ct la condamnation, le saint concile déclare que ceux dont la conscience est char­ gée d’un péché mortel doivent nécessairement recou­ rir, avant de le recevoir,à la confession sacramentelle. SI quelqu’un osait enseigner, prêcher, affirmer opi­ niâtrement ou soutenir publiquement le contraire, qu’il soit par le fait même excommunié. · Theiner, t. i,p. 520. La seule comparaison de ccs textes avec ceux des projets primitifs montre quel chemin avait déjà été fait vers une précision de formules de plus en plus grande; ct cependant il faudra encore plusieurs examens ct plusieurs retouches avant qu'on ob­ tienne la formule définitivement adoptée. Le 3 octobre, copie des canons ainsi réparés (ut donnée aux Pères, afin qu’ils pussent les examiner à loisir. Mais le 6, jour où devait commencer la discussion, le légat Crescenzi fit part aux membres du concile d’une démarche qui avait été faite auprès de lui pour obtenir que l’on différât encore la publication des canons sur l'eucharistie. En elTct· le comte de Montfort. l’un des ambassadeurs impériaux, ct les envoyés de Ferdinand d'Autriche avaient essayé de démon­ trer au légat qu’il ne convenait pas de traiter une question de doctrine aussi importanto avant l'arrivée de délégués protestants; ct, comme Crescenzi ré­ pliquait qu’on ne pouvait tarder plus longtemps, et que l'ordre logique des matières exigeait quo l’on promulguât le dogme de l'eucharistie,le comte avait demandé qu’au moins l’on réservât la question de la communion sous les deux espèces, si l’on ne voulait rendre irrémédiable la séparation. Le pape, consulté, avait permis «l’accorder un sauf-conduit aux pro­ testants qui voudraient venir ct de surseoir pour trois mois à la discussion des canons en litige. Sarpl, Histoire du concile de Trente, tmd.fnmç., Amsterdam, 1751, I. IV, n. 12. En faisant part aux Pères de ccs 1335 EUCHARISTIE D'APRÈS LE CONCILE DE TRENTE 1336 complications inattendues, le légat leur exposa en pitres qui traitaient de la présence réelle, de l’ins­ mime temps scs perplexités. Que convient-il de ré­ titution, de l'excellence ct du culte de l'eucharistie, de la transsubstantiation, de la préparation à la com­ pondre à la demande des protestants? Si on ne les at­ tend pas, bien qu’ils aient refusé jusqu’ici de ré­ munion, de l’usage du calice dans la communion des laïcs et de la communion des enfants. Mais des dis­ pondre aux convocations qu’on leur a adressées, ce cussions acharnées s’élevèrent entre dominicains ct sera pour eux un motif de plaintes ct un prétexte franciscains, c'est-à-dire entre thomistes et scotistcs, qui justi fiera leur absence du concile; si on les at­ tend ct que, celte fois encore, ils ne viennent pas, sur la manière dont s'opère la transsubstantiation ; leurs on aura perdu du temps et il en résultera pour le con­ subtilités,dit Sarpi, causèrent beaucoup d'ennuis aux cile un certain ridicule. La commission a estimé qu’il prélats. Un remaniement s'imposait, soit à la suite de était convenable d’accéder à la demande des pro­ celte discussion que le concile ne voulait pas tran­ testants ct de différer jusqu'au 25 janvier les canons cher,soit à cause de la décision que l’on avait prise sur la communion; mais c’est aux Pères qu’il appar­ dedifférerics matières concernant la communion sous tient de donner la décision définitive. Theiner, t. i, les deux espèces. On demanda donc une nouvelle ré­ p. 521. daction à quelques prélats et Λ quelques théologiens, Ixs avis portèrent donc sur deux points : la ré­ sous la direction de l'évêque de Vérone, Lippomano; ponse Λ faire aux protestants ct le texte des canons. on leur recommanda d’user d'expressions assez géné­ Sur le premier point, tops furent d’accord pour que rales au sujet de la transsubstantiation pour qu’elles l’on allât aussi loin que possible dans la voie des con­ puissent cire acceptées par t utes les écoles. cessions. Sur le second, quelques modifications furent Le nouveau texte des huit chapitres, ayant été adopté demandées; on proposa, en particulier, de supprimer, par la commission, fut soumis aux Pères, et ceux-ci dans le 2* canon, le mot impanatum qui n'est em­ exprimèrent leur avis dans les deux congrégations ployé par personne; d’ajouter au 3e les mots sepagénérales du 10 octobre. La discussion fut brève, ratione /acia pour sc conformer au texte du concile les corrections demandées peu ombreuses ct peu de Florence; d’intercaler dans le 13e la restriction : importantes; la commission les opéra. habita copia con/essorii. 5. Définition. — Tous les préliminaires étant ac­ Ixs retouches furent faites comme elles avaient complis, il ne restait plus qu’à prononcer la défini­ été demandées. On supprima, de plus, les canons 8 tion solennelle; on le fit dans la XII1° session, le cl 10 pour faire droit au désir des protestants; on fit dimanche 11 octobre 1551. L’évêque de Majorque. de la fin du 7· un canon spécial qui devint le 11e ct Jean-Baptiste Campeggio, chanta la messe, ct Alcpo, l’on obtint ainsi douze canons (texte dans Theiner, archevêque de Sassari, prononça un discours latin sur 1.1. p. 525). l'eucharistie. Après la cérémonie, on reçut les envoyés Le 9 octobre, en congrégation générale, quelques de l'électeur de Brandebourg; puis l’évêque de Ma­ observations furent encore présentées; Musso, évêque jorque pr -inulgua les chapitre ct les canons sur l'eu­ de Bitonlo, répondit au nom de la commission; il charistie ct les décrets de réforme. L'archevêque de reconnut le bien-fondé de quelques-unes, ct non des Sassari monta ensuite à l’ambon ct lut le décret qui autres. C’est ainsi qu’il fit échouer divers amende­ prorogeait la dé Ition de quatre articles sur la com­ ments proposés au texte du dernier canon; de Héré- munion ct qui accordait u sauf-conduit aux protes­ dia, évêque de Cagliari, eût voulu que l'on n'imposât tants; enfin le légat donna la bénédiction à l’assis­ pas la confession avant la communion « en cas de tance,ct tous scretirèrent, dit Massarclli,heureux et nécessité urgente, » Musso lui répondit epic le con­ remerciant Dieu de ce qu’il avait uni les cœurs dans cile devait porter des règles générales sans s’inquiéter une telle concorde. Theiner, t. i, p. 530. des exceptions possibles; Fonseca, évêque de CasA cette session assistaient « le légat cl les présidents, tcllamare, désirait cette autre restriction : « quand le cardinal de Trente, les trois archevêques élec­ il n’y a pas à craindre de scandale; » la même réponse teurs. trois orateurs de l’empereur, deux du roi des sans doute lui fut faite. Romains ct deux de l’électeur de Brandebourg, cinq Aussitôt après, la commission se réunit pour cor­ archevêques, trente-quatre évêques, trois abbés, nue r une nouvelle ct dernière fois le texte des canons; cinq généraux d’ordre, qunrantc-huit docteurs ct il fut enfin définitivement approuvé le 10, dans une maîtres en théologie, tant séculiers que réguliers, congrégation générale du matin. Theiner, t. i, p. 527. ct quarante nobles ct barons. > Theiner, ibid. i-e soir cependant, un léger remaniement fut encore 6. Les canons contre les abus. — Dès 1517, à Bo­ opéré;le légat demanda aux Pères de réserver le ca­ logne, on s’était occupé de divers abus trop fréquents non sur la communion des enfants avec ceux qui dans l'administration ct le j’ultc de l'eucharistie. concernaient la communion sous les deux espèces; Il Les suivants avaient été surtout signalés : dans cer­ en fut ainsi décidé, et l’on eut de cette manière onze taines églises, on ne conservait pas la sainte cuchacanons sur l’eucharistie. Ibid., p. 528. , ristic ou on ne le faisait pas avec la décence voulue; 4, Rédaction d discussion des chapitres. — Les ca­ quand on la portait dans les rues,il arrivait qu les nons condamnent des erreurs sans exposer complè­ passants ne s’agenouillaient pas ou même ne sc dé­ tement la doctrine. Sur la demande de plusieurs Pères, couvraient pas; parfois on gardait si longtemps les demande formulée, par exemple, le 6 octobre, par saintes espèces sans les renouveler qu’elles sc corrom­ Fonseca, évêque de Castellum arc, et Jérôme de Bo­ paient; en certains pays, les communiants ne cou­ logne, évêque de Syracuse, Theiner, t. 1, p. 522, on vraient pas leurs mains d'un linge; ailleurs. Ils étalent décida de continuer ce qui avait été fait sous Paul III tellement ignorants qu’ils ne savaient ni la dignité du cl de faire précéder les condamnations d’un exposé sacrement qu’ils recevaient, ni son efficacité; on addoctrinal. La rédaction des chapitres, nous dit Massa­ mcltait à la communion des concubinaircs, des dé­ rclli, Theiner, L i, p. 525-526, fut confiée à deux des I bauchés, des gens qui ne connaissaient ni Pater, ni membres de la commission, les évêques de Guadix ct Ave·, quelquefois on faisait payer la communion. Sarpi, op. cit., I. IV, n. 13. de Modène; mais la commission elle-même ne fut pas satisfaite du travail ct, le 9 octobre, le légat dut le Pour réprimer ces abus, cinq canons avalent été dres­ sés. Voir le texte dans Raynaldi, Annales, an. 1547, faire recommencer. Sarpi, op. cil., 1. IV, n. 13, ct le continuateur de Fleury, Dist. reel., I. 147, n. 9, don­ n. 73, et dans Le Plat, t. ni, p. 637. Ils édictaient les prescriptions suivantes : 1. Devant le saint sacre­ nent à ce sujet «les renseignements plus complets. ment, même lorsqu’on le porte dans les rues, personne D après eux, le projet primitif contenait huit cha- 4337 EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE ne doit demeurer assis ou debout; tous doivent s’age­ nouiller ct se découvrir. 2. Dans toute église parois­ siale, il est ordonné de garder la sainte eucharistie dans un vase convenable, de tenir nuit ct jour une lampe allumée devant la sainte réserve, de renouveler tous les quinze Jours les saintes espèces. 3. Quand on porte la sainte eucharistie aux malades, on doit le faire avec décence ct respect, jamais sans lumière. 4. Il faut instruire les fidèles des fruits de reucharistie et les exhorter à la recevoir plus fréquem eut, pourvu qu’ils le fassent avec la préparation convenable. Il faut leur rappeler en particulier que rien ne peut les excuser du précepte de la communion pascale. 5. Il appar­ tient aux ordinaires de veiller & l’exécution de ccs prescriptions ct de punir les transgresseurs. Un exemplaire de ces canons fut distribué à chaque Père, les 10, 11 ct 12 octobre 1547; on commença à les discuter le 24. Massarclli, Diarium, IV, dans Merkle, op. cil., t. i, p. 709, 713. A partir de ce moment, il semble qu’on les ait oubliés. D’après Sarpi, 1. IV, n. 13, il en fut de nou­ veau question en octobre 1551; mais ils ne furent pas publiés. Le Courrayer, commentateur de Sarpi, dit qu’on les renvoya pour le temps où l’on traiterait du sacrifice de la messe, ct on n'y pensa plus. 4° Les discussions à Trente en 1562. La communion sous les deux espèces el la communion des en/anls. — La veille de la XIII· session, dans la congrég lion générale du 10 octobre 1551, le légat Crcsccnzi avait indiqué aux Pères quatre questions dont il demandait qu’on différât la solution jusqu'au 25 janvier 1552 : 1. La communion sous les deux espèces est-elle néces­ saire au salut ct prescrite par la loi divine pour tous les fidèles du Christ ct chacun d’eux? 2. L’Eglise a-t-elle erré en donnant la communion sous une seule espèce aux laïcs et non aux prêtres qui célèbrent? 3. Reçoit-on moins quand on communie sous une seule espèce que sous les deux? 4. Doit-on donner la communion aux enfants? Il était donc logique qu’après la XIVe session, 25 nuvcm rc 1551, on remît ù l’ordre du jour ccs quatre questions pou»· les discuter en présence des ambassadeurs protestants Le fit-on? Les docu­ ments publiés jusqu'à ce jour ne permettent pas de répondre avec certitude. Sarpi, 1. IV, p. 30, l’afllnnc; il est contredit par Pallnvicini, 1. XII, 15; les Actes de Massarclli publiés par Theiner n’en parlent pas. Quoiqu’il en soit, le délai fixé devait s’écouler sans que puisse s’achever la doctrine de la communion Les protestants étaient arrivés en petit nombre à Trente, envoyés par le duc de Wurtemberg, l’électeur de Saxe ct quelques villes, particulièrement Stras­ bourg: mais ils semblaient venus pour réclamer, non pour discuter,moins encore pour sc soumettre. Le con­ cile crut devoir fairodroit à leurs nouvelles exigences; et, dans l’espoir de les attirer plus nombreux, il leur accorda un nouveau sauf-conduit, plus large que le précédent. La XV· session, 25 janvier 1552, se passa sans qu’aucune définition fût prononcée; on se contenta d'y lire le décret de prorogation ct le texte du sauf-conduit. Theiner, t. !. p. 651. Mais bientôt la guerre sc ralluma entre la France ct l’empire. Henri II s’était mis en rapport avec les princes protestants d’Allemagne pour concerter une action commune contre Charles-Quint. Tandis que le roi de France occupait les trois évêchés ct s’avan­ çait vers le Rhin, Maurice de Saxe entrait dans le Tyml et poursuivait l’empereur jusqu'à Inspruck; les Pères n'étalent plus en sécurité à Trente Aussi, le 15 avril 1552. Jules III ordonna-t-il de suspendre le concile; le 28, cette suspension fut promulguée dans la XVIe session. Theiner, l. î, p. 651 sq. Il fallait attendre dix ans pour que le concile sc 1338 réunit de nouveau. Ce fut seulement le 18 janvier 1562t en effet, qu'il reprit scs travaux,ct encore les premiers mois se passèrent à recevoir des ambassadeurs, â vérifier des pouvoirs, ct toujours à attendre les pro­ testants auxquels on avait donné un sauf-conduit. Enfin, le G juin, le cardinal de Mantouc, Hercule de Gonzague, premier president, annonça que l'on allait reprendre la discussion des articles qui restaient à traiter sur l’eucharistie· Cinq questions furent po­ sées aux théologiens : L Y a-t-il un commandement divin nécessaire au salut obligeant tous les chrétiens à recevoir la communion sous les deux espèces? 2. Les raisons qui ont amené Γ Église à refuser l'usage du calice à tout autre qu'au prêtre qui célèbre sontelles de telle nature qu’on ne puisse faire aucune concession sur ce point? 3. Si, par charité chrétienne, on faisait une concession en faveur d’un pays, convi nt-il de poser quelques conditionset quelles sontelles? 4. Reçoit-on moins en communiant sous une seule espece ou sous les deux? 5. Est-il nécessaire de droit divin de donner la communion aux enfants avant l'âge de discrétion ? Raynaldl, Annales, an. 1562,n.49; Le Plat.Lv, p.202; Theiner,t. n, p. 7. Du 10 au 23 juin, matin ct soir, les théologiens exposèrent leurs avis. Soixante ct un orateurs, d'après les Actes publiés par Theiner, soixante-treize, d’après Pallnvicini, I. XVII, 6, se firent entendre, ct, remarque ce dernier, < comme il arrive souvent, chacun par­ lait très longuement ct ne sc bornait pas à ajouter ce qui avait u être omis par ceux qui l'avaient précédé, mais paraissait ne sc souvenir des raisonne­ ments des autres que pour allonger son propre dis­ cours en y mêlant quelque réfutation. » Les plus con­ nus de ccs orateurs furent Salmeron qui parla le 10, ct Canisius, le 15; le discours du premier est presque textuellement reproduit dans Raynnldi, an. 1562, n. 50-51, ct dans Le Plat, t. v, p. 272-276. Cf. Merkle, op. ciLt t. u, p. 643. Dans cette longue joute oratoire, les idées les plus variées furent émises. Nous en retiendrons seulement ce qui peut être utile à l'histoire du texte. A la pre­ mière question, tous ou à peu près s'accordèrent à répondre que la communion sous les deux espèces est, de droit divin, prescrite au prêtre, qui célèbre, para* que, dirent quelques-uns, le sacrifice requiert la sépa­ ration du corps ct du sang; ci. Theiner, t. n, p. 8; dans les autres cas, elle n'est pas nécessaire. La deuxième et la troisième question furent résolues dans des sens différents. Personne ne refusa à l’Églisc le pouvoir de légiférer en pareille matière ct de faire à qui elle \cul des concessions spéciales; mais les avis sc partagèrent sur l’opportunité ne la concession de­ mandée par les Allemands cl sur les conditions aux­ quelles il convenait de la faire. Les uns sc décla­ rèrent opposés à tout privilège qui n’aurait d'autre résultat, diraient-ils, que d’accroilrc l’orgueil des hérétiques ct d’exciter les plaintes des nations moins favorisées; tel fut l’avis de Salmeron, de Ferdinand de Bellosillo. de Jean Ramirez et d autres. Cf. Thei­ ner, t. n, p. 9, 12. Un seul. l’Espagnol Pierre Morcalo, ibid., p. 33, demanda que l’on supprimât la loi disci­ plinaire qui réduit tous les «îles à la communion du pain et qu'on laissât chaque évêque libre d'établir dans son diocèse le mode de communion qui lui pa­ raîtrait le plus opportun. Un certain nombre s’abs­ tinrent de formuler u c opinion cl déclarèrent s’en remetire ù la sagesse des Pères. La plupart furent d’avis que l’on ferait bien d’accorder la communion sous le s deux espèces là où ce serait utile pour le bien de lu paix ct la réunion des dissidents; mais d fallait imposer certaines conditions préalables, exiger en particulier que les bénéficiaires de celte concession reconnussent qu’il s’agissait d’une faveur, ct non d’uu 1339 EUCHARISTIE D’APRES LE CONCILE DE TREME 1340 droit ou d’une obligation. A propos de la quatrième Theincr, t.n, p. 45-47; Merkle, op. cit., t. u, p. 614645. question, tous professèrent que le Christ est donné tout entier sous une seule espèce comme sous les Les discussions reprirent les 8 et 9 jiiillct’et por­ deux; mais, au point de vue de la grâce reçue, nous tèrent surtout, comme auparavant, sur le 3e cnnnn. retrouvons les divergences d’opinions qui s’étaient L'archevêque de Grenade fut Irréductible et plusieurs manifestées dans les discussions précédentes. Enfin, le suivirent dans ses protestations : ce canon ne lui sur la cinquième, tous furent d’avis qu'aucun précepte plaisait sous aucune de ses trois formes. Il renouvela divin n’ordonne la communion aux enfants avant scs observations le 14 juillet quand, après de nou­ l'âge de discrétion. Pour les diverses manières dont velles retouches, on présenta de nouveau les canons les théologiens interprétèrent dans cette discussion et les chapitres à l’examen es Pères; il sc plaignit le c. vi de saint Jean, voir Γ. Cavallcra, L'interpré­ que la commission chargée de rédiger les chapitres tation du chapitre ri de saint Jean; une controverse n’ait pas été élue par le concile; il demanda que l'on exégélique au concile de Trente, dans la Revue d’histoire évitât, dans l’exposé de la doctrine, tout ce qui sem­ ecclésiastique de Louvain. 15 octobre 1909, p. 688-698. blerait une préférence pour l'interprétation eucha­ Le 23 juin, on proposa aux Pères d'examiner à leur ristique du c. vi de saint Jean. Sur ce dernier point, tour les mêmes questions ; toutefois il parut bon de l'archevêque obtint satisfaction. Le cardinal Sériréserver â plus tard l’article qui concernait la con­ pandi lui répondit que l'intention du concile n’était point de décider quelle interprétation il fallait don­ cession du calice pour ne s’occuper présentement que ner à ce chapitre, mais seulement de condamner les de la doctrine elle-même. On leur distribua donc, le 24, un projet de quatre canons ainsi conçus : « L Si quel­ conclusions que les hérétiques prétendaient en tirer qu’un dit que, de précepte divin nécessaire au salut, en faveur de la communion sous les deux espèces tous les chrétiens et chacun d’eux sont tenus de rece­ Aussi,à la fin delà congrégation générale (pii eut lieu voir sous les deux espèces le très saint sacrement de le soir du 14,on ajouta au c. Ier un membre de phrase l'eucharistie, qu’il soit anathème. 2. Si quelqu’un dit qui sauvegardait la pleine liberté d'interprétation. Le que la sainte Eglise catholique a eu tort ou n’a pas eu texte portait : < On ne peut non plus conclure du de très bonnes raisons de communier sous la seule es­ discours conte u au c. vi de saint Jea i que le Seigneur pèce du pain les laies et les prêtres qui ne célèbrent ait prescrit la communion sous les deux espèces; » on pas, qu’il soit anathème. 3. Si quelqu'un dit qu'on ne fit l’addition suivante : « de quelque manièr qu’on reçoit pas autant sous une seule espèce du très saint le comprenne, selon les diverses interprétations des sacrement de l’ezcharistlo, que sous les deux, parce saints Pères et docteurs. » Theincr, t. n, p. 55. Voir qu’on n’y reçoit pas tout entière ’’institution du dans Cavallcra, art. cil., p. G98-709, les opinions des Pères du concile sur ce point, l’intervention tardive Christ, qu’il soit anathème. 4. Si quelqu'un dit qu’il de Salmeron et de Torrez et les rédactions succes­ est nécessaire et de droit divin de donner le très au­ sives du c. Ier. guste sacrement de l’eucharistie aux enfants, avant qu’ils ne soient parvenus aux années de discrétion, Enfin, tout le monde s'étant ù peu près mis d’ac­ cord, la session solennelle put avoir lieu au jour fixé, qu’il soit anathème. » Theincr, t. n, p. 39. La discussion s’ouvrit le 30 juin et occupa six con­ le 16 juillet. Après la messe chantée par l'archevêque grégations générales jusqu’au 3 juillet. Diverses cor­ de Spalatro, l'évêque de Tinia, Dudizio Sbardellalo, prononça un discours sur la communion. Puis le cé­ rections de détai’ furent proposées et acceptées; seul lo 3· canon souleva de sérieuses o’ jeetions. Ixîs uns lébrant lut les chapitres et les canons; ù l'exception auraient voulu qu’on y affirmât l’égalité de la grâce de six évêques qui n'adhérèrent qu'avec une restric­ ou, au moins, qu’on rassurât les laïcs en déclarant tion, tous les membres présents les approuvèrent, Λ qu’ils ne sont frustrés d’aucun des fruits du sacrement; savoir les cinq présidents et légats, le cardinal Ma­ ainsi le cardinal Madrucci. Ibid., p. 40. D'autres, au drucci, trois patriarches, dix-neuf archevêques, cent contraire, pensaient qu’il vidait mieux ne pas parler quarante-huit évêques, quatre abbés et six généraux de grâce, pour ne pas décider d’une controverse théo­ d’ordres. Theincr. t. n, p. 56-57. logique, ainsi Pavesi, évêque de Sorrente, et NacII. Doctrine du concile. — Les canons et cha­ chianti, évêque de Chioggla; quelques-uns, parmi pitres qui ont rapport à la communion et à scs effets, lesquels Comoro, archevêque de Spalatro, et Barthé­ soit dans la session XIII·, c. n. vu, vin, et can. 5, 8-11, lemy des Martyrs, archevêque de Braga, ibid., p. 41, soit dans la session XXI·, ont été étudiés aux art. désiraient meme une rédaction plus précise pour qu’il Communion eucharistique, t. in.col. 481 sq., et Com­ n'y eût point d’équivoque possible. Guerrero, arche­ munion sous les deux ESPACES, t. m, col.552sq. Nous vêque de Grenade, voulait la suppression pure et n'avons donc à exposer que la doctrine relative û la simple du canon; car, disait-il, il est faux, si l’on veut présence récite. parler des espèces; s’il s’agit de Jésus-Christ aussi Ie Le dogme de la présence réelle. — 1. Erreurs présent sous une espèce que sous les deux, c’est reve­ condamnées. — Parmi les novateurs contre lesquels nir sur une chose déjà définie; si l’on parle du fruit et le concile devait établir la foi de Γ Église, régnait la de la grâce reçue, on ne peut rien définir, puisque de plus grande diversité d’opinions sur le fait de la pré­ très graves docteurs sont d’opinion différente. Cet sence réelle. avis radical ne plut pas à la majorité; on sc contenta a) Luther. — Luther n’a jamais osé nier la pré­ de rédiger le canon sous cette forme : < Si quelqu’un sence réelle; aussi n'cst-il pas cité parmi les hérénie que le Christ tout entier, source et auteur de I tiques que visaient les art. 1 de 1547 et de 1551 : Hic toutes les grâces, soit reçu sous la seule espèce du error est Zivinglii, (Ecolampadii cl sacramcntariorum. pain, parce qu’on ne sc conforme pas à l’institution Theincr, t. i, p. 406, 188; Elises, t. v, p. 8G9. K a du Christ lui-même qui voudrait qu'on le reçût sous déclaré hautement que Zwingle cl Œcolampadc étaient les deux espèces, qu il soit anathème. » Cf. Merkle, hérétiques. Ehscs, l. v, p. 940. S’il faut en croire un passage d’une lettre adressée par lui aux fidèles op. cit., L n, p. 644. de Strasbourg et citée par Bojsuct, Histoire des Les quatre canons retouchés furent de nouveau remis aux Pères le 4 juillet; on les avait fait précé­ variations, I. II, 1, il eût été heureux de pouvoir der, comme l’avaient demandé le cardinal Madrucci, ajouter cette négation à tant d’autres, afin d’ac­ l'archevêque de Grenade et d’autres, de trois cha­ centuer davantage encore son opposition ù la pa­ pauté; mais 11 ne pouvait échapper â la force des pitres où la doctrine était exposée; on proposait en paroles si simples de l’institution. Il ne faut, sans même temps deux autres rédactions du 3· canon. 13 il EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE doute, voir dans celle parole qu’une boutade, car Je zèle que déploya Luther pour défendre la présence réelle contre les sacramentalrcs semble indiquer chez lui une franche et entière conviction beaucoup plus qu’une maussade résignation. De fait, les diverses confessions proprement luthé­ riennes affirment toutes ce dogme. La Con/cssion d'Augsbourg, de 1530, n. 10, énonce ainsi la croyance des Eglises : « Elles enseignent que le corps et le sang du Christ sont vraiment présents dans la cène du Seigneur et qu’ils sont distribués aux communiants; elles blâment ceux qui disent le contraire. » Titlmann, Libri symbolici Ecclesiœ cvangclicœ, 1827, p. 14. Mélanchthon, dans son Apologie de la Confession d’Augsbourg, rappelle les textes scripturaires et tra­ ditionnels qui lui permettent de conclure que le corps et le sang du Christ sont < vraiment cl substantielle­ ment » présents dans la cène. Ibid., p. 123. Luther n’est pas moins affirm lif dans les articles de SmaJkalde de 1537; l'art. G delà troisième partie est ainsi conçu : < Sur le sacrement de l’autel, notre croyance est que le pain et le vin, à la cène, sont le vrai corps et le vrai sang du Christ, et que non seulement les chrétiens pieux, mais les impies eux-mêmes les reçoivent. > J bid., p. 253. Les mêmes expressions sc retrouvent dans son Petit et son Grand catéchisme. Ibid., p. 296, 423. El enfin la Formule de concorde, a. 8, qui est pos­ térieure à Luther, mais qui présente la forme défi­ nitive de la doctrine luthérienne, après avoir affirmé cette croyance à la présence réelle, déclare qu’il est impossible de comprendre autrement les paroles de J institution· Les paroles furent, en effet, le grand argument de Luther; il fut, contre les sacramentaircs, un ardent champion du sens littéral, et il s’en vantait; dans une lettre de 1534, citée par Bossuet, Histoire des rarialions, 1. H, 31. il écrivait : < Les papistes eux-mêmes sont forcés de me donner la louange d avoir beaucoup mieux défendu qu’eux la doctrine du sens littéral. El en effet je suis assuré que, quand on les aurait tous fondus ensemble, ils ne la pourraient jamais soutenir aussi fortement que je fais. > Cf. K. G. Goetz, Die heutige Abcndmahlslrage in Hirer gcschichllichcn Enlmicklung, Leipzig, 1907, p. 50-55. b) Les sacramentaircs. — Le premier qui, dans la Réforme, osa nier la présence réelle fut Carlosladt. D’abord acquis aux idées de Luther, il ne tarda pas à sc séparer de lui par sa violence et ses exagérations. Il eût voulu une religion toute invisible et n’acceptait les actes extérieurs que comme des symboles cl non comme des causes des réalités intérieures. On connaît la manière dont il fut amené à sc déclarer ouvertement contre la présence réelle et à ressusciter les vieilles erreurs de Bérenger. Voir Carlostadt, t. n, col. 1752; Bossuet, Histoire des variations, 1. II, IL La façon dont il essayait d’interpréter les paroles si claires do l'institution de l’eucharistie montre ce que son exé­ gèse avait de peu sérieux; il soutenait que, par ces paroles, Jésus-Christ, tout en donnant du pain ù ses apôtres, se montrait lui-même, « imagination si ridi­ cule, remarque Bossuet, qu’on a peine ù croire qu’elle ait pu entrer dans l’esprit d’un homme. » Voir plus haut, t. n, col. 1751; Goetz, op. cil., p. 56-58. En Suisse, la présence réelle rencontra des adver­ saires tout aussi acharnés, mais bien autrement ar­ més. Ce furent surtout Zwingle de Zurich et Œcolampade de Bâle. læ premier mit à attaquer ce dogme son esprit et sa véhémence; le second, une telle science et une éloquence si persuasive que, disait Érasme, < il y avait de quoi séduire, s’il sc pouvait et que Dieu le permit, les élus eux-mêmes. > Epist., 1. XVIII, epist. ix; Bosquet. Histoire des variations, 1. II, 25. Pour eux, il n’y avait daus l'eucharistie ni miracle, ni 1342 mystère, mais un simple symbole saisi par la foi et destiné à ranimer In foi; le pain rompu représente le corps du Sauveur Immolé, le vin, son sang répandu, et par la vertu de ces signes sacrés, le chrétien se trouve reporté au souvenir du salut mérité par le Christ. Une comparaison employée par Zwingle, dans un Mémoire qu’il adressa « aux princes allemands réunis ù l’assemblée d’Augsbourg nous fait com­ prendre sa doctrine : · Quand un père de famille doit s’en aller au loin, il donne à son épouse son anneau sur lequel il a gravé son portrait et lui dit : Mc voici, mol, ton mari; je ne te quitte point; meme pendant mon absence, tu pourras jouir de moi. Ce père de fa­ mille représente bien Notre-Seigneur Jésus-Christ. En s'en allant, il a laissé à l’Église, son épouse, sa propre image dans le sacrement de la cène. » Quant aux paroles de l’institution, tous deux les expliquaient facilement : le Christ n’a-t-il pas dit : Je suis la vigne; je suis la porte? Ne lisons-nous pas dans ΓExode que l’agneau était la Pâque? Ici comme dans ces textes, il n’y a que l’affirmation d’un symbole, soit que l’on traduise le mot ΙστΙ par signifier, comme fai­ sait Zwingle, soit qu’on voie dans μου la figure de mon corps, comme faisait Œcolampadc. Cf. Goetz, op. cit., p. 58-75. Entre Luther et les sacramentaircs, la discussion fut vive; avec une ardeur où la rancune personnelle entrait peut-être autant que la conviction, Luther poursuis ait sans relâche scs adversaires, lesquels euxmcines ne désarmaient pas. En vain essaya-t-on de rétablir la paix dans une conférence tenue à Marbourg en 1529. Luther et Zwingle s’entendirent sur tous les points, excepté sur la présence réelle, et Calvin pouvait écrire à Mélanchthon ces mots attristés : « Il est de grande importance qu’il ne passe aux siècles à venir aucun soupçon des divisions qui sont parmi nous; car il est ridicule au delà de tout ce qu’on peut s’imaginer, qu'aprvs avoir rompu avec tout le monde, nous nous accordions si peu entre nous dès le commencement de notre Bétonne. » Aussi des opinions intermédiaires furent-elles bientôt ima­ ginées. Cf. Goetz, op. cit., p. 78-97. c) Dater cl Capiton. — On peut à peine donner ce nom aux formules vagues et équivoques par les­ quelles Bucer et Capiton de Strasbourg essayèrent de contenter les deux partis. La Confession de Stras­ bourg ou des quatre villes, rédigée par le premier en 1530, affirme au c. xvm la vérité de la présence du corps et du sang du Christ dans la cène; mais les commentaires dont sont accompagnées ces affirma­ tions permettent de les entendre dans le sens de Zwingle aussi bien que dans celui de Luther. Ainsi en est-il de tous les articles inspirés par lui et par lui proposés à Luther ou aux sacramentaircs, par exemple, des articles de Willcmbcrg et de la deuxième Con­ fession de Bâle en 1536. Il n’y faut voir ni une doc­ trine précise, ni l’expression adéquate de la pensée de ceux qui les signaient, mais de simples compromis dans lesquels, au moyen d’une formule ambiguë, des pensées divergentes s’efforçaient de donner l’illusion de l’unité. Cf. Bossuet, Histoire des variations, 1. Ill, 13-14; 1. IV, 19, 23. d) Caloin. — Une opinion vraiment moyenne fut celle de Calvin. Il l’exposa dans son Traité de la cène, 1540; il lui donna sa forme définitive dans la der­ nière édition de V Institution de la religion chrétienne, Calvin est un adversaire résolu de la présence réelle entendue au sens catholique; il y voit un abais­ sement indigne du Christ glorifié, un état incompa­ tible avec h nature d’un vrai corps humain : · Tenons donques ces exceptions fermes, assavoir que nous no permettions point qu’on déroguc à la gloire céleste de no s Ire Seigneur Jésus, ce qui se fait quand on le / * O 4343 EUCHARISTIE D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE lire ici-bas par imagination, ou qu’on le lie aux créa­ tures terrestres. Que nous ne permettions point aussi qu’on attribue rien à son corps qui répugne â sa na­ ture humaine, cc qui se fait quand on dit qu’il est infini, ou qu’on le met en plusieurs lieux. » Institu­ tion, 1. IV, c. xvii, n. 19. la?s mots prononcés par Jésus à la dernière cène ne peuvent donc être inter­ prétés que dans un sens figuré; il a institué ct donné à scs disciples « la figure de son corps ct de son sang. > Ibid., n. 20. Et cependant Calvin ne voudrait pas que la cène fût un symbole vide; il accepte une certaine présence du Christ, présence incflable : « C’est un secret trop haut pour le comprendre en mon esprit ou pour l’ex­ pliquer de paroles, » ibid., n. 32; présence mysté­ rieuse, qui n’est vraie que pour la foi : « S'P y a quel­ qu’un qui ne soit pas encore content, qu'il considère un peu avec moy que nous sommes ici maintenant en propos du sacrement, duquel le tout doit estre rap­ porté à la foy. » ibid. Dans certains passages, il va plus loin ct ne craint pas d’employer l’expression de présence substantielle : « Je reçois volontiers tout cc qui pourra servir Λ exprimer la vraye communication que Jésus-Christ nous donne par la cène en son corps ct en son sang; de l’exprimer, dis-je, en sorte qu’on cognoissc que cc n’est point par imagination ou pen­ sée que nous les recevons, mais que la substance nous est vrayement donnée. » Ibid., n. 19. Mais présence substantielle n’est point présence corporelle; en réa­ lité, c’est l’esprit du Christ qui sc donne au commu­ niant ct qui lui communique, s’il a la foi, sa force, sa vertu ct sa vie : « Le règne (du Christ) n'est point limité en aucunes espaces de lieux, ct n’est point déterminé en aucunes mesures, que Jésus-Christ ne monstre sa vertu partout où il lui plaist, au ciel ct en la terre, qu’il ne sc déelaire présent par puissance ct vertu, qu’il n’assiste toujours aux siens, leur in­ spirant la vie vive en eux, les sousticnne, les con­ tenue, leur donne vigueur, ct leur serve non pas moins que s’il estait présent corporellement; en somme, qu’il ne les nourrisse de son propre corps,du­ quel il (ait découler la participation en eux par la vertu de son Esprit. Telle donc est la façon de rece­ voir le corps ct le sang de Jésus-Christ nu sacrement... Telle est la présence du corps que requiert le sacre­ ment, laquelle nous y disons estre ct apparoistre en si grande vertu ct eilicace, que non seulement elle apporte à nos âmes une confiance indubitable de la vie étemelle; mais aussi elle nous rend certains et asscurcz de l’immortalité de nostre chair, laquelle desjà vient ù estre vivifiée par la chair de Jésus-Christ immortelle,ct communique en quelque manière à son immortalité. » Ibid., n. 18, 32. Celte dernière phrase a été presque textuellement reproduite dans la Con­ fession helvétique inspirée par Calvin. Cf. Mœhlcr, Symbolique, I. I, § 35. Voir Calvinisme,l. n, col. 1 115, 1417; Goelz, op. cil., p. 98-99. 2. Le dogme. — A ces erreurs, si peu sûres d'cllcsmêmes ct si incertaines dans leurs formules, le con­ cile oppose la foi très ferme ct très constante de l'Église, ct il l’exprime avec toute la netteté possible : Can. 1. Si quis negaverit, in sanctissinne eucharistia? sacramento contineri vere, renfiler et substantInlitcr corpus et sanguinem una cum anima ct divinitate Domini nostri Jesu Christi, ac proinde lotum Chri­ stum; sed dixerit tantum­ modo esse in eo ut «Igno, ▼el fhrura. out virtute, ana­ thema sil Dcnzlngcr-Bann· wart, Enchiridion, n. 8X3 SI quelqu'un nie que, dans le sacrement de In très sainte eucharistie, soient contenus vraiment, réelle­ ment et substantiellement le corps ct le sang avec. l’âme et la divinité de NoireSeigneur Jésus-Christ, ct par conséquent le Christ tout entier; mais pretend qu'il* n’y sont qu'en signe, nu en figure, ou par leur sertu, qu’il soit nnathéme 1344 Deux choses sont définies dans cc canon : la réalité de la présence du Christ dans l’eucharistie et l’inté­ grité de celte présence. Deux choses sont enseignées dans le c. i correspondant : le mode de présence et les fondements scripturaires et traditionnels sur les­ quels on s’appuie pour l’affirmer. a) La réalité de la présence. — Les erreurs protes­ tantes qui nient ou restreignent la présence du Christ sous les espèces sacramentelles sont condamnées comme hérétiques. Elles sont exprimées par trois formules. L’eucharistie n’est pas un simple signe, in signo, on pourrait dire d’après l’art. 1 du projet de 1517, une simple enseigne qui fait songer a Jésus-Christ, in signo, sicut vinum dicitur esse in circulo ante taber­ nam. Elle n’est pas une figure, in figura, un symbole qui ranime la foi en la passion du Sauveur et le rend présent à la foi. Elle n’est pas un simple véhicule de la grace du Christ, in virtute, qui, présent partout dans son Église, manifeste sa présence dans l'eucharistie par une action plus efficace et plus directe sur ceux qui la reçoivent. Le concile a-t-il voulu préciser da­ vantage, ct chacune de ces trois expressions corres­ pond-elle à une erreur distincte des protestants? 1) semble qu’il en soit ainsi, au moins pour la dernière in virtute, qui atteint directement l’hérésie de Calvin. Cependant même pour celle-ci, les documents jusqu’ici publiés ne permettent pas de l’affirmer avec certitude et en se basant sur les textes; cette ex­ pression fut en diet ajoutée sur la proposition que fil l’évêque de Guadix, le 26 septembre 1551, et qu’il motivait ainsi: ut clarius positiones hœreticorum dam­ nentur. Theincr, 1.1, p. 512. Quant aux deux premières, il ne parait pas qu’elles aient une signification sensi­ blement difTérente l’une de l’autre. Dans les projets primitifs, toutes les erreurs protestantes étaient ré­ sumées en bloc par les mots in signo; c’est seulement le l fin de sa vie, dans les Thèses qu’il publia en 1545 b) Réserve de la sainte eucharistie. — C’est une autre contre les docteur» de Louvain, t. xvi, il appelle l'eu­ conséquence de la présence permanente de Jésuscharistie un sacrement adorable, et ce fut un scan­ Christ sous les espèces. Si cette presence n est pas li­ dale dans une partie de l’Égiise protestante; Calvin mitée au moment de la communion, il n’y a pas de lui reprocha d'avoir ■ élevé l’idole dans le temple de raison pour que l’eucharistie soit immédiatement con­ Dieu, » Bossuet, Histoire des variations, L VI. 34; sommée ou distribuée aux assistants. Sans doute, mais d’autres paroles de Luther, rapportées par les le but premier de l'institution eucharistique est la articles proposés en 1547 et en 1551 au concile, Theicommunion; mais le fait de garder dans les églises la ner, t. i, p. 406, 489; Elises, l. v, p. 870. rejettent sainte reserve permettra d’atteindre certains buts absolument le culte de l’eucharistie; il y dit aux vauqui. pour être secondaires, n’ont pas un moindre in­ dois : · On ne doit ni condamner, ni accuser d’héré­ térêt. C'est avant tout le culle. non seulement le culle sie ceux qui n’adorent pas le sacrement; ce n’est pas solennel et public dont il vient d’être parlé, mais ordonné, et le Christ n’y est pas pour cela... il est ce culte privé et tout intime qui. en même temps qu’il peut-être plus sûr de faire comme les apôtres qui rend nu Christ les hommages qui lui font dus. satis­ n’adorèrent pas; » il y disait encore : « 11 n’y a pas fait la pieté en lui fournissant libre accès auprès du de fête que je déleste plus que la fêle du Corpus Sauveur réellement présent. Bien plus, la sainte re­ Christi. » Le luthéranisme après Luther garda celte servo facilite et assure en certains cas la communion défiance pour le culte eucharistique, puisque la For­ même, ün des Pères du concile, l’évêque Foscanuri de mule de concorde rejette el condamne l'article suivant : Modènc. fit remarquer que. grâce â elle, tout fidèle « 19. Que les éléments extérieurs et visibles du pain peut communier quand il en a besoin. Thelncr, t. i, et du vin doivent être adorés dans le sacrement. » p. 515; et c’est elle aussi qui permet de ne pas priver Tillmann, Libri symbol., p. 464. les mourants de la communion. Aussi le c. vi et le L Église, après avoir affirmé sa foi, ne pouvait canon 7 affirment-ils la légitimité de la sainte ré­ qu'affirmer son adoration; c’est l’objet du c. v et du serve el du port de l'eucharistie aux malades. L’énoncé canon 6 ainsi conçu : du canon est le suivant : S» quis dixerit, in Mincto cucharhtiæ sacramento, Christum unigenitum Del Filium non esse cultu latriæ ellnm externo adoran­ dum, ntquc Ideo nec festiva peculiari celebritate vrne- Sl quelqu'un dit que. dans le saint sacrement de l'eucharistie. on ne doit pas adorer le Christ. Fils uni­ que do Dieu, d’un culte de latrie, même extérieur, et par suite qu'un ne doit pas SI qui* dfxerit non liccrc sacrum eucharistiam In sa­ crario reservari, sed stalim post consecrationem ndstnntibus necessario distri­ buendam; nul non licere Si quelqu'un dit qu'il n'est pas pennis de ganter la sainte eucharistie dans le tabernacle, mais qu'on doit nécessairement la dis­ tribuer aux assistants ans- 1355 ut ilia ad infirmos honori­ fice deferatur, anathema fit. Dcnzlnger - Banu wart. n. 889 EUCHARISTIE DU XVI' AU XX' SIECLE sitôt apn^s la consécration; ou qu’il n’est pas permis de la porter avec honneur aux malades, qu’il soit ana­ thème. a. Légitimité de la sainte, réserve. — On en a vu les raisons dogmatiques; le c. vi ajoute une raison d’ordre historique; il fait appel ά l’antiquité de celte pratique dans l’Église : on la trouve déjà, dit-il, au temps du concile de Nicée, consuetudo... adeo antigua est. ut eam serculum etiam Nicxni concilii agnoverit. I) ne peut y avoir le moindre doute sur le sens de celte allusion historique; clic vise le canon 13 du concile de | Nicée» Dcnzingcr-Bannwnrt, n. 57, qui ordonne d’ac­ corder à ceux qui vont mourir la grâce de la commu­ nion, afin de ne pas les priver du dernier et du plus nécessaire des viatiques. Ce canon était bien connu des Pères du concile, car il avait été inséré au Corpus juris, eau*. XXV I,q. i, c. 9, cl, dans les discussions sur l’eucharistie, les théologiens du concile l’avaient plu­ sieurs fois invoqué. Thelner, t. i, p. 418, 496. C’était d’ailleurs avec raison, puisque le mol employé par le concile de Nicée, tÿtâcov, viatique, est entendu par tous les critiques au sens de communion eucha­ ristique. Voir Hcfele, Histoire des conciles, trad. Le­ clercq, Paris, 1907, t. J, p. 593 sq. b. Port de l'eucharistie aux malades. — Le concile en définit la licéité. Il faut remarquer que, soit d’après l'ordre-logique des idées, soit d’après le c. vi, la définition porte surtout sur les mots ut ad infirmos dejeratur, plus que sur l’adverbe modal honorifice : ce dernier reste comme un témoignage du travail qui aboutit à la rédaction présente; les projets pri­ mitifs, en cITct, réunissaient dans un même article relatif au culte et les processions solennelles qui ont pour but direct l'honneur du saint sacrement et les pro­ cessions moins solennelles dans lesquelles on por- j tait la communion aux malades; le texte a gardé quelque chose de cette nuance primitive. De celte li­ céité, le concile donne dans le chapitre trois preuves : une raison d’utilité pour les malades, la très ancienne | coutume de l’Église et les nombreuses prescriptions conciliaires antérieures; il les renouvelle en son propre i nom : · C’est pourquoi ce saint concile ordonne de I garder cette pratique très salutaire et nécessaire. » i I35G Encyclopédie des sciences religieuses, V ir, p. 775-794; K. G. Goetz, Die hchtigc Abcndmahls/rage in Hirer gcsdiichllichcn Entivicklung, Leipzig, 1907, p. 35-100; B. M. Adamson, The Christian doctrine of the Lord's supper, c vi, Édlmbourg, 1905, p 55-65. L. Godefroy. VIII. EUCHARISTIE DU XVI® AU XXrt SIÈCLE. — L Principaux ouvrages. IL Doctrihe. L Principaux ouvrages. — Il n’est pas nécessaire de drosser une bibliographie complète des nombreux ouvrages qui ont paru durant celte période sur l'eu­ charistie. Nous excluons d’abord les livres d’ensei­ gnement ordinaire, d’édification et de piété, qui sont légion et dont la multiplicité s’explique par le fait que l'eucharistie est le centre du culte el de la piété catholiques. Ceux que nous signalerons sont de nature différente; il y a : 1° des écrits contre les protestants; 2° des traités théologiques et historiques. 1° Écrits de controverse. — Il était naturel qu’en face des sacramcntaircs qui niaient la présence réelle et des autres protestants qui rejetaient la tnmssubstanliation, l’effort des catholiques sc portât à défendre ces deux dogmes de leur foi. Aussi les œuvres de po­ lémique eucharistique sc multiplièrent-elles, isolées ou Jointes aux controverses générales. Non seulement cette polémique changea plusieurs fois de terrain et de tactique, mais elle s’assoupit progressivement, notamment quand les théologiens protestants ver­ sèrent plus ou moins dans le rationalisme. 1. Au xvi* siècle. — C. Bcnotus, De sac. eucharistia sa­ cramento et de ejus ministro (contre Luther), s. 1. n. d. (vers 1521); J. Clichtovc, Anliluthcrus, 1521; De sacramento eucharistia: contra (Jxolampadium, 1527, voir t. m, col. 242; Arnold de Us ngen. De veritate carports et sanguinis Christi in eucharistia I III, Fribourg, 1530; De sanctissimo eucha­ ristia sacramento (controverse avec Luther Λ Erfurth en 1530), publié par D. Duynstec, Würzbourg, 1903; .J. Cocb16c, De missa et transsubstantlatlone, 1533; Jérôme de 1 lan­ geât, Livre de lumière évangélique pour la sainte eucharistie contre tes tênébrlons, Pans, 1531; J. Eck, Honiitiarhim ad­ versus sectas. De eucharistia (contre Luther), Ingolstadt. 1336, p H sq ; Enchiridion locorum communium, c. XXIX, sect ni (coiilrr Mélanchthon), voir t. iv, col. 2057; Henri VIII, roi d'Angleterre, encore catholique, défendit les sept sacrements; J. Eck, J Fisher cl Th. Morus firent l'npologio du traité royal; J. Fisher, De veritate corporis et sanguinis Christi, dan* Opera, \\ urzliourg, 1597, p 746 sq. ; Gardiner, Cavillationum de eucharistia con/ulatio, Paris, Pour les Actes cl l'histoire du concile de Trente : Thelner, 1 1535; J. Faber, Sermones de eucharistia; Opuscula, XI Acta genuina SS. acumen Ici concilii tridentini, Agnim, et XIII, Leipzig, 1537; Allard d'Amsterdam, De euchari­ 1874» t- I, p. 406-530; t. il, p.7-57; Raynaldi, continuation stia sacramento, Louvain, 1537; J. Gropper, Von irarcr, des Annales ecclesiastici de Bnronius, édit Munsl, Lucqucs, ivescnlli her und ptetbender Gegeniverttgkeit des Legbs und 1755-1756, t. xiv-xv; Le Plut, Monumentorum ad historiam Dials Christi nach bcschener Consécration, Cologne, 1548, conclut tridentini... amplissima collectio, Louvain, 17831556; trad, latine par Surins, 1560; Pierre Doré, / ’arche 1783, t in-v; Merkle, ConcUii tridentini diariorum pars de Γalliance nouvelle cl testament de N -S. J.-C contenant prima, Frlbourg-en-Brisgau. 1901, t. i du Concilium trila manne de son précieux sang contre tous sacramentatres dentinum, édité pur la Garrresgeselbchûft; /xirs setunda, hérétiques, Paris, 1549; Ix nouveau testament d'amour de Ibid., 1911. t il; S. Ebses, Actorum purs altéra. Ibid., 1911, N.-S. J -C. signé de son sang, Paris, 1550, 1557; Anticalvtn t v; Pallav ici ni, Histoire du concile de Trente, J. IX-XVH, , contenant deux défenses catholiques de ta vérité du saint sacre­ édit Mignc, Purls, 1844, t. n; Sarpi, Histoire du concile ment et digne sacrifice de l'aulel contre certains faux écrits, de Trente, trad et ann. par Le Courray cr, 1. IV-VI, Paris, 1551, 1568; G. Sncconuy, Du sang du vrai corps de Amsterdam, 1751, t. n N.-S J.-C.; Cl. d’Espencc, voir col 605; Cuthbert Tuns­ Pour l’Interprétation cl la doctrine du concile : Catctall, De veritate corporis et sanguinis Domini tn eucharistia chisnuu concilii tridentini, port 11. Dr eucharistia: sacra­ l. U, Paris, 1551; Alban Longdale, Catholica confutatio tm mento; lielli»nnin. Dr controversiis christiannr fidet, cent X, ptir cufusdam determinationis D .Xie. Hldlri... post dispu­ De sacramento cucharlslitr, Paris. 1872. t. iv; Franzelin, tationem de eucharistia In academia cantabrigiensi habitam, De SS eucharistia sacramento et sacrificio, Home. 1887; Paris, 1556; Latomus (Masson), De SS eucharistia deque Billot, De l^itlesttr sacramentis, 4· édIt , Home. 1906, l. t; sacrificio mlsser adversus Jacobum Andrea·, Cologne, 1557; Gihr, tors sacrements de ΓÉglise catholique, trad, frunç . Paris, N Durand de Vlllegaignon, Ad articulos cuhsnianir dr eu­ s. d , t . ti; Lebrctun. art. Eucharislte, dans le Dictionnaire charistia traditionis (n Francia antarctica (Amérique du apologétique de la fol catholique, de d'Alês, t. i, col. 1548Sud) evulgatos responsiones, Paris, 1560; Venise, 1562; 1585 I rééditée avec deux mitres opuscules sous cc titre : Adver­ Pour les doctrines des premiers réformateurs sur Γeu­ sus Calvini, Melanchthonts atque Id genus sectariorum dogma charistie Bossuet, Histoire des variations des Églises pro­ de eucharistia opuscula tria, Cologne, 1563; J Gnret. Om­ testantes. surttnjt I. 11-IV; Maehler, Symbolique, trad, nium artatum et nationum In veritatem corporis Christi In franc, Pan*. 1852; THtmnnn, l.ibrl symbolic! Ecclesia eucharistia per svt secula consensus, Anvers, 1561.156*». 1575; annqdica, 1827; Loots, art. Abcndmahl, Kirchenlehre, Albert Sperling, De majestate et pncsentla corporis ( hr 1stt Domini, Ingolstadt, 1565; J Hesscl,Probatlo corporis elsandans liealenryclopâdic fur prolcslantische Théologie und huche, t. 1» p 38-68; Lieblcnbergvr. art. Ceo*’, dans gulnb dominici Incuchorblla,Cologne,!563; Ixnivain, 1564; '1357 EUCHARISTIE DU XVI· AU XX· SIÈCLE 1358 défendue contre la réponse de M. Claude, Paris, 1672 N Béguin, I.ucharlstln* Institutio adversus mysoliturgos cl 1675-1G76; voir (Xaudb, t 1Π, col. 9-10; Bernardin cal/dnhlae, Paris, 1564; N. Sanden, The supftcrnf our Ls>rd, et Charles Baldiugcr, Dcalis praesentia enrporls et sangui­ I VI, IxiuvalD, 1565$ Tres orationes (dont In prrmlérc traite nis Christi, Bode, 1673; B Meynler, 1m sainte eucha­ de In transsubstantiation), Anvers, 1566; Tractatus quod ristie des catlxdiques approuvée et la cène des calvinistes Domifuis in νι· Euangelii S Joannie de sacramento euchacondamnée [xir les confessions de fog, par les liturgies, par rixtia proprie sit loculus, Anvers, 1570; Pierre Ponet, les synodes nationaux et par les plus célèbres docteurs dr la cunne, Propugnaculum Christian! dogmatis de. vera et corpo­ religion prétendue réformée, Paris, 1677; M. Domfrére, rali privsentla corpori» Christi In sut ramento cucharlsllrr, Tractatus pedemicus de adorando sacramento rueharisl hr, Anvers, 1565; Jean Albin do Seres, archidiacre de Tou­ 1682; Qurrey. Abrégé de la controverse sur eucharistie, louse. Du sacrement de Γautel, Paris, 1567; Cl. do Sninctes, Paris. 1683; M GrotrsU de Malris, lettre d une personne de Examen doctrina* calalnlanir et bezantr de etna Domini, la religion prétendue réformée où la présence réelle est prouvée Paris, 1566; suivi des réponses aux objection* de Bézc, par Γ Ecriture, 1684; Anonyme, lier ut il des sentiments des Paris, 1567; De rébus eurharlstirc controversis repetitiones. saints Pères des huit premiers siècles touchant la transsub­ Puris, 1575; De la vraye. reale et corporelle présence de Jésus· stantiation, Γodorat ion et le sacrifice de Γ eucharistie, etc -, Christ au saint sacrement de l'autel contre les fausses op(· Paris» 1686; R Simon, De la créance de ΓEglise orientale sur nions et modernes hérésie» tant de» luthériens, zminrjliens et la transsubstantiation. Parts, 1687; Cordrmoy, Traité de wcstphaltcns que calviniste», Lyon, 1563-1565; Christophe Ceucharistie, Paris. 1687; P PclUsson-Fontanlcr, Traité de Chcffontnincx, voir t. H, col. 2553; Jod. Rnvcstryn. de Γeucharistie, Paris 1694 Apologia* scu defensionis decretorum concilii tridentini 3. Au xvur siècle. — L. Babcnstubcr, Deus absconditus (contre Chemnitz), Louvain, 1568-1570; Cologne, 1608; in sacramento allaris, Salzbourg. 1700; G. Cotcl, Entretien Dominique Graminea de Vigiliis, Thesaurus orthodoxus ihénlogtque sur les sentiments différents det Eglises chré­ et consensus Ecclesia! catholic»! in controversia fidei de S- eu­ tiennes de l'Europe au sujet de l'eucharistie, en forme d dia­ charistia adversus Calvinum, sarramcntarlos, ubiquistas, logue entre un protestont, un réformé et un catholique, Würz­ Cologne, 1575; F. Torrès, De SS eucharistia tractatus duo bourg 1704; Anonyme, Table où la fog de ΓEglise romaine contra Volanum, Florence, 1575; Rome, 1576; Paris, 1577; touchant Γeucharistie est prouvée cl défendue par la grres P. Sknrgn, Pro sanctissima eucharistia contra tuereslm et les autres sociétés de ΓOrient, Paris, 1706; M. Kramski, zwlngllanam ad Andream Volanum pnrsentiam corpori» Sacramentum allaris, 1715; Rabin, Confércnces ecclésiastiques D. N. J. C. in codem sacramento auferentem, Vilna, 1576; d'Angers sur le sacrement de l'eucharistieel le sacrifice de la Bnmsbcrg, 1707; Artes duodecim sacramenlariorum sea messe, 1716; voir t. n. col 4-5;G Darrell, .4 treatise of real zufinglo-caluin istarum, etc., Vilna, 1582; Crncovie, 1610; presence, Londres, 1721; Andruzd. Triumphus ueritalH de Brunsberg, 1700, 1707; Septem columntr, quibus innititur rcali pnrsenlia Christi Domini in eucharistia, Rome, 1725; catholica doctrina de SS. sacramento altaris, erechr contra J. Zahradka, Vindicia? eucharistica!,Olmulz, 1738; IL Scholdoctrinam ziulnglio-ealuinisticam Andrcee Volant, Vilna, lincr, Eccles ter orientalis et occidentalis concordia in transsub1582, 1584; Crncovic, 1610; Th. Bcaux-Almh, Histoire des stantiatione (contre R Klesling), Rntlsbonnc, 1756; J. Co­ sectes Urées de Γarmée sathanique, lesquelles ont nppugnê le chet, Preuves sommaires de la possibilité de la pr/ienrc de saint sacrement du corps et du sang de J -C. depuis la pro­ Jésus-Christ dans rcucharlslie, Paris, 1764; J.-U. Grisot· messe (Tlceluy faicte en Capernaum jusqu es d présent, et la Lettre d un protestant sur la cène du Seigneur ou la dininc eu­ vtcloire de la vérité c! parole de Dieu contre le mensonge, charistie. Besançon, 1767; Lettre à une dame sur le culte que Paris, 1570, 1576; Promissio carnis et sanguinis Christi in les catholiques rendent d Jésus-Chrtst dans feucharistie, eucharistia, Paris, 1582; G. Allen, De eucharistia ut sacra­ Besançon, 1770; J-J Rossignol, Fors philosophiques sur mento, Anvers, 1575; J. M. Brillmacher, Controversiarum reucharistic. Embrun. 1776. de cucharistirc augustissimo sacramento dialogi quinque, 1 ziu six· siècle — N Wisctnan, Honr syriacir, Rome, Cologne, 1584, 1G03; A. Fount, Cenm lutheranorum ei 1848; Ixxturcs on the real pres nec of J -C. in the blessed caluintstarum oppugnatio, 1586; Pisanus, Confutatio erro­ cucharisl, Londres, 1836, 1842; trad, franç. dans les Dé­ rum... circa septem Ecclesia sacramenta, Poscn, 1587; monstrations évangéliques de Migne, Puns, 1813, V xv· G. de Va lent In, De vera Christi majestate et pnesentia contra col. 1159-1296. ubiquistas I. IV, Ingolstadt, 1582, 1583, 1584; G. Reynold, /1 treatise contcyning the thrue catholic and apostolic 2° Traités Ihéologiques el historiques. — La contro­ faith of the holy sacri pee and sacrement, Anvers, 1593; verse eucharistique n'épuisait pas les efforts des théo­ Bulcnger, llcspansc catholique au livre du sieur du Ptesstslogiens. et il restait place pour la spéculation comme Mornay ; Dr Γ institution, usage et doctrine de l'eucharistie en Γancienne Eglise, Paris, 1599« Sur les Controverses de plus Lard pour les recherches historiques. Les dis­ Bclhinnin, voir t. il, col. 577-578; J. de la Serviérc, Zxx ciples de saint Thomas et de Duns Scot continuaient théologie de llcllarmin, Paris, 1908, p 377-423. Λ commenter la pensée de leurs maîtres et ils trou­ 2. .Au ivr/· siècle — Voir les traités de N CoefTcteau vaient à traiter de l’eucharistie soit en expliquant contre du Moulin et d’autres ministres protestants fran­ le IV· livre des Sentences et la 111· partie de la Somme çais, t. m, col 268, et les controverses de du Perron contre thèülorjtque, soit en composant des Cours ad mentem le même Pierre du Moulin, t. iv, col 1955-1957; Al Al­ S. Tliomæ ou Docloris subtilis. Voir L iv. col. 1560 berti. De reali prasentia Christi in eucharistiae sacramento, Padoue, 1613; A. du Snussay, Histoire chronologique du 1561, 1562-1572. Qu’il suffise de nommer CajcLm, combat eucharistique entre Γhérésie et la fol, Paris, 1617; voir t. h, col. 1321-1322. Estius, Vasquez, Suarez, M Mou risse, Apologie de l'adoration et de l'élévation de Hiqæus, Mastrlus, de Lugo, les Salman licenses, Γ hostle, Paris, 1620; M. Weiss, Panis divinus scu de arcano voir t. n, col. 1786, etc. A une époque postérieure, S eucharistia? sacramento, Salzbourg, 1635; Barthélemy il y aurait à citer les auteurs si nombreux ^Institu­ de Saint-Faust, voir t u, col. 436; Al Navarino. Agni tiones thcologiæ dogmatise, qui ont tous un traité eucharistici dr augustissimo Drtqnc ipso divitc eucharistiae De eucharistia. Il faudrait signaler encore les traités sacramento, Lyon, 1638; II Marcel, De augustissimo cor­ poris et sanguinis dominici sacramento I VI, Anvers, De sacramentis in genere cl in specie, tels que ceux de 1056; Anonyme, Traité contenant une manière facile de I Melchior Cano, de F. Victoria, de Smcling, de Sonnlus, convaincre les hérétiques, en montrant qu'il ne s'est fai d'Hunnius, de ConLirenus, de Maldonat, d’Espurza, auront Innovation dans la créance de Γ Eglise sur le sujet de de Ledesma, etc., et, dans des temps plus rapprochés 'eucharistie, Paris, 1662; A. Burghnber, Dr SS. eucharistia, de nous, de Schanz. de Billot, etc. Enfin il parut des Frib<»urg-en-Brisgau, 1664; P. Nicole, l.a perpétuité (la ouvrages dogmatiques sur la sainte eucharistie seule­ petite) de la fog catholique touchant l'eucharistie, avec la ment et des études sur les sources (Écriture et tra­ réfutation de Léser il d'un ministre, Paris, 1664, 1666. 1701 ; P Nicole et Rcnnudol, l.a perpétuité (In grande) dition) d’arguments en faveur de ce dogme. Nous de la foy de Γ Eglise catholique touchant Γeucharistie, defnous bornerons à indiquer, sauf exception, ce dernier fendue contre le livre du sieur Claude, ministre de genre seulement de traités eucharistique*, selon Γη dre Charenton, 5 vol., Paris, 1669-1713; poyr Bossuet, voir des temps, sans distinguer les écrits de pure spécu­ t ii, col. 103'.'; J. Nourt, l.a présence de Jésus-Christ dans lation, s’il y en a encore, des travaux de théoloj ie ou le très saint sacrement, Paris, 1666,1667 ; Lettre ά M. Claude, d'histoire positive, parce que, dans lu plupart, sinon ministre de Charenton, etc., Paris, 1668; A. Paris, Ιλ mémo en tous, la démonstration par l’Écriture et la créance de ΓEglise grecque louchant la transsubstantiation. 1359 EUCHARISTIE DU XVI· AU XX· SIÈCLE tradition est très développée, le plus souvent encore avec une pointe polémique, lors même que la polé­ mique ne fait pas l'objet unique des préoccupations de l'auteur. L360 sacrificio, 3· édit., Rome, 1879; Bongnrdt, Die Eucharistie, der Mittelpunkl des Gtau béni, des Gottcsdicnstes und des Ixbens der Kirche, 2· édit., Paderborn, 1882;.Mgr Russet* Dc cucharistiir mysterio, Rntisbunnc, 1886; Hoffmann, Die Verchrung und Anbetung des Sakraments des Altars gcSchlchtlich dargestellt, Kempten, 1887; Einig, Dc SS eucha­ ristiae mysterio. Trêves* 1888; Reinhold, Die Lehrc von der ôrtlichcn Gegenivart Christi, Vienne, 1893; Cappcilazani» L'eucaristia come sacramento c conte sacrificio, Turin, 1898; Lahoussc, Traclatus dogmaliro-moralis de SS eucharistias mysterio, Bruges, 1899; Mgr Béguinot, Im très sainte eucha­ ristie des douze premiers siècles, 2 vol., Paris, 1903; P. Ba­ tiffol, Éludes iThistoire et dt théologie positive, 2· série, L'eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, Paris, 1905; 3· édit., 1900; A Struie Gcyenuxirt Christi in der hl Eucharistie nach den schriftlichcn Qucllcn vornizànischcn Zed, Vienne, 1905; .Mgr Hedley, The holy cucharist, Londres, 1907; trad, franç., Paris, 1908. On trou­ vera ù l’art. Euchaiustiqües (Accidents) l’indication des ouvrages relatifs ù la doctrine cartésienne sur l’eucharistie· B. Splnn, De forma consecrationis sanguinis Christi, Venise. 1523; J Tavernier, De veritate corporis ct sanguinis Christi in eucharistia, Paris, 1551 ; J. Negri, De admirando mysterio ct Christo adorando in eucharistia, Turin, 1551; R Polnlz, Testimonies for real presence, Louvain, 1566; J Garel, In veritatem corporis Christi in eucharistia con­ sensus artatum, nationum ac provinciarum per sexdecint annorum centenarios, I· édit., Anvers, 1569; P. Coninck, De SS altaris sacramento, Louvain, 1568/ Patinas deQuin· zano, De eucharistia, Venise, 1571 ; Didace de Tapia, De in­ carnatione Christi, de admirando eucharistia! sacramento I.HI, Salamanque, 1589; J. Grctser, De materia ct forma eucharistia·, Ingolstadt, 1593; F.-H Choquet. De mixtione aqmr in calice eucharistico efusque in Christi sanguinem conversione opusculum theologicum. Douai, 1628; M. Mcu­ rb*·, De sacrosancto et admirabili eucharistite sacramento, IL Doctrine. — Il n’est pas nécessaire dc l’expo­ Paris, 1628; B. Gouon, Historia eucharistias libris duobus ser : e’est la doctrine de l’Église catholique; c’est en digesta, Lyon, 1635, 1735; Ph. Codurc, De reali corporis ct particulier celle du concile dc Trente, qui est expli­ sanguinis J. C. in eucharistia praesentia, Genève, 1615; quée et défendue contre les attaques sans cesse renou­ G. Hcnao, De eucharistiae sacramento venerabili, Lyon, 1655; velées des protestants. Il suffira dc caractériser briè­ Anonyme de Port-Royal, Tradition de ΓÉglise touchant l'eucharistie, recueillie des saints Pères ct autres auteurs vement la manière dont elle est présentée et prouvée, ecclésiastiques, divisée en 52 offices, Paris, 1661, 1735; en y joignant l’indication des quelques points sur trad, latine, Paris, 1759; P M. Passerions. Commentaria lesquels sc sont produits des sentiments divergents theologica de eucharistia, Rome, 1669; C. luing, Erkldrung ct celle des actes par lesquels l’autorité ecclésiastique des wundersamben Gehcimniss der ivcsentlichcn Gegcnest intervenue pour sauvegarder l’intégrité ct la pureté unrt des Ixibcs und Dluts Christi im h. Nachtmahl, Eiiulcde la foi catholique. deln, 1675; J. Arnaud, Véritable forme du sacrement de la 1° Existence de la présence réelle ct de la transsubsainte eucharistie, Avignon, 1678; J. de Chaumont, /.a chaîne de diamans ou la chaîne eucharistique faite du texte slanlialiotu — Les théologiens catholiques ont eu à des Pères sur ces paroles : Ccd est mon corps, Paris, 1681; la démontrer contre les protestants qui niaient soit la J. Boileau, De adoratione cucharistiir /. 11/, Paris, 1685; présence réelle, soit la transsubstantiation seulement. Anonyme* Extraits des Pères de 'Église cl des auteurs ecclé­ Ils Pont fait diversement, les uns polémiqucment en siastiques, dans lesquels en voit la tradition perpétuelle de discutant directement les arguments des adversaires, ΓÉglise sur le sujet deTeucharistte, Paris, 1687 ; D.-A. Brucys, les autres par démonstration positive, en faisant va­ Traité de reucharislie en forme ιΓentretiens, Paris, 1686; loir les preuves favorables à la thèse, mais en isant A Laloucttc, Discours sur la présence réelle, Paris, 1687; C Meyer, De SS’ eucharistia, Salzbourg, 1717; Cl. Mnyr, aussi les protestants soit dans la pointe qu’ils don­ De wnerablli cucharistiir sacramento, Salzbourg, 1717; naient à leur argumentation, soit en résolvant les ob­ C. Witaise, De augustissimo altaris sacramento, Paris, jections accumulées contre le dogme. La polémique 1720; Duguct, Traité dogmatique sur Γeucharistie, Paris, a ainsi envahi plus ou moins tous les traités, meme 1727; S. Drake, Epistola ad Thomam Wagstaffe de aqua les plus scolastiques, ct a donné à la théologie cuchanon necessario calici eucharistico admiscenda, Londres, rtstique une allure nouvelle. Il fallait suivre, en effet, 1719, 1721; Cicnfuvgos, Vitu abscondita, Rome, 1728; II. Tourncly, Prirlcctiuncs theologica de augustissimo les protestants sur le terrain sur lequel ils avaient eucharistiae sacramento, 2 in-8·, Paris, 1729; C M. Pczzo, porté la discussion. Or, ils argumentaient contre la Dissertatio physico-theologica de aqua sacri calicis in présence réelle ct la transsubstantiation en partant Christi sanguinem convertenda, Naples, 1736; Μ. A. Tridc l'Écriturc et de renseignement de l’Église primi­ vallato. De augustissimo cucharistiir sacramento et sacri­ tive. Il était donc nécessaire dc montrer que l’Eglise ficio, Padoue, 1752; A Zanolinl, De eucharistia sacra­ mento, Pndoue, 1755; J. B. Rupp, De adoratione Christi ! et la tradition ecclésiastique n’étalent pas d’abord contraires ù la doctrine catholique des derniers siècles, 'atreutlca in eucharistia, Heidelberg, 1759; L Holzapfel, De adoratione Christi alrcutica in eucharistia, Heidelberg, des scolastiques et du concile de Trente, mais (pie, 1759; L. Cariola, Dc verbis eucharisticis It IV, Milan, 1762; bleu plus, elles contenaient cette doctrine, réellement C-1L Janson, 1.*eucharistie selon le dogme et la morale, fondée sur les bases authentiques de la foi chrétienne. Besançon, 1762; J. Robbc, Dc augustissimo cucharistiir Tous les théologiens catholiques Insistaient donc sur Mcramrn o, Neufchûlcau, 1772; J. Niegowiccki, Dr reali les preuves scripturaires ct patrisLiqucs; tandis que pra u-ntta Christi in cucharistiir sacramento, Cracovie, 1775; J.-B Hulcn, Tractatus historico-asceticiis de SS eucharistia! j les scolastiques s’étaicntcontcntésd’invoquerquchpics sacramento, 2 ln-12. Malines, 1781; Dûllhiger, Die Eucha­ I textes de ΓÉcriture ou des Pères, les théologiens pos­ ristie In den drei ersten Jahrhunderten, Mayence, 1827; térieurs multipliaient les citations ct en faisaient vaG Cortc*», The catholic doctrine of transsubstantiation, loir la portée, que les objections des protestants Ixindrcs, 1827; Gerbct, Considérations sur le dogme géné­ n’aboutissaient pas ù ruiner. Quelques-uns compo­ rateur de la piété catholique, Paris, 1829, 1839. 1852, 1853; sèrent meme des monographies, dans lesquelles ils traduit en plusieurs langues; G. l'cycr. Sacramentum ac étudiaient spécialement certains textes du Nouveau sacrificium cucharistiir, 2 ln-8°, Bade, 1835; J. Flcchtcr, Testament, par exemple, celui de la promesse de Transsubstantiation, Londres, 1830; P. Frcdet, A treatise l'eucharistie en saint Jean, ou les témoignages dc on the eucharistie mystery. Baltimore, 1811; J XVllbcforcc, l’Église primitive. L'enquête patrisliquc alla en se The doctrine of the holy eucharUf, Londres, 1853, 1861; développant constamment, au fur ct à mesure que M Aubert, Traité de la présence réelle de J.-C. dans Γeucha­ ristie, Lyon, 1856; Faber, Ix safnt sacrrmrnt ou les cruurcs les écrits des Pères étaient mieux édités ct mieux étu­ et les voles de Dieu,trad.franç ,2 in-12,Paris, 1856;D B. L., diés, ct on en arriva à montrer par une série imposante Trvditlo eucharistica ab arvo apostolorum ad saeculum χιιι dc témoignages concordants la perpétuité de la foi ca­ ex o,4; Bar-lc-Duc, 1879; XVildt,Explanatio mirabilium qute pas Innové, ct la doctrine définie à Trente était celle divina potentia (n eucharistia sacramento operatur, Bonn, de Notrc-Sclgncur, celle des apôtres et celle dc 1*·68. F Tissot, The real presence, New-YoHc, 1873; l’Église sans Interruption. Les premiers articles de ce J—B l’nmzellD, Tractatus dt SS rucharislhr sacramento et -13G! EUCHARISTIE DU XV? AU XX· SIÈCLE dictionnaire sur l'eucharistie exposent ces arguments, en les adaptant aux besoins intellectuels et aux mé­ thodes plus critiques de notre temps. Ils peuvent don­ ner une idée dc l’état actuel de la théologie catho­ lique sur la matière de l’eucharistie. L’autorité ecclésiastique, tout en laissant les théo­ logiens catholiques défendre â leur manière, avec les armes de la foi ct selon leurs propres forces, a veillé cependant â la profession ct à la conservation inté­ grale de la doctrine définie par le concile dc Trente. Elle a d'abord imposé cette doctrine à la fol de tous les maîtres de l'enseignement ecclésiastique ct à tous les bénéficiers ayant charge d’âmes, dans la profes­ sion de foi dressée en 1564 par Pic 1V. Tous ceux qui la prononcent doivent croire, professer, enseigner et prêcher que l'eucharistie est un des sept sacrements de la nouvelle loi, institués par Notre-Selgneur pour le salut du genre humain et qu’elle confère la grâce; qu’en elle le corps et le sang du Christ sont vraiment, réellement ct substantlcllcmcn présents avec son âme ct sa divinité; qu’il y a conversion dc toute la substance du pain dans le corps ct dc toute la sub­ stance du vin dans le sang, conversion que l’Église catholique appelle transsubstantiation; enfin, que le Christ tout entier ct que le vrai sacrement dc l’eu­ charistie sont reçus sous une seule espèce. DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 99G, 997. Dans la profession de foi que Benoit XIV imposa en 1743 aux maronites qui rentraient dans l’unité de l’Église catholique, les définitions du concile de Trente sur le sacrement de l’eucharistie font partie de la doctrine qu'ils doivent professer pour être catho­ liques. La présence réelle ct la transsubstantiation, telles qu’elles sont définies par ce concile, sont con­ formes à la foi qui a toujours existé dans l’Église de Dieu, ct le Christ tout entier est contenu sous chaque espèce ct sous chacune des parties des deux espèces, après la séparation. L’eucharistie est aussi un des sept sacrements institués par le Christ pour le salut de l’humanité et conférant la grâce. DenzingerBannwart, η. 1|69, 1470. Le concile janséniste de Pistole avait distingué entre la doctrine de la foi sur le rite de la consé­ cration ct les questions scolastiques sur la manière dont le Christ est dans l’eucharistie; il avait exhorté les curés, qui ont la charge d’enseigner, d’écarter de leur prédication les questions scolastiques, et il avait ramené la doctrine de ia fol â ces deux propositions : 1. Le Christ, après la consécration,est vraiment, réel­ lement et substantiellement dans l’eucharistie; 2. alors toute la substance du pain et du vin a disparu ct il ne reste que les espèces seules. Dans la bulle Auctorem fldei, du 23 août 1791. n. 29, Pie VI condamna ce sen­ timent du concile pour deux raisons : L parce qu’il ne mentionne pas la transsubstantiation, que le con­ cile de Trente a définie comme un article de foi et qui est contenue dans la solennelle profession de foi de Pic IV; 2. parce que, par cette omission inconsi­ dérée ct suspecte, Il veut enlever dc la prédication chrétienne un article dc foi, un mol consacré par l’Église pour protéger la profession dc la foi contre les hérésies, et parce qu'on tend par là à la faire oublier, comme s’il s’agissait d’une question purement sco­ lastique. Pour ces motifs, la doctrine du concile de Plstoie est pernicieuse, elle déroge â l’exposition de la vérité catholique touchant le dogme dc la transsub­ stantiation ct elle favorise les hérétiques. DenzingerBannwart, n. 1529. Dans le décret Lamentabili, porté par le SaintOffice le 3 juillet 1907, une des propositions condam­ nées, la 45·, a trait à l’institution de l'eucharistie ct ù la preuve qu’on tire en sa faveur du récit de cette institution fait par saint Paul. 1 Cor., xi, 23-25. 1362 M. Izilsy, Autour d'un petit livre, Paris, 1903, p. 237. avait écrit : « Je ne puis faire ici la critique des récits de la dernière cène. Le plus complet est celui de saint Paul; mais, quand on l’examine de près, il est assez malaisé de distinguer rigoureusement ce qui peut venir de la tradition primitive, ce qui peut être la relation du dernier repas, d’après ceux qui y avaient assisté, du commentaire théologique et moral que l’apôtre en a fait. Saint Paul est le théologien de la croix, dc la mort rédemptrice, ct il interprète visi­ blement, d’après sa théorie de l’expiation universelle, la cène commémorative de la mort. » Il semble bien que ce passage a fourni la matière de la 45· proposition formulée en ces termes : Non omnia, quæ narrai Paulus de institutione eucharistia, historice sunt su­ menda. Denzinger-Bannwart, n. 2045. La contradic­ toire : « Tout ce que Paul raconte touchant l’institu­ tion dc l’eucharistie est â prendre historiquement «est donc vraie. Sur la pensée définitive de M. Loisy rela­ tivement au contenu ct à la signification dc la tradi­ tion primitive touchant la dernière cène, voir Les Évangiles synoptiques, CcfTonds, 1908, t. n, p. 531541; Simples réflexions ur le décret du Saint-Office Lamentabili sane exitu et sur Γencyclique Pascendi do­ minici gregis, CefTonds, 1908, p. 89-90. 2° Mode de la présence réelle et de la transsubstan­ tiation. — Quoique les théologiens catholiques ad­ mettent comme des vérités définies la présence réelle dc Jésus-Christ et la transsubstantiation du pain ct du vin nu corps ct au sang du Sauveur, ils n’expliquent pas ccs deux dogmes de la meme manière, et il s’est produit, dans ΓÉcole, des opinions différentes, qui prétendent se concilier toutes avec la foi, mais dont quelques-unes ne peuvent s’accorder avec la véritable doctrine dc l’Église. 1. Mode de la présence réelle. — a) Les disciples de saint Thomas cl de Duns Scot sont demeurés fidèles aux sentiments, précédemment exposés, de leurs maîtres. Ils les ont présentés â leur manière,avec plus dc subtilité, sans apporter des lumières nouvelles en un sujet si mystérieux. Les écoles thomiste ct scotiste sont restées en face l’une dc l’autre; clics ont rompu des lances l’une contre l’autre, sans parvenir à faire avancer d’un pas la science théologique· J. Schwane, Histoire des dogmes, Période des temps modernes, trad. Degert, Paris, 1904, t. vi, p. 602-605, signale, comme ayant été spécialement traitée à cctle époque, « la question des rapports de la substance du corps et du sang du Christ avec les espèces du pain et du vin qui restaient, mais dépouillées dc substance. » Les scotistes ne reconnaissaient qu’une union monde entre la substance du corps du Christ et les espèces du pain. A la suite de Duns Scot, ils n’admettaient qu’un rapport simplement local entre le corps du Christ ct les accidents du pain. Il en résultait que le prêtre ne trans­ portait pas le corps du Christ, mais seulement les es­ pèces, et c’était Dieu qui mouvait ce corps confor­ mément aux mouvements des espèces, produits par le prêtre. Cf. Dupasquier,Dc transsubstantiatione, q. v, concl. 2; Krisper, De sacr., dist. XV 111, q. lu, n. 11. Plusieurs thomistes, pour écarter les conséquences de cette opinion qui réduisaient les fonctions du prêtre au transport des espèces sacramentelles, prétendirent qu’il existait entre ces espèces ct le corps du Christ une union plus intime. Viva, De eucharistia, disp. IV, q. vi, l’appelait physique; les carmes dc Salamanque, De eucharistia sacramento, disp. VI, dub. n, § 2, η. 1215; § 3, η. 17, formelle,et Gonel, Clypcus thomisticus. De sacramento eucharistia, disp. V, a. 2, § 3, n. 62, simplement miraculeuse. C’est une union intrinsèque, comme l’union hypostatique, qui est indissoluble du côté des espèces; seul, le Christ pourrait la rompre nar un acte de volonté libre qu’il ne fait pas tant que 1363 EUCHARISTIE DU XVI· AU XX· SIÈCLE 1364 les espèces sont intègres. Les docteurs de Salamanque quement défini, conforme à celui de la philosophie établissaient celte union formelle entre le corps du scolastique, mais un sens empirique, vulgaire, pragma­ Christ et la quantité dimensive, le seul accident ab­ tiquement clair et intellectuellement obscur, qui suf­ solu qui persistait sans support d’inhérence et qui fit pour la notification d’une donnée et qui laisse était le support des autres accidents. Elle n'établis­ la porte ouverte & toutes les recherches théoriques. · sait qu’un simple rapport d'efficience entre les deux Ibid., p. 260-262. Sur la condamnation de cc sys­ extrêmes, mah il en résultait un certain être physique, ' tème au sujet de la vilourobjective du dogme, voir la qui n’était toutefois qu’un composé accidentel. De | proposition 26· du décret Lamentabili, DenzingcrLugo disait la même chose en d’autres termes. Dispu- 1 B.innwart, n. 2026, et l’encyclique Pascendi, ibid., taliones scholastica cl morales, De eucharistia, disp. VI, η. 079; voir aussi t. iv, col. 158 kl 586. Sur la significa­ sect n, n. 26 sq. Il admettait, dans les espèces, l’exis- ( tion précise de la définition du concile de Trente, voir tenec d’une qualité surnaturelle intrinsèque par la­ plus haut, col. 1315. Enfin, l’idée de présence, tout en quelle clics entraînent avec elle le corps du Christ exprimant une relation d’un être vis-à-vis d’un autre comme l’aimant attire le fer, et qui établit entre elles être, ne consiste pas c clusivcment dans la perception et le corps du Christ quelque chose d’une union phy­ que le second a du premier, mais exige une certaine sique, cum sit nexus physicus d oinculum in adu primo compénétration de l’un dans l'autre. Ainsi la présence colligans corpus Christi, ita ut non possit non sequi locale se fait rigoureusement par la pénétration adéspeaes. — b) Descartes, ayant proposé une philosophie quate du corps dans le lieu qu'il occupe. Elle est donc nouvelle, voulut la mettre d’accord avec la foi catho­ inséparable de la réalité de l'être présent La pré­ lique sur la présence réelle. Il en donna deux cxplica- , sence du Christ au sacrement, si mystérieuse qu elle fions différentes, qui ont été plus ou moins modifices | soit, exige donc que le Christ, dans sa réalité propre, par scs disciples. Sur tous ces essais, voir Eucharis­ soit contenu par les espèces eucharistiques, qui ren­ tiques (Accidents). — c) Il faut signaler aussi la ί ferment quant à son entité objective et absolue dans tentative de M. Édouard Le Boy, qui n’a pas trouvé le lieu qu’occupaient le pain et le vin, encore qn’U d’écho, pour expliquer la présence réelle d’une façon n’y soit pas présent localiter, quant à sa quantité cor­ purement pragmatiste. Cette nouvelle interpréta­ porelle, parce que les dimensions du pain et du vin tion excluait d’abord toute interprétation intellec­ ne sont pas les siennes. Il ne suffit donc pas, pour qu'il tualiste de la théologie catholique. Que signifie d’habi­ y ait présence réelle, que cette présence soit appréhen­ tude le terme de présence? · Un être est dit présent dée par nous sous les espèces de notre devoir d’alti­ quand il est perceptible, ou bien quand, restant en tude et de conduite par rapport à elle. » Pour être lui-même insaisissable à la perception, il sc manifeste appréhendée par les yeux de la foi, sinon par les or­ par des diets perceptibles. Or, d’après le dogme luigane·» des sens, elle doit exister, être physique, quoique même, aucune de ces deux circonstances n’est réa­ son mode d’etre soit incompréhensible. Bien qu’elle lisée dans le cas actuel de la présence réelle. La ne nous soit pas sensible, nous en avons Vidée, et cette présence en question est une présence mystérieuse,inef­ idée peut être définie et analysée en quelque manière fable, singulière, sans analogie avec rien de cc que l’on par l’esprit humain, éclairé par la foi. Elle représente entend d’habitude sous ce nom. Alors je demande quelque chose à notre esprit, puisque nous en parlons. quelle idée c’est là pour nous? Quelque chose qu’on ne Nous concevons le fait, encore que le comment nous peut ni analyser ni même définir ne saurait être dit échappe. Le corps et le sang du Christ sont des réa­ « idée · que par un abus de mot. » Dogme et critique, I lités dans l’eucharistie, et leur presence ne peut s’inter­ Paris, 1907, p. 18-19. Loin d’être un énoncé d’ordre préter (pie comme une présence réelle. Cette présence intellectuel, le dogme de la présence réelle est pure­ réelle commande l’attitude du croyant. L’explication ment négatif; il ne m’énonce aucunement une théo­ pragmatiste de M. Le Boy est donc de tout point in­ rie de celte présence, il ne m’enseigne pas même en su f lisante. quoi elle consiste. Mais il me dit très nettement 2. Mode de la transsubstantiation. — a) Sur cc point, qu’elle ne doit point être entendue de telle façon ni de les scolastiques ont continué à suivre des voies diffé­ telle autre encore qui ont été jadis proposées, que, rentes. Ils admettent tous avec l'Église que la trans­ par exemple, l’hostie consacrée ne doit pas être tenue substantiation est une conversion totale de la sub­ seulement pour un symbole ou une ligure de Jésus. » stance du pain et du vin au corps et au sang du /bid., p. 20. Comme les autres dogmes il a, avant tout, Seigneur, mais ils expliquent diversement cette con­ un sens pratique et moral. Quel est-il? « Ici encore le version et la manière dont elle s’opère. Pour tous, la dogme en tant que dogme nous dit simplement: « La substance du pain et du vin cesse d’exister, et il n’en • réalité est telle en soi que vous devez avoir en face de reste que les accidents, qui ne sonl plus inhérents à «l’hostie consacrée la meme altitude que vous auriez leur sujet naturel d’inhérence. Toutefois, elle n’est pas «devant Jésus devenu visible. >Ou si vous préférez: anéantie, puisqu’elle n'a pas pour terme le néant, «Cette attitude (attitude de l’esprit autant qu’atti- I m ils une réalité, qui est le corps cl le sang du Seigneur; « tude extérieure)—caractérisée analogiquement par elle est convertie à cc corps et à cc sang. Mais com• le mot présence — est la seul· qui convienne dans le ment cc corps et cc sang, qui auparavant n'étaient « cas actuel à la nature de la réalité en cause. » Quant à pas sous les espèces sacramentelles, y sont-ils en vertu cette réalité elle-même, le dogme comme tel ne nous en des paroles de la consécration? Y sont-ils amenés ou définit pas les déterminations intrinsèques, il ne nous reproduits? L’hypothèse de l’action reproductive, en donne pas une idee propre et distincte, il se con­ I corrélative à celle de l’annihilation du pain et du vin, tente de nous la révéler à titre de fait par cc qu’elle ■ doit être rejetée, semble-t-il, puisque le corps et le exige de nous. Chercher ensuite une représentation sang de Jésus existent au ciel et n'ont pas besoin théorique de cette présence, tacher de découvrir cc . d’etre reproduits. Bcllarmin, de Lugo, ont adhéré à lu théorie de l’action adductivc, proposée par Duns qu’elle doit être en soi pour entraîner légitimement Scot. Pour d'autres le corps et le sang succèdent nu en nous un tel devoir d’attitude et de conduite, c’est pain et nu vin dans le mi me sujet, et il y n connexion affaire de spéculation libre où te dogme n’intervient entre la disparition de ces derniers et la succession des que sot» la (orme négative de l’anathème fulminé premiers. Ils sont présents là où ils n’étaient pas; ils contre telles et telles théories. » Ibid., p. 258-259. ne sont pas toutefois simplement coexistants aux M. Le Boy explique dans le même sens les mots transiubjduntiation et substance, qui n’ont pas, dans les I espèces sacramentelles; ils sont unis à ces accidents définitions du concile de Trente, · un sens idvoloUi- * comme le pain et le vin l’étaient avant leur dispari- 1365 EUCHARISTIE DU XVI· AU XX· SIECLE tlon, bien que les accidents qui demeurent ne leur soient pas inhérents. Cette succession semble n’êtrc en réalité qu’une présence accidentelle et elle n’explique pas la conversion substantielle qu’est la transsubstan­ tiation. Celle-ci comporte un changement intrinsèque par lequel le pain et le vin corsent d’être cc qu’ils étaient, à savoir, du pain et du vin, pour devenir cc qu’ils n'étaient pas, Λ savoir, le corps et le sang du Christ. Aussi, selon le cardinal Cajetan, interprétant I rigoureusement saint Thomas, tout cc qu'il y avait d’entité dans le pain et le vin, matière première et forme substantielle, est converti au corps et au sang préexistant de Jésus-Christ. Dieu, qui produit cette I conversion avec le concours de l'action du ministre, fait passer tout cc qu’il y avait d’être dans la sub­ stance du pain et du vin dans l’être du corps et du sang du Sauveur, tel qu’il existe sous les espèces sa­ cramentelles On sait que telle est l’interprétation que I le P. Billot a donnée du sentiment de saint Thomas. De Ecclcsiic sacramentis, 4e édit.» Borne, 1906, t. i, p. 337-339, et qu'il a soutenue pour son compte, p 353-360, après avoir réfuté les divers sentiments des théologiens modernes, p. 345-352. Cajetan avait ajouté ù la pensée de saint Thomas que Dieu pouvait changer un être quelconque en un autre être, même d’une espèce très supérieure; mais cette idée, repous­ sée par tous les autres théologiens, n'est pas néces­ saire pour expliquer comment toute la substance du pain et du vin est changée au corps et au sang de Notrc-Scigncur. Cf. Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, 1902, p. 232-237. Toute cette doctrine sera développée davantage à l’art. Transsubstantia­ tion. b) On a tenté, au cours du xnc· siècle, des essais d’explication de la transsubstantiation qui ont été condamnés par le Salnt-Olficc. Le 7 juillet 1875, cette S. C. fut interrogée pour savoir si on pouvait tolérer une interprétation de la transsubstantiation eucharistique ainsi conçue : Après avoir distingué la raison formelle de l’hypostasc qui est esse per se seu per se subsistere et celle de la substance qui est in se esse et actual iter non sustentari in alio tanquam tn primo subjecto, on fait l’application de ccs deux no­ tions de 1’hypostase ct de la substance ù l’incarnation et à l’eucharistie. De meme que, dans l’incarnation, la nature humaine dans le Christ n’est pas une hypo­ stase. puisqu’elle ne subsiste pas par soi, mais qu’elle est prise par l’hypostasc divine supérieure» de même une substance Unie, par exemple, celle du pain, cesse d’être une substance par cela seulement, et sans autre changement d'elle-même, qu’elle est sustentée surnaturelicrncnt en un autre sujet, de sorte qu’elle ne soit plus in se, sal in alio ut in primo subjecto. Cela étant, la transsubstantiation, ou la conversion de toute la substance du pain en la substance du corps de NotreScigneur, peut s’expliquer par cette raison que le corps du Christ, quand il devient substantiellement présent dans l'eucharistie» sustente la nature du pain (pii, par le fait même ct sans aucun autre changement d’elle-mêmc, cesse d’etre une substance, parce qu'elle n'est plus en soi, mais en un autre qui la sustente. De la sorte, la nature du pain reste bien, mais la raison formelle de la substance cesse en elle, ct c’est pourquoi il n’y a pas deux substances, mais une seule, celle du corps du Christ. La matière ct la forme des éléments du pain demeurent donc dans l’eucharistie.mais,exis­ tant sumaturellemcnt en un autre,elles n’ont plus la raison formelle de substance; elles ont la raison d’un accident surnaturel, non pas toutefois comme si, ù la manière des accidents naturels, elles affectaient le corps du Christ. Le Saint-Office déclara que cette doc­ trine delà transsubstantiation ne pouvait être tolérée. Denzmger-Bannwart. n. 1843-1846. Cette explication. 1366 tout en faisant disparaître la substance du pain, en maintenait non seulement les accidents, mais encore la nature, qui ne perdait que sa subsistance propre ct qui subsistait dans le corps du Christ; elle y main­ tenait encore la matière ct la forme, qui demeuraient aussi ct qui formaient dans ce sujet surnaturel d’inhé­ rence une espèce particulière d’acridcnts surnaturels. La conversion de la substance n’aurait donc pas été totale, cl il n'y aurait même pas eu de conversion, puisque le pain perdait seulement sa subsistance propre pour subsister dans le corps du Christ qui le soutenait sumaturellemcnt. Le dogme catholique n'était pas exactement expliqué dans cette interpré­ tation nouvelle de la transsubstantiation. De son côté, Rosminl-Scrbati, le fondateur de l’institut de la charité, avait imaginé une autre expli­ cation de la transsubstantiation eucharistique. Comme il avait réprouvé toutes ses erreurs avant de mourir, l'autorité ecclésiastique n’avait pas condamné sa doc­ trine. Mais ses disciples répandaient ses erreurs, parce qu’elles n'etaient pas condamnées, et les défendaient. C'est pourquoi le Saint-OHlcc réprouva, le 14 dé­ cembre 1887, quarante propositions, extraite*, des écrits de Bosmini. Les propositions 29·, 30· ct 31· ont trait à l'eucharistie. 29. Ce ne serait pas une conjec­ ture contraire ù la doctrine catholique» qui seule est la vérité, que de dire : Dans le sacrement de l’eucha­ ristie,la substance du pain ct du vin devient la vraie chair ct le vrai sang du Christ, quand le Christ fait d’elle le terme de son principe sentant ct la vivifie par sa propre vie, presque de la même manière que le pain ct le vin sont véritablement transsubstnntiés en notre chair ct en notre sang, puisqu'ils deviennent le terme de notre principe sentant 30. lai transsubstantiation achevée, on peut penser que quelque partie, incor­ porée au corps glorieux du Christ, inscparéc de 1 »1 et glorieuse comme lui, lui est jointe. 31. Dans le sacre­ ment de l’eucharistie, of verborum le corps ct le sang du Christ existent seulement dans la mesure qui ré­ pond ù la quantité de la substance du pain ct du vin qui est transsubstantice, le reste du corps du Christ n’y est que per concomitantium. Denzinger-Bannwart, n. 1919-1921. La 29· proposition de Bosmini ramène la transsubstantiation à une sorte de simple conversion formelle, comme le montre la comparaison avec l'assi­ milation de la nourriture corporelle, et elle présente le Christ comme s’il informait ct vivifiait la substance du pain et du vin. ta» 30· suppose que le corps glorieux du Christ, par celle information, s’est adjoint quelque partie nouvelle, provenant de la substance du pain ct du vin, ct se l’est incorporée d une façon indivi­ sible,en la rendant glorieuse comme lui.La 31· réduit la présence du corps et du sang du Christ vi verborum à cette partie quantitative de la substance du pain et du vin,qui serait transsubstantiée en eux en vertu de l’ex­ plication précédente. Cette conjecture modifie le con­ cept catholique de la transsubstantiation;elle ne pou­ vait être admise. 3° Le sacrement. — La doctrine du sacrement de l’eucharistie, ayant été nettement établie pur les sco­ lastiques et définie par le concile de Trente, n’a pas donné lieu, chez les théologiens postérieurs, ύ des opinions particulières. Ils ont appliqué renseignement commun aux circonstances de leur époque. Toutefois, il est intervenu, pour résoudre quelques difficultés pratiques, des décisions des souverains pontifes ct des Congrégations romaines qu’il faut rappeler. 1. Matière. — C’est toujours le pain de blé, ct le pain de blé seul. Maintenant que la pomme de terre est un aliment très répandu, les théologiens cl les ca­ nonistes excluent le pain fait avec ce tubercule ct no permettent le mélange de la pomme de terre ou de fa fécule qui en est extraite avec de la farine de blé que s! 1367 EUCHARISTIE DU XVI· AU XX· SIÈCLE - EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) 13G8 la quantité de pomme de terre ou de fécule est peu considérable ct ne change pas la nature du pain. Les hosties colorées qui servent de pains à cacheter sont à tout le moins interdites, si même elles ne sont pas invalides ou au moins douteuses, dans le cas où la couleur altérerait le pain. Les missionnaires ont sou­ vent de grandes difficultés à sc procurer de la farine de blé. Le Saint-Office, le 20juin 1852, sur la demande du vicaire apostolique de Coimbatour. a permis aux missionnaires qui ne pouvaient faire venir delà farine de l'Europe, de s’en procurer en broyant des grains de blé ct en les faisant macérer dans l’eau, pourvu que la farine ait été passée au crible ct séparée du son. Collectanea de Propaganda fide, n. 701. Cf. P. Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucharistia, η. 799, 800, Paris, 1897, t. n, p. p. 117-119. Les prêtres grecs et latins doivent observer les rites de leurs Églises respectives pour l’usage du pain fer­ menté ou azyme, et Benoit XIV a interdit aux uns ct aux autres de changer de rite sous peine d’une sus­ pense perpétuelle a divinis. Const. Etsi pastoralis, du 26 mal 1742, § C. n. 10. CL P. Gasparri, op. clL, n. 801, t. n, p. 121-122· Il est de coutume, dans l’Églisc latine, que l’image de Jésus crucifié soit imprimée par le gaufrier sur l’hostie. Ix* S. C. des Hites a prescrit d’observer cette coutume, le 23 avril 1834. Decreta authentica, η. 4723. Le vin, qui est la nature de la consécration du pré­ cieux sang, a été l’objet de diverses décisions officielles. I) doit être extrait de la vigne. En 1819, la Propa­ gande refusa d’autoriser l’emploi de la liqueur tirée des vignes sauvages du pays de Siam, parce qu’il n'était pas constant qu’elle était du vin véritable, donec aliter luerit judicatum. Collectanea, η. 699. Dans son instruction du 19 mars 1861, la même Congréga­ tion a interdit à tous les missionnaires de sc servir de vins artificiels, obtenus par des opérations chi­ miques. Collectanea, n. 702. Ixï Saint-Office a autorisé, dès le 22 juillet 1703, le vin de raisins secs pour les missionnaires de l'Éthiopie, et cette première décision a été confirmée, le 7 mal 1879, à la demande de l'évêque de Saint-Albert. Collectanea de Propaganda fide, η. 70S· Ix; vin qui commence à s’acidulcr reste matière va­ lide du sacrement, mais il est défendu par les rubriques j du missel de s’en servir, sous peine de faute grave. Benoît XIV excuse toutefois de celte faute le prêtre qui doit célébrer ct se laisse-t-il atténuer jusqu’à ne plus signifier que les accidents dc la substance matérielle. Dans le baptême, l’eau sanctifie et reste eau. Les mauristes attribuent hardiment à Origènc la conception nette cl précise dc la distinction qui oppose, dans le langage philosophique, substance cl accidents. Us emprun­ tent cctlc interprétation au savant cl original évêque d'Avranchcs qui, dans scs Origcniana, 1. II, p. 178, écrit sans broncher : Materia autem constans illa pars panis, quam in secessum ejici ait, ea sunt accidentia materiæ panis inhérent ia, quœ corrupta a stomacho et In novam conversa substantiam, vel in secessum abeunt, vel humani corporis formam induunt. Et pour bien prouver qu'ils pensent comme Huet, ils renvoient à la Somme de saint Thomas, IIP, q. lxxvii,a. 5, 6. Seulement, à penser comme saint Thomas qui est du xnt« siècle et Huet qui est du xvn®,ils risquent fort, sinon dc travestir, au moins de dépasser la pensée d’un écrivain qui est du m·. On prouverait qu'Origèn» • aurait dû > admettre la théorie des accidentia sine subjecto, qu'on nc serait pas le moins du monde en droit de dire qu’il l’a admise effectivement. Nous sommes toujours exposés à · retrouver » notre pensée chez des écrivains antérieurs, chez ceux-là surtout qu’aucun désaccord essentiel nc sépare de nous. Nous serions donc moins hardi que Struckmann, Die Gcgenivart Christi in der licit igen Eucharistie nach den schrijtlichen Quellcn der vornizunischen Zcit, Vienne, 1905, p. 181, note, qui, certes, a raison dc nc pas s’étonner dc nc point trouver ici chez Origènc les termes scolastiques dc < substance » et d' · accident » dont le sens dogmatique devait être fixé postérieu­ rement, mais qui, sur la question dc fond, juge qu'Origènc, par le mot ύλη, ύλιχδν, doit avoir eu en vue l’élément matériel faisant partie Intégrante du phénomène externe. On comprend qu’on ait pu jug r que cette subtilité manquait d’objectivité. Tout ceci nous autoriserait peut-être à conclure qu’il nc faut pas espérer découvrir chez les Pères une théologie proprement dite des qualités sensibles du sacrement. Des conceptions qui leur sont familières auraient pennis au besoin de prévoir cette lacune. Dans leur prédication eucharistique, les Pères sc montrent en général plus préoccupés dc fortifier la fol que dc sti­ muler la raison à l’investigation curieuse du dogme; dans la question du «comment » particulièrement, ils concluent à l’incompétence de la raison. Contre ses scrupules ou scs hésitations, ils en appellent ou à l’attribut dc la toute-puissance divine, ou à d’autres mystères dc la fol. tels que celui dc l’incarnation du Verbe et dc la naissance virginale; leur homllétlquc insiste plus volontiers sur le côté pratique, celui dc la réception digne du sacrement, signalé par saint Paul, I Cor., xî, 27-32, que sur le côté purement spéculatif. La foi s’interdisant de spéculer sur le mystère, cela demeurera un thème, une sorte 1373 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) de lieu commun eucharistique, alors que depuis longtemps on sera en possession d'une théorie de la conversion et des apparences sacramentelles. Alger dc Liège, qui, d’après Pierre dc Marea, Traité du saint sacrement dc Γeucharistie, Opera, Bamberg, 1789, t. v, p. 111, enseigna le premier la théorie des accidents sans sujet, répétera la phrase empruntée aux Scnlen’.ite Prosperi et tant répétée déjà par les adversaires orthodoxes de Bérenger: Si quieris modum quo id fleri possit, breviter ad p/irsens respondeo : mysterium fidei est; eredi salubriter potest, investigari utiliter non potest. De sacramentis corporis et san­ guinis Dominici, I. I, c. ix, édit. Malou, Louvain, 1847. Altinra te ne quusieris, dira Pierre le Vénérable, sed esto Deo tuo, quod est jumentum tuum tibi. Non nititur illud perscrutari secreta tua : non coneris temerare arcana Dei tui. De sacrificio missu: el transsubstantia­ tion*:, édit. Vlimincrius, Louvain, 1561, p. 207, 214. Pour Théophylucte, l'effort spéculatif, c’est Γincré­ dulité même : Judad, cum audissenl de esu carnis illius, discedunt. Ideo et verbum incredulitatis dicunt : quomodo (το τής απιστίας ρήμα, το πώς). Nam quando cogitationes Jncredulitclis ingrediuntur animam, in­ greditur simul quomodo. Opera omnia, Venise, 1754, t. i, p. 594. Pour être bref, contentons-nous de si­ gnaler des développements analogues, chez Lanfranc, Dccorpore cl sanguine Domini, c. xvii, édit. d'Achcry, p. 242; Durand de Troarn, P. L., t. cxlix, col. 1395; Guitmond d*Aversa, ibid., col. 1141; Paschasc Rad­ bert, Dc corpore et sanguine Domini, iv,3, P. L., t.cxx, col. 1279; Amalairc de Metz, Episl. ad Guntrad., d’Achcry, Spicilegium, Paris, 1GG6, t. vu, p. 172; S. Jean Damascene, De fide orthodoxa, 1. IV, c. xui, édit. Le Qulen, t. i, p. 270; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., édit. Pusey, Oxford, 1872, t. i, p. 526; S. Jean Chrysostome, In Malth., homil. i.xxxn, 4, P. G., t. Lvni, col. 743; S. Hilaire, Dc Trinitate, I. VIII, n. 14, Opera, Vérone, 1730, t. n, p. 223. L’application de la dialectique au dogme, caracté­ ristique de la méthode scolastique dès scs débuts, provoqua presque aussitôt des défiances. Lanfranc reproche ù Bérenger de déserter la méthode d’auto­ rité pour le raisonnement : Relictis sacris auctorita­ tibus ad dialecticam conjugium jacis. Op. cit., c. vn. S’il consent à user de celle arme suspecte, c'est sur l’exemple d’Augustin qui (il l’éloge de cct art et s’en servit victorieusement contre l’hérésiarque Félicien. Étienne de Baugé, devenu évêque d’Autun en 1112, Dc sacramento altaris, que les éditeurs dc la Maxima bibliotheca veterum Patrum, t. xx. p. 1872, ont, sur le témoignage de Possevin, de Bcllarmin et d’Aubert le Mire, placé à tort au x· siècle, montre la même aversion à l’endroit des dialecticiens. Parlant du miracle eucharistique, il s’écrie : Quis intelleclus non deficiat? Omnis sensés hebetescit, omnis ratio evanescit, omnis prorsus dialecticorum inquisitio absil, hoc sola fides probat et agnoscit, quia cibus hominum fit panis angelorum, cela dans un traité où parait, l’une des premières fois, le terme : Iranssubstantiare, qui trahit assez sa provenance scolaire. Un sermon, inséré par Beaugendre dans son édition des œuvres d’ilildcbcrt de Lavardin, Semi., lxxix, m jeslo S. M. Magda­ lena:, mais qui appartient à Pierre le Mangeur, comme l’a prouvé Hauréau, Notices el extraits de quelques manuscrits, t. i, p. 155, exprime un blâme énergique contre les discussions subtiles en matière dc foi : quibusdam minutiis verborum in cavillatione res­ pondentes utuntur, quibus in disputatione uti, ossa Christi est incinerare. Au xi· siècle, il y a tout un parti de tendance anlidialecticienne représenté par Manégolde dc Lutcnbach, le maître dc Guillaume de Cham­ peaux, Opusculum contra Woljelmum Coloniensem, P· L·, L clv, et Othlon dc Saint-Emmeran, Dialogus 1374 de tribus quœstionlbus, c. i.x; De dodrina spirituali, c. xilf, P. L., t. cxlvi, col. 276, en Allemagne, et Pierre Damien, Opusc. de div. omnipotentia. Opera omnia, édit. Cajetan, Paris, 1743, t. ni, p. 312, en Itade. De telles tendances, on l'avouera, ne sont guère favo­ rables à l’éclosion d'une théorie métaphysique de ce que le langage du sens commun, celui des Pères, appelle les espèces eucharistiques. Nous croyons que, sur ce point spécial, la pensée des Pères est demeurée inachevée. Meme ceux qui sont manifestement en possession d'un concept de la conversion eucharis­ tique, équivalent à celui d'une véritable transsubstan­ tiation, semblent s'être fort peu inquiétés dc scruter les conditions spéciales d’existence, résultant pour les éléments sensibles du sacrement, dc la conversion substantielle du pain et du vin. Les Pères sont réa­ listes; ils croient à l'objectivité des qualités sensibles, après comme avant la · sanctification », la « consé­ cration » des matières sacramentelles; leur attitude reste celle du sens commun devant l'expérience sen­ sible : réalisme instinctif; ainsi s’explique la facilité avec laquelle leur pensée se laissera couler par les pèripatéticiens scolastiques dans les formules dc la phy­ sique aristotélicienne, qui est précisément la physique du sens commun. Ici encore la rencontre entre le dogme et l’aristotélisme nc pouvait manquer dc se produire; celui-ci, à cause précisément dc son réa­ lisme, devait, de préférence à toute autre philosophie, fournir à celui-là et ses formules et ses movens d’expression. Seulement, le problème philosophique qui,dans le réalisme, est la conséquence nécessaire du dogme dc la transsubstantiation, ne s'est pas posé devant la conscience des Pères. 11 est donc vain de chercher chez eux une réponse à ce problème. Quand saint Cyrille d’Alexandrie nous dit que, dans Γeucha­ ristie, nous possédons la chair divine et le sang pré­ cieux du Verbe, ώς R άρτω η και οινω, 1η Luc., χχιι, 19, P. G., t. lxxii, col. 91 i, est-on en droit de traduire ce ώς par l'expression < en apparence » comme le fait Rauschen, L’eucharistie cl ta pénitence durant les six premiers siédesde l’Églisc, Paris, 1910, p. 145, et dans ce pain et ce vin « en apparence» faut-il reconnaître la théorie des qualités subsistant miraculeusement? Il nous paraît que ce serait beaucoup presser le texte, peut-être même donner à la pensée de saint Cyrille plus dc précision et dc consistance systématique qu'elle n’en avait, surtout si l’on tient compte des mots sui­ vants : < Dieu communique aux dons offerts (le pain et le vin) le pouvoir dc la vie(rjva|uv ζωής) et les trans­ forme en l’énergie de sa propre chair (μιβίστησιν αύτχ προς ένέργιιχν τής έαυτου σαρχός). Ces mots affirment un changement, mais Rauschen a fort bien observé que ce changement nc semble impliquer qu’une pré­ sence dynamique; du moins une telle présence n'estelle pas clairement exclue par le texte qui, dès lors, n’affirme rien et nc peut rien affirmer au sujet des apparences. Un pain doué d’un pouvoir vivifiant surnaturel serait « apparent » dans la mesure où il paraîtrait doué dc propriétés purement naturelles. Mgr Batiffol hésite et n'ose sc prononcer. Commentant le ώς ίν άρτω xal οίνω, il écrit : < Est-ce donc que pour Cyrille le pain et le vin esl une pure apparence? Est-cc donc que la substance du pain et du vin cesse d’être? C'est la conséquence qu’il convient logique­ ment de tirer des expressions dc Cyrille cl nous aurions ici une ébauche de la transsubstantiation. Mais Cyrille a-t-il poussé lui-même son analyse jusquelà? » Éludes d’histoire cl de théologie positive, 2· édiL, p. 282. Nous tenons avec le P. Mahé, L'eucharistie cl Cyrille d’Alexandrie, dans la Revue d’hist. ecclés., Lou­ vain, t. vin, p. 695, que le texte, replacé dans son cadre naturel et lu surtout à la lumière des autres textes cyrilliens touchant l’eucharistie, exige plus qu’une 1375 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) présence purement dynamique; une transformation des oblats est affirmée, dont le terminus ad quem est la chair vivifiante du Verbe, celle qui est née de la Vierge Marie; on voit même, ajouterons-nous, poindre chez Cyrille celte Idée reprise par le pseudo-Ambroise, De sacramentis, 1. IV, c. IV, ct Théophylacte, In Joa., c. vi, cl où les scolastiques verront une des causes finales des espèces sacramentelles : Si l'expérience sensible demeure invariable, c’est condescendance divine vis-à-vis de notre faiblesse que la vue du sang ct de la chair eût repoussée. Mais nous serions d’avis que saint Cyrille n’a pas songé au mode de cette transformation, ct moins encore aux conditions d’existence de ce qu’il appelle τά φαινόμενα, cela, parce que pour lui le côté attachant du sacrement, ct partant l'attention de la pensée, est ailleurs; elle est dans le pouvoir vivifiant de l’eu logic; Cyrille étudie surtout l’eucharistie dans sa relation à la christologie; ce qui lui importe, c'est que la chair eucharistique soit la chair unie hyposlatiquemcnt au Logos divin; elle l’est pré­ cisément, ct Nestorius a tort, parce qu’elle confère son pouvoir vivifiant à notre chair. Nous ferions à peu près les mêmes réserves au sujet des conclusions de Nacgle dans sa monographie sur la doctrine eucha­ ristique de saint Jean Chrysostome, Die EucharistieMire des heiligen Johannes Chrysostomus, Fribourg-cnBrisgau, 1900. Nacgle, en soumettant les textes à la méthode discursive ct ratiocinante, dont certains théologiens ont incontestablement abusé, en dégage aisément toute l’analyse théologique postérieure du dogme eucharistique, y compris le tertium commune postulé par la transsubstantiation. D’après Nacgle, la doctrine eucharistique de Chrysostome se laisse­ rait condenser dans la formule suivante : absence de la substance du pain ct du vin, présence du corps ct du sang du Christ, en vertu d’un tertium commune, qui, manifestement, ne peut être autre chose que les acci­ dents du pain ct du vin, comme signe sacramento visible. Op. cit., p. 85. Cette analyse serait extrême­ ment intéressante, si elle était le fait de Chrysostome ct non une élaboration systématique des textes duc au théologien qu’est Nacgle. Il serait ridicule de nier le réalisme de Chrysostome, si évident que Loofs le trouve * effroyablement massif, grossièrement sensuel et dépourvu parfois de tact dans l’expression, » Keatcncyclopâdie, art. Abcndmuhl, 3e édit., p. 54,55; il est certain aussi que Chrysostome enseigne un chan­ gement, une conversion des προ/.είμβ>α, mais nous tenons avec Bauschcn, op. cil., p. 41, ct Batiffol, op. cit., p. 277, qu’il n’a point précisé le mode de cette conversion. Encore moins a-t-il songé à déterminer la relation spéciale des apparences sensibles à la réalité qui In foi nous laisse découvrir sous elles. Quand N;.cgle nous dit : « Ce que Chrysostome entend par appaunces sensibles s’identifie réellement à ce que I École entend par le terme « accidents » opposé à celui de · substance », cl spécialement par celui d’espèces là où elle traite du mystère eucharistique, op. cil., p. 81, nous répondons : Sans doute, mais il s'agit de savoir si Chrysostome lui-même opérait l'identification que vous signalez; Il a fallu des siècles pour passer des à-peu-près, des contours flottants du langage de l’orateur populaire que fut Chryso­ stome à la précision analytique du vocabulaire défini en usage chez les théologiens scolastiques. Même en accordant à Nacgle que le langage de Chrysostome oblige à considérer le processus du changement eucha­ ristique comme impliquant un changement sub­ stantiel. voire même une transsubstantiation unique en son genre, nous n’oserions avec lui motiver ce jugement en disant — croyant toujours interpréter la pensée de Chrysostome : « En cfîet, du pain ct du vin, il ne reste plus que 1rs accidents. » Op. cil., p. 89, 90. 137G Avant de chercher une théorie des espèces eucha­ ristiques là où on a chance d’en trouver une, c’est-àdire chez les initiateurs de la scolastique, signalons un dernier argument patrlsliqiie auquel la théologie des âges passés eut plus d’une fois recours en la ma­ tière ct qui n’a peut-être pas la valeur qu’on s’était plu à lui reconnaître; il s’agit, dans l’espèce, d’un argument emprunté à VEranisIts de Theodorei. Dans ce dialogue, où l’orthodoxe combat, dans la personne de son interlocuteur, le monophysisme, le premier, qui représente Théodorct, rétorquant l’argument que son adversaire tirait de la conver­ sion eucharistique en faveur de la conversion de la nature humaine du Christ en la nature divine, lui réplique : Quœ ipse texuisti retibus captus es. Neque enim signa mystica post sanctificationem recedunt a sua natura. Manent enim in priore substantia ct figura et forma et videri ct frangi possunt ut prius. /ntelliguntur autem ea esse qmr facta sunt ct creduntur et adorantur, ut qua: illa sint quæ creduntur; a pari, conclut-il, le corps du Christ n’a pas subi de change­ ment substantiel, après la résurrection; il est seule­ ment devenu immortel. Pierre de Marca, Thcodoreli sententia de sacra eucharistia. Dissert, posta nue, édit. Paul de Fagot, Paris, 16G8, p. 71; Théophile Haynaud, Eucharistica, Lyon, 1665, t. vi, p. 74; Muniessa, De eucharistia, Barcelone, 1689, p. 567, n. 12, et Franzelln, De eucharistia, Borne, 1868, p. 257, n’hésitent pas à reconnaître, dans ccs symboles mystiques dont Théodorct écarte tout changement essentiel, les seules apparences sensibles. Haynaud impose résolument celte conclusion orthodoxe au texte de Théodorct, moyennant un contresens. II traduit les mots : μίν« γάρ έπι τής προτ/ρας ουσίας, κχΐ του σχήματος, και τού είοους..., en disant : Aland enim in prions substantiœ ct figura ct forma, toc. cit., et accompagne celte version de la réflexion suivante : Quod veritatem catholicam nullo modo collidit. Mais il s’agirait précisément de savoir si, dans VEranisIts, Théodorct n’est pas sorti des limites de la stricte orthodoxie et si, pour ruiner plus efficacement le monophysisme, il n’a pas adhéré à une sorte de dyophyslsmc eucharistique. inconciliable avec le dogme de la transsubstantiation. C’est la thèse de Mgr Batiffol, qui nous semble avoir pour elle le sens obvie des textes. Op. cil., p. 290 sq. Cf. J. Lebreton, Le dogme de la transsubstantiation ct la christologie ancienne du v· siècle, dans Heport of the eucharistie congress held al Westminster from 9 ’ to September 1908, Londres, 1909, p. 338-339. Toutefois, le passage contesté n’écarte pas non plus, du moins sans instance possible, le sens que lui donna longtemps renseigne­ ment catholique; l’idée maîtresse qui s’en dégage est l’absence, dans les symboles mystiques, d’un changement d’ordre sensible. Cette prior substantia, demeurant ce qu’elle était, pourrait n'etre que la nature purement phénoménale du pain ct du vin. Celle interprétation laisse debout la réponse de l’or­ thodoxe : de même que dans l’eucharistie, après comme avant le changement invisible admis par la foi (intelliguntar autem ca esse que facta sunt ct cre­ duntur), les symboles myst ques restent une forme de réalité, tombant sous les sens (cl videri tangigue pos­ sunt sicut cl prias), ainsi, le corps du Christ après l'ascension n’a point perdu sa vraie nature corpo­ relle. Proposé ainsi, l’argument pourra paraître moins convaincant qu’il ne le serait dans l’hypothèse d’un dyophyslsmc eucharistique: de la négation d’un chan gement sensible des espèces eucharistiques, -1 con­ clurait à la négation d’une conversion réelle du corps du Christ à la nature divine. A tout le moins accordera-t-on qu’un texte aussi ambigu et d’une orthodoxie contestable ne légitime pas l’attribution 1377 E i; C11 Λ 11 1STIQ U ES ( A CCI 1)ENTS) 1378 à Théodorct d’une conception arretée sur la nature ment comme les Pères, dans le langage courant, ils des espèces eucharistiques, C’est devant des textes affirment la persévérance des qualités sensibles, en comme celui-là, comme ceux de la lettre du pseudo· évitant les termes de dialectique. II faut remarquer Chrysostome à Césalrc, du pape Gélose sur les deux la manière dont Alger introduit sa solution du pro­ natures dans le Christ, FranzeJin, op. ci/., p. 256; blème, celle qui était destinée à prévaloir: Sed quie­ J. Lebreton, Lu transsubstantiation et la christologie runt dialectici, cum substantia panis in corpus Christi antiochirnnc du r· siècle, dans les Éludes, 1908, conversa, jam non sit panis, in quo fundamento rema­ t. cxvii, p. 177 sq., qu’il faut se rappeler les sages nent qualitates... Ixtc. cit. C’est le problème dans les paroles de J. Pohle : « Celte continuité physique et ternies memes dans lesquels le posera Γ École. Dans le non seulement visible des accidents eucharistiques Sentenliaire, édité à Berlin en 1835 par Rheinwald, fut allirmée si souvent par les Pères ct avec une sous le titre erroné de Petri Abielardi Epitome theo­ telle Insistance, qu’elle parut mettre en danger la logia: ehrlstianæ, et réimprimé par Cousin en 1859, notion même de la transsubstantiation. > The catholic Pet. Abâtardi opera, t. n, p. 567, on lit au c. xxix, encyclopedia, art. Eucharist, t. v, p. 582. intitulé : De sacramento altaris : De specie quoque Conclusion. — Les Pères admettent la réalité objec­ illa panis ei vini, dubitatur cujus sil? L’auteur propose tive de ce qu’on appellera plus tard les accidents eu­ une double solution, dont la première, absurde et charistiques; mais il ne paraît pas qu'ils aient essayé très tôt rejetée, attribue les accidents au corps du de fournir une explication théorique, ni du fait, ni de Christ, ct dont la seconde est celle précisément que sa possibilité; ils s’attachent Λ l’objet de foi, qu’ils saint Bernard ct Guillaume de Saint-Thierry re­ exposent dans le langage usuel ct journalier; très procheront à Abélard : Dicit etiam Magister Petrus frappante est l’absence chez eux de termes d’école, de sacramento ollaris, substantia panis ei vini mutata ou s’embusque parfois toute une métaphysique; Ils in substantiam corporis ei sanguinis Domini ad pera­ afllnnert les dogmes de la présence réelle ct de la gendum sacramenti mysterium, accidentia prioris conversion substantielle ct s'efforcent de les rendre substantial remanere in acre. Obsecro, ut quid in acre? accessibles par des comparaisons ct des analogies à Quid ibi factura sunt? Disput. adversus Abiel., c. ix, la portée de tout le monde; mais ils ne tentent pas P. L., t. clxxx, coi. 280. Deni Ile, Archiv fur Literad’éclairer les abords philosophiques du dogme, la lur und Kirchengcschichte des Mitfclalters, Berlin, 1887, zone d’ombre qui, pour la raison naturelle, encercle t. m, p. 634; J. Kilgcnstcin, Die Gotteslehre des Hugo les affirmations nettes cl précises de la foi; ils n’ont von Saint-Victor, 1898, p. 23 sq. Voir t. i, coi. 52-54. pas poussé à fond l’analyse rationnelle du donné révélé; Un autre Sentenliaire, conserve chez les chanoines de celte besogne était réservée à ceux qu’on a si pitto­ Saint-Florian (Haute-Autriche) ct découvert par le resquement ct si justement appelés des « incorrigibles P. Déni Ile, introduit la question à peu près dans les compreneurs », c’est-à-dire aux théologiens scolas­ mêmes termes : Quæritur ubi sit (forma). Patel esse tiques. C’est en substance l’avis auquel s’arrêtait, in acre... Archiv fur Literatur und Kirchtngesehichte il y a deux sièc’cs ct demi, érudition à la fois solide des Mittelalters (1885), t. I, p. 133. Même manière ct pénétrante de Pierre de Marco. Notant la fréquence de poser la question chez Ognibenc, un autre disciple chez les Pères de l’expression : Le pa n consacré est d’Abélard, dont les Sentences ne sont pas antérieures le corps du Christ, il ajoutait: Sed nulla apud ipsos dis­ à l’année 1140 : De sapore et fractione et specie dicimus putatio reperitur, an subsis ant sine sublecto, quoniam quod ibi sint. Si quœntur ubi sunt, possumus dicere definitione illa : ex pane fieri corpus Christi de/unctos in corpore. Sed ibi non est corpus in quo sin9, quia se putabant omni scrupulosiori disquisitione de acci­ ibi non est nisi corpus Domini, in quo non sunt; vel dentium substantia : quia totum illud complexum possumus dicere quod sunt in acre, sicut videmus, ad corpus Christi pertinere existimabant. Non diffi­ quod rcccdcnte pomo, remanet odor in aere. Lm. cit., tebantur quidem, quin superesset sapor in speciebus, p. 467. Hugues de Saint-Victor, qui, le plus ordi­ quin forma panis, quin res sensibiles et elementa nairement, combat Abélard, pose dans sa Summa non solum viderentur, ut eorum verbis utar, sed lI sententiarum un qiurntur touchant les qualités sacra­ mentelles. ct la réponse qu’il lui donne est déjà en adjunctam carni invisibili contemplabantur. substance celle de saint Thomas: Quaritur in quo III. PÉHioDD scolastique. — 1° Devanciers sunt illee species el sapor ille ? Non enim possumus dicere de saint Thomas, — On constate un curieux parallé­ quod sunt m substantia panis et vini, cum non sil lisme entre la doctrine des espèces eucharistiques ct ibi substantia panis et vini, sed verum corpus Christi, le dogme de la transsubstantiation; ils existent tous nec audemus dicere quod insint corpori Christi. Non deux dans la couse cnce chrétienne bien longtemps enim habet corpus Christi rotundam figuram in se : avant les formules qui ont servi à les nommer. Les sed qualem in judicio visuri sumus. Sed cui creare choses ont naturellement précédé les noms. Bien avant de nihilo ct formatum ct formam fuit facile : mulare Paschasc, saint Ambroise ct saint Jean Damascêne enseigneront une conversion substantielle des élé­ formatum et conservare formam non erit difficile et ut ments; le mot transsubstantiation paraît pour la pre­ prieter substantiam subsistat efficere. Tr. V, c. iv. mière fois vers la première moitié du xn· siècle, Opera, Cologne, 1617, t. m, p. 335. Si l’authenticité longtemps avant le IV· concPc de Latran. Voir de la Summa sententiarum est douteuse, celle du col. 1289; Déni île, Luther und Lulherthum, Mayence, De sacramentis fidei ne l’est pas; or cet ouvrage, un 1904, p. 210. Voir aussi col. 1221. C’est vers la même des derniers en ordre de dates de Hugues et composé époque c’est-à-dire vers le premier tiers du xu* siècle, vraisemblablement vers la lin du troisième decen­ qu’on voit paraître la théorie des accidentia sine sub­ nium du xn· siècle, A. Liebner, Hugo von Saintjecto. Elle est nettement allirmée par Alger de Liège : Victor, Leipzig, 1832, p. 217, exprime des doctrines Deus, dit-il, ln omnibus est mirabilis..., facit eilim in analogues. De sacram, fidei, I. H, part. VIII c. ix. suo sacramento accidentales qualitates existere per se, En lin, les Sententia: divinitatis, un recueil de Senten­ quod in caderis est impossibile. Sed qui virgini dedit ces, issu de l’école de Gilbert de lu Porée, postérieur fcccunditatcm sine semine,quid mirum si sine substance à l’année 1141, mais d’après un savant travail du fundamento facit qualitates existere. De sacramento, Dr B. Geyer, Die Sentent, divinitatis, tin Sentenzenédit. Malou, 1. II. c. i, p. 216, cl passim. On remar­ buchder Gilberlsschen Schute, Munster, 1909, anterieur quera la terminologie scolastique dont se sert rece­ I aux années 1117-1118, contient une curieuse contra­ lât re de Liège. A peu près tous ceux qui ont écrit diction qui nous montre que la question des accidents avant lu sur le sacrement de l’eucharistie s’exprlétait, à cette époque déjà, classique dans les écoles DICT DE THÉOL CATHOL. V. - 41 1379 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) et que tout maître en théologie sc croyait obligé de b traiter. L'auteur, après avoir nié la persistance des accidents, qui, d'après lui, n'échappent pas plus au changement que la substance: sapor cl color, qui prius erant in pane el vino, modo non sunt jn eis post conse­ crationem, cum penitus non sint ; neque in corporc Christi sunt, cl ila fit hic commutatio secundum utcum­ que, p. 43, n'en pose pas moins, un peu plus loin, la question d’usage : De his quœ remanent, solei quœri ad quid remancant et in quibus. ibid. Tous ces textes nous montrent la question du mode d'existence des éléments sensibles du sacrement posée très hardiment vers le commencement du xn· siècle par les premiers sommistes cl discutée dans les formes et le langage scolasl:qucs. C'est bien une question de dialecticiens, hantés par les catégories d’Aristote ct du pseudoAugustin. Alger avait raison de dire : Quivrunt dia­ lectici ... On sait que la dialectique charriait alors une bonne part de métaphysique, ct nous la voyons précisément triompher vers la même date, avec la méthode ratiocinante de l’auteur du Sic ct non et de la Theologia Christiana, dont l'instrument sera la libre enquête rationnelle : Dubitando enim ad inquisi­ tionem venimus ; inquirendo veritatem percipimus. Abœlardi opera, édit. Cousin, t. i, p. 1G. Ce n’est pas que la solution traditionnelle ne sc retrouve point, la phraséologie scolastique en moins, à une date antérieure. On la trouve en substance dans un sermon de Geoflroi Bablon, scolastique d’Angers, imprimé par Beaugendre, Hildcberh opera, col. 422, sous le nom d'Hildcbcrt de Lavardln ct conservé en manuscrit à la Bibliothèque nationale, n. 8133, fol. 30. En Orient, elle parait, durant la seconde moitié du xi· siècle, dans le dialogue de Samonas,évêque de Gaza, avec Achmcd le Sarrasin, Galland, Bibliotheca vet. Patrum, t. xiv, p. 225, dont la première partie a été publiée par Grctser dans sa collection des Opus­ cules de Théodore Abucara. Gretscri Jacobi opera omnia, Ratisbonne, 1741, t. xv, p. 400. Achmcd objecte A l'évêque la fraction du pain eucharistique : le Christ est-il un ou plusieurs, multiplié dans chaque parcelle de l’hostie ou identique sous chacune? Son Interlocuteur s'efforce, au moyen d’analogies ingé­ nieuses, celle du miroir brisé dont chaque fragment , rellètc l’objet, du discours dont l’unité indivise sc laisse saisir par tous les auditeurs, de faire entendre au sectateur du prophète que le mystère ne contredit pas ù la raison. Il termine en lui déclarant que la frac­ tion n’intéresse que les accidents sensibles du pain consacré; le corps immortel ct incorruptible échappe à ce morcelage : < Quand donc, dit-il, vous voyez diviser en parties le pain sanctifié, ne pensez pas que le corps du Christ soit divisé ou déchiré : μή νόμισες οτ< μερίζεται, r. χπησζάται, η διαιρείται το άχραντον έκεινο σώμα αθάνατον γαρ καί αφΟαρτον, και αδαπάνητο?, άλ).* τι μερισμός έστιν εκείνος τών αίσΟητών συμόεδηκότων μόνον μετά τδν αγιασμόν... »Cc texte, dont l’orthodoxie est d’une admirable précision, affirme deux choses : après la consécration, seuls les accidents—on remar­ quera le terme aristotélicien de συμδεβηκότων — su­ bissent une séparation de leurs parties; ces accidents demeurent donc objectivement, après comme avant la sanctification. L'évêque de Gaza s’exprime, A peu de chose près, comme le fera environ cinq siècles plus tard le concile de Trente · manentibus dumtaxat speciebus, sess. XII1, can. 2, De eucharistia. Aussi, le savant Le Qulcn, citant le passage de Samonas. Damasc. opera, t. i, p. 654, a-t-il raison de lui don­ ner cet cloge : Jlœc exactissima sunt ct utriusque Ecdestœ traditioni et doctrinœ consentanea. La même doctrine se retrouve dans les recueils de Sentences qui appartiennent A la période curieuse de 1 histoire de la théologie où celle-ci ne s’est pas 1380 encore dégagée du droit canon cl de In morale : Quamvis enim, écrit Guillaume de Champeaux, sacra­ menta ibi sint secundum fractionem et odorem et colo­ rem et saporem, tamen in utraque specie totus rst Chri­ stus. Sententia.* vel quœstioncs x/.i7/, édit. G. Lefèvre, Lille, 1898. Credendum est igitur, dit Λ son lour Anselme de Laon, quod species illœ franguntur, dentibus teruntur, res enim sacramenti, scilicet domini­ cum corpus integrum manet. Sententiœ, édit. G. Le­ fèvre, Millau, 1895. Dans la controverse contre Bé­ renger de Tours, rien n’est plus fréquent sous la plume des défenseurs de l’orthodoxie, que des assertions telles que celle de Lan franc . Cum divina pagina corpus Domini panem vocat sacrata ac mystica locu­ tione id agit : seu quoniam ex pane conficitur cjusque nonnullas HETlXb'1 qualitates... Op. cit., c. vi, xiv, xvii et possim. Paschasc Badbert écrira de même: Sapientia Dei Patris maluit hoc mysterium in specie panis ct vini PBfiMAXRRE quam in colorem et sa­ porem carnis et sanguinis demutari. De corpore et san­ guine Domini, x, 1, P. L., t. cxx, coi. 1305. Batramne n’est pas moins catégorique : Panis cl vinum prius exstitere; in qua etiam specie jam consecrata permaXERE videntur, De corpore et sanguine Domini, c. L1V, P. L·., t. cxxr, eo’. 149; Species creatura: quœ fuerat ante PEii.xtAxsissE cognoscitur. Ibid., c. xn, coi. 133. Le nominalisme eucharistique de Bérenger ne s’attaque pas moins ù la persistance des qualités du pain ct du vin, qu'au dogme de la transsubstantiation. On s’en convaincra en lisant ce livre d’un rare ennui qui a pour litre : Berengarii Turonensis de sacra cena liber posterior, signalé par Lessing dans la bibliothèque de Wolfenbültel et publié à Berlin en 1834 par A. F. ct F. Th. Visscher. L'hérésiarque attaque précisément chez Lanfranc l’assertion citée plus haut. Pour sa logique empiriste ct profondé­ ment imbue de nominalisme, la destruction de la substance entraîne celle des accidents : lia, si absu­ mitur per corruptionem subjecti in altari panis, ut caro esse incipiat per generationem subjecti, non sibi relinet, ut scribis, caro Christi, modo esse incipiens per generationem subjecti, nonnullas qualitates panis absumpti per corruptionem subjecti, QUIA CORRUPTO SÛRJBCTO, QUOD IX SUBJECTO EO ERAT SUPBRESSE Ql Af'U\fQUt RATIONB NOX l*Ol ΙΊr. Op. cit., p. 93, 171, 211 et passim. On remarquera l’erreur, due peut-être à la terminologie aristotélicienne, qui fait prendre à Bérenger la production du corps du Christ pour une génération; on observera en tout cas combien ce langage diffère de celui d’écrivains, tels que Lan­ franc, qui subissent plus profondément l’in fluence des Pères. L’archidiacre d’Angers, tributaire en cela de son devancier, Scot Érlugènc, oppose au principe d’autorité les droits de la raison. Lanfranc le calomnie: il saura apporter au besoin scs autorités, mais le raisonnement est un procédé de discussion infiniment supérieur : quamquam ratione agere In perceptione veritatis incomparabiliter superius esse, quia in evi­ denti res est, sine vecordiœ cæcilate nullus negaverit. Op. cit., p. 100 sq. Pour un homme sensé, mieux vaut périr en suivant la raison que s’incliner devant les seules autorités : nec sequendus in eo es ulli cordato homini, ut malit auctoritatibus circa aliqua cedere, quam ratione, si optio sibi detur, perire, /bid., p. 102. Un tel langage, accentuant les négations précises, au nom de la raison, en même temps qu’il devait créer un préjugé d’orthodoxie en faveur de la doctrine attaquée de la persistance des accidents sensibles, pouvait, croyons-nous, produire un double effet : je ter la sus­ picion sur la dialectique en coquetterie avec le ra­ tionalisme, ou bien déterminer,par une réaction tout opposée, un essai de justification rationnelle de la thèse même où la raison hautaine de l'hérésiarque 13«! EUGII A BISTIQUES (ACCIDENTS) ne voyait qu'une Impossibilité. N'est-il pas remar­ quable que le premier û formuler en termes de dia­ lectique la thèse des accidentia sine subjecto soit précisément un écolàlrc de cette célèbre école de Liège d’où sortirent des adversaires éminents de Bé­ renger, tels qu'Adelman, évêque de Bresse, jadis condisciple de l’hérésiarque aux pieds de Fulbert de Chartres, de cette école, précisément, dont les disputes eucharistiques, excitées par l’archidiacre, contribuèrent, d’après Gozechin, autre scolastique de-Llége,ù hâter le déclin? Epist.ad Walch.,c. xxix sq.» P. L·., t. cxi.m. C’est à l’autorité des Pères qu'en appelle l’évêque de Liège, Déoduln, dans sa lettre à Henri, roi de France, pour l’engager à refuser les honneurs d'un concile à Bérenger ct à son protec­ teur, Eusèbe Brunon. P. L., t. cxlvi, col. 1439. Gozechin se plaint de voir les partisans de l’héré­ siarque délaisser, dans l’exposition des mystères de la foi, la méthode prudente et respectueuse des Pères pour les détours tortueux de la dialectique. Op. cil., c. xxx. Adelman lui rappelle pareillement la recom­ mandation de leur maître vénéré, Fulbert de Ghartres : il faut marcher sur la trace des Pères; les suivre, c’est prendre la voie royale, P. L., t. cxi.in, col. 1289; aux humbles, tels que lui et Bérenger, il peut n’êlrc que salutaire de s’abriter à l’ombre des grands noms d’Ambroise, d’Augustin, de Jérôme. Ibid., col. 1291. Le cardinal Humbert, dans sa vigoureuse lettre à Eusèbe Bninon, lui remet en mémoire que le Christ, dont il tient son Église, a choisi pour propager i’Évangilc, non des sophistes i et des aristotéliciens, mais des hommes simples et dépourvus de culture:non per sophistas et aristotelicos, sed per simplices cl idiotas. Bibl. de Berne, n. 292, collection Bongers, cité par P. Brucker L’Alsace et Γ Église au temps du pape saint Léon IX, Paris, 1889, t. n, appendice. Enfin le moine Anastase, dans la belle lettre, publiée par Gcrberon dans son édition des œuvres de saint Anselme, Epist., evi, De sacr. ait., Opera omnia, p. 452; lettre qui,en raillant ces hommes charnels dont la folie est destructrice de la foi co quad mugis suis corporalibus oculis quam veri­ tatis attestationibus credunt, vise manifestement 1’empirisme eucharistique de Bérenger, fait profession de tenir en égal dédain le bavardage dialectique des écoles d’Aristote ct de Chrysippe et 1 éloquence cicéronicnne; il se contente de cueillir dans le jardin divin, les Écritures et les œuvres des Pères sans nul doute, ces fruits dont les racines glorieuses sont fixées au ciel : sed memento quia simpliciter /ructus carpimus in divino hortulo, quorum radices glorloste fixa* sunt in cado. Nous assistons ainsi au conflit de deux methodes, dont l’une, celle du passé, est un traditionalisme dont toute l’ambition est de se rattacher étroitement Λ la foi commune, énoncée par les Pères, dont i autre, celle de l’avenir, s’essayant à naître et s’implantant peu à peu, malgré quelques essais malheureux, est un rationalisme avide d’expli­ cations naturelles ct portant dans l'intelligence du dogme a\ cc l’amour du système un vif besoin de cohé­ rence logique. C’est parmi ces tendances opposées, qu’a dû se former peu à peu une théorie nette et pré­ cise des accidents eucharistiques. L'originalité de la scolastique, dans la matière qui nous occupe, comme en d’autres, consiste, croyons-nous, à avoir repris la question là où les Pères l'avaient laissée, à avoir posé des problèmes philosophiques, situés, il est vrai, dans le prolongement de leur pensée, peut-être meme dans celui du dogme, mais enfin, à côté desquels les Pères avaient passé sans les voir ou peut-être en les dédaignant. L’effort cul ce grand résultat de faire de la théologie une science cl de rendre possible, en la préparant, celle majestueuse 1382 synthèse de ha raison et du dogme qui s’appelle la Somme théologique de saint Thomas. Il est inté­ ressant de voir la raison aux prises avec les problèmes posés par la foi. 11 y a des solutions malhabiles, qu'elle quitte suc­ cessivement pour d’autres estimées meilleures; ta solution d’Alger, dont rinf.uence devait être si marquante en droit canonique par les emprunts que lui ht Gratien, ne s'imposa pas dès l’abord dans les écoles. On nia meme, comme il a été dit plus haut, la persistance des qualités sensibles, mais il semble qu’en général on ait commencé par leur chercher un support. Ce ne pouvait être le corps du Christ : Dicunt quidam, écrit l’auteur des Sentent i te divinita­ tis, quod in corpore Ctiristi remanent et corpus Christi sunt. Son tamen (ale est ad dextram, quale repraesen­ tatur, quia credimus quod sil longum, spissum, habens easdem dimensiones quas et alius homo. Siculi post resurrectionem apparuit in specie peregrini, cum pere­ grinus non esset. Op. cit., p. 134. On se rappellera que la Summa sententiarum, attribuée à Hugues de Saint-Victor, disait de même : Nec audemus dicere quod insint corpori Christi. Non enim habet corpus Christi rotundam figuram in se, sed qualem in judicia visuri sumus. Loc. cit. Abélard imagina de leur donner comme substrat l’air atmosphérique; c'est la neu­ vième erreur que saint Bernard signale dans la Theologia Christiana : De speciebus panis et vint quirritur, si sint modo in corpore Christi, sicut prius erant ni substantia panis et vini, qiue versa est in corpus Christi : an sint in acre. Sed verisimilius est, quod sint in acre, cum sint in corporc Christi sua lineamenta, ct suam speciem habeat, sicut alia corpora humana. Abxl. opera, édit. Cousin, t. ir» appendice, p. 768. Epitome theologiae Christianae, qui indubitablement est d’inspiration abélardiennc, s’efforce de rendre acceptable cette opinion, au moyen d'analogies : Si enim nolumus dicere, quod illius corporis sit hæc forma, possumus satis dicere, quod in aere sil Hia forma..., sicut forma humana, in acre est, quando angelus in homine apparet. Ibid., p. 580. La même opinion apparaît dans les sen tent iaircs, étudiés par le P. Déni fie et composes à Bologne, vers le milieu du xn* siècle. Archio fur Literatur und Kirchengeschichle. des Mittelatlcrs, Berlin, 1.885, t. i, p 403 sq. Seul, celui de Boland Bandinelli ne la mentionne pas. Die Sentenzen Polands, édit. Gictl, Fribourg-cnBrisgau, 1891, p. 234, note 11. Vraisemblablement, la condamnation de la théologie d'Abélard au con­ cile de Sens en 1141 dut avoir pour eflct de la faire abandonner. Déjà les Sententia· divinitatis, dont la composition est certainement postérieure à celte condamnation, introduisent la solution d’Abelard, par la formule alii dicunt : AUI dicunt, quod in cor­ pori Christi non remanent, sed in praejacenti acre, sicuti de angelo qui loquitur in acre, qui videtur esse homo ct formam hominis habere, cum tamen non est homo, nec formam hominis habet, sed in acre est forma illa. Op. cit., p. 134. A partir du Lombard, on peut dire qu elle n’est plus citée que pour mémoire : A’c mireris vel insultes, écrit-il, si accidentia videantur frangi, cum ibi sint sine subjecte, licet quidam asserant ea fundari in aere. Sent., L IV, dist. XII; S. Thomas, Sum. theoh, III , q. L\xvn,a. L Gabriel Biel la refute encore : Post consecrationem, non inhirrcnt acciden­ tia. .. acri circumstanti ; quiu hic est locus specieruin; locus autem non est subjectum locati, tn IV Sent., I. IV, dist. XII. q. i, a. 2. Du reste ni le corps du Christ, ni l’air ambiant ne pouvaient jouer le rôle de sub­ stance par rapport aux espèces sacramentelles. La solution était en opposition formelle avec l’axiome : Accidens non migrât de subjecto in subjectum, et, de plus, les accidents du pain eussent qualifié leurs I3S3 E L’ C H A K IS TI < ) U E S (ACCII) E N T S ) nouveaux sujets : Accidens omne denominat suum subjectum. .Aussi, la solution qui renonçait à expliquer la per­ sistance des accidents par une forme quelconque de causalité matérielle, pour la rapporter uniquement à l’effic cnce divine, rallia très tôt les préférences des maîtres orthodoxes. A partir d’Alger, elle ne cesse pas de se faire entendre par la voix des théologiens H des préd.catcurs; rentrée en scène des grands scolastiques du xin· siècle mi assure la prépondérance définitive; saint Thomas la fera pénétrer dans la liturgie par les leçons du second nocturne de la fêle du saint sacrement, et le catéchisme romain, en l'accueillant dans sa leçon sur l’eucharistie, lui donnera une sorte de consécration officielle. Cat. /ton., part. H, c. iv, Anvers, 1611, p. 191. Toutefois, elle rencontra des contradicteurs dès le xi· siècle. Il sc trouva des génies étroits, tels que cet abbé Abbaud, exhumé naguère par Marlène, qui, pratiquant un libéralisme effrayant et s’attachant au texte de la confession de foi exigée de Bérenger au concile de Rome en 1059, prétendit que le corps du Christ était réellement rompu par les mains des prêtres : scnsualiler non solum in sacramento, sed in veritate manibus sacerdotum tractari, frangi et fidelium dentibus atteri, Mansi, I Concit., Venise, 1730 t. xn, coi. 46, et, pour mieux réfuter Abélard qui prétendait circonscrire la fonction aux seules espèces, déclara impossible la persistance des accidents isolés : Cogitaveram et illis aliqua | respondere, qui dicunt ipsum corpus non frangi, sed in albedine ejus et rotunditate aliquid factitari sed reco­ gitans ineptum esse in Evangelio Christi dc albedine et rotunditate disputare, amaturis talia auribus dimovens, dialecticis aut certe pueris talia permisi, praesertim cum quivis facile videat albedinem seu rotundi alem ab ipso corpore, quod v?l album vel rotundum est, separari non posse, ita ut ab ipso non fracto lute per se singula­ riter non frangantur, P. L·., t. clxvi, coi. 1317. Gautier de Saint-Victor injurie Abélard et l’assimile à Béren­ ger, du Boulay, Hist. univ. Paris., t. if, p. 648, pour avoir rejeté avec beaucoup de bon sens la fraction substantielle qui, longtemps avant saint Thomas, sera écartée comme imposs blc par la masse des théolo­ giens : Isle (Abœtardus) inquit in sacramento tantum. Sed scorpionis more præmillil blandum caput, dum dicit vere, sed « in sacramento tantum», statim subjungens; toutefois les extraits de l’œuvre de Gautier, publiés par du Boulay, ne nous permettent pas d’affinner qu’il ait, comme Abbaud, nié la possibilité des acci­ dents sans sujet. Ce qui est certain, c’est que la solution classique se perfectionna peu à peu et qu’elle ne sc présenta pas des l’abord avec une cohérence logique parfaite. Il semble bien qu’il y ait eu des docteurs pour répudier toute fraction réelle et s’en tenir à une Illusion pure­ ment subjective de la vue; on ne voit pas qu’ils aient, pour autant, nié la réalité objective des qualités sen­ sibles. Hugues de Saint-Victor, Summa sentent., tr. V, c. vin; le Lombard, Sent., 1. IV, dist. XII; saint Thomas, Sum. thcol., III·, q. i.xxvu, signalent cctte opinion sous deux formes différentes et la réfu­ tent par le principe dc saint Ambroise : Nihil falst putandum est in sacrificio veritatis : sicut fit in magorum prxstigiis, ubi delusione quadam falluntur oculi ut vi­ deant esse quod non est. Impossible d’admettre que les auteurs dc cette opinion singulière entendaient parler seulement d’une fraction apparente par rapport au corps du Christ. Les analogies dont Ils sc servent et le soin qu’ils prennent dc montrer que leur opinion n’implique pas une déception, obligent à penser qu’ils considéraient toute fraction perçue par les sens, comme pure apparence subjective : Frangitur quantum ad vbum, écrit Ognibcnc, sicul diccbalur Joseph paler 1384 Christi: ergo deceptio aut illusio ibi est. Non sequitur, quia hoc non fit ad decipiendum, sed ad aliquid magnum significandum. GietI. Die Scnlenzen Rolands, p. 233, note. L’autcur des Scntcntuc divinitatis dit pareil­ lement : Videtur frangi et non frangitur... sicut in speculo apparet forma hominis et non tamen est et baculus videtur fractus in aqua et tamen non est. II prévient l’objection : Si dicatur : Ergo est ibi præslrgium vel delusio : falsum est quia Ha roborata est Ecclesia in fide, quod bene credit, quia non frangi­ tur, non atteritur, etsi videatur, slcuti videmus ibi panem et vinum et nullo modo ibi est. Op. cit., p. 134. Les mêmes incertitudes, contradictions et impré­ cisions de pensée s’observent dans les réponses données à la question: Quœritûr de corpore Christi quod a mure invenitur ac roditur, utrum sit corpus Christi ? DieScnlenzen Rolands, p. 234. La question parut em­ barrassante à Alger; il incline à nier la réalité de cette sorte de profanation, comme celle de toute putres­ cence et moisissure des espèces; ce qui l’arrête, c’est une objection métaphysique à laquelle l’évolution successive dc la théorie des accidents sc chargea de répondre :...cum illœspecies sine punis et vini substantia sint, quomodo mucescere aut putrescere magis quam digeri possint, non facilis patet causa. De sacram., J. II, c. i, édit. Malou, p. 227-228. Même embarras et même négation chez Guitmond d’A versa : Quod si aliquando velut corrosa (sacramenta) videantur, quod nunc de hortulano, de peregrino, vel leproso diximus, responderi potest, id est, non esse corrosa; sed vel ad puniendam seu corrigendam ministrorum negligentiam, vel ad probandam eorum, qui hoc viderint fidem, in tali specie posse videri. Dc sacramento, édit. Vlimmcrius, p. 48 sq. Les premiers sommistcs nièrent en général que le corps du Christ fût atteint par la dent des rongeurs; il délaissait miraculeusement les espèces : item, quærllur, dit Ognibcnc, si a muribus sumatur quando negligentia sacerdotum remanet. Non credimus, sed desinit esse ibi. A Ia demande: Qu*cst-cc qui sert dès lors dc pâture à ces animaux, il répond : Quod comedit mus, nescio. Die Scnlenzen Rolands, p. 234 n. 11. Pierre Lombard ne parlera pas autrement : A brutis animalibus corpus Christi non sumitur, etsi videatur. Quid ergo sumit mus, vel quid manducat? Deus novit. Sent., I. IV, dist. XIII. Hugues dc Saint-Victor répète à peu près l’explication dc Guitmond d’Avcrsn, De sacram., 1. II, part. VIH, c. xn. Dans le manuscrit de Saint-Florian, il y a une ébauche dc solution positive qui sc fera recevoir pendant quelque temps; l’auteur, après avoir nié que le corps du Seigneur soit rongé par la dent des bêtes, ajoute : Sed propter ignaviam sacer­ dotum, subtrahit se Deus illis et supponit aliam spe­ ciem, ut melius sibi caveant. Die Scnlenzen Rolands, p. 234, n. 11. Cette alia species, c’est sans nul doute une substance créée miraculeusement et, s’unissant aux espèces là où clics paraissent incontestablement ali­ menter des organismes, ou se corrompre avec produc­ tion dc substances nouvelles. C’est la solution proposée par Innocent IH : Sicut miraculose substantia panis convertitur, cum corpus dominicum incipit esse sub sa­ cramento, sic quodammodo miraculose revertitur, cum ipsum ibi desinit esse : non quod illa substantia rever­ tatur quod transivit in carnem, sed quod epis loco alius miraculose creatus, quamvis huius accidentia sine sub­ jecto possunt sic corrodi, sicut edi. De sacro altaris my­ sterio, I. IV. c. xt, Bois-le-Duc, 1846. Saint Thomas adoptera cette dernière opinion, dont le principe aurait été émis déjà pour Pierre dc Poitiers dans scs Sen­ tences : ...Quod corruptionem aliquam innuens de Christi corpore dicitur, non ad Ipsum essentialiter sed ad formam est referendum. Seni., I. IV, c. xn, P. L., t. eexi; il rejettera par contre, comme impossible, le 1385 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) retour miraculeux des substances transsubstantiées, et comme injustifiée la création d'une matière nou­ velle, S. Thomas, Sum. theol., II!·, q. lxxvii, a. 5, alors que son illustre devancier, Alexandre dc Halés, avait encore admis le retour, soit dc la substance, ou du moins dc la matière primitive : sicut dicitur dc co­ lumba, in qua apparuit Spiritus Sanctus, Matth., iv, dicitur enim quod peracto officio suo in prxiaccntrm naturam rediit (unde sumpta est) similiter dicitur de stella magorum, qua peracto officio, mox esse desiit, revertens in praejacentem naturam unde sumpla erat. Fl i) citait en faveur de cette opinion naïve la Glossc et l'IIistoire scolastique dc Pierre le Mangeur : Hoc dicitur in Glossa et a Magistro in Historia. Sum. thcol., part. IV, q. x, m. vin, a. 2, § 2, resol., et § 4, resol. Ces incertitudes et ces demi-solutions permettent dc mesurer le progrès que le ferme génie dc saint Thomas ht faire ù la théorie des accidentia sine subjecto: Il lui donna cette puissante organisation logique, cette ri­ gueur vigoureuse avec lesquelles elle sc présente dans la q. lxxvii dc la IIIe partie dc la Somme thtologique. Ce qu’Algcr avait renoncé ù comprendre, Thomas l'expliquera aisément, a. 4, G; ce qui était chez le sco­ lastique de Liège conjecture timide, vérité seulement entrevue dans un demi-jour encore douteux, sc trans­ formera chez l’ange dc Γ École en réponse catégorique toujours lumineuse et parfois hardie. Qu’on examine, par exemple, q. i.xxx, a. 3, ad 3“*·, de quelle vive façon il congédie l’opinion posant que le corps du Christ déserte mystérieusement les espèces, au premier contact d’un animal vil. Lui, si pieusement jaloux d’épargner à la foi chrétienne les railleries des infi­ dèles, il n’éprouve aucune des craintes qui font dire au doux Bonaventure : Videtur opinio quae dicit quod defertur corpus quousque species deferuntur nimis ampla; quia tunc in ventrem trajiceret et in cloacam descenderet quod aures pix, c< si diceremus, haeretici et infideles deriderent nos et irriderent. In IV Sent., I. IV, dist. XIII, a. 2, q. n. C’est lui qui développe logi­ quement dans le sens dc la métaphysique réaliste, héritée d’Aristote, la réponse donnée longtemps avant lui, il faut bleu le remarquer,au problème des espèces eucharistiques. Chez lui, cette réponse prend les tonnes d’un système cohérent, où les questions s’amorcent les unes les autres et sont résolues en fonction à la fois du dogme dc la transsubstantiation et d’une philo­ sophie naturelle dont les solutions et les conceptions s’adaptaient sans trop de peine à l’expression de ce dogme et dc scs conséquences logiques II serait injuste, toutefois, de ne pas reconnaître que scs devan­ ciers lui ont préparé les voles. La solution ù laquelle s’arrêta frère Thomas sc retrouve en substance chez Alger de Liège, chez l’auteur du Brevis tractatus de sacramento altaris, parmi les Œuvres d’Hildebert, édit. Beaugendre, col. 1106, chez Hugues de Saint-Victor, toc. cit. ; Guillaume de Saint-Thierry, Dc sacram, altaris, c. ni. P. L., t. ci.xxx.col. 343; Robert Pulleyn, Sent, libri octo, 1. VIH, c. v, P. L., t. clxxvi, col. 966; Pierre Lombard, toc. cit. ; S. Martin dc Léon, Serm., XX!, in cena Domini, P. L., t. ccvin. col. 839; Pierre de Celles, Serm., xxxvi, P. L., t. ccii; Serm., xxxvm, col. 757 : Sacramenti cortice operto écrit ce dernier, corpore sancto Christi reficiam in via; Pierre de Blois lui emprunte ù la fois l'image et la théorie qu’elle est destinée ù illustrer : Veritatem ergo rei percipimus sub quodam velamento speciei, sub quodam cortice sacramenti, Opera, édit. J. A. Giles, Londres, t. iv, p. 83; dans sa lettre exi ·, adressée à Pierre, clerc du roi d’Angleterre, il s’exprime, touchant l'eucharistie, dans un langage d’une précision parfaite : Et utt gratia exempti, tn uno sacramentorum videas abyssum profundissimum et humano sensui impcrceptibitcm, pane et vino iHASSSVOSTantiArts virtute verborum cidestium 1386 tn corpus et sanguinem Christi, accidentiaqure prius ibi fuerant, sine subjecto remanent et apparent. Ibid., t. n, p. 43. Alain de Lille, dans ses Regulae theologici?, groupe autour de l’opinion des accidentia sine subtecto les opinions différentes défendues dc son temps; son texte oflrc ainsi une sorte dc synopse dc la question, Reg.t 117, édit. Jo. A. Mingarclli. A need. fasciculus, Home, 1756, p. 248-219; Contra lueret. I. /V, I. I, C-lvih, P. L., t. ccx, col. 361 ; Pierre dc Poitiers, disciple du Lombard et successeur dc Pierre le Mangeur dans l’office dc chancelier de l’université de Paris, à laquelle il occupa durant trente-huit ans la chaire dc théo­ logie. adopte dans scs Libri sententiarum quinque, l’opinion dc son illustre maître. Dans sa Somme, la méthode scolastique apparaît en progrès : les ad hoc objicitur sont fréquents. Il discute tour à tour les diverses solutions et éclaire son choix par cette com­ paraison préalable : Alii verius dicunt quod panis essentialiter vi verborum fit corpus Christi, nunquam tamen panis ille erit corpus Christi et sunt illa acci· dentia sine subjecto. Quomodo sit, penes illum est qui hoc pnlcst. Sent., 1. V, c. x, P. L., t. ccxr, coi. 1212. Les accidents servent à voiler le mystère : Ipsum vero corpus non essentialiter videtur, nisi m sacramento, id est, in forma illa panis extrinseca, quæ visui se offert velans mysterium, ibid.; le corps du Christ est caché sous les espèces : Xon videtur corpus Christi, sicul née manus sub cappa. Ibid.,co\. 1242. Le cardinal Hugues dc Saint-Cher reprendra celte gracieuse comparaison : Nota quod non videmus proprie corpus Christi tn al· tan, sed videmus ipsum velatum : sicul non videmus aliquem qui circumdatus est tapa sua. In Epist. D. Pauli, Opera, Lyon. 1669, t. vu. On trouvera encore la meme solution chez Baudouin deCantorbéry, P.L.. t. cciv. col. 493, 678-680; Innocent HI, op. cil., 1. IV, c. ix; Guillaume de Paris, op. cil., t. i, p. 434. Chez ce dernier, plusieurs questions dénotent un progrès marqué. Comme Alain de Lille, Il semble admettre qu’un accident peut servir de sujet à un autre : Qu.tdam sunt accidentia qux per alia accidentia insunt sub­ jectis : quædamqua non per alia. A cette seconde classe appartient la blancheur, mais, touchant la fraction de l’hostie, il écrit : ibi est fractio el aliquid est ea fractum, quia fractio inest substantiae mediante continuitate; unde cum sil ibi continuitas, vere dicitur quod ibi esi fractum aliquid fractione illa. In l\ Sent., tr. V, édit. François Régnault, Paris, fol. 19. Il discute longue­ ment la question dc savoir si les accidents peuvent nourrir: il est très catégorique surtout sur la thèse essentielle : Secundum naturam sunt ibi accidentia sine subjecto : ut color, sapor, rotunditas et hujusmodL Hoc autem est supra naturam, sed non supra intelle­ ctum : quia intellectus bene intetligil accidentia sine subjecto : potentior enim est Deus in onerando quam intellectus in inlelligendo. Ibid., fni. 18. Les accidents voilent le corps du Christ: celui-ci n’est qu’indlrectement visible : videtur (amen secundum quid, quia videtur velatum. Voir une main gantée n’autorise pas à allirmer sans restriction qu’on voit une main : Sed non sequitur : ergo videtur, sicut non sequitur : iste videt manum cirothccatam istius : ergo videt manum istius. Ibid., fol. 19. Nous aurions, sans nul doute, rencontré des théories analogues dans les Sommes du magister Præpositlnus et de Roland dc Crémone, le premier maltre de l’ordre dominicain, ù l’université de Paris, vers 1229, et qui devait, plus tard, se mon­ trer hostile ù saint Thomas. Malheureusement, leurs Sommes demeurent toujours inédites. Il importait dc signaler cette tradition scolaire qui, sans interruption notable va d’Alger dc Liège ù Thomas d’Aquin. . Albert le Grand, dont saint Thomas ne fera que développer les principales solutions, sera vraiment en droit d’écrire ;Cum igitur secundum opinionem uh LS- 1387 El GU Λ R IS T IQ L ES (ACCIDE N Ί' S ) 1388 ci si sors catholicam, formæ illa: maneant tion suivante : Item quod /acere accidens sine subjecto sine subjecto, dico quod per se possunt agere et pati habet rationem impossibilis implicantis contradictio­ admixtionem et putrefactionem et per sc in aliud subje­ nem, ut credimus in eucharistia. P. Lombard, Sent., ctum transferri. In IV Sent., 1. IV, dist. X1I, a. 10» Opera, Lyon, 1529, fol. 126. Le P. Mandonnct, qui réédite, Lyon, 1651, t. xvr. En le lisant, on s’aperçoit avec en les groupant, les propositions condamnées par plaisir qu’il pose la plupart des principes dont s’inspi­ Tempier, omet, sans doute parce qu’il fait défaut dans rera son Illustre é éve : les acc dents existent miracu­ les manuscrits, le membre de phrase ut credimus, etc. leusement sans sujet, bien que tota philosophia videa­ Il a, en tout cas, raison de compter notre proposition tur esse contra, ibid., a. IG; les objections confondent et les autres errores de accidente, figurant au c. xv, de l’appendice de l’édition lyonnaise des Sentences de l’essence de l’accident avec son inhérence. Posés mira­ 1529, parmi les errores in theologia. P. Mandonnct, culeusement» sans sujet, les accidents sont, par euxSigcrde lirabant, dans Les philosophes belges, Louvain mêmes aussi, principes d’action et termes d’altérations; 1908, t. vn, p. 189 sq. Il est évident, en effet, que la enfin et surtout, la quantité sert de soutien aux autres condamnation de la proposition en question est duc à accidents, et cette dernière proposition demeurera des préoccupations d’ordre dogmatique. En la frap­ partie intégrante de l’orthodoxie thomiste en la ma­ pant, Étienne Tempier ct les théologiens de l’univertière. N’cst-cc pas, en résumé, Λ peu près toute la sub­ sité de Paris ont dû penser au sacrement de l’cuchastance de la question lxxvii· de la IIIe partie de la rislic. La proposition incriminée faisait-elle partie des Somme théologique? thèses averroïstes de Slgcr de Brabant? L’auteur 2° Contemporains et successeurs de saint Thomas. — Inconnu du De erroribus philosophorum la signale dans Il nous reste à montrer brièvement que les maîtres l’œuvre de Rabbi Moises Maimonide, au 1. 111 du contemporains de saint Thomas ou ses successeurs de Dr expositione legum ou Sepher Miçvoth, c. xv. Man­ quelque renom défendirent en général les mêmes donnct, op. cit., p. 23. Parmi les choses Impossibles doctrines. Sauf Indication contraire, nous renvoyons pour la puissance divine, dit l’auteur anonyme, Mai­ désormais aux commentaires sur la dist. XII· du IVe livre des Sentences du Lombard. monide range l’accident sc soutenant sans sujet ct, pour avoir soutenu la contradictoire, il dit de certaines Le premier que nous ayons à signaler est Hugues gens, qu’il appelle les séparés, qu’ils ont ignoré la vole de Saint-Cher, mort environ dix ans avant saint des sciences enscignables : niant disciplinalium scien­ Thomas (1263). Sa Somme sur les Sentences est tiarum. Cc qui prouve la parfaite fidélité de l'auteur demeurée inédite. Mais nous avons son commentaire sur la P· Ép.tre aux Corinthiens. Il contient en sub­ du De erroribus, c’est que nous lisons E*s mêmes affir­ stance un traité sur les accidents eucharistiques et mations, sous la plume de Maimonide, au 111 du la transsubstantiation. Il nous a paru que Hugues a More Nevochim. Au c. xv, après avoir cité quelques largement mis ù profit la Summa aurea de Guillaume propositions, qui secundum omnes magistros specu­ d’Auxerre elles Sentences du Lombard. Pour Hugues, lationis, sine contradictione sunt ex numero impossi­ le sacrement est plein de miracles. Parmi ceux-ci, bilium, Il ajoute : Verum, utrum facere possit (Deus) ut Il faut compter quod forma remanent et faciunt illud existât accidens solum extra substantiam? Id ab ali­ quod faceret substantia panis et vini. Ceux qui admet­ quibus, ut a secla Muatzall, habetur possibile (ccs tent une fraction, sans matière fragmentée, deci­ Muatsali, cc sont les separati de l’auteur anonyme); piuntur, nescientes distinguere inter accidentia, qua ab aliis vero impossibile; quamvis non sola speculatio immediate sunt in substantia et alia aux insunt mediate. illos qui airman! existentiam accidentis extra subje­ Hugues signale encore l’opinion depuis longtemps ctum, ad hoc statuendum induxerit : sed observatio et abandonnée d’Abélard : Dixerunt tamen aliqui quod reverentia quarumdam rerum legalium ipsis extorsit, erant in aere circumjuso. Les espèces seules sont brisées hoc effugium. Doctor perplexorum, édit. J. Buxtorf par le prêtre: In sacramento sic fil. Enfin, au scru­ fils. BAlc, 1629. pule : Discutere non permittitur. Quid est ergo quod La réflexion de Maimonide contient une part de quotidie audemus disputare de corpore Christi? II vérité; cc sont des conceptions religieuses (legalium) répond en vrai scolastique : Solutio. Non permittitur qui ont fa t choisir des positions philosophiques, discutere rationibus naluræ, sed aliis bene. Op. cit., défendues ensuite par le seul secours des lumières t. vu, p. 101 sq. naturelles. La raison sert ainsi le dogme révélé. Par L’opinion de Henri de Gand sur les espèces eucha­ la condamnation prononcée par Étienne Tempier, ristiques se trouve renfermée, non dans sa Somme, le pouvoir ecclésiastique, pour la première fols, mais dans ses Quodlibcta, une des œuvres les plus croyons-nous, prend nettement position contre originales du χπι· siècle. Henri semble admettre que une philosophie malaisément conciliable avec le la doctrine, devenue commune à son époque, celle dogme eucharistique. On conçoit que le docteur qu’Albert le Grand appelait celebrior et magis catho­ solennel ait pu caractériser la position de Maimo­ lica, constitue un point de foi. Los espèces ne touchent nide par les mots : cujus contrarium tenet fide*. pas le corps du Christ; s’il en était ainsi, elles appor­ Du reste, dès cette époque, il semble que des théotiendruient à ce corps ct ainsi elles ne seraient plus oglens trop zélés sc soient laissé entramer ù des exaper se subsistentes sine subjecto, cujus contrarium . gérations manifestes. C’est cc qui ressort d’un texte tenet fides. Quodlib., I, q. v, Paris, 1518. Ailleurs, très intéressant de Godefroid de Fontaines, chantraltant la question : Utrum de speciebus sacramenti cellcr de l’université de Paris, dont le thomisme est possit generari vermis, argumentant en faveur de la d’allures très indépendantes. Discutant la quest on : négative. Il écrit : sed in illis speciebus non est materia Utrum alicui accidenti conveniat per xatvra m habere subjtcia, quia sunt sine materia, secundum fidem. Ergo. esse sine sublecto. Il conclut en disant : Cum erqo Quodlib., VIII, q. xxxvi. summe difficile sit inlelligerc quod quantitas et quodL’opinlon défendue par Henri de Gand se présencumgue accidens in saeramenlo altaris (n virtute divina tait donc Λ son époque comme l'expression de l’or- I potest esse sine subjecto, mirabile es quod aliquis thodoxie même. Créé docteur en théologie en 1277, theologus audet dircre quod accidens rcale verum et Henri enseignait certainement ά Paris, vers Pâques de aliam rem dicens quam substantiam vel quodeumque l’apnée 1278. Quodlib., HI q. xxvm, (n fine. Or, parmi aliud accidens wwnuM \atvham possit esse sine les erreurs condamnées par Étienne Tempier, évêque subjeefo. De Wulf-Pclzer, Les quatre premiers Quolibets de Paris, le dimanche de laetare de l’année 1276, on ' de Godefroid de Fontaines, dans Les philos, belges, Loulit, sous le titre de : Errores de accidente, la proposl- I vain, 1904, p. 44. Toutefois le docte soibonniste ne rrîorf.m 1389 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) 1390 s’écarte pas,sur la question des espèces eucharistiques, tion des qualités sacramentelles : Si ergo introducatur de ’enseignement commun de son temps. On s’en con­ tor ma substantialis, oportet quod hoc sit concurrente vaincra en lisant la question xxir de son IV·Quolibet. actione divina, vel potius hoc principaliter laciente. Et On y trouvera la thèse purement thomiste : la quan­ il reste fidèle à son principe, ce qui l’oppose ici à tité, quia immediatius adhieret materia et subslantiie, 1 lenri de Gand ct à saint Thomas : si les espèces eucha­ magis participat modum substantia, ut per se esse ristiques nourrissent, si en se corrompant elles engen­ possit : non tamen lia perlecte habet modum substantia drent des substances nouvelles, c’est grâce à un retour sive participat, quod sic per se esse possit virtute ou à une production miraculeuse d’une matière : naturali, sed virtute divina Ipsam sine subjecto con­ Oportet quod de novo ibi fiat materia, virtute divina ad servante. Ibid., p. 299. hoc, ut fiat nutritio. Saint Thomas suppose que la On s’attend bien ii cc que des thomistes fervents, tels quantité des esnèccs eucharistiques peut être natu­ que Gilles de Borne, Pierre de Tarcntalse, répètent sur rellement détruite par division de parties, loc. cit^ la question l’essentiel de la synthèse thomiste. Il en a. 5, in corp, ct ad 3u·; pour Durand, la destruction de est de même de l’auteur inconnu du Scntcnliairc qui la quantité ne peut être que miraculeuse; Il ne faut pas porta longtemps pour titre : Sancti Thoma ab Aquino craindre de parler d’annihilation : Nec est hoc apud scripta ad Hannibaldum episcopum super qualtuor Deum inconveniens, quod aliquid per eum cedat in libros Sententiarum; il ne contient qu'utr résumé de nihilum, sicut omnia per ipsum jacta sunt ex nihilo. l’écrit authentique du saint sur les Sentences; nous Cette phrase prend des allures de défi pour qui sait le croyons, avec le P. Mandonnct, que cct écrit est du religieux respect avec lequel ses devanciers avaient cardinal Anlbnld mi-même; mais il a été faussement répété l’axiome de saint Augustin : Deus non est attribué au docteur angélique bien longtemps avant causa tendendi in non esse. S. Thomas, Sum. theoL, 1560, puisqu’il a été imprimé avec celte fausse attri­ III·, q. ixxv, a. 3. On y reconnaît le génie indépen­ bution dans l’éd.tion de Bâle, 1492. Cf Revue tho­ dant de celui qui osa écrire dans sa préface au com­ miste, mai-juin 1910, p. 298. Gilles de Lcssincs, un mentaire des Sentences : Nos Igltur plus rationi quam autre thomiste, mentionne en passant, l’opinion com­ auctoritati humanæ consentiezes, nullius puri hominis mune dans son De unitate lormœ, composé en 1278. authorHalem rationi prir/erimus. I De Wulf, Le traité De unitate forma de Gilles de Pierre de la Palu, le dernier thomiste de cette période dont nous nous occuperons, traite plus lar­ • Lesslnes, dans Les.philos, belges, Louvain, 1901, p. 15. gement encore la question purement philosophique. Le docteur résolu ne s’écarte pas notablement des Toute la q.n*de la dist. XII est consacrée à l’examen thèses traditionnelles. Il traite à part, comme avait I fait déjà saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XII, de la séparabilité des diverses espèces d’accidents : abso us, relatifs, quantité discontinue et continue : le q. 1, le problème purement philosophique, celui que temps et le discours (oralto) sont-ils séparables? Maimonide et la proposition fnippée par 1 évêque de I Pans en 1276 tranchaient par la négative : Utrum Même discussion par rapport aux accidents perma­ nents et successifs, aux diverses espèces de la qualité. Deus possi' /acere quodlibel accidens sine subjecto. On C’est une revue comp ètc des catégories aristotéremarquera le quodlibet ; de saint Thoma* à Durand lic.enncs de /accident. Du Boulay et saint Antonin de Salnt-Pourçain, es problèmes vont s’élargissant ct avaient raison, le premier en décernant à Paludanus le sc dilatent en quelque sorte par intussusception de titre de disputator acutus, le second en recommandant questions nouvelles. Durand distingue entre les acci! dents absolus et es accidents iclatifs, les prenVers la lecture de son commentaire au III· ctau IV· livre séparab es les seconds inséparables d’un support sub­ 1 des Sentences, comme une excellente école de casuis­ tique. Sur Je point essentiel,de la Palu est net et précis: stantiel; le nombre, la mult tude, n’étant que des Respondeo : communis oplnlo omnium catholicorum modes des substances, sont inséparables; le change­ est hic esse accidentia sine subjecto. Il propose ensuite ment local est inséparable de son sujet immédiat, la trois explications différentes de la thèse qui, toutes, quantité; le mouvement d’altération l’est pareille­ concordent dans la négation de la présence de la ment de la qualité altérée. Pour Durand, la qualité substance comme substrat naturel des accidents. La est aussi séparable de la quantité que celle-ci l’est de première, très originale, semble appartenir à Gode­ la substance. Les nominalistes se souviendront de froid de Fontaines. Au moins, l’édition du commen­ cette opinion de Durand, lorsqu’ils nieront que les I accidents eucharistiques ont pour sujet immédiat la taire au IV· livre des Sentences de Pierre de la Palu, quantité cl qu’ils multiplieront les subsistances mira­ publiée à Salamanque en 1552, porte-t-elle ici, en marge, une référence au Quolibet VIII· de Godefroid, culeuses en posant que les qualités subsistent chacune avec sa quantité propre, différente de celle de la subq. xvit·, appartenant malheureusement à la partie de ! stance convertie au corps du Christ. Ils oublieront ainsi l’œuvre de Godefroid restée Inédite. D’après cette un principe excellent, posé déjà par Henri de Gand, opinion, les accidents du pain ct du vin demeurent I Quodt., VIH, q. xxxvi, appliqué tacitement par saint inhérents, non à l’essence,mais à l’existence du pain et Thomas, Sum. thcol., III·, q. lxxvii, a. 5, le principe du vin, qui persiste après la transsubstantiation. On d’économie en matière d*interventions surnaturelles : entrevoit le rapprochement possible avec l’explication Semper enim, dit le docteur solennel, qui s'appuie ici donnée par les thomistes de l’union des deux natures Isur saint Augustin, quod potest pont absque miraculo dans le Verbe dont l’existence demeure unique; l’au­ (n talibus, melius est ascribere natura omnino quam teur de cette opinion, quel qu’il soit, en tirait argu­ miraculo omnino, aut partim natura: et partim miraculo, ment, â cc qu’il paraît : Sed videtur magts facti bile esse et ce lui est un motif pour affirmor que les espèces, en sine essentia, quam e converso. Sed Deus in incarna­ sc corrompant, peuvent donner naissance ù des vers, tione Verbi fecit essentiam humanitatis sine suo esse. sans un retour miraculeux de la matière transsubErqo multo magis potest hic /acere esse substanfiie panis stantiéc. Durand toutefois ne rejette pas la thèse tho­ sine essentia, ut sicut est Ibi assumpta essentia, non miste : Qualitates manentes in hoc sacramento sunt id autem esse et non manet : sic e converso hic conversa Ipsum quod prius erant et in eodem subjecto proximo potest esse essentia et non manet, et non conversum esse sunt In quo prius erant, scilicet in quantitate. Il inter­ manebit. Nous serions vivement surpris que celte opi­ prète à sa manière le principe de saint Thomas : nion ait appartenu Λ Godefroid, qui passe communé­ Accidentia remanentia relinent actionem substantia:, ment pour un adversaire déclaré de la distinction réelle loc. cit., a. 8, en attribuant ù Dieu la causalité prin­ do l’essence ct de l’existence. La seconde opinion, cipale dans la production de la substance, due Λ l’ac­ attribuée par la référence marginale à Henri de Gand, 1391 E U CIIΛ RI ST IQ UES ( Λ C CI DE N T S ) Qtiodl., IV, q. xxxvî, attribue la subsistance des acci­ dents à une vertu positive qui leur serait conférée surnalurcllemcnt. Pierre de la Palu la rejette ainsi que In précédente. Le passage de Henri de Garni, mentionné par de la Palu, peut effectivement s’interpréter comme le fait celui-ci; mais, d’après les tcxtes.il semble don- ' teux que l’opinion de Henri ait été réellement diffé­ rente de celle pour laquelle se décide en dernier res­ sort le doctor egregius lui-même : Et ideo est tertius modus dicendi, quod per nihil additum, sed per solam virtutem divinam subsistunt, nec per hoc quod est ibi cor ­ pus Christi, sine cujus praesentia idem posset fleri. Ati cours de cette argumentation à la fois abondante et subtile, les opinions de Durand sont vigoureusement combattues. Celui-ci ayant nié que l'accident soit capable de donner naissance à une substance, de la Palu indique au moins trois manières dont cela pourrait se faire : par la toute-puissance de Dieu, par une influence dérivée de la substance disparue, enfin par la vertu du ciel. Une souris engendre naturelle­ ment une souris, avec le concours, toutefois, des influences célestes; mais quand le même animal naît d’une matière corrompue, alors la production est due intégralement à l’action du ciel. Ainsi, avant la con­ sécration, les qualités naturelles du vin, concurrem­ ment avec les influences célestes, transforment en vin une goutte d’eau qu’on leur ajoute; après la con­ sécration, quando species sunt separalæ.,., tunc ipsae virtute aeli et conservantis in eodem vigore generant idem quod prius. Hâtons-nous d’ajouter (pie les autres arguments de Pierre de la Palu sont moins de son temps que cchii-c.. L’école franciscaine nous apporte des solutions qui ne diffèrent guère des thèses thomistes. Pour Richard de Middletown, la quantité de l’hostie consa- I crée sert de support aux autres accidents. Nier dans sa généralité la thèse de la séparabilité de l’accident, c’est une erreur et hic error est contra illud quod tenet Ecclesia de sacramento altaris. Tant que le Christ est I sous les espèces eucharistiques, la quantité du pain demeure sans sujet, ut omnes doctorcs catholici tenent. Il attaque la doctrine qui identifiait la quantité au corps naturel et multipliait les quantités avec la di­ versité des qualités. Il ne peut y avoir plusieurs so­ lidités dans un seul corps, objecte Richard, et nous ] verrons effectivement le nominalisme d’Occam poser i’interpcnétrabilité des quantités accidentelles entre elles et avec la quantité essentielle : Ideo, lisons-nous dans la Logique d’Occam, est alia opinio qua mihi videtur de mente Aristotelis, sive sit harelica^ sive catholica, quam nunc volo recitare, quamvis nolim eam asserere... quam mulli catholici ponunt et theologi tenent et tenuerunt quod scilicet nulla quantitas est rcaliter distincta a substantia et qualitate, et un peu plus bas, appliquant cette philosophie au dogme I eucharistique, il ajoute : Unde de sacramento altaris dicunt, quod, post consecrationem corporis Christi, una quantitas qua processif erat eadem rcaliter cum substantia punts et illa non manet; sed prirter illam manet una quantitas quæ est eadem cum qualitate, in qua tamen quantitate non est aliqua qualitas subjective, sed omnia accidentia post consecrationem, remanent simul cum corpore Christi, sine omni subjecto, quia sunt per se subsistentia. Summa totius logiciv, Oxford, 1675. part. I, c. xuv; De sacramento altaris, c. xvi sq., Str i-bourg, 119L Richard est, sur ce point, le ferme allié de saint, Thomas. Il l’est encore quand, rejetant une vertu substantielle, conférée miraculeusement aux accidents eucharistiques, Il déclare naturelle leur action, spé­ cialement leur action nutritive. L’explication qu’il donne de ce dernier phénomène est embarrassée à force d’être subtile : aux accidents eucharistiques 1392 est annexée par vole de création une pure possibi­ lité de conversion, non pas seulement ù la forme substantielle, mais aussi ù la matière en tant que degré infime ou minimum d’actualité, possibilité qui dépend de l'existence actuelle des accidents ; cl per talem possibilitatem, conclut-il, potest ex illa specie compositum ex materia et forma generari. Saint Bonaventure rappelle Hugues de SaintVictor el la compilation qui porte le nom de Somme d’Alexandre de Halés. Meme quand les solutions sont identiques, on sent chez lui une inspiration différente de celle du docteur angélique; se sentant en présence d’un mystère, il est moins ferme, moins déridé aussi dans ses réponses que l’intellectualiste aristotélicien qu’est saint Thomas. Bonaventure use de la plus grande circonspection. Que, dans l’eucharistie, les accidents demeurent sans sujet, c’est une doctrine qu’il vous présente en disant : Et hoc communiter tenent magistri, quod accidentia sint ibi sine subjecto. Cela est convenable, car la dévotion et la foi y trouvent leur compte : in solatium sensus et in fidei meritum. Devant la merveille des accidents miraculeusement soutenus, l’intelligence humaine se dépasse elle-même en quelque sorte, en croyant quod totus Christus sit in tam parva hostia. Si vous lui demandez comment de purs accidents peuvent nourrir, il vous répondra que cela peut cire dû ou à une conversion des accidents en substance, ou ù un retour miraculeux de la substance du pain. Cette dernière opinion est celle d Innocent III et c’est une raison pour que le docteur séraphique la juge probable cl sûre : Cuneat tamen quisque qualiter intclligit quia in hoc secretum fidei latet. On songe in­ volontairement â la méthode déductive de saint Tho­ mas, quand on lit ces lignes où triomphe l’humilité de l’esprit : Xcc rationi hic multum innitendum est, quia utraque opinio fundatur hic supra miraculum et potentiam operantem supra naturam. Quis autem scii utrum Deus sic vel sic faciat, cum uterque modus dicendi satis sit rationabilis et probabilis... Quidquid etiam horum dicatur, dum tamen non asseratur per­ tinaciter, nullum est ibi periculum : solum hoc caveatur, ne nostra capacitatis intelligrnlia totaliter in obsequium Christi captivetur. Toutefois, pour Bonaventure comme pour Thomas, la quantité séparée miraculeu­ sement demeure le sujet naturel des qualités. Et il a recours à une comparaison : Si navis per miraculum levaretur in aere, licet existentia navis in aere esset miracutosa. tamen ex is lent ia nauta· in navi esset naturalis. De même, les opérations des accidents eucharistiques demeurent naturelles si l’on envisage leur objet; elles sont surnaturelles, si l’on regarde le principe de ccs opérations qui est la substance, dé­ truite par la transsubstantiation. Somme toute, l’écart entre les deux grands docteurs du xin· siècle est bien plus un écart de tendances, ayant pour origine deux Idiosyncrasies divergentes, qu’un écart doctrinal et objectif. Avec Scot, nous retombons en ple’ne dialectique, et la controverse, purement philosophique, s’en Ile démesurément. On a peine ù se retrouver parmi ce fouillis de distinctions. On assiste à un véritable défilé d’opinions qui ne sont mentionnées que pour être aussitôt condamnées. Inutile de dire que saint Thomas est plus d’une fols combattu. La permanence des accidents eucharistiques a pour elle la lettre du livre des Sentences, l’autorité des saints et des argu­ ments rationnels. Scot rejette la proposition de suint Thomas : Dieu confère aux accidents séparés un mode d’existence nouveau, Sum. theol., HI3, q. exxvii, a. 1, ad 4«·; Contra gentes, I. IV, c. i.xv, négation dans laquelle il est suivi par son disciple, Pierre Auriol. Cf. Capréolus,Defensiones thomistiew. Tours, 1906, t. vî, p. 255. D’après le docteur subtil, l’inhérence actuelle 1393 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) est extrinsèque à l’essence de l’accident absolu. Elle i n’est qu’un rapport extrinsèque à la causalité natu­ relle. extrinsèque aussi à la substance, causalité qui peut être suppléée par celle de la cause première; parmi les causes extrinsèques, celle-ci est seule abso­ lument requise. Saint Thomas n’aurait pas rejeté ce principe de l'argumentation scotiste. Sum. theol., II!·, q. i.xxvii, a. 1. Seulement, pour Scot, le miracle de la subsistance des accidents n’est pas dû à la collation d’un être positif nouveau; il est dû à la privation d’une relation réelle à la substance, inhérente aux accidents avant la transsubstantiation : Esse illud in pane /uit subjectum cujusdam respectus rcalis ad panem; quando autem est per se, privatur illo respectu cl per hoc patet quod dicunt diversum modum circa esse, ponendo respectum ad aliud ct privando. L’opposition entre Scot et saint Thomas est ici celle du formalisme au réalisme, Pour Scot, l'accident a dans le composé substantiel un acte propre,distinct de l’acte substan­ tiel; en niant cet acte propre de l’accident, saint Thomas demeure dans la logique de la distinction réelle qu’il pose entre l’essence créée ct son existence. Même opposition touchant le sujet immédiat des qualités sensibles du sacrement. Scot ne voit pas de difficulté à ce qu’un accident absolu demeure privé de tout sujet soit accidentel, soit substantiel à ce que les qualités du pain existent séparées de sa quantité; ces qualités sont individuelles par elles-mêmes, tandis que, pour saint Thomas, leur individuation ne peut dériver que d’un sujet; la quantité dimensionnelle, impliquant l’ordre des parties potentielles distinctes, c’est-à-dire des situations différentes. les qualités ne seront déterminées dans l’espace et le temps que par leur sujet prochain, c'est-à-dire les dimensions des substances consacrées. S. Thomas. Contra gentes, 1. IV, c. ι.χν. Λ cette théorie, Scot oppose son prin­ cipe : Nihil est singulare per aliquid alterius generis. Puis, après avoir écarté les doctrines extrêmes, celle de Gilles de Rome prétendant que la quantité seule peut demeurer sans rapport et celle de Godefroid de Fontaines posant qu'aucun accident n’a pour sujet un autre accident, il édifie sur leurs ruines, grâce à une profusion de distinctions, une sorte de théorie moyentonne qui aboutit à lui faire prendre une position assez hésitante, vis-à-vis de la thèse thomiste : De quanti­ tate respondent diversimode. Qui cnim dicunt quanti­ tatem esse aliam essentiam absolutam ab essentia substantia: corporea: ct qualitatis, sicut dicit communis opinio, dicerent quantitatem hic esse sine subjecto, sed non qualitatem, imo quod qualitas est in quantitate. Et cette opinion a ses arguments probables. En effet, le sens perçoit l’étendue des qualités sacramentelles; or, une chose étendue, qui ne tient pas d’clle-mêmc cette propriété, ou bien la reçoit en elle ou y est cllememe reçue; la première hypothèse est exclue par l’opinion commune; il reste donc que les qualités sa­ cramentelles ne sont étendues qu’indircctemcnt, parce que reçues dans un sujet étendu, ce qui est conforme, ajoute le docteur subtil, à la doctrine posée dans les catégories, au chapitre de la quantité : Quanta est superficies, tanta est albedo. 11 reconuait meme à cette doctrine des avantages particuliers, lorsqu'il s'agit de rendre compte de la possibilité de l’altération des espèces consacrées. In IV Sent., 1. IV, disl. XII, q. v, n. 1, Lyon, 1639, p. 773. Mais Scot n'ignore pas qu’il y a une autre solution, la solu­ tion nominaliste, déjà signalée par son devancier et confrère, Richard de Middletown : Qui autem dicerent quantitatem subslanliæ non esse aliud a b essentia substant ne et quantitatem coloris non esse aliud a colore, dicerent qualitatem hic non esse in quantitate, imo magis quantitatem, quæ apparet, esse quantitatem qualitatis, et il nous renvoie à son commentaire du 139i IIe livre des Sentences, dist. ΧΠ, q. r. Nous y lisons ce passage, manifestement favorable à la position thomiste : Potentiate ct receptivum accidentis alicujus in uno genere alicujus generis prioris est aliquid actuate, ut receptivum in genere colons el universaliter tn genere qualitatis est aliquid actuale de genere priori scilicet de genere quantitatis, ut superficies de genere qualitatis. Mais si la matière première, comme le veut le docteur subtil, a par elle-même un acte entitatif, il lui sera bien difficile de lui refuser une sorte de quantité substantielle, la matière étant le principe radical des dimensions corporelles, ce qui l'étoigne de l'opinion commune,pour le rejeter du côté des nomi­ nalistes. Nous lisons effectivement un peu plus loin : Si quæras etiam an habeat partes (materia ens actu)? Dico quod partes soBSTAyrtalss habeat; illas enim non habet per quantitatem. Quelle est cette étendue actuelle, aussi actuelle que la matière première, ct qui n’est pas duc à la quantité accidentelle? Ceci prouve que les divergences doctrinales du thomisme et du scotisme sont commandées par des différences princlpiclles irréductibles dans l'interprétation des principales doctrines du péripatétisme, différences dont les longues controverses entre les deux écoles ne sont que les contre-coups particuliers. En accumulant les ruines des systèmes adverses, Scot ne réussit le plus souvent qu’à embarrasser sa propre marche; ses positions mitoyennes obscurcissent plus qu’elles n’éclairent les questions. On ne peut que souscrire au Jugement de Denys le Chartreux, qui, après avoir rapporté en substance les solutions de Scot émet cette réflexion : Hxc Scotus. Qui circa hæc sen bit multum prolixe, ct ca quæ magis involvunt quam élucidant veritatem. Opera omnia, Tournai, 1904 t. xxiv, p. 317. Après Scot, la question des accidents eucharistiques devient de plus en plus fonction des controverses philosophiques qui divisent les écoles. Les divers commentateurs des Sentences répètent les solutions de leurs chefs de flic, réfutent les arguments des écoles opposées ct, par des raisons différentes, abou­ tissent assez souvent aux mêmes conclusions. C’est ainsi que Thomas de Strasbourg (~ 1357). un des continuateurs de Gilles de Rome, rejette contre celui-ci que seule la quantité soit séparable, contre les tho­ mistes qu’une réalité positive quelconque soit conférée aux accidents eucharistiques, contre Scot que tous les accidents existent en fait sans sujet. Les vues de Scot ct d’Auriol sont réfutées par Capréolus, dont le commentaire de Paul Barbe Soncinas offre un résumé substantiel et clair; la même controverse envahit encore les commentaires de Thomas de Vio,à la Somme de saint Thomas. Avec l’occamismc, le débat sc concentre autour de la question de la distinction réelle de la sub­ stance ct de la quantité. D’après Occam, cette distinc­ tion ne peut être prouvée avec évidence, ni par la raison, Quodlib., IV, q. xxx, ni par les principes de la foi. ibid., q. xxxi; il ne lui parait pas qu’elle ait pour elle l’autorité d’Aristote, ibid., q. xxxn, ou celle des saints. Ibid., q. xxxin. La quantité n’est pas un milieu réel entre la substance ct la qualité : Plurali­ tas non est ponenda sine necessitate. Sed non est necesse ponere talem rem mediam. Ergo. Ibid., q. xxxn. A l'opinion commune qui se prévaut de l'auto­ rité de saint Augustin, ibid., q. xxxm, il oppose des arguments de raison, tirés des phénomènes de la raré­ faction et condensation réelles. Il n'est pas exagéré de prétendre que son traité De sacramento altaris n’est autre chose que’cc nominalisme de la quantité appli­ qué au dogme. Seulement, so sentant novateur, il vit prudent ct sait prendre scsfprécautlons : Quidquid dicam sub quacumque forma verborum, quod potest aliquo modo deduci contra quodciunque dictum in sacra 1395 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) Scriptura, vel sanctorum, vel contra determinationem et doctrinam Eccles iæ romanæ, vel contra sententiam doctorum ab Ecclesia approbatorum, non dicam asse­ rendo, sed precise recitando in persona illorum (pii etiam opinionem tractandam tenent, sive illa opinio sil vera, sive /alsa, sive catholica, sive lucretlea. vel erronea. Unde si dico talia verba : dico dicendum et consimilia, non in persona mea, sed in persona tali­ ter opinantium volo intelhgi. De sacramento altaris, c. r. Il ressort du c. xxxvi que Ia thèse d'Occam était traitée d’hérétique; on prenait plaisir ù lui opposer saint Augustin. Occani répond qu’il n’appartient ni aux évêques, ni aux inquisiteurs, dont la charge est confiée parfois simplicibus vel non magnis docloribus, mais au pape seul de trancher en matière d'articles de foi : Undc est aliquorum modernorum detestanda præsumptio, qui se supra se extollentes, cupientes soli vocari Rabbi, omnem opinionem a suis dogmatibus dissentientem, agitati invidia damnantes. Quia per rationem nesciunt improbare, tamquam periculosam et hicreticam, caninis latratibus lacerant incessanter· Pour Iui, il est prêt à se soumettre à toute autorité légitime : Hoc tamen fateor, si posset ostendi quod sit de mente alienjus doctoris ab apostalica sede recepti, quod quantitas est alia res absoluta, distincta real iter a substantia el a qualitate, paratus sim hoc defendere et tenere, quamvis nolim, propter dictum cujuslibet de plebe, meum intellectum captivare el contra diclamen rationis aliquid asserere, nisi romana Ecclesia doceat hoc esse tenendum, quia major est Ecclesia auctoritas quum tota ingenii humani capacitas. Occam nous semble avoir raison. Entre lui et saint Thomas, c'est l'argumentation purement rationnelle qui doit décider, le conflit provenant de deux conceptions antagonistes de la quantité; les deux théories ont du reste leurs difficultés propres. Nous partageons l’avis de Conlnck : Si spectemus solas rationes naturales, facile esset utramque partem defendere, quia nulla est ratio quic alterutram partem clare convincat. De sacramentis ac censuris, q. lxxvii, a. 2, Rouen, 1630, p. 210. Les nominalistes ont suivi en masse les doctrines du venerabilis inceptor, tels Gabriel Biel et Marsile de Inghcn, qui écrit au sujet de l’opinion thomiste : Hire autem opinio cui placuerit quasi sit probabilis videat quomodo eam convenienter sustineat. Mihi enim vtdetur quod nequeat sustineri sine magno inconve­ nienti. In I V Sent., 1. IV, q. ix, a. 1, Ratlsbonne, 1501, fol. 598. Jamais ils n’ont encouru les sévérités de ΓÉglise. Il faut donc conclure avec Conlnck que ces doctrines ne méritent aucune censure : Ex quibus patet hanc sententiam nihil tenere vel apparenter con­ trarium fidei, ideoque immerito a quibusdam argui tamquam periculosam in fide. Ibid. 11 nous reste à dire un mot de deux théologiens scolastiques qui, au dire des cartésiens, auraient rejeté la doctrine de l'objectivité des espèces sacra­ mentelles. Il s’agit de Robert llolkot et de Pierre d'Ailly. Une telle attitude aurait de quoi surprendre même de la part de théologiens nominalistes et serait du reste pleine de périls. Quand il s’agit de la réalité des qualités sensibles du sacrement, rien n’est plus familier aux scolastiques que l’appel à l’infaillibilité de la sensation externe. Le palet ad sensum est un de leurs arguments : Hlud, écrit Occam, quod tn aliquo loco percipitur oculo corporali sine omni auctoritate potest evidenter cognosci ibidem existcre. !)c sacr. altaris, c. vit. Du reste, les sens ne jugent-ils pas ici de leurs sensibles propres : De accidentibus sibi nolis. Certes. llolkot subtilise à l’excès et parfois avec un manque de goût absolu : Item pono, écrit-il, quod sacerdos consecrat omnes panes in una fenestra unius parietarii et postea furetur illas species, et tunc si agatur 1396 contra eum quod furatus est panes suos, numquid potest licite negare : videtur quod sic; quia certum est quod hoc sil falsum el licet negare /alsum. Toutefois il ne s'est pas écarté positivement des positions communes à la théologie de son temps; ce que désigne le pronom hoc de la formule de la consécration, c'est illud quod manet sub utroque termino transmutationis : et est illud quod est accidentia sensibilia el nulla sub­ stantia. Objectant contre la thèse des accidents sans sujet, il répond : Ad oppositum est fides catholica. Signalant les différences propres au changement eucharistique, il signale la suivante : Quia omnla accidentia post transsu bstantiationem manent, quod non est in aliis transmutationibus. Et il en tire aussitôt cette conclusion remarquable : Ex quo patet quod accidentia substantiarum materialium sunt alia et distincta ab ipsis substantiis. L’étude de la notion dogmatique de la transsubstantiation lui a donc imposé un retour au réalisme. Il est intéressant de voirl'occaniiste llolkot se rencontrer ici avec le réaliste Richard de Middletown. Celui-ci, au jugement de De­ nys le Chartreux, jugeait également quod ex theologica veritate, puta ex lus quæ in sacramento creduntur multo certius, infaUibUiusque probatur, quod quantitas differt a re quanta quam ex philosophia. Op. cil., t. xxiv, p. 321. llolkot ajoute toutefois qu’il n’a pas toujours admis la distinction réelle de la substance corporelle et de scs accidents; il y avait un temps où il enseignait le contraire, parce que l'expérience des changements accidentels les lui montrait toujours dépendants de la substance. Au moment même de sa conversion au réalisme, son esprit, fécond en res­ sources, lui suggère une autre solution, qu’il entrevoit comme possible et dont la valeur demeure pour lui conjecturale; c’est incontestablement et très claire­ ment énoncée, avec la même interprétation, arbitraire d'après nous, du mot species, la théorie cartésienne des accidents : Tamen potest dici quod post consecra­ tionem nihil remanet ibidem continue et regulariter, sed Intentiones solum et species accidentium. Unde solebant vocari species panis et vini et non qualitates el ideo sensus utitur speciebus pro rebus : et sic judicat Idem manere. Mais il y a une restriction qui a son importance : Nihil tamen dico hic assertive. Magistri Roberli Holkotsuper IVlib. Sent, questiones, Lyon, 1505, L IV, q. ut. La spéculation de Pierre d'Ailly sur le sujet qui nous occupe est plus hardie encore que celle du domi­ nicain d'Oxford. 11 discute très librement la notion de transsubstantiation et fait étalage d’un luxe d’expli­ cations qui pourraient, absolument parlant, répondre à cette notion et justifier l’expression. Il ne volt pas d’antinomie absolue entre cette notion cl la rémanence de la substance du pain. Pourquoi deux substances, le pain et le corps du Christ, ne pourraient-elles pas coexister, tout comme deux qualités? Il lui parait seulement douteux que cela puisse se faire, comme l’ont prétendu Jean de Paris, Alain de Lille et peutêtre Robert de Deutz, par une sorte d’union hypostatique entre le corps du Christ el la substance du pain. Celte explication ne lui parait opposée ni Λ la raison, ni à l'autorité de la Bible; elle est plus facile à comprendre, plus raisonnable (pie d’autres, quia ponit quod substantia panis deserit accidentia et non substantia corporis Christi. Et sic non ponit acciden­ tia sine subjecto, quod est unum de difficilibus quæ hic ponuntur. Occam, dont le Camcracensls suit ici presque servilement les traces, avait dit pareillement, en appréciant la meme explication : Est rationa­ bilior et facilior ad tenendum inter omnes modos, quia pauciora inconvenientia sequuntur ex eo, quam ex alio aliquo modo. Quod patet quia inter omnia inconvenientia quæ ponuntur sequi ex isto sacramento, majus est quod 1307 E TT C Π Λ m ft t î O U E S (ACCIDENTS) accidens slt sine sublecto. In IV Sent.,]. IV, q. vj, Lyon, 1495. Cependant· le savant cardinal ne quittera pas l’opinion commune, celle qui admet la destruction de In substance du pain : Et licet ita esse (scilicet panem desinere) non sequatur evidenter ex Scriptura, nec etiam videre meo judicio ex determinatione Ecclesia quia tamen magis /avet ei et communi opinioni sanctorum et do· ctorum, ideo teneo eam. Au sujet de la quantité, il est . carrément nominaliste. L’opinion de saint Thomas est appréciée comme il suit : Et hac est falsa, quia nulla ponenda est quantitas distincta a substantia vel qua­ litate. Néanmoins, ici encore une fols, il finit par se ranger Λ l’avis commun : Quarta et communior opinio et cui /avet magis doctrina Ecclesia est quod in sacramento, accidentia qua fuerunt panis remanent sine subjecto ct in illis fit fractio et hanc teneo. Mais après quels détours, dirions-nous, après combien d’appels à une imagination trop fertile en hypo­ thèses : Possunt esse plures opiniones sive modi ima­ ginandi... Tertia opinio posset imaginari... De telles tournures sont fréquentes sous la plume du raison­ neur trop ingénieux qu’est d’Ailly. 11 se pourrait qu’en fait, les accidents eucharistiques ne restassent pas sans sujet. Eh I oui, s’il n’y avait point d’accidents distincts des substances l Mais alors, la définition de l’Égiise qui pose que le corps du Christ est présent sous les espèces du pain. 11 faudrait l’entendre con­ ditionnellement, scilicet supposito quod sint aliqua spe­ cies accidentales distincta a substantiis. SI de telles espèces sont chimériques, le sens de la définition se­ rait un peu autre : le corps du Christ est là où il y n du pain en apparence et où il y en avait en réalité. Pierre sait bien que la négation philosophique qui entraîne l’irréalité des espèces sacramentelles est étrangère à la philosophie régnante : extranea a com­ muni philosophia. Mais cette philosophie n-t-clle donc pour clic l’évidence? C’est pourquoi poser cette né­ gation, ce n’est pas encourir infailliblement la note d’hérésie. Le contraire même semble plus probable. N’avons-nous pas à faire ici à une conséquence seu­ lement probable de vérités révélées? L’antécédent logique de la persistance des accidents est virtuel­ lement double ct se décompose en une proposition exprimant la transsubstantiation et une autre affir­ mant la distinction de la substance ct des accidents. Cette deuxième proposition n’est ni évidente, ni contenue dans les Écritures, ni expressément définie par l’Égiise: c’est tout au plus unum probabile neu­ trum, receptum communiter ab illis qui sequuntur communiter philosophiam communem peripateticorum. S’il se trouvait quelqu’un pour nier la thèse péripa­ téticienne, on n'aurait pas pour autant le droit de le traiter d’hérétique. Ce serait créer la désaffection de la foi vis-à-vis des doctrines du Philosophe * Aliter enim minus essel favor fidei ad doctrinam phi­ losophi. Questiones sup. 7, III ct IV Sent., 1. IV, q. vi, a. 3, édit. Jean Petit, fol. 267. On admettra difficilement sans doute que les définitions doctri­ nales de l’Égiise soient hypothétiques ou à sens disjunct if; elles sont catégoriques touchant l’objet proprement religieux. Leur but n'cst-il pas précisé­ ment de mettre fin par une décision nette à des inter­ prétations doctrinales divergentes? Seulement, ces décisions emploient pour s’énoncer le langage courant, le plus ordinairement du moins, ct laissent ainsi Indécis ce que ce langage, qui traduit l’expérience sensible vulgaire, ne prétend nullement trancher luimême nu point de vue philosophique ou scientifique. Ce double terrain n'appartient à l’autorité doctrinale religieuse que là où il est contigu au dogme. Le cardi­ nal de Cambrai prête à l.i définition conciliaire un sens qui la rendrait puérile. Son commentaire sur les Sen­ tences a été probablement composé entre les années 1398 1375 ct 1380, c’est-à-dire qu’il appartient à la Jeunesse de l’auteur, qui Γaurait écrit entre ses vingt-cinquième ct trentième années. I^aunoi nous parait trop éloglcux, quand il dit de ces commentaire^ : Hos diceres ab anti­ quissimo et perfectissimo projessore elaboratos. Hist.reg. Navarra gymn. Paris., Opera omnia, Genève, 1732. t.iv, p. 508. Ils paraissent en beaucoup d’endroits l’œuvre d’un dialecticien, auquel le dogme fournit l’occasion de faire montre de souplesse ct virtuosité logiques C’est le logicien que Gerson et Wessel exaltent pré­ cisément dais Pierre d'Ailly. Ibid. p. 509. Trente-cinq ans plus tard, au concile de Constance, le cardinal agira vigoureusement contre les doctrines de Wyclif ct de Huss, qui contenaient précisément la thèse, que, dans son commentaire, il s’abstient de taxer d’héré­ sie; alors, il dit à Jean Huss, au témoignage de Bzovlus, cité par Launoi : Scias hic esse magnos viras el illuminatos, qui jortissima adversus articulas luos habent fundamenta. Ibid., p. 511. Mais il est indén able que le commentaire sur les Sentences a plus d’une fois fourni des annes aux hétérodoxes, en matière d’eucha­ ristie. Luther, De captio. Babyl. Ecclesia praludlum, Werke, Weimar, 1888, t. vi, p. 508, 509; Fischer, Assertionum regis Anglica defensio, c. îv, n. 4, Opera, Würzbourg, 1597, p. 160. Une des interpré­ tations de la notion de transsubstantiation proposées par d’Ailly diffère à peine verbalement de l’impana­ tion; elle ne diffère des thèses que Wyclif publia au printemps de 1381, peut-être à l’heure même où l’il­ lustre cardinal composait son commentaire à Pans, qu'en ce que l’hérésiarque anglais rejette ’e mot même de transsubstantiation et n’admettait qu’une présence figurative ct virtuelle du corps du Christ. Il nous a semblé de plus que les idées de Pierre d'Ailly, en matière d’évidence sensible n’étalent pas faites pour lut faire redouter beaucoup la thèse idéaliste qui traite de pures apparences les accidents eucharistiques. L’évidence sensible ne garantit la certitude que sous la condition de la providence ordinaire de Dieu concer­ nant les lois de la nature : de là à dire que le miracle consiste ici à maintenir l’apparence du signe sensible au lieu du signe lui-même pour laisser à la foi l’occa­ sion d’exercer ces actes, il n'y a pas si loin. In I Sent., q. i, a. 1, fol. 36 sq. Conclusion. — Nous avons traité plus longuement la période scolastique, parce que la doctrine des acci­ dents eucharistiques, telle qu’elle s’impose encore aujourd’hui à la majorité des théologiens catholiques, est une solution créée ct organisée par les grands docteurs scolastiques. L’hérésie de Bérenger hâta probablement sa genèse. C'est dans un traité écrit pour le combattre qu’elle parut tout d’abord, avec tous ses traits essentiels. Le prestige doctrinal d’AbéInrd menace quelque temps de la supplanter par la théorie des accidentia in aere circumstante. La condam­ nation de l’auteur de la Theologia Christiana dut con­ tribuer à écarter cette dernière, que Thomas de Strasbourg ne connaît déjà plus que comme quadam antiqua opinio. Successivement, les opinions qui assi­ gnent un sujet quelconque aux qualités sensibles du sacrement sont éliminées. C'est par un argument exclusif, c’est-à-dire par l’absurdité reconnue des autres solutions imaginables a priori, que la solution encore générale aujourd’hui finit par s’imposer. A cause de son lien étroit avec la transsubstantiation, dont elle dut sembler l’inévitable conséquence à des penseurs à tendance réaliste, jaloux de sauvegarder l’objectivité de l’expérience sensible, sans doute aussi parce qu’elle eut les préférences des grands docteurs médiévaux, tels que Thomas et Bonaventure, dont la sainteté contribua à faire accepter les vues, une asso­ ciation étroite d’idées s’établit en fait entre celte doctrine et la notion d’orthodoxie. Avant Wyclif 1399 E U C11A K IS TIQ U E S (ACCIDENTS) déjà, que le fait irrite ct scandalise· Dialogus, édit. A. W. Pollard, 1886, p. 28, le crédit croissant de saint Thomas l’avait fait pénétrer dans l'office de la fête du saint sacrement. Des théologiens d'allure très indépendante, tels que Occam, Ilolkot, Pierre d’Ailly» n'osèrent pas s’en écarter. Peu à peu du reste, elle s'élail organisée en un corps de doctrines, destinées surtout Λ rendre compte du miracle des espèces, sujets des memes changements actifs ou passifs (pic les substances transsubstanliées elles-mêmes. La controverse entre les thomistes cl les nominalistes est plutôt une querelle philosophique, qui n'engage pas directement l’orthodoxie eucharistique. Notons toutefois que les seconds sont des précurseurs authen­ tiques des théologiens cartésiens du xvn· siècle. C'est dans le camp des occainistcs seulement qu’on voit paraître l’hypothèse de l'irréalité des espèces. Les esprits plus fermes, chez lesquels la tendance sainement rationaliste remportait sur le préjuge em­ piriste, inclinèrent plutôt vers l.i solution thomiste, plus simple, plus unie, plus économe surtout de miracles. Des maîtres, tels que le dominicain Thierry de Vriberg (f vers 1310), qui ne voient dans l’acci­ dent qu’une pure manière d’être de la substance ct volent cn conséquence une pure impossibilité dans la thèse de leur séparabilité, durent devenir de plus en plus rares; il est regrettable que nous ne sachions pas comment ils conciliaient leur philoso­ phie avec le dogme de l’eucharistie. E. Krebs, Meister Dietrich, dans Heitràgc zur Geschichte der Philoso­ phie des Mittetaltcrs, Munster, 1906, t. v, fuse. 5, G, p. 121, 83 sq. Vers la fin du xiv· siècle, la doctrine des accidentia sine subjecto est universellement établie dans les écoles de théologie; à partir de ce moment, comme toute doctrine communément acceptée et devenue banale par là même, elle ne ramènera plus à elle l’attention qu’à 1 apparition de doctrines nou­ velles ou de négations, élevant la prétention de la remplacer ou de la supprimer. En la rejetant par une négation brutale· John Wyclif lui rallia de plus en plus les su ITrages des théologiens orthodoxes ct la faveur de l’autorité doctrinale. IV. Wyclif et le concile de Constance. — La première attaque ouverte de Wyclif contre le dogme de la transsubstantiation date de l’été de l’année 1381. Fasciculi zizaniorum, édit. Waddington Shirley, 1858, p. 101. M. D. Mathew explique que cette date est à avancer, si l'on veut laisser aux événements le temps nécessaire pour sc dérouler normalement. The cnglish hislor. review, avril 1890. On peut poser a priori que Wyclif n'en vint que peu à peu à englober la doctrine traditionnelle de l’Églisc touchant l’eu­ charistie dans une entreprise de démolition qui, jusque-là, visait surtout la hiérarchie, les droits des prélats sur leur temporel ct l'influence injustifiable, d’après Wyclif, des grands ordres mendiants. Cette conjecture est confirmée par le témoignage du frère mineur William Wodeford, le maître de Tho­ mas Netter Waldcnsls, qui, dans son Contra Trialogum IVicteri· Orthulnus Gratius, Fascic. rerum expetend. et fugiend.. édit. Brown, t. i, p. 191, a pris soin de nous marquer les étapes de la pensée de Wyclif : Alias dum esset prædlclus magister Johannes sententiarius Oxoniæ ac etiam baccalarius responsatis, publice tenuit et in scholis quod Heel accidentia sacramentalia essent in subjecto, tamen quod panis (n consecratione desinit esse. Position évidemment ambi­ guë ct où nous devons peut-être reconnaître rintluencc de Durand de Salnt-Pourçain, qui enseignait la rémanence de la matière nu terme du changement eucharistique. Pressé de questione, touchant ce sujet qu’il conservait aux accidents, primo per tempus notabile respondit quod corpus mathematicum. 1400 Cette réponse, Λ première vue, ne semble pas si éloi­ gnée de celle de saint Thomas, mais Wyclif était sans doute loin d'entendre par la quantité, sujet des acci­ dents, comme celui qu’il appelle le doe'or communis, la quantité qualifiée ou quantité non abstraite mais physique et naturelle; nous conjecturons ici que le réalisme de Wyclif, de nuance augustinicnnc ct plato­ nicienne, devait le porter à réaliser celle abstraction qu’est le corps géométrique et à cn faire le sujet d'ac­ cidents, tels que la résistance, la saveur, etc. Wyclif finit par sc trouver dans une impasse, une sorte d'apo­ rie logique : Et posterius post mulla argumenta sibi Iacla contra hoc, respondit quod nescivit quid full subjectum illorum accidentium, une mauvaise défaite qui ne l’empêchait pas de s’en tenir à sa thèse: bene tamen posuit quod habuerunt subjectum. Einalement, il posa carrément son symbolisme eucharistique : Nunc in istis articulis — il s’agit des douze articles de l'année 1381 — ct sua confessione ponit expresse quod panis manet post consecrationem et est sublectum accidentium. Nous avons, du reste, le témoignage de Wyclif lui-même : il a longtemps partagé l’erreur commune à ce qu’il appelle la novella Ecclesia, celle d’Avignon, et que l'ancienne, celle de Bérenger, dont Wyclif sc réclame ouvertement, celle de N colas 11, d’Augustin. d’Ambroise, d Hilaire, celle qui s'atta­ cha l au sens évident de l’Écriture, n’a pas connue : Unde licet quondam laboraverim ad describendum trans­ su bslanliacionem concorditer ad sensum prioris Ecclcsie. tamen modo videtur michi quod conirarianiur, poste­ riori Ecclesia oberrante. De eucharistia, c. n. 15-20, edit. Loscrlh, publiée par la Wyclif Society, Londres, 1892. L’hétérodoxie de Wyclif éclata ouvertement vers l’époque où il obtint le grade de docteur eu théologie, mais elle dut sc préparer peu a peu par un lent travail d’acheminement souterrain. Pour une connaissance plus étendue des thèses eucharistiques de 1 hérésiarque anglais, dont l’œuvre révèle une science approfondie de la scolastique, qui laisse bien loin derrière elle celle du chef de la réforme allemande, nous renvoyons nu grand traité de Wyclif sur l’eucharistie que nous venons de c’tcr et aux c. i-x du . IV du Trialogus, réédité à Oxford, par Gothard Lcchler cn 1869. En publiant les œuvres inédites de Wyclif, la Wyctit Society de Londres a rendu un précieux service à i’hérésiologie. Quelques-unes de ces belles éditions sont munies d’un apparatus criticus, capable de satisfaire les partisans les plus exigeants de l’érudition moderne. En les par­ courant, le théologien se convaincra que la doctrine des accidentia sine subjecto était devenue la bête noire de cette intelligence dont la puissance dialectique ct l’ingéniosité subtile n’étalent rien moins que banales. Tout ui est bon pour ’a cribler de scs traits : sermon populaire, pamphlet dialogue, traité théologique aux allures scolaires. L'accident sans sujet c’est l’abomi­ nation de la désolation, l'idolâtrie inévitable, l’ado­ ration d’un signe l’hérésie apportée par les moines, la doctrine de la cour d’Avignon, que les supérieurs spi­ rituels doivent extirper, sous peine de damnation. Personne ne peut dire à Wyclif ce qu’est l’hostie con­ sacrée : Vix enim aller papa cum suis complicibus, omnes episcopi Anglic cum suis doctor ibus sciunl dicere quid est hostia consecrata. De each., c. ιν, 20. On cite à Wyclif saint Thomas. Mais ne salt-on pas que les moines, les pseudo-jratres, ont falsifié ses œuvres? Ibid., c. v, 15. Du reste, Il a contre lui tous les grands docteurs de l’Églisc, Augustin, Hugues de Saint-Victor, le pape Nicolas H, toute l’Églisc pri­ mitive qui parle de · pain >, de · vin », non de ce que Wyclif appelle irrespectueusement globus sacrorum accidentium. Du reste, que d’hérésies ont été attri­ buées à saint Thomas! Ne dit-on pas qu’à son avis. Sum. thcol., 11* II», q. lxvh, a. 2 (la citation est de 14( 11 El CH Λ KI STI QU ES A CCI DENTS 1402 Wyclif), un juge peut condamner secundum allegata la preuve; quelques docteurs scolastiques, tels Henri cl probata une personne qu’ii sail innocente? Ola. do Gand ct, au témoignage de Grégoire de Valentia, c’est manifestement hérétique, puisque pallians In ///·* part., disp. VI, q. v, a. 1, Scot lui-même, Pglali Indicium contra Christum, Augustin cl les autres avaient jugé cette doctrine de foi catholique et la pro­ saints docteurs, qui plus sciverunt quam mille tales position contradictoire entachée d’hérésie. Le décret doclores, ne prétendaient pas qu’on les crût sur parole. Firmiter credimus du concile de Latran, la glose sur De quel front les moines, corrupteurs des écrits de la confession de Bérenger, Décret, part. III, De Thomas, viennent-ils nous dire : Si ipse sic asserit, consecr., dist. II, c. 42, glose qui gênait fortement le ergo verum! Scot n*n-t-il pas plus d'une fois signalé les novateur, JJe cuch., c. vu, p. 226, la décrétale de Gré­ erreurs de leur docteur : Nani doctor subtilis, cui plus goire IX Cum Martha, Décrétales de Grégoire IX, credendum est in speculacionibus (pium sibi, in plu· 1. HI, til. xia, c. vi, étaient devenus des lieux théo ribus plane delegit errores quos seminat. Ibid., c. v, logiques, familiers aux théologiens; ils y avaient p. 158. Et Wyclif de conclure: Non ergo sequitur : St recours pour appuyer la doctrine commune de l’École. Le scandale dut être grand, lorsque le novateur, Thomas hoc asserit, ergo hoc est populo predicandum. comme dit Thomas Netter,cap/· palam contra Christi La psychologie des hérétiques est étrange. Wyclif sacramenta dictare blasphemias, maxime contra san­ sc dit prêt à abjurer ses erreurs, c. vi, p. 183, mais il ctam eucharistiam. Fasciculus zizaniorum, p. 104. veut une preuve de la vérité de la doctrine que les Indéniablement, sur les 12 conclusions de Wyclif, plu­ évêques veulent lui imposer. Celte preuve,où la trouver sieurs étaient blasphématoires dans la forme. La parmi le désaccord flagrant des Eglises d’Angleterre? 10e disait par exemple : Quæcumque persona vel secla Dans la province de Cantorbéry, on enseigne que est nimis huerelira quæ pertinaciter defender it. quod l’hostie est poids, dans le diocèse de Lincoln et beau­ sacramentum allarts est panis per se existens, in natura coup d’autres, on tient qu’elle est quantité; dans infinitum abjectior ac imperfectior pane equino. Du d’autres encore, on pense qu’elle est qualité; ceux qui pain restant dans sa substance, après la consécration, ont la vue plus perçante la disent blancheur; c’est le ct que celle-ci ne faisait que subordonner au corps du cas dans les montagnes du pays de Galles et cn Irlande, Christ, comme le signe à la chose signifiée, il disait : là où les hommes croient voir les morts. L’ironie se Parus triticeus, in quo solum licet conficere, est tn déguise à peine, c. vi p. 183 sq. 11 n’y a accord, hélas ! que sur une conclusion qui paraît détestable à Wyclif, ; natura infinitum perfectior pane /abmo vel calonis; quorum uterque in natura est perfectior accidente. lequel perd cn sympathie ce que son langage perd en respect : Omnes tamen isti in hoc conveniunt quod hoc * Tirant argument de l’inégale perfection de la sub­ stance et de l’accident, Wyclif prétendit imposer aux sacramentum est infinitum ubjeccioris nature quam docteurs catholiques la conclusion que les qualités aliqua vilis substanda corporea assignanda, c. vi, sacramentelles étaient en fait plus viles que ce qu’il p. 186. Non, les saints, quand ils appellent le sacrement y a de plus vil au monde : quod sacramentum illud la ligure du pain, ne l’estimaient pas qualité de la visibile est infinitum ab/eclius in natura quam sit panis quatrième espèce de la catégorie portant ce nom, equinus vel panis ralonis; immo quod verecundum est (plia illa esi debilissime enlitatis, c. vi, p. 188. Ce qu’il dicere vel audire quam stercus ralonis. Fasciculus faut bien remarquer, c’est l’association étroite qui zizaniorum, p. 108. C’était à la fois odieux ct absurde. parait chez Wyclif entre la doctrine ct scs défenseurs. Le raisonneur obstiné, féru des catégories d’Aristote, 11 déteste celle-là dans la mesure où elle lui rappelle oubliait que le rapport Ineffable qui relie les acci­ ceux-ci. Elle a pour appui les grands dignitaires ecclé­ dents au coq>s du Sauveur dans le sacrement confère siastiques, trop riches à son avis, les prélats qui à ceux-ci une dignité que la substance du pain, pur innituntur legi Ccsarcc, c. vî, p. 183, les moines qui symbole du corps, présent seulement virtuahter, l’ont inventée par esprit de lucre, c. ix, p. 323, le pape n’avait certes pas dans sa propre théorie. Il se renfer­ Innocent III qui força l’Angleterre à lui payer annuel­ mait obstinément dans la considération du sacra­ lement un tribut de neuf cents marcs d’argent, qui la mentum, qu’il isolait de la res sacramenti ; le Waldcnsis brouilla avec la France, qui soutint des procédures semble insinuer qu’il entendait mal la condition des irrégulières contre l’empereur, les princes temporels, accidents séparés et que l'expression per se exislcntia contre l'abbé Joachim de Flore et dont le pont!Beat — équivalait pour lui à leur transformation en sub­ grief suprême — vil la naissance des ordres domini­ stance; pour donner couleur de vraisemblance à sa cain et franciscain, c. ix, p. 278. H y a bien le IVe thèse, il citait l’Évangilc (et effectivement Wyclif concile de Latran, où trois cent ct quinze prélats, avait recours aux textes de l’Écriture où le sacre­ sous la présidence d’innocent, ont défini la doctrine ment reçoit le nom de «pain», par exemple, I Cor., de la transsubstantiation. Mais les Pères du concile xi, 28), mais la vraie raison de sa négation était d’ordre ctalcnl-Hs vraiment de cet avis ct surtout étalent-ils philosophique : Re autem ipsa, dit Walden, propter prédestinés, c’est-à-dire membres de ΓÉglise, c. ix, accidens suum erroneum, quod ipse a reprobatis philo­ p. 272? On voit ici comment les erreurs du réforma­ sophis invenit dici substantiam. Fasciculus zizaniorum, teur s’étayaient l’une l’autre. Le traité De eucharistia p. 101. Ce renseignement cadre fort bien avec une autre ayant été écrit probablement vers les années 1382proposition wycli tienne qui nous a été conservée par 1383, on est en droit de le considérer comme le déve­ Thomas Walsingham, dans son Historia anglicana: loppement doctrinal, l’apologie réfléchie des propo­ Deus de potentia absoluta non potest facere quod in sitions scandaleuses de 1380 ou 1381. sacramento ultoris accidentia essent sine subjecto. Nous n’avons pas à faire ici l’histoire des con­ Rerum bril. script., t. xxvm b, p. 52. La 9· propo­ damnations qui frappèrent successivement les thèses sition de 1381 disait également : Quod accidens sit sine eucharistiques de Wyclif. Ces condamnations ne nous subtecto non est fundabile;sed si sic, Deus annihilatur el intéressent que dans la mesure où elles s’efforcent de perit quili bet articulus fidci Christiana:. Fasciculi peser, dans la balance d’une censure théologique précise, zizaniorum, p. 105. le degré d’hétérodoxie de la négation des accidenda William Swynderby, un partisan de Wyclif, prê­ sine subfeclo. Au moment de cette négation,posée har­ chait en pleine ville de Lcyccst»T, le dimanche des diment ct cn termes trop souvent scandaleux.la doc­ Rameaux de l’année 1382, des propositions telles que trine opposée est en possession ; on la considère comme celles-ci : Quod sacramentum altaris, post consecrationem, l’expression de l’orthodoxie; elle semble avoir pour elle est verus panis et verum corpus Christi; et illa rotunla faveur des autorités religieuses. Si l’on cn doutait, les écrits de l’hérésiarque en fourniraient au besoin I ditas quie videtur, ct albedo c luijusmodi sunt panis) 1403 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) et hæc est sententia apostoli, doctorum antiquorum cl sanctorum et Ίη ista materia doctores novelli vel contra­ dicunt inter se, vel non dant sufficientem hujus sacra­ menti descriptionem. Ibid., p. 51. Quand l’évêque de Lincoln voulut user de rigueur contre le prédicateur, Il dut reculer devant la populace qui prit ouvertement parti pour le tribun wyclifiste· il fallait sévir de peur de voir le mal s'étendre davantage. Guillaume de Courtenay, après avoir pris conseil de ses suflragants ct s’être aidé des lumières de quelques professeurs de théologie, condamna donc une première série de dix propositions de Wyclif : damnatis,dit Walsingham, prædictis conclusioni bus hæreticis et erroneis, Ibid., p. 60; ce sont, à paît quelques légères diftéfences dans l’expression, les dix premières propositions, condamnées au concile de Constance, dans la ses­ sion VIII, a la date du 4 mal 1415. Les trois premières concernent le dogme de l'eucharistie; la seconde con­ cerne spécialement les accidents eucharistiques. La pre­ mière ct la troisième avaient déjà été censurées par Guillaume Bert on, chancelier de l'université d’Oxford, [ sur le conseil de douze professeurs des facultés de théo­ logie et de droit canon, dont la plupart appartenaient au clergé régulier. Ant. de Wood, Hist, et antiq. univ. Oxoniensis,}. J,an. 1381. Bert on les avait notées comme erroneas atque determinationibus Ecclesiæ repugnantes, il déclarait leurs contradictoires veritates catholicas ct ex dictis sanctorum et determinationibus Ecclesiæ manifeste sequentes. Fasciculi zizaniorum, p. 111. Lui et ses collègues songeaient évidemment au décret Firmiter du IV· concile de Latran. La condamnation du chancel.on De mysteriis 1404 missæ, qui devint très tôt un argument d’autorité en faveur de la doctrine commune. Dans un concile provincial, réuni â Londres le 19 mai 1382, par les soins de Courtenay, et connu dans l’histoire sous le nom de concile du Tremblement de terre, vingt-quatre propositions extraites des œuvres de Wyclif, dont les trois premières reparaîtront en ordre pared à Constance, furent condamnées, quelquesunes comme hérétiques d'autres comme erronées et en opposition avec les déterminations de Γ Église· La lettre de Guillaume au carme Pierre Stokys ne spécifie pas la censure méritée par chaque propo­ sition en particulier. Fasciculi, p. 275. Quand, un peu plus haut, dans la pièce officielle que l’archevêque communique à Stokys, il appelle les conclusions con­ damnées hæreticas atque /alsas, olirn ab Ecclesia condemnatas (allusion sans ,doute à la condamnation de Bérenger) ct determinationibus Ecclesiæ repugnantes il faut entendre ces prédicats dans le sens dlsjonctlf pour l’ensemble des propositions. On remarquera l’insistance avec laquelle revient la note : determina­ tionibus Ecclesiæ repugnantes. Cc qui frappe surtout les autorités religieuses et les défenseurs de l’ortho­ doxie, c’est l'opposition des doctrines eucharistiques de Wycl f avec les décrétales ct les définitions conci­ liaires. Quand Nicolas de 1 lcrcford ct Philippe Repyngdon, les chefs du parti lollard, à Oxford, furent forcés, sur l’ordre de l’archevêque de Cantorbéry, de se pro­ noncer nettement touchant les trois propositions de Wyclif, ils le firent en usant de distinctions, qui, toutes, se référaient à des décisions doctrinales, émanées des autorités enseignantes de l’Égliso romaine. Ces décisions évidemment les gênaient, bien qu’ils essayassent de s’en servir pour voiler leurs nou­ veautés. Touchant la proposition qui niait les acci­ dents sans sujet, ils déclarèrent : Ad sensum contra­ rium illi decretali Cum Marlhæ, concedimus quod est hæresis. Fasciculi, p. 320. Mais, interrogés sur le point de savoir quel était cc sens ct invités à répondre à la question: An illa accidentia corporalia quœ ante conse­ crationem formaliter inhærebant substantial panis aut vini, post consecrationem inhærcant eidem pant aid vino, vel in alia substantia subjectentur, ils refusèrent entièrement de répondre. Sur quoi les docteurs pré­ sents, omnes et singuli, jugèrent quod eorum responsio cral hærelica, erronea cl dolosa cl potius cavillatorium subterfugiam quam declaratio fidei suæ plena. Ibid., p. 329. Ce concile cut lieu à Londres, dans la maison des frères prêcheurs, le 21 mai 1382. Il réunissa t dix évêques, dix-sept docteurs en théologie, seize docteurs en droit civil ct canonique et pluribus aliis bachulariis, dit Knyghton, tam theologian quam etiam juris. Op. cit., col. 2651; Fasciculi, p. 286-287. Oxford reçut défense d’enseigner les propositions condamnées et l’arche­ vêque de Cantorbéry envoya à l’évêque de Londres et à scs autres suftraffants une lettre défendant d’ensei­ gner ou de prêcher les propositions suspectes sous peine d’excommunication. Knyghton, col. 2653. La mort de Wyclif, arrivée le 31 décembre 1384, ne mit pas fin à la secte. Au témoignage de Knyghton, elle se multiplia au point que vix duos videres in via, quin alter eorum Wijkclcid discipulus fuerit. Op. cil., col. 2666. En 1389, d'après Knyghton,en 1387, d’après d’Argent ré. Collectio judiciorum, t. i, p. 19, un édit du roi Richard II ordonna de rechercher les écrits, libelles, ccdulas et quaternos de Wyclif, Nicolas de Hereford et Jean Ashton. En 1395, à la date du 18 juillet, nouvel édit du roi ordonnant au chancelier de l’université d’Oxford de procéder à un examen doc­ trinal rigoureux du Trialogus, que Wyclif avait écrit dans sa retraite de Lutterworth, après sa condam­ nation de 1382, et dont la lecture continuait ή répandre l’hérésie en silence, mieux que les sermons des prédi- 1405 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) catcurs lollards. Rymer, Parfera ct conventiones... inter reges Anglim ct quosvis alios, La Haye, 1740, t. in, p. 2, 109. L'année suivante, le pape Boniface IX écrivait au roi d'Angleterre pour le décider à prêter assistance aux prélats contre les lollards, ennemis de Dieu et du royaume; il le suppliait de condamner ceux que les prélats déclareraient hérétiques. Walsinglinm, Hist. anglic., A. D. 1395. Cette lettre contribua sans doute à faire convoquer à Londres un nouveau synode provincial, au cours de l'année 1397. 11 se rassembla dans l'église Saint-Paul, sous la présidence de Thomas Arundel, archevêque de Cantorbéry. Dix-huit propositions extraites du 7 rialo­ gus \ furent censurées, dont les trois premières avaient rapport à l'eucharistie. Celle qui affirmait la pré­ sence du pain après la consécration était caracté­ risée : liarests est loquendo de pane naturali; celle qui affirmait la présence figurative du corps du Christ reçut la note : H aresis-, la troisième, qui contenait l’in­ terprétation spéciale que Wyclif donnait de h confes­ sion de Bérenger, était déclarée erronée. Mansi,Concil., t. xxvi, col. 817. C’est pour justifier scientifiquement ces censures que le frère mineur William Wodeford écrivit, sur l’ordre même de l’archevêque, son Con'ra Tnaloguni Wiclcvi. llefelc, Concilicngeschichte, t. vi, p. 978. Malgré le zèle des autorités ecclésiastiques cl les mesures de rigueur, l’hérésie ne cessait de faire des progrès. Au commencement de l’année 1401, il y cul un nouveau synode à Londres. John Purvey, prêtre du diocèse de Lincoln, jadis vicaire de Wyclif, y révo­ qua solennellement le symbolisme eucharistique. Après avoir reconnu la réalité de la transsubstantia­ tion, il ajoutait : lia quod sola forma sensibilis et similitudo eorumrfem panis et vini remanet ibidem in eorum accidentibus, absque subjee o eorumdem. Fasci­ culi, p. 401. William Sautry, un autre prêtre, s'étant obstiné à dire quod post consecrationem rite factam remane! idem panis in natura qui fuit ante, Fasciculi, p. 411, dut subir la dégradation ct fut brûlé à Smylhfcld. sous les yeux d’une foule considérable. Walsingham. Hist, anglic^ A. D. 1401. L’histoire démontre ainsi par des faits le lien étroit que l'hérésie wycli­ fiste établissait entre la négation de la transsubstan­ tiation ct celle des accidentia sine subjecto. L’année meme du bûcher de Sautry, un noble bohé­ mien, venu à Oxford, pour suivre les cours de la faculté des arts (Wyclif y avait toujours compté des adhé­ rents), y eut connaissance des ouvrages du réforma­ teur; Il se laissa gagner à l’hérésie. Il transporta à Prague le De universalibus de Wyclif (ouvrage où l’auteur adhère encore à la thèse péripatéticienne des accidents absolus, thèse rejetée déjà dans le De adibus anime), probablement aussi le De dominio divino, le De civili dominio, le De Ecclesia ct les œuvres atta­ quant la hiérarchie ct la discipline ecclésiastiques. C’est autour des œuvres de Wyclif. que la lutte se concentra en Bohême entre le pouvoir ecclésiastique cl les partisans du novateur anglais. L’action des autorités religieuses se poursuit presque parallèle­ ment à Prague ct à Oxford, jusqu'au concile de Con­ stance. Le 28 mal 1 103, un consistoire des maîtres de l’université de Prague, sous la présidence du recteur Gautier Harasser, condamna une liste de 15 propo­ sitions, tirées des œuvres de Wyclif. Les 24 premières n’elaient autres que celles condamnées au concile de Londres en 1382; les vingt et une autres avalent été extraites des œuvres de Wyclif par maître Jean 1 lubner de Silésie, qui les jugea hérétiques. C’est celle même liste qui sera frappée à Constance. DcnzingerBannwart, Enchiridion, n. 581 sq. L'acte authentique portant condamnation des dites propositions a été imprimé dans le t. v des Œuvres de Gerson, édition d’Anvers, 1706. Défense était faite d’enseigner, de 1106 prêcher, d’affirmer soit en public, soit en secret, le­ dits articles. Gerson, Opera, t. v, p. 620. Parmi les opposants, appartenant au parti national bohémien, on voit paraître Jean Huss, Nicolas de Lltomytzl ct Sta­ nislas de Znaym. Cc dernier devait devenir plus tard un des adversaires les plus décidés des hussites. Huss hil-même prétendit qu’on avait tronqué les textes et que, replacés dans leur contexte, Ils offraient un sens tout différent. W. W Tomek, Geschiehte der Prager üniversitât, 1849, p. 61. Protiwa, curé de Porzicz, près de Prague, en 1414,nous apprend que Huss, vers 1399 déjà, date probablement trop avancée, aurait enseigné qu’un lion prêtre a le pouvoir de consacrer validcment, mais que l’indignité morale de l’officiant avait pour effet de laisser le pain dans sa nature. Loscrth introduction. Jo. Wgciif de eueh. tract., p. xiv. Huss continue certainement la pensée de Wyclif, il le copie parfois littéralement; il est certain aussi qu’en Bohême, comme en Angleterre, l'assertion : panis remanet in sua natura, était devenue la formule qui ralliait tous les esprits favorablement disposés à Wyclif cl à scs écrits. 11 est plus difficile de dire quelle a été la doctrine précise du réformateur bohémien, con­ cernant les accidents eucharistiques. Pour trancher celle question, il faudrait s’en référer à scs ouvrages, surtout à son commentaire sur le 1. IV· des Sentences, et à son De corpore Christi. Au concile de Constance, Huss sera accusé d’avoir prêché la remanentia panis; un des témoins, qui déposèrent contre lui, Paul de Saint-Cas tu lus, cite une parole du réformateur qui doit nous faire conclure qu'il répétait purement et simplement la théorie eucharistique du docteur anglais. L’hérésiarque aurait dit : < Après la consé­ cration, les accidents persévèrent avec leur sujet, au sacrement ; comme l'homme est dans une tunique, comme l'âme est dans le corps, ainsi Dieu est dans le sacrement. · Cité par Loscrth, op. cit., p. u D’ailhurs poser, comme Huss le faisait certainement,la remanen­ tia panis, c’est-à-dire nier la transsubstantiation, c'est s’enlever tout motif plausible pour admettre la pro­ position : Accidentia panis manent sine subjecto in eodem sacramento. Il est vrai qu’au concile de Con­ stance, Huss se défendra d’avoir jamais enseigné que le pain demeurât, après la consécration. Quand Michel de Causis avança contre lui cette accusation, Huss, jouant sur le mot, prétendit qu’il avait voulu ensei­ gner qu’il· restait le « pain des anges » ou le · pain de vie » et non point le pain matériel. I. Lentant, Histoire du concile de Constance, 1714, p. 200. Plus personne n'admet aujourd’hui les vues du calviniste Lentant, lorsqu'il prétend laver Huss du reproche d’hérésie en matière d’eucharistie. Le savant éditeur du De eucharistia de Wyclif, le Dr Loscrth. reconnaît que les allégations de Huss furent souvent confuses ct ambiguës; il n'hésite pas à admettre la véracité des témoignages portés contre lui, tous sous serment. Op. cit., p. l. Il admet, il est vrai, que Huss aurait renoncé» comme beaucoup d’autres maîtres bohémiens, tels que Stanislas de Znaym et ί-’tienne de Paletz, à la négation de la transsubstan­ tiation, ce qui expliquerait que l'hérésiarque ait pu paraître orthodoxe, sur ce point spécial, durant le con­ cile, Lenfant. op. cit., p. 201; mais il déclare inexdete la négation opposée par Huss à ceux qui l’accu­ saient d’avoir enseigné que le pain matériel demeu­ rait, après la consécration. Il est certain que Huss défendait des propositions telles que celles-ci : Panls est corpus Christi, hoc est, signum sacramentale ejus. Loscrth, op. cit., p. u. Le pain naturel, symbole du corps du Christ présent sacramcntalitcr, non rcalitcr et identicc, c’est la thèse même de Wyclif, contenue dans la première et la troisième des quarante-cinq propositions condamnées. Huss ne pouvait en ignorer 1407 EUCHARISTIQUES (ACCI DENTS) le caractère hérétique. Elle fui condamnée une seconde fois en 1108, par l.i faculté dc théologie dc Prague, elle le fut une troisième fois en 1409, très solennellement par la nation de Bohême, A la date du 20 niai, dans une réunion tenue ad nigram rosam in Praga, comme nous l’apprend Jean Przibram. Cochléc, Hist, hussit., p. 11. La réunion comptait 64 maîtres ct docteurs, 150 bacheliers cl près de 1 000 étudiants. Les qua­ rante-cinq articles condamnes en 1403 y furent relus ct reconnus A l'unanimité des voix comme hérétiques, erronés ou scandaleux. Défense était folle A tous les suppôts dc la nation dc Bohême de les enseigner ou de les défendre, soit en publie, soit en privé, sous peine d’exclusion de la nation; A tous ceux dont le grade était Inférieur à celui de maître, il était interdit dc lire les livres de Wycl f, spécialement le De eucha­ ristia, le Dialogus cl le Trialogus qui contenaient plus spécialement tes propositions incriminées. Au témoi­ gnage de Przibram, Huss était présent et donna son vole. Ainsi, partout les autorités constituées se pro­ nonçaient de plus en plus catégoriquement en faveur dc la doctrine des accidentia sine subieclo. Partout, les trois articles de Wyciif concernant l'eucharistie furent condamnés par les facultés dc théologie ct les évêques; ils allaient bientôt l’être par le pou­ voir suprême dc l’Église. C’est un fait dc la plus haute importance, dont il faudra tenir grand compte, quand il s’agira d’apprécier le degré dc certitude dc la doctrine niée par Wyciif. Jean Przibram nous parait saisir pleinement la valeur dc ce fait, quand, après avoir c.té les trois premières propositions de Wyciif, il écrit dans sa Professio fldei antiguæ, taisant allusion à l'interdiction de ces propositions par les maîtres dc la nation de Bohême : Hoc idem fecit facultas theologorum Pragmsis. Hoc idem doc ores in romana curia. Hoc idem doclores in Anglia cl in Francia. Propter quod securius est cum illis sentien­ dum, præcipue in illis Iribus punctis c1 cum sanctis doctor i bus Ecctcsiæ quam cum Johanne Wyelef, omnes tales hæreticante et nefandissimos hæreticos impudenter I appellante. Cité par d’Argentré Collectio judic. part. Π, col. 27. Le 16 juin 1409, l’archevêque dc Prague, Sblnko, dans un nouveau synôde provincial tenu dans sa ville épiscopale» condamna au feu i plusieurs traités théologiques ct philosophiques de Wyciif; les ouvrages étaient nommés cl dans ’a liste figurent *e Dc eucharistia, le Trialogus et le Dialogus. D’Argentré, op. cil., p. 28. I’ donnait comme raison de celte condamnation le caractère manifestement hérétique et erroné des propositions contenues dans ces ouvrages. Ceux qui refusaient dc livrer leurs exemp’aires, dans les six jours, étaient excommu­ nie*. La privation dc leurs bénéfices ct d'autres pénalités étalent prononcées contre ceux qui admet­ traient ou répandraient les articles condamnés. L’ar­ chevêque obéissait ainsi à une bulle <1 Alexandre V, du 2 decembre 1109. Au témoignage d*.En«xis Syivlus. p’us de «leux cents exemplaires des ouvrages de Wyciif furent livrés aux flammes dans la cour du palais épis­ copal au cours du mois de juillet 1410, Balbinus, Epil. rcr. bohem., L IV» c. vi, p. 420; Oxford leur avait infligé le même sort, le 25 juin dc la même année. Wood, Hist. unia. Oxon., I. 1, an. 1410. Ces ouvrages continuaient à répandre les erreurs et les hérésies wydi Ostes en Angleterre et en Bohême. Du reste, lollards d Angleterre cl hussites dc Bohême entretenaient des , rapports épistolaires, Reginald Lane Poole, Index Urilanniæ scriptorum, Oxford, 1902, p. 275, ct entou­ raient d’une estime commune le doctor euangelicus. Ln 1108, Thomas Arundel, archevêque de Cintorbéry, avait, dans un nouveau synode, tenu à Oxford, mais dont les décrets furent proclamés à Saint Paul de Londres, détendu la lecture de tout ouvrage non ap­ 1408 prouvé de Wyciif. Mansi, Concil., t. xxvj, col. 1037 sq. L’université d’Oxford, après avoir durant quelque temps dénié A l'archevêque son droit de visite, sou­ cieuse de rétablir sa réput al ion d’orlhodox.e, se décida à sévir contre la contagion lollardc. Douze délégués furent désignés pour procéder A un examen rigou­ reux dc tous les ouvrages suspects d’hérésie. Wood, op. cit., t. r, p. 20G sq.; Monum. Academ. Oxon., t. j» j). 268. L'un d'eux, John Luckc, lira des livres de Wyciif 26 propositions dignes de censures; on trou­ vera parmi elles les trois articles concernant l'eucha­ ristie. Duplessis d’Argentré. Collée ιο iud., part. II» p. 34. Ces mesures dc rigueur étalent nécessaires, l’hérésie sacram en taire se répandant de plus en plus parmi le peuple. L’année précédente, un simple arti­ san fut brûlé A Londres, pour avoir soutenu obst némenl quod non est corpus Christi quod sacramcnfaliter (radatur in Ecclesia, sed res quædam inanimata, pejor bu/onc vel aranea, quæ sunt animalia animata, Wai· slnghnm, Hist, anglic., A. D. 1410; H ne parlait pas autrement que Wyciif; on peut vo.rdans Wa singham l’affreux courage avec lequel il défendit jusqu’au bout son blasphème. Deux ans après, dans un nouveau synode tenu à Londres, pour instruire le procès de Jean Old Castel, sire de Cobham, wycli liste fougueux, celui-ci s’obstinait pareillement A affirmer le premier des quarante-cinq articles condamnés. Fasciculi zizaniorum, p. 444. Comme les évêques ct les théo­ logiens présents lui opposaient les déterminations de l’Église et l’autorité des saints docteurs, il répondit hardiment que dc tc.»cs déterminations étaient en opposdion avec l'Écriture sainte cl qu'elles n’avaient paru dans l’Église que lorsque les richesses ct les dota­ tions curent commencé de la corrompre. Malgré la douceur des juges ecclésiastiques, Old Castel dut fina­ lement être livré au bras séculier. Mais, ayant reçu quarante jours dc répit, il parvint à s’échapper dc la Tour dc Londres; repris quatre ans après, il fut con­ damné à mort par le parlement pour rebellion ouverte contre le pouvoir royal. D’après Wals’ngham, il aurait, au milieu des flammes mêmes, exprimé l’espoir insensé de ressusciter le troisième jour après son sup plicc. Walslngham, Hist, unglicana, A. D. 1417. En Bohême, l’opposition du parti hussite prenait de plus en plus le caractère révolutionnaire. Huss avait attaqué ouvertement les indulgences accordées par le pape Jean XXIII û ceux qui aideraient A la croisade pro­ clamée contre Ladislas de Naples. La chrétienté souffrait à la fois du schisme auquel le concile de Rise n’avait pu mettre fin ct du wycliUsine qui ravageait l’Angleterre et a Bohême. Il était temps que le pou­ voir suprême de l’Église intervint pour remédier Λ tant dc maux. D'après Balbinus. Jean Gerson, chancelier de l’uni versité de Paris, écrivit, l’année même du concile de Bonn’, une lettre énergique à Conrad, archevêque de Prague,pour lut rappeler son devoir à 1 égard des héré­ tiques. Balbinus, Epit. rcrum. bohem., p. 423; de Bonnecbosc, Les réformateurs avant la Réforme, t. t p. 160 sq. Pendant que l’archevêque jetait l’interdit sur la vil c dc Prague, Jean XX III, dans un concile tenu A Rome au commencement dc l’année 1413, avait condamné en bloc tous les ouvrages dc Wyciif. Il était défendu dc les citer ct de nommer leur auteur, autrement que pour le réfuter. Mansi, Concil., t. xxvn, col. 505-506. Ordre était donné aux ord’naires de tout lieu dc la chrétienté de rechercher lesdils ouvrages et dc les brûler publiquement. Ceux qui voudraient défendre la mémoire dc Wyciif étaient cités A compa­ raître en cour dc Rome, ne idem Joannes, comme disait le décret, licet ab humanis erenlus, de hærcsi condem­ netur. Celle menace, le concile de Constance allait bientôt l’exécuter. Le 8 décembre de l’année 1113, 1409 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS; 1410 Jean XX HI lançait la bulle convoquant le concile stiné, affirmait qu’il était mort dans l’impénitence pour le l*r novembre de l'année suivante. Dés ’a pre­ finale, annonçait comme imminente la condamnation mière séance après la lecture de la bulle dc convo­ des quarante cinq articles; elle précisait des pénalités cation, François Zabarella, cardinal de Florence, posthumes contre le réformateur anglais; scs osse­ déclara au nom du pape que le concile aurait à s'oc­ ments, s’il était possible dc les discerner dc ceux des cuper des erreurs qui, depuis quelque temps, pullu autres fidèles, seraient déterrés et Jetés à la voirie. latent, surtout de celles qui ortum dicuntur habuisse C’est seulement en 1127 que cette sentence sera exé­ a quodam Joanne dicto Wiclefl, Mansi, Concil.,t. χχνιι, cutée; elle le fut sur les instances du pape Martin V col. 539. A la V· session, le G avril 1 115, André Laschari, qui, par lettre du 8 décembre dc la même année, évêque dc Posnanle, donna lecture dc quelques avis ordonna à Richard Flemmyng, évêque de L.ncoln, concernant des matières de foi. Il proposait dc faire d’exhumer les restes dc Wyciif et dc les ivrer publi­ confirmer ct approuver les décrets du concile de Rome quement au feu. Baynnldi Ann. cedes. Lu eques, contre la doctrine ct les livres de Wyciif qu’on con­ 1752, t. ιχ,ρ.57. Cette dernière rigueur était une aggra­ vation dc la peine édictée par e concile qui n'avait damnerait au feu, de nommer le cardinal dc Cambrai, point ex»gé cet autodafé posthume. Ainsi quarantele cardinal de Saint-Marc, l’évêque de Dôle et l’abbé trois ans après sa mort, les cendres du malheureux dc CIteaux, commissaires, avec pleine autorité en hérésiarque allèrent sc perdre dans le Swift, petite matière dc foi; ils s'adjoindraient une commission dc docteurs en théologie ct en droit canon à l’effet d’exa­ rivière qui traverse le village de Lutterworth. En attendant, une assemblée majestueuse dc prélats, miner les doctrines dc Wyciif et de Jean Huss; les commissaires examineraient également la voie à ’ représentant l’Église universePe, s’apprêtait à réprou­ ver solennellement les doctrines du novateur. suivre pour la condamnation de la mémoire dc En présence des représentants des quatre nations, Wyciif ct l'exhumation de scs ossements; ils prépa­ Pileus, archevêque dc Gênes, lut le décret du IVe con­ reraient la condamnation des quaiantc-cinq articles, cile de Latran, débutant par ‘es mots : Firmiter déjà condamnés par l'université de Paris cl par celle credimus, ct l’empereur, le président du concile ct tous de Prague. Quelle est ccttc condamnation parisienne les Pères présents unirent leur créance à cePe des à laquelle plusieurs documents font allusion? Proba­ Pères de Latran. On rappelait ainsi des doctrines blement, il s agit de celle de 1277, duc à Étienne Temdont celles dc Wyciif étaient la négation directe: Cor­ pier. Cf. Duplessis d’Argentré, Collectio judlc., t. n, pus ct sanguis (Christi) in sacramento altaris sub col. 27; Dénillc-Chatelain, Auctarium chartul. unio. speciebus panis et vini veraciter continentur, transsu bParis., t. n, col. 97. Dans la session VIe, deux évêques stantia/is pane in corpus d vino in sanguinem. Denzmet deux maîtres en théologie, désignés parmi »es quatre gcr-Bannwart, Enchiridion, n.43O. Lecture fut donnée nations représentées au concile, furent nommés pour ensuite de la sentence de condamnation. Mansi Concil., instruire le procès dc Jean Huss en matière de foi t. xxvii, col. 632 sq. Elle spécifiait nommément les usque ad sententiam definitivam: ces comm ssaircs rece­ quarante-cinq articles, ct rappelait les décisions des syvraient c rapport des cardinaux de Cambrai, dc Samt Marc ct de Florence sur la condamnation des * nodes antérieurs,ceux d’Oxford, dc Prague el dc Rome. ouvrages et des propositions de Wyc’if, aussi bien les ! Des cardinaux, des évêques, des abbés, des maîtres en théologie, des docteurs dc l’un et l’autre droit, ui quarante-cinq frappées à Paris ct à Prague que les deux cent soixante condamnées ά Oxford; ils pren­ multitudine copiosa, avalent, sur l’ordre du concile, examiné à plusieurs rcpr.ses lesdits articles : qui bus draient connaissance des mesures proposées pour la articulis examinatis, continue la sentence, fuit repertum condamnation de la mémo re de Wyciif ct la confir­ (prout in ventate est) aliquos d plures ex ipsis /uisse d mation de a sentence du concile romain de 1113 con­ esse notarie hardicos d a sancHs Patribus dudum repro­ damnant au icu les ouvrages de l’hérésiarque; sur batos; alios non ca holicos sed erroneos ; alios scandatout cela, les quatre commissaires ferment au plus tôt losos d blasphrmos, quosdam piarum aurium ofjensivos, un rapport qui serait lu aux nations et au saint concPc. nonnullos eorum temerarios cf séditions. Il avait été A n session précédente, les députes des quatre nations reconnu que les livres de Wyciif contenaient plures alias avaient chargé P.crrc d'Ail’y d’examiner es doc­ articulos similium qualitatum et répandaient dodrttrines de Wye if ct de Huss; le cardinal s'était chargé nam vesanam d fidei d moribus inimicam. Mans», volontiers de cette partie purement théorique de la toc. ci/., col. 63 t. La sentence du concile dc Rome était cause, mais I manifesta en même temps l’intention de confirmée : tous les ouvrages de Wyciif devaient être ne pas instruire le procès des personnes, ce.a n’étant livres au feu; les restes de l’auteur étaient voués au point, comme i d sait, dc son for, nuis de celui des traitement ind qué plus haut. Comme l’archevêque dc juristes, et il désignait ainsi François Zabarcl a, car­ dinal de Forcnce, ct Guillaume Fillastre, cardinal Gênes se disposait ù lire les deux cent soixante articles dc Saint-Marc. Le jeudi 2 mai,date dc la VII· session, extraits par John Luckc de i'œuvre de Wyciif, le car­ dinal de Saint-Marc intervint cl proposa de renvoyer les Pères du concile décidèrent Λ i'unanhnlté de con­ celte cclure ù la session suivante. La raison dc ccttc sacrer la Session suivante celle du samedi 4 mal, à intervention parait avoit été le fa t que ces articles l’examen des mat‘ères dc foi. Au jour Indiqué le n’avaient pas été communiqués aux Français. Von der concile se réunit dans l'église cathédrale; après la Hardt, Concil. constanticnse, t. iv, p. 191. La condam­ messe de beata Virgine, célébrée par le patriarche d’Antioche, et la récitation des litanies, on lut l’évan­ nation de ces articles aurait donc eu lieu lors de la IX· session. Ils furent, du reste, condamnés collec­ gile : Attendite a /alsis prophetis. La présidence de la tivement. sans que la note méritée par chaque article session appartenait, ce jour-là à Jean de Brognl, car­ dinal de Viviers; le roi des Romains. Sigismond, ass sfût spécifiée en particulier: Quidam ipsorum erant d sunt hardici, quidam seditiosi, quidam erronei alii tait à la séance avec une cour nombreuse. Vital, temerarii, nonnulli scandalosi, alii insani nec non omnes évêque de Toulon, monta à l’mnbon cl développa le texte : Spiritus veritatis docebit vos omnem veritatem. pene contra bonos mores d ea holicam vertlalcm /lie­ Après quoi, les promoteurs du concile, Henri de Piro runt. Ibid. col. 635. Il faut remarquer la forme diset Jean dc Scribanis, donnèrent une dernière fois lec­ joncVvc de la sentence du concile; celte sentence fut ture de la citation à comparaître adressée aux défen­ conlinnéc pur la bude dc Martin V In/er eundas, du seurs éventuels dc Wyciif ct qui avait été, de grand 22 février I I 18; des personnes Instruites, soupçonnées malin, nillchéc aux portes des églises de Constance. d’hérésie, la bulle exige une attestation faite sous serCette pièce déclarait Wyciif hérétique notoire ct obmen* témoignant dc leur loi à la vérité dc la sentence mCT. UE TIlEOL. CATIIOL. V. - 45 1411 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) prononcée par k concile; on leur demandait de dé­ clarer que les quarante-cinq articles de Wyclif et les trente de Jean 1 luss non sunt catholici, sed quidam ex iis sunt notorie turretici, quidam erronei, alii temerarii et seditiosi, alit piarum aurium o/JensivL Magnum bullari um romanum. Luxembourg, 1727, t. i. p. 292. On comprendra aisément que les théologiens pré­ sents au concile ne s'étaient point bornés à une censure collective des propositions dc Wyclif. Von dor Hardt a publié deux écrits qui sont leur œuvre l’un assez sommaire, l’autre plus diiïus où chaque proposition est soigneusement examinée et notée d’une note parti­ culière. L’auteur ou les auteurs de la Brevis censura, Von der Hardt, Concil. constant,, t. nr, p. 171 fai­ saient suivre la négation des accidents eucharistiques du jugement suivant : Hoc est /alsum e erroneum et sapiens hæresim universaliter intellectam. Argumentant contre la contradictoire : Accidentia panis manent in subjecto in sacramento altaris, il montre, reprenant le raisonnement exclusif familier aux théologiens, que ce sujet ne peut être ni le corps du Christ, ni le pain, ni tous deux, ni l’air ambiant et conclut par les mots : Palet ctiam lueresis illius conclusionis ; quia qui aliter sentit de sacramentis Ecclcsiæ quam romana Ecclesia lucreHeus esl. Pour prouver le sentiment de l’Églisc romaine en la matière, il citait les décrétales de Gré­ goire IX, Cum Mar hæ, cl Ad abolendam. Décrétales dc Grégoire IX, 1. V. lit. vu, c. ix. La Condemnatio dif/usa, qui révèle à la lecture un génie sûr, sol de et très pondéré, arrivait à une conclusion plus sévère : illi primi tres articuli de quadraginta quinque sunt turretici. Loc. cit., p. 219. Et cela est indubitable pour le premier et le troisième qui soûl respect.veinent la né­ gation do la transsubstantiation cl de la présence réelle. Mais le second : Accidenda panis non manent sine subjecto in sacramento altaris mérite t-il la même note? Le censeur n’hésite pas. Il écrit : Secundus artieulus est directe contra transsubstantiatlanem priedictam. Dans sa pensée, la thèse catholique sur les accidents eucharistiques est la conséquence inévi­ table du dogme défini par le IVe concile dc Latran. Celle définition présupposée, il raisonne comme il suit : Si non manet (panis) et tamen ibi remaneat tota species, per se sensibilis ipsius panis (le décret : Fir­ miter employait pareillement les mots: sub speciebus panis et vini), quie non potest esse in aliquoalio subjecto, auam in pane : sequitur qupd tails species panis stetit ibi sine subjecto. hoc. cil., p. 216. Il n’est pas probable que la plus briève meme de ces deux censures ail été lue avec les quarante-cinq articles, lors de la VHP séance générale du concile de Constance; cela eût allongé outre mesure la lecture du décret de condam­ nation, Von der I lardt ConciL constant., t. rva, p. 153; mais il nous parait Impossible de soutenir, comme l’ont fait les théologiens cartésiens que ce 2e article n’ait pas été condamné pour son contenu spécial et qu’il l’ait été seulement parce que. dans la pensée de son auteur, il mpliquail la négation dc la transsubstan­ tiation. C’est là une interprétation qui ne tient pas devant les faits. Les propositions ont été examinées a part; toutes et chacune ont été condamnées à Con­ stance; quelle que soit la note spéciale méritée par chacune d’elles — question sur laquelle les théolo­ giens émettront sans doute, comme ceux du concile même, des avis divergents — chacune est condamnée dans son propre énoncé. Λ ceux qui nous disent que rien nc s’oppose à ce qu’un conc le condamne plusieurs fois une même hérésie, quand la manière de l’énoncer diffère, nous répondons avec un théologien dist ngué : Hoc quidem conceditur si sermo sit de ea diversitate pro­ positionis quæ consistat in adjunctione novi erroris, priorem errorem confirmantis, non vero si sermo sit de c cllcs-mêmts. sensibilia panis d vini maneant sine subjecto in Meditationes de prima philosophia. Amsterdam, eucharistia. Lui-même se range de leur avis : Manere 1658, p. 259 sq. Nous n’exposerons pas ici la réponse post consecrationem species panis et vini est de fide defi­ donnée par Descartes aux objections qu'Amauld lui nitum in decreto Eugeni i condi, later., c. Firmiter, présageait comme devant venir infailliblement du constant., sess. VHP, trid., sess. XII P. Theol. cursus côté des théologiens : De iis quit theologos morari integer ad mentem Scoti, Lyon, 1671, disp. XLIV, possunt, et dont les plus graves concernaient l’euchaq. ix, conci. 1. Maslrius de Meldula estime qu’il est de rislic. Nous renvoyons une fois pour toutes, en cette foi définie que tous les accidents réellement distincts question, ù l’article substantiel, consacré à Des­ de la substance du pain ct du vin, qu’ils soient sen­ cartes par Mgr Chollet, art. Descvktes, t. m. col. sibles en eux-mêmes, ou seulement par leurs effets, 555 sq. En somme, la réponse de Descartes reposait demeurent sans sujet substantiel au sacrement. Cette sur une conception entièrement atomistique de la opinion le rapproche de Vasquez. Il hésite seulement nature du corps; elle devait fatalement conduire à la sur le point de savoir si les qualités occultes, qui ne se théorie des espèces intentionnelles. D’après cette trahissent pas par des diets sensibles, sont touchées conception, reflet de la transsubstantiation est de par les mêmes définitions conciliaires. Disp, theol., poser le corps cl le sang de Jésus-Christ sous les dimen­ in IV Sent., Venise, 1731, disp. III·, q. xv, Le cardinal Jacques Davy du Perron, dans son Traité de l'eucha­ sions sensibles qui appartiennent naturellement nu pain et nu vin; ce corps ct ce sang aflcctent donc nos ristie divisé en trois livres, Paris. 1622, venge à plusieurs sens absolument comme le feraient ces substances, reprises la thèse catholique des railleries du calviniste si elles demeuraient au sacrement. Les « espèces > du Duplessls-Mornay, p. 913 sq. et passim. Outre Suarez ct Viisquez, presque tous les théologiens notables de pain, par exemple, dont parie le concile de Trente, la Compagnie de Jésus adhèrent à la thèse tradition­ ne sont nuire chose que la surface sensible du pain, nelle. H n’y a divergence entre eux que sur la nature sorte de moyen lenne entre le pain lui-même ct l’air des accidents qui demeurent au sacrement, en raison ambiant : Et nemo est, écrit Descartes, qui putet hic des définit ions conciliaires. Cerium de fide est, dit Lu go, per speciem aliud intelligi quam prœcise id quod requi­ manere aliqua accidentia, cl il cite le décret Firmiter ritur ad sensus afficiendos. Meditationes, Amsterdam, du concile de Latran, les conciles de Florence et de 1658, p. 162, Deux lettres de Descartes, inconnues Constance; Cerium item est manere sine subjecto, et jusqu’ici, découvertes par M. Paul Lemaire dans la il cite à l'appui de celle assertion la condamnation bibliothèque de Chartres et éditées par lui dans sa prononcée à Constance contre la proposition 2· de thèse si intéressante sur le « cartésianisme chez les 1423 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) 1424 bénédictins », Dom Robert Desgabets, son système, son qui intéressait si vivement le théologien. Ibid., influence et son école, d'après plusieurs manuscrits et des p. 157 sq. documents rares ou inédits, Paris, 1902, p. 100-102, Cependant, le moment était proche où, prié plus reproduisent, avec de légères nuances et les restric­ instamment de concilier positivement sa croyance à tions prudentes habituelles & Descartes en matière de l'eucharistie et sa philosophie de la matière, Descartes théologie, la substance de cette première réponse allait faire plus que dire de vive voix « scs conjectures » donnée Λ Arnauld. Cette réponse, Descartes l’avait sur ce problème; ce qu'il n'avait pas fait pour Arnauld, d’abord soumise au jugement de Mcrscnne, après le philosophe allait le faire pour le P. Denis Meslant, jeune professeur de philosophie nu collège de la avoir lu les conciles touchant la matière de l'eucha­ Flèche, qui avait su mériter son amitié, par une cri­ ristie. Descartes, Œuvres, édit. Cousin, l. vm, p. 501. tique à la fois bienveillante ct détaillée de scs « Essais Ix minime supprima toute la partie positive de la de philosophie ». Descartes, Œuvres, édit. Cousin, réponse proposée par Dcscartcs, ct ne laissa sub­ t. vu, p. 383. Dans une réponse très encourageante que sister que la partie évasive qui s’étend jusqu’aux Dcscartcs lui envole le 24 janvier 1638, vantant les mots : sed cum (orte primi theologi..., dans l’édition latine des Méditaiions de 1658. Quand EIzevicr avantages de sa méthode pour la défense des vérités de la foi, il affirmait à Meslant : < Particulièrement, offrit à l'auteur de publier en Hollande une édition la transsubstantiation, que les calvinistes reprennent des Méditations, celui-ci consulta à nouveau Mcrscnne comme impossible à expliquer par la philosophie sur le point de savoir s’il jugeait opportun de faire ordinaire, est très facile par la mienne. » Le professeur ajouter à cette édition la fin de la réponse à Arnauld, de la Flèche voulut sans doute en savoir davantage. supprimée dans la lr· édition parisienne. Op. cit., t. vin, p. 542. Mcrscnne répondit à Descartes en lui Op. cit., t. ix, p. 172, 193. Il était, du reste, trop signalant la proposition de Wyclif, condamnée à enthousiaste de la philosophie nouvelle pour se con­ Constance, mais le philosophe jugea que cette con­ tenter de la tin de non-recevoir naïve que Descartes damnation ne le touchait pas. Op. cil., t. vm, p. 612. opposait à ses nouvelles demandes d’explications : Ixi solution des objections faites par Arnauld fut donc « Pour l’extension de Jésus-Christ en ce saint sacre­ publiée intégralement dans l'édition des Méditations ment, je ne l'ai point expliquée parce que je n’y ai qui parut à Amsterdam en 1642. Le dernier alinéa des pas été obligé... cl même que le concile de Trente a Réponses de Dcscartcs aux objections de M. Arnauld dit qu’il y est ea existendi ratione quam verbis expri­ contenait des assertions fort désobligeantes à l’endroit mere vix possumus; lesquels mots j’ai insérés à dessein des théologiens péripatéliciens; « j’ose espérer, con­ à la fin de ma réponse aux quatrièmes objections, cluait l’auteur, que le temps viendra auquel celle pour m’exempter de l’expliquer. » Op.cil., t. ix, p. 172. opinion qui admet des accidents réels sera rejetée Dcscartcs, d'ailleurs, prenait soin de stimuler la curio­ par les théologiens comme peu sûre en la foi, répu- l sité de Meslant, en lui soutenant qu’à des hommes un gnantc à la raison ct du tout incompréhensible, ct peu plus rompus à sa façon de philosopher « on pour­ que la mienne sera reçue en sa place comme certaine rait faire entendre un moyen d’expliquer ce mystère ct indubitable. » Nous savons par une lettre d'Arnauld qui fermerait la bouche aux ennemis de notre reli­ à Descartes, datée du mois de juin 1648, que le jeune gion ct auquel ils ne pourraient contredire. ■ Ibid., docteur de Sorbonne dont l'auteur des Méditations p. 173. Ainsi, ses illusions et la foi tenace des systéma­ déclarait < estimer plus le jugement que celui de la tiques aux ressources de leur système allaient engager moitié des anciens, » Descartes, Œuvres, édit. Cousin, le philosophe dans une voie dont il avait longtemps t. vm, p. 569, fut satisfait, sur un point au moins, par reconnu la témérité. Ce dut être nu courant de l’année la réponse imprimée dans l'édition des Méditations 1641 qu’il envoya à son jeune disciple de la Flèche de 1642. C’est aussi ce que Mcrscnne mandait à Gis­ les deux lettres célèbres, connues, dans l’histoire du bert Voct, professeur de théologie à l'université cartésianisme, sous le nom de Lettres au P. Mes land. d* Utrecht, le plus acharné des détracteurs de la philo­ On trouvera un résumé des explications par lesquelles sophie nouvelle en Hollande. Op. cit., t. ix, p. 84. elles prétendaient réaliser la synthèse de la physique Arnauld concédait à Descartes que la distinction des cartésienne ct du dogme de la transsubstantiation à accidents d'avec la substance n'était pas indispen­ l'art. Descartes, t. iv, col. 556. Disons brièvement sable à une explication rationnelle de l'eucharistie : Ici que cette deuxième explication de Descartes, en • Vous avez très bien montré, lui écrivait-il le 15 juil­ tant qu'elle sc distingue de celle fournie à Arnauld let 1648, comment l'indistinction des accidents que, dans sa pensée, elle était sans doute destinée à d’avec la substance peut s’accorder avec le même compléter, n'est qu'une pure équivoque sur le mot mystère, > op. cit. t. x, p. 113, mais, en même temps, « corps» de Jésus-Christ. Descartes appelle ainsi toute il pressait vivement son correspondant de lui fournir matière unie à l’âme de Jésus-Christ comme à son quelque moyen de concilier sa thèse de l’étendue es­ principe informant. Dès lors, par une simple analogie sentielle au corps avec « la foi catholique qui nous établie entre le plus incompréhensible des changements, oblige de croire que le corps de Jésus-Christ est pré­ celui où rien ne demeure du terme à partir duquel il sent au saint sacrement de l'autel, sans extension s’opère ct le phénomène de la nutrition qui renouvelle locale... · Ibid. Descartes déclara vouloir s'en tenir, peu à peu le corps de l’animal, tout en lui laissant son louchant le problème proposé par Arnauld, à la sage identité organique ct vivante, Dcscartcs arrivait faci­ reserve du concile de Trente, disant que · le corps lement à formuler une théorie rationnelle, trop ration­ de Jésus-Christ est en l’eucharistie... d’une façon nelle, hélas I du changement eucharistique. Il pouvait <1 exister qu*a peine pouvons-nous exprimer par des dire dans un sens bien différent de celui qu'il avait en paroles; · il ajoutait : « Je craindrais d’être accusé 1 vue : « Or, cette transsubstantiation sc fait sans mi­ d» témérité, si J’osais déterminer quelque chose là- racle. »Lc philosophe eut-il conscience de ce que son dessus ct j aimerai* mieux en dire mes conjectures de explication avait de risqué ct,tranchons le mot,d’invive voix que pai écrit. » Ibid., p. 149. En vain, Arconclliable avec l'orthodoxie? Il exprima,en tout cas, I auld. dans une nouvelle lettre du 25 Juillet 1648, le désir qu’elle demeurât confidentielle : · Je me wnvit-il ù Descartes : «Vous m’obligerez beaucoup de hasarderai, mandait-il à Meslant, de vous dire en me communiquer quelque chose touchant la façon confidence,etc. ;»il exigeait même le bénéfice de l’ano­ dont Jésus-Christ est en l'eucharistie; « la réponse de nymat en cas de publicité inopportune : « Si vous la Descartes, tout en répétant la thèse de l’étendue communiquez à d’autres, cc sera sans m’en attribuer <* enUelle, est absolument muette sur le chapitre l’invention et même vous ne la communiquerez à 1425 : I ! I I EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) personne, si vous jugez qu’elle ne soit pas entière­ ment conforme ù ce qui a été déterminé par Γ Église. » F. Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, 3· édit., Paris, 1868, t. i, p. 456, note. Le P. Denis Meslant, qu’à la suite de Sommervogcl, Diblioth. des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. n, p. 1020, on continue à confondre avec son homonyme Pierre Meslan, beaucoup plus Agé que lui, fut, sur sa demande, envoyé à la mission de la Martinique en 1615. Dans sa deuxième lettre, Dcscartcs lui fait de touchants adieux. Ils devaient être définitifs. Meslant ne revint jamais en France cl mourut à la Martinique, vers 1678, vingt-huit ans environ après la mort de Des­ cartes. Les lettres de Dcscartcs à Meslant sont pro­ bablement du commencement de l’année 1616 ou de la fin de 1615. Voir Œuvres de Descories, Paris, 1901, t. iv, p. 669. Elles curent bientôt une diffusion aussi large que discrète. Tandis que les originaux sont probablement perdus, les copies manuscrites en abon­ dent, un peu partout. M. Paul Lemaire nous en signale, à Épinal, ms. n. 142, 143, a Chartres, ms. n. 366, à Paris, Bibl. nat., 13262. Le catalogue des manuscrits de la bibliothèque de Troyes en mentionne une sous le n. 2336. Les éditeurs réc nls des Œuvres de Descartes, Paris, 1901, t. iv, p. 171, Ch. Adamet P. Tannery, signalent quatre autr scopies : Biblio­ thèque Mazarine, 2001, Bibliothèque nationale, fonds français, 15356. p. 262, 17155, p. 303; nouvelles acquisitions, J/Lp. 87. Baillct, le premier, imprima un extrait de la première lettre à Meslant, dans sa Vie de Descaries, Paris, 1691, t. n, p. 519 sq. Les deux ne furent Imprimées intégralement qu’en 1811, date à laquelle l’abbé Émery, supérieur de Saint-Sulpice, les donna au public, en les insérant dans scs Pensées de Descartes sur la religion et la morale, Paris, 1811, sous le titre de : Système de Dcscartcs pour expliquer la transsubstantiation dans reucharistie, exposé dans deux lettres au P. Mesland, jésuite, qui n'ont pas encore été imprimées, p. 213. Bouillier les réimprima dans son Histoire du cartésianisme, loc. cit. Une édition nou­ velle d’après le ms. de Chartres, dont le texte a été revu par Clerscllcr sur les originaux, a été donnée dans les Œuvres de Dcscartcs, Paris, 1901, t. iv, p. 162-170, 345-318. Malgré l’espèce d’incognito lit­ téraire qu’elles gardèrent longtemps ct où Clerscllcr, l’éditeur des lettres de Dcscartcs, les avait laissées par retenue,«de peur que...cola ne choquast trop les esprits de ceux qui, n’étant pas encore accoutumez à scs raisonnements, pourraient trouver ces nouveautés suspectes et dangereuses » (lettre de Clcrsclicr à Desgabets, du 6 janvier 1672) dans le ms. 142 de la bibliothèque d’Épinal, on en connut toujours l’existence ct le contenu substantiel. C'est ainsi que le dominicain Agnani, dans sa Philo· sophia nco-palea. Borne, 1731, critique la philosophie eucharistique de Descaries en signalant les lettres à Meslant : ...peculiaris philosophandi modus circa idem sacramentum, quem exhibet Cartesius in sua epistola data ad P. Messandum (sic) jesuitam, nondum /acia publici piris,p. 148. On lira dans l’ouvrage de M. Paul Lemaire, p. 102-101, par quelle voie les copies manuscrites des lettres à Meslant sc multiplièrent ct les controverses auxquelles elles donnèrent bientôt lieu, p. 105 sq. Le célèbre Edmond Pourchot, plus connu sous le nom la­ tinisé de Purehotus. professeur de philosophie de l'université de Paris, qu’il dirigea comme recteur et dans laquelle il fera prévaloir la philosophie nouvelle, dut en posséder un exemplaire. En tout cas, il adopta la substance des explicat ions cartésiennes sur l’eucha­ ristie dans sa Physique. Institutiones philosophiez ad faciliorem veterum ct reccntiorum philosophorum intelle­ gentiam comparator. part. I, Phys.,seel. v, c. !, I· edit., Lyon, 1733. C’est par Pourchot que Bossuet semble 1426 avoir eu communication dcslcttres de Dcscartcs. Lettres d M. Pastel, 1701, dans Œuvres complètes, Paris, 1827, t. LH, p. 128-129. L’évêque jugea aussitôt, avec une netteté d’intuition remarquable, que l’explication qu’elles contenaient était inconciliable avec le dogme : « Vous pouvez dans l’occasion,écrit-il à Pastel,docteur en Sorbonne, un ami de Pourchot, bien assurer notre ami, qui m’en parla, qu’elles ne passeront jamais et qu’elles sc trouveront directement opposées à la doctrine catholique. > Loc. cit., p. 129. Scs sympathies bien connues pour la philosophie cartésienne lui firent ajouter ce bon conseil à la censure : « Si scs disciples (de Dcscartcs) les imprimaient, ils seraient une occasion de donner atteinte à la réputation de leur maître ct il y a charité à les en empêcher. » Ibid. Bossuet avait raison. L’explication contenue dans les lettres au P. Meslant était manifestement contraire à la tradition. A ce titre, elle devait être spécialement antipathique au génie du grand évêque; aussi encourut-clle,à plusieurs reprises, sa réprobation expresse. Dans l’édition des œuvres de Witasse, Venise, 1738, t. iv, p. 400, à propos des diverses manières d’expliquer la transsubstantiation, on Ht : Sexta (opinio) aliorum qui existimarunt transsubstantiationis effectum esse solummodo relationem panis ad Christum, qua fieret ut panis corpus Christi diceretur, licet tota ejus substantia remaneret. Ita censuit olim Joannes Parisiensis. ...Ad cum accesserunt ictate nostra cartesian! complures, praesertim vero D. Cati, cujus sententia damnata est ab episcopo Hajocensi. Ce D. Call est en réalité Pierre Cailly,ou Cally,professeur d’éloquence ct de philosophie à l’université de Caen. Voir t. iî, col. 1368-1369. Son Durand commenté ou Paccord de la philosophie avec la théologie touchant la transsub­ stantiation, in-12, Cologne (Caen), 1700, avait été censuré par l’évêque de Bayeux, François de Nesmond, le 30 mars 1701. Dans une lettre très intércssaute de Witasse à Bossuet, en date du 6 avril de la meme année, où le professeur de théologie proteste auprès de l’évêque de son éloignement pour la nou­ velle doctrine, il montre fort bien que Cally, en adhé­ rant aux explications données par Descartes à Meslant sur le miracle de la transsubstantiation, se trom­ pait notablement en croyant suivre de la sorte les traces de Durand. Bossuet, Œuvres complètes, édit. Lâchât, t. xxx, p. 559. Pour Durand, en effet, seule la forme substantielle du pain était détruite par la transsubstantiation; la matière ct l’aggrégat des accidents sensibles demeuraient existants. In IV Sent.. 1. IV, dist. XI, q. m. Descartes, au contraire — c’est ainsi que Witasse résume fort bien la substance i de l’explication fournie au P. Meslant—«prétendait que rien ne sc détruisait dans le pain, ni matière, ni forme : mais que le pain, sans aucun changement physique, réel ct effectif, de corps inanimé qu’il était auparavant, devenait le corps de Jésus-Christ par la > consécration et par l'union qu’il plaisait alors à Dieu de mettre entre i’fiinc de Jèsus-C.hrist ct ce qui s’ap­ pelait pain auparavant. > Loc. cit. On comprend que Witasse ait cru opportun de montrer scs cahiers au délégué de l’évêque afin de le convaincre qu’ils ne con­ tenaient pas une doctrine dont l’abbé Émery, si sympathique pourtant à Dcscartcs, dira comme à regret « que, prise à la lettre, sans modifications et sans additions, elle ne s’accorde pas avec le dogme orthodoxe, » entendez : la décision du concile de Trente sur la transsubstantiation. Nous connaissons du reste, dans les détails, les reproches que l’évêque de Condom adressait à la doctrine des lettres à Meslant. On savait qu’il existait de lui un écrit intitulé : Examen d'une nouvelle explication du mystère de l'eucharistie ; un assez large extrait en avait été publié dans le t. xxxvni des GÀivrcs complètes d’Arnauld, | 11 I I I 1 ,1 I Ij | I 1 | | I I Ij F I 1 1 I î l ! | I I | I | i I | I 1427 E UCIi A R 1ST IQ UES (ACCI Γ) EN TS; Paris. 178Π, Préface historique et critique, p. xxm sq. Grftco â M. E. Levesque, qui eut la chance Le paradoxe n’élait-il pas énorme de soutenir que, Ibid., col. 974. Cf. col. 972. 11 faut renoncer, croyonsl’action sensible actuelle venant à cesser, par exemple, nous, à faire de Pellisson un défenseur des espèces lorsque l'hostie consacrée demeurait renfermée au eucharistiques intenttonnelles. ciboire, la présence sacramentelle, liée à celle des Du reste, on était pour ou contre Maignan, sui­ espèces, était supprimée à son tour? C'était limiter la vant qu'on niait ou qu’on admettait les accidents présence eucharistique dans le temps et la restreindre absolus. a la duree des perceptions sensibles actuelles. Par un 11 y eut,dans la seconde moitié du xvn« siècle ct la autre paradoxe, on se voyait forcé de multiplier le première du χνιπ®, une littérature polémique très sacrement selon le nombre des individus, ayant à un abondante, spécialement en Fronce, touchant les moment donné et en même temps, la perception sen­ accidents eucharistiques. Le Toulousain JeanSuguens, sible des espèces eucharistiques, incontestablement, . disciple de Maignan et minime comme lui, défendit c’étaient là des nouveautés. Nous n'avons pu consulter vigoureusement son maître dans sa Philosophia Mai· les ouvrages originaux de Mnignan, devenus fort gnani scolastica. Toulouse, 1703, ct surtout dans rares. 11 est probable qu'il s’ouvrit au public de son un ouvrage, dirigé contre le théologien dominicain hypothèse eucharistique dans le vol. i de sa Sacra Nicolas Gennaro, qui avait attaqué l'hypothèse de I hiiosophia sive entis supcrnaturalis, Lyon. 1662. Sa Maignan dans son Adversus atomos redivivas. Messine, théorie desespeces intentionnelles fut attaquée par le 1704. L’ouvrage a pour titre : Systema eucharisticum J ' suite Théophile Raynaud, avec son érudition et sa Maignanl vindicatum... adversus atomos redivivas· t uigm ordinaires. Opera, Lyon, 1665, t. vî, p. 147, Quare hic certatur pro atomis redivivis, quales Maignanus Appendix contra Magnanum; à le lire, on voit que i ex Platone hausit, adversus formas semineces ari stole· Maignan avait déjà émis les memes vues dans son licas in tuitionem prœdicti veri systematis eucharistici, ( mus philosophicus, Toulouse, 1652, ct que dans sa Toulouse, 1705. Le titre dit assez les tendances do Sucra philowphta qui doit être l'ouvrage que Raynaud l’ouvrage; l'auteur employait la forme dialoguée; lo • ?P» Ile la Theologia rrcenlissima de Maignan, celui-ci nom de Pazzius, dont il affuble le défenseur des idées t appuyait directement sur le passage des réponses péripatéticiennes, dénote une intention peu aimable a x quatrièmes objections. Dix ans après, en 1672, i envers l’Écolc. Du reste, toute cette théologie polé­ p rut le îi* volume de la Philosophia sacra. Il contcmique a les défauts du genre : plus de vigueur que t Ayant connu par CIcrselicr les lettres à Mcslant, il employa de l'eucharistie, avec défense d'en écrire A qui que ce son génie, Λ la fois subtil cl Ingénieux, ù défendre ct fût, ni de communiquer scs nouvelles opinions sur ce mystère, ni par paroles, ni par écrits. · bibliothèque A développer l'explication qu’elles contenaient. Des· gabets croyait, du reste, retrouver cette explication lorraine, Nancy, 1751, p. 397 sq. Pareille mésaventure chez saint Jean Damascene. D'après lui, tous les pro­ était arrivée A deux autres défenseurs acharnés de la blèmes cosmologiques, posés parle mysièrede l'eucha­ nouvelle philosophie eucharistique. L'un, dom Maur ristie, se réduisaient A celui de la inulti locat ion d'un Fouquct, qui passait · pour fort habile cartésien », avait composé une Animadversion cartésienne contre corps ct A la réduction d’un grand corps en un petit espace. Il résout aisément l’un el l'autre ct les hypo­ une dissertation d’Adrien de la Rue, chanoine de thèses Ingénieuses qu’il émet ici font de lui un véritable Chartres, probablement la Dissertatio quid de trans­ précurseur. < Une ûrne, écrit-il, pourrait être unie I substantiations sentiant carthesioni (ms. 2001 de la (n’étant pas proprement dans l’espace) A des portions blblothéque Mazarine, p. 575-855). Ses supérieurs, de matière fort éloignées l’une de l’autre, s’il n’y I « ayant été avertis des impertinences qu'il avançait avait aucune fonction A faire qui requit de la conti­ pour défendre la transsubstantiation suivant les prin­ nuité entre ces portions de matière fort éloignées l’une cipes de Descartes, lui ont imposé silence. ■ Lettre de l’autre; c’est pourquoi la forme donnant l'être à la d'Adrien de la Rue à Picqucs, docteur de Sorbonne, chose, l’âme peut avoir son corps par miracle en divers du 13 janvier 1671. Levesque, op. cil., Introduction, lieux séparés ct, en cet état, elle n’aurait qu'un seul p. 6. L’autre, dom Le Gallois, professeur de philosophie corps, si ces parties de matière n’avaient aucun rap­ de Saint-Vandrille, fanatisait ses jeunes élèves pour port entre elles de tout ct de parties. » IL Lemaire, Descartes, au point de leur faire sillier, le jour de la Dom Rabat Dcsgabets, p. 112, note. Pareillement, si fête du saint sacrement, les leçons du second noc­ un grand corps peut tenir dans un petit espace, c'est turne que l'on chantait A malines ct dans lesquelles que l’identité d’un même corps n'exclut pas les contra­ saint Thomas expose la conception scolastique du dictoires pour des temps divers. Ne peut-on pas dire mystère. On lira dans l’ouvrage de M. Lemaire, p. 387du corps né de la Vierge Marie qu’il a été grand ct 410, le mémoire aussi violent que solide que dom petit, qu’il n'était jamais dans le même état tout en Joseph Mège présenta nu chapitre général de l'ordre étant toujours le meme? Dès lors, « quelle merveille bénédictin contre Le Gallois, qui renonça dé linit i ve­ qur ce même corps, se trouvant tout entier ct indirnent A l'enseignement pour la prédication, après visiblemcnt en divers lieux, ait des organes ct du avoir dû supprimer l’écrit justement incriminé par sang ct n'en ait pas, soit grand ct petit, visible ct | dom Mège. invisible, se divise ct ne sc divise pas, etc.? » Ibid., I II ne semble pas que le cartésianisme eucharis­ p. 113, note. On reconnaît l'équivoque que Descartes tique des bénédictins français ait réussi A s'implanter le premier avait suggérée dans sa deuxième lettre à parmi leurs confrères d’Allemagne. La célèbre uni­ MeslanL De l’objection très grave ct insoluble en tin versité de Salzbourg resta longtemps un centre de pro­ décompte,affirmant que cette conception de la trans­ pagande intense au service du plus pur péripatétisme. substantiation laisse exister réellement le pain au i Cela ressort clairement de VHistoria alnuc cl archi­ sacrement, Desgabcts croyait sc débarrasser par une épiscopal is universitatis Sallsburgensts P. P. bencsimple distinction : le pain consacré qui demeure, diclinorum, commencée par le P. Willpcrts ct publiée dhaJt-11, peut être considéré < comme du pain, si on A Bonnsdorll, en 1728, par son continuateur le P. Scdétourne son attention de l’âme qui l’informe; il dehnayr. Les bénédictins allemands restèrent en n’est plus pain,si on le considère comme informé d’une masse fidèles aux doctrines du thomisme. Les litres âme qui le change au corps d'un homme. » ibid., p. 113,, seuls des ouvrages dus A leur plume et nés cependant noie. Cette doctrine rencontra l’opposition décidéeî en pleine réaction cartésienne suffiraient A le proud’Amiuld, Œuvres, Paris, 1775, t. i,p. 670, et de Nicole,, ■ ver. Le P. Alphonse Wcnzl public en 1739, A Augsbourg, Lettres de /ru .W. Nicole. Lille, 1718, L i, p. 114-455,, i une Philosophia angelico- thomisi ica scu questiones qui. s’en tenant A la tradition, critiquaient A la fols lai peri patet icæ ad mentem D. Thûmæ Aquinatis doctoris méthode de Dcsgabets ct l’erreur dogmatique où ellee I angelici et accuratam schohc angcliac methodum le lucnaiL Léonce Couture, dans un opuscule intitulé : concinnator, le P. Placide Rentz, profès du monastère 1137 E U C Π A III ST IQ U ES ( A CCI D E N TS) impérial de Weingarten, en Souabc, avait publié en 1711 une Philosophia ad mentem angelici docloris divi Thomæ Aquinatis explicata, en trois volumes. Du reste, l’Allemagne universitaire fut en général assez lente à secouer le joug des autorités philosophiques reconnues, pour embrasser la liberté de penser. Euckcn signale, po ir l’université d’Iéna, la (laie de 1756 comme symptomatique des premiers essais d'indépendance philosophique. C’est la même année précisément que le P. bénédictin Gall Cartier, du monastère d’EUenheim, en Brisgnu, publie sa Philo­ sophia ecleclica ad mentem et methodum celeberrimorum nostra: adatis philosophorum concinnata. Sur le point spécial des espèces eucharistiques, il s’y déclare nette­ ment favorable à l’opinion du gassendistc Bernier. Physica, part. I, c. i, p. 192-194. Depuis l’année 1715, des relations épistolaircs assez suivies s’étaient nouées entre les bénédictins du monastère de Saint-Emmeran a Batisbonne ct les maurisles de Sainl-Gcrmam-desPrés, à Paris. Une partie de cette correspondance, celle qui forme le n. 21 du fonds Starkiana de la biblio­ thèque royale de Munich, a été publiée par J. A. En­ tires, professeur de philosophie au lycée royal de Batisbonne. Korrespondenz der Maurmer mit den Emmeramern und Beziehungen der letzleren zu den wissenscha/llichen Beivegungen des xvm Jahrhundcrts, Stuttgart et Vienne, 1899. Nous y voyons le bouillant, mais savant, dom Prudent Ma ran dépêcher à SaintEmmeran des plaidoyers chaleureux, à la fois en faveur du cartésianisme ct contre la bulle Unigenitus. Il exprime toutefois à son correspondant, un jeune bénédictin allemand du nom de J.-B. Kraus, qui, après s’être formé à Saint-Germain-dcs-ITés. sc disposait à enseigner la philosophie aux étudiants de sa congré­ gation, ses expresses réserves touchant « la liberté que quelques cartésiens se sont donnée d’expliquer l’euchanstic d’une manière peu conforme aux Pères de l’Égiise, qui nous enseignent tous que nous mangeons la même chair qui a été crucifiée et qui est ressusci­ tée. » Op. cit., Maran à Kraus. Lettre du 4 décembre 1723. Nous apprenons, par une correspondance ulté­ rieure, publiée également par M. Endres, que la philosophie nouvelle rencontra des contradicteurs ardents.au sein de la congrégation bénédiclino-bavaroise. C’est ainsi qu’en 1760, dom Frobenius Forster, qui deux ans plus tard allait être créé prince-abbé de Saint-Emmeran, mande à dom J. François, bénédictin de la congrégation lorraine des Saints-Vanne-et· Hvdulphc, que, l’année précédente, un chapitre géné­ ral. tenu au monastère de Pnfling ou Pruvening. près de Batisbonne, a décrété, ut tam in philosophicis quam theologicis, pro/essores communis studii, methodo D. Thomœ Aquinatis inhorrerent et qiue nova sunt in utraque disciplina ab auctoribus variis introducta, nonnisi refutando, tractarentur. Endres, op. cit., p. 100. Un vétéran de la scolastique· veternus in castris sco~ ladicis miles, a même poussé le zele jusqu’à distri­ buer nux abbés réunis en chapitre un factum composé à la hâte ct imprimé à Ratlsbonnc (impressum in urbe nostra), où il stigmatise des censures les plus graves les opinions ct principes de la philosophie nouvelle, ut vocal philosophice lienteriae. Il s’agit indubitablement de l’ouvrage que le P. Vérémond Gull, professeur émérite en résidence précisément à Prilling, lit impri­ mer à Batisbonnc.cn 1760. mais qu’il avait fait approu­ ver par les supérieurs de l’ordre ct les censeurs diocé­ sains, au cours de l’année précédente : Examen theolo­ gicum philosophice neoteriem, epicuretc, cartésienne, teihnilzianœ, wotfiame. Cf. Zicgclbaucr, Historia rci Htterariœ ordinis S Benedicti, t. i, col. 538. Forster ajoute, non sans dépit : Terrentur his umbris prtclali nostri, quidque in hac re statuendum sit lucrent ambi­ gui. Endres, op. cit.. ρ 100. On ne sera pas loin de la 1438 vérité, croyons-nous, en affirmant que les dom Fouquet, les Dcsgabets, les Le Gallois n’eurent pas leurs équivalents philosophiques parmi leurs confrères des congrégations bénédictines d’Allemagne. En France, pays d’origine du cartésianisme, l'emballement général pour ce qu’on appelait alors • la bonne physique » était malheureusement trop grand pour être arrêté par des mesures de rigueur. Ni la mise à l’index des ouvrages de Descartes, ni les intersentions royales, ni les persécutions auxquelles furent en butte les chefs du mouvement cartésien, tels que CIcrselicr el Bohault, ne purent empêcher l’éclo­ sion des théories eucharistiques les plus hasardeuses. Pierre Cally, professeur de philosophie au collège du Bols à Caen, cartésien convaincu, allait continuer la tâche de dom Robert Desbagets. En 1680, le P. Le Va­ lois, professeur de philosophie au college des jésuites dans la même ville, avait attaqué ΓInstitutio philo­ sophie de Cally, parue en 1674, Caen, 2 in-4·, dans un ouvrage signé du pseudonyme Louis de la Ville ct intitulé : Sentiments de M. Descaries, touchant l'es­ sence el les propriétés des corps, opposés Λ ta doctrine de ΓÉglise ct conformes aux erreurs de Calvin sur le sujet de l’eucharistie, Paris, 1680. Il y affirmait que la doctrine cartésienne sui l’étendue était contraire au concile de Trente. Cally aurait répondu à son adver­ saire par une thèse latine, qu’il s’abstint néanmoins, pour lors, de publier. M. l’abbé de la Bue, Essais histo­ riques sur la ville de Caen, 1820, t. i. p. 330. Malebranche, visé également par l’écrit de la Ville, répondit par sa Défense de. routeur de la recherche de la vérité, contre l'accusation de M. de la Ville, Traité de la nature cl de la grâce. Rotterdam, 1712, p. 365. Bayle chercha à tirer profit du conflit,en montrant que la doctrine cartésienne sur l'étendue exprimait la vérité philosophique. Dissertation où Ton défend contre les péripatéliciens les raisons par lesquelles quelques carté­ siens ont prouvé que l'essence des corps consiste dans l’étendue, Œuvres, La Haye, 1731, t. îv, p. 109. Ber­ nier, célèbre voyageur el médecin gassendistc, fit im­ primer une défense du gasseiidisme. La pièce porte le titre : Eclaircissements sur te livre de M. de la Ville. C’est la troisième d’un petit Kecueil de pièces curieuses concernant la philosophie de M. Descartes, imprimé à Amsterdam en 1681, sous le nom de Desbordes, mais dont le véritable éditeur est Bayle. Sans doute, on annul pu souhaiter que le P. Le Valois eût fait preuve de plus de modération ct de courtoisie envers des hommes dont les intentions, au moins, demeuraient catholiques, mais, sur le fond même du débat, il est difllcile de ne pas lui donner raison. Déjà, en sep­ tembre 1671, l’archevêque de Paris avait signifié à la faculté de théologie de l’université la volonté du roi très chrétien de bannir des écoles les nouveautés cartésiennes. Onze ans après la publication du livre du P. Le Valois, un ordre royal, communiqué aux membres de la faculté des arts de la même uni­ versité par l’archevêque, leur imposait défense d’ensei­ gner que < la matière des corps n’est rien autre chose que leur étendue ct que l une ne peut être sans l’autre. » Duplessis d’Argentré Collectio fudiciorum, t. m, p. 138, 149. Si ces ses elites eussent eu besoin de justification, des écarts doctrinaux, tels que ceux do Cally, sc seraient chargés de la fournir. Devenu cure de Saint-Martin de Caen, en 1681, il publia son second cours du : Univcrsic philosophia institutio, 2 in l·’, Caen. 1695, dans lequel il répondit au P. Le Valois el ne lui ménagea pus les attaques. Il ne se borna pas à celte réponse; il aurait, dans une pensée de zèle, traduit en français la thèse latine rédigée jadis contre le P. Le Valois. Fut-il trahi par son imprimeur qui n’attendit pas. comme l’écrit l’abbé de la Bue, op. cil., p. 331, l’approbation 1439 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) convenue entre eux? En tout cas, le Durand com­ menté parut en 1700 à Caen, sous le nom dc l'im­ primeur Pierre Marteau et sous la fausse indica­ tion de Cologne, qui a surpris parfois la bonne foi des bibliographes. L’ouvrage eut un retentissement considérable. Le 30 mars 1701, François de \csmond, évêque dc Bayeux, dans une instruction pastorale, condamna dix-sept propositions extraites du Durand commenté. L’évêque les déclarait falsas, temerarias, erroneas, scandalisas, et ne itio tridenti no injuriosas, destructivas præsenltic remis corporis Christi in eucharistia, in hicresim circa transsubstantialionem inducentes. Toumcly, Dc eucharistia, Paris, 1739, t. I, p. 279. 11 est à peu près impossible dc trouver aujourd'hui l’ouvrage dc Cally, i'auteur ayant mis beaucoup de zèle Λ le retirer des mains du public. On trouvera huit des dix-sept propositions condam­ nées dans les Mémoires de Trévoux du mois dc sep­ tembre 1730. L’assertion capitale dc Cally et son erreur principicllc consistaient à dire que le pain et le vin devenaient le corps cl le sang de Jésus-Christ par l'cfTct des paroles dc la consécration, qui les unis­ saient Λ l’âme du Sauveur. « Cette matière, disait-il, est le corps dc Jésus-Christ eucharistié par J'union miraculeuse qui s’en est faite avec l’âme dc JésusChrist et sa divinité. » Mémoires dc Trévoux, loc. cit. Une misérable équivoque, contenue déjà dans les lettres dc Descartes au P. Mcslant, lui permettait d’appeler corps et sang dc Jésus-Christ ce qui, en réalité, n’était que du pain et du vin, unis par une sorte dc lien hyposlaliquc à l’âme du Dieu-homme. L’auteur du Durand commenté concluait hardiment que c l'impénétrabilité, la divisibilité et la figure eucha­ ristique · étaient « l’impénétrabilité, la divisibilité et la figure du corps dc Jésus-Christ cucharistlsé. > Si l’on disait que ce corps cucharistlsé n’était donc pas le corps historique et humain du Christ, né dc la Vierge, immolé sur la croix, glorieux et incorruptible dans le ciel et, d’après la croyance catholique, invisible­ ment présent dans l’hostie, il déclarait encore,en suivant toujours Descartes : < Toute portion dc matière qui est véritablement unie, tant avec l’âme dc Jésus-Christ en unité de nature qu’avec la divinité en unité dc per­ sonne, doit être, non en figure, mais réellement et substantiellement le corps de Jésus-Christ qui a été sacrifié à la croix pour le genre humain : le même corps, dis-je, sinon à raison dc son extrémité et circonférence, du moins à raison de son union avec la même âme et divinité. » Ibid., p. 1579. C’était encore une fois jouer sur les mots : le corps eucharistique n’était mani­ festement plus le corps individuel du Christ, ayant la nature dc la chair humaine; c’était à tout le moins un corps équivoque au vrai corps dc ΓΙ tomme-Dieu. Cally sc soumit noblement. Il déclara lui-même en chain· être l’auteur du Durand commenté, donna lec­ ture de la condamnation épiscopale et rétracta géné­ reusement scs erreurs. Bossuet avait communiqué à l esêquc dc Bayeux, sous forme dc censure, son jugement sur l’ouvrage dc Cally. Il en exigeait la suppression par les mains dc la justice séculière dans tout le royaume. Lettre à M. Tévêque de Bayeux. 1alire ccxLvn, 9 février 1701. Voir G. Vatlier, La doctrine cartésienne dc Teucharistie chez Pierre Cally, dans les Annales dc philosophie chrétienne, décembre 1911, p. 271-290; janvier 1912, p. 380-409. Il sc trouva néanmoins des génies plus originaux que soucieux des exigences de l’orthodoxie, qui songèrent a corriger l'opinion dc Cally. Une des objections que soulève son système et celui dc Descartes luimême est que le corps dc Jésus-Christ est du pain, non un corps humain organisé, ayant sa forme exté­ rieur» naturelle. Un autre prêtre cacnnois, mathéniaUckii de renom, que la géométrie avait conduit au 1410 cartésianisme, Pierre Varignon, professeur dc mathé­ matiques au collège Mazarin et plus tard au collège Royal, à Paris, s'avisa d’appliquer à l’eucharistie des conceptions qui lui avaient été suggérées sans doute par l'étude des infiniment petits. Il est, en cfTct, l’auteur d’un ouvrage intitulé : Éclaircissements sur Tanalyse des infiniment petits, Paris, 1725. Varignon supposait que les plus petits éléments sensibles dc la matière du pain étaient, comme toute matière, sus­ ceptibles dc tous les arrangements possibles ( t, par conséquent, d’avoir tous les organes du corps humain. Une stature déterminée n'est pas essentielle au corps humain; un enfant, disait Varignon, dont le corps n’a qu’un pied, est un homme; des parties matérielles indéfiniment petites pourront donc recevoir l’arran­ gement du corps humain. Il retenait l’idée de Des­ cartes : l’identité du corps humain dépend uniquement de celle de l’âme. Sur l’union dc l’âme humaine avec le corps, Varignon pensait à peu près comme Leibniz : elle n’est que la correspondance mutuelle des mou­ vements du corps et des pensées dc l’âme. Les pensées d'une seule âme pourront ainsi occasionner divers mouvements dans plusieurs corps et réciproquement ceux-ci pourront occasionner diverses pensées dans une seule âme. Celle-ci constituant à elle seule le moi, qu’elle soit unie à plusieurs corps ou à un seul, 11 n'y a toujours qu’un seul homme. Un seul homme peut donc, sans contradiction, être dans plusieurs lieux; il suftlt, pour cela, qu’une seule âme humaine informe plusieurs dc ces corps microscopiques, séparés les uns des autres par rapport à l'espace. Par la transsub­ stantiation, la puissance divine organise en un instant les plus petites parties de la matière du pain, en nutant dc vrais corps humains. Ce changement, toutefois, demeure invisible aux sens, parce que ces parties infinitésimales gardent entre elles le même ordre qu’elles avalent lorsqu'elles étaient simplement du pain. Varignon ajoutait que la petitesse même dc ces corps humains les mettait à l’abri dc toute lacération sacrilège : il n’y a nul instrument, disait-il, qui puisse les frapper, les percer, les déchirer. Voilà ce que Vari­ gnon appelait une démonstration géométrique dc la possibilité dc la présence réelle, ce que d’Alembert traitera dédaigneusement dc pieuse extravagance d'un dévot mathématicien. Le petit opuscule dc Vari­ gnon fut Imprimé à Genève en 1730 dans un recueil de Pièces fugitives sur Teucharistie, qui est une publi­ cation du ministre Vernet. On trouvera un résumé du système eucharistique dc Varignon dans le t. xx des Mémoires du P. Niccron, p. 26, et aussi dans le t. v des Philosophes modernes, Paris, 1773, p. 352 sq., dc M. Savéricn. Les idées dc Varignon furent combattues, croyonsnous, dans un ouvrage qui parut à Paris en 1729. 11 était dû à la plume dc l'abbé F. David : Kéfutatlon d'un système imaginé par un philosophe cartésien gui a prétendu démontrer géométriquement la possibilité dc la présence réelle. Si la réfutation ne vise pas l’ouvrage dc Varignon lui-même, elle vise, en tout cas, son sys­ tème, exposé en latin par quelque professeur carté­ sien peut-être, qui ne le communiquait aux étudiants qu’en manuscrit. Mémoires de Trévoux, septembre 1730, p. 1570. L’écrivain qui, dans les Mémoires de Trévoux, rend compte dc l’ouvrage de l’abbé David, caractérise fort bien ce qu’avaient d'étrange et de presque Indécent les idées dc Varignon : · Qu'cst-cc après tout, disait-il, que ce passage continuel de l’âme dc Jésus-Christ en une in Unité dc ces portions organi­ sées de pain et dc vin, sinon une espèce dc métemî psycosc immense et perpétuelle, inventée exprès pour sc jouer du mystère? L’identité dc l’âme fera, si l'on ; veut, que Jésus-Christ ne sera pas plusieurs hommes, mais clic n’empêchera pas que ce ne soit un homme 1441 E U G11AIU ST ! Q L’ ES 'ACCIDENTS) à mille millions dc corps.« Il signalait l'insuffisance dog­ matique du système, en poursuivant : · Que tous ces coqjs pris en des temps et des lieux éloignés soient le corps d’une même personne : sont-ils pour cela le même corps? Comment, sans la réplication que l’on veut éviter, une âme informera-t-elle chacun dc ces mêmes corps, infinis en nombre cl dispersés par tout l’uni­ vers? Et supposé qu’on admette la réplication dc l’âme, pourquoi n’admet Ire pas aussi la réplication du corps unique dc Jésus-Christ? » Loc. cil., p. 1575. Il sc répète parfois encore, probablement sur le témoi­ gnage de l’abbé Émery» op. cit., p. 248, que le jansé­ niste Jacques-Joseph Duguct aurait composé contre Varignon le Traité dogmatique sur l’eucharistie. Pans, 1727; Dissertations théologiques cl dogmatiques, Paris, 1727. L’explication de Varignon s'étant accré­ ditée dans une maison de bénédictins, dit Émery, l’abbé Duguct, consulté, s’éleva contre elle, avec beaucoup do force cl dc véhémence. Nous croyons que ce renseignement est erroné et dû à quelque con­ fusion. D’abord, Duguct s’en prend plutôt à l’opinion exprimée dans les lettres au P. Mcslant qu'aux com­ pléments que lui donna Varignon. 11 dit, en effet, dc l’opinion qu'il combat : < Orj ne reconnaît dans ce corps ni organes humains, ni figure humaine, ni au­ cune des lois naturelles, établies pour former l’union de l’âme et du corps; et l’on ne laisse pas de l’appeler corps humain, comme si le pain demeurait pain et, conservant son être naturel et scs propriétés natu­ relles, pouvait devenir la seconde partie de la nature humaine dans Jésus-Christ. » Op. cil., p. 288. Cela, c’est la thèse de Desgabets plutôt que celle de Vari­ gnon. Ensuite, un abbé bénédictin consultant, sur des différends philosophico-dogmatiques qui trou­ blent sa maison, un étranger, fût-il même Duguct,est un personnage peu probable, on l’avouera. Rien, dans la préface de Duguct. n’insinue qu'il s'adresse à des religieux.* D'après un renseignement très vague de Bouillier, Hist, du cartésianisme, t. i, p. 461, Duguct aurait écrit pour des collègues dc l’Omtoirv. Cela serait plus probable; sculement.cn 1727, Duguct avait quitté ('Oratoire depuis plus dc cinquante ans. Nous osons suggérer une explication plus banale. Nous croyons que l’abbé Émery a consulté, pour sc ren­ seigner sur l’ouvrage dc Duguct, le Dictionnaire dc Morérl. Il y est parlé à l’article : Duguct, dc son Traité sur les scrupules, immédiatement avant les renseignements concernant le Traité dogmatique sur Γeucharistie. C’est le premier dc ces deux traités qui a été composé effectivement, à la demande du R. P. Datixl, prieur d’une abbaye dc bénédictins, aux envi­ rons de Beauvais. Émery aura, par un lapsus dc mémoire, rapporté le renseignement concernant l’ori­ gine du Traité sur les scrupules, au Traité dogmatique sur l’eucharistie. Si on Ht attentivement la V· partie de l’œuvre dc Duguet, on sc convainc que la propo­ sition qui scandalise l’auteur est celle-ci : le corps de Jésus-Christ n’occupe que l’étendue que le pain occupait ; il est réduit, précisément, à la même mesure. Or, cette proposition, il aurait pu la lire dans les Entretiens de Rohault, qui l’emprunte aux objections d’Amauld. Duguct lui reproche « d’ouvrir le chemin à de nouveaux systèmes encore plus insoutenables. » Op. cil., p. 287. ’ Un dc ces systèmes, que Duguct dit avôlr sous les yeux, est présenté comme H suit : « On prétend que le pain demeure réellement et en substance dans l'eucha­ ristie et qu’il ne devient le corps dc Notre-Seigneur que parce que son âme el sa divinité s’y unissent. ■ S’il s’agil là du système de Varignon et non de celui des lettres au P. Mcslant, adopté par Desgabets et Cally» il faudrait reconnaître que Duguet laisse échapper à sa critique, très solide et victorieuse, les traits essenDICT. DE THÉOL. CATHOL. 1442 t ids du rêve du trop ingénieux géomètre. Quoi qu’il en soit, l'auteur du Traité dogmatique signale avec force l’obstacle que tous ces systèmes n’arrivaient pas à tourner : la chair du Christ dans l’eucharistie est la chair meme née de la Vierge, immolée sur la croix, ressuscitée et siégeant à la droite du Père, c Or, conclut Duguct, aucun nouveau système n’a ce caractère dc vérité; aucun, par conséquent, ne mérite d’être exa­ miné. » Op. cit., p. 293. Il obligeait les défenseurs d· ces systèmes à rétracter la négative qu'il avait raison d’appeler hérétique, ibid., p. 282-283, faute de quoi, disait-il, « il ne parait pas qu’on puisse leur accorder les sacrements. » Ibid., p. 283. Comme le remarque l’abbé Émery, le système de Varignon restait en des­ sous des exigences du dogme de la présence réelle. Le sens catholique dc ce dogme est qu’un corps humain unique, celui qui est né de la Vierge et mort sur la croix, est présent partout où sc trouvent des espèces consacrées, gardant les propriétés caractéristiques du pain et du vin. Ce sens implique donc la multilocation du corps du Christ. Or, la critique protestante, à diverses époques, a objecté, aux théologiens et aux controvcrsistcs catholiques, cet te multilocation comme une impossibilité. L’objection est présentée avec force et non sans habileté dans les Réflexions anciennes et nouvelles sur l’eucharistie, parues sans nom d'auteur à Genève en 1718. Elle nous valut un développement très curieux des idées dc Varignon. Un certain Boullicr, ministre calviniste à L’trecht, auteur d’un Essai sur l’âme des bêles, aurait défié, dans un journal hollandais, l’abbé dc Lignac dc fournir une demons!nition de la possibilité dc la présence cor­ porelle de l’homme en plusieurs lieux. Celui-ci, qui avait successivement quitté l'ordre dos jésuites et celui de IOratoire dont il avait adopté l’attachement à la philosophie de Descartes et dc Malebranche, écrivit contre Boullicr un traité ayant pour titre : La présence corporelle dc l’homme en plusieurs lieux prouvée pos­ sible par les principes dc la saine philosophie... par l’auteur des Lettres â un Américain. Puris, 1764. Nous n’avons pu nous procurer l’ouvrage. Barbier, dans son Dictionnaire des anonymes, le signale comme un ouvrage posthume de 1 abbé dc Lignac» publié parM. J. Brisson. L’argumentation dc Lclargc dc Lignac, pour autant que nous avons pu la saisir au travers de documents dc seconde main, ne man­ quait pas de dextérité. Si l’homme, disait-il. arrive à concevoir une manière suivant laquelle le mystère de la présence réelle serait possible, à plus forte raison un entendement infini trouvera-t-il, dans l’ablme sans fond dc sa sagesse, mille moyens d’effectuer ce qui ne nous parait impossible précisé­ ment que par suite de l’étroitesse de nos pensées. 11 produisait ensuite une hypothèse positive, dont le but était de montrer que la multilocation d’un corps n’était pas inconcevable. Bouvier rapporte comme Il suit la fiction imaginée par de Lignac. Une même âme peut être unie à plusieurs corps individuels, aussi bien qu’elle est présente aux divers membres d’un corps unique. C’est là, croyons-nous, une idée que de Lignac emprunte ù Varignon. Dieu peut ensuite, par un effet de sa toute-puissance,détacher» dc l'ensemble du corps du Christ, certaines parties, non par une section, mais par un dédoublement réalisé avec soin. Nous conjecturons que cette idée a été suggérée à l’auteur des Lettres américaines par ses études de botanique. La vie des plantes offre, en effet, le spectacle d’organes sc multipliant par voie dc dédoublement. L’opération divine aboutirait ainsi à la produel ion d’un corps organique, uni Λ l’âme cl à la divinité du Christ, né de la Vierge, etc. Bien ne s'oppose à ce que celte opération dc dédoublement soit répétée un nombre infini de fois, et ainsi rien no V. - 46 1443 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) s’opposera non plus à cc que le corps du Christ soit multiplié cn raison de ta multiplicities lieux. Bouvier, Institutiones theologue, Paris, 1834. t. ni, p. 26. Évi­ demment, les conceptions de l’abbé de Lignac n’ont que la valeur d'une ingénieuse conjecture; elle ne saurait être présentée comme une explication positive sans ôter â ta présence réelle son caractère de mystère. Elle peut être utile ta ou un préjugé naturel, consis­ tant à limiter le possible aux formes connues de l’expérience, déclarerait impossible, sans plus, la présence d’un même corps cn divers lieux. Nous ne pouvons songer à reproduire ici toutes les hypothèses ingénieuses imaginées pour rendre plau­ sible la multilocation du corps du ChrisL Cf. Pluquet, Mémoires pour servir à l'histoire des égarements de l'esprit humain, Paris, 1767, t. i, p. 492, art. Rérenger, 2· difficulté· L’abbé de Feller croit découvrir dans ta nature un fait qui rend en quelque sorte sensible la thèse de Lignac, « celui des rayons de lumière, qui, partant d’un seul ct même corps, en forment dans les yeux ct dans les miroirs des millions d’images parfaites ct absolument finies. Si la lumière, dit-il, est un corps, deux rayons lumineux seront impéné­ trables ct, par consequent, devront partir de points différents du corps lumineux. Comme chaque image est totale, il faudra donc que le corps lumineux soit constitué d'une infinité de corps partiels, de même forme que le corps total. La théologie, à cette époque, trahit l'in fluence du philosophisme régnant. Elle montre partout le légitime souci de prouver (pic nos dogmes ne sont pas contradictoires. Elle appelle au besoin Λ son secours les sciences et le calcul. Déjà Malcbranehc, dans le Traité de l'inflni créé, imprimé à Amsterdam cn 1769, où l’éditeur a inséré son Expli· cation de la possibilité de la transsubstantiation, avait soutenu que Dieu peut vouloir, c’est-à-dire produire un même corps en divers lieux. Cf. André, Vie de Male· branche, Paris, 1886, p. 57. Cette thèse est défendue contre le reproche d’absurdité avec une science parfois extrêmement ingénieuse. Feller cite, sans le nommer, un physicien théologuc qui, par des calculs étonnants sur ta division de ta lumière cl du temps, prouve qu'un meme corps peut être cn 2 335 252 555 lieux diffé­ rents, par une simultanéité morale, équivalant pour nos sens à une simultanéité absolue. F.-X. de Feller, Catéchisme philosophique, Lille, 1825, t. ni, p. 38. Un opuscule anonyme, dû à la plume de Jean Cochet, ex-rectcur ct ancien professeur de l'université de Paris, publié à Paris cn 1761 sous le titre de Preuve sommaire de la possibilité de la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'eucharistie, sc rattache aux id es de Varignon qu’il développe, cn ce sens que ta formation de petits corps humains complètement organisés est étendue également aux parties sensibles de l'hosLle. L’auteur suit une méthode presque géo­ métrique. Il démontre sa proposition : < L'existence du corps de Jésus-Christ dans l’eucharistie est évidemine il possible » moyennant cinq femmes, dont trois ont leurs corollaires; le troisième femme a un sentie, montrant que ta résurrection de nos corps est évidem­ ment possible. La conclusion de l'auteur est que « si l'on suppose que l’âme de Jésus-Christ a été unie (par La transsubstantiation) à ces portions de matière ‘organisée) ct que Ton nomme hostie cc qui est sen­ sible, après ta transsubstantiation, chacune de ces portions de matière organisées, de ta dernière petitesse sensible, unie à l'âme de Notrc-Sclgncur, sera le même Jesu s-Christ» avec le même corps qu'il a eu dans les «llraiih $ de ta sainte Vierge et il sera tout entier Cc système, d’après Mgr François-Joseph-Gaston de Itartz de Prvssy, évêque de Boulogne, « renferme en peu dt mots beaucoup de choses très bonnes, mais il 1444 ne corrige pas cc vice de la théorie de Varignon qui suppose que le corps sacramentel n’est formé que de la matière du pain. » Instruction pastorale cl disserta­ tion théologique sur l’accord de la /oi ct de la raison dans le mystère de l'eucharistie, Boulogne, 1769, p. 36. Le corps sacramentel de Noire-Seigneur ct son corps historique ne sont pas identiques physiquement. Le savant auteur de V Instruction pastorale cn prend occasion pour soutenir que ta foi catholique n’exige pas plus qu’une identité morale de ces deux corps. Cela nous vaut une nouvelle explication dont on ne con­ testera certes pas l’originalilé. Elle prétend tout simplement s'autoriser de la théorie de Swammerdam sur la préformai ion ou l'emboîtement des germes. Les animaux et les plantes même sont dans leur germe, dit le mandement de l’évêque de Boulogne, «ct il suffit de renvoyer à tout cc qu’ont dit de beau à ce sujet, Messieurs Redi, Malpighi, Lcvenœk (sic), Swaramerdan (sic), Kcrklinc, Dcrélincourt, Dodart, etc. » Cela posé, voici les propositions essentielles à l’hypothèse de Mgr de Pressy : 1° Le corps visible de Jésus-Christ (nous omettons un parallèle établi entre le premier et le second Adam) contenait un nombre infini d’autres petits corps invisibles. 2° Ceux-ci sont tous formés du corps de la Vierge Marie, ainsi ct cn meme temps que le corps visible, comme celui-ci organisés, vivants, unis à l'âme et à la personne du Verbe. 3° En conséquence. Dieu avait établi, pendant la vie de Jésus-Christ sur la terre, une telle correspondance entre le corps visible de Noire-Sei­ gneur cl scs corps invisibles, que ceux-ci éprouvaient toutes les impressions sensibles de celui-là. 4° Par les paroles de la consécration (suivant le décret de Dieu). < il sc détache du corps visible autant de corps invisibles qu’il y a de parcelles sensibles de pain dans chaque hostie ct chacune de ces parcelles sc convertit cn la substance d’un de ces corps invisibles > à peu près comme la nourriture que Noire-Seigneur prenait sur la terre sc convertissait dans la substance de son corps; seulement, ici la conversion se fait cn un seul instant.5°Si ces petits corps demeurent invisibles,c’est que « Dieu empêche qu'ils ne paraissent ce qu’ils sont ct les fait paraître cc qu’ils ne sont point. » JésusChrist ne s’est-il pas donné une autre forme, cn pré­ sence de Madeleine? Le reste de l'hypothèse, édifiée par Mgr de Boulogne, n'est que la traduction dans son système de l'assertion théologique commune qui limite la durée de la présence du corps ct du sang du Christ à celle de la persistance des propriétés ct des caractères du pain ct du vin. Op. cit., p. 42 sq. Le savant évêque conclut cn disant : · Nous laissons à votre examen, M. F., tous les articles de cette expli­ cation, qui parait plus simple que celle de M. de Lignac. · Pour juger équitablement l’œuvre d’un esprit extrêmement original ct, à ce titre, 11es sympa­ thique, il faut sc rappeler qu’il ne la donne que comme une hypothèse à laquelle il n’attribue pas, comme il prend soin de nous cn avertir, < l’actualité, mais seulement la possibilité. ® Loc. cil., p. 4 L 11 faut mentionner encore l'œuvre originale d’un prêtre de Païenne, du nom tic Joseph Balli ou de Ballis. François Baronins, dans son De majestate Panormitana, l’appelle sacræ theologiæ doctor eximius, non Panormi modo sed etiam Homie conspicuus. C’est cn 1640 que Balli publie à Padoue sa Resolutio de modo evidenter possibili transsubstantialionis. Le soustitre de l’ouvrage nous apprend que nous avons affaire à un résumé d'un ouvrage plus complet, de­ meuré dans les cartons. La date de publication ct le fait t que l'auteur a médité sa théorie durant trente ans I environ, dont il cn met quinze à l’approfondir et à lui donner la forme syllogistique, après quoi, par crainte des critiques de ceux qu’il appelle non modo 1445 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) minorum gentium theologi, verum etiam magistri alioqui doctissimi, il en retarde l’impression pendant quinze autres années encore, nous donnent la preuve certaine que l'auteur n’a pu subir l'influence des idées cartésiennes. S’il se décide Λ donner au public le fruit de ces méditations, c'est pour empêcher que sa théorie ne soit défigurée ou travestie· Déjà vile a commencé à circuler clandestinement; un jésuite de Païenne cn a donné connaissance à ses élèves : Jcsuita, magister quidam insignis, qui argumentum positionis mees viderat, præslo luit Panormi suis auditoribus communicasse. J)p. cil., Auctor ad lectorem. L'auteur craint que la nouveauté de la doctrine ne rende sa foi suspecte, par suite de quelque malentendu qui peut aisément sc produire dans l’exposé oral des idées d’autrui. Cette doctrine est, au fond, une simplifi­ cation; railleur est guidé par le principe d’économie : supprimer à la fois les miracles ct les entités inutiles· Op. cil., p. 19. Par le mot pain, on entend moralement non seulement la substance, mais un complexus de propriétés sensibles; la transsubstantiation atteint le pain ainsi compris : Non enim vere dicitur panis sine illis cnlilatibus algue udeo transsubstantialur cum illis. Op. cil., p. G. L’activité sensible dont cc pain était doué avant la conversion est transférée par Dieu au corps du Christ lui-même : translatione ministerii operandi de rc ad rem, ce qui est aisé à la cause première libre : Cum Deus (alis sit prima ac libera causa potuit prrccisc utique omnem agendi ratio· nem, cum replendi locum /unctione, exemisse a pane ct a uino, dedissegue corpori ct sanguini suo. Ibid., p. 2. Ixjs espèces ou apparences au sens propre de ce mol sont un effet, produit activement par le corps ct Je sang du Christ. Les fidèles perçoivent sensiblement, cela d’une manière immédiate, ce corps et ce sang euxmêmes, mais sous des apparences d'emprunt :Tamctsi sub insolita spccie et non secus, ac si, sufficienter ad· monitus, amicum, post diuturnam absentiam, proceri­ tate, effigie, canitie, noce ct per omnia mutatum reci­ perem, amplecterer ct sub insolita specie haberem per sc et immediate sensibilem, op. cit., p. 8, en sorte que les apparences sacramentelles contiennent l’ami cn représentation ct que celui-ci produit effectivement scs propres apparences : Species r. g. amici continet amicum representative el amicus continet species suas effective. Ibid., p. 40. Dans une Peroratio finale, l’auteur range sous vingt chefs différents les avan­ tages de son système ou, comme il dit, de sa con­ struction eucharistique qu’il déclare non temere len­ tatam... non superfluo cnlitatum numero constantem... diol Thoma sigillo impressam, etc., p. 80. L’auteur prétend même que sa thèse met dans son plein jour celle qui pose les accidents sans sujet, c. xv; la lumière dont parle la Genèse, créée avant le so­ leil, était, d’après Basile et Théodore!, un accident sans sujet; rien n’empêche d'appeler ainsi les appa­ rences du pain et du vin, produites en dehors do la présence de ces substances. Évidemment, il y a là une équivoque; un sens tout nouveau est versé dans une ancienne formule. L'imprimeur avertit le public catholique que l’auteur n’attend que son approbation, pour produire au grand jour son Enigma dissolutum. Nous croyons que cette promesse n'a jamais été tenue. La prudence décida Bal h, qui interprète la condam­ nation Infligée à Telesio, comme une pure mesure d’opportunité, à surseoir à l’exécution de cc dessein. Il publia toutefois, la même année, à Padoue, sa Responsio ad object tones qua doctor Josephus Halins... suum de sacrosancta eucharistia ænigma dissolutum adstruit, in-4°, s. I., 1640, ct l’année suivante, toujours dans la même ville, scs Assertiones apologetica: cum suis dilueidationibus, pro scolasticorum reverentia exaratæ... ne /orte lucubrationibus suis de eucharistiæ I i 46 constructionis modo, piorum scriptorum cuipiam, vel tenuem notam inussisse Dideretur, in-P, Padouc, Ityli. Les approbations particulières ne manquèrent pas à l'auteur; scs ouvrages parurent avec V approbatur de l’inquisiteur général de Padoue. Toutefois, il ren­ contra aussi de l'opposition à Païenne, surtout de la part d’un maître, auquel sa sainteté ct sa science donnaient grand crédit, auprès des supérieurs ecclé­ siastiques. Nous croyons reconnaître là le P. Jérôme la Chiana, S. J., professeur de mathématiques au collège des jésuites de Païenne, longtemps censeur au service des archevêques de Palermo ct des gou­ verneurs espagnols du royaume de Sicile. Le P. la Chîana publia à Païenne, sans date et sans nom d’imprimeur, un in-folio portant le titre de : Opus­ culum quo pro bat substantiam corporis Christi, qux sub specie bus panis continetur, non posse appellari imaginem corporis Christi. Or, le système de Balli avait précisément celle conséquence ct on la ht énoncée cn tenues formels au ch. xvir de sa Resolutio: Assero Haque, écrit-il, signum cl sacramentum gratix esse ipsum corpus, nobis /actum sensibile in (erris per translatum panis ministerium. Op. cit., p. 58. Cc qui est certain, c’csl qu’un chanoine de Palermo, plus lard vicaire général de l'évêque de Monreale, prit la défense de Balli dans sa Trutina qua Jos. Ralli senten­ tia de modo existendi Christi Domini sub speciebus ct vini expenditur, in-1·, Monreale, 1643. Cliiavetla est un de ceux auxquels Balli dut faire confidence de son système. La Trutina devait exister manuscrite cn 1639 déjà, car l'éditeur de la Resolutio nous signale la composition de Chiavctla, comme une œuvre cul select issimi Xtil diversarum /amiliarum theologi publica subscriptione adhxserunt: de cc nombre, huit étaient qualificateurs de la sainte Inquisition ou censeurs ecclésiastiques dans le royaume de Sicile. Cliiavetla fut moins heureux que Balli. Celui-ci n’éprouva jamais, que nous sachions, les rigueurs de l’Églisc, tandis que la Trutina fut mise à l’index, du vivant même de son auteur, par un décret du SainlOfllce cn date du 12 mai 1655. Par sa piété sincère, sa prudence, sa modestie qui lui faisait volontiers recourir aux lumières d'autrui, Balli méritait d'échap­ per à celte épreuve. Nous savons par le témoignage de Thomasini que Balli avait souvent exposé son sys­ tème eucharistique à Bcllannin; son suprême désir fut de le publier. Thomasini observe justement que l’en­ treprise ne manquait point de difficultés : Arduum quidem videbatur hoc opus in publicum producere; attamen cum difficultates omnes cum romanis theologis, cum Siculis pariter primi nominis eventUassel, majori posteritatis studio quam valetudinis aut «talis an. 1C40 denuo Patavium accessit, ut commentaria sua in lucem projerret. Mongitorc, Bibliotheca Sicula, Païenne, 1708, t. 1, p. 373. Balli mourut l'année même de la publication de la Resolutio, à l’âge de soixante-douze ans. Il semble bien que son système mourut avec lui. Voici cn quels tonnes Pondus, presque un contempo­ rain de Balli, mentionne cc système: Quidam modernus author, ni fallor. Siculus, cujus nominis non recordor, quamvis ipsius tractatum ea de rc viderim Romx. conatus est probare illa accidentia non manere, ctc. Malgré sa nouveauté, le système fut patronné par quelques hommes doctes gui cam (doctrinam) probabilem existimaverunt, approbatione sub propriis nominibus concessa. Interrogé lui-même sur le point de savoir quelle censure méritait la construction de Balli, Pondus répond qu'à son avis elle est téméraire, quia est sine sufficienti fundamento contra torrentem, ut aiunt, theologorum ct communem sensum onuuum Christianorum, etiam hicrclicorum, erronée, si elle n'est pas hérétique, enfin positivement héréticpie. Ce der­ nier point est établi par le concile de Trente, sess· 1H7 EUCHARISTIQUE LS (ACCIDENTS) XIIL can. 2» et celui de Constance» scss. VIII. 2®prop, de W yclif. El, cn effet, des « espèces > qui ne sont pro­ duites qu'après la consécration ne sauraient être dite*· demeurer, manere, cl ce qui est transsubs tant lé avec le pain, ne restant à aucun degré, ne peut non plus manere sine subjeelo. Thcol. cursus integer, Lyon, 1671, dist. XLIV, q. ix. Balli, cn reliant le corps du Christ ct les espèces par un vinculum efficientur, nous fait songer, très natu­ rellement, au dynamisme leibnitzicn. On sait que, pour Kauleur de la Monadologie, l'essence du corps ne con­ siste pas dans l’étendue, mais dans une force active primitive cl une passivité première. Les propriétés spatiales des corps : étendue, impénétrabilité, inertie, mobilité, etc., ne sont que des phénomènes, c’est-àdire des effets dérivés des monades simples, qui, dans îes substances composées, sont réunies entre elles par un vinculum substantiale, qui est comme la forme du composé, un mode indépendant des monades dont il , est l’union. Leibnitz sc rapproche donc de la concep­ tion aristotélicienne qui distingue la réalité de la sub­ stance de celle de la quantité. La substance corporelle pourra être présente cn un lieu d’une manière non dimensive; rien ne s’opposera même à cc qu'elle soit présente cn plusieurs lieux à la fois; il suffira, pour cela, qu’elle y soit active, la substance, par cllcmeme, n'étant pas d’ordre spatial. Leibnitz expose, dans son Système de théologie, une explication du dogme eucharistique, qui est entièrement d’inspiration catholique. Il y prouve l’existence de deux accidents absolus, la masse ou le pouvoir de résister ct l’effort ou le pouvoir d’agir, qui sont, par rapport aux corps, quelque chose d’absolu, de réel ct de surajouté, que l’action divine pourra donc, sans contradiction, séparer des corps. Seulement, on aurait tort de voir dans le Systema la pensée personnelle de Leibnitz. M. Baruzi a démontré qu’il n’est autre chose qu’un écrit « objectif » destiné à préparer l’union des Églises, cn précisant mieux les principaux points de contro­ verse. Baruzi, Leibnitz et Γorganisation religieuse de la terre, Paris, 1907, p. 242-243, note. On ne doit pas, cn lisant Leibnitz, oublier qu’en raison meme de sa fécondité ct sa sympathie intellectuelle universelles, Il est plein d’essais. Cc caractère affecte aussi sa théo­ logie. Il prouve à Amaukl < que la transsubstantia* lion ct la présence réelle du même corps en plusieurs lieux ne diffèrent pas cn dernière analyse cl qu’on ne peut pas dire qu’un corps soit cn plusieurs lieux dis­ tants, les uns (les autres, autrement qu’en concevant que sa substance existe sous diverses espèces ou appa- j fences. » Émery, Exposition de la doctrine de Leibnitz sur la religion, Paris, 1819, p. 418. Il tient surtout à prouver que sa philosophie se concilie avec le dogme de la transsubstantiation aussi aisément qu’une autre rt 11 écrira au P. des Bosses; Si accidentia vultis restare Sint subjecto, dicendum est, sublatis monadibus panem constituentibus quoad vires primitivas activas et passivas, substitutaque prttsenlia monadum corpus Christi con­ stituentium, restare solum vires derivativas quic in pane fuere, eadem phaenomena exhibentes, qua monades panis exhibuissent. Opera philosophica, édit. Jo. Ed. Erdmann, Berlin, 1840, p. 463. Si des Bosses répugne a faire des espèces eucharistiques de purs phéno­ mènes. Leibnitz tient cn réserve une explication plus réaliste : le continuum corporel s'étant évanoui, à la suite de la transsubstantiation qui fait disparaître le vinculum substantiate ou l'union réelle des monades du pain II reste, néanmoins, les points isolés de la con­ tinuité primitive; ces points, que Leibnitz appelle □cridentels, servent de soutien aux qualités réelles. Ibid., p. 680. On le voit. Il n’y n là qu’une transpo­ sition mathématique et Icibnitzicnnc de l’explication de saint Ihonias. Un point demeure dans l'ombre : 1448 que deviennent, après la conversion sacramentelle, les monades du pain et du vin? Le dynamisme offre incontestablement de grandes facilites d’explication : le corps du Christ est présent dans l'eucharistie per modum substantiae, d'une présence non locale : ni compénétration réelle, ni multiplication de petits corps humains organisés pour chaque élément sensible de l’hostie, comme chez les cartésiens qui ne peuvent concevoir une présence corporelle Inétendue. Ces avan­ tages sont vivement mis en lumière dans une brochure du chanoine Ubaghs, jadis professeur de philosophie à l’université de Louvain : Du dynamisme considéré en lui-méme et dans ses rapports avec la sainte eucharistie, Louvain, 1852. D'après Ubaghs, < tout cc qui concerne les espèces eucharistiques sc simplifie pour le dynamistc, qui n'hésite pas un instant à admettre la réalité des accidents absolus. » Op. cit., p. 133. Il cite un pas­ sage de Leibnitz, emprunté au Systema theologicum, qui appelle toutes les réserves que nous avons faites plus haut, concernant le caractère réel de cet écrit. Leibnitz adoptait plutôt l'attitude nominaliste vis-àvis des accidents absolus; il en faisait, comme les cartésiens, de purs états concrets de la substance, Opéra phil., p. 686; il écrit au P. des Bosses : Mallem accidentia eucharistica explicari per phœnomena, ita non erit opus accidentibus non modal i bus quæ parum capio. Ibid., p. 681. On admettra très difficilement aussi le réalisme outré d’Ubaghs qui lui fait écrire que « toute substance, essentiellement une, est toujours la même ct tout entière partout où clic sc trouve, sans sc multiplier avec les individus, les phénomènes ou les accidents auxquels elle est unie. > Il devient, dès lors, très aisé, trop aisé de comprendre « comment le même corps de Jésus-Christ peut sc trouver à In fols sous une si innombrable quantité d’espèces. » Op. cit., p. 119. Le dynamisme eucharistique compte aujourd’hui encore des défenseurs intrépides. Le P. Le ray, cudlsle, a rajeuni les principales thèses dynamistes dans son intéressant ouvrage : La constitution de Γ univers et le dogme de l'eucharistie, Parks, 1900. Le P. Léonard Lehu, des frères prêcheurs, consacra à l'ouvrage du P. Lcray trois articles dans la Hevue thomiste, mars, mai, juillet 1901, où il lui reproche d’avoir cru « que, par suite des découvertes de la science, la théologie eucharistique était aujourd’hui réduite à une page blanche sur laquelle il lui serait loisible d’écrire cc qu’il voudrait. · I-c P. Lcray riposte dans les Annales de philosophie chrétienne, novembre 1901, que, si, ■ pour mettre d’accord sa foi ct sa raison, il a senti le besoin d’inventer un système nouveau, il ne l'a point inventé au gré de sa fantaisie, » comme le P. Lehu semblait l’insinuer. Il nous a paru que cc système, sur plu­ sieurs points, retrouvait les thèses de Joseph Balli. D’après le P. Lcray, après la transsubstantiation, le corps du Christ soutient les accidents du pain : blan­ cheur, rondeur, à la place du pain « cn cc sens que cer­ tains des éléments de cc corps, carbone, hydrogène, oxygène, azote, supportent réellement ct cn toute rigueur les accidents particuliers des éléments du pain qu’ils remplacent.» Annales de phil. chrét., loc.cil., p. 175. Le corps de Jésus-Christ « est présent tout entier sous chacun des petits volumes occupés pré­ cédemment par les atomes du pain et,par suite, l'en­ semble des positions où il a multiplié sa présence forme une figure ronde; mais ccltc figure n’affecte aucunement son corps qui est présent à l’instar d'un esprit, sauf pour les éléments substitués à ceux du pain, dont ils ont revêtu toutes les propriétés. * Ibid. Les accidents passent donc du pain au corps de NoireSeigneur; le P. Lcray tient avec Lu go que cc corps supporte (sustentât) les accidents non in eodem genere causae. Nous percevons donc visiblement l’éclat ct y ίο k U C11Λ HIS TIQ υ E S ( A C C i D E x\’ T. ·J 1450 îo rayonnement du corps de Jésus-Christ, quand nous Koch a donnes sur le problème eucharistique dans les percevons le rayonnement de l'hostie; le prêtre à l'au­ Ληηα/es de philosophie chrétienne, décembre 1003, tel touche réellement sa chair; le fidèle qui communie juin ct novembre 1904, mars cl avril 1905. Pour touche de la langue les atomes du corps divin ct celui-ci expliquer la présence du coqjs du Christ dans l’cuchaéprouve sensiblement ce même contact. Dans l’eucha­ ristic cl sa multilocation, M. Koch attire notre atten­ ristie, tous les sens de Not re-Seigneur peuvent s'exer­ tion sur le mode de présence des réalités morales. cer à notre endroit, malgré l’exiguité du volume de Distinguant entre la substance présente et le mode son corps. La vie des sens ne requiert que la proportion de sa présence, il respecte le dogme qui veut que le ct l’harmonie des divers organes, non une grandeur corps du Christ soit présent au sacrement ocre, realiter locale déterminée. - Le corps est surtout un ensemble ct substantialiter; mais le mode de présence ne doit de monades; ct comme les monades sont des sub­ pas être nécessairement physique. Des réalités vraies stances simples, leurs influences réciproques ne dépen­ et actives, telles que le devoir, la loi. la faute, le châti­ dent que de leurs rapports harmoniques. > lbid.t ment, etc., ont en commun, avec les réalités méta­ p. 181. physiques, la propriété de n'etre p is aussi précisé­ L’abbé A. Veronnct s’efforce de compléter et de ment localisées que les masses et les forces physiques. corriger le système eucharistique du P. Lcray· Elles sont présentes non localiter, décembre 1903, L'espace, contrairement à la thèse du P. Lcray, ne I p. 308. D'après cette théorie, que M. Koch s’efforce de saurait être une substance réelle; il faut « débarrasser rendre plausible par la présence morale et juridique du les monades de celte gangue matérielle, de cc volume roi dans la personne de son ambassadeur, juin 1901, pesant qui n’est qu’un être de raison. » Annales de p. 278-279, la substance du corps de Notrc-Seigneur phil. chrétienne, décembre 1901, p. 279. M. Veronnct serait présente dans l'eucharistie à la manière d'une s'efforce ensuite de présenter le mystère eucharis­ réalité morale. Celte substance n'est unie aux espères tique · sous un nouveau jour en montrant scs rapports que par un lien moral, c’est-à-dire par la volonté de avec la vie plutôt qu’avec la matière. » Ibid., p. 300. Dieu; l’union entre le Christ ct le communiant n’est Et, effectivement, les explications de M. Vcronnet que morale. M. Koch atténue celte union à tel point sont empruntées aux conceptions ct aux conclusions qu’on ne voit plus pourquoi « la force morale cl reli­ de la science physiologique. La forme extérieure, la gieuse »du sacrement ne pourrait pas être égalée—et grandeur, les organes mêmes ne sont pas nécessaires c’est là une grave objection — au point de vue de pour constituer un corps humain. Ibid., p. 291. La l’union du fidèle avec le Christ, par un moyen non cellule originelle forme à elle seule tout l’organisme sacramentel, tel qu’une prière fervente ou l'amour de l'être vivant. Dans l’eucharistie, Notrc-Sclgncur intense qui arrive jusqu'à assimiler physiquement les détruit, cn quelque sorte, son humanité même. saints à leur divin modèle. Le fait que « la pensée con­ « Ici, dit .M. Veronnct, comme sur la croix, ce n’est plus temporaine restreint de plus cn plus le domaine du même un homme, mais un ver de terre, un embryon miracle > nous paraît une raison très peu valable pour d'homme. » Ibid., p. 291. La physiologie peut nous diminuer, dans nos explications de l’eucharistie, la aider aussi à comprendre la multilocation du corps place du miracle physique. L’opinion de M. Koch de Jésus-Christ. ■ Les découvertes récentes ont montré atténue à tel point l'aspect physique et matériel de que le système nerveux ne réalise pas un ensemble la présence du Christ qu’elle nous a panto franche­ continu. Les cellules nerveuses, les neurones ne sont ment hétérodoxe; clic s’inspire d'une conception tota­ pas même contigus, mais leurs cylindraxcs ct leurs lement étrangère, pour ne pas dire opposée, aux prolongements protoplasmiques sont nettement sépa­ canons eucharistiques du concile de Trente. Voir l'ex­ rés les uns des autres. Et, cependant, une seule âme posé et la critique qu’en a faits Μ. I lourcadc, Autour anime toutes ces molécules vivantes... » Ibid., p. 293. I du problème eucharistique, dans le Bulletin de litté­ Dans un corps d’homme, s'il y a une seule âme, un rature ecclésiastique de Toulouse, novembre 1905, seul individu, il y a aussi des millions de cellules dis­ p. 267-291, tinctes cl toutes animées par cette même âme... Ces VI. Conclusion générale. — La doctrine qui cellules ne sont-elles pas aussi distinctes vraiment ! admet la présence, après la transsubstantiation, dans le sacrement de l’eucharistie, d’un élément sensible que les hosties d’un même ciboire, p. 294? Ainsi, objectif cl réel, comme signe du corps et du sang du conclut M. Veronnct, · tout, dans les êtres vivants, Christ, sans être de toi définie, nous parait si incontes­ nous montre que les âmes peuvent agir dans plusieurs tablement certaine qu’il y aurait témérité à lu rejeter. lieux à la fois, animer des substances différentes, Elle représente l’enseignement unanime et traditionnel placées dans des Houx différents, quoi que soit leur de l'École, Avant le concile de Trente, les théolo­ éloignement. On conçoit plus facilement encore qu’il giens à tendance nominaliste, tels que Pierre d’Ailly et cn soit de même de l’âme de Notrc-Seigneur, unie Robert 1 lolkot n’osent s’en écarter; la théologie post­ substantiellement au Verbe ct participant en quelque trident ine, dans la personne de ses plus illustres repré­ sorte à son ubiquité, » p. 296. On admettra difficile­ sentants. incline plutôt à considérer la thèse des acci­ ment, je crois, qu’un organisme, considéré comme un dentia sine subjecto comme étant de foi définie, après tout formé de parties distinctes ct hétérogènes, ne la condamnation de la 2· proposition de Wyclif et les soit pas plus continu (pic les hosties numériquement canons de la session XIII· du concile de Trente. (Set distinctes d’un seul ciboire. D’après M. Veronnct, qui accord unanime des théologiens rend absolument cer­ reprend ici une idée de Descartes, le pain devient taine la proposition suivante : après la transsubstan­ chair parce qu'uni à l’âme du Christ par les paroles de tiation, des déments réels appartenant au pain ct nu ta consécration. « La transformation, dit-il, est telle­ vin et dont l’effet était de les constituer présents par ment profonde qu’il n’en parait rien à la surface. La rapport à nos sens, de là le nom d’espèces.continuent question de la permanence des accidents a-l-elic d’exister ct sont maintenant le signe objectif sensible meme besoin d’etre posée? » p. 299. Il nous parait de la présence du corps ct du sang du Christ. Nous ne qu’elle est posée par le fait même que M. Vcronnet pensons pas qu'on puisse interpreter autrement, étant affirme que cc (pii est corps vivant de Jésus-Christ posée l’expérience sensible dont il faut maintenir est · extérieurement, physiquement cl chimiquement intégralement les droits, les définitions conciliaires, parlant, toujours du pain. » A moins qu’on ne dise que ces propriétés sensibles sont celles de la chair cn particulier celles de Trent·*. Ces espèces, qui seules vivante de Jésus-Christ, ce qui est la thèse du P. Lcray. demeurent, remanentibus dumtaxat speciebus, concile Signalons enfin les articles Intéressants que M. G. do Trente, scss. XIII, can. 2, de ces réalités que l’on 1451 EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS) — EUCI1ER 1452 nous déclare substantiellement, totalement converties science sc rapproche plutôt avec une sympathie croissante, ou, si Ton veut, avec moins de défiance ct en des réalités transcendantes, doivent être ce (pic saisit le toucher, ce que l’œil perçoit, ce qui est brisé, de préjugés, se montrait définitivement intenable, le dynamisme sc présenterait, prêt à recueillir son héri­ ce dont la rupture cl le morcellement multiplie, avec tage ct à prêter ses conceptions cosmologiques au le nombre des parts dues à la division, la présence dogme eucharistique. Si l’on néglige les objections réelle ct substantielle du corps ct du sang du Christ· d’ordre philosophique qu’il soulève, il offre cet avan­ Ibid., can. 3. Nous pensons qu'il n’est pas soutenable tage qu’il explique aisément la présence cl la multi­ historiquement — ainsi que le prétendaient les théo­ location du corps du Christ sous les espèces sensibles logiens cartésiens ct comme on continue à le pré­ tendre après eux — qu’au concile de Constance la pro­ ct surtout qu’il admet que ces espèces sont des effets réels ct objectifs, des produits dynamiques réels, position : Accidentia panis non manent sine subjecto in conservés miraculeusement, en dehors de leur cause eodem sacramento, ait été condamnée seulement dans active naturelle. U· cardinal Franzelin adopte préci­ la mesure où elle impliquait la précédente qui niait la sément une hypothèse philosophique dynamiste, à transsubstantiation, Les théologiens du concile n’ont l’endroit des espèces eucharistiques, qui le rapproche pas confondu ces deux propositions, au point de vue de Leibnitz, sans trop l'éloigner dc saint Thomas. dc la censure; précisément, parce que la négation des Tractatus de SS. eucharistia: sacramento ct sacrificio, accidentia sine subjecto peut conduire aisément à la Koine, 1868, p. 272-276. Nos conclusions nous rap­ négation du dogme, elle a une saveur d’hérésie qui prochent dc lui. La réalité physique objective des mérite d’etre signalée à part, tandis que cette néga­ tion elle-même est manifestement hérétique. Les qua­ espèces est une doctrine théologiquement certaine. Des systèmes de cosmologie ne sauraient prétendre à la rante-cinq propositions ont été condamnées comme remplacer, mais seulement à s’y adapter en l’expli­ autant d’assertions distinctes, par le moyen d’une quant. L’Église ne prétend pas nous imposer une censure globale disjonctivc; bref, après le concile, il théorie déterminée sur la nature dc la matière, mais, est sûr, d’après nous, que toutes sont hétérodoxes, d’autre part, quelques-unes dc ces théories sont écar­ bien qu’elles ne le soient pas au meme degré, ct c’est tées par le seul fait dc la certitude théologique dc la ce qui nous fait considérer comme erronée au moins ct réalité physique objective des espèces. Ces conclu­ scandaleuse toute doctrine qui nierait ia présence dans sions paraîtront à quelques-uns étroites ct timides; le sacrement d’un élément objectif sensible, après la il nous a paru, toutefois, qu'elles s’imposaient impé­ disparition des substances. Après la consécration, rieusement à nous, comme le résultat inévitable dc plus de pain, plus de vin, voilà le dogme défini; ct l’étude historique à laquelle nous a obligé la méthode néanmoins, présence objective ct sensible des proprié­ génétique objective que nous avons suivie ici. tés de ces substances, voilà le sentiment universel dc l’Église catholique. Voilà pourquoi les théologiens, Λ consulter, en dehors des ouvrages cités au cours de suivant en cela la vraie méthode, ont, à la lumière l’article : Bilhinrt, De mente Ecclesias circa accidentia eucha­ du dogme, déterminé leurs thèses philosophiques, ristica, Liège, 1714; L. Billot, S. J.,De Ecclesitr sacramentis guidés par la Tonne du sacrement : Hoc est corpus commentarius in 111·· partem. Borne, 1893, t. i; Clcnfuemcum,<\\ü exige à la fois la présence réelle ct la trans­ gos. Vita abscondita sub speciebas oclata, Koine. 1728; substantiation; devar.t le fait stupéfiant dc l’expé­ Darwell Slone, A history of the doctrine of the holy eucharist, rience sensible identique à elle-même, avant comme Ixindrcb, 1909; Gilles de Home, Theoremata de corpore Christi, Borne, 1554; cardinal du Perron, Traitté du sainct après le changement eucharistique, ils n’ont sacrifié sacrement de l'eucharistie, Paris, 1622; J .-B. Gonct, Clypeus ni la certitude des sens, ni ia signification naturelle des paroles du Maître. Le dogme leur a servi à compléter theologia- thomistlcic, Anvers, 1700, t. iv; A. Mayr, S. J., Theologia scotastica, Ingostudt, 1722, t. n; Dr A. Naegle» leur philosophie naturelle. C’est l’eucharistie qui leur Ratramnus und die heilige Eucharistie, s. I., 1003; Die Eu· a appris pleinement que certaines formes dc réalité, charisliclchrc des heiligen Joh. Chrysostom us, Strasbourg, Inhérentes à la substance, pouvaient se détacher mira­ 1900; G. Bnuschcn, 1/eucharistie ct la pénitence durant les six culeusement de ce support. Le mérite du thomisme, premiers siècles de Γ Église, trad, franç., Paris, 1910; Franz dans la question des accidents eucharistiques, c’est Schmid, ht die eucharistische Gegenuxirt Christi cine ortllcheï dans Zeitschrift fur hath. Théologie, Inspnick, 1903, précisément d’être une fois dc plus, non un système, ct les articles parus sous la même signature, Ibid., 1889, mais une synthèse admirable du dogme eucharistique 1890, 1891, 1894; J. Salior. Historia scotastica specicrum cl de la raison. Simplicité ct économie dc surnaturel, Lyon. 1687; Th. Baynaud. S. J., Exuutte voilà le double caractère de la solution proposée par eucharisticorum, panis et vini in eucharistia. Opera, Lyon. 1665, t. vi; saint Thomas: un seul miracle,celui de la transsubstan­ .L-J. Hossignol, S. .L, Vues philosophiques sur Γeucharis­ tiation qui sc prolonge en quelque sorte dans l’eflltie, Turin. 1801 ; J. Franz. S. .L, Accidentia absoluta in sy· cicncc divine, soutenant miraculeusement la quantité, demote peripatetico per mysterium cucharistiir defensa, Prague, 1750; Sentiments dc Monsieur Descartes et de ses elle-même soutien naturel des autres phénomènes sectateurs sur le mystère de rcucharistie, ms. 336 de la biblio­ sensibles. Le cartésianisme, au contraire, devait thèque dc la ville dc Chartres; mss français 463, 13 262, échouer, parce qü’ll prétendait faire plier le dogme 14837, 17167 de la Bibliothèque nationale; Œuvres de devant une physique, ce qui aboutit à ce paradoxe I théologie dc dom Habert Desgabêts, ms. 142 de la biblio­ dc lui faire multiplier les mincies, que rien n’insinuait thèque d'ÉpInal; E. Lévesque, Examen d'une nouvelle dans les documents révélés. Voilà pourquoi le sol de explication du mystère de Ceuchartstie, Opuscule inédit de l’histoire est Jonché des ruines des divers systèmes Bossuet, précédé d'une introduction (extrait de In llcvue Bossuet),Parts, 1900;J.-B. Dclpouvr, Dom Hobert Desgabêts, eucharistiques cartésiens, pourquoi aussi la masse des dans la Hernie des sciences ecclésiastiques, 1902, p. 436; dom théologiens est revenue avec sympathie à la synthèse Bramer Berlirre, Hullclin d'histoire bénédictine, dans la thomiste. Nous croyons donc avec le P. Lchu que la Wnédictine, 1903, p. 267 sq.; C. dc Kirsxan, Un rathéologie eucharistique n’est plus, depuis longtemps, II Bct'ue mean oublié du cartésianisme, dans la Itcvuc thomiste, 1903, « réduite à une page blanche sur laquelle il serait p. 379; Victor Cousin, Fragments de philosophie cartésienne, loisible d’écrire ce qu’on veut. » Par ailleurs, la science Paris, 1852; Œuvres très complètes de Mgr de Pressy, Paris, moderne n’a point, pensons-nous, rendu caduque ia I 1858. t. n, col. 1031 sq, distinction réelle de la substance ct dc la masse ou F. Jansen. EUCHER (Saint)· — I. Vie. IL Œuvres. quantité dlmensivc. Elle ne le fera jamais, parce L Vie. — Saint Euchcr, l’un des plus célèbres arche­ qu’elle est essentiellement limitée aux phénomènes, vêques dc Lyon, ct l’un des plus zélés défenseurs tandis que la substance n’est accessible qu’à la pensée métaphysique. Du reste, si l’hylémorpldsmc, dont la 1 de saint Augustin contre les semi-péhigicns gaulois i 1453 EUCHER du v· siècle, était issu d'une famille lyonnaise consi­ dérable. La forte éducation littéraire qu'il reçut, selon l'usage du temps, sc reconnaîtra dans ses écrits, · qui refléteront sa familiarité avec les prosateurs et les poètes, Aulu-Gelle, Pline le Jeune, Symmaquc, Prudence, Claudicn. .Mais d’abord, ses rares talents, fécondés par l'étude,lui avaient valu dans la société civile un rang éminent; il était devenu sénateur. Dc son mariage avec la noble et pieuse Galla, saint Eucher cul deux Ills, Uranlus ou Veranius ct Salonius, qu'il conduisit de bonne heure à Lérins, pour y être élevés dans le monastère, sous les yeux de l’abbé saint Honorât, par le moine saint Hilaire, le futur archevêque d'Arles, ct qui, du vivant dc leur père, seront promus ù l'épiscopat, en Provence probable­ ment. Eucher lui-même ira retrouver scs deux Ills à Lérins, vers 422, et y embrassera la vie religieuse, du consentement de sa femme, qui entrera, de son côté, dans le cloître et s’y vouera sans retour au sendee dc Dieu. Épris ensuite de l'amour d'une entière solitude, Eucher passera de l’Ilc dc Lérins dans celle de Lérn, Ile Sainte-Marguerite, et s'y fera dc cénobite anacho­ rète. La renommée de scs vertus l’élèvera, malgré lui, en 434, sur le siège de Lyon. En 141, il prendra part au Ier concile d’Oningc, Justlnianensis ou Arausicana P, llefcle. Histoire des concites, trad. Leclercq, Paris, 1908, t. n,p. 431, et y signera, comme métropo­ litain, au nom de tous ses suftragants. Des autres détails dc sa vie épiscopale on ne sait rien de précis; on lui attribue l'honneur d’avoir fondé à Lyon mainte église et maint pieux institut. La date de sa mort n'est pas certaine; les uns le font mourir en 449, les autres en 454; Tillemont et dom Kivct inclinent plutôt vers 450. La fête dc saint Eucher se célèbre le 16 novem­ bre. il. Gîuvkes. — Les ouvrages et opuscules qui por tent le nom de saint Eucher sc partagent en trois classes. Il y en a d'authentiques, il y en a dc suspects et discutables; il y en a de sûrement apocryphes. 1® Œuvres authentiques. — 1· Des deux premiers opuscules dc saint Eucher, deux lettres adressées par lui, l’une en 427 à son parent Valérien.Epistola panenctica de contemptu mundi et siccularis philoso­ phize, P, L., t. L. col. 711-726. l'autre en 428 ù saint Hilaire d’Arles, Epistola dc, laude eremi sen vita' soli· tarire, ibid., col. 701-712, expriment avec grâce ct non sans enthousiasme l’amour dc la retraite ct dc l’isolement avec Dieu. 2. Deux manuels d’herméneutique sacrée, étroite­ ment rattachés entre eux et dédiés par l'auteur celui-là, le Liber formularum spiritalis intclllgcntia, P. L., t. L, coi. 727-772, à son fils Uranlus ou Vera­ nius, celui-ci, les Instructionum libri duo, ibid., col. 773 882. à son second fils Salonlus, ont pris place dans la longue série des glossaires plus ou moins allégo­ riques du moyen Age. La vogue extrême que ces deux ouvrages, mais surtout les Formula·, ont eue dans les cloîtres dc celle époquc,a provoqué successivement des Interpolations énormes. Les éditeurs modernes, J.-B. Pilra, Analecta sacra, 1884, t. n, p. 511-569, et Fr. Pauly, Grazrr. Progr., 1884, ont essayé de nous rendre le texte primitif des Formula· spiritalis intelligentia*. Mais, en le publiant d’après le codex Scssorianus,qp\ parait être du vi· siècle, le cardinal Pitra s’est mal­ heureusement avisé dc publier Λ la fois une compila­ tion sans valeur, oû il croyait retrouver la fameuse Clef de Mèliton ct qu'il tenait pour la source d'où Eucher avait tiré son livre. Les citations scripturaires dc saint Eucher sont empruntées pour la plupart Λ l i Vulgate, sans exclusion cependant des versions antéhléronymlenncs. S. Berger, bulletin critique, 1885, p. 213, paraît disposé A croire que l'archevêque de Lyon · a compilé scs Formules dans plusieurs auteurs, EUC1IITES 1454 ct que les passages où la Vulgate est suivie sont de lui. · Cf. dom J. Chapmann, Notes on the early history o/ the Vulgate Gospels, Oxford, 1908, p. 173-177. 3. On a fortement contesté l'authentidté du récit du martyre de la légion thébéenne, Passio agau~ nensium martyrum, P. L., t. l, col. 827-832. Mais au­ jourd'hui, après l’étude de M. Slolle, Dos Martyrium der thcbaischen Legio, Breslau, 1891, la conviction de l'authenticité prévaut. Des dernières recherches d’ail­ leurs ressort This torid té du fait en question. P. Allard, La persécution de Dioclétien et le triomphe de Γ Eglise, Paris, 1890, t. i, p. 17-34; L n, p. 355-364; Funk, dans Thcol. Quartalschrifl, 1895, p. 171-172. Peut-être que l'archevêque dc Lyon s'est contenté dc retoucher un opuscule dc date antérieure; M. Wotkc le tient pour probable, y ayant remarqué des locutions ct des tournures dc phrases qui lui semblent, sinon étran­ gères, du moins peu habituelles à la manière dc saint Eucher. Corpus script, cccl. lat. dc Vienne, t. xxxi, Praf., p. xxii. 2® Œuvres suspectes. — 1. Dans le petit recueil des homélies attribuées à notre saint, P. L., t. L col. 8338G8, l'apocryphe sc mêle largement à l'authentique, sans qu’on puisse d'une main sûre démêler l'un d’avec l’autre. 2. Il s’est élevé des doutes sérieux sur la lettre Ad Faustum seu Faustinam de situ Judæ urbisque hierosolymitanx, laquelle manque dans Migne, comme aussi sur I’Exhortatio ad monachos duplex, P. L., t. i., col. 865-868. 3° Œuvres certainement apocryphes. — 1. Une lettre Ad Philonem, P. L., t. l, col. 1213-1214. 2. Deux abrégés des Institutions ct des Conférences de Cassicn, ibid., col. 867-894.3. D’amples ct savants commentaires sûr la Genèse, col. 894-1048, et sur les livres des Bois, col. 1047-1208. Le style dc saint Eucher est, pour son temps, d’une pureté rare, qui rappelle l'âge d’or des lettres latines; si le Liber formularum spiritalis inlelligenliæ fait exception, la faute en est sans doute au sujet. Mais enfin, piété cl culture dc l'esprit, saint Eucher figure avec éclat parmi les meilleurs écrivains dc l’Église latine au v· siècle. 1. Éditions.— Les œuvres complètes d’Eucher,tant apo­ cryphes qu'authentiques» ont été publiées à Bâle, en 1531, pur J.-AI. Brasslcanus, et ont trouvé place dans la Μαρηα bibliotheca Patrum, Cologne, t. V a, p. 741-918; t. XV, p. 982-987; dans la tnbliotheca Patrum maxima, Lynn, t. vi, ρ. 822-101 I; t. XXVII, p. ISO sq.; dans la Patrologie latine de Migne. 1.1., col. 701 sq. Voir Schœncmann. Bibliodu hUtor. litterar. Patrum latin., dons P. L., I. L. col. 687-698. L’édition princeps de Paris, supérieure ü celle de Brassi­ ca nus, est néanmoins tombée dans un oubli complet. M. Wotkc u entrepris dans le Corpus devienne. 1894. t. xxxi, une édition vraiment scientifique des œuvres desalnt Eu­ cher. On retrouve la lettre Ad Faustum seu Faustinam, dans Geyer, Itinera Hierosolymitana, Vi rune, 1898» p 123-134. H. Travaux. — A. Meiller. Dc vita et scriptis S. Eucherli Lugdun. episcopi, Lyon, 1878; A. Guilloud, 5. Eucher, l/rins ct ΓÉglise de t yon au v· siècle, Lyon, 1881 ; FesslerJungmanii. Institutiones patrologiie, Inspruck. 1896. t. u b, p. 340 sq.; Bardenhcwer, l es Pères de ΓÉglise, nouv. édit, franç.. Paris. 1905, l. il. p. 464 sq. P. Godet. EUCHITES, massalicns ou messollcns. — L Sour­ ces. H. Histoire. III. Erreurs dc doctrine ct de pra­ tique. I. Sources. — La meilleure source de renseigne­ ments sur la secte des cuchltcs serait vraisemblable­ ment les deux seuls livres dont il est fall mention dans l’histoire, comme contenant leurs doctrines, l’un ΓAscétique, Ά σχητνχός, d’un auteur inconnu, mais qui pourrait bien être Adelphlus, l’autre le Testa­ ment, ΔιαΟήχη. de Lampétius. Mais nous ne les pos­ sédons pas; nous ignorons donc ce qu'ils contonaient intégralement et nous n'avons pas davantage 1κκ> E UC II I TES 1456 les réfutations dont ils furent l'objet, soit de la part P. G., t. cl, col. 25-28. Seul Eu thymus Zigabene, dc saint Amphilochius d’Iconium dans les actes du dans sa Panoptia dogmatica, tit. xxvi, P. G.,t. exxx, synode dc Sidé, soit dc la part d'Archélafls de Césarée, col. 1273-1289, rappelle et réfute les diverses erreurs qui écrivit vingt-quatre anathématismes contre les dc la secte, sauf, dans sa Confutatio et eversio impiæ euchitcs, soit de la part du monophysitc Sévère et multiplicis exsecrabilium massalianorum secta*, P. G., d'Antioche, qui s'en prit à l'œuvre dc Lampétius. , t. cxxxi, col. 39-48, à englober sous ce même nom R» stent alors les hérésiologues et les historiens, contem­ générique et sans aucun ordre chronologique les fondaïtes, les bogomilcs, les euchitcs, les enthousiastes, porains ou postérieurs. Le premier en date est saint les enerntites et les marcianitcs. Il ne nous apprend Épiphane de Salamine, qui inscrit les euchitcs au rien de nouveau, il permet du moins de constater que dernier chapitre dc son llavâptov, IIœr., lxxx, P. G., la secte a poursuivi son existence au delà de l'époque t. xlîi, col. 756 sq.; mais ce qu’il en dit se réduit dc Photius et qu'elle n'a pas été exempte de l'immora­ à peu dc chose, car à l'époque où il composait son lité prévue, dès scs origines, par saint Épiphane. ouvrage, c'est-à-dire entre 374 et 377, la secte, sortie II. Histoire. — 1° Les noms. — Les sectaires dont dc la Mésopotamie et déjà répandue en Syrie sous la il est question ici ont été généralement connus sous forme d’un mouvement religieux suspect et inquiétant, le nom de massaliens ou messaliens, d'un mot syriaque était encore sans chef, sans ordre, sans organisation qui signifie ceux qui prient, les priants ou les prieurs, apparente, sans une doctrine parfaitement coordonnée ou suffisamment connue. Il en donne pourtant une ou sous le nom grec correspondant d1 euchites, εύχηται, idée générale assez juste et un essai de réfutation εύχί'ται, dc εύ/ή, prière, qui a exactement le même qui mérite d’être signalé. sens. Cette expression servait, en effet, à désigner Cinquante ans plus tard, en 428, lorsque saint Au­ l’un des traits caractéristiques de ceux qui prônaient gustin dresse à son tour, à la demande de Quodvultla prière comme le moyen par excellence dc chasser le deus, un catalogue des hérésies, bien des événements démon, dc posséder le Saint-Esprit et d'opérer le s’étaient produits en Orient, plusieurs évêques avaient salut, au détriment du baptême et des autres sacre­ écrit contre la secte, et trois synodes, tenus à Sidé, ments. Mais d’autres expressions encore furent em­ à Antioche et à Constantinople, l'avaient condamnée, ployées pour désigner les euchitcs, empruntées à leur mais il ignorait tout cela, car il n'en parle pas et nc manière d’être ou d'agir, telles que celles d'enthou­ fait que résumer saint Epiphane, sauf à y ajouter siastes, Μουσιαστοτ, et de choreules, χορευταί, dan­ un trait de peu d’importance tiré d'une source incon­ seurs. On aurait pu tout aussi bien leur donner le nue. De hær.t 57, P. L., t. xlîi, col. 41. titre de paresseux, puisqu'ils abhorraient toute espèce Mieux renseigné et plus précis se montre Théodorct dc travail manuel, ou dc mendiants, puisqu’ils ne de Cyr (t vers 458), sans toutefois être complet. H. E., vivaient que d'aumônes. On leur donna en tout cas le IV, 10, P. G., t. lxxxii, col. 1144, 1145; Hœret. fab., nom de leurs principaux chefs et on les appela tour à iv, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 429-432. Puis il faut tour adelphiens, du nom d’Adclphius, lampétiens, attendre jusqu’au commencement du vu· siècle, où un du nom de Lampétius, eustathiens, du nom d'Eustathe, prêtre dc Constantinople, gardien des vases sacrés, marcianitcs, du nom de Marcien. Quant à eux, ils Timothée, public un II tpi τών προσιρχομένων τή se qualifiaient simplement dc pneumatiques ou Έχχλησίι, De receptione hæretieorum, P. G., t. lxxxvÎ, spirituels, πνευματικοί. Théodorct, Ilærel. /ab., iv, 11, col. 45-47, dans lequel il consigne dix-neuf points dc P. G., t. lxxxiii, col. 429. Il leur arrivait même, la doctrine et des pratiques des euchitcs; il les tire quand on leur demandait : < Êtes-vous patriarche, sans aucun doute des livres de la secte ou des docu­ prophète, ange, Jésus-Christ? » dc répondre invaria­ ments officiels qui la concernaient; c’est en tout cas blement : Oui. S. Épiphane, Hœr., lxxx, 3, P. G., une petite Somme des plus précieuses. Saint Jean t. xlîi, col. 760. Damnscénc, au vin· siècle, l’a mise largement ù 2° Origine et débuts. — Les euchites étaient d'origine contribution pour enrichir les emprunts qu’il faisait orientale : ils sortaient dc la Mésopotamie, plus par­ à saint Épiphane. /far., 80, P. G., t. xciv, col. 728- I ticulièrement de l'Osrhoènc, des environs d’Édesse, 734. Au siècle suivant, Photius, plus attentif aux faits ! qui resta toujours l’un dc leurs centres, sans qu’on qu’aux doctrines, et en possession des pièces authen­ puisse savoir dc façon positive, à la suite dc quelles tiques dont il note la lecture confirme et complète circonstances et sous l'action de quels hommes ils le récit de Théodorct. Bibliôlheca, cod. 52, P. G., s’étaient primitivement groupés.Dans la seconde moitié t. an, col. 88 sq. Il rappelle tous les incidents rela­ du iv· siècle, ils envahissent, par bandes nombreuses tifs à l’opposition faite aux euchitcs dans les lettres épis- i d’hommes et de femmes, la Syrie et les provinces dc copales et les actes synodaux depuis la fin du iv·siècle. l’Asie Mineure. Dès qu’ils y paraissent sous le règne dc Mais nous nc pouvons pas contrôler son résumé histo­ Constance (γ 361), ils ressemblent moins à une secte rique, attendu que tous les documents qu’il possédait I religieuse proprement dite, organisée avec des clercs et ont disparu, à l’exception dc la condamnation pro­ des prêtres, qu’à une troupe dc vagabonds, sans feu noncée au concile d’Éphèse, en 431, dont il nc reste ni lieu, sans clergé et sans guides, à la merci dc la pluv que la version latine, Act. VII, Hardouin, t. i, charité publique, passant leur vie à nc rien faire ou à coi 1627; Mansl, t. iv, col. 1447, mais on peut sc dormir, et n’ayant pour unique exercice religieux fier i son témoignage, c’est celui d'un consciencieux que la prière. Telle est du moins l’impression qu'ils én.d t. produisent sur saint Épiphane, qui a soin tout d'abord Après Photius, ce n’est qu’à la fin du xi« siècle de les distinguer d’autres personnages, dc mœurs et ou commencement du xn· qu'il est question des assez semblables, mais d’origine païenne, qualifiés dc euchitcs à l’occasion des bogomilcs. La plupart des massalicns ou d’cuphémltcs, qui, ayant eu à subir historiens de cette époque, en effet, ont soin dc marquer l’hostilité dc quelques officiers, notamment du général la parenté et comme la filiation qui existe entre les Lupicien, sc mirent à honorer ceux des leurs qui avalent nouveaux hérétiques et les anciens : tels Georges été mis à mort, en sc réunissant autour dc leurs tombes, et prirent le nom dc martyriens. Ils donnèrent Cédrène, Historiarum compendium, P. G., t. cxxi, naissance à la secte de sataniens, ainsi nommée du coL 559, 560, 596; Anne Comnène, Alexiadis, 1. XV, culte qu’elle rendait à Satan pour sc le rendre favora­ P. G., t. cxxxi, col. 1168; Nicéphore Grégoras, ble. S. Épiphane, Hœr., lxxx, 1-3, P. G., t. xlîi, Byzantin* histon*, 1. XIV, c. vu, n. 2; 1. XVIII, c. I, col. 756-760. Tout autres étalent les massalicns d’ori­ n_ 9; 1. XIX, c. i, n. 4, P. G., t. cxlviii, col. 948, gine chrétienne; ceux-ci, par leur nombre et par 1133, 1181; Harmenopulus, De hæresi bus, 18, 1457 EUCHITES les troubles qu ils suscitèrent parmi les fidèles, nc tardèrent pas à provoquer des mesures disciplinaires de la part des évêques. 3° Fin du i\ · siècle. — Leur première condamnation fut prononcée à Side, en Pamphylie, vers 390. Saint Amphilochius d’Iconium, en Lycaonie, l’ami de suint Basile et de saint Grégoire de Nazianzc, y présidait un synode de vingt-cinq évêques contre l’hérésie dite des massalicns, euchitcs ou adelphicns. Photius, Bibliotheca, cod. 52, P. G., t. cm, col. 88. Ce nouveau nom d'adclphiens vient dc celui dc l’un dc leurs principaux chefs, le vieil Adclphius; celui-ci, en effet, avec d’autres personnages dc marque, moins élevés en dignité sans doute, mais déjà connus à cette époque, tels que Sabas, Dadoès, Hermas et Siméon, marchait à leur tête. Théodorct, JL E., iv, 10, P. G., t. lxxxii, col. 1144; Jlxrcl. fab., iv, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 432. Il n’était pourtant ni moine ni clerc, tandis que Sabas, surnommé l’Eunuque parce qu’il s’était mutilé lui-même, sc donnait le titre et portait l’habit dc moine. Le synode dc Sidé envoya à Flnvicn d’Antioche une lettre synodale contenant le récit des décisions prises contre ces sectaires. Flavian, qui avait aussi à se plaindre dc leur présence turbulente dans son diocèse, ainsi prévenu, voulut prendre également des mesures disciplinaires, mais après s’être rendu compte par lui-même des mœurs de la secte. Dans ce but, il envoya à Édcssc un groupe de moines, qui ramena quelques massaliens, entre autres le célèbre Adclphius. Interrogés par l’évêque pour savoir à quoi s’en tenir sur les bruits fâcheux qui couraient sur leur compte, ceux-ci nièrent tout et 'testèrent que les erreurs et les crimes qu’on leur reprochait étaient dc pures calomnies. Flavicn eut alors recours à la ruse et fit semblant dc vouloir s’in­ struire comme un futur adepte. Blâmant donc la conduite dc scs émissaires, trop jeunes encore, il dit à Adclphius : « Nous qui avons longtemps vécu, nous connaissons mieux la nature dc l’homme et tous les artifices du démon, et nous savons par expérience la conduite dc la grâce. Ces jeunes gens qui n’ont pas examiné tout cela nc peuvent supporter les discours spirituels. Dltcs-moi donc comment vous expliquez que l’esprit malin sc retire et que le Saint-Esprit se communique. » Adclphius, flatté par des procédés aussi engageants et croyant avoir affaire à un futur prosélyte, s’expliqua clairement et révéla le fond secret dc sa doctrine. Dès qu’il eut fini, Flavicn ré­ pliqua : · I loinme vieilli dans le crime, tu es condamné par ta propre bouche; tes lèvres ont porté témoignage contre toi-même. » Rassemblant aussitôt en synode trente de scs prêtres et diacres, et assisté dc trois évêques dc passage, Bizc de Séleucle, Samos, dont l’évêché n’est pas marqué, et Maruthas de Sopharène, le patriarche jugea Adclphius et ses compagnons. Ceux-ci curent beau demander à être admis Λ la péni­ tence, Flavicn passa outre et les condamna; il savait le peu dc fond qu’on pouvait faire sur eux, la facilité qu’ils avaient à mentir effrontément cl les relations secrètes qu'ils entretenaient par lettres avec ceux dc leur secte qu’ils avaient préalablement anathématisés; en conséquence, il les fit expulser de la Syrie et fit part dc ses décisions aux évêques de l’Osrhoène, qui l’cn remercièrent par une lettre d’approbation. Théodo­ rct, loc. cil.; Photius, loc. cit. Or, la Lycaonie, la Pamphylie et la Syrie n’avaient pas été les seules provinces contaminées par la secte massalicnnc, plusieurs couvents dc l'Arménie Mineure avaient été également cnvaliis. Un évêque même s’était laissé plus ou moins circonvenir par clic. Flavicn s’en émut et écrivit deux fois â cct évêque, lui reprochant notamment dans sa seconde lettre la faveur qu’il avait accordée ù dc pareils hérétiques. 1458 Tel nc fut pas le cas dc l’évêque dc Méiitène, le zélé Letoius, qui s’informa d'abord auprès du patriarche d'Antioche de ce que c’était que cette hérésie et qui, une fols renseigné par les actes du synode d'Antioche, n'hésita pas à mettre le feu aux monastères ou plutôt • aux tanières » dc ces sectaires et chassa ainsi les loups dc sa bergerie ; puis il écrivit contre la secte. Théodorct, Jl/eret. fab., iv, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 432; Photius, loc. cil., col. 89. 4° Première moitié du v· siècle. — Ni les lettres épis­ copales, ni les sentences synodales n'arrêtèrent la dif­ fusion et la propagande toujours plus grandes des massaliens. En Syrie, après la mort dc Flavicn (t 404), ils étaient plus nombreux que Jamais; en Pamphylie, en Lycie et en Lycaonie, dc même; ils avaient déjà envahi la Cappadoce, et telle était la préoccupation qu’ils donnaient aux chefs des Églises qu'Attlcus, patriarche dc Constantinople, dut écrire contre eux et adressa une lettre au métropolitain de la Pam­ phylie, Amphilochius de Sidé. A la mort d’Attlcus, en 425, lors dc la consécration dc son successeur, Sisinnius (7 427), celui-ci, de concert avec Théodote, patriarche d'Antioche, et les autres évêqurs présents à son sacre, écrivirent une lettre collective à Bérinien ou Béronlcicn dc Pergé, à Amphilochius dc Sidé et à tous les évêques de la Pamphylie. Dans cette lettre, l’évêque Néon proposait comme mesure disci­ plinaire dc nc point faire grâce à quiconque, une fois anathématlsé, sc trouverait surpris dc nouveau dans les liens dc la secte, quand même il demanderait à faire rigoureusement pénitence, cl de traiter aussi rigoureusement celui qui sc permettrait dorénavant, fût-il évêque, de témoigner la moindre faveur aux euchites ou massalicns. Photius, loc. cit., col. 89. Une telle rigueur s’explique quand on songe à l’ex­ trême facilité avec laquelle ces sectaires s’entendaient à tout accepter, même la participation aux sacrements et les épreuves de la pénitence sans renoncer pour autant à leurs sentiments intimes, à leurs erreurs dc doctrine et de morale. 11 importait donc qu’ils ne rencontrassent pas le moindre témoignage de sympa­ thie dc la part du clergé, car c’eût été les favoriser au lieu de travailler à leur suppression. Sisinnius mou­ rut trop tôt pour mener â bien la campagne énergique qui s'annonçait ainsi. Il est vrai que son successeur, le fameux Neslorius, montra encore plus d’énergie. Dès le début dc son épiscopat, il avait dit À Théodosc le Jeune : « Avec mol, prince, terrassez les hérétiques, avec vous je terrasserai les Perses. » Socrate, H. E., vu, 29, P. G., t. lxvh, col. SOI. H était donc tout disposé à faire place nette et à réduire à l’impuissance tous les hérétiques. Aussi obtint-il de l’empereur une loi sévère, celle du 30 mai 428, Cod. theod., I. XVI, i Ht. v, leg. G5, où interdiction était faite aux euchitcs, massalicns ou enthousiastes de tenir aucune réunion, de faire aucune prière publique, soit dans les villes, soit à la campagne. Survint bientôt après le III· concile œcuménique, tenu à Éphèsc en 431. A la session VU·, Valérius d’Iconium et Amphilochius de Sidé prièrent les Pères de I rancher la question des mnssallcns. Ils présentèrent la lettre synodale du synode dc Constantinople, tenu six ans avant lors du sacre de Sisinnius, et un livre de t cette secte, VAscétique, le premier dont l’existence nous est connue. La lettre fut approuvée et l’on décida (pic ceux qui feraient partie de cette secte ou seraient simplement soupçonnés d’en faire partie seraient sommés d’anathématiscr par écrit les articles qu’on leur indiquerait; que ceux qui souscriraient seraient maintenus dans leur état; que ceux qui refuseraient seraient dégradés et meme privés dc la communion, s’ils étaient clercs, et anathématisés, s’ils étalent laïques; et que les moines qui auraient été convaincus 1471 EUCHITES i 160 d’avoir pactisé avec elle ne seraient point admis à tathiens, du nom d'un des chois, Eustnthe d’Édcsse, gouverner des monastères. On anathématisa aussi le ct de marcianitcs, du nom d'un certain Murclcn, ban­ livre Ascétique ct tout écrit qui contiendrait quoi quier du temps de Justinien (527-565), ct de Justin 11 que ce fût de ladoctrinc condamnée. Concile d’Éphèse, (565-578). Timotliée, De rcccpt. hœrct., P. G.f t. lxxxvi, net. VII, Ilardouin, t. i, col. 1627; Mansi, t. iv, col. 45. « En Arménie aussi, dit Mgr Duchesne, col. 1417. Histoire ancienne de V Eglise, Paris, 1910, t. m, p. 305, Timothée de Constantinople nous fait connaître un les massaliens firent scandale ct encoururent des détail que négligea plus tard Phot fus, à savoir que condamnations ecclésiastiques. » Voir là-dessus, saint Cyrille d’Alexandrie avait combattu les massa­ écrit-il en note, Ter-Mkrttschian, Die Paulikianer, licns. Ccd ne peut être qu’une allusion à un synode Leipzig, 1903, p. 39 sq. 11 est possible que le Malpat tenu à Alexandrie, dont le décret du concile d’Éphèse dont il est question dans une lettred’Isaac de Ninive, nous révèle d’aillrurs l’existence, ct à la lettre à CaloMai, Noua Patrum bibliotheca, t. vin, p. 184. soit en syrius, qui sert de préface au traité contre les anthrorapport avec un épisode édessénicn de l'histoire de pomorphi tes, ct où il réfute certains moines qui, refu­ celte secte. On a rapproché Malpat de Lampétius. sant de travailler, se f usaient de la piété un manteau 11 est certain qu’en Orient on ne cessa jamais de paresse. De recept. hier., P. G., t. lxxxvi, col. 47. d'avoir les yeux sur ces sectaires ct que, le cas échéant, D’autre part, nous savons par Photius,loc. cil., col. 89, on appliqua à certains d’entre eux les pénalités indi­ que Jean, successeur de Théodose sur le siège d’An­ quées par le concile d'Éphèse. C’est ce qui arriva tioche, continuant la tradition de scs prédécesseurs, notamment, en 595, pour un prêtre de Chalcédoine, avait écrit à Nestorius au sujet des massalicns; que nommé Jean, qui fut condamné comme marcianitc. quelques années plus lard, vers 440, Héraclidas de Sur appel fait au pape, saint Grégoire le Grand voulut Nyssc publia deux lettres contre ccs sectaires, cl que, en connaître; il instruisit donc l’atlaire. Informations vers la même époque, Archélaüs de Césaréc en Cappa­ prises, il fait part au comte Narsès qu’il ne trouvait doce condamna vingt-quatre propositions dans les­ pas dans les actes du concile d’Éphèse la condam­ quelles se résumait leur doctrine. nation d’Adelphius, de Sava (Sabas) ct des autres 5· Seconde moitié du r· siècle. — Il en fut de ccs lettres hérétiques. Epist., I. VI, epist. xiv, P, L., t. lxxvh, et de ccs décrets ce qui en avait été des précédents; col. 806. Ignorant d’autre part ce que l’on entendait même appuyés d'une loi impériale, ils n’eurent pas par un marcianitc ct n’ayant pasinêmepu l’apprendre raison de la secte. Une trentaine d’années, en effet, des accusateurs de Jean, il proclama l'orthodoxie après le concile d’Éphèse» l’un de scs membres les . de ce dernier ct le renvoya indemne. Ibid., epist. xv, plus inlluents, nommé Lampétius, avait réussi à col. 807-808. Il est à croire que l’accusation ne tenait surprendre la bonne fol d'Alypius, évêque de Césaréc pas debout cl que la preuve ne put être faite, car les en Cappadoce, ct, s'étant fuit ordonner prêtre par lui, Orientaux connaissaient à n’en pas douter l’hérésie avait été propager son erreur dans le Pont. Mais il des massaliens, quel que fût le nom qu’on lui donnât. n’échappa point àla vigilance de Gérontius, archiman­ Les catholiques savaient pertinemment à quoi s’en drite de Glltls, qui dénonça sa conduite équivoque ct tenir. Dès le commencement du vu· siècle, Timothée indécente, scs propos abominables tels que celui-ci, I de Constantinople, dans son traité sur la manière de sfpt μίαν χάρην προς έμέ χα)τ,·/ χχί διιξω σοι άγιωσύνην, recevoir les hérétiques, s’occupe assez longuement ainsi que ses railleries contre la psalmodie chré­ d’eux, sans les ranger toutefois par ordre chrono­ tienne. Alyplus chargea Honnizas, évêque de Cologique, puisqu'il cite dans l’ordre suivant les marclamanc, d'instruire l’affaire ct de prononcer la sentence. nltes, les massaliens, les cuchitcs, les enthousiaste» I lormizas le fit, ct Lampétius, convaincu de culpa­ les chorcutcs, les lampéticns, les adclphlcns ct les bilité tant par des témoins que par scs propres custalhiens. Γη peu plus tard, saint Maxime le aveux, fut condamné à être déposé de a prêtrise. Confesscur(y 662),dans son commentaire sur le pseudoL’archevêque de Césaréc ratifia la sentence. Or, ce Denys, Deecct. hier., ντ, P. G., t. m, col. 548, rapporte, Lampétius avait mis dans un ouvrage de sa main, toujours sans ordre chronologique, que les lampéticns, intitulé ΔιαΟήχη, Testament, tout le venin de son massalicns, adclphicns ou marcianitcs, ce qui est tout Impiété; ct ce livre fut plus tard l’objet d’une réfuta­ un, exigeaient de leurs adeptes trois ans d’abstinence, tion de la part du monophysite Sévère, futur pa­ après lesquels tout leur était permis, même les actes triarche d’Antioche. Malgré sa condamnation, Lamde luxure, puisqu'ils s'étalent ainsi rendus indemnes. pétlus ne garda pas moins une grande fntluence sur Mais les catholiques n'étaient pas les seuls à pour­ beaucoup de massalicns, qui prirent son nom ct furent suivre les massalicns; les hétérodoxes eux-mêmes appelés lampéticns. Il trouva même des défenseurs 1 les avalent en horreur. Déjà, nous l’avons noté, au jusqu'au fond de l’Égypte parmi es orthodoxes : commencement du vi* siècle, le monophysltc Sévère, l'évêque de Ithlnocorura, un certain 'Λ/φιι'ος, écri­ avant de devenir évêque d’Antioche, avait réfuté vit sur son compte comme s’il n’avait rien dit ou le Testament de Lampétius. Son œuvre est perdue; fait de ce qu’on lui reprochait. Mais, quoique son mais, ainsi que l’afilnnc l’auteur de l’article consacré écrit n’eût rien de mauvais en lui-même, Aldus fut aux cuchitcs dans le Dictionary o/ Christian biography, déposé comme coupable des mêmes erreurs que un fragment en serait conservé dans une chaîne de Lampétius. Un prêtre alexandrin, nommé Alflus New College d’Oxford, avec le passage d'un autre comme l’évêque, fut également déposé pour avoir ouvrage du même Sévère contre ccs hérétiques tiré soutenu le même hérétique, ainsi qu’on l'apprend d’une lettre à l’évêque Solon. D’autre part, Assémani, d’un rapport adressé à Timothée d Alexandrie, dans son récit du schisme des nest oriens de Syrie, a noté, d'après des sources orientales, qui vont de vraisemblablement celui qui est connu sous le surnom 577 à 691. les efforts des nestoriens contre les massade Sallfaciol · (460-482), par l’évêque Ptoléméc, le liens, où mention est faite de l’aversion de ces sectaires successeur d'AHlus sur le siège de Rhlnocorura. pour l’usage de l’eucharistie, du jeûne et de la psal­ Phot lus, loc. cit., col. 92. modie. Bibliotheca orientalis, t. m, p. 172. 6· Du r/· siècle au x·. —Sur l’histoire de la secte à Si, dans la suite, avant ct après Phot lus jusqu’à la partir du wsiècle, nous sommes moins bien renseignés. fin du xi® siècle et nu commencement du xn·, les do­ C'est A peine si l’on relève quelques traits épnrs sauvés cuments se taisent, ce n’est nullement une preuve que d* Γοηύΐΐ, mais qui témoignent qu’elle continuait à la secte ait disparu. Elle continuait à vivre, au con­ vivre en dépit de tout et à faire toujours parler d’elle traire, sans grand éclat sans doute, mais ol liant un smn des nom nouveaux. U est question alors d’eus- HIM EU CH ITES Hi >2 terrain tout préparé pour l'éclosion de nouvelles héré­ col. 49. Il n'aurait donc pas été conçu du Saint-Esprit sies, qui devaient accentuer scs erreurs de doctrine comme le proclamait la formule du symbole. Quant à ct de morale, telle d’abord que celle des pauliciens, son corps, ajoutaient-ils, il a d'abord été rempli de démons comme celui de tous les êtres humains, ct ce qui se recruta tout spécialement parmi les cuchitcs n’est qu’après les en avoir chassés qu’il se serait survivants et fut si énergiquement combattue par revêtu de la divinité; ct dès lors ce coqis participait Michel Pscllus, l’auteur du dialogue Ilcpl tvepytiac en quelque sorte à la nature infinie de Dieu; il était βχιμόνων, cl telle ensuite que celle des bogomilcs, changeant, tantôt matériel, tantôt spirituel. Timothée, qui ill revivre tant d’éléments gnosliques. Cf. Dœlibid. 11 ne ressemblait donc guère à un véritable corps linger, Sektcngexchichfe des Mittelalters, Munich, 1890, humain. L’incarnation ainsi comprise n’était nulle­ t. i. p. 34; l. il, p. 926-930. Depuis lors, absorbés ment celle qu’enseignait l’Église. Quant à la rédemp­ qu’ils semblent avoir été dans ces sectes nouvelles, tion par la mort sanglante de Jésus-Christ sur la il n’est plus question d’eux,en tant que secte distincte croix, il est à croire qu'ils b repoussaient, bien qu’il encore vivante. Il est à remarquer que, si les cuchitcs n’en soit jamais question parmi les erreurs qu'on leur ont rempli tout l’Orient depuis les bords de lu Médi­ attribuait; car Harmcnopulus affirme qu’ils avaient terranée ct de la mer Caspienne jusqu’à la Mésopo­ en abomination la croix ct b sainte Vierge. De hær., tamie, y compris l’Égypte, ils n’ont point pénétré en 18, P. G., t. cl, col. 25-28. D’autre part, leur attitude Occident. vis-à-vis de b communion eucharistique était assez 111. Erreurs de doctrine et de pratique. — significative, puisqu’ils traitaient ce sacrement de 1° Sur Γ Écriture. — A l’exemple de tous les héré­ chose indifférente, qui n’était ni utile aux bons ni tiques, qui se disaient chrétiens tout en entendant ct nuisible aux péchcu rs, bien qu'ils y part bipassent, le cas pratiquant le christianisme autrement que l’Église, échéant, pour n’avoir pas l’air de se séparer de l’Église. les cuchitcs ou massalicns avaient la prétention de Ils ne croyaient donc pas à la présence réelle de Jésusjustifier leur doctrine ct leur conduite sur Γ Écriture. Christ dans l'eucharistie. Dans ces conditions, quels Tout d’abord, ils n’admettaient pas le canon ecclé­ pouvaient être b nature ct le rôle du Christ? Fort siastique, car ils répudiaient la Loi et les Prophètes ct peu de chose, puisqu’ils ne parlaient que du Saintn’acceptaient que les livres du Nouveau Testament. Esprit ct que c’est seulement à b présence ct à l’action Encore ici se bornaient-ils à un choix : n’ayant que leurs du Saint-Esprit qu’ils attribuaient la sanctification. préjugés pour guide ct ne tenant aucun compte de Il y avait donc là une méconnaissance caractéristique l’interprétation des Pères, ils se bornaient à certains de l'économie divine de l’incarnation et de 1a rédemp­ textes, interprétés selon une exégèse assez simpliste, tion. mais décisive, cl négligeaient complètement tous les 4 e Sur la nature et les conséquences du péché ori­ autres qui servaient à les éclairer ct à les compléter ginel.— Sans mettre en doute l’existence de la faute dans un tout cohérent ct harmonieux. On en verra d’Adam ct de ses funestes conséquences, les mnssaplus loin quelques exemples. licns s’abusaient étrangement, sinon sur la nature 2° Sur la Trinité. — Les spéculations philosophiques même du péché originel, du moins sur scs effets· et théologiques ne paraissent pas avoir été leur grande Au Heu d’y voir simplement la perte de la grâce sanc­ préoccupation; ils ne comptaient parmi eux ni des tifiante cl l’absence de la vie surnaturelle, ils croyaient métaphysiciens ni des théoriciens. Il n’est pas dit que, par suite de la chute, l’homme, quand il vient au cependant qu’ils nient trempé dans l’erreur arienne monde, a l’âme habitée par le démon cl que, s'il est qui agita le iv· siècle ou dans les erreurs subséquentes poussé au mal, c’est à cet hôte ennemi qu’il le doit. du v·; toutefois la manière singulière dont ils parlaient Or, la presence du démon est un obstacle à l’entrée ct de la Trinité rappelle quelque peu le sabellianisme. au séjour salutaire du Saint-Esprit. Ils regardaient Une fois parvenus à l’état d’impassibilité, comme ils donc comme la plus urgente nécessité et le plus impé­ disaient, ils prétendaient voir des yeux du corps Dieu rieux devoir de se débarrasser à tout jamais du démon cl la Trinité elle-même. Théodoret, Ilœrel. /ab., pour recevoir à sa place l’hôte absolument bienfaisant iv, 11, P. G., t. lxxxiii,co1. 429; Timothée, De recept. ct garant assuré du salut qu’est le Saint-Esprit. Mais hær., P. G., t. lxxxvi, col. 48; Euthymius Zignbène, le moyen d’assurcr ce résultat capital ct décisif n’était Panoplia dog., Ht. xxvi, P. G., t. exxx, col. 1277. pas, selon eux, le baptême, car ils en méconnaissaient b Les trois hypostases divines se confondaient au point nature ct l’efficacité; ils l'estimaient bon tout au plus de n’en faire plus qu’une, Timothée, tbid., col. 49; à faire disparaître le péché, et à le trancher superfi­ Zignbène, ibid., col. 1273; ct celle-ci s’unissait étroi­ ciellement comme un rasoir, mais nullement capable tement aux Ames dignes de Dieu. Un Dieu accessible d’aller jusqu’au fond cl d’enlever jusqu’aux dernières aux sens, voilà d'abord qui était en contradiction fibres sa racine. Théodoret, liaret. pib., iv, il, P. G., formelle avec l'Écrlture ct avec renseignement chré­ t. lxxxiii, col. 429; Timothée, De recept. hær., P. G., tien sur la nature divine; cela ressemblait à un an­ t. lxxxvi, col. 48; S. Jean Damascène, Hht., 80, thropomorphisme déguisé. D’autre part, trois hy­ P. G., t. xciv, col. 729. Ce rôle indispensable, ils postases qui n’en font qu’une, c’était purement ct l’attribuaient à la prière. simplement nier la Trinité pour retomber plus ou moins 5° Sur refjlcacité souveraine de la prière. — Lais­ ouvertement dans le sabellianisme. Selon la logique du sant donc de côté ce moyen surnaturel de régénéra­ système, les trois hypostases unifiées ne devaient être tion qu’est le baptême, institué et déclaré nécessaire autre que le Saint-Esprit ; car, d’après les massalicns, par Jésus-Christ, ou n’y recourant, puisqu’ils se pré­ c’est Je Saint-Esprit qui entre visiblement dans l’Amc, tendaient chrétiens, que comme A une pratique d’im­ dès que l’âme est délivrée de la présence du démon, portance très secondaire. Ils avalent pris pour devise selon la manière bizarre qui sera indiquée. ce mol de saint Paul aux Thcssaloniciens: Άδια)υ'κτωζ 3° Sur Jésus-Christ. — Ces Idées nuageuses ou κροσιύχισόι, priez sans cesse, I Thés., v, 17, ct firent fausses sur les trois personnes de la Trinité s’accom­ de la prière l’instrument par excellence ou plutôt pagnaient d’idées non moins erronées sur Jésusunique du salut. A les entendre, eux seuls cor».pre­ Christ. Que les cuchitcs aient nié formellement sa naient bien le lldtup τ αω·>, Pater noster, cl savaient le divinité, c’est ce qui ne ressort d’aucun texte; mais réciter. Or, disaient-ils, b prière seule est capable do quelle étrange conception ils se faisaient de son incar­ nation ! Le Verbe, disaient-ils, est bien descendu danà débarrasser l’âme du démon qui l’habite depuis la Ir sein de Marie, mais en même temps que le sperme de naissance cl d’y introduire le Saint-Esprit. L’homme l'homme. Timothée, De recept. huer., P. G., t. lxxxvi, qui prie expulse le démon par le mucus de scs narines 1463 EUCIIITES i lui on pnr kt salive de sa’bouche, Théodoret, loc. ci!., prétendaient-ils, cela n’avait pas la moindre prise. col. 429; Timothée, loc. at., col. -IS; et ie demon s’en­ Timothee, loc. cil., col. 52. On n est certes pas tenu fuit sous forme de fumée, de serpent ou même sous de les croire sur parole. Saint Épiphano avait déjà forme de laic suivie de scs porcelets. S. Augustin manifesté la crainte qu’une telle conduite ne fût pas De hier., 57, P. L.t I. xlii, col. 41. Et quant au Saintexempte de tout reproche moral. El cette crainte Esprit, il pénètre alors dans notre âme d’une manière i élail trop bien fondée, comme le prouvèrent dans la visible ou sous forme d’un feu qui ne brûle pas. Tel est suite l’altitude scandaleuse ct les propos licencieux le résultat premier ct décisif de la prière. Pour faire de Lampéthis, l’un de leurs chefs, les actes de vol et admettre de pareilles données, il fallait compter sur de fornication dûment constatés panni eux, S. Jean Damascènc, Hier., 80, P. G., t. xciv, col. 733, ct une forte dose de naïveté ou de crédulité; mais il est Λ croire que les adeptes, victimes peut-être de quelque l'accusation nettement fonnuléecontre eux par saint Maxime le Confesseur. supercherie grossière, s’en laissaient imposer surtout Saint Paul avait dit : « Que la femme écoute l'in­ par les conséquences d'ordre pratique, qui leur lais­ struction en silence, avec une entière soumission. Je saient toute liberté d’action tout en leur procurant, ne permet s pas â la femme d’enseigner · ITim., n, 11,12; pensaient-ils, de singuliers privilèges de salut. Car la mais les cuchites n’en tinrent pas compte, et c'est prière, quand elle est intense, profonde, concentrée ct pourquoi ils eurent parmi eux des femmes jouant le prolongée, finit par produire dans l’âme, selon la rôle de docteurs, qu’ils honoraient au-dessus du clergé. doctrine de la secte, un état incomparable cl unique, Timothée, loc. cil., col. 52. qui n’est autre que l’impassibilité, source de faveurs Du reste, ils écartaient tout texte scripturaire qui exceptionnelles cl vraiment merveilleuses. pouvait les gêner. Ayant pris à la lettre le conseil du 6· Sur l'étal d'impassibilité, — Une fois Sauveur: ΙΙωλησατετά υπάρχοντα υμών, καιύ δότε έλεημοparvenue par la prière à ΓάπίΟίΐα, à cet état d’impas­ συνην· ποιήσατε έαυτοίς βαλλάνΠα μή πχλαιούμενα,θησαυ­ sibilité, mais non d’insensibilité, l’âme, prétendaient ρόν ανεχ/ειπτον ίν τοις ουρανοί;, Luc., χιι, 33, ils les cuchites, sc sent unie au Saint-Esprit, devenu son avaient tout abandonné, s’étaient généreusement époux, par des liens aussi sensibles ct plus doux que détachés des biens de ce monde cl pratiquaient la ceux des rapports conjugaux de l’homme ct de la pauvreté. Il fallait pourtant vivre, et pour cela femme. On touche ici â un mysticisme des plus sub­ travailler; les apôtres en avaient donné l’exemple, tils dont on compare les effets à ceux du plus grossier I Cor., iv, 20, et formulé le précepte. Eph., iv, 28. sensualisme;on touche même à une espèce de panthé­ Saint Paul avait même ajouté : Si quelqu’un ne isme qui défigure complètement la doctrine catholique veut pas travailler, il ne doit pas manger non plus. » de l’élévation de l’homme à l’ordre surnaturel ct de II Thés., m, 10. Ils entendaient, eux, manger ct ne sa sanctification par la grâce. L'âme, disent les rien faire, forts de cette parole du Sauveur: ΈργάζεσΟε cuchites, ne fait plus alors qu’un avec l’hypostasc αή την βρ£>σιν την απο/.*/υμενην, άλλα την βρώσιν την divine survenue en elle;elle entre désormais dans la μίνουσαν cl; ζωήν αιώνιον. Joa., νι, 27. Le travail sphère du divin, elle possède la nature divine ellerecommande n’est nullement pour la nourriture qui même. Timothée, De reccpt. hier., P. G., t. lxxxvi, périt, disaient-ils, mais pour celle qui demeure pour la col. 49. Non seulement elle voit Dieu ct la Trinité des vie éternelle, ct ce n’est point le travail manuel, c’est yeux du corps, mais rien n'échappe plus à la péné­ uniquement la prière. Ces paresseux de parti pris, qui tration de son regard, ni les pensées intimes d’autrui, passaient leur temps a ne rien faire ou â dormir, ni l’état des âmes séparées du corps, ibid., col. 52, ni Théodoret, Hired. /ab., iv, 11, P. G., t. lxxxiii, col. les secrets de l’avenir, ni la signification mystérieuse 429, innovaient donc étrangement et révolutionnaient des songes. Ibid., col. 49. L’cuchite éprouve alors l’idéal de la vie religieuse, tel qu'il était compris et parfois les frémissements intimes d’un délire sacré : il déjà réalisé à celte époque; car on ne sc faisait pas à sc met à sauter ou à danser comme s'il foulait aux l’idée de moines passant tout leur temps dalis la con­ pieds le démon expulsé ct vaincu; d’où le nom templation ou la prière sans jamais s’employer à un d‘enthousiastes ct de choreutes donné aux massallcns; travail manuel quelconque. De là, le scandale soulevé ou bien encore il prend l’altitude de l’archer qui bande et les remontrances que saint Nil lançait du Sinai son are ct lance une flèche contre un ennemi invi­ sible mais présent. Théodoret, Hired, /ab., iv, 11, contre la paresse inculquée < par Adelphius le Mésopo· P. G., t. lxxxiii, col. 432; Timothée,De reccpt. hier., tamlcn ct par cet Alexandre qui a naguère troublé P. G., t. lxxxvi, col. 49. Ces prétentions extrava­ Constantinople, · De paupertate, 21, P. G., t. lxxix, gantes ct ccs actes déconcertants devaient naturel­ col. 997, allusion au fondateur des acéinèles associé lement frapper l’imagination, exciter la curiosité ct ainsi sous la plume de saint Nil à l’un des chefs des provoquer des adhésions; mais quel danger aussi de cuchites. Le moine du Sinaï montrait que leur pré­ fanatiser les simples d’esprit ct de déchaîner les pires tendue άπαθ«α, au lieu d'aider à la dévotion et à Instincts sous le couvert du sentiment religieux I In piété, donnait Heu à des pensées mauvaises ct à des 7° Conséquences. — Ixs cuchites, en effet, dans leur passions coupables, et était au fond l’ennemie de la état d’xsi'irx, sc vantaient d'avoir atteint la per­ vraie prière. fection morale ct même l’impeccabillté. Le péché ne Ne sc livrant donc à aucun travail pour sc procurer leur était plus possible : nui besoin dès lors soit d’in­ l’alimentation nécessaire à la vie, les massaliens, con­ struire son esprit, soit de discipliner son corps par stituant une sorte de frères mendiants, recouraient l’ascétisme. A quoi bon l’enseignement donné par à la charité publique; ils allaient même jusqu’à récla­ mer comme un droit personnel ct exclusif la percepl’Éclise et les jeûnes qu’elle prescrit, puisqu’on est désormais à l’abri de l’ignorance qui mène à l'erreur et I lion des aumônes, puisqu’ils étaient vraiment, eux, de la concupiscence qui entraîne nu mal : le corps n’est ; les pauvres d’esprit dont parle (’Évangile. Ce n’est donc pas aux veuves, disaient-ils, ni aux orphelins, plus soumis à la tyrannie des sens,et l’âinc n’est plus aux malheureux, aux prisonniers, qu'on doit faire capable de déchoir. Aussi pendant l’été, la nuit venue, l’aumône quand on la comprend et qu’on veut la couchaient-ils en plein air, hommes et femmes, dans rendre méritoire, mais uniquement à eux. Timothée, une promiscuité complète, sans que cela tirât à consé­ quence; ils pouvaient même goûter aux mets les plus I loc. cit., col. 52. En conséquence, ils mangeaient à leur faim ct buvaient à leur soif à n’importe quelle heure délicats et mener la vie la plus luxurieuse : pour du jour, sans sc soucier le moins du monde des pres­ d’autres, cela aurait constitué une tentation irrésis­ criptions ecclésiastiques relatives au jeûne,si scrupu tible ou une occasion certaine de chute mais sur eux, 1465 EL’CH ITES — EUDES Icusemcnt observée» en Orient. Ce mépris des règles n’allait pourtant pas jusqu’à vouloir se séparer osten­ siblement de ΓÉglise. Ils participaient donc à la corn- , inunion eucharistique, dans un but purement poli- . tique; car, contrairement à la doctrine de saint Paul, ils ne croyaient pas à la présence réelle de JésusChrist dans l'eucharistie et traitaient ce sacrement, · ainsi qu'on l’a vu plus haut,comme une chose indilïcrentc. Théodoret, 77. 7·.*., iv, 10, P. G., t. lxxxii, col. 1145; Timothée, loc. cil., col. 49. Et tel était leur souci de ne point rompre avec Γ Église (pic les faux serments cl les parjures ne leur coûtaient pas. Volon­ tiers même ils reniaient de bouche leurs propres erreurs ct anathématisaient leurs propres partisans. Timothée, loc. cit., col. 52. Étaient-ils formellement convaincus de professer ccs mêmes erreurs, ils n’en attestaient pas moins Dleujqu'il n’en était rien, ou, les reniant aussitôt, se déclaraient prêts, plutôt que d’être chasses de la communion, à subir tant qu’on voudrait les rigueurs du régime pénltcntiel. Un tel aplomb dans la négation des faits les plus avérés, une telle hypo­ crisie ne trompèrent bientôt personne; ct cela achève de les peindre sous le jour le plus défavorable. On comprend qu'avec des principes de conduite aussi commodes et des théories si rassurantes ils aient fait tant de recrues ct se soient si longtemps maintenus en dépit des sanctions ecclésiastiques ct des lois impé­ riales; on comprend surtout qu’ils soient finalement tombés dans le dévergondage et l’immoralité, offrant ainsi des sujets tout préparés à perpétuer les abomi­ nations si justement reprochées plus tard aux paulicicns et aux bogomilcs. Co Idler, Ecclesia? grweir monumenta, Paris, 1077-1680, t. m, p. 401 sq.; Tlllemont, Mémoire# pour servir ά Γhistoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1701-1704, t. vm. p. 527-537; t. xiv, p. 149-451 ; Ccillicr, Histoire des auteurs sacrés ct ecclésiastiques, Paris, 1858-1864, t. iv, p. 645-647; Jacobi, Uebcr die Etiehielen, dons Zeitschrift t'ur Kirchengcschichle, 1888, t. ix, p. 507-522; Dôllingcr, Sektengcschichte des Mittelalters. Munich, 1890; Conybearc, 7/ic key o/ truth. Oxford. 1898; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de Γ Église, Paris, 1907-1010, t. n. p. 582-584; t. m, p. 303-305; Mignc, Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, t. i; Smith ct Waco. Dictionary of Christian biography; Hauck. Rcalcncyklopadic fur protestantischc Théologie und Kirchc, v· Messalianer, 3* édit.. Leipzig. 1896 sq.; Wctzer ct Wcltc, Kirchen lex ikon, 2· édit., Fribourg-en-Brisgnu, 1880 sq.; Ul. Chevalier, Répertoire. Topo-bibliographie, Paris, 1905. col. 1057. G. Baheille. EUDÆMON-JOANNES André, contre vends te, était Grec d’origine ct de l'ancienne famille impériale desPaléologues. H naquit Λ la Canéc.dans Hic deCrètc, en 1560; venu jeune en Italie, il entra dans la Compa­ gnie de Jésus en 1581 et professa avec succès la phi­ losophie Λ Home et la théologie Λ Padouc et fut rec­ teur du collège des Grecs à Borne. Quand le pape Urbain VIII envoya son neveu, le cardinal Barbcrini, comme légat en France, en 1625, il lui adjoignit le P. Eudæmon comme théologien conseil. Ce Père mourut peu après son retour ù Home, le 24 décembre 1625. Il a publié plusieurs écrits pour la défense de son ami Bellnmiin contre les attaques du calviniste Lambert Daneau (Dnnæus), de Jean Barclay, de Lancelot Andrews. Voir Belï.ahmin, t. n, col. 560. Il donna aussi une apologie du P. Garnet, supplicié Λ l’occasion de la conjuration des Poudres, cl la soutint de diverses répliques contre l’Anglais Robert Abbot, contre le pamphlet Anti-Coton, enfin contre D. Leidhresscr ct Isaac Casaubon. Contre le meme Casaubon, il défendit aussi les Annales de Baron lus. Les enne­ mis des jésuites lui ont attribué, sans aucune preuve ct contre ia vraisemblance, une critique très vive de la politique du cardinal de Richelieu, qui parut vers le temps de la légation du cardinal Barberlnl, sous le 1466 titre : G. G. /L Theologi ad Eudovicum X7/7... regem chrislianissimum admonitio.., qua breviter et nervose demonstratur Galliam farde d turpiter impium fadu iniisse, et injustum bellum hoc tempore contra catho­ licos mooisse (1625). De Backrr-Sonimcrvogcl. Ribliothèque de l/i O de Jésas^ l. m. col. 182-186; Hurter. Xomcnclaîor, L m, eoi. 705706; Réponse au livre intitulé : Extraits des assertions..., suite de la HP partie, p. 494-496, xxvn-xxvm; J.-M. Prat, S. J., Recherches historiques et critiques sur la O de Jésus en France du temps du P. Coton, t. iv, p. 577, 582 sq. J. Brucker. EUDES (lo B. Jean).— I.jVic. II. Instituts. III.Ou­ vrages. I. Vie. — Le B. Jean Eudes, que ΓÉglise vient de placer sur les autels, fut l’un de ccs prêtres puissants en œuvre et en parole que Dieu suscita en France^ au xvn· siècle, pour la réforme du clergé et du peuple. Sa carrière fut extrêmement féconde. 1° Début. — Jean Eudes naquit à RI, près d'Argentan, le 1 i novembre 1601. Il fut l’aîné de sept en­ fants, dont l’un, François Eudes, plus connu sous le nom de Mézerai, se fit un nom dans les lettres par une Histoire de France estimée. Dès sa plus tendre enfance, Jean Eudes se distingua par sa piété. A qua­ torze ans il fit vœu de chasteté parfaite. Après de brillantes études chez les jésuites de Caen,il demanda à entrer dans la congrégation de lOraloirc, où il fut admis le 25 mars 1623. Il sc forma à la vie intérieure sous la conduite des Pères de Bérulle ct de Condren, deux maîtres éminents dont il goûta la doctrine ct dont H prit si bien l’esprit qu'il en devint la vivante image. Ordonné prêtre le 20 décembre 1625, le P. Eudes inaugura sa vie sacerdotale par l'exercice de la plus I héroïque charité. La peste désolait son pays natal. Il sollicita et obtint la permission d’aller assister les pestiférés qui mouraient dans le plus complet abandon. Le mal ayant éclaté peu après à Argentan cl à Caen, le jeune prêtre se hâta d’y venir exercer son héroïque ministère. A Caen, durant l’épidémie, son unique logement fut un tonneau installé dans une prairie qui garda longtemps le nom de Pré du saint, et où l'abbesse des bénédictines de Sainte-Trinité lui faisait porter chaque jour les aliments dont il avait besoin. 2° Fondation du séminaire de Caen d de plusieurs autres séminaires. — Le fléau disparu, le P. Eudes rentra ù l’Oratoire de Caen où il vécut jusqu’en 1643, Appliqué de bonne heure à l’œuvre des missions, il y obtint des succès éclatants qui le conduisirent bien vile Λ la célébrité. Les fondations du Bienheureux sc rattachent toutes à scs travaux apostoliques. C’est pour assurer la persévérance des tilles ct femmes de mauvaise vie ramenées à Dieu par son zèle, qu’il Hstitua en 1611 l’ordre de Notre-Dame de Charité dont nous parlerons plus loin. La même année, il commença ù faire des conférences spéciales aux prêtres dans chacune de scs missions. Il comprenait, en effet, que les missions ne produiraient jamais de fruits durables tant qu’on n'aurait pas réussi ù réformer le clergé qui, ù cette époque, vivait trop souvent dans l’ignorance cl la débauche, surtout dans les paroisses de la campagne. Ccs conférences furent très suivies et produisirent d’excellents résultats. Toutefois, comme le P. de Condren ct saint Vincent de Paul, le P. Eudes ne tarda pas ù constater qu’il est bien difllcilc de réformer des prêtres vicieux, ct il en vint ù se persuader que l’unique moyen de procurer aux fidèles des pasteurs vertueux cl zélés, c’était d’en former en érigeant des séminaires, où l’on réunirait les ordinands pour les initier, pendant un temps plus ou moins long, aux vertus ct aux fonctions de leur étal. Il demanda à tenter l’entreprise ù l’Oratoire de 1167 EUDES 1468 ricorde ! Depuis saint Vincent Ferrier, on n'a pas vu Gicn, dont il était devenu supérieur en 1610. Rien de missionnaire, du moins en France, qui ail exercé n'était plus conforme aux vues du cardinal de Béautant d’action sur les loulcs. rulic et du P. de Condrcn. Ixj Bienheureux eut pour­ Le P. Eudes était accompagné dans ses missions tant la douleur de voir sa demande rejetée. par un grand nombre d’ouvriers apostoliques, qui C’est alors que la pensée lui vint de fonder une n’appartenaient pas tous à sa congrégation, mais qui société nouvelle, qui ferait dc la formation des clercs s’étaient formés à son école. Parfois il en emmena avec dans les séminaires son œuvre principale. Il y fut lui jusqu’à vingt-cinq, et même davantage. Les encouragé par le cardinal de Richelieu et par un missions qu’il prêchait comportaient une grande grand nombre dc personnages d’une expérience et variété d’exercices, cl duraient au moins six se­ d'une sainteté reconnues. Sûr alors dc faire la volonté maines. Quelques-unes même durèrent beaucoup plus dc Dieu, il quitta l'Orntoire et fonda à Caen, le longtemps. Ainsi celle de (tenues commença avec 25 mars 1643, la congrégation de Jésus et Marie, l’Avcnt de 1669, pour ne finir qu'après le dimanche qui commença dès lors à travailler à In formation des de Quasimodo 1670. On conçoit que do pareilles ordinands. stations aient produit des fruits immenses et renouvelé Une violente opposition ne tarda pas à sc déchaîner des villes entières. contre la société naissante. A Caen, à Versailles, Λ Le Bienheureux travailla à l’œuvre des missions Rome, les ennemis du Bienheureux curent recours à jusqu’à la fin de sa vie. Ses biographes affirment qu’il tous les moyens pour ruiner son œuvre. Ils étaient n'en prêcha pas moins de 110. Il en donna trois à puissants, et plus d’une fois ils furent sur le point dc Paris : une à Sainl-Sulpicc en 1651, une autre aux réussir. C’est ainsi qu’en 1650 ils eurent assez d’in­ Quinzc-Vingts en 1GG0, et la troisième à Sainl-Gcrfluence sur l’évêque dc Bayeux pour faire fermer la main-des-Prés également en 1660. Il eut même chapelle du séminaire dc Caen, qui ne fut rouverte l’honneur d'être appelé par Louis XIV à prêcher que deux ans plus lard. C’est ainsi encore qu’on 1671, une mission à Versailles (1671), et une autre à Saintils réussirent à indisposer Louis XIV contre le Gcmiain-cn-Laye (1673). Les missions les plus cé­ P. Eudes, cc qui mit son œuvre à deux doigts de sa lèbres qu’il fit en province sont celles de Caen (1639, ruinc. Malgré celle opposition tenace, la congréga­ 1665), dc Rouen (1612, 1667). de Valognes (1643), tion dc Jésus cl Mario sc consolida peu à peu, et le d'Aulun (1618), de Beaune (1648), dc Cou tances Bienheureux eut la joie, non seulement de voir pros­ (1641, 1651), dc Lisieux (1653), de Saint-Lô (1642, pérer le séminaire dc Caen, mais d'être appelé à 1657), dc Meaux (1664). dc Châlons-sur-Marne (1665), en fonder d’autres, à Cou tances (1650), à Lisieux d’Évrcux (1667) et dc Rennes (1670). (1653), à Rouen (1658), à Évrcux (1667) cl à Rennes Dans les missions dc Versailles et de Saint-Gcrmain(1670). cn-Layc. ainsi que dans celles qu’il prêcha à Paris, 3· Missions. — La direction des séminaires ne suf­ le P. Eudes eut souvent l’occasion de parler aux grands fisait pas à occuper l’activité de P. Eudes. Au début, dc la terre. Il le fit toujours en homme dc Dieu et die ne consista guère qu’à préparer les ordinands à avec la plus entière liberté. Un jour même il parla la réception des saints ordres par ce qu’on appelait avec tant dc hardiesse à la reine Anne d’Autriche les Exercices des dix jours. Dans l’intervalle, le Bien­ que le bruit courut qu’il allait cire mis à la Bastille. heureux put donc continuer à prêcher des missions. La reine,qui en fut informée,prit la défense du prédi­ 11 avait pour cc genre de ministère des aptitudes hors ligne. Il possédait, en clTot, à un haut degré, cateur et fit son éloge. « Vraiment, dit-elle, on me croit ben méchante dc dire (pie j’ai fait mettre à la Bastille toutes les qualités qui font l’orateur : un air noble cl im prédicateur qui prêche cc qu’on doit prêcher et majestueux, une voix souple et sonore, un regard expressif, une Imagination forte et riche, une éton­ dont j’ai beaucoup de satisfaction. · nante facilité dc parole, un caractère ardent et . 4° Établissement du culte public des Sacrés Cœurs impétueux. Accsdons naturels s’ajoutaient chez lui de Jésus et dc Marie. — Tout en fondant des sémi­ un zèle admirable pour la gloire de Dieu et le salut naires et en sc dépensant dans le rude labeur des des âmes, une immense compassion pour les pécheurs, missions, le B. Jean Eudes travaillait activement et tout le prestige que donne une sainteté un vcrscllcà propager la dévotion des Sacrés Cœurs dc Jésus cl ment reconnue. Aussi ses succès furent-ils prodigieux. de Marie. Avant lui, cette dévotion était le privilège Partout où il parut, le zélé missionnaire groupa dc quelques âmes d'élite, qui la pratiquaient dans le autour de sa chaire des foules considérables. Les secret de leur vie privée. A vrai dire, clic n'existait églises étaient trop étroites pour les contenir et guère qu’à l'état de tendance. Le P. Eudes est le pre­ souvent le prédicateur fut obligé de parler en plein mier qui en ait fait une dévotion précise et vivante, air. Le Bienheureux atteste lui-même que, duwnt en en déterminant l’objet et la pratique et en insti­ la mission qu’il prêcha à Valognes, en 1643. on évalua tuant des fêtes qui devaient la rendre populaire. un jour à 40 000 le nombre de scs auditeurs. Une IzCs causes qui amènent le Bienheureux à sc faire lettre de saint Vincent de Paul nous apprend d’autre | l'apôtre de la dévotion aux Sacrés Cœurs sont assez part que, si grande qu’ille fût, la cour des Quinzenombreuses. L’habitude qu’il avait prise à l’Oraloirc Vlngts ne suffisait pas à contenir la foule qui venait d’honorcr les dispositions intérieures de Jésus et de entendre les prédications du P. Eudes pendant la Marie l'y préparait déjà. L’élude des Initiations Le P. Eudes, en effet, n'aimait pas qu'on qui conduit toutes choses avec une merveilleuse sa­ gesse, a voulu faire marcher la fête du Cœur de la séparât le cœur de la Mère dc celui dc son Fils, et pour exprimer leur union, il disait volontiers : « Ιλ ; Mère avant la fête du Cœur du Fils de Dieu, pour pré­ Cœur dc Jésus cl de Marie, > expression qui, aujour­ parer les voies dans les cœurs des fidèles à la vénéra­ d’hui nous paraît étrange, mais qui était conforme tion dc cc Cœur adorable, et pour les disposer à obtenir du ciel ccttc seconde fête par la grande dévotion avec nu langage du temps, et dont le Bienheureux n’était laquelle ils ont célébré la première... pas l’inventeur. Il l'avait empruntée à saint François « C’est une faveur signalée, ajoute le Bienheureux, dc Sales, et on a remarqué qu'elle sc rencontre égale­ que le Fils dc Dieu fail à son Église dc lui donner la ment, bien que très rarement, dans les écrits dc la fête dc son Cœur royal, qui sera une nouvelle source B. Marguerite-Marie et du V. P. dc la Colombière. d’une infinité de bénédictions pour ceux qui se dispo­ Il ne faudrait pas croire, d’ailleurs, que le P. Eudes seront à la célébrer saintement. Mais qui est-ce qui ne fil dc celte expression un emploi exclusif. Il suffit dc le ferait pas? Quelle solennité plus digne, plus sainte, parcourir ses ouvrages, pour constater qu’il disait plus excellente que celle-ci, qui esl le principe dc tout également, comme nous le faisons aujourd'hui : Les cc qu'il y a dc plus grand, dc(plus)saint et dcjplus]vé­ Sacrés Cœurs de Jésus cl de Marie, et nous allons nérable dans toutes les autres solennités 1 Quel cœur voir qu’après avoir honoré « conjointement ■ les Sacrés plus adorable, plus admirable et plus aimable que le Cœurs, il lit de chacun d’eux l'objet d'une dévotion et Cœur dc ccl Homme-Dieu qui s'appelle Jésus I Quel d’une fête spéciales. honneur mérite ce Cœur divin qui a toujours rendu et La première fête instituée par le Bienheureux fut rendra éternellement à Dieu plus dc gloire et d'amour celle (lu saint Cœur de Marie. 11 sc décida à l’établir en chaque moment,que tous les cœurs des homme* et au plus tard en 1643, peut-être même dès 1641. des anges ne lui pourront rendre en toute l’clernité I Il composa dans ccttc vue une messe et un ofllcc Quel zèle devons-nous avoir pour honorer ce Cœur propres, dont quelques passages sc rapportaient au auguste, qui est la source dc notre salut, qui est Cœur de Jésus que le P. Eudes voulait célébrer en même temps que le Cœur dc Marie. Il supprima ces I l’origine de toutes les félicités du ciel et dc la terre, qui est une fournaise immense d’amour vers nous, passages quelques années plus tard, lorsqu’il établit la fête du Cœur dc Jésus, en sorte que le premier ofllcc 1 qui ne songe nuit et jour qu’à nous faire une infinité de biens, et qui enfin s’est rompu et brisé dc doulcίγ et la première fête n'eurent plus pour objet que le pour nous en la croix, ainsi que le Fils dc Dieu et sa Cœur dc Marie. A l'époque du P. Eudes, tout le monde croyait, i très sainte Mère l’ont déclaré à sainte Brigitte. > Le Bienheureux conclut en exhortant scs enfants à en France, que chaque évêque pouvait autoriser dans 1 célébrer de leur mieux la fêle du Cœur dc Jésus : son diocèse l'établissement d’une fête nouvelle avec « Embrassons avec joie cl jubilation, dit-il, la solennité messe et ofllcc propres. En 1648, au cours d’une mis­ du divin Cœur de notre tris aimable Jésus. En voilà sion qu’il prêchait Λ Autun, le Bienheureux obtint l'office et la messe que je vous envoie, approuvés de de l’évêque du lieu, Mgr Claude de la Madeleine dc tous messieurs nos prélats. Employons tout le sqin, Hagny, l'autorisation dc célébrer solennellement dans la ferveur et la diligence possible pour la bien célébrer. la cathédrale la fête du saint Cœur dc Marie, qu’il Pour cet effet, invitez-y tous nos .unis et toutes les avait fixée au 8 février. Mgr dc Hagny en autorisa personnes dc dévotion. Si vous ouvrez le paquet assez même la célébration dans tout son diocèse, et il parait tôt, faitcs-la publier. S'il y avait du temps, il faudrait certain que cette fête sc célébrait à la Visitation de y prêcher... Enfin, conclut le P. Eudes, je vous con­ Paray-lc-Monial, lorsque la B. Marguerite-Marie y jure de célébrer cette fête avec toute la dévotion cl ont ni. Approuvée dans In suite par un grand nombre solennité que vous pourrez, cl de me récrire comme d’évêques, et en 1668, par le cardinal dc Vendôme, elle se sera passée... » légat a latere du pape Clément IX, la fête du Cœur de Marie ne tarda pas à sc répandre. Le P. Eudes On voit déjà, par cette circulaire, que l'objet dc la fête instituée par le P. Eudes en 1672 n’était pas, cul la consolation dc In voir adoptée par quelques comme on l’a dit dc nos jours.· le Cœur de Jésus et églises et par un grand nombre dc communautés dc Marie, · mais uniquement le Cœur de Jésus, et que, religieuses, entre autres par les franciscains dc la sous cette dénomination, le Bienheureux entendait à grande province de Franco, les bénédictines du Saintla fois IcCœurspiriluclet le Cœur corporel del’HommeSacrement, les bénédictines dc Montmartre et dc Dieu. Pour peu d’ailleurs que l'on étudie soit l’oflicc Safnte-Trinilé de Caen, et plusieurs communautés de P. Eudes, soit le XII· livre du Cœur admirable où de la congrégation de Notre-Dame. il traite longuement de l'objet de sa dévotion, cette Une fois la fêle du Cœur do Marie solidement éta­ vérité devient tellement manifeste qu’on s’étonne blie, le Bienheureux s’occupa d’en instituer une qu’elle ait pu être contestée. autre en l’honneur du Cœur dc Jésus. Dans cc but, A partir de 1672» la fêle du Cœur de Jésus tut céléil composa une nouvelle messe et un nouvel office qu'il fit approuver en 1670. Doux ans plus tard, après I bréc chaque année dans les séminaires du P. Eudes; mais elle ne resta pas I apanage exclusif des enfiintsdu avoir obtenu l'autorisation des évêques compétents, Bienheureux. Presque toutes les communautés qui il adressa à scs enfants une circulaire triomphante avalent adopté la fête du Cœur de Marie, adoptèrent où il leur enjoignait de célébrer chaque année, lr aussi relie du Cœur de Jésus, et il en fut de meme des 20 octobre, la fête du divin Cœur de Jésus, sous le rite nombreuses confréries fondées par le Bienheureux et double de première classe avec octave. Cette circulaire est bien remarquable. Le P. Eudes par scs disciples. y montre la légitimité et l'excellence dc la nouvelle Les faits quo nous venons dc rapporter sont anté­ fête : · C'est une grâce incxp’icablc, dit-il, que notre rieurs aux révélations dc la B. Marguerite-Marie, très aimable Sauveur nous a faite, dc nous avoir touchant le Sacré-Cœur. Les premières n'eurent lieu donné dans notre congrégation le Cœur admirable qu'à lu fin de 1673, et elles ne devinrent publiques â 1471 EUDES que dans les dix dernières années du xvir siècle, Ix P. Eudes eut donc la gloire de devancer la Bien­ heureuses ct c’est A lui que revient l'honneur d’avoir établi dans l’Église catholique le culte public du Cœur de JéSus, aussi bien que celui du Cœur dc Marie. La S. C. des Bites l'a reconnu formellement lorsque, en proclamant l’héroïclté de ses vertus, elle lui a décerné le titre glorieux d'auteur du culte litur­ gique des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, et lorsque, dans le décret de sa béatification, elle lui a décerné les titres de père, dc docteur cl d'apôtre de la dévotion à ces Cœurs sacrés. Il faut reconnaître d’ailleurs que la mission dc la Bienheureuse a été plus éclatante ct plus efficace que celle du P. Eudes, ct que ce sont scs révélations qui ont conquis Je monde A la dévo­ tion au Cœur dc Jésus. Mais elles ne firent en somme que confirmer ct étendre une dévotion déjà établie, et il est remarquable que, même dans les monastères de la Visitation, on sc servit longtemps dc l’office et de la messe du Bienheureux pour célébrer la fête du vendredi après l’octave du Saint-Sacrement. S· Dernières années ct mort. — Le P. Eudes employa les dernières années de sa vie à terminer un ouvrage qu’il avait commencé depuis longtemps, ct dans lequel il traitait longuement delà dévotion aux Sacrés Cœurs. Il y mil la dernière main, le 25 juillet 1680. Il a luimènie consigné le fait dans cette phrase qui termine son Mémorial des bienfaits de Dieu : « Aujourd’hui, 25 juillet dc la même année (1680). Dieu m’a fait la grâce d’achever mon livre du Cœur admirable de la très sainte Mère dc Dieu. » Quelques jours plus tard, le 19 août, il mourut à Caen, chargé d’années ct dc mérites. La cause de sa béatification fut introduite en cour dc Borne, le 7 février 1874. L’héroïclté dc scs vertus a été proclamée par Léon XIII, Je 6 janvier 1903, ct par un décret en date du 11 avril 1909, Pie X l’a élevé au rang des Bienheureux. II. Instituts. — 1° L'ordre dc Notre-Dame de Charité. — Le premier en date des instituts fondés par le P. Eudes est l’ordre de Notre-Dame de Cha­ rité. Nous avons dit que le Bienheureux l'établit pour procurer un asile aux filles ct femmes repenties qui voulaient faire pénitence de leurs désordres et mener une vie franchement chrétienne. Le nouvel institut commença A Caen, le 25 novembre 1641. Bondé avec l’agrément de Mgr d’Angennes, évêque dc Bayeux, il fut autorisé par lettres patentes du roi, en date du mois de novembre 1642, et, le 20 décembre 1616, les échevlns de Caen donnèrent leur assentiment â son établissement. Moins heureux que saint François dc Sales ct saint Vincent de Paul, le P. Eudes n'eut pas à sa dis­ position une femme supérieure qui l’aidât dans la fondation dc cct institut. Celle qu’il avait choisie au début pour le diriger ne put entrer dans scs vues, et après avoir été cause du départ de plusieurs sujets sur lesquels le Bienheureux fondait des espérances, elle abandonna elle-même l’œuvre naissante pour aller fonder à Baveux une communauté nouvelle. Cc départ devait amener la ruine d’une communauté qui ne comptait encore qu’un nombre infime dc postulantes ou de novices. Pour sauver son œuvre, le P. Eudes en confia la direction aux religieuses dc la Visitation, qui mirent A sa disposition la Mère Patin cl deux autres sœurs. Sous l’habile direction de la Mère Patin, la communauté s’organisa et s'affermit au point qu’après sa mort, qui arriva le 31 octobre 1668, elle put être remplacée par une religieuse appar­ tenant à l'ordre. Dans l'intervalle» Mgr Mole, succes­ seur de Mgr d’Angennes, avait accordé A la commu­ nauté des lettre* d itution datées du 8 L \ n< r 1651> L le 2 janvier 1666, Alexandre VI l’avait érigée en ordre religieux. j 1472 Les religieuses de Notre-Dame de Charité gardent la clôture ct suivent la règle de saint Augustin. Leurs constitutions, qui en sont l'explication et le développe­ ment, sont empruntées en grande partie A celles de la Visitation. Toutefois, la fin même de l’institut amena la Bienheureux A faire A l’œuvre de saint Fran­ çois dc Sales des additions ct des changements d’une grande portée. On s’en aperçoit dès le début. La lre constitution, qui est d’une élévation remarquable, traite dc la fin de l’ordre. Elle est la base dc toutes les autres constitutions qui ne font en somme qu’in­ diquer les moyens A employer pour réaliser cette fin. Pour que les religieuses de Notre-Dame dc Charité ne cédassent jamais A la tentation d’abandonner l’œuvre ingrate des pénitentes, qui est leur œuvre propre, le Bienheureux leur imposa, en plus des trois vœux ordinaires dc religion, celui de travailler A la conversion ct à l’instruction des pénitentes, vœu hé­ roïque qui fait de l’ordre dc Notre-Dame dc Charité l’une des plus belles créations de la charité chrétienne. Dès l’origine, le P. Eudes dédia cct institut au saint Cœur de Marie, ct il rappelait souvent A scs filles l’honneur qu’elles avaient et qu’elles ne partageaient alors avec aucune autre société religieuse, d’être les « Filles du très saint Cœur de la bienheureuse Vierge. ■ Il les invitait A chercher dans le Cœur dc leur Mère la règle de leur vie, ct surtout l’exemplaire de la charité miséricordieuse dont il voulait que leurs cœurs fussent remplis. Il leur donna comme fête patronale la fêle du saint Cœur de Marie, fixée par lui au 8 février. Plus tard il leur fit aussi célébrer avec la plus grande solennité la fêle du Cœur dc Jésus, qui devint leur seconde fête patronale. Enfin, le Bienheureux voulut que toutes ses filles portassent le nom de Marie auquel elles ajoutent le nom d’un mystère ou d’un saint qui sert A les distinguer. L’ordre dc Notre-Dame de Charité sc compose, comme la plupart des ordres dc femmes,dc sœurs cho­ ristes et de sœurs converses; mais les choristes ne récitent, du moins en temps ordinaire, que le petit oflicc de la sainte Vierge. Elles sont les unes et les autres vêtues d’une robe et d’un scapulaire blancs. Elles portent en outre, quand elles sont au chœur, un manteau de couleur blanche. Le voile est noir pour les sœurs dc chœur, ct blanc pour les converses. Enfin, elles portent toutes, suspendu au cou, un cœur d’ar­ gent sur lequel est représentée, entre une branche de lis et une branche do roses, l’image de Marie tenant Jésus dans ses bras. Ce cœur représente non le Cœur de Marie, mais celui des religieuses qui est tout consac ré à la sainte Vierge et A son divin Fils, et qui, pour leur rester fidèle, doit vivre dans la pureté et l’amour symbolisés par les Ils et les roses. La blan­ cheur du costume symbolise également la consécra­ tion des sœurs au Cœur immaculé de Marie, en même temps qu’elle leur rappelle la pureté éminente que réclame leur vocation. Outre les sœurs de chœur ct les sœurs converses, l’ordre admet quelques tourières pour le service dc la porterie et les comin sslons en ville. Elles portent le cœur d’argent, mais elles sont vêtues dc noir et ne font que le vœu d'obéissance. Suivant l’usage du temps, le Bienheureux régla que | les monastères sortis de celui de Caen ne lui seraient pas soumis. Ils devaient avoir leur vie et leur adminis­ tration propres, de telle sorte qu'ils ne conservaient outre eux et avec la maison-mère que les rapports de fraternité qui unissent toujours les diverses maisons d’un même institut. Primitivement, les religieuses dc Notre-Dame dc Charité ne recevaient que des pénitentes volontaires; mais bientôt, elles admirent des tilles dc mauvaise vie qui leur furent amenées par leurs parents ou par l’autorité civile. Elles acceptèrent également des EUDES 1473 jeunes lilies que la pauvreté ou l’inconduite dc leurs i parents exposaient à tomber dans le vice. Enfin, à l'exemple des sœurs de la Visitation, elles établirent, sous le nom de « petit noviciat », un pensionnat qui devait faciliter leur recrutement. Ces diverses cat6go- | ries de personnes forment des classes distinctes et entièrement séparées les unes des autres. Il arrive souvent que les pénitentes venues pour un temps au monastère, demandent à y passer leur vie. Elles forment la classe des madeleines ou des persévérantes. Souvent ccs pécheresses converties s’élèvent à une éminente sainteté, à la plus grande consolation dc leurs généreuses maîtresses. A la mort du P. Eudes, l’ordre dc Notre D ime de Charité comptait quatre maisons. Λ la grande Révo­ lution, il n’en avait encore quo huit. Au cours du xixe siècle, il s’est développé dans des proportions considérables; mais il s’est partagé en deux branches : celle dc Notre-Dame dc Charité du Refuge ct celle dc Notre-Dame dc Charité du Bon-Pasteur d’Angers. Les monastères du Refuge ont conservé dans son intégrité l’organisation établie par le fondateur et ils sont indépendants les uns des autres. D’après l’auteur des Origines dc Notre-Dame dc Charité, il existait, en 1891, 31 monastères du Refuge, dont 18 en France, 1 en Italie, 1 en Espagne, 1 en Autriche, 2 en Irlande, 2 en Angleterre, 3 aux États-Unis et 3 au Canada; ct ces divers couvents comprenaient 1 512 religieuses et novices, 1013 madeleines, 2 119 pénitentes ct 1 821 préservées. En 1835,1a Mère Marie do Saintc-Euphrasic Pelle­ tier, supérieure du monastère dit du Bon-Pasteur à Angers, obtint du souverain pontife que les maisons fondées ou à fonder par son monastère restassent sous la dépendance de la maison-mère, dont la supé­ rieure recevait en meme temps le titre cl l’autorité de supérieure générale. Cette admirable religieuse, · qui était dc taille à gouverner un royaume, ■ était animée d’un zèle extraordinaire pour le salut des âmes. Elle réussit à communiquer son ardeur à scs filles, et elle imprima à son institut un te) élan quo bientôt le BonPasteur eut des couvents dans toutes les parties du monde.D'après le P. Ory, l’institut possédait, en 1893, 187 maisons, comprenant ensemble 4 800 religieuses et novices, 1 125 madeleines, 10 500 pénitentes, 13000 préservées. Aujourd’hui le nombre des couvents du Bon-Pasteur dépasse 250. La Mère Marie de SainteEuphrasic a été déclarée Vénérable, le 11 décem­ bre 1897. Une autre religieuse du Bon-Pasteur, la Mère Marie du Divin-Cœur, est maintenant célèbre dans le monde entier, pour avoir provoqué la consécra­ tion du genre humain au Sacré Cœur de Jésus, qui fut faite par Léon XIII. Elle ost morte au monastère de Porto, dont elle était supérieure, le 8 juin 1899, ct déjà l’on prépare l’introduction de sa cause dc béa­ tification qui paraît devoir aboutir rapidement. 2° La congrégation dc Jésus ct Marie. — Nous avons déjà parlé de la fondation dc la congrégation de Jésus et Marie en esquissant la vie du P. Eudes. Nous avons vu qu’ello fut établie à Caen le 25 mars 1613, pour travailler à la formation du clergé dans les séminaires. Elle doit également s’employer au renouvellement dc l’esprit chrétien parmi les fidèles par les exercices des missions; mais cctlo œuvre n’est pour elle que secondaire ct doit être subordonnée à l’œuvre des séminaires qui est la fin principale dc la société. La fin que le Bienheureux assigna à sa congréga­ tion le décida à n’y point introduire les vœux do religion. 11 avait la plus haute estime pour l’état re­ ligieux, mais il était persuadé que, mieux que des re­ ligieux, des prêtres trouvant, dans la seule dignité dont ils sont revêtus, la raison ct les moyens dc s’élever à la plus éminente perfection, étaient à mémo PICT. DE TIIÉOL. CATIIOL. 1474 d’inspirer aux ordinands une haute idée du sacerdoce cl dc la sainteté qu’il réclame. 11 était convaincu d’ailleurs que les évêques ne confieraient volontiers leurs séminaires qu’à des prêtres entièrement soumis à leur juridiction. Sur cc point, le P. Eudes était en pleine communion d'idées avec le cardinal dc Bérulle ct M. Olicr, qui ne crurent pas non plus devoir intro­ duire les vœux de religion dans les sociétés qu'ils fondèrent, et même avec saint Vincent dc Pau), qui ne le lit qu’après bien des hésitations ct à la condi­ tion, ratifiée par le souverain pontife, que les prêtres dc la Mission ne formeraient pas une congrégation religieuse proprement dite, mais seulement une congré­ gation ecclésiastique. La congrégation dc Jésus ct Marie est donc un corps purement ecclésiastique; elle tient à rester dans la hiérarchie ecclésiastique, ct bien qu’elle soit entièrement soumise au souverain pontife, qu’elle honore comme son chef suprême, elle entend rester sous la juridiction immédiate des évêques, pour être plus à même de leur venir en aide dans la formation du clergé. Elle se compose de prêtres ct dc clercs aspirant au sacerdoce, qui sont incorporés à la société après trois ans et trois mois de probation. Elle admet pourtant, dans son sein, en qualité dc frères domestiques, quelques laïcs qui s'occupent des choses temporelles, mais qui, n'étant pas clercs, ne portent pas l'habit ecclésiastique, le seul qui soit en usage dans l’institut. L’esprit dc la congrégation n’est autre que l’esprit de Jésus-Christ, le fondateur cl le chef de l’ordre sacerdotal. Pour développer cct esprit dans les mem­ bres de son institut, cl l’inspirer aux ordinands qu'ils avaient mission do former à la vio et aux vertus sacer­ dotales, le P. Eudes fil célébrer chaque année, dans scs séminaires, la fête du divin sacerdoce de JésusChrist et de tous les saints prêtres cl lévites. Après la fêle du Cœur de Jésus et colle du Cœur de Marie, c’était l’une des fêles principales de la congrégation. La solennité avait lieu le 13 novembre, avec octave. Elle servait ainsi de préparation au renouvellement des promesses cléricales, qui avait lieu le 21, jour de la Presentation de la sainte Vierge. Dès 1619, le Bienheureux avait composé pou. cette fête un ofllcc propre. Quelques années plus tard, la fêle ct l'ofllco furent adoptés par les prêtres dc Saint-Sulpice ct par les bénédictines du Saint-Sacrement. Tout en étant une société purement ecclésiastique, la congrégation dc Jésus cl Marie est soumise ù une discipline qui ne diffère pas de celle des congrégations à vœux simples. En fait d’humilité, de pauvreté cl d’obéissance, le Bienheureux semble même plus exi­ geant qu’on ne l’est dans bien des sociétés religieuses, et la raison en est qu’à ses yeux il n’y a point de personnes qui soient plus obligées que les prêtres à pratiquer en perfection toutes les vertus chré­ tiennes. L’administration de la société est modelée sur cello de i’Oratoirc. L’autorité suprême réside dans l’assem­ blée générale, qui nomme lo supérieur général ct est appelée périodiquement à contrôler son administra­ tion. Elle seule peut faire des lois qui s’imposent à l’institut d’une manière durable. Dans l'intervalle des assemblées generales, le supérieur général, qui est nommé à vie, a tout pouvoir sur la société, au spiri­ tuel et au temporel. C’est à lui qu'il appartient dc nommer ct de déposer les supérieurs locaux, de fixer le personnel de chaque maison, dc faire la visite, d’admettre et, s’il y a lieu, dc congédier les sujets, d’accepter ct d’abandonner les fondations, et géné­ ralement dc faire, ou tout au moins d'autoriser tous les actes importants qui concernent l’institut. Il est aidé dans sa charge par des assistants que nomme l'assemblée générale, et qui ont voix décisive avec V. - 47 1475 EUDES lui dans les affaires d’ordre temporel, ct voix con­ sultative seulement dans les autres questions. Du vivant du P. Eudes, la congrégation de Jésus et Marie fut appelée à fonder ct à diriger six sémi­ naires dont nous avons donné les noms un peu plus haut. Ces établissements étaient tous des grands séminaires. Le Bienheureux ne songea jamais â en fonder d’autres. Toutefois, outre les ordinands, il admettait dans scs séminaires les prêtres nouvelle­ ment pourvus d’un bénéfice qui venaient s’initier à l.i pratique du ministère sacerdotal, ceux qui y venaient faire les exercices de la retraite, et meme les étudiants qui suivaient les cours de théologie. Après la mort du P. Eudes, scs enfants furent prépo­ sés à la direction des séminaires d'Avranchcs (1693), Dol (1701), Scnlis (1701), Valognes (1721), Domfront (1727), Blois et Séez (1744). Ils dirigèrent également à Rouen, à Bennes ct dans quelques autres villes des • séminaires de pauvres clercs », qu’on appela parfois du nom de « petits séminaires », et qui étaient destinés à former des prêtres pour les paroisses de la campagne. Les aspirants au sacerdoce y étaient admis de bonne heure ct y recevaient successivement leur instruction littéraire ct leur formation ecclésiastique. Par où l’on voit que, malgré l’identité des noms, ces établisse­ ments différaient assez notablement de nos petits séminaires actuels. La congrégation de Jésus ct Marie, qui s’était tou­ jours montrée fort opposée au jansénisme, fil bonne ligure pendant la Révolution. Trois de scs membres, Hébert, Potier ct Lefranc, périr nt à Paris dans les mbMcre$ de septembre 1792. Leur cause do béati fi­ ait ion a été introduite en cour de Rome, en même temps (pic Cello des autres victimes do Septembre. Pou de temps avant sa mort, M. Hébert, qui était de­ venu confesseur do Louis XVI,avait fait fairo à l’in­ fortuné monarque le vœu do consacrer solennellement son royaume au Cœur do Jésus, s’il échappait ù ses ennemis. Détruite par la tourmente révolutionnaire, la congré­ gation ne sc reconstitua qu’en 1826, ct ce n'est guère que dans la seconde moitié du xix· siècle qu’elle a retrouvé sa prospérité. Venue trop Lard pour repren­ dra la direction des séminaires qui lui avaient été confiés autrefois, elle s’est consacrée aux missions ct â l’œuvre si importante de renseignement secon­ daire. La loi sur les associations a amené la ruine des établissements qu’elle possédait en France; mais, outre les scolasticats qu elle a ouverts en Belgique ct en Espagne, cil * dirige encore des séminaires à Car- I thagèiic, Λ Antioquia, à Pamplona, Λ Saint-Domingue dans l’Amérique du Sud; ceux de Chilapa, de Jalapa ct de Saltillo au Mexique; et au Canada elle est chargee du vicariat apostolique du Golfe Saint-Uaurent, du grand séminaire d’Halifax, des collèges de Church’ Point ct de Caraquet ct de plusieurs autres établissements de moindre importance. En France même, où elle compte encore une bonne partie de scs membres, elle continue Λ prêcher des missions ct à travailler à des œuvres diverses. AJoutoui qu’elle a toujours à Rome un certain nombre de ses sujets, suivant les cours du collège romain, afin d’y préparer leurs grades, ct qu’ai nsi elle se tient prête pour l’heure où les prélats, soit de France, soit de l’étranger, voudront réclamer scs services ct lui confier b direction de leurs séminaires. 3*· Confréries en ('honneur des Sacrés Cœurs. Société 1·λ Cœur de la Mère admirable. — De très bonne hmrr. le p. Eudes institua, dans les paroisses où il prêchait d« missions, des confréries en l’honneur sod du saint Cœur de Marie, soit des Sacrés Cœurs, ou. comme disait le Bienheureux, du Sacré Cœur de Jésui et de Marie. Ce sont les premières confréries 1476 de cc genre qui aient été établies. Elles avaient pour fin d honorer les Sacrés Cœurs, principalement par l’imitation de leurs vertus, ct d'obtenir par leurs prières que Dieu donnât de saints prêtres â son Église. Le P. Eudes recommandait aux membres de ces confré­ ries la récitation des prières qu'il avait composées en l'honneur des Sacrés Cœurs et la célébration des deux fêtes du 8 février et du 20 octobre. En 1674, le Bienheureux reçut de Rome six bulles d’Indulginccs pour les confréries érigées ou ù ériger en l'honneur des Sacrés Cœurs dans les séminaires qu'il avait fondés, ct cette faveur le remplit de la plus grande joie. Plus tard, les religieuses de Notre-Dame de Charité obtin­ rent également des brefs d’indulgences pour les confré­ ries analogues qu’elles firent ériger dans leurs cha­ pelles. La plupart de ces associations tombèrent à la Révolution par la fermeture des églises qui leur ser­ vaient de siège. L’une d'elles, pourtant, a subsisté jusqu’à nos jours; c'est celle du monastère de NotreDame de Charité de Caen, et en 1842, elle s’est vue enrichie d'indulgences extraordinaires par Gré­ goire XVI. Les fils et filles du pieux instituteur continuent ù y enrôler un grand nombre de fidèles dans le double but qu’il se proposait : faire honorer les Sacrés Cœurs de Jésus ct de Marie, ct obtenir beau­ coup de prières en faveur des vocations sacerdotales. Les confréries instituées par le P. Eudes étaient ouvertes à tous les chrétiens. Parmi les fidèles qui en faisaient partie, le Bienheureux rencontra des âmes d’élite qui, pour des motifs divers, ne pouvaient entrer dans une communauté religieuse, mais qui cependant aspiraient à la perfection. 11 les groupa dans une société nouvelle qu’il consacra au saint Cœur de Marie, ct qu'il appela la Société du Coeur de la Mère admirable. Par bien des côtés, cette pieuse association ressemble aux tiers-ordres, ct par analogie on lui en a parfois donné le nom qui, d’ailleurs, ne lui convient pas rigou­ reusement pariant La Société c u Cœur de la Mère admirable est acces­ sible aux hommes, prêtres ou laïcs, aussi bien qu’aux emmes. Toutefois les hommes ct les femmes font partie de deux groupements distincts dont chacun doit avoir son organisation ct ses réunions spéciales, bien que le règlement qui leur est proposé soit exacte­ ment le même. Pour y être admis, il faut être résolu à garder le célibat ct ù mener une vie exemplaire. Le postulat dure un an, après quoi, si les suffrages des membres de la Société leur sont favorables, les aspirants sont admis à se consacrer ù la sainte Vierge, ct dans la suite, ils renouvellent chaque année leur consécra­ tion, et cela autant que possible le jour de la fête du saint Cœur de Marie, qui est la fête patronale de la Société. Les membres de cette pieuse agrégation doivent porter des vêtements simples ct de couleur sombre, s’appliquer à l'oraison, entendre la messe et communier aussi souvent que possible, vivre dans le recueille­ ment ct s’imposer malin cl soir une heure de silence, pendant laquelle ils ne parlent que par nécessité ou par motif de charité. Ils doivent de plus s’adonner aux œuvres de miséricorde tant spirituelles que tempo­ relles, compatibles avec leur situât ion, par exemple, enseigner le catéchisme,instruire les ignorants, visiter les malades, réconcilier les ennemis.etc.,ct prier beau­ coup eux aussi pour attirer In grâce sur les pasteurs des âmes ct obtenir du ciel de nombreuses ct saintes vocations sacerdotales. Lcurvie,on le voit.serapproche de la vie religieuse, ct c’est pour cela qu’en Bretagne on a appelé les pieuses filles qui en font partie les Religieuses de la maison. Quand la Société est canoniquement érigée dans un I I diocèse, elle dépend bien entendu de l’ordinaire, ct 1477 EUDES elle est placée, dans chaque paroisse, sous la direc­ tion d’un prêtre qui doit être, autant que possible» désigné par le supérieur des eudistes, ct qui préside les réunions mensuelles où il fait aux sociétaires un entretien de piété. Chaque groupe a de plus à sa tête un président ou présidente avec un assistant ou assis­ tante. ' Sous leurs habits ordinaires, les associés portent un petit habit symbolique (pii se compose : 1° d’une tunique de laine ou de toile blanche de dimensions indéterminées; 2° d’une ceinture de soie blanche; , 3° de deux cœurs de soie rouge,surmontés de croix, dont l’un est transperce d’un glaive. On porte la tunique pour honorer l’immaculée conception de la sainte Vierge; la ceinture, pour honorer sa maternité ct sa virginité; les deux cœurs pour honorer les souf­ frances des Sacrés Cœurs de Jésus ct de Marie. On croit que cet habit fut indiqué au P. Eudes par la sainte Vierge clic-meme. Le Bienheureux le portait continuellement et il voulut en être revêtu jusque dans le tombeau. Les sociétaires doivent aussi le porter constamment, et on a soin, après leur mnrt, de ne point les en dépouiller. La Société du Cœur de la Mère admirable a toujours été très répandue en Normandie et en Bretagne, ct clic y est encore florissante. Au dire de M. Souchct, qui fut longtemps le supérieur de la Société dans le diocèse de Saint-Bricuc, ct qui a publié un bon commentaire de la règle, elle comptait encore 25 000 membres vers le milieu du xix· siècle. Elle a rendu d’immenses services pendant la grande Révolution, ct aujourd’hui que les congrégations religieuses sont dispersées ou bannies, elle peut encore en rendre de bien grands dans les paroisses où elle est établie. Ajoutons que celte pieuse société a donné nais­ sance à plusieurs congrégations religieuses ferventes, panni lesquelles nous pouvons citer les Filles des Saints Cœurs de Jésus ct de Marie de Saint-Quay-Porlneux, ct la Congrégation des Sacrés Cœurs de Paramé. III. Ouvbaoes.— Le P. Eudes ne fut pas seulement un infatigable missionnaire dont la parole ardente attirait cl convertissait les foules, un émule de saint Vincent de Paul et de M. Olier dans la reforme du clergé ct l’établissement des séminaires, un apôtre zélé de la dévotion aux Sacrés Cœurs ct le fondateur de plusieurs instituts florissants : il fut encore Γηη des écrivains ascétiques les plus féconds et les plus remarquables du xvn· siècle. L’ensemble de ses ouvrages formerait une somme complète d’ascétisme cl de pastorale. Malheureusement, plusieurs d’entre eux, restés manuscrits, sont aujourd’hui perdus. On les conservait au séminaire de Caen avant la Révolu­ tion; depuis cette époque, ils ont disparu, el tous les efforts tentés pour les retrouver sont demeurés in­ fructueux. Voici la liste des ouvrages perdus de la sorte : IJhomme chrétien; Tout Jésus, ouvrage divisé en douze livres; L'office divin; Le sacrifice admirable de la sainte messe; Sermons du Bienheureux reliés en trois vo­ lumes; Méditations, en trois tomes; Les faneurs /ailes par la sainte Vierge à Γ Église de Coulanccs, ouvrage resté inachevé; La divine enfance de Jésus; La dévotion au Cœur adoraM de Jésus-Christ; La vie admirable de Marte des Vallées; la correspondance du Bienheureux. Heureusement que le P. Eudes avait fait imprimer lui-même une partie de ses ouvrages, ct que son successeur, M. Blouct de Camilly, en publia plusieurs autres après sa mort. A part un opuscule intitulé : Le testament de Jésus, qui n’a pu être retrouvé Jusqu’à cc Jour, tous ccs ouvrages nous restent et les fils du Bienheureux viennent d’en achever la réédition. Lcur ensemble ne forme pas moins de 12 in-8°. 1478 Plusieurs d’entre eux ont eu, dans le temps, un grand succès, et tous les écrivains qui ont eu occasion d’en parler, même ceux qui, comme Huet, Moréri ct l’abbé de la Rue, ne furent pas toujours favorables à l’auteur, en ont loué la piété cl l’onction : Piissimx et utilissimae Scriptiones, c’est ainsi que 1 luet les apprécie dans scs Mémoires. Les ouvrages du P. Eudes sont, en effet, remarquables par la richesse ct l’élévation de la doctrine, i^e style en est simple, quoique parfois relevé par de fortes images. Un peu diflus dans le Cœur admirable, il est alerte el souvent d’une admi­ rable précision dans les ouvrages de moindre étendue· Le P. Eudes excelle à condenser en quelques pages toute une théorie ou tout un programme de perfec­ tion chrétienne et sacerdotale. A ce point de vue, certains passages de V Exercice de piété ct du Mémorial de la vie ecclésiastique, pour ne parler que de ccs deux opuscules, sont de vrais chefs-d’œuvre. Bien que la langue du P. Eudes soit un peu vieillie, sa diction généralement simple ct naturelle rend la lecture de ses livres plus facile que celle de la plupart des écrivains de la première moitié du xvn· siècle. Voici, par ordre de publication, la liste des ouvrages du Bienheureux que nous possédons : 1· Exercice de piété, contenant en abrégé les choses principales qui sont nécessaires pour vivre chrétiennement, Caen, 1636. C’est un petit livre in-32, destiné au commun des fidèles. Beuvelct le recommandait aux prêtres. Il a été souvent réédité, ct encore aujourd'hui les re­ ligieuses de Notre-Dame de Charité en font le manuel de leurs pénitentes. — 2° La vie el le royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes, in-12, Caen, 1637. Cet ouvrage est l’un des meilleurs qui soient sortis de la plume du P. Eudes. C’est un commentaire pra­ tique de la parole de saint Paul aux Gâtâtes, n, 20 : Vivo autem, jam non ego, vivit vero in me Christus. D’un bout à l’autre de l’ouvrage, le Bienheureux vise à vulgariser cette idée que la vie chrétienne n’csl que la vie de Jésus en nous, cl il s'efforce de montrer comment on peut la réduire en pratique dans le détail de la vie, en faisant ses actions « en Jésus ct pour Jésus. > Si Ton veut connaître la spiritualité du P. Eudes, c’est cc livre surtout qu’il faut étudier. Aussi le Bienheureux voulait-il qu’on le mit entre les mains dos novices de sa congrégation, ct qu’on leur en recommandût beaucoup la lecture ct la pratique. C’est leur livre de formation. 11 faut avouer d’ailleurs qu’il serait dlflicile do trouver un meilleur livre pour s’initier Λ la vie intérieure. Du vivant du P. Eudes, le Royaume de Jésus fut souvent réédité, el on le réim prime encore de nos jours. Les éditeurs des Œuvres complètes en signalent une vingtaine d’éditions. — 3° La vie du chrétien, ou le catéchisme de la mission, in-16, Caen, 1612. Le Bienheureux faisait faire le catéchisme tous les Jours dans ses missions, cl c’est dans le but de mettre entre les mains des enfants un manuel facile ù apprendre ct à retenir qu'il composa son catéchisme. C’est l’un des premiers ouvrages de ce genre qui aient paru en France, ct il est compté parmi les plus pieux ct les plus pratiques. Le Caté­ chisme de la mission eut au moins 17 éditions. — 4° Avertissements aux confesseurs missionnaires, avec la manière de bien examiner les pénitents ct de les aider ù faire une bonne confession, in-32, Caen, 1644; B édit., 1660. Le P. Eudes composa ccl ouvrage pour servir de guide aux prêtres qui l’accompagnaient dans ses missions ct établir parmi eux l’uniformité de conduite au tribunal de la pénitence. L’auteur s’est inspiré à la fois des Avertissements aux confesseurs de saint François de Sales cl des Instructions de saint Charles Borromée. A la charité et ù la douceur de l’un, il demande qu’on unisse la fermeté de l'autre, en sachant, quand il le faut, différer l’absolution. Dans 1479 EUDES $.1 brièveté, ce petit livre est un traité complet sur l'administration du sacrement de pénitence dans les missions. Dispositions des confesseurs, règles à suivre pour accueillir, encourager, examiner, inter­ roger, absoudre ou renvoyer à plus tard les pénitents, remèdes propres à assurer leur persévérance, satisfac­ tions ά leur imposer, rien n’est oublié. Il n’est pas jusqu'aux cas réservés au souverain pontife cl aux empêchements invalidant le mariage qui n’y soient suffisamment exposés. Il est vraiment difficile d’amas­ ser, sous un aussi petit volume, tant de sages conseils ct de précieux enseignements. — 5° La dévotion au T. S. Coeur d au T. S. Nom de la Bienheureuse Vierge, in-16, Autun, 1618; Caen, 1650, 1663. La première édition de ce livre ne contenait guère que les deux offices du S. Cœur ct du S. Nom de Marie avec les messes correspondantes. Dans les éditions suivantes, le P. Eudes y ajouta un excellent discours sur la dévotion au Cœur de Marie, dont il fait l’histoire ct dont il indique avec beaucoup de précision l’objet et la pratique. Si petit qu’il soit, ce livre est encore un des meilleurs qui aient été écrits sur ce sujet. I-c Bienheureux en publia un résumé en 1666, sous ce titre : /xi dévotion au très saint Coeur de la très précieuse Vierge Marie, Mère de Dieu, in-16. — 6· Offices dressés en l’honneur de Notre-Seigncur Jésus-Christ,de la très sainte Viergc.de saint Joseph, de saint Gabriel et de tous les saints prêtres ct lé­ vites, etc., in-12, Caen. 1652, 1668, 1672. La dernière édition seule contient, dans leur intégrité el sous leur forme définitive, les offices du Bienheureux en l’hon­ neur du saint Cœur de Marie, du divin Cœur de Jésus, du Sacerdoce de Notre-Seigncur ct des saints prêtres ct lévites. On y trouve en outre une quinzaine d’offices composés en tout ou en partie par le P. Eudes, ceux du saint Nom de Jésus, du saint Nom de Marie, de la sainte Enfance de Notre-Seigncur ct de la très sainte Vierge, des Joies de Marie, de Notre-Dame de la Pitié, de Notre-Dame de la Victoire, etc. Le Bienheureux pu­ blia, dans un format différent, les messes correspon­ dant à ces offices. Ces offices et ces messes sont re­ marquables par leur exquise piété. L’office du saint Cœur de Marie est. au dire de M. Boudon, « l’un des plus dévots que nous ayons, et il semble que la sainte Vierge en ait inspiré la douceur. » Dans une étude sur la Mère de Saumalse, le P. de Curley, Jésuite, a fait un bd éloge de la messe du Bienheureux en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus, dont par erreur il attribuait la composition à la Mère Joly. «Si nous avions, dit-il, un nom Λ lui donner, nous l’appellerions la Messe de feu. C’est l’étemel amour éclatant en notes suppliantes et attendries.» Approuvés d’abord par un grand nombre d’évêques, les messes ct offices du P. Eudes en l’hon­ neur des Sacrés Cœurs ont également reçu l’approba­ tion de Ple IX en 1861. Ils sont encore en usage dans les Instituts fondés par le Bienheureux et dans quel­ ques autres sociétés religieuses. Les éloges donnés à rcs offices conviennent à tous ceux que composa le P Eudes, ct spécialement à son office du Sacerdoce, consacré tout entier à chanter, avec les accents de r.idmiratlon cl de l’enthousiasme, les grandeurs, les vertus et les gloires du sacerdoce catholique· — 7· Le contrat de l'homme avec Dieu par le saint baptême, fn-32, Caen, 1651. Souvent réédité du vivant du P. Eudes, cet ouvrage fut réimprimé au xvni· siècle par M. Daon, supérieur du séminaire de Caen, ce qui lut valut à cette époque un regain de popularité· On en a signalé une cinquantaine d’éditions, mais il est probable que le nombre en fut beaucoup plus consi­ dérable. Au commencement du xix* siècle, les li­ braires catholiques le réimprimaient encore, tant à Paris qu’en province. Ce petit livre est digne du succès qu’il a obtenu. Le P. Eudes, en efïct, a su y condenser 1480 avec sa précision ct sa piété ordinaires les enseigne­ ments de l’Écrilure ct de la tradition sur le sacrement de baptême, sur les avantages qu’il procure au chré­ tien, les obligations qu’il impose et les cérémonies qui en accompagnent l’administration. · J’ai eu le temps de goûter la céleste doctrine contenue dans ex· livre, écrivait, en 1660, le P. Ignace de Jésus-Mnria, carme déchaussé. Je l’ai lu deux fois tout entier, à genoux, en esprit d’oraison; et je vous avoue sincè­ rement que c’est le livre le plus rempli de l’onction du Saint-Esprit qu’aucun autre de notre siècle... Le troisième chapitre me semble tout étincelant de feux ct de flammes qui pénètrent l’intime du cœur pour 1’animer â aimer Dieu de toutes nos forces. >— 8° La manière de bien servir la messe, Caen, 1660. Ce petit livre, qui est lui aussi d’une piété remarquable, fut plus tard réuni au Catéchisme de la mission. — 9° Méditations sur l'humilité, el entretiens intérieurs de l'dme avec son Dieu, Caen, 1663. Imprimés d’abord à part, les Méditations ct les Entretiens furent dans la suite ajoutés nu Royaume de Jésus, dont iis formè­ rent la VIII· partie. Les Méditations sont l’explica­ tion de la profession d’humilité, en usage dans la congrégation de Jésus ct Marie ct dans plusieurs autres communautés. Elles sont très solides cl très pratiques. Les Entretiens, qui ne sont en somme que des méditations, roulent sur la création ct la fin de l’homme, et sur la grâce du baptême. Ils sont, comme les Méditations, très solides ct très pieux. On ne peut guère trouver de meilleures méditations de retraite. — 10° Le bon confesseur, in-18, Paris, 1666. Les Aver­ tissements aux confesseurs n’étaient qu’un essai. Quand le Bienheureux voulut les compléter en y ajoutant les fruits d’une longue expérience, il s'aperçut qu’il n'y avait pas d’autre moyen à prendre que do rema­ nier entièrement son premier travail ct d'en faire un livre nouveau qu’il appela le Don confesseur. Cet ouvrage est un de ceux qui ont fait le plus d’honneur au P. Eudes. Réédité une dizaine de fois de son vivant, il fut dans la suite réimprimé très souvent. On dit même qu’il fut traduit en plusieurs langues. C'est, en effet, un livre excellent, rempli d’onction, et tenant un juste milieu entre les deux excès qui sc rencon­ traient alors dans l’administration du sacrement do pénitence, l'indulgence excessive ct la sévérité outrée. Dans l’un des premiers chapitres, l'auteur traite lon­ guement du zèle, et les pages qu'il y consacre peuvent figurer avec honneur à côté des plus belles qui aient jamais été écrites sur cette question. — 11° Manuel de prières pour une communauté d'ecclésiastiques, in-16, Caen, 1668. C'est le manuel en usage dans la congré­ gation de Jésus ct Marie. Il contient un grand nombre de prières, de litanies ct d'exercices qui sont pour la plus grande partie l'œuvre du P. Eudes, el dans les­ quels on retrouve scs pensées élevées, sa mâle énergie ct son admirable piété.— 12° Règle de saint Augustin et Constitutions pour les religieuses de Notre-Dame de Charité, in-32, Caen, 1670. Nous avons parlé plus haut de ces Constitutions, ct nous avons dit que. bien qu’elles soient empruntées en partie â la Visitation, elles forment cependant une œuvre originale où l’on reconnaît à chaque page la marque du Bienheureux. La première constitution qui est la hase de tout l'édi­ fice, n’est guère que le résumé de ce que l'auteur avait écrit sur le zèle dans le Ron confesseur.— 13° L9enfance j admirable de la très sainte Mère de Dieu, in-12, Paris, 1676, réédité en 1834, ù Clermont-Ferrand, par Thibaud-Landriot, dans la Bibliothèque du séminariste. Ce livre fut suggéré au P. Eudes par le désir qu'il avait de faire rendre à l’enfance de Marie des honneurs analogues à ceux que, de son temps, tout le monde rendait à la divine enfance de Jésus. Le pieux auteur y traite des mystères, des excellences, des vertus de 1481 EUDES EUD0G1E US2 l’enfance admirable de la sainte Vierge ct des moyens tenue en chaire, du débit, du geste, en un mol de tout de t'honorer. Il s’étend longuement sur l'immaculée ce qui concerne la prédication. I.'ouvrage est très conception ct sur le saint nom de Marie. A l’occasion des pratique. On y retrouve les vues familières A saint excellences de l'enfance de la très sainte Vierge, il François de Sales, au cardinal de Bérulle, à saint trouve moyen de donner une fotde d'enseignements Vincent de Paul ct à tous les prêtres éminents qui, sur la vie chrétienne, qui font de VEn/ancc admirable avant Bossuet, travaillèrent à rendre à la prédication, ’ un livre très pratique. A la lin, on trouve de belles gâtée par l’érudition ct le mauvais goût, le caractère méditations sur les vertus de Marie.— 1 1° Le Cœur apostolique qui fait sa force. Le Prédicateur aposto­ admirable de la Mère de Dieu, in 4°, Caen, 1681; lique est le premier traité de la prédication qui ait 2· édition, 2 in-8«, Paris, 1844. C’est le principal été écrit en français, cl maintenant encore, après ouvrage du P. Eudes, celui auquel il travailla le plus tant d’ouvrages qui ont paru sur cette matière, il y longtemps et avec le plus de complaisance. Nous avons a profit à y recourir. — 17® Règles ct constitutions vu que le Bienheureux ne l’acheva quo quelques de la congrégation de Jésus ct Marie. Composées peu semaines avant sa mort, et qu’il regarda comme une I A peu par le Bienheureux, les Règles et constitutions grando grâce d’avoir pu y mettre la dernière main. n’ont été imprimées que dans le cours du xix® siècle. C’est un ouvrage considérable, divisé en douze livres. Les Régies sc composent de textes de b sainte Écri­ La théorie, l’histoire ct la pratique de la dévotion ture, groupés logiquement, et arrangés de manière à au Cœitr de Marie sont longuement exposées dans former une théorie sommaire de la vie chrétienne ct les onze premiers livres. Le XIIe roule sur la dévotion sacerdotale. Les Constitutions, qui en sont comme le commentaire pratique, contiennent, dans tous scs au Cœur de Jésus. Le P. Eudes n’en parle pas d’une détails, la législation qui régit b congrégation de façon complète, comme de la dévotion au Cœur de Marie qui est le sujet du Cœur admirable. Toutefois, Jésus cl Marie. Nous en avons indiqué plus haut le il en traite d’une manière assez ample pour mériter caractère : il n’y a pas lieu d’y revenir. — 18® Lettres cl opuscules. Les religieuses de Notre-Dame de Charité d’etre regardé comme le premier théologien de la de Caen, ct les biographes du Bienheureux, nous ont dévotion au Sacré Cœur de Jésus aussi bien que de conservé241 de scs lettres. Les unes traitent d’affaires, la dévotion au safnl Cœur de Marie. La théorie de la les autres de piété ct de direction. Celles-ci sont très dévotion aux Sacrés Cœurs, telle qu’elle est exposée intéressantes. On y retrouve, sous une tonne simple ct dans le Coeur admirable, ne diffère pas de celle que les familière, à peu près toutes les idées du P. Eudes sur théologiens ont élaborée depuis. Elle est basée sur les la vie spirituelle. Aux lettres du Bienheureux, on enseignements de l'Écriture et de la théologie, ct joint d’ordinaire quelques opuscules qui nous ont été jusqu’ici, loin d’y trouver quoi que ce soit à reprendre, conservés par scs historiens : son Mémorial des bien­ ceux qui l’ont étudiée en ont admiré l’exactitude faits de Dieu, son Vœu d'endurer le martyre, son Contrat et la grandeur. Il est vraiment surprenant que, du d'alliance avec la très sainte Vierge, son Mémoire à (a premier coup, le Bienheureux ait pu traiter avec tant reine Anne d'Autriche sur les besoins du peuple, son de sûreté de main une question qui, jusqu’alors, Testament, etc. Ces opuscules sont d’une piété admi­ n’avait pas été étudiée. La seule chose qui, au point rable cl à moins de les avoir lus, on ne connaît pas de vue doctrinal, distingue le P. Eudes des théologiens tout ce qu’il y avait do délicatesse ct do générosité qui l’ont suivi, c’est que, dans la contemplation des dans le cœur du P. Eudes. Sacrés Cœurs, il s’est élevé à des points de vue dont on ne saurait nier la grandeur el la beauté, mais qui Œuvres complètes du V. Jean Eudes. 12 in-8’. Paris, 1905; ne semblent pas avoir frappé au même degré les écri­ de Montlgny, Vie du P. Jean Eudes, in-12, Paris, 1827; vains venus après lui. Dans le Cœur admirable, le Bien­ Hénunbourg, I* R. P. Jean Eudes, scs vertus, in-8·, Paris, heureux fait preuve d’une érudition immense, ct par 1869;de MonUcy, Lr F. Eudes, in-12. Paris. 1869; Martine, ailleurs son livre, qui est un livre de piété autant que Vie du P. Eudes, 2 in-8®, Caen. 1880; Boulay, Vie du vin. do doctrine, est tout empreint de l’amour le plus vif Jean Eudes, 4 in-8·, Paris, 1905; H. Joly, Le wn. P. Eudes à l’égard des Sacrés Cœurs et du zele le plus ardent in-12. Paris. 1907; Le Doré, Le P. Eudes, premier apôtre des SS. Cœurs de Jésus cl de Marie, Pmi*. 1S70; les Sacrés pour le salut des âmes. Le plan en est grandiose, le Cœurs ct le V. Jeun Eudes, 2 in-8®. Paris. ISOt; La devotion style clair,parfois véhément, souvent imagé.On trouve au Sacré Cœur cl le vin. Jeun Eudes, réponse aux Éludes toutefois, dans le corps do l’ouvrage, quelques lon­ religieuses des Pères de la Cu de Jésus. Paris. 1892: Ors. gueurs et certaines redites qui en rendent la lecture origines de .Xolrr-Damr de la Charité, in-12. Abbeville, un peu fatigante. A la lin du I. X Ie, l’auteur a placé deux 1891 ; Adam, Marie des Vallées, in-8·. Paris, 1891; BaruteO, séries de méditations pour la fête et l’octave du saint Im genèse du culte du Sacré Cœur de Jésus, In-12, Paris Cœur do Marie; il en a mis deux autres à la Un du 1904; Granger, l es archives de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus ci au saint Cœur de Marie, Ligugé. 1893, t. H. I. XIIe pour la fête cl l’octave du Sacré Cœur do C. Lebrun. Jésus. Elles sont d’une élévation, d’une précision ct EUDOCIE, en son nom originaire Alhénals, était d’une netteté admirables. Nous ne croyons pas quo née vers 400 ou 401 très probablement, au sein d’une la dévotion aux Sacrés Cœurs en ait jamais inspiré riche famille païenne d’Athènes, du professeur public de plus belles. — 15° Le mémorial de la vie ccclésiasd’éloquence grecque Leontius, et avait reçu, parmi tique, in-12, Lisieux, 1681. Cet ouvrage, qui rappelle les souvenirs toujours vivants des grandeurs de sa par son litre le Mémorial de la vie chrétienne du P. do pairie, une éducation très soignée. Ni son exquise Grenade, contient, outre un abrégé des devoirs des culture littéraire, ni sa rare beauté n’empêchèrent prêtres, des considérations sur la dignité du sacer­ que, pour des raisons d’ailleurs inconnues, elle ne fût doce, des pratiques pour bien faire les actions ordi­ partiellement déshéritée dans le testament de Léonnaires cl pour bien remplir les fonctions sacerdotales, tius, cl ne se vit obligée, on ne sait trop quand, d’aller cl enfin des méditations sur les saints ordres ct sur à Constantinople demander justice contre la rapa­ les devoirs des prêtres. C’est évidemment un précis cité de ses deux frères. Là, Pulchéric, la sœur aînée des instructions que le Bienheureux donnait aux de Théodose II, qui, depuis le l,r mal 408. régnait ordinande dans ses séminaires, ct aux prêtres durant nominalement, fut à même d’apprécier les charmes scs missions. — 16° Le prédicateur apostolique, in-16, ct l’esprit d’Alhénaïs, ct crut, tout compte fait, ne Caen. 1685. Dans ce livre, le P. Eudes traite do la pouvoir pas proposer à l’empereur une alliance qui nature de la prédication, des dispositions requises pour prêcher utilement, de la manière de traiter les divers lui convint davantage. Le docte ct pieux patriarche sujets ct les diverses parties d’un même sujet, de la de Constantinople, Atticus, instruisit b fille do 1463 EUDOCIE — E UDO X E Léontius dans la foi chrétienne ct la baptisa, en 121, sous les noms d'Ælia Eudocia, qui avaient été ceux de la mère de l'empereur. Le 7 juin de la même année, Théodose II épousait la Jeune Athénienne, sans que ce mariage romanesque semble avoir excité chez 1« historiens byzantins du temps ni l'éton­ I nement ni le sourire; le 2 janvier 423, Théodose I élèvera sa femme à la dignité d’ou^us/n. La paix glorieuse conclue avec les Perses, en 422, avait in­ spiré à la nouvelle impératrice, au milieu de la joie générale, un poème épique en huit livres où elle cé­ lébrait les victoires de Théodose; pas un seul vers n’en a survécu. On voit ensuite Eudocic recevoir de saint Cyrille, en 429, en même temps que Pulchéric, sa belle sœur, une exposition de la foi, P. G., t. lxxvi, col. 1133-1200, el prendre part à la querelle nesloricnne, non sans quelque divergence d’opinions avec Théodose, comme on le peut conclure de son attitude ultérieure dans les affaires du monophysisme. Plus tard, après le mariage de sa fille avec l’empereur ' d’Oeddent, Valentinien III, en 437, elle fera, par reconnaissance et en exécution d’un vœu, le pèleri­ nage de Jérusalem, Du panégyrique, peut-être versifié, d'Antioche, qu'elle prononcera dans cette ville aux applaudissements des auditeurs, il ne reste rien, que la citation d’un vers d’Homère. Un an durant, Eudocic séjournera en Palestine, visi­ tant ct vénérant les lieux consacrés par les souve­ nirs de la rédemption, enrichissant les églises et les cloîtres, relevant les murs de la cité sainte. lors­ qu'elle reviendra, en 439, ù Constantinople, tout embaumée de l’air de Jérusalem, elle rapportera * les reliques du premier martyr saint Étienne. Elle était alors à l’apogée de sa grandeur et de son bon­ heur. Mais, enveloppée peu après dans des intrigues de cour, en butte à de cruels soupçons, mêlée par suite à une sanglante tragédie, elle obtint de l'empereur la permission, entre 441 et 444,de quitter la cour ct de sc retirer ù Jérusalem. Elle n’en devait plus sortir; l'opinion contraire, A. Thierry, Nestorius cl Euty~ chè$, p. 193 sq., 272,qui veut qu’Eudocic soit rentrée à Constantinople, et qu’après la mort de Théodose II, survenue tout à coup le 28 juillet 450, elle soit allée I s’enfermer définitivement dans la retraite, n’est qu'une hypothèse. Les monophysites, qui, dans leurs fureurs, désolaient la Palestine, chassant ou massa­ crant les évêques, y seront couverts quelque temps de la protection d Eudocic. Obstinée dans son erreur monophysitc ct dans son attitude hautaine, après meme que les troupes de l’empereur Marcicn auront vigoureusement rétabli l’ordre en Palestine, elle ne se décidera qu’en 456 à reconnaître le concile de Chalcédoine ct Λ rentrer au giron de l’Égiise. L'ombre désormais s’étend sur la vie d’Eudocie. Ce qu'on sait d'elle, c'est que, isolée ct comme perdue dans un coin de l’empire, elle se voua toute, dans Jérusalem, à des oeuvres de charité et de piété, relèvement des murail­ les, fondations d'hospices ct de couvents,constructions de i'cglise Saint-Étienne et d’un magnifique palais épiscopal. De celle époque aussi, plutôt que des pre­ mières années de son mariage, A. Thierry, Pulchéric cl Athénuls, dans la Revue des deux mondes, 15 octobre 1871, datent les poésies chrétiennes d’Eudocie. Les débris qui nous en restent ont été diversement appréciés par les critiques modernes : un juge sévère, A. Ludwich, dans Rhein. Mus., 1882, p. 206-225, les lient pour gaudies ct pitoyables; Gregorovius, nu contraire, Athenais, Geschichte einer byzuntinischrn Kaiserin, Leipzig, 1882,y relève le mérite de la versi­ fication et en rejette les defauts sur la décadence du genre didactique nu v« siècle. L’impératrice exilée avait traduit en vers héroïques les huit premiers livres de la Bible, rr; Όχτατιύχου» ainsi que les 1484 prophètes Daniel ct Zacharie : version vantée pour sa fidélité scrupuleuse ct aujourd’hui perdue, qu’Eudocic dans un distique avait comme signée de son nom. On lui doit également un poème épique en trois livres sur le martyre de saint Cyprien d’Antioche; la Confessio Cypriani en prose lui avait servi de thème, Les deux premiers livres du poème nous ont été conservés à peu près intégralement, P. G., t. i.xxxv, col. 831-864. H nous est enfin parvenu sous le nom d’Eudocie un centon homérique de 2343 vers, Όμηρόχεντρος, sur la vie de Jésus-Christ. C'était un remanie­ ment du travail inachevé d’un ecclésiastique nommé Patricios, Gregorovius, op. cil,, p. 251, ct le pendant du centon virgilicn de Valeria Proba, chez les Latins. Pitra, Analecta sacra ct classica, t. v, p. ix. On a toutefois contesté l'authenticité de ΓΌμηρόχζνίρος, Eudocic mourut à Jérusalem, en protestant de son innocence jusqu'à son dernier soupir; sa mort, bien que la date en soit très discutée, remonte probablement à l’an 460. A. Ludwich, Eudoclæ augusUe carminum reliquia, Kônlgsberg, 1893; Leipzig, 1897; Wiegand, Eudoxla, ein cullurhistorischci mid. Worms, 1871; Gregorovius. Athenais, Geschichte elncr bijzantintschcn Kaiserin, 2· édit.. Leipzig. 1882; Λ. Ludwich, Eudokia, die Gallin des Kaisers Theo­ dosius i i ah Dichtcrin, dans Rhein. Museum, Leipzig. 1882. p. 206-225; Diehl, Athenais, dans Figures byzantines, Paris, 1906, L I, p. 25-49; Tillcmont, Mémoires, t. xiv, xv. passim: Fabricius. Bibliotheca græca, 1. II. p. 357 sq.; Bardenhewer. Les Pères de Γ Eglise, nouv. c lit. fninç·, Paris, 1905, t. n, p. 232; -Mgr Duchesne, Histoire ancienne de ΓEglise, 4· édit, Paris, 1911, t. nr.p. 396, note 2.468469, 471. 172 173. P. Godet. EUDOXE, un des principaux chefs de l’arianisme, au îv· siècle. D’après l’arien Philostorge, il était ori­ ginaire d'Arabissos dans la Petite-Arménie,ct eut pour père un certain Césairc, qui, après une vie dissolue, réussit à cueillir la palme du martyre sous Dioclétien. E, IL, I. IV. c. îv. P. G,, t. lxv, col. 520. Baronlus a inséré ce Césairc dans le martyrologe romain, au 28 décembre. S’il faut en croire le même Philostorge, Eudoxefut disciple de saint Lucien d'Antioche (-j· 311)· E. H., I. II, c. xiv. ibid,, col. 477. Comme on ignore la date précise de sa naissance, il est difTlclle de se pro­ noncer sur l'exactitude de cette information. Ce qui est vraisemblable, c’est qu'il Ht scs études théologiques à Antioche, où 11 puisa les théories lucianistes. Saint Athanasc nous apprend que l’évêque Eustathe (entre 325 ct330) refusa de l'élever aux ordres sacrés, à cause de scs idées ariennes, llistor. arian, ad monachos, 4, P. G., t. xxv, col. 700. Mais les ariens lui donnèrent bientôt le siège de Gcnnnnlclc. C'est ù ce titre que nous le voyons prendre part au synode d’Antioche, dit do In Dédicace, en 341. S. Athanasc, De synodis, 37, P. G., t. xxvi, col. 756. Il parait à Sardlquc, en 343, parmi les Orientaux. En 344, Il fait partie de la délégation chargée de porter en Occident Ι'ίκΟεσις μαχοόστιγος ou longue profession de fol rédigée probablement à Antioche. On peut supposer, mais non prouver, qu'il assista au concile de Sirmium de 351. Tillcmont, Mé­ moires pour servir ά Γhistoire ecclésiastique, Paris, 1704, t. vi, p.423; Loofs, art, Eudoxius, dans Rcalencyclopddie fur protest. Théologie, 3· édit., t. v, p. 578. Au | concile de Milan de 355, il fut de ceux qui allèrent ’ trouver Eusèbe de Verceil pour l’inviter ù paraître ù I l’assemblée. Mansi, Concil., t. ni, col. 236. Il s’attarda assez longtemps en Occident ct en pro­ fita pour sc faire des amis à la cour, surtout parmi les eunuques. Il était, en 357, ù Sirmium, où l’on rédi­ geait une nouvelle formule nettement antlnicèennc, quand il apprit que l’évêque arien d’Antioche, Léonce, venait de mourir. Vite, Il demanda à l'empereur Constance la permission de quitter la cour, prétextant. 1485 EUDOXE d’après Socrate, que sou église de Germanide récla­ mait scs soins, //. E. π, 37, P. G., t. lxvii, col. 301, ou, d'après Sozomène, représentant au prince la né­ cessité de surveiller l’élection du nouvel évêque d’Antioche. //. E., îv, 12» ibid,, col. 1141. En réalité, l'ambitieux prélat voulait pour lui la succession de Léonce, ct il réussit à s’en emparer, au mépris de tous les canons ct malgré les protestations des évêques à qui appartenait le droit de pourvoir au siège vacant. Sozomène, ibid. Aussitôt après ce coup de force, il dépêcha à l’cmporcur Constance le prêtre Asphalius, disciple zélé d’Aétius, pour obtenir confirmation de ce qui s'était fait. Entre temps, il se mit à favoriser ouvertement l’arianisme rigide ou anoméisme, repré­ senté par Aétius et Eunomius. Il donna toute sa faveur à ces deux personnages ct à leurs disciples, ct, de concert avec Aeaee de Césaréc, il fit app rouver par un concile la formule de Sirmium de 357. Asphalius fut bien reçu à la cour. Constance lui avait déjà remis des lettres confirmant l'élection d'Eudoxe, quand les députés du concile homoïousiaste tenu à Ancyrc par l'évêque Basile (358) réussirent à gagner l'empereur à leur cause ct à le tourner contre les anoméens. Asphalius dut rendre les lettres favorables à Eudoxe, ct à leur place on en expédia d'autres fort dures pour l’ami d’Aétius ct d’Eunomius. Sozomène, H. E., iv, 14, P. G., I. lxvii, col. 1118-1149. C’était, pour Eudoxe, sinon la déposition ct l’exil, du moins la disgrâce. Il ne devait plus paraître dans les assem­ blées cl resta hors d'Antioche. Il crut prudent de se retirer en Arménie, pendant qu'Aélius était exilé à Pépuze ct Eunomius interné à Midacon, en Phrygie. Le synode de Sélcucic d’Isauric, où il parut (359), lui réserva encore un échec, bien qu’il eût déjà recouvré, d’après Philostorge, les bonnes grâces de l’empereur. Mais il ne tarda pas à prendre sa revanche. Son ami, Aeaee de Césaréc, vaincu comme lui à Sélcucic, s'em­ pressa de courir à Constantinople ct de prévenir en fa­ veur des siens le faible Constance. S'il ne réussit pas à faire agréer à la cour le sophiste Aétius, qui fut sa­ crifié, 11 parvint à consommer la déroute de l’ortho­ doxie, grâce au concours des délégués de Rimini. La formule que ce dernier concile avait souscrite pros­ crivait également Γύμοούσιος nicécn, Γόμοιοο>σιος de Basile d’Ancyrc ct Γάνόμοιος d’Aétius et d'Eunomius; elle disait simplement que le Fils est semblable, όμοιος, au Père. Un concile, présidé par Aenee, se réunit à Constantinople, en Janvier 360. Il sanctionna la for­ mule de Rlmlni, qui devint l'expression de l'arianisme officiel, ct prononça la déposition contre les prélats récalcitrants. Avec la souplesse qui le caractérisait, Eudoxe n'eut pas de peine à changer son anoméisme en homélsmc ct il reçut en récompense le siège do Constantinople, laissé vacant par la déposition de Ma· cédonius. Il fut intronisé le 27 janvier, en présence de 72 évêques. L’ambitieux se trouvait au comble de scs vœux. Quelques Jours après son intronisation (15 février), cul lieu la dédicace do l’église Sainte-Sophie, en con­ struction depuis vingt ans. A celle occasion, Eudoxe donna dans un sermon au peuple un spécimen de sa théologie : «Ix* Père, lossy, 1692, p. 206-273. V, Loch, Celui-ci est écarté de Sainte-Sophie et des autres Das Dogma der griechischcn Kirche oom Purgatorium, églises de Constantinople depuis dix ans, et ne fait Ratisbonne, 1342, p. 113-115. en a édité un fragment. pas mémoire dc Constantin. Cette diatribe a été écrite Plusieurs passages avaient déjà été cités par Al latius, à Constantinople même, en 1119. Ibid., p. 277. Une Dc purgatorio, Rome, 1655, p. 61, 140, 220, 241. Cor­ autre lettre à l'empereur, fol. 301-301 v°, traite dc la procession du Saint-Esprit. « La doctrine des latins, riger d’après ces données ce que dit A. Ehrhard dans Krumbnchcr, Geschichte der byzantinischen Liltcralur, bien qu’ils rejettent l'erreur de Sabeliius cl la dua­ lité des principes, est contraire à l'enseignement de 2· édit., Munich, 1897, p. 117. 6° Descriptions ou έχφράσπς, exercices de rhéto­ saint Jean Damascène et inconciliable avec la doc­ trine grecque. » Ibid., p. 278. Une exhortation au des­ rique puérile où sc délectaient les beaux esprits byzan­ pote « pour ΓÉglise du Christ, » fol. 312-312 v®, 317tins. Voir l'énumération dans les Échos d'Orient, 1910, 317 v° (par suite d’une interversion dans les feuillets p. 111. du manuscrit), envoyée du Péloponèse à Constantin 7° Monodies, autre genre d’exercices littéraires très Dragasès vers 1442, renferme une sorte de profession en vogue chez les Byzantins, sorte d’oraisons funè­ de fol antllatine. Jean Eugenicos · maintient avoir bres non débitées en chaire. Signalons, à cause de son fait œuvre pic en tout ce qu’il a dit, écrit et signé contre importance historique, la monodic sur la prise de les doctrines nouvelles. II justifie par des exemples Constantinople, publiée par S. Lambros dans Νέος tirés de l'Écriturc la haine qu'il éprouve pour les Έλ)ηνομνήμων, Athènes, 1905, t. n, p. 219-226. latins. C'est avec l’autorisation du despote qu'il a 8® Une préface pour les Éthiopiques d’IIéliodore, combattu son évêque, défendant au peuple de le publiée par Bandini, Catalogus codicum bibliothecœ suivre. Mais le pays aura bientôt toutes les idées dc Laurentlanæ, t. ni, col. 322-323. la capitale : Lacédémone, Amyclæ, Moncmbaslc, 9° Début de testament, réflexions sur l’inélucta­ Maine et Uélos sont en danger. Que le despote con­ bilité dc la mort, cod. Paris. 2015, fol. 316 v®. tinue à protéger la religion avec le zèle dont lui 10® Lettres. — · Le cod. Paris. 2075 contient trenteet son épouse font preuve maintenant; il n’y a six lettres proprement dites ou rapports sous forme rien à craindre quand on n'a pour adversaires que de lettres: un certain nombre sont à l’état de minutes. Dc ccs Intéressants documents, dix-huit ont été publiés deux ou trois moines. Constantinople ne s’est déclarée pour l’union que par crainte des Francs, des par E. Ingram! dans l'appendice de son recueil Cent Turcs, du pape et du patriarche Grégoire. Dieu a mis dix leUres grecques de François Filcl/e, Paris. 1892. » Constantin sur le trône pour sauver son peuple du La plupart dc Dakora, sans préciser davantage. E. H., x, 6, P. G., t. lxv, col. 588. Fils d’un simple paysan qui cultivait scs champs, Eunomius ne se contenta pas de ccttc humble condi­ tion ; il sc mit d’abord au service d’un parent, comme secrétaire ct comme précepteur de ses enfants, iuis, désireux dc sc procurer une culture supérieure, il se rendit à Constantinople. 11 y exerça successivement plusieurs métiers, ct ne fut pas toujours un modèle d’édification, si l’on en croit saint Grégoire de Nysse, loc. cil., I. I, col. 204. Rentré dans sa patrie, il conçut bientôt le projet de sc rendre à Alexandrie, attiré par la renommée d'Aétlus et peut-être aussi par la présence en ccttc ville de l’évêque intrus George de Cappadoce. Après s’être abouché à Antioche avec Second, évêque arien dc Ptolémafde, Eunomius réalisa son projet vers 356. Philostorge, in, 20, col. 509; So­ crate, H. E., u, 35, P. G., t. Lxvn, col. 300. Il devint I le disciple et le secrétaire d’Aétlus; tous deux furent désormais les apôtres ct le» chefs du parti arien ex­ trême, qui proclamait nettement le Fils dissemblable du Père. Voir Aétius, t. i, col. 516; Anoméens, col. 1322; Arianisme, col. 1822, Au début de 358, Aétius ct Eunomius assistèrent au synode réuni par Eudoxc dans la ville d’Antioche. L’arianisme pur y triompha, ct Eunomius fut ordonné diacre. Philostorge, iv, 5, 8, col. 520 sq. Les homéousiens curent leur revanche nu concile tenu In même année à Sirmium. Voir Arianisme, col. 1825 sq. Eudoxc s'empressa de députer Eunomius vers l’em­ pereur Constance, mais l’envoyé fut saisi durant le trajet ct relégué à Migdc en Phrygie. En même temps, Aétius était allé à Pcpuza, dans la même contrée. Le revirement qui sc produisit peu après valut aux anoméens leur rappel. Après le concile de Sélcucic, septembre-octobre 359, Eunomius suivit les évêques homéens à ConsUintinoplc, oîï il fut intimement mêlé aux discussions cl aux intrigues qui aboutirent à la ruine du parti homeouslen. Philostorge, iv, 12, col. 525; Théodorct. H. E., u, 23, P. G., t. lxxxit, col. 1069. Il cul su part dans le triomphe; tandis qu’Aétius, spécialement compromis auprès de l'em­ pereur, reprenait le chemin de l’exil. Eudoxe» devenu évêque dc Constantinople, pourvut son ancien diacre trouvera dans ce· auteurs les autres Indications biblio­ dc l’évêché dc Cyzlque en Mysîe, devenu vacant par graphiques utiles. Voir aussi In llyzanlinischr Zeitschrift, la déposition d’Elcusius. Événement que Socrate, iv, d’après les références données par In table des douze pre­ 7, col. 172, rejette a tort au temps de Valens. miers volumes, nu mot Eugrnikos, p. 122. Eudoxc se serait alors engagé ù faire revenir dc S. Salaville. l'exil et à réhabiliter Aétius dans l'espace de trois 2. EUGENICOS Moro. Voir Marc d’Éphése. mois. Philostorge, v, 3, col. 529. En revanche, le nou­ EUNOMIUS, évêque arien de Gyziquc, en 360, , vel évêque dc Cyziquc aurait promis de s’en tenir au moins extérieurement à la doctrine homecime. Des disciple d'Aétlus et, avec lui, chcLdes anoméens. — provocations, habilement ménagées par ses adver­ I. Vie. II. Écrits. III. Doctrine. L Vu:. — Eunomius était Cappadocéen : d’OItisaires, le firent sortir de ccttc réserve forcée, ct dos scris, d'après saint Grégoire de Nyssc, Contra Euno­ plaintes furent adressées à Constantinople. Théodoret, mmai, 1. I ct XII, P. G., t. xlv, col. 259, 281, 907; | op. cil., n, 25, col. 1073. Sur l’ordre de l'empereur, de Dakora, d’après Sozomènc, II. E., vu, 17, P. G., Eudoxc dut intervenir. Au rapport de Tluoογητιζός, dans Primitive Christianity reuiued, à l’hérésiarque, si Eudoxe ne l’en avait pas dissuadé. Londres, 1711, t. i, Appendice. Eunomius composa Philostorge, ix, 7, 8, col. 574 sq. Vraisemblablement Eunomius revint alors à Chal- cet écrit vers l’an 360, après qu’il eut été obligé de quit­ ter l'évêché de Cyziquc. 11 fut réfuté par saint Basile, cêdoinc. En tout cas, il ne resta pas inactif, car le nou- 1505 EUNOMIUS 1506 Άνατρεπτηώςτού Απολογητικού τού δυσσιύούς Εύνομίου, sa première apologie, P. G., t. xxx, col. 868, et d’après P. G., t. \χιχ, col. 197 sq. son ΤΊΌισις πίστι^ς, P. G., t. lxxii, col. 950 sq., que 2° ‘ Γπίρ τής άπο/ογίας απολογία, défense de l’écrit la doctrine générale de la secte a été exposée. précédent contre les attaques de Basile. D’après saint Les fragments conservés de la seconde apologie n’ajoutent rien de substantiel à cet exposé, ils le con­ Germain de Constantinople, De hœresibus et xynodis, firment seulement. Eunomius part, comme Arius, du n. 21, P. G., t. xcvm, col. 60; ct Phot lus, Bibllot., Dieu souverain et unique, ou de la substance suprême cod. 138, P. G., t. cm, col. 116, Eunomius n’aurait et qui de toutes mérite le plus proprement ce nom pas osé publier sa réponse du vivant de son redoutable de substance, «x τής ά,ΜτκτΜ και χυρι^τάτης ουσίας. adversaire. Philostorge prétend, au contraire, vm, 12, S. Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, 1. I, coL 297. col. 566, qu’après avoir lu le 1er livre de cette seconde Au-dessous de cette substance suprême, et distinctes apologie, l’évêque de Césaréc serait mort de désespoir, d'elle dans leur essence ct dans leurs opérations, ap­ se jugeant incapable de répliquer. Ce dernier détail paraissent les autres substances, tout d’abord celle écarté connue légendaire, l’écrit paraît bien avoir été du Fils, puis celle du Saint-Esprit. publié avant, mais peu avant la mort de saint Basile Eunomius attribue à la substance suprême une sim­ (1er janvier 379); car, dans sa lettre à son frère Pierre, plicité qui s’oppose à toute distinction même virtuelle évêque de Sébastc, saint Grégoire de Nysse dit avoir de propriétés et d’attributs; il la fait consister formel­ reçu l’ouvrage de l'hérésiarque κατ’ αυτήν τού αγίου lement dans 1'άγεννησα, terme à signification com­ Βασιλείου τήν κοίμησιν, P. G., t. XLV, col. 237. plexe, pouvant comprendre Vaséité ou VinnascibiliU Cf. Dickamp, Die Gottcslchre des hl. Gregor von Nyssa, Voir Arianisme, t. i, col. 1784. Distinctes pour les p. 126, note 2. Nous devons à la réfutation d’Euno­ catholiques, ccs notions s’identifient pour Eunomius, mius par l’évêque de Nysse, Contra Eunomturn car, à la suite d'Arius, il ne distinguait pas en Dieu libri XII, ibid., col. 213-1122, ce qui reste de la seconde la notion de nature et celle de personne. Dès lors, apologie du docteur anoméen. La plupart de ccs tout fondement cessait pour une double série de no­ fragments ont été recueillis par Rettberg, Marcelliana, tions: les unes d’ordre absolu, qui se rapportent immé­ p. ! 1 17. diatement à la nature divine, une ct indivisible dans le 3° ΈκΟισις πίστεως, profession de foi présentée en 383 par Eunomius à l’empereur Théodose, P. G., I Père, le Fils ct le Saint-Esprit ; les autres, d’ordre rela­ tif, fondées sur les rapports mutuels des trois per­ t. lxvii, col. 587 sq., en note; texte réédité d’une façon plus correcte par divers auteurs, en parti- 1 sonnes, par exemple, la prérogative de l’innascibililé, que le Père possède, comme principe des deux autres culier par Rettberg, op. cit., p. 119-169. Peut-être personnes, sans procéder lui-même d’aucune sorte. Γε'ζΟεσις ne serait-elle qu’un extrait de la seconde apo­ Le rejet de cette distinction capitale explique com­ logie. Ibid., p. 117, 170. Saint Grégoire de Nysse a ment Eunomius pouvait reprocher aux catholiques réfuté cette profession de foi dans son IIe livre contre d'affirmer que la substance innascible est née d’ellcEunomius; le texte qu’il donne est précieux pour la même, αυτήν παρ’ Ιαυτής γιγεννήσδαι τν,ν αγέννητο* fixation ou la rectification de quelques leçons dou­ ουσίαν, loc. cil., col. 397, tandis qu'en réalité ils teuses ou défectueuses. attribuaient cette naissance, non à la nature, incréée Parmi les écrits non conservés de l’hérétique, So­ ct innascible, mais à la personne du Fils, né du Père crate signale, iv, 7, col. 473, un commentaire sur par la communication de cette nature, une ct indivi­ l’Épîtrc aux Romains, en sept livres, qu’il dit rempli sible. de verbiage ct de répétitions, mais sans profondeur D’après les mêmes principes, le chef des cunomicus ni justesse dans l’interprétation. considérait comme impossible en Dieu toute genera­ Philostorge parle encore, x, 6, col. 588, des lettres tion proprement dite, ct celle qui se ferait par aug­ d’Eunomius, qu’il met beaucoup au-dessus de ses mentation ou transmutation de substance, ct celle autres œuvres. Photius, qui en avait lu quarante, qui aurait simplement pour tenue la similitude ou la adressées 5 divers personnages, est loin de partager communauté de substance. Loc. cit., 1. H, col. 407. l'enthousiasme de l’historien anoméen. Il reproche Toute génération dit nécessairement passage du nonà l’auteur, loc. cit., col. 417, une ignorance totale des être à l’être; de même celle du Fils, dont il faut cher­ lois de la composition littéraire et divers défauts, cher le principe, non dans la substance du Père, mais communs aux écrits de l’hérésiarque : l’absence de tout dans sa libre volonté et sa vertu survmincnte, 1. XII, agrément, une subtilité atïcclée, un genre de compo­ col. 1041. Eunomius s’appropriait tous les sophismes sition tendu, sans naturel et obscur, enfin le caractère et les questions captieuses d Arius sur la génération sophistique de son argumentation; ce qui n’empêche du Verbe; par exemple : s’il a été engendré, c’est donc pas quelques Pères de reconnaître l’habileté dialec­ qu’il n’était pas auparavant, il γεγεννητα·., ovx ήν, tique d’Eunomius : arte dialectica praepotens, dit Rufin, 1. VIII. col. 768. toc. cil. Le Fils s’opposant comme γτννητές au Père αγέννητος, Dans un parallèle entre Aétius et Eunomius, vin, c’est-à-dire comme être créé à l’être inervé, la diver­ 18. col. 568, Philostorge attribue au maître une plus sité de nature entre les deux suit nécessairement, grande finesse de dialectique cl au disciple le talent de 1. XII, col. 917 921. Le Fils ne peut donc pas être rendre les choses avec plus de clarté. Il faut recon­ Dieu comme le Père, dans le sens absolu du mol, ό naître, avec Photius, que la clarté du disciple doit έπϊ πάντων Ηιός. Sa prérogative personnelle et exclu­ s’entendre dans un sens tout Λ fait relatif. Eunomius sive consiste en ce qu’il a été produit par le Père n’en possède pas moins, sur Aétius, le réel avantage Immédiatement, 1. IV, col. 656. Fils unique en ce d'offrir un exposé plus complet, et surtout plus or­ sens, il a reçu en apanage la puissance creatrice, qui donné de la doctrine anoméenne. l’élève au-dessus des pures créatures et lui confère 111. Doctrine. — Comparée à l’arianisme primitif, vis-à-vis d’elles le titre de Seigneur ct de Dieu, qui la doctrine d’Eunomius se compose d’une partie com­ revient au créateur : Κύριον αύτδν χαι δημιουργόν χαΐ mune, sur la trinitè ct l'incarnation, et d’une partie θίον πίσης αισΟζΤτς τε χαΐ νοητής ουσίας λέγομεν, 1. XI, distincte,sur la théodicée, l’idéologie ct la vie chré­ col. 876. Ici, comme dans Γ'ΕχΟεσις πίστεο»ς, P.G., tienne. t. lxvii, col. 587 : ούκ ex τής ύπαχοής προσλαδών τδ 1° Trinité. — Le lecteur n'a qu'à se reporter à iîv3i Γίδς ή Ηεός, etc., Eunomius se séparait d’Arius, l’art. Anoméens, t. t, col. 1322 sq., pour connaître d’après lequel le Fils n’était parvenu ù la dignité les vues d’Eunomius sur ce mystère; car c’est surtout divine qu’en récompense de sa vertu. Voir Arianisme, d'après le résumé dogmatique qu’il donne à la fin do lUCT l»E TIIFOL CATIIOL. V - 18 1507 EUNOMIUS L l, col. 1786. C'est par la puissance ct l'activité créatrice que le Fils ressemble au Père, ιϊχών και σφριγίζ της τού ΙΙαντοκράτορος ένεργείας. 1. II, col. 510. Idée qui sc retrouve dans la première apologie, n. 26, P.G., t.xxx,col.863, ct dans Γ*ΕκΟ*σ ; π·.σ:<ως,/θ£. ci/., col. 589. Parmi les êtres créés par le Fils, le Saint-Esprit tient le premier rang, dans l’ordre dc production comme pour l'excellence ct la dignité, ώς πρώτον έργου καί κράτιστον τού Μονογενούς, μεγίστου τε κα\ κάλλιοτον, I. II, col. 561. Instrument du Fils dans l'œuvre de l'illumination ct dc la sanctification des âmes, il est dépourvu de la puissance créatrice et dc cette divinité relative qui convient au Fils, Οεότητος μέν καί δημιουρ­ γικής δυνάμεως άπολίιχόμβνον. Apologe!., n. 25, P. G., t. xxx, coi. 861. La trinité cunomiennc sc composait donc, comme la trinité arienne, de trois personnes essentiellement hétérogènes, avec progression décroissante ct sans immanence mutuelle. Aussi, dans Ι^ΕκΟεσις πίστεως, loc. ci!., col. 587, Eunomius rejette absolument l'idée d’un Dieu ou d'une seule substance en trois personnes : ούτε ex μιας ουσίας ci; υποστάσεις τρεις σχηματιζόμοον. 2° Incarnation. — Les caractéristiques de la christo­ logie arienne sc retrouvent, sans rien dc spécial, dans Eunomius. Pour lui, Jésus-Christ ne pouvait pas plus être vrai Dieu que le Verbe lui-même. En JésusChrist, le Verbe remplaçait l'âme humaine. Ce dernier point a été contesté par quelques auteurs, notamment Tiilemont, Mémoires, t. vi, p. 511, d'après cc passage dc Γ ΕκΟεσις πίστεως, dans le texte publié par Valois, loc. cit., col. 589 : άναλαβόντα τον έκ ψυχής και σώμα­ τος άνθρωπον ; mais la vraie leçon contient une né­ gation, au lieu d'une affirmation : ούκ άναλαδόντα... S. Grégoire dc Nyssc, Contra Eunom., I. II, col. 545. Cf. Hctlberg, op. cil., p. 517. Eunomius, comme Arius, maintenait la préexistence physique du Verbe, créateur du monde ct révélateur du Père. Aussi, à propos dc l'ouvrage cité dc Whlston, Fabricius observe-t-il, Eiblioth. græca, I lam bourg,1804, t. ix, p.212.que le chef des anoméens gardait du Christ une idée beaucoup plus relevée que les socinlcns, et qu'il ne poussait pas l’impudence jusqu’à lui dénier, malgré les témoignages contraires et si formels dc la sainte Écriture, toute existence réelle avant sa conception dans le sein de la Vierge Marie. 3° Théodicée. — La doctrine d'Eunomius sur Dieu, considérée dans cc qu'elle a dc plus caractéristique, porte sur trois points : l’essence ct le nom propre dc Dieu, la synonymie des noms que nous lui attribuons ct l’intelligibilité absolue dc l’Etre divin. Eunomius place l'essence dc Père dans Ι'άγεννησία, entendue dans un sens qui n’est ni privatif ni pure­ ment négatif, mais d’abord ct surtout positif; sens qui semble correspondre à l’f.w a se des théologiens et des philosophes scolastiques. Apolog., n. 8, P. G., t. XXX, col. 811; S. Grégoire dc Nyssc, Contra Eunom., 1. XII, col. 917, 924. En meme temps il conçoit, on l'a déjà vu, la simplicité divine d'une façon abstraite ct transcendante qui exclut toute distinction, même virtuelle, entre l’essence ct les attributs ou les attri­ buis entre eux. Aussi Γάγεννησία est-elle tout l’être divin. Le terme correspondant, αγέννητος, est en un double sens le nom propre de Dieu : parce qu’il lui convient exclusivement, ct parce qu’il exprime parfaitement sa nature. lui synonymie des noms que nous appliquons à Dieu sc rattache Intimement à cette doctrine. Car, si αγέννητος est le vrai et le seul nom proprement dit de l’Etre suprême ct si la transcendante simplicité de cet Etre ne permet pas de lui appliquer des noms ayant une signification différente, cette alternative s'impvx par rapport aux noms multiples que nous at­ 1508 tribuons à Dieu : ou ils ne peuvent signifier l'essence divine que par synonymie avec Γάγεννησία, ouk fondés sur des conceptions de raison, ils ne sont que dc pures dénominations subjectives ou verbales, sans portée réelle. Eunomius insiste surtout sur la seconde alternative, quand, dans sa première apologie, il op­ pose le terme αγέννητος aux dénominations κατ’έπίνοιαν ou fondées sur les conceptions de l'esprit humain. Apolog., n. 8, col. 811; S. Basile, Adversus Eunom., 1. I, n. 5, col. 520 sq. Mais il admet aussi la première al­ ternative, car il parle dc noms différant matérielle­ ment, κατά την έκφώνησιν, et signifiant, néanmoins, la même chose, par exemple : Y Être et le seul vrai Dieu, ό)ζ το δν, καϊ μόνος ά/ηΟινδς θεός· Apolog., n. 17, col. 852. Ailleurs, il exprime, avec une parfaite net­ teté, le principe dc la synonymie des noms, quand il s'agit de Dieu : « II est impossible que la vie soit une ct que la notion d'incorruptibilité ne s'identifie point avec celle d'aséité. Ού γαρ δυνατόν, την μίν ζωήν είναι μίαν, τόνοι τού άρΟάρτου λόγον μή τον αυτόν είναι τω τού αγέννητου. > S. Grégoire de Nyssc, Contra Eunom., 1. XI I, col. 1068. Un dernier point s’ajoute, qui complète la théodicée anoméenne. Arius avait considéré l'être divin comme incompréhensible, non seulement pour les hommes ct pour les anges, mais même pour le Verbe. Voir Aria­ nisme, t. i. col. 1786. Eunomius, au contraire, af­ firme l'intelligibilité absolue dc l'essence divine. Cette prétention est attestée par ceux des contemporains dc 1’hérésiarquc qui l'attaquèrent, en particulier par saint Basile, Adversus Eunomium, 1. I, n. 12, col. 540, ct saint Grégoire de Nyssc, Contra Eunom., 1. X, col. 825 sq. Elle est confirmée par l'anomécn Philo­ storge, qui taxe précisément d’erreur Arius ct Eusèbe dc Césaréc, pour avoir soutenu le contraire, i, 2; n, 3; x, 2, t. lxv, col. 461. 468, 583. Elle est confirmée par Eunomius lui-même, quand il applique à scs ad­ versaires le reproche adressé jadis par Jésus-Christ aux Samaritains, Joa., iv, 22 : Vos adoratis quod ne· scitis; car c’est ignorer Dieu que d'ignorer cc qu’il est. Dc même, quand il les accuse dc méconnaître le carac­ tère ct l’excellence de la révélation chrétienne : vaine­ ment Notrc-Scigneur sc serait appelé la porte, la voie ct la lumière, si personne ne parvenait à la con­ naissance ct à la contemplation du Père. S. Grégoire dc Nyssc, Contra Eunom., 1. III, col. 602; I. X,col. 828. Quelle fut la genèse dc cette doctrine sur l’intelli­ gibilité absolue dc l’Etre divin? Les cunomécns l'adoptércnt-ils, comme on l'a dit souvent, dans un in­ térêt polémique, pour enlever aux catholiques la ré­ ponse qu'ils faisaient aux objections ariennes contre la génération du Verbe, en invoquant l’incompréhen­ sibilité dc l’essence ct dc la vie divine; ou furent-ils amenés à cette doctrine par leurs principes philoso­ phiques, ct de quelle manière? Question difficile à trancher avec le peu qui nous reste des écrits de la secte. Des écrivains modernes dc grande autorité ont pensé qu’il y eut. chez les anoméens, confusion entre l'être divin, infini dans sa plénitude, cl l'être abstrait, d’autant plus facile à épuiser par l'intelligence qu’il est plus vide de détermination. I Icicle écrit, en s’in­ spirant d’une idée déjà émise par plusieurs écrivains, spécialement par Dorner : < Les anoméens conçoivent Dieu d’une façon purement abstraite qui n’embrasse aucune réalité concrète dc la vie divine; Dieu est pour eux la simplicité absolue, l'unité complète cl indi­ visible; c’est, à proprement parler, le 6v ct non pas le uiv, quelque chose d’analogue à cct Être suprême dont parlait le xvni· siècle... Si l’Etre divin n’est autre que la substance existant par elle-même, la substance simple ct abstraite dc la monade non engen­ drée, ct si l’on adopte, à l’exclusion dc toute autre. 1509 EUNOMIUS cette pauvre catégorie dc l’idécde Dieu,c’est une chose de peu d'importance, ct même vulgaire, que dc con­ naître parfaitement un pareil Dieu. ■ Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 888, 892. Le cardinal I-’ranzelin, De Deo uno, Koine, 1883, th. x, η. 1, p. 129, précise d'une façon aggravante, quand il place la dernière racine dc l’erreur cunomienne dans l’idée que les docteurs dc la secte sc seraient faite de Dieu, comme l’être universel ct abstrait qui tombe le premier sous notre conception et reste à la base dc toutes nos connaissances ultérieures. Dc là un rappro­ chement entre l'eunomianisme ct l’ontologisme; des deux côtés on affirme une connaissance propre et une intuition immédiate dc Dieu, par opposition à la con­ naissance abstraite et analogique que des idées puisées ailleurs peuvent fournir. Le docte cardinal appuie son interprétation sur un passage dc saint Epiphane, //«r., lxxvi, P. G., t. xui, col. 633, où cc Père dit d’Aétius, en réfutant son 36· argument : Έφαντάσθη ...ούκ έπΐ τω είδέναι τον Θεδν κατά πίστιν, άλλα φύση κατά εΓσησιν...» ως là'/ γινώσκιρ τις χϊν ύρατο? χαΐ χερσϊν αυτού ψηλαφώμβνον. Aétius s’attribuait donc, par rap- | port ù Dieu, une connaissance non de foi, mais de science, semblable à celle qu’on a des objets vus des yeux ou touchés dc la main. Tous n’ont pas acquiescé à ce jugement, entre autres le P. J.-M. Piccirclli, S. J., De Dco uno et trino, Naples, 1902, p. 335. Aux conclusions du cardinal Franzclln, cct auteur oppose l’interprétation très dif­ férente de Pctau, Dc Dco Dcique proprietatibus, 1. VII, c. i, n. 1-6. 11 observe que, dans les fragments conser­ vés d’Aétius et d’Eunomius, on ne trouve rien qui prouve cette confusion cuire l’être infini ct l’être universel ou qui atteste l’intention de fonder notre connaissance de Dieu sur la seule raison; le contraire ressort plutôt de l’appel aux saintes lettres, fréquent chez les deux hérésiarques. Leur prétention à con­ naître pleinement Dieu s’explique par leur doctrine sur le terme αγέννητος, nom propre, c’est-à-dire par­ faitement expressif dc la nature divine. La question est plus complexe qu’elle ne le paraît au premier abord, car la conception et la terminologie d’Eunomius diffèrent notablement de la conception ct de la terminologie scolastique dont s’inspirent la plu­ part des auteurs cités. L’hérésiarque a vraiment pré­ tendu posséder une connaissance de Dieu distincte dc la connaissance abstraite cl analogique que, sui­ vant l’opinion commune, la raison cl la foi nous four­ nissent ici-bas. Celle connaissance, atteignant ou représentant l’objet dans sa nature propre, peut, sous cc rapport, s'appeler intuitive. Mais rien n’autorise à supposer qu'elle emportait, dans la théorie anoméenne, une vue directe dc l’Etre divin; celle supposition pa­ rait même diamétralement opposée à la thèse fonda­ mentale d’Eunomius sur l'origine des noms substan­ tifs et vraiment objectifs; on verra, en effet, plus loin qu'il déclarait notre esprit absolument Impuissant ù trouver de lui-même ccs noms, cl qu’il avait recours, pour les expliquer, à une action ou révélation primi­ tive de Dieu. Le texte cité do saint Épiphano ne tranche pas la question. Les mots, φύσει χαζά <Εησιν, ne signifient pas nécessairement une vue naturelle cl directe; ils signifient plutôt, suivant la remarque dc Pctau, foc. cit., n. 4, une connaissance réelle ou propre. D’ailleurs, il faudrait prouver que l’évêque de Salamine rap­ porte les paroles mêmes d’Aétius; en réalité, il inter­ prète la doctrine de l’hérétique d’après ses consé­ quences : Aétius prétend connaître Dieu comme il sc connaît soi-même, ou comme nous connaissons les choses quo nous voyons cl que nous touchons; c’cst donc qu’il s’attribue, par rapport à Dieu,une véritable science ou connaissance intime cl propre, ct non pas 1510 une simple connaissance de foi. Conclusion légitime mais qui ne nous renseigne pas sur la manière dont Aétius lui-même expliquait ccttc connaissance dans scs relations avec le sujet connaissant et l'objet connu. Comme les néoplatoniciens dc son temps, Euno­ mius nous présente Dieu d'une façon abstraite, soit qu'il l’envisage dans sa simplicité transcendante et exclusive de toute distinction même virtuelle, soit qu’il l'envisage comme VÊtrt, xo fa. Apolog., n. 17„ col. 852; S. Grégoire de Nyssc, Contra Eunom., I. X» col. 852 sq. Mais il ne va pas jusqu’à le confondre avec l’Etre universel. Il nie qu’il y ait rien dc commun entre l’essence suprême ct les essences inférieures, même celle du Fils; et, c'est précisément sous la raison d’être qu’il oppose Dieu à tout ce qui n'est pas Dieu, 1. X, coi. 811. S’il emploie le terme το ον, il connaît aussi celui dont Dieu s'est servi, Exod., ni, 14 : ό ώ, Celui qui est, 1. XI. col. 869. Ailleurs, il nous montre Dieu comme le plus éminent des biens ct dc tous le meilleur, το πάντων ίξοχώτατον ά· αύύν, καί πάντων κράτιστον, 1. IX, col. 801; seul bon, 1. XI, col. 856; infiniment infini, άτεΐεύτητός έστιν ατελεύτητων, 1. XII, col. 1089. Pour lui, Γάγεννησία comprend la divinité, la puissance, Γincorruptibilité et tout le reste» I. XII, col. 929. En lin, il ne rejette pas absolument les perfections positives que la sainte Écriture attri­ bue à Dieu, par exemple, celles dc lumière, de vie, dc puissance, etc.; il les ramène seulement à sa propre conception par l’adjonction de son épithète favorite : lumière inertie, vie incriée, puissance ip criée, etc. Apolog., n. 19, col. 854. Où donc chercher la confusion d’Eunomius, si confusion il y eut? Non pas précisément entre l'être divin et l’être en général, mais entre l'essence divine considérée physiquement ct considérée d’une ma­ nière abstraite, ce qui a donné lieu, chez les philosophes scolastiques, à l’expression d’essence métaphysique. Prise physiquement, l’essence divine dit tout ce que Dieu est réellement, car rien d’accidentel ne peut exister en Dieu; mais ceci n'empêche pas qu’on ne puisse concevoir une notion première qui soit comme caractéristique de la divinité ct transcendante par rapport aux autres notions, en tant que toutes dé­ coulent pour ainsi dire logiquement de cette pre­ mière et en même temps la renferment. Que Γάγεννησία puisse s’appeler l’essence divine, en ce sens abstrait ct métaphysique, c’est cc que disent èquivalcmmcnt tous ceux qui font de Vasiité le constitutif formel dc ccttc essence. Mais il ne suit nullement dc là que Γάγεννησία ou Vasiité constitue, en fait, l’essence divine indépendamment des autres attributs, ci il ne s’ensuit pas davantage que l’aséilé nous donne l’idée propre et adéquate de cette essence; car. telle que nous la possédons ici-bas, cette notion n’est pas moins abstraite et analogique que nos autres notions sur Dieu. Saint Basile sait fort bien que Dieu s’est appelé Celui qui est, ύ Marc., xm, 32; ci. Matth., xxiv, 36, et l’on blâmait en conséquence la nouvelle exégèse. Mais loin de se tenir pour battu, Eutychius alla trouver son maître Eunomius niors en exil. En même temps que lui, ses adversaires expédièrent un diacre et d’autres délégués pour faire condamner Eutychius et discuter au besoin avec lui. Ce fut en vain, car, à leur grand étonnement. Eunomius donna raison ù Eutychius. et, chose plus grave parce qu’elle était contraire ù tous les usages de la secte, il pria avec lui sans exiger une lettre de recommandation. Ainsi désavoués, les adversaires d'Eutychius attendirent la mort d’Eunornius, survenue peu après 392.et refu­ sèrent dès lors d’avoir tout rapport avec celui qu’ils traitaient de dissident irréductible. Le parti anoméen fut alors scindé; Eutychius fit bande ù part et donna son nom ù scs partisans. Au point dc vue doctrinal, les eunomioeutychiens erraient comme les anoméens sur la nature du Fils de Dieu, en soutenant qu'il n’était ni consubstantiel ni semblable à son Père, et ils prétendaient avec Euty­ chius que, malgré son infériorité dc nature, le Fils 1515 EÜNOMIOEUTYCHIENS (EUNOMIOEUPSYGHIENS) — EUNUQUES 1516 n'cn possédait pas moins la connaissance que le ne volt d’autre remède efficace que cette mutilation; Père avait des derniers événements du monde. Au le prêtre s’y soumet comme à une dure nécessité; mais point de vue sacramentel, Théophronlus et Eutyensuite, pris de scrupule, il demande nu pape s’il a chius étaient accusés d'avoir modifié le rituel du bap­ encouru l'irrégularité. Innocent 111 le rassure en lui tême. En quoi consistait ce changement et quelle est déclarant que · les canons des saints Pères », dans le la part qui revenait à chacun d'eux, c’est cc que Sozocas présent, n’infligent pas cette peine. Telle était, en effet, la discipline du concile du Nicée qui s’est inène n négligé de nous dire. Peut-être dans la formule baptismale des anoméens, < au nom du Père incréé, maintenue immuable. Notons que la réponse du pape du luis créé cl de ΓEsprit sanctificateur créé par le Innocent III ne visait directement que le cas qui lui était soumis : celui d’un clerc déjà revêtu du sacer­ FDs créé, » S. Épiphanc, llær., lxxvi, 6, P. G., doce; la Glose, in /oc., montre que l’irrégularité n’esl I. xu!t col. 657, supprimèrent-ils l’énumération des pas plus encourue si la mutilation est antérieure au trois personnes divines; nous savons en tout cas que sacerdoce. leur baptême ne comprenait qu’une seule immersion. La troisième catégorie comprend les eunuques Sozomène, //. E., VI, 26, P. G., t. lxvii, col. 1362; Théodorct, Hard. /ab., ιν, 3, P. G., t. lxxxiii, col. purement ct simplement volontaires, qui se sont infligé à eux-mêmes cette mutilation. On sait que plu­ 421 ; Philostorge, x, 4, P. G., t. lxv, col. 585. Celle première scission dans le parti anoinécn, sieurs chrétiens curent cette pensée, dans des vues d’aillcurs très élevées : les uns, dans le dessein de présage de scissions nouvelles, ne fil qu’affaiblir les réfuter par là les accusations d’impudicité portées partisans d’Eunomius. Déjà condamnés par le concile par les païens contre les réunions du culte chrétien; général de Constantinople, en 381, ils furent poursuivis par les lois de Théodosc du 25 juillet et du 3 décembre d’autres, des clercs, afin de couper court aux soup­ 383, du 21 janvier 384, que de nouvelles mesures çons que pouvaient faire naître leurs relations minis­ répressives ne tardèrent pas à suivre, Cod. theod., xvi, térielles avec les femmes chrétiennes» soit aussi afin 5, 11-13, 17, 23, 25, 27, 31, 32, 34, 36, 49, 58, 60, 61, ct d’éviter les périls mêmes de ce ministère. Le fait devinrent ainsi impuissants à troubler l’Église comme d’Origène est bien connu, Eusébe, //. E., I. VI, c. vin. ils l’avaient fait à la fin du iv® siècle. P. G., t. xx, col. 536; plus d'un sans doute l’imita, prétendant se couvrir du texte évangélique, Matth., Sozomène, //. vn, 17, P. G., t. lxvii, col. 1464,1465; xix, 12, car les conciles durent s’en occuper. Le concile Nicéphore Callisto, //. E., xîi, 30, P. G.. t. cxt.vi.col. 842; de Nicée, can. 1, s’éleva contre de telles pratiques ct Mlgnc, Did. de* hérésies, Paris, 1847, L i, col. 68-1; Smith ct prononça contre les coupables l’exclusion du clergé: IVacc. Dictionary of Christian biography. on ne les y admettra pas el on les chassera s’ils en G. Baheille. font déjà partie. Ce fut, semble-t-il, la première loi 1. EUNUQUE. Le mot eunuque a dans l’histoire une canonique générale de cc genre, puisque les évêques double signification : étymologiquement, il désigne un de Palestine n'en avaient pas moins promu Origène homme occupé à la garde d’un gynécée; il désigne au sacerdoce, et que celui-ci, cependant bien informé aussi, en un sens plus restreint, les malheureux qui ont subi l’amputation de leurs organes virils. Ces der­ de la discipline ecclésiastique, se laissa ordonner. La loi de Nicée fut confirmée par les canons des niers seulement sont visés dans la législation cano­ nique. apôtres, puis par le IIe concile d'Arles (452), can. 7, Les textes canoniques distinguent trois espèces Graticn, dist. LV, c. 5; Martin de Braga, loc. cil.; d’eunuques : les eunuques involontaires qui ont subi maintenue par le pape Clément III, c. 4, De corpore cet outrage, soit dans leur enfance, soit même plus vitiatis, qui fait encore loi. tard, de la part de leurs maîtres ou de leurs ennemis, Sur la culpabilité morale, voir Mutilation. sans aucune coopération personnelle; ceux qui l’ont A ce propos, des théologiens se posaient autrefois subi volontairement comme le seul remède indiqué une question qui nous étonne quelque peu aujour­ par leur médecin en certaines maladies; ceux qui sc d’hui. Devenait-il irrégulier celui qui, dans son jeune sont, sans motif ou prétexte de santé, infligé ou fait âge, acceptait de subir cette mutilation afin de con­ infliger à eux-mêmes cette mutilation. server sa voix ? Saint Alphonse, De censuris,n. 418, Les eunuques tout à fait involontaires ne sont, de n'ose se prononcer personnellement, tout en citant ce fait, coupables d’aucune faute. Ils ne sont frappés des auteurs qui tenaient pour la négative. Ferraris, non plus d'aucune peine, et on ne les écarte pas, pour Prompta bibliotheca canonica, v° Eunuchus, affirmo ce motif, du clergé ni des ordres sacrés. Sur cc point, que l'acte n’est pas licite et que c’est parmi les théo­ la discipline n’a pas varié. Telle nous l’avait donnée le logiens l’opinion commune. C'est également l’avis de Benoit XIV, De synodo diœccsana, I. XI, c. vn, n. 3, concile de Nicée, telle nous l’avons encore aujour­ d’hui : celui qui a été mutilé par les barbares ou par qui cite dans cc sens une longue liste d’auteurs, théo­ son maître n’est pas exclu de la clérlcuture. Concile logiens ct canonistes, des plus considérables. de Nicée, can. 1,1 Icfcle-Lcclcrcq, Histoire des conciles, L’irrégularité encourue peut être levée pnr dispense L i, p. 529 sq., ou dans Graticn, disk LV, c. 7. Cf. Ca­ épiscopale si le délit est occulte, concile de Trente, nons des apôtres, can. 21, Graticn, Ibid., c. 8; le sess.XXIV,c.vi,De reform.; s'il est public,la dispense c. 21 de la collection canonique de Martin de Braga en est réservée au pape, ct elle est exécutée par la S. C. des Sacrements. (vers 572),qui n’est qu’une traduction du c. 1 de Nicée, Graticn, Ibid., c. 0. Le texte de Nicée et les canons des Voir les choristes nu titre De corpore vitiatis ordinandi* apôtres sont, en effet, les seuls auxquels se réfère vel non, ou bien au traité des irrégularités, ct les auteurs le pape Cément III, c. 3, Ex parte, X, De corpore cités plus haut. odiatis ordinandis cd non, et dont il maintient la A. Villien. 2. EUNUQUES ou VALÉSIENS. — 1” Sources. — discipline : ceux qui ont été faits eunuques par une Parmi les sectes chrétiennes des premiers siècles, mutilation totalement involontaire ne sont pas Irré gu lier* en vue de rentrée dans le clergé ou de la ré­ plus attachées à la lettre qu’à l'esprit de ΓÉvangile ct portées à pratiquer, sou s les dehors d’un ascétisme mal ception des saints ordres. compris, le pire des dévergondages, il faut ranger celle D’autres sont eunuques par une mutilation que des eunuques ou valéslens, dont le nom rappelle la pra­ l'oti pourrait dire volontaire secundum quid. Le cas tique ou le chef inconnu, Ούάλης, VaJcsius.Lc premier cbulque est exposé dans le c. 5 du même titre De oui en parle ct, à vrai dire, la seule source, c’est saint rorpore vittatis. Un prêtre, qui se sent sur le point de Epiphane, Hær., win, P. G., t. xu, col. 1009-1016. contracter la lèpre,va consulter son médecin. Celui-ci 1517 EUNUQUES Or, void cc qu'il en dit. ct encore n’cst-cc point sur des renseignements directs, mais pour en avoir souvent entendu parler, car il n'a pu ni contrôler la véracité des bruits qui en couraient, ni même parvenir à savoir au Juste cc qu'était son chef, ccqu'cilc était elle-même,son origine, son rôle, son extension, sa doctrine. Mais il a cru qu'elle n'était autre que celle qui existait à Bacatliis, dans la région voisine de Philadelphie au delà du Jourdain. Par la place qu’il lui assigne dans son catalogue des hérésies, après Noct et avant les nova­ tions, il donne à penser que les eunuques existaient déjà au in· siècle, vers l’an 240; c’est la conclusion qui s'impose sans qu'elle ait la valeur d’une précirion chronologique absolue. Quant à chercher ailleurs d’autres renseignements plus explicites cl plus pré­ cis, il n'y faut point songer. Car, d’une part, les Pères, dans l'explication des passages scripturaires dont abusaient ccs sectaires, ne font jamais allusion à une secte d’eunuques ou de valésiens; cl, d’autre part, panni ceux qui ont dressé des catalogues d’hé­ résie, tous dépendent, sur cc point, de saint Épiphanc. C'est d'abord saint Augustin, qui avoue, lui aussi, son défaut de renseignements ct ajoute : alia quoque lue­ retIca docere dicuntur et turpia; sed qure illa sint, nec Ipse commemoravit Epiphanias, nec uspiam potui repe­ rire.De Ιιχγ.,ΎΙ, P. L., t. XLit, coi. 32. C’est ensuite l’au­ teur inconnu du Prœdcsfinatus, qui ne fait que trans­ crire saint Augustin,sauf à y ajouter cc détail, d’ail­ leurs invérifiable ct sujet à caution, que cette secte tut condamnée dans un synode d'AchaTc. Pnrdest., 37, P. L., t. lui, col. 598. Beaucoup plus tard enfin, c’est saint Jean Damascene, qui ne fait qu'abré­ ger saint Épiphanc. Hier., i.vm, P. G., t. xav, col. 711. 2° Doctrine ct pratique. — Les sectaires de Bacathis, nous dit saint Epiphanc, étalent d’anciens chrétiens qui avaient fréquenté l’Église, mais qui en furent exclus dès qu'ils eurent la folle de prétendre que la castration est un moyen nécessaire de salut. En effet, ù l'exemple de tant d’autres esprits, fourvoyés sans lumière ct sans guide dans l’interprétation de l’Écriturc, ct préférant leur sens propre à l’explication ecclé­ siastique, ccs sectaires, qui rejetaient InLoict les Pro­ phètes, sc mirent à pratiquer délibérément la castra­ tion sur eux-mêmes ct à l’imposer à leurs adeptes comme le moyen indispensable d’échapper aux tribu­ lations de la chair, de conserver la continence ct de sc sauver. En agissant de la sorte, ils entendaient être par­ faitement d’accord avec le texte évangélique suivant : « Si ta main ou ton pied est pour toi une occasion de chute, coupc-lcs cl les jette loin de toi; il vaut mieux pour toi entrer dans la vie mutilé ou boiteux que d’être jeté, ayant deux pieds ou deux mains, dans le feu éternel. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrachc-lc ct le Jette loin de loi; il vaut mieux pour loi entrer dans la vie avec un seul œil que d'être jeté, ayant deux yeux, dans la géhenne du feu. » Matth., xvin, 8, 9. De ce texte ils rapprochaient cette parole du Sauveur : · Il y a des eunuques de nais­ sance, dès le sein de leur mère ; il y a aussi des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes; cl il y en n qui se sont faits eunuques eux-mêmes à cause du royaume des deux. Que celui qui peut comprendre comprenne. · Matth., xix, 12. Or, Ils estimaient avoir parfaitement compris. Oubliant donc que la lettre lue ct que l'esprit vivifie,ils s’en tinrent au sens litté­ ral sans 30 mettre en peine du sens spirituel, le seul visé parle Christ cl le seul admissible d'après rensei­ gnement de l’Église. Et c'est pourquoi Ils regardèrent la castration volontaire comme une opération abso­ lument Indispensable. Aussi étaient-ils tous άπόχοποι. 77.tr., nvnf, L 2. P. G., t. xlî, col. 1012. Et qui­ conque voulait faire partie de leur secte devait fina­ 1518 lement subir celte mutilation réputée nécessaire: en attendant, il était soumis à un régime alimentaire sévère, qui ne comportait ni la chair des animaux ni aucune espèce de mets excitants;mais une fois initié en devenant eunuque, Il pouvait manger tout cc qui lui plaisait, sans craindre aucune des consequences qui pouvaient en résulter, attendu que, dans cet état, il était désonnais libéré de toute lutte contre la concu­ piscence ct à l’abri de tout danger d'incontinence, n'ayant plus à craindre la perte de la chasteté. Mais ccs sectaires ne se contentaient pas de ce recrutement volontaire; pour augmenter leur nombre, ils recou­ raient à la violence ct mutilaient de vive force tous ceux qui passaient à leur portée ou s'égaraient dans leurs parages. 3° Pé/ulation qu'en fait saint Épiphane. — Π n’y avait pas seulement, chez ccs sectaires, une erreur grossière d’exégèse, qui ne parvint pas à cacher les pires désordres qu'elle servait à couvrir ou auxquels elle devait fatalement conduire, il y avait encore quelque erreur dogmatique, ou nettement avouée ou implicitement contenue; ct elle portail vraisembla­ blement sur la résurrection des corps, tant saint Épi­ phanc insiste à cc sujet. Tous les membres du corps, dit-il, doivent ressusciter sans exception. Or, si l’on nie que quelqu’un de ccs membres doive ressusciter, on nie par là même la résurrection des corps; ou si, comme certains de ccs impies le prétendent, le corps ne doit pas ressusciter, à quoi bon alors tout ce qu’ils disent? JEtc., lviiî. 2, P. G., I. xu, col. 1012. Dans sa réfutation, saint Épiphanc relève d'abord, chez ccs exégètes intempérants et asservis à la lettre, un défaut de logique, ct les accule à l’absurde. S’il faut, dit-il, retrancher en nous le membre qui nous scandalise, il n'y a plus qu'à supprimer tous nos membres, car tous, un jour ou l'autre, nous scandalisent à quelque degré. Il faudrait même s’arracher le cœur, puisque c’est du cœur que nous viennent les mauvaises pensées. D’autre part, ceux qui pratiquent la castration se mettent en dehors de l'humanité, ct l’on ne conçoit pas qu’ils puissent être récompensés au ciel, car lis ne ! peuvent être rangés dans aucune des catégories d’eui nuques dont a parlé le Sauveur, surtout dans la der­ nière, panni ceux qui se font eunuques en vue du royaume des deux. Ceux-ci, en effet, ne sont pas ceux qui pratiquent In mutilation matérielle, mais bien les apôtres, les moines el tous ceux qui observent vrai­ ment la continence par une abstention rigoureuse de tout plaisir charnel, par une vigilance cl une lutte incessantes contre les assauts de la convoitise, cl nulle­ ment par une opération chirurgicale; car se mutiler ou sc faire mutiler, ce n'est point mériter la couronne, c’est attenter à l’œuvre du créateur ct, au lieu de supprimer la cause du péché, c'est s'exposer à des passions plus violentes encore ct non moins désor­ données. Quand saint Paul disait : · Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi,· I Cor., vn, 7, il n'était pas άπόχοπος ct 11 parlait à des hommes qui ne l’étaient pas davantage, puisqu’il ajoute : · S’ils ne peuvent sc contenir, qu’ils sc marient, car il vaut mieux se marier que de brûler. » I Cor., vu, 9. Or le mariage ne saurait convenir à des άκάχοχοι; c'cs donc que l’apôtre entend parler de la continence ctd· la chasteté dans un sens tout spirituel. llar.9 lvih 4. P. G., I. xu, col. 1016. Dans ces quelques mots, saint Épiphanc résunr renseignement et la pratique de l’Église, qui con­ damne la mutilation matérielle et prescrit l'intégrité physique du corps, mais surtout l'intégrité morale, celle de l'esprit cl du cœur, toujours recommandée pai les Pères et si bien formulée par saint Augustin quand il dl! qu'il n’y a que le glaive de l’esprit ct de la parole de Dieu qui puisse séparer l’homme animal de l’homme 1519 EUNUQUES 1520 spirituel, que les eunuques loués dans l’Évangile ne les lois, mais que celui qui la pratiquait sur lui-même était regardé comme Infâme. sont autres que ceux que la grâce divine a formés, ct 4° Jurisprudence canonique. —' L'Église, impuis­ que In gardienne de la chasteté, c’est la charité, sante à supprimer radicalement une telle plaie, voulut fondée sur l’humilité : pio proposito continentes, corpus usque ad contemptas nuptias castigantes, seipsos au moins en préserver ses membres ct assurer un recrutement ecclésiastique digne de tout respect. non m corpore sed in ipsa concupiscentiœ radice ca­ strantes. De virginitate, 24. Non custodit bonum virgi­ C'est pourquoi, dans son premier concile œcuménique, à Nicée, en 325, elle porta le canon suivant : nale nisi Deus ipse qui dedit, ct Deus caritas est. Custos ergo virginitatis cantas; locus autem hujus custodis, Si quelqu’un a été fail Et τις έν νόσω ύπδ ια­ humitifas. Ibid., 52. De viribus vestris expertes cavete, τρών εχειρουργήΟη, ή ύπδ eunuque ou par des chirur­ ne, quia ferre aliquid potuistis, inflemini; de inexpertis βαρβάρων έξετμήΟη, ούτως giens en maladie,ou pardes autem orate, ne supra quam potestis ferre lentemini. barbarcs,qu*i! dcnicurcdans μενέτο έν τώ κλήρω. El Ibid.. 53, A L.. i. . coL 409, 426, 127. δέ τις ύγι αίνων έαυτδν ιξέ- le clergé. Mais celui qui. En Orient, la racc des eunuques était une plaie τεμε, τούτον καί έν τώ étant en santé, s’est mutilé soci de; elle n’était que trop représentée à la cour. κλήρω εξεταζόμενου πεπαΰ- lui-même,doit être Interdit, Les Pères ne pouvaient que la déplorer ct la condamner. σΰαι προσήκει, και έχ τοΟ s’il se trouve dans le clergé; Le pseudo-Basile reprochait à ces mutilés non seule­ δεΟρο μήδενα των τοιούτων et, désonnais.on ne doit en ment de perdre la liberté et le mérite de la chasteté promouvoir aucun. χρήναι προάγεσΟαι. Can. 1. en déshonorant l’œuvre du créateur, mais encore ct surtout de laisser subsister les passions sensuelles ct Ce canon, Lauchcrt, Die Kanonen der ivicidigsten la concupiscence qui en est la source, d’être d’autant altkirddichcn Concilien, Fribourg-cn-Iîrisgau, 1896, plus incontinents d’esprit ct de volonté qu’ils y étaient p. 37, distingue deux cas, celui de la castration néces­ moins aptes physiologiquement ct d’autant plus es­ sitée par la maladie ou subie par la force, el celui de la claves de la volupté qu’ils s’y livraient plus impuné­ castration volontaire; dans le premier cas, il n'y a pas ment et plus Ignominieusement. De vera virginitatis de sanction pénale; dans le second, il y a interdiction integritate, 61, P. G., t. xxx, col. 793. Or. par leur pour les membres du clergé. Mais, en outre, ce canon influence funeste sur l’esprit de l’empereur, les eu­ décide que la castration, quelle qu’en soit la cause, nuques de la cour de Constance s'étaient mêlés des constituera pour les fidèles un cas d'irrégularité qui les questions religieuses : partisans plus ou moins avérés empêchera d’être promus aux ordres. Était-ce là de l’erreur arienne, ils étaient les ennemis déclarés un décret motivé par la secte des valésiens? C’est pos­ de la divinité du Fils de Dieu, dont ils ne voulaient sible, mais rien ne le dit. Il est plutôt à croire que le pas entendre parler, parce que, selon la remarque concile a voulu désonnais fermer l’accès de la cléride saint Athanasc, ils étaient réduits, autant par cature aux eunuques, surtout volontaires, à raison nature que par volonté, à une complète stérilité de certains faits précis, dont deux au moins nous morale : το παράδοξον τής επιβουλής τοΰτό εστιν, οτ: ή sont connus, qui n'avaient pas été sans soulever άρειανή αΐρισις άρνουμένη τδν Πδντου Θεού,έξ ευνούχων quelque scandale. Le premier de ccs faits, celui d’OriΙχι< την βοήθειαν, οϊτινες, ώς τη φύσει, ούτως κατά την ψυ­ gène, datait de plus d'un siècle. Tout jeune encore, le χήν αρετής άγονοι τυγχάνοντας, ού φέρουσιν άχούειν δλως catéchiste d’Alexandrie, chargé de l'instruction reli­ περί Πού. Hist, arian. ad monachos, 38, P. G., t. xxv, gieuse des hommes ct des femmes, s’était mutilé tant coi. 737. C’est à ccs γυναεχώδεες, έν άνδράσιν άνανδρους, pour accomplir à la lettre la parole du Sauveur έμφιββλους το γένος, comme illos caractérise, que saint que pour ôter aux païens tout prétexte de suspecter Grégoire de Nazlanze attribuait toutes les violences de sa chasteté. Son acte bientôt connu ne lui attira pas l’empereur contre les défenseurs de la fol de Nicéc. d'abord la disgrâce de son évêque, Démétrius, qui Oral., xxi, 21, P. G., t. xxxv, col. 1105. Devant l'encouragea au contraire à remplir avec plus de zèle ce mal endémique et autrement redoutable, au point ses délicates fonctions; mais peu après, quand Théode vue social cl moral, que l’existence d’une secte ctistc de Césaréc et Alexandre de Jérusalem, saiu religieuse d'eunuques perdue dans un coin de l’Arabie, tenir compte de l'acte d'Origène, élevèrent celui-ci à peut-être Ignorée ct d'ailleurs peu menaçante à cette la prêtrise, Démétrius Incrimina l'ordination faite par époque de luttes doctrinales, on comprend que les ses collègues, en dénonçant comme un scandale l’acte Pères, adversaires résolus de la castration, aient fait de jeunesse de son diocésain, qu’il avait autrefois entendre une protestation indignée contre les eunuques admiré. Eusèbe, H. E.,x, 8. P. G., t. xx, col. 536-537. de cour transformés en brandons de discorde religieuse Huet a cru qu'Origène, en agissant comme il l’avait cl en persécuteurs. Sans doute il y avait les lois impé­ fait, avait été poussé parles Valésiens ; ce n’est là qu’une riales qui interdisaient sévèrement la mutilation. Au hypothèse assez invraisemblable, car rien ne prouve dire de Suétone, Domitlcn avait défendu la castration : que ccs sectaires existassent déjà à cette époque. Castrari marcs vetuit, Domitianus, 7, ct Duguet ajoute Quant à Origène, lorsque, plus tard, il reconnut son qu'Hadrien fut encore plus sévère : Medico quidem erreur, en décrivant les incommodités ct l'inutilité qui exciderit, capitale erit; item ipsi, qui sc sponte d'un remède qui porte le désordre dans le corps sans excidendum præbuit. Conférences ecclésiastiques, diss. procurer à l'âme ni le repos ni la tranquillité. In LJ, Cologne, 1742, L n, p. 287. Elles furent meme Maith., torn, xv, 3, P. G., t. xiu.col. 1257 sq., il blâme observées pendant un certain temps puisque, énergiquement ceux qui entendent le passage évan­ d’après saint Justin, Apol. i, 29, P. G., t. vî, col. 373, gélique dans un sens purement littéral et ne dit pas les médecins d’Alexandrie refusèrent de prêter leur un mot des valésiens. Le second fait était tout récent. concours à un jeune chrétien qui, pour prouver aux Léonce, prêtre d’Antioche, qui, une fois passé à l'aria­ nisme, devait, en dépit des canons, s'asseoir et mourir païens que rien d’obscène ou d’impudique ne sc passait sur le siège d’Antloche, avait reçu défense de cohabiter dans les assemblées chrétiennes, avait présenté une avec une Jeune fille, du nom d’Eustolie, à cause du requête au préfet Félix dans le but de sc faire faire scandale qu’il donnait. Or, pour continuer à vivre li­ eunuque. Mais, en Orient, elles finirent par tomber en brement avec elle, 11 sc fit eunuque, sans réussir tou­ désuétude. U n’en est pas moins vrai, comme le re­ tefois à écarter tout soupçon. Mais son évêque marque saint Jérôme, tn Gal., 1. Ill, c. v, 12, P. L., Eustathe le déposa. Socrate, H. E., n, 26, P. G., t xxvi, col. 405. que cette funeste habitude passait t. lxvii, col. 269; Théodorct, H. E., n. 19, p. G., pour tellement détestable que non seulement celui t. lxxxü, col. 1057. La preuve qu'il avait prétendu qui pratiquait la castration sur autrui était puni par 1521 EUNUQUES — EUPHRATES LE PÉRATIQUE 1522 donner de sa continence, observe saint Athanasc, I à connaître la nécessité de la génération et les voles De fuga, 26, P. G., t. xxv, col. 677, en fut une de son par lesquelles l'homme vient en ce monde; seuls dérèglement; il avait préféré se séparer de son propre nous pouvons franchir ct traverser la corruption, corps plutôt que de sa compagne, ct il fit, pour conti­ περάσχι την φθοράν μό.οι δυνάμεθα. · Philosoph., I. V, nuer le scandale, ce que ΓÉvangile conseille (spirituel­ 16, édit. Cruicc, Paris, 1860, p. 199. Ce ne serait donc lement) pour le faire cesser. Et c'est très vraisembla­ pas d’un nom de lieu qu’ils tireraient leur nom, mais blement à cause de ce fait tout récent, à l’époque leur nom viendrait plutôt du verbe πεοτω, traverser, de la tenue du concile, que les Pères de Nicée, dans le ct signifierait proprement · ceux qui traversent >. Ils but d'éviter désormais parmi les membres du clergé auraient pu tout aussi bien s'appeler ol ^ροάστειοι ϊως le retour de pareils scandales, portèrent le canon cité οίθέοος, comme le porte le titre d’un de leurs plus haut. De semblables dispositions sont prises dans livres, Philosoph., V, n, 14, p. 197; car ils se regar­ les Canons apostoliques, avec cette différence que le daient comme des êtres transcendants, supérieurs 1 canon 21 consent à la promotion de celui qui est eu­ tous les hommes, d’origine céleste, ct seuls a même nuque de naissance ou qui l'est devenu soit par la d'être exaltés jusqu’aux astres, de monter aux deux violence des hommes, soit comme victime de la persé­ ! ou d’être sauvés. Deux de leurs chefs nous sont cution, à la condition qu'il en soit digne par ailleurs, et connus, Euphratès, toujours nommé en première que le canon 22 l’interdit absolument pour celui qui ligne, ct Acembès ou Kelbès; ct ccs chefs doivent s'est mutilé lui-même : ό άκρωτηρίασας έαντδν μη sans doute être les auteurs de leurs livres sacrés, γινέσΟω κληρικός’ αύτοφονευτής γάρ ίστιν έαυτον καί τής ils en possédaient plusieurs; mais c’est tout ce que nous savons d'eux, aucun héréséologue de l'époque, τού θεού δημιουργίας εχθρός· Lauclicrt, op. cit., p. 3. ni saint Irénée, ni Tcrtullicn, ni plus tard saint S. Éplphane, Hirr., Lvin, P. G., t. xli, col. 1009-1016; Éplphane, n'en ayant parlé, ct l’auteur des PhilosoTillcinont, Mémoires pour servir à Γ histoire ecclésiastique phoumena s'étant borné simplement à rappeler leurs des six premiers siècles, Paris, 1701-1709, t. ni, p. 262; noms. Daguet, Confèrences ecclésiastiques, Cologne, 1742, t. Il, 2° La secte des pérates. — C’est le nom donné aux p. 283-288; Mlgnc, Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, disciples d’Euphratès, qui formèrent un parti distinct 1.1,col.684-686; Hcfelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, i panni les ophites, sans avoir joué un rôle bien mar­ P.iris, 1907, t. i. p. 528-532. quant ni exercé une grande influence. Leur doctrine G. Baheille. EUPHRATÈS LE PÉRATIQUE. — L Le chef seule nous intéresse. Elle est assez longuement exposée, mais avec peu de clarté. L’auteur des Philosophoumena des pérates. II. Sa doctrine. n’hésite pas à la qualifier d'hérétique sans montrer J. Le chef des pérates. — 1° L’homme. — Eu· bien en quoi consiste précisément leur hérésie. Il phratès le Pératique est un personnage dont 'exis­ y voit surtout un abus arbitraire de l'astrologie chaltence n'est attestée que par Origènc, l'auteur des daïque et un système gnostique caractérisé par la Philosophoumcna, et Théodoret, qui dépend unique­ prépondérance du rôle donné au serpent. 11 n’a pas ment des Philosophoumcna. Origènc n'en parle qu'en aperçu, croyons-nous, ce qu’elle parait bien être au passant ct par ouï-dire comme d'un chef des ophites. fond, à savoir l’enseignement ésotérique d’une société Ccs impies, dit-il, comme s’ils étaient eux-mêmes des secrète ù fausses prétentions chrétiennes, mais serpents et non des hommes, sc glorifient du nom adonnée en réalité aux pires pratiques. 11 s’est d'ôyiavol, emprunté & la bête la plus ennemie des laissé prendre ù l'appareil pseudo-scientifique dont hommes ct la plus horrible, ct vantent tant qu’ils elle s'enveloppait, ct qui n’était qu’un trompe-l’œil peuvent un certain Euphratès, dont ils ont reçu leur pour masquer aux profanes ce qui en constituait doctrine impie. » Contra Celsum, vî, 28, P. G., t. xi, l’obscénité. Du reste, lu longue citation qu’il emprunte col. 1337. Sans entrer davantage dans le moindre dé­ tail biographique, l’auteur des Philosophoumcna se à l'un de leurs livres déjà signalé n’est qu'une allusion à peine voilée aux divers phénomènes ct aux diverses contente de donner Λ Euphratès le surnom de péracirconstances de lu génération, où intcrv'icnncnt les tique, ό περατικός, et d'en faire le chef d'une secte noms de personnages, empruntés pour la plupart ophite, celle des pérates, ol περίται, ou pératiques à la mythologie de la Grèce et de l’Égypte, ainsi que ή ί'ρεσις περατική. Cette secte, d’après Clément quelques noms hébreux. C'est qu’à propos des vrais d'Alexandrie, Slrom., VII, 17, P. G., t. ix, col. 555, astres du ciel, les pérates imaginaient un écoulement tirerait son nom d’un nom de lieu, άπδ του τόπου, celui sans doute de son origine ou de son action; mais on ou une émanation qui determine ici-bas les phéno­ mènes de la vie, plus particulièrement celui de la ignore l’endroit précis désigné par un tel vocable au transmission de la vie; et c’est surtout aux actes ou 11e siècle. Cette expression géographique assez vague aux états physiologiques, simultanés ou successifs, pourrait bien n'êtrc employée que pour marquer des sectaires venus de l’Orient, de l'au-delà, πίρχν; car de la transmission de la vie humaine qu'ils donnaient le nom de divers astres, supposant à ceux-ci une in­ on qualifiait de pératique soit la gomme, soit l’encens, fluence décisive dans le sens du bien ou du mal. qui provenaient de l’Arabie, de la Médio de la Babylo­ Et amalgamant à ces Images quelques données nie ou de l'Inde. Bunsen, Hippolytus und seine Zeit, bibliques, ils prétendaient être les seuls capables Leipzig, 1852, a conjecturé qu'Euphratès était del’Eude traverser indemnes les eaux de la corrupi ion. béc, tout comme son compagnon, Λν.μΛής, ’ \δ-’μ-4ςοιι Gnostiques par leur théorie de l’émanation ophites K celui-ci, en effet, est toujours qualifié de Capar le rôle qu’ils prêtent au serpent, les pérates appli­ rystien, i ζχρύστιος, ct son nom est toujours accolé à quaient à l'ensemble du monde un proc ssus sem­ celui d’Euphratès. Or, le titre de Catysticn désigne blable aux phénomènes physiologiques qu’ils attri­ évidemment un homme originaire ou habitant de la buaient. d’après la science de leur temps.à l’économie ville de Carystios, située dans ï’île d’Eubéc; celui de humaine. Les citations bibliques ou évangéliques pératique désignerait donc, sans autre précision topo­ qu’ils faisaient intervenir ne doivent pas faire illu­ graphique, un homme de la meme Île, puisqu’on sion; et s’ils parlent de triade ct de sauveur, il n'y a là appelait souvent l’Eubéc rt π<ραν; d'où le nom de ses rien de spécifiquement chrétien. Le point central et disciples : les pérates ou pératiques, c'est-à-dire ceux le fond de leur système, c'est l'exaltation du sens de l’au-delà. II n'y a à cette hypothèse ingénieuse qu'un inconvénient, c'est qu'elle ne cadre nullement génésique; ct leur secte n’a été qu'une secte occulte abominable. avec l'explication que ccs sectaires donnaient de leur doctrine. « Nous sommes les seuls, prétendaient-ils. IL Dochunk. — 1° Rôle du serpent. — Etant les 1523 EUPHRATES LE PER.λ Tl QUE seuls A échapper aux eaux de la corruption, c’est-à-dire de h mort, parce qu'ils connaissent tout ce qui a trait À l.i génération, voici comment ils s'expliquent dans leur langage d'initiés. « La mort, disent-ils, est celle qui saisit les Égyptiens dans la mer Bouge avec leurs armes- Mais tous les ignorants sont des Égyptiens. Or. sortir de l’Égypte, c’est sortir du corps, car le corps est une petite Egypte; ct traverser la nier Bouge, r'est traverser l'eau de la corruption qui est Cronos; else trouver de l'autre côté de la mer Bouge, c’est sc trouver de l'autre côté de la génération (en être le résultat); ct aller dans le désert, c’est sc trouver hors de la génération ( être un homme fait), où sont ensem­ ble tous les dieux de la perdition ct le dieu du salut, I-cs dieux de la perdition, ce sont les astres qui Im­ posent aux êtres la nécessité de la génération sujette eu changement des formes. Ce sont ceux que Moïse appelait serpents du désert, mordant ct corrompant ceux qui croyaient avoir traversé la mer Bouge. Motie fit donc voir aux enfants d'Israël, qui avaient été mordus dans le désert, le serpent véritable ct parfait. Ceux qui avalent foi dans ce serpent n'étaient pas mordus dans le désert, c’est-à-dire par les puis­ sances. Personne donc, disent-ils, n'est capable de sauver ct de délivrer ceux qui sortent de la terre d’Égypte, autrement dit du corps ct de ce monde, exe pté seulement ce serpent, parfait en toute pléni­ tude. Celui qui espère en lui ne sera pas empoisonné par les serpents du désert, c’est-à-dire par les dieux de la génération. C'est écrit dans le livre de Moïse. Ce serpent, c'est la puissance qui accompagnait Moïse, la verge qui se changeait en serpent. Or, les serpents des mages, les dieux de la perdition luttèrent contre la puissance de Moïse en Égypte; mais la verge de Moïse les soumit ct les corrompit tous. Ce serpent universel, c’est la sage raison d’Èvc, le mystère de I Édcn.lc fictive qui sort de l’Édcn.lc signe placé sur Caïn. C'est Caïn, dont le dieu de ce monde n’a pas agréé le sacrifice, tandis qu’il reçut le sanglant sacri­ fice d'Abel, car le maître de ce monde sc plaît dans le sang. C'est celui qui parut dans les derniers jours, sous forme d'homme, du temps d’Hérode. Il fut à l image de Joseph, celui qui fut vendu par scs frères, ct qui seul portait un vêtement de diverses couleurs. 11 fut à l'image d'ÉsaQ, dont lu robe fut bénie, bien qu'il fût absent... De la meme manière que Moïse éleva le serpent dans lcdcsrrt.ll faut qu’ainsl le Fils de l’homme soit élevé. A son image fut le serpent d’airain dans le désert, celui que Moïse éleva. De lui seul l’image est perpétuellement en vue dans le ciel, par l’effet de sa propre lumière. C’est de lui qu’il est dit : · Au common- I • rement était le Verbe, ct le Verbe était en Dieu, ct le • Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. •Tout par lui a été fait, et sans lui rien de ce qui existe • n’a été fait. En lui était la vie. · Or, en lui, disaient-ils, Eve existe, Ève-vie. Èvc elle-même est la mère de tous es vivants, la commune nature, à savoir, des dieux, des anges, des immortels, des mortels, des êtres sans raison ct des êtres doués de raison; car qui dit tous parle absolument de tout. Si quelqu’un a les yeux affermis par le bonheur, celui-là pourra voir, en éle­ vant scs regards vers le ciel, une belle image du seqicnt dans ce grand principe qu'est le ciel. Elle tournoie ct est le principe de tout mouvement pour tousles êtres existants. Alors il reconnaîtra que sans lui rien ne subsiste, ni dans les choses terrestres, ni dans les choses célestes, ni dans les souterraines, ni la nuit, ni la lune, ni le. fruits, ni la général Ion, ni l'abondance (gros*evw), ni le voyage (enfantement), ni absolument aucun des êtres n'est autrement qM’ll ne le prescrit. Cest en cela qu< consiste le grand prodige aperçu dent le del par ceux qui ont la force de voir. > PhlIfft&ph. V, n, 16, p· 2î)0-2nX On devine plutôt qu’on 1524 ne voit clairement ce qui se cache sous cet le idéologie bizarre en apparence; car tout cela, pour des initiés aux m}’stères de la secte, avait une signification précise, celle de choses qu’on ne dit pas publiquement. 2e Genèse. — D’après les pér.dcs, continue l’auteur des Philosophoumcna, « le tout est Père, Fils ct Ma­ tière; et chacun des trois possède en lui-même des puissances infinies. Celui qui s’interpose entre la Ma­ tière ct le Père, c’est le Fils, le Ix>gos, le Serpent, qui sc meut toujours vers le Père immobile ct vers la Matière en mouvement. Tantôt il sc tourne vers le Père ct il reçoit de lui les puissances sur sa propre face; puis il sc tourne vers la Matière qui, étant privée de toute qualité ct de toute tonne, exprime en ellemême les idées en vertu du Fils, que le Fils exprime en lui-même en vertu du Père. Or, Je Fils exprime en vertu du Père d'une manière mystérieuse, ineffable ct constante, de la manière que, suivant le dire de Moïse, les couleurs des agneaux découlaient des baguettes placées autour des abreuvoirs; de même, à leur tour, les puissances découlent dans la Matière en vertu du Fils, selon la conception de la puissance, qui passait des baguettes dans les agneaux. Or, la différence des couleurs ct la dissemblance qui découlait des ba­ guettes à travers les eaux dans les brebis, c'est, disentils, la différence de la génération corruptible et incor­ ruptible· Et mieux, comme un peintre, sans rien enle­ ver à scs modèles, transporte toutes les idées sur la toile en les traçant avec son pinceau, ainsi le Fils, par sa propre puissance, transporte du Père à la ma­ tière les caractères paternels... Si quelqu’un, disentils, vient à sc persuader qu'il est le sceau du Père transporté d'en haut ici-bas, ct incarné, comme par la conception qui provient de la verge, il devient blanc, complètement égal au Père par la nature, et il retourne au ciel. SI, au contraire, cette doctrine lui échappe, cl s’il ne reconnaît pas la nécessité de la génération,alors comme un avorton engendré dans la nuit, il périt dans la nuit. Quand le Sauveur dit : * Votre Père qui est aux deux, » il parle de celui dont le Fils a reçu les caractères cl les a transportés ici-bas. Mais quand il dit :« Votre Père est homicide dès le commence­ ment, » il parle du maître ct de l’ouvrier de la ma­ tière qui, ayant reçu les caractères transmis par le Fils, les a engendrés ici-bas, cl est homicide dès le commencement, car, par son œuvre, U produit la cor­ ruption et la mort. Personne donc ne peut se sauver, ni s’élever au ciel sans le Fils; or le Fils, c’est le serpent. De même, en effet, que le Fils a fait descendre d'en haut les caractères du Père, de même il fait re­ monter d’ici ceux qui ont été réveillés ct sont devenus les caractères paternels, selon cette parole : ■ Je suis la porte. » Philosophy V, n. 17, p. 204-207. Ici Intervient une comparaison empruntée aux phénomènes physiques de l'attraction : celle de la naphte qui attire le feu, de l’aimant qui attire le fer, de l'épcrvlcr de mer qui attire l’or, do l’ambre qui attire la paille. Et l'on conclut : de même l’image parfaite et la race consubstantielle, ct rien autre, est de nouveau attirée par le serpent hors du monde, comme elle y avait été introduite par lui. Enfin, une dernière comparaison est empruntée à l'anatomie physiologique, telle que la concevaient les anciens; ct les pérates l'appliquent à l’ensemble du monde Ils assimilent, en effet, l’encéphale de l’homme nu Père, à raison de son Immobilité, et le cervelet nu I Fils, parce que le cervelet est mis en mouvement cl qu'il a la forme d’un serpent. Le File-serpent, ainsi comparé au cervelet, attire à sol par la glande pinéalc, 1 d’une manière Indicible ct sans laisser de trace, la substance pneumatique cl génératrice qui découle , de la voûte supérieure du crâne. Et de meme que le Fils transmet les Idées ou caractères paternels à La 1525 EUPHRATES LE PÉRATIQUE — EUSÈBE D’ALEXANDRIE matière, de même du ccrxclct découlent à traven la moelle épinière les semences cl les éléments des I êtres qui sont engendrés charnellement. 3° Rien de chrétien. — On trouve bien dans la doc­ trine des pérates des expressions empruntées au christianisme,comme celles de Père, de Fils,de Christ, de Sauveur; mais clics sont vides de tout sens chré­ tien. Étant donné le caractère ésotérique de ccl ensei­ gnement ct l'occultisme de la secte, de telles expres­ sions ne pouvaient servir qu'à tromper les simples et ft donner le change. Le monde est un, disaient les pérates, mais divisé en trois; ct le principe de cette division est comme une grande source que la raison peut diviser en d'innombrables segments. Le premier de ccs segments est une triade, τριάζ, composée du bien pariait, de la grandeur paternelle, inengendré, άγέννητον, et c’esOle Père; le second est le bien qui s'engendre lui-même, αύτογινές, ct c'est le Fils; le troisième est sensible, cUtxôv, et engendré, γεννητόν» ct c’est la matière. Et ils concluaient, sans qu’on voie comment, qu’il y a trois dieux, trois logos, trois esprits, trois hommes; car à chaque partie du monde, une fois la division opérée, Ils attribuaient des dieux, des logos, des esprits, des hommes ct le reste. Philo­ sophy V, π, 12, p. 185-187. Le monde de la matière ou des formes est bien déclaré ygvvqrév, mais on en fait l’un des trois éléments de la triade; le dogme de la création est ainsi escamoté. L'idée de chute est passée sous silence; ct si l'on retient l'idée de salut, on la fait consister, comme dans les autres systèmes gnostiques, dans le salut de tout cc que le Fils a fait descendre du Père ici-bas. Le Christ lui-même est sans doute le Fils, mais on le proclame un homme composé d'une nature, d’un corps ct d'une puissance triples, τριφυή, τρισώματον, τρίο>ναμο··». Cc Christ sau­ veur ne meurt pas : il sc contente de faire remonter vers son Père tout cc qui est descendu sur la terre, tout cc qu'il n fait descendre lui-même. Et s’il est question de l'abandon ct de la punition de ceux qui ont tendu des embûches, il ne peut s'agir que de ceux qu'on appelait ailleurs des hyliques. Tout cela pour retenir quelques semblants d’idées chrétiennes, sauf ft les dénaturer complètement ct à leur donner la marque gnostique; car la vraie pensée des pérates est ailleurs, dans leur théorie du serpent, qui les classe parmi les ophites. En identifiant le serpent avec la raison d’Èvc, avec Caïn, ils se rapprochent des gnostiques qui sc servaient de l'Évangllc d Èvc, ct des caïnitcs antinornistes; en l'identifiant avec le Christ, ils laissent entrevoir plutôt qu’ils ne montrent l’impiété blasphématoire ct obscène qui est au fond de la plupart des sociétés secrètes. Philosophoumena. IV, i, 2; V, n, 12-17; X, n, 10, édit. Cnilcc, Purls, I860, p. 54, 185-208, 481-842; Clément d’Aîcxnndric. Sfrom,, VU, 17, P. G., t. ix, col. 553; Origène. Contra Celsum, vi, 28,1». G„ t. xi, col. 1337; Théodo­ re!, Ilæret. /ab., i, 17, P. 6’., t. lxxxiii, col. 368-369· Wetzcr ct Welte Dictionnaire de théologie catholique, trnd. Goschlcr, Paris, 1863; Smith ct Wucc, Dictionary o/ chridian biogra­ phy, Londres, 1877-1887; U. Chevalier, Répertoire. Uiobibliographle, Paris, 1905,1.1, col. 1408. G. BA BEI LEE. 1. EUSÈBE (Saint), pape, fut élu pour succéder ft Marcel sur le siège de saint Pierre, lorsque celui-ci fut éloigné de Borne par ordre de Maxcncc,comme res­ ponsable des désordres suscités par les apostats romr.ins qui voulaient rentrer dans l’Église sans péni­ tence. La date de son nvènement est incertaine, 309 ou 310, car l'historien Eusèbe ct l’auteur du Liber ponti­ ficali* ne s'accordent pas sur la durée de son règne. D'après l'épitaphe que, longtemps après, lui consacra Damasc, le parti hostile ft la pénitence lui opposa un compétiteur, lïéraclius. C’était un schisme : les tr< iibles recommencèrent. Au bout de quatre mois, la 1526 police intervint de nouveau, arrêta les deux chefs ct les chassa de Borne. Eusèbe, interné en Sicile,y mou­ rut peu après, sans doute le 26 septembre 310, jour indiqué dans les martyrologes. Duchesne, Liber pontificalis, t. i, p. 167: Jaffé, Reg. pont, rom., 1'· édit., p 12; 2* étlit» p. 26;, ct on est donc en droit de chercher notre auteur panni les Eusèbe qui ont écrit sans être évê­ ques, ce (pii est le cas de certain hérésiarque d’Édcsse ct de l'auteur syrien du Livre des degrés, en ccurs d'édition dans la Palrologia syriaca, t. iv. Le ton de l’ouvrage dénote aussi une composition palesti­ nienne (ou syrienne) plutôt qu'alexandrine; il y a de nombreux points de contact avec les Constitutions 1527 EUSÈBE D’ALEXANDRIE — EUSÈBE DE CÉSARÉE 1528 apostoliques qui sont d'origine syrienne, ct on sait peu heureuse, sur les affaires ecclésiastiques. Coniesscur très convaincu de la foi chrétienne, historien maintenant qu'Eusèbe n'a Jamais été en relation d'une érudition sans égale sur les premiers siècles de avec Macaire d’Alexandrie, puisque nous avons l’Égiise, Eusèbe manqua, pour son malheur, des deux montré que la phrase de deux mauvais manuscrits : qualités qui furent la gloire d’un Athanasc, La pro­ « Questions de Macaire d’Alexandrie au grand Eusèbe, » fondeur de la spéculation théologique et la fermeté de est («rite,dans tous les autres manuscritsQuestions caractère à l'égard du pouvoir civil devenu chrétien. du bienheureux Alexandre au grand Eusèbe, · Hevue Il ne comprit jamais toute la portée de la doctrine du de ΓOrient chrétien (1908), t. xiti, p. 410-413; nous Logos, toujours prêt à voir dans Vhomoousie un retour avons donc une certaine latitude qui nous permet de au modalisme de Sabellius. Voir t. i, col. 1781, 1782. chercher notre Eusèbe vers la Svrie(ct non en Égypte), Au concile de Nicéc (325), il parut à la tête du tiers parmi les auteurs qui n'étaient pas évêques, mais parti, à égale distance d'Arius ct de saint Athanasc, H n'est pas possible, pour l'instant,d'arriver à le déter­ ct proposa un symbole d’accommodement. Voir L i, miner avec certitude. Si nous remarquons d'ailleurs col. 1794-1796. Mais Fcmpcrcur Constantin s'étant qu’un certain Jean le Notaire sc donne comme l’auteur déclaré contre Arius, Eusèbe sc résigna à souscrire le de la biographie d’Eusèbe d’Alexandrie, il nous symbole du concile, proclamant la consubstantialité semble possible que ce Jean le Notaire ait composé du Verbe avec le Père. Voir L i, col. 1797. Jamais, la didascalic ct ait imaginé le nom d’Eusèbe, déjà célèbre par ailleurs, pour lui donner crédit. L'ordre du cependant, il n’adopta dans scs écrits le terme d’ôpomanuscrit unique, édité par Mai, n'a pas été conservé ούσιος; Jamais il ne se sépara des partisans d'Arius, par l'éditeur, ct le manuscrit lui-même avait déjà ct peut-être ne fut-il pas étranger au revirement qui bouleversé l’ordre primitif, puisqu'il plaçait le com­ sc fit dans la politique de Constantin, ni aux mesures mencement de la biographie après sa fin. de rigueur contre les tenants de la fol de Nicéc. Voir Voici donc,en somme,comment on peut, pour l'ins­ t. i, col. 1800-1802. Il prit part au synode d*Antioche tant, sc représenter la genèse de l'ouvrage : Un auteur (330) qui déposa l’évêque de cette ville, saint Eustadu v· au vi* siècle, Jean le Notaire, a imaginé qu’un the, l’un des plus vigoureux adversaires de l’aria­ certain Eusèbe devenait évêque d’Alexandrie (pre­ nisme, ct dix ans plus tard, au synode de Tyr (335) mière partie de la biographie); il a suppose ensuite qui prononça une semblable sentence contre le chef qu’un laïque, nommé Alexandre, venait le consulter des orthodoxes, saint Athanasc. Voir t. i, col. 1802, sur divers points de dogme ct de morale et il nous a 1803-180-1. Il mourut l'an 340. 11 a été un historien, exposé scs propres xnies sous le nom d’Eusèbe (i, n, un apologiste ct un exégète; il ne fut pas un théolo­ IV, VJ, VII, VIH, X, XVI, XXII ct peut-être III, v, IX). gien original ct profond.Scs idées dogmatiques ne sont Après cela, Il a raconté la mort d’Eusèbe ct l'introni­ pas claires. Il dépend d'Origène ct penche vers une sation d'Alexandre comme son successeur (fin de la sorte de subordinatianisme, qui fait de Jésus un biographie) cl il termine par : < Tels sont les discours second Dieu, dépendant du Père, une créature de du bienheureux Eusèbe, tels scs mérites ct scs com­ Dieu, formée de toute éternité par la volonté du Père. bats. Il a dit tout cela en réponse aux interroga­ Il tient aussi le Saint-Esprit pour une créature du Fils. tions d’Alexandre.Ce qu’il a dit à l’Égiise, nous l'avons déjà écrit en un livre. Son ouvrage sur la discipline IL Œuvres. — 1° Historiques. — Les ouvrages monastique est à part... » Il n'y aurait donc plus Heu d’Eusèbe formaient une véritable encyclopédie sacrée; mais c'est par scs travaux historiques qu’il rendit de chercher Eusèbe d'Alexandrie ct l'ouvrage pseudéplgraphiquc, édité Jusqu’ici sous son nom, recevrait I d'éminents services; la Chronique et V Histoire cccléle nouveau titre suivant : La didascalic de Jean le sastique lui méritèrent le titre d’ «Hérodote chrétien· Notaire, attribuée par tui au pseudo-Eusèbe (ΓAlexan­ ct de « Père de l'histoire ecclésiastique ». L’Histoire drie, Cette didascalic a d’ailleurs été interpolée plus ecclésiastique d’Eusèbe a été traduite en latin par Bu fin. tard, comme nous l'avons dit, d’un certain nombre On en a aussi une version syriaque ct une version ar­ d'homélies. L'activité de Jean le Notaire, d’après la ménienne. La Chronique, P, G.,t. xix, παντοδαπη Ιστορία finale citée plus haut, ne s’est même pas bornée à selon le litre criglnal.se divise en deux parties,la Chro~ nographie, qui résume l’histoire de chaque peuple la présente didascalic, mais il a encore composé au moins deux autres ouvrages sous le nom d’Eusèbe. d’après scs monuments propres, ct le Canon des temps, rapprochement synchronique de ces histoires parti­ J. C.Thiîo,Uchr die Schrijtcn des Eusebius eon Alexanculières. Cet essai d’histoire universelle a exercé sur dr(rn,}lu 1832, édite quatre homélies; A. Mai, Spkilcles historiens postérieurs une influence incalculable. çhttn roman um, Home, 1843, t. ix, p. 1-28, 652-713; Nooa Saint Jérôme le mit à la portée de l'Occidcnt par sa Pidrum biblifdhcca, Home, 1844, t. il, p. 499-528; Mlgnc version de la seconde partie de la Chronique, avec und reproduit l'édition d»' Mol, P. G., t. lxxxvj, col. 287-162; continuation de l'an 325 à l'an 379. La première partie F. Nau, Noter sur diverses homélies pseudèplgraphiques nous est connue par une version arménienne. Du texte rt tur 1« « crut rrs attribuées d Eusèbe d* Alexandrie, dans la grec de l'ouvrage, il ne subsiste que des fragments. faut de r Orient chrétien (1908), t. xni, p. 406-434. L'Histoire ecclésiastique, dans la lr· édition, retraçait F. Nau. en neuf livres les fastes de l’Égiise,de la naissance de 3. EUSÈBE DE CÉSARÉE. -1. Vie. II. Œuvres. 1. Vie. — Né en Palestine vers l’an 265, Eusèbe Jésus-Christ à la double victoire de Constantin sur Maxcncc(312) el de Licinius sur Maximin (313). Eusèbe étudia aux écoles chrétiennes de Césaréc, sous le savant prêtre Pamphile. Le maître ct le disciple se y joignit par manière d’appendice un I. X, qui va Jus­ qu’à la victoire de Constantin sur Licinius (323) ct la fièrent d’une étroite amitié : Eusèbe tint à honneur de réunion de tout l’empire sous le sceptre du vainqueur. jt Indre le nom de Pamphile au sien; durant la persé­ cution de Maximin, il le suivit, prisonnier volontaire, Ce n’est nullement un récit complet avec la juste pro­ portion des épisodes ct l’cnchainemcnt logique des an tond des cachots. C*· si là qu'ils composèrent en­ semble Γ Apologie d'Origène. Après le martyre de P;un- événements; nous y avons.cn revanche, dans toute la phBe(3O9j. Eusèbe se réfugia à Tyr, puis en Égypte, force du terme, un travail d’après les sources, un trésor hors de prix de documents de toute sorte sur oû il (ut arrêté. On ignore la durée de sa détention; l'antiquité ecclésiastique : extraits d’ouvrages perdus, mais à la paLx de l’Égiise, probablement en 313, pièces officielles littéralement empruntées aux archives L· sêbe monta sur le siège de Césaréc. La faveur de de ΓÉtat. Qu'Eusèbe ait délibérément altéré les (ails, Const-ntin vint l’y trouver et lui valut, durant un pure calomnie. Plus sujets à caution sont les deux qiMri de siècle, une influence considerable, en somme EUSÈBE DE CÉSARÉE scrits sur Constantin, le discours à l'occasion de scs tricennalia (335), P, G., t. xx, col. 1315-1440, ct la Vita Constantini, col. 905 1230, œuvres de panégy­ riste plus que d’historien. Mais ici même on doit tenir pour authentiques les documents rapportés. La Vie de Pamphile ct un recueil d’anciens Actes de martyrs sont perdus; on trouve, en appendice au 1. VI11 de l’Histoire ecclésiastique, un précieux opuscule sur les martyrs de Palestine, tableau des exécutions qu'Eu­ sèbe avait vues de ses yeux,dans les années 303-310. Une seconde recension syriaque des Martyrs de Pales­ tine a été publiée par Cureton, Londres, 1861. 2° Exégé tiques. — Eusèbe avait une vive prédilec­ tion pour les études ex ég étiques; mais disciple ct trop souvent plagiaire d'Origène, son herméneutique man­ que de netteté et de sûreté. Au Commentaire sur les Psaumes, édité par Montfaucon, P, G,, t. xxiiî, qui allait, avec bien des lacunes, jusqu'au ps. cxvm, les découvertes de Mal. P. G., t. xxiv, col. 9 76, de Pitra, Analecta sacra, Paris, 1883, Lin, col.365 520, ct de G. Mercati, A lame note di letteralura patri st ica, Milan, 1898, ont apporté un supplément considérable. Nous avons en grande partie le Commentaire sur Isaïe, P, G,, t. xxiv, col. 89-526, ainsi que des morceaux importants du Commentaire sur saint Luc. Ibid., col. 529-606. Dans le domaine de l'introduction biblique, nous possédons, en dix tables, une sorte d'harmonie des Évangiles, P. G., t. xxu, col. 1275 1292, des restes considérables,mis au jour par Mai,des Questions ct solu­ tions éuangéliques, ibid., col. 879-1016, qui préludèrent au De consensu euangelistarum de saint Augustin, ainsi qu’un chapitre d’une topographie de Jérusalem ct de la Palestine, catalogue alphabétique des noms de lieux mentionnés dans l'Ancien Testament, indiquant la position de chaque lieu ct les noms qu’il a portes successivement. Saint Jérôme a traduit et complété ce précieux Onomasticon. D’un travail Sur la fête de Pâques, à l’occasion de la discussion qui eut lieu à Nicéc, le cardinal Mai a découvert quelques pages, renfermant un précieux témoignage pour le saint sacrifice de la messe. P. G., t. xxiv, col. 693-706. 3° Apologétiques. — Eusèbe consacra à la défense du christianisme plusieurs importants ouvrages, dont le caractère saillant est encore une immense éru­ dition. Dans les quinze livres de la Préparation évangé­ lique, P. G., t. xxi, il met en lumière l’incomparable supériorité du christianisme ainsi que du mosaîsmc sur les religions polythéistes ct les systèmes philoso­ phiques de l’antiquité. La Démonstration évangélique fait voir dans la religion chrétienne le fruit providen­ tiel de la révélation mosaïque. Des quinze livres de ce travail il ne reste que les dix premiers avec un frag­ ment du XVe. P. G.,t. xxu, col. 13-794. L'auteur donna un court précis de ces deux vastes ouvrages dans les cinq livres Sur la théophanie. Une ancienne version syriaque, éditée par Lee, Londres, 1842, a sauvé ce dernier écrit, dont on n ramassé aussi quelques frag­ ments grecs. P. G., t. xxiv, col. 609 690. Une version arménienne en a été donnée par Djarian, Venise, 1877. Ce devait être aussi une apologie que l'Intro­ duction générale élémentaire; mais il n’en a survécu que les quatre livres à*Extraits prophétiques, où Eusèbe s'attache surtout à l’interprétation des prophéties messianiques. P. G., t. xxu, col. 1021-1262. Photius, Hibliolheia, cod. 11, 12, 13, P.G., t. cm, col. 53, 56, mentionne d’Eusèbe trois autres ouvrages apologé­ tiques, une Préparation ecclésiastique, une Démonstra­ tion ecclésiastique ct une Apologie et ré/utation. Ils sont perdus, ainsi que le grand ouvrage en vingt-neuf ou trente livres contre Porphyre. Dans l’opuscule Contre Hiérodés ct le parallèle établi par lui entre JésusChrist ct Apollonius de Tyanc, Eusèbe montre, avec une pénétrante cl mordante critique, que la source ir»3ô d'I Iléroclèsja biographie d’Apollonius par Philostrotc, n'est qu’un tissu de fables. P. G., t. xxîi, col. 7958G8. 4° Théologiques. Lettres. Homélies. — Les deux livres Contra Marcellum sont dirigés contre le sabellianisme de Marcel d'Ancyrc. P. G., t. xxiv, col. 707 826, Dans les trois livres Sur la théologie de T Église, Eusèbe entre­ prend l’exposition plus complète ct la démonstration de la vraie doctrine du Logos. Ibid., col. 825-1046. Socrate, //. E., 1, 8, P. G., L i.xvn, col. 69, 72, et The-o dorct, H. E., î, 11, P. G., L lxxxii, col. 940 sq., nous ont consené la lettre d’Eusèbe Λ scs diocésains sur son attitude à Nicéc ct sur le sens de Ι'όμοούσιος· Voir t. i, col. 1797, 1800-1801. Le patriarche Nicé­ phore (f 826), dans ses Antirrhrtica, c. ix, dans Pitra, Spicilegium Solesmcnse, Paris, 1852, t. i, p. 383-386, reproduit, pour les combattre, les principaux pas­ sages d’une lettre d’Eusèbe à Constantia, sœur de l'empereur Constantin, sur les images de Notre-Sck gneur. Quatorze homélies que nous n’avons qu’en latin, P. G., t. xxiv, col. 10-17-1208, sont, du moins en partie, apocryphes. I. Éditions. — 1 · Éditions complètes, — Mfgne n donné la première édition complète des œuvres d’Eusèbe. P. G., t. xix-xxrv, en réunissant toutes les oeuvres précédemment publiées.L’Académie de Berlin en n commencé, en r.M)2,une édition critique, texte grec ct traduction allemande. Euse· bius Werke. Le t. 1er, édité par Hcikel. comprend la Vie de Constantin, le Discours de Constantin ad sanctum certum rt le discours d’Eusèbe pour les tnccnnalia de Constantin. la·ipzig.1902.Lc t. n. en trois parties. Leipzig. 1903.1908. 1909. contient VHistoire eedés (astique, par E. Schwartz, avec la traduction latine de Hulin, par Th. Mommsen. Let. m» Leip­ zig, 190-1, renferme l’Onomastiron ax ée la traduction de saint Jérome par E. Klostermann, la Théophanie, fragments grecs et traduction allemande de la version syriaque par 1 i. Gress­ man n Le t. iv, Leipzig. 1906, a le traité Contra Marcel­ lum, la Théologie ecclésiastique ct les fragments de Marcel, par E. Klostcrmnnn. 2“ Éditions partielles, — 1. Ouvrages historiques, — U His­ toire ecclésiastique n été éditée par II. de Valois, 3 vol., Paris, 1659-1673; 2*édit., 1677; rééditions. Francfort-sur-lcMcin, 1672-1679; Amsterdam, 1695; par Heading. 3 vol., Cambridge, 1720; réédition, Turin, 1746-17-18;par Stroth, Halle. 1779, t. i (seul paru); par Zimmermann, Francfort, 1822; |>ar llcmichen. 3 in-S”, Leipzig. 1827.1823; 2* Mit., 1868-1870; par Burton, 2 in-S·, Oxford, 1838;par H.Lftmmer, six fascicules, SchalTouse, 1859-1862; parSchwrgler, Tubingue. 1852; par Dindorf, Leipzig, 1871 ; parE. Grnpin, texte grec de Schwartz ct trad, française. 2 ln-12, Paris, 1905, 1911. La version syriaque u été publiée par Betljan, Leipzig, 1897; par Wright ct Mac Leon. Cambridge. 1898; une traduction allemande a été donnée par E. Nestle, dans Texte und Untcrsuchungen, Leipzig. 1901. t. xxi. fuse. 2. La version arménienne des I. VI et \ Il a été traduite en allemand ct publiée par E. I*rcuschen, ibid,, 1902. t. xxu, foie. 3. Cf. A. 1 Inline!. Die Enslchung der K irrhcngcsrhichte des Eusebius (progr.h Bille, 1898. Une traduction anglaise a été faite par Mc Giflcrt. La Chronique u été traduite en arménien au v*siècle, sur la version syriaque. Le mékituriste J. B. Auchcr n publié cette traduction en latin. 2 in-4·, Venise, 1818. Le texte arménien a pam û Venise, en 1877. L< texte grec avait été édité par Pontacus, 1604, par Scaliger, 1606; il l’a été par A. Schœne. 2 in-4% Berlin, I860. 1S75, avec une collation de la traduction arménienne par Pelennann. ainsi que le Canon des temps avec traduction latine de Li version armé­ nienne par Petennann. version latine de saint Jérôme, ver­ sion latine de l’Epilutnc syriaque parHœdiger. Cet Epitome syriaque, extrait de la Chronique de Denys de Tel-.Muliur, n été édité par G. Siegfried et II. Gelzcr, in-t®, Leipzig. 1884. Cf. A. von Gutschmid, l'rtersnchungen uber die w rischcEpitome der Euscbianischeti Canones (progr.).Stuttgart, 1886, ou dans Kleine Schriften, édit. Fr.Kühl, Leipzig, Î889, 1.1. p. 483-529; A. Sclione, Die Weltchronik des Eusebius in Hirer HearbeUung durch Hieronymus, in-8®, Berlin, 1900. Une traduction allemande des Martyrs de Palestine, faite pur Stiglohcr, a paru dans Ihbhothck der KirrhcniKitcr de Thalhofvr. Kempten, 1870, et une version de la Vitu Con­ 1531 EUSÊBE DE GÊSABÊE — EUSEBE DE DORYLÉE • .rJini p. cit.. p. 208-216. X Ouvrages apologétique ·. — Ιλ Préparation et la Démontindion évangélique ont été éditées par Vigor, Paris, 1628; réédition, Cologne 1688,ct par Dlndorf, 4 ln-12, Leipzig, 1867-1871. La Préparation Γη été seule par Heinichcn, 2 in-3% Leipzig. 1812, 1813; p.ir Gais ford, Ox fort!, 1843. LaDémons/ratfon.quI avait été publiée par Robert Es ticune, Paris, 1544, n été publiée de nouveau par Galsford, 2 in-8% Oxford, 1852. Cn petit fragment du I. XV sc trouve dans Mai, op. cit., p. 313-311. Une version syriaque de la Théo­ phanie n été éditée par S. Lee d’après un manuscrit de ill, Londres, 1842, ct traduite cn anglais, Cambridge, 1843. 4. Ouvrages théologiqucs. — L9 Adversus Hieroclem est Joint au Contra Marcellum et nu De ecclesiastica theologia, par Gai s ford, in-S ■, Oxford, 1852. Le premier de ces écrits se trouve encore dans l'édition de Philoslrate. donnée par Kayser, Leipzig, 1870, t. i. p. 369-113. Les deux ouvrages théologiqucs avalent été publiés par Montncucius, Paris, 1628. IL TRAVAUX· — Fabricius, Bibliotheca grrvca, édit. Unt­ ies, t. vu, p. 335-518; P. G., t. xix, col. 9-51; Tlllemont, Mémoires, L va, p. 39 sq.; V. Hély, Eusèbe de Césarée, pre­ mier historien de ΓEglise, Paris, 1877; Stein, Eusebius, Bis­ chof von Cirsarca, nach seineni Leben, scinen Schrljten und selnem dognwdhchen Charakter, Wunbourg, 1859; A dic­ tionary o/ Christian biography, Ixjndrcs, 1880.1. n,col. 303355; O. Bardenbewer, Pairologle, 2· edit., Fribourg-cnBrhgau, 1001, p. 211-220; L. Duchesne. Histoire ancienne de r£glisc,2· édit.. Paris, 1907. t. η. p. 158-160,186-187; Reahncyclopûdie fur protestant ische Théologie, t. v, p. 605618; The catholic encyclopedia, t. v, p. 617-622; Chevalier, Répertoire Bio-bibliographie, t. I, col. 690 sq. Sur ΓΟποπιαsüoon, voir Bardenbewer, Die litkrurischc Rundschau, 1906, col. 532-533. Sur la Théophanie, ibid., col. 533. L’original grec existait encore vers la liu du xi· siècle; Nicétas d’Héraclêc en a Inséré dlx-scpt passages, quelques-uns considé­ rables.dans scs chaînes de saint Luc et de VÉpltrc aux Hé­ breux. L» version syriaque doit remonter presque à la date de l’original, car la copie du British Museum est du moi» de février 111. Sur le Con/rct Marcellum cl la Théologie de Γ Eglise, au fond deux parties d’un même ouvrage, voir ibid., coL 535. Le texte repose en dé fini live sur un seul manuscrit de la bibliothèque <1·? Saint-Mme de Venise, de date assez me* rLiint (χ·-χιι siècle). L'édition de Nolte, dans P. G., L x m v, ne vaut rien. Sur lu t radi t ion du texte, vol r Preuschvn, dans Honiuck, Geschichte der allchrlitlichen l.iUeratur, I. I, p. 551-586. Voir encore P. Meyer, De vita Constantini eusebtanafprogr.), Bonn. 1882; A. Crivellucci,Delia /cdcstorlca di Eusebio ne Ila vdadi Costantino, Livourne. 1888; V. Schultze, Queilrnuntcrsudiungcn sur Vita Constant ini des Eusebius, dam Zeitschnil fur Kin lu tigca-huhlt. 1893-18’» 1. 1. \iv, P. 503-555; O. Sccck. ibid., 1893, I. xvm, p. 327-315; CrivcUuvci, dons Sludi sterlet, 1898, I. vu, p. 411-429, <53-459; J. Vi tenu, De Eusebll Cersariensis duplici opusculo w-t 1« 11*λα«*-!' * Paris, 1893; B. Violet, Die PulàstinUchm Murtyrcr des Eusebius non Ciesarea, ihre ausulirlichert Faseunq und deren Verhaltnis zur kurzeren, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1896. I. XXv, fuse. 3; A· 11 dmeL Die palastinischen Martyrer des Eusebius uon Cti*art i in ihrtr ztrcifachen Form, Essen, 1898. Sir la théologie d’Eusèbe, voir S. Dcylong (J. A. Went­ zel), East b lanam dodrinæ salvifica systema, Leipzig, 1732; l). A- Martin. Enirbii Caesariensis de diointhde Christi xen(exUio, Rostock. 1795; J Ritter,Eusebii Càesariensis de dtulnUatc Christi placita. Bonn. 1828; Q G. Hflncll. Comment, de l'osebia Crsariensi chrtdia/rr religionis defensore. Gœttin- 1532 gue, 1851 ; M. Faulhaber, Die griechischc Apologeten der ktass, Vorzeit, Wurzbourg, 1896, t. i. C. Vehschahel. 4. EUSÊBE DE DORYLÉE.— I.Débuts. II. Action contre Nestorhis. III. Contre Eutychés. IV. Contre Dioscore. L Ses débuts. — A la fête de Noël de l’année 428, quand Nestorius, nouvelieincnt élu évêque de Con­ stantinople, formula son opinion contre le titre de Mère de Dieu, Θεοτόκος, qu’on donnait habituelle­ ment à la oflintc Vierge, du sein de l'auditoire un assis­ tant s’écria : «C’est le Verbe éternel lui-même qui est né une seconde fois, selon la chair, et d’une Vierge. » Peu après, Anastase, synceUo du patriarche, ayant dit dans un sermon : « Que personne n'appelle Marie Mère de Dieu; c’était une femme, ct il est impossible que Dieu naisse d’une femme, ■ une nouvelle et re­ tentissante protestation se fit entendre. Dans les deux circonstances, le protestataire était le même personnage, un simple laïque, il est vrai, nommé Eusèbe, mais fort connu déjà pour sa vertu et très recommandable par son érudition, ούκ άΟαύμαστος παίδευσις, selon l'expression de saint Cyrille d’Alexandrie. Adu. Nestor., i,5,P. G., t. lxxvi, col. 11. Son zèle pour l’orthodoxie éclatait ainsi et le posait d'emblée comme le défenseur courageux de la foi, au risque de s'attirer les coups de la vengeance épiscopale. Marius Mercator, part. 11,1.1, P. L., t. xlviii, col. 769; Evagrius, H. E.f i, 9, P. G., t. lxxxvi, col. 2445; Théophanc, Citron., an. 5923, P. G., t. cviir, col. 23G. Eusèbe, du reste, n’était pas le premier venu il devait avoir quelque emploi à la cour. Léonce de Byzance, Cont. rtcslor. cl cutych., m, 43, P. G., t. lxxxvi, col. 1389. Nestorius le nomme Eusèbe d’Alexandrie. Le Livre d’Ilérailidc, trad. Nau, Paris. 1910, p. 296. Evagrius, loc.cit., l’ap­ pelle un rhéteur et le dit très versé dans les questions de jurisprudence ; et Théophanc, lac. cit., le qualifie de (j'/o'f αστιζ.ός τής βχσιλίσσής Κονσταντινοπόλεως. Oilicicr de la cour, professeur d’éloquence ou avocat, quelle qu’ait été sa vraie profession à ce moment-là, Eusèbe, n’étant que laïque, s'engageait, par son intervention publique dans une question de doctrine, dans une voie périlleuse; mais il ne manquait ni de savoir ni de courage ct, sans faiblir, pendant plus de vingt ans, il allait soutenir la cause de l’orthodoxie contre Nes­ torius d'abord, contre Eutychès ensuite, ct finalement contre Dioscore. Mais quand il s’en prit à ces deux derniers, 11 était déjà évêque de Dorylée, dans la Phrygie salutaire, et mourut à une date inconnue, après s’être montré l'appui intrépide et constant de la foi catholique contre les erreurs du nestorianisme ct du monophysisme, qui devaient exciter tant do troubles en Orient. IL Son action contre Nestorius. — Relative­ ment au mystère de l'incarnation, une formule circu­ lait déjà, celle-ci : μία φύσις βιοΰ Αόγου σεσχρκωμέντ, unique est la nature incarnée du Verbe de Dieu. Elle était d’origine suspecte, puisqu'elle appartenait aux apollinarhtcs ct allait devenir célèbre avec les monophysites. Bien qu’elle manquât de clarté ri prê­ tât facilement à des équivoques, elle pouvait cepen­ dant servir, à la condition, pour être correcte ct accep­ table, d’être bien entendue. Malheureusement, au moment où Nestorius monta sur le siège de Constan­ tinople, les termes de nature et d'hypostasc n’avaient I pas encore la précision suffisante qu’ils acquirent plus tard dans la langue théologique; on les employait facilement l’un pour l’autre,et il arriva que, pour expli­ quer ce qu’était le Verbe incarné, on ne tenait pas à Antioche le même langage qu’à Alexandrie, chose qui ne devait pas aller sans des difficultés sérieuses, comme on devait s’en apercevoir dans la première moitié du v* siècle. La notion latine de personne, utilisée déjà 153.3 El S EBE DE DORYLÉE pour l'explication du dogme de la Trinité, pouvait et devait rendre service au sujet de l'incarnation. En Occident, on disait : En Jésus-Christ, il y a deux natures, mais une seule personne. Or, · par nature, on n'entendait pas tout à fait la meme chose que dans les écoles d'Alexandrie ou dans celles d'Antioche. L'élément humain du Christ, tel qu'on se le représen­ tait cn Occident, était plus complet qu'on ne le disait û Alexandrie, moins complet qu'on ne l'admettait à An!loche. En Occident, c’était une vraie nature, capable de vouloir et d'agir selon le mode de scs facul­ tés; dans le langage alexandrin, il ferait plutôt l'effet d’un groupe de facultés sans action cn dehors de la nature divine à laquelle elles étaient attachées; quand les g( ns d'Antioche en parlent, on est toujours porté à craindre qu'ils n'aient en tête l'idée d’un homme indi­ viduel. Les formules alexandrines, union physique, union hypostatique, unique nature du Verbe incarné, ne concordaient guère avec celles de l’Occident; cellesci s’accordaient mieux avec le langage d'Antioche : deux natures, une personne. Toutefois il ne faut pas donner trop d’importance à cet accord extérieur. L'imprécision des termes faisait que les gens peu avertis passaient aisément des deux natures aux deux personnes ct que, dans cette interprétation, la doc­ trine orientale prenait des rcsscmbbnces fâcheuses avec celle de Photin ct de Paul de Samosa te. > Mgr Duchesne, Histoire ancienne de Γ Église, Paris, 1910, t. m, p. 322. Mais, d'autre part, les gens qui se croyaient entendus pouvaient tomber dans un autre défaut tout aussi fâcheux; et c’est ce qui arriva à Nestorius, qui était d’Antioche. Comme il était d’usage courant, cn Orient, d'appeler la Vierge Marie, Ocotôxoç, mère de Dieu, ce qui ne heurtait nullement les idées des Alexandrins ni celles des latins, l’expression, pour être orthodoxe et inat­ taquable, devait s'entendre de Dieu-personne et non de Dieu nature, le nouvel évêque de Constantinople trouva le terme excessif ct voulut lui substituer celui de mère du Christ, cn interdisant celui de Οεοτόχος. C’est cc qui causa Γ intervent ion d'Eusèbe, laquelle allait avoir des suites retentissantes. Car, non con­ tent d'avoir protesté publiquement cn pleine assem­ blée chrétienne, Eusèbe afficha un placard où il accusait l'opinion de Nestorius de n’êtrc autre que celle qui avait été condamnée un siècle et demi aupa­ ravant dans la personne de Paul de Samosale. Tout lecteur, y était-il dit, est prié d'en faire connaître le contenu ct d’en délivrer une copie aux évêques, prêtres et laïques. Cf. Léonce de Byzance, /oc. cit. A Nesto­ rius, (lout il Identifiait l’erreur avec celle de Paul de Samosate, le placard d’Eusèbe opposait le symbole même d'Antioche, le témoignage d’Eustathe, évêque d’Antioche, et Unissait par un anathème contre qui­ conque nierait que le Monogène de Dieu ct le fils de Marie fussent la même personne. Une accusation si formelle n’était point pour calmer les esprits; mais était elle vraiment fondée? Eusèbe n’en doutait pas. Nestorius aurait pu dire qu’en proscrivant l’emploi du terme Οεοτόχος, il ne voulait simplement que con­ damner le sens arien ou apollinariste qu’on pouvait lui donner; cl peut-être même était-il disposé à l’accepter après qu’on cn aurait dûment précisé et Justifié la signification orthodoxe. La vérité est que, du fait d’Eusèbe, un débat théologique s'ouvrait en Orient, dont la solution, poursuivie peut être avec trop do rigueur par saint Cyrille d’Alexandrie et fixée au con­ cile d’Éphèse, en 131, entraîna sans doute la condam­ nation ct la déposition de Nestorius, mais laissa l’Église grecque dans un état d’effervescence, qui ne devait pas larder à soulever de nouvelles difficultés· Voir la lettre écrite de Constantinople à Cosme d’Antioche, dans le Livre dHèraclide, trad. Nau, Paris, 1910, p.364. 1534 III. Son action contre Eutychès. — 1° Eusèbe, ami d'Eulychès. — Dix-sept uns après le concile d'Éphêse» Eusèbe était déjà évêque de Dorylée. B avait connu ct fréquenté à Constantinople un moine célèbre, Eutychès, auquel le liait une aversion com­ mune contre Nestorius ct le nestorianisme. De tels rapports d'amitié furent bientôt troublés par des questions de doctrine. Eusèbe s’aperçut que l'archi­ mandrite ne s'en tenait pas rigoureusement aux anathématismes de saint Cyrille, à l'union physique ct à la nature unique du Verbe incarné, selon les expressions du patriarche d'Alexandrie, cl qu'il con­ testait absolument que l'humanité du Christ fût comme la nôtre ou que le Christ, comme on disait, fût consubstantiel aux autres hommes, li lui Ût part de sa fâcheuse découverte cl le supplia à plusieurs reprises de changer de sentiment, mais ce fut en pure perte. Eutychès jouissait d’un grand crédit cl d'une influence considérable à Constantinople. Le bisser faire, c'était assurer une propagande efficace à la nouvelle erreur, car elle n'allait à rien moins qu’à com­ promettre la réalité historique de l'Évangile. Déjà, en 447, Théodoret, dans son Eranisles, avait combattu, sans le nommer, il est vrai, Eutychès et sa doctrine; ct Dompus, évêque d’Antioche, avait protesté, l'accusant de renouveler l’impiété d'Apollinaire, d’enseigner l’unique nature du Verbe incarné, de con­ fondre l’humanité ct b divinité ct d'attribuer à b divinité les souffrances du Christ. Le danger pour la foi sembbit donc menaçant. 2° Eusèbe se /ail l'accusateur df Eutychès. — il dénonce le danger qu’il fait courir à l’orthodoxie ct profite d'une réunion d'evèques à Constantinople, d’un synode ένβημοΟσν; le S novembre 448, ü depose entre les mains du président, Flavien, évêque de b ville impériale, une dénonciation en règle contre son ancien ami, protestant qu'il y allait de b foi ct qu’il y avait nécessité à l’obliger de sc disculper. Ci. Nestorius, Le livre d'Hèraclidc, trad. Nau, Raris, 1910, p. 296 298. Flavien, fort ennuyé d’une telle plainte qui demandait à être poursuivie canonique­ ment, conseilla à Eusèbe de s’entendre directement avec Eutychès. A quoi bon? répondit Eusèbe. Je l’ai essayé à plusieurs reprises, et toujours iuutilement; qu’il réponde 'donc lui-même, cn présence des évê­ ques, au sujet des griefs formulés contre lui. Flavien, quoi qu’il en eût, dut donner suite à l'affaire. Eutychès, cité par deux fois à comparaître, s’y refusa sous prétexté qu’il avait résolu de ne plus quitter son monastère; toutefois, ù la troisième sommation, le 22 novembre 4 18, il sc rendit devant le synode, escorté de moines cl de fonctionnaires, comme un j>crsonnage avec lequel il falbit compter. Eusèbe, cn pour­ suivant son accusation, jouait gros jeu; il suivait que son ancien ami s'était vanté de le faire exiler, mais il ne redoutait pas d’etre confondu par lui sur l’objet même de ses griefs et d'être convaincu d’avoir cédé à de mauvaises intentions ou de l'avoir calomnié· On posa à Eutychès la question suivante : Confessezvous deux natures après l’incarnation? Admettezvous que le Christ nous soit consubstantiel? Eutychès répugnait aux deux natures; il reconnaissait bien que le Christ tenait son humanité de b sainte Vierge Marie, sa mère, mais il ne pouvait admettre que, par cette humanité, le Christ nous fût consubstantiel; c’était, prétendait-il, l’humanité de Dieu, rentrant dans l'unique nature du Verbe Incarné, et non notre huma­ nité. Bien ne put le tirer de cette manière de voir qu’il prétendait conforme à celle de saint Cyrille d’Alexandrie. Celui-ci, il est vrai, s'était servi de b formule μ/a φύσις του Oeoû Αόγου σίοαρχωμένη; et Eutychès avait quelque raison de s’abriter derrière elle, mais il oubliait que Cyrille s’en était expliqué 1535 EUSÈBE DE DORYLÉE 1536 méritaient la déposition. J'en appelle, dit aussitôt d’une manière acceptable, attendu qu’il avait signé Flavicn; contradicitur, cria le diacre Hilaire, l’un des ùnc profession de foi, qu’on lui avait envoyée d’Antio­ légats du pape. Sans tenir compte de ces réclamations, che, ct qu’il avait reproduite dans une de scs lettres, Dioscore usa de menaces ct de violences. Il obtint In Epist., xxxix, P. G., t. Lxxvn, col. 176-177, comme conforme à scs sentiments. 11 y était dit : « Nous pro­ signature de scs collègues apeurés ct lâches. Voir t. iv, fessons que Noire-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique col. 1371-1372. Flavicn ct Eusèbe furent mis en prison. Liberatus, Breviarium, xn, P. L., I. lxviii, col. 1005; de Dieu, Dieu pariait ct homme parfait, pourvu d’une âme intelligente ct d’un corps, est né du Père Nestorius, Le livre dltiraclide, p. 309, 322, 32G. Le diacre Hilaire put échapper â cette réunion avant les siècles, selon la divinité, ct, à la fin des inqualifiable, que Léon I«r appela plus lard un bri­ jours, pour nous ct notre salut, de la sainte Vierge, gandage; il retourna â Home, emportant l'appel écrit selon l’humanité; qu'il est consubstantiel au Père de Flavicn de Constantinople, et raconta les faits cn selon la divinité ct à nous selon l’humanité, car deux témoin oculaire. Eusèbe aussi avait protesté contre natures sc sont unies, βύο φύσιων ίνωσις γίγονί, etc. » une condamnation qui l'avait frappé sans avoir été Eutychés ne pouvait donc invoquer l’autorité du entendu ct envoya deux de scs clercs ù Rome pour en patriarche d’Alexandrie, et comme il persistait â maintenir malgré tout sa manière de voir, il démon­ appeler au pape. Plus heureux que Flavicn, qui mou­ trait le bien fondé de l’accusation portée contre lui rut pendant qu'on le conduisait en exil, il réussit âfuir par Eusèbe de Doryléc. En conséquence, il fut déposé et sc réfugia â Rome, où Léon le reçut comme une vic­ de la prêtrise,ainsi que de sa charge d'archimandrite, time de Dioscore. Il y était encore en avril 151, car le ct excommunié. Il protesta auprès du patrice Florent, pape signale sa présence dans sa lettre ù l'impératrice qui cn avertit Flavicn, et prétendit avoir fait ainsi Pulchéric,£pis/., lxxix, 3, P. L., t. liv, col. 912, ct le appel de la sentence synodale. Grâce â son influence, recommande ù Anatole, successeur de Flavicn sur le il obtint de Théodose II la convocation d’un concile, siège de Constantinople, comme l’un de ceux qui, pour dont l’empereur fixa la tenue ù Éphèse pour le le soutien de la foi, avaient couru beaucoup de dangers P’aout 119. et subi la persécution. Epist., lxxx, I, ibid., col. 915. En attendant, comme il prétendait que les actes du IV. Son action contue Dioscoiie. — Victime do synode de Constantinople avaient été falsifiés, il son zèle pour la foi, Eusèbe de Doryléc, soutenu par obtint qu'une enquête officielle vérifiât le fait. Eusèbe le pape, avait à venger son honneur ct à se faire de Doryléc insista alors pour que le cas d’Eutychès rendre solennellement justice. Il sc rendit donc au ct toute autre question que celle de l'authenticité des concile de Chalcédoine, où l’on devait réviser le < bri­ actes fussent réservés au prochain concile. L’enquête gandage » d’Éphèse; mais il adressa préalablement à n’aboutit pas, ct l’espoir d’Eutychès fut déçu. Il l'empereur Marcien, qui venait de succéder à Théo­ fallut donc s'en remettre nu futur concile, où il comp­ dose II, une requête contre Dioscore, qu'il déclarait tait bien avoir gain de cause, grâce ù l'intervention étranger à la foi catholique ct coupable d’avoir ren­ prépondérante de Dioscore, patriarche d’Alexan­ forcé une hérésie pleine d’impiété, réclamant justice drie. contre les procédés injustes du patriarche d'Alexan­ 3® Au concile d1 Éphèse, cn 449. — Le pape saint drie à l’égard de Flavien, ct à son propre égard. < Dans Léon le Grand, tenu au courant des événements ces affaires, écrit Mgr Duchesne, Histoire ancienne de d’Orient, écrivit â Flavicn le tome célèbre Lectis Γ Église, Paris, 1910, t. ni, p. 431, note 1, Eusèbe a dilectionis, Epist., xxvni, P. L., t. liv, col. 755 sq., toujours le rôle d'accusateur. Chaque fois qu’il parait, où il formulait nettement la doctrine de l'incarnation, il a cn poche une plainte écrite contre quelqu’un. Rôle mal entendue par Eutychés : deux natures, dans utile peut-être, mais ingrat. Son goût personnel a dû l’unité d’une seule personne; deux vraies natures, être ici au service de son zèle. > Ce jugement paraît capables d’agir et agissant chacune pour son compte, beaucoup trop sévère; car si Eusèbe de Doryléc a d’accord bien entendu, ct cn parfaite coopération. Ce dénoncé Nestorius, puis Eutychés, son rôle a pu être n'était pas seulement la condamnation d’Eutychès, ingrat, mais non sans courage ni sans utilité; il était, mais encore la réprobation de la théorie alexandrine cn tout cas, dicté par un zèle indéniable pour la pureté dans la forme excessive et exclusive qu'on lui don­ de la foi; ct s’il accuse maintenant Dioscore, avec de nait alors. Cf. Nestorius, Le livre d’Hèradide, trad. moindres dangers à courir, il est vrai, c’est encore le Nau, Paris, 1910, p. 298. souci très naturel, chez un évêque, de sauvegarder Lorsque Dioscore ouvrit le concile d'Éphèse, le l’orthodoxie, qui le pousse, mais c'est aussi le senti­ 8 août 119, les évêques, qui avaient siégé comme juges ment de sa dignité ct la nécessité d’une réhabilitation lors du procès fait & Eutychés à Constantinople, canonique après la déposition injuste dont il avait été purent assister à la revision, mais à la condition de ne victime deux ans auparavant. Le concile de Chnlcépas émettre de suffrage. Quant à l’accusateur, Eusèbe doinc le comprit ainsi, car rien n’était plus conforme de Doryléc, défense lui fut faite d’y paraître : tels au droit. A la première session, le 8 octobre, il fit lire étalent, disait-on, les ordres impériaux. Aussi lorsque, la requête adressée par Eusèbe de Doryléc ù l’empe­ cn vue de réhabiliter Eutychés, on vint à lire les actes reur Marcien. Hardouin, Concit., t. n, col. 70. A la du synode de Constantinople, Flavicn, soutenu par les i IIIesession,le 13octobre,le promoteur Aétius fit obser­ légats du pape, réclama la présence d'Eusèbe de Dory­ ver tpi’Eusèbe de Doryléc avait présenté une requête léc, l’accusateur de l’archimandrite. Ce fut cn vain; au concile contre Dioscore. Eusèbe y parlait dans l’inle comte Elpidlus allégua les ordres de l’empereur. ■ térét de la fol catholique,pour la défense de Flavien ct En outre, pendant la lecture des actes, un incident sc I pour la sienne propre, demandant que l’on cassât tout produisit à l’endroit où Eutychés avait été sommé de cc qui avait été fait contre lui ct contre Flavicn au professer les deux natures. < Eusèbe au feu! s’écriafaux concile d’Éphèse, que l’on prononçât l'ana­ t-on. Qu’on le brûle vivant! Qu'on partage en deux thème contre l’hérésie d’Eutychès et que l’on infli­ celui qui divise le Christ! » L’assemblée, dûment pré­ geât ù Dioscore la juste peine de scs crimes. Har­ parée, minifeslait ainsi scs sentiments; la sentence, douin, t. n, col. 311; .Mansi, t. vu, col. 51. Il qui ilhit suivre.ne pouvait faire doute pour personne. I convenait de donner suite à une telle demande. Cette D’une part.cn effet, le condamné de Constantinople fui plainte d’Eusèbe de Doryléc, suivie de trois autres reconnu orthodoxe cl rétabli dans sa dignité de prêtre qu'avaient formulées des clercs d’Alexandrie contre et d'arc ün indritc; d'autre part, Dioscore déclara ’ leur patriarche, motiva, pour sa part, la sentence de déposition, que le légat du pape, Paschasinus, proque le ju^e Flavien ct l’accusateur Eusèbe de Doryke 4537 EUSÈBE DE DORYLÉE nonça, au nom du concile, contre Dioscore. Sur ce point, Eusèbe de Doryléc cul complètement gain de cause : il était réhabilité, tandis que son ennemi était Justement condamné. Il eut tort néanmoins,?! la XV*session du 31 octobre, de so séparer des légats qui avaient soutenu sa cause ct de procéder, en leur absence, avec les autres mem­ bres du concile, Λ la rédaction du canon 28. Aétius, cn effet, avait proposé à l’assemblée de régler conciliairemcnt la situation du siège de Constantinople au point de vue de la hiérarchie et de la juridiction. Les légats du pape, n’ayant point do mandat à cc sujet, durent refuser de siéger; mais les évéques, passant outre, décidèrent que l’évoque de Constantinople, la nouvelle Home, aurait une préséance d’honneur, cl aussi de juridiction, sur tous les autres évêques après celui de Home. Une telle décision ressemblait à un coup d’Élat ct (levait motiver les Justes réclamations du pape. Eusèbe de Doryléc eut lort d’y prendre part. Après le concile de Chalcédoino, il n’est plus ques­ tion de lui; on ignore la date de sa mort. Il avait été un laïque instruit, clairvoyant ct zélé; il fut un évêque intrépide cl ardent, ct, pour tout dire d’un mot, un vrai confesseur de la foi. I. Soviu ks. — Ui plupart des détails relatifs à Eusèbe de Doryléc sc trou veut dans cc qui reste de Muri us Merca­ tor, part. II. I. I, P· t-^ t. XLvm, col. 769; dans Liberatus, lircuiarium. IV, xi. xn. P. /... t. Lxvm, col. 974, 998, 1005; Socrate, IL E.. vu, 32, P. G., t. lxvii; Léonce de Byzance. Contra nestorianos ct eutgeh.. m. 43, P. G,, t. exxxvi. col. 1389; Evngrius, IL E.. 1. 2, 4, 9, P. G.. I. Lxxxvr, col. 24 10 sq. ; Théophxine, Chronog.. 5923,5910,5941. P. G,. t. cviii. col. 236, 260. 261; Hanlouin, Collectio maxima conciliorum. Paris, 1715. t. 11; Mansi. Concit.. Florence et Venise, 1759-1798, t. vi, vu. II. Tkavaux. — Tillemont. Mémoires pour servir d fàistoire ecclésiastique. Paris. 1701-1709, t. xiv. p. 318, 319, 327. 511, 751, 753; Gcilller, Histoire générale des ailleurs sacrée ct ecclésiastiques. Paris, 1861. t. vin, p. 397. 398; t. x. p. 23, 669-685; I Icfclc. Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris. 1908, t. n. p. 517, 521-534, 561 sq.; Th. Mommsen, dans \'riics Archiv, 1885. I. Xi, p. 361-367; I-argent, le brigan­ dage (Γ Éphèse et le concile de Chalcédoinc.dnns Études ιΓhis­ toire ecclésiastique, Paris, 1892; Louis, \estoriana.Die Frag­ mente des Nestorius. Halle, 1905; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de ΓÉglise. Paris, 1910, t. ni; Mignc, Dictionnaire de patrologie. Paris, 1851-1855, t. n, col. 578-581 ; Smith ct Wncr, Dictionant .’ ο·>7· ύμοούσιος αύτω. Ce fut vraisemblablement sous l'inspiration d'EÛsèbe de Nicomédic, auprès duquel il avait fini par sc rendre, qu'Arius écrivit à son évêque Alexandre une lettre polie, avec un exposé de sa doctrine, dans l'espoir de le fléchir. S. Athanase, De synodis, 17, P. G., t xxx!, col. 712; S. Épiphanc, Doer., lxix, 7, 8, P. G., t xn!, col. 212. 11 n'y réussit pas. Los procédés d'Eusèbe de Nicomédic en faveur d'Arius n'échap­ pèrent point aux regards d’Alexandre. Alexandre, en diet, outré de l'ingérence abusive de son collègue dans les a flaires de son diocèse, écrivit à tous les évêques pour protester contre celui qui sc croit chargé du soin de l’Église entière depuis que, abandonnant Ikrytc, il a jeté son dévolu sur l’Église de Nicomédic, sans qu'on ait osé l’en punir, » ct se pose en défenseur d’Arius. Epist. Ένος σώματος, P. G., t. xvm, col. 571 Dans une autre lettre à son homonyme de Byzance, ibid., col. 547 sq., il sc plaignit des diffi­ cultés que lui créait le parti d’Arius à Alexandrie. Or, par un coup d'audace, le retour inopiné d'Arius venait de les porter au comble. Des pamphlets circu­ lèrent, ct l’on chantait, dans le peuple, la fameuse Thalle, en faveur de l’opinion nouvelle ct pour être désagréable au patriarche. Au dehors, les évêques étaient pourtant loin de 1540 s'entendre. Fort de l’appui qu’il trouvait auprès de Constantia cl de Licinius, Eusébc de Nicomédic assembla un synode en Bithynie où il déclara qu’Arius ct les siens devaient être admis à la communion ct qu’on prierait Alexandre de les recevoir. Cf. Otto Sccck, Untersuchungcn zur Geschichlc des Nicunlschen Koiizils, dans la Zeitschrift fiir Kirchengeschichle, 1896, t. xviir, p. 31 sq. Dans un autre synode, tenu en Palestine par Eusébc de Césaréc, Paulin de Tyr, Patrophile de Scythopolis et autres, on engageait Arius et ses partisans à reprendre leurs fonctions à Alexan­ drie. De quel droit? M. E. Schwartz, Nachrichlen, 1905, p. 171 sq., a publié, d’après un manuscrit syriaque de Paris, n. 62, une prétendue lettre syno­ dale d’un concile d’Antioche de 324 adressée à Alexan­ dre de Byzance dans un sens favorable à Arius; elle semble d’une authenticité suspecte. Mais, quoi qu'il en soit, l’épiscopat, grâce aux deux Eusébc, était fortcmentsollicilc contre Alexandre. De part et d'autre,on se préparait à une lutte dont on ne pouvait prévoir l'issue; les uns groupaient les lettres et les documents favorables à Arius, S. Athanase, De synodis, 17; les autres en faisaient autant pour ce qui pouvait servir à Alexandre. Entre temps, le rhéteur cappadocien Astérius parcourait l’Orient pour propager la nouvelle doctrine; les théâtres eux-mêmes retentissaient des dé­ mêlés d’Alexandre ct d’Arius; et,comme le dit Eusébc, Vita Constantini, ii, 61, P. G., t. xx, col. 1036, d'une petite étincelle allait sortir un grand incendie; mais c'est lui et son homonyme de Nicomédic qui avalent souffle sur Je feu. Voir t. i, col. 1782-1783. 2° Intervention de Constantin. — Constantin, devenu seul maître de l’empire par sa victoire sur Licinius, son beau-frère, en septembre 323, vit d’un mauvais œil ccs commencements de troubles religieux, motivés, pensait-il bien à tort, par de pures futilités ct des querelles de mots. Mieux valait la paix à tout prix, particulièrement en Égypte, ct c'est ce qu’il demanda à Alexandre et à Arius, dans une lettre, résumée par Socrate, II. E., i, 7, P. G., t. lxvii, col. 55-60, ct conservée par Eusébc, Vita Constantini, π, 64-72, P.G., t. xx, col. 1037-1018, qu'il leur fit porter par son conseiller,Osius de Cordoue. Osius revint à Nico­ médic auprès de l’empereur sans avoir pu ramener l'ententect la paix entre l’évêque et le prêtre d’Alexan­ drie; il dut alors sans doute suggérer un moyen plus efficace, celui de la convocation d’un concile, désirée du reste par Alexandre lui-même. S. Épiphanc, Hœr., Lxvni, 4, P. G., t. xlii, col. 189. El c'cst ce que dé­ cida Constantin pour en terminer avec les affaires égyp­ tiennes,tant cellesd’Arius que celles du comput pascal ct du schisme mélétien; mais sur la première de ces questions, son Intervention, loin d'apaiser la tempête qui menaçait, ne lit que la déchaîner, grâce au rôle qu'allait jouer Eusébc de Nicomédic. Voir t. i,col. 1785. II. Rôle depuis le concile de Nicî’:e jusqu'à son retour d’exil. — 1° Au concile de Nicéc. — Le concise s'ouvrit à Nicéc, le 20 mal 325. L'affaire d’Arius fut examinée la première. Dcvnit-on mainte­ nir la sentence d’Alexandre? Telle fut la question à résoudre. Mais, pour cela, il fallait examiner In doc trine d'Arius. Eusébc ct scs amis l'exposèrent, puis ils présentèrent une formule de foi qui, aussitôt hic souleva d'énergiques protestations ct fut mise en pièces. On lut aussi, d’après saint Ambroise, une lettre d’Eusèbe de Nicomédic. De flde, ni, 15, P. L., t. xvr, col. 614. Plus lard Eustathc d’Antioche parla du blasphème d'Eusèbe, το γράμμα νής Εύσ<6(ου β/ασφημίας.Théodorct, II. Ε., ι, 6, P.G., t. lxxxiî, col. 920921. Auquel de ces deux documents faisait-il allusion, à la formule de fol ou à la lettre? Nous l'ignorons'. I Toujours cst-ll que la cause soutenue par Eusébc de Nicomédic fut perdue, que la sentence de déposition 1541 EUSÈBE DE NICOMÉDIE 1542 prononcée par Alexandre contre Arlus fut nuihitcnuc, 11 oublie qu'il avait pardonné à Eusébc son intimité ct Saint Athanase ne sc trompait pas : il avait le premier prétexte venu, ct au besoin à le faire vu et il dénonce l'auteur responsable dc ccs méfaits, naître, pour rendre le siège vacant. Un synode com­ le personnage ecclésiastique le plus influent d'alors, plaisant, composé d’eusébiens dévoués, s’employa à Eusèbe de Nicomédlc. Ayant réussi à tromper la cette besogne. Il déposa simplement l’évêque Paul, surveillance dont il était l’objet, il quitte l’Égypte ct que l’empereur Constance s’empressa d'expédier en sc rend à Rome, où il arrive peu après Pâques. exil. Historia arlanorum, ", P, G., t. xxv, col. 702. Et Dans le but d'en finir au sujet des récriminations Eusèbe dc Nicomédlc fut mis à sa place à la fin de dont les eusébiens accablaient Athanase, le pape Jules l’année 338 ou au commencement dc 339; quant au envoya des légats pour inviter ccs eusébiens à venir siège dc Nicomédlc, on le rendit à Amphion, à celui discuter contradictoirement devant un concile; mais qui avait déjà remplacé Eusèbe pendant son exil. ils déclinèrent l’invitation pour divers prétextes ct 2° Il reprend sa lutte contre saint Athanase. — Déci­ remirent aux légats une lettre, polie dans la forme, dément Eusèbe entendait être le maître dc tous dans mais insolente quant au fond, et signée notamment Γ Église orientale. Seul, le patriarche d’Alexandrie par Eusèbe, où ils protestaient contre l’idée dc faire portail ombrage à son ambition. Or, Athanase était réviser en Occident des décisions arrêtées conciliairentré d’exil le 23 novembre 337. Eusèbe « ne pouvait renient en Orient. Nonobstant cc refus, Jules tint un souflrir, dit Mgr Duchesne, Hist, ane. dc V Église, t. n, concile à Rome ct reconnut, à la fin dc l’année 340, qu’Athanase, Marcel d’Aneyre ct d’autres étalent p. 196, qu'on lui arrachât sa vengeance ni que l’on prit ses aises avec les sentences du concile de Tyr. » innocents ct victimes dc procédés inqualifiables. Il notiüa sa sentence aux évêques grecs; l’adresse dc sa Il suscita donc des difficultés à l’évêque d’Alexandrie ct lui fit donner pour compétiteur un homme de son lettre mentionne en particulier Eusèbe. Apol. cont. parti, l’arien Pistus, ancien prêtre de la Maréotide, arian., 21-25, P. G., I. xxv, col. 281 sq. Si le pape, jadis déposé avec Arius, qui trouva dans l’ancien était-il dit notamment, a convoqué les Orientaux, évêque dc Ptolémaïs, également déposé, un prélat c’est sur la demande dc leurs envoyés; H l’aurait fait consécratcur. S. Athanase, Apol. cont. arian., 19, 24, du reste, de lui-même, car il était naturel dc donner P. G,, t. xxv, col. 289, 288. En meme temps il députa suite à la plainte d’évêques qui sc disaient Injuste­ au pape Jules un prêtre et deux diacres pour lui noti­ ment déposés. Quant à réviser le jugement d'un con­ fier les décisions du concile dc Tyr ct montrer qu'Athacile,cc n'est point chose Inouïe, attendu que les Orien­ nasc, régulièrement déposé, n’avalt plus le droit d’être taux eux-mêmes, en recevant Arius ct les siens, n’a­ évêque d’Alexandrie. Socrate, H. E., u, 3, P, G,, valent pas agi autrement à l’égard du concile dc Nicéc. t. Lxvn. col. 190. D’après les pièces du concile dc Tyr, communiquées Mais tout ne marchait pas à souhait dans la capi­ par les Orientaux eux-mêmes, il juge arbitraire ct tale dc l’Égypte. Pendant que les mandataires de anticanonique la déposition d'Athanase et blâme raHalrc de l’intrus Grégoire. l'évêque intrus, Plstus, cherchaient à le faire recon­ L’épiscopat oriental, réuni en 341 à Antioche au naître par l’évêque dc Rome, d’autres émissaires s'étalent présentés au pape au nom d Athanase, por­ concile dc la dédicace, in encoeniis, répondit à Jules. Sa lettre, inspirée sinon rédigée par Eusèbe, en tout teurs d’une relation écrite qui montrait les événe­ cas signée par lui cl les principaux membres de l’asments sous un Jour bien diilércnt. En attendant, 1549 EUSEBE DE NICOMÉDIE semblée, n'nvalt pour but (pic de décliner la compé­ tence ct la suprématie du pape. Elle est importante a un autre point dc vue, parce qu'elle marque l'attitude nouvelle prise par les eusébiens dans lu question doc­ trinale, relative à la fol dc Nicée. Sous l'influence d'Eusèbe et de scs partisans, bien qu'ils ne fussent que la minorité, le concile Uni pour non avenue la sentence de Jules, ct formula deux canons en particulier, qui visaient nettement saint Athanase pour empêcher définitivement sa réintégration sur le siège d'Alexan­ drie. D’après le canon 4, en effet, l’évêque déposé par un synode, qui oserait continuer scs fonctions, ne doit plus compter d'etre réintégré. D'après le canon 12, l’évêque, déposé par un synode, qui vient importuner l’empereur au lieu de porter sa cause devant un synode plus considérable, n'a plus droit nu pardon, ne peut plus présenter sa défense et doit perdre tout espoir d’être réintégré. Lauchcrt, Die Kanones der luichligslen allkirchlichen Conciliai, Fribourg-cn-Brisgau, 1896, p. Ί3, 4G. En même temps, nu concile d’Antioche, sc produisent coup sur coup trois formules ou profes­ sions de foi, bientôt suivies d’une quatrième, recueil­ lies par saint Athanase. Dc synodis, 22-25, P. G., t. xxv, col. 720 sq.; cf. llahn, Hibllothek der Symbole, 3· édit., § 153-156. Toutes passent sous silence Ι'όμοούσιο; de Nicée; mais les trois dernières aban­ donnent l'arianisme proprement dit, sauf à accuser dc sabellianisme la doctrine dc Nicée. Elles inaugurent l'ère des formules dogmatiques ct forment, selon l’expression de Socrate, l'entrée de cc labyrinthe dc professions de foi, dans les détours duquel devait s’égarer par la suite la croyance dc Γ Église d’Oricnt. La première seule nous intéresse ici, parce qu’elle est manifestement l’œuvre d’évêques qui, au concile dc Tyr et à Jérusalem, avaient pris fait ct cause pour Arius, ct qu'on peut y voir, sans la moindre témérité, la main d'Eusèbe dc Constantinople ct de scs parti­ sans. Voir t. x, col. 1810. « Nous ne sommes pas, y est-il dit, des sectateurs d*Arius. Comment, étant évêques, pourrions-nous nous mettre à la suite d’un prêtre? Nous n’avons pas d’autre foi que celle qui a été transmise dès le commencement. Mais ayant eu à nous enquérir dc sa foi, à lui, ct à l’apprécier, nous l'avons plutôt accueilli que suivi.Vous le verrez par cc que nous allons dire. > Suit la formule, dont la lettre est orthodoxe, mais dont le sens reste néanmoins mar­ qué d’une tendance antmicéennc, cl où le terme ύμοούσιος est soigneusement omis. 3° Mort d'Eusèbe, — La réponse du pape Jules à la lettre d’Eusèbe dc Nicomédlc ct de ses collègues fut ferme; mais quand clic parvint en Orient, l’un dc scs principaux signataires n'était plus. Eusèbe, en effet, était mort à la Πη dc ccttc même année ou au com­ mencement dc 342, en communion extérieure avec l’ÉglIse, puisque le schisme latent n’était pas déclaré. Il avait Jusque-là renversé tous les obstacles sauf scs rancunes cl son ambition, cl triomphé de tous sauf de lui-même. Triste figure d’un évêque intelligent ct habile, mais ambitieux et intrigant, ami du pouvoir pour arriver à scs Uns, inspirateur et soutien acharné d’une erreur doctrinale, qui lui fit soutenir, trop sou­ vent par des moyens malhonnêtes et injustes, contre les champions de l'orthodoxie, une lutte âpre, inces­ sante, où il goûta peut-être l’amère joie de la ven­ geance satisfaite, mais où il a perdu ù coup sûr tout droit nu moindre éloge dc la postérité. «S'il se fût tou­ jours mêlé de ses propres affaires, dit Mgr Duchesne, Jlist. une, dc Γ Église, t. n, p. 212, cl qu’il n’eût pas vu la fatale Idée de s’interposer entre Arius et son évêque, l’arinnlsmc serait resté un conflit alexandrin, ct l’on eût pu le réduire sans trop de peine. Mais Eusèbe déchaîna contre l’évêque d’Alexandrie d’abord l'éplscopat d’Oricnt, puis l’empereur ct l’empire. La mé­ ■ j j ' 1550 moire dc cc prélat intrigant, chez lequel on ne relève aucun Irait sympathique, demeure chargée d'une lourde responsabilité. D'autre part, en essayant de mettre la main sur toute l'Églisc d’Oricnt, en revendiquant son auto­ nomie ct son indépendance vis-à-vis de l’Église ro­ maine, tout en faisant appel au pape contre l’éveque d’Alexandrie, Eusèbe de Nicomédlc préluda à la ri­ valité qui devait un jour sc traduire par la sépara­ tion ct le schisme. V. Sa funeste influence.— PA Sardique et à Phi· lippopolis,— Eusèbe dc Nicomédlc était mort évêque de Constantinople, mais son espnt d’intrigue, de chi­ cane ct de rouerie lui survécut; il laissait plusieurs héritiers dc sa tactique, qui allaient continuer son œuvre avec un égal acharnement. Les évêques de son parti commencèrent par élire comme évêque de Cons­ tantinople un digne remplaçant d’un tel brouillon, Macédonius, contre l'évêque Paul que les orthodoxes avaient rappelé; puis ils l’intronisèrent dc force, non sans occasionner l'effusion du sang. Pendant cc temps, Narcisse dc Néronias, Maris de Chalcédoine, Theo­ dore d'Héraclée et Marc d’Aréthuse portaient inuti­ lement en Gaule la quatrième formule d’Antioche· L’empereur Constant, pour repondre aux désirs du pape Jules, obtint de son frère, Constance, la convo­ cation d’un concile à Sardique, aujourd'hui Sophia, pour y régler tous les difTércnds qui igitaicnt l'Égllse· La mesure était opportune et nécessaire, mais les eusébiens, plus attachés que jamais aux décisions du concile dc Tyr. allaient, pour leur part, la rendre illu­ soire. Il fallait bien obéir pourtant, puisque tel était l’ordre de Constance. Ils obéirent donc, mais avec le projet bien arrêté dc ne paraître à Sardique, ni comme juges, la chose était jugée, ni comme parties; à quoi bon siéger dc nouveau, quand on avait déjà siégé et délibéré canoniquement ? Les eusébiens arrivèrent au nombre dc soixante-seize et sc trouvèrent en face dc quatre-vingt-quatorze orthodoxes. Tous les prin­ cipaux évêques de leur parti étaient là : Étienne d’Antioche, Acace de Césarée, Basile d’Aneyre, Théodore d’Héraclée, Marc d’Arcthuse, Maris de Chalcédoine, l’rsacc ct \alcns. Ils exigèrent tout d’abord qu’on maintint les dépositions prononcées en Orient contre Athanase. Marcel d’Aneyre et les autres. Sur le refus de la majorité, qui entendait ne rien préjuger et agir en connaissance dc cause, et sous d’autres prétextes. Ils quittèrent Sardique ct so rendirent à Philippopolis, qui dépendait de l’empe­ reur Constance. Là ils rédigèrent une lettre, où ils déclaraient refuser d’admettre qu’Athanasc, Marcel ct les autres pussent être réhabilités par des gens sans autorité, qui ne connaissaient pas les faits, et que les Occidentaux eussent la prétention de reviser lu sen­ tence des Orientaux. Ils maintinrent donc toutes les sentences précédemment portées en Orient contre les évêques visés, et, payant d'audace, ils déclarèrent déposés et excommuniés le pape Jules, le vieil Oslus et tous les évêques assemblés à Sardique. Leur lettre encyclique était adressée à Grégoire d’Alexandrie, Amphion ct Nicomèdie, Donal, l’évêque schismatique de Carthage,ct aux autres vveques.prêtres cl diacres de l’Égllse catholique. S. Hilaire, Eragm., m, P. L·, t. x. col.658 sq. En outre, ils formulèrent une profes­ sion de foi, identique nu fond à la quatrième formule d’Antioche, où l'arianisme pur est condamné. C’était la guerre religieuse de nouveau rallumée. Mais les évêques restés à Sardique jugèrent qu’Athanasc, Marcel et les autres devaient être réintégrés sur leurs sièges. Ils proposèrent même une formule de foi. qui pourtant fut laissée dc côté, mais que les eusébiens devaient exploiter dans la suite. Us portèrent enfin plusieurs canons, dont quelques-uns visent nette- 1551 EUSÈBE DE NICOMÉDIE — EUSÈBE DE THESSALONIQUE ment les singuliers usages introduits dans l’Église par Eusèbe de Nicomédic. 2e Canons de Sardique condamnant les translations episcopales. — Au concile de Nicée, on avait déjà con­ damné par le canon 15, Lauchert, op. cit., p. Il, les translations des évêques d'un siège à un autre,et décidé qu’on ôterait à l’évêque transféré son second siège tout en lui conservant le premier. La mesure était sage, car elle avait pour but de remédier au désordre cl à la confusion que les translations occasionnent ct de faire respecter l’ancienne discipline; elle était, de plus, fort modérée, puisqu’elle ne comportait pas de sanction pénale. Elle condamnait du moins impli­ citement la conduite d’Eusèbe, qui était déjà passé du siège de Béryte sur celui de Nicomédic. Ce canon n'empêcha pas plus tard, comme nous l’avons vu, le même Eusèbe dépasser du siège de Nicomédic sur ce­ lui de Constantinople. En agissant de la sorte, Eusèbe avait montré le peu de cas qu'il faisait du canon d'un concile où il avait siégé. Bien mieux, au concile in cncaniis, à Antioche, en 311, lorsque, déjà évêque de Constantinople, il n'avait plus rien à désirer, il signa, sans crainte sinon sans confusion, le canon 21. Or, cc canon, conforme à celui de Nicée, interdisait aux évêques de passer d'un siège à un autre, née sc sua sponte ingerens, nec a populis vi adactus, nec ab epi­ scopis necessitate compulsus,comme porte sa traduc­ tion latine. Lauchert, op. cit., p. 18. La translation des évêques paraissait donc, même aux yeux des eusébiens, comme un usage détestable. Aussi, à Sardique, le vieil Oslus, sc souvenant des translations scanda­ leuses d’Eusèbe, proposa de supprimer radicalement un tel abus. Il fit porter une peine sévère contre ceux qui s’en rendraient coupables ct il écarta les faux pré­ textes dont on couvrait cette pratique. Concile de Sar­ dique, can, 1,2, Lauchert, op. cit., p. 51, 52; Hefelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. î, p. 760-762. 3· Le parti d’Eusèbe contre Athnnase. — Les troubles soulevés contre saint Athanase par Eusèbe de Nico­ médic devaient se renouveler et s’accentuer encore, grâce aux cusêbicns. Voir t. i, col. 1818-1821, 1835, 1837,2149-2153. Mais finalement, le parti fut mis en déroute. Voir t. i, col. 1831-1831. 1552 I. Vie. — Nous no devons la connaissance de l'existence d'un évêque de Thcssalonlque, du nom d’Eusèbe, à hi fin du νι· siècle, qu’à un incident rap­ porté par le pape saint Grégoire le Grand et à l’ana­ lyse d’une lettre ct d'un ouvrage faite par Photius. En dehors de cela, nous Ignorons la date de sa naissance ct de sa mort; mais il est constant que cet évêque fut un adversaire déclaré ct éclairé de la secte des aphthartodocèlcs. Saint Grégoire le Grand avertit Eusèbe de Thessaloniquc de la mésaventure arrivée au lecteur Théo­ dore, son mandataire. Epist., 1. XI, epist. lxxiv, P. L., t. Lxxvn, col. 1213. Théodore, porteur d'écrits de son évêque qu'il était chargé de remettre au pape, les confia sans défiance à un certain moine, nommé André, de la secte des aphthartodocètes, alors enfermé dans le couvent de Saint-Paul à Borne, ce qui n'était point pour le recommander. En possession des écrits de l'évêque de Thcssalonlque, André n'hésita pas à les falsifier ct à leur donner une couleur hétérodoxe. Il n’était pas à son coup d'essai. Déjà il avait fait cir­ culer quelques sermons en grec sous le nom même du pape. Saint Grégoire le savait ct ne fut pas dupe de la nouvelle supercherie. Sans mettre en doute la parfaite orthodoxie d’Eusèbe de Thcssalonique, il lui écrit pour le prier, s'il vient à découvrir ces faux ser­ mons, de les supprimer, de dénoncer le faussaire ct de mettre en garde contre lui ceux qui seraient tentés de sc laisser prendre à scs écrits. André fut du reste con­ damné peu après dans un concile romain. Baronius, Annales, an. G01. IL Lettre. — André, payant d’audace, écrivit à Eusèbe, non pour sc disculper, mais pour soutenir sa doctrine erronée; il lui envoya une lettre singu­ lière, dite Παραναγνωστιχίν, en le conjurant de la lire. Le pape avait traité cc moine de imperitus litterarum et divinœ Scripture? nescius. Eusèbe, à la lecture de cette épttre, n’eut pas de peine à sc convaincre combien le pape avait raison. Il aurait donc pu sc dispenser d’y répondre; il le fit pourtant, mais non sans signaler tout d'abord le défaut de culture de son correspondant occasionnel. Puis il releva quatre erreurs principales. 1° De quel droit, lui dit-il, ne prendre le mot φθορά, corruption, que dans une Il est question d’Eusèbe de NI comédie dans les histoires de seule acception pour ne l’appliquer qu'au péché, alors rÉglise.â prupo» des cône îles de Nicée, deTyr ct d’Antioche. que les Pères s'en sont servis dans d’autres sens, Voir en particulier la bibliographie donnée à l’art. Arianotamment pour marquer la corruption des corps? NhMi:, t. i. col. 1862-1863. Voir aussi Tillemont, Mémoires pour servir a Γ histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 2° Dire que le corps du Christ est devenu immortel, 2· édit.. Paris. 1701-1709, t. v. p. 508.770,771 ;t. vi, p. 251impassible ct incorruptible au moment de son union 327, 616*662; Ccillicr, Hist. générale des auteurs sacrés avec la divinité, ainsi qu'avait osé le soutenir Julien et rcclésiastiqufi, Paris. 1858-1864, t. m, p. 415-156: .1. Λ. (d'Halicarnasse), ct cela dans une lettre où l’on se Mœhlcr, Athanase le Grand cl ΓEglise de son temps en lutte pose en contradicteur de ce même Julien ct de Sévère arec Γ arianisme. tnid. Cohen, Paris, 1810; de Broglie, (d’Antioche), c’est à la fois une erreur grossière ct une // ÉqIîm* ct Γ Empire romain au /r« siècle. 5' édit.» Paris, inconséquence fâcheuse. 3° C’est une autre erreur 1863» t. i. m, passim'. Rolling, Grschichlr der arianischcn Hareâe, Gutersloh, 1874-1883; Hefelc. Histoire des conciles, de soutenir que le corps d'Adam n’avait été créé ni trad. Leclercq, Paris. 1907. t. i, p. 331, 131,436, 112. 148, mortel ni corruptible, alors qu'il faut dire, pour se ISO, 631, 639-647; Hergenrôther, Histoire de ΓÉglise, conformer à l’enseignement unanime des Pères, que trad* Bclet. Paris, 1880» t. i; Gwntkin,Studies of urianism le corps d’Adam était de sa nature mortel ct passible cl chirflg etterring to the caracter and chronology o/ the reac­ que, s’il a été préservé jusqu'au moment de la chute de tion which followed the conctl of Niceea, 2· édit., Londres, 1900; A Lichtenstein, Eusebius von Nikomeditn, seine I la souffrance et de la mort, c'est uniquement par une pure grâce divine. 4° El c’est encore une erreur de Personlt chief it, sein Ixbcn und seine FUhrenchaft im arianischcn Streit. 1903; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de prétendre que cc monde est Incorruptible ct Immortel, ΓEglise, 2· édiL, Paris. 1907, t- II. passim*. Hauck, llealenquand il faut tenir pour certain qu’il est sujet au chan­ cgkhpadic fur proiestantische Théologie und Kirche.3· Mil., gement ct à la corruption. Eusèbe terminait sa réponse Leipzig. 1897; Kraus. Heal-Encyklopadie der christlichen en exhortant André à corriger des opinions aussi AUerthûmrr. WeUeret Weltc. Kirchenlexikon. 2' édiL, Frlhétérodoxes. Le moine faussaire s’en garda bien; il bourg-en-Brl*43iu; Smith ct Waee. Dictionary o/ Christian s'entêta ct reprit la plume pour les soutenir de nou­ biography.1 >m gable vigilance,les fidèles furent prémunis contre « le fléau qui montait de l’Égypte, ■ selon le mot de saint dès avant dc commencer le récit dc 1’arianfsme. Cavallera Le schisme d'Antioche (iv*-v* siècle), Paris, Chrysostomc. Orat. in Eustathium, n. 3, P. G., t. l, 1905, p, 33. Devenu évêque dc Béréc, Eustathe se si­ col. 602. Il bannit dc son clergé tous les membres sus­ gnala par l'orthodoxie dc sa foi et par son zèle pour pects. Saint Athanase, Λ qui nous devons ce détail, la vérité : son ami, l'évoque d’Alexandrie, saint Hist. arianonun.A, note que la plupart de ces clercs Alexandre, lui fait tenir une copie dc la lettre qu'il furent dans la suite faits évêques pour renforcer le envoie au sujet d’Arius Λ Alexandre dc Constanti­ parti arien : tels sont Léonce et Étienne d’Antioche, Georges de Laodicéc, Théodose dc Tripoli, Eudoxe dc nople. Théodorct, //. Zj., i, 3, col. 909; S. Jérôme, Dc vins, c. lxxxv, col. 691. Le transfert d’Eustathe Germanide (plus tard évêque d’Antioche, puis de A Antioche cul lieu probablement en 321. Sozomène, Constantinople), Eustathe de Sèbnste. Saint Jean //. !, 2, commet une erreur en plaçant ce fait Chrysostomc, toc. cit., rapporte que 1Ί vcque d'Antio­ che envoyait des maîtres orthodoxes et de savants après le concile dt Nlcée et en l’attribuant à une décision de cette assemblée. II faut s'en rapporter controversistcs aux villes les plus menacées. Lui-même, il multipliait d'ailleurs les réfutations, sous tonne dc nu témoignage dc Théodorct, J/. E., i, 6, col. 917, traités, dc lettres, de sonnons ou fie commentaires affirm ant la présence d'Eustathe à Nicéc comme évêque exégétiques : Adversus Oricinorum dogma componens d’Antioche. Mansi, Concit., t. n, col. 693, 698. Son élection ά ce siège, déclare le meme historien, ibid., multa, dit de lui saint Jérôme, loc. cil. Théodorct, H. fut l’acte unanime des évêques, des prêtres et des E., t, 7, col. 921, fait une mention spéciale d’un opus­ laïques de la ville et de la province. Il y aurait été le cule sur ce texte des Proverbes, vin, 22 : Dominus successeur immédiat de Philogone, ibid., lequel est creavit me in initio viarum suarum, et il cite un extrait mor! au plus tôt le 20 décembre 322, S. Chrysostomc, de la préface. Cette préface, qui « est uu véritable mani­ Dc S. Philog., oral, xxxr, P. G., t. xlvui, col. 747 sq.; feste, » Cavallera, toc. cit., a été insérée par Nicéphore ci. Tillcmont, Mémoires pour servir à l'histoire ccdésias­ Callisle dans son Histoire ecclésiastique, vm, 21. Nous tique,Puris, 1706,t. vu, p. 201 sq.;Boschius, Hist. pair. avons un assez grand nombre d’autres fragments Antioch., dans Acta sanctorum, t. iv Julii, p. 30 sq.; (exactement 19) dc cct opuscule sur ce texte des Pro­ mais la Chroniquedesaint Jérôme,Chronicon, an. 2345, verbes derrière lequel, comme on sait, sc retranchaient P. L·, L xxvn, col. 677, suivie par Thèophane et les ariens. Ces fragments sc trouvent, pour la plupart, par d'autres, intercale entre l'un et l’autre, pour un conservés dans Théodorct, Eranistes, P. G., t. ι.χχχιη, court intervalle, un certain Paulin (à distinguer dc col. 87, 176, 285. « Quand, en 328, Athanase, jeune Paulin dc Tyr). \oir Tillcmont, op. cil., p. 22 sq., encore, fut choisi pour succéder à saint Alexandre, 646 Mj. Eustathe prit une grande part au concile de Eustathe était, avec Marcel d'Ancyrc, ic champion le Nicéc. D’après une lettre de Jean d’Antioche à Pro­ plus en vue et le vrai chef dc l’orthodoxie nicécnnc. » clos, citée par Facundus d'Hcrmlane, Pro defensione vallcra. op. cit., p. 34-35. trium capit., XI, î, P. L., t. lxvii, col. 795, il y aurait Le vigoureux défi jeté aux hérétiques par Eustathe meme occupé la première place. Théodorct, //. E., fut relevé par les deux chefs du parti, Eusèbe dc Nicoi, 6, col. 917, affirme qu’il y prononça devant Cons­ médic et son homonyme dc Cèsaréc. L’antagonisme dc tantin l'allocution d’ouverture. * C’est par une fausse ces deux prélats contre l’évêque d'Antioche datait du interprétation dc la Vita Constantini, III, 11, écrit concile de Nicéc. Sozomène, H. E., n, 19, mentionne à ce sujet F· Cavallera, op. cil., p. 34-35, en note, que aussi, panni les évêques attaqués par Eustathe dans l'auteur des titres attribue ce discours à Eusèbe dc scs polémiques, Paulin dc Tyr et Patrophile dc ScythoCèsaréc. L'affirmation identique dc Sozomène, //. E., polis, qui comptaient dans l’épiscopat oriental un bon 1,19, n'a pas d’autre explication. On a fait honneur & la nombre dc partisans. modestie d'Eusèbe du silence que peut expliquer son Eustathe avait accusé Eusèbe dc Cèsaréc dc revenir animosité contre Eustathe ou son parti pris. L’en­ sournoisement aux erreurs anciennes; celui-ci ripostait semble de la Vita, et notamment le c. xr.v du 1. IV en chargeant Eustathe dc sabellianisme. Socrate, H. E., montrent qu’Eusèbe n'a point l’habitude dc dissimu­ ï, 23. < f. Sozomène, n, 18, qui diffère dc Socrate ler ce qui le concerne. On s’explique mal d’ailleurs pour la forme seulement. La discussion menaçait de pourquoi Eusèbe aurait été à la droite dc l'empereur. > durer longtemps. · Eusèbe de Nicomédie sc rendit M. Secck, Zeitschrift für Kirchcngeschichte, 1896, compte que la ruse éUiit une meilleure arme pour p. 347, η. I, admet à tort que les litres sont d’Eusèbe. triompher, il organisa un guet-apens. > Cavallera, op. Cf. Htdkel, Eusebius Wake, t. î, Einteilung, p. an. cit., p. 36. Il flatta la vanité dc l'empereur par une Déjà Valois avait remarqué excellemment cette diffé­ requête sollicitant l'autorisation d’aller visiter les rence tntre V Histoire ecclésiastique et la Vita. P. G. constructions grandioses que la piété de Constantin L xx, col. 905, note L Le discours d’Eustathe, dont faisait élever ù Jérusalem (la basilique du Saint-Sé­ Théodorct donne le résumé, est censé reproduit dans pulcre, dont la dédicace solennelle eut lieu le 17 sep­ Pauvre de Grégoire dc Cèsaréc : Oratio in SS. Patres tembre 335). Il partit pour la Palestine, accompagné Kiœnos. Ci. Boschius, Ada sanctorum, t. iv julii, dc Théognis de Nicéc. A leur passage par Antioche, les De S. Eudatldo, i. n. 5 sq., 130 sq. deux voyageurs reçurent d’Eustathe le plus fraternel Quoi qu'il en soit de l’affirmation dc Théodorct, il accueil, et ils sc séparèrent de lui avec toutes les appa­ est sûr qu* Eustathe attaqua vivement les ariens et rences dc l’amitié. Mais, poursuivant son but, Eusèbe contribua licaucoup à leur condamnation. S. Jérôme, dc Nicomédie rallia ses partisans syriens et palesti­ Epid., Lxxiîf, 2. adEoangdum, P. L.,t. xxn, col. 677; niens : Eusèbe de Cèsaréc, Patrophile de ScythopoUs, Facundus d lîcrmtmc, loc. cit. C'est probablement Aèliosde Lydda. Cf. Théodolc de Laodicéc,lThéodorct, alors, selon la remarque dc Tillcmont, op. cil., p. 23, H. E., î, 20, col. 968. A son retour, il les amena avec lui qu'Eustathe lia avec Osius de Cordouc celle intimité à Antioche (330), où se trouvaient déjà d’autres évê­ dont parle le conciliabule dc PhUippopolL S’il faut en ques, mais ceux-ci fcr.ncmcnt attachés, pour la plu­ part, à la foi dc Nicéc. croire Gel ne de Cy/lque, Hist. cone. Nleerni, ΙΙ,χχνιι, Si l’on en croit Théodorct, H. E., î, 21. col. 968, une P. G-, L lxxxv, col. 1344, Eustathe fut chargé de faire accusation portée contre les mœurs d’Eustathe par exécuter les decisions conciliaires dans les provinces d' Corlésyrie, dc Mésopotamie cl des deux Cilicios, i une femme de rien aurait servi dc prétexte à la réunion Mali c’est surtout à Antioche qu’il usa dc toute son t d’un synode. Soudoyée par les ennemis du saint, cette 1557 EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT) femme parut devant les évêques, tenant dans scs bras un enfant dont Eustathe, dirait-elle, était le père. Eustathe sc borna à demander, conformément aux règles canoniques, qu'elle produisit scs témoins. Mais les cuséblcns, qui avaient machiné cette odieuse accu­ sation, déclarèrent l'évêque d'Antioche suffisamment convaincu. Théodorct ajoute, ibid., col. 969, que plus I tard, au cours d’une grave maladie, l’infamc accusa­ trice déclara, en présence d’un certain nombre dc prê­ tres, qu’elle avait calomnié Eustathe : son enfant était | bien d’un Eustathe, expliqua-t-elle, mais d’un forge­ ron et non point de l’évêque. Ibid. Quelle valeur nllribucrà ces renseignements fournis par Théodorct? Mgr Duchesne, Histoire ancienne de Γ Église, Paris, 1907, t. n, p. 162, note 3, se contente d’écrire, après les avoir résumés : < Tout cela est fort suspect et sent la legende. » Déjà Montfaucon, dans sa preface à 1’ omélie de saint Jean Chrysostomc In Eustathium, P. G., t. L, col. 597-598, arguant du silence d’Alhanascct de Chrysostomc,s’était ègalcmcntmontré fort sceptique. Telle n’est pas l’opinion dc F. Caval­ lera. « Plausible au premier abord, écrit-il, (ce scepti­ cisme] ne semble pas cependant justifié, ndépendamment de Socrate qui parle en termes vagues et dc Sozomène plus précis, trois auteurs rcpréscntantchacun trois sources différentes rapportent expressément ces accusations : l’anomécn Philostorge et deux ortho­ doxes affiliés chacun à un parti opposé dc l’Églisc d’Antioche, Th odoret, qui a recueilli les traditions dans l'entourage de Flavicn, saint Jérôme, Apologia adversus libros lût fini, in, 12, P.L., t. xxm, col. 188, à qui Paulin a pu raconter toute l'intrigue. Par Paulin et Flavicn nous remontons à l’époque même des événe­ ments, à des témoins absolument contemporains. On peut donc affirmer que l’on est au moins en présence dc la tradition unanime des orthodoxes d’Antioche. Le silence dc Chrysostomc paraîtra moins probant contre cette affirmation, si l’on observe qu’il nc dit pas un mot, dans son homélie, des prétextes allégués : il s'a­ donne tout entier à faire ressortir la vraie cause dc la déposition, le zèle d’Eustathe pour la foi de Nicée, et à rappeler les préceptes de concorde qu’il a laissés à scs disciples. » Cavallera, Le schisme d*Antioche, p. 59. Voir dans le même ouvrage, p. 59-61, d’autres allusions plus ou moins claires à ces faits dans des textes con­ temporains, notamment dans la lettre rédigée au con­ cile de Philippopoli, P. L., t. x, col. 674. · Il n’y a pas à tirer argument des chroniqueurs postérieurs...: un récit légèrement romanesque et présentant d’une façon plus vivante les détails du procès a dc soi leurs préfé­ rences. » Cavallera, op, cil., p. 62, en note. Cf. Acta sanctorum, toc. cil., n. 22. Quoi qu’il en soit dc cette accusation concernant les mœurs d’Eustathe, ce nc fut point la seule que scs ennemis firent peser sur lui ; il y axait aussi des accu­ sations concernant son attitude politique, et d’autres concernant sa doctrine taxée de sabellianisme. Pour le premier dc ces deux nouveaux chefs d’accu­ sation, il y a deux versions : celle dc saint Athanase et celle de Théodorct. D’après saint Athanase, Historia arianorum, 4, P.G., t. xxv col. 697, Eustathe aurait manqué à scs devoirs envers la mère dc Constantin. Δια6ά>)ετα( ΚωνσταντΙνω τώ βασίλιί, πρόφασι’ς re έπινοειται ώς τή μητρί ποιήσας ύ6ριν· · Les termes sont vagues et peuvent s’entendre aussi bien d’actes que dc paroles. Ce témoignage est absolument isolé, mais il est d'un contemporain, d’un homme généralement bien informé des choses dc son temps, en relations étroites avec le parti eustathicn d’Antioche sous Constance. II est Impossible de rejeter son affirma­ tion, ni d'en mesurer la portée. Il n'y a qu’à l’enregis­ trer... On pourrait admettre qu’agissant pour Eustathe comme ils le firent plus lard pour Athanase, les semi- 1558 ariens ont L »aginé devant l’empereur une accusa­ tion nouvelle où celui-ci était directement Intéressé. > Cavallera, op. cit,, p. 62. Mgr Duchesne, loc. cit., écrit qu’en cette accusation < Il pourrait bien y avoir un fond de vérité;» et il propose l’explication suivante: • Hélène visita l’Oncnt au temps d’Eustathe. On savait qu’elle était très dévote à saint î.ucicn, le célèbre prêtre d’Antioche, dont le corps, Jeté à la mer devant Nicomédie, avait été porté par les courants — par un dauphin, dit la légende —précisément sur le rivage de Drépane, où l’impératrice était née et où, sans doute, elle avait une résidence. C’était son martyr à elle ; elle lui fit élever une somptueuse basilique.Lucien avait laissé à Antioche des souvenirs litigieux : les ariens l’honoraient extrêmement; leurs adversaires témoignaient moins d’enthousiasme. Il est possible u’à ce propos Eustathe ait laissé échapper quelque parole imprudente. Saint Ambroise, plus tard, nc sc gênera pas pour dire qu’lfélènc avait été fille d'au­ berge, stabularia, ce qui, vu les usages du temps en fait d’hospitalité, voulait dire beaucoup dc choses. Au temps de Constantin, il n’était pas sage dc remonter à ces origines. » Duchesne, op.cil.,p. 162-163. E. Venables, art. Eustathius, dans Dictionary of Christian biogra­ phy, t. π, p. 383, renvoie dc meme au mot de saint Ambroise,De obit. Theodori. 42, P. I... t. xvi, Julien rappelle tous lc^ exilés, sans qu’il soit question Cavaliers, op. cil., p. 63-61. Grâce à toutes leurs menées, les eusébiens réussirent du retour d’Eustathe. Cf. Gwatkin, Studies o/ aria· nism, 2e édit., Londres, 1900, p. 77, n. 2. D’autres la à faire proclamer la déposition d’Eustathc, Nous avons su cc que valaient les deux premiers chefs d’accusa­ croient antérieure au r.ippel des exilés par les fils do tion. Quant au troisième, le sabellianisme d’Eustathc, Constantin en 337. Tillemont, toc. cil.; Boschius, loc. voici le jugement d’un critique compétent ; · Je ne vois cil.; Cavallcra, op. cil., p. 41, 65; Leclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 645, note 1 ; E. Venables, toc. cil. pas que cc qui nous reste des œuvres d’Eustathc prête quelque fondement à cette accusation. La pleine divi­ Cette seconde opinion semble la mieux fondée : car la nité du Verbe y est puissamment affirmée, mais la dis­ raison qui vaut pour le rappel des exilés en 360 vaut aussi pour la date du premier rappel, 337. Tout le tinction d’avec le Père est également mise en lumière. Sur l.i théologie d’Eustathc, consulter une note sub­ monde reconnaît, d'ailleurs, qu’après sa déposition» Eustathc disparait de l’histoire : cc qui ne s'explique stantielle de Dupin, Auteurs ecclésiastiques, ιν· siècle, guère que s’il est mort peu d'années après son exil. I. i, p. 132-133, ct, en cc qui concerne la christologie, Socrate, H. E., iv, 14, suivi par Sozomènc, IL E., vi, mon édition de l’homélie in Lazarum, p. 12, note 1. » 13, le fait vivre jusqu'au temps de Valens (364-378), Cavallera, op. cil., p. 38, en note. Aussi bien, le vérita­ mais il y a sûrement là une confusion : car Théodoret, ble motif de la déposition d'Eustathe était tout autre : JL E., ni, 2, col. 1089, nous apprend qu’Eustathe c était son opposition aux ariens et son zèle à défendre la foi de Nicée. A part les témoignages intéressés de était mort lorsque Mélècc fut élu évêque d’Antioche (360). Duchesne, op. cil., p. 164, en note. Saint Jérôme, Philostorge ct d'Eusèbc, l’ensemble des documents toc. cil., et saint Athanase, Historia arianorum,5, P. G., concordent pour représenter cette déposition comme t. xxv, col. 700, rapportent cet événement au règne une vengeance du groupe cusébien. E. Venables, op. de Constance (337-361). En ce cas, cc dut être tout à cit., p. 382, voudrait voir la véritable cause dans la rivalité d’Eusèbc de Césarée ct d’Eustathc se dispu- i fait au début de cc règne. En cflet, Eustathc n'est plus jamais signalé dans les documents du temps de tant la faveur de Constantin. Dans celte lutte d’in­ fluence, Eustathc aurait été le vaincu. F. Cavallcra Constantin ct de Constance mentionnant un si grand déclare n’avoir < trouvé aucun document à l’appui de nombre d’évêques de situation analogue. « Athanase, Marcel d’Ancyre, d’autres encore, vont à Rome faire cette assertion, » ct ajoute que la » supposition pour­ valoir leurs droits et protestent hautement, après la rait être plus vraie d'Eusèbc de Nicomédie. > Op. cit., p. 61, note 4. mort de Constantin, contre la sentence qui les a chassés de leur siège. Diverses amnisties impériales les rame­ Les accusations portées contre Eustathc ct sa dépo­ sition soulevèrent des protestations à Antioche. Les nèrent successivement de l'exil. D’Eustathc il n’est ja­ eusébiens sc hâtèrent de partir pour Nicomédie, Théo­ mais plus question, et dès 343, le concile cusébien de doret, IL E., i, 20, col. 967, où ils n’eurent pas de | Philippopolis le traite comme un oublié. » Cavallcra, peine à mettre Constantin de leur côté. Constantin op. cit., p. 4L Cf. p. 65-66. envoya à Antioche le stratège Musonianus. pour répri­ D’après une tradition géorgienne, saint Eustathc mer h prétendue sédition populaire ct mettre à exécu­ serait l’évêque envoyé par Constantin avec des prêtres tion les décisions du concile. Eustalhe n’opposa point en Géorgie, après la conversion de ce pays par sainte de résistance; accompagné d’un certain nombre de Nino. Tamarati, L*Église géorgienne des origines prêtres et de diacres, il prit le chemin de l’exil. jusqu'à nos jours, Rome, 1910, p. 197-198; Klaproth, Athanase. Historia arianorum, t, toc. cil.·. Socrate, H. Voyage en Géorgie (édition allemande), t. n, p. 160; L î. 21. g t. i wm. col. ili, Sozoménc, //. E., Saint-Martin, dans Lebeau, Histoire du Bas-Empire, II, 19, ibid., col. 981; Théodoret, H. E., i, 20, P. G., Paris, 1824,1.1, p. 293, note 1. Selon cc dernier auteur, t. Lxxxii, col. 968i Philostorge, II. E., n, 7, P. G., , cette mission d’Eustathc aurait eu lieu après 331, L lxv, col. 469; Eusèbe, Vita Constantini, hi, 59, . pendant le temps de son exil; suivant le P. Tama­ P. G., t. XX, col. 1125. Le lieu de son exil fut la Thrace, rati, entre 323 et 325, pendant que le saint était d aprvs le $ attestations concordantes des deux témoins évêque de Bérée. Brossct, un des écrivains les plus les plus anciens ct les plus autorisés, saint Jean Chry- compétents sur l'histoire de la Géorgie, écrit à cc su­ sostoriic ct saint Jérome. Le premier, dans son pané­ jet : « Je ne connais aucun texte géorgien, ancien ct gyrique d Eustathc, parle toujours de la Thrace; le authentique, qui certifie le voyage d’Eustathc en Géor­ second. De taris, c. lxxxv, toc. cit., plus précis, indique gie immédiatement à l’époque de la conversion de L» ville de Trajanopolis dans celte province. Après eux, cette contrée au christianisme. > Histoire de la Géorgie, nous rencontrons des Indications divergentes : Phi­ Saint-Pétersbourg, 1819, t. i, p. 112. Cependant on lostorge, toc. at., n’emploie que le terme vague d’Occi- pourrait peut-être admettre (pie l’empereur ait confié à Eustathc, mais avant sa disgrâce ct son exil, le d< nt; Socrate, IL Ε-.ιν,Ι I, ct Sozoménc, IL E., vi, 13, supposent aussi l'exil en Occident; Théodoret, IL E., soin d’envoyer en Géorgie un évêque ct des mission­ 1, 20, col 967, parle d’une ville d'Illyrie, sans la dési­ naires, cc qui expliquerait la dépendance ancienne gner autrement. Lr^ chroniques postérieures de Victor de l’Église géorgienne à l’égard du patriarcat d’An­ tioche. A. Palmieri, La conversione u/jiciale degU Ibcrl Tunnenncnsis. Chronica minora, et de Théophanc exteselivunt Eustathc à Philippes en Macédoine, et al crislianesimo, dans Oncns Christianas, Rome, 1903, p. 171. On trouvera dans cc dernier travail les textes c’est de la qur, wrs 482, Calan dion, évêque d’Antloct références concernant cette tradition géorgienne. c. - fait rapporter dans sa ville épiscopale le corps de Eustathc, qui avait à Antioche beaucoup de parti•o prcdciTsv ur. En raison de ces données, plusieurs 1561 EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT) 1562 sans, y comptait aussi un bon nombre d'ennemis. col. 685-688. Saint Jérôme, loc.. cit., cite, sans dire d’où Sa succession occasionna un schisme, les custathiens elle est tirée, l'opinion d’Eustathc sur Melchisédech.Cf. refusant de se rallier aux évêques ariens d’abord, P.G.,ibid., col. 696. Enfin, un traité sur V érection du puis même à saint Mélècc ct aux évêques mélétitre, ikpi στηλογραφ;ας λόγος, est cité par saint Nicé­ clcns. Le schisme cessa en partie sous l’épiscopat phore dans scs Anlirrhctica, II, xix, Pitra, Spicilegium d’Alexandre en 117, mais ne disparut complètement Solesmense, t. i, p. 351, et par une Chaîne grecque qu'à la fin du v· siècle, au moment où les reliques de éditée à Leipzig en 1772, P. G., toc. cit.. col. 695-698 : saint Eustathc furent apportées à Antioche. il s'agit de l'échelle mystérieuse de Jacob ct de la II. Écrits i.t théologie.— Eustathc d'Antiodic croix dont elle était la figure. Quant aux lettres d’Eusa été fort loué par les Pères et les écrivains ecclé­ tathe, nous n’en avons aucune, bien que, au dire de siastiques, non seulement comme un saint évêque ct saint Jérôme, loc. cit., elles fussent trà nombreuses : un glorieux confesseur, mais aussi comme un doc­ Exstant infinité epislolæ, quas enumerare longum est. teur éclairé qui laissa de nombreux écrits de théo­ F.Cavallera a édité récemment sous le nom d’Eustathc logie ou d’exégèse. Un seul de ces traités nous a été d'Antioche une homélie christologique, S. Eustnthil conservé en entier : c’est le De cngastrimylho ou dis- episcopi Antiocheni in Lazarum, Mariam et Martham sentation contre Origènc au sujet de la pythonissc homilia christologica nunc primum \c codice Gronaviano edita cum commentario de fragmentis eustathianis, d'Endor : Κατά Όριγένους εις το τςγ έγγαστριμύθου Paris, 1905. Mais L. Saltet, Bulletin de littérature ec­ θεώρημα διαγνωστικός. Eustathc y combat l'opinion d’Origènc sur l'évocation de Samuel par la sorcière. clésiastique, 1906, t. vm, p. 120 sq., a prouvé que Il y « cherche une viamedia entre le littéralismc strict cette homélie « contient un vocabulaire théologique ct le pur allégorisme : c’est au demeurant une vigou­ qui est d’une date très postérieure à Eustathc. » reuse critique de la méthode d’exégèse alexandrine. » Ainsi, clic parle du Saint-Esprit consubstantiel au Batiffol, La littérature grecque, Parjs, 1897, p. 27L Père, de la Trinité consubstantielle, p. 39-10; d'autres Dom Ceil lier, Histoire générale des auteurs sacrés et expressions sur l’union des deux natures dans le Christ, p. 10, 41, 48, 50, supposent les controverses de l’apolecclésiastiques, Paris, 1865, t. ni, p. 163, déclare que cette dissertation «est un des plus beaux monuments linarisme et du nestorianisme. L'examen philolo­ gique confirme d’ailleurs que cette homélie ne sau­ de l'antiquité sacrée, pour l'esprit ct pour le raison­ rait être attribuée à Eustathc. 11 faut la ranger parmi nement. » Eustathc s’y montre ouvertement ennemi d’Origènc, jusqu’à reprendre meme en lui « des les textes apocryphes qui ont été composés au v* siècle choses qui paraissent peu répréhensibles. » Tillemont, • pour appuyer la théologie de Chalcédoine. » Saltet, op. cit., p. 31. Édité une première fois à Lyon en 1629 I loc. cil., p. 122. Cf. C. Baur, dans la Revue d'histoire par Allatius, qui le traduisit en latin, cet écrit a I ecclésiastique, 1907, t. vmt p. 330. Aux fragments d’Eustatlie recueillis par Mignc, été plusieurs fois réimprimé, notamment dans P. G., après Fabricius, complétés par les fragments sy­ t. xviiï, col. 613-67 L Une nouvelle édition en a été riaques édités par J.-P. Martin et Pitra, Analecta donnée par A. Jahn, Des heiligen Eustathius Deurtheisacra, Paris, 1883, Ln, Prolegomena, p. xxx\th-xl; lung des Origcncs, dans Texte und Untersüchungen, t. iv, p. 210-213 (sauf les n. 5 et 6 contre Photin, Leipzig, 1886. qui sont inauthentiques, I-oofs, op. cit., p. 627), il Des autres écrits d’Eustathc il ne nous est resté que faut joindre les fragments que transcrit Cavallera ct des fragments, qui nous ont été transmis par des au­ dont L. Saltct a relevé la liste. Les sources de Γ Έρ»· teurs postérieurs ct qu’on trouve pour la plupart νιστηςίΖί Théodoret. II. Un document perdu du concile réunis dans Mignc, sous cc Litre : Fragmenta ex libris d'Éphésede 431, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, S. Eus!athii episcopi Antiocheni deperditis, P. G., 1905, t. vi, p. 517, 520-521. t. xviii, col. 675-695. Saint Euloge d’Alexandrie lui Mignc donne, d’après Grégoire de Césarée, l’allo­ attribue six traités, λόγους, contre les ariens, κχτά cution à l’empereur Constantin, qu’Eustathe aurait άρειανών, dont il cite un passage. Photius, Bibliotheca, prononcée à l’ouverture du concile de Nicée. P. G., col. 225. Facundus d’IIemüanc, Pro defensione trium t. xvm, col. 673-676. «Maisde la manière dont il est capitulorum, 1. XI, c. I, P. L., t. lxviii, col. 795-796, conçu, on voit bien que ce discours est postérieur rapporte aussi des passages du 1. VI. contre les ariens, même au lrr concile de Constantinople, où la foi sur mais il en cite également d’un 1. VIII, où Eustathc les trois personnes de la sainte Trinité fut exprimée expliquait divers textes de l’Évangilc ou des Psaumes plus nettement que dans les précédents, quoique touchant l’incarnation du Verbe. Saint Jérôme, De pourtant avec moins encore de précision qu'elle ne viris,c. lxxxv, connaît de lui un traité De anima, dont l’est dans ce discours. > Ceillier, loc. cil., p. 167. Théodoret, Eustratc de Constantinople, saint Jean Sous le nom d’Eustathc d’Antioche, Allatius a Damascene (voir les réferences, pour ccs derniers,dans édité à Lyon, en 1629, un Commentaire (’Γκόμνημβ) P. G., t. xvm, col. 687 sq.) donnent des fragments, ct sur l'Hexaméron, ou plutôt une chronique allant de (pie les auteurs de Rerum sacrarum Hbri 1l, Léonce ct la création jusqu’à l’époque des Juges. Mignc l’a réim­ Jean, intitulent aussi χατα φιλοσόφων, Mai, Collectio primé, avec les longues ct savantes notes d’Allatius. nova veterum scriptorum, t. vu, p. 85, cc qui signi Ile P. G., t. xvm, col. 703-1066. Mais les critiques regar­ probablement qu’ils étaient encore dirigés contre les ariens. On a vu signalé, au cours de la notice iogradent généralement cet ouvrage comme apocryphe. Tillemont, loc. cit., p. 31; Ceillier, loc. cit., p. 166-167; phiquc, le discours ou traité sur Prov., vm, 22 : Domi­ nus creavit me initium viarum suarum, dont Théodoret Boschius, dans Acta sanctorum, loc. cit., n. 39, p. 139; cite d’assez longs extraits, P. G., t. xvm, col. 675Fessler-Jungmann, Institutiones patrologiœ, Inspruck. 1890, t. i, p. 430, note 5, avec les autres références qui 681. Au VIIe concile œcuménique, on cita un com­ mentaire d’Eustathc sur Prov., ix, 5 : Comedite panem y sont indiquées. meum ct bibite vinum quod miscui vobis, où l’évêquc Enfin, on trouve dans Mignc, loc. cil., col. 697-704. d’Antioche emploie le mot antitype à propos de la en traduction latine, la liturgie syriaque mise sous le matière de l'eucharistie. P. G., ibid., col. 683-686. nom de saint Eustathc d’Antioche, d’après l’édition de Théodoret, Eranistes, dial, ι-m, et Léonce de Byzance, Benaudot, Liturgiarum orientalium collectio, 2* édit., Contra monophysilas, dans Mai, op. cil., p. 135, rap­ Francfort. 1847, t. i, p. 231 sq. Mais on sait que ccs portent des passages d’un traité sur les titres de quelques attributions liturgiques ne font qu’indiquer le culto ct psaumes, xv, LVi,ct psaumes graduels,ainsi que d’un l’estime dont jouissent les personnages en question. commentaire des psaumes xv ct xcn. P. G., ibid., La théologie d’Eustathc est surtout antiarienne. 1563 EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT) Saint Jérôme, loc. cit., l’appelle une trompette reten­ tissante et lui attribue l’honneur d’avoir donné le premier signal du combat contre Arius. De fait, les divers écrits d’Eustathc sont le plus souvent men­ tionnés par les auteurs comme dirigés contre les ariens. C’est le cas même pour sa dissertation sur la pythonisse d'Endor, d’après Anastase le Sinoite. Tillcmont, loc. cit., p. 31. On peut, À la suite de don* Ceillier, ré­ sumer ainsi sa christologie : Jésus-Christ est Dieu • par sa nature cc engendré de Dieu, In ps. xctl, P. G., L xvm, cou 088; U a eu un corps et une âme comme nous, In ps. xr, col. 685; cc corps a été formé dans le sein dc la Vierge Marie par l’opération du SaintEsprit. In Proo., vin, 22, col. 677. S'il a soulTert, c'est dans sa nature humaine, Dc anima, col. 688; cette nature n'a point été changée en la nature divine, mais elles ont eu l’une et l'autre leurs opérations propres. In Prou., \riu, 22, col. 680, 681; In ps. xe/t, col. 685-688. 1-es œuvres du Fils lui sont communes avec le Père. Dc anima, cité par Théodorct, Eran isles, dial, in, P. G., t. lxxxhi. col. 288. En lin, la manière dont Eustathe s’exprime sur l'union des deux natures en Jésus-Christ, In lit. ps., Ibid., n, col. 176, équi­ vaut à la doctrine dc l’union hypostatique. Cependant Tillcmont, loc. cit., p. 31, a pu écrire : <11 faut qu il v eût quelque obscurité dans les écrits dc saint Eustathe sur le sujet dc l'incarnation, puis­ qu'on a rnis autrefois en question cc que cc saint avait cru de cc mystère. » L’auteur auquel Tillcmont fait ici allusion est Étienne Gobar, dans Photius, Biblio­ theca, cod. 232. Facundus d’Hennianc, I. VIII, c. i, iv; I. XL, c. i, allègue plusieurs passages d’Eustathc pour défendre ou pour excuser certaines expressions ncstoricnnes reprochées à Théodore de Mopsucstc. En elïct, remarque dom Ceillier, loc. cit., p. 160-161, les expressions de saint Eustathe sont un peu dures, et il semble reconnaître dans Jésus-Christ une autre per­ sonne que le Verbe, et dire que le Verbe habite dans l'humanité comme dans son temple. 11 dit encore que le sépulcre et le trône que Dieu a préparés à son Fils ne conviennent ni au Père ni au Verbe, mais au Christ seul qui, à cause du mélange avec le Verbe divin, est le Seigneur de toutes les créatures. Mais Facundus observe avec raison qu’il ne faut pas anathématiscr la doctrine de cc Père pour quelques termes inexacts dont il s’est servi en un temps où l’hérésie nestorienne n'était pas encore venue attirer l'attention des esprits sur ce point Au reste, le résumé donné ci-dessus de la christologie eustathienne suffit ù montrer combien •lie était éloignée dc la doctrine de Ncstorius : les Pères du concile d’Éphêsc pouvaient en toute sûreté opposer à l’hérésiarque l’autorité d’Eustathc, dont ils citaient un texte des plus formels en faveur du dogme catholique. Saint Ephrcm d'Antioche, un des successeurs d’Eustathc, afllrme aussi qu’il pensait comme saint Cyrille au sujet dc l’incarnation. Photius, Bibliotheca, cod. 229. Enfin, remarque justement Ceillier, loc. cil., » on sait que le mot de personne ne sc prend pas toujours à la rigueur dans les anciens et que plusieurs se sont servi dc cc terme pour signi­ fier également l'une ou 1 autre des natures de JcsusChrisL » L'autorité de saint Eustathe a été reconnue et louée par un grand nombre d'écrivains anciens. Elle était reconnue même des hérétiques. « Il est cité par les moines de Constantinople qui combattaient Ncs­ torius; par les Orientaux qui le défendaient: par les mêmes, lorsqu’ils furent réunis à l’Églisc. Il est cité dans le VU· concile œcuménique comme un Père qui avait parlé par le même Esprit-Saint que le grand Basile, qui avait été le défenseur intrépide dc la foi orthodoxe et le destructeur de l’impiété arienne. · lulernont. op. cit., p. 30. Théodorct l’appelle le pre- 4564 niier défenseur de la vérité, II. E., r, 20, l'athlète de la piété et de la chasteté, un homme digne de toute louange. Saint Jérôme, outre le Litre déjà cité de • trompette retentissante qui a donné le premier signal du combat contre Arius, » Epist., lxxhi, n. 2, admire en lui sa science des Livres saints jointe ù une remarquable connaissance des lettres humâmes.Ep/sL, ι.χχχ,η. 2, P. L., t. xxn, col. 677, 667. Saint Jean Clirysostomc a prononcé, ù Antioche, un discours en­ tier Λ sa louange. P. G., t. L, col. 597-606. Sozomêne, II. E., i,2, et ir, 19, atteste qu'il est universellement admiré pour sa sainteté et sa doctrine,qu’on «estime son beau langage à tournure archaïque et son bon sens. » Batiffol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 271. · Le concile des Orientaux, vers l’an 435, le loue comme un défenseur de la vraie foi, dont le nom était fort célèbre Λ Alexandrie. » Tillcmont, loc. cil., p. 21. Facundus d’Hennianc, \T1I, iv; XI, i, allirme qu’il était honoré avec les autres Pères, et plus que beaucoup d’entre eux, comme Je premier évêque du concile dc Nicéc. Saint Fulgcnce, De prœdestinatione, I. II, c. xxn, n. 42, P. L., t. lxv, col. 649, le place ô côté de saint Athanase, de saint Hilaire et des autres grands évêques qui ont le plus vigoureusement lutté contre les hérésies. Anastase le Sinaïtc, Viœ dux, c. vî, vu, P. G., t. lxxxix, col. 101 sq., le range de même parmi les principaux Pères; il l'appelle le di­ vin Eustathe, excellant dans la connaissance des choses de Dieu, un sage prédicateur, un saint martyr, le premier docteur du concile de Nicéc, un maître qu’il veut suivre avec respect comme son père, comme son protecteur, comme un homme en qui Dieu parle. Cf. Tillcmont, loc. cit., p. 22. Saint Eustathe est mentionné au 16 juillet dans le Martyrologe romain. Cf. Acta sanctorum, t. iv julii, p. 130 sq. Les Synaxaircs orientaux font son éloge ou le signalent au 21 ou au 27 février, nu 5 juin et au 23 août; son nom est uni à celui d'un grand nombre dc saints dans certains offices « des saints Pères » ou «desdocteurs grecs ». Dclvhaye. Synaxarlum Constantinopolitanum, Bruxelles, 1902, col. 480, 732, 324, 917.Cf. Nillcs, Kalendariiun utriusque Ecclesiœ,2* édit., Inspruck, 1896, L i, p. 109, 481, 487, 489; t. n, p. 18, 682, 715; Martinov, Annus ecclesiasticus grœco· slaoicus, Bruxelles, 1864, p. 77. ( I. Sources. — S. Athanase, Epist. ad episcopos Æguptl et Libya, n. 8, /*. G , t. xxv, col. 556; Apologia dc /uga sua, n. 3, ibid , col. 013-680; Historia arianorum ad monachos, n. 4, ibid., col. 691-796; S. Jérôme, De virts, c. lxxxv, P. L., t. xxin, col. 691; Epist., lxx, η I; lxxih, n. 2, P. L-, t. xxn, col. 667, 677; Eusebii Chronicorum, 1. Il, an. 331, P.G , t. xix, col 587; ci. P. I.., t. xxvit, col. 677;S. Jean Clirysostomc, Humilia in Eiutalhiunx Antioch , P. G., t. L, col. 597-606; Socrate, H. E., I. I, c. xxiv; 1. IV, c. xiv; 1. VI, c. xm, /*. G., t. LXVH, passinr, Sozomêne, H. E., I. I, c. n; I. II, c. xvm; 1. VI, c. xm, ibid , passim; Théodorct, H. E , 1 I, c. vu, xxi; ). HI, c. iv, P G., t t.xxxn; Era­ nislcs, dial, n, m, P G., t. Lxxm, col 175 eq , 285 sq ; Philostorge, H E , 1. II. n 7, P G., t. lxv, col. 169; l'acnii. dus d'IIcrmiane, Prodr/ensionc trium capitulorum, I. XI, c ι. P. I.., t. LXVH, col. 795-796. II Éditions. — Allntius, X. Eustathii commentarius in Hexaemeron ac de engadrimytho dissertatio adaersus Origc· non gr. et lat, Lyon. 1629; cette dissertation et ce commen­ taire, avec les autres fragment* d'Eustathc, se trouvent aussi dans Galiand, Bibliotheca veterum Patrum, t. iv, et dans Mlgne, P. G., t. xvm, col 613 sq. Iji plupart des frag. ments custalhien*. avec l'nllocution ad Constantinum Impe­ ratorem, sont aussi reproduits par Fabricius, Bibliotheca gnrea, Hambourg. 1728. t vm. p 166-189; 2- édit . t ix, p. 132-149. Quelque* autres fragments dans Λ Mid, Scrip­ torum veterum nova collectio, Rome, 18113, t vu, p. 15. 85-86, 106 et dans Pltrn, Analecta sacra, Paris, 1883, t. n, Protego, mena.p. xxviii-xl; L iv, p. 210-213. A. Jahn, Dm heiligen Eustathles Beurthellung des Orlgenes, dans Texte und Unlcrsuchungen, Leipzig, 1886, a donné une nouvelle edition 4565 EUSTATHE D’ANTIOCHE (SAINT) — EUSTATHE DE SÉBASTE du De engadrimylho. Givnllcra, 5. Eustalhii episcopi Antio­ cheni in Lazarum, Mariam et Martham humilia christohglca nunc primum e codice Grvnoutano edita cum commentario de fragmentis custathianis, Purls, 1905. Cf Sultct, Ixs sources de de 7héodoret. II. Un document perdu du concile (TÉphèsc de IJI, dans ta J lev ne d'histoire eccléstas· 520-521. tigaf, 1905, I \i.p 517,520-521· III. Tiiavaux.—- Altalhis, Préface et notes Λ son édition, Lyon, 1629; ci P. G’., t. xvm, col. 609-1006; Gultand, Bibliotheca veterum Patrum, 1768, t. ιν, xxiv; fabric lus, Bibliotheca grtt ca, Hambourg, 1728, t vin, p 166-189; t v, p. 256; L vu, p. 136, 730; t. vin, p. 781 ; t. ix, p, 176; t xin, p. 821 ; Tillcmont, Mémoires pour servir d Γ histoire ecclésias­ tique, Paris, 1700, t. vif, p 21-31, 640-650; Bosch lut. Com­ mentarius historicus de S Eustachio Antiocheno (1725)· dans Acta sanctorum, t. n Julll, p 130-111; Historia chronologica patriarcharum Antiochenorum, η. 24, ibid., p. 34-38; Ceillier, Histoire des auteurs sacres et ecclesiastiques (1733), 2* édit., Paris, 1865, t. m, p 158-163; Oudin, Scriptores ecclesiastici, 1722, t. i, p. 317-319; Cave, Historia literaria, 1711, t. I, p. 187-189; Dupin, .VotwcZZe bibliothèque des auteurs ecclé­ siastiques, Paris, 1707. t. η (iv· siècle), p. 132 sq.; A. Jnhn, Des heiliqen Eustathius, Erzbischofs oon Antiochicn, Beurthe ilung des Origenes belr. die Auffassung der Wahrsagrrin ! K un (Sam.), 28, und die dicsbczuglichc Humilie des Origenes, uns der Munchcncncr Hds JJ] crganit il verb , mit knt und exeget. Anmcrkungen, dans Texte und Untcrsurhungcn zur Geschichtc der altchristl 1Ateratur, Ia*ipzig, 1886. tu. fuse 1; Fcsslcr-Junginann, Institutiones palrologitr, Inspruck, 1890, t. 1, p. -127-131; Batiffol, Im littérature grecque, Paris, 1897, p. 271 ; Bardcnhewcr, Ixs Pères de Γ Église, Paris, 1899, t. n, p. 33-34; Krumbnchcr, Geschichtc der byzantintschen l.lUcratur, 2· édit., Munich 1897, p. 206; de Broglie, L’Église et t'empire romain au /r’ siècle, Paris, 1850-1859, l. n, p. 291 sq. ; Venables, art Eustathius, dans Smith, Dictionary of Christian biography, Londres. 1880, t. n, p. 382-383; Schlcycr, dans Kirchcnlcxikon, Fribourg-cn-Brisgau, 1886, t iv, col. 1010-1017; Loofs. dans llcalencyklopadie fur protcstanlische Théologie und Kirche, Ixdpzig. 189S, t. v, p 626627; Hurter, Nomcnflator, Inspruck. 1903, t. î, col 203206; Cavallcra. Le schisme d'Antioche (iv»-vf siècle). Pans, 1905; Duchesne, Histoire ancienne de ΓÉglise, Paris, 1907, t. n, p. 161 sq. On trouvera quelques autres indications bibliographi­ ques, concernant des ouvrages anciens, dans U. Chevalier, Hépcrtoirc des sources historiques du moyen âge, B to-biblio­ graphie, 2* édit., Paris, 1905, t. i, col. 1424. S. Salaville. 2. EUSTATHE DE SÉBASTE, ascète et évêque du iv° siècle, contemporain de saint Basile dont il resta longtemps l’ami, mais duquel le séparèrent en­ suite de fâcheux dissentiments dogmatiques. Ce per­ sonnage ayant été très diversement apprécié, il ne sera pas inutile de mettre en parallèle, dès le début de ccttc notice, les deux jugements opposée qu'ont portés sur lui des auteurs récents : ils éclaireront l'esprit du lec­ teur pour tout l’exposé qui suivra. M. Paul Allard écrit : · Cappadoeien comme Basile, mais son aîné d’un grand nombre d’années, Eustathe, évêque dc Sébaste dans le Pont, est un des caractères les plus singuliers du ivr siècle. D'une grande austérité dc mœurs, d’une vertu sans défaillance, charitable aux pauvres, un des premiers propagateurs de la vie monastique en Asie, il avait gagné par tous CCS traits le cœur dc Basile, qui le reçut dans son monastère des bords de l’iris, visita en sa compagnie diverses communautés, et reconnaissait en lui quelque chose • dc plus qu’humain. » S. Basile, Epist., ccxu, 2. Mais Eustathe avait en même temps un esprit incapable de sc fixer, « vnd nuage emporté çù et là par tout « vent qui souille. » Epist., ccxliv, 9. Ayant eu le malheur d’etre, dans sa Jeunesse l’élève c’Arlus, on l’avait vu passer par toutes les nuances doctrinales, tantôt voisin dc l’erreur dc cct hérésiarque, tantôt rapproché de la vérité proclamée au concile de Nicéc. Des innombrables formulaires que firent éclore les controverses do l’époque, il n'en est pour ainsi dire pas un qui n’ait été signé par lui. Epist., ccxliv, 9. Adepte et transfuge dc tous les partis, H demeure un 1566 personnage énigmatique, ondoyant, insaisissable, qui a successivement usé toutes les affections et encouru toutes les haines. · Saint Basile, Paris, 1899, p. 123124. Le protestant Loots, au contraire, a pris à tâche dc réhabiliter cct homme, « qui serait peut-être devenu, dit-il, un grand saint, si Basile n’avait rendu son nom odieux. Qu'Euftathe ait été élevé dans un milieu arien, on ne peut lui en faire un reproche: que son esprit en ait gardé quelques tendances fâcheuses, cela est probable, mais nullement prouvé. Tout ce que nous savons dc la part prise par lui aux querelles théologiques nous le montre constamment éloigné des partis extrêmes. D’ailleurs, les questions dogmatiques furent toujours pour lui chose accessoire. L’ascétisme fut l’idéal de son existence, et Basile, qui fut en bien des choses son disciple et son imitateur, a en quelque sorte usurpé la réputation de propagateur dc la vie monastique qui revient de plein droit Λ Eustathe. » Ces conclusions de Loots Eustathius von Se buste und die Chronologie der Basilius-Brtefe, Halle, 1898, et dans Bealcncyklopadie fiir protestantische Théologie und Kirche, t. v, p. 027-630, sont résumées ainsi dans les Analecta bollandiana, 1899, L xvin, p. 190. Eustathe était né à Césarée dc Cappadoce aux environs dc l’an 300. A en croire Socrate, H. E., II. XL!u, 1; Sozomêne, H. E., IV, xxiv, 9, P. G., t. Lxvn, col. 352, 1192, il serait fils d’Eulalios, évêque de Césaréc dc Cappadoce. · Mais, écrit Tillcmont, comme il ne sc trouve aucun évêque dc Césarée de cc nom, et qu’il est même difficile de prétendre qu’il y en ait eu en ces temps-là, il y en a qui croient qu’au heu de Césaréc il faut Sébaste, parce qu’il sc trouve un Eulalc ou Eulogc dc Sébaste dans le con­ cile de Nicéc, qui est peut-être celui que Philostorge, Supplementa, P. G., L lxv. col. 623, met entre les évêques du Pont qu’il prétend avoir soutenu l’aria­ nisme dans ce grand concile. » Mémoires pour servir Sozomêne, loc. cit.; Tillcmont, op. cit., p. 80, 619. Socrate et Sozomêne font dc cct Eulalios qui reçut Eustathe dans le clergé, puis le chassa, un évêque dc Césaréc. Tillcmont, qui a pris la peine de consacrer une note à ce renseignement des deux historiens, croit à une erreur de leur part et donne Γexplication qu’on vient de lire concernant Eulalios d’Antioche. Pour exclure Eulalios de Césarée, il raisonne ainsi . « Saint Basile, qui no pouvait guère Ignorer la vie d’bjistathc, et qui s'efforce dc le dé­ peindre tel qu’il était, n’eût iumais oublié une pareille 1567 EUSTATHE DE SÉBASTE 1568 circonstance de son histoire* s’il l’eût suc; et H était tique, qu’il parvint à étendre jusque dans Constandifficile qu’il Ignorât une chose de cette nature qui 1 tinoplc, grâce à l’influence de .Marathonius, ancien sc serait passée dans son pays... Que si néanmoins on fonctionnaire devenu diacre de l’évêque Macédonius. aime mieux s’en tenir à l’autorité de Socrate ct de On ne sait quelles circonstances portèrent Eustathe, vers 356, à l’évêché de Sébaste, métropole de l'Arménie Sozomène, je ne vois pas qu’il soit impossible de mettre un Eufalc, évêque de Césaréc* entre saint Léonce, qui I Mineure. S. Basile, Epist., cclxiii, col 977. Les ariens assista au concile de Nicéc, ct Ifcrmogène qui peut i qui n’étaient pas étrangers à cette élection, comp­ taient sur lui. Athanasc, Epist. ad episcop..Egypt ,27. être mort vers l’an 340. .Mais le moyen que saint Eustathe fonda, au début de son épiscopat, un Basile eût ignoré qu’il avait déposé Eustathe? · Op. grand hospice dont il confia la direction ù l’un de ses cil., note 21, p. 619. Loofs, op. cit., p. 95, ct /tealencycompagnons d’ascèse, nommé Aérios. Celui-ci, jaloux clopâdie, col. 628, suivi par .Mgr Duchesne, Histoire ancienne de V Église, Paris, 1907, t. n* p. 381, font de s’être vu préférer Eustathe pour la dignité épisco­ pale, s’aigrit contre lui, l’accusant d’avarice ct s’effor­ de cet Eulalios un évêque oc Sébaste et le père de çant « de noircir sa réputation par divers bruits que notre Eustathe. Chassé du clergé par cet Eulalios « mécontent de saint Éplphane, /ίατ., lxxiv, P. G., t. xur, col. 504 sq., assure n’avoir été que des calomnies. » Tillemont, le voir afficher un costume extraordinaire » (le costume op. cil., p. 88. Aérios entraîna avec lui un assez grand des ascètes), Duchesne, loc. cit., Eustathe s’adressa nombre d’hommes ct de femmes, « qui étaient obligés à Hcrmogène, évêque de Césaréc. Celui-ci, le soup­ çonnant d'arianisme, lui fit signer une profession de de demeurer en pleine campagne et de se retirer dans des trous et dans des bois, parce qu’on ne les voulait foi catholique, S. Basile, EpisL, ccxliv* 9, P. G., recevoir ni dans les églises, ni dans les villes, ni dans t.xxxn, col. 921. ct sur cette garantie consentit à lui les villages. Ils faisaient profession d’abandonner conférer un ordre supérieur à celui qu’Eulalios lui avait interdit, c'est-à-dire probablement à l’ordonner toutes choses, ct néanmoins ils s’adonnaient pres­ diacre ou prêtre. S. Basile, Epist., cclxiii, 3, ibid., que tous ù la gourmandise ct au vin. · Tillemont, ibid., d’après saint Basile, loc. cit. Sur les erreurs col. 977. A la mort d'Hermogène (avant 311), Eus­ d'Aérios, voir t. i, col. 515-516. tathe se rendit auprès d'Eusébe de Nicomcdic, le chef du parti arien, S. Basile, Epist., ccxliv, col. 924, C’est aussi vers ce temps (357) que saint Basile revint d’Athènes en Cappadoce. Peut-être est-ce sur mais ne tarda pas à sc brouiller avec lui pour des les conseils d’Eustathe, consulté comme maître d’as­ affaires d’administration. Sozomène* 1. IV, c. xxiv. cétisme, qu’il entreprit d’aller visiter les solitaires Eusèbe le déposa vers 312. Eustathe fut même, au d’Égypte, de Palestine, de Syrie et de Mésopotamie. dire de Sozomène, ibid., excommunié par un synode En tout cas, revenu de ce voyage ct installé dans la de Ntocésarée dans le Pont. Il parvint cependant à vallée de l’iris,!! y recevait parfois la visite d’Eustathe. sc faire accueillir de nouveau dans son pays, grâce Tillemont, op. cif., j> 84. à de nouvelles déclarations d'orthodoxie. Saint Basile, Epist., cclxiii, 3, col. 977, de qui nous tenons cette in­ Cependant la lutte s’était engagée sur le terrain formation, dit qu’il omet beaucoup de choses jusqu'à doctrinal. Eustathe dut y prendre part. « De concert l'épiscopat d’Eustathe. Au nombre de ces choses avec Basile d’Ancyrc et Elcusius de Cyzique, il con­ omises on peut placer, semble-t-il, outre le concile duisait la droite hoinnïousiastc ct combattait avec la de Nvocèsarée* celui de Gangres, qui dut sc tenir pro­ plus grande énergie Aécc ct scs fauteurs. Après un bablement en 340, bien qu’on ait proposé des dates moment de succès, il vit le parti adverse reprendre très divergentes, 313, 365, 372, 376. Voir Hcfele* pied ct reçut l’un des premiers assauts. Un concile Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. t, réuni à Mélitène (358), sous l’in fluence d Eudoxe, le p. 1029 sq. Nous possédons la lettre que ce synode déclara déchu de l’épiscopat, on ne sait pourquoi, adressa, au sujet d’Eustathe, aux évêques de ΓAr­ mais sans doute sous quelque prétexte fourni parses ménie .Mineure (destination qui parait bien prouver, singularités ascétiques. Un prêtre de Mélitène, Mélèce, pour le dire en passant, que Γ Eustathe en question accepta sa succession ct fut ordonné à sa place. Mais est bien le nôtre). On y déclare que le concile s’est les gens de Sébaste n’en voulurent pas ct Eustathe réuni < pour régler certaines questions ecclésiastiques resta évêque, déclarant que, ceux qui l’avaient déposé et examiner l’alfaire d’Eustathe... Beaucoup d’illéga­ étant des hérétiques, il n’avait pas à tenir compte lités avaient été commises par les custathiens, c’est de leurs sen’enccs. Une crise plus dure pour lui fut pourquoi on a cherché à remédier au mal causé par celle qui aboutit, au commencement de l’année 360, lui. · Mansi, t. II, col. 1097. Suit l’énumération de à la condamnation de Vhomoiousios ct à la destitution ces désordres, qui aura mieux sa place à l’art. Eusde ses tenants. Comme les autres chefs de son parti, T.vniiENS. A en juger par ce document, Eustathe il dut s’exécuter au dernier moment ct mettre sa aurait dopasse la mesure ct repris les exagérations signature au bas de la formule de Hlmlni; comme déjà réprouvées des anciens encratites. Mais le déve­ eux, en dépit de ce sacri flee,il fut déposé pour d’autres loppement de sa carrière autorise à croire que le con­ raisons. Avec lui tombèrent Sophrone évêque de Pomcile est excessif en scs reproches, soit qu’il eût été pélopolis en Paphlagonie, ct Hclpidius, évêque de mal informé sur les abus qu’il condamne, soit plutôt Satala en Annénlc Mineure, celui-ci coupable, comme qu'il ait attribué à Eustathe les exces d’adhérents le métropolitain de Sébaste, d’avoir pris ses aises avec trop zélés. » Duchesne, loc cit., p. 382. Cette dernière les sentences de Mélitène. Eustathe fut exilé en Dar­ opinion était celle de beaucoup de contemporains de danie. · Duchesne, loc. cit., p. 384 385. Sozomène, Vila S. BasilU, c. v, η. I, de l'édition Ces événements sc passaient en 360. Entre temps, bénédictine. Toutefois la lettre synodale ne parle pas Eustathe avait anathématisé la consubstantialité au sculcmcntdes partisansd’Eustathe,των χατ* Ευστάθιον, concile d’A cyrc (358). Il s’y était néanmoins opposé mais encore d’EusLithe lui-même, ύπ' αυτοί. 1 Icicle, aux purs ariens, avec les tenants de Vhomoiousios, et loc cit, p. 1044-1045. Si Eustathe se soumit aux I fut député par le concile à Constance» devant qui il décisions du concile, comme semble le dire Sozomène, défendit cette doctrine. S. Basile, Epist , cglxiv, col. 980. s i soumission ne dut pas être parfaite ct persévérante, Dom Ccillicr a fort bien exposé les faits qui sui­ puhqu41 fut plus tard, de ce chef, condamné comme virent Nous lui empruntons son récit, en y intercalant piirjure à un concile d’Antioche, Duchesne, loc. cit., les principales références. Après la mort de Constance p 383, peut-être vers 356. Tillemont, op. cit, p. 82. (361), Eustathe ct Sophrone de Pompejopolis, qui Gqtendant Eustathe continua sa propagande ascé- 1569 EUSTATHE DE SÉBASTE 1570 chesne, toc. cit., p. 403-401. Invité en 372 par Théodotc étaient à la tête du parti des macédoniens, avec Elcusuis de Cyzique, sc trouvant en liberté, tinrent avec de Nicopolis à venir célébrer une fête dans sa ville ceux de leur parti quelques conciles où ils condam­ épiscopale, Basile s’arrêta à Sébaste, pour y conférer nèrent les partisans d’Acacc ct la doctrine confirmée avec Eustathe. Après une discussion de deux jours, dans le concile de Blniinl ct approuvèrent celle d’An­ ils tombèrent d’accord sur tous les points. Basile tioche, qu’ils avaient déjà confirmée Λ Sékucle. Eus­ écrivit à Théodotc pour le prier de rédiger une for­ mule que souscrirait Eustathe. Théodote, toujours tathe s’étant encore assemblé avec eux ùLampsaquc, défiant, refusa ct ht meme entendre à Basile qu’après Socrate, 11. E,. I IV, c, iv; Sozomène, 1 VI, c. vu, cela il ne désirait plus sa visite. Au lieu de continuer en 3G5, y ordonna de nouveau que l’on suivrait la confession de foi d’Antioche, approuvée à Sélcucic, sa route ven Nicopolis, l’évêque de Césaréc s’en revint, tout triste, chez lui. L’année suivante, il eut occasion et annula tout ce qui s'était passé tant contre lui que contre les autres évêques de son parti, à Constanti­ de rencontrer Théodotc. Celui-ci lui reprocha vive­ ment son entrevue avec Eustathe, lequel, ajouta-t-il, nople, en 3G0. On ne sait s’il fut du nombre des députés niait avoir fait aucun accord avec Basile. L’évêque de qui, aussitôt après le concile de Lampsaque, vinrent Césaréc fut stupéfait. « Comment, s’écria-t-il, Eus­ trouver Valens pour l’informer de ce qui s’y était tathe, que j’ai connu ennemi de tout mensonge, au passé, mais la même année, les semi-ariens ou macé­ point d’en avoir horreur jusque dans les choses les doniens, car c’est ainsi qu’on les nommait depuis le plus légères, oserait-il trahir la vérité dans une affaire règne de Julien, avaient tenu deux divers conciles, à Sinyrnc en Pisidic ct à Isaurie en Pamphilic ct en d’une telle importance? J’irai le voir, je lui proposerai une formule de la vraie foi, ct, s’il la souscrit, je Lycie. Comme ils sc trouvaient opprimés par les purs demeurerai dans sa communion; s’il refuse, je me ariens, qui avaient trouvé de l’appui auprès de Valens, séparerai de lui à mon tour. » Basile, Epist., xcrx, 3, ils jugèrent à propos de recourir à Valentinien ct au col. 501. Rassuré par cette alternative, Théodote pape Libère, en disant qu’il valait mieux embrasser invita Basile à Nicopolis. Mais celui-ci était à peine la foi des Occidentaux, que de communiquer avec arrivé que son hôte, revenu à scs défiances, l’accueillit Eudoxe ct scs adhérents. Eustathe de Sébaste fut fort mal ct refusa d’accomplir la promesse qu’il avait député, Socrate, H. E., 1. IV, c. xn; Sozomène, 1. VI, faite de l’aider dans sa mission d’Arménie. Ibid. c. x, avec ordre de ne point disputer sur la foi, mais Basile parvint cependant, l’année suivante, à faire de communiquer avec l’Église romaine ct d’approuver signer à Eustathe une profession de foi entièrement la doctrine de la consubstantialité. Il ne put parler à catholique, ct s’empressa de communiquer cette pièce Valentinien, qui était parti pour aller en Gaule faire à Théodotc. S. Basile, Epist., exxv, exxx, col. 545 sq., la guerre aux Barbares. Mais il présenta à Libère les 5G1 sq. < On pouvait croire que tout était fini ct qu’il lettres dont il était chargé, ct signa la consubslanne restait plus qu’à sc tendre la main. Un rendez-vous tiulité, le pape n’ayant voulu l’admettre à sa commu­ fut pris : Eustathe devait s’y trouver avec Basile et nion qu’après cette précaution. Socrate, loc. cit. scs amis. On l’attendit en vain. Son entourage l’avait Nous avons encore la formule de foi qu*Eustathe ct retourné; il est bien possible, du reste, que l’amitié les autres qu’on avait députés avec lui présentèrent de Basile pour Mélèce, son ancien compétiteur, lui en cette occasion. Au retour de Home, ils allèrent en ait paru excessive; le fait est que, désormais, il voulut Sicile, Socrate, loc. cit., et y firent assembler un mal de mort à son ancien disciple. Au retour d’un concile des évêques du pays, en présence desquels ils voyage qu’il fit alors en Cilicie, il écrivit à Basile approuvèrent la foi de Nicéc et le consubstantiel, pour lui déclarer qu’il renonçait à sa communion. Le comme ils avaient fait ù Home. Eustathe passa en prétexte était une lettre de Basile à Apollinaire, une Illyrie, Théodorct, H. E., 1. IV, c ix, et on croit que lettre vieille de vingt ans où il n’était nullement ce fut lui qui engagea Genuinius de Sirmium à quitter question de dogme. Apol inaire ct Basile étaient encore le parti des ariens. Depuis, voyant que Valens était laïques au temps de cette correspondance. N’importe, ennemi déclaré des catholiques, S. Épiphanc, Ihir., Basile avait écrit à Apollinaire; c’était un apollmalxxv, n. 2, il signa à Cyzique une nouvelle profession riste, un hérétique. Une autre lettre, bientôt répandue de foi, S. Basile, Epist., ccxliv, 9, col. 924, où, sans dans toute l’Asie-Mineure, dénonça Basile comme un parler de la consubstantialité, on se contentait de dire intrigant; clic présentait sous les plus sombres cou­ que le Fils est semblable au Père en substance. On y leurs le rôle qu’il avait eu dans l’affaire de la signa­ renouvelait aussi les blasphèmes d’Eunomc contre le ture. » Duchesne, toc. cit., p. 405. Cf. Loofs, Eustalhies Saint-Esprit. Toutes ces variations le rendirent sus­ von Scbaste, p. 72, qui reproduit 1 Epistola ad Apolli­ pect aux catholiques, en particulier ù Théodotc, narem Laodicenum celeberrima, publiée à Borne, en évêque de Nicopolis, capitale de la petite Arménie, 1796, par L. Sébastian!. où Sébaste était située. » Ceillicr, Histoire générale L’indigne conduite d’Eustathe dissipa les dernières des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 2e édit., Paris, 1865, illusions de Basile. Il demeura, dit-il lui-même, « muet, t m, p. 51 G. frappé de stupeur, pensant à la profondeur de dissi­ C’est ù ce moment que sc place la rupture entre mulation d’Eustathe. » Il sc rappela alors que l’èvêquc saint Basile ct Eustathe. Saint Basile, ne pouvant de Sébaste avait eu pour maître Anus : · L’Éthiopien, s’imaginer, écrit doin Ceillicr, « qu’Eustathe eût signé écrit-il un peu amèrement, ne peut changer la couleur de mauvaise fol ù Koine, ne pouvait aussi se résoudre de sa peau, ni la panthère effacer les taches de son ù l’abandonner. · 11 vint avec son évêque Eusèbc poil. ■ Epist., exxx Basile avait le cœur serré. « J’ai au concile de Tyanc, où furent présentées les lettres été, écrit-il encore, sur le point de hair le genre du pape Libère. L’évêquc Eusèbc étant mort en 370, humain, de le juger incapable d’affection, à la pensée Basile lui succéda, et c’est peu après que sc consomma de cet homme qui s’était gardé pur de l’cnfancc à la rupture. · Eustathe, en dehors de Basile, avait la vieillesse el qui, pour des motifs insignifiants,s’em­ peu d’amis. Les uns l’abhorraient ù cause de ses portait jusqu’à oublier ce qu’il savait de mol pour moines, les autres ù cause de sa doctrine. Il n’y avait pas moyen de l’amener ù prendre parti sur l’affaire , prêter l’oreille aux plus viles calomnies. » Ibid. Pen­ du Saint-Esprit; malgré ses réserves, on voyait qu’il I dant trois années, Basile supporta en silence « la flagellation de la calomnie. » S’il sc décida ensuite penchait pour l’opinion contraire ù sa divinité absolue. ù écrire une lettre justificative à tous les moines de Basile, ù qui celte amitié dangereuse valait tous les son diocèse, ce fut par crainte que son silence ne fût jours de nouveaux soucis, prit le parti d’en finir ct occasion de scandale. Epist, ccxxvi. Puis vinrent d’amener Eustathe ù s’expliquer nettement. · Du· V. - W D1CT. ΠΚ THÉOL. CATIfOL. 1571 EUSTATHE DE SÉBASTE une lettre aux évêques d’un district du Pont, Epist., ccîlî, d’autres aux habitants de Nèocèsaréc, au clergé ct aux notables de cette ville. Epist., cxxvi, cciv, cou, ccx, eexi. Cf. Allard, op, cit.,p. 127-128. De plus en plus isolé dans son pays, Eustathe prit le parti de sc rapprocher de scs anciens amis, les macédoniens. < Ceux-ci tinrent en 376 un concile à Cyziquc. Il y alla. On adopta dans cette réunion une nouvelle profession de foi, où Vhomoousios fut de nou­ veau répudié et remplacé par Vhomoiousios; le SaintEsprit y était mis au nombre des créatures. Eustathe signa celte formule, et précisa ainsi son attitude, en sc classant parmi les pneumatomaques. » Duchesne, /oc at„ p. 411-112. Nous ne savons pas exactement à quelle date mourut Eustathe : en 376, saint Basile le présentait comme étant d’un âge très avancé, Epist., ccxuv, 4, col. 916; c’est en 377 que l’évêque de Césaréc le men­ tionne pour la dernière fois. Epist., cclxiii, 3, col. 977. C’est, en tout cas, après sa mort ou après sa dépo­ sition, que Pierre, le plus jeune frère de saint Basile, monta, en 380, sur le siège épiscopal de Sébaste. Au rapport de Sozomène, //. E., 1. 111, c. xiv, 31, quelques-uns attribuaient ù Eustathe le Liber asep­ ticus de saint Basile.Mais c'est une attribution erronée. Loofs, op. cil., p. 97, η. 1, ct Healencyclopüdie, t. v, . p. 630. Outre les sources utilisées ct citées au cours do l’article, qui sont surtout 1rs lettres de saint Basile, 12$ écrits de Socrate ct Ceillier. op. cil., p. 515. Voir Mansî, ConciL, t. n, coL 1095. Parmi les historiens qui ont mis en doute l’identi­ fication de l’Eustathc condamné au concile de Gangrcs avec Eustathe de Sébaste, il faut surtout citer Bnronius, Annales, an. 36 I, n. 45; Blondel, De primatu, p. 138, ct Ellies du Pin, Nouvelle bibliothèque des au­ teurs ecclésiastiques, Paris» 1693, t. n, p. 339. Baronius, an. 361, n. 51, a proposé de substituer au nom d’EusLathe celui d’Eutartc, personnage originaire des envi­ rons de Satala dans l’Arménie-Mineure, selon le témoignage de saint Épiphane. Hier., 1, P. G., t. xli, col. 680. Mais c’est à tort, car tous les exem­ plaires des actes du concile de Gangrcs portent uni? fonnement Eustathe ct non Eutarte. Ceillier» ibid. Le Libellus stjnodicus du concile dit que ■ le concile s’était réuni pour régler certaines questions ecclésias­ tiques ct examiner l’allaire d’Eustathe; il avait trouvé que beaucoup d’illégalités avaient été commises par les custathicns; c’est pour cela qu’il avait cherché ά remédier au mal causé par lui. » La lettre synodale énumère ensuite les désordres des custaUiicns. Les voici, tels que les présente Hefeie, op. cil., p. 10311032 : 1° Les custathicns condamnant Je mariage ct soutenant que tout espoir en Dieu est perdu pour les conjoints, ils ont détruit plusieurs unions, ct la con­ tinence ayant manqué â plusieurs de ceux qui sc sont ainsi séparés» ils ont été la cause d’adultères; 2° à cause d’eux, plusieurs ont abandonné les assemblées liturgiques ct organisé des convcnticules; 3° ils mé­ prisent la manière ordinaire de s’habiller ct en ont introduit une autre (probablement en harmonie avec leurs idées d’ascétisme ct de vie religieuse); 4° δ raison de leur sainteté κχτ’ έξοχην, ils ont droit, disent-ils, aux prémices des fruits portés à l’église; 5° les esclaves abandonnent leurs maîtres ct les méprisent, troublés par leur nouvelle manière de s’habiller; 6° les femmes portent l’habit d’homme ct croient, par ce moyen, acquérir la justice; plusieurs se coupent les cheveux sous prétexte de piété; 7° ils jeûnent le dimanche ct, par contre, ils mangent les jours de jeûne prescrits par l’Égiise; 8° quelques-uns prohibent tout usage de viande; 0° ils refusent de prier dans les maisons de gens mariés; 10° ct de parti­ ciper au sacrifice uchnrlstiquc dans ces maisons; 11° ils méprisent les prêtres mariés et ne veulent pas prendre part â leurs sacrifices; 12° ils méprisent la synaxe faite en l’honneur des martyrs cl ceux qui y prennent part; 13° ils croient que les riches qui I n’abandonnent pas tout doivent perdre l’espoir d'aller au ciel. « En outre, ils enseignent des choses non fondées en raison, ils ne s’entendent pas entre eux, ct chacun soutient ce qui lui semble bon. Le concile les condamne ct les déclare exclus de l’Égiise; au cas où ils reviendraient à de meilleurs sentiments et anathématiscraicnt leurs erreurs, qu’ils soient reçus. > Hefeie, op. cit., p. 1032. Ce résumé des désordres 1573 EUSTATHIENS EUSTATHIENS D’ANTIOCHE custathicns, donné par le Libellus synod(rus, peut être regardé comme le sommaire <1ολ canons du concile de Gangrcs, qui sont au nombre de vingt, suivis d un I épilogue souvent compté comme un 21· canon dans les manuscrits et les diverses editions. Mansi, L ti, col. 1099-1122. Outre les désordres signalés ci-dessus, quelques autres semblent insinués par certains de ces canons. Ainsi, l’on y condamne ceux qui prennent Λ leur profit les oblations faites à l’église (can. 7), ou qui en disposent sans le consentement de l’évêque ct de ceux qu’il en a chargés (can. 8); ceux qui méprisent les agapes (ou repas de charité donnés par de riches chrétiens pour les pauvres) cl qui ne veulent point y participer (can. 11). Le port du manteau monastique fait l’objet du canon 12, dont la teneur montre bien que le concile condamne seulement les excès occa­ sionnés par cet habit, c’est-à-dire les pensées d’orgueil cl de superstition qu’il inspirait, ct non l’habit luimême. « Si, sous prétexte d’ascétisme, un homme revêt le peribolaion [le pallium des moines ct des philosophes], et si, sc croyant juste par cc fait même, il méprise ceux qui vivent dans la piété ct portent, cependant, des habits de dessus (βηρους) ct s’habillent comme tout le monde, qu’il soit anathème. ■ Mansi, t. n, col 1101. Notons que ce canon paraît bien confirmer l'identification de l’Eustathc du concile avec Eustathe de Sébaste. Celui-ci, en cITct, au rapport de Socrate, //. E., 1. II, c. xlih, P. G.. L lxvii, col. 352 sq., avait porté le manteau des philosophes ct prescrit à ses disciples de le porter comme insigne extérieur de leur ascétisme. Les canons 13 et 16 pré­ cisent certaines conséquences des faux principes custathicns concernant le mariage. « Si quelqu’un abandonne scs enfants ct ne les élève pas, s’il ne leur inspire pas, autant qu’il est en son pouvoir, la piété qui leur convient, mais si, sous prétexte d'ascétisme, il les abandonne, qu'il soit anathème » (can. 15). De même sont condamnés les enfants qui, toujours sous couleur de piété, ■ abandonnent leurs parents, ne leur rendent pas l’honneur qui leur est dû, supposant que par là la piété des parents n'en sera que plus en honneur » (can. 16). Le mépris des custathicns pour les synaxes des martyrs a été diversement interprète. • Fuchs a imaginé entre custathicns ct ariens quel­ ques points de ress mblance, ct comme ccs derniers repoussaient le service divin pour les morts, il a pensé que les custathicns avaient partagé ccttc errcur.ÆiMioIhrk der Kirchenvcrsammlungen, l. n, p. 318. Loin d’avoir avec les custathicns certaines aihnités, les anens formaient avec eux un contraste complet, comme serait le laxisme en présence du rigorisme. Saint Épiphane dit des ariens qu'ils rejetaient la prière pour les morts; mais il ne dit pas qu'ils reje­ tassent les fêtes en l’honneur des mrrtyrs. Hær,, lxxv, 3, P. G., t. xî.ti, col. 505. Il y a une notable différence entre la prière en l’honneur d’un bienheu­ reux cl le requiem pour le soulagement d’un dèfunL On ne sait pourquoi les custathicns refusaient d'honorc.r les martyrs; peut-être que, sc considérant comme saints, ils se croyaient supérieurs aux martyrs, dont la plupart n'avaient été que des chrétiens ordinaires, dont quelques-uns même avaient vécu dans le mariage, cc qui pour eux était un signe évident de non-sainteté Ilcfclc, <7>. cit., p. 1012. L’histoire ecclésiastique est muette sur le sort ulté­ rieur de celle secte hi/perascétiqiic, selon le mol do IL Venables, Did. o/ Christian biography, art. Eusta(hius a/ Sebaste, Londres, 1880, t. ii, p. 387. Sozomène, lue. cil., rapporte qu’Euslnthe se serait personnelle­ ment soumis aux décisions du concile ct aurait même quitté le manteau monacal dont le port semble avoir occasionné plusieurs des désordres condamnés par le concile de Gangrcs. Il n est fait mention d’Eustathe 1574 ni n des custathicns dans aucun des anciens catalogues d c! ’hérétiques. Maïui, Candi, t. π. col. 1(195.4122; Tillcmont, Mémoires pour servir d Γ histoire eerUslastlque des six premiers dMa, *Paris, 1703, t ix, p 85-87; Ceillier. llhtolre Q/nérale det cailleurs sarr/s et ecclHlasllquci, 2* édit., Paris, 1865, t. ni, {p 311-518; llrfrlc, Histoire des conciles, trnd. Lrclrrcq, i Paris, 1907, t i, p. 1029; Duchesne, Histoire ancienne de l'Èollsc, Paris, 1007, L n, p 382-333. l S. S A LAVILLE. 2. EUSTATHIENS D’ANTIOCHE, partisans de saint Eustathe d’Antioche qui, après la déposition de celui-ci (330), demeurèrent fidèles à son souvenir ct refusèrent de se rallier aux évêques euséblens ct ariens d’abord, puis même à saint Mclècc (360) et aux évêques mêlerions. Leur persistance occasionna un schisme qui cessa en partie sous l’épiscopat d’Alexan dre en 117, mais ne disparut complètement qu’à lu fin du v* siècle, lorsque les reliques de saint Eustathe furent apportées à Antioche au temps de l'évêque Calcndion. Voir Eustathe d'Antioche. Nous devons ajouter ici, avec dom Leclercq, Histoire des conciles, Paris, 1907, L t, p. GI6,n. 2, que ces divisions ct ccs tiraillements d’Antioche avalent une cause plus pro­ fonde que les questions purement personnelles con­ cernant Eustathe ou Mélèce. ■ Derrière les questions de personne on savait que la véritable question en Jeu était celle de l’unité numérique de la substance divine ct de Γόμοούσιος nicren, car on en revenait là toujours ct quand même. C’est que Γόμονίσιος nicéen entraînait directement la consubstantialité du Père ct du Eils, consubstantialité inséparable de l’unité de Dieu. Eustathicns ct cusébicns recommen­ çaient le conflit étoulTé en 325 lorsque les Pères du concile, dans leurs réponses à Eusèbe de Césaréc, avaient écarté de la génération comme de la substance divine l’idée de division, de separation, de compo­ sition à un degré quelconque. Eusèbe avait reçu le coup ct caché son mécontentement, parce que l’heure eût été mal choisie pour le manifester; mais, accule comme il l’était à reconnaître que la génération du Fils ne se fait ni par production ni par multiplication de substance, mais par communication ou co-posscssion d’une seule ct même substance, il se trouvai! réduit à confesser l’unité numérique. 11 le fit du bout des lèvres et avec des interprétations, des sous-en­ t tendus qui étaient des restrictions, se réservant de revenir à son système lorsque le moment serait plus favorable. 11 le jugeait tel vers 330-331: mais démas­ qué depuis longtemps par Eustathe, il se trouvait avoir maintenant à louvoyer cl à biaiser avec le parti entier et irréconciliable des custathicns. C’était un point sur lequel ceux-ci s’entendaient presque tous. » Leclercq, op. cit., p. 646, n. 2. Un critique récent, F. Cavallcra, a proposé de ne voir dans le cou 11 it créé par le schisme d’Antioche qu’un conllit purement disciplinaire. Le schisme d*An­ tioche (/v’’-vr siècle). Paris, 1905, p. 323. Voici comment | il conclut l'ouvrage qu’il a consacre à l’étude de cette afTaire : « On a vu quels préjugés, quelles circonstance.* malheureuses cl imprévues, quelles influences de per­ sonnes ont créé, puis alimenté le conflit, en entretenant une manière dilTércnlc de comprendre la discipline ecclésiastique Occidentaux cl Or entaux n’ont pu s’entendre sur des ordinations épiscopales faites en violation des lois canoniques, ni sur les concessions j ù accorder aux nécessités <1 une situation inextricable. Le fond du débat est là lout entier; les autres con­ sidérations doivent être regardées comme accessoires. > Ibid., p. 299. Ainsi donc, les questions théologiques n’auraient qu’un rôle accessoire dans l’origine ct la persistance du schisme antiochicn. dans l’opposition des deux partis custathlcn ct mclecicn. 1575 ETSTATIIIENS D’ANTIOCHE — EUSTKATE Ici n’est pas l’avis de l’ensemble des critiques et des historiens du dogme. La plupart, au contraire, placent cn première ligne les malentendus dogma­ tiques, ct seulement au second rang les questions dis­ ciplinaires cl les influences personnelles. Ce n’est (pic dans l'exposé de ces malentendus dogmatiques que se manifestent généralement les nuances d'opinion. Les protestants d’Allemagne mettent en avant l’oppo­ sition de deux théologies, ct regardent la théologie du parti méléclcn comme une déformation de la doctrine de Nlcéc. A les entendre, cc serait même cette déformation qui, adoptée par les docteurs cappadocicns, serait ensuite devenue l’orthodoxie grecque. Cette thèse n’est certainement pas la vérité. L’en­ semble des auteurs catholiques reconnaissent l’ortho­ doxie de Mélècc à partir de l’année 363 ou des années suivantes. Mais ils affirment, cn outre, que sa théologie n’a pas toujours été immuable. « Cet évêque, que scs malheurs ont rendu dans la suite très respectable, venait d’un peu loin. 11 n eu pour les personnes ct les doctrines de l’arianisme une indulgence inquiétante. Mélècc était du nombre des évêques orientaux qu’un mouvement graduel a réunis à l’orthodoxie. Les custathicns d’Antioche, connaissant mieux que per­ sonne cet état de choses, cn ont été fortifiés dans leur opposition ά Mélècc. » L. Saltet, Le schisme d’Antioche au /v· siècle, dans le Bulletin de littérature ecclésias­ tique, 1906, t. vin, p. 123. Un écrivain catholique contemporain, le P. E. Botivy» proposait naguère, comme explication du schisme antiochicn, une dualité de tradition théologique com­ prise d’une manière différente de celle qu’exposent les protestants d’Allemagne. « Dans l’école d'Antioche, 4 on signale une tradition qui a pour point de départ la doctrine de Paul de Samosatc, qui s'amende ct sc réconcilie avec l’orthodoxie dans la personne de saint Lucien le martyr, qui conserve des affinités suspectes avec les ariens ou les semi-ariens, qui enfin aboutit ύ une hérésie nouvelle avec Théodore de Mopsueste ct Nestorius. Tout cela est vrai, sans doute, mais, à côté de cette tradition lucianisle, n’y cn a-t-il pas une autre qui s'accorde avec la première sur plusieurs points, mais non sur tous, qui est, comme la première, hostile à Origène, mais qui se montre beaucoup plus intransigeante dans la lutte contre l’arianisme; qui n’est point d’ailleurs originaire d’Antioche, mais qui est venue d'Asie-Mineure, plus exactement de Pam­ phylie avec saint Eustathe de Side, ct qui, selon toute probabilité, se rattache directement à saint Méthode d’OIympc ct peut-être ù l’apologiste Athénagore? Cette dualité de tradition à Antioche n’estelle pas la seule explication plausible du long schisme qui désola l’Églisc de Syrie? » E. Bouvy, La méthode historique ct les Pères de ΓÉglise, dans la Revue augushnienne, 1905, L vi, p. 171. On le voit, très divergentes sont les théories con­ cernant les motifs dogmatiques du schisme antiochlen. Mais, quelle que soit la nuance d’opinion que l’on adopte, il parait bien certain que les divisions doctri­ nales expliquent mieux que toute autre raison l'obsti­ nation des custathicns. Il faut cn tenir compte pour comprendre qu'il y ait eu à Antioche, de 330 à 398, deux partis ecclésiastiques, dont chacun sc prétendait catholique et revendiquait la possession légitime du siège épiscopat Les custathicns, appelés aussi pauhniens du nom du successeur d’Eustathe reconnu par eux, voulaient demeurer fidèles à la doctrine de saint Eustathe exilé par les ariens cn 330. Ce parti fut le M al reconnu par les patriarches d’Alexandrie ct aussi, Théodorct, /7. E., I. V, c. xxxv; cf. 1. III, c. n, P. G., t. lxxxii, col. 1265 sq., 1088 sq. C'était vers 11 1 ou 417. Ajoutons que le pape saint Innocent Ι·Γ avait une part importante dans cette réconciliation qui coïncide avec celle des joannites ou partisans de saint Jean Chrysos tome, ct que le pape avait demandée comme condition de la reconnaissance d’Alexandre. Cf. Cavallcra, op. cil., p. 293. Tout ne fut pas fini cependant. < Un groupe d'eustathiens demeura irréductible. Le souvenir d'Eustathe suggéra à un évêque, qui ne passa que trois ans à Antioche ct mourut exilé lui aussi, le moyen de ramener les derniers dissidents. » Cavallcra, ibid. Vers •182, l’évêque Calcndion obtint de l’empereur Zénon l’autorisation de faire rapporter, de Trajanopolis de Thrace ou de Philippes de Macédoine, les reliques de saint Eustathe, On lit à ces restes vénérés un accueil triomphal. Toute la ville sc porta à leur rencontre à une certaine distance d’Antioche. Et à l'occasion do ce retour de leur chef panni eux, les quelques custa­ thicns, jusque-là réfractaires, sc réunirent définitive­ ment au corps de l’Églisc. Théodore le Lecteur, II. E., 1. II, c. i, P. L., L lxxxvi, col. 183; Théophanc, Chronographia, a. m. 5981 (a. C. 481), P. G., t. evin, col. 324 ; Victor de Tunnuna, Chronica, dans Momm­ sen, Chronica minora, Berlin, 1894, t. n, p. 191; cf. Boschius,Ί'caelatus historico-chronological de pa­ triarchis Antiochenis, dans Acta sanctorum, julii L ιν, § 19, n. 408. Sans voir nécessairement dans le schisme custathlcn d’Antiodic le prélude du schisme photicn, considé­ ration contre laquelle proteste Λ bon droit Cavallcra, op. cil., p. 323, il semble impossible de méconnaître l’importance théologique de ce long conflit. Cavullera, Le schisme (FAntioche (/v-v· siècle), Paris. 1905, spécialement, p. 267-323; Saltet, Is schUme <ΓAn­ tioche au ιν* siècle, dans le Bulletin de littênilure ecclésias­ tique, 1906, t. vin, p. 123 sq.; Hcfelc, Histoire des conciles, trad Leclercq. Paris, 1907, t. I, p. 615-646. S Salavillb. EUSTR ATE, de Constantinople, nu vrsièclc.C’était un prêtre attaché à l’église de Sainte-Sophie, familier du patriarche Eutychius, qu’il suivit dans son exil à Amaséc ct, lorsque cchii-ci revint sur la chaire patriar­ cale, il l’assista à sa mort survenue le 6 avril 582 ct prononça l’année suivante, semble-t-il, en présence de l’empereur Maurice, son oraison funèbre qui constitue aujourd'hui la biographie de cc patriarche. Le texte dans P. G., t. t.xxxvt, col. 2273-2390; dims les Acta sanctorum, t. i aprilis, p. li-lxx, ct cn traduction latine, op. cit., p. 517-569. On connaît de lui un autre I ouvrage intitulé ·. Λίγος άυχτρε-τιχος τούς λέγοντζς μη τά; τω* ανθρώπων ψ^χάς μετά την οιάζευξιν των Ιαυτών σωμάτων... 11 y réfute, comme l'indique ί 1577 EUSTKATE — EUTHYMIES ZIGABENE Î578 ! création ct de l’incarnation, tit. i-viu Π dresse en­ suite scs batteries contre les Juifs, tit· vin, Simon le , Magicien, les manichéens ct les gn os tiques, tiL ix, I Sabclhus, tiU x. Arius ct Eunomius, tiL xi, Macédonius cl les pneumatomaques, üL xn, Apollinaire, ; tiL xiv, Nestorius, tiL xv, Eutychés et les monoi physites, tiL xvi, les aphthartodocètes, tiL xvn, les théopaschitcs, tiL xvni, les agnoètes, tit. xix, les origenistes, tiL xx, les monothèlitcs, tiL xxi, les iconoclastes, tiL xxn. ί A partir du titre xxm, Zigabène s’occupe des héréics contemporaines ct son œuvre devient plus person­ nelle ct plus intéressante. Les ciLntions patristiques Photius, Bibliotheca, cod. 171, P.G., t. cm, col. 500, con­ sont plus rares; il expose ct réfute lui-même les er­ tient plusieurs erreurs; Fabricius-1 Inrles, Bibliotheca gneca, reurs qu’il combat. Ses arguments n’ont d’ailleurs t. x, p. 725-727; Krumbachcr. Geschichte der bgzanllnischcn rien de bien original ct sont généralement des réminis­ Litteralur, Munich 1897, p. 59; Vallin, dans la Revue de cences d’auteurs plus anciens. Dans le titre xxnr, ΓOrient chrétien, t. x, p. 97 sq. S. Vatliié. consacré aux Arméniens, il reproche à ceux-ci, entre autres choses, l’usage du pain azyme dans la célébra­ EUTHYMIUS ZIGABÈNE ou ZIGADÈNE tion du sacrifice eucharistique. Il fait à ce propos des βηνός, plus souvent dans les manuscrits : Ζιγαδιρός ou déclarations d’une largeur de vue surprenante chez Ζυγαδηνός), théologien et exégète byzantin de la fin un Byzantin sur la liberté qu’a l’Églisc de modifier du xi® siècle et du commencement du xn·. Le seul scs rites selon les exigences des temps, déclarations renseignement biographique certain qu’on ait sur son compte est fourni par Anne Comnène, Alexiade, qui contrastent du reste singulièrement avec l’étroi­ tesse d’esprit qu’il manifeste dans la manière d’envi­ I. XV, P. G., t. cxxxi, col. 1176. Euthymius était un sager cette question des azymes. P. G., L exxx» moine du nom de Ζυγαδηνός, très versé dans la gram­ col. 1179-1182. L’azyme, dit-il, est quelque chose de maire, la rhétorique ct la théologie, το δόγμα ώς ούζ tout à fait judaïque. Il reconnaît que Notre-Seigneur άλλος τις έπιστάμινος. En faveur auprès de 1’aTcule d’Anne Comnène, il sc vit confier par l’empereur mangea la Pâque légale avec du pain azyme, mais Alexis Comnène (1081-1118) le soin de composer un il affirme qu’il se servit de pain fermenté pour l’insti­ ouvrage contre toutes les hérésies, à l’aide de citations tution de l’cucharhlie, parce qu’il anticipa d’un jour patristiques bien choisies. Cc fut la Panoplie dogmati­ la célébration du festin pascal. Ibid., col. 1182; Com­ ment. in Matth., 63, P. G., L cxxix, col. 651-660. Ou que, Δογματική πανοπλία, nom qu’Alcxis lui-même petit traite d’Eu thyme sur cette question est encore donna à l'œuvre de Zigabène. inédiL On le trouve dans le Vatic, grac., 361, fol. 123Euthymius fut aidé dans son travail par un autre 121, du xv· siècle, incipit : όψίας γι»ομέντ,ς. Cf. Ste­ savant homme, Jean Fou rués. Al latius, De Ecclesia? venson. Codices manusc. palatini græci bibUolh. Vatic., occidentalis ct orientalis perpetua consensione, I. Il, c. x, Cologne, 1648, p. 642-644. L’ouvrage comprend I Rome, 1885, p, 212. un prologue et 28 titres, τίτλοι ou chapitres, d iné­ Les titre y xxiv et xxv sont dirigés contre les paulicivns. Photius, saint Jean Damascene ct les trois gale longueur. Le prologue débute par un éloge Cappadocicns cn font presque tous les frais. Le d’Alexis Comnène, sur l’ordre duquel l'auteur a pris titre xxv! attaque les massaliens et le titre xxvn la plume. Il nous fait connaître l’occasion, le but ct le caractère de l’ouvrage. Les vieilles hérésies ont encore les bogomiles. Cc dernier traite est de tous le plus im­ des représentants ct de nouvelles surgissent. On a portant, parce qu’il nous renseigne sur une secte con­ temporaine de l’auteur. Le texte qui sc trouve dans découvert récemment la secte des bogomiles, dont le P. G., L exxx. col. 1289-1332, et qui reproduit I édition chef, le médecin Basile, a été brûlé par ordre d’Alexis, ù l’hippodrome de Constantinople. Rassembler cn un 1 princeps de Tergovist. 1710, doit être confronté avec celui qu’a publié G. Flcker, d'après le Cod. gnre. 3 de seul livre les meilleures armes forgées par les saints Pères pour réfuter toutes ces erreurs ct défendre la la bibliothèque de l’uni versi té d'Utrecht. Die Phundagiagiten, Leipzig, 1908, p. 89-111. Il existe, cn cfïct. fol contre leurs attaques, composer, cn un mot. une entre les deux des divergences notables et pleines véritable panoplie dogmatique, à la fols apologétique et polémique, tel est le plan que l’empereur lui-même d’intérêt. L'introduction est totalement différente; a tracé ù Euthymius. Celui-ci l’a exécuté de son mieux, la disposition des matières n'est pas la tn*inr. La courte réfutation que l’on trouve dans la patrolocic, et de la manière la plus impersonnelle qui fût pos­ sible. Jusqu’au titre xxni, son œuvre n’est qu’une après l’exposé de chacun des points de la doctrine enfilade de textes patristiques empruntés à saint Athabogoinfiicnnc, est omise dans le manuscrit d’Utrecht. nasc, aux trois Cappadoclons, au pseudo-Denys, ù ! Sathanaël, le dieu des bogomiles. est constamment saint Jean Chrysostomc, à saint Cyrille d’\lexandric, appelé Samaël. aux deux Léonce de Byzance ct de Chypre, Λ saint Le dernier titre de la Panoplie est consacré aux Maxime le Confesseur, à Anastase le Sinaïlc et ù saint Sarrasins, appelés < Ismaélites ». c'est-à-dire aux Jean Damascene. Le titre xm, le seul qui vise direc­ musulmans. Zigabène y réfute brièvement, mais tement les latins, reproduit un petit traité attribué vigoureusement, la doctrine de Mahomet. Pour mon­ trer qu’en Dieu il y a trois personnes, il fait appel à Photius sur la procession du Saint-Esprit. C’est une à l’argument que saint Athanase produisait contre série do treize arguments contre le dogme catholique. les ariens : le Verbe de Dieu et son Esprit sont insé­ Cf. Hergenrother, Photii patriarches liber de Spiritus parables de celui ù qui ils appartiennent, car Dieu ne Sancti mystagogia, llatisbonnc, 1857, p. xx-xxui, saurait être άλογος ct απνους. P. G., loc. cit„ col. 1337. 113 120; p. G., t en, col. 273, 391-400. On a mis sous le nom de Zigabène quatre autres Après avoir dit un mot, dans le prologue, de petits écrits dogmatiques que Migne a reproduits, l'athéisme d’Épicure et du polythéisme grec, peut-être P. G., t. cxxxi, col. 10-58. Cc sont : 1® une Exposition pour rappeler ù Michel Psellos ct à son école que tout n’est pas ù admirer dans les anciens philosophes, 1’audu symbole nicéno-constantinopoPtoln, publiée par F. Matthai dans ses Lectiones Mos(picnscs\ 2° Un dia­ teur fait exposer par les Pères les dogmes de l’unité divine, de la trinité des personnes cn Dieu, de la logue avec un philosophe sarrasin sur la foi chrétienne, le titre fort long, la théorie de ceux qui pensent que les âmes sc dissolvent avec leurs corps ct n agissent plus, qu'elles ne retirent aucune utilité des prières ct des sacrifices faits pour elles. L’ouvrage parait avoir été composé du vivant d Eutychlus, avant 582 par conséquent. Il a été édité, mais d’une manière in romplètc, cn texte grec et traduct on latine, par Aüathis, dans De utriusque Ecclesiæ oc idcnalls atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio consensione, Koine, 1655, p. .319-580; la traduction latine a été reproduite par Migne, Theologice cursus complétas, Paris, 1811, t. xvni, col. 161-514. 1ô7u EUTHYMIÜS ZIGABÊNE οιϋιξ.ς prrà σαραχηνού φύοσ^φου πιρί πίστεως έν τή rtOtt 5ί<λ<τήντ.ς, édité par Mai, Biblioteca nova PaIrum, L iv; 3e Une réfutation de Γhérésie des massaliens cl des phoundaitcs ou bogomites, cuchites, enthousiastes, encralites, marclonistes, iïtr/οζ καί θρίαμβος τής ?λασφή ίου καί χολυΐι&ούς αίρίσβως των αόίων Μ ασσα λιανών, και τών Φουνδαίτών καί Βογομιλων (oil Πογομίλων, d’après certains manuscrits) καλουμίνων καί Εύχιτών χι· ’Ενθουσιαστών καί Έγκρατητών χχΐ Μαρκίων ιστών, publiée par Jacques Tollitis, insignia itinerarii italici Utrecht, 1696, p. 106-125. Des additions intéressantes Λ ccttc pièce, sc rapportant ù la manière dc recevoir dans l’Église les bogornilcs convertis, ont été publiées en 1895 par Thalloczy, d’apres le Cod. theolog. græc. 306 dc In bibliothèque devienne. Beilrdgc sur Kcnntnis der Bogomilcnlehre, dans Wisscnschafllichc Milleilun· gen ans Bosnien und der Hercegovina, Vienne, 1895. G. Fickrr, op. cf/.,p. 172-175, a donné le texte grec dc ces additions, dont Thalloczy n’avait fait paraître qu'une traduction allemande; 4° des extraits tirés du Cod. Vatic, græc. 840 d’une Invective contre les phoundagiates ou bogornilcs, écrite sous forme de lettre, Ευθυμίου μοναχού τού άκό τής σιύασμίας μονής τής lleptΟ,-πτου συγγραρή στιηευτιχή τής των άΟ/ων καί ασεβών αΙροτ:χων τών λεγομένων Φουνοαγιατών αΙρίσιως. Nous n'hésitons pas à affirmer qu'aucune de ces pièces n’est l’œuvre directe d’Eu thyinius Zigabènc. Tout d’abord V Exposition du symbole, que Malthæi a tirée du CW. græc. 52 (ancien n. 344; cf. Vladimir, Description systématique des manuscrits de la biblio­ thèque synodale patriarcale de Moscou, partie, Moscou, 1891, p. 51), datant du xv· siècle, ct qu'il a supposé gratuitement appartenir ù Zigabènc, nous pa­ rait être l’œuvre d’un théologien hésvehaste du Xiv siècle. On y lit, en effet, le passage suivant : < Le mot < Dieu » n’indique pas l’essence ct n’est pas un nom de la nature divine. Celle-ci est au-dessus de tout nom comme elle échappe à toute pensée. Mais ce mol signifie Γ énergie de la divine essence il n9exprime pas, en effet, l’étre de Dieu, mais la puissance ct l'énergie divinisatrice qui dc lui vient vers nous, ou γάρ το είναι τού θεού παρίστησιν, άλλα την ιΐς ημάς έξ αυτού προϊούσαν ένΟιωτιχήν δυναμιν καί ένέργιαν. » P. G., L cxxxx, col. 12. On sait que les hésychastes ou palamitcs établissaient une distinction réelle entre l’essence divine ct scs énergies ou opérations ad extra. Ix Dialogue du moine Euthymc avec un philosophe sarrasin dans la ville de Mêlilène, que Mai a trouvé dans le Cod. Vatie. Ollob. 333 du xvi«-xvu· siècle, E. Pérou ct Battaglini, Codices manusc. græci otloboniani bibtiolh. Vatic., Home, 1893, p. 174, rappelle en plu­ sieurs endroits le titre xxvm dc la Panoplie dogma­ tique (rf., par exemple, P. G., L exxx, col. 1336, 1337, avec col. 28, 21. 33 du t. cxxxi); mais, à en juger par la critique Interne, les deux morceaux ne sauraient être du même auteur, l^c Dialogue avec le philosophe sarrasin est visiblement postérieur à la Panoplie. Celui qui l’a compose s’est servi de l'ouvrage d’Euthymiui Zigabènc, ct c’est sans doute la raison pour la­ quelle il a donné Euthymlus comme interlocuteur au musulman. Il suffit dc parcourir la Réfutation de Γ hérésie des mwaliens et des phoundaitcs ou bogornilcs pour voir qu'on est en présence d’actes d’un concile tenu à Con­ stantinople contre les bogomilcs. l.e document com­ prend un prologue, quatorze anathématlsmcs ct des acclamations aux empereurs ct au patriarche œcu­ ménique. Il s'agit très certainement d'un concile que dut convoquer Alexis Comnènc dans sa capitale, ■ l’époque où il commença ù sévir contre les bogomiles, c’cd-a-dirc sûrement après 1092, année où Jean Comnénc fut associé ù l’empire ct vraisembla­ blement vers 1110. Picker, op. cit.. p. 176. 190. Les 1580 anathématlsmcs furent peut-être rédiges par Zlgabène, mais le concile les fît siens par son approbation. Ces anathématlsmcs, d’ailleurs, sont étroitement apparentés avec VInveitivc contre les phoundagiates ou phoundagiagites, quo Ficker a publiée récem­ ment en entier, op. cit., p. 1-86, en recourant ù plu­ sieurs manuscrits. Ce que l’on connaissait de cotte pièce avant l'édition de Picker n'en faisait point soupçonnerl’importance capitale pourl’histolro des origines du bogomilisme, ct l'on ne trouvait aucune difficulté Λ identifier avec Euthymlus Zigabènc l’Euthymius, moine du couvent de la Periblcptos, donné par les manuscrits comme l’auteurdc celte Invective. Pickern démontré par dc très bonnes raisons, op. cit., p. 177191, que ccttc identification était insoutenable. Le moine dc la Peribleplos qui a écrit l Invective était né en Phrygie, dans le diocèse d'Acmonia, sur la fin du xe siècle ou au commencement du xi®, puisqu'il vint un jour à Acmonia avec sa mère, sous le règne des empereurs Basile II ct Constantin IX (976-1025). Or, c’est une centaine d’années après que Zigabènc écrivait sa Panoplie dogmatique. F. Cumont a donc eu tort d’appliquer a ce dernier les données biogra­ phiques fournies par l'Invective. La date et le lieu de la naissance d'Euthymios Zigabénos, dans Byzantinische Zeitschrift, 1902, t. xn, p. 582-581. Euthymlus est surtout célèbre par scs trois longs commentaires sur les psaumes, sur les quatre Évan­ giles et sur les quatorze Épltres de saint Paul. Le texte original du Commentaire sur les Psaumes, dont il circulait auparavant une traduction latine duc ù Saule, évêque de Brugnato, fut publié pour la pre­ mière fols par A. Bongiovanni ù Venise, en 1763. Opera Theophytacti, t. xv. L’exégèse de Zigabènc est rarement personnelle. Elle est presque entièrement empruntée aux anciens ct mêle ù peu près à égale dose l’interprétation littérale ct l’allégorie. Scs princi­ pales sources sont : Origènc, Athanase, Basile, Jean Chrysostome, Cyrille d'Alexandrie, Ilésychius dc Jérusalem. Ccttc œuvre d’ailleurs n’csl pas sans mé­ rite. Au lieu dc citer purement ct simplement les textes patriotiques scion la méthode suivie dans la Panoplie dogmatique, l’auteur résume ses sources avec intelligence, et son choix des interprétations est géné­ ralement judicieux. Dans beaucoup dc manuscrits, le Commentaire des psaumes est suivi du Commentaire des dix cantiques dc l’office byzantin. Cf., par exemple, les cod. 142, 144, 170 du fonds grec dc la Bibliothèque nationale de Paris. Ce morceau est encore inédit. Son authenticité n’est pas douteuse. Beaucoup des manuscrits qui le contiennent datent du xn· siècle. Le Commentaire des quatre Évangiles, antérieur ù celui des psaumes, fut édité par Mattluvi, ù Leipzig, en 1792, avec la traduction latine de J. Ilcntenlus. C’est encore un résumé d'exégèse patristlquc. Le Com­ mentaire dc saint Matthieu est de beaucoup le plus développé ct puise surtout chez saint Jean Chryso­ stome. Le Comment lire de saint Marc est très court ct renvoie continuellement au Commentaire dc saint Matthieu. Celui de salut Luc renferme quelques inter­ prétations nouvelles, mais très sobres. Le Commen­ taire dc saint Jean est plus long, bien que saint Jean Chrysostome en fasse les principaux frais; d’autres Pères sont aussi utilisés. Ces Commentaires des Évan­ giles sont très appréciés des exégètes à cause des ex­ plications grammaticales qu’ils renferment ct du souci qu’a l’auteur dc donner le sens littéral. Richard Simon en fait dc grands éloges : « 11 y a peu dc commenta­ teurs grecs, dit-il, qui aient interprété le texte des I Évangiles avec autant d'exactitude et de jugement que l’auteur qu’on nomme ordinairement Eulhyiniu«... Il recherche avec beaucoup de soin »c sens lit- LU 1581 EUTYCHÈS ET EUT YGHIANISME 1582 téral ct Ια signification propre des mots · Histoire œuvres. P. G., t. cxxxï, col. 1213-1250. Ce discours critique drs principaux commentateurs du Nouoect se trouve, en cflel, dans un manuscrit du x· siècle, Testam/n Roth rd.un. 1· p. 109» le Vatic. griec. 1671, toi. 399-106. Cf. Catalogus codi­ L’exégèse que donne Euthymlus des textes relatifs cum hagtographicorum grircorum btbliolh. Vatic. ha gioA la primauté dc saint Pierre est A remarquer. Bien g ru p horum bottandianorum. Bruxelles, 1899. p. 164. qu'hostile aux lalIns, comme on le voit par scs at­ Il faut aussi lui denier la paternité de la Monodie sur taques contre le Filioque ct l'usage de l’azyme, notre la mort d'Eustathe de Thr-ssatonique, qu’on lui a long­ Byzantin reconnaît sans peine la primauté dc l'apôtre temps attribuée. Eustathe mourut, en effet, en 1194. Pierre, epic nient les schismatiques orientaux actuels. L'auteur de l'orahon funèbre en question est Eu thyme» évêque dc Nouvelle-Pains. L. Petit, Les éoéques de Il atténue sans doute la portée de certains passages de saint Jean Chrysostomc, par exemple, dans le com­ Thessulonique, dans les Échos d'Orient, 1902, Lv, p. 30 ment dre du Tu es Petrus, P. G., t. cxxix, col. 465ί-cs œuvres authentiques d’Euthymius n’occupai nas 468, mais il ne paraît pas qu’il y ait là dessein prémé­ moins dc tmls volumes, P. G., t. cxxvm-cxxx. Il faut y joindre les deux volume» contenant le Conimentiure des dité Expliquant le Pasce oves meus, il dit, à la suite dc Épttres de S. Paul, publie* par Kaloghcras, Athènes, 1H87. Chrysostomc, que Pierre était le coryphée ct la bouche Fabricius, ntbliotheca grirca, édit. Harles, t- vin, p. 328des disciples, que s’il n'a pas reçu le siège dc Jérusa­ 315; Nie. l'oggini, Anerdota litteraria. Borne, 17t. tv; lem comme Jacques, malgré sa primauté, c'est que üllnuinn, X'ietdaus inn Methone, Euthgmius Ztaabmus Jésus-Christ l'a établi docteur dc l'univers ct lui a und Nicetas Chon lutes, oder die dogmatisrhe EntudrMung confié le gouvernement dc scs frères, ττς οικουμένης der grierhtsrhen Kirrhe tm in Jahrhundert, dans ThcoloΙχειοοτονήΟη διδάσκαλος ...την προστασίαν έπίστιύΟη τών gischc Studien und Kritlken. 1833, t. vi, p. 663-674: N. A, · ww* »4 ά«5ε)?ών. Comment, in Joa., P. G.t ibid., col. 1196, I KalogllCClS, e'ftTin dans 1880, t. ix, p. 25^-284; du 1500, ci. col. 324 : < Pierre est appelé < le premier », même. 11·-.· t·» <τ» i.i»KTw, πρώτος, non pas seulement parce qu’il était plus Agé ·<( iturvu re< ·Τς ««StXir&x. ibtd^ qu’André, mais aussi parce qu’il l'emportait sur les t. X, p. 331-362; voir aussi la longue préface du même autres, à cause dc la fermeté de sa foi, » col. 496-497, auteur dans le t Ibid. les monastères de la capitale pour tâcher de les gagner Les choses en étaient là, quand, le 8 novembre 4 18, à sa cause. Mansi, ibid, col. 706-707, 719 721. Il parut Flavien convoqua cn synode permanent (σύνοδος ίνδηenfin au concile, le 22 novembre, escorté d’un grand μούσα) les évêques qui sc trouvaient alors présents nombre de moines, de soldats ct de fonctionnaires. à Constantinople pour examiner un différend entre Chrysaphe n'avait pas oublié son parrain cn ces le métropolitain de Sardes, Florentin, ct deux de circonstances difficiles. Le silentiairc Magnus vint, cn ses suffragants, Jean et Cossinius. L’affaire fut vite qualité d’ambassadeur de l’empereur, lire une lettre de expédiée, mais voici qu’au moment où les évêques celui-ci par laquelle le patrice Florent était désigné allaient se séparer, l’un d’entre eux, Eusèbe de Docomme devant assister aux séances où il serait question rylee, celui-là même qui, vingt ans auparavant, alors de la foi. Mansi, col. 730-734. La session commença qu’il était encore laïque, avait le premier élevé la par la lecture des actes des sessions précédentes voix contre l’adversaire du theotocos, remit à Flavien Aux questions Mansi. ser l’intérêt de la foi avant toute autre considération ibat., col. 718. Le timide Flavien eut beau lui conseiller de ne pas Le coup était rude non seulement pour Eutychès, pousser plus loin l’accusation portée contre Eutychès mais pour Chrysaphe, Dioscore et toute la cabale tnoet de tenter de nouvelles démarches auprès de lui nophysite. Flavien pouvait s’attendre à de terribles pour lui faire abandonner ses erreurs. L’évêque de représailles. La sentence qu’il venait de porter fil Dorylée s*y refusa et flt valoir le danger de perversion l’effet d’une déclaration de guerre entre les deux que l’enseignement de l'archimandrite faisait courir partis monophysitc ct dyophysite. De part et d’autre, à plusieurs. Flavien ct son concile furent obliges de on sc prépara à la lutte. Au cours de la discussion, s’exécuter. On députa vers Eutychès le prêtre Jean Eutychès avait dit à propos des deux natures : « Si et le diacre André pour lui donner lecture du mé­ mes pères de Home ct d’Alexandrie me l’ordonnent, moire d’Eusèbe et l’inviter à comparaître devant le je suis prêt à les affirmer. » Mansi, col. 820. A la fin concile. Mansi, ibid., col. 655. de la séance, alors que les évêques quittaient déjà U Arracher 1 · vieux moine à son couvent ne fut pas salle où ils étaient assemblés, le condamné fit con­ chose aisée. A la première délégation qui lui fut en­ naître au patrice Florent son intention d’en appeler voyée, il répondit qu’il avait fait vœu de réclusion de la sentence de Flavien à celle des synodes de Home, perpétuelle dans son monastère et qu’il ne pouvait d’Alexandrie, de Jérusalem ct de Thcssaloniquc. en sortir. 11 donna cn même temps sur sa foi des ex­ Averti par le patrice de celle intention, Flavien ne plications fort compromettantes dont il sera parlé pouvait y voir un appel en forme. Aussi n’en fit-on pas plus loin ct s’exprima d’une manière assez leste sur mention dans le procès-verbal. Mansi, col. 818. L’ap­ l’autorité des Pères ■ à qui il faut préférer les saintes pel au pape saint Léon et à plusieurs autres évêques de Écritures. » Mansi, ibid., col 697-760. Le concile dé­ sièges importants, notamment à Pierre Chrysologuc cida de lui adresser une seconde monition par l’inter­ de Haven ne, fut d’ailleurs envoyé sans retard par l’ar­ médiaire des deux prêtres Marnas et Théophile. Celte chimandrite déposé, avec le mémoire d’Eusèbecontre fols, l’archimandrite prétexta avec son vœu une lui, sa propre réponse, qu’on n’avait pas voulu en­ maladie qui paraissait bien être d’ordre diploma­ tendre, sa profession de foi et enfin un recueil de textes tique. Il voulut remettre aux délégués une lettre que des Pères sur les deux natures. Eutychès, Epist., xxj, ceux-ci refusèrent. Mansi, col. 703-711. Une troisième ad S Leonem papam, P. L., t. Liv, col. 713; ct. Epi*l., assignation libellée par écrit lui fut remise par les xxv, Pétri Chrysoloyi ad Eutychen, P. L., ibid, prêtres Memnon cl Épiphanc et le diacre Germain. On col. 739. l'invitait à se rendre au concile le mercredi 17 no­ La lettre au pape Léon était habilement rédigée. L* vembre. Le mardi, 16 novembre, sc tint la IVe session. pape y était salué du titre de défenseur de la religion Des délégués d’Eutychès y parurent et mirent de Le récit des faits manquait d’impartialité. Sur la ques­ nouveau cn avant l'impossibilité où sc trouvait l’in­ tion doctrinale lùitychès laissait à peine deviner sa culpé d’obéir au concile pour cause de maladie. Le position II disait entre autres choses qu’il n'avait pu lendemain, Memnon, Épiphanc ct Germain appor­ analhémaliser les adversaires des deux natures, car tèrent une réponse semblable. Mansi, col. 711-718. Alhanasc, Grégoire, Jules, Félix avaient rejeté l’ex­ Plein de condescendance, Flavien accorda à l’archi­ pression deux natures ·. mandrite un nouveau délai jusqu’au 22 novembre. 1587 EUTYCHÉS ET EUTYCH1ANISME Il parait qu'en sortant du concile de Flavien, l’ar­ chimandrite avait été insulté par la populace. Pour défendre sa réputation, il fit placarder sur les places publiques des affiches justificatives. S. Léon, Epist., xxm, ad Flavianum, P. L., t. Liv, qjI. 731. En même temps il réclama la protection de l’empereur, qui, grâce sans doute à Chrysaphe, lui fit bon accueil ct consentit A appuyer d’une lettre sa requête au pape IZon. P. L„ ibid., col 730. Théodose II alla plus loin; comme il le déclare lui-même dans sa lettre au concile d’Éphèse, Mansi, op. cit., t. vi, col. 597, il essaya A plusieurs reprises d’amener Flavien à n’exi­ ger d Eutychés pour le recevoir dans sa communion, que la signature du symbole «Je Nicéc confirmé à Ephêse, en 13L L'archevêque rejeta ce compromis, ce qui mécontenta fort l’empereur, qui exigea de lui une profession de foi. Mansi, Ibid., col. 539-540. Au printemps de 419, Eutychés lança une nouvelle plainte contre Flavien 11 prétendit que les actes du synode de 448, rédiges par ordre de l'archevêque^ étalent falsifiés en plusieurs endroits, ct il s'adressa A l’empereur pour en obtenir la vérification devant un nouveau synode. Mansi, col. 764-766. Théodose II accéda A sa demande, ct le 13 avril 419, un second concile composé de trente quatrcévcquvs sc réunit dans le portique de la grande église de Constantinople sous h présidence de Flavien. Trois fonctionnaires impé­ riaux, le patrice Florent, le comte Marnas ct le tribun Macedonius, y assistèrent. Flavien cl scs notaires sor­ tirent victorieux de l’épreuve Les envoyés d’Eutychès ne purent établir aucun grief sérieux contre les actes incriminés. Une seule accusation ne fut pas éclaircie; Constantin, l’un des délégués d’Eutychès, affirmait que la sentence portée contre l’archiman­ drite avait été rédigée par Flavien antérieurement A la session finale. Sur l’ordre de l’empereur, une nou­ velle commission d'enquête sc réunit encore, le 27 avril 449, pour examiner spécialement ce point. Mais on n’en pouvait rien tirer pour infirmer la procedure suivie A l’égard d’Eutychès, puisque celui-ci avait refusé à deux reprises de scprésenter au concile ct que, dans La présomption qu’il ne se rendrait pas à une troisième invitation, Flavien avait bien pu libeller d’avance son décret. Mansi, ibid, col. 753-828. Toutes ccs tracasseries étaient de mauvais augure pour l'archevêque de Constantinople, qui fit son pos­ sible pour assurer l’exécution de la sentence contre Eutychés. H la fit connaître aux évêques d’Orient ct écrivit au pape Léon un rapport détaillé sur toute l afiaire. Le pape n'eut pas de peine A reconnaître qu’Eutychès s’écartait de la vraie foi, et il annonça à Flavien qu’il préparait un exposé complet de la doc­ trine catholique Epist, xxvn, ad Flavianum, P. L., t iiv. <·<>! 772 Présentant sans doute que Borne ne lui serait pas favorable, Eutyché* avait déjà, dès le début de 449, sollicité un concile œcuménique. Dioscore fit une demande semblable. Théodose H, que Chrysaphe nen ut Λ m guise, ne pouvait refuser. Par une lettre du 30 mars 119, il manda aux métropolitains de son empire d’avoir A se rendre à Éphêse avec quelques-uns de l· tirs w fini gants pour le 1” août suivant. Mansi, op cil. t vi, col. 588 sq. Nous n’avons pas à racon­ tar ici l'hintoirr de ce triste CO ne. le, que le pape saint Llrn qualifia $1 Justement de brigandage· Disons •euh-merit qu»· D»o\corv y parla en maître, ct que, par I intimidation ct la violence il y fit condamner Flavian et rf habiliter Eutychés par presque tout Fépisorqi tt oriental Les légats du pape ne purent (aire Ire à rassemblée les lettres de saint Léon dont ils êlurmt porteurs ct qui condamnaient la doctrine de 1 archimandrite œnstanUnopolitaln· De celui-ci bUAcurc u caki qu'une vague profession de fol. 1588 qui laissait le champ libre aux plus dangereuses équi­ voques. Eutychés récita le symbole de Nicéc en faisant remarquer que le concile d’Éphèse présidé par Cyrille avait défendu d’y rien ajouter ou retran­ cher. Puis il protesta de son respect pour les saints Pères ct anathématisa Manès, Valentin, Apollinaire, Nestorlus et tous les hérétiques depuis Simon le Ma­ gicien, ainsi que ceux qui enseignent que la chair de Jésus-Christ est descendue du ciel. Mansi, op. cit., t. v , col. 629-634. Il mit en doute l'impartialité des légats romains A son égard ct réclama contre les falsifi­ cations prétendues des actes du concile de 448. Après avoir entendu les Pères dire anathème à quiconque reconnaissait deux natures en Jésus-Christ après l'incarnation, Dioscore leur demanda leur avis sur la I doctrine d’Eutychés. Cent quatorze se prononcèrent I pour l’orthodoxie de l’archimandrite, qui fut r< intégré dans ses anciennes dignités. .Mansi, ibid, col. 833-862. Ses moines, que Flavien avait excommuniés, furent également absous. Ibid., col. 862-870. Le triomphe d’Eutychès ct dc Dioscore fut de courte durée. Ils réussirent sans doute à faire sanc­ tionner par une loi impériale les décisions du brigan­ dage d’Éphèse ct A remplacer Flavien sur le siège dc Constantinople par l'Alexandrln Anatole, tout dévoué à Dioscore. Mais le pape Léon protesta vivement contre les iniqui tés commises ct refusa dc reconnaître Anatole Sur ccs entrefaites, Théodose II mourut, le 28 juillet 450, d’une chute de cheval, ct, comme il ne laissait point d’héritiers, l'impératrice Pulchérie, celle-là meme qui avait si bien défendu l’orthodoxie, lors de l’affaire nestorienne, prit en mains les rênes du gouvernement. Elle fit reconnaître comme empe­ reur le sénateur Marcien, qu’elle épousa, ct après s’être débarrassée dc Chrysaphe, elle s’empressa d’annulcr les décrets du brigandage d’Éphèse. Eutychés fut expulsé de son monastère et relégué dans un en­ droit voisin dc Constantinople. Anatole ne tarda pas A l’anathématiser dans un synode qu’il tint A Constantinople, en signant la lettre dogmatique de saint Léon à Flavien. Tous les évêques d’Orient firent dc meme, sauf Dioscore ct les siens. Le concile dc Chalcédoine acheva la défaite dc l’hérésiarque. Celui-ci n’y parut point, car sa cause avait déjà été jugée. On ne s’occupa dc lui qu’indircctcment, en examinant, à la lre session, la procédure du brigandage d’Éphèse. A la IVe session, les évêques égyptiens consentirent A l’anathématiser tout en refu­ sant dc signer le · tome » de Léon. Mansi, t. vu, col 53 sq. Quant A sa doctrine d’une seule nature en Jésus-Christ après l'union, elle fut solennellement condamnée dans la définition que porta le concile ct qui constitue un exposé complet ct très précis dc la foi catholi(|ue sur le mystère dc l'incarnation. Voir ChalcLdoini: (Concile de), t. u, col. 2190-2208. Avant l’ouverture du concile, le pape saint Léon avait demandé A l’impératrice Pulchérie, dans une lettre datée du 9 juin 151, d'exiler Eutychés plus loin de Constantinople. Epist, lxxxiv, ad Pulchcriam Augustam, P.L., t. liv, col. 922. Il avait été obéi. Le vieil archimandrite fut transféré ailleurs, on ne sait où; il passa par Jérusalem, où le prêtre I lésychlus lui offrit l'hospitalité. Duchesne, Histoire ancienne de Γ Eglise, t. ni, p. 471 Une lettre dc saint Léon A l'empereur Marcien, du 15 avril 154, nous apprend que l'héré­ siarque continuait, du lieu de son nouvel exil, A ré p nuire scs erreurs. Aussi le pape réclamait-il pour lui une retraite plus retirée, qui h· mettrait dans l'impossi­ bilité dc nuire A la foi orthodoxe. Epist., cxxxiv, col. 1095. Λ partir dc ce moment, l’histoire le perd dc vue. Par un édit du 28 juillet 152. l’empereur Marcien avait condamné ses ouvrages au feu. Mansi, op cit., L vu, col 501. line parait pas du reste avoir beau 1589 EUTYCHÉS ET EUTYCHIANISME coup écrit. Les actes des conciles nous ont conservé de lui quelques lettres ct quelques déclarations. Ce que nous venons de raconter dc la vie dc cet hérésiarque suffit à montrer son caractère. Comme tous ceux de son espèce, il fut orgueilleux ct entêté, mais il y eut sans doute chez lui plus d'ignorance que de malice, l-c pape saint Léon disait de lui : Eutychés mullum imprudent et nimis imperitus osten­ ditur... Quam enim eruditiomm de sacris Novi et Vele­ ris Testamenti paginis acquisiult, gui ne ipsius qui­ dem symboli initia comprehendit? Epist, xxvm, /< L., t. liv, coi. 756-757. Son grand tort fut de s oc­ cuper de théologie, malgré son peu dc capacité. La faveur dont il jouissait auprès dc Chrysaphe fut, avec son zèle indiscret contre le nestorianisme, la pttncipalc cause de sa perle. Des habiles sans scrupule comme Dioscore, des hérétiques dissimulés cou me certains apoUinnrlstcs et monophysites, qui se lièrent d’amitié avec lui. sc servirent de lui comme d‘un Ins­ trument pour arriver à leurs fins. Comme Nestorius, il fut moins un novateur qu'un prête-nom pour la dif­ fusion d'erreurs déjà existantes. Ce n’est pas la seule ressemblance qui existe entre les deux hérésiarques Tous les deux furent des esprits assez bornés, quoique Nestorius ait eu plus dc culture ct dc capacité. Tous deux manifestèrent un zèle excessif contre les nérétiques avant dc grossir eux-mêmes leur nombre L’un et l’autre sollicitèrent un concile œcuménique pour réviser leur procès ct jouirent d’abord de la faveur impériale. Nestorius sc réclamait du symbole dc Nicéc pur sans addition ni retranchement. Eutychés lit de même. Le premier en appelait à scs maîtres, Dio­ dore de Tarse et Théodore de Mopsucsle, et témoi­ gnait assez de mépris pour les autres Pères; le second se cramponnait a saint Cyrille qu’il ne comprenait pas. Tous deux moururent en exil dans l’obstination finale ct laissèrent après eux des schismes qui n’ont pas encore disparu. II. Doctiune. — Il est très difficile de savoir quelle a été au juste la doctrine personnelle d’Eutychès. Cela vient sans doute de ce qu’il ne le savait pas très bien lui-méme. Il a été hérétique, parce qu’il n soutenu avec opiniâtreté des formules équivoques, fausses même dans leur teneur; mais comme il n’est pas im­ possible de donner à ces formules un sens orthodoxe cL (pie certaines déclarations dc l’hérésiarque favo­ risent cette interprétation bénigne, on demeure Indé­ cis quand il s'agit de déterminer d’une manière pré­ cise la pensée personnelle dc ce moine têtu et ignorant. Orthodoxe, Eutychés paraît l’être dans plusieurs de ses affirmations. Avant dc paraître au concile de -118, il répond aux députés qu’on lui a envoyés « qu'après l'incarnation de Dieu le Verbe, c'est-à-dire après la naissance (τήν γέννησιν) de Notre-Scigneur JésusChrist, il n’adore plus qu’une nature, la nature dc Dieu incarné et fait homme, > μιαν φύσιν προσκυνείν, και ταύτην θιού σαρχωΟίντος xsl ένανθρωπήσαντος, for­ mule proprement cyrilhenne. Mansi, Concit., t. vr, col 700 II proteste qu’il n’a jamais dit que le Verbe avait apporté sa chair du ciel ct confesse que celui qui est né de la Vierge Marie est Dieu parfait et homme parfait, τ /ttov Θιον flvzt xal τίλίιον άνθρωπον τον γίνv/jOtvxa *'κ τής παρθένου Μαρίας. Ibid., et col. 725-730. \u concile de Flavien, il fait des declarations sembla­ bles : · Je confesse que le Fils dc Dieu s’est incarné de la ch.iir do la sainte Vierge ct s'est fait homme pari.ut pour notre s.ihit, 6μο)ογώ τήν ίνσαρζον aùroO παρουσίαν γ^γίνήσϋαι Ιχ τής σαρχος τής άγιας παρθένου, xal ίνανθρωπήσαι αύτον ' Mansi, ibid., col. 710. Je reconnais que la sainte Vierge nous est consub­ stantielle ct que notre Dhu s'est incarné d'elle. Ibid., col. /11. Dans sa lettre au pape Léon, écrite apres si condamnation, d dit anathème à deux 15i >0 reprises à Apollinaire, â Valentin, à Manès, ù Nes­ torius ct Λ tous les hérétiques jusqu’à Simon, à tons ceux qui disent que. U chair de Notrc-Scigncur Jésus-Christ est descendue du ciel, P. J,., t. t.iv, col. 717, 718. Il ajoute cette profession dc foi d’une orthodoxie impeccable : Ipse enim qui est Verbum bel descendit de endo sine carne, ct factus est taro in utero sancite Virginie ex ipso carne Virginis inenmmutabiliter et incunvcrlibihtcr, sicut ipse novit et votait. Et foetus est qui est semper beus perfectus ante s traita, idem cl homo perfectus in extremo dierum prnptcr not ct nostram salutem. tbid , coi. 718 II rejette expressément la doctrine phantasias te : in veritate, non in phan­ tasmate homo factus. Ibid., col. 716. On comprend qu’apres avoir lu ccs déclarations saint Léon sc soit demandé avec anxiété en quoi consistait l’erreur du vieil archimandrite:biu apud nos incertum fuit quid in ipso catholicis displiceret. Epist., xxxiv, adJulianum Coensem, ibid, col. 801 Cf. Epist., xxiv, ad Theodo­ sium Augustum, col. 735-736. Dans cette même lettre au pape, Eutychés se lave du reproche qu’on avait lance contre lui dc mépriser les Pères. 11 accepte les définitions de Nicée et d’Éphèse ct sc réclame de la foi dc saint Cyrille, dc Grégoire le Thaumaturge, de Grégoire dc Nazianze, dc Basile, d'Athanase, d’Atticus et de Produs : Eum cl omnes eos orthodoxos et fideles habui, cl honoravi tamquam sanctos, et magistros meos existimavi. Ibid., col. 718. Au brigandage d’Éphèse, après avoir récité le symbole dc Nicéc, il proteste de nouveau de son amour pour les Pères ct anathématisc tous les héré­ tiques, en particulier Valentin, Apollinaire et tous ceux qui disent que la chair de Notrc-Scigncur JésusChrist est descendue du ciel. Mansi, Concit., I. vi, col 631-631. Eutychés reconnaît donc : 1° qu’il n’y a qu’une personne en Jésus-Christ, celle du Verbe; 2° que le Verbe a pris sa chair véritable ct non apparente, dc la vierge Marie, ct qu’il est à la fois Dieu parfait e* homme parfait; 3° que la vierge Marie nous est consubstantielle; 4° qu’il n’y a pas eu mélange de l’humanité cl de la divinité, mais que le Verbe est resté sans changement; 5° que les docètes, Valentin, Apol· linaire et tous ceux qui attribuent une origine céleste à la chair du Christ sont dignes d’anathème. Comment se fait-il dès lors que le concile de 118 l’ait précisément condamné comme imbu de l’erreur dc Valentin et d’Apollinaire, τήν Ούα>·ντίνου xat Άπηλιναρίσυ χαχόδοξίαν νοσών, Mansi, t. νι, col. 718, ct qu’on l’ait accusé dc docétisme, de monophysisme grossier, d’origénisme, voire même de nestorianisme, comme nous le montrerons tout à l’heure? L’explication de ce fait étrange se trouve dans deux affirmations équivoques de l’hérésiarque. La première est celle-ci : · Je con­ fesse que Notre-Scigneur a été (est devenu) dc deux natures avant l'union ; mais après l’union, je ne recon­ nais plus qu’une seule nature, όμολογώ δύο φύσίων γςγβνήσθαι τον Κύριον ήμων προ τής Ινώσεως· μιτα δ^ τήν ίνωσιν μιαν φύσιν όαολογω. » Mansi, L 11, col. 714. Par la seconde, Eutychés niait que le Christ nous fût cou substantiel. A la question de Flavien : · Beconnais-tu que l’unique et le meme Fils Notre-Scigneur Jésus[ Christ est consubstantiel ù son Père quant à sa divi­ nité et consubsi mtiel Λ sa Mère quant ù son huma­ nité? » Il répondit : « Jusqu’à ce jour, je ne me suis pas permis ces sortes dc spéculations .. Jusqu’ici, je n’ai pas dit que le corps du Seigneur, notre Dieu, nous fût consubstantiel, mais je confesse que la sainte Vierge nous est consubstantielle. » Mansi, ibid ,col.7 l L Pressé par les interrogations dc ses juges, l'archi­ mandrite consentit à employer un langage qui n’était pas le sien, et à dire avec eux : « Le Christ est de la » Vierge ct il nous est consubstantiel, mais il rut soin 1591 EUTYCHÈS ET EUTYGHIANISME 1592 àsa Mère, ils conclurent qu’il niait la maternité vé­ de donner des explications : < Jusqu’ici, dit-il, je n’ai ritable de la Vierge. Cette négation même ouvrait la pas employé ccttc expression de « consubstantiel ·, porte à un grand nombre d’hypothèses : à la préexis­ car je reconnais que le corps du Christ est le corps dc tence de la chair du Christ ct à son origine céleste, au Dieu; le corps dc Dieu, je n’ai pas voulu l’appeler corps docétisme, à la divinisation dc la chair ct à son mé­ de l’homme, mais ce corps est humain, ούχ εϊπον σώμα lange avec la divinité, à la négation de l’intégrité de άθνρώπου τδ τού θεού σώαα, ανθρώπινον δέ το σώμα. » la nature humaine. Par ailleurs, l’alllrmation pure Mansi, ibid. En distinguant entre corps de l’homme et simple d’une seule nature après l'union sans au­ ct corps humain, Eutychès montrait qu’il n'était pas cune explication venait confirmer la possibilité dc tout à fait incapable dc raisonner, mais c’était chez toutes ces hypothèses. lui un éclair de génie, qui resta isolé. On voit Λ quoi tendait la distinction : à écarter une expression qui Cette exégèse pourra paraître peu bienveillante; mais quand on songe aux déclarations équivoques, aurait pu être interprétée dans un sens nestorien. Eutychès s’explique du reste lui-même là - dessus : voire même contradictoires de l’accusé, à son obsti­ < En acceptant le mot · consubstantiel ·, je ne nie pas nation, à l’active propagande qu’il essayait de faire autour dc lui, on comprend assez facilement que le que le Christ soit Fits de Dieu, ούτε γάρ λέγω τδ όμοούsynode ait pris les choses au pire, d’autant plus que σιον, αρνούμενος τού είναι αύτδν ύιδν τού Θεού. · Mansi, ibid. L’explication n’était pas mauvaise, mais le monophysisme n’était pas un mythe. Théodoret les Pères ne crurent pas devoir s’en contenter, ka ne venait-il pas dc réfuter cette doctrine dans son Era· complaisance dc l’archimandrite leur parut dc mau­ nistés? Il faut reconnaître cependant que les formules vais aloi; par son ton ct son langage, il avait l’air dc cutychienncs pouvaient être tournées en bonne part; les accuser d'innovation dogmatique. Cette complaimalheureusement le vieil archimandrite était incasancc du reste ne fut pas poussée très loin. Invité à pablc de les expliquer clairement d’une manière anathématiscr les deux points de doctrine qu’on lui orthodoxe. Il parait bien que c’était seulement la reprochait : Jésus-Christ ne nous est pas consubstanpeur du nestorianisme qui lui faisait éviter comme tiel; Après l'union il n'y a qu'une nature cl non deux, dangereuse l’afilnnation de la consubstantialité du il refusa net : < Je n’ai pas trouvé, dit-il, ccttc doc­ Christ avec nous. Dire que Jésus nous était consub­ trine (dont vous me parlez) clairement exprimée dans stantiel, n’était-cc point faire entendre qu'il était une les Écritures, ct tous les Pères ne l’ont pas enseignée. personne humaine comme nous? Dc là la distinction Si je prononçais l'anathème, malheur à moi! car il entre σώμα ανθρώπου et σώμα ανθρώπινον. Dans le fait, retomberait sur mes Pères. > Mansi, ibid., col. 715. nous l'avons vu, Eutychès a repoussé à plusieurs re­ • Acceptes-tu, lui dit le patrice Florent, deux natures prises les erreurs dc Valentin et d'Apollinaire. Quant dans le Christ et son égalité de substance avec nous? à la fameuse formule : Deux natures avant l'union ; — J’ai lu, répondit l’accusé, les écrits du bienheu­ une seule après, elle était sans doute fort équivoque, reux Cyrille, dc saint Athanase ct des autres saints mais l’hérésiarque sc réclamait sur ce point de saint Pères Ils disent qu’avant l’union le Christ est de Cyrille. 11 invoquait aussi l’autorité de saint Athanase, deux natures; mais après l’union ct l’incarnation, ils de saint Grégoire le Thaumaturge, des papes Jules ct ne parlent plus dc deux natures, mais d’une seule. — Félix, tous partisans d’une seule nature dans le Christ : Confesses-tu, reprit Florent, deux natures après Sciens vero sanctos cl beatos patres nostros Julium, l’union? — Ordonnez, dit Eutychès, qu’on lise les Felicem, Athanasium, Gregorium, sanctissimos epi­ écrits de saint Athanase, afin que vous sachiez qu’il scopos, re/utanles duarum naturarum vocabulum, et n’a rien dit dc tel. » Basile de Séleucic fit remarquer non audens dc natura tractare Dei Verbi... aut anathe­ que dc ne pas admettre deux natures après l’union matizare supradictos patres nostros, rogabam ut Inno­ équivalait à enseigner le mélange ou la confusion des tescerent Ista sanctitati vcstriv. Epist. ad Leonem, 1, natures. Le patrice Florent ajouta: « Quiconque sc P. L., t. Liv, col. 71G. Tout comme saint Cyrille, Eu­ refuse à dire : des deux natures ct deux natures n’est tychès ne sc doutait pas que les écrits de saint Atha­ pas orthodoxe, ό μη λίγων lx δύο φύσεων και δύο φύσεις, nase ct des trois autres Pères signales où il est fait ού πιστεύει όρθώς. Mansi, ibid , col. 718. C’est après ce mention d’une seule nature dans le Christ étaient dialogue que le synode libella la sentence ct déclara d’origine apollinariste. Voisin, op. cil., p. 186-2IG. Eutychès infecté de l’erreur de Valentin ct d’Apolli­ La fameuse formule pscudo-alhnnasicnnc : μίαφύnaire. σις, μία ύπόστασις του Θεού Λόγου σεσαρκωμένη, avait Au témoignage dc saint Épiphane, Hær., xxxi, 7, été interprétée par l'évêque d’Alexandrie dans un sens P.G., t. XL!, col. 188, Valentin enseignait que Jésus, tout à fait orthodoxe. Le même avait dit, sinon en chef-d’œuvre des éons,"avait pris un corps céleste ct propres termes, du moins équivalemmcnt : deux na­ qu’il n’avait fait que passer par le sein dc Marie comme tures avant l'union, une seule après. Il avait écrit dans l’eau passe par un canal. On prêtait à Apollinaire sa Lettre à Acace de Mélitène : « Lorsque nous consi­ une erreur semblable; on l’accusait aussi de docétisme dérons dans notre entendement, ώς cv Ιννοίαις δεχόμενοι, pur, ou simplement dc nier la consubstantialité dc la ce dont est formé le seul et unique Fils et Seigneur chair du Christ avec La nôtre. Voisin, L'apoUinarisme, j Jésus-Christ, nous disons (pic deux natures se sont Louvain, 1901, p. 310-345. De plus, l’évêque dc kaounies; mais après l’union, parce que la division des dicvc attaquait l’intégrité dc la nature humaine du deux natures sc trouve enlevée, nous croyons que la Sauveur, en lui refusant les facultés supérieures de , nature du Fils est unique, parce qu'il est un véritable­ l'intelligence ct dc la liberté, ct professait, ou du ment; tout en ajoutant : nature unique du Fils fait moins paraissait professer un monophysisme grossier homme et incarné, μετά δε γε την ενωσιν, ώς άνηρημενης d’après lequel La divinité ct la chair avaient été mé­ I ηδη τής εις δύο διατοαης, μίαν είναι πιστεύομε*/ την τού langées ct confondues en une seule nature, la chair Υίού φυσιν, ως Ενός, ττ).ήν ένανθρωπήσαντος χαι σεσαρκω(tant devenue en quelque manière consubstantielle μενου. P. G., t. Lxvn, col. 192-193. Voir aussi les à la divinité.Voisin, op. cit., p. 272 sq., 339-310. Les ' deux lettres à Succensus, où la formule μία φύσις est Peres du synode dc 448 pensaient sans doute à longuement expliquée avec toute la clarté désirable. toutes cvs erreurs en lançant contre Eutychès l’acIbid , col. 227-246. cusation dc vakntinlsmect d’opollinarismc. Ils inter­ Quand il parle dc deux natures, τύσε·.ς, avant prétaient d.ins le sens le plus défavorable les formules l’union et d’une seule après, Cyrille sc place au point de l’archimandrite. Du fait que celui-ci refusait d’ad­ dc vue de Nestorius ct prend le mot φύσις dans le mettre sans detours que Jésus-Chnst est consubstantiel sens d’une nature concrète subsistant en cllo-mêmc 1593 EUTYCHES ET EUT YCHiANISME d’une existence séparée et indépendante. l’ne nature de celte sorte — ct, la nature humaine du Christ ex­ ceptée, il n’existe que de ccs natures-là dam la réa­ lité— est un vrai sujet, une véritable personne. Dans le système nestorien, chacune des deux natures de l'Hommo-DicU subsiste en ellemême ct constitue un sujet à part; ccs natures ne sont unies entre elles (pie d’une manière accidentelle. « Deux natures est dès lors synonyme de « deux hypostases », de deux per­ sonnes ». Celte conception est inconciliable avec la foi, d’après laquelle il n’y a dans le Christ qu’un seul sujet, qu’une seule personne, la personne de Dieu le Verbe, De la l'expression : μία φύσις τού βίου \όγου. Mais comme la φύσις du Verbe s'est incarnée, s’est approprié l'humanité sans subir aucun changement, on complète la formule par l’épithète στσαρχωμν/η, se rapportant à ςύσις, ou par ένανθρωπησαντος, σεσαρκωμήου, se rapportant à θεού \όγου, ce qui revient au meme, la φύσις du Logos s'identifiant avec le Logos hii-mêmc. lai nature humaine du Christ n’est pas une φύσις, une nature-personne, parce qu’elle n’existe pas à pari ct qu’elle est sous la complète domination du Verbe. On peut toutefois lui donner ce nom en sup­ posant par la pensée pure, iv Ισχναις θκωρίαις, un moment irréel où cette nature sera aperçue comme ayant une existence indépendante ct venant à la rencontre de la φύσις du Verbe. De ce point de vue on pourra (lire sans sortir de l'orthodoxie : deux na­ tures avant l'union, ou encore : Le Christ est de deux natures, έκ δύο φύσεων, aboutissant à une seule. Saint Cyrille admet, du reste, la persistance après l’union de l'humanité complète, sans mélange ni confusion ni changement de la personne divine, et il répète bien souvent que Jésus-Christ nous est consubstantiel par son humanité. Par ailleurs, il a souvent désigne cette humanité par le terme de φύσις pris dans le sens que nous donnons actuellement au mol nature. M. Jugie, l.a terminologie christologique dc saint Cyrille d'Alexan­ drie, dans les Échos d'Oricnt, janvier 1912, p. 12-27. Eutychès avait donc l’intention, semble-t-il, de donner à la formule : deux natures avant l'union, une seule après, la signification que lui attribuait saint Cy­ rille; mais il était incapable de manier avec l’adresse voulue cet instrument délicat. Il disait : Après l’union, je ne confesse qu'une seule nature, μίαν φύσιν ομολογώ; à en juger par les actes du synode de I IS, il ne réci­ tait pas la formule cyrillienne dans son intégrité : Une seule nature incarnée de Dieu le Verbe. Avant le synode, il avait sans doute employé, comme nous l’avons dit plus haut, la variante : Une seule nature du Verbe incarné, qu’on trouve aussi dans saint Cyrille; mais il n'eût pas été inutile pour sa cause dc la répéter en plein concile; surtout, il aurait dû l’expliquer. De quel droit, d’ailleurs, venait-il sc réclamer de l'évêque d’Alexandrie, qui avait enseigné si expressément la consubstantialité du Verbe incamé avec la Vierge Marie, et (pii n'avait pas refusé de dire deux natures après l'union, même antérieurement à la controverse avec les théologiens d’Antioche? Somme toute, le vieil archimandrite voulait rester dans l'orthodoxie, et il en avait parfois le langage; mais à cause de son ignorance ct dc son peu de capa­ cité, il s’exprimait aussi parfois comme un hérétique. Le concile de l'hivien ne tint pas compte de ses in­ tentions, ct, prenant au pied dc la lettre ses formules malsonnnntes, en lit sortir le valcntinlsme ct l’apollinnrisme. Lrs théo’ogiens contemporains ct ceux qui vinrent dans la suite imitèrent les Pères constantinopolitains. Ils prêtèrent à Eutychès toutes les erreurs coi. 285. C«t là une conception quasi cyrillicnnc. Eutychès I viduelles, mais elles sont considérées cl fixées en voulait pcul-itrc dire cela, mais que nc s’en est-il ex­ elles-mêmes, abstraction faite du sujet, de lu per­ plique clairement? * I sonne duns laquelle elles subsistent. En d’autres III. Eutychunismc et monophysisme. — Éty­ termes, le concile donne au mot φύσε; le sens de na­ mologiquement, le terme de · monophysisme » peut i ture prise comme telle, d'essence, abstraction faite du servir à designer toute doctrine qui nc reconnaît ! mode dc subsistance. Le sujet qui possède à la fois dans le Verbe incarné qu’une seule φύσε; après ces deux natures, ces deux essences, l’hypostasc, la l’union dc l’humanité cl de la divinité. personne qui subsiste en elles, est l'hyposlasc, la per­ Historiquement, le nom de · monophysites » a été | sonne du Verbe monogène. Affirmer dans le Christ, donne û tous ceux qui ont rejeté la définition du après l’union dc l'humanité et dc la divinité, une concde dc Chalcédoinc disant anathème aux parti- l seule φύσε; dans le sens chalcédonicn du mot, van* d’une seule nature (φύσις) après l'union (xa\ c’est précisément ce que nous avons appelé l'cutyl «ο u » ζρδ “ή; t /Μσιως φύσιΐζ τού Κυρίου μυΟευονchlanlsme. Mais il faut remarquer que l’unique φύσις 1597 EUTYCHÈS ET EUTYCH1ANISME ou essence, par le fait qu’elle est unique ct nu’ellc est concrète, est ά elle-même son sujet; elle subsiste en elle-meme; c’est une vraie personne. Une seule na­ ture ou essence, une seule personne: telle est la for­ mule de l’cutychianismc, qui est le vrai m<»nophy~ slsmo, le monophysisme réel. Quels sont les procédés par lesquels il est possible dc réduire deux natures ou essences à une seule, nous le dirons tout ù l’heure en parlant des sectes cutychicnnes. Dans la formule cyrillicnnc : μία φύσις τού θεού Λόγου σεσαρχωμένη, le mot φύσις désigne, comme nous l’avons dit plus haut, non une nature concrète prise comme telle, mais une nature concrète subsistant en elle-même d’une existence séparée et indépendante,une nature-personne. Si l’on donne ce sens au terme φύσις, on est obligé, si l’on veut rester dans l’orthodoxie, de proclamer dans le Christ une seule φύσις, la φύσις du Verbe, car seule la nature du Verbe est une nature sui juris, une personne. L’humanité prise dc la Vierge nc s’csl jamais appartenue à elle-même, mais n été la possession de la personne divine, dès le premier ins­ tant dc la conception. Impossible donc dc 1’appclcr une φύσις, l’union une fois consommée. Tout au plus pourra-t-on la dénommer ainsi avant l’union, c’cst-àdire à un moment irréel, pure fiction dc l’esprit, où on la concevra comme venant sc joindre à la φύσις du Verbe. Si, en employant cette terminologie, on main­ tient à la fois 1 immutabilité du Verbe ct la perma­ nence sans confusion ni altération dc l’humanité complète du Christ, qui ne peut sans doute être ap­ pelée une φύσις, mais qui reste une essence, ούσία, on sera monophysite dans les formules tout en étant orthodoxe par la pensée. Le concile dc Chalcôdoinc, en effet, ne rejette une seule σύσις après l’union que parce qu’il prend cc terme dans le sens de na­ ture, d’essence unique. Sans doute, le concile a donné scs préférences à la terminologie dyophysite, ct un catholique doit en tenir compte, accepter la for­ mule δύο φύσεις dans le sens défini; mais la formule cyrillicnnc : μία φύσις τού Θεού Λόγου σεσαρχωμένη n’est pas absolument proscrite, pourvu qu’on l’ex­ plique comme Cyrille lui-même l’a fait. Cc qui serait répréhensible après Chalcédoinc, ce serait dc s'attacher Λ a formule monophysite d’une manière exclusive, dc proscrire la terminologie conciliaire, d’accuser le concile œcuménique ct le pape saint Léon dc nesto­ rianisme parce qu’ils disent δύο φύσεις après l’union. Dr il s’est trouvé des nntichalcédonicns dc cette sorte. Ils ont même constitué le groupe le plus impor­ tant des monophysites. On les a appelés les mono­ physites sévériens, du nom dc leur plus illustre théo­ logien, Sévère d’Antioche. Vers le milieu du vr siècle, ils ont reçu le nom do facobitcs, du nom dc Jacques Baradéc, l’organisateur dc l’Églisc monophysite. Les sévériens sont des monophysites nominaux, Ce nc sont point des cutychiens. On peut donc distinguer trois sortes dc monophyslsme : 1° le monophysisme réel, qui est l’cutychianlsmc tel (pic nous l’avons défini ct qui n cu des représentants bien avant Eutychès; 2° le monophysisme verbal orthodoxe, qui accepte la formule inonophyslsto : μία φύσις τού Θεού Λόγου σεσαρχωμένη dans le sens que lui a donné saint Cyrille, mais qui en même temps reconnaît l'orthodoxie des fonnules dyophysites dc la définition de Chalcédoinc ct du tome de Léon et leur donne la préférence sur la termino­ logie monophysite, qui présente plus d’inconvénients que d’avantages, surtout depuis l’apparition dc l’cutychianismc. Coite sorte de monophysisme, qui n’a jamais reçu cc nom dans l’histoire, a eu pour partisans tous les catholiques qui ont essayé de faire cesser le schisme des sévériens ou jacobitcs, en montrant l’ac­ cord du concile de Chalcédoinc avec le concile d’Éphèsc, 1598 du pape saint Léon avec saint Cyrille d’Alexandrie. Il a trouve son expression la plus solennelle dans les canons du V· condle œcuménique et dans ceux du concile de Latran, tenu en 619, sous le pape saint Mar­ tin Ier; 3° le monophysisme verbal hétérodoxe, qui est orthodoxe au point de vue de la christologie, nais hétérodoxe au point de vue catholique, parce qu’il rejette les formules canonisées par un concile œcumé­ nique et par un pape comme entachées de l'hérésie nestorienne, ou tout au moins comme la favorisant. C’est le monophysisme sévérien considéré dans sa pureté primitive, avant les nombreuses scissions qui sc sont produites dans ce groupe et qui ont donné naissance à certaines sectes plus ou moins voisines dc l’cutychianismc. Ce qui sépare les sévériens des catholiques au point do vue christologique (non au point do vue catho­ lique), c’est une pure question dc terminologie. Ixs sévériens donnent au mot φύσις en christologie le sens exclusif dc nature-personne et en font le synonyme dc ύπόστασις et de ζρόσωπον. Ils ne veulent à aucun prix consentir à lui attribuer une autre signification par une crainte exagérée et souvent peu sincère du nestorianisme. Ils s’entêtent dans cette intransi­ geance, qui leur fait accuser d’hérésie un concile œcu­ ménique et un pape. C’est une logomachie, mais une logomachie qui mène au schisme et à l’hérésie. Dc cette logomaclde plusieurs anciens sc sont aper­ çus. Ils n’ont pas vu des cutychiens dans tous les enti­ cha Icédo ni eus, bien qu’ih se soient trompés dans le triage, souvent fort délicat et fort difficile à faire. Si­ gnalons d’abord le témoignage dc l’Africain Vigile dc Thapse, qui suivit de près les controverses orien­ tales de la lin du v® siècle et du commencement du vie siècle. Dans le II® livre de son ouvrage contre Eutychès, cct auteur écrit: IIxc multi orthodoxorum minus attendentes, aut attendere nolentes, vtl discernere non valentes, in duas sese partes, non diversitate sen­ tentiae, sed vocis professione diviserunt; ut id quod eo­ dem modo sentiunt, eodem modo pronuntiare formident : inutili profecto atque superfluo timore, ut jure illud propheticum eis possit aptari : Illic trepidaverunt ti­ more ubi non erat timor (Ps. xin, 5). Aom plerique orthodoxi, cum sensum ulrarumque naturarum catholice exponant, catholice retineant; ideo tamen duas nolunt dicere naturas, ne secundum Ncslorium duas putentur fateri personas; a confessione utriusque naturae non corde, sed voce tantummodo recedentes. Quodam enim circuitu expositionis utuntur, ut duas se credere ostendant, sed duas nudo sermone non pronuntiant,.. Rursus alii ti­ mentes ne i poli inuris et Eutychetis dogma incurrant, nolunt dicere Dominum passum et mortuum, cum unam efus credant esse personam, ct hunc eumdemque Deum fateantur et hominem. Si ergo unus est sicuti esl, cur eum formidas dicere passum, quem non formidas dicere unum, nec audes dicere alterum secundum Neslorii impium sensum? Eccr sunt timores inanissimi ct sollicitudines vanas, quae fecerunt orthodoxos hardi· eorum sibi nomina impingere, dum voce depromi cal­ catur quod expressius corde clamatur. Qui enim volunt unam ore /ateri personam quam fidei expositione defen­ dunt, eutychianisUr putantur, cum non sint, item qui duas unius Christi naturas publice profitentur, nestoriani putantur esse, cum non sint. Et videas eos luctuosis quibusdam ct omni lamentatione dignis insui· ta'ionibus, haereticorum nomine sc invicem accusare. Tu, inquit, cutychianisla es, et tu nestorianus es. Contra Eutijchetcm, 1. Il, c. x, P. L., t. lxîi, col. 110, Nous avo s tenu à mettre sous les yeux du lecteur ce long passage, parce qu’il donne une idée très exacte des controverses entre catholiques cl monophysites sévériens. M. Lebon écrivait récemment, op. cit., p. 508-509 : · Les deux partis étaient en parfait nc- 1599 EUTYCHÈS ET EUTYCIIIANISME 1606 cord touchant ia vérité elle-même. De part ct d’autre des docètcs? » Epist. ad T imotheu m scholasticum de on confessait un seul ct meme Verbe incarné, vrai duabus naturis adversus Severum. P. G., ibid., coi. 916. Dieu ct vrai homme, consubstantiel au Père ct à nous, Eustathc, on le v» it, a très bien aperçu la logomachie. sans mélange, sans séparation du Dieu ct de l’homme Le prêtre Timothée de Constantinople distinguait vers l’an 600 douze sectes de séparés (q( διαχρινόμινοι) quant à l’existence individuelle. De part ct d’autre c’est-à-dirc d’antichalcédonicns. Or, de ccs douze on rejetait avec horreur l’impiété de Nestorius ct la folie d'Eutychés... La différence était totalement sectes une seule sc réclamait d’Eutycliès, la première, celle des cutychianistes, ίύτυχιανισταί. Cet auteur et exclusivement dans l’exposition dogmatique ct ajoute : « Les cutychianistes reconnaissent Dioscorc en scientifique de la christologie; la querelle provenait d’un immense malentendu sur le sens des deux for­ meme temps qu’Eutychès, mais tous les autres n’accep­ tent que Dioscore et repoussent Eutychès, d Zl λοιποί mules : Une nature de Dieu le Verbe incarnée, ct : En deux natures après l’union. » On voit que le πάντις Διόσκορον μέν δέχονται, Εύτυχέα δε ού δέχονται. De receptione hœrcticorum. Ibid., col. 53. Puls il compte savant belge n’a pas été le premier à faire cette décou­ huit sectes de sévériens, Σιβηρίται. Saint Jean Damasverte. Un latin du commencement du vie siècle cène sépare aussi très nettement les cutychianistes avait fait la même constatation,ct sa manière d’appré­ de ceux qu’il appelle les Égyptiens, les schismatiques, cier le caractère de ccs controverses nous parait plus les monophysites. Il ne voit dans ceux-ci que des schis­ juste. La quer lie était moins · un immense malen­ matiques repoussant le concile de Chalcédoinc cl tendu > qu’un immense entêtement de la part des étant orthodoxes sur tout le reste : Αιγύπτιοι, ol καί sévériens, qui étaient avant tout des schismatiques. σχισματικοί (au lieu de σχηματικοί que porte 1a PatroLes polémistes catholiques, en effet, reconnaissaient en général la légitimité des formules cyrillicnnes, ct | logic grecque de Aligne), xai μονοφυσίται. ol προφάσει τού tv Χαλκτ.δόνι συντάγματος έαυτούς άποσχίσαντες της montraient qu’on pouvait en donner des explications ορθοδόξου έκκλησιας..· τά ο'ζ άλλα πάντα ορθόδοξοι υπάρ­ orthodoxes. C’étaient les sévériens qui s’entêtaient χοντες. De hœr. liber, 83, P. G., t. xciv, col. 741. cl refusaient d’attribuer au mot φύσις un sens diffé­ Ces témoignages suffisent à montrer que nombre rent du leur, s’écartant en cela de la condescendance d'anciens n’ont pas prêté à tous les antichalcédonicns de saint Cyrille, dont ils sc réclamaient tant L’ambi­ l’hérésie d’Eutychés ct qu’ils ont su distinguer entre tieux Sévère a certainement aperçu l’orthodoxie fon­ ceux qu'on peut appeler les monophysites réels ou cière des Chaleédoniens, mais il n’a voulu faire aucune cutychiens ct ceux qui représentent le grand parti concession sur la terminologie par une crainte très monophysite et qui n'ont été monophysites que par vaine, timores inanissimi, du nestorianisme, crainte la terminologie, non par la doctrine. Mais il faut recon­ qui ne vient pas uniquement du zèle pour l’orthodoxie, naître qu’à côté de ccs esprits attentifs et perspicaces, mais qui est bien plutôt fille de l’esprit de schisme. il y a eu un grand nombre de polémistes orthodoxes Nous trouvons dans cette querelle monophysite, dans celte Inextinguible logomachie, l’image exacte I moins clairvoyants, qui ont traité généralement d’cutychicns, de docètcs, de phantasias tes, de mani­ de la querelle que soulèvera plus tard Photius ct d'où chéens, d’apollinaristcs et de Valentiniens tous les sortira le sch sme grec. M. Lebon écrit encore, p. 515, adversaires des deux φύσεις de Chalcédoinc. Ceuxque · moins heureux que les évêques du synode alexan­ là n’ont pas saisi les distinctions subtiles de la théo­ drin de 362, qui discutaient aussi sur des mots, les logie sévéricnnc ct ont interprété la μία φύσις des catholiques ct les monophysites ne trouvèrent pas monophysites en fonc ion de la terminologie chalcédod Athanase. » Nous ne saurions souscrire à cette con­ nicnnc;ou bien, par procédé de polémique, ils ont donne clusion, après avoir lu les ouvrages de certains apolo­ à leurs adversaires des noms odieux, que leur entête­ gistes des formules chalcédoniennes. Les Athanase* ne manquèrent pas, mais les monophysites ne vou­ ment à maintenir la signification exclusive du mot φύσις lurent point les écouler. leur méritait bien un peu. C’est ainsi que le moine Eus­ Jean Maxencc sait que les acéphales (un des nom­ tathc traite de phon ta dastes, φαντασίαν t στα i, Dioscorc et breux noms qui dés gnalcnt les sévériens) donnent à Timothée Élure, Epist. ad Timotheum, loc. cit., col. 933, ςύσις le sens de nature-personne ct qu’ils recon­ 936, ct que l'empereur Justinien nomme comme naissent dans le Christ ce que nous appelons les deux pères des acéphales Valentin, Alanès, Apollinaire, natures : Pergimus nunc illorum respondere defini­ Eutychès en même temps que Dioscore ct Timothée tionibus, qui lapsu miserabili corruentes, novis et Élure. Tractatus contra monophysilas, P. G., ibid., exquisitis argumentationibus nefarium dogma Christi I col. 1145. ecclesiis moliuntur inferre, et Deum ct hominem, Ver­ I Du reste, tout n’avait pas la limpidité de l’ortho­ bum et carnem confilentes, unam post adunalionem doxie dans les écrits des coryphées du monophysisme in Christo naturam, stulte nimis impudenterque conan­ verbal. M. Lebon le reconnaît très Justement, op. cil.. tur astruere, quia, inquiunt, non esse naturam sine I p. 212 : «A la période des premières cl des plus pas­ persona... Si voluerint dicere : Verbum incarnatum sive sionnées résistances au nestorianisme qu’ils croyaient unam naturam Dei Verbi incarnatam, co ipso quo hoc découvrir dan la définition de Chalcédoinc, ils étaient dicunt, duas procul dubio dicere convincuntur in Christo bien plus portés à mettre en lumière la parfaite unité naturas, duarumque, non unius nomina naturarum, ejus du Christ qu’à s'étendre sur la conservation ct l’inté­ videlicet, qui incarnatus es!, id est, Verbi Dei, ct ejus grité des deux éléments (pii avaient concouru à l’union. qua ab ipso assumpta est, id est,carnis. Libellus contra Certaines locutions et comparaisons employées par acephalos. P. G., t. lxxxvi, col. 111, 114. En batail­ eux, certains excès, peut-être, de langage provoqués lant contre Sévère, dont il ne parait pas saisir toujours par l’ardeur même de la controverse, ont donné com­ les subtiles di Unctions, le moine Eustathc arrive plètement le change sur leur pensée, ct c’est par suite cependant à constater qu’une seule chose au fond le de ces Incorrections de forme que le terme mono­ sépare du docteur monophysite : celui-ci ne veut ù physisme est devenu, chez les théologiens ct chez les aucun prix donner le nom de φύσις à la nature hu­ historiens, le nom réservé à la doctrine de la nature maine, bien qu’il affirme sa permanence dans l’union : mixte ou double, constituée par le mélange et i’alté« Si la nature humaine, dit Eustathc, garde après I ration réciproques de la divinité ct de l’humanité l union tous les autres noms, si on peut l’appeler hu­ du Christ. > Les sévériens insistaient surtout sur la manité, âme, coq's, chair, mais qu’il faille lui refuser 1 comparaison prise de l’union de l’âme et du corps seulement le titre de φύσις quelle étrange absurdité considérée comme type de l’union des deux natures que celle-là ! N’est-cc point une invention des amis dans le Christ, ct fis oubliaient souvent de montrer que 4601 1602 EUTYCHÈS ET EUTYCHIAMSME la parité était loin d’être parfaite entre ces deux unions. Les catholiques qui les combattaient pou­ vaient croire qu’ils faisaient du Verbe la partie d’un tout naturel au sens propre du mot. · On rencontre souvent sous leur plume les mots mêmes de mixtion et de mélange, de meme que les verbes correspondants à ccs termes, pour caractériser l’union du Verbe ct de la chair. Nous pourrions citer do nombreux pas­ sages dans lesquels il est dit que les éléments ont été niélés rl mélangés, que la divinité a été mélée à l'huma­ nité, (pic le Verbe s'est mêlé à la chair. > Lebon, op. cil., p. 218. Par ailleurs, le premier chef de la résistance au concile de Chalcédoinc, Dioscorc, s’était grave­ ment compromis en absolvant Eutychès au brigandage d’Éph sc où l’on avait crié anathème aux partisans des deux natures. Mansi, t. vi, col. 862. Les véritables cutychicns aimaient à sc couvrir du patronage des monophysites nominaux. Cf. Lebon, p. 21. On com­ prend dès lors assez facilement que les défenseurs de l’orthodoxie chalcédonicnnc aient souvent considéré comme disciples d’Eutychés tous les monophysites sans distinction. Nous ne ferons pas ici l’exposé scientifique ct dé­ taillé de la théologie sévéricnnc, cette question devant être traitée à l’art. Monophysisme. Nous laisserons également pour le même article ce qu’on peut appeler le monophysisme trinitaire, c’est-à-dirc la doctrine des sectes sévériennes qui se sont disputées sur la trinité. Disons seulement qu’à notre avis, ces dis­ putes, la plupart du moins, ne furent que des logo­ machies. Nous ne croyons pas au trithéisme réel de Jean Philoponc, pas plus qu’au sabellianisme ou au lélradismc de certains autres. L’introduction par Jean Philoponc de la terminologie aristotélicienne dans le monophysisme mit le désarroi parmi scs par­ tisans ct donna naissance à une confusion indescrip­ tible dans le langage théologique, confusion qu’il est très difficile de démêler par suite du manque de documcnts.Voir les articles déjà parus dans cc dictionnaire sur certaines sectes monophysites : Agnoètes, t. i, col. 586-596; Condobaudites, t. Ill, col. 811; Conon, Cononites, col. 1153-1155; Damianites, t. xv, col. 39- H). Nous allons parler uniquement des diverses formes de l’cutychianismc proprement dit. IV. Les diverses sectes evtychiennes. — Une seule personne, une seule nature ou essence dans le Christ après l'union de la divinité et de l’humanité : telle est, avons-nous dit, la formule de l’cutychlanlsme proprement dit. A priori, quatre formes d’eutyehlanismc sont possibles : 1° L’humanité disparait comme telle. Elle est divinisée, transformée en la divi­ nité, absorbée par elle. 2° La divinité disparaît dans l’humanité. Le Verbe perd scs attributs divins. 11 cesse réellement d’être Dieu pour devenir homme. 3° Les deux natures sc mélangent ou se combinent en une troisième, qui ne ressemble complètement à aucune des deux, comme l’eau sc mélange au vin, ou comme l’oxygène ct l’hydrogène sc combinent ct deviennent de l’eau. 1° Les deux natures sont les par­ ties d’un tout naturel. Bien que dans l’union riles demeurent sans mélange ni confusion ni transfor­ mation substantielle, elles sc perfectionnent cepen­ dant mutuellement ct forment une nature ou essence complète. A lu deuxième de ccs hypothèses sc rattachent deux autres formes du monophysisme réel : 1° on peut supposer que le Verbe se fait chair, en tirant la chair de sa propre substance, en sc transformant, en se condensant en chair, ct cela d’une manière réelle; 2° on peut supposer (pic ce changement du Verbe en chair n’est qu’apparent, ct Γοη n le docétisme. Dans les deux cas, la formule cutychiennc : Une seule nature après l'union, trouve encore son application en quelque DIET. DE TIIEOL. CATHOL. façon, bien qu’à proprement parler, il n’y ait pas eu d’union. Sera cutychiennc aussi, bien que non direc­ tement monophysite, la théorie qui admettra dans le Christ une humanité réelle, mais d’origine céleste, en vertu de la seconde formule d’Eutychés : Le Christ ne nous est pas consubstantiel. Cela fait donc en tout *rpt formes différentes de I’cutydiianismc. L’histoire nous montre que chacune de ccs théories a eu scs partisans, que toutes ont été attribuées à Eutychès, ou du moins à scs disciples, que toutes, ou peu s’en faut, ont fait leur apparition antérieurement à l’archimandrite constantinopolitain qui leur a prêté son nom. 1° Théorie de l'absorption de l'humanité par la divi­ nité. — Nous avons vu plus haut que Théodoret, dès l’an 447, au moment où il composait son Eranistès, connaissait déjà cette forme du monophysisme : « Après l’union, seule la divinité est demeurée; l’huma­ nité a été absorbée par die, à peu près comme une goutte de miel mêlée à l’eau de la mer s’y dissout » Nestorius dans le Liore d'Héraclide la signale aussi : c Dieu le Verbe n’est pas venu pour changer sa propre essence immuable ct pour en faire l’essence de la chair, mais pour élever notre propre essence misérable ct diangéante jusqu’à sa propre essence, qui est im­ muable, ct pour la rendre divine et adorable, non pas à part, mais dans l’union. 11 l’a gratifiée de l’union avec sa propre essence, afin qu’il y ait une seule es­ sence ct un seul prosôpon d’une seule essence. La petite a été mélangée et égalée à celle de la divinité, grande ct immuable. De même que les choses que l’on jette dans le feu deviennent semblables à l’essence du feu ct deviennent la nature du feu, qui les a faites ce qu’elles sont devcnues.de même aussi la nature divine a reçu la nature humaine, l'a enfermée dans sa propre nature, l’a diangèc ct l’a faite désormais une, sans division, en essence comme en prosôpon, ct ni dans la nature, n dans le prosôpon, il n’y eut vraiment d’ad­ dition à la trinité. C’est ainsi, disent-ils, que son incarnation a eu heu ct qu’elle est conçue. »Trad.Nau, p. 21. Nestorius ajoute que ceux qui soutiennent cette doctrine sont généralement en dispute avec tout le monde : avec les manichéens, en ce qu’ils admettent deux essences réelles avant l’union; avec ceux qui enseignent la concrétisation du Verbe en chair en ce (pic, d’après eux. la chair n’est pas formée de la nature de Dieu, mais de la nature de nos pères; avec l’Églisc, en cc qu’ils changent la chair en l’essence de Dieu; en un mot, ils enseignent non l’incarnation de Dieu mais la déification de l’homme. » Ibid., p. 22. De cette doctrine découle logiquement le théopaschitisme, c’est-à-dire l’attribution des souffrances ct de la mort à la nature divine. Tous les monophysites ont été traités généralement de théopasdütes, mais l’accu­ sation porte évidemment à faux pour les monophy­ sites sévériens. L’addition nu Trisagion des mots : Qui crucifixus es pro nobis, faite par Pierre le Foulon ct ac­ ceptée par les sévér ens, était rapportée par ceux-ci à la seule personne du Verbe en vertu de la communi­ cation des idiomes, ct non à la Trinité tout entière. Une autre formule que les mêmes monophysites mirent en circulation : Un de la Trinité a souffert, a été crucifié, était parfaitement légitime en elle-même, mais équivoque. Aussi des moines scythes habitant Constantinople, au debut du vi· siècle, la corrigèrentils de cette manière: Un de la Trinité a souffert dans la chair, tîç της άγίχς Τριάβος :ηαθ< σχρχί. Malgré sa par­ faite orthodoxie, la formule de ccs moines rencontra de l’opposition parmi les catholiques; on lui trouvait un relent d’eutydiianisme, ou tout au moins, on la déclarait dangereuse ct inopportune. Elle finit cepen­ dant par être acceptée. Justinien l'inséra dans sa so­ lennelle profession de foi du 15 mars 533, ct le pape V. - 51 ί(ϊ03 EUTYCIIÈS ET EUTYCI1IAN1SME 1604 Jean U l'approuva, le 25 mars de l’année suivante. anathème. > llnhn, iïibl olhck der Symbole und GtauSur les détails de cette affaire, voir TiiéoPASCiiiTE bensregdn der allen Eirche, 3· édit., Breslau, 1897, (Controiersc). Cf. J. Lebon, op. cit., p. 481 sq.; p. 197-198. Saint Ambroise attribue aux apollinarislcs J. Pargoîrv, L'Église byzantine de 5‘21 ù 847, Paris, la doctrine condamnée par le synode de Sirmium. De 1905, p. 26. incarnationis dominica' sacramento, GO, P. L., t. xvï, Quels ont été les partisans de cette forme de i’eutycol. 833. chîanismc? 11 est difficile de donner des noms. Cer­ 3° Théorie de ta métamorphose réelle du Verbe en tains auteurs, nous l’avons vu, ont soupçonné Eutychair.— Cette doctrine diffère de la précédente en ce chés lui-même de l’avoir professée. On a de bonnes qu'elle enseigne que le Verbe u tiré de lui-même la raisons de douter que Pierre le Foulon ail été un véri­ chair en laquelle il s'est transformé, ct ne l'a pas prise table théopaschitc. Sa formule fut reçue non seule­ d’ailleurs. Saint Cyrille la signale en plusieurs en­ ment par les monophysites, mais par beaucoup de droits de ses écrits, notamment dans sa Lettre ù catholiques orientaux. On la rapportait, comme nous Aeaee de Mélitène, où il parle d'anciens hérétiques qui l’avons déjà dit, à la seconde personne de la Trinité, ont enseigné que le Verbe de Dieu s'était formé un corps à l'aide de la divinité. Mansi, op. cit., t. v, au Verbe incarné, tandis qu’à Constantinople cl en Occident, le Tri sa gion était une formule trinltairc. col. 319-320. Cf. De recta fide ad Theodosium impera­ (X Valerius, Observationes ad hist, cedes. Evagrii, torem, G, P. G., t. lx.xvi, col. 11 10, où il est dit : P. G., t. lxxxvi, col. 2894-2896; Assémani. Diblio· « Ils enseignent que le Verbe né de Dieu le Père s'est theca orientalis, t. n, col. 180. Il est évident que le transformé lui-même dans la nature des os, des nerfs monophysisme grossier dont nous nous occupons ne ct de la chair et tournent en ridicule sa naissance d'une dut pas recruter l'élite intellectuelle des nntldmlvierge : παρατετρά^Οαι φασί τον έκ Θεού 1 Ιατρός φόντα cédonlcns. Il dut compter des adeptes surtout parmi Λόγον είς όστεων τε ζαΐ νεύρων καί σαρζος φύσιν. > Mais la foule des moines ignorants incapables d'expliquer c’est surtout Nestorius qui nous donne dans le Livre le théotocos dans un sens orthodoxe. 11 en existait | d'Heraclide une description détaillée de cette hérésie certainement de ceux-là déjà du vivant de saint suivie d’une bonne réfutation : « 11 appartient, disent Cyrille, ct l’on sait que ce Père dut renoncer à pour- , ccs hérétiques, à la nature toute-puissante ct infinie suivre sa campagne contre Théodore de Mopsueste, de pouvoir tout faire; toutes les autres choses sont pa ce que l’antineblorianisnie île certains moines limitées par sa volonté ct elle n’est limitée par rien. d'Arménie se colorait d’un monophysisme assez pro­ Dieu est devenu chair en vérité, bien qu’il fût tou­ noncé. Ilefelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, jours Dieu par sa nature, de même que de l’eau vive, t. n, p. 421. ! lorsqu’elle est congelée, reste de l’eau et est appelée de 2® Théorie de l'évanouissement du Verbe dans l'hu­ l’eau congelée. Il agissait en tout comme Dieu; ri fai­ manité. — Jean, évêque de Torni vers 448, décrivait sait aussi en vérité les opérations de la chair, ri souf­ ainsi l'hérésie d’Eutychès : Apollinaris obstinatissimi frait comme la chair. Il euL faim, il eut soif, il fut fa­ tueretici tertium dogma consedans, ita interpretatur tigué, il souffrit ct ri fut crucifié en vérité, parce qu’il illud evangelistic quod ait ; Verbum eam /udum est et était chair en vérité. C'est ainsi que l'eau, qui ne peut habitavit in nobis, quasi Verbi essentia sil in carnem être brisée (dans son état ordinaire), l’est cependant conversa. Dum enim timet ne, si duas in Christo confi­ en vérité, lorsqu'elle est congelée ct elle revêt réel­ tetur naturas, quartam introducat in Trinitate perso­ lement les propriétés de la nature qu'elle est devenue. nam, impia confusione ipsum Dei Filium u dedatis sute Ainsi, dès que Dieu est devenu chair en réalité, 11 a natura pronuntiat demutatum, ita ut inconvertibilem supporté réellement les affections de la nature qu’il a dicat d passionibus subdat, tmmortatemque morti sub­ prise, sans abandonner en rien sa propre nature. » jiciat, ct cum qui non cecidit... resurrexisse contendat, Trad. Nau, p. 8, 9; cf. p. 11. passage cité par Marius Mercator, qui ne se trouvait Ce n'est pas seulement une fois que Dieu s'est méta­ pas dans l’édition «les œuvres de cet auteur publiée morphosé. Il a aussi apparu en vérité dans une na­ par Baluze en 1G8I el que doin Morin a retrouvé ct ture visible aux patriarches et aux saints de l'Anclen publié dans The journal of theological studies, 1905, Testament : « Il marchait dans celui qui marchait, p. 74 sq. Ici encore, il est difficile d’apporter les noms parlait dans celui qui parlait, mangeait ct buvait de ceux qui ont patronné cette étrange théorie dans dans celui qui mangeait cl qui buvait; car Dieu ne fait l’antiquité. Au xtx· siècle, le protestantisme alle­ rien pour tromper, mais il fait tout en vérité. 11 est, mand l’a ressuscitée sous le nom de kénosc. Pre­ en effet, le créateur, ct le créateur ne fait rien par nant à la lettre l'expression du texte christologique i apparence et illusion. > Ibid., p. 9. de l’Épitre aux Philippicus : exinanivit semetipsum Ces anciennes théophanies ne constituent pas cepen­ (en grec : έ/.£/ωσΐ/έαυτόν, littéralement: sc vida hiL dant autant d'incarnations. Les hérétiques réservent meme), certains théologiens allemands ont enseigne ce nom d'incarnation ù l'apparition de Dieu Λ tous cette absurdité que le Verbe, en se faisant homme, se les hommes, et non à tel ou tel personnage en parti­ serait dépouillé momentanément de sa divinité. Il y , culier, comme ù Abraham ct ù Jacob. Ibid., p. 17. a presque au Luit de forints de la kénosc que de lheo- i Ils justifient leur système, en disant (pie, si Dieu s’était logions qui l’ont soutenue. Elles seront signalées ù | uni à une nature humaine prise hors de n divinité, il l’art. KtxosE. y aurait eu addition à la Trinité d’une essence étran­ Ce qui est certain, c'est que la doctrine de la trans­ gère : ■ Si l'incarnation n’a pas eu lieu de celte ma­ formation du Verbe en l'humanité est antérieure à nière, mais si elle s’est produite dans une nature hu­ Lutychês. Saint Hilaire de Poitiers connaît des héré­ maine différente (de Dieu) et non par le moyen tic la tiques qui enseignent que le Verbe u cessé d’etre seule essence divine, comment la Trinité ne reçoitbleu par le fait qu’ri a joué le rôle de l'âme dans le I elle pas une addition dans sa nature, puisqu’elle a pris corps : defecisse omnino Deum Verbum in animant I l'essence d’un autre? » Ibid., p. 19; cf. p. 11. corporis volant, ut non idem filerU Jesus Christus ho­ Comment expliquer que Dieu, en devenant chair, minis filius, qui d Del Filius. De Trinitate, I. X, 50, n’a pas perdu sa nature? Voici la réponse : « 11 n'y a P.L., t. x, coi. 383. Le Itr synode de Sirmium en 351 pas deux essences, mais la même essence divine qui portait l'anathème suivant : * SI quelqu'un comprend est devenue aussi l'essence de la chair; c'est pourquoi les paroles : Le Verbe s'est fait chair, en ce sens que le il n’y a qu’une essence. De même les eaux, soit couVerbe aurait clé transformé en chair, ou bleu qu'en I Tantes, soit congelées, ne sont pas deux essences prenant la chair il a subi un changement, qu'il soit d’eau mais une seule, qui subsiste Λ l’état liquide ct ù 1605 EUTYGUÉS ET EUTYCHIAN1SME l'étal solide, bien qu’on regarde l'état solide comme opposé à l’état liquide. Il en est de même pour Dieu : le même est corps et sans corps, mais en ce qu’il est corps. Il diffère de ce qu’il est sans corps. · Ibid., p. 12-13. Cette théorie vraiment curieuse de la condensa­ tion du Verbe a été attribuée à Eutychès par le pseudo-Zacharic le Khétcur : « Eutychès, dit-il, en­ seignait que le Verbe s’est fait chair comme l'air so soli­ difie par te vent et devient pluie ou neige, ou comme l’eau devient glace par l’action de l’air glacial. · K. Ahrens ct G. Kroger, Die. sogennannte Kirchengeschlchtc des Zacharias Hhetor, Leipzig, 1899, p.269 sq. Michel le Syrien répète la même chose. J.-B. Chabot, Chronique de Michel le Syrien, Paris, 1901, t. n, p. 23. Si Eutychès n’a pas donné dans cette extravagance, certains eutychianlstes l’ont réellement soutenue. Nous le savons par Pliiloxène de Mabboug, qui dit avoir souvent entendu ccs hérétiques avancer que le Verbe n’a rien pris de la Vierge, mais qu’il a été fa­ çonné en elle comme il l’a voulu et qu’il est devenu chair : Verbum nihil de Virgine sumpsit, sed ipsum sicut voluit, in ea formatum est et factum est euro. Lebon, op. cil., p. 494. Comme ceux dont parle Nestorius, ils nient la maternité réelle de Marie pour éviter un accroissement de l’hypostasc du Fils ct par suite une augmentation dans la Trinité. Sévère d’Antioche connaît également des cutychianistes qui pensent que le Verbe s’est matérialisé, comme l’eau se solidifie en glace. Lebon, p. 496. 1° Théorie de la métamorphose apparente du Verbe en chair. — Une autre forme de la métamorphose du Verbe est possible. On peut supposer que cclui-d ne s’est pas réellement incarné ou modi Hé, mais qu’il a usé de sa toute-puissance pour prendre les appa­ rences de la chair. On aura alors le pur docétisme. Cette erreur a été souvent reprochée aux cutychiens ct à Eutychès lui-même. De là le nom de phuntasiastes qu’on leur a donné; de là aussi l’accusa­ tion de manichéisme lancée fréquemment contre eux par les polémistes orthodoxes. Timothée Élure, au témoignage de Zacharie le Khétcur, op. cit., p. 61, eut à discuter à Constantinople, à son retour d’exil, avec des cutychlens de cette espèce, pour qui l’incarnation n’avait été qu’une modification apparente du Verbe, tout comme l’empreinte du sceau dans la cire ct l’ar­ gile n’est pas une réalité distincte du corps qui en est marqué. Cf. Lebon, op. cit., p. 196. 5° Theorie du mélange. — Nous arrivons au type classique du monophysisme réel : l'humanité ct la divinité sc sont mélangées, combinées, pour former une sorte de composé théandrique, qui n’est ni pro­ prement Dieu, ni proprement homme, mais tient de la part des Félix Ier sur le siège de Rome· Le Liber pontificalis dit maronites et des jacobitcs, pour ne pas mentionner qu'il régna huit ans onze mois ct trois jours. Si Sclden et Ecchcllcnsis. Après Nestorius, 1\ G,, t. exi, c’était vrai, comme il mourut le 7 décembre 283, il col. 1031-1052, les jacobites, surtout sont pris à aurait été élu le 5 janvier 273, mais ccs chiffres ne partie, col. 1052-1055, 1063 sq.; aussi dès la fin du concordent pas assez avec ceux d’Eusèbe, qui lui x· siècle, Sévère ibn al-MoqalLi’, évêque jacobite assigne, dans son Histoire ecclésiastique, dix mois à d’Achmounaîn, en Égypte, prenait la plume pour peine et dans sa Chronique, huit mois. Le catalogue le réfuter. Cf. Patrologia orientalis, l. in, p. 125-212. de Corbie lui donne un an ct un mois. On ne sait, Sévère s'est borné en somme à esquisser, au point d’ailleurs, rien de lui. Il passa dans ces quarante ans de vue jacobite, l’économie de l’incarnation prédite de paix qui précédèrent la persécution de Dioclétien dès l’origine du monde ct l’histoire des premiers et s’il y eut des documents sur lui, ils périrent dans conciles. Le point de vue d’Eutychius n’en est pas cette persécution. Son épitaphe n été trouvée au cime­ moins intéressant à connaître et à étudier. tière de Calixte; elle est en lettres grecques. Sa fête sc Le succès des Annales peut être mesuré au nombre célèbre le 8 décembre. des manuscrits qui nous en restent, Paris seul en pos­ sède neuf, dont deux seulement ont été partiellement Duchesne, Liber pontificalis, t.i. p. 150; Jaffé, Rcg. pont, utilisés. Pococke a donné son édition d’après deux mm., 1»· édit., p. 11; 2· édit, P· 24. manuscrits d’Oxford copiés, au xvn· siècle, par le Λ. Clehval. même scribe, Michaël Thalgius, d’Alep, « plus remar­ EUTYCHIUS (Sa'ad Ibn Bntriq).patriarche melkitc quable par la calligraphie que par l’érudition, » sur d’Alcxand le, né au Caire le 8 septembre 877, patriar­ un manuscrit oriental. Le P. Chcikho a réédité Po­ che du 7 février 933 au 11 mal 910. Le fils de Batriq, cocke, sans traduction, en utilisant un manuscrit de dont le nom Eutychius ou Eutychès (heureux) a été Beyrout de la seconde moitié du xvn· siècle qui a traduit en arabe par Sa’id, s'est adonné tout d’abord chance de provenir aussi de la meme source· Il y a à la médecine. Il a composé un ouvrage de médecine ct cependant deux manuscrits du xin· siècle, l'un à un autre de controverse entre un hérétique et un chré­ Londres, ct l'autre à Cambridge, dont paraissent se tien, mais cc sont scs Annales, intitulées par lui : rapprocher les deux manuscrits carchounis arabes • Le rang de perles », qui ont assuré la célébrité à Eulychcm cl Ncttorium, édit Thirl ; Ephtohr romanorum pontificum genuina; Vigile de Thapse, Contra Eulychctrm libri quinque, P. L·., t. i.xn; Facundus d’lfrnninnc. Pro de­ lenstune trium capitulorum, P. h., t lxvii ; Rusticus, diacre, Disputatio contra accphalos, P· L., tbld. ; Jean Maxence, Libellus contra accphalos, P G., t lxxxvi; Justinien, Constitutio sacra advenus scvcrianos ; Contra accphalos ibid ; Eustathe, Epistola ad Timotheum scholasticum de duabus naturis adversus Severum, ibid ; Léonce de Byzance, Contra nedorianos ct eulychianos, Cupita triginta contra Severum ; Solutio argumentorum, Severi, ibid ; Anonyme. Dr scctis, ibid,; Timothée de Constantinople, De receptione hirretlcorum, ibid. ; Anastase le Simule, Hodcgus contra accphalos, /*. G., t. lxxxix; S. Jean Damascene, De lucresibus liber ; Tractatus contra Jacobitas; De natura composita contra accphalos, P, G., t. xctv-xcv; Nicéphore Call is te, 11, IL, I. XVIII, P. G., t. CXLVII. il. Travaux. — THIcmont, Mémoires pour servir d Γ histoire ecclésiastique, Paris, 1711, t. xv; Baroni us, Annalcs, an. 448 sq.; Pctau, De incarnatione, J. I, c. xnt-xvm; 1 IV,c. vi, 12; x, 1,2; Le Qulen, Dissertatio damasctnlca, II, de quibusdam auctoritatibus quibus Euty hes aliique unius tn Christo naturae assertores lurresim suam tuebantur, P. G., t. xciv, col. 261 sq.; Quesncl et les Ballcrinl, De causa Eutychis dissertationes, dans P. I,., t. lv; J. Meisterus, Oratio de Eutychcle ci ejus erroris sectatoribus, Gorlich, 1583; G.-P. Gabler, Eulychetis de unione naturarum in Christo sententia illustrata, lena, 1791; Walch, Ketzergeschichte, t vi ; J.-C. Gicselcr, Commentatio qua monophysitarum veterum errores ex corum scriptis recens editis prarscrlim illustrantur, 2 parties, Gœltinguc, 1833, 1838; J.-Λ. Dorncr, Entudcklungsgeschichte der Lehrc von der Person Christi, 2· édit., 2 vol., Stuttgart ct Berlin, 1815, 1853; I Icicle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. 11. p. 512 sq.; G Krû­ ger, Monophi/sitischc Slrcitigkeitcn im Zusammenhange mil der Reichspolitik, léna, 1884; Id., art. Monophysiten, dans Rcalcncyclopudic fur protest. Théologie, 1905, t xm: Loots, art. Eutychès und der cutychianischc Streit, ibid., 1898, t v; Christologie, Kirchenlehre, ibid., 1898, t. iv; Ware. Dictio­ nary of Christian biography, art. Eutychès, l n, p. 101 sq.; Harnack, Dogmengeschichtc : Die cutychianischc Streit, P édit., Tubinguc, 1909, t. n, p. 368sq. ; F. Nau. Dans quelle mesure les Jacobites sont-ils monophysites? dans la Revue de ΓOrient chrétien, 1905, t. x; G. Voisin, L'apollinarisme, Louvain, 1901 ; J. Lebon, lx monophysisme sévérien, Lou­ vain, 1909, ouvrage capital sur la distinction entre le monophysisme ct l’cutychinnismc; A. Thierry, Nestorius ct Eutychès, Paris, 1878; J Pargoirc, L'Église byzantine de 627 à 64 7, Paris, 1905; Duchesne, Histoire ancienne de Γ Église, Paris, 1910, t. ni; Tixcront, Histoire des dogmes dans Vanllquitê chrétienne, Paris, 1912, t. ni, p. 80 sq. M. J U GIE. EUTYCHIEN (Saint), pape (275-283), succéda à mis 1611 EUTYCHIUS — ÉVAGRE LE SCHOLASTIQUE 1G12 en notifiant les décrets conciliaires aux prêtree et aux (arabe écrit en caractères syriaques) de Paris, syr. fidèles de son ressort; le VP concile, de l’an 680, et J30C1 fJ/,qui sont tout désignés pour servir de base IcVIB.de l’an 787,s’appuieront sur l’acted’Eutychius, à une nouvelle édition. Il resterait aussi à classer les manuscrits arabes dc Paris, η. 283-293 cl 30t. En , qu’ils confondront avec une sentence du Concilcmêmc* pour renouveler à leur tour celle condamnation. attendant, on devra encore utiliser la traduction dc Les ouvrages d’Évagrc ont été traduits en latin, Pocockc, rééditée par Migne. les uns par Buïln, P. L., t. .\xn, col. 1151, les autres J. Selden, Eutgehit, jBgyptil patriarcluc orthodoxorum par Gennade, P. L., t. lxiii, col. 1067; peut-être alexandrin!.,,, Ecclesia: sua origines, in—I·. Londres, 1612; y en a-t-il eu dès le même temps une version syriaque. Abraham Eeehellensls, Eutychius, patriarcha nlcxandrinus Le P. Basile Sarghiscau a publié dc nos jours, Venise, vindicatas, et suis restitutus orientalibus sive responsio ad 1907, avec une ancienne vie d’Évagrc en arménien, Joann is Seldeni origines in duas tribula partes quorum prima une version dc ses œuvres, en arménien pareillement, est de alexandrins Ecclesia originibus, altera de origine qui date aussi du ve siècle. Des heiligen Vaters Εναnominis papa, quibus accedit censura in historiam orienta­ grius Pontibus Le be n und Wirken, in-8°, Venise, 1907. lem Johannis Hcnrict Holfengeri, in-1·, Bonu*, 1661 ; fui. Pococke,Context io gemmarum sloe Eulgchil .4 lexandrini annales, De l’héritage littéraire du fécond et habile moraliste, 2 in-4% Oxford, 1659,1.1; 1658, 1.1 r; L. Chcikho, Eulgchil, nous n’avons plus que de faibles fragments, la plupart patriarchs Alexandrini, annales, ln-8·, Paris, 1906, 1909; en très mauvais état. On les retrouve dans P. G., B. Chrbli, Sévère ibn al-MoqafJa', Hè/utalion de Sa'td ibn t. XL. I/éditlon s’ouvre par deux écrits, que J.-B. Batrlq (Eutychius), texte nrabc.nvec tmd. franç., dans /MColclicr a exhumés le premier en 1686, l’un, Mona­ trologla orientalis,grand in-8·, Paris, 1905, t. mzCBrockelchus sen vita activa (liber), co\. 1219-1252, qui contient mann. Die sgrische und die chrlsllkh-arabische Littera!ur. les règles dc la perfection chrétienne, l’autre, Herum 2· édit., Leipzig, 1909, p. 71. monachalium rationes earumgue juxta quietem adpoF. Nau. 1. ÉVAGRE, écrivain ecclésiastique mort dans les ' sitio, col. 1251-1264, où sont retracés à grands traits, en 11 chapitres, les devoirs dc la vie monastique. Un premièrcsannècsdu v' siècle. Disciple de saint Martin, opuscule, qui faisait peut-être pendant au Monachus, le il se retira près dc Sulpice Sévère après la mort du Gnosticus sive de iis qui cognitionis munere donati célèbre évêque de Tours. On lui attribue un ouvrage sunt, a péri. Suivent, col. 1263-1280, diverses séries dc intitulé : Altercatio Simonis judæi et Theophili Chri­ sentences, d’aphorismes, de règles de conduite, dont stiani, publié par dom Martène, Thesaurus novus plusieurs en latin seulement; ce qui a survécu en anecdotorum, in-fol., Paris 1717, t. v, p. 1, et P. £., grec porte aussi, quoique sans droit, le nom dc saint L xx, col. 1155. D’après les recherches de M. Harnack, Nil. L’opuscule De octo vitiosis cogitationibus, col. Texte und Untersuchungcn, Leipzig, 1883, t. i, fasc. 3, 1271-1278, n’est peut-être que le débris d’un recueil p. 1-136, cet ouvrage ne serait autre que la traduc­ dc textes scripturaires, propres Λ repousser les prin­ tion du dialogue entre le judéo-chrétien .Jason et le cipales tentations, au nombre dc huit. Nouv. édition juif alexandrin Papiscus, publié en grec de 135 à par A. Elter, Gnomica, I, Sexti Pythagorici, Clitarchi, 165 par Ariston de Pella. Voir t. r, col. 1867-1869. Du meme Évagrc seraient encore Consultationum Evagrii Pontici sententiœ, Leipzig, 1892. Un écrit Zachtri christiani et Apollonii philosophi libri 1res, plus étendu, Sur les huit pensées mauvaises, existe édité par dom d’Achery, Spicilegium, in-1 % Paris, mutilé dans une version syriaque, cl Fr. Bælhgen l’a traduit en allemand dans un appendice du livre dc 1671, t. x, p. 1 sq., et P. L., t. xx, col. 1061 sq. Zocklcr, Evagrius Pontikus, Munich, 1893. Évagrc est Histoire littéraire de la France, in-4% Paris, 1735, t. n, le premier nom connu auquel sc rattache la théorie des p. 119; dom Ceillier, Histoire générale des auteurs ecclésias­ huit vices, avant-courrièrc dc celle des sept péchés tiques, 1747, t. xin, p. 507; Fabricius, Bibliotheca latina media: ertatis, ίη-8% 1858, I. II, p. 523. capitaux. L’authenticité de la scolic Eiç το πιπι, où il est traité des dix noms divins, chez les Juifs, B. HeUIITEBIZE. 2. ÉVAGRE, surnommé le Pontique, du nom dc col. 1278-1286, parait être fort contestable. Nouv. édit, par P. de Lagarde, Onomastica sacra, Gœt lingue, la province où il était né, vers l’an 315, dans la 1870, t. i, p.205-206. Il semble bien que la disposition bourgade d’Ibora, compte parmi les grands maîtres de l’ascétisme chrétien au iv· siècle. Ordonné lec­ stichométrlquc des Actes des apôtres, attribuée communément à un certain Euthalius, diacre d’Alexan­ teur par saint Basile dc Césaréc, il reçut le diaconat des mains de saint Grégoire dc Nyssc vers 380, et drie, soit l’œuvre dc l’Évagrc qui nous occupe. A. Ehrhard, dans Ccntralblatl fiir Ribliolhckstvescn, accompagna son évêque, l’année suivante, à Con­ 1891, p. 385-Π1. Cf. E. Nestle, Einführung in das stantinople lors du IIe concile œcuménique; puis il Griechischc Neue Testament, 3r édit., Gœttingue,1909, y demeura quelque temps en qualité d’archidiacre du p. 210, 212. On trouve, en outre, çà et là, dans les patriarche Nectaire. Les dangers qui. à Constanti­ vies des Pères, dans les Chaînes, nombre dc fragments nople, menaçaient sa vertu, le décidèrent à fuir ccttc d’ouvrages, aujourd’hui perdus, d’Évagrc. ville, et, après un court séjour à Jérusalem, il sc rendit en Égypte, pour s’y faire moine, vers 383, dans le ! Tillcmont, Mémoires, t. x, p. 368-386; Ecsslcr-Jungmann, désert de Nitrie, cc foyer si fameux de la vie monas­ JrulUiitfones patrologln*, Inspruck. 1890, t. I, p. 628-631; tique au iv· siècle, sous la conduite dc saint Macaire Bardcnhewcr, /xj Pères de ΓÉglise, nouv. édit, frnnç,, le jeune; il passera de là dans le désert des cellules, où Purls, 1905, t. n. p. 128-129; O. Zocklcr, Euagrius Pontikus, il terminera ses jours. Évagrc aurait refusé, paralt-ll, I Munich, 1893; Drâscke, Zu Evagrios PonHkos, dans Zettobstinément un siège épiscopal que lui offrait Théo- j schrijl /Hr wtsscnschafl. Thcol., 1891. p. 125-137. phile d’Alexandrie. 11 mourut dans le désert, en 399, , P. Godet. 3. ÉVAGRE LE SCHOLASTIQUE, historien ec­ à l’âge dc cinquante-quatre ans,renommé au loin pour clésiastique, naquit, vers 536, à Épiphanie dc Syrie sa sainteté personnelle comme pourscs talents d’écri­ (Hamah), devint avocat et vécut surtout à Antioche. vain. Palladius, Hist. Laus., c. lxxxvi, P.G., t. xxxiv, col. 11M-1197. Toutefois,saint Jérôme,P.L.,t.XXJi. | En 588, il accompagna son ami, le patriarche Grégoire coL 1151; l. xxiti, col. 196; t. xxiv, col. 79 t, le taxe | d’Antioche,à Constantinople et le défendit devant le concile où Jean le Jeûneur prit le titre d’œcuménique d’origénisme et le dénonce comme un précurseur de contre diverses accusations. Il avait obtenu dc l’em­ Pélage. Évagrc sera, deux siècles après sa mort.anapereur Tibère la charge dc questeur,puis de l’empereur thémallsé du chef d’origénisme, aussi bien que DIdyme Maurice le titre dc préfet d’honnêur, ex prœlectis. l’Aveuglc, non par le V· concile œcuménique, mais par On croit qu’il vivait, encore à la (in du vr siècle. On le président du concile, Eutychius dc Constantinople, 1613 EVAGKE LE SCHOLASTIQUE — ÉVANGÉLIQUE (ASS0C1 \TION; possède dc lui une Hisloin ecclésiastique en 6 livres, qui Six ans plus tard, sc sentant appelé a la vie aposto va de 431, date du concile d'Éphésc, a 593, date dc lique, il s'occupa surtout dc la conversion des Alle­ la mort du patriarche Grégoire. Les sources qu’il a mands dispersés dans In Pcnsylvanie, le Maryland et utilisées sont innombrables, plusieurs sont citées par la Virginie. Pour assurer leur persévérance, il crut lui et quelques-unes ont même été retrouvées depuis. devoir les grouper en une association spéciale, qui le Son Histoire ecclésiastique est remarquable par l’ortho­ choisit pour chef en 1803. Un peu plus tard, en 1807, doxie et, somme toute, par l'impartialité; on lui une Conférence générale le reconnut pour évêque et lui confia la mission de rédiger des articles de foi. H reproche toutefois, à la suite de Photius, un peu de mourut en 1808, sans avoir pu mettre b dernière prolixité. C’est la meilleure histoire des querelles nestoriennes et monophysiles qui troublèrent si vi­ main à ccttc rédaction. Ce fut un de ses disciples. vement les Églises orientales aux V et vi* siècles. George Miller, qui la termina l'année suivante : retou­ Un deuxieme ouvrage, cité par lui et aujourd’hui perdu, chée i ar J. Drlesbach et il. Niebel, elle (ut défini­ formait surtout un recueil dc relations, lettres,édits, tivement adoptée par lu conférence générale dc 1816. Ainsi fut fond c l'Association évangélique. discours, etc., dont une bonne partie avait été rédigée au nom du patriarche Grégoire. La meilleure édition II. DocrnfNi. — Ccttc doctrin , exposée dans les de ΓHistoire ecclésiastique était celle de Valois qu’avait 21 arti les dc foi dc 1816 et commentée dans le Manuel doctrinal et le G nd catéchisme, se ressent de son reproduite Migne, P. G., t. i.xxxvi, col. 2105-2906; celle de Bidcz et Parmentier, dans les Byzantine texts origine. Elle emprunte à Luther et Λ Calvin ses dogmes de Bury, Londres, 1899, est préférable à tous les principaux, en rejetant toutefois la théorie dc cc der­ points dc vue, car elle est vraiment critique. nier sur la pré carnation pour embrasser les vues d’Arminius, voir L i, col. 1968;ellc adopte les conclu­ Bidcz et Parmentier, op. cit.; Krumbachcr, Geschichtc der sions pratiques des méthodistes sur la conversion, bywntinischcn Liltcratur, Munich, 1897, p. 215-217; Barla justification et la sanctification. C’est donc une denhewer, Palrologtc, 3· édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1910, doctrine conservatrice par opposition aux théories avan­ p. 179. S. Vailhê. cées des libéraux : la civinité de Jésus-Christ y est claircme t enseignée. On en Jugera par cc court ex­ EVANCE, abbé de Troclar, au diocèse d'Albi, posé. La seule règle dc foi est la Bible, les symboles vécut à la fin du vit· siècle. Mabillon lui attribue une des difiérentes Églises n'ayant qu'un but, celui d’as­ lettre Contra cos qui sanguinem immundum animalium surer l’unité d’enseignement conformément aux di­ esse judicant et carnem mundam esse dicunt, opinion vines Écritures 11 y a trois personnes en Dieu, et ccs fort répandue à cette époque dans les environs de trois perso nés ne font qu’un seul Dieu. Créé dans un Saragosse. Cc petit traité, reproduit dans P. L., état de justice et dc sainteté, l’homme perdit ce pri­ t. i.xxxviii, col. 717, fut publié pour la première fols d’après un manuscrit de Saint-Gall par Henri Cani- vilège par la faute d'Adam, et devint absolument incapable dc vouloir et de faire le bien. Mais racheté sius au t. v b, p. 533, dc scs Antique: lectiones, 6 in-l°, par Jés s-Christ, xrai Dieu et vrai homme, il peut Ingolstadt, 1602-1601, et placé sous le nom d'Evance, être justifie et sauvé en répondant à l’appel dc la évêque dc Vienne mort en 586. Le cardinal d’Aguirc, grâce. Celle grâce, Dieu l’ofirc à tous 1rs hommes, et au t. ni, p. 86, de sa Collectio conciliorum Hispania:, il veut sincèrement le salut dc tous. Pour être jus­ 4 in-fol., Rome, 1693, lui donna ensuite pour auteur tifié, le pêcheur doit sc repentir et croire en Jésusun archidiacre dc Tolède nommé Evance, qui vivait ChrisL Le repentir est suivi dc la conversion ou du vers 630. L'opinion soutenue par Mabillon semble changement de vie; la foi en Jésus-Christ est surtout la plus probable. un acte dc confiance c scs mérites infinis, et d’amour Mabillon, Ada sanctorum ord. S.Benedicti, sæc. ht, pnrt.II, par lequel on sc donne librement â Dieu. Dieu alors In-fol., Paris, 1672, p. 510; Annales ordinis S. Benedicti, innous justifie, c’csl-â-dirc pardonne nos pêchés et nous fol., Lacques, 1739, t. i, p. 560; Histoire littéraire de la accepte comme justes; il nous régénère, en nous don­ France, in-4% Paris, 1735, t. m, p. 652; dom Ceillier, His­ nant la force dc mener une vie divine; il nous sancti­ toire générale des auteurs ccclésiatiques, 1750, t.XVii, p.763; fie, en nous i ant à déraciner nos mauvaises ten­ Fabricius, Bibliotheca latina media· (elatis, in-8", 1858, t. π. dances et ù marcher ers la perfection chrétienne. Les p. 525. moyens principaux pour l’atteindre sont la prière B. HeURTEDîZE. et l’observation du décaloguc. L’Église, c’est-à-dire 1. ÉVANGÉLIQUE (Association). C’est le la société des croyants unis par l’obéissance au même nom qu'on donne à une de ces nombreuses sectes ou Christ, facilite notre sanctification en prêchant, par dénominations protestantes qui fleurissent en Amé­ scs ministres, la parole dc Dieu, cl en administrant rique. — L Origine. II. Doctrines. III. Organisation. les sacrements, qui sont des signes visibles de la grâce. IV. Ét il actuel. 11 n’y en a que deux ; le baptême, par lequel nous en­ I. Origine. — L'Association évangélique (Evan­ trons dans l’Églis', et la cène qui nous rappelle la gelical Association) est un rameau détaché du mé­ passion du Sauveur et nous fait participer, par la foi, thodisme (voir ce mol), qui lui-même s’est séparé aux fruits de la rédemption. Ceux qui sc seront ainsi de l’Églisc anglicane. Voir Anglicanisme, t. i, sanctifiés jouiront d’un bonheur éternel; les méchants col. 1281 sq. Son fondateur, Jacob Albright (d'où seront éternellement séparés us l’hégémonie prussienne. L’avènement de Guillaume Ier ne changea rien â la I sc réaliser cn sa personne. Dicllcnhcrgvr, Orientis grœci inscriptiones selecta*, Leipzig, 1903, 1905, situ dion. En opposition avec le parti orthodoxe dont n. 458. Un fragment de papyrus de Berlin, publié Hrnffstenberg était toujours leporlc-parolc.se formait, par G. Parlhcy, Meniorte dclTInstituto di correspond au um même de l’Églisc d’État, une nouvelle généra- 1ϋ21 ÉVANGILE dcnza archeological92> Leipzig, 1865, p. 110, un Égyptien (probablement un haut fonctionnaire) écrit ù un autre (un prêtre sans doute) qu’ayant reçu la bonne nou­ velle de la nomination de Gains Julius Verus Maximus comme césar (vers 237-238 de notre ère), il fallait organiser une procession de déesses. Gf. A.Dcissmann, Licht vont Osten, Tubing ue, 1008, p. 266-269. Le mot ' ιύαγγέλιον avait donc, dans le grec populaire, le sens de bonne nouvelle, ct il était particulièrement employé dans le culte des empereurs. Par suite, il a été d'autant plus facilement adopté par les chré­ tiens hellénistes dans une signification religieuse spéciale, IL Sens chrétiens. — Dans la langue chré­ tienne, le mot βύαγγέλιον a eu deux sens principaux : 1° celui de la prédication orale du salut apporté nu monde par Jésus-Christ; 2° celui de livres qui contiennent le rcc‘t de la vie ct de renseignement du Sauveur Jésus. En d'autres tonnes, il a désigné : 1° l’Évangilc oral; 2° l’Évangilc écrit. 1° L'Évangile oral. — L Origine de cette significa­ tion. — Notre Seigneur, (pii parlait araméen, n'a pas employé le mot grec εύαγγιλιον. Comme les évangé­ listes Marc et Matthieu,dans leurs relations grecques de sa vie publique, incitent plusieurs fois cc mot sur scs lèvres, on s’est demandé s’il correspondait à un mot hébreu ou araméen ayant le même sens, ou s’il n’était que la traduction de la pensée de Jésus par un terme usité postérieurement parmi les chrétiens de langue grecque, pour exprimer la prédication du salut apporté au inonde par le Messie. Beaucoup de commentateurs ont pensé que Jésus avait employé lui-même le substantif hébreu beiorâh, dérivé du verbe biiïar, dont le prophète Isaïe s’est servi plu­ sieurs fois pour signifier l’annonce de la bonne nou­ velle du salut messianique, XL·, 9; lu, 7; lxi» 1; cf. Luc., iv, 18. LcsScplanle ont ordinairement traduit cc verbe par εύαγγ:λΐζισθχι. Or, à la synagogue de Nazareth, Jésus déclara que ce dernier oracle d’Isaïe était réalisé alors en sa personne, Luc., tv, 21; ct plus tard il y fit une allusion très claire, Matth., xi, 5; Luc., vu, 22, dans sa réponse aux envoyés de saint Jean Baptiste. Si donc on admet l’authenticité de ces paroles (ct les raisons d’en douter apportées par M. Loisy ne sont pas péremptoires). Notre Seigneur lui-même a caractérisé sa mission comme étant l’an­ nonce de la bonne nouvelle du salut messianique prédit par Isaïe. Cela étant, il aurait donc pu employer un mot hébreu ou araméen, correspondant exacte­ ment ù εύαγγΟίϋν. Toutefois, la preuve directe de l'emploi de cette expression araméenne n’est pas faite. En cfïcl. des cinq passages, i, 15; vin, 35; x, 29; xm, 10; xiv, 9, dans lesquels saint Marc met ce mot dans la bouche du Sauveur, aucun ne sc retrouve en suint Luc, qui ne l’emploie jamais dans son Évan­ gile, quoiqu'il reproduise plusieurs passages paral­ lèles à ceux de saint Marc. De même, saint Matthieu omet deux fois cc mot dans les récits analogues. Cf. Matth., x, 39, et Marc., vm,35; Matth., xix, 29. et Marc., x, 29. S’il le reproduit deux autres fols.xxix ,11 ; xxvi, 13, on peut penser qu’il l’emprunte ά saint Marc, dont il dépendrait. Marc., xin» 10; xiv, 9. L’attention du critique doit donc sc porter principale­ ment, sinon exclusivement, sur les témoignages de saint Marc. Or, comme de tous les évangélistes, il emploie le mot <ύαγγ!λ(ον le plus souvent (sept fois sans compter la finale» xvi, 15; saint Matthieu, quatre fois, saint Luc ct saint Jean, jamais), comme il est seul ù l’employer absolument et sans épithète, vm, 35; x, 29; xm, 10; xiv, 9, ù l’exemple de saint Paul, Ηοιη.,χ, 16, tandis que saint Matthieu parle de l’Évangilc du royaume, iv, 23; ix, 35; xxiv, 11» il est légitime de penser que le mot correspon­ 1022 dant à «ύχγγίλιον n’a pas été prononcé par Jésus cl qu'il a été emprunté à saint Paul par saint Marc, un compagnon de cet apôtre, pour exprimer, d’nll leurs, la pensée du Sauveur sur la prédication du royaume de Dieu, dont rétablissement sur terre apportait aux hommes le salut messianique prédit par les prophètes et présenté par Isaïe sous l'image d'une bonne nouvelle. Cf. G. Dalmnn, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 84-85; J. Weiss, Das ùUcste Evan­ gelium, Gœttinguc, 1903, p. 29 31; R. A. Hoffmann, Dos Marrusrvangelium und seine Qudlen, Kœnigshcrg, 1901, p. 19-20; M.-J. Lagrange, Évangile selon snint Marc, Paris, 1911, p. exuri. 211, 255, 346, 423. C'est un des points sur lesquels il est légitime d'admctlrc le paulinisme littéraire de saint Marc. S’il n’est donc pas certain que Jésus loi-mime ail employé le mot Mordh pour caractériser sa mission comme une bonne nouvelle, celle du salut apportée aux hommes, le terme εύζγγέλιο/ qui, dans le grec hellénistique, avait cc sens ct était appliqué au culte de l’empereur, a été adopté par les chrétiens Issus de la gentlJitê pour énoncer une idée exprimée équivrdemment par le divin Maître ct pour proclamer que l’avènement de Jésus cl de son royaume annonçait joyeusement une ère nouvelle ct le salut de l’huma­ nité. 2. Son emploi et sa sigml'ualion précise. — Nous le trouvons sur les lèvres de saint Pierre pour désigner la prédication faite aux païens, AcL, xv,7,ct sur celles de saint Paul â Milcl» pour désigner l’objet de la mis, sion qu’il a reçue de Jésus-Christ, à savoir,de rendre témoignage à l’Évangilc de la charité de Dieu. Act., xx, 21. Dans ses Épîtres» honnis celle aux Hébreux où le mol ne sc rencontre pas. cet apôlre l’emploie plus de soixante fois. Saint Marc s en sert sept ou huit fois et saint Matthieu quatre fois seulement. On le lit encore I Pet., iv,17»cl Apoc.,xiv,6,mais,cn ce der­ nier endroit, avec le sens particulier d’Évanglle éter­ nel. Partout ailleurs, il signifie In prédication chrétienne elle-même, ou l’objet direct de cette pré­ dication, cn d’aulrcs termes, la bonne nouvelle du salut messianique répandue partout.ou son contenu. En cfïcl, l’Évangilc,ou le message du salut, doit être prêché parmi toutes les nations, Marc.» xm, 10; au monde entier, xiv. 9; à toute créature, xvi, 15. Cf. Matth.. xxi \. 11 ; xx \ i. 13. Cependant, différents qualificatifs qui l’accompa­ gnent déterminent son origine, son objet, scs desti­ nataires ct sa fin ou scs résultats. Originairement, Il est l’Évangilc de Dieu, Marc-, i, 14, la bonne nou­ velle que Dieu envoie aux hommes ct que Jésus, son envoyé, doit prêcher. Cf. Act.. xx,2l; 1 Pct.,iv, 17. Saint Paul a été mis à part cn vue de cette bonne nouvelle, qui vient de Dieu, dont Dieu est l’auteur, pour l’annoncer. Bom.» i, 1; cf. Boni., xv, 16; Il Cor., xi. 7; 1 Thess., n, 8, 9. Comme objet, il a le royaume de Dieu, sa venue cl son établissement sur la terre et au ciel. Matth., iv. 23; ix, 35; xxiv, 14; mais surtout le chef du royaume, Jésus-Christ luimême. I ('.or., IX, 12; Il Cor., n, 12; ix, 13; xn, 14; GaL, i. 7; Phil., i, 27; I Thess., m. 2; H Thess., r, 8, sa personne, qui est non seulement le Christ ou le Messie, mais encore le Fils de Dieu. Kom., i, 9; Mure-, I. 1; ci. Gai., i. 16; iv» 4; II Cor., r, 19; iv, I, 5. Cet Évangile, qui doit être annoncé ù tous, est le même pour tous, que Pierre prêche aux circoncis et Paul aux incirconcis. Gai., n, 7. Enfin, nu point de vue de ses résultats, il est l’Évangile du salut, Eph.» t, 13. et l’Évangilc de la paix» qu’il apporte et qu'il produit. Eph., vi, 15. Tout cn prêchant le même Évangile que les autres apôtres, â savoir, le Christ cruci lié ct ressuscité, I Cor., xv, 1-11, saint Pau! avait cependant son Évan- 1623 ÉVANGILE — ÉVANGILES APOCRù PUES gile personnel, Rom., n, 16; xvi, 25; II Tim., n, 8, qu'il répandait dans les Églises de la gentilité. II Cor., rv, 3; GaL, i, II. Il l’avait soumis aux autres apôtres, qui l’avaient trouvé conforme au leur, Gal.,n, 2, quoi­ que la manière de l'envisager ct de le présenter fût propre à l’apôtre des gentils. Cet Évangile représente, rn effet, la forme spéciale que saint Paul donnait au message du salut. C’était, par opposition à la loi juive, le salut ct la liberté apportés au monde par la reli­ gion chrétienne. Rom., i, IG; Gai., π, I, 5, 1 1. La pré­ dication des judaisants, qui voulaient maintenir la i loi ancienne, était un « autre Évangile ». Gal., i, 6; H Cor., xi, 4. En souhaitant aux Romains d’être confirmés dans son Évangile, Rom., xvi, 25, l’apôtre identifie cet Évangile avec Je mystère de Dieu, autre­ fois caché ct maintenant révélé aux hommes par l’avènement de Jésus-Christ et par la prédication de sa doctrine. Eph., vi, 19. Or, ce mystère ou secret dessein de Dieu consiste dans la rédemption de tous les hommes, dans l’admission des gentils aux biens messianiques par l’abolition de la loi mosaïque, comme seul moyen de justification ct de salut. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, 1.1, p. 52-55, 429-133. La signification d’cvay^Dcov pour désigner la pré­ dication orale de la doctrine de Jésus-Christ a passé des écrits du Nouveau Testament dans les plus anciens monuments de la littérature chrétienne. Ainsi, S. Clément de Rome, 1 Cor., xlvii, 2, Funk, Paires apostôlici, t. i, p. 160; S. Ignace, Ad Philad., v, 1, ibid., p. 268; S. Justin, Dial, cum Tryphone, 10, P. G., t. vi, col. 496. Elle a persévéré jusqu’à nos jours dans le langage chrétien, ct les prêtres ct les missionnaires sont toujours nommés les prédicateurs de l’Évangile. On a aussi conservé l’opposition établie par saint Paul entre la loi et l’Évangile, ct le nom d’Évangile, pris cn cc sens, désigne la révélation chré­ tienne ct la nouvelle alliance en opposition avec la révélation juive ct l’ancienne alliance. 2° L'Évangile écrit. — Par l’emploi d’une métaphore bien connue qui passe du contenu au contenant, on n donné, dans la littérature ecclésiastique, une signi­ fication nouvelle au mot «ύαγγέλιον. Cc mot, qui désignait la bonne nouvelle du salut ct la doctrine de Jésus-Christ, a send à désigner aussi les écrits dans lesquels cette bonne nouvelle ct cette doctrine étaient consignées. Cette nouvelle acception fut intro­ duite au cours du n* siècle de notre ère. En visant une recommandation évangélique, Matth., xvni, 15-17, l’auteur de la Didaché, xi, 3; xv, 3, 4, Funk, t. i, p. 26, 34, considère le contenu du livre plutôt que le livre lui-même. Il cn est de même, Il Cor., vin, 5, p. 194. Mais la Didachè, vin, 2, Funk, t. i, p. 18, vise un Évangile écrit qui contient l’oraison domi­ nicale. Cf E Jacquier, Le Nouveau Testament dans rÉgllsc chrétienne, Paris, 1911, t. i, p. G9.Saint Justin parait avoir été le premier à donner le nom d’Évan­ gile aux livres eux-mêmes. Si l’on peut discuter la signi­ fication précise de cc nom dans quelques passages des écrits de cc Père, par exemple, Dial, cum Tryphone, 10. P. G., t. vi. col. 496, on ne peut avoir aucune hési­ tation, quand il nomme expressément «υαγγίΜα les ouvrages qu’il appelle plusieurs fois · les mémoires des apôtres ». ApoL, i, G6, ibid., col. 429. L’Épltrc à Diognétc, xi, 6, Funk, op. cit., L i, p. 110, oppose la foi des Évangiles à la crainte de la loi, à la grâce des prophètes et à la tradition des apôtres. Saint Irénéc indique bien quelle a été la formation de cc nom. 11 déclare, d’une part, que les évangélistes ont mis par écrit l’Évangile ou la prédication évangélique, ct il ippeile. d’autre part, leurs écrits des Évangiles. Les deux notions d’Évangile oral ct d’Évangile écrit reviennent constamment sous sa plume. Cf.Th. Zahn, 1624 Gcschichle des Neutestamenllichen Rations, Erlangen, 1888, t. ι,ρ. 161-163. Cc nom a d’abord été donné aux écrits apostoliques, qui racontaient la vie de Jésus ct exposaient sa doctrine, telles que la prédication orale les avait consacrées ct transmises. Quand les hérétiques com­ posèrent d'autres récits sur la vie de Jésus, ils leur donnèrent le nom d’Évangile, qui était usuel. 11 y eut donc dès lors, à distinguer entre les Évangiles aposto­ liques que l’Églisc reçut comme témoignages autbentiques de la prédication apostolique ct qu’elle inséra dans son canon, ou sa liste officiel le des Livres saints, ct des Évangiles, qu’elle rejeta parce qu'ils n'étaient pas d'origine ou d'autorité apostolique ct qui furent nommés apocryphes. Voir les deux articles suivants. Fillion, Introduction générale aux Évangiles, Paris, 1889, p. 1-3; Th. Zahn, Einleitung in das Nette Testament. 2· édit., Leipzig, 1900, t. n,p. 159-173; J. Weiss, Dus atteste Evangetium. Gœttinguc, 1903, p. 25-12; A. Loisy, Ixs Évan­ giles synoptiques. Ceffonds, 1907, t. i, p. 3-5; A. Harnack, Entstehung und Entivickelung der Kirchcnverlassung und des Kirchenrcchts in den ztvci ersten Jahrhundcrtcn, Leipzig, 1910, p. 199-239; F. Prat, /xi théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. n, p. 57-60. E. Mangenot. 2. ÉVANGILES APOCRYPHES. Sous l'appella­ tion générique d’Évangilcs apocryphes, on range tous les écrits extracanoniques qui retracent la vie du Sau­ veur ou de sa famille, cn prétendant à une autorité analogue à celle des Évangiles canoniques. Ces écrits peuvent, d'ailleurs, ou bien se poser cn rivaux des récits authentiques, qu'ils aspirent à remplacer, ou bien, plus modestement, prétendre à les compléter. De là, une distinction très importante entre les Évan­ giles apocryphes au point de vue de leur contenu. En cc qui concerne les influences qui leur ont donné nais­ sance, il convient également de distinguer, d’une part, des Évangiles comme celui des Hébreux ou celui des Égyptiens, assez semblables aux Évangiles cano­ niques par leurs origines ct, d’autre part, la grande majorité des Évangiles apocryphes. Publiés à une époque plus récente, ces derniers n’ont plus l’unique préoccupation de relater les traditions courantes con­ cernant le Sauveur; ils répondent à des désirs plus com­ plexes, soit qu’ils veuillent simplement satisfaire la curiosité des contemporains sur les parties de la vie de Jésus laissées dans l'ombre par l’Évangile, soit qu’ils veuillent insinuer des doctrines parfois tendancieuses, parfois nettement hérétiques sous le couvert d'ensei gnements évangéliques. Le problème que soulèvent les Évangiles apo­ cryphes est donc : 1° de préciser leur rapport avec les Évangiles canoniques (quels Évangiles ont-ils connus, ct comment les ont-ils utilisés?); 2° de déterminer Jusqu’à quel point leurs additions aux récits de l’Évangile proviennent de sources indé­ pendantes ct authentiques; 3° de décider, enfin, si les fictions surajoutées sont ducs simplement à vue pieuse fraude, ou manifestent, au contraire, des ten­ dances hérétiques. Cc problème est singulièrement compliqué par l’état fragmentaire de la plupart des textes, comme aussi par l’indécision du texte des Évangiles conservés en entier. On s'accorde pour­ tant à déclarer que, sauf des exceptions à signaler ul­ térieurement, les Évangiles apocryphes dépendent des Évangiles canoniques; que, sauf des cas particuliers où il n'est pas interdit de supposer l’emploi de sources orales, l’on n’a affaire, pour cc qui concerne les addi­ tions à la matière évangélique, qu’à d'audacieuses fic­ tions; bref, que la valeur documentaire des Évangiles apocryphes est extrêmement minime, sinon tout à , fait nulle. Cc qui ne veut pas dire que l’étude de ces I apocryphes soit sans importance. Elle permet d’abord de sc rendre un compte plus exact des difficultés APOCRYPHES qu'ont dû vaincre les Évangiles canoniques pour s’im­ poser définitivement : pendant les premières années du n· siècle, il y a encore, dans diverses régions, un travail actif sur les traditions évangéliques. A un autre point de vue, les Évangiles apocryphes Jettent une vive lumière sur les conditions de la vie ct de la pen­ sée dans l’Églisc primitive. Destinés le plus souvent à des milieux populaires, issus parfois de ces mêmes mi­ lieux, ils font connaître, mieux que les écrits des doc­ teurs, le christianismo moyen. Si, d'ailleurs, nombre de ces productions ont été condamnées de bonne heure par les chrétiens orthodoxes, plusieurs ont cir­ culé longtemps encore dans l’Églisc. Cc sont naturel­ lement les Évangiles hérétiques qui ont disparu les premiers, au fur ct à mesure que s’éloignaient les sectes qui leur avalent donné naissance. Ceux qui, sans être hérétiques, faisaient double emploi avec les livres canoniques disparurent ensuite; V Évangile des Hé­ breux était encore d’un usage courant dans certaines communautés du iv· siècle, et V Évangile de Pierre a été retrouvé dans un tombeau d’Akhmin qui date au moins du vin· siècle. Les Évangiles de l’enfance au­ ront une destinée plus brillante; soit directement, soit par des remaniements successifs, ils inspireront longtemps la piété populaire. Enfin, plusieurs apolo­ gistes ont tiré de l'étude des apocryphes des preuves en faveur de la vérité des Évangiles canoniques. Le contraste entre la simplicité ct la dignité de ceux-ci ct l’extravagance de beaucoup de ceux-là établit la va­ leur unique de nos Évangiles ct fournit une réfutation parfaite des théories qui voudraient mettre les nar­ rations évangéliques sur le même pied que ces pro­ ductions de mauvais alol. On trouvera Vindication lu plus complète de la littéra­ ture relative aux apocryphes dans E. llcnneckc, Neutc slanientliche. Apocryphen, Tubinguc, 1904; Handbuch zu den Ncutcstamentlichen Apokryphcn,Tublngue, 1901. Voir aussi O. Bnrdenhcwcr, Gesehichte der altkirchlichcn Lillcratur, Frlbourg-en-Brisgnu, 1902, t. i, p. 365-411; A. Eh rhard. Die altchristllche Littéralur und Hire Er/orschung von 18S4-1900, Fribourg-cn-Brisgnu. 1900, p. 123-147; ct les différentes encyclopédies : Smith cl Wace, Dictionary of Christian biography, 1882. t. il, art. Gospels apocryphal, par Lipsius; Hastings, Dictionary o/ the Bible, 1901, t. v, p. 420-438. art. Apocryphal Gospels, par J. G. Tasker; Hastings. Dictionary of Christ and the Gospels, 1906, t. I. p. 671-685, art. Gospels (apocryphal}, par i'indlay; Kcalcncyclopiidie fur protestantische Théologie und Kirche, 3· édit.. 1896, t. I, p. 653-664, art. Apokryphcn des X’euen Testamentis, par B. Hofmann W. Bauer, Das Eeben Jesu im ZeHaller der neutestamcntUchcn Apokryphcn, Tubinguc, 1909, a mis en œuvre d’une manière assez heureuse les ma­ tériaux d’origine apocryphe. Plusieurs classifications ont été proposées pour les Évangiles apocryphes, nous adopterons celle de Find­ lay, loc, cil,, qui combine celles de Harnack, Gesehichte der allchristlichcn Litleratur, t. ι,ρ. I sq., ct de Taskcr, loc. cil. —1° Évangiles de type synoptique pouvant être considérés comme incorporant des traditions an­ ciennes : Éo, des Hébreux, des Égyptiens, de Pierre; le fragment d'Év. du Fayoum et les fragments d'Oxyrhin· que; 2° Évangiles dont le caractère hérétique est re­ connu par tous : Évangiles des douze apôtres, de Thomas, de Philippe, de Marcion, ct un grand nombre d'autres dont on ne connaît que les noms; 3° Évan­ giles suppléments, qui prétendent remplir les lacunes de nos connaissances : 1. sur l’enfance de Jésus, scs parents: Protéoangile de Jacques ct ses remaniements; Évangile de Thomas, le philosophe israélile; Évangile arabe de Γenfance; Histoire de Joseph le charpentier; Transitus Marie:; 2. sur la passion cl la résurrection du Sauveur : Évangile de Nicodéme. I. Évangiles de type synoptique. — 1° Évan­ gile des Hébreux (ou selon les Hébreux), — D’après 1696 Eusèbe,//./?.,! IV. xxn,8, édit. Schwartz, t. ι,ρ.372: P.G., l. xx, col. 384, Hégésippc dans ses Mémoires citait V Évangile selon les Hébreux, το Έ6>α:ους ιύαγγΓ/ιον. M.ds était-ce Hégésippe lui-même qui don­ nait cc titre à sa source ou Eusèbe le conclut-il des citations faites par l'auteur des Mémoires? La question n'est pas résolue. Le titre est donné pour la première fois d’une manière certaine par Clément d'Alexandrie, Strom., Il,IX, 15, édit. Slâhhn.t. n,p. 137; P.G., t. vrn, col. 981. Au témoignage de saint Jérôme, De vir. HL, 2, P. L., t. xxiiî,col. CIL Origènc regardait l’Évangile scion les Hébreux comme une source de valeur pour l'histoire du Christ. En fait, dans ce qui nous reste de scs œuvres, l'on trouve au moins trois références précises à cet Évangile : in Joa., torn, ιι.β, P.G.,t. xiv, col. 132; Homil., xv, in Jer., P.G., t. xin, col. 433; In Mallh. torn, xv, 14, P.G., t.xni.col. 1293 sq. D’après Eusèhe, //. E., III, xxv, 5, édit. Schwartz, t. t, p. 252; P. G., t. xx, col. 269, l’Évangile selon les Hébreux, < dont aiment surtout à sc servir les Juifs qui ont reçu le Christ, > était rangé par quelques-uns parmi les livres incontestés, όμο>ογούμτνα. Mais c'est surtout par saint Jérôme que nous connaissons cet Évangile. Il avait découvert, d'abord chez les chrétiens de Béroa cn Syrie, plus tard dans la bibliothèque de Césarée de Palestine, un Évangile araméen, écrit cn caractères hébreux ct différent des Évangiles canoniques. Jérôme cn avait fait pour son usage personnel une version grecque et une autre latine. A son époque,une grande incertitude régnait sur l'origine de cc livre; plusieurs le tenaient pour l’œuvre originale de saint Matthieu,et à divers endroits Jérôme semble pencher vers cet avis; d’autres l’identifiaient avec!*Évangile des douze apôtres ct ceux qui n’étaient pas très au courant pouvaient croire que cc livre était cn usage chez lesèbionites héré­ tique* aussi bien que chez les autres chrétiens orien­ taux. D’ailleurs, il était à cette époque complètement inconnu de (’Occident, puisque Jérôme n’en connaissait plus ni version latine ni version grecque; et sa dési­ gnation d’Évangile scion les Hébreux indiquait suffi­ samment qu'il ne circulait que panni les communau­ tés chrétiennes parlant hébreu ou plutôt araméen. Le fait qu’à certains moments Jérôme pouvait l’identifier avec le Matthieu hébreu montre qu’il ressemblait davantage au premier Évangile qu’à tout autre. D’ailleurs, à d’autres moments Jérôme affirme qu'il diffère sur quelques points de notre Matthieu cano­ nique. Les textes de saint Jérôme sont rassemblés dans Handmann, Zahn, Harnack. Voir plus loin. L’étude des citations d'Éplphanc, Hœr,, xxix, 9; xxx, 3; xlvi, 1, P. G., t. xli, col. 405, 409, 840, n’est pas contraire à ces conclusions. Seulement, Épiphanc demeure responsable de la confusion créée entre l’Évangile des Hébreux ct l’Évangile des éblouîtes, voire même le Diatessaron de Taticn, confusion qui n’a été entièrement dissipée que par Hîlgcnfeld. On suit la trace de l’Évangile selon les Hébreux jusque dans la Stichométric dite de Nicéphore, qui le range parmi les anlilegomena. Tischendorf avait signalé, Notitia editionis codicis Sinaitici, 1860, p. 58, l’exis­ tence, dans un ms. minuscule du ix-x· siècle (cursif 566 des Évangiles, e 77 de von Sodcn), de quatre notes marginales se referant à Matth.,iv,5; xvi, 17; xvni, 21; xxvi, 71, et renvoyant à το ΊουοχΓζόν; la troisième note est d’accord av*c une citation hiéronymienne. En 1911, M. Schmidlkc a fait connaître que des notes du meme genre sc retrouvaient dans les mss t 175, e 370 ct 37 Z, δ 30 (selon la notation de von Sodcn); ces variantes sc réfèrent à Matth., v, 22; vu, 5; x, 16; xi, 12,25; xv, 5; xvi, 2; xxvn, 65. Elles se rencontrent dans des mss appartenant à une meme famille ct dont l’origine serait, d’après M. Schmldtke, une édition du Nouveau Testament 7 Î627 Ê\ A Mi ILES A POOR Y P II ES qu’il appelle l’édition de Ston et cjui aurait été exé­ cutée Λ Antioche vers le début du v· siècle. Le nom actuel de ccl Évangile ne saurait être pri­ mitif; pour ceux qui s’en servaient, c’était tout sim­ plement l’É\ mgile; le nom actuel lui a été donné par les chrétiens étrangers aux communautés de langue sémitique. Ccl Évangile avait étécomposéen araméen occidental, la langue même que parlaient les contem­ porains de Jésus. Le fait que Clément d’Alexandrie ct Origènc l’ont cité semble indiquer qu'il en existait une traduction grecque avant l’époque de saint Jérôme. C'est du moins cc que prétendent Hilgenfeld, Handmann ct Harnack; Zahn soutient, au contraire, que la première traduction (pii eu fut faite est la double version latine cl grecque de saint Jérôme. Celte version est aujourd’hui perdue; toutefois les citations éparses dans les Pères de Γ Église, surtout dans les commentaires de saint Jérôme, permettent de restituer une vingtaine de fragments d’étendue très inégale. Zahn d’une part, Preuschcn de l'autre, les ont organisés en prenant comme guide l'Évangile de saint Matthieu, dont l’Évangile des Hébreux sc rap­ prochait beaucoup. On n'est pas certain toutefois que cet apocryphe débutât par les récits de l’enfance. Les expressions sont généralement celles de la Synopse, mais on y trouve plus encore que dans Marc le souci du détail précis et caractéristique. Le riche ù qui Jésus vient de conseiller de vendre scs biens au profit des pauvres réfléchit en se grattant la tête, coepit autem divts scalpere caput suum et non placuit ci; Jésus res- . suscité remet son suaire au serviteur du grand-prêtre. Le Saint-Esprit entraîne Jésus au désert, en l'enlevant par un des cheveux de sa tête. Les idées sont celles que sc faisaient de Jésus les éblouîtes primitifs. Jésus est, I avant tout, le Messie; c’est au baptême que ΓEspritSaint est pour la première fois descendu sur Jésus, lui conférant une fois pour toutes l’onction messianique : l Fill mi,in omnibus prophetis exspectabam te, ut venires et requiescerem in te; lu es enim requies mea, tu es filius meus primogt nitus,qui regnas in sempiternum. Fils de l’Esprit, sans péché, Jésus devient ainsi le sauveur des malades et des pécheurs; d’ailleurs, il n'entreprend rien contre la loi et les prophètes, qui doivent rester la règle de la vie chrétienne. Pour ce qui est des relations de cet Évangile avec les Synoptiques, différentes solutions ont été proposées. Certains, Hilgenfeld, Zahn, veulent y voir l’original de notre Matthieu canonique; mais cette hypothèse est universellement rejetée. Harnack, au contraire, considère notre apocryphe comme entièrement indé­ pendant de la Synopse;il serait une rédaction relative­ ment primitive des traditions évangéliques qui cir­ culaient dans les milieux judéo-chrétiens. D’autres enfin estiment que l’Évangile des Hébreux dépend de tous les Synoptiques : les diverses particularités s’ex­ pliquent si l'on admet que cet apocryphe a été écrit par quelqu'un qui utilisait les Évangiles canoniques de Matthieu ct de Luc, en y joignant quelques tra­ ditions d’origine différente et relativement secondaire. Quoi qu'il en soit, tout le monde s’accorde pour le considérer comme très ancien; il serait de la fin du siècle. M. Schmldtkc, Neue Fragmente und Untersuchungen za dea j udenc.hrtstlichen Evangelien, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1911, t. xxxvn, fasc. 1, i Imaginé une théorie toute nouvelle sur les rapports entre les Évangiles judéo-chrétiens. Les citations et références, rapportées jusqu’à présent à VÉvangile •les Hébreux, appartiendraient à deux Évangiles, complètement distincts : I’Évangile des Nazaréens et VÉvangile des Hébreux identifié avec VÉvangile des ébianifes Voir plus loin. L'Évangile des Nazaréens ne serait autre chose qu’une traduction syriaque du 1G28 .Matthieu grec canonique, exécutée avant 150 par les Nazaréens de Célésyrie. (’.’est pour s’elrc mépris sur le caractère de cet Évangile que Papias n mis en circulation la légende des Logia rédigés en hébreu par Matthieu. Hégésippe aurait connu lui aussi cette version syriaque de Matthieu, puis on en perd la trace jusqu’à Eusèbe qui l’a eue en mains et l’a placée dans la bibliothèque de Césarée. /Xpollinairc de Laodicéc en aurait fait grand cas, et l’aurait citée fréquem­ ment dans son commentaire sur Matthieu, aujourd'hui perdu. C’est de ce commentaire que proviendraient les variantes empruntées à τί> ’Ιουδαϊκόν, et qu’on re­ lève dans les manuscrits de l’édition dite de Sion. Mais saint Jérôme a confondu cette version syriaque de Matthieu avec l’Évangile des Hébreux dont il retrou­ vait les traces chez les exégètes antérieurs; son erreur a entraîné celle des critiques d’aujourd’hui. L’Évangile des Nazaréens ne serait donc pas un apocryphe au sens propre du mot, mais un targoum araméen sur l’Évangile canonique. Sur l'Évangile des Hébreux, voir plus loin Évangile des ébionites. Les diverses citations sont rassemblées dans E. Preus­ chcn, Antilegomena, die Reste der ausserkanontschcn Euangellen, 2· édit., Giessen, 1905, p. 3-9; ct dans T. Zahn, Geschichle des Neutestamentlichen Fanons, t.n, p. 686-701. Nombreux travaux sur cet Évangile; les plus importants sont : Hilgenfeld, Novum Testamentum ci ha canoncm recep­ tum, 188-1, fasc. 4, p. 5-38; Nicholson. The Gospel according to the Hebrews, 1879; llundinunn, Das HcbraercvangeUum, 1888, dans Texte und Untersuchungen, t. v, fasc. 3; Zahn, Zoe. cit., p. 642-723; Harnack, Allchristliche l.itleralur, t. I, p. 6-10; t. π (Chronologic), 1. p. 625-651. On trouvera une bibliographic très complète dans Hcnnccke, Handbuch, p. 21-23. 2° L'Évangile des Égyptiens (ou scion les Égyptiens), — Clément d'Alexandrie, Strom., III, ix, 63; xin, 92, édit. Stahlin, p. 225, 238; A G., t. vm, col. 1168, 1192, mentionne un Évangile selon les Égyptiens, sur lequel les encratitcs appuient leurs théories et dont il cite lui-même quelques passages. Origènc en parle d’une manière tout à fait incidente dans l'explication du premier verset de l’Évangile de saint Luc. Homil.,i, in Luc., P. G., t. xm, col. 1803. D'après Hippolyte, Philosophy V, 7, P. G., t. xvi, col. 3130, les naassénlcns s'appuyaient sur cet apocryphe pour soutenir leurs doctrines sur les transformations de l’âinc Hu­ maine ; ct Épiphane, Hier., lxit, 2, P. G., t. xu, col. 1052, nous apprend que les sa bel liens trouvaient dans VÉvangile égyptien un soutien pour leurs erreurs. Le fait, qu’à partir d’une certaine époque, cet apo­ cryphe sc rencontre surtout dans des communautés hérétiques, ne doit pas faire préjuger Immédiate­ ment de son caractère;les textes mêmes de nos Évan­ giles canoniques n'ont-ils pas été interprétés par les hétérodoxes dans les sens les plus divers? Pour ap­ précier sainement le caractère de l’Évangile selon les Égyptiens, il faut se rappeler que l'homélie connue sous le nom de Secunda Clementis cite, xn, 2, comme parole du Seigneur un texte que Clément d'Alexandrie donne par ailleurs comme appartenant à l’Évangile des Égyptiens. Harnack. Chronologie, 1, p.617 sq.,a dressé le tableau des citations évangéliques de la Secunda Clementis ct conclu que plusieurs d’entre elles déri­ vent incontes1 ablemcnt de notre apocryphe. Ce fait, s’il était entièrement démontré, prouverait que ΓÉvan­ gile égyptien a franchi de bonne heure les frontières de l’Égypte ct qu'il était tenu à Borne en grande estime. Les quelques citations qui en sont conservées ne permettent guère de déterminer d’une manière ferme le contenu ct le caractère de cet écrit. Les passages relevés par Clément d’Alexandrie sc réfèrent à un entre­ tien de Salomé avec le Sauveur où celui-ci semblerait condamner l’œuvre du mariage. Mais le passage est 1629 ÉVANGILES A POCK Y PII ES assez obscur H pourrait admettre une Interprétation | orthodoxe. Tout ceci explique les divergences des critiquesdaii» l'appn elation de cet Évangile* Pourlcsuns, Il est le produit delà gno c pantheist iqiic.IJpshis, dans Dictionary o/ Christian biography. t. h. p. 712. ou tout nu moins il présente des tendances encratitcs nette­ ment caractérisées (Zahn), D’autres, au contraire, veulent y voir une partie de la littérature évangé­ lique primitive. I Inrnnrk a prétendu montrer que l'encratisme de cet apocryphe se tenait dans les limites de l'orthodoxie; son opinion sc fonde tout parti­ culièrement sur remploi de notre Évangile dans la Secunda Clementis. Quelques nul cnrs, Findlay, Tasker, soutiennent une opinion Intermédiaire entre ces deux extrêmes. On aurait affaire à un écrit gnostique, mais qui n puise à de bonnes sources; son auteur n eu entre les mains des renseignements d’aussi bon alol que ceux dont les évangélistes faisaient usage, mais il a traité pins librement sa matière. La patrie de cet Évangile serait Antiocho d'après Zahn, l’Égypte d’après Har­ nack; il remonterait au milieu du 11e siècle. peut-être un peu plus tôt (Harnack). Plusieurs critiques rappor­ teraient volontiers à l’Évangile des Égyptiens les frag­ ments découverts dans les papyrus du Fayoum et d'Oxyrhhiquc. Cette attribution n’est pas prouvée. Les textes dans Pieuschcn, Anlilegomena p. 2, 3, cl dans Harnack. Altchr. LUI., t. i, p. 13. 1t. Principaux travaux : Schneckenburger, Ueber dus Eoan· (fcltum der jEgyplicr, Berne, 1831; Voiler. /V/nMCRingeliurn oder Ægyptcrevangclium? Tubinguc. 1893; Zahn, Geschichle des A. T. Kanons, t. n. p. 628-642; Harnack, Chronologie, 1, p. 612-622. Bibliographie plus complète dans Ilcnncckc, Jlandbuch, p. 38 sq. 3° L’Évangile de Pierre. — Jusqu’à ccs dernières années nos connaissances sur l’Évangile de Pierre étaient extrêmement sommaires. On savait que l'évêque Scrapion d’Antioche (fin du n· siècle) avait eu entre les mains un Évangile selon Pierre qu’il avait d'abord jugé inolTensIf, mais dont, à plus ample in­ formé, il avait constaté le caractère docète.Voir Eusèbe, //.E..I.VI, xn, édit.Schwartz,t. n, p. 51l;P.G.,t.xx, col. 515. Origènc mentionnait cc meme écrit et mon­ trait qu’il en connaissait le contenu./n.W<î/Z/i.,tom.x. 17, P. G.t t. xiii, col. 876. Eusèbe déclarait que l’Évangile attribué à Pierre n’avait été cité par aucun écrivain ecclésiastique, cl le range.dl en conséquence parmi les apocryphes, vôOx. //. E.» 1. III. ni, 2; xxv, 6, édit. Schwartz, t. i. p. 190. 252; P. G., t. xx, col. 217,2G9. Selon Théodoret, Hier. /ab. confutatio, n, 2. P.G.9 t. lxxxiii. col.389,les nazaréens sc seraient servis d’un Évangile selon Pierre. Enfin, quelques cri­ tiques supposaient (pie les άπυμνημονίύματζ (r£>v «πο­ στόλων), dont il est plusieurs fols question dans Justin, Dial., 106; A pot., i, 66, etc., édit. Otto, t. n,p. 380; I. i,p. 182; P. G.,t. vi, col. 721. 129. pouvaient bien être l’Évangile de Pierre. Cf. Zahn, Geschichle des AF. Γ. Kanons, 1889. t. r, p. 509 sq. L’absence com­ plète de citations authentiques et la pauvreté des ren­ seignements permettaient les conjectures les plus diverses. Les choses en étaient là, quand, à l’automne de 1892, Bourlant fit connaître dans les Mémoires pu· bliès pur les membres de la Mission archéologique française au Caire, les résultats de ses fouilles à Akhmin, l’ancienne Panopolls, durant l’hiver de 18861887. Dans le tombeau d'un moine égyptien,on avait retrouvé un paquet de feuillets d’un ms. grec du vîiiMX· siècle, contenant, outre un fragment assez important du livre d’Hénoch, neuf pages d’un Évan­ gile de saint Pierre ct sept pages d’une Apocalypscattribuée au même apôtre. Le ms. d’Akhmin restituait environ 174 stlques de l’Évangile de Pierre, donnant la fin du récit de la passion et le récit de la résurrec­ tion. Pilate convaincu de l’innocence de Jésus, mais 1630 ne pouvant le délivrer, l’abandonne à Hé rode. C'est I lerode qui prononce la Sentence de condamnation, la quelle est exécutée sur-le-champ. La narration suit alors d’assez près le récit des Synoptiques; elle insiste tout particulièrement sur le fait que Jésus ne semble pas souffrir ct aussi sur l’endurcissement des prêtres ct des pharisiens. La résurrection de Jésus, que les Synoptiques n'avaient point décrite, est rapportée avec des détails plus ou moins fantaisistes; elle a pour témoins les soldats qui gardent le tombeau et la foule des prêtres et des scribes qui les ont accompagnés. Suit le récit de la visite de Marie-Madeleine au tombeau; le fragment s’interrompt brusquement eu début d’une narration analogue à celle de Joa., xxi. Séraplon d’Antioche avait déjà relevé le caractère docèle de l’Évangile de Pierre; cet te vue est confirmée par l’étude du fragment découvert. Entre les deux larrons. Jésus sc tait, comme s’il ne sou lirait pas, £*?xώζα ώ; μτ,ίΐ πόνο* ίχων. IV, 10. Au lieu de s’écrier comme dans Matthieu ct Marc : < Mon Dieu, mou Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné î » Je Sei­ gneur s’écrie : < Ma force, ma force, tu m'as quitté, » η cr/ζμίζ μου, η οΰνζμίς μου χαήλΐΐψάζ μ£, VI, 19. Quand Jésus sort du tombeau. Il grandit au point (pie sa tète dépassa le ciel, x, 40. Mais il reste assez difficile de décider à quelle catégorie de docètcs l’on a affaire. Un second caractère de Γ Évangile de Pierre, c’est sa tendance nettement apologétique. Pilate était convaincu de l’innocence du Seigneur; c’est l’envie des prêtres, des scribes ct des pharisiens qui l’a contraint à envoyer Jésus à la mort. Mais les miracles étonnants, qui sc passent devant de nom­ breux témoins aussi bien au moment de la mort qu’au moment de la résurrection de Jésus, doivent con­ vaincre les plus obstinés du caractère divin du Sei­ gneur. Les autres traits qui dillèrenl de la narration synoptique sont destinés à donner au récit plus de couleur ct plus d’apparente précision. Il n’est pas douteux, en effet, que l’auteur de notre apocryphe n’ait utilisé, en l'amplifiant, une tradition canonique. Les critiques ne sont pas d’accord, il est vrai, sur le nombre des Évangiles canoniques dont Il sc serait servi. Zalm tient pour incontestable que les seules sources de Γauteur sont les quatre Évangiles canoniques. Pour Swclc, l’Évangile de Pierre dé­ pend tout d’abord des quatre Évangiles canoniques* traites avec beaucoup de liberté, mais il a pu emprun­ ter aussi à quelques autres sources. Haniack juge que le rapport avec Marc est prouvé; avec les Irois autres Évangiles 11 demeure incertain. Ici encore, comme dans les Évangiles des Hébreux et des Égyptiens, on aurait alTaire à une tradition évangélique plus ou moins authentique» mais beaucoup moins pure que dans les Évangiles précédents. La date reste encore indécise. L’Évangile existait certainement avant Sêrapion d’Antioclie qui le cite; si, ce qui parait assez peu vraisemblable, il était connu de Justin, il faudrait le mettre avant 150. On conjec­ ture. sans preuve suffisante, qu’il a été écrit en Syrie. En tout cas. il a dû circuler pendant de longues années, puisqu’un vniMx* siècle on le recopiait encore, et qu’on le mettait comme un talisman dans le tombeau du moine d’Akhmin. la» texte u été publié pour la première folsporBoudant· voir plus haut; puis en photographic par Gebhardt, Dus Evangelium und die Apohalupse des Petrus,LclpzlfC ISIKÎ; cl aussi dans les très nombreuses éditions qui out été fuites à partir do 1892. Signalons celles de I la muck. IJruchslûckc des Evangelium* und der Apokalgpsc des Petrus, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig. 1893, t. ix, fasc. 2; de Zahn. Dan Evangelium des Peint*, Ix'ip/.lg, 1893; dcSwctc, The apocryphal Gospel of Peter, Londres, 1892; de Boblnson, The Gnspel according to Peter and lhe Itevelat ion of Peter. Londres. 1892; de Lods. Euangelii secundum Pelrum et 1631 ÉVANGILES APOCRYPHES Petri Apocalypsis qutr supersunt, Paris, 1893; voir aussi Preuschcn, Antifogomena, p. 15-20. Sur In littérature considérable suscitée par la découverte de Bouriant, voir A. EhrhnnL Die altehristllche Litterator und ihre Erforschung von ISS4- 1900, Frlbourg-cn-Brisgnu, 1900, p. 127 sq.; Hrnnccke, Handbuch, P· 72. 4® Fragment d*Évangile du Fagoum. — Dans un lot dc papyrus originaires du Fayouin, acquis en 1882 par l’nrchlduc Rainer, Bickcll a découvert et déchiffré en 1885 un très court fragment dc texte évangélique, en grec, synoptique dc Marc, xiv, 26-30, ct dc Matthieu, xxvi, 30-34. Le dialogue entre Jésus ct Pierre est plus vif, plus bref ct dc forme en apparence plus originale que dans les textes canoniques. On a voulu voir dans ce fragment un reste d’un Évangile perdu, peut-être dc l'Évangile des Hébreux ou dc l’Évangile des ÉgjTilicns (Harnack). Mais plusieurs critiques le considèrent simplement comme une cita­ tion plus ou moins libre d’un Évangile canonique (probablement Marc), insérée dans une homélie patristlquc. Zahn déduit ccttc hypothèse du fait que la phraséologie, différente dc celle des Synoptiques, vise à une grécité plus classique. Iji question ne semble pas encore tranchée. Bickcll a publié pour In première fois le textedans Zeit· Faut-il voir dans ces derniers mots un sens panthèisliquc? Les conjectures les plus diverses ont été faites sur l’origine de ces sentences. Avec un peu trop d’empressement, quelques-uns y ont vu les logia dont parle Papias et qui seraient la source de nos Synop­ tiques; d’autres ont cru v retrouver les fragments d’un Évangile perdu, soit l’Évangllc des Égyptiens (Har­ nack), soit un Évangile inconnu, dépendant dc la I radit ion synoptique cl apparenté comme caractère à Luc ct à Jean. En 1904, les mêmes chercheurs ont publié une nou­ velle série dc Logia, ct un fragment indépendant d’un autre Évangile. La série des sentences de Jésus est introduite par un petit prologue que MM. Grenfell ct Hunt proposent de lire ainsi : « Voici les sentences (admirables?) que Jésus le Seigneur vivant prononça devant (Cephas?) et Thomas, et il leur dit : Quiconque entendra ces discours ne goûtera pas la mort. » Suivent cinq sentences dont les quatre premières sont intro­ duites par les mots < Jésus dit »; la dernière commence 1632 par une question des disciples à Noire-Seigneur. La première est étroitement apparentée à une citation de l'Évangile des Hébreux faite par Clément d’Alexan­ drie; il est impossible d’identifier les autres avec des passages connus d’Évangiles canoniques ou apo­ cryphes. Le fragment d'Evangile perdu, publié en même temps que cette collection dc Logia,c\. d’ailleurs en fort mauvais état, contient la conclusion d’un dis­ cours de Jésus analogue à une partie du sermon sur la montagne. Les premières lignes sont sensiblement parallèles à des passages de Matthieu ct dc Luc, mais la forme est plus abrégée. Cf. Matth., vi, 25, 28, 27; Luc., xxi, 23; xn, 27, 25. La fin du fragment est ainsi conçue : « Scs disciples lui dirent : Quand le manifesteras-tu à nous et quand te verrons-nous? 11 dit : Quand vous serez déshabillés cl que vous n’en aurez pas de honte. > Cette réponse dc Jésus rappelle un mot de l’Évangile des Égyptiens, cf. Prcuschcn, Antilegomena, p. 2, I. 30, cité par Clément d’Alexandrie, Strom., IH, xin, 92, édit. Slahlin, t. n, p. 238; P. G., t. vin, col. 1192. La forme plus simple du logion ct l’allusion plus directe à Gen., in, 7, indique une date plus primitive qi/e celle du texte actuel de l’Évangile des Egyptiens. Bien qu’il soit possible que ce fragment représente une tradition indépendante des Synop­ tiques, il est plus probable que l’Évangile auquel il appartenait, mettait en œuvres des matériaux trou­ vés dans Matthieu ct dans Luc, en y ajoutant d’autres données. A cc compte, on pourrait le dater dc la pre­ mière moitié du n® siècle. Enfin, dans la campagne dc 1905-1906, Grenfell et Hunt ont encore découvert à Oxyrhinque un nou­ veau fragment de 45 lignes sc rattachant à l’histoire dc Jésus ct qu’ils ont publié en 1908. Il s’agit d’une discussion du Christ avec les pharisiens relativement aux purifications légales. Jésus, étant entré dans le hiéron sans avoir pris le bain réglementaire, subit les reproches d’un pharisien, qui était grand-prêtre. La réponse du Sauveur présente quelque parallélisme avec Matth., xxm, 16, 25, ct aussi avec Matth., xv, 1-20; Marc., vu, 1-23, maison est assez loin des idées ct des expressions de la Synopse; le symbolisme dc quelques phrases sur les eaux vives rappellerait plutôt la manière du quatrième Évangile. Le P. Lagrange propose dc voir dans cc morceau un fragment de l'Évangile selon les Hébreux, sans donner d’ailleurs de preuves suffisantes à l'appui dc son opinion. Les textes ont été publiés par Grenfell ct Hunt dans The Oxyrynchus papyri, i, 1897; iv, 1904; v, 1907, et aussi sé­ parément: *!ηβο3. Sayings of our Lord from an early grcck papyrus, Londres, 1897; New sayings o/ Jesus, Londres, 1904; Fragment of an uncanonical Gospel /rom Oxyrynchus, Oxford, 1908. Les deux premiers groupes ont été réimprimés dans Prcuschcn, AntUegomena, ct aussi dans la Patrologia orientalis (avec fac-similés), t. iv,p. 151158. 158-172, 177-182. On trouvera une recension do la littérature extrêmement abondante provoquée par ccs diverses découvertes, pour In première partie dans Ehrhnrd, Die altchrisltiche Litterafur,etc., p. 124-127: pour la deuxième dans Heinrici, Théologische Studlr.n und Kritiken, janvier 1905. Sur In troisième partie, voir Büchlcr dans The Jewish quarterly review, jan­ vier 1908; Prcuschcn, dans Zeitschrift fur neutestamcntltche Wisscnschafl, 1908; Lagrange, dans la Revue biblique, oc­ tobre 1908. IL Évangiles iiéhétiques et gnostiques.— Us sont extrêmement nombreux, très différents d’ûgc cl d’origine. Hofmann, après Fabricius, en a dressé une liste qui ne comprend pas moins de 27 numéros. II n’en reste souvent que le titre ct des allusions plus ou moins sommaires dans les écrivains ecclésiastiques. Les uns I portent le nom d’un apôtre: Matthias, Barthélemy, , André, Barnabè. Judas Iscariote; d’autres, celui du fondateur dc l’école, Valentin, Bnsillde, Cérinthe. 1633 EVANGILES APOCRYPHES Épiphanc mentionne un Évangile d’Eve. Hier., xxvi, 2. 3. 5, /'. G., t. xei. roi. 333, 336. 340. Nous étudie­ rons seulement les plus Importants. l° Évangile des douze apôtres ou des êblonites. — De nombreuses confusions sc sont produites touchant cct Évangile, qui a été identifié par saint Épiphanc, ct A l'occasion par saint Jérôme,avec l’Évangile scion les Hébreux. Depuis Hilgenfeld, les critiques sont d’ac­ cord pour identifier l’Évangile des douze, cité par Origènc, Homil., i, in Luc., avec l’Évangile signalé par Épiphanc, Hœr., xxx, 3, P. G., t. xia, col. 409, comme en usage panni les ébionltcs gnosticpies, ct pour dis­ tinguer cette compilation hérétique dc l’Évangile selon les Hébreux. Les quelques citations faites par Épiphanc dc cct Évangile éblonltc permettent d’en préciser le contenu ct le caractère. Ce devait être un Évangile du type synoptique,débutant comme Marc par le récit de la prédication du Baptiste. Mais l’auteur savait â l’occa­ sion modifier du tout au tout les paroles authentiques du Sauveur, pour les faire déposer en faveur dc sa doc­ trine. Cette doctrine est celle des éblouîtes postérieurs, partisans d'HcIxaT. Au moment du baptême, le Christ céleste, la plus parfaite créature du Père, s’est uni à l’homme Jésus, qui, par suite dc cette union,peut être nommé le Fils de Dieu. Au point de vue moral.on reje­ tait l'Ancien Testament, Jésus était venu détruire les sacrifices anciens; les tendances étaient nettement ascétiques, ct l’on répudiait l'usage de la viande et du vin. Jean-Baptiste avait le premier donné l’exemple de ccttc abstinence, l'Évangile des ébionltcs lui refu­ sait même l’usage des sauterelles dont le solitaire faisait sa nourriture d’après les Évangiles canoniques: Jésus lui-même avait déclare qu'il ne désirait nulle­ ment manger l’agneau pascal. L’auteur semble avoir utilisé les trois Synoptiques ct peut-être même le quatrième Évangile. Il prend d'ailleurs toute liberté avec ses sources. L’cpoque dc la composition doit sc placer vers la fin du uc siècle ou vers le commencement du ni·. Zahn la remonterait jusque vers 170. D’nprès la théorie dc M. Schmidtkc, mentionnée plus haut, VÉvangilc des êbionilcs ne se distinguerait pas dc VÉvangilc des Hébreux auquel font allusion Clément d’Alexandrie, Origènc Eusèbe, et que saint Jérôme aurait malencontreusement confondu avec VÉvangilc des A*azaréens. C’est donc à lui qu’il faudrait rapporter les doctrines particulières signalées plus haut dans VÉvangilc des Hébreux ct plus ou moins conformes à la stricte orthodoxie. Par contre, VÉvan­ gilc des êbionilcs ne contenait rien qui pût faire songer aux doctrines d’HclxuL Le passage, interprété par Épiphanc (η. 1 dc Prcuschcn) comme afllrmant que le Christ est la créature la plus parfaite du Père, ne peut appartenir ù cet Évangile, ou du moins n’a pas cc sens. Dc VÉvangilc des êbionilcs (identique à VÉvangilc des Hébreux), il faut distinguer V Évangile des douze apôtres. Celui-ci ne semble pas avoir été en usage dans des cercles judéo-chrétiens, mais bien chez des gnostiques d’origine païenne. En fait, on en retrouve des traces chez des sectaires orientaux mentionnés par saint Éphrcm sous le nom de gougéens. S. Éphrcm, Opéra, Home, t. n, p. 110, 485, 493. D’après un cata­ logue d’hère sics, compilé au début du v· siècle par l’évêque syrien Maruta de Maipherkat, ccs gougéens sc seraient forgé, avec le nom des douze npôtres, douze évangélistes. Le texte de Maruta, dans Texte und Untersuchungen, l. xix, fasc. 1, appendice, p. ΙΟ­ Ι 1. D’une lettre de Jacques d’Édessc il ressort que ccs hérétiques avaient plutôt des attaches avec la gnose syrienne qu’avec le judeo- christianisme. Cf. llevue de Γ Orient chrétien, 1905, l. x, p. 278. La distinction DiCT. DE THÉOL. CATIIOL. 1634 entre V Évangile des êbionilcs ct celui des douze est de qu’il y a dc plus solide dans toute la theorie do M. Schmidtkc. Le reste semble bien caduc* Ιλ· texte dans Prcuschcn, AntUegomena, p. 9-12; liftgenfHd, Novum Testamentum extra canontm receptum* bise. I. p. 32 sq«; Zahn, Gcschichte der Λ. T.ICamuu. t. il, p. 721-712; Harnack, Chronologie, 1. p. 625-631. L’Évan­ gile iri,n'M créé son âme et n’ait animé cct os vivant qu’il bâtissait en femme. Le terme de son action créatrice était une femme complète, donc animée d’une âme» une femme semblable à l’homme, donc vivifiée, comme lui, par le souille de vie,ou l'âme subsistante. Voir t. î,col. 971. La femme ainsi créée, Dieu l'amène à Adam, éveillé, ct remplissant le rôle de paranymphe, il la lui présente comme son épouse. A lu vue de la compagne que Dieu lui donne, le futur père du genre humain, mû par l’in­ spiration divine, déclare le concile de Trente, sess. XXIV, Doctrina dc sacramento matrimonii, DenzingerBannwart, n. 969, reconnaît, pour cette fois, en elle l'os de ses os ct la chair de sa chair. Au défilé des ani­ maux, Il n'avait pas vu un être semblable à lui; cette fois, il en aperçoit un, qui est tiré de lui, I Cor., xr, 8, qui est de sa substance, sans être né de lui et sans être sa fille. S. Thomas, Sum. thcol., I», q. xciî, a. 2, ad 3om. Aussi, lui qui avait donné aux animaux un nom con­ forme à leur nature et A l'usage qu’il pouvait en faire, nomme-t-il cc nouvel être d’un nom qui rappelle A la fois son origine ct sa nature. « Elle s'appellera 'iilâh, dit-il, parce qu’elle a été tirée dc l’ü, · faisant ainsi un jeu dc mots, Intraduisible en notre langue. Il lui donne son nom avec une terminaison féminine. verset 24, que le concile dc Trente met dans sa bouche, sans en faire toutefois une déclaration abso­ lument tonnelle, pourrait n'êlrc qu’une remarque de l'auteur dc la Genèse. Notrc-Selgneur l'a cité seule­ ment comme une parole divine, pour en tirer une con­ clusion sur l’unité ou l’indissolubilité du mariage. Malt h., κιχ. 4-6. SI cette parole a été dite par Adam, elle exprimait prophétiquement sur scs lèvres les lois des mariages futurs. Le récit sacré ajoute une indication sur l’une des conditions dc l'existence du premier couple humain : « Ils étaient nus tous deux, ct ils nc rougissaient pas l’un dc l’autre. » Gcn., n, 25. Vêtus seulement dc leur innocence, Us n’avaient pas besoin de vêlements pour sc préserver du chaud ct du froid, ct s’ils n’éprouvaient pas la concupiscence, pas plus que des enfants encore innocents, ils n'étaient pourtant pas des enfants. Incapables de pudeur; Us étaient adultes, voir t. i, col. 370, mais dans leur étal d’innocence, leur chair était entièrement soumise à l’esprit. Sur les autres conditions dc l’état dans lequel le prvmler homme et la première femme ont été créés et *ur leur élévation A l’ordre surnaturel, voir t. i, col. 370-375. En interprétant le second récit biblique de la créa­ tion, nous l’avons constamment considéré comme un récil historique ct nous l’avons généralement expliqué au sens littéral. Cc caractère historique est cependant décidément rejeté par les rationalistes contemporains, qui n’y voient qu'un mythe. Ce récit est l’explication mythique, non pas du mariage idéal, mais dc l'amour et de l'union îles sexes. L’homme ct la femme sont .»■ tirés l'un vers l’autre ct l’amour sexuel a pour but rétalion, place pour un plus grand nombre dc ccs métaphores, dont la Commission p. 41-42. Celte explication par une vision abandonne le sens littéral propre du récit biblique. « C'est un | biblique reconnaît l'existence dans les trois premiers chapitres de la Genèse, ad 5··. Acta apostoliar sedis, caprice exégétique dc prétendre qu'Adnm a cru voir t. i, p. 568. Cf. I I. Lcsétrc,Azs récits de Γhistoire sainte. que Dieu a pris une côte et l’a bâtie pour en faire une La création, dans la Revue pratique d'apologétique, fennne : cc qu'il faut entendre au sens propre ou au 19U5-1906, t. i, p. 402-404. sens figuré. » J. Lagrange, L’innocence el le péché, dans II. Tentation et péché. — 1® Caractère historique la Revue biblique, 1897, t. vi, p. 365. du récit. — Au cours des siècles, on s'est demandé si le Le P. Lagrange, loc. cil., avec Cajetan, rejette le récit de la Genèse, m, 1-24, était historique et rela­ sens littéral pour adopter le sens parabolique. Il tait un fait réel, ou s’il n’était pas plutôt un mythe, n'indique pas quelle signification il attache à cette ou une allégorie, ou, au moins, un récit partiellement parabole, sinon peut-être que l'homme devra aimer sa femme comme une partie dc lui-même. Il déclare métaphorique. 1. Ce n'est pas un mythe. — La plupart des ratiomême plus loin, p. 378, qu’aucune doctrine théolo­ nalLslcs contemporains regardent le récit génésiaque gique importante n’est fondée sur la réalité historique dc cc fait que la femme a été formée d’une côte dc dc la tentation comme un mythe populaire, plus ou moins philosophique, ou psychologique, destiné à l’homme. L’Églisc nc nous dit pas si les circonstances expliquer l’origine du mal dans le monde, la misère du récit biblique doivent être prises â la lettre. Il dc l’homme, obligé au travail, ct surtout la con­ parait certain que l’auteur a prétendu enseigner une histoire vraie, mais s’il n'a pas inventé un symbole dition inférieure de la femme dans la société domes­ pour raconter une histoire vraie, il a pu revêtir une tique. L’humanité primitive avait été créée sans la connaissance du bien et du mal; elle était à l’état des histoire vraie, connue par révélation ct transmise enfants qui n’ont pas même le sentiment de la pu­ chez les Hébreux sous une forme populaire, de cir­ constances pittoresques qui figurent dans son récit deur. L’enfant est innocent tant qu'il f^tc igno­ comme une métaphore ou un symbole. S’il parlait de rant. Vient le jour où il mange du fruit dc l’arbre l’ablation d’une côte d’Adam pour former Eve, il ne dc la connaissance. La femme, plus précoce, en vient là la première; elle prend connaissance dc sa puis­ l’entendait pas à la lettre, encore que peut-être la sance secrète et intime. Elle s’imagine que cc que sa majorité dc ses contemporains l'entendît ainsi. Ce détail dc son récit historique nc répondrait pas à la nature lui révèle est défendu par Dieu sous peine dc réalité ct n'aurait qu’une signification métaphorique. mort. La lutte se fait en elle-même; le démon de U tentation lui dit que Dieu n’a pas puni dc la mort la M. J. Nike) pense aussi que les récits de la Bible sur le paradis ct la chute reposent sur une tradition connaissance du bien el du mal. L’esprit tentateur a achevé son œuvre; la femme voit que le fruit dc l’arbre populaire ct qu’il faut les considérer comme vrai­ ment historiques pour le fond. Il reconnaît toute­ de cette connaissance est beau et agréable; c’est un plaisir à goûter. La femme est séduite; l'homme ne fois que les éléments dc la forme de ces récits n’appar­ peut résister. Devenus adultes, ils savent cc qu’est le tiennent qu’à la tradition populaire et nv sont pas à interpréter à la lettre. Aussi, relativement à la for­ péché. Leurs yeux s’ouvrent ct le sentiment de la mation d’Eve d’une côte d’Adam, avait-il exprimé le pudeur naîtra en eux. La vie réelle leur apparaît, dès désir qu'une décision ne fût pas prise par l’autorité lors, avec scs conditions possibles. Ils découvrent une ecclésiastique, Der geschichtliche Charaktcr von Gen., existence de douleurs et dc sujétion pour la femme, de /-///, dans Weidcnauer Studien, Vienne, 1909, t. m, travail et de fatigue pour l’homme, avec la perspec­ p.42. Il visait sans doute la décision que préparait alors tive dc la mort. Ils ont perdu, sans doute, leur naï­ la Commission biblique De charactere historico trium veté première, leur tranquillité insouciante, mais ils priorum capitum Geneseos et qui a été approuvée par ont acquis la connaissance du bien et du mal ct ils sont entrés dans la pleine possession de leur conscience Pic X, le 30 juin 1909. Or, le désir dc M. Nike), qui est consultedr de la Commission, n’a pas été entendu, ct dc leurs facultés. Ils ont passé de l’état d’enfance ù l’âge adulte. Le fruit défendu, dont l’homme s’empare car la Commission a donné une réponse négative à la troisième question, concernant spécialement le sens malgré l’avertissement dc Dieu, c’est donc simple­ littéral historique des faits de ces trois premiers cha­ ment son passage à la liberté morale ct son pouvoir pitres qui touchent aux fondements dc la religion chré­ de transgresser les ordres divins. H. Gunkel, Gene­ tienne, et nommément de la formation de la première sis. p. 12-20; Driver, The book o/ Genesis, p. 56-57. femme ex primo homine. Cc sens littéral historique ne Cette Interprétation mythique ne répond pas au peut être mis en doute. Acta aposloliac sedis, 1909,1.1, sens obvie que présente le récit de la Genèse. L’écri­ p. 568. La Commission semble avoir eu directement vain qui l’a rédigé ne nous reporte pas au temps où en vue la formule dc saint Paul, I Cor.,xi, 8; elle n'a les bêtes parlaient; ce n’est pas un serpent qu’il fait pas employé les mots ex costa primi hominis pour lais­ parler, mais un être mauvais, pervers, jaloux de ser, sans doute, aux exégètes la liberté d’expliquer l’homme. H est si peu imbu de mythologie qu’il a fait l’action créatrice divine sur cette côte d’Adam dans dénier devant l’homme tous les animaux cl qu’il un sens qui nc soit pas trop strict. a constaté leur infériorité relativement ù Adam. La décision de la Commission biblique au sujet dc La psychologic de la tentation dc la femme par le la création d'Èvo ex primo homme repose sur l’inter­ diable est très line, nous le verrons; mais elle ne répond prétation unanime des Pères ct des commentateurs pas à l’explication psychologique qu’on en donne. Gun­ catholiques. Voir F. Vigoureux, Les Livres saints el kel esl obligé de reconnaître que des Idées,nécessaires la critique rationaliste, 4· édit., t. iv, p. 137-141; J. au mythe, ne sont pas exprimées dans le récit biblique, Brucker, Questions actuelles d*Écriture sainte, Paris, cl il les supplée généreusement pour faire tenir debout 1895, p. 239-243; Id., /.'/ gltse et la critique biblique, une interprétation qu1 ne répond pas au texte. U Paris, s. <1. (1908), p. 219-220; J. Sclbst, Itandbuch attribue aussi Λ son auteur des réflexions qui n'ont zur HiblischenGeschichte, 7· édit., Fribourg-cn-Brisgau, très vraisemblablement jamais pénétré dans son 1910, t. i, p. 168-169; M. Hetzenauer, Theologia bi· esprit. I-c récit biblique ne s’explique pas sans la blica, Fribourg en Brisgnu, 1908, t. i, p. 525-528; Id., désobéissance à un ordre formel de Dieu et sans te Commentarium in librumGenesis, Graz el Vienne, 1910. péché; il n’exprime pas seulement la conscience de la ----- - --- - 1647 liberté morale, prise par l’humanité, dans le mythe psychologique du passage de l’état d'innocence à l’étal de la connaissance du bien ct du mal; il donne ta solution du problème de l’origine du mal moral ct du péché. Le premier homme ct la première femme n’étaient pas des enfants, inconscients de la liberté morale. Ils étaient adultes, intelligents; ils avaient reçu de Dieu un précepte Λ observer. Le péché s’est introduit dans le monde malgré Dieu, ù l’instigation d’un esprit méchant, qui a séduit la femme, ct celle-ci a entraîné l’homme dans sa prévarication. Le récit biblique, réfractaire au mythe philosophique, est-il ' un récit historique ou une allégorie? 2. Ce n’es/ pas une allégorie pure. — Philon a expli­ qué allégoriquement plusieurs détails du récit de la chute dans la Genèse. Il reconnaît, dans le premier péché, un péché de la chair ct il voit dans le serpent la volupté. De mundi opificio, dans Opera, Paris, 1640, р. 35, 36. Ailleurs, il voit dans Èvc le νους sans scs puissances, le νους privé de sa vertu et dominé par le plaisir sensible. Legis allegoriarum, p. 70-73; De cherubim, p. 117. Clément d’Alexandrie voit aussi, dans le serpent, une allégorie de la volupté. Cohortatio ad gentes, c. xi, P. G., t. vin, col. 228. Répondant aux ricanements de Celse, qui tenait le récit de la tenta­ tion pour une fable, pour des niaiseries de vieille femme, Origènc observe que ce païen refuse de remar­ quer que le paradis terrestre, et ce qui le suit dans la Genèse, peuvent très convenablement s’expliquer en .allégorie, ct il renvoie pour cette explication Λ son commentaire, qui est malheureusement perdu. Contra Celsum, L IV, P. G., t. xi, col. 1090. Il y a lieu de sc demander si ccs allégoristcs alexandrins rempla­ çaient le sens littéral par l’allégorie ou lui superpo­ saient seulement une explication allégorique. Saint Augustin cependant semble les viser, quand il s’élève contre ceux qui veulent entendre le paradis terrestre spiritualiter tantum. De Genesi ad liltcram, I. VIII, с. i, n. 1, P. L., t. xxxiv, col. 371; De civitate Dei, I. XIII, c. xxi, P. L., t. xlî, col. 394. Tous les Pères de l’Église ct tous les commentateurs catholiques ont toujours regardé ce récit comme le récit d’un fait historique. L’auteur lui-même raconte une histoire, qu’il croit vraie; Il ne compose pas un tableau psychologique de la lutte du bien et du mal dans l’humanité; il rapporte une histoire, qu’il tient de la tradition de ses pères ct qui inet en scène le pre­ mier couple humain, leur tentation par le serpent, leur désobéissance à Dieu avec sa punition ct scs fâcheuses conséquences, il n’a donc eu en vue aucune allégorie. Du reste, toute interprétation purement allégorique ruinerait le dogme du péché origine), (pic le concile de Trente a établi sur le fondement du récit gvm siaque de la chute de nos premiers parents. Sess. V, can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 788. Pour un catho­ lique, ce récit doit donc, nécessairement, être entendu comme une histoire vraie. Reste seulement ù discuter si celte histoire doit être prise strictement la lettre dans tous scs détails, ou s’il n’est pas permis de l’en­ tendre comme une histoire dont quelques traits pen­ sent être symboliques ou métaphoriques. 3. C'est une histoire vraie, dont quelques traits sont, sinon symboliques, du moins métaphoriques. — Tandis que beaucoup d’exégètes catholiques expliquent le récit biblique selon toute la rigueur de la lettre, quel­ ques-uns, tout en maintenant la vérité du fond, ont entendu métaphoriquement différents détails de la narration, les uns plus, les autres moins. Théorique­ ment, saint Augustin se rangeait lui-même au nombre . — b) Le livre des Jubilés ou la petite Genèse. — Au sixième jour, Dieu créa un homme et une femme, il, 14, trad. E. Littinann, dans Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des Allen Testaments, Tubingue, 1900, l. n. p. 12. Cependant, la forma­ tion d’Èvo d'une côte d’Adam est placée au G* jour de la seconde semaine, mais la côte dont la femme fut formée, avait été créée le sixième Jour de la pre­ mière semaine avec Adam, m, 3-8, p. 44. Adam fut porté au paradis par les anges, le 40· jour après la création, ct sa femme le 8ü* jour seulement, ct c’est de là que vient la différence de la durée de l’impureté de la femme (40 ou 80 jours), selon qu’elle a donné le jour à un garçon ou à une fille, ni, 9-11, p. II. Il y avait sept ans qu’Adam cl sa femme étaient dans le jardin d'Éden, lorsqu’au 17e jour du 2· mois de la 88e année, le serpent trompa la femme. Le récit de la Genèse est complété par quelques détails : l’offrande de parfums chaque matin au lever du soleil par Adam, la cessation du langage des animaux et l’expulsion de tous ceux qui étaient dans l’Éden, ni, 15-31, p. 44-45. L’expulsion d’Adam ct de sa femme hors du paradis eut heu à la nouvelle lune du 4· mois. C’est alors qu’Adam nomma sa femme Ève. ils n’eurent pas d’enfant jusque vers la fin du premier jubilé de 49 ans; ils se connurent alors, ni, 32 31, p. 45-46. Et la 3e semaine d’années du 2* Jubile, Ève enfanta Caïn, à la 4· Abel ct à la 5· une Illle, Awen. Cain tua Abel au commencement du 3· jubilé. Adam ct Èvc pleurèrent leur Ills pendant quatre semaines d’années; à la 4· année de la 5e semaine d’années, ils retrouvèrent leur galle ct Adam connut sa femme qui lui enfanta un Ills, Seth, puis une lllle, Asura, à la 6e semaine d’années. Caïn épousa Awen à la fin du 4· jubilé. Adam eut encore d’Èvc neuf enfants. A la 5e semaine d'années du 5e jubilé, Seth épousa Asum, iv, 1-11, p. 46. Cf. S. Épiphanc, Hær., xxxix, G, P. G., t. xu, col. 672. — r) La vie d’Adam et d’Èvc.— Bien que nous ne la connaissions plus que dans trois recensions chrétiennes, une grecque, éditée par Tischcndorf, sous le titre faux d'Apocalypse de Moïse, voir t. i.col. 1 133, et à laquelle sc rapporte vrai­ semblablement la version arménienne dont Conybeare a donné une traduction anglaise, Jewish quarterly review, 1895, I. vn, p. 216-235, une latine, Vita Adæ cl Evæ, éditée par W. Meyer, dans Abhandlungen der Münchener Akademie, Philos.-philol. Classe, 1878, L xiv, fuse. 3, p. 185 sq., et une slave publiée par Jagié, dans Denksehri/ten der Wiener Akademie, 1893, t. xlh, p. 1 sq., elle suppose un fond juif, rédigé primitivement en hébreu. Voir Fuchs, dans Kautzsch, op. cit., t. ir, p. 506-511. Celte Vie raconte la pénitence d'Adam ct d’Èvc après leur expulsion du paradis terrestre, la seconde tentation d’Èvc par Satan, la naissance de Caïn el d’Abel, deux jumeaux, après 18 ans et 2 mois de séparation, le songe d’Èvc cl la mort d’Abel, la naissance de Seth, puis celle de 30 fils et de 30 filles, la communicat ion qu’Adam fait à Seth des secrets que lui a révélés l’archange Michel, la maladie d’Adam et le récit qu’il fait de son pêché, l'envoi d’Èvc ct de Seth au paradis terrestre pour en rapporter l’hullo de guérison, la rencontre qu’ils font d’un animal sauvage, avec lequel Seth entre en lutte, le refus de l’huile par saint Michel, le récit de la chute fait par Èvc à scs enfants ct scs petits-enfants. Le serpent est envoyé à Èvc par le diable, qui parlait par la bouche de l’animal; il excite en elle un vif désir de manger du fruit; elle en mange ct constate aussitôt qu’elle n’est plus entourée de la justice qui la revêtait; elle veut couvrir sa nudité, mais les arbres du paradis n’ont plus de feuilles, sauf le figuier, l’arbre dont 1654 elle avait mangé le fniit. Ève, couverte d’une cein­ ture, appelle Adam ct lui dévoile le mystère de la ressemblance divine, ressemblance obtenue par la manducation du fruiL Mais c’était le diable qui parlait par sa bouche. Pour connaître le bien ct le mal, Adam mangea du fruit défendu; il vit aussitôt sa nudité ct sc plaignit fortement de sa méchante femme qui lui avait fait perdre la gloire de Dieu. A la même heure, l’archange Michel sonnait de la trom­ pette et appelait les anges au paradis pour assister à la sentence que Dieu allait porter contre Adam. Les coupables sc cachèrent. Le trône de Dieu fut dressé au pied de l’arbre de vie. Dieu punit d’abord Adam, puis Èvc, enfin le serpent. Dans In sentence divine contre Ève, Dieu pardonne ô Ève qui se repent ct promet de ne plus commettre · le péché de chair elle retournera donc a son mari qui sera son seigneur. Malgré le repentir d’Adam cl l’intervention des anges, Dieu refusa à Adam de manger de l’arbre de vie ct le condamna à la mort. Il lui permit seulement d em­ porter des parfums du paradis. Après cc récit, la Vie rapporte les dernières volontés d’Adam et sa mort Ève vit l’esprit de son mari aller à son créateur. Les anges demandent à Dieu le pardon d’Adam et leur prière est exaucée. L’Ame du premier homntc est tirée de i’Achéron et portée par les anges au cick Adam est ensuite enterre par les anges avec Abel, dans le do­ maine du paradis, au lieu où Dieu prit la poussière dont il façonna le corps du premier homme. Voir t. i, col. 381. Six jours après la mort d’Adam, Ève mourut , à son tour, et elle fut enterrée par les anges, avec Adam el Abel. L'archange Michel ordonna à Seth de ne pleurer sa mère que pendant six jours, parce que le repos du 7· jour est le signe de la résurrection future. Kautzsch. op. cit., t. n, p. 512-528. Voir encore le Zohar, i, 35 5-36 b, trad, de Pauly, L i, p. 220 228. 2. Dans la littérature apocryphe chrétienne. — Les trois recensions chrétiennes de la Vie d'Adam cl d’Èvc prouvent l’accueil fait par les chrétiens à cet apocry­ phe juif. La recension latine fut très populaire au moyen âge. L’imagination chrétienne s’est donnée plus libre carrière encore, en composant de toutes pièces une littérature nouvelle, indépendante et plus déve­ loppée sur Adam et Ève. —a) Le combat d'Adam et d'Ève, qu’ils curent à soutenir après leur expulsion du jardin et pendant leur séjour dans la caverne des Trésors, existe en éthiopien. Dillmann en a donné une traduction allemande dans JahrbUchcr der biblischcnWissenschaften d’Ewald, 1853, l. v, p. 1-144. G. Brunet l’a fait passer en français, dans le Diction­ naire des apocryphes de Migne, Paris, 1856, t. î, col. 297-388. Le texte éthiopien dérive d’un texte arabe qui se trouve dans un manuscrit de Munich. Trumpp l’a édité dans Abhandlungen der Münchener Akademie der Wissenschaften, Philos.-philol. Classe, 1881, t. xv. fasc. 3. Une traduction anglaise a été faite par .Malan, Book of Adam and Eve, Londres, 1882. — à) Il faut en rapprocher La caverne des tré­ sors, renfermant les objets venant de l’Éden ct appor­ tés à Adam par les anges. Cet ouvrage syriaque a été publié par Bezold, d’abord en allemand, Die Schatzhôhlc, 1883, puis dans le texte original, 1888. Cf. de Lagarde, Mitthcilungen, 1889, t. m, p. 49-79; 1891, t. iv, p. 6-16. Ces écrits ont pénétré dans la littérature pseudo-clémentine éthiopienne ct arabe. Voir t. m, col. 216-217. M. S. Grèbaut donne une traduction française du Qalementos éthiopien, c. ni, dans la Revue de l'Orient chrétien, avril 1911, p. 82-84. 3. Dans la littérature apocryphe gnoslique. — Saint Épiphanc rapporte que certains gnostiques avaient composé un Evangile d’Èvc. Sous le nom de la pre­ mière femme et sous prétexte qu’elle avait connu la gnose dans son colloque avec le serpent, ils exposaient 1655 ÊVE - ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT 1G56 leurs propres erreurs. Saint Épiphanc en cite un ex­ Aridcgavcnsis pro sancto Renato, episcopo suo, adversus trait. H rr., xxvi, n. 2, 3, P. G., t. xlî, col. 333, 336. dispulalioncm duplicem Jacobi f.aunoii, in-8°, Angers, 2° Dans la légende. — Les légendes sur Adam ct Èvc, 1650; Traité des excommunicat ions et des moratoires, dérivées en particdcla littérature apocryphe ou ayant in-1% Angers, 1651 ; Paris, 1672; 2 in 16, Home, 1712. une origine propre, se sont multipliées partout chez | C. Port. Dictionnaire de Maine-et-Loire, 3 in-8·, Angers, les Juifs, chez les chrétiens, chez les gnostiquos et 1874-1898, t. H. p. 130; Xicéron, t. xiv, p. 297 sq.; Dupin, chez les Mahometans. Elles sont bizarres pour la plu­ t. XVII. p. 255 sq.; dom Guéranger, les institutions litur­ part et ne méritent pas d’etre mentionnées. Beaucoup giques, 2r édit.. 4 in-8·. 1878-1885. t. i. p. 529; Hurter, sont reproduites par Eutychius dans ses Annales, Nomenclator, 3' édit., Inspruck. 1907, t. in. col. 1212. par George Elmacin, dans son Histoire des Sarrasins, B. Heuutebize. ÉVÊQUES. On traitera successivement : l°dc l’ori­ ct par Grégoire Abulpharage, dans sa Chronique. On pourra consulter ù leur sujet, outre les ouvrages in­ gine de l’épiscopat; 2° des questions théologiques diqués, t. î, col. 386 : J. A. Fabricius, Codex pseuct canoniques concernant les évêques. depigraphus Veleris Testamenti, 2· édit., Hambourg, I. ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’EPISCOPAT. — 1722, t. i, p. 1-17, 97-104; t. n, p. 1-43; Zunz, Die gottcsdicnstlichen Vortrâgen der du den. 1832. p. 128I. Questions de méthode. IL Terminologie. Sens ct 129; Dictionnaire des apocryphes de Mi g ne, Paris, origine du mot évêque. HL Examen de quelques do­ 1856, t. i, col. 387 392; t. n, col. 39-58, 211-244; cuments. IV. Distinction originaire de l’évêque et du Kohut, Die talmudisch-midraschische Adamsage in prêtre. V. L’origine apostolique de l’épiscopat. ihrer Rückbeziehung auf die pcrsischc Yima- und VL L’épiscopal au cours des trois premiers siècles. Meshiasage, dans Zeitschrift der deutschcn morgenVH. Systèmes modernes sur l’origine de l’épiscopat. lundischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 59 91; GrûndVHI. Conclusions générales. baum, Nette Beitrâge zur semitischen Sagenkunde, L Questions de méthode.— 1° ! limitation du 1893, p. 54-79; Dreyfus, Adam und Eva nach Au/fas- sujet. — H ne s’agit ici ni de la fondation de l’Égiise sung des Midrasch, Strasbourg. 1894; A. Wünschc, par Jésus-Christ, ni de la hiérarchie ecclésiastique Schôpfung und Siindenfall des ersten Menschenpaares et de scs divers échelons, ni de la primauté d’honneur im füdischen und mostimischen Sagenkreise, Leip­ ct de juridiction conférée ù Pierre et ù ses successeurs zig, 191X5. légitimes. Ces questions connexes, mais distinctes, sont traitées ά leur place. Nous ne considérons l’é­ A consulter, en plus des ouvrages mentionnés dans Par­ vêque que comme le chef unique d’une Église parti­ ticle. les théologiens au traité De Dca creante, les com­ culière, ayant comme attribution essentielle le pou­ mentateurs de la Genèse ct, parmi les plus récents, de voir de l’ordre et comme fonction primordiale le Hurnmclaucr. Paris, 1895; IL Strode, 2· édit., Munich, 1905; G. Hoberg. Éribourg-en-Brisgau, 1908; .M. Hetzegouvernement d’un diocèse. Si nous le comparons nnucr, Graz ct Vienne, 1900; card. Meignan, De tfaien d au simple prêtre, c’est seulement pour marquer les Moïse. Paris, 1893, p. 111-195; F. Vigoureux, Manuel rapports qui les unissent ct les caractères qui les biblique, 12· édit.. Paris, 1906« t.ï.p. 561-571 ; J. Lagrange, séparent. Enfin nous nous arrêtons 1Λ où s’arrête L'innocence et le péché. duns la Hevue biblique, 1897. t. vi, l’histoire des origines ct plus exactement au concile p. 341-379; J. Sclbst, Ilandbuch zur Biblischen Geschichte, de Nicéc. Quelques textes postérieurs ù cette date 6· édit., Fribourg-cn-Brisgnu. 1910, t.i, p. 165-190: J. Niseront cités ù l’occasion, mais c’est parce qu’ils con­ kc\. Dus Aile Testament im l.ichtc der altorientalischen Fortiennent des données historiques vraies ou fausses — Khungen, I. Die biblischc Urgeschichle. Munster. 1909. p. 23-38; J. GOttsberger, Adam und Eva, Munster. 1910, il importera de l’établir— sur une époque plus an­ p.22-16; Philoinate, La formation d'Eve (Gen , n, 21-24), cienne : tels sont les passages connus d’Eusèbe, de dans la Hevue apologétique de Bruxelles, octobre 1907, saint Jérôme, c Théodore de Mopsueste ct de plu­ p 429-438; J -B l'rey, l'état originel cl ta chute de Γ homme sieurs autres écrivains. d’après les conceptions futoes au temps de J.-C., dims hi 2° Constatations préliminaires. — 1. Les ÉpUrcs Hevue des sciences philosophiques ct Ihéologiqucs Mais personne ne s’est jamais avisé de cette des mots ne résout pas. Le contexte immédiat n’est interprétation, qui aurait à peine quelque fondement pas non plus décisif; car, en vertu du sacrement dc l'ordre, les prêtres sont aussi établis par le Saintmême si les tenues étaient renversés. L Passons à l’Épitrc à Timothée : « SI quelqu’un Esprit pour paitre, c’est-à-dire pour instruire, diriger désire la cliarge d’îz.oxozoç (έπισκοπη), il désire une cl gouverner une portion du troupeau du Christ, et chute excellente : il faut donc que Ι'έπισκοχος soit ils peuvent recevoir à cc titre le nom de pasteurs. irréprochable. » I Tim., in, 1-2. C’est parce que Mais l’ensemble du passage ne parait laisser aucun ΓΙπισκοπή est une chose xcellente que Γέπίσκοπος doute. Paul n’a devant lui que les anciens d’Éphésc doit être irréprochable : remarquez le donc. Il n’y et c’est à eux qu’il s’adresse exclusivement : < Dc a rien à tirer du mot ίιςισκοπή lui-même; il signifie Milet. il envoya à Éphèse convoquer les anciens dc une charge quelconque et se dit, par exemple, dc la l’Églisc. Dès qu’ils furent arrivés près dc lui, il leur place laissée vide par Judas au sein du collège aposdit, »etc. AcL, xx, 17. Saint Irénéc, il est vrai, sup­ to ique. Act., 1,20. Quant au mot έπίσκοπος, le contexte pose, Conl. hocr., L HI, xiv, 2, P. G., t. vu, col. 914, immédiat ne permet pas d’en lever l’ambiguïté. qu’il s’agit des prêtres et des évêques d’Éphésc et SI cependant l’on réilécliit que le diacre est associé d'autres villes voisines, mais ccttc hypothèse, que à Ι'έπίσκοαος sans intermédiaire, <|uc les qualités rien dans le texte ne justifie, est repoussée par la exigées ici dc Γεηίσκοπος sont précisément celles presque unanimité des exégètes anciens et modernes. que la lettre à Tite requiert du πρεσβύτερος, on 2. En tête dc l’Épitrc aux Phllippicns, Paul et devra, ici encore, admettre la synonymie des termes. Timothée envoient un salut « Λ tous les saints qui sont à Philippes avec les επίσκοποι et les diacres » Un surcroît dc preuve en faveur de la synonymie (L 1 : σύ·< ίπισκόποες κκΐ όικκό/οις). Pourquoi saint résulterait de 1 Pet., v, 1-2 (πρισβυτέρονς παρακαλώ .. Paul, au lieu dc s’adresser en général à l’Églisc, 1 ποιμάνατκ τό έν ύμίν ποίμνιον τού Ηεοΰ, ίπισκοπούντες comme c’était l’usage à cette époque et ju qu’à la 1 »ιή άναγκαστώς)β1 Ιπισκοποΰντεζ étiüt authentique; mais lin du n· siècle, distingue-t-il dans sa suscription ! comme il est rejeté, avec raison ce semble, par la h-s dignitaires ecclésiastiques des simples fidèles? ! plupart des critiques actuels, il n’y a point à faire fond ur cc texte. Un a fait à ce propos des hypothèses plus ou moins spécieuses, mais d’ailleurs étrangères à notre sujet. 5. Au demeurant, la synonymie a été parfaitement Pour une raison qui mus échappe, l'apôtre met en reconnue par les anciens commentateurs. Ainsi l’Amrelief le clergé de Philippes et nous montre celle brosiastvr écrit a propos dc Eph,, iv, 11-12, P L., 1661 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT t. χνιι,col.388: Primi presbyteri episcopi appellabantur. Saint Jérôme, à propos de Tite, 1,5-7, prouve la synony­ mie par la comparaison des passages, Act , xx, 17,28; Phil., 1, 1; lleb., xm, 17; 1 PcL, v, 1-2 : Quia eosdem episcopos illo tempore quos et presbyteros appellabant: proplerca indifferenter dc episcopis quasi de presbyteris est locutus. P. L., t xxvi, coi 502. Pliage, aussi à propos dc Tit., ι, 7, fait cette remarque *. Ipsum dicit episcopum quern superius presbyterum nominal. P. L., t. xxx, coi. 896. Voir encore son commentaire sur Phil., i, 1, et I Tim., m, 8. Les Grecs sont du même avis. Saint Jean Clirysostomc est formel À propos dc Phil.,1, 1, P. G., t. bxn, col 183 : Jusqu’alors les noms étaient communs... Les prêtres autrefois s’appelaient évêques et ministres du Christel les évêques prêtres.» Τότε γάρ τέως έκοινώνουν τοίζ όνόμασιν... και οί πρεσβύτεροι το παλαιόν έκα/ουντο έπίσκοποι και διάκονοι τού Χριστού, και οΐ έπίσκοποι πρεσόέτεροι. De même, sur I Tim., in, 8. Théodorct, sur ce dernier texte, recon­ naît aussi la synonymie. Œcuménius et Théophylactc suivent comme ù l’ordinaire saint Jean Chrjsostomc et Théodorct. Saint Thomas lui aussi sc rallie à la même opinion, Sum thcol., 11· II·, q ci.xxxiv, a. 6, ad loœ : De presbytero et episcopo dupliciter loqui pos­ sumus : uno modo quantum ad nomen; et sic olim non distinguebantur episcopi et presbyteri... Unde et aposto­ lus communiter utitur nomine presbyterorum quantum ad utrosque, 1 Tim., vi, 18,... et similiter etiam nomine episcoporum. Act., xx, 28. Ainsi tous ceux qui ont étudie les textes en exégètes ont vu la synonymie; seuls, saint Irénéc et saint Épiphanc, qui n’abordent la question qu’en passant et à propos d’autre chose, ne l’ont point aperçue. Saint Irénéc, Cont.har., 1. Ill, xiv, 2, sachant qu'il ne saurait y avoir plusieurs évêques dans la même ville et ne réfléchissant pas au changement de signification des noms, justifie le nom d*évêques appliqué aux anciens d’Éphèse, Act., xx, 28, en supposant que Paul avait convoqué les évêques et les prêtres d’Ephèse cl des autres cités voi­ sines. Par la manière dont saint Épiphanc répond aux objections d'Aérius, Hier., lxxv, 5, il montre également qu’il ne songe pas à la synonymie, recon­ nue, comme il a été dit, par les interprètes anciens aussi bien que par les commentateurs modernes. Mais la synonymie des termes n’entraîne point par elle-même l’identité des fonctions On peut faire trois hypothèses: ou bien les τπίσκοποι-πρεσδύτεροι dc saint Paul étaient tous évêques, ou bien les uns étaient évêques et les autres prêtres, ou bien ils étaient simples prêtres et ne constituaient que le second degré dc la hiérarchie. Petau avait d’abord conjecturé que les personnages qualifiés tantôt dc πρεσυύτεροι tantôt ά'έπίσκοποι — ou du moins la plupart d’entre eux — étaient des évêques. Dans les premiers temps dc l’Églisc, les apôtres auraient conféré le caractère épiscopal ù un grand nombre d’hommes, afin d’avoir en abondance des ministres idoines pour la confirmation des fidèles et l’ordina­ tion des pasteurs. Cela expliquerait la présence dc plusieurs évêques. Dissert, cedes., I, 2, édit. Guérin, t. vm, p. 35. Mais bientôt cette opinion nouvelle ne satisfit pas complètement son auteur qui, sans y renoncer tout à fait, expose aussi l’opinion commune d’après laquelle les anciens convoqués par saint Paul seraient dc simples prêtres. Dc cedesiast. hicrarchia, H, v, 8, ibid., p. 195. C’est même ccttc dernière opinion qui semble avoir désormais scs pré­ férences. De ccd hier , IV, i, 5-6, ibid, p. 331-335. Le changement d’attitude est ù noter. En effet, l’hypothèse imaginée par Petau sous la préoccupation d’une difficulté ù résoudre est peu probable en ellemême et, en tout cas, n’est pas fondée sur les textes. On remarquera que les έπίσκοποι du Nouveau Tes­ 1662 tament n’apparaissent que dans 1« Églises pauliniennes : à Éphèse, Act., xx, 28; I Tim., m, 2, en Crète, Tit , I, 7; à Philippes. Phil., i, L III. Examen de quelques doclmtsts. — Quatre ou cinq textes sont classiques, pour ainsi dire, dans ccttc matière et reviennent constamment dans la discussion II a paru convenable de les étudier une fois pour toutes, avant d'entamer le sujet principal. 1° Doctrine des apôtres : ÉIJvcz-vous donc dn I- xv, I. Χειροτονήσατε oi·/ rt des diacres d'.gne* έαυτοίς έπισκόπους καί δια­ κόνους άξιους τού κυρίου, du Seigneur, de* hommes γύρους καί αληθείς καί δεδοκ ιμασμένους* ύμΤν γάρ ,ειτουργούσι χαΙ αυτοί την λειτουργίαν των προφητών καί δίδασκά)ων. XV, 2. Μή ούν ύπερίδητε αυτούς* αυτοί γάρ εισιν οί τετιμημένοι υμών μετά τών προφητών καί διδασκάλων. doux et désintéressés et véri­ diques et éprouvés; car ils remplissent auprès de vous l’oiDce des prophètes et des docteurs. Ne les mépriser donc pas; car Ils doivent être honorés de vous avec les pro­ phètes et les docteurs. Bien que h controverse au sujet dc la date et du lieu d’origine de la Doctrine ne soit pas encore defi­ nitivement dose, on s’accorde assez généralement a reconnaître qu’elle a été écrite en Palestine ou en Syrie avant la fin du rr siècle. Funk, Bardcnhewer, Zahn, etc. En effet, ce petit livre reste une énigme indéchiffrable si on ne le suppose écrit aux environs de l’an 80 et dans un milieu où l'élément judéochrétien est encore prépondérant. Cc qu’il faut noter surtout et cc qu’on n’a pas assez remarqué jusqu’ici, c’est que la Doctrine n’est ni un rituel, ni un traité élémentaire dc droit canon, ni un exposé de l’orga­ nisation ecclésiastique, c’est un simple manuel d Γ usage des fidèles; elle ne touche aux institutions, aux rites et aux sacrements qu’autant que les laïque* y sont intéressés; elle est un guide pratique, non pas pour l’Églisc enseignante et gouvernante, mais pour l’Églisc enseignée et gouvernée. Tout est subordonne à ce but : morale élémentaire pour les neophytes c. i-v, attitude Λ l’égard de la Loi mosaïque, vi, manière de baptiser, vu, règle à observer j>our le jeûne, vm, formulaire dc prières avant et après l’eucharistie, ix-x, critères pour discerner les vrais apôtres et les vrais prophètes (c’cst-ù-dirc les hommes vraiment doués du charisme d’apostolat et de pro­ phétie) des faux apôtres et des faux prophètes, de­ voirs envers les apôtres dc passage et les prophètes qui sc fixent dans la communauté, xi-xm, réunion dominicale pour la célébration de l'eucharistie, xiv, enfin — et c’est le point qui nous occupe — exhor­ tation À élire des έττ.σχοποι et des diacres, xv. Sous le bénéfice dc la remarque faite ci-dcssus, voyons ce que nous apprend le texte en question. — 1. Les fidèles sont invités Λ sc choisir des hdoxoïcoi et des diacres. D’où il appert que ces dignitaires ne leur sont point imposés par une autorité supérieure, mais qu’ils ont une part active dans leur désignation En eflet. χειροτονεί* dit des supérieurs signifie établir, constituer »; mais dit des inférieurs, comme il l'est ici, il signifie « élire », quel que soit le mode d’élection. Nous avons mi que |çs ipÔtre$ .·' hissé la dési­ gnation des Sept aux membres de l’Églisc de Jeru­ salem et il n’est pas surprenant que cct usage se soit maintenu dans les Églises composées en tout ou en partie de judéo-chrétiens.— 2. Les έπίσχοποι sont-ils ici des évêques ou des prêtres ? L’une et l’autre alter­ native est absolument possible. Cependant, comme les ίπίσχοποι nommés dans le Nouveau Testament sont des dignitaires du second rang et que l’existence de l’épiscopat plural n’est démontrée dans aucune Église, 16»U ÉVÊQL’ES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT Π cM plus probable qu'lî s’agit egalement ici de sim­ ples prêtres, à moins qu'on ne préfère admettre que le mol έπίσχσποι est un terme générique embrassant à Li fois l'évêque et les prêtres: cc qui expliquerait pour­ quoi d est au pluriel ct pourquoi les επίσκοποι cl les diacres forment tonie la hiérarchie. Mais cette der­ nière hypothèse, nous le répétons,est moins vraisem­ blable, parce que l'existence de l’épiscopat sédentaire n'est pas constatée à celle époque en Syrie et en Pa­ lestine, cn dehors d’Antioche ct de Jérusalem. —3. La raison d élire des έπίσκοποι et des diacres est indi­ quée clairement; c’est la célébration de l'eucharistie. L'auteur vient de dire : « Rassembles, le dimanche, rompez le pain et rendez grâces après avoir confessé vos pêches, alla que votre sacrifice soit pur,» xiv, 1; puis, ayant ajouté quelque chose sur la sainteté ct l'universalité de ce sacrifice, il poursuit en ces termes : · Élisez-vous Ad Magnes., vu, 1. Cf. Ad Trail., u, 2; vn, 2; Ad Philad , vu, 2. Cela seul est agréable à Dieu qui est approuvé par l’évêquc, Ad Smyrn., vm, 2, ct quiconque fait quoi que cc soit à l’insu de l’évêquc travaille pour le diable. Ibid., ix, L Pas d’eucharistie sans l’évêque ou sans sa permission ; .on ne peut sans l’évêque ni baptiser ni célébrer l’agapc Ibid., vm, 1-2. En un mot, « le collège prcsbytéral adhère à Γévêque comme les cordes à la lyre, » Ad Eph , ιν, 1, et n’a point par conséquent d’activité indépendante. — 4. L’éoéque résume ct représente la communauté chrétienne, il est le. principe d'unité de C Église. — Ignace reçoit toute l’Eglisc d’Éphêse dans la personne de l’évêque Onésimc, Ad Eph., î, 3, et celle de Magnésie dans la personne de l’évêquc Damas. Ad Magnes, n. • Là où est l’évêque, là doivent cire les fidèles, comme là où est Jésus-Christ là est l’Églisc catholique. » Ad Smyrn., vm, 2. Il faut être « uni à l’évêquc, comme l’Églisc l’est au Christ ct le Christ au Père, afin que règne en tout l’harmonie dans l’unité. » Ad Eph., v, L « Quiconque appartient à Dieu et à Jésus-Christ est avec l’évêquc. » Ad Philad., m, 2. Le mot d’ordre du catholique sera : · Union avec Dieu ct communion avec l’évêquc. » Ad Philad., vm, 1. 4° Le Pasteur d'Hernias. — Les problèmes que soulève ce curieux opuscule sont loin d’etre éclaircis. Est-ce un ouvrage d’un seul jet? Les deux parties principales qu’on y distingue proviennent-elles du même auteur? Cet auteur censé unique était il con­ temporain «le Clement de Home, comme il l’atlinnc en disant qu’il fut chargé de lui remettre un message divin, Vis., II. iv, 3, ct comme l’ont pensé un très grand nombre de savants depuis Origénc et Clément d'Alexandrie? Ou bien serait il le frère du pape Pie Ier (140-155) comme l’atteste le fragment de Muraton, lig. 73-80, auquel se rallient la plupart des critiques de nos jours, Funk, Patres apostoliei, 2* édit., t. î, p. cxxil-cxxxn; Harnack, Die Chrono­ logie der altehristl. Litteratur, l. î, p. 257-267 ; Bardcnhewer, Geschichtc der attkirchl Litteratur, l. î, p. 566571, etc.? Ce qui est certain ct cc qu’il ne faut pas oublier, c’est que, si l’auteur n’est pas contemporain de Clément, il se transporte pur une fiction littéraire au temps de Clement cl qu'ainsi, en toute hypothèse, il reflète l’organisation ecclesiastique de la lin du Ier siècle. Du reste, l’auteur est un laïque ct un inspiré Telle est la distinction essentielle des deux ordres ct la supériorité inaliénable de l’évêque. Saint Chrysostome passe pour réduire au mini­ mum la différence entre l’évêque ct le prêtre ct cette tendance sc constate plus encore chez saint Jérôme. Voyons donc cc qu’ils pensent l’un ct l’autre sur cette question. D’abord saint Chrysostome, à propos de 1 Tim., in, S : Ού πολύ το μέσον αυτών (πρεσβυτέρων] και έπισκόπων. Καί γαρ καί αύτολ διδασκαλίαν εισίν αναδεδεγμένοι καί προστασίαν της έζχ/ησίας, κα\ ά περ\ έπισκόπων είπε ταυτα καί πρεσβυτέροις άρμόττεΓ τή γαρ χειροτονια μόνη ύπερβε βή­ κασι καί τούτο μόνον δοκοϋσι πλεονεκτεί? τους πρεσβυτίρους. La distance entre les prê­ tres ct les évêques n’est pas grande. Les prêtres eux aussi sont chargés de l’instruction et président les assemblées et cc que Paul dit des évêques peut leur être appliqué; ils remportent seulement par le pouvoir de l’ordination et c’est en cela seul qu’ils pa­ raissent supérieurs aux prê­ tres. Qu’on rapproche tant qu’on voudra le prêtre de l’évêque, il y n toujours entre eux une barrière in­ franchissable : l’un n le pouvoir de l’ordre, l’autre ne l’a point. Saint Chrysostome conclut que Timo­ thée était évêque puisqu’il pouvait ordonner des prêtres (à propos de Phil., i, 1); il conclut aussi, avec moins de rigueur, que le collège presbytère! (πρεσβυτέριο?) qui imposa les mains à Timothée était un collège d’évêques parce que des prêtres n’auraient pas eu ce pouvoir (A propos de 1 Tim., rv, 1 I). Cette conclusion n’est pas rigoureuse, parce que Paul était le seul consécratcur, 11 Tim., i, 6, cl que l’imposition des mains du clergé, en union avec l’apôtre, n’était que concomitante et honori tique; mais le principe Invoqué est incontestable. Si l’on excepte Aérius, traité de fou par saint Épiphanc, personne dans l’antiquité n’a soutenu l'égalité des prêtres et des évêques. Les deux textes de saint Jérôme, dont sc réclament volontiers les presbytériens, doivent être examinés Λ part, tant le point de vue est dissemblable. Le premier est tiré de sa lettre A Évangélus. Certains diacres romains, par une fatuité presque inconcevable, sc disaient les égaux des prêtres. C'est la prétention extrava­ gante que combat l'Ambrosiastcr dans les Quæstiones Veteris et Novi Testamenti, q. ci, De jactantia romanorum lenitarum. Saint Jérôme ayant eu connaissance de cc curieux opuscule, soit directement, soit sur le rapport de scs amis, eut l’idée de traiter le meme sujet. Son but manifeste est de rabattre l’orgueil des diacres en re evant le plus possible la dignité des prêtres; de là aussi sa tendance à dissimuler ou A atténuer la distance qui sépare le prêtre de l’évêque: 1G70 Cum apostolus perspicue doceat eosdem esse presbyteros quos episcopos, quid patitur mensarum et viduarum minister ut supra eos se (umidus efferat, ad quorum precesChristlcorpus sanguisque conficitur? (Citation de Phil., i, 1; AcL, xx, 18; TiL, i, 5-7; I Tim., iv, II; 1 PeL, v, 1 ; Il Joa., 1; III Joa , 1 ] Quod autem postea unus electus est qui ceteris prx poneretur, (n schismatis remedium jactum est, ne unusquisque ad se trahens Christi Ecclesiam rumperet... Quid enim jacit excepta ordinatione episcopus quod presbyter non jaciat*... Pres­ byter et episcopus aliud retat is aliud dignitatis est nomen, Eplst., exLvi, ad Evangelism, P. L., t. xxn, coi. 11931194. — L’autre texte est tiré du commentaire sur l’ÉpItrc A Tito, i, 5, P. L·., L xxvi, col. 562-563. Idem est ergo presbyter qui et episcopus et antequam, dtabolt instinctu, studia in religione fierent... communi pres­ byterorum consilio Ecclesiæ gubernabantur. Postquam vero unusquisque eos quos baptizaverat suos putabat esse non Christi, in (olo orbe decretum est ut unus de presbyteris e tectus superponeretur ceteris, ad quem omnis Ecctesix cura pertineret et schismatum semina tollerentur. (On le prouve par Phil., I, 1.)... Philippi una est urbs Macedonix et certe in una civitate plures, ut nuncupantur (variante: ut nunc putantur}, episcopi esse non poterant. Sed quia eosdem episcopos illo tem­ pore quos et presbyteros appellabant, propterea indif­ ferenter de episcopis quasi de presbyteris est locutus... Hæc propterea ut ostenderemus apud veteres eosdem fuisse presbyteros quos et episcopos : paulatim vero, ut dissensionum plantaria evellerentur, ad unum om­ nem sollici ludinem esse delatam. Sicut ergo presby­ teri sciunt se ex Ecclesix consuetudine et qui sibi prxpositus fuerit esse subjectos. Ita episcopi noverint sc magis consuetudine quam dispositionis dominica veritate presbyteris esse majores et In commune debere Ecclesiam regere. On voit que le saint docteur est surtout frappé Ici de h synonymie qu’établit l’a­ pôtre entre les noms de πρεσβύτερος et έπίσκοπος. Ces deux textes appellent quelques remarques. 1. Il est faux d’avancer que saint Jérôme soutient l’égalité des prêtres ct des évêques. Les évêques ont seuls le pouvoir d’ordonner des prêtres (excepta or­ dinatione) ct de les placer selon les besoins dans les villes de leur ressort (episcopi habent constituendi presbyteros per singulas civitates potestatem). Le grand docteur parle bien de l’épiscopat unitaire (in una civitate plures episcopi esse non poterant — ne quls contentiose in una Ecclesia plures episcopos fuisse con­ tendat) cl de l’épiscopat monarchique (ad quem omn/s Ecclesix cura pertineret—ad unum omnem sollicitudi­ nem esse delatam). Ainsi, en droit, l’évêque est supé­ rieur au prêtre par la plénitude de l’ordre; cn fait, par la plénitude de la juridiction. — 2. Saint Jérôme admet comme tout le monde que des évêques ont été institués par les apôtres : Quod fecerunt et apo­ stoli, per singulas provincias presbyteros et episcopos ordinantes. Comment, in Matth.. xxv, 26-28. Voilà pourquoi tous les évêques, directement ou indirecte­ ment, sont successeurs des apôtres (omnes apostolo­ rum successores sunt). In Til., 1. 5. En particulier, Jacques fut établi par les apôtres premier évêque de Jérusalem. De viris ill., 2; de même Clément de Home, ibid., 15, ct Polycarpe, (bid» 17, furent établis évêques par les apôtres; ct saint Jean est représenté au milieu de ses évêques (rogatus a b Asiæ episcopis). Ibid., 9. Nous laissons de côté la Chronique d’Eusèbe traduite par saint Jérôme. — 3. Cependant il y eut un temps où la distinction entre prêtres ct évêques n'existait pas encore. Les mots episcopi cl presbyteri étaient synonymes, comme Ils le sont dans saint Paul cl cn général dans le NouveauJTcstaincnt (quia eosdem episcopos illo tempore quos et presbyteros ap­ pellabant, propterea indifjcrentcr de episcopis quasi de 1671 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT presbyteris est loculus). Tout cela était vrai chez les .anciens (apud veteres eosdem fuisse presbyteros quos et episcopos). Alors aussi les Églises ôtaient gouvernées par un collège de prêtres (commuât presbyterorum consi­ tio Ecclesiae gubernabuntur); c’était le cas pour Éphèsc. Ad., xx, 17, 28, ct pour Philippes, Phil., r, 1, car les episcopi de Philippes étant plus d’un ne pou­ vaient être que des prêtres. — 4. Combien de temps dura cet étal dc choses? Très peu de lemps.ee semble. C’était, dit suint Jerome, avant qu’on commençât à dire : « .Moi, j’appartiens ή Paul; moi j'appartiens A Pierre» » 1 Cor., n, 12, c’est-à-dire tout prés des origines, avant les dissensions qui éclatèrent dès I âge apostolique. S’il en est ainsi, les diverses affir­ mations, contradictoires en apparence, peuvent sc concilier. Les apôtres seraient bien les instituteurs de l épiscopat, mais il y aurait eu auparavant une période plus ou moins longue où les Églises sc seraient gouvernées elles-mêmes sous la direction de leurs fondateurs. L'hypothèse n’a rien d’inadmissible. — 5. Par quelle autorité se fil le changement? C’est ici le point vulnerable du système de saint Jérôme qui semble l'attribuer à la coutume; il est vrai qu’il y met un correctif : Sicut ergo presbyteri sciunt se ex Ecclesiae consuetudine ei qui sibi praepositus fuerit esse subjectos, itu episcopi noverint se mugis consuetu­ dine (pium dispositionis dominicae veritate presbyteris esse majores. Ailleurs, il parle d’élection et de décret (decretum est ut unus de presbyteris electus super­ poneretur ceteris), sans dire qui fit ccttc élection, qui porta ce décret. D’après cela, l’épiscopat serait plutôt (magis) d'origine ecclésiastique.— En résumé, l’exégèse dc saint Jérôme est irréprochable; comme théologien, il sait que les évêques sont supérieurs aux prêtres par le pouvoir dc l’ordre, qu’ils leur sont également supérieurs par la juridiction; mais il n’a pas des idées bien arretées sur l’or glne de cette se­ conde prérogative. Vient-elle d’une disposition de Jésus-Christ» ou d’un décret des apôtres, ou d’une institution ecclésiastique? Voilà ce qu’il ne dit ja­ mais clairement. Cf. *L. Sanders, Etudes sur saint Jérôme, Bruxelles, Paris 1903, p. 296-330. 2° Union intime des ordres du clergé et identifi­ cation dc l'évêque avec Γ Église. — Saint Ignace d’An­ tioche affirme que le collège prcsbytéral adhère à l’évêque « comme les cordes à la lyre. » Ad Eph., iv, 1. Ccttc idée qui revient sous diverses formes dans les écrits des Pères est grosse dc conséquences. Notre formule du clergé serait : l’évêque ct les prêtres et les ministres inférieurs; elle était plutôt pour les anciens : l’évêque avec les prêtres ct les diacres. L’évêque conférait le baptême, consacrait l'eucha­ ristie, célébrait les manages, imposait le voile aux vierges, gérait les fonds dc l’Église, jugeait, con­ damnait ct absolvait, à moins qu'il ne dékguât quelqu’un pour remplir ces divers offices; mais il n'était pas seul dans l’exercice de scs fonctions; il était constamment entouré dc son clergé qui semblait ne faire qu’un avec lui. On sait que dans la célé­ bration ct qu’il faut lire par conséquent διατριβήν ίποιηsiarum suarum; evolvant ordinem episcoporum suo­ σαμην : « Je fis un séjour ». Mais sa correction «m rum, ita per successiones ab initio decurrentem, ut primus ille episcopus aliquem ex apostolis, vel apotexte, contraire à tous les manuscrits, est avec raison repoussée comme arbitraire par les nouveaux éditeurs stolicis viris, qui tamen cum apostolis perseveraverit, habuerit auctorem ct antecessorum. Hoc enim modo de Berlin ct Funk a démontré, Zur Frage nach dem Ecclesia: apostoliae sensus suos deferunt : sicut Smyr­ Papstkatalog Hegesipps, dans Kirschengcsch Abhandlungen, Paderborn, 1897, t. i, p. 381-390, que le texte na orum Ecclesia Polycarpum a Joanne collocatum re­ fert; sicut Romanorum, Clementem a Petro ordinatum d’Hégésippc n’olTrc aucune ambiguïté, car dans ce edit; proinde utique et cetera* exhibent quos ab apostolis même texte Hégésippc emploie διαδέχεσαι au sens de « succéder » et διάδοχη au sens de « succession » in episcopatum constitutos apostolici seminis traduces ou · ordre de succession ». Lightfoot. St. Clement of habeant. Ce texte se passe de commentaire. Rome, Londres, 1890, t. i, p. 327-333. donne de très 2° Existence de listes episcopates remontant jusqu'aux bonnes raisons pour admettre que la liste épiscopale apôtres. — Sans parler de Smyrnc dont le premier dc Rome composée par Hégésippc nous a été trans­ évêque Polycarpe fut — nous le verrons plus loin — mise par saint Épiphanc, Hær., xxvm, 6, quoique établi par saint Jean, nous possédons quatre listes ccttc thèse ne soit peut-être pas prouvée avec une épiscopales complètes pour Rome, Alexandrie. An­ rigueur absolue. Cf. Funk, op. cit., p. 373-381. Mais tioche et Jérusalem. Ces listes sont données par il y a dans le passage d’Hégésippc cité plus haut Eusèbe dans son Histoire et dans sa Chronique, Elles d’autres remarques à faire, llégésippe s’était livré présentent quelque diversité : celles dc Rome et d’A­ à Corinthe A un travail analogue et H avait constaté lexandrie Indiquent : L le numéro d’ordre de chaque que la saine doctrine s’était conservée dans ccttc évêque; 2. le synchronisme de son entree en charge; Eglise jusqu’à l'épiscopat de Primus alors en charge. 3. la durée de son pontificat; celle d’Antioche omet 11 était donc remonte jusqu’aux origines ct l’on voit le dernier renseignement et celle de Jérusalem, les par la manière dont il s'exprime qu’il n’a aucun deux derniers Harnack Die Zeil des Ignatius and 1675 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT 1676 Évarislc; ct Evariste, Alexandre; Xyste fut établi ensuite, le sixième depuis les apôtres, après lui, Télesphore, le glorieux martyr; ensuite, Hygin; ensuite, Pie; après lui, Anicct, nuque! succède Soler; mainte­ nant E leu th ère délient l’héritage de l’épiscopat, au douzième rang depuis les apôtres. » Cette liste appelle quelques réflexions : <ï) Cc n’est pas la seule liste épiscopale que connaisse saint Irénéc, mais c’est la seule qu’il veuille donner Λ cause de la dignité suréminente de l’Égljsc romaine cl parce qu’elle suffît ù son but : montrer la continuité dc la doctrine apostolique.— b) On ne saurait douter de la compé­ tence spéciale de l'auteur. H avait probablement passé par Borne en allant d'Asie en Gaule; en tout cas, il avait visité Home en 177, Eusèbe, IL E.,1 V, iv, 1-2, peu d’années avant d’écrire son grand ou­ vrage (vers 180); il s’intéressait aux choses dc Borne sur lesquelles il a visiblement plus d'informations qu'il n’a l’occasion d’en utiliser. A propos dc la con­ troverse pascale, il énumère « les évêques qui ont gouverné l’Églisc romaine avant Soter, les Anicct, les Pie, les Hygin, les Télesphore, les Xyste, » comme ayant usé dc condescendance ù l’égard des quartodécimans. Eusèbe,//. E., 1. V, xxiv, 14. 11 reproduit sa liste à rebours ct s’arrête à Xyste, parce que scs renseignements, sur cc point particulier, ne vont pas au delà. 2. Église d'Alexandrie. — Les origines en sont fort obscures. La foi dut pénétrer dc bonne heure en Égypte ct en Cyrénaïque, car les gens de ccs contrées affluaient à Jérusalem, AcL» vi, 9; cf. Marc., xv, 21, ct il y en avait notamment le jour dc la Pentecôte. AcL, n, 10. Cc furent des Cyrénéens ct des Cypriotes qui prêchèrent les premiers l'Évangile aux Grecs d’Antioche. AcL, xi, 20. Lucius était dc Cyrène, AcL, xiii, 1, ct Apollos, d'Alexandrie. AcL, xvm, 24. Une tradition (φασίν) rapportée par Eusèbe, //. E., I. II, xvi, 1, attribue à Marc la fondation dc cette Église. Nous supposons, avec la généralité des histo­ riens ct des exégètes, que Marc ou Jean nommé Marc, AcL, xv, 37; cf. xn, 12, 25, cousin de Barnabé, Col., iv, 10, disciple dc Pierre, I Pet., v, 13, ct de Paul, Philcm., 21; II Tim., iv, 11; AcL, xv, 39, auteur du second Évangile, est un seul ct même personnage. 1 a fondation de l’Églisc d’Alexandrie est aussi attribuée à saint Marc par saint Epiphanc, saint Jean Chrysostomc, saint J rôme ct d’autres écrivains grecs, latins ct syriaques. Il est toutefois un peu surprenant que Clément d’Alexandrie ct Origènc, dans les ouvrages parvenus Jusqu’à nous, ne mentiennent pas ccttc tradition. La question de dates ®*t inextricable. D’après Eusèbe, Marc serait arrivé & Alexandrie la première (Chronique, version arménienne) ou la troisième année (Chronique, trad, dc saint Jérôme) de Claude, c'est-à-dire en 41-42 ou 43-44; et il aurait cédé sa place à Anianus la huitième année dc Néron, en 62-63. Au contraire, saint Épiphane et aussi apparemment Eusèbe dans son Hisl· H, XVL L veulent que Marc n’ait gagné l’Égypte qu’après avoir publié son Évangile. Avant Marc était bien jeune ct bien inconnu pour i a\oir été 1 apôtre de 1 Égypte. Entre 45 ct 4/, il cst au service de Paul. Vers 50 ou 51, il accomPa^ne à Chypre Barnabé son cousin. Il est de nouveau avec Paul en 61 ou 62. puis avec Pierre vcrs 05 et Paul lc mande auprès dc lui à la veille sans aucune idée d’élec­ tion préalable. Voir t. iv, col. 2256 sq. 29 La consécration des évêques. — lin est guère douteux que le rite dc consécration des évêques n’ait été toujours ct partout l’imposition des mains. C’était le rite observé, dès les temps apostoliques, pour la création des diacres, Act, vi, 6, ct des prêtres, I Tim., v, 22; on peut conclure par analogie qu’il en était dc même pour les évêques. La cérémonie qui constituait Paul et Barnabe fondât urs d’églises avec pouvoir d’ordonner des prêtres, Act., xiv, 23, fut très probablement, comme le ense saint Jean Chrysostomc, une consécration épiscopale; or elle eut lieu par imposition des mains, avec l’accompa­ gnement ordinaire dc jeûnes ct dc prières. Act., xi», 3. Timothée était certainement évêque, quoi­ qu’il nc fût pas, au moins du vivant dc Paul, évêque sédentaire; et il avait reçu cette dignité par l’impo­ sition des mains de Paul, II Tlm., i, 6, avec l’impo­ sition concomitante des mains du collège presbytéral I Tim., iv, 14. ?\ussi voyons-nous que dans la langue ecclésiastique l’expression < recevoir l’impo­ sition des mains » équivaut à « recevoir la conse­ cration épiscopale >, le contexte montrant qu’il s’agit d’un évêque ct non pas d’un prêtre. Saint Cypricn, écrivant aux évêques espagnols, approuve l’élection dc Sabinus comme conforme aux coutumes de l’Églisc. Epist., lxviii, ad Ilispan., 15, P. L., t. m, col. 1027 : Quod el apud vos factum videmus in Sabinl collega nostri ordinatione, ut de universae fraternitatis suffragio et de episcoporum qui in praesentia conve­ nerant, quique dc eo ad vos litteras fecerant judicio, episcopatus ei deferretur ct .V4.vz;s ei in locum Rasllidis imponeretur. La Didascalie, transerite exacte­ ment en cct endroit par les Constitutions apostoliques, dit du candidat à l’épiscopat : Ita ergo probetur cum manus impositionem accipit at sic ordinetur ad epi­ scopatum (Ούτως γάρ δοχιμαζέσϋω όπότχ /τή^ χ«ροτον(αν > χμόάνων καθίσταται έν τω τόζςο τής ίκισκοπής). Cf. Funk, Didascalia et constitut. apost., II, n, 3, Paderborn, 1905, L n, p. 35. Est-il vrai que la coutume primitive dc l’Églisc d’Alexandrie dérogeât à cette règle? Les paroles sui­ vantes dc saint Jérôme, détachées de leur contexte, pourraient donner cette impression : .\am et Alexan­ drite a Marco evangelista usque ad Heraclam et Dio­ nysium episcopos, presbyteri semper unum ex sc ele­ ctum, in excelsiori gradu collocatum, episcopum nomi­ nabant : quomodo st exercitus imperatorem faciat, aut diaconi eligant dc se quem industrium noverint ct archtdiaconum vacent. Epist., cxlvî, ad Evangelum. 1, P L., t. xxii. coi. 1194, Dans cette lettre à Évangélus, 1685 ÉVÊQUES. 0KIG1NE DE L’ÉPISCOPAT saint Jérôme combat les pretentions ridicules dc quelques «lineres romains qui voulaient s’égaler aux prêt res. Entre autres arguments qu'ils faisaient va­ loir était celui-ci : · A Rome, l’évêque est choisi sur le témoignage des diacres. » Pourquoi m’objecter, répond saint Jérôme, une coutume locale? D’ailleurs, le fait nc prouve rien, car on peut lui opposer l’usage d’Alexandrie où les prêtres non seulement désignent le futur évêque aux électeurs, mais l’élisent euxmêmes ct, qui plus est, le tirent de leur propre col­ lège. 11 est évident qu’il ne s’agit ici que de l’élection ou désignation de l’évêque; ct si saint Jérôme nc parle pas de consécration, c’est qu’il n’avait point à en parler. Quant à la coutume ù laquelle II fait allu­ sion. elle est confirmée par saint Épiphane, J/arr., i.xvm, 1; i.xix, 12, d’après lequel, à la mort dc l’évêque d’Alexandrie, son successeur était élu im­ médiatement, ce , parce qu’il est inouï qu’il y ail jamais eu plus d’un évêque dans une seule cl même Église. Ainsi saint Jean Chrysostomc : • Y avait-il donc plusieurs évêques dans la même ville? Certainement non. Mais Paul appelle ainsi les prêtres. » P. G., t. lxii, col. 183. Saint Jérôme : Philippi urbs est Macedonia' ct certe in una civitate places episcopi esse non poterant. Sed quia eosdem episcopos illo tempore quos et presbyteros appellabant, propterra indifferenter de episcopis quasi de presby­ teris est locutus. Comment, in Tit., i, 5, P. L.. t. xxvi, coi. 563. Inutile de transcrire les textes dc 1’Ambro­ sias! er. de Pélage, de Théodore de Mopsueste et des commentateurs plus récents. La doctrine de I unité de l’épiscopat n’était pus moins fortement ancrée 1686 d. ins les esprits dès le mdicu du ni· siècle. Saint Cypricn conclut que Novathn est nécessairement intrus du fait que Corneille était déjà évêque légi­ time dc Home : Cum post primum secundus esse non possit, quisquis post unum qui solus esse debeat factus est non jam secundus ille sed nullus est. Epist. ad Antonian., δ. /*. l. ni, coi. 773. Quand il reproche Λ quelques confesseurs romains d’avoir, en favorisant l’intrus, violé · l’ordre de l’Églisc, la loi dc ΓÉvan­ gile. la règle dc fol catholique, » Epist., xlvi, ad confessores roman., P. L., t. iv, col. 340, les con­ fesseurs répliquent qu’ils se sont trompés sur une question de personnes, mais qu’ils n’ont jamais mis en doute la question dc principe : Sincera tamen mens nostra semper in Ecclesia fuit nee ignoramus unum Deum esse, et unum Christum esse Dominum quem confessi sumus, unum Spiritum Sanctum, unum episcopum in Ecclesia esse debere. Epist., vi. Cornelii ad Cyprian.. 2, P. L.. t. m, coi. 722. Lc principe était si incontestable que le pape Corneille s’en sert auprès dc Fabien d’Antioche comme d’un argument décisif pour prouver l’intrusion de Novatien : « Cc vengeur dc l’Evangile ne savait donc pas que, dans 1 Église catholique, il nc doit y avoir qu’un seul évêque. > Eusèbe, H. E., 1. VI, xliii, 11. Novatien n’ignorait pas cela, mais, refusant dc reconnaître l’évêque legi­ time, il regardait le siège dc Home comme vacant. On a prétendu qu’Origène s’éloignait sur cc point de l’opinion commune, mais Π suffit dc lire le texte allégué pour voir qu’il n’en est rien ; Per singulas Ecclesias bini sunt episcopi, alius visibilis, alius in­ visibilis... Ego puto inveniri simul posse et angelum ct hominem binos Ecclesier episcopos. In Lmc·, honul. Xlîi, P. G., t. xlîi, coi. 1832. L’ange protecteur des Églises peut être appelé έπ.σχοπο; au sens étymo­ logique dc · surveillant · ct d’ « inspecteur ·; à cc point de vue, ù côte dc Vévéque visible, il y a un évéque invisible; mais, pour Origènc comme pour tout le monde, il n’y a qu’un seul évêque proprement dit. Même enseignement au n* siècle. Saint Irenée, n'ayant pas π-marqué la synonymie primitive des mots έπίσχοπος ct πρβσΰύτιρος, suppose, contre le sens natural du contexte, que les anciens d'Éphese convoques à Milcl par saint Paul el appelés par lui έπίσχοζοι. Act., xx, 17, 28, comprenaient les prêtres et les évêques d’Éphèse et des villes i-otsines, Cont. hire., L IIL xiv, 2 : tant il est loin dc soupçonner qu’une seule ville, par exemple, Éphèse, pût avoir plus d’un évêque. Lc texte suivant, de saint Ignace, exprime avec une énergie singulière la pensée catho­ lique, Ad Philad., iv : Ayczsuinde n’avoir qu’une Στ:ουίίσατ< olv μ-.i tv-χαριστία χρήσΰαι- μία γάρ seule eucharistie : une seule σαρξ του Κυρίου ημών Ι.Χ. chnir de N -S J -C ct un χα\ ίν ^οτηριον <Ιζ ίνωσιν seul calice dc son sang pour τοΟ αίματος αυτού, ΐν Ου- (nous) unlftcr, un seul autel, μιασττ,ριον, ώ; ·<ς Ιπίσχο- comme il n’y a qu’un seul πος άμα τω πρ:σβυτιρ(ω évêque avec le presbytérwt et les (haeres. χαι οιαχόνοις. L'épiscopat unitaire parait au saint martyr si in­ discutable qu’il s’en sert comme tenue de compa­ raison pour recommander Punite d autel cl dc célé­ bration du sacrifice eucharistique. On trouvera un commentaire de cc texte dans une autre lettre d‘ Ignace, Ad Smyrn., x. La coexistence de deux êvê(|ues sur le même siège est. en effet, chose inouïe. Lc cas d’un second can­ didat, dans les élections douteuses ou prétendues telles, n’est pas une exception; car le doute ne confère pas un droit Λ plusieurs prétendants, mais empêche seulement dc reconnaîtra le véritable élu. On n’ob­ jecterait pas avec plus dc raison le cas de l’évêque 1687 ÉVÊQUES. OBIGINE DE L’ÉPISCOPAT 1688 ρισζιχ ήγιισΟω, ή ύπδ Επί­ que ou par celui que l’évêque Auxiliaire. Le premier exemple de cc genre est found σκοπον ούσα ή ω άν αύτδς autorise. par l'histoire du vieil évêque de Jérusalem. Narcisse, h quel, ne pouvant plus suffire aux fonctions de sa ; ίπίτρίψη. Partout où parait l’évê­ 2. "Οπου άν φχνή ό έπίcharge à cause de son grand âge, prit pour coadju­ σκοπος, έκεί τδ πλήθος έστω, que, là doit être In foule (des teur Alexandre de Césarée qui lui succéda dans ώσπερ όπου άν η Χριστός fidèles), comme partout ou l’cpiscopal. Eusèbe, Z/. E., I. Vf, xi, 1-2; S. Jérôme, De viris ill., 62. Eusèbe avertit que cc fut à la suite I ’Ιησούς, έχε: ή καθολική est le Christ Jésus, là est έχκλησια. Ούκ ιξόν έστιν l’Église catholique. Il n’est d’une révélation divine cl saint Jérôme nous apprend χωρίς τού έπισχόπου ούτε pennis, sans l’évêque, ni de que tous les évêques de Palestine, sur les instances βαπτιζειν ούτε αγάπην ποι­ baptiser ni de faire l’agapc. de Narcisse, sanctionnèrent celle mesure. L’exemple εί·/· άλλ' ό άν εκείνος δόκι­ Mais tout ce que l’évêquo fut suivi par d’autres : Thcotccnc de Césarée eut μά ση, τούτο και τώ Θιώ approuve est agréé de Dieu. pour coadjuteur Anatole, Eusèbe, Mid., I. VII, XXX n; ευάρεστο?· M.icairc fut coadjuteur de Maxime de Jérusalem, Sozoménc, n, 20, et saint Augustin de Valère d’IIippone, Possiditis, Vita Augustini, vm; saint Grégoire Le but principal de l’évêque d’Antioche est d’in­ de Nazianze le fut de son père et sans promesse de culquer aux laïques le devoir d'être soumis au clergé succession, Carmen de vita sua, 521-544 ; Oral., vin, ad ct de rester unis avec leur évêque, mais les déclara­ patrem, 5, P G., t. xxxv. col. 848-819, contrairement tions qu’il fait à ce propos vont bien au delà. Il à ce qui sc pratiquait d’ordinaire en pareille occurrence. défend premièrement de · rien faire de cc qui a trait Dans tous ccs cas ct autres semblables il n’y avait à l’Église, » c’est-à-dire de ce qui concerne Je culte qu’un seul évêque véritable : le titulaire deleguant à ou la religion, sans la présence ou la permission de son coadjuteur ct successeur éventuel les pouvoirs qu’il l’évêque. Il affirme ensuite qu’il n'est pas permis de ne jugeait pas à propos de sc réserver. — II arriva baptiser ou de célébrer l’agapc ou l’eucharistie sans aussi quelquefois que, pour mettre fin à un schisme le concours de l’évêque. Cependant l’évêque peut sc invétéré, l’évêque légitime offrit à son compétiteur faire remplacer, notamment pour l’eucharistie, car de partager avec lui les honneurs épiscopaux, Mélècc « cc qui est sanctionné par lui est agréable à Dieu. » d’Antioche fit à Paulin celte proposition qui ne fut Il résulte de là que l'évêque concentre en sa main pas d’ailleurs acceptée. Théodoret, II. E., v, 3. Il tous les pouvoirs, même ceux qui sembleraient re­ était expressément stipulé que le dernier survivant venir de droit aux prêtres ou aux diacres, comme sont l’oblation du sacrifice eucharistique et la colla­ resterait seul évêque, tant on avait conscience que celle mesure était anormale et transitoire. Le con­ tion du baptême. Telle fut, en cfïct, la pratique de cile de Nicée, can. 8. permit aux évêques noval’Église primitive. Dans les cités épiscopales, l’évêque liens qui rentreraient au giron de Γ Église de garder seul baptisait, consacrait l’eucharistie, réconciliait leur siège là où il n’y aurait pas d’évêque catho­ les pécheurs, recevait ct distribuait les aumônes. Le lique; sinon, il appartiendrait à celui-ci ou de les I corps prcsbytéral avait pour mission de l’assister admettre parmi ses prêtres, ou de partager avec eux dans la liturgie, de le conseiller dans les jugements, l’honneur du titre épiscopal (τής τιμής τού όνόματο; de l’aider dans l'administration spirituelle et tem­ αύτδν μετέ/cw) ou de leur procurer une place de porelle. C’est bien l’image d’une monarchie; rien du chorévêque « afin qu’il n’y eût pas deux évêques gouvernement aristocratique. L'autorité du clergé dans la même ville > ("vx μή έν τή πό/ει δύο Ιπΐσκοinférieur était déléguée ct subordonnée, tandis que xot ώσιν). Les évêques catholiques d’Afrique prirent celle de l’évêque était absolue et souveraine. Le à l’égard des donatistes à convertir des dispositions Canon apostolique 39e contient l’injonction suivante, analogues. Là où le dissident converti était seul, il qu’on retrouve équivalemmcnt dans les canons de garderait son siège. Là où il était en présence d’un plusieurs conciles anciens (par exemple, le concile évêque catholique, l’un et l’autre sc démettraient de Laodicée, can. 57, le Ι·Γ concile de Tolède, eau. pour donner lieu à une nouvelle élection, à moins 20, etc.) ; « Que les prêtres et les diacres ne fassent que le peuple ne tolérât leur présence simultanée : rien sans l’aveu (άνευ γνώμης, sine conscientia) de auquel cas ils devaient se prévenir mutuellement l’évêque, car c’est à lui qu’est confié le peuple du d honneurs, comme on en use à l’égard des évêques Seigneur et c’est lui qui aura à rendre compte «les étrangers. Mais la mort de l'un d’eux mettrait fin âmes. » Même pour la collation du baptême, les à cet état violent. textes sont formels : Dandi \baptismum] jus quidem 4· L'épiscopat monarchique. — La question diffère habet sacerdos, qui est episcopus; dehinc presbyteri de h précédente. car l’évêque pourrait être unique et diaconi : non tamen sine episcopi auctoritate, propter sans avoir pour cela pleine autorité dans son diocèse. Ecclesia: honorem, quo salvo salva pax est. Tertulllcn, Cependant du moment que les évêques itinérants De baptismo, 17. Inde venit ut sine jussione episcopi des temps apostoliques étaient les délégués des apôtres neque presbyter neque diaconus jus habeant baptizandi. cl que les premiers évêques sédentaires étaient re­ S. Jérôme, Dial, contra luci/erianos. On savait que le gardes comme les successeurs des apôtres, il est baptême, conféré par un autre (pie l’évêque, était naturel de supposer qu’ils héritaient de l’autorité valide; c’était une question ) τού οέ unes. Dans la suite, il y en χρόνου προύιίνοντος ού eut non seulement dans les κατά πάλι* γινομένων μόνον villes, mais aussi dans 1rs lo­ ά'/λά και κατά τόπον έν ω• calités qui n'en avaient nul besoin. μηόΐ χρεία ην. Nous ne dirons rien*dcjîn première thèse, relative au changement des noms : elle s'appuie sur la syno­ nymie originaire des mots ποεσόύττροι et έπισκοποι et sur cc fait reconnu que, dans ccs temps recules, le titre d’apôtre se prenait quelquefois nu sens large ct n’était pas exclusivement· réservé aux Douze. Mais les autres deductions de Théodore — à savoir que les πρεσούτεροι-έπισκοποι ne désignaient que des prêtres, que les évêques se faisaient d’abord ap­ peler apôtres, qu’ils renoncèrent plus tard à ce titre ambitieux — sont arbitraires et artificielles et il n’est pas probable que l'auteur eût seul là-dessus des données posllixes. La seconde thèse, au contraire, mérite notre attention : les sièges épiscopaux auraient d’abord été très rares — deux ou trois au plus par province — puis, sous l’empire de causes diverses, ils sc seraient multiplies à l'excès; mais l’Occident conserverait encore à la fin du iv· siècle des vestiges de l'organisation primitive. — 1. Rareté originaire des sièges épiscopaux, — Des faits assez nombreux militent en faveur de celte partie de la thèse : a) Il est très probable que les Églises judéochrétiennes n’eurent toutes ensemble qu'un seul évê­ que. Eusèbe le dit assez clairement : L’Église entière des Hébreux convertis leur était confiée [aux évêques de Jerusalem], depuis le temps des apôtres jusqu’au jour où les Juifs s’çtanl de nouveau révoltés furent assiégés une fois encore ct subirent de grandes dé­ faites, » II. E., I. IV. v, 2 (nous pensons que σ^νιστχνα< αύτ^ίς ne peut signifier que · leur fut recommandée, confire ·). Cela nous reporte à la date de 135; ou peut-être — suivant la donnée fournie par saint Épiphane— à l’année LIS, époque ù laquelle les commu­ nautés judêo-chrviiennes sc fondirent dans celles de langue grecque ou se séparèrent définitivement de la grande Église. On s'expliquerait ainsi pourquoi il n’y est Jamais question de l'existence simultanée de plusieurs évêques et pourquoi la Doctrine drs apôtres, destinée à des milieux judéo-chrétiens, en­ gage les membres des Églises particulières à sc choisir des έπισκοποι ct des diacres, xv, 1, entendant par επίσκοποι des dignitaires du second degré ou prêtres, selon une acception alors encore très usitée. — b) Peutêtre l’Église d'Alexandrie fut-elle dans le même cas. Eutycliius, patriarche d’Égypte au x« siècle, assure que «jusqu’à Démétrius( 190-2 12). onzième patriarche d’Alexandrie, il n’y eut pas d'autre évêque dans les 1691 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT provinces d’Égypte. » Dans Le Quien, Oriens Christia­ nus, Paris, 1770, L n, p. 312. La caution est mé­ diocre ct le crédit d’Eutychius très faible. Néanmoins le renseignement ne doit pas être rejeté a priori. En dehors d’Alexandrie ct de scs environs immédiats, la difïusion du christianisme en Égypte ne parait pas avoir été très rapide; peut-être n’y eut-il point durant un siècle et demi d'autre centre chrétien assez impor­ tant pour réclamer la présence d’un évêque. Il est encore possible que l’Église d’Alexandrie sc soit mo­ delée sur celle de Jérusalem. On sait quels rapports étroits unirent constamment ccs deux Églises nées J une ct l’autre au sein du judaïsme. A Alexandrie, douze prêtres, ni plus ni moins, entouraient l’évêque; or c’est le nombre fatidique des prêtres dans les Églises fondées par saint Pierre, suivant un document judéochrétien. Hecognit. element., ni, 66 [Zachèc ordonné évêque de Césaréc en Palestine avec douze prêtres ct quatre diacres]; vr, 15 (Maron ordonné évêque de Tri­ poli avec douze prêtres cl des diacres]. Enfin tous les sieges épiscopaux de Γ Égypte, de la Thébaïde ct de la Syrie relevaient du patriarche d’Alexandrie qui donnait la consécration à tous les évêques de son res­ sort. Ce fait semble Indiquer une dérivation commune. — c) On serait tenté de raisonner de même pour l’Église d’Antioche. Saint Ignace appelle l’Église d’Antioche • l’Église, qui est en Syrie», τής έχχλησίας τής b Συρία. Ad Eph., XXI, 2; Ad Magnes., xiv; Ad Trait., xm, 1. « Souvenez-vous de l'Église qui est en Syrie dont, en mon absence. Dieu est le pasteur. Seul Jésus-Christ la gouvernera ct votre charité. > Ad Kani., ix, 1 : μ6/ος αυτήν I. X. έπισκο-ήσιι. Bien plus il s’appelle lui-même « l’évêque de Syrie », ibid., n, 2 : τόν έπίσχοπον Συρίας. 11 ne s'ensuit pas absolument qu’Ignace fût seul évêque de Syrie, car « l’Église qui est en Sx rie » peut n’ètrc qu’une expression abrégée pour l’Église d’Antioche de Syrie ». Ad Srnyrn., xi, 1, ou · l'Église d'Antioche en Syrie ·. Ad Philad., x, 1; Ad Polyc., vu, 1. et l’évêque de Syrie » peut n’ètrc que l'équivalent de « l’évêque syrien ». D’un autre côté, Ignace écrit aux Philadelphiens que « les Églises \oisines ont envoyé (à Antioche] soit des évêques soit des prêtres et des diacres, » x, 2 : al ίγγιστα ί/.οησίαι ΐπςμψαν ίζισ/.όπους, al & πρίσδυτέρους και € α<4<ους. (.online il s'agit certainement des Églises voisines d'Antioche,— et non des Églises voisines de Philadelphie — il en résulte qu’il existait des sièges épiscopaux dans un rayon relativement restreint. Peut-être pourrait-on tout concilier en entendant par Syrie le district d’Antioche ou Syrie première, c’est-à-dire la vallée de i'Oronte. On sait que le paganisme fut très vivace dans cette région, dont aucun évêché n’est mentionné avant le m· siècle. Voir Le Quien, Oriens Christianas, L n, p. 778-800. — d) Faisant fond sur le témoignage de Théodore de Mopsuestc, Duchesne a soutenu que · dans l’ancienne Gaule celtique, avec scs grandes subdivisions en Belgique. Lyonnaise, Aquitaine et Germanie, une seule Église existait au n* siècle, celle de Lyon, » I'astes épiscopaux d< l'ancienne Gaule, Paris, 1891, t. i, p. 38, que < tous les chrétiens épars depuis le Rhin jusqu'aux Pyrénées ne formaient qu’une seule com­ munauté ct reconnaissaient un chef unique, l'évêque de Lyon. » Ibid., p. 39. La conclusion est celle-ci : • Avant la fin du m· siècle— sauf la région du bas Rhône ct de lu Méditerranée — peu d'évêchés en Goule ct cela seulement dans les villes les plus impor­ tantes. A l'origine, au ι·Γ siècle chrétien pour notre piyi (150-250), une seule Église, celle de Lyon, réunissant dans un même cercle d’action ct de direcI on tous les groupes chrétiens épars dans les diverses provinces dr h Celtique. ■ Ibid., p. 59. Il est certain que le développement de l’organisation épiscopale 1692 fut plus lent dans l'extrême Occident, en Gaule, en Espagne, en Bretagne, qu’en Orient, en Afrique et en Italie; toutefois, quiconque étudiera la critique pénétrante à laquelle Harnack a soumis la thèse de Duchesne, Die Mission und Aushreitung des Christenlums in den ersten drei Jahrhundcrtcn, Leipzig, 1902, p. 323-332, restera convaincu que la thèse est Insuffisamment établie ct que la-plupart des argu­ ments n’ont pas la portée que l’auteur leur attribue. — c) L’exemple classique d’un évêque préposé seul à une immense province est celui de l'évêque de Tonies en Scythie. · Cette contrée, dit Sozomène, vî, 21, renferme un grand nombre de villes, de bourgs ct de villages. Une ancienne coutume maintenue jusqu'à nos jours veut qu’il n'y ait pour ccs Églises qu'un seul évêque. » En plein Xe siècle, Nicétas de Colosses (Chonasj dit qu’à l’époque du concile de Nicéc plusieurs provinces dépendaient d’un seul évê­ que, · comme c’est le cas de nos jours encore, ajoutet-il, pour la Scythie et la Russie. » Thesaur. /id., v, 5. 2. Multiplication des sièges épiscopaux. — Théodore do Mopsueste l’attribue à deux causes : a) au nombre toujours croissant des fidèles ; b) à 1*émulation de ceux à qui ce soin incombait. Le terme employé (υπό φιλοτιμίας) n’implique point par lui-même un motif inavouable, car φιλοτιμία ne signi lie pas seulement « ambition, vainc gloire, rivalité », mais aussi · li­ béralité, muni licence, émulation ■ bonne ou mau­ vaise; et c’est dans le sens favorable que l’entendit le traducteur ancien (postea vero et illis adjecti sunt alii tiberalitate eorurn qui ordinationes /aciebant). 11 vaut mieux laisser au mot son ambiguïté. Théodore semble vouloir dire que les métropolitains multi­ pliaient les évêchés dans leur province respective pour étendre leur influence ct n’être pas au-dessous des autres. D’ailleurs, le motif est secondaire, tandis que le fait allégué est d’une grande importance histo­ rique. Il est incontestable qu'on eut d’abord égard au besoin des fidèles. Dès qu’une chrétienté sc con­ stituait, un évêque en était chargé. On n’attendait même pas toujours que le nombre des chrétiens fût considérable. Il y eut souvent des évêques mission­ naires qui avaient pour mandat de se créer un diocèse en convertissant les païens. Tel, Grégoire le Thau­ maturge qui, au dire de son biographe, saint Grégoire de Nysse, n'aurait trouvé en arrivant à Néo-Césarèe que dix-sept néophytes. Tel, son frère Athenodore ct bien d’autres aussi. On peut suivre la progression de l'épiscopat en Égypte, dans l'Afrique romaine ct en Asie Mineure. — o) SI l’on en croit Eutychius, il n’y aurait eu d’abord qu’un seul évêque en Égypte. Démétrius (189-232) aurait créé trois évêchés nou­ veaux et son successeur Héraclas (2.32-219), vingt autres. Au commencement du iv* siècle, l'évêque schismatique Mélèce plaça des suffragante en plusieurs localités qui n’étaient parfois que d’humbles bour­ gades ct le patriarche d* Alexandrie, Pierre, crut de­ voir de son côté augmenter le nombre de l'épiscopat catholique. Dans un laps de temps de dix ou onze ans (300-311), il ne consacra pas moins de cinquantecinq évêques, Actes publiés par Mai, P.G., t. xvm, I col. 155, ce qui suppose évidemment la création de nouveaux sièges; tandis que les partisans de Mélèce, au moment du concile de Nicéc, étalent encore vingtneuf. Au dire de Pallade, l’ambitieux Théophile avait I établi des évêques jusque dans des villages; ct il se ht accompagner à Consta tinople par trente-cinq de scs créature . Du temps de saint Athanasc, A pol, 1\,P.G„ j t xxv, col. 373, il y avait déjà, dans l’Égypte, la Libye et la Pentapole, près de cent évêques — b) l ne ! progression encore plus extraordinaire s’observe duns l’Afrique romaine. Les chilires précis manquent pour les premiers temps, maison peut admettre que le nombre 1693 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’ÉPISCOPAT 1694 peuvent pas offrir |lr saint sacrifice) dans l'église de des évêques ne dépassait pas soixante-quinze nu com­ la ville, en présence de l’évêque ou des prêtres de la mencement du m· siècle cl atteignait cent cinquante ville, ni distribuer le pain consacré ou le calice; mais, à Li mort de saint Cypricn (257). L'apparition du do­ en leur absence, s’ils sont appelés seuls à la liturgie, natisme accéléra le mouvel enl. Catholiques cl schis­ ils le peuvent. Quant aux chorévêqucs, qui sont figu­ matiques sc renvoyaient le reproche d'établir des évê­ rés par les soixante-dix disciples, ils reçoivent l’hon­ ques duns les moindres localités, même là ou il y avait neur d’offrir |lc saint sacrifice), en tant que parti­ peu ou point de fidèles. Lors de la fameuse conférence cipant à la liturgie, à cause du soin (qu’ils prennent) de 111, S. Augustin, /Peniculus collutionis eum dona· des pauvres. » L’office des chorévêqucs était un poste listis, I. 1 1. édit. Petschenig, Leipzig, 1910, p. 10-18, de dévouement ct, malgré leur humble situation et les donatistes présentèrent deux cent soixante-dixneuf signatures; il est vrai qu’ils avaient fait signer i leur juridiction limitée il était Juste qu’ils fussent placés au-dessus des simples prêtres. Nous les voyons quelques absents cl même un mort. Les catholiques assister aux conciles (à Nêo-Césarée, à Nicéc, à étaient au nombre de deux cent quatre-vingt-six; il Éphèsc) ct en souscrire les actes en leur propre nom y avait cent vingt absents, sans compter quelques avec le titre de leur Église et non pas comme délégués malades présents à Carthage, ct soixante sièges va­ d’un autre évêque. Cependant le rôle des chorévêqucs cants. Cela fait un total d’environ sept cent cinquante. tendait à décliner ct leur existence devint de plus Pour ramener les dissidents, on adopta la méthode en plus précaire. Le synode d’Ancyre (314) leur préconisée à Nicéc, can. 8 : quand un évêque donainterdit d’ordonner des prêtres cl des diacres, can. 13. tislc rentrait dans l’Église avec son troupeau, il Dans son canon 8, le concile de Nicée dispose que, conservait son siège, à condition qu’il n’y eût pas là où se trouve un évêque catholique, l'évêque no­ d'évêque catholique dans le meme endroit. De ce vation converti prendra rang parmi les prêtres, à fait, l’épiscopal catholique put s’augmenter de quel­ moins que l'évêque ne veuille lui maintenir le nom ques membres. En 182, sous Hun éric. quatre cent ct les honneurs épiscopaux; sinon l’évêque catho­ soixante-six évêques (quatre cent cinquante-trois, lique lui procurera ailleurs u ic place de diorévêque en défalquant cinq évêques de Tripolitaine ct huit ou de prêtre, afin qu’il n’y ait pas deux évêques dans de Sardaigne) lurent représentés à Cartilage pour un la même ville. Les chorévêqucs sont donc encore pays comprenant seulement la Tunisie, l’Algérie ct distincts des prêtres; le concile d'Antioche leur per­ le Maroc actuels. Victor de Vite, édit, de Vienne, met de donner des lettres canoniques (dimissoriaies) 1881. — c) L’Asie Mineure fut toujours la terre aux ecclésiastiques qui désirent changer de diocèse, classique de l’épiscopat. Harnack évalue à quatre pouvoir que n’ont pas les prêtres, can. 8; il les autorise cents le n mbre des évêques de cette région avant aussi à ordonner des lecteurs, des sous-diacres et des le concile de Nicéc. Die Mission und Ausbreilung exorcistes, mais leur défend « d’oser ordonner un des Christentums, etc., p. 408, note. Il croit que ce prêtre ou un diacre sans l’évêque de la ville dont nombre n'augmenta plus guère, car il y eut plus tard ils dépendent eux ct leur region, · can. 10. D’après une tendance à supprimer les chorévêqucs et les le même canon, c’est l’évêque de la ville qui consacre sièges peu impo lants. D’une manière générale, il le diorévêque, tandis que trois évêques étalent requis a raison. Cependant nous voyons saint Basile créer de droit — mais non pas sous peine du nullité — pour un certain nombre de su lira gants pour contrebalancer la consécration des évêques proprement dits. Nous l’inlhiencc d’Anlhime de l’yane qui, lorsque la Cap­ voyons encore des chorévêqucs assister au concile de padoce eut été divisée en deux provinces ecclésias­ Chnlcédolne (451), mais seulement en qualité do dé­ tiques, s’arrogeait le titre de métropolitain, réservé lègues d’autres évêques. C’est une déchéance. Depuis de temps immémorial Λ l’évêque de Césaréc. Ce fait le concile de Laodicée(360), leur existence même était montre avec quelle facilité on fondait un nouveau menacée, can. 57 : · Il ne faut pas établir d'évêques, siège épiscopal. Trois conditions suffisaient : le désir mais des visiteurs (πίριοδτυταί) dans les villages et ou l’assentiment de la population, l’agrément de dans les campagnes (cv τχις χώραις); quant à ceux qui l’évêque sur le territoire duquel sc formait le nouveau sont déjà établis, qu’ils ne fassent rien sans l’aveu do diocèse, le consentement métropolitain. C'est l’évêque de la ville (dont ils dépendent). · A partir ainsi qu’Augustin divisa son diocèse ct établit un de cette époque, sc manifeste la tendance de réduire évêque à Fussala qu’il trouvait trop distant d’Hiple nombre excessif des sièges épiscopaux plutôt que ponc. de les augmenter encore. Le concile de Sardiquc, 6° La question des chorévêqucs. — Celle question, can. 7, donne la raison de cette mesure : · Il ne faut qui semblerait tomber hors du cadre des origines, pas établir d’évêque dans un village ou une petite touche incidemment notre sujet en tant qu’elle con­ cerne la diffusion de l’épiscopat. Les chorévêqucs ville, là où un seul prêtre suffit... afin de ne pas avilir n'elaicnt pas de simples prêtres de campagne, le nom ct l’autorité de l’évêque. > comme le prétendent, avec les presbytériens, certains VU. Systèmes modeunks sur l’origixe de théologiens catholiques, tels que Graticn ct Estius; l’êpiscopat. — Nous ne pouvons nous occuper ici que c elaient de vrais évêques, mais des évêques ruraux des chefs d’école. Sur les auteurs de moindre impor­ (τής χωράς έπίσχοποι), qui dépendaient de l’évêque tance on trouvera des renseignements chez St. von de la cité voisine et dont la juridiction était limitée. Dunin-Borkowskl, Die neucren Forschungen iiber die An/ungc des Fpiskopats, Fribourg-en-Brisgau, 1900 Saint Athanasc semble distinguer clairement les chorévêqucs des simples prêtres lorsqu'il dit que le (supplément n 77 aux Siimmen nus Maria·Laach). pays nommé Mareotis dépend du siège d’Alexandrie 1° identité originaire des èoêques et des prêtres.— Dans ce système, qui comprend un grand nombre ct qu’il n'y a dans celte contrée ni évêque ni diorévêque, mais que les prêtres gouvernent chacun de subdivisions, on admet l’identité absolue, de nom ct de fait, entre les prêtres ct les évêques à l’origine; l’un des principaux villages au no bre de dix ou davantage Apol., 85, /*. G., t. xxv, col. 399. Le texte et il s’agit alors d'expliquer pourquoi ct comment révêque est devenu supérieur nu prêtre, de manière cependant n’est pas tout à fait décisif, car les chorevêques pourraient n’ètrc que des prêtres résidants à constituer la hierarchic ecclésiastique. — 1. Expli­ par opposition aux prêtres d'Alexandra chargés du cation de Ikuir. — Au commencement, l’Église se soin de ces bourgs. La distinction est plus apparente composait de petites communautés autonomes dont dans le canon 13 du synode de Néo-Ccsarée (315) : le personnage le plus considérable, par une sorte « Les prêtres de campagne (έζιχώριοι πρισόύτιροι) ne d'accord spontané et tacite, était naturellement le 1695 évêques, origine de l’épiscopat liioe chef. Cc personnage, autour duquel sc groupaient les pot) devait nécessairement avoir un président, soit membres de la famille, les esclaves ct les clients, à vie soit à tour de rôle : ce fut le germe de l'épis­ ainsi que les individus isoles admis à participer aux copat. Il suffisait de consolider et de rendre uniforme réunions familiales, présidait au culte ct veillait au cet office; ct pour cela l’intervention des apôtres bon ordre. C’était le πρισόύτιρος ou έπίσκοζο; pri­ n’était pas requise. ■ Le besoin pressant ct l'utilité évidente de celte charge, qui pouvait s'autoriser mitif, supérieur d’une Église privée (έχκζησια κατ’ οίκον). Quand ccs petites sociétés religieuses arri­ du nom le plus vénérable de la chrétienté, pouvaient en assurer la diffusion graduelle, · p. 207. L'épisvèrent à fusionner, elles eurent ainsi à leur tête un copat naquit spontanément lorsque la chrétienté ne collège de ζριουύτκροι ou έπισχοποι. Cette pluralité ne put plus s’en passer; c’est le principe évolutionniste : pouvait pas durer longtemps : le plus habile ou le je besoin crée l'organe. Lightfoot ne nie pas d’ailleurs plus influent finit par s'imposer aux autres ct ce que les apôtres, en particulier saint Jean, n’aient fut l’origine de l'épiscopat. Ùeber tien Ursprung des contribué à celte évolution. Episkopats, Tubingue, 1838. L'arbitraire de cette 2° La hiérarchie issue d'une fusion entre des élé­ théorie saute aux yeux; ct, comme elle n’est pins sou­ ments disparates. — Ce système, qui a eu pendant tenue par personne, il semble inutile de la réfuter. quelque temps assez de vogue, revêt aussi plusieurs — 2. Explication de liothe, Die An/ange der christl. formes. — 1. Théorie de Hatch, The organization of Kirche und Hirer Ver/assung, 1837.— Jusqu’en 70, the early Christian Churches [Hampton Lectures de * il n'y avait pus d’Églisc chrétienne, il n’y avait 1880], Londres, 1881. D’après Hatch, les πρισούτιροι que des groupes isolés de chrétiens, · p. 310. Cepen­ des Églises chrétiennes furent créés à l’image ct dant tout était prêt alors pour l’apparition de l’Église ressemblance des anciens dans les communautés ct tout la faisait présager : le besoin d’unir 1rs deux juives. Or ccs derniers n’étaient pas des officiers de principales fractions du christianisme, les Juifs ct la synagogue, mais du sanhédrin ou tribunal local les Gentils ; la naissance des hérésies, contre lesquelles qui existait parallèlement à la synagogue. Ibid., p. 8. il fallait sc prémunir cl sc défendre; la destruction Ils étalent chargés de la discipline ct de la police de Jérusalem, qui avait servi jusque-là de centre cl réglaient les différends entre membres de la à la religion nouvelle, centre auquel il était désormais communauté. Ε'έπίσκοπος» lui, était le trésorier des nécessaire de substituer un autre principe d’unité; associations païennes, thiases, éranes, collèges funé­ la mort des principaux apôtres, Jacques, Pierre, raires; comme ces petites associations étaient uni­ Paul, qui formaient un lien vivant entre les commu­ quement ou principalement des sociétés de secours nautés chrétiennes. Rothe suppose que dans ccs con­ mutuel, on comprend quelle était l’importance de jonctures urgentes les apôtres encore en vie, Jean, celui qui en recueillait et en administrait les fonds. Philippe ct peut-être André, s’assemblèrent à Jéru­ De même, dans les Églises primitives constituées à salem ct y décrétèrent la création de l’épiscopat. Les preuves qu’il en donne sont extrêmement faibles, l'imitation des sociétés païennes, Γέπίσκοπος, aidé pour ne pas dire nu lies. a) C’est d’abord le texte des diacres, s'occupait des finances. Peu à peu les d'Eusébe, H. E., 1. 111, 11, qui raconte, vraisembla­ πριβύύτιροι sc donnèrent un président ct souvent blement sur la foi d'Hcgcsippc, qu'après la chute leur choix tomba sur le personnage influent qui gérait la caisse de la communauté. Ainsi se fit la de Jérusalem les apôtres survivants sc réunirent là fusion des deux éléments disparates, fusion que les pour choisir un successeur à Jacques; mais, sans parler de l'anachronisme commis par Eusèbe — controverses du h® siècle (levaient accélérer et gé­ néraliser. On n’a pas eu de peine à renverser celte puisque Jacques souffrit le martyre en 62 ou 63 — je but de la réunion est un objet particulier et non la construction de pure fantaisie. Plusieurs ont fait remarquer combien il était arbitraire d’assimiler les fondation de l'épiscopat, censé existant dans la per­ communautés chrétiennes aux associations religieuses sonne de Jacques.— b) C’est un des fragments apo­ du paganisme. Mais il n’est pas besoin de cela. Il cryphes publiés par Pfalï sous le nom de saint Irenée, est prouvé maintenant que Γέπίσκοπος n’a aucune fragment qui d’ailleurs ne concerne en rien la fon­ relation ni avec ces associations ni surtout avec la dation de l’épiscopat. — c) C'est le passage connu gestion des finances. Waddington, Inscriptions de où saint Clément Romain, I Cor,, xui, 1; xuv, 2, Syrie, n. 1890, assimilait les έπίσχοποι aux agoradit que les apôtres établirent des έπίσκοποι ct des nomes (fonctionnaires chargés de surveiller les mar­ diacres, mais sans spécifier ni le temps ni le lieu.— d) C'est enfin un texte de la Prœdicatio Pauli cité chés); C. Fossey, Dédicace de Et-Thirdj, dans le Bul­ dans le traite De baptismo hærcticoruin qu'on trouve letin de corrtsp, hellénique, 1895. t. xix, p. 306, parmi les ouvres de saint Cyprion ct qui mentionne combat cette assimilation en remarquant que, dans simplement une rencontre à Home de saint Pierre les inscriptions syriennes où le mot parait le plus ct de saint Paul. Sur ces bases fragiles, Rothe appuie fréquemment, il est employé seulement dans des textes sa conclusion : · Nous avons démontré (pie la fon­ relatifs à la construction de monuments ct qu'une dation de l’épiscopal tombe au temps même ou nous fois même on lit ιπίσκοπος ϊργων (inspecteur des devons placer l’apparition de l’Église, c’csl-â-dirc travaux). Hatch a reconnu depuis, Expositor, 1887, peu après l’an 70. » Ibid-, p. 397. — 3. Explication 3· série, t. v, p. 99, qu’il n’y a point à insister sur de Lightfoot, The chnslian ministry, dans le commen­ le rôle financier des Ιπίσκοποι. Mais alors tout son taire sur l’Épilre aux Philippiens, p. 181-269. — système croule par la base. — 2. Théorie de Harnack. Sans adopter l’hypothèse de Rothe sur l’apparition — Dans la traduction allemande de l’ouvrage de soudaine de l’épiscopal ct le coup de théâtre produit Hatch, Die Gcscllschaftsuerfassuny der christl. Kir­ par le prétendu decret apostolique de l’an 70, Light­ chen im Alterthum, Giessen. 1883, Harnack adoptait foot accorde que l’épiscopat a dû, sinon surgir, au en général les vues de son devancier; mais depuis moins · sc développer principalement dans la période il les a tellement modifiées ou mêlées ù tant d’élé­ ments hétérogènes que l’exposition en est à peu près obscure qui comprend les trente dernières années du 1·* siècle, » p. 205-206. Ce qui y contribua surtout, impossible. Autrefois Harnack identifiait Ι'ίπίσζοπος comme le veut Rothe, cc furent les dissensions entre cl le πρίσόύτιρας. Maintenant il les distingue Λ la manière de Hatch, dont le mérite principal, selon les Juifs et les païens convertis, ainsi que les disputes lui, est d’avoir établi · que la constitution ecclésias­ *nulevccs par les gnostiques. Grâce à son ascendant tique plus lard en usage fut un amalgame de deux personnel, Jacques s'était acquis à Jérusalem une organisations différentes : » les épiscopes et les situation spéciale. Tout collège d'anciens (zstcÔ>n- 1697 ÉVÊQUES. 0KJG1NE DE L’ÉPISCOPAT diacres d’un côté, les presbyties de l’autre. Analrctcn ' i\ la traduction de J latch, p. 229. Le presbytre n’était responsable que du bon ordre; il n'avait rien à voir dans le culte. C’était l’épiscope qui. assisté du diacre, cumulait la gestion des biens temporels et les fonctions cultuelles. 11 existait parallèlement une triple organisation : organisation patriarcale, dé­ volue â un sénat d'anciens (πρισδύτιροι) que dési­ gnait naturellement la supériorité d’âge, de talents, de fortune, d’inlluencc, de. services rendus; organisation administrative ct cultuelle, représentée par les episcopes ct les diacres auxquels incombaient, entre autres fonctions, la gestion des finances ct la célé­ bration de In liturgie; organisation charismatique (apôtres, prophètes, docteurs), chargée seule du mi­ nistère de la parole. La disparition graduelle des charismes laissa en présence les deux premières orga­ nisations, qui fusionnèrent sous l’empire des circon- , stances. Dans la revue The expositor, 3· série, t. v el vi, un débat un peu confus s’engagea en 1887 sur les théories de Hatch ct de Harnack, débat auquel prirent part, outre Harnack lui-même, Sanday, Ben­ del Harris, Macpherson, Gore, Salmon, Simcox, Milligan. Ce débat ne fut pas conduit avec assez de méthode pour donner des résultats nets, les auteurs paraissant plus préoccupés d’exposer leurs idées que de les établir par des faits ct des textes. — 3. Théorie de J. Réville, Les origines de l'épiscopal, Paris, 1891. — D’après J. Kéville, · Jésus n’a fondé aucune institution ecclésiastique ct scs apôtres pas plus que lui. » Λ Jérusalem, on observa le principe légitimiste du gouvernement de l’Église par les parents du Messie; dans les autres chrétientés, « l'organisme ecclésiastique sc constitua lentement, d’une façon spontanée, sans copier tel ou tel type déterminé anté­ rieur, pas plus celui de la synagogue juive que ceux des associations religieuses privées ou publiques de la société gréco-romaine, mais en sc conformant aux conditions générales qui régissaient l’existence de tous les collèges religieux de l’époque, » p. 521. 11 faut distinguer d’abord les fonctions spirituelles ou religieuses et les fonctions administratives. « Les premières furent d’abord exercées à peu près exclu­ sivement par des fidèles en possession d’un charisme ou don naturel de prophétie, d’enseignement ou d’édillcation. Dans la communauté primitive, souve­ raine, entièrement démocratique, le peuple chrétien est le seul juge des enseignements que l’esprit de Dieu inspire ù quelques-uns des disciples du Christ, > p. 522. Cepe dant. à côté d’eux, il s’établit dans chaque église un groupe de fidèles · plus zélés que les autres, prenant plus â cœur les afTa rcs de la communauté... Cc sont les presbytres, c’est-â-dire les notables spirituels, les chrétiens de vieille roche » qui « ne tardent pas Λ sc const tuer en un corps fermé, un conseil d’église ou conseil pre^by terni... Comme leurs fonctions les portent Λ catéchiser les fidèles, ils tendent de plus en plus à accaparer A leur profit l’instruction et l’édification, nu détriment des charismatiques ou inspirés, prophètes et didaskatot, qui sont considérés comme un élément de désordre, » p. 252-253. Après avoir évincé les charismatiques, les presbytres sont supplantés ù leur tour par les episcopes. « Les fonctions épiscopales ont été..., dès le début, distinctes des fonctions pres by té raies, quoi­ qu’elles aient été souvent, peut-être le plus souvent, exercées par «les presbytres. Les épiscopcs, dont les diacres sont les assistants et en quelque sorte les agents, ont été d’abord les administrateurs financiers, les intendants de la communauté, chargés du con­ trôle des services et de l’exécution des délibérations prises par la communauté souveraine, soit directe­ ment soit bientôt sur la proposition du conseil prvsDICT. ÜE Tlli.OL. CATÏIOL. 1698 bytéral quand celui-ci était constitue en conseil direc­ teur de l’association, · p. 523. Kéville n’explique pas comment l’épiscopat, presque partout plural ù l’origine, est devenu partout unitaire; mais il trouve naturel que l’épiscope unique, comme chef du pouvoir exécutif, ait fini par absorber tous les pouvoirs. Nous reconnaissons le système de Hatchllamack amalgamé avec celui dont il reste à parler. 3® Régime essentiellement démocratique de la pri­ mitive Église. — L Les idées de Renan. — · L’histoire de la hiérarchie ecclésiastique est l’histoire d’une triple abdication, la communauté des fidèles remet­ tant d’abord tous scs pouvoirs entre les mains des anciens ou presbyteri, le corps presbytéral arrivant à sc résumer en un seul personnage qui est X'episcopus, puis les episcopi de l’Église latine arrivant à s’annuler devant l’un d’entre eux qui est le pape... La création de l’épiscopat est l’œuvre du n* siècle. L’absorption de l’Église par les presbyteri est un fait accompli avant la fin du premier. » Les Évangiles, Paris, 1877, p. 332. «Il est arrivé dans l’Église chrétienne cc qui arriverait dans un club où les assistants abdiqueraient entre les mains du bureau, ct où le bureau abdique­ rait à son tour entre les mains du président, si bien qu’après cela les assistants ni même les anciens n’au­ raient nulle voix délibérative, nulle influence, nu! contrôle sur le maniement des fonds... Les presbyteri (anciens) ou episcopi (officiers, surveillants) devin­ rent très vite les uniques représentants de ΓÉglise, et, presque immédiatement après, une autre révo­ lution plus importante encore s’opéra. Entre les presbyteri ou tpiscopi, il y en eut un qui. par l’habi­ tude de s’asseoir sur le premier siège, absorba les pouvoirs des autres ct devint Vepiscopos ou le pres­ byteros par excellence. » L'Église chrétienne, Paris, 1879, p. 88. On chercherait en vain dans Renan la preuv de ccs assertions étranges que l’auteur ne prend même pas la peine de concilier. En réalité, il ne sc préoccupe que de revêtir d’une forme piquante les Idées en cours de l’autre côté du Rhin; il s’amuse en amusant le lecteur. — 2. Les exégètes de l'école de Tubingue. — Nous réunissons sous cc titre un groupe d’écrivains dont les théories sur l’origine de l’épiscopat et de la hiérarchie diderent peu ou du n.oins ont de nombreux traits de ressemblance. Cc sont Weizsâcker, Holst n, Holtzmann, Pflcidcrcr ct dans une certaine mesure Hcinrid. Le mot d’ordre de cette école est : « Autonomie ct indépendance (SelbstrcgieningX des Églises primitives. » L’ensei­ gnement était donné par les possesseurs de charismes, mais la communauté s’administrait cMe-mcmc par le moyen de delègues nommés par elle et dépendant d’elle. Les champions de cc système s’accordent à peu près sur quatre points : a) Ne reconnaître comme authentiques que les grandes lettres de Paul; rejeter la composition des Actes et des Pastorales ù une époque beaucoup plus récente, lorsque la hiéra hic commençait ù s’organiser. — b) Chercher exclusive­ ment dans les grandes lettres de saint Paul la consti­ tution des Églises primitives et. poussant â l’extrême l’argument du Ulcnce, regarder comme non existant cc qu’on ne trouve pas marqué dans ces Épltres. — c) Amplifier les cas où l’Église est appelée â inter­ venir, par exemple, pour la collecte en faveur do Jérusalem, H Cor., vin, 18, ou pour le châtiment de l’incestueux de Corinthe, I Cor., v. 1-5, passer sous silence ou réduire A rien les cas p us nombreux où l’apôtre fait valoir son autorité souveraine. I Cor., vu, 17; H Cor., x-xm presque en entier. — d) Géné­ raliser le cas des Corinthiens, en oubliant qu’il s’agit d’une chrétienté fondée depuis deux ou trois ans seu­ lement, en laissant entendre que cet état d organisa­ tion embryonnaire s’est perpétué longtemps dans les V —51 1699 ÉVÊQUES. ORIGINE DE L’EPISCOPAT 1700 primitive des Eglises. — On peut distinguer avec Églises et en opposant une lin de non-recevoir aux plus ou moins d’évidence plusieurs types caractétémoignages les plus décisifs qui prouvent le contraire. ristiques. l’Églisc de Jérusalem, i’Égllse d'Alexandrie, Ces procédés, en contradiction avec les règles les plus les Eglises fondées par saint Paul, les Églises gouélémentaires de la méthode historique, ne sc ren­ vernées par saint Jean. Deux causes contribuèrent contrent que dans l’étude du Nouveau Testament·— A atténuer les différences pour aboutir enfin A l’uni­ 3. Système de Sohm, Kirchenrccht, Leipzig. 1892. — Sohm est encore plus radical. La première et la der­ formité presque complète : la mort des apôtres et la prompte disparition des dons charismatiques. Ce nière proposition dc son livre est celle-ci : « L’essence travail d’assimilation fut relativement très rapide; du droit ecclésiastique est en contradiction avec il est très avancé vers la fin du i·' siècle; il sc pour­ l’essence dc l’Églisc, · p. 1, 700. Pourquoi? Parce suit au ne; il s’achève, ou peu s’en faut, au m·. que · l’Églisc n’est pas susceptible d'une organisation 3° L*épiscopal est d'origine apostolique. — Nous juridique, > p. 22. Pourquoi encore? Parce que Γ Église avons pesé les témoignages formels de saint Clément est spirituelle et le droit d’ordre temporel; parce que dc Home, dc saint Irénéc, de Clément d’Alexandrie, l’Églisc est le royaume dc Dieu et le corps du Christ dc Tcrtullicn, pour ne pas citer les auteurs plus et qu’il est impossible d’admettre que le royaume dc Dieu, le corps du Christ, soit régi par un gouverne­ récents. Ces témoins, par leur lieu de naissance et leur champ d’apostolat, représentent l’Églisc entière. ment humain, visible, terrestre. Durant 700 pages, La plupart ont beaucoup voyagé et tous se distinguent Sohm ne sort pas dc cc paralogisme : l’Églisc est par leur connaissance des antiquités chrétiennes; un être spirituel, donc elle ne peut avoir aucun rapport avec les choses dc cc monde. Autant vau­ saint Irénée a vécu avec les disciples des apôtres; saint Clément a connu les apôtres eux-mêmes : la drait dire que le sacrement n’a pas dc réalité surna­ qualité des témoins ne laisse donc rien à désirer. turelle parce qu’il est un signe sensible, ou que Λ leur défaut, nous aurions les listes épiscopales l’homme n’est pas un corps parce qu’il est un esprit. D’après Sohm, l’Églisc ne peut avoir qu’une orga­ remontant jusqu’aux apôtres et recueillies par Eusèbe. A supposer — cc qui n’est pas prouvé — qu’Eusèbe nisation toute spirituelle, celle des charismes. Les ait emprunté ces listes ù Jules Africain, elles con­ possesseurs de diarismes (apôtres, prophètes, docteurs) servent tous les caractères de crédibilité; car lors­ parient et enseignent au nom dc Dieu, mais ils n’ont qu’il rédigeait sa Chronologie, en 222, Jules Africain pas le droit dc légiférer. Le fidèle les reconnaît avait A sa disposition des sources plus anciennes. librement et, librement, leur obéit. Les désordres qui Saint Hégésippc, saint Irénéc, Théophile d’Antioche sc produisirent çA et IA changèrent peu A peu cct aussi très probablement, avaient dressé des listes étal dc choses. Ce fut la lettre de saint Clément aux semblables dont Eusèbe a pu faire usage pour con­ Corinthiens qui introduisit A Borne l’épiscopat uni­ trôler les siennes et celles dc son garant. Quelques taire, p. 167; dc Home, l’épiscopat sc propagea par­ différences de chiffres n’infirment en rien la valeur tout à la ronde, p. 179-190. Avec l’épiscopat, naquit dc ces documents qui sont parfaitement d’accord la communauté (die Gemcinde), p. 195, et périt l’Églisc du Christ osition â la d’information, les histoires de I’Égllse primitive, les ouvra­ masse des simples fidèles. Ils portent divers titres ges sur les origines et les antiquités chrétiennes, les commen­ jusqu’au jour où l’usage différencie les noms et leur taires du Nouveau Testament et des plus anciens monu­ ments dc la littérature ecclésiastique, tes traités de théologie attache un sens technique. Ils peuvent s’appeler sur ΓÉglise et sur 1e sacrement de l’ordre, les encyclopé­ présidents (πραίστάμ-Γ/οι, 1 Thés., v, 12; Horn., xn, 8), dies bibliques et théologiques. Nous nous bornons A énu­ ou directeurs (ήγούμινω, Heb.» xm, 7, 14 21; cf. Act., xv, 22), plus souvent anciens, selon la termi­ mérer Ici les monographies relatives A notre sujet, sans tenir compte des études sur appliqué à Cabriércs, Paris, 1899, l i, p. 1-18; Dunln-Borkowski (von). l’Églisc particulière qu’ils gouvernent; suffraganti, Die ncueren l'arschungen U ber die An/ange des Epixkopats c. 3, tiL v, I. I, par rapport aux archevêques métro­ (Erganzungshc/tc xu den Slimmen aus Marla-lMach, n. 77), politains desquels les simples évêques dépendent dans Fribourg-cn-Brisgnn, 1900; Mcthodologische Vorfragen sur certains cas spécifiés par le droit, etc. Cf. Mamachi, urchristl Ver/assungsgcschichte, dans Zeitschrift fur kathol. De originibus et antiquitatibus Christianis, 1. IV, parL I, Théologie, 1901, t. xxvill, p. 217-219; 1905, t. XXIX, p 2852; En non!, Ixs origines de Γépiscopat, Paris, 1903; Gcnouilc. iv; Ferraris, Hibliotheca canonica, Rome, 1759, lac (, je sur­ veille), Inspecteur, surintendant, par excellence, du peuple qu’il est chargé dc gouverner ct dc défendre. thèse en question : la Juridiction épiscopale, considérée en elle-même cl en général, n été instituée immédiate­ ment par le Christ, en sorte que le pouvoir des évê­ ques revêt un caractère qui n'est pas purement tem­ porel, mais spirituel ct divin; cf. MatUi., xxvm, 19; Marc., xvi, 15; toutefois, si cette juridiction est cxitminée d’une manière concrète, par rapport à tels 1703 ÉVÊQUES. QUESTIONS THÉOLOGIQUES ET CANONIQUES 1704 copal, quoiqu’ils jouissent, au for externe, d’une juri­ sujets ct à tel diocèse, clic émane immédiatement du pontife romain, comme vicaire du Christ et pasteur diction quasi épiscopale, exercée non à titre vicarial, suprême de l’Égiise universelle, ainsi qu’il appert des mais à titre ordinaire et en leur propre nom. can Qui se scit, Decreto, Mullum, q. vr, et Sacrosancta, Le terme patriarche signifie « prince des pères », disL XXIL Cf. Pirhing, Jus canonicum, Dilingcn, ct, en ce sens, les primats et les archevêques peuvent 1722, I. I, tit. xxxi, n. 39 sq. D’ailleurs, cette discus­ être dits patriarches, ct, en réalité, on les voit plus sion n’a pas toute l’importance qu’elle parait tenir. Car d'une fois désignés sous ce nom dans les documents si les uns prétendent que l'autorité des évêques des­ anciens. Cf. Sebastianelli, De personis, Rome, 1896, cend immédiatement de Dieu, ils ne nient pas qu’elle p. 125. Cependant le nom de patriarche a été depuis soit limitée cl dépendante de l’auto:ité du souverain longtemps réservé aux évêques qui occupent les sièges pontife; ct si les autres soutiennent que la juridiction fondés par l'apôtre Pierre, auxquels sont attachés cer­ épiscopale dérive immédiatement du souverain pon­ tains honneurs et certains droits spéciaux vis-à-vis de tous les autres sièges épiscopaux, même primatiaux ct tife, ils accordent pleinement qu'elle s'appuie sur le droit divin ct qu'elle reste une juridiction ordinaire métropolitains. Plus tard, la dignité de patriarche fut que les évêques exercent en leur propre nom. étendue,avec les mêmes privilèges, à d'autres sièges, On doit, en effet, reconnaître que, quoique les évê­ en raison de leur importance particulière. Le pape Innocent III a solennellement reconnu, dans le IV· ques dépendent du souverain pontife, dont le primat concile de Latran, c. v (I. I, tit. xxxm, c. 8), cinq est universel, Ils ne sont point scs simples vicaires; mais leur pouvoir est ordinaire, en raison de l'office sièges patriarcaux : Rome, Constantinople, Alexan­ même, ratione muneris, qui leur a été confié, c'est-à- drie, Antioche et Jérusalem. Outre ces patriarches, dire en raison de la charge pastorale par laquelle le appelés majeurs, il existe encore des patriarches, dits mineurs, tels que ceux d'Aquilée, dont le titre fut Saint-Esprit les a constitués évêques, avec mission de gouverner l’Égiise de Dieu. transféré à Venise, de Tolède, de Lisbonne, etc. Enfin d'autres patriarches ont été créés en Orient, dans En outre, les évêques sont les successeurs des apô­ tres, comme le proclame encore le concile de Trente, divers rites catholiques, qui en fait sont encore recon­ toc. cit., c. îv : in locum apostolorum successerunt. nus aujourd'hui ct qui restent unis au siège aposto­ lique de Rome : ce sont les patriarches des Maronites, Toutefois il faut bien saisir la portée de ce titre. Les apôtres jouissaient de certains charismes extraordi­ des Syriens, des Coptes, etc. Cf. const. Allatœ de naires, don des miracles, des prophéties, etc., qui leur Benoit XIV; const. Christi Domini, 26 novembre étaient personnels, ct, à cc point de vue, on ne saurait 1895, ct Orientalium, 30 novembre 1891, de Léon XIII. dire que les évêques leur aient succédé. De plus, aux Voir aussi Munerali, Elcmcn a juris ecclesiastici publici apôtres était départi un pouvoir de juridiction univer­ ct privati, Turin» 1903, p. 207. Le nom de primat s'appliquait autrefois indistincte­ selle, quoique soumise à l'autorité suprême de l'apôtre Pierre, vis-à-vis de toutes les nations et de tous les ment à tous les métropolitains, comme il ressort d’un pays de la terre; cet apostolat général était également décret du IIe concile de Cartilage, c. 12 : ut incon­ extraordinaire et personnel, de sorte que les évêques sulto primate cujuslibel prooinciœ nemo présumai epi­ ne leur succédèrent pas davantage dans une pareille scopum ordinare. mission. Mais, nonobstant, les évêques sont, de quel­ Mais, dès une époque très reculée, le titre de primat que manière, les véritables successeurs des apôtres, fut dévolu à l'évêque dont le siège est supérieur à tous d’abord quant au pouvoir d’ordre, non seulement les sièges métropolitains ct diocésains d’une nation, ct pour cc qui leur est commun avec les simples prêtres, c'est dans cc sens que Boniface Ier décréta, dans sa tel que le pouvoir de célébrer le sacrifice de la messe ct lettre aux évêques des Gaules, qu'il faut en appeler de le pouvoir de remettre les péchés, voir concile de la sentence des métropolitains au tribunal des pri­ Trente, sess. XXIII, c. i, mais surtout pour cc qui leur mats. Cf. Scbastianclli, loc. cit., p. 127. Tels étaient est propre, c’est-à-dire dans le caractère épiscopal ct jadis les primats d’Éphèse, d’Héracléc,de Césaréc, t fermement établi, comme l'ont proclamé le concile sièges principaux, c’est-à-dire les patriarches ct les de Trente, toc. cit., can. 7, ct Benoit XIV, De sy­ primats. C'est ainsi que saint Épiphanc, Hœr., hœr. nodo dlcccesana, 1. XIII, c. i. n. 2 : Ecclesia: firmissi­ i. xvm, n. 1, appelle archevêques les patriarches mum dogma est : episcopos esse superiores presbyteri*, d'Alexandrie, ct Justinien, Noodle XI, instituant un non solum ordinis potestate, sed etiam jurisdictionis. primat, lui donne le nom d'archevêque : volumus ut 2· Differentes espèces. — Au point de vue du pou­ non solum mdropolllanus, sed etiam archiepiscopus voir d'ordre, tous les évêques, y compris le souverain I fiat. Plus lard, le titre d’archevêque appartient cxclupontife, sont égaux. Mais si l’on considère le pouvoir sivement aux évêques qui présidaient à toute une pro­ de Juridiction, il existe, parmi les évêques, divers vince. Ils étaient appelés diocésains,dicrcc^ani, parce degrés. C’est ainsi qu’avec l'évêque diocésain on jjeut I que, primitivement, la province était désignée sous le distinguer, mis à part le souverain pontife, les patriar­ I nom de diocèse, ct métropolitains, metropotitani, surches, les primats, les archevêques ou métropolitains, I tout chez les grecs, parce qu’ils étalent constitués le cl aussi les évêques titulaires ct les évêques coadju­ plus souvent dans les villes métropolitaines; en Afri­ teurs. Nous n'avons pas, en effet, à parler ici des pré­ que, ils portaient le nom d’anciens, senes. Cf. Scbas­ tianclli· toc. cit., p. 127 sq. Cependant, quoique l’arlats dits nullius, qui sont dépourvus du caractère épis­ VJ 1705 ÉVÊQUES. QUESTIONS THÉOLOG1QÜES ET CANONIQUES chcvèquc soit celui qui commande à des évêques suf­ f fragante, le droit n’a pas fixé quel doit être le nombre de ces suffragants; la chose a été laissée à la libre dis­ position du souverain pontife, cl même il existe des archevêques, ou métropolitains, qui n’ont, sous leurs ordres, aucun suffragant. Or le pouvoir des archevê­ que» concerne soit les évêques suffragants ct leurs églises, soit les sujets diocésains des suffragants. Vis-àvis des premiers, les archevêques jouissent seulement des pouvoirs qui leur sont expressément concédés par le droit : aussi bien, ils exercent un droit de vigilance et doivent, d’après le concile de Trente, sess. XXIV, c. π, De re/orm., obliger les évêques à assister aux con­ ciles provinciaux. Selon l’ancien droit des Décrétales, c. Il, 40, 32, HL v; c. 1, 2, lit. vu; c. 10, lit. xxxi, I. L aux archevêques était attribué le droit de confir­ mer ct d'ordonner les évêques suffragants qui avaient été élus, voir Élection des évêques, ainsi que le droit de les juger, en matière criminelle ct civile, au moins au concile provincial, c. 11, lit. xxxi, 1. I; mais plus lard, le souverain pontife sc réserva le droit de confir­ mer ct de consacrer les évêques, ainsi que le droit de juger les causes criminelles majeuresqui les concernent, les causes criminelles mineures restant seules soumi­ ses aux conciles provinciaux. Concile de Trente, sess. XXIV, c. v; sess. XIII, c. vin, De re/orm. Quant aux sujets eux-mêmes des suffragants, les métropolitains ne peuvent exercer aucune juridiction, sinon dans les causes d’appel de la sentence des suffragants, dont les métropolitains sont constitués juges compétente, en seconde instance, c. i, De o/fic. leg.; c. 9, De o/fic. judi­ cis ordinarii; dans le cas de dévolution, en matière béncficiale, c. 2, lit. vin, 1. Ill, ct lorsque le chapitre de l’église cathédrale, passé l'intervalle de huit jours à dater de la mort de l’évêque, n'a pas pourvu à l’élec­ tion du vicaire capitulaire, ou en a nommé un qui ne réunit pas les qualités requises par le droit, concile de Trente, sess. XXIV, c. xvi, De re/orm.; enfin dans l’acte même de la visite des diocèses suffragants, mais seulement pour la partie juridictionnelle qui a trail à la visite même, c. l,De censibus,in Vf·; con­ cile de Trente, sess. XXIV, c. îv, De re/orm. En outre, les archevêques jouissent de certains honneurs et pri­ vilèges spéciaux, entre autres, de l’usage de la croix cl du pallium. Cf. Bouix, op. cit., p. 451 sq. Les évêques titulaires sont ceux qui, quoique véri­ tables évêques, ayant reçu, dans leur consécration, le caractère épiscopal cl le pouvoir qui y est annexé, sont cependant, en fait, privés de tout usage et de tout exercice de la juridiction épiscopale afférant à leur litre, qui, le plus souvent, sc trouve en région infidèle; d’où également leur nom d’évêques in partibus tou­ tefois cette désignation d’évêques in partibus infide­ lium a été supprimée par la S. C. de la Propagande, dans un décret du 27 février 1882, que le souverain pontife a approuvé; de là, simplement le nom d'évê­ ques titulaires, afin de les distinguer des évêques dio­ césains résidents. Cf. Benoit XIV, Dest/nodo diœcesana, I. Il, c. vu, η. I. Cotto pratique de l’Égiise d’instituer des évêques titulaires, qui remonte aux temps les plus anciens, voir Thomassin, Ancienne et nouvelle dis­ cipline, part. L I. I, c. xvn, repose sur deux raisons : la première, de conserver la mémoire de certains sièges épiscopaux autrefois très florissants ct aujourd’hui complètement abolis; la seconde, de tenir, à la dispo­ sition du souverain pontife, des évêques qui l’assis­ tent dans le ministère apostolique; ct c’est ainsi que, parmi les évêques titulaires, sont choisis les nonces ct les coadjuteurs. Cf. Scbastianelli, loc. cit., p. 227. L’évêque coadjuteur est celui qui est constitué par le souverain pontife avec l’office ct le pouvoir d’aider un évêque dans l'administration et le gouvernement de son diocèse. Or les évêques coadjuteurs sont de 1706 deux sortes : les uns avec future succession, les autres sans future succession. Les premiers, qui sont égale­ ment dits « perpétuels », deviennent, par le seul fait de la mort de l’évêque assisté, évêques propres du dio­ cèse. Les seconds, au contraire, perdent leur pouvoir, aussitôt la mort de l'évêque assisté, s’ils sont donnes comme auxiliaires à la personne de l’evèque. Mais s'ils sont les auxiliaires du siège lui-même, leurs pouvoirs continuent, même après la mort de l'évêque, pendant la vacance du siège. Ainsi, en Allemagne, les auxiliaires, nommés suffragante, sont donnés au siège plutôt qu’à la personne de l’évêque. Il faut bien distinguer du coadjuteur Vadministrateur apostolique qui, d’après Ferraris, op. cit., t. n, v ° Coadjutor,n.22, est celui qui est donné par le siège apostolique à des évê­ ques légitimement absente de leur diocèse, ou à de' personnes princières, promues à l'épiscopat avec dis­ pense de l’autorité apostolique, avant l’âge légitime. Seul, le souverain pontife peut donner des coadjuteurs aux évêques, comme il ressort duc. un., lit. v, I. III, in VI0; décret confirmé par le concile de Trente, sess.XXV, c.vn,De re/orm., relativement aux coadju­ teurs avec future succession. Or le saint-siège n'accorde des coadjuteurs aux évêques que pour des raisons légitimes. Bien plus, s’il s'agit des coadjuteurs axte future succession, ü faut, d’apres le concile de Trente, toc. cit., que sc vérifie une nécessite urgente ou une utilité évidente pour l’Égiise : urgens necessitas aut evidens utilitas. C’est qu’en effet l’évêque est institué comme centre de l’unité diocésaine, cl le maintien de cc principe d'unité exige que deux évêques ne soient pas élevés en même temps sur un même siège, c. 14, tit. xxxi, 1. 1. Le pouvoir de l'évêque coadjuteur dépend essentiellement de la teneur de scs bulks d in­ stitution; quant au reste, il doit s’en tenir aux dispo­ sitions du droit commun ct à la jurisprudence des Con­ grégations romaines; en particulier, les canonistes font observer que. si le coadjuteur a été attache à un é\êque tombé dans la démence, toute l’autorité épis­ copale, aussi bien dans les choses spirituelles que dan·» les choses temporelles, lui est attribuée, comme s’il était lui-même l’évêque propre du diocèse. Cf. Bouix, op. cil., p. 498 sq. A propos des évêques coadjuteurs, il semble utile de dire quelques mots de l’ancienne institution des chor­ évêqucs. Le» chorévêqucs, χωριζίτχοπο'., c’csl-à-dirc évêques de campagne, étalent des auxiliaires de l'évê­ que diocésain qui fixaient leur residence, non dans la ville, mais à la campagne : d'où leur nom. Le plus an­ cien document où il soit fait mention des chorévêqucs est une lettre adressée à Paul de Samosatc par une réunion d’évêques qui se tint à Antioche, en l’année 269. Eusèbe, H. E., I. VIL c. xxx, n. 6, P. G., t. xx, col. 713 L’origine de cette institution se trouve légitimée par le besoin urgent dans lequel se trou­ vaient plusieurs évêques de la primitive Église, à rai­ son de la trop grande étendue du territoire de leurs diocèses, de se procurer, pour l’administration des parties les plus éloignées de leurs églises, un ccitain nombre* d'auxiliaires qui pussent également les sup­ pléer dans l’exercice des pouvoirs épiscopaux propre­ ment dits. En outre, ccs chorévêqucs étaient charges de l'inspection du clergé, concile d’Antioche, can. 10, ct de la tutelle des pauvres, concile de Néo-Céearée, eau. I l, Hefeie, Histoire des conciles, trad Leclercq, t. I, p. 331. comme aussi de l’ordination des clercs des ordres mineurs, l’évêque diocésain se reservant la colla­ tion des ordres majeurs et faisant dépendre l’extension de cc droit aux chorévêqucs d’une autorisation ex­ presse de sa part. Concile d’Antioche, eau. 13. Hefeie, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 314. Ici sc pose la question très discutée si les chorévêqucs et.lient de véritables évêques ou de simples prêtres. e1 •I •I Π I f I 1707 ÉVÊQUES. QUESTIONS THÉOLOGIQUES ET CANONIQUES 1708 Jxs uns admettent que les chorévêqucs étaient géné­ du souverain pontife sa confirmation, c'est-à-dire ralement évêques, Corgnc, Dé/ensc des droits des évê­ l’institution canonique comme évêque diocésain ; il ques de l Église, t. î, p. 231 sq. ; Binterim, Dcnkunlrne peut sc donner d’autre titre que celui d’electus, ou digk lien der christkatholischcr Kirchc, t. i, p iri. II, de nominatus. Pour tout cc qui regarde l’élection et p.38Gsq ,ctc.; Hefele, Histoire des conciles, trad. Le­ l’institution des évêques, voir Élection des évêques. clercq, t. !, p. 25-26; d’autres pensent qu’ils étaient II. Pouvoms de l’évêque. — Ix; pouvoir de l’évê­ tantôt des évêques, tantôt de simples prêtres. Berardi, que, dans son diocèse, est, nous l’avons dit, suprême ct Commentarium in fus ecclesiasticum universum, Venise, ordinaire, vis-à-vis de l’un ct l’autre for, quoique, cn 1789, t. 1, p. 217 sq.; Spitz, De episcopis, chorepiscopis dernière analyse, il reste toujours soumis au primat du ac regularibus exemplis, Bonn, 1785, p. 46;d’autres en­ pontife romain. Or le pouvoir de l’évêque est de deux fin soutiennent que régulièrement ils n’étaient que sortes : le pouvoir d’ordre, qui découle de la consé­ prêtres. Thomassin, op. cil., part. I, I. II, c. î, n; Noël cration épiscopale, et le pouvoir de juridiction qui .Alexandre, Historia ecclesiastica, diss. XL IV, app., dépend de l’institution canonique, auxquels il faut I. vin, p.425; Ferraris, op. cit., t. in, v® Episcopus, a. 1, ajouter certains droits honorifiques ct privilèges spé­ n. 36; Devoti, Institutiones juris canonici,Madrid, 1801, ciaux. Les pouvoirs d’ordre ct de juridiction sont t. I, secL v, p. 225 sq.; Benoit XIV, De synodo diaceincontestablement séparables; ct, de même que la ιαηα, I. Ill, c. rn, n. 6. Quoi qu’il en soit de ces diverses juridiction épiscopale peut exister sans le pouvoir opinions, il parait incontestable qu’il y eut, surtout d’ordre, par exemple, dans l’é êque élu ct confirmé, dans les premiers siècles, des chorévêqucs revêtus du mais non encore consacré, ainsi le pouvoir d'ordre peut caractère épiscopal, étant ainsi de véritables évêques exister sans la juridiction épiscopale, nu moins exer­ coadjuteurs. Le concile de Néo-Césarée, de 314, can. cise cn fait, par exemple, dans l’évêquc qui a déjà 13, 14, distingue très nettement les prêtres de campa­ reçu la consécration épiscopale, mais auquel le souve­ gne, έχιχώριοι πρζσβύτιροι, des évêques de campagne, rain pontife n'a pas encore assigné un diocèse propre χ ωρ<π(<τχ oxot, Hefele, Histoire des conciles, trad. ni des sujets déterminés. Le pouvoir d’ordre peut-il Leclercq, t. J, p. 333-334, cl le concile de Laodicéc, exister sans un certain pouvoir de juridiction, au de 373, can. 57, dit expressément qu'il ne faut plus moins lié dans son exercice, mais constitué dans sa instituer d’évêques dans les campagnes, h ταΐς racinc ct cn principe? Cette dernière question est inti­ X'üpstc ί?:ισχοπΉ, mais seulement des visiteurs, mement liée à celle que nous avons signalée précédem­ π:ριο^υταί, et que les chorévêqucs déjà existants ment, voir col. 1702,à savoir, si l’évêque reçoit immé­ ne doivent rien faire sans le consentement de l’évêque diatement de droit divin la juridiction épiscopale nu de la ville. Hefele, op. cit., t. î, p. 1024-1025. Aux pre­ moment de la consécration, ou bien si cette juridiction miers siècles de 1 Église, il n’y avait cn Occident qu’un lui est conférée immédiatement par le souverain pon­ très petit nombre de chorévêques, et même certains tife. Passons maintenant à l’examen des divers pou­ pays, tels que Γ Italie, Γ Illyrie ct l’Afrique, paraissent voirs de l’évêquc. avoir ignoré complètement cette institution. En ln Pouvoir d'ordre. — Le pouvoir d’ordre de l’évê­ que, qui est une émanation du caractère épiscopal Francc.au contrairc.lcschorévcquos jouèrent un grand rôle dans le cours du vin· ct du ix· siècle; ct leur imprimé dans la consécration, sc réfère à l’adminis­ existence était déjà ancienne à cette époque. En effet, tration des sacrements ct à la célébration des sacra• le premier chorévêquc, dont il soit parlé dans l’his­ mentaux. toire de l’Églisc occidentale, appartient à la Gaule. Il 1. Quant aux sacrements, il faut dire, cn principe, sc nommait Armentarius ct avait été ordonné évêque que l’évêquc peut valldement ct licitement les admi­ <ΓEmbrun, contrairement aux règles canoniques, par nistrer tous, dans toute l’étendue de son diocèse. Or, deux évêques seulement. Cette ordination irrégu­ parmi les sacrements, les uns sont d’ordre purement lière ayant été soumise au synode de liiez, en 439, sacerdotal : cc sont les sacrements de baptême, d'eu­ can. 3, celui-ci, se référant aux décrets du concile de charistie, de pénitence, d’extrêmc-onctlon ct de Nlcée, décida qu’.Armcntarius ne pourrait exercer à mariage; les autres sont d’ordre proprement épisco­ l'avenir qu’à titre de chorévêque. » Phillips, Du droit pal : cc sont les sacrements de confirmation ct d’ordre. ecclésiastique, Paris, 1850, t. n, p. 83. Cf. Hefele, op. Pourccqul touchclcssacremcntsd'ordrepurcmcnt a) cit., t. π, p. 421-428. Vers la fin du vm· siècle, les sacerdotal, nous observerons, d’une manière générale, chorévêques reparaissent dans les actes ecclésiasti­ que les évêques, ayant reçu, dans leur consécration, la ques, et l’on volt que de graves abus s’étaient Insinués plénitude du sacerdoce, peuvent les administrer tous, dans l’Églisc, à la faveur de cette institution. Cf. VI· dans chacune des paroisses de leur diocèse, quoiqu’ils synode de Paris, de 829, can. 27, Hardouin, Concit., doivent tenir pour règle rigoureuse de ne pas diminuer t. IV, col. 1314. Voir J. Weizsàcker, Der Kampl gegen à l’excès la juridiction des curés, qui, elle aussi, est den Chorepiskopat des jrankischcn Keiths im ix Jahrpropre cl ordinaire; car, si, dans l’institution des hunt/erf, Tubingue, 1859; A Schroder. Ueber die Chorparoisses, certains sacrements ont été réservés aux bh Décrétales, I. Il, lit. xxiv, c. 4, sc trouve une formule tcrvallc dc deux ans. Concile de Trente, sess. XXIV, c. m, De reform. Telle est la discipline actuelle, qui sera ide serment, que les érudits attribuen à Grégoire VU. probablement modifiée par le code en préparation. < dans laquelle les évêques promettent au pontife de visiter, chaque année, par eux-mêmes Cette visite pastorale de l’évêque embrasse à la fois romain i les personnes (enquête sur leur vie cl mœurs, leur On peut en dire autant dc ccttc for­ mule générale par laquelle les philosophes donnent l’évidence comme étant le critérium de la certitude : c’est une formule qui n'a point d’enseigne, où chacun peut loger son opinion, et dont il n'est, par conséquent, pas tout à fait indispensable d’indiquer brièvement la signification. 1° il y a une première chose qui est communément admise, ou, si l’on veut, il y a une première sorte d’évidence que tous les philosophes s'accordent ù reconnaître comme un signe infaillible dc vérité et de certitude : c'est l’évidence intrinsèque, celle que Des­ cartes avait en vue dans la première des quatre règles de sa méthode. « Le premier (précepte), dit il, était dc ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle, c’est à dire d'éviter soigneusement la précipitation cl la préven­ tion. cl de ne comprendre rien de plus en mes juge­ ments que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune oc­ casion de le mettre en doute. » Discours de la méthode, part. II. La clarté ct la distinction des idées marquent entre elles une liaison tellement rigoureuse qu’il est impossible à notre raison, si elle est dégagée dc toute influence des sens et de l’imagination, de ne point l’apercevoir. Descartes appelait du nom d’intuition cct acte de la raison qui perçoit directement la vérité. 2° Mais celle évidence absolue est trop rigoureuse pour être donnée comme le critérium exclusif dc toutes les certitudes naturelles; cl la vérité n’a pas, en effet, toujours besoin do nous être manifestée d’une façon si claire ct si distincte pour que nous puissions en être assurés. Voilà pourquoi, en dehors de l'évi­ dence · où l’on ne doute point, à cause de la liaison qu'on voit entre les idées, » il y a une vraie certitude « où l’on ne saurait douter sans mériter d’être fort blâmé. » Leibniz, Nouveaux essais, I. IV, xi, § 10. Ainsi · l’indice dc la certitude, cc n’est pas toujours celte liaison nécessaire entre les idées, qui rend le doute absolument cl métaphysiquement impossible : là où celle contrainte logique n'existe pas, il est pos­ sible de douter; mais le doute n’est point pour cela permis, légitime, raisonnable. » Ollé-Laprunc, op. cit., p. 211. Ici est le cas généralement de toutes les vérités historiques, dc toutes les vérités morales, et peut-être aussi de beaucoup de vérités philosophiques qui ne s'imposent pas à notre esprit avec celte évidence ir­ résistible qui, dans l'ordre mathématique, par exemple, mer. de tiiéol. catiiol. 1730 rend impossible toute espèce dc doute; mais si n'est pas pour nous une nécessité de reconnaître ces sortes de vérités dés qu’elles sc montrent à nous, 11 serait cependant déraisonnable d’en douter. « Nous sommes certains que Constantinople est dans le monde, que Constantin ct Alexandre le Grand ct Jules César ont vécu. Il est vrai que quelques paysans des Ar­ dennes en pourraient douter avec justice, faute d’in­ formation, mais un homme de lettres cl du monde ne le pourrait faire sans un grand dérèglement d’csprlL · Leibniz, loc. cil. 3° La certitude ne s’étcnd-cllc pas plus loin? Et en dehors des vérités qui reposent plus ou moins direc­ tement sur une évidence quelconque, n'y a-t-il point place encore pour une autre sorte de certitude qui, sans sc passer dc toute espèce d’évidence, ne repose­ rait cependant d’aucune manière sur l'évidence qu'elle suppose ou qu’elle comporte? En premier lieu, les « philosophes > n'admettent point d’autres certitudes que celles qui reposent sur l’évidence rationnelle. « Je déclare, en tant que philo sophe, écrit Paul .Janet, que Je ne reconnais qu’un seul devoir, celui dc « n’affirmer comme vrai que ce qui < me paraîtra évidemment être tel, c'est-à-dire que je • verrais! clairement et si distinctement que je ne sau• rais le révoquer en doute. » Voilà la règle absolue. Descartes l’a posée au début dc la philosophie mo­ derne, et c’est par là qu’il l'a créée, constitué... C’est son Évangile. » Principes,Paris, 18Ώ7, t. n, p. 178. Mais quel qu'ait pu cire l’effet de sa philosophie, il n'est point douteux que l’intention dc Descartes ait été de mettre en dehors dc son doute les vérités dc la religion ; ct on peut croire qu’il les avait prudemment voulu soustraire au premier précepte de sa méthode. C’est Bayle, le premier, qui les a soumises < à la règle ma­ trice et originale, qui est la lumière naturelle; » il en­ tend, quant à lui, que tout dogme soit « homologué, pour ainsi dire, vérifié et enregistré au parlement su­ prême de la Raison qui juge en dernier ressort et sans appel dc tout cc qui nous est proposé; » ct c’est donc lui qui a véritablement fondé, ct posé au début dc h philosophie moderne « la liberté de philosopher sur les matières de la religion, » c’est-à-dire plus simple­ ment, la liberté de supprimer les matières de la reli­ gion. Il n’y a rien de plus clair, en effet, qu’on détruit les vérités surnaturelles en les ramenant à la lumière de la raison, et il n’y a rien dc plus évident, suivant les paroles de Bossuet, qu'en ôtant les feux éternels aux­ quels elle s’allume, on éteint complètement la foi; et voilà pourquoi, suivant le philosophisme, la religion révélée ne se réduit qu’à « quelques propositions inin­ telligibles, et qui, par conséquent, ne peuvent passer pour dis vérités par rapport ù nous. » Cf. Bayle, Com­ mentaire philosophique sur le Compelle intrare; Vol­ taire, Dictionnaire philosophique, passim. En second Heu, les théologiens catholiques croient sans doute à l’existence de vérités ou dc certitudes su­ périeures aux vérités et aux certitudes rationnelle : telle est la condition de toutes les vérités dc h fol ; mais quelques-uns d’entre eux ramènent la foi catho­ lique, comme la foi humaine, à l’évidence du témoi­ gnage; et ainsi ils admettent que nous croyons les vérités de la fol parce que nous les voyons dans le té­ moignage divin. Ils se basent sur cette raison que la foi est une adhésion intellectuelle ct raisonnable, et (pie tou te adhésion intellectuelle ct raisonnable doit né­ cessairement reposer soit sur l’évidence directe de la vérité, soit sur l’évidence du témoignage. Mais, comme on le verra à l'art. Foi, la véritable foi peut être une adhésion intellectuelle ct raisonnable sans être rame­ née à l’évidence du témoignage. Si elle suppose ou comporte une certaine évidence qui est l’évidence de crédibilité, elle ne repose cependant d’aucune ma· V. - 55 1731 ÉVIDENCE — EX CATHEDRA 1732 nièrr sur elle. L’évidence de crédibilité nous met sur le seuil du temple : c’est h foi qui nous y introduit. préciser davantage le dogme. Ces demandes furent favorablement accueillies par la députation de la foi, ainsi qu’en témoigne le rapport ht par Mgr Gasser La question de l’évidence n’n pas encore fuit l’objet d’un dans la congrégation générale du II juillet, ibid., imité spécial. Mais on trouvera ta plupart des indications col. III, ct acceptées par la grande majorité des générales, sait dans les Manuels de philosophie, connue celui du P. Remer, Summa prerketionum philosophia: schomembres du concile, /bid., col. 421. C’est ainsi que Iastiae, Prato, 1900,1.1. soit dans les traités de to fol,comme la formule ex cathedra prit place dans la définition celui du P. Billot. De virtutibus infusis, Borne, 1905. Quant solennelle du 18 juillet. au reste, on sc servira avec profit des autres ouvrages qui La faveur dont cette expression a joui au concile ont pu être cités dans le cours de Particle: mais encore une est donc motivée en grande partie par son ancienneté. fols, aucun d’entre eux ne traite la question ex professo, De fait, si nous en considérons les origines lointaines, ct il ne tout donc pas leur demander ce qu’lis n’ont pas |μ*οelle remonte aux premiers siècles du christianisme. mls. Voir aussi A. Vacant, Dr certitudine Judicii quo assentttur cxlslentit»- revelationis (thèse), Nancy, 1878, p. 22-92. La cathedra de l’évêque fut considérée, dès la plus J. Boi ché. haute antiquité, comme le symbole de l'autorité ÉVOCATION DES MORTS. Voir Nécromancie. épiscopale, particulièrement en matière d’enseigne­ ment, comme la cathedra Moysis avait désigné, dans ÉVODIUS, évêque d’Uzala dans l’Afrique procon­ la bouche de Jésus, l’autorité religieuse du judaïsme. Matth., ΧΧΠΙ, 2. Voir Dictionnaire d’archéologie chré­ sulaire depuis 396 ou 397 jusqu’à l’époque de sa mort, 16 octobre 424,nouadêssa jeunesse ctconserva toujours tienne ct de liturgie, t. m, col. 1909. La cathedra Pétri, la sedes Petri, la sedes apostolica, expressions d’étroites ct cordiales relations avec saint Augustin. Témoins d'abord deux traités de cc Père, l’un, le toutes synonymes, désignent de même dans une De quantitate aninur, composé à Home en 388, l'autre, foule de documents l’autorité du successeur de c De libero arbitrio, qui, commencé à la même date, Pierre, spécialement dans les questions de foi; c’est ainsi que saint Cyprion sc plaint des novations qui ne fut pourtant pas terminé avant 395;car ils ne nous offrent, de compte fait, que le résumé el les conclusions ont osé ad Petri cathedram navigare, c’est-à-dire des entretiens particuliers de saint Augustin et d'Évo- recourir ù l’autorité du pape, Epist., i.ix, ad Cornel., dius. Parmi les 270 lettres du t. n de l’édition béné­ 14, P. L., t. m, col. 818; que saint Jérôme sc flatte de rester en communion avec la cathedra Petri, Epist., dictine de saint Augustin, sc trouvent aussi quatre lettres d’Évodius, portées sous les n. clvhî, ci.x, clxi, XV, ad Damas., 2, P. L., t. xxn, col. 355; que saint clxih, toutes écrites vers l'an 414 ct qui demandent Augustin rappelle que le pélagianisme a été jugé deux fois par Ia sedes apostolica. Semi., cxxxi, 10, principalement la solution de problèmes spéculatifs. Les lettres, portées sous les n. eux, clxii, clxiv, P. L., t. xxxvm, col. 734, etc. II faut avouer toutefois que, dans ccs textes, nous contiennent les réponses de saint Augustin. La lettre sommes encore loin du sens très précis que l’usage portée sous le n. clxix est pareillement une réponse théologique a donné Λ l’expression ex cathedra et que du saint docteur, vers la lin de l’an 415,ùdes questions dogmatiques de son ami. Dom Morin, enfin, a publié, le concile du Vatican a consacré. 11 fallait que la Revue bénédictine, 1896, t. xni, p. 481 486, une lettre dogme de l’infaillibilité pontificale parvînt à l’état inédite d’Évodius. Quant l’opuscule De fide contra explicite ct provoquât les discussions pour que l’on manicha:os,<\u\ ligure dans les œuvres de saint Augus­ songeât à énumérer avec netteté les conditions tin, P. L., t. xi.n, col. 1139-1156. tout porte à l'attri­ requises pour l’exercice de cette prérogative, à plus buer ù l’évêque d’Uzala. forte raison pour que l’on essayât de les résumer en une formule d’allure scolastique. 11 ne semble FcidcrsJungmann, Institutiones palrotogla, Inspnick. pas, en effet, que ni les Pères ni les grands théologiens 1802, t. n a, p. 280, note 1 ; Burdenhewer, Lcj Pères de du moyen âge aient connu cette formule. Melchior r/ivlhe. nonv. édit, fnuiç., Paris, 1905, t. H, p. H1. 115; Mgr Duchesne Jllduirr ancienne de Γ Église, 4· édit., Paris, Cano l’emploie dans sa forme complète, cl c’est 1911, L ni, p 276, note 1. peut-être la première fois qu’elle apparaît; dans son P. Godet. De locis theologicis, 1. VI, c. vn, B dit que la promesse EX CATHEDRA. Telle est la formule employée d’infaillibilité n’a pas été faite à Pierro ut privato par le concile du Vatican pour résumer les conditions | homini et que la question ne sc pose que si, dans les auxquelles le pape est InfailLblc. — I. Histoire. controverses ct discussions de foi, le pape e Petri II. Sens de cette formule. cathedra tribunaUque pronuntiet. C’était une trouvaille; 1. Histoire DE cette FORMULE. — NI dans le elle eut cependant si peu de succès que Bcllannln projet de chapitre additionnel qui fut distribué aux n’emploie pas encore l’expression ex cathedra quand, Pères du concile, le 6 mars 1870, Collectio lacensis, i dans son traité De romano pontifice, il étudie ct prouve t. vu, col. 641, ni dans le deuxième schema dt. Ecclesia, ' l’infaillibilité du pape. Controu., Ill, 1. IV, c. 1-xiv. distribué le 9 mai, où la déllnitlon de l’infaillibilité Par contre, Bossuet nous la montre usitée dans le du pape avait pr s place, ibid., col 272, on ne trouve I langage théologique do son temps, puisque, après les mois : cz cathedra. Dans l’un et dans l’autre projet, | l’avoir plusieurs fols employée dans sa Defensio on afllnnait l’infaillibilité pont Ileale en s’appuyant ' declarationis cleri gallicani, il en explique le sens sur des textes scripturaires ct on en énumérait les dans le Corollarium defensionis, vin ; B sc sert d’ailleurs conditions, mais sans les résumer dans cette formule indifféremment des tonnes e cathedra, ex cathedra ou elliptique. Elle apparait dans la discussion du schema. pro cathedra. C’est donc dans l’espace de cent ans Les emendationes 30 et 31, ibid., col. 376, demandent qui s’écoule entre les Controverses de Belhinnin, dont que l’on introduise dans la définition de l'infaillibilité le itr volume parut en 1586, ct ta Defensio de Bossuet les mots : loquens ex cathedra ou cam...ex cathedra ' que se place l’origine vraie de l’expression ex cathedra definit; ct cette demande est motivée par l’emploi ct son admission courante dans la langue théolodéjà anden, fam ab annis et seculis, de cette formule 1 gique. devenue comme sacramentelle dans les écoles de 11. Sens de l’expuession. — Dès son apparition, théologie, par l'usage qu'en ont fait les docteurs celte expression présente le sens très exact qu’elle lorsqu ils ont parlé de l’infaillibilité du pape et par a aujourd’hui. Chez Melchior Cano, elle désigna déjà l’exemple des conciles anciens qui n’ont pas craint la plénitude de l’autorité pontificale : prononcer du de faire entrer dans des définitions de fol des expres­ haut de In chaire ct du tribunal de Pierre, c’est enseigner la vérité, c’est juger les controverses’de foi sions théologiqucs lorsqu’ils le Jugeaient utile pour I 1733 EX CATHEDRA — EXCOMMUNICATION avec toute l'autorité du successeur de Pierre, pasteur ct fondement de l’Église. Les théologiens ont de plus en plus analysé le con­ tenu de cette idée; le résultat de leurs éludes est la phrase d’une merveilleuse précision, dans laquelle le concile du Vatican a énuméré les conditions de l'infaillibilité ct épuisé ainsi le sens de la formule : • Nous enseignons ct définissons que c’est un dogme révélé de Dieu que le pontife romain, en vertu de l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, est Infaillible comme l’Église elle-même, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, s’act quittant de sa charge de pasteur ct de docteur de tous les chrétiens, il définit, par sa suprême autorité apostolique, comme devant être tenue par l’Église tout entière, une vérité concernant la fol ou les mœurs. ■ Dcnzlnger-Bnnnwart, Enchiridion, n. 1839. Conformément à cette définition, on indique d’ordi­ naire quatre conditions pour que le pape parle ex cathedra. — 1° Il faut qu’il parle comme docteur ct pasteur suprême, omnium Christianorum pastoris cl doctoris munere /ungens. L'infaillibilité est attachée, non à la science personnelle du pontife romain, mais à sa fonction, à son magistère public ct officiel; c’est lorsqu’il enseigne du haut de la chaire de Pierre, c'est-à-dire avec l'autorité promise à Pierre el trans­ mise do lui à scs successeurs, comme maître souverain de la vérité religieuse, que l’assistance divine lui a été garantie. — 2° Il faut qu’il s’agisse d’une doctrine concernant la foi ou les mœurs, doctrinam de fide vel moribus. Le terrain doctrinal de la chaire do Pierre est celui des choses divines; Pierre est établi docteur de l’Église pour nous apprendre les vérités ou les devoirs nécessaires au salut; il ne peut donc parler ex cathedra que sur le dogme ou la morale. Dans les questions humaines ct profanes, l’autorité du pape pourra être celle d’un savant écouté pour sa compétence; en ce qui regarde le gouvernement de l’Église, elle sera celle d un chef à qui l’on obéit par discipline; elle ne sera celle d’un maître dont l’en­ seignement est garanti par Dieu que s’il s'agit de choses religieuses ou morales.—3° 11 faut qu’il veuille trancher une question ct fixer une vérité d’une manière définitive, pro suprema sua apostolica au· ctorilate... définit. Le pape peut, en effet, exposer un point de la doctrine ou de la morale, le discuter, donner son avis autorisé ou scs directions, rappeler les principes catholiques ct prévenir les écarts, sans pour cela trancher un débat et fixer la vérité d’une manière Irrévocable; il use ainsi d’un droit cl remplit un devoir d'enseigner qui lui appartient comme à tous ceux qui sont établis par Dieu cho s dans l’Église. L'expression ex cathedra suppose, au contraire, l’exer­ cice d’un pouvoir qui n’appartient qu’à Pierre, celui do rendre toute discussion ct toute hésitation dans la foi impossible, de conserver l'unité dans la fol obligatoire en affirmant la vérité avec une infaillible certitude, en la fixant irrévocablement par une décision divinement garantie. C’est pourquoi dans les documents ex cathedra eux-mêmes les théologiens ont soin de distinguer tout ce qui précède ou suit la définition, de la définition proprement dite; les motifs cl les considérants, les preuves scripturaires ou historiques, les raisonnements, les explications ne sont pas infaillibles; seule la sentence est portée ex cathedra, parce que seule elle tranche avec toute l’autorité du magistère do Pierre. — 4° Il faut qu’il veuille imposer sa décision à l’Église tout entière, ab universa Ecclesia tenendam. Ceci encore est un des privilèges spéciaux à l'autorité doctrinale du chef de l’Église; seul, il peut imposer une croyance à tous les fidèles; il n'agit donc vraiment comme chef universel, il ne parle ex cathedra que s’il veut obliger 1734 l’Église entière à la foi en la vérité qu’il enseigne. Les gallicans prétendaient exiger une autre con­ dition pour que le pape portât une sentence doctrinale ex cathedra, à savoir, le consentement de l’Église. Bossuet explique en cc sens la formule dont il s’agit : « que l’on regarde comme certain, si l’on veut, que le pape est infaillible quand il enseigne pro cathedra; mais s'il y a un doute qu’il ait parlé pro cathedra, avec toutes les conditions requises, la dernière marque ct garantie sera le consentement de l’Église catho­ lique. » Corollarium defensionis, vm. Ix concile du Vatican a repoussé celle exigence qui ruinerait l'autorité de la chaire de Pierre; quand le pape a parlé ex cathedra, l’Église n*a ni à juger, ni à contrôler, ni à confirmer, mais à sc soumettre et à croire. En somme, pour tout résumer en une phrase, l’expression ex cathedra indique l’autorité doctrinale souveraine en vertu de laquelle, par une assistance divine, Pierre en tant que chef de l’Église, le pape en tant que successeur de Pierre et comme lui chef de l’Église, peut, sans crainte de sc tromper, imposer à la croyance de tous les fidèles une doctrine religieuse ou morale. Celte notion ressort de la formule elle-même, de son emploi thcologlquc et de son explication auto­ risée par le concile du Vatican. Voir Infaillibilité. Acta et decreta sarronim conciliorum rceenttorum, collectio lacensis, Fribourg-en-Brisgau, 1890. t. vn; Palmieri. De romano pontifice, Home, 1877, p. 509 sq.; Billot, De Erelesi". Borne, 1898, t. Π, p 28 sq.; Choupin, X'aleur des décision* doctrinales et disciplinaires du saint-slége, Paris, 1907; Pègucs, L9 autorité des encycliques pontificales (Tapr * saint Thomas, dans la Revue thomiste, novembre-décembm 1904. L. Godefroy. EXCOMMUNICATION. —I. Notion ct division. [ I j j I II. Effets juridiques. L Notion et division. — 1® Notion. — L’excom­ munication (du latin excommunicatio : ex, de, communicatio, l’action de communiquer, de communier, de s’unir avec) signifie l'exclusion totale de la com­ munion de l’Église. ('.’est la plus grave de toutes les censures, ct elle rejette hors de la société des fidèles celui qui en est frappé. Elle est fréquemment désignée, surtout dans les anciens canons, sous le nom d’ana­ thème, anathema, malédiction, exécration, encore que, comme l'observe Berardi, Commentaria in fus ecclesiasticum universum, Venise, 1789, t. iv, p. 187, entre l’excommunication ct l’anathème, existe une différence assez marquée. L’excommunication, d’après Boniface VIII, Sexte, L V, tit. xxix, c. 1, a un carac­ tère médicinal : medicinalem et disciplinarem non eradicantem; nu contraire, l'anathème, selon la remarque de saint Augustin, q. i, caus. Il, can. 18, est mortel, cl est interprété, dans le décret du concile do Meaux, an. <815, q. m, cans. XI, can. Il, comme une condamnation à la mort éternelle. C'est pourquoi l'anathème est infligé aux contumaces, qui résistent obstinément à l’Église, n'offrant aucun espoir d’amen­ dement, en sorte que cette peine s’applique au crime mortel, soit au crime où le délinquant s’obstine jus­ qu’à la mort : anathema nonnisi pro mortali imponi crimine el illi qui aliter non profuerit corrigi. Can. cit., cans. XJ, q. m. Tel est spécialement le cas des héré­ tiques, contre lesquels, en effet, on volt les canons des conciles prononcer la sentence de l'anathème. Cf., par exemple, les canons des conciles de Trente ct du Vatican. Aussi bien l'anathème représente-t-il une peine plutôt qu’une censure, et, en raison de sa gravité execution nclle, le décret, déjà cité, du concile de Meaux dispose que les évêques ne peuvent y re­ courir sans en avoir référé à l’archevêque ou à leurs co-évêques : nemo episcoporum quemlibet sine certa et manifesta peccati causa communione privet cede- 1735 EXCOMMUNICATION 1736 sitôtica. Sub anathemate autem sine conscienda archiDist. XV III, c. 15.— 6· et 7** règles. Lorsqu’il est dit episcopi aut coepiscoporum nattam pncsumal ponere. que le clerc excommunié, s’il vient à mépriser celte D’où il suit que l’anathème apparaît comme un peine, doit être déposé, il s’agit d’une véritable sus­ degré spécial de l'excommunication, exceptionnelle­ pense; car la déposition est moins grave que l’excom­ ment grave ct solennel; ct, dans le langage ecclesias­ munication, dist. XXXI, c. 1 ; ou bien encore s'il tique, on voit souvent exprimée, sous ce terme, est dit que le clerc excommunié ne peut célébrer l’excommunication dite majeure, surtout si clic est la messe, il faut voir en cela l’effet même de la prononcée contre les hérétiques, ct suspects d'héré­ suspense. Dist. LXIII, c. 24. —Au contraire, le sie, ou encore le cérémonial extraordinaire, autrefois tenue excommunication doit s’entendre au sens strict c usage, lors de la dénonciation des excommuniés, lorsqu’il est déclaré que quelqu’un est exclu de ce une était l’extinction des cierges, etc. Voir t. i, toute communion : excommun icatus ab omni commu­ col. 1180-1171. nione, dist. XC, c. 12; q. v, caus. XXIII, c. 26, etc.; Or le terme lui-même d’· excommunication » ou bien de la communion de la sainte Église : n’avait pas primitivement la signification restreinte a communione sandre Ecclesiæ, disl. XXXII, c. G; d’une censure spéciale, nettement distincte des autres dist. LXXXI, c. 8; ou encore de la communion peines ct censures, en particulier de la suspense et chrétienne : a communione Christiana, 1. Ill, lit. χχχιχ. de l’interdit : en effet, sous le nom d’excommunication De censibus, c. 10; ou enfin livré à Satan : Satana: les anciens canons désignent souvent indistinctement tradi, q. i, caus. II, c. 17. toutes les censures, même mineures, ct, comme le Ce fut seulement vers le xn· ou xiîi· siècle que fait observer Berardi, loc. cil., plusieurs dispositions le tenue excommunication reçut son appropriation des canons susdits, touchant l’excommunication, pour signifier une censure particulière, bien distincte sont applicables à la suspense ct à l’interdi ou de la suspense ct de l’interdit. Or l’excommunication d'autres peines moins graves. Voici, d'après l’au­ sc définit : une censure ecclésiastique, en vertu de teur mentionné, les régies qui peuvent guider dans laquelle un chrétien est exclu de la communion ou l’interprétation des anciens canons où il est ques­ de la société des fidèles, ct privé de tous les biens qui tion de l’excommunication. — 1r· règle. Lorsqu’au cimentent cette communion. C’est une « censure », tonne excommunication sc trouve adjoint le mot pé­ parce qu’elle a pour but de corriger les sujets rebelles nitence, on doit voir, dans ccs expressions, non pas ct contumaces en les privant de la communion des l’excommunication proprement dite, mais seulement biens ecclésiastiques; — < ecclésiastique », c’est-àla privation de communion vis-à-vis des biens dont dire instituée et prononcée par l’autorité de l’Église, jouissent les fidèles qui ne sont point placés au rang soit par le souverain pontife, les évêques ct autres des pénitents : denegata communio illorum quæ com· prélats exerçant la juridiction au for externe; — en petunt fidelibus minime defectis in pernitentium gradus. vertu de laquelle · un chrétien > : lequel terme désigne Dist. XII, c. 13; dist. XXVIII, c. 9; dist. L, c. 42» le sujet contre lequel l’excommunication peut être 44; q. i, cans. II, c. 7, etc. — 2· règle. Si quelqu’un portée : soit une personne individuelle — les per­ est dit exclu, non absolument de la communion, mais sonnes morales ou communautés ne pouvant être simplement de la communion sacrée, a communione atteintes — un baptisé, jouissant de l’usane de la sacra, il faut entendre non pas la censure proprement raison ct soumis à l’autorité du supérieur qui inflige dite de l’excommunication, mais seulement la pri­ la censure; — « est exclu de la communion ou de vation du sacrement d’eucharistie : a suscipiendo la société des fidèles > : ce qui constitue l’effet propre eucharistia: sacramento remotus. Dist. L, c. 10; de l’excommunication, ct distingue celle-ci des autres q. i, caus. VII, c. 40; q. n, caus. XII, c. 24; censures; car la suspense prive seulement de l’usage q. vm, cans. XV, c. 2, etc. — 3· règle. Lorsque du bénéfice ou de l’ofïice ecclésiastique, ct l’interdit l’excommunication est infligée pour un temps déter­ empêche la participation aux divins offices, ct quel­ miné, ad certum tempus, il s’agit plutôt d’une espèce ques autres biens spirituels, tandis que l’excommu­ de pénitence, ou de peine particulière. Disl. XII, nication exclut, immédiatement ct directement, de c. 13; dist. XVIII, c. 15, 17; dist. XXXIV, c. 2; toute communion extérieure avec les fidèles, ct de dist. XXXV, c. 9, etc. — 4· règle. Si l’excommu­ toute participation aux sacrements; — < ct privé nication est dite Infligée à perpétuité et s’adresse à de tous les biens qui cimentent cette communion » : des clercs, on doit y voir la peine de la déposition : mais les biens par lesquels les fidèles communiquent clerici ea ratione cxcommunicati potius intetligentur entre eux sont, ou intérieurs, ou extérieurs, ou mixtes; e gradu suo depositi. Dist. L, c. 7, 8, 10; dist. IV, or l’excommunication dépossède seulement des biens c. 118, De consecratione; tit. De cohab. cleric, ct spirituels extérieurs ct mixtes. — D’où il résulte mulier., c, 3. Si.au contraire, cette excommunication que l'excommunication est la plus grave de toutes perpétuelle s’adresse à des laïcs, il faut l’entendre les peines ecclésiastiques; ce qui fait que le pape plutôt de l’interdit de la réception du sacrement Célestin III, I. V, lit. xxjx, c. 11, déclare qu’après d’eucharistie : laid ea ratione excommunicati po­ avoir infligé cette peine, l'Église a épuisé tous scs tius censebantur interdicti ab cucharistiæ perceptione, moyens de correction; ct le concile de Trente, sess. q. vi, caus. V, c. G; q. i, caus. XXVII, c. 25; XXV, c. ni, De reform., avertit les juges ecclésias­ dist. I, c. 84, De pænit. 11 arrivait en effet que, pour tiques de ne recourir à cette censure que lorsqu’il des crimes très graves, les laïcs étaient punis de ne leur reste plus aucun autre remède. Aussi bien, la privation du sacrement d’eucharistie durant afin d’éviter le danger de comprendre quelque inno­ toute leur vie, et même à l’article de la mort, à titre cent dans les suites rigoureuses de cette peine, le de pénitence perpétuelle; témoin le décret du II·con­ droit a spécifié qu’elle ne saurait jamais être portée cile d’Arles, on. 452; q. x, caus. III. c. 2, etc. contre une communauté. Sexte, I. V, tit. χχχιχ, Quant à la communion spirituelle chrétienne, dont c. 5. Cf. Schmalzgrucber,Jus ecclesiasticum universum, prive l’excommunication proprement dite, elle n’était Home, 1845, L v, part. IV, n. 113 sq.; Pirhlng, Jus pas rcr uée aux moribonds, comme étant indlspcn- canonicum, Dillngcn, 1726, 1. V, tit. χχχιχ, n. 8. va» te pour le salut. Dist. XXVIII, c. 12; q. x, caus. 2° Division. — On distingue plusieurs espèces Ill, c. C, etc. — 5· regie. Si Γexcommunication est d'excommunications : 1. Juste ct injuste, selon que l’excommunication vérifie toutes les conditions fixées prononcée contre des clercs, ct si elle est dite infligée par le droit, à savoir, qu’elle soit fulminée par le juMju’à ce que la sentence soit prononcée. Il faut y juge légitime, contre un contumace, ct suivant la voir une suspense, plutôt qu’une excommunication. 1737 EXCOMMUNICATION procédure légale, ou bien selon que l’une ou l’autre de ces conditions lui fait défaut. 2. Valide ct invalide, selon que la condition juridique qui fait défaut à l’excommunication, dite injuste, est purement acci­ dentelle, ou bien qu’elle allecte la substance même de la chose, telle que l’incompétence du juge, etc. 3.Générale ct particulière, selon que l’excommunication est portée en principe contre ceux qui commettent tel ou tel délit, ou bien effectivement contre telles ou telles personnes, désignées individuellement par leurs nom ct qualité. Majeure ct mineure; la première prive le chrétien de la communion des fidèles tant active que passive, ct de tous les biens qui cimentent cette communion; la seconde, au contraire, prive le délinquant seulement de la réception des sacrements ct de l’acquisition des bénéfices ecclésiastiques; il faut noter que, lorsqu’il est question de l’excommu­ nication, simplement ct sans autre qualificatif, on doit entendre l’excommunication majeure, c. 59, lit. xxxix. De sententia excommunicationis, 1. V. 5. Latæ sententiæ et ferendæ sententia; la première est encourue ipso facto par la simple disposition du droit, d'où elle est dite également juris, de manière que les monitions canoniques préliminaires ne sont point requises; la seconde, au contraire, réclame la sentence du juge, d’où elle est dite également judicis, ct doit être précédée des monitions canoniques. Au­ trefois les excommunications latæ sententiæ étaient fort nombreuses; mais Pic IX les a sensiblement limitées dans la const. Aposlolicæ sedis. Voir t. T, col. 1612. D’après cette constitution, les excommu­ nications latæ sententiæ, actuellement en vigueur, sc rapportent à quatre séries : a) réservées speciali modo au pontife romain; b) réservées simpliciter au pontife romain; c) réservées aux évêques: d) non réservées. A cette classification Pie IX ajoute les excommunications latæ sententiæ qui ont été décrétées par le concile de Trente ct qui persévèrent aujour­ d’hui. Enfin dans la const. Romanus pontifex, du 28 août 1873, le meme pape formula l'excommuni­ cation latæ sententiæ, spécialement réservée au pon­ tife romain, contre les chanoines ct dignitaires de l’église cathédrale vacante qui transmettent l’admi­ nistration du diocèse aux sujets nommés ou présentés par le pouvoir civil, ou encore élus par le chapitre, avant qu’ils n’aient obtenu les bulles pontificales; également contre eux qui ainsi nommés, présentés, ou élus, acceptent, sous le titre de vicaires généraux, ou avec tout autre litre, l’administration de l’église vacante; de même que contre ceux qui de quelque manière prêtent leur coopération aux actes susdits. Pour ce qui concerne les excommunications ferendæ sententiæ, il faut noter qu'elles restent en vigueur tout comme auparavant. 6. Enfin l’excommunication majeure peut affecter deux classes d’excommuniés : les vitandi, c’est-à-dire ceux que les fidèles sont tenus d’éviter, et les tolerati, c’est-à-dire ceux avec lesquels il n’est pas défendu aux fidèles d’entretenir quelque commerce. Cette classification des tolerati el des vitandi a été établie en faveur des fidèles, mais non au bénéfice des excommuniés eux-mêmes : ad evi­ tanda scandala ct multa pericula, subveniendumque conscientiis timoratis, observe le pape Martin V, dans la constitution qui débute par ccs mots. Avant le concile de Constance on ne connaissait pas cette distinction, ct, d’une manière générale, devaient être évités tous ceux qui étaient excommuniés par une excommunication majeure. Mais Martin V déclara, dans la constitution précitée, qu’on était tenu d’éviter seulement ceux qui avaient été excommuniés nom­ mément ct publiquement, ou encore ceux qui étaient dénoncés tels par le pape ou le supérieur ecclésias­ tique, ct enfin ceux qui s’étaient livrés à des violences 1738 contre un clerc, si toutefois l’attentat était notoire ct sans excuse admise par le droit. Ceux qui commu­ niquaient avec lesdits excommuniés non tolérés encouraient ipso facto l’excommunication mineure, réservée ou non, selon la nature même de la com­ munication entretenue. Mais, depuis la const. Apo­ stolicæ sedis, il ne subsiste plus, en droit général, de cas de ce genre; quoique les évêques puissent toujours appliquer aux délinquants de cette espèce, en châti­ ment de leur crime, fa même peine que celle qui constitue l’effet propre de l'excommunication mineure, c’est-à-dire la privation de la réception des sacrements. Cf. Schmalzgrueber, loc. cit., n. 212 sq.; Suarez, De censuris, Venise, 1742, sect, ι, η. 1 sq.; Pirhlng, Jus canonicum, Venise, 1759, L V, lit xxxix, n. 4 sq.; Reiffenstuel, Jus canonicum universum, Anvers, 1755, 1. V, tit. xxxix, η. 48 sq.; Schmicr, Jurisprudentia canonico-civilis, Venise, 1767, 1. V, part. 1, De delictis, c. m, n. 185 sq.; Santi, Prælectiones juris canonici, Ratisbonne, 1901, 1. V, tit. xxxix, n. 27 sq.; d’Annibalc, Summula thcologiæ moralis, Rome, 1888-1892, part. 1, n. 365; Bucccroni, Commentarium de censuris, Rome, 1892, n. 111 sq. II. Effets juridiques. — Il n’est pas inutile de rappeler que l’excommunication, comme toutes les censures, ne prive pas le fidèle ou le clerc qu’elle frappe des biens purement intérieurs, tels que le caractère sacramentel ct le pouvoir d’ordre, ni des biens personnels ct privés, tels que la foi, la charité, la grâce, les vertus, le mérite, ni même la communion des saints en tant qu'elle dérive radicalement de la foi ct de la charité. Elle suppose un péché mortel; elle n’eu constitue pas un. Voir t. n, col. 2116. Elle est une peine spirituc le et elle prive des biens sur­ naturels ct spirituels du for externe. A ce titre, elle produit plusieurs effets juridiques dont les uns sont immédiats ct directs, les autres médiats ct Indirects. 1° Effets immédiats. — Les principaux effets juri­ diques qui découlent immédiatement de l’excommu­ nication sont exprimes dans les vers suivants : Tics sacræ, ritus, communio, crypta, potcstas9 Prædia sacra, forum, civilia jura vetantur. 1. Iles sacræ, c'est-à-dire la privation des sacrements quant à leur usage actif ct passif, en sorte que l'ex­ communie ne peut, sans commettre une faute grave, ni administrer, ni recevoir aucun sacrement, c. 32, til. cit., De sent, excom.. c. ull., lit. xxvii. De clerico ex­ communicato, 1. V. Cependant il faut faire certaines réserves ct établir quelques distinctions : a) Pour ce qui touche l’administration des sacrements : a. En cas de nécessité, tout excommunié, toléré ou non, peut administrer, non seulement validement, mais encore licitement, tous les sacrements, meme s’il s’agit simplement de l’eucharistie ou de l’extrêmeonction, lorsqu'il n’est pas moralement possible de recourir ù un autre prêtre. Cf. E. Berardi, Examen confcssarli et parochi, Ravie, 1897, t. iv, n. 4731. b. Hors le cas de nécessité, l’excommunié toléré peut administrer licitement les sacrements, à condition que les fidèles lui en fassent expressément ou tacite­ ment la demande, ct que lui-même soit en état de grâce; autrement, il pécherait gravement ct cncour ail l'irrégularité. Cf. de Luca, De delictis et pænis eccle­ siasticis, Home, 1898, p. 61; E. Berardi, toc. cil. c. Au contraire, l’excommunié non toléré, qui. même sollicité par les fidèles, administrerait quelque sacre­ ment, en dehors du cas de nécessité, agirait illicite­ ment, cl, outre qu’il tomberait dans l’irregular.té, sc rendrait coupable d’une faute grave, ainsi que ceux qui auraient participé à ce sacrement; bien plus, si le sacrement en question était celui de la pénitence, l’administration eu serait invalide, pour défaut de 1739 EXCOMMUNICA ΊΊΟΝ 174ο juridiction, b) Pour cc qui regarde la réception des faisait que traverser l’église, ou s’il y accompliss il sacrements : a. L’ex communié, meme toléré, quoi­ autre chose qu’un acte de religion en compagnie des qu’il n’encoure aucune peine, pèche cependant gra­ fidèles, ou s'il pénétrait dans l’église en dehors des vement, s’il s'approche des sacrements; A moins qu’il divins ofllccs, ou meme si, durant les fonctions sacrées, ne soit excusé par le péril d’un grave dommage dans il cherchait un refuge dans l’église afin d’éviter un sa vie, son honneur ou scs biens, ou par une ignorance grave dommage, etc. Cf. E. Berardi, loc. cil.; De invincible, ou encore par l’obligation de remplir le Luca, op. cil., p. 65. Mais quelle serait la pratique à précepte de In confession et de In communion annuelles, observer à l’égard d’un excommunié vitandus s'il lorsqu'il n'a pas à sa disposition un prêtre qui puisse venait Λ pénétrer dans l’église avec l'intention de l’absoudre de la censure réservée, b. Mais l’excom­ prendre part à la célébration des divins offices? Voici munié, même non toléré, reçoit validcmcnt, quoique . la règle fixée à cc sujet par les théologiens et les illicitement ct d’une manière sacrilège, tous les sacre­ canonistes : il faudrait d’abord, sans recourir ή la ments. Il faut toutefois excepter le sacrement de violence ni aux procédés injurieux, intimer à l’excom­ pénitence, lequel, en règle générale, sc trouve atteint munié l’ordre de sortir de l’église; s’il s’y refusait dans sa validité, par les dispositions défectueuses ct que son expulsion fût impossible, les fidèles de­ du pénitent; et encore arrive-t-il que cc sacrement vraient abandonner le lieu saint; quant au prêtre, lui-même soit reçu validcmcnt, nonobstant l’empê­ s’il célébrait le saint sacrifice et que la consécration chement de l’excommunication, lorsque le pénitent, fût déjà accomplie, il devrait poursuivre jusqu’à la par ailleurs convenablement disposé, s’en approche communion du préc eux sang et achever le reste de de bonne foi, par exemple, si, par une ignorance ou la messe à la sacristie. Cf. Schmalzgrucber, loc. cil., un oubli qui n’ont rien de coupable, le pénitent n. 144; E. Berardi, Examen con/cssurii cl parochi, passe la censure sous silence dans sa confession, ou n. 1732. bien si le prêtre, qui absout, ignore lui-même la 3. Communio, c’est-à-dirc la privation des suffrages censure annexée au péché, ou si la chose lui échappe, communs de l’Église, ou des biens spirituels qui par inadvertance, ou enfin si, même ex malitia, il émanent des actions liturgiques ct des prières de absout sans faculté, tandis que le pénitent le croit l’Église en faveur des fidèles, c. 38, tit. cit., De sent, muni de scs pouvoirs; à condition pourtant que, dans excom. Cf. BeifTenstuel, Jus canonicum universum. le cas de censure réservée, le pénitent accuse d’autres 1. V, tit. cil., n. 60. Or il faut observer que cette péchés dont l'absolution puisse atteindre indirectement privation vise seulement les suffrages communs, soit la censure elle-même. E. Berardi, loc. cit., n. 4729; les prières publiques ou les actions liturgiques accom­ Bucccronl, op. cit., n. 112. plies par les ministres sacrés au nom de l’Église, 2. lUIus, c’est-à-dire la privation des divins offices, ainsi que les fruits de satisfaction qui proviennent tant au point de vue de la célébration qu’au point de de là pour composer le trésor commun de l’Église, vue de l’assistance. Sous le terme d’offices divins, il de manière que l'application en est faite au moyen faut entendre les fonctions publiques ct solennelles des I diligences par l’autorité des prélats. Cependant qui sont accomplies par les clercs en vertu de leur on ne saurait refuser aux excommuniés le bénéfice ordre, telles que la messe, les prières publiques, les des suffrages privés, c'est-à-dire de ceux qui sont processions, les bénédictions, les psalmodies au offerts, en leur nom personnel, par les fidèles, ct chœur, etc. Mais on ne doit pas comprendre, dans même par les ministres de l’Église, considérés comme cette prohibition générale, la prédication, à laquelle, personnes privées. Ainsi donc les suffrages communs en effet, il est permis à l'excommunié d’assister, ni ne peuvent être appliqués aux excommuniés au la récitation privée des heures canoniques en dehors moins s’il s'agit des vilandi, même si ceux-ci sont du chœur, laquelle reste une obligation rigoureuse convenablement disposé ct en état de grâce, selon pour l’excommunié lui-même, s’il est dans les ordres la valeur objective qui leur confère le ministère de sacrés, ni l'usage des saintes reliques, images sacrées, l’Église, mais bien selon le mérite personnel, ex opere eau bénite et autres sacramcntaux. Tout d’abord, operantis, de celui qui les accomplit : tel est, pour cc l’excommunié ne peut célébrer les divins offices en qui regarde le sacrifice de la messe, le fruit personnel question, excepté s’il s’agit d’un toléré qui soit requis ct privé qui appartient u célébrant, ct dont l’appli­ à cet effet par I s fidèles. En outre, l’excommunié cation peut être validcmcnt ct licitement faite en no peut, sans commettre un péché grave, assister faveur d'un excommunié même vitandus. Cf. Lchm­ aux offices divins, pas plus qu’il ne saurait participer i kuhl, op. cit., t. n, n. 176; Génicot, op. cil., t. n, à leurs fruits. Toutefois, à l'égard des excommuniés n. 221 ; E. Berardi, op. cil., n. 4733. Faut-il com­ tolérés, même notoires, tels que les hérétiques, les prendre sous cette loi, qui prive les excommuniés schismatiques, les francs-maçons, etc., celte prohi­ i des suffrages communs de l’Eglise, les excommuniés bition d assister aux fonctions du culte divin est tolérés eux-mêmes? D’aucuns le pensent. Cf. De plutôt tombée en désuétude, de manière que, selon Luca, loc. cil., p. 63. Mais, selon une opinion vraiment le sentiment de plusieurs théologiens, ils ne sont probable, il est permis de dire que eel to privation point dispensés d’entendre la messe, les jours de n’atteint pas les excommuniés tolérés, à condition fêtes d'obligation. Cf. Lchmkuhl, Theologia moralis, toutefois que soit évité le scandale des fidèles, de Fribourg-en-Brisgau, 1910, n. 890; Génicot, Theo­ I manière que la chose apparaît encore plus fondée logia moralis, Louvain, 1897, n. 583. Nous avons dit s’il est question de tolérés occultes. Cf. S. Alphonse «pie l’excommunié, ou d’une manière plus précise, , de Llguori, Theologia moralis, Batisbonne, 1847, celui qui doit être évité, commet un péché grave en 1. VU, n. 164; Schmalzgrucber, loc. cit., n. 126 sq.; prenant part aux offices divins; mais il faut observer d'Annlbale, op. cil., t. i, n. 360; E. Berardi, toc. cit. que ladite faute pourrait perdre de sa gravité, en 4. Crypta, c’est-à-dire la privation de la sépulture raison de la matière qui ne revêtirait qu’une imporecclésiastique. Tout d’abord, la sépulture ecclésiast ince légère, par exemple, si l’excommunié n’enten- I tique doit être refusée à l'excommunié vitandus, mort sans avoir donné des signes de pénitence, d’après ce dalt qu’une min me partie de La messe, comme serait, principe formulé au c. 12, tit. xxvm, De sepulturis, de Γ introït à l’évangile, etc. Enfin nous avons spécifié que l’excommunié ne peut assister aux offices divins, . I. Ill : quibus non communicamus vivis, non commu­ c’est-à-dire y prendre part de quelque manière en | nicamus dr/unctis. Autrement, le cimetière serait pollué, ct devrait être réconcilié, après qu’on aurait union avec les autres fidèles, car la Jurisprudence en question n'aurait pas son effet si l’excommunié ne I procédé à l'exhumation du cadavre. Cependant il 1741 EXCOMMUNICATION 1742 la censure, et se croyant en possession du titre existe des cas où l’excommunié vitandus lui-même légitime de son bénéfice, en avait, de bonne foi, pourrait bénéficier de la sépulture ecclésiastique, A recueilli et consommé les fruits· Mais faut-il appliquer savoir si, avant de mourir, il avait reçu le sacrement la même jurisprudence aux excommuniés simplement de pénitence, ct conséquemment l'absolution de son tolerati, surtout si leur censure est occulte, ct meme excommunication, c.ult·, tit. Dr sepulturis; ou encore ignorée, d’ignorance invincible? D’aucuns le pensent, si, sans avoir reçu les derniers sacrements. Il avait, parce que l’excommunié toléré lui-même ne peut Λ l’heure de la mort, manifesté des signes non douteux participer A 1’office pour lequel précisément est de pénitence, auquel cas, il faudrait, non toutefois octroyé le bénéfice; et si l’ignorance Invincible excuse sous peine de pollution du cimetière, prononcer de la faute, elle ne remédie t n rien à l’incapacité du l'absolution sur lo cadavre lui-même, selon cette sujet, ou au défaut de condition requise pour la valeur disposition du Rituel : si quis excommun Icatus ex de l’acte. Cf. De Luca, op. cil., p. C>5. Mais d’autres hac vita decedens dederit signum contritionis, cedethéologiens ct canonistes jugent, au contraire, que dastica ne carcut sepultura, sed Ecclrsite sufjragiis, celte incapacité radicale relativement aux bénéfices e valentis peri potest, adjuretur. ecclésiastiques n’existe pas chez les excommuniés Pour ce qui concerne l’excommunié toleratus, on tolérés, quoiqu’ils ne puiss ni exercer les offices ne saurait lui refuser la sépulture ecclésiastique, en annexes auxdlLs bénéfices, car, d’une part, il est raison seulement de l'excommunication, car le prin­ pennis de communiquer in dioints avec les excom­ cipe établi plus haut, c. 12, tit. De sepulturis, ne muniés tolérés, et, d'autre part, dans le cas d’une trouverait pas ici son application. Mais, excepté le excommunication occulte, on ne peut dire que celui cas où l’excommunié aurait reçu les derniers sacre­ qui reçoit ainsi le bénéfice l’obtient indignement. ments, on devrait, dans l’acte de la sépulture, res­ Cf. d’Annibale, op. rit., t. 1, n. 328; Lega, De fudlctis treindre sensiblement les solennités liturgiqu s, ainsi ecclesiasticis, Rome, 1905, t. ni, n. Ill; E. Berardi, que l’a déclaré la S. Pénitcnceric, le 20 mars 1885 : op. cit., n. 4735. Que dire du cas spécial où l'excom­ vitatis pompis ct solemn itatibus cxcquiarum.B en plus, munication serait contractée par celui qui aurait si, au moment de mourir, l’excommunié toléré avait déjà été mis antérieurement en possession du béné­ donné des signes certains d’impenitence ct avait notoirement refusé les sacrements, ou bien encore fice? Tout d'abord, le bénéfice en question ne saurait être perdu par le seul fait de l’excommunication; si quelque grave scandale était ù redouter, on pourrait et l’excommunié, même vitandus, hc pourrait être refuser à son cadavre les honneurs de la sépulture privé de son bénéfice qu’en vertu d’une sentence ecclésiastique. Cf. S. Alphonse de Liguori, toc. cit., judiciaire. Quant aux revenus du bénéfice, dont n. 186; Bucceroni, loc. cit., n. 123; E. Berardi, Praxis l’excommunié remplirait les obligations par luiconfessoriorum, Pavie, 1899, t. i, n. 327; Examen même ou par un substitut, on peut dire également, confessorii cl parochi, n. 4734. sans sortir de la probabilité, qu’ils ne devraient pas 5. Potestas, c’est-à-dire la privation de toute juri­ être restitués avant qu'intervint une sentence, au diction ecclésiastique. En effet, tout exercice de la moins déclaratoire, du juge. Cf. Schmalzgrucber, Juridiction ecclésiastique, tant au for externe qu’au ht. cit., n. 67. for Interne, est interdit aux excommuniés. Cependant 7. Forum, c'est-à-dire la privation des droits judi­ ici encore, il faut distinguer entre les excommuniés ciaires ct de la juridiction compétente au for civil vitandi ct les tolerati. S’il s’agit des premiers, tout acte de juridiction posé par eux est nul ipso jure, ! cl ecclésiastique, en sorte que l’excommunié ne peut exercer aucun acte ayant trait aux jugements civils c. 24, tit. xxviî, De sententia ct re udicata, I. II; et ecclésiastiques, par exemple être juge, avocat, excepté pourtant le cas d’extrême nécessité, car, demandeur, témoin, etc. Sexte, I. V, tit De sent, pour donner l'absolution à un moribond, les excom­ excommun., c. 8. Cependant l’excommunié toléré muniés vitandi eux-mêmes ne sont pas dépourvus peut soutenir une action judiciaire tant qu’on ne de Juridiction. Si, au ontralre, il s’agit des excom­ fait pas valoir contre lui une exception légitime en muniés tolerati, les actes de juridiction effectués par raison de l’excommunication; ct le juge ainsi que la eux sont certainement illicites, à moins qu’ils n’aient partie contraire ne sont pas obliges de recourir A été requis par les fidèles, mais ils restent valides en ladite exception. Cf. Schmalzgrucber, 1. II, tiL De eux-mêmes, A moins encore que ne soit présentée jud.t n. 33 sq. ; Suarez, De censuris, disp. XV I, sect ni. contre eux l’exception juridique pour cause d’excom­ Quant à l'excommunié vitandus, il lui est interdit munication. Cf. Schmalzgrucber, tit. cit., n. 139. d'intenter une action judiciaire, ct s'il vient à sc G. Pradia sacra, l’incapacité de parvenir aux présenter comme demandeur et qu'aucune exception dignités, bénéfices, oillces cl pensions ecclésiastiques, ne lui soit opposée, il incombe au juge lui-même de de manière quo toute collation, présentation, ou rejeter ex officio la demande en question, 1. H, lit. élection, faite à cet égard, est nulle de plein droit, c. 7, 8, lit. xxviî, De cleric, excommun., I. V; A moins xxv, De exerprionibus, c. 12. D’après le droit com­ que le pape lui-même ne confère, en connaissance de mun, cette prohibition vise aussi bien les tribunaux cause, le bénéfice A l’excommunié, ou que, dans civils que les tribunaux ecclesiastiques, I. V, tit. xi, l’acte de la collation du bénéfice, il n’use de la clause De sent, excomm., c. 6. Mais pratiquement, aujour­ préalable d'absolution générale des censures. Toute­ d’hui, les exceptions pour cause d’excommunication ne sont admises que dans les jugements ecclésias­ fois, dans ce dernier cas, l’absolution ifatteindrait l’excommunication particulière que pour l’effet de tiques. Cf. E. Berardi, op. cil., n. 4737; Lehmkuhl, op. cit., t. il, n 896. En outre, si les excommuniés ladite collation du bénéfice, cl non absolument vitandi no peuvent Intenter une action judiciaire, parlant, de sorte (pic l'excommunié en question ils peuvent toujours répondra en justice ct cxcipcr devrait toujours se procurer le plus tôt possible contre une action qui les atteindrait; toutefois ils l’absolution complète de sa censure. Or cet empêche­ doivent A cet effet se choisir un procurateur, s'ils ment relatif aux bénéfices cl offices ecclésiastiques peuvent le faire sans grave inconvenient, 1. H, tit. atteint certainement les excommuniés vitandi : ct De jud., c. 7; Suarez, op. cit., disp. XVI, sect. xv. conséquemment toute collation faite en leur faveur Bien plus, il est des cas où l’excommunié vitandus est invalide; de même que la perception des revenus provenant do bénéfices ainsi conférés est injuste et peut soutenir même une action judiciaire cl inter­ soumise A l’obligation do la restitution; excepté j venir comme demandeur dans un jugement, à savoir, pourtant si l’excommunié, ignorant l’existence de lorsqu’il désire prouver que l'excommunication portée 1743 EXCOMMUNICATION contre lui est nulle de plein droit; ou bien lorsqu’il s’agit d’une cause matrimoniale; ou en tin lorsque ladi c action est nécessitée par le bien publie de l’Égiise, de sorte que l’excommunié sc trouve être un demandeur nécessaire. Cf. Sdimalzgrucbcr, op. cit., tit. /)♦· jitdic., n. 31; Lega, op. cit., t. i, n. 64. 8. Civilia jura, c'est-à-dire l'interdiction de com­ muniquer avec les fidèles dans les relations de la vie civile, ct sociale, ct certains témoignages de fami­ liarité, d’imili* d’honneur, de société, etc., autant que cela est pliure, sans courir le risque de quelque grave dommage. Or ccs choses d’où résulte la com­ munication civile en question sont exprimées dans le vers suivant : Os, orare, vale, communio, mensa negatur. Os, c’cst-à-dirc toute conversation ou rapports épistolaircs; orare, c’est-à-dire, toute communication in divinis; vale, c’est-à-dire les témoignages de poli­ tesse; communio, c’est-à-dire toute cohabitation, contrat, coopération, association; mensa, c’cst-à-dirc l’hospitalité et le couvert. Mais il faut observer que, pour plusieurs causes raisonnables, l’Égiise, aujour­ d'hui surtout, tolère que les fidèles entretiennent des relations avec les excommuniés même vitandi. Les causes qui peuvent légitimer la communication civile par rapport aux excommuniés sont indiquées dans cet autre vers : Utile, lex, humile, res Ignorata, neccsse. EXÉGÈSE 174i que, tout d'abord, le clerc excommunié qui viole la censure en exerçant, illicitement el sciemment, les ordres sacrés, encourt Γirrégularité. Nous disons « illicitement ct sciemment », car il faut qu'inter­ vienne une faute mortelle cl le mépris de la censure, c. 7, 8, tit. xxvn, De cleric, exconi., I. V, de manière que, si la censure était occulte el que l’abstention à l’égard de l'exercice des ordres pût occasionner quelque grave scandale ou entrainer l'infamie pour le sujet intéressé, il n’y aurait ni faute, ni irrégularité. Un autre effet Indirect de l'excommunication consista en cc que, si l’excommunié, nonobstant les.monitions, persiste dans la censure ct reste contumace durant une année, il devient suspect d'hérésie, ct, à cc titre, on peut procéder contre lui, spécialement en le privant, par sentence judiciaire, des bénéfices ct ofllccs ecclé­ siastiques, concile de Trente, sess. XXV, c. in, De reform.; en outre, il est tenu pour convaincu à l'égard du crime qui a motivé l'excommunication car, par une fiction du droit, la contumace équivaut, en matière judiciaire, à un aveu, tant que le prévenu n’cxcipc pas de son innocence. C. Rursus, caus. XI, q. ni; cf. Schmalzgrucbcr, loc. cit., n. 147; Engel, Collegium universi furis canonici, Salzbourg, 1760, 1. V, tit. xxxix, n. 63; S. Alphonse de Liguori, op. cit., 1. VII, n. 179, 353; Santi, lit. cit., n. 2 sq.; Bucccroni, op. cit., n. 120; Lega, op.cit.,t. m, n. 143; E. Berardi, op. cit., n. 4522. Corpus /uris canonici, édit. Richter, Leipzig, 1839: Décret de Gratlcn, q. i, caus. II, c. 17; q. m, cans. XI, c. 41; q. v. cans. XXIII, c. 26; Décrétales de Grégoire IX, I. V, tit. xxxix. De sententia excommunicationis; tit. x.xvii, De clerico excommunicato; concile de Trente, sess. XXV, c. ni, De reform.; Acta sanctos sedts, passim. Schmalzgrucbcr, Jus canonicum universum, Paris, 1889, 1. V, tit. xxxix, n. 180 sq., 212 sq.; Reiffenstuel, Jus cano· nicum universum, Anvers, 1755, 1. V, tit. xxxix, n. 48 sq.; Pirhing, Jus canonicum, Venise, 1759, 1. V, lit xxxix, n. 4 gq.; Engel, Collegium universi juris canonici, Salzbourg, 1760, 1. V, tit xxxix, n. 63; Perraris. Bibliotheca canonica, Rome, 1759, v· Excommuniaitio; Berardi, Commentarium tn jus ecclesiasticum universum, Venise, 1789, I. iv.disp. Ill, c. v sq.; Schmicr, Jurisprudentia canonico-civilis, Venise, 1767, 1. V, part. I, c. ni; Suarez, De censuris, Venise, 1742, sect, i, xv; Devoti, Institutiones canonica·, Madrid, 1802, 1- IV, til. xvni; Santi, Pneleclioncs juris canonici, Rntisbonne, 1905, I. V, tit. xxxix; Lega, De judiciis ecclesia· stteis, Rome, 1905,1.1, n. 64; t ni, n. 1 II sq.; De Luca, De delictis el pγή. Cc nom ne cor­ tution des juges, xviii, 1-27. — II· partie. — Le respond qu'au début de l’ouvrage, qui raconte la sor­ campement au désert du Sinaï est signalé par la lé­ tie des Hébreux de l’Égypte. Les Juifs de Palestine gislation religieuse que Dieu donne à son peuple. désignaient cc livre,comme les autres,par ses premiers 1® Les préparatifs de la manifestation divine ct la ma­ mots : ou simplement r'c? ct par abrénifestation elle-même, xix, 1-25. 2° Promulgation du .. ·.· -1 t viation 'v. Origène transcrivait le nom complet en Décalogue, xx, 1-21, et du code de l’alliance, xx, 22caractères grecs : ούαλισμωΟ. In ps. /, P. G., t. xn, xxiii, 33, et conclusion de l’alliance, xxiv, 1-8. col. 1084. Ce nom n passé des manuscrits hébreux 3® Moïse pénètre seul dans la nuée et pendant 40 jours aux Bibles hébraïques imprimées. Les rabbins nom­ cl 40 nuits y reçoit de Dieu une description de l’arche d’alliance de la table des pains de proposition, du maient ce livre r'c· *22, < le livre des noms », ou chandelier à sept branches, du tabernacle, de l’autel ·:- usv, · le deuxième cinquième », c’est-à-dire des holocaustes, des vêtements sacerdotaux, dis rites le second livre du Pentateuque. J. Eürst, Der Kanon des Allen Testaments nach den Ucbcrlie/erungcn in 1 de la consécration des prêtres, diverses lois concer­ Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 5-6. nant le culte, la désignation des constructeurs du ta­ II. Contenu.— C’est l’histoire d’Israël, après la bernacle et la loi du sabbat, xxiv, 9 - xxxi, 18. mort de Joseph, de sa sortie d’Égypte sous la con­ 4® Pendant l’absence de Moïse, le peuple adore un duite de Moïse et d'une partie de la constitution reli­ veau d’or. Dieu s’en irrite; Moïse intercède pour les gieuse que Dieu lui a donnée au Sinaï. Cette histoire | coupables, brise les tables de la loi, renverse l’idole, des Livres saints. C’est une discipline théologique,qui a à rechercher et à exposer ce sens. Elle est nécessaire, parce que les Livres saints sont des livres anciens, partiellement obscurs, ct inspirés. En raison de leur antiquité, ils traitent de faits ct d’idées, qui sont bien éloignés de nous ct que nous ne saisissons pas parfaitement à la simple lecture. Ils font souvent allusion à des usages ct à des mœurs qui nous sont très étrangers et auxquels nous avons besoin d’être Initiés pour comprendre leur texte. Enfin,puis­ qu’ils sont inspirés, ils expriment la pensée de ΓEsprit qui inspirait leurs auteurs, ct si c'est un défaut d'en­ tendre à contresens les pensées de n'importe quel écri­ vain, cc serait un danger d’une gravité exceptionnelle que d'altérer celles que Dieu a voulu transmettre aux hommes dans les Livres saints. L'exégète doit donc appliquer sérieusement les règles d'interprétation qu’a fixées l'herméneutique sacrée. Or ces règles sont de deux sortes. Les unes, qui découlent de la nature des Livres saints envisagés seu­ lement comme livres anciens, sont générales, ration­ nelles, grammaticales ct logiques. Les autres dérivent de leur qualité de livres inspirés ct divins et elles sont dites particulières, traditionnelles, ecclésiastiques ou catholiques, parce que la tradition ct l'autorité du magistère ecclésiastique ont parfois déterminé le sens du texte biblique et imposent des lois spéciales aux exégètes catholiques. Voir Interprétation de l’Écr iture. En tant qu’elle applique les premières de ccs règles, l’exégèse est dite scientifique, grammaticale, logique; quand elle applique les secondes, elle est otllcielle, authentique, traditionnelle ou catholique. Pour être complète ct adéquate, elle doit réunir ccs deux caractères. L’histoire de l’exégèse biblique comprend l’explica­ tion de l’Écriturc chez les Juifs ct chez les chrétiens, qu’ils soient croyants ou rat ionalistes. Elle n’est traitée dans cc Dictionnaire que par les listes des commenta­ teurs de chacun des livres bibliques. 1747 EXODE 174« fait tuer 1rs idolâtres et intercède dc nouveau auprès ralement du ix* ou du vin· siècle, ct on discuir sur sa du Seigneur, qui fait grâce Λ son peuple repentant, priorité relativement au jéhoviste comme sur sa dé­ χχχπ, 1 - xxxm, 6. 5° Moïse transporte le taber- j pendance. Quelques critiques ont voulu y distinguer nacle hors du camp ct Dieu lui propose de renouveler divers écrits de la même école, E1, I·?, E*, combinés l’nilianco rompue par l’in fidélité des Israélites. Moïse i en E. L’auteur aurait inséré dans son œuvre des taille dc nouvelles tables, reçoit une seconde fois dc documents antérieurs : morceaux poétiques, tels Dieu les conditions dc l’alliance, ct reparaît le visage que les cantiques de Moïse ct dc Marie, voir Lagrange, resplendissant dc la gloire divine, xxxm, 7 - xxxiv, Deux chants de guerre, dans la Revue biblique, 1899, 35. 6e Les ordres dc Dieu relatifs à In construction du j t. vm, p. 532-541, et textes législatifs, tels que le, tabernacle ct Λ la fabrication des ustensiles du culte Décalogue, voir plus haut, t. iv, col. 162-164, ct le sont accomplis : les Israélites apportent leurs dons, code de l’alliance, qui est un code â lu fois civil, les ouvriers désignés les emploient Λ la construction criminel, moral ct religieux.qui serait le plus ancien du tabernacle, dc l’arche, dc la table des pains dc code Israélite ct qu’on a rapproché du code d’Ham­ proposition, du candélabre ct des autels et à la con­ mourabi. Lagrange, Le code d'Hammourabi, dons la fection des vêlements sacerdotaux, xxxv, 1 - xxxix, Revue biblique, 1903, t. xn, p. 50-51. Sur le docu­ 30. Tout le travail achevé est béni par Moïse, xxxix, ment élohislc, voir E. Mangcnot, L'authenticité 31-13. Dieu ordonne d'ériger le tabernacle, de vêtir mosaïque de Pentalcuque, Paris, 1907, p. 49-76. ct d’oindre les prêtres. Scs ordres sont exécutés ct la 2° Le document jéhoviste, J. — Son nom vient de nuée dc sa gloire couvre le tabernacle, XL, 1-36. l’emploi fait par l’auteur dès le début de son récit III. THÉORIES DES CRITIQUES. — POUF toute Une I du nom de Jéhovah ou Jahvé, même avant sa révé­ école dc critiques rationalistes, le livre dc l’Exodc, . lation à Moïse sur le^SInaï. Cc livre remontait aux comme ceux dc la Genèse, du Lévitique ct des origines dcl’humanité : à l’histoire primitive il joi­ Nombres, n’est pas l’œuvre dc Moïse, le prétendu gnait l’histoire des patriarches ct celle du peuple législateur du peuple juif; c’est une composition tar­ juif au moins jusqu’après la conquête de la Terre dive, formée d’éléments disparates, qui ont été em­ promise. La part qui lui reviendrait dans le livre pruntés ά trois documents d’époque différente : le I actuel dc l’Exodc serait la suivante : 1 oppression document élohislc, le document jéhoviste ct le code des fils dc Jacob en Égypte, dans la province dc sacerdotal. Indiquons cc qui reviendrait à chacun Gcsscn, i, 6, 8-12, la fuite dc Moïse au pays de Mnd’eux dans l’Exodc, en notant les caractères généraux dian, n, 15-23a,la mission divine dc Mo sc, les signes dc la source. qui la démontrent ct les épisodes du retour en Egypte, 1· Le document élohlsle, E.— On lui a donné le m, 7, 8, 16-20; iv, 1-1 , 19, 20a. 22 6-31, l’oppression nom d'élohlste, parce que son auteur présumé em­ plus forte des Israélites par le Pharaon, v, 1 - vî, 1, ploie constamment, pour désigner Dieu avant la les plaies d’Égypte, présentées comme des miracles révélation dc Jfthvé au c. vî de l’Exodc, le nom dc la puissance divine, vu, 14-18, 23, 25-29; vm, d’Élohlm. C’était, suppose-t-on, une histoire des pa­ 4-lla, 16-29; ix, 1-7, 13-21, 236-34; x, 1-7,13 6-19, triarches, Abraham, Isaac ct Jacob, et du peuple juif, 28, 29; xi, 4-8; xn, 29, 30, un récit de l’exode, au dont ils étaient les ancêtres. Les lambeaux, qui en moins, xm, 21, 22, la poursuite des Égyptiens ct leur auraient été insérés dans le livre actuel dc l’Exodc, défaite, xiv, 5-7,10-14,19, 20, 216, 24, 25, 276, 30, 31, racontent l’oppression des Israélites par le Pharaon, les stations à Mara ct à Élim, xv, 22-27, la manne, i, 15-22, la naissance de Moïse, son adoption par la xvi, 4, la station Λ Raphidim, xvn, 16, 2, 7, l’appa­ fille du Pharaon, ct le meurtre d’un Egyptien, n, rition dc Dieu sur le Sinaï, xix, 20-25, la loi dc l’autel, 1-11, l’apparition divine, m, 1-6, 9-15, *21, 22, la xx, 22-26, l’apparition divine aux anciens, xxiv, mention de la verge dc Moïse, le retour dc Moïse en 1, 2, 9-11, l’adoration du veau d’or, xxxn, 9-14, le Égypte, iv, 17, 18, 20 6,21, les plaies d’Égypte, vu, Décalogue jéhoviste, xxxiv, 1-28. Les lois qu’il rap­ 20 6, 21 a, 24; ix, 22, 23a, 35; x, 8-13a, 20-27 ;xi, 1-3, porte sont citées pour leur intérêt historique, cl non la sortie d’Égypte, xn, 31-36,37 6-39, les cantiques pour promulguer un code. C’est une histoire nationale de Moïse ct de Marie, xv, 1-21, la disette d’eau ct le ct religieuse, une histoire sainte, composée selon les combat contre les Amalécltcs, xvn, 3-6, 8-16, la idées des prophètes. Elle accentue l’infidélité ct la dés­ visite dc Jéthro ct l’institution des juges, xvm, les obéissance des Israélites à l’époque mosaïque. Son préparatifs dc la manifestation divine à lloreb, xix, auteur est le meilleur narrateur dc tout l’Ancicn Tes­ 26-19, le Décalogue, xx, 1-21, le code dc l’alliance, tament. On en fait un habitant du royaume dc Juda. xxi, 1 - xxm, 19, les promesses ct les menaces di­ Quelques critiques ont cru retrouver dans son œuvre vines, XXIII, 20-23, l’engagement d’observer la loi et des traces de deux mains différentes, J l, J On le le séjour dc Moïse sur la montagne, xxiv, 3-8, 12-14, date du ix· ou du vm· siècle, les uns le disent an­ 18, la descente dc Moïse avec les tables de la loi, térieur à l’élohistc, les autres postérieur. Cf. E. Manxxxi, 186,l’adoration du veau d’or ct la rupture des genot, op. cd., p. 76-95. tables, xxxii, 1-8, 15-35, les menaces de Dieu ct le 3° Le code sacerdotal, P. — Le sigle P est la pre­ transport du tabernacle hors du camp, xxxm, 1-11, mière lettre du nom allemand de ce code, Priesterct la confection dc nouvelles tables dc la loi, xxxiv, codex, ct cc nom indique la principale partie dc son 286. La tradition qu’il suit différerait de celle du do­ contenu, qui est la législation sacerdotale et rituelle. cument Jéhoviste. Elle place les Israélites au milieu Le document est cependant historique autant que lé­ dc l’Égypte ct elle n en fait pas des pasteurs no­ gislatif. On lui attribue dans l’Exodc le recensement mades. Elle envisage les plaies d’Égypte comme des des fils dc Jacob en Égypte, leur accroissement ct représ ailles dc l’oppression des Israélites. La législa­ leur oppression, i, 1-5, 7, 13, 14, leurs plaintes en­ tion est donnée à l’Horcb ct non au SinaL L’auteur tendues par Dieu,π, 23 6-25,la mission cl la généalo­ parait bien connaître les choses égyptiennes. Son récit gie dc Moïse,vî,2-30,son intervention nuprèsdcPhaabonde en détails. Moïse accomplit des miracles par raon cl les plaies d’Égypte, vu, 1 13, 19, 20a, 21 b. sa verge. Cc livre est une histoire théocraliquc plutôt 22; vin, 1-3, 116-15; ix, 8-12; xi, 9, 10, la première qu’une histoire nationale. L’écrivain a un vocabulaire ! Pâque ctscs riles, xn, 1-20, 28, le départ des Israé­ spécial et son style est uni, coulant, quoique parfois lites, 37a,la durée de leur séjour en Égypte, 10, 11, l’institution définitive dc la Pâque, 12-51, la consé­ peu châtié. On le rattache au royaume d’Israël, parce cration des premiers-nés, xm, 1,2, le voyage d’Étham que presque toutes les traditions qu’il rapporte ont b la mer Rouge, xiv, 1-4, la poursuite par Pharaon, trait a des localités dc ccttc contrée. On le date géné­ 17 VJ EXO D E 1750 des alien Orients, ïxipzig, 190t. p. 251-258. Le nom 8,9.l’annonce du secours divin, 15,18,1c passage dc égyptien de Moïse a été interprété plus tard ai ce la mer Bouge ct la submersion des Égyptiens,21-23, sens ct a reçu la signification de · sauvé des eaux ·. 26. 27a, 28, 29, la chute de la manne au désert de Sin, Cette étymologie, trouvée après coup, ne prouve pas xvi, 1-3, 6-24, 31-35«, le campement A Baphidim, xvn, la, l’arrivée au désert dc Sinaï, xix, 1, 2a, la In réalité du fait, dont elle prétend donner l’explica­ montée dc Moïse dans la nuée, xxiv, 1, 2, 156-18a, tion. C’est aussi pour glorifier leur libérateur que les la législation qui lui est donne c, xxv, 1 - xxxi, 18a, Hébreux ont imaginé son adoption, fort Invraisem­ la descente dc Moïse du Sinaï, xxxiv, 29-3G, l’exécu­ blable en elle-même, par la fille du Pharaon, son édu­ tion des ordres divins, xxxv, 1 - xl, 36. L’histoire cation ù la cour royale ct son instruction dans la sert dc cadre h la législation, qui comprend encore science ct la sagesse des Égyptiens. Scs rapports tout le Lévitique ct une bonne part du livre des réels avec les Madianites ct les Qénites ont été enjo­ Nombres. Pour les caractères du document, voir Lélivés dans la légende dc son séjour auprès dc Jéthro. vitique. Le livre daterait au plus tôt dc la fin de Tout nu plus avait-il épousé une femme dc l’une de la captivité des Juifs ù Babylone. Cf. E. Mangenot, ces tribus. C’est des Qénites qu’il aurait appris A connaître Jahvé, le dieu du Sinaï, si Jahvé n'était op. cil.. p. 131-138, 154-172. pas le dieu dc sa famille ou de son clan, ct il aurait Iæ livre actuel de l’Exodc, qui est une compilation présenté à scs contribules cc dieu comme le dieu dc d’une partie de ces trois documents, ne serait donc leurs ancêtres. Peut-être aurait-il fait de la sortie pas l'œuvre dc Moïse et sa rédaction définitive, d’Égypte une question dc religion, d’où seraient comme celle du Pcntatcuquc entier, serait au plus venues les apparitions divines au SinaT ct la mission tôt antérieure Λ Esdras, sinon même postérieure. Sa de délivrer son peuple. valeur historique serait bien mélangée, puisque le livre combinerait des traditions différentes, en par­ Il n'est pas étonnant que le futur libérateur des Hébreux, vivant à une époque de persécution et des­ tie légendaires, ct la législation, qui est elle-même une combinaison d’éléments disparates ct dc lois dc di­ tiné par Dieu ù une grande mission, ait eu dans ses origines des circonstances extraordinaires. La com­ verses époques, n'aurait rien dc mosaïque. paraison avec des personnages légendaires ne prouve IV. Authenticité mosaïque. — lô Existence ct absolument rien. Ix Pharaon faisant périr les enfants rôle historique dc Moïse. — 1. Existence historique. — Israélites à leur naissance, la mère dc Moïse a bien pu Les critiques,qui se disent indépendants, ne recon­ trouver dans son coeur maternel l’idée d'exposer son naissent guère de valeur historique à la tradition fils sur le Nil.ct la providence a veillé particulièrcmcut hébraïque sur Moïse, consignée dans l’Exodc. Quel­ sur la sauvegarde dc l’enfant, sans miracle, par un ques-uns même doutent dc l’existence dc Moïse ou la concours dc circonstances toutes naturelles. Le nom nient résolument. H. Winckler explique par l’astro­ égyptien dc leur libérateur, adopté par les Hébreux, nomie la légende dc Moïse, lequel n'est, à scs yeux, a été rattaché à une racine hébraïque, dont le sens con­ qu’une personnification dc Jahvé-Tammouz de la venait au fait de la délivrance des eaux. L’adoption steppe. Geschichte Israels in Einzrldarstcllungcn, dc l’enfant trouvé par la fille du Pharaon n’est pas IIe partie, Leipzig, 1900, p. 86-95; Die Keilinschri/ten impossible ni invraisemblable, ct si le nom égyptien und dus Aile Testament, Berlin, 1902, p. 209-212. dc Moïse avait la signification que lui donnent la Pour Cheyne, art. Moses de V Encyclopedia biblica, plupart des égyptologues modernes, il prouverait Londres, 1902, t. m, col. 3203 sq., Moïse était pri­ qu’il a été imposé à l’enfant par la princesse égyp­ mitivement le clan de Jahvé, qui habitait au nord tienne qui ne parlait pas hébreu. L'enfant adopté de l’Arabie. La tradition a appliqué ensuite ce nom aurait naturellement reçu une éducation semblable ethnique à un individu, dont l’histoire légendaire à celle des autres enfants dc la cour. Ses rapports reproduit quelques traits dc l’histoire réelle du clan. avec Jethro ne sont pas des enjolivements légen­ Edouard Meyer pense qu’on ne peut prouver histo­ daires, si on admet qu’il a été en relation avec les riquement la personnalité dc Moïse; selon lui, nous ne Madianites. Nous avons réfuté déjà l'origine qénitc connaissons que le Moïse de la légende. Die Israeliten dc Jahvé, voir t. iv, col. 959-961, ct montré que cc und ihre Nachbarslâmme, Halle, 1906, p. 451, note. nom divin avait été révélé par Dieu lui-même à Moïse· Cependant la plupart des critiques les plus rationa­ listes admettent l'existence historique dc Moïse, ct Ibid.. col. 954-959. presque tous les historiens s’accordent à dire que les 2. Rôle historique de Moïse. — Le silence des monu­ faits qui se rattachent ù l'exode d’Israël hors de ments égyptiens sur le séjour d’un peuple dc pasteurs l’Égypte exigent la présence et l’action d’une person­ en Égypte, en un pays si bien administré, ct sur la nalité très puissante; ils ne s’expliqueraient pas autre­ fuite dc ces étrangers pour échapper à la domination ment. 11 n'y a aucune raison dc rejeter la donnée qui égyptienne, rend la tradition dc l’Exodc peu croyable fait dc Moïse un membre de la tribu dc Lévl. Exod., ct la relègue dans le domaine dc la legende. H. Winck­ n, 1. La plupart des égyptologues contemporains ler, Geschichte Israels, Leipzig, 1895» t. i, p. 55 sq. pensent que son nom hébreu est la transcription du Cependant la profonde impression qu’ont laissée mot égyptien, mes, mesu, qui signifie « enfant · ct dans tout l’Ancicn Testament la sortie d’Égypte ct qui était employé ù l’état Isolé ou en composition, par les merveilles qui l’ont accompagnée, Is., x, 24, 26; exemple, dans les noms propres Amosis, Euthmosis. xi, 16; Jcr., π. 6; xvi, 1 1, 15; xxru, 7, 8; Ps. lxxvi, La tradition juive n'a pas perdu son souvenir, ct on lxxvii. i.xxix, lxxx. c iv. cv, cvi, cxui, < xxxiv, etc., le retrouve chez les prophètes, Isaïe, i.xin, 11, 12, ct l'accord unanime dc la tradition Israélite A ratta­ Michêe, vî, 4 (avec Aaron et Marie), Jérémie, xv, 1, cher la révélation de Jahvé et sa législation au Sinaï Malachic, iv, 4, cl dans quelques psaumes, lxxvi, 21; prouvent la réalité historique des événements princi­ xcvm, 6; civ, 26. paux (pii sont racontés dans l’Exodc. Abbé de Broglie, On a voulu voir en particulier une légende dans la Questions bibliques, édit. Plat, Paris, 1897, p.224-241 ; circonstance qu'il fut sauvé des eaux. Elle aurait son Id., Le caractère historique de l'Exode, dans les Annales point dc départ dans cette idée que le libérateur des de philosophie chrétienne. nu\l 1887, t exiv, p. 105-138; Hébreux a dû la conservation dc sa vie Λ un dessein B. Baentsch, Exodus, Leviticus, Numeri, Gœttinguc, providentiel dc Dieu. D'autres personnages dc l'his­ 1905, p. lxx-lxxl Aussi la plupart des critiques ra­ toire ancienne, Sêmiramis, Œdipe, Cyrus, Bomulus, tionalistes admettent-ils que la tradition de Moïse, ont été dc même préservés de grands dangers ù leur libérateur de son peuple, a un fondement historique naissance. A. Jcrcmias, Dus Aile Testament im I.ichtc auquel la légende s’est mêlée. Toutefois, il se pour- 1751 EXODE 1752 rait qu’il n'y ait à retenir que les faits de la sortie decouvertes modernes, t. iv, p. 677-683; G. Maspero, d’Égypte et de l’entrée d’Israël dans la péninsule Histoire ancienne des peuples de ΓOrient classique, du Sinaï. Valcton, dans le Manuel des religions de Paris, 1897, t. n, p. 436, 443-414; A. Deiber, dans Chan topic de la Saussaye, trad, franç., Paris, 1891, la Revue biblique, 1899, p. 267-277; Ph. Vircy, ibid., p. 190-191. 1900, p. 578-586; Dictionnaire de la Bible, art. MéCependant, on sc rend bien compte du silence des ncplüah I", t. v, col. 965-967. Μ. K. Miketta, Der documents égyptiens. La caravane des fils de Jacob Pharao des Auszuges, dans Biblische Sludien, Fribourgne s’élevait, à son arrivée en Égypte, qu’au nombre cn-Brisgau, 1903, t. vni, fasc. 2, a tenté de reporter peu important de 70 hommes. Exod., i, 5; Gcn., l'exode à une date antérieure cl de la placer sous le xlvt, 8-27. L’installation de ces nomades dans la règne d'Arnénophls II, entre 1461 et 1436. Sa con­ terre de Gessen, proposée par Joseph, a bien pu clusion a été adoptée par J. Selbst, Handbuch zur Bi· passer Inaperçue dans l'administration du Pharaon, blischen Gesehichte, 6‘ édit., Fribourg-cn-Brisgau, 1910, qui était lui-même un roi pasteur, puisque cette I t. i, p. 435. terre était alors un pays inculte ct qu'elle ne devint Les objections tirées des miracles qui ont accom­ un district administré comme les autres parties de | pagné et suivi la sortie d'Égypte contre le caractère l'Égypte, que sous Ramsès II. F. Vigoureux, La historique de cet exode, ne peuvent nous arrêter Bible ct les découvertes modernes, 6· édit., Paris, 1890, longtemps ici. Ces miracles « sont attestés par la t. n, p. 219-220. D’autre part, les Pharaons n’avaient < croyance de toute une nation, croyance appuyée ellepas Jhablliide de relater sur leurs stèles les événe- | même sur des usages immémoriaux, tels que la fête monts défavorables qui se produisaient sous leur [ de Pâque, sur des monuments visibles, comme l’arche règne. On s’explique donc aisément que le Pharaon de I ct le tabernacle. La croyance à ces miracles n'est pas l’Exodc n’ait pas inscrit sur scs monuments le souve- ! pour le peuple d’Israël une sorte d’épopée nationale, nlr des plaies d'Égypte, de la fuite des Hébreux ct de | comme le récit de la guerre de Troie pour les Grecs. la destruction de son armée dans la mer Rouge. C’est une croyance ferme, nette, précise, ayant des Ces faits,qui étaient à la base de l’histoire d’Israël, | conséquences pratiques, > qui ont fait d’Israël le ne constituaient qu’un épisode peu glorieux pour les seul peuple monothéiste. Abbé de Broglie, Questions Égyptiens, qui n'en ont pas gardé le souvenir. Spie- j bibliques, p. 232. En outre, ces faits miraculeux gclbcrg, Der Aufenthall Israels in Ægupten, 4· édit., s'unissent aux faits naturels ct les expliquent au point Strasbourg, 190-1, p. 15-20; J. Nikel, Dus Aile Testa­ qu’il faut rejeter comme non historique le récit de ment im Llchtc der orientalischcn Forschungcn. II. l’Exodc tout entier, ou accorder aux miracles euxIfafll und sein Werk, Munster, 1909, p. 1 1. mêmes un caractère historique. Enfin, ces miracles « Après avoir longtemps joui, non sans un large présentent des circonstances qui conviennent au mi­ profil, de l’hospitalité libérale des Égyptiens sur le lieu historique où ils sc sont produits, comme M. Vi­ sol de Gessen, le clan des patriarches hébreux sc i goureux l'a clairement établi pour les plaies d’Égypte. trouva réduit soudain â une condition plus dure. I La Bible et les découvertes modernes, t. n, p. 305-349. Pharaon fit peser sur scs hôtes, dont la richesse et 1 L'itinéraire suivi par les Israélites pour aboutir l’accroissement étaient vus probablement d’assez au Sinaï peut créer de graves difficultés exégétiques. mauvais œil par scs sujets, le poids des impôts cl de la I Sa direction générale sc justifie aisément. S’ache­ corvée. » II. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 156. Il miner directement vers le pays de Canaan, c’était •’était produit un changement de dynastie, et le i s’exposer à une ruine irrémédiable. < Informé de la nouveau roi n'avait pas connu Joseph. Exod., i, 8. 1 fuite de cette immense ct précieuse légion d’esclaves, C’était Séti Pr, le fondateur de la XIX· dynastie ; Pharaon ne manquerait pas de sc lancer â sa pour­ égyptienne. Sous son fils Ramsès H, · le joug s'alour­ suite. D’ailleurs on sc heurterait sans faute à la résis­ dit brusquement : il fallait créer cn hâte des villes I tance des peuples de Canaan avant d'y être assez grandes ct fortes : Ramsès ct Pithom, ct les exacteurs préparé. Un ordre divin ramène les fugitifs dans les pharaoniques sc firent si rudes pour les Israélites ré- ' solitudes austères ct grandioses du Sinaï. On y prendra duits au même servage que des prisonniers de guerre, I le temps nécessaire à l'organisation nationale qui fait qu*h la première occasion ils prirent la fuite. » H. Vin­ encore défaut. La lutte avec les tribus rencontrées cent, ibid. Une des villes bâties par les Hébreux est I dans les vallées de pâturage et autour des puits aura nommée Ramsès ct elle a pris son nom de Ramsès 11, pour résultat d’aguerrir le peuple pour les combats son fondateur; scs ruines ont révélé les travaux de cc plus redoutables qu'exigera la conquête de Canaan. ► prince. F. Vigoureux, loc. cit., p. 221-222, 236-250; H. Vincent, op. cil., p. 457. Sur les détails de cet iti­ Dictionnaire de la Bible, art. Pithom, t. v, col. 323néraire, voir F. Vigoureux,op. cit., t. n, p. 350-489; 324; Ramsès II, ibid., col. 971-974. J. Lagrange, dans la Revue biblique, 1900, p. 63-86. Suivant l’interprétation la plus répandue ct la On a remarqué que les plus anciens prophètes mieux appuyée, l’exode des Hébreux eut lieu sous le écrivains, Amos ct Osée, connaissaient des faits ra­ régne de Menephtah ltr, au xm· siècle avant Jésus- contés dans l’Exodc. Amos parle de Γ extermination Christ. Or, il sc rencontre que les Israélites sont des Amorrhéens, de la sortie d’Égypte ct du séjour nommés pour la première fois sur la stèle de cc roi, i des Israélites pendant quarante ans au désert, n, 9, découverte en 1895 par M. Flinders Petrie, dims les 10; ni, 1; il dit cependant (pie les Israélites n’ont pas ruines de l’Amcnophium de Thèbes. Cc Pharaon ofïert à Dieu de victimes et de sacrifices, v, 25, peutraconte ses victoires, la pacification de son empire, être de victimes ct de sacrifices qui aient étéagréablcs l i punition des Chnnanéens révoltés ct il dit qu* « 1s- au Seigneur. Osée mentionne aussi la sortie d’Égypte, r ici est déraciné et n’a pas de graine. » 11 s’agit des ‘ opérée par l’intermédiaire d’un prophète, xi., 1 ; Israélites réfugiés sur les bords du Nil plutôt que xn, 9, 13; mais il place les Israélites du désert aud’un clan Israélite, demeuré au pays de Chanaan, dessus de scs contemporains relativement à leur comme l'avait pensé M. Petrie. · Après une vainc conduite envers Dieu, ix, 10. Le séjour des Israélites tentative pour entraver leur fuite, Pharaon.qui a vu | cn Égypte comme étrangers est rappelé encore par Isaïe, liî, 4, ct la sortie d’Égypte est mentionnée par les Israélites s’enfoncer au désert.estime superflu de les v poursuivre, soit que d’autres soucis l’appellent les autres prophètes, ainsi que le séjour dans le dé­ sert. Jcr., π, 2. ailleurs, soit qu’il juge assurée la ruine des fuyards; 2° Moïse, législateur des Hébreux au Sinaï, — Les < n tout cas pour lui, leur racc n'est plus. > IL Vin­ critiques rationalistes, qui reconnaissent en Moïse le cent, op. ciL·, p. 157. Cf. F. Vigoureux, La Bible et tes 1753 EK ODE Exod., xvn, 14. Cf. DcuL, xxv, 17-19. Le texte fondateur de la nation d'Israël ct de su religion, ad­ mettent bien qu’il dut donner ή son peuple quelques massorétique est ponctué de telle sorte qu'il faudrait règlements, qui furent considérés comme provenant traduire : ■ Écris dans te livre, » et on l'entend sou­ de Dieu, puisque a cette époque 11 n'y avait encore vent du Pcntateuque, déjà commencé ct rédigé cn aucune différence entre le droit humain et le droit forme de journal ou d’annales. Ix?s massorètes avaient divin.Mais la plupart n'attribuent ft ce légi lateur au­ sans doute en vue cc livre, quand ils ponctuèrent cune des lois qui sont contenues dans le Pcntateuque. ainsi ce passage. Mais la version des Septante n'a On trouvera ft l’art. Lêvitiqub la discussion des pas l'article; clic porte : ilç ou b , et principales raisons qu’on invoque contre l'origine ses auteurs n'avaient cn vue qu’un livre indéterminé. mosaïque du code sacerdotal, dont une minime par­ J. Klcy a prétendu toutefois que cette signification tie se trouve dans le livre de l’Exodc. Nous n'avons exigerait la leçon “z: *.7, employée. DcuL, xiitc ft parler ici que de la législation du document élohistc. 18; xxxi, 24; Is., xxx, 8; Jer., xxx, 2; xxxvr, 2. Elle comprend le Décalogue moral cl le code de l'al­ Die Pentateuch/rage, Munster, 1903, p. 217. Néanmoins, liance. Sur le Décalogue moral, voir t. iv, col. 163-164. la leçon massorétique, fût-elle originale, ne désignerait Quant au code de l’alliance, la plupart des critiques, pas nécessairement le Pcntateuque commencé; elle tout en le tenant pour la plus ancienne législation pourrait viser un livre dans lequel Moïse aurait joint d’Israël, ne le rapportent cependant pas ft Moïse. Ils ce récit à d’autres déjà rédigés cl qui serait reproduit ont fait diverses hypothèses sur sa date, ct les plus dans le Pcntateuque. Plus loin, Exod., χχιν, L il est modérés reconnaissent en lui le résumé du droit cou­ dit que Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur. tumier d’Israël sous la royauté pleinement consti­ Or il ne s’agit pas de toutes les révélations diverses tuée; il aurait donc été fait après David, vers la faites à Moïse, puisqu’elles n'avaient pas encore toutes lin du IXe siècle ou au commencement du vin·, ct eu lieu, ni même de toutes celles qui s'étalent pro­ vraisemblablement, suivant Wildcboer, dans les duites antérieurement, mais de celles qui précédent cercles sacerdotaux de Béthcl. Cependant, Driver immédiatement et qui contiennent les conditions de fait remarquer avec raison que les lois de cc code sont l'alliance conclue entre Dieu ct le peuple, ainsi qu'il simples et conviennent ft une société peu développée, résulte clairement de la liaison entre le verset 3 et le quoique déjà relativement avancée cn civilisation. verset 4 de cc récit. Il est clair, dès lors, que le Deca­ I-es préceptes concernant le culte sont assez élémen­ logue ct le livre de l’alliance sont présentés ici comme taires; certaines dispositions, telles que le droit du ayant été écrits par Moïse lui-même. Un autre code talion, Exod., xxi, 23-25, Sont primitives et beau­ de l’alliance est encore expressément attribué à une coup ont trait ft l'agriculture. L’ensemble présente un rédaction de Moïse. Dieu ordonna une autre fois au réci cachet d'antiquité. Einleitung in die Litcratur des législateur d’Israël d'écrire les paroles qu’il venait de allen Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 37 prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, ct qui contiennent Ce cachet d'antiquité est encore plus marqué depuis les bases de l’alliance proposée au peuple, 27. Moïse qu’on a pu comparer le code de l’alliance avec le code obéit à l’ordre reçu cl écrivit les dix paroles de l’al­ d’Hammourabi, qui est contemporain d’Abraham· liance sur deux tables de pierre qu’il avait préparées, Dans les deux codes, « ce sont les mêmes principes, ct xxxiv, 1, 4, qu’il tenait cn mains à la descente du lorsque l’application tombe sur les memes objets, la Sinaï et dont il imposa l’observance aux Israélites, 23, rencontre est presque littérale, sans qu’il soit néces­ 29, 32. C’est le Décalogue jéhoriste, voir L iv, col. 162saire de supposer un emprunt littéraire. · J. Lagrange, 163. Le code de Hammourabi, dans la Revue biblique, 1903, Des passages, dits élohislcs ou jéhovistes, du livre p. 50. Il y a des différences qui, pour la plupart, sont de l’Exodc attribuent donc expressément à Moïse A l'avantage du code hébreu, surtout au point de vue lui-même la rédaction d’une partie de son contenu. de la pureté du sens moral et de la délicatesse du senti­ M ils ils ne restreignent pas, comme on l’a prétendu, ment religieux. D’autre part, Hammourabi légifère cette part de rédaction à ces passages exclusivement. pour une société opulente, agricole, commerçante; Il ne s’agit, cn effet, que des morceaux historiques le livre de l’alliance est fait pour une société patriar­ ou législatifs, rédigés par ordre de Dieu. Cet ordre, cale de semi-nomades, qui pratiquent l’agriculture qui s’explique par l’importance du sujet, ne signifie et l’élevage des troupeaux, mais ignorent les c Appli­ pas que Moïse ne devait écrire que ces événements cations de la vie urbaine. Ibid. La promulgation du historiques cl les dispositions fondamentales de l’al­ Décalogue, xx, 2, et quelques prescriptions du livre liance de Dieu avec Israël, ct il n'empêchait pas le de l’alliance, qui concernent les étrangers, xxn, 27; chef des Hébreux de consigner par écrit toute l’his­ xxiiï, 9, sont motivées sur la condition d’étrangers toire de son peuple au désert et d'autres dispositions que les Israélites avaient eue cn Égypte cl dont le sou­ législatives moins importantes. Moïse a donc pu écrire venir était encore très vivace. Aussi le P. Lagrange aussi ou faire écrire tout le livre de l’Exodc. Cf. G. Ho­ reconnaît que ce code est aussi ancien que Moïse. La berg, Moses und der Pentateuch, dans Riblischc Sludien, méthode historique, 2° édit., Paris, 1901, p. 177. Fribourg-cn-Brisgau, 1905, t. x, fasc. 4, p. 39-40. Eil. Klostcrmann a admis la même conclusion, BeZIl n'y a pas dans ΓAncien Testament d’autre at­ trage :um Vcrstândnis der Entstchungsgcschichte des testation formelle de la rédaction de l’Exodc par Pentateuchi, nouvelle série, Leipzig, 1907, ainsi que Moïse lui-même ou par son ordre, puisque les témoi­ Ed Konig, Gesehichte der altcslcmentlichcn Religion, gnages des autres livres semblent viser seulement lu Gutersloh, 1912 Pour ce dernier, le Décalogue et le rédaction mosaïque du Deutéronome. Voir L iv, code de l'alliance ont été rédigés par Moïse lui-même col. 655-656. Mais la composition mosaïque de l’Exode, ou nu moins sous sa direction. Moïse n’a donc pas été attestée dans cc livre lui-même, est confirmée par son un législateur sans code, ct cn particulier la législa­ contenu. L'auteur du livre est, cn effet, très au cou­ tion du livre de l’Exode est son œuvre. Cf. E. Manrant des choses égyptiennes. Il nomme les villes de genot, op. cit., p. 69-76. Pithom et de Ramessès, i, 11, qui ont eu Ramsès H 3° Moise, auteur du livre de TExode. — 1. Preuves pour restaurateur. Les travaux cn briques ct les cor­ positives. — Ce livre lui-même donne des indications vées dont il parle, 14, répondent bien ft l'œuvre de res­ formelles sur l’activité littéraire de Moïse. Après la tauration de ces villes, telle que l'ont révélée les défaite des Amalécitcs ft Raphidim, Dieu ordonna au fouilles de M. Naville ct que l’indiquent les monu­ chef des Hébreux d’en écrire le récit cn souvenir dans ments de ce Ramsès. Cf. v, 6-18. Il connaît le nom des un livre et de l’inculquer dans les oreilles de Josué. sages-femmes, Séphora cl Pbuj, qui n'obéissaient pas î 755 E X O l) E 1756 aux ordres du Pharaon, 15. La barque de papyrus, lation de Dieu sont racontées une première fois, m, •fans laquelle la mère de Moïse exposa son enfant sur le I 1-iv, 17, et une seconde fois, vi, 2-11; vu, 12. La Vil, n, 3, n’est usitée qu'en Égypte. Le nom de Moïse manière dont les deux premières plaies d'Égypte sont est probablement d'origine égyptienne. Ce qui est dit accomplies est différente. C'est Moïse qui frappe des magiciens égy tiens qui, par leurs incantations, l'eau du Nil avec sa verge, vu, 17, 18, 20b, 21α, 24, changèrent des verges cn serpents, vu, 11, ct firent 25; c'est la verge d’Aaron qui, simplement étendue, «les contrefaçons de plusieurs plaies, infligées par change cn sang toutes les eaux de l'Égypte, 19. Dieu aux Égyptiens, vu, 22; vin, 7, 18; cf. rx, 11, est Moïse encore faitsortir du fleuve des grenouilles qui bien conforme à 11 réalité. Ces plaies elles-mêmes, sans envahiront tout le pays, vui, 2-1; ou Aaron étendra perdre leur caractère miraculeux, sont des fléaux na­ sa main sur tous les cours d'eau, les canaux ct les turels cn Égypte, qui ont été produits dans des cir­ étangs pour cn faire sortir des grenouilles qui sc constances où apparaissait manifestement le doigt répandront sur l'Égypte entière, 5, 6. Pour le pain de Dieu. La donnée sur la composition de l'année azyme, Dieu ordonne d’en manger le 15 nisan avec égyptienne de chars de guerre, xrv, 7, 9,17, 18, 23, 25, l’agneau pascal ct des herbes amères, xu, 8; de fait, 28; xv, 1, 4, 19, 21, est d’une exactitude parfaite. les Israelites, dans la presse du déport, emportèrent Les institutions rituelles ct sacerdotales, établies au matin la pâte non fermentée, 34, qu'ils firent cuire à Socoth, cl ils curent ainsi des pains azymes, 39. fi y a par Moïse au pied du Sinaï, présentent une ressem­ blance, purement extérieure sans doute, mais néan­ encore un double récit de l’itinéraire des Israélites vers la mer Bouge : un premier, xin, 17, 18, ct un moins très réelle, avec les rites égyptiens. Le taber­ second, xiv, 1-1; les versets 5-7 du c. xiv semblent nacle avait, dans son ensemble, les memes dispositions être la continuation du premier. Plus loin, le y. 15, que les temples égyptiens, ct l’arche d’alliance, qui où Dieu demande Λ Moïse pourquoi il cric vers lui, ne y était renfermée, ressemblait cn quelque manière à répond pas aux deux versets précédents, dans les­ leur naos intérieur. Bref, le récit de l'Exode a une couleur égyptienne évidente. Les critiques rationa­ quels Moïse a donné aux Israélites l'assurance que Dieu combattra pour eux. A. Schulz, Doppctberichte listes ne la nient pas; ils veulent seulement la res­ ini Pentateuch, dans Iliblische Studien, Fribourg-cntreindre aux passages qui auraient été empruntés au document élohiste. Ils l'expliquent dans ce docu- ! Brisgau, 1908, t. xin, fasc. 1, p. 78-85. Ces doubles récits ne s'imposent pas à la critique, ment par le rapprochement immédiat de la Pales­ uoi qu’on ait dit. Nous avons déjà montré qu'il tine ct de l’Égypte cl par les relations que les Israé­ y à eu deux manifestations successives de Jahvé à lites avalent sous leurs rois avec les Égyptiens. Moïse. Voir t. iv, col. 951, 957. Mais on insiste ct on B. Bacntsch, Exodus, Leviticus, Numeric p. lxx-lxxi. prétend qu'au moins les deux récits ne peuvent Toutefois, cc critique y reconnaît, pour son compte, être de la même main. Le second n'est pas rattaché quelques vestiges de la tradition nationale des Hé­ au premier. Moïse refuse de faire une démarche au­ breux. Mais cette tradition, eût-elle reçu dès l'ori­ près du Pharaon,parce qu'il pense que, n’ayant pas gine une forte empreinte égyptienne, aurait, au cours été écouté par les Israélites, il n'a aucune chance de des âges, perdu de sa fraîcheur première et de son coloris local. Un rédacteur postérieur, fût-il person­ succès auprès du roi; il ne fait aucune allusion à son échec précédent. On ne dit pas non plus quan a eu nellement au courant de la situation particulière de l'Égypte, de scs usages ct de scs coutumes, n’aurait | lieu celte seconde révélation. Ces preuves n'ont de pu consigner la tradition par écrit d’une manière valeur que dans la présupposition que les versets 22 aussi conforme, jusque dans les moindres détails, ct 23 du c. v n'appartiennent pas au récit de la révé­ à la réalité historique que les découvertes égyptololation qui suit. Si l'on prend le contexte actuel. giques nous ont révélée, il aurait été exposé, même 1 Moïse avait rappelé déjà son échec précédent avant involontairement, & la modifier d'après l'état poli- I que Dieu ne renouvelle sa mission, ct la date de cette tique différent de l’Égypte de son temps. Or, on ne révélation est établie, puisqu'elle est provoquée par les remarque aucune trace de pareilles modifications, et | plaintes du peuple, dont l’oppression a augmenté après l’Égypte est exactement décrite telle qu'elle existait la première visite de Moïse au Pharaon. A:nsi isolé, à l'époque de l’Exode. Cette exactitude parfaite est le second récit fait bien l'effet d’être un doublet du plutôt le fait d un Israélite contemporain, ayant premier; mais est-il raisonnable de l’isoler de la sorte longtemps vécu cn Égypte, disons, de Moïse ou d’un et de le détacher de son contexte? N’est-il pas plus de scs scribes. Enfin, le coloris égyptien existe dans légitime de le relier à ce qui précède? Si le rédacteur a les récits qu'on attribue au document jéhovistc aussi eu à sa disposition deux sources différentes, il n’a pas bien que dans ceux qui seraient de l'élohistc, notam­ remarqué celte absence de liaison, et s'il a rapporté ment au sujet des plaies d’Égypte. Le livre de l’Exode deux récits d’origine distincte, c'est que scs sources, tout entier, ct non pas seulement le code de l'ai- . que nous n'avons plus, lui fournissaient des indices liancc, est donc d’un contemporain des faits ra­ de la liaison qu’il a laissée aux récits ct qu'il n’a pas contés. Cf. E. Mange not, op. df., p. 234-233. i établie lui-même. Il distinguait donc deux révélations 2. Réponse aux principales objections des critiques. — différentes, ayant eu Heu à des dates différentes, ct Les critiques rationalistes, à qui quelques ea tho­ il les plaçait dans l’ordre que scs sources lui indi­ li |ues ont fait écho, ont proposé des arguments quaient. Mais si les faits sont distincts, Moïse lui-même contre l'unité de rédaction, et par conséquent contre peut bien être l'auteur de la disposition chronolo­ Γ authenticité mosaïque du Pentateuque. On trou­ gique actuelle. vera à l'art. Gls’îse la discussion de celui qui est Les miracles de l’eau changée cn sang ct des grctiré de l'emploi different des noms divins, Élohim ou ■ nouilles sorties du fleuve ne sont pas racontés de deux Jéhovah, dans le livre entier de la Genèse, dans les I manières différentes. Pour le premier, il est d'abord cinq premiers chapitres de l’Exode. Voir déjà t. iv, I annoncé par Moïse au Pharaon comme une menace, col. 951. Voici la solution de ceux qui concernent vu, 14-18, ct H est ensuite accompli par Aaron. Dans I la menace,sans doute, c'est Moïse qui doit frapper de sa plus spécialement l’Exode. a) Doubles récits. — Λ propos de la sortie d’Égypte, verge l’eau du fleuve pour la changer en sang; dans la un remarque des doublets : les mêmes faits sont ra­ réalisation, c’est Aaron qui étend sa verge sur toutes contés deux fols ct de manières différentes, ce qui les eaux de l’Égypte. Mais la verge dont Moïse devait montre ù la fols U diversité des traditions ct des ré­ frapper l'eau du fleuve, est celle qui a été changée cn dactions. Ainsi h vocation de Moïse ct la révé­ l serpent. Or. c’est celle d’Aaron, vu, 9. Mais, dit-on 1757 EXODE Moïse devait frappai l'eau do s i verge, tandis qu'Aaron ne fait qu’étendre sa main (tenant la verge) sur les eaux de l’Égypte. Or, frapper dit plus que l'acte sym­ bolique d'étendre la verge; cet acte suppose une per­ cussion physique. Moïse tantôt étend sa main ou sa verge, ix, 22, 23; x, 13; xiv, 16, tantôt il frappe, xvn, 6; Aaron aussi ou bien étend sa main, vin, 5, 6, ou bien l'étend ct frappe de sa verge la poussière de la terre, 16, 17. Puisqu’il n'a fait qu’étendre sa main sur les eaux, il faudrait seulement en conclure que l’exécution a été un peu différente de la menace, si, de fait, Aaron n’avait élevé sa verge et n'en avait frappé l’eau du Nil sous les yeux du Pharaon, 20. Le verset 19 ne fait qu’expliquer l'expression · l’eau du fleuve », cn énumérant les bras du fleuve, les canaux cl les étangs formés par le Nil, par conséquent, non pas toutes les eaux de l’Égypte, mais seulement celles du fleuve dans leurs états dlllérents, de telle sorte que toutes les eaux du Nil étaient changées cn sang, que les Égyptiens ne pouvaient plus cn boire et qu’ils durent creuser des puits pour avoir de l'eau à boire. F. Vigouroux, J.a ttible cl les découvertes modernes, 6· édit., Paris, 1896, t. iv, p. 321, note 3; F. de Hummelaucr, Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 89-90. Ben est de même pour la plaie des grenouilles. La me­ nace, faite par Moïse au Pharaon, ne parle que du fleuve ; l’exécution, accomplie par Aaron ct sa main étendue, porte sur tous les courants, les canaux ct les étangs du Nil. Il n'y a pas de trace de deux tradi­ tions différentes. La loi du pain azyme à manger à la première Pâque a été promulguée par Dieu avant le 10 de nisan, xu, 3, cn prévision de la hâte avec laquelle la sortie d'Égypte devait s’opérer, 8, ct elle a été établie en souvenir de cette hâte. Elle n’est donc pas en contradiction avec le fait, raconté plus loin, 34, 39. Le législateur vou­ lant que la première Pâque, qu’il instituait, fût ac­ complie comme elle devait l’être toujours, en régla les dispositions d'après l’événement qu’il connaissait d’avance, ct cette réglementation n'était pas inutile pour que les Israélites, n'ayant pas de pain levé, se décident à manger l’agneau pascal avec du pain azyme. F. de Hummclnucr, op. cit., p. 118, 130. Quant aux deux itinéraires vers la mer Rouge, ils ne sont pas contradictoires. Le premier n’indique que la direction générale. F. de Ilummelauer, op. cit., p. 140. Le chemin direct vers le pays des Philistins était sans doute dans la direction de la mer Rouge, et les Israélites purent le suivre jusqu’à Étham; mais là, pour obéir aux ordres de Dieu, xiv, 2-4, ils durent le quitter cl se rendre directement sur les bords de la mer Rouge. C'est là que commence la voie détournée que Dieu fit prendre à son peuple : ils devaient aller dans la direction du Sinaï, inarcher vers le sud ct non vers le nord. F. Vigouroux, loc. cil., p. 108-409. 11 y eut donc un changement de direction. Pharaon qui croyait que leur dessein était seulement d’aller au dé­ sert, quand il les sut campés du côté de la mer Rouge, leur ferma au nord le chemin du désert. F. Vigouroux, tbid., p. 411-111. Dans les deux cas, Dieu réglait la marche d’Israël pour le faire échapper aux pour­ suites du roi d’Egypte. Loin donc de faire double emploi, les deux itinéraires sc succèdent et sc com­ plètent. b) Doubles lois. — Baentseh, op. cil., p. vi, signale une double institution de la première Pâque, xn, 1-13, et 21-27; une double loi sur l’offrande du preinicr-né» xm, 1, 2, ct 11-16; xxu, 29 b, et xxxiv, 28; l’ordre de paraître trois fois par an devant Jéhovah, xxiii, 17, ct xxxiv, 24; la répétition de solenniser la fête des prémices cl la fête ,dc la moisson, xxm, 16, cl xxxiv, 22; la double défense d’ofïrir du pain fer­ menté, xxm, 18,ct xxxrv, 25; la double loi des pré- 1758 mices et la double défense de faire cuire le chevreau dans le lait de sa mère, xxm, 19, et xxxiv, 26. Au sujet de la première Pâque, le texte ne présente pas deux ordres différents de célébraiion/On y lit d'abord l'ordonnance détaillée, donnée par Dieu à Moïse et à Aaron, puis la communication que Moïse en fait aux anciens d* Israël. Celle-ci reproduit l'ordonnance précédente, en la résumant, en omettant quelques détails et cn ajoutant de nouvelles dispositions; cc n'est qu’une partie du discours; l'auteur, qui vient de reproduire le précepte de Dieu, ne le répète pas cn entier; il y fait allusion â cc qui est déjà connu et il donne de nouvelles explications; c'est un procédé de rédaction pour éviter des répétitions textuelles. Cf. F. de Hummclaucr, op. cit., p. 122-123. Pour la loi de l'offrande du premier-né, il y a aussi l’ordre donné directement par Dieu à Moïse et la promul­ gation qui cn est faite par Moïse au peuple. Cette loi, publiée séparément, est renouvelée dans de petits codes postérieurs. Les autres prescriptions doubles appartiennent aux deux codes de l'alliance, xx, 22xxiii, 33; xxxiv, 1-23, que les critiques rationalistes rapportent, le premier au document élohiste, le second au document jéhoviste. Le texte de l’Exode présente le premier comme le code de l’alliance, solen­ nellement conclue entre Dieu ct Israël au pied du Sinaï, et le second comme celui du renouvellement de l'alliance rompue par l'adoration du veau d'or. Le second code n’est qu’un résumé du premier: il con­ tient le Décalogue sous une nouvelle forme, voir t. tv, col. 162-161, ct le rappel des principales lois reli­ gieuses de la première alliance. 11 n’est pas étonnant dès lors qu’il y ail des répétitions. Les critiques at­ tribuent celte distinction au rédacteur qui aurait combiné les documents élohiste ct jehoviste et ils rap­ portent le fond du second code à la rédaction jeho­ viste de l’alliance faite au Sinaï. Baentseh, op. ctt.9 p. 280. Mais puisque, selon eux, des trails du renou­ vellement de l'alliance sont empruntés au document élohiste, il cn ressort que le rédacteur, s’il a existé, n'a pas inventé cc renouvellement. Que le code reproduit à celte occasion, xxxiv, 10-27, soit le Décalogue jéhoviste complété par quelques lois sinalliques, c’est une pure supposition, fondée sur une distinction arbitraire de documents cl sur une recon­ stitution a priori de la religion d’Israël. Voir l- rv, col. 162-164. c) Contradictions ct inconséquences. — B. Baentseh» loc. cit., cn relève quelques-unes dans le livre de l’Exode. Moïse, qui a du mal à parler, obtient de Dieu que son frère Aaron parle en son nom, iv, 10-16, cl cependant Dieu envoie Moïse à Pharaon ct le charge de parler directement au roi, vii, 14-18. Dans les récits concernant les plaies d'Égypte, c'cst tantôt Moïse, tantôt Aaron, qui agit; les événements sont présentés soit comme des maux infligés par repré­ sailles, soit comme des miracles; les Israélites enfin sont représentés comme habitant au milieu des Égyp­ tiens ou bien à part dans la terre de Gessen. La manne est décrite deux fois, xvi, 14, 31. L’existence du ta­ bernacle ct de l’arche est supposée, xvi, 34, quoique leur construction ne soit racontée que beaucoup plus loin. Les secondes tables de la loi, xxxiv, 1-10, con­ tiennent un texte différent de celui des premières, xxiv, 12, quoique, d’après xxxiv, 1, le Décalogue doive être le même que celui du c. xx. Moïse est sur la mon­ tagne avec Jahvé, xx, 21-xxm, 33, et cependant il y est rappelé, xxiv, 1; le même désaccord sc re­ marque, xxiv, 9, 12. Le c. xvm, dans lequel il est parlé d’une question juridique, n'est pas à sa place, puisque Moïse ne commence à recevoir de Dieu des dispositions législatives qu'à partir du c. xx. Ces objections sont d’une faiblesse extraordinaire 1759 EXODE 1760 ct elles sont résolues dans tous les commentaires dc peut y avoir un intervalle dc temps entre le L 21 et l’Exode. Moite, qui était bègue, avait demandé à le v. 22 du c. xx. Moïse n'était plus dans In nuée Dieu d'etre déchargé dc la mission qui lui avait été quand il le promulgua au peuple; il n donc dû être confiée, mais Dieu lui avait donné en la personne rappelé auprès de Dieu avec les 70 vieillards, qui d'Aaron, son frère, un porte-parole éloquent, qui n'étaient pas dans la nuée lors de la promulgation remplit ordinairement ce rôle. Voir t. i, col. 1. Mais du Décalogue, pour recevoir une nouvelle révéla­ Dieu parlait Λ Moïse, qui mettait lui-même ses paroles tion, xxiv, L Les faits racontés, xxiv, 9 cl 12, sont sur les lèvres d’Aaron. L’ordre dc parler au Pharaon, aussi des ascensions différentes. Moïse, qui était re­ donné directement à Moïse, vn, 1*1-18, devait, comme descendu du Sinaï avec les 70 vieillards, y remonte les précédents et selon la parole dite, vn, 1, 2, être seul. Le c. xviii est à sa place chronologique. L’insti­ reproduit par Aaron, qui, du reste, eut son rôle propre tution des juges du peuple, provoquée par une ob­ â remplir au sujet de la première plaie, 19, 20. Les servation de Jéthro, est l'œuvre personnelle dc Moïse; rôles sont dc même partagés entre les deux frères elle a pu précéder la législation (pie le Seigneur a révé­ pour toutes les autres plaies, mais Aaron n’intervient lée Λ Moïse plus tard pour son peuple. jamais que par l’ordre dc Dieu. Toutes les plaies, Aucun dc ces arguments ne prouve donc la di­ infligées par Dieu, sont des punitions dc l’endurcis­ versité des auteurs dans le livre de l’Exode ct ne va sement du Pharaon, mais on prétend que ce carac­ contre l'authenticité mosaïque de cet écrit. Sur la tère est au second rang dans celles que les magiciens diversité des lois de l’Exode, du Lévitique ct des d'Égypte ne peuvent pas imiter ct qui ont pour but de I Nombres, voir Lévitique cl Nombres. montrer le doigt de Dieu ct dc légitimer son droit de V. Doctrine. — 1° Dogmatique. — Le dogme capi­ commander au roi d’Égypte. Bacntsch, op. cil., p. 51tal du livre dc l’Exode, c’est la révélation, faite à 55. Les plaies sont simplement de plus en plus graves. Moïse, du nom propre, Jahvé, du Dieu des pères ou Les mages avaient pu reproduire les deux premières, des patriarches ct l'établissement du monothéisme mais ils ne purent faire disparaître les moustiques ct dans la foi légitime d’Israël. Sur la révélation dc ils reconnurent le doigt dc Dieu dans celte troisième Jahvé à Moïse, voir t. iv, col. 954-962. Sur la nature plaie. Ils n’apparaissent plus â partir dc la qua­ dc Dieu d'après l’Exode, voir ibid., col. 963-965. trième ct ils sont atteints eux-mêmes par la sixième, Cf. J. Touzard, La religion d*Israel, dans J. Bricout, ix, IL Tout en étant plus merveilleuses que les trois Où en est Γhistoire des religions? Paris, 1911, t. n, premières, les sept autres sont des punitions de plus p. 25-30.AuSinaï, Jahvé, qui révéle sa nature intime en plus fortes, qui frappent les Egyptiens autant comme l’être par excellence ct la cause dc tous les qu'elles montrent la puissance de Jahvé et son droit dc êtres, conclut avec son peuple une alliance très commander au Pharaon. Nulle part, il n’est dit ex­ étroite. Cette alliance entre Jahvé et Israël ne pou­ pressément que les Israélites habitent au milieu des vait être un contrat dc même nature que ceux qui Égyptiens. Leur séjour en la terre dc Gessen, au interviennent entre les hommes égaux en droits. contraire, est affirmé explicitement dans le récit dc Jahvé devait faire la première démarche; aussi le la quatrième plaie pour dire que les mouches ne premier trait dc son alliance avec Israël est-il qu’elle pénétrèrent pas dans la région occupée par les Israé­ vient dc son libre choix. Par ailleurs, Israël ne pou­ lites, vm, 22. Jahvé manifeste sa puissance au milieu vait discuter avec Dieu les clauses ou conditions de de la terre d’Égypte, parce qu’il est le Dieu dc la terre l'alliance; Jahvé devait imposer à son peuple ses entière. Le r. 4 du c. ix signi île seulement que la peste propres volontés,scs commandements, qu’Israël de­ des troupeaux ne s'étendit pas au pays dc Gessen, où vait accepter ct pratiquer. paissaient les troupeaux des Israélites. Cf. G, 7. Dc 2° Morale. — La principale clause dc l’alliance de même, à la septième plaie, la grêle ne tomba pas au Jahvé avec Israël était l’observation fidèle du Déca­ pays de Gessen, où étaient les Israélites, 26. Si les té­ logue. Sur sa nature, voir t. iv, col. 164-176. Dès le nèbres couvrirent l’Égypte entière, la lumière continua début, Jahvé s’y présente comme un Dieu jaloux : il de luire partout où habitaient les fils d’Israël, x, 23. I est le Dieu unique; aucun autre dieu ne peut sc poser Siccux-ei ont l’ordre d’emprunter des vases d'or ct en rival ct s’arroger sur Israël des droits qu’il n’a pas d'argent aux Égyptiens, xi, 2; xn, 35, 36, il ne s'agit conquis. Jahvé y apparaît en même temps comme que dc ceux dc la contrée dc Gessen, où les ténèbres un Dieu moral. Il n'avait pas besoin d’Israël; c’est n’avaient pas pénétré; les Israélites ne firent pas par pitié qu’il l’a tiré d'Égypte, pour faire cesser une le tour dc l’Égypte pour ramasser des vases d’orct dure servitude qui n'était pas méritée. C’est pour­ d’argent; ils n’en auraient pas eu le temps, tellement quoi il réclame de son peuple, avec la reconnaissance leur exode fut précipité; ils tirent ccs emprunts à leurs pour la libération accordée, la pratique dc l’équité, dc voisins dc la contrée dc Gessen. Il n'y a rien, dans tout la bonté ct des autres vertus morales. Ces clauses ce récit, qui trahisse la main dc plusieurs auteurs. principales dc l’alliance mettaient Jahvé bien auCf. F. dc Hummclaucr, op. cit., p. 87-88. La nature dc dessus des dieux des nations,qui devaient s’éclipser la manne est décrite sommairement, xvr, 11, 15, ù sa devant lui. Lui seul devait être honoré ct il devait date ivcc les détails qui la suivirent, 16-30. Le J. 31 l'être par un culte moral, correspondant ù sa nature revient sur son nom pour ajouter dc nouveaux dé­ I propre. tails sur sa tonne, sa couleur ct son goût, comme ι 3° Rituelle cl liturgique. — Le caractère le plus frap­ début ct transition au récit suivant : ordre divin de pant du cuite divin dans l’Exode, c'est l’absence to­ déposer dans le tabernacle un gomor dc manne, 32-36. tale dc figure ou d’image de la divinité. Le Décalogue Quant Λ ce tabernacle, beaucoup dc commentateurs Interdit dc faire aucune image taillée représentant ont pensé, après saint Augustin, qu’il était mentionné Jahvé. L'épisode du veau d’or, qui, aux yeux du ici par anticipation ou prolepse, comme il est parlé dc peuple, était un emblème du Dieu <Γ Israël, montre que l'arche â propos des tables dc la loi, xxv, 16. Le P. de la foule avait du mal ù se représenter Dieu, abstrac­ Hummclauer, op. cil., p. 178, y a reconnu un premier tion faite dc toute forme sensible. La législation suuiïtabernacle, dont il serait aussi, selon lui, question, tique donne une plus haute idée de la spiritualité xxxiit, 7-1L Voir ibid., p. 323. Sur les rapports du de Jahvé, qu’aucune figure extérieure ne pouvait Décalogue jéhovlstc avec le Décalogue élohiste, voir représenter. L’arche cependant était un signe dc L tv,col. 162-161; F. dc Hummclaucr, op. cit., p. 330- la présence dc Dieu au milieu dc son peuple. La tente 331. Le code dc l’alliance n'a pas nécessairement dc réunion, qui l’abritait, était le lieu où on cher­ été promulgué le même jour que le Décalogue, ct il chait Jahvé ct où on l'honorait. Dieu y rendait sa EXODE 1761 EXORCISME présence sensible par la colonne do nuée. Moïse s'y entretenait avec lui comme un homme avec son ami, et le peuple sc prosternait ct rendait au Seigneur scs hommages. L'arche était encore le trône dc Dieu, sur lequel il reposait invisiblement. Elle contenait aussi les tables de la loi. Le tabernacle était dressé en dehors du camp; c’est là quo Dieu sc rencontrait avec son peuple. L'autel était très simple, fait dc terre ou dc pierres non taillées; il n’avait pas dc degrés dc peur que le sacrificateur, en les gravissant,ne découvrit sa nudité en présence dc Dieu. Des jeunes gens, simples Israélites,offrirent les premiers sacrifices, avant que la famille d’Aaron n’ait été choisie pour le sacerdoce. Le service divin comprenait ce qui était le plus com­ patible avec la vie nomade du désert : on offrait des sacrifices, ou célébrait trois fêtes annuelles: celle des azymes, rattachée au souvenir dc la sortie d’Égypte, celle de la moisson et celle de la récolte des fruits· On observait aussi le sabbat et les néoménies. La description du tabernacle, des objets du culte et des vêtements sacerdotaux montre que Dieu, tout spiri­ tuel qu’il était, voulait recevoir un culte extérieur, joint aux sentiments intérieurs dc l’âme. Cf. E. Mangcnol, L’authenticité mosaïque du Pcntatcuquc, p. 7275; J. Touzard, loc. cit., p. 32-35. . VL Commentaires. — 1° Pères. — Orlgène, Seleda cl homilite in Exodum, P. G., t. xn, col. 263-396; Théodoret, Quæslioncs in Exodum, P. G., t. i.xxx, col. 225-297; Diodore de Tarse, Fragmenta in Exo­ dum, P. G., t. xxxiii, col. 1579-1586; S. Augustin, Quicstioncs in Heptateuchum (pour l’Exode), P. L., t. xxxiv, col. 501-516; S. Isidore dc Séville, Quae­ stiones in V. T. Pentateuchum (pour l'Exodc), P. L·, t. lxxxiii, col. 287-322; Procopc dc Gaza, Comment, in Exodum, P. G., t. lxxxvh, col. 511-690; S. Bcde, In Pentateuchum commentarii (pour l’Exode), P. L., I. xci, col. 285-332; De tabernaculo ct vastbus cjus et vestibus sacris, ibid., col. 393-198; pseudo-Bèdc, QUKstiones super Pentateuchum (pour l’Exode), P.L., l. xgiii, col. 363-388; Haban Maur, Comment, in Exo­ dum, P. L., t.cvni,col.9-2l6; Walafrid Strabon,Glossa ordinaria (pour l’Exode), P. L., t. cxni, col. 183-296. 2° Alt moyen âge. — S. Bruno d'Asti, Expositio in Exodum, P. L., t. ci.xiv, col. 233-378; Bupcrt de Deutz, De Trinitate ct operibus ejus. Liber in Exodum, P. L., t. clxvh, col. 565-741 ; Hugues de Saint-Victor, Annotationes ducidatoriæ in Pentateuchum (pour l’Exode), P. L., t. clxxv, col. 61-71; Hugues dc Saint-Cher, Postilla. Venise, 1588, t. 1; Nicolas dc Lyre, Postilla, Home, 1171, t. i; Tostat, Opéra, Venise, 1728, t. n; Denys le Chartreux, Comment, in Pentateuchum (pour l’Exode), Opéra omnia, Mon­ treuil, 1896, 1897, t. I, p. 473-611; L xi, p. 1-127. 3° Aux temps modernes. — 1. Protestant*. — Calvin n commenté le Pcntatcuquc entier; il y en cul aussi plusieurs commentaires au xvn· siècle. Au xix· siècle, on peut citer : en Allemagne, A. Knobel, Exodus und Leviticus, Leipzig, 1852; 2· édit., par A. Dillmann, 1880; 3e édit., par Byssel, 1897; J. P. Lange, Exodus, Leviticus, Numeri, Bielefeld, 1871; C I·’. Keil, Genesis und Exodus, 3* edit., Leipzig, 1878; IL Strack. Gene­ sis, Exodus, Leviticus, Numeri, Munich, 1891; IL Holzinger, Exodus, Tublnguc, Fribourg et Leipzig, 1900; B. Bacntsch, Exodus, Leviticus, Numeri, Gœltingue, 1903; en Angleterre, M. Kalisch, Exodus, 1855; Cook, Londres, 1877, t. ιι ; Bawhnson, Exodus, Londres, 1897; Chadwick, Exodus, Londres, 1890; Ma laren, The t’ooki o/ Exodus, Leviticus and Numbers, Londres, 1906; Bennett, Exodus, Londres, 1908; A Me Neile, The book of Exodus, Londres, 1908; Driver, The book of Exodus, Edimbourg, 1911 —2. Catholiques.—Com­ mentaires du Pentatcu pie: par Caje tan, Borne, 1531, par J. Oleaster, Lisbonne, 1556, par Saute Pagnino, DICT. DE niÎOL. CATIIOL. 1762 Anvers, 1565, par Tirin Anvers, 1632, par Corneille dc la Pierre, Lyon, 1732, par G. Jansénius, Louvain, 1611, par J. Bon frère, Anvers, 1625, par CL Frassen, Rouen, 1705, par A. Calmet, 2* édit., Paris, 1724; commentaires de l’Exode : Louis Lippoman, Calena in Exodum, Paris, 1550; Crclicr, Exode ct Lévitique, Paris, 1886; F. dc Hummclaucr, Exodus et Leviticus, Paris, 1897; J. Weiss, Das Bueh Exodus, Graz, 1911. Pour 1rs questions critiques, voir les introductions géné­ rales citées t. iv, col. 664-665, et les Introductions particu­ lières des commenta 1res récents; B \V. Bacon, The triple tradition of the Exodus, Hartford, 1894; Eerdmann, Das Buch Exudu», 1900; les articles sur l’Exode, dans Encyclopied la biblica dr Cheyne, Ix>ndrcs. 1901. t n. col 1432» 1451 Sur le document éloliistr. O. Procksch, Dos nordhebrüistiies Saqcnbuch. Die Ehhtmqudk, Leipzig· 1906 Sur le code de l’nlltance, Rothstein, Das Bundexburh und dir rtHQion$qcschichUichc Entivickliing hmers. Halle, 1888; B. Bacntsch, Das Bundesbuch. Halle, 181»2; L B letton. The original form o/ lhr book of the coi'rnant, dans Jaunxal of biblical literature, 1893, t. xn, p. 79-93. Voir encore C Stcucmagel, Jchon Bcrirht uber dm Bund· >ichltnr am Sinai, dans Theotog Sludien und Kritiken. t lxxii. p 319. 350; A. D. Lutz, Bund mm Sinai, dans Λ rue kirrhhrhr Zed· srhritt, I. XU, p. 561-580,631-635,859'875; t Mil, p. IM204. Pour Fhlstoricité des fails racontés dans l’Exode. voir F. Vignuroux, Im Bible et les découvertes modernes, 6· é V. - 56 1763 EXORCISME L’exorcisme est donc, à proprement parler, une ad­ juration au démon pour l'obliger ù évacuer un lieu, Λ abandonner une situation, à rendre à la liberté une personne qu’il détient plus ou moins en son pouvoir. L’adjuration sc fait soit sous forme d’ordre intimé di­ rectement au démon, mais au nom de Dieu ou dc Jésus-Christ, soit sous forme d’invocation, dc suppli­ cation adressée à Dieu ct à Notrc-Sclgncur, en vue d’obtenir qu’ils donnent l’ordre d’expulsion ou qu'ils en assurent l'exécution. Pour un chrétien, cet acte ne va pas sans la croyance à la souveraine puissance dc Dieu sur les démons; Il n’en est même qu’une applica­ tion pratique. Voir Démons et Démoniaques. Par là même, l'exorcisme constitue un acte insigne dc foi et de religion. Mais abstraction faite de la pensée qu’il tra­ duit au dehors et dc la manière dont il est accompli, à le prendre de façon plus générale ct simplement en tant qu'adjuration ou conjuration des démons, en tant que prière ou cérémonie préservâtivc ou défensive contre eux, il s’en faut qu'il soit l'apanage exclusif du christianisme : il était ou est en usage dans le judaïsme ct dans différentes formes du paganisme tant ancien que moderne, où nous le trouvons mêlé à toutes sortes d’aberrations ct d’abus superstitieux. On aurait tort dc s'en étonner ou dc s'en scandaliser. 1J en va dc cette manifestation dc la croyance ct dc la vie religieuse comme dc toutes les autres, qui sont sujettes à déformations ct peuvent donner lieu à méprises. Mais si la malice ou la sottise humaine abuse d’un principe, d’une coutume, d’une institution, ce n’est pas une raison pour qu’on doive soit incriminer soit rejeter l'institution même,la coutume ou le principe. H. Histoire. — 1° Parmi les païens. — On sait coniülen la croyance à des êtres spirituels, supérieurs donc à notre monde et à nos activités sensibles, a été, de tout temps, répandue parmi les peuples de l’uni­ vers. A notre époque moins qu’à aucune autre il serait permis de douter dc ce fait. Quiconque s’est tant soit peu occupé des recherches de la sc.cncc des religions, connaît la place qu’y tiennent actuellement les théories s’inspirant dc l’animisme. Constatant que l’existence des esprits a été connue par les ancêtres les plus loin­ tains dc l'humanité, qu’elle est encore communément admise par les peuples les plus sauvages, au point que souvent ils ne distingueraient pas leur action dc celle des causes purement naturelles ct Iraient même jus­ qu'à méconnaître la différence essentielle entre êtres animés et êtres inanimés, des ethnographes ct d'autres chercheurs, en grand nombre, ont prétendu trouver dans ce seul élément historique l’explication naturelle ct pleinement suffisante du phénomène religieux, dont ils ne peuvent plus nier l’universalité. Sans vouloir ici ni discuter ni même signaler les côtés ha­ sardeux ou manifestement exagérés d’un semblable système, rien ne nous empêche d'accepter, avec scs défenseurs, la substance du fait qui lui sert dc point dc départ, le fait de la croyance générale aux esprits; ct, avec eux aussi, nous pouvons noter que, partout ct toujours, on a été persuadé non seulement que ces es­ prits entraient en contact avec l’homme ct pouvaient lui être utiles ou lui nuire, mais que certains d’entre eux sont malfaisants par tempérament ou par habi­ tude. « Outre les âmes d’origine humaine, dit Mgr Le­ roy, analysant la psychologie des non cioilisês, La reli­ gion des primiti/s. Paris, 1909, p. 8*4, il est d’autres esprits ou génies, les uns bons ct protecteurs, les autres plus ou moins indifférents, les autres méchants, qui vaguent dans l’espace, ou affectionnent tel ou tel en­ droit, ou s’amusent à produire tel ou tel phénomène. C’est là le monde Invisible cl mystérieux, distinct dc l’autre, mats qui lui est toujours mêlé dans scs diffé­ rentes manifestations. · Celte conception des esprits posée, quoi de plus naturel que dc songer à sc proté- 1764 ger contre eux, ù écarter leur influence pernicieuse, Λ repousser leurs agressions? De là l'usage des conjura­ tions des dénions. On en relève des traces dans les monuments de l'antiquité classique ct préclassique; en notre siècle même, les explorateurs ct les mission­ naires en recueillent dc toutes parts ct en publient des détails savoureux ct significatifs. Les Égyptiens mettaient sur le compte des démons beaucoup dc maladies ct d’autres misères humaines. Ils croyaient à l’efficacité des incantations ct des rites magiques pour s’en délivrer. Les morts en particu­ lier avaient, pensaient-ils, grand besoin d'être fortifiés par des pratiques dc ce genre pour leur périlleux voyage d’outre-tombe. D'exorcisme proprement dit on ne cite pas xPcxcmple dans les annales dc l'Égypte ancienne. Un cas célèbre paraît, pourtant, s'en rappro­ cher. C’est celui dc la fille du prince de Bakhtan, Bintroshlt, qui dépérissait sous l'action d’un esprit pos­ sesseur et qui ne put être délivrée que par le dieu Khonsou en personne, venu expressément de Thèbes Λ cette fin, après que Thotcmhabi, chef des magiciens royaux, se fut déclaré impuissant. Mais il faut remar­ quer qu'en cette occurrence le démon, mis en présence du dieu, déclara sc retirer spontanément ct gracieuse­ ment; il demanda seulement, < avant de regagner les lieux d’où il était venu, » ct obtint que le prince de Bakhtan donnât une grande fête en son honneur et le comblât de présents. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient, 6e édit., Paris, 1901, p. 336, 337; Budge, Egyptian magic, Londres, 1899, p. 206 sq.; Ph Vircy, La religion dc [’ancienne Égypte, Paris, 1910, p. 223-225. Les monuments dc la Chaldéc ct dc la Babylonie nous montrent également la magic venant, par des conjurations, au secours dc la médecine. Au-dessous des grands dieux s’agite un peuple innombrable de dé­ mons ct d’esprits, échappés dc l’enfer, qui s'insinuent partout, sc dissimulant, pour nuire à coup sûr, ct sc transformant dc mille manières. Certains d’entre eux s'attaquent à l’ordre général de la nature et s’efforcent de le bouleverser. D’autres sc mêlent aux hommes pour faire le mal. < De maison en maison ils pénètrent; dans les portes, comme des serpents, ils se glissent. Ils empêchent l'épouse d’être fécondée par l’époux; ils ravissent l'enfant sur les genoux de sa mère; ils font fuir la femme libre de la demeure où elle a enfanté; Us poussent le fils hors dc la maison du père. » Ils se tiennent dc préférence cachés dans les lieux déserts, d’où ils ne sortent que pour harceler les êtres humains ct les animaux. Ils s'introduisent dans les corps ct Ils y fomentent des maladies. Pour leur résister, l’homme doit se ménager des alliés parmi les autres esprits ct parmi les dieux, se munir d’armes défensives ct offen­ sives, en un mot avoir recours à la magic. « Le culte des premiers habitants dc la Chaldéc, dît M. Maspero, op. cit., p. 161-166, est une véritable magic où les hymnes à la divinité prenaient tous la tournure d’incantations : le prêtre y est moins un prêtre qu'un sorcier. » Les formules d’adjuration employées par les Babyloniens consistaient en Invocations adressées à un dieu, à une déesse ou à un groupe de personnages divins, pour obtenir l’éloignement dc l’esprit malin et la réparation dc scs méfaits. En voici un échantil­ lon, cité par Sayee, Hibbert lectures, 1887, p. *1*11 : • Le démon qui envahit un homme, le démon qui impose son joug à un être humain, le démon malfai­ sant. le méchant démon, conjure-lc, ô esprit du ciel, conjurc-le, ύ esprit dc la terre. » Voir aussi King, Babylonian magic and sorcery, Londres, 1896. Sur les exorcistes babyloniens, voir J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, 2· édit., Pans, 1905, p. 222-33; P. Dhonne, La religion assyro - babylonienne* I Paris, 1910, p. 284-291. 1765 EXORCISME Dans la Grèce antique, c’étaient surtout des femmes qui exerçaient l’art des exorcismes. On dit que la mère d’Épieu rc ct celle d'Eschine furent de ce nombre. Leurs ills ont été fortement accusés, le premier par les stoïciens, et le second par Démosthène, d’avoir pris part à des pratiques de ce genre. Sur les exor­ cismes chez les Grecs, voir Ο. Habert, La religion de la Grèce antique, Pans, s d. (1910), p. 430. Parmi les peuplades sauvages contemporaines, très nombreuses et très variées sont les cérémonies aux­ quelles on a recours pour soustraire soit les lieux, soit les personnes, soit des objets quelconques aux nui­ sances des esprits. Contre ces ennemis invisibles, les moyens de persuasion ct les moyens violents sont éga­ lement dc mise; tantôt ce sont des Incantations, des purifications, des gestes suppliants ou Inoffensifs, des chants tendres ou dolents qu'on leur oppose; tantôt, ce sont dc grands vacarmes, des assauts guerriers avec bâtons, lances, accompagnement dc cris, dc hurle­ ments, d’appels retentissants à des esprits plus forts; tantôt, c’est l'eau ct le feu, par inondation ou incendie. Aux Indes orientales, le malade dont l'infirmité est considérée comme le résultat d’une possession doit parfois danser autour d'un petit navire, jusqu'à ce que l’esprit passe dans ce navire ct soit emporté à vaul’eau. En d'autres cas, on frappe le malade ou l’on met en œuvre divers procédés dont l'efficacité réside sur­ tout dans leur force suggestive. Dans le Dakota, le mé­ decin chante auprès du lit dc son client ce refrain : hi-le-li-lah ! en s’accompagnant d’un instrument dc musique; il colle ensuite scs lèvres sur le siège du mal ct aspiro fortement, dans l’intention d'attirer à lui ct dc faire sortir l'esprit, qui est censé prendre la fuite pendant qu’on tire des coups de fusil à la porte dc la tente. Chez les Zoulous, ce sont les âmes des morts que souvent on rend responsables des mécomptes et des calamités, ct l’on espère se libérer en sc plaignant à elles ou en leur sacrifiant une pièce de bétail. Cf. Fra­ zer, Golden bough, l. nr, p. 189; Krafft, Ausfilrliche Historic von Exorcismus; King, op. cil.; Herzog, dans Reale ncyclopadie, art. Exorcismus. Dans bien d'autres contrées du globe, les schamans ou devins croient également se tircr d’affaire au moyen d'un sacrifice aux esprits. Voici, d’après un témoin oculaire, qui a observé les faits à loisir ct avec méthode, Mgr Leroy, La religion des primitifs, p. 34 7 comment sont traités les possédés dans l’Afrique bantouc : « Parfois, l’esprit possesseur est d'origine humaine, mais le plus souvent c’est un de ces êtres malfaisants ct pervers dont l’origine est mal connue, ct qui n'a pour l'homme que jalousie, rancune ct co­ lère. La première chose à faire en pareil cas est d’ap­ peler un spécialiste, qui fera parler l’esprit cl saura à quel exorciste s’adresser pour délivrer le malade. L’homme de l’art arrive, il demande à son tour à l’esprit qui il est, pourquoi II est entré là, ce qu’il exige, etc.; puis, ces préliminaires accomplis, on sc met en mesure de le satisfaire. Parfois il ne veut rien dire ct le sorcier doit suppléer à ce mutisme; mais le plus souvent, il parle ct on lui obéit. Finalement, après des tam-tams, des danses rituelles ct des cérémonies fort compliquées cl fort longues — elles peuvent durer plusieurs jours ct plusieurs nuits — un sacrifice est offert, le sacrifice demandé, le possédé boit le sang de la victime, les assistants s’associent à celte « communion », cl l’esprit s'en va .. quelquefois. S’il reste, tout est à recommencer, mais alors on fait appel à un autre sorcier. » Est-il besoin d’ajouter que, s’il s'en va. c’est-à-dire si le malade éprouve, à la suite de toutes ces démonstrations, un soulagement quelconque, la suggestion peut n'y être pas étrangère? C'est encore un missionnaire qui, parlant du théâtre de son activité évangélisai rice, dc la Mand­ 1766 chourie, écrit, A nnales de la propagation delà fol, 1871, n 287 : · Ix: païen aime beaucoup ses Isamas ou de­ vins; s’il est malade, Il les appelle auprès de lui. ïxï tsama se coiffe alors de son divin casque, le chén-mào, s’entoure les reins d’une ceinture de grelots, et le voilà qui exécute par la cour ct la chambre scs mille gam­ bades ridicules, évoquant l'esprit qui doit lui apporter le remède infaillible pour sauver le malade. Tout le monde est debout, le tambour résonne; et, si le mori­ bond ne trépasse pas à ce vacarme, du moins ne s'en porte-t-il guère mieux. · Un autre moyen, déjà men­ tionné plus haut, celui de la succion, fréquemment combiné avec le massage, nous est aussi garanti par des témoignages immédiats ct dignes de fol. Il est très employé dans les Antilles ct dans l'Amérique du Nord. Un missionnaire des Montagnes Rocheuses le décrit dc la façon suivante : · Le mal ne doit pas résister long­ temps il ses conjurations. Si toutefois II venait à em­ pirer, alors elle (la sorcière) a recours à des procédés plus énergiques cl plus puissants : elle applique sa bouche sur la partie malade, et, au moyen d'une forte aspiration, elle parvient à extraire soit un petit mor­ ceau de bois, soit un os, soit un grain de sable ou un autre objet de ce genre, qu'elle produit aux yeux de tous les assistants ébahis. » Enfin, il y a des cas ct des milieux où l’exorcisme consiste surtout à souiller sur le patient Les remèdes eux-mêmes que prescrit le féticheur sont censés n’agir que par l’esprit qu’ils con­ tiennent ct qui chasse l’esprit malfaisant, cause de la maladie. Voir A. Bros, La religion des peuples non civi­ lisés, Paris, 1907, p. 43 sq. 2° Dans ΓAncien Testament ct chez les Juifs. — Il est parfois fait mention, par les auteurs inspirés de l’Ancien Testament, de sortilèges et d’enchantements tendant à prévenir ou à éloigner un malheur; ainsi Isaïe, xlvii. 9, 12. raille les magiciens de Chaldéc, qui s'épuisent en vains efforts pour détourner de Baby­ lone la mine qui la menace. Nulle part, en revanche, on ne nous parle dc démons expulsés par le ministère d’un homme. Au livre de Toble, vin, 3, c’est l'ange Raphaël lui-même qui intervient pour écarter de Sara l’esprit auquel est attribuée la mort de ses premiers maris; c’est lui qui « le saisit cl l’enchaîne dans le dé­ sert de la Haute-Égypte. » Nous le voyons, il est vrai, commander au jeune Toble, vi, 8, 19; vin, 2, de faire brûler sur des charbons le cœur et le foie du poisson qu’lis ont pris, en assurant que la fumée ainsi pro­ duite a la vertu dc mettre en fuite toute espèce de dé­ mons. Mais, au jugement des meilleurs interprètes, cet ordre n’aurait eu d’autre but, dans la pensée du céleste messager, ni d utre effet que de cacher provi­ soirement la personnalité de celui qui le donnait et la puissance qui entrait en jeu. En dehors dc la Bible, Il ne manque pas de témoi­ gnages historiques établissant que les Juifs oppo­ sèrent de bonne heure des exorcismes à l’action des dé­ mons. Le Talmud,tr. Schabbath,xiv,3; Avodah Zarah, xn, 2; Sanhédrin, x, 1, nous en fait connaître certains rites, celui, par exemple, de répandre dc l’huile sur la tête de l’exorcisé. Ces procédés ressemblent par plus d’un détail à ceux qui avaient cours chez les Égyp­ tiens et les Chaldécns, et il n’est pas improbable qu’ils en proviennent au moins partiellement. On a retrouvé des prières dc meme destination, gravées sur la face intérieure dc coupes en terre cuite qui remontent vraisemblablement au vu· siècle de notre ère cl dont un bon nombre sont maintenant au Musée royal de Berlin. Les inscriptions de celte collection ont été publiées et traduites par Wohlslcin, dans la Zeit­ schrift file Assyriologie, décembre 1893 cl avril 1894. Il existait chez les Juifs une tradition populaire d'après laquelle Salomon, ayant reçu dc Dieu le pouvoir do chasser les démons, aurait composé à cet effet des for- 1767 EXORCISM E mules d’adjuration très efficaces. L'historien Josèphc s’en est fait l'écho, dans scs Antiquités judaïques, VIII. n. 5;ct il ajoute que cette manière dc guérir était encore très en vogue panni ses compatriotes. Le même auteur rapporte un fait qui sc serait passé sous les yeux de l’empereur Vespasien et de scs officiers : un certain Éléazar aurait délivré des possédés, au moyen d'un anneau renfermant une racine très rare indiquée dans les prescriptions salomonicnncs. Appliqué au nez des patients, cct anneau leur faisait sortir Je démon par les narines. Quant à la précieuse racine, couleur de feu, elle sc rencontrait dans un lieu appelé Banras ct portait elle-même cc nom. Il était difficile dc la décou­ vrir, ct, pour y réussir, il fallait s’astreindre à toutes sortes dc précautions ct dc formalités minutieuses. Cf. Josèphc, Dc bello judaico, VII, vi, 3. Les exor­ cismes juifs sc caractérisaient notamment par l'habitude d’y proférer certains termes,d'y invoquer certains noms auxquels on reconnaissait une vertu in­ trinsèque et mystérieuse; c’étaient des noms des bons anges, employés seuls ou combinés avec le nom d’Æ/ (Dieu). C’est peut-être, au fond, la même théorie que nous retrouvons plus tard dans beaucoup de commen­ tateurs coraniques, d'après lesquels .Mahomet aurait admis,sous la dénomination dc datuah (appel), la pra­ tique des charmes, des amulettes, des incantations, à la seule condition qu’il n’y fût fait usage que des noms d’Allah, des bons anges ct des bons génies. Cf. Hughes, Dictionary o/ islam, art. Damah. Ajoutons du reste que certaines sectes musulmanes, telle celle des Wahabis, sont plus sévères *»· rejettent comme illé­ gitime une Invocation quelconque des esprits. Leur interprétation semble s’accorder davantage avpo cette maxime, que la tradition attribue au Prophète, Mischkâlu' l-Masabth, xxi, c. 1 : « Il n'y a point de mal dans les enchantements, aussi longtemps que vous n'y associez rien à Dieu.» Quoi qu’il en soit, chez les Juifs, une sorte dc cou fiance aveugle et superstitieuse en des noms déterminés, variables d'ailleurs suivant les temps ct les lieux, était très ancienne ct très enracinée. Il semble bien que cc soit à un sentiment analogue qu'aient obéi les sept fils de Scéva, dont il esl question, Act., xix, 13 sq., quand ils tentèrent dc marcher pour ainsi dire sur les brisées du grand apôtre d’Éphèse, en • invoquant le nom du Seigneur Jésus sur ceux qui avaient des esprits malins ct en disant : Je vous adjure par Jésus que Paul prêche. » Au demeurant, ct en dé­ pit des erreurs du vulgaire ct des abus où elles sc reflé­ taient, il paraît certain qu’en Palestine plusieurs des contemporains du Sauveur étaient doués d’un pouvoir réel pour l’expulsion des démons. · Cc n’était pas, remarque Stapler, La Palestine au temps de Jésus· Christ, Paris, 1885, p. 243, le plus instruit qui était le plus propre à cette œuvre de bienfaisance, mais le plus religieux. Plus on était pieux, plus on était apte à gué­ rir les malades, c’est-à-dire à chasser les démons, et quelques-uns y passaient pour fort habiles. » C’est pourquoi Noire-Seigneur peut dire aux pharisiens, qui cherchaient à déprécier son œuvre ct sa puissance en l'accusant de commander aux démons au nom de Béclzébub : < El vos Ills, par qui les chassent-ils donc? ■ Si les exorcismes juifs n’avalent pas été par­ fois efficaces, le divin Maître n’aurait point parlé dc la sorte. Il nc saurait être question ici d’argumenta­ tion ou de réfutation ad hominem, comme si Jésus axait pu faire sienne par manière dc simple suppo­ sition la conviction erronée dc ses interlocuteurs; car nous apprenons par un autre endroit, Marc., îx, 37. 38, qu'informé de la conduite dc quelqu'un qui, sans être dc ses disciples, commandait pourtant en son nom au demon et s’en faisait obéir. Il refusa de le blâmer cl de l’empêcher. Saint Irénée avait sans doute en vue les conjurations pratiquées dans le judaïsme, quand il 1768 écrivait, Cont. liar., I. II, c. vr, n. 2, P. G., t. vn, col. 724, que, · par l'invocation du nom du ToutPuissant, même avant la venue de Notre-Scigneur, les hommes étaient délivrés des esprits méchants et dc tous les démons; » mais il allait plus loin, ct il attes­ tait. ibid., col. 725, que, · de son temps encore, les Juifs mettaient les démons en fuite en prononçant le nom dc Jésus, parce que tous les êtres craignent l’in­ vocation dc leur auteur. » CL F. Weber, System der allsynagogalen paluslinischcn Théologie aus Targuai, Midrasch und Talmud, Leipzig, 1880, p. 242-250; W. Bousset,Zh‘e Religion des Judentu ms imneutesta· mentlichen Zeitalter, Berlin, 1903, p. 326-336; L. Blau, Das aitjadische Zauberwesen, Strasbourg. 1898; O.We­ ber, Dàmonenbeschtvorung bei den Babytoniern und Assyriern, Leipzig, 1906. 3° Dans le ministère dc Noire-Seigneur et des apôtres. — La délivrance des possédés occupe une place très considérable dans la vie publique du Sauveur, comme on le voit, soit par les cas spéciaux que racontent les évangélistes, soit surtout par les formules générales dans lesquelles ils résument dc temps à autre son mi­ nistère. C’est ainsi que saint Marc écrit, i, 32-34, 39 : « Le soir venu, on amena à Jésus tous les malades ct les possédés du démon...; et il chassa de nombreux dé­ mons... Il prêchait dans les synagogues ct dans toute la Galilée, ct il chassait les dénions. » Saint Matthieu dit dc même, iv, 23-21 : < On lui présenta tous ceux qui étaient malades..., et les possédés du démon, ct il les guérit.» Et saint Luc, vu,21 : «Jésus guérit beau­ coup dc personnes qui avaient des maladies... cl des esprits mauvais. » Au chapitre suivant, vin, 2, il si­ gnale, parmi ceux qui accompagnaient le Maître,· quel­ ques femmes qui avaient été guéries d’esprits malins ct dc maladies, entre autres Marie, appelée Madeleine, dc laquelle étaient sortis sept démons. » Il mentionne encore, xm, 22, cette parole significative, en laquelle Jésus lui-même condensa un jour les diverses formes de son activité : « Voici que je chasse les démons ct que j’opère des guérisons; ■ idée sommaire reproduite dans cette remarque de saint Pierre à propos du cen­ turion Corneille, Act., x, 38 : « Il n passé en faisant le bien cl en guérissant tous ceux qui étaient sous l’em­ pire du diable. » Les cas spéciaux d’expulsion rap­ portés dans les Évangiles sont au nombre dc sept : 1° le démoniaque dc Capharnaüm, Marc., I, 21-28; Luc., iv, 31-37; 2° un possédé aveugle el muet, dont la délivrance donna lieu au blasphème des pharisiens, Matlh., xn, 22-23; Luc., xi, 14; 3® les démoniaques dc Gérasa, Matth., vin, 28-34; .Marc., v, 1-20; Luc., vm, 26-39; 4° le possédé muet, Matlh., îx, 32-34 ; 5° la fille de la Chananéenne, Matth., xv, 21-28; Marc., vn. 21-30; 6° le Jeune lunatique, Matlh., xvn, 14-20; Marc., ix, 13-28; Luc., îx, 37-11; 7° la femme courbée, Luc., xin, 10-17. Cf. Fillion, Les miracles de N.-S· Jésus-Christ, Paris, 1910, l. n, p. 238, 239. Dans toutes ces occurrences, la manière dont NotreSeigneur s’exprime ct agit n'est pas moins remar­ quable que le résultat obtenu. Chaque fois qu'il dé­ livre un démoniaque, Jésus s'adresse impérativement au démon, il lui parle en maître, il lui parle en Dieu. Il se sert même, par exemple à Capharnaüm, Matth., xvn, 17, dc formules dont le laconisme absolu el auto­ ritaire n’admet évidemment aucune réplique; il joint parfois, comme à Capharnaüm encore, à Gérasa cl nu pied de. la montagne dc la transfiguration, la répri­ mande au commandement; ct invariablement le dé­ J mon s’exécute sans ombre dc résistance. Dans le cas de la fille de la Chananéenne, la guérison, instantanée comme toujours, s’opère en outre à distance. Les es­ prits malfaisants sc sentent au supplice en présence dc Jésus-Christ, et ils le proclament. Ils sc plaignent à lut qu’il vienne les perdre et les torturer avant le 1769 EX0BC1SME temps, Matth.· vni, 20; Marc., î, 24, c'est-à-dire les chasser des corps où ils ont la liberté de nuire ct les refouler dans l’enfer, d’où, après le dernier jugement, il ne leur sera plus permis de sortir. Ils sollicitent dc lui, comme une sorte de compensation miséricor­ dieuse, d’être autorisés Λ envahir une troupe dc pour­ ceaux, reconnaissant qu’ils nc peuvent le faire sans sa permission ou son ordre Matth., vin, 31 ; Marc., v, 12Enfin, ils confessent spontanément ct hautement qu'il est · le Saint de Dieu ». Marc., i, 24; Luc., iv, 31. Bien d’étonnant, après cela, que Jésus lui-même reven­ dique l’origine divine et la signification véritable dc scs victoires sur les puissances des ténèbres. Aux pha­ risiens, qui lui imputent dc chasser les démons par Béelzébtib, prince des démons, Matth., îx, 34; xn, 24; Marc., in, 22; Luc., xi, 15, 19, la réponse était facile: à la rigueur,le démon pouvait sc laisser chasser par des hommes qui travaillaient en réalité à l'extension de son empire; c'était dc sa part lactique prudente, diplomatie habile, que d’accréditer ceux qui en défi­ nitive servaient sa cause; mais Notrc-Sclgncur, par sa doctrine ct par scs œuvres, combattait ouvertement et constamment le règne dc Satan ; il n’était donc pas possible que le pouvoir dont il usait invariablement pour confondre et affaiblir les esprits infernaux, pour miner leur domination sur le genre humain, lui vînt d’eux. Tel est le sens dc cette réponse, Matth. xn, 26 : « Si c'est Satan qui chasse Satan, il esl divisé contre lui-même; comment donc subsistera son royaume? · Non seulement Jésus chasse les démons par le pou­ voir divin, mais c’est de ce même pouvoir que sont tributaires, c’cst lui que mettent en œuvre tous ceux qui leur commandent avec succès; ct de cc nombre sont certains exorcistes juifs. Matth., xn, 27. Que s’il en est ainsi, l’expulsion fréquente, habituelle, des dé­ mons par Jésus est donc une preuve incontestable dc s i mission divine ct dc l'arrivée du royaume de Dieu. Ibid., 28. Dc même que dans la personne du Roi-Messie, dans celle dc ses fidèles aussi le fait de commander aux es­ prits de l’abîme prendra la signification d’un crité­ rium divin. Nous en avons pour garant la solennelle promesse qu'il leur a laissée en quittant la terre, Marc., xv!, 17, 18 : Et voici les miracles qui accompagne­ ront ceux qui auront cru ; en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront dc nouvelles langues; ils im­ poseront les mains aux malades, et les malades seront guéris. » Mais, dc son vivant déjà, dès qu’il associe scs disciples à son ministère d’évangélisation, il les asso­ cie à son pouvoir de thaumaturge. C’est d’abord aux Douze qu’il communique, Matth., x, 1; Marc., vi, 7; Luc., îx, 1, « vertu cl puissance pour chasser les dé­ mons;· c'est ensuite aux soixante-douze disciples.lit, lorsque ceux-ci, après un premier essai heureux, re­ viennent auprès de lui cl lui manifestent assez naïve­ ment leur joie, disant, Luc., x, 17 : · Soigneur, les dé­ mons mêmes nous sont soumis en votre nom, · lui, tout en confirmant cl en exaltant cc privilège, les avertit dc n’y voir qu’un moyen de salut cl les pré­ munit contre l’orgueil, ibid., 18-20 : « Je contem­ plais Satan tombant du ciel comme la foudre. Voilà que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents ct les scorpions, cl toute la puissance dc l’en­ nemi, cl elle nc pourra vous nuire en rien. Seulement, nc vous réjouissez pas de cc que les esprits vous sont soumis; mais réjouissez-vous dc cc que vos noms sont écrits dans les deux. · C’est que le pouvoir dont ii s’agit ne constitue pas un mérite ct que, dc plus, son exercice, comme celui d'autres charismes, est subor­ donné à plusieurs conditions; parfois même, il semble Hé, suspendu, pour l'humiliation ct l’instruction dc ceux qui l’ont reçu : les apôtres ne parviennent pas à chasser le démon d’un lunatique que son père leur a 1770 présenté, Matth., xvn. 14. 15; Marc., tx, 13-28; Luc. îx. 37-11 ; cl le Sauveur profite de l’occasion pour leur rappeler ou leur apprendre que la foi, une foi vive, est tout d'abord requise pour une opération de ce genre, mais qu’en outre certains démons ne peuvent être maîtrises ct expulsés que par le jeûne ct la prière. Matlh., xvn, 19, 20. L’exorcisme au nom de Jésus n'est donc pas toujours et fatalement efficace par luimême; il n'a point cette vertu magique ct en quelque sorte automatique qui s'attachait, dans l'opinion des Juifs, voir plus haut, à la prononciation de vocables déterminés : il y faut joindre la pratique des vertus ou l’accomplissement d'actes moraux particulière­ ment antipathiques aux démons. C’est ce qu’avaient oublié apparemment, cc qu’ignoraient peut-être les sept fils dc Scéva, Act., xix, 13-16; et deux d’entre eux curent sujet de s’en repentir, quand, en réponse à leurs objurgations, un démoniaque très dangereux • leur dil : Je connais Jésus, je sais qui est Paul; mais vous, qui êtes-vous? ... ct il se jeta sur eux, s’en ren­ dit maître, cl les maltraita si fort qu'ils s’enfuirent nus ct blessés. » Dc l’apôtre Paul, en revanche, il est dit, quelques lignes plus haut, Act., xix, 11, 12 : « Dieu fai­ sait des miracles extraordinaires par les mains dc Paul, au point qu’on appliquait sur les malades des mou­ choirs el des ceintures qui avaient touché son corps, cl les maladies disparaissaient ct les esprits mauvais étaient chassés. » C’est peu dc temps auparavant que le même apôtre avait, à Philippes, Act., χνι, 18, ex­ pulsé d’une jeune fille le démon fatidique qui la pos­ sédait, en « disant : Je t’ordonne, au nom dc JésusChrist, dc sortir d’elle. El il sortit sur-le-champ. » 4° Dans Γ Église primitive. — Le pouvoir conféré par Noire-Seigneur aux apôtres ct aux disciples ct exercé par eux dès l’origine se conserva dans ΓÉglise. Il était d’un usage courant cl public, pendant les pre­ miers siècles, alors que tous les chrétiens, clercs ou laïques, réussissaient à chasser les démons. Les témoi­ gnages contemporains concernant ce point sont nom­ breux. Ils nous montrent que le fait servait meme aux apologistes comme argument de la divinité du christianisme. Voici quelques-uns des principaux. Chez les Latins, Tcrtullicn ramène souvent l’atten­ tion des païens sur ce chapitre, en insistant sur celte circonstance, qu'eux-mêmes bénéficient dc la puis­ sance accordée par le Christ à scs fidèles. Apologet., c. xxm, P. /.., I. i. col. 110, il lance fièrement cc défi : • Qu’on amène ici, en présence de vos tribunaux, quelqu’un qui soit certainement tourmenté du démon. Sur l’ordre qui lui en sera donné par un chrétien quel­ conque, cet esprit sc proclamera démon en toute vé­ rité, comme ailleurs il sc déchire faussement Dieu. » Un peu plus loin, Terlullien décrit ainsi les senti­ ments el l’attitude des esprits infernaux : « Craignant Dieu dans le Christ et le Christ en Dieu, ils sont sou­ mis aux serviteurs de Dieu ct du Christ : à notre con­ tact ou à notre souille, en rechignant ct malgré eux, pour nous obéir, ils sortent des corps humains, ct vousmêmes êtes témoins de leur confusion. » Au c. xxxvn, P. L·, t. i, col. 526, la sotte Ingratitude des païens est stigmatisée en ces termes : · Il vous a plu de nous qua­ lifier d’ennemis du genre humain. Mais, sans nous, comment échappe riez-vous à ces autres ennemis oc­ cultes qui, de toutes parts, vous envahissent ct rava­ gent vo·» âmes et vos santés? Je parle des assauts de ces demons dont nous vous délivrons sans salaire ni récompense aucune. Pour nous venger, cc serait assez de vous abandonner comme une place ouverte aux entreprises des esprits impurs. Et cependant, loin de songer à payer d'un retour quelconque une protec­ tion si précieuse, vous décidez dc déchirer ennemie une race qui non seulement ne vous nuit point, mais vous est nécessaire. Ennemis, nous le sommes sans r À 1771 EXORCISME 1772 doute, nonWpas toutefois du genre humain, mais de mentées, déchirées, brûlées par les paroles des croyant*. l'erreur. » Des déclarations de meme portée se ren­ Un mot retient, punit, chasse ces êtres invisiblesct in contrent dans le De idololatria, c. xi, ct dans le De compréhensibles pour nous ; les devins sont réduits proscriptionibus, c. xi.i. Voir Exorciste. an silence, les temples sont muets. « Les nations seront Minucius Félix n’est pas moins catégorique. Dans « troublées ct craindront, · dit le psalmistc, ct cela son Octavius, c. xxvn, P. L,, t. in, col. 339-310, nous parce qu’elles verront leurs dieux muets ou ne pous­ lisons : « Ce sont là choses sur lesquelles la plupart sant que des gémissements de douleur lorsque nous d'entre vous savent que les démons entrent en aveu leur imposons les mains. > chaque fois que, par les flammes de la prière et la tor­ On voit, par ccs dernières paroles, que l’imposition ture des paroles, ils sont chassés des corps. Saturne des mains faisait partie des rites de l’exorcisme. Le iul-même, ct Sérapis ct Jupiter, ct tous les démons même détail nous est certifié par le diacre Paulin, eu objets de vos hommages proclament, vaincus par la deux endroits de sa Vie de saint Ambroise. Il raconte, douleur, ce qu’ils sont ; ct assurément, surtout en votre en effet, op. cil., c. xxvin, P. L.t t. xiv, col. 36, que présence, ils ne mentiront pas pour leur propre déshon­ le saint archevêque, « dans le temps où il habitait à neur. Quand ils confessent qu’ils sont des démons, Florence la maison de Deccns, personnage chrétien croyez au témoignage véridique qu’ils rendent d’euximportant, guérit, par de nombreuses prières et par mêmes. Adjurés nu nom du Dieu unique ct véritable, l’imposition des mains, le jeune fils de son hôte, que ils commencent, malgré eux, à trembler dans les corps l’esprit impur tourmentait.» il écrit pareillement, ibid., misérables qu’ils occupent, ct alors ou ils en sortent c. xliii, col. 42 : « Dans ccs jours, nous avons vu, par immédiatement, ou ils disparaissent par degrés, selon son commandement accompagné de l’imposition des que la foi du patient y aide ct que la grâce du guéris­ mains, une multitude de personnes délivrées des es­ seur est agissante. Ainsi, ils fuient épouvantés la pré­ prits impurs. » En revanche, d’après Sulpice Sévère, sence de ccs chrétiens que, de loin, dans vos assemblées Dialog., ni, c. vî, P. L., t. xx, col. 215, saint Martin, publiques, Ils maltraitaient. * pour scs fréquents exorcismes, ne se serait astreint Ce que TertuUicn ct Minucius Félix attestent de la à aucun cérémonial déterminé. « Le bienheureux terreur que les chrétiens inspiraient aux démons, des dit-il, habitait un monastère situé à deux milles de la « tourments » que la parole des exorcistes leur infli­ ville. Or, chaque fois qu’il mettait le pied hors de sa geait, Lactancc le répétera encore, au iv® siècle, en cellule pour venir à l’église, vous auriez vu, dans toute nous parlant de ccs esprits qui < hurlent, tourmentés l’église, les énergumènes se mettre à crier et à trem­ et torturés par la vertu de la divine puissance; » mais, bler, comme feraient, devant leur juge, des troupeaux de criminels. C’est au point que les gémissements des avant lui, ct plus proche de Tertulllen» un autre Africain illustre, saint Cypricn, l’avait redit, avec une démons annonçaient l’arrivée de l’évêque aux clercs, grande précision de détails. Ad Demelrianum, c. xiv, qui n’en avaient pas été Informés par ailleurs. J’ai vu. xv, P. JL, t. iv, col. 574-575 : « Rougis de rendre un à l’approche de Martin, un démoniaque sc soulever ct culte à ceux dont tu es toi-même le défenseur; rougis demeurer suspendu en l’air, les bras étendus, de telle de demander protection à ceux dont tu es, toi, le pro­ sorte que ses pieds ne reposaient pas sur le sol. Quand tecteur. Ah 1 si tu voulais les entendre ct les voir, Martin entreprenait d’exorciser des possédés, il ne quand, adjurés par nous, fustigés des fouets spirituels, touchait personne de scs mains, il n’adressait à per­ soumis aux tourments des paroles (verborum tormen­ sonne des mots de reproche, à la différence de la plu­ tis), ils sont expulsés des corps qu’ils possédaient; part des clercs, qui déversent un torrent de paroles. quand, avec des gémissements ct des hurlements de Une fois les énergumènes amenés, il ordonnait aux voix humaine, sentant les coups et les flagellations de autres de sc retirer; puis, les portes fermées, revêtu la puissance divine, ils confessent le jugement futur ! d’un cillcc ct couvert de cendre, il priait, étendu par Viens ct constate la vérité de ce que nous afllrmons. Et, terre au milieu de l’église. Alors, vous auriez vu ccs puisque ce sont là les dieux que tu prétends honorer, malheureux agités de diverses façons : les uns étalent crois au moins ceux que tu honores; ou si tu veux t’en soulevés ct suspendus en l’air, les pieds en haut, sans rapporter aussi à toi-même, il parlera du dedans de que cependant leurs habits vinssent à retomber sur toi. ct tu l'entendras, celui qui enserre actuellement leurs visages ct à découvrir leurs corps de manière in­ tou intérieur, celui qui a jeté sur ton âme la nuit aveu­ convenante; d’un autre côté, vous en rencontriez qui, glante de l’ignorance. Tu les verras, immobiles ct en­ inquiets ct tourmentés, alors que personne ne les inter chaînés devant nous, trembler comme des captifs, en rogcalt, confessaient pourtant leurs crimes. Ils révé­ notre présence, ceux que tu acceptes et que tu vénères laient aussi leurs noms spontanément, celui-ci avouant comme des maîtres. Assurément, alors, au moins, tu qu’il était Jupiter, celui-là Mercure. Finalement, vou> pourras avoir honte de tes terreurs, quand tu auras auriez vu tous les ministres du diable, tourmentés vu ct entendu tes dieux avouer Incontinent, en ré­ avec leur chef; de sorte qu’il nous faut reconnaître en ponse à nos interrogations, ce qu’ils sont, ct ne pou­ Martin l'accomplissement de ce qui est écrit : Quoniam voir, en dépit île votre présence, dissimuler plus long­ sancti de angelis judicabunt. » temps leurs prestiges ct leurs tromperies. » Relativement aux procédés usités dans l’exorcisme, Nous retrouvons des attestations analogues chez 11 ne sera pas inutile de noter encore, surtout à raison saint Hilaire de Poitiers, in ps. lxiv, n. 10. P. L., t. ix, du rôle attribué à la crosse de l'abbesse, quelque chose col. 119·« Une fols le diable bouleversé, dit-il, tous scs de ce qui sc lit dans la vie de sainte Euphrasic, rcli ministères de terreur le sont également, el le fracas gicusc du commencement du v* siècle. Je reproduis, meme des puissances ennemies, qui faisait trembler les d’après les Acta sanctorum «lu 13 mars, un passage nations, en ressent un tremblement. Bappelons-nous assez caractéristique. La sainte, à qui on avait amené les accents cadencés des devins, les cris désordonnés une malheureuse démoniaque, s’adressant au démon : des bacchantes; rappelons-nous ces statues d'airain « Dieu te le commande, dit-elle, sors de cette femme; qui parfois ont émis je ne sais quel bruit mal défini, car, si Je prends la crosse de l’abbesse, je t’en fustige­ rai. Et le démon résistant ct refusant de s’en aller, troublant pour les âmes des auditeurs; rappelons-nous Euphrasic saisit la crosse et dit : Sors, ou je te frap­ enfin l’univers entier retentissant du chant des céré­ monies profanes. Et maintenant que Jésus-Christ a été perai, n’en doute pas. Il répondit : Comment pourrais Je sortir d’elle? J’ai conclu avec elle un pacte, et II annoncé au momie, lout se tait,(ont est confondu et m’est impossible de l’abandonner. Sans hésiter donc, chancelant; car ces divinités des temples païens sont Euphrasic se mit à frapper; ce qu’ayant fait trois fois, châtiées par la puissance des fidèles; elles sont tour­ 1773 EXORCISME clic ajouta : Son» de cette créature de Dieu, esprit immonde, ct que le Seigneur Jésus-Christ te répri­ mande. Et le démon de répliquer: Je ne puis la quitter; pourquoi me maltraites-tu ? Où Irais-Je? Euphrasic lui dit : Dans les ténèbres extérieures, au feu étemel, dans les tourments induis, préparés pour loi, pour Satan, ton père, et pour ceux qui font sa volonté... Et tout d’un coup, le démon, écumant, en produisant un bruit strident ct en poussant un grand cri, sortit de cette femme, qui ainsi sc trouva guérie. » Comme l'Église latine, l'Église orientale a connu ct utilisé la puissance des fidèles sur les démons, ici en­ core les témoignages abondent. Je n’en citerai qu’un petit nombre, parmi les plus saillants. Les rappro­ chements avec ceux qui précédent s’indiqueront presque toujours d'eux-mêmes. Origènc, Contra Celsum, L VI, n. 4, P. G., t. xî, col. 1425-1426, fait ce raisonnement : χ Si la Pythie, quand elle rend scs oracles, est hors d’cllc-mêmc. si elle ne se possède plus, quel est donc l'esprit qui obs­ curcit son intelligence ct sa raison? Est-il d’une autre espèce que ccs démons que la plupart des chrétiens expulsent des énergumènes, ct cela sans le secours de vaincs pratiques magiques et d’idcantations, par des prières seulement ct par de simples adjurations, dont l'homme le moins cultivé est capable? De fa t, cc sont des ignorants, le plus souvent, qui font cela. Ainsi, la grâce de Dieu inhérente à notre religion met ù nu la déplorable faiblesse des démons, puisque, pour les vaincre, les éloigner, les faire fuir du corps ct de i’âmo de l’homme, il n’est point nécessaire d’être un sage ou un esprit très versé dans les vérités de la foi. » Saint Athanasc, De incarnatione Verbi, η. 47, P. G., t. xxv, col. 179-180, écrit : · Autrefois, tout était plein des artifices des idoles ct des superstitions humaines. Les oracles de Delphes, de Dodone, de Beotic, de Lycic, de Libye» d’Egypte, ceux des Cabires étalent universellement admires. Mais maintenant, depuis que le Christ a commencé à être prêché partout, ccs insa­ nités ont complètement cessé ct l’on ne rencontre plus de devins dans le paganisme. Jadis, les démons abu­ saient les hommes par des apparitions de diverse na­ ture; embusqués auprès des sources ou des fleuves, dans des arbres, dans des rochers, ils séduisaient les Insensés par leurs prestiges; mais depuis la venue du Christ-Dieu ces tromperies ont pris fin. Désonnais, par un simple signe de croix, toutes les fourberies des démons sont repoussées. » Le même Père, Epist. ad Marccllinum, n. 33, P. G., t. xxvn, col. 43-16, signale ct condamne les travers de quelques exorcistes : « J’ai appris, disait un vieillard, de In bouche d'hommes instniits que jadis, chez les Israélites, par la seule lecture de Γ Écriture sainte, on mettait les démons en déroule ct l’on écartait les embûches dressées par eux au genre humain. D’où il concluait combien étaient répréhensibles ceux qui, négligeant cette méthode, sc servaient, pour exorciser, de phrases élégantes, pui­ sées ailleurs. Agir de la sorte, c’est plutôt s'amuser ct s’exposer ù la risée des démons, ainsi qu’il advint ù ces Juifs, fils de Scéva, qui essayèrent une semblable ma­ nière d’oxorcisrnc. Aussi bien, lorsqu'ils entendent ccs formules recherchées, les démons se moquent de ceux qui les emploient. Les paroles des saints, au con­ traire, Ils les redoutent, cl Ils sont incapables d’y résis­ ter; car. dans les paroles de l’Écriturc ils retrouvent cc Seigneur qu’ils ne pouvaient supporter et Λ qui ils criaient : Je t’en prie, ne me tourmente pas avant le temps·, tant, rien qu’à voir le Seigneur présent, ils sc sentaient brûler I C’est en suivant celte règle que Paul commandait aux démons impurs, c’est grâce à elle que les démons étaient soumis aux disciples... Main­ tenant encore donc, si quelqu’un veut du bien Λ des malades, qu’il emploie ce langage, ct il soulagera gran­ dement ccs malades, tout en prouvant la vérité el la fermeté de sa propre foi. · Des abus similaires sont visés par le pscudo-Clémcnt dans sa première lettre Ad oirg/nei.qui est du uroudu iv· siècle. L’auteur avait d’abord, op. cit., c. x. P. G., t. I, col. 401-402, blâmé ces hommes vains et oisifs qui < circulent par les monastères de religieux ou de religieuses sous prétexte de visites, de lecture de l’Écriturc sainte, d’exorcisme ou d’enseignement; · il revient ensuite, ibid., c. xn, col. 107-410, aux exor­ cismes, qu’il loue, mais dont il rappelle certaines règles : · C’est chose convenable, et bonne, ct décente à ceux qui sont frères dans le Christ, de visiter ceux qui sont tourmentés des mauvais esprits, pour faire sur eux des prières ct des conjurations utiles ct agréa­ bles à Dieu. » Puis, après avoir protesté contrfe la ten­ dance de plusieurs à prodiguer les belles phrases pour paraître savants ct éloquents, il conclut : · Allons donc trouver le frère ou la sœur malade; visitons-lcs de la manière qui convient, simplement, par pure charité i désintéressée, sans bruit ni bavardage... Qu’après avoir Jeûné ct prié, on les exorcise, sans formules élé­ gantes cl recherchées, mais en agissant comme des hommes qui ont reçu du ciel le charisme des guérisons, avec confiance ct en vue de la gloire de Dieu. > Saint Grégoire de Nysse, De vita Ephræmi, P.G., t. xlvi, col. 845-848, raconte la façon expéditive et simple dont Éphrcm, à son Ht de mort, guérit un pos­ sédé. Il s’agissait d’un malheureux dont le démon s’était emparé, après l’avoir fait consentir intérieu­ rement à des intentions d’avarice. Amené auprès du vieillard mourant, el « encouragé par ses paroles, il avoua le dessein qu’il avait conçu à part soi de ne point sc conformer aux instructions du saint (pour l’emploi d’une somme d’argent). Devant son aveu, Éphrem, plein de bonté, se sentit ému de compassion; et ausI sitôt, sc mettant à prier ct lui imposant les mains, il le délivra de son infirmité, lui rendit sa première santé, ct ajouta cet avertissement : Faites, mon ami, ce que vous avez promts depuis longtemps. » S. Épiphane, Hær., xxx, n. 8. P. G., t. xxx. col. 557-558, rapporte le cas d’une femme Λ laquelle des magiciens préten­ daient inspirer une passion impure, mais contre la­ quelle ils s’acharnèrent en vain troLs nuits durant, parce qu’elle se fortifiait < par le secours de la fol ct par le signe du Christ. · Ce · signe du Christ » est évi­ demment le signe de la croix, dont Athanasc vantait déjà la vertu invincible ct que saint Grégoire de Nazlanzc, Carm. ado. iram, v. 415-420; De expulsione dæmonum ct inoocat. Christi. P. G., I. xxxvn, col. 841842. 1389, assure « être redoutable ù tous les enne­ mis el lui avoir toujour* fourni contre eux aide et pro­ tection > Saint Jean Chrysostomc, De incomprehen­ sibili Dei natura, honiil. m, η. 7; ιν, η. 4, P. G., t. χι,νιι, col. 727, 733, atteste que. de son temps, pen­ dant la célébration des saints mystères, · un diacre in­ troduisait les démoniaques dans l’église ct leur ordon­ nait de courber la tête. » Ils devaient ainsi prier par leur attitude meme, ct, en outre, par le spectacle de leur misère et de leur humble silence, exciter les autres fidèles ù prier avec eux. et pour eux. Un peu antérieur ù Grégoire de Nazlanze, â Chrysostome cl à Épiphane. saint Cyrille de Jérusalem est sans doute celui des Pères grecs qui a parlé le plus souvent des exorcismes. Il a surtout en vue les exor­ cismes qui étaient déjà en usage pour le baptême so­ lennel, et il comprend sous cette dénomination, outre la conjuration proprement dite, l'ensemble des cérémonies préparatoires au sacrement, dont il s’at­ tache ù exposer le sens el les avantages. Procat., n. 9, P. G., t. xxxiif, col. 347-350, Il dit : « Recevez les exorcismes avec dévotion. Qu’on vous exorcise ou qu'on souffle sur vous, c’est pour votre bien. Imaginez 1775 EXORCISME 1776 de l'or souillé, gâté, mélangé d'éléments divers : ai­ convénicnts de la précipitation ct dc méprises éven­ rain, étain, fer, plomb. Vous voulez avoir l'or seul ct tuelles en semblable matière, très regrettables de leur à part. Sans le feu, Impossible dc le dégager des ma­ nature ct en toutes circonstances, acquerraient faci­ tières étrangères. Dc mémo, sans les exorcismes, qui lement, à notre époque, dans un monde frondeur ct sont disdns ct puisés dans les divines Écritures, im­ trop sceptique, une gravité exceptionnelle. C'est une possible dc purifier l’âme. On vous n mis un voile sur des raisons qui ont déterminé l’Églisc à tracer, soit Je visage, pour aider à l'attention ct au recueille­ pour le discernement des cas dc possession, soit pour ment dc la pensée, de pciir que l’œil vagabond n'en­ l’exorcisme lui-même, des règles strictes ct précises traîne le cœur dans scs divagations. Mais le voile qui dont on trouvera un résumé à l'art. (Exorciste. Ccs couvre les yeux n'empêche pas dc recevoir par les règles tendent aussi à sauvegarder constamment, dans oreilles un secours salutaire. Dc même, en effet, que les rapports avec les mauvais esprits, et les droits sou­ des orfèvres habiles, qui veulent fondre l’or dans le verains dc Dieu, ct la dignité humaine; elles vont à creuset ct attiser le foyer placé en dessous, arrivent empêcher qu’aucune forme dc conjuration ne dégénère à leur but en lançant l’air sur la flamme au moyen soit en pratique superstitieuse ct magique, considérée d’appareils ingénieux, dc même l'Esprit-Saint, par comme agissant en quelque façon mécaniquement, ceux qui exorcisent, inspire la crainte ct stimule soit en une sorte dc prière ou d'hommage adressé au l’âme, enclose dans le corps comme en un creuset, ct le démon, ct, par conséquent, en un acte d’idolâtrie sata­ démon s’enfuit, et la santé demeure avec l'espoir dc la nique. Telles sont les idées et les préoccupations qui vie étemelle; enfin, purifiée de scs péchés, l'flme ar­ ont guidé toutes les générations chrétiennes dans rive au salut. » Plus loin, ibid., n. 14, col. 353-356, l'usage des exorcismes, comme on peut le voir par les Cyrille insiste en détail sur les règles dc décence à ob­ témoignages/juc nous avons empruntés aux Pères. server dans les exorcismes, ct ii veut, notamment, que Elles sc retrouvent dans les principes formulés ct les catéchumènes des deux sexes soient rangés en deux défendus par les grands théologiens, notamment par groupes séparés, < les hommes avec les hommes, saint Thomas d’Aquin, excellent interprète, ici comme les femmes avec les femmes. » Cal., xiiï, n. 3, P. G., ailleurs, dc la tradition catholique. Le docteur angé­ t. XXXIII, col. 773-776, il vante l’efficacité des exor­ lique sc demande, Sum. theol., Il» II», q. xc, a. 2, cismes chrétiens, en tant surtout qu’elle repose sur le « s'il est permis d'adjurer les dénions, » ct il répond : mystère dc la croix : « Si quelqu’un ne croit pas à la • Il y a deux sortes d’adjurations : l’une, par manière vertu du crucifié, qu’il interroge les démons; si des dc prière ou dc sollicitation, ct qui est fondée sur le paroles ne le convainquent point, qu’il sc rende devant respect qu'on porte à un être saint; l’autre, par ma­ des faits éclatants. Il y a eu, par le monde, bien des nière dc compulsion. Il n’est pas permis d'adjurer les hommes attachés sur une croix, ct pourtant aucun démons de la première manière, parce que cette forme d’eux n’est redouté des puissances infernales, qui d'adjuration parait impliquer une certaine amitié, une tremblent au seul aspect du signe dc la croix sur la­ certaine bienveillance, sentiments que nous ne pou­ quelle notre Christ est mort pour nous. C’est que les vons avoir à l’égard des démons. Quant à la seconde premiers ont été crucifiés pour leurs propres péchés, manière d’adjurer, celle qui est compulsive, son usage tandis que le Christ s’est livré pour les péchés d'ausera permis ou ne le sera pas,suivant le but que l’on IruL » Nous apprenons encore de Cyrille qu’il existait poursuivra. Dans le cours dc cette vie, en effet, les des exorcismes même pour l'huile des catéchumènes. démons sont pour nous des ennemis. Mais leurs actes Il writ, en effet, Ca/., xx, n. 3, col. 1079-1080 : « Ainsi ne sont pas soumis à notre pouvolr;ils sont,en revan­ dépouillés, vous avez été oints de l’huile exorcisée, che, soumis au pouvoir dc Dieu ct des saints anges;car, depuis le sommet dc la tête jusqu’à la plante des pieds, selon saint Augustin, De Trini(.9 I. III, c. iv, « l’esprit cl vous vous êtes trouvés associés à l’olivier franc « rebelle est gouverné par l’esprit juste. » Nous pouvons qui est Jésus-Christ. Détachés dc l'olivier sauvage, donc, pour empêcher les démons de nous nuire dans vous avez été entés sur le tronc de l'olivier franc, vous nos âmes ou dans nos corps, les repousser comme on avez part à la sève vigoureuse du véritable olivier. repousse des ennemis, en les adjurant par la vertu du L’huile exorcisée était donc un symbole, signifiant j nom divin, usant en cela dc la puissance divine que l'association à la vigueur du Christ ct écartant incon­ le Christ nous a communiquée lorsqu’il a dit, Luc., x, tinent tout vestige de la puissance ennemie. Dc même 19: Voilà que je vous ai donné, le pouvoir de fouler aux que le souille des saints et l’invocation du nom dc pieds les serpents ct les scorpions et toute la puissance Dieu brûlent les démons, comme ferait une flamme dc l'ennemi, ct elle ne pourra vous nuire en rien. Mais très ardente, ct les met en fuite, de même cette huile il n’est pas pennis de les adjurer pour en apprendre exorcisée acquiert, par l’invocation de Dieu ct par la quelque chose, non plus que pour obtenir quelque prière, une telle force que non seulement elle purifie, chose par eux, parce que cela impliquerait une sorte en les brûlant, les traces des péchés, mais qu’elle met d’association avec eux. ■ en déroute les invisibles puissances du mal. > L’efficacité des exorcismes pour expulser les dé­ 111. Dismpline actuelle et doctrine del'Église. mons est analogue à celle que les théologiens catho­ — Ie Exorcisme des possédés. — L'Église n’a pas aban­ liques reconnaissent à ccttc catégorie d’actes ct d’ob­ donné. il n'y a aucune apparence qu'elle doive aban­ jets qu’ils appellent des sacramcnlaux; elle est donc, donner jamais la pratique des exorcismes, meme des non point d’ordre physique, mais d’ordre moral; elle exorcismes au sens plein et primitif du mot. c'est-à- n’est pas, du moins suivant l'opinion la plus commune» dire des rites destinés à expulser le démon des per­ ex opere operato, comme celle des sacrements, bien sonnes, des lieux ou des objets où sa présence ct son qu’elle ne repose pas principalement ct proprement influence sc trahissent par des manifestations sen­ sur la sainteté personnelle dc l’exorciste; à plus forte sibles. Voir Demons ct Démoniaques. Mais c’est une raison, elle n’est pas inconditionnée ct infaillible. Indé­ doctrine traditionnelle, déjà formulée par saint III- pendamment des mérites du ministre, elle s’ex­ 1 dre et saint Athanase, voir plus haut, et solennelle­ plique par trois considérations, elle a comme un triple ment rappelée par le concile provincial de Vienne dc aspect : a) les démons ont naturellement horreur des 1*58. Ut. tv. c. X, Collectio tacensis, t. v. col. 186, mystères dc notre religion auxquels sc rattache le sou­ qu’avec la diffusion universelle du christianisme le | venir dc leur défaite; voilà pourquoi, à la seule vue du signe dc la croix, à la simple Invocation du nom de demon a vu son pouvoir diminué ct (pie, par consé­ Jésus, etc., ils souffrent ct s'enfuient; b) c’est l’Églisc quent, les cas de véritables possessions diaboliques qui prie dans la personne dc l’exorciste, c’est à sa sont devenus beaucoup plus rares. D’ailleurs, les In- 1ΊΊΊ EXORCISME 1778 saint Thomas, Sum. Iheol., III·, q. lxxi, a. 3 : «Quel­ prière qu’est accordée par Dieu la fuite des démons, ct, ques-uns, dit-il, ont prétendu que les rites de l’exor­ à cause de sa sainteté, elle obtient facilement dc son di­ cisme ont une signification, mais ne produisent rien. vin Époux ccttc grâce, comme toute autre grâce; Cette opinion est erronée, car ('Église se sert, dans c) cette même Église semble avoir reçu un pouvoir les exorcismes, dc formules impératives pour re­ spécial de commander aux démons, car, dans l’ordina­ fouler la puissance du démon, par exemple, quand tion des exorcistes,elle communique à ceux-ci ce qu'elle elle dit : Sors donc, diable maudit, etc. D’où il faut con­ appelle une puissance, et elle désigne apparemment par ce nom autre chose qu’une simple faculté ou mis­ clure que les exorcismes produisent un effet, différent sion de prier solennellement ct à titre ofllcicl. Toute­ pourtant dc celui que produit le baptême même : par fois Dieu peut avoir, dans chaque cas particulier, le baptême, l’homme reçoit la grâce pour la pleine d'excellentes raisons, connues de lui seul, dc s'opposer rémission de scs fautes, tandis que les rites de l’exor­ cisme écartent deux obstacles à la réception dc la grâce au départ des démons, ct ainsi le pouvoir d’exorciser salutaire. Le premier obstacle, externe ct consistant ne saurait être efficace sans conditions. On conçoit du dans les efforts du démon pour s’opposer au salut dc reste que, dans la fixation dc ccs conditions, Dieu ac­ l’homme, est écarté par les souffles purificateurs, ex­ corde une attention particulière aux qualités ct aux dispositions tant du ministre que du patient. Bien pulsi fs dc la puissance diabolique, suivant la parole d’étonnant donc que l’Églisc aussi, dans scs prescrip­ citée dc saint Augustin, De symbolo, I. I, c. i : Parvuli tions relatives à l'exorcisme, insiste sur la conduite ir­ exsufflantur et exorcizantur, ut pellatur ab els diabbll potestas inimica, quæ decepit hominem; il est écarté, réprochable dc l’exorciste, sur le recours au jeûne ct à dis-je, de telle sorte qu’il n'empcchc point la récep­ la prière, expressément recommandés par Notretion du sacrement. Mais la puissance du démon sur Seigneur, sur la multiplication des signes de croix, l’homme, quant à la tache du péché et à l'obligation sur l’emploi des reliques, dc l’eau bénite, etc., sur la d’en porter la peine, subsiste jusqu’à cc que le péché nécessité de commander à l’esprit malin ct dc lui com­ soit effacé par le baptême; et c’est en ce sens que saint mander au nom dc Dieu. Voir Exorciste. Cyprien dit : « Sache que la malice du diable peut 2° Exorcismes préparatoires au baptême. — L’Églisc, demeurer jusqu'au bain salutaire; dans le baptême, qui a, dès le n· ou le îii® siècle, établi un ordre distinct par contre, toute méchanceté disparaît. » Le second de clercs en vue des exorcismes, a aussi, de bonne obstacle est interne et consiste en cc que, par suite heure, nous l’avons vu par la doctrine dc saint Cyrille dc dc l'infection du péché originel, les sens dc l'homme Jerusalem, introduit, pour tous les catéchumènes sont fermés à la perception des vérités du salut. C’est adultes ou enfants, les exorcismes préparatoires à la pourquoi Haban Maur dit. De institutione clericorum, régénération baptismale. Cc n’est pas assurément 1. I, c. χχνπ, « que la sagesse et la puissance divines qu’elle vit dans tous les non-baptisés autant dc pos­ opèrent le salut du catéchumène par la salive symbo­ sédés au sens rigoureux du mot, ou qu’elle crût, par lique et le contact du prêtre, en ouvrant les narines cette cérémonie particulière, pouvoir suppléer ou pré­ pour faire percevoir la bonne odeur dc la connaissance venir l’effet propre tuts particuliers subordonnent sagement l’exercice de A partir du vî· siècle, les Orientaux, qui n'avaient ja- ; i I '· < 1783 EXORCISTE 1781 mais admis l’ordre des acolytes, ne possèdent pas da­ . 2° qu’outre le sacerdoce II y a dans l’Église catholique vantage celui de porliers ou celui d’exorcistes. Les J d'autres ordres majeurs ct mineurs, can. 2. Le rap­ cucologes ct autres livres liturgiques des grecs ne prochement de ccs deux affirmations montre que, mentionnent, parmi les ordres que nous appelons mi­ dans la pensée de leurs auteurs, bien qu'ils n'aient nul­ neurs, que les lecteurs; et quand le VIII· concile œcu­ lement entendu émettre à cc sujet une déclaration ex­ ménique, assemblé contre Photius, décide, act. X, presse, le sous-diaconat ct les ordres mineurs parti­ can. 5, Mansi, Condi., t. χνι, col. 101, qu’on ne peut cipent de la dignité ct de la nature sacramentelles. créer évêque un homme qui n’a point passe par tous Cette conclusion est encore confirmée par le fait que, les autres ordres, il n’énumère que le lectorat, le soussi nous en croyons Thelner, Acta genuina concilii tridentini, t. π, p. 133sq., telle était notoirement la doc­ diaconat, le diaconat ct le sacerdoce. Renaudot, Perpduitê de laJoi, t. v, I. V, c. vr, montre qu'en ceci ni les trine de tous les théologiens du concile, à l'exception jacobltcs d’Egypte ni Icsncsloricns de Syrie n’ont une d’un seul. En outre, il n'est aucun de ccs ordres auquel ne soit attaché un caractère, puisque le Pontifical dit tradition differente de celle des grecs. IL Effets et nature de l'ordination d’exor­ explicitement : · L'évêque recommandera aux ordinands de toucher les instruments, par lesquels le carac­ ciste. — L’ordre d'exorciste confère au clerc qui le tère est imprimé; > et cc caractère est indélébile, car n-çoit plus qu'un ministère ecclésiastique, ordinaire; il l’investit d'un véritable imperium, il en fait cc que le l'excommunication ne le fait pus disparaître. Pontifical romain appelle un spiritualis imperator, en Cependant beaucoup de théologiens modernes, à la tant qu'il lui donne autorité sur les esprits infernaux, suite de Jean Morin, De sacris Ecclcsiæ ordinationibus, pour les expulser au nom de Dieu ct de ΓÉglise ct déli­ cxercil.XI, c. i, défendent la thèse contraire, à savoir vrer ceux qu’ils tenaient sous leur tyrannique domi­ que les ordres dont i) s’agit ne possèdent point la vertu nation. A cc pouvoir primitif cl «caractéristique l’Église sacramentelle, parce qu’ils ne remontent ni à Noirea ajouté dans la suite la double charge de réserver, Seigneur ni aux apôtres, mais datent seulement du dans les assemblées des fidèles, une place à ceux qui ne siècle ou du m·; parce que le nombre n'en est pas désiraient communier (dicere populo, ut qui non com­ le même chez les grecs et les autres Orientaux que municat det locum) cl d’avoir soin de l'eau bénite ainsi chez les latins; parce que les latins aussi ont varié que de l’eau baptismale (aquam in ministerio /undere). dans leur pratique Λ cet égard; parce qu’en fin ccs J'ai indiqué plus haut la formule de l’ordination de ordres ne sont pas administrés par le rite ordinaire et l'exorciste· En même temps que l'ordinateur la pro­ caractéristique de l’imposition des mains. nonce, Il présente à l’ordinand, ct celui-ci doit loucher Mais il y a, semble-t-il, moyen de concilier, avec di la main droite, le « livre des exorcismes », c*csl-ùThomassin, Nouvelle el ancienne discipline de Γ Église, dirc soit le Rituel, soit le Missel, soit le Pontifical. î part. I, I. Il, c. XL, les deux sentiments : c'est de con­ Cet ordre est-il un sacrement? La question sc pré­ sidérer comme des démembrements successifs du dia­ sente tout naturellement ct le doute parait assuré­ conat tous les ordres qui lui sont inférieurs. Alors, on ment pennis, après cc que nous avons dit des vicis­ peut dire qu’ils sont d’origine et d’institution divine situdes que l’cxorcislat a connues aux différentes dans leur source commune, le diaconat; et si l’on ad­ époques cl dans les diverses parties delà catholicité· met que, pour l'ordre comme pour d'autres sacre­ Elle sc pose du reste de façon identique pour les quatre ments, Noire-Seigneur n'a pas déterminé lui-même ordres mineurs de l’Église latine et aussi pour le sousla matière ct la forme in specie, mais seulement d’une diaconat, qui n'a jamais été considéré par les grecs façon générale, en indiquant l’effet spirituel à pro­ comme un ordre majeur ct qui n'a pas clé élevé à ce duire el en laissant à son Église le choix du rite exté­ rang chez les latins avant la fin du xi· siècle. En rieur qui devrait exprimer cl symboliser convena­ l'envisageant donc dans toute son ampleur, nous con­ blement cet effet, rien n’empêche de regarder les statons qu’on y a fait deux réponses diamétralement parties détachées du diaconat comme sacramentelles, opposées. Saint Thomas d'Aquin el la plupart des c’est-à-dire comme productrices de la grâce ex opere scolastiques sont pour l’nfilrmative; el les deux con­ operato dans la mesure du pouvoir sacré qui est at­ ciles œcuméniques de Florence el de Trente semblent taché à chacune d'elles. Celte théorie a l’avantage de appuyer très sérieusement celle manière de voir. Le cadrer avec les faits el les textes historiques, avec les premier, dans son décret pro Armenis, Denzinger, plus anciens aussi bien qu’avec les déclarations du Enchiridion, n. 701. dit : « Le sixième sacrement est concile de Florence cl du concile de Trente; elle ex­ l’ordre, lequel a pour mal 1ère cc par la tradition de plique comment on a pu d'abord ignorer les ordres quoi on l'administre. Ainsi le sacerdoce est conféré moindres, puis les introduire peu à peu ct sans suivre par la porrection du calice avec le vin el de la patène dans leur développement une marche constante ct avec l'hostie; le diaconat, par la présentation du livre uniforme, ct surtout ne les point recevoir en même des Évangiles; le sous-diaconat, par celle du calice nombre ct de même façon dans les Églises d’Orient ct vide, surmonté de la patène également vide; ct de dans l’Église latine. Elle paraît de plus en parfait ac­ meme les autres ordres, par la porrection des objets cord avec la pensée Intime de saint Thomas. Qu’on en relatifs à leurs ministères propres. La forme du sacer­ juge par ccs quelques lignes de la Somme thtotogique, doce est : Accipe potestatem offerendi sacrificium in III· Supplem., q. xxxvii, a. 2, ad 2um : In primitiva er tesla pro vivis d mortuis, in nomine Patris et Filii et Ecclesia, propter paucitatem ministrorum, omnia inte­ Spiritus Sancti. Et ainsi de suile pour les formes des riora ministeria diaconis committebantur, ut patet per autres ordres,lesquelles soni données toul au long dans Dionysium, ubi dicit : ■ .Ministrorum alii stant ad por­ l· Pontifical romain. Le ministre ordinaire de cc sacre­ tus templi clausas, alii aliud proprii ordinis operantur, ment est l'evrque ; son effet, une augmentation de alii autem sacerdotibus proponunt super altare sacrum grâce destinée à créer de dignes ministres. » Le con­ pan· m et benedictionis calicem. » Nihilominus erant cile donc, sans faire la moindre distinction entre ordres omnes prtedicta: potestates, sed implicite, in una diaconi majeurs et mineurs, determine la matière ct la forme I potestate. Sed postea ampliatus est cultus divinus ; el Ec­ des uns ct des autres, ct il assigne en tenues absolus la clesia quod implicite habebat in uno ordine, explicite tragrâce productrice de dignes ministres comme effet I didit in diversis. Et secundum hoc dicit Magister in lit­ tera, quod Ecclesia alios ordines sibi instituit. du sacrement de l’ordre. Quant au concile de Trente, III. Conditions et règles imposées aux exor­ définit à la fols, dans sa XXIII* session, Denzinger, cistes. — Le Rituel romain contient un chapitre Enchiridion, n. 961 sq. : 1° que l’ordre en général est un sacrement au sens propre ct véritable, can. 3; i Intitulé : De exorcizandis obsessis a dœmonlo. Il y trace 1785 17«G EXORCISTE — EXPERIENCE RELIGIEUSE la marche à suivre ct les formules 6 employer pour un exorcisme. Voici les principales de scs prescriptions, qui ne sont elles-mêmes que l'application des règles ordinaires de la prudence ct des principes tbiolo­ giques résumées à l’art. Exorcisme, col. 1775 sq. 1° Appelé à se mesurer en quelque sorte avec le dé­ mon ct à lui commander au nom de Dieu, que l'exor­ ciste sc recommande par un ensemble de qualités mo­ rales ct de vertus en rapport avec cette haute ct déli­ cate mission. Qu’il soit donc de mœurs irréprochables, conformément à cc qui lui n été dit dans son ordina­ tion : « Secouez, toute impureté ct toute malice, pour n’être point vaincus par ceux que votre ministère vous appelle à chasser; apprenez par votre office meme à commander aux habitudes vicieuses, de peur que votre conduite ne donne ù l’ennemi quelque droit sur vous. « Qu'il sc distingue surtout par sa piété, sa prudence, sa gravité, son amour désintéressé du prochain, la ma­ turité du jugement unie Λ celle de l’ûgc. Qu’il aborde l’exercice de son ministère à la fols avec humilité ct une ferme confiance en Dieu. 2° Qu’il connaisse ct ob­ serve fidèlement, s’il en existe, les règlements diocé­ sains sur la matière, ceux, par exemple, qui concerne­ raient l’autorisation préalable à obtenir de l’évêque. 3° Qu’il ait acquis, par l'expérience ou par l’élude, les autres connaissances indispensables. 4° Qu’il sc garde de croire facilement ct à la légère à une véritable possession ou obsession diabolique. Il est plus d’une maladie, notamment dans la catégorie des afïcctions mentales ou nerveuses, qui pourrait ici donner le change. On doit être spécialement circonspect ct ré­ servé lorsqu’il s’agit de femmes suspectes d’hystérie ou de personnes qui auraient intérêt à tromper, comme, dans certains cas, les pauvres. Aussi bien ne faut-il jamais négliger de prendre l’avis d’un médecin consciencieux, expérimenté ct exempt de toute prévention. Le fait d’une Intervention diabo­ lique ne sera certain que si le sujet présente des cir­ constances absolument inexplicables par les lois natu­ relles, comme l’intelligence ou l'emploi de langues entièrement inconnues de lui, la vision ù distance, la pénétration directe des pensées ou le déploiement d’autres activités qui dépassent manifestement les forces de la nature. 5° L'exorciste ne devra jamais oublier que le démon est le père du mensonge el que, par conséquent, la plus grande défiance ù son égard est de rigueur. Done, soit avant l’exorcisme, soit nu cours de l’exorcisme, qu’il n'ajoute point une foi aveugle cl sans contrôle aux dires du sujet possédé ou supposé tel; qu’il n'accepte en particulier que sous bénéfice d’inventaire des protestations de guérison peut-être intéressées. Le plus souvent, il n’y aura que le temps cl des épreuves réitérées pour lui donner Λ ce sujet une pleine conviction suffisamment justifiée. G° Les remèdes purement naturels et propres Λ la médecine ne sont pas son affaire; qu’il en laisse le soin éventuel aux hommes de l'art. Qu’il ne s’imagine point du reste —c’est Benoit XIV qui lui donne cet avertis­ sement — que des remèdes de cc genre puissent jamais suffire ù l’encontre d’une vraie possession. A plus forte raison doit-il s'abstenir de tout autre ex­ pédient Inconvenant ou superstitieux, tel que malé­ fice, etc. 7° Qu’aux qualités habituelles indiquées cidessus Il ajoute, comme préparation prochaine, celle parfaite pureté de conscience qui est le fruit d’une bonne confession ou d’une vive contrition, la sainte communion ou la célébration de la messe, sans négli­ ger les deux moyens généraux que Noire-Seigneur a déclarés seuls efficaces contre un certain · genre de démons », ù savoir la prière ct la mortification. 8° Qu’au sujet à exorciser, s’il est capable d’entendre ct de suivre un bon Conseil, il recommande l’emploi des memes moyens, ainsi que l’abandon entre les mains de Dieu ct une confiance inébranlable en si toute-puissance ct en sa paternelle bonté. 9® Que toutes les conditions extérieures qui entoureront l’exorcisme soient, elles aussi, telles que le respect des choses saintes, l’esprit de foi ct la décence le requièrent. Le lieu ordinaire de cet acte solennel de religion est l’église; on ne le fera à domicile qu'en cas d'impuis­ sance du sujet à sc transporter hors de chez lui ou pour une autre raison grave. B convient qu’il sc fasse en présence de témoins, surtout s’il a une femme pou objet, ct ccs témoins seront naturellement avant tous autres les plus proches parents du principal intéressé. Mais qu’on exclue tous les spectateurs qui accour­ raient en simples curieux. Que sides violences ou des extravagances inconvenantes paraissaient à craindra de la part du démoniaque, des mesures devront être prises pour le réduire À l’impuissance, ou le ministre sacré s’assurera le concours de gens qui puissent, au besoin, le maintenir. 10® L’exorciste s’abstiendra soi­ gneusement de tout geste cl de tout propos malséants ou contraires à l'édification. Il évitera en particulier de sc laisser aller à un vain bavardage ct de poser des questions dictées par la seule curiosité, par exemple, concernant l’avenir ou concernant des choses cachées sans rapport avec son ministère actuel. Les paroles d’adjuration qui s’adressent au démon, qu’il les pro­ nonce avec humilité sans doute, mais aussi avec foi ct fermeté ct d’un ton impératif. Aux invocations et expressions de son cru qu’il préfère toujours des invo­ cations cl expressions empruntées ù l'Écriture sainte ct s’il remarque que l’un ou l’autre détail des formule! employées, surtout des formules comminatoires conta l’esprit mauvais,produit une impression plus profonde, qu’il ne manque pas d’y insister longuement ou d'y revenir à plusieurs reprises. 11® Les rites officiels de ’exorcisme impliquent de nombreuses aspersions d’eau bénite et de frequents signes de croix. Il est, en outre, recommande à l’exorciste d'avoir un crucifix, qu’il tiendra dans ses mains ou qu’il exposera bien en vue. Il sc servira aussi très utilement des reliques des saints, les appliquant meme sur le corps du patient, à condition pourtant d’éviter le danger d’irrévérence grave ou de profanation. Mais le respect exceptionnel dû au saint sacrement interdit de le faire servir jamais au même usage. 12® La rubrique du Biluel veut que le ministre de l’exorcisme soit, dans l'exercice de sa fonction, revêtu du surplis et d’une viole violette dont il placera, à certains moments, l’extrémité sur le cou du démoniaque, cl qu’il emploie généralement les formules cl prières contenues dans le Biluel même, avec faculté toutefois de répéter, comme il a vie dit plus haut, les parties qui paraîtront plus opportunes ou plus efficaces. 13® Enfin, celui qui aura réussi à délivrer un démoniaque l’exhortera vivement à sc gar­ der désormais du pèche, de peur de fournir à l'ennemi l'occasion d’un retour offensif. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes. art. Hron ; Probst. Sacramentc und Sacramentalien m dm ersten Jahrhunderlen, p. 16-62; Heuser. duns le Kirchenlext· kun 1560, I. Ill, c. n, n. 34, t. iv, p. 55; c'est l’irrésistibilité de 1’imprcssion, l’as­ surance qu’elle apporte, à défaut dc toutes autres raisons, < comme si nous contemplions à l’œil l’essence dc Dieu en [l’Escriture], » 1560, 1. I, c. vu, n. 5, I. in, p. 96, « comme si nous contemplions la face dc Dieu benigne ct propice envers nous, » 1560, I. Ill, c. if, n. 19, t. iv, p. 35. Aucun terme ne semble assez fort pour traduire ces touches divines; par contre, quand il s’agit de les distinguer des contrefaçons possibles, Cal­ vin affirme qu'elles sont tout autres, sans pouvoir, non plus que Luther, col. 1788,leur assigner d’autre note spécifique que la satisfaction affective de qui les éprouve. Nous aurons à discuter la valeur critique dc ce f ut. col. 1835. Cette brève esquisse suffira, semble-t-il, pour faire voir la caractéristique essentielle du luthéranisme ct du calvinisme : leur base expérimentale ct subjective. 2° Seconde période de la Réforme. — L'époque sui­ vante, loin dc nous faire assister à une explicitation de ces principes, avec réduction du dualisme qui les en­ combre, col. 1788, nous les montre en regression mar­ quée. lu?s causes obvies sont les suivantes : 1. les débordements dc toute nature que leur application provoque : les aveux écœurés des réformateurs en font foi; voir Dollinger, La Réforme, 3 in-8% Paris, 18481849; A.-L. Henninjard, La correspondance des réfor· moteurs dans les pays de langue française, 2· édit., 9 in-8 Genève, 1878; 2. la réaction naturelle du sens moral ct du l>on sens contre les exagérations amorales ou mystiques dc la première heure; 3. le succès dc la polémique catholique. En voici quelques indices : Λ EXPERIENCE RELIGIEUSE L Théorie de la passivité. — SI consolante que fût la thèse dc la passivité, si intimement liée qu'elle fût au dogme capital de la corruption foncière après la chute, elle est abandonnée, du vivant même du maître, par Mélanchthon ct son école. Des assertions comme celles-ci trahissent un changement profond. Conside­ randus est modus procedendi contrarius in physica et in rebus spiritualibus. Medicus videt prius et experitur... Sequitur igitur assensio experientiam. Sed (n Ecclesia experientia sequitur assensionem. Tu debes audire vocem Eoangelii et ei assentiri. Postea sequitur pax et gaudium in Spiritu Sancto. Mélanchthon, In domin. Penite., Corpus, t. xxiv, p. 899. L'expérience, au lieu dc rester le déterminant de la foi, en devient l’adjuvant, sinon la conséquence. Cum hrcc quatuor argumenta (absurdité des erreurs païennes, antiquité dc la vraie religion, miracles, excellence de la doctrine) simul conjungun­ tur, écrit le même auteur, movent homines non cyclopicos. Et cum postea accedit sensus judicii Dei in agni­ tione pe catorum, ct consolatio ct vivificatio in corde, agnito Filio Dei, in his motibus Spiritus Sanctus trahit et confirmat corda, ut jam convinci se fateantur et Evan· gelio assentiri firmius incipiant. In 1 Cor., c. xiv, ibid., I. xv, coi. 1169. Cf. In Joa., c. vm, coi. 179 sq. Les théologiens protestants le disent avec justice:«Ce n’est plus la Réforme, c'est du scolasticismc 1 » On sait comment, après dc longues querelles, Dol­ linger, op. cit., t. ni, p. 409 sq., 462 sq., le « synergisme » parvint à prévaloir dans la formule élaborée à Bergen, mais fut éliminé ou du moins adouci dans la rédaction de Torgau. La célèbre Formule dc concorde édulcorait les formules dc Luther : quod D. Luthcrus scripsit ho­ minis voluntatem in conversione pure passive se habere, id rcctc d dextre est accipiendum. Formula concordiæ, Epitome, c. π, § 9, dans J. Muller, Die symbolischcn Bûcher der cvangclisch-luthcrischcn Kirche, 10· édit., Gutersloh, 1907, p. 526. Elle enseignait qu’avec le mépris de la parole ou de l’Églisc l’homme ne pou­ vait espérer de miséricorde, neque misericordiam apud Deum consequi potest. Ibid., Declaratio, c. n, n. 57, Müller, p. 602. Elle expliquait en ce sens cette inertie du pécheur, < comme d’une souche ou d’une pierre, » que le réformateur avait enseignée, ibid., n. 59, reconnaissait une certaine collaboration de la volonté, sous l'action sanctifiante de l’Esprit, n. 63 sq., p. 603 sq., ct quelque nécessité des œuvres, comme fruits de son influence, n. 65, p. 604. 2. Théorie dc l’inamlssibilitê dc la justification. — Engagé dans cette voie dc réaction, le luthéranisme ne pouvait tolérer la doctrine préchéc par Calvin, col. 1791,ct par Th. de Bèzc, Tractationes theologiae, 2· édit., Paris, 1582, Confessio fidei, c. iv, l. i, p. 16, 17; De praedestinationis doctrina, l. m. p. 435 sq. ; l’inamlssibilitê dc la justification pour les élus. Déjà la Confession d’Augsbourg avait condamné ccttc thèse chez les anabaptistes. Müller, op. cil., p. 41. Les discussions soulevées par renseignement de Zanchi amenèrent la Formule de concorde Λ renouveler la pros­ cription. Part. II, c. m, n. 61. Muller, op. cil., p. 624; cf. Ddllinger, t. lit, p. 535 sq. Par ailleurs, au sein du calvinisme lui-même, la pratique corrigeait heureuse­ ment l’outrance des principes. Ainsi, dans les deux con­ fessions, sc rétablissait peu à peu l’union entre la religiosité ct la moralité, si gravement compromise par les théories maîtresses des initiateurs. 3. Théorie du témoignage de ΓEsprit. — Les mêmes appréhensions qui avalent soulevé contre les anabap­ tistes tant de colères portaient les deux Églises à pré­ ciser leurs dogmes : remède à quelques égards pire que le mal, puisqu'on ne sc mettait d’accord sur l’obliga­ tion de croire ct son étendue, qu’au prix de transac­ tions doctrinales qui faisaient saigner les consciences. Le libre examen recevait une atteinte plus grave DICT. DE TII&OI.. CATH0L. H94 encore, quand on substituait pour les laïques, au con­ tact direct avec la parole de Dieu, l’étude assidue des catéchismes de Luther : quod eos quasi laicorum bibliea esse censeamus ( Laicnbibel), in quibus omnia illa bre­ viter comprehenduntur, quæ in sacra Scripturn fusius tractantur et quorum cognitio... ad aeternam ' alu9an est necessaria. Formula concordiae, prie/., § 3, Müller, op. cit., p. 518. La théorie du témoignage dc l'Esprit pour la dis­ tinction des Écritures canoniques, après un moment dc faveur qui la fit agréer des luthériens, en vint rapi­ dement, même parmi les calvinistes, à perdre en crédit. Cf. J. Pannier, Le témoignage du Saint-Esprit, Paris, 1893, p. 139 sq. Le ministre du Moulin ira Jusqu'à écrire : « Afin que nul ne nous attribue ce que nous ne croyons pas, nous ne disons pas que tous ceux qui sont de nostre Eglise sentent ccstc efficace de la parole dc Dieu : mais seulement que Dieu la donne à qui il veut... Quant à ceux qui ont rcceu de Dieu plus de graces, jamais ne se vantent d’inspirations ni de revelation, ct ne sc disent point juges des doutes dc la foy, ni du sens de l’Escriture, comme calomnieuse­ ment on leur impose... Faut aussi remarquer que ce que nous disons de ce mouvement intérieur n'est pas pour exclure l'entremise des pasteurs, desquels Dieu sc sert ordinairement pour l’instruction des ignorans. » Juge des controverses, p. 292, dans J. Pannier, op. cit., p. 151. Jurieu et Claude, selon la thèse des articles fon­ damentaux, ne défendent plus l’évidence dc l’Écnturc que dans les « choses essentielles > ct Jurieu avoue : • Nous avons la voyc dc l’authorité dc direction de l’Églisc, ct c'est une grande ayde à trouver la vérité·., les simples sont conduits par les sçavants, Tes disciples par les docteurs. » Le vray système de Γ Église d la véritable analyse de la foy, L III, c. n, p. 450, d’après J. Pannier, op. cit., p.166. Bref ,1a maîtrise de l’homme, ou peu s’en faut, sc substitue à la < maîtrise dc Toutefois cc recul théorique ne pouvait arrêter la maturation pratique des principes au fond des cœurs. L’intransigeance des orthodoxies de chaque Église était devenue d’autant plus rigoureuse que scs adhé­ rents étaient moins nombreux, scs juges sans appel, ses articles, après élimination des éléments adventices, tenus pour plus nécessaires, et qu’au lieu ct place d'une autorité spirituelle qui veillât à leur conserva­ tion, le prince temporel « dc qui était la terre » sur­ veillait leur évolution.Dans dc telles conditions,la vie affective ne se trouvait pas moins menacée que par le < scolasticismc ». Comment éviter, dès lors, que le sen­ timent ne prit un jour sa revanche ct ne tentât de faire valoir à son profit les principes libérateurs qui restaient comme lettre morte dans la dogmatique des premiers maîtres? D’autre part, il est malaisé dc ne pas reconnaître le tort fait aux droits de l’intelligence, soit par les asser­ tions de Calvin cl dc Luther,cf. A.Baudrillart,L’É#/üe catholique, la renaissance, le protestantisme, 10· (dit., Paris, 1908, c. ix, p. 357 sq., soit par la multiplication troublante des confessions, des églises ct des sectes, soit par le conccssionnismc au prix duquel s’établis­ saient provisoirement les « formules dc concorde ». Si l’on observe dc plus que la critique va revendiquer ses droits, soit par réaction contre le caractère miraculeux des Livres saints, indûment majo é au début dc la Réforme, soit par suite du progrès des sciences an héologiqucs, philologiques ct historiques, on comprendra mieux la tentation des écoles protestantes dc justifier l’individualisme doctrinal et dc débouter toutes les attaques de la science en établissant la foi hors des prises de la dialectique ct de l'érudition, dans un domaine à part, celui dc l'émotion religieuse ct de la mystique. 1793 EXPERIENCE RELIGIEUSE 1796 3a Raianisme, jansénisme, quesnetianisme, — Plu­ Sans qu’on puisse le moins du monde confondre sieurs analogies de pensée sont à signaler dans le camp avec des théories condamnées une spiritualité qui se janséniste, en raison dc l’in fluence qu'elles ont eue recommande dc très saints prêtres, on trouverait un pour développer dans la piété du temps une certaine intérêt psychologique réel Λ rechercher les liens qui tendance à la passivité ct au sentimentalisme. unissent, d’assez loin d’abord, la doctrine du cardinal Dès l’origine, on a dénoncé leurs attaches protes­ dc Bérulle, puis. rnun/t, Krrnlgsberg. 1793; Theorie der rein moralischtn Religion mit Rucksirht au/ das reine Christentum, Riga. 1796; Der Streit der l'acultaUn, Kœnigsberg, 1798. Analyse» pénétrantes ct bibliographie dam V. Delbos, op. cit. c va, p. 600 sq. Sur son succès près des théologien» protestants O. Pflelderrr, Entudcklung der protest. Théologie in Deut­ schland seil Kant und in Grossbrilannien seit 19t$, Fribourg 1891; R M XVenley, Kant and his philosophical revolution, Édimbourg, 1910; ct la controverse : J. Kaftan, Kant der Philowph des Protestandsmus, Berlin, 190-1; M. G kroner, Kant der Philosoph des Proteslantismus (contre Kaftan et Ihiulscn), dans Jahrbuch Jûr Philosophie und spekulative Théologie, t. xxii, p 1-23. — 1. Kant, — Un homme contribue singulièrement ù celte évolution; c’est Kant. Ramener toute sa philo­ sophie Λ In question de l’expérience interne* dissimuler soit les difllrultés critériologiqucs qui l’ont justement frappé, soit les libertés qu’il a prises Λ l’égard même dc :eux dont il dépend, serait d’une critique asset fan­ taisiste. On entend seulement signaler ici desinfluenccs manifestes exercées sur lui par le milieu, ct par lui sur la dogmatique protestante. Élevé par des parents piétistes, empruntant nombre de ses conceptions religieuses Λ un catéchisme piétistc, témoin de cette bigarrure des doctrines cl des progrès du doute, il s'en va détruire lui-même l’autorité de la raison spéculative et restituer toute la connaissance sur le sentiment du devoir. Les deux thèses étaient assu­ rées du succès : l’agnosticisme crillcisle apportait sa justification philosophique au dogme luthérien de l’impuissance de la raison; la restauration de la certi­ tude sur l’autorité d’un fait de conscience indiscuté n -------------------------------- ----------------------- Voir Lichtenberger, Histoire des Idées religieuses en Alle­ magne, 2· édit., 3 in-12, Paris, 1888. t. r, c. vu. p. 215 sq., les cercles pieux; V. Delbos, Zxi philosophie pratique de Kant, Paris, 1905. Introd., p. 3 sq.; J.-A. Mœhlcr, Iai embolique, 2' édit franç., t. il § 72, p 292 sq.; $ 75, p. 307 sq ; 9· édit allemande, g 73, p. 512; § 76, p. 553; A. Léger· la Jeunesse de Wesley, Paris, 1910, c ni, § 2, p. 322 sq.; § 3, p. 389; La doctrine de Wesley, dans les Annales de philorophic chrétienne, 1911; ct les art. Méthodisme. Piétisme, I U.veil. t 1799 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE avait plus de difficulté Λ admettre la paire d’assertions qu'ils hissaient debout.» Von Schleiermachcr :u Hitsehl, 3·édit, (modifiée), Giessen, 1903, p. 4. Avant Schlcicrmneher, on avait invoqué le témoignage Intime — ct c’était pour une bonne part encore une sorte d’évi­ dence ntt tonnelle — comme In preuve apologétique de la foi; après lui, on considérera cette expérience sub­ jective comme le donné original de la foi ct la source de la dogmatique. En fait, cc n’était que la mise en for­ mule claire d’une méthode prédominante dans la Réforme. Luther avait-il fait autre chose,ct scs disci­ ples après lui, que de régler sur le sentiment de satis­ faction que les propositions de foi leur apportait, bref, sur leur émotion personnelle, l’interprétation de l’Écrlture ct par elle la dogmatique entière. L’expérience affective, érigée ainsi en juge suprême, contrecarrée par des compromis illogiques Λ chaque rédaction des formules de concorde, au moment où l’on sc trouvait lassé de ces subterfuges, réclamait d’aller jusqu’au bout de scs droits. Après la période de régression que provoquent d’ordinaire les formules trop claires, nous verrons le fymbolo-fldéisme, le pragmatisme, le libé­ ralisme mémo, sc rapprocher de plus cn plus des prin­ cipes émis dans la première édition des Discours. A des degrés divers, l’in fluence de Schleiermachcr s'est exercée sur toutes les écoles postérieures, libé­ rale, confessionnelle ou orthodoxe, ct école dite du « juste milieu » F. Kattcnbusch, Von Schleiermacher ni lltlschl, 3" édit., p. 14 sq. H n’appartient pas ù notre sujet de suivre leur histoire, mais uniquement de préciser leur position à l’égard de l’expérience interne. Voir Peden über die Religion, 1799. 1806. 1821 ; l’édition citée de Pûnjcr indique Ici modifications success ves pour b bibliographie, voir Sciiixii.rmaciikr. ct O. Kim, dans In Bealmcyklopék/fe, art Schleiermachcr, n 3, p. 593 sq : Drr chrhtlichc Gbitibe ruich den Gnindnàlzrn der coangcllschcn K irehe, 1821-1822, bibliographie, oc. cit, p 587 et plus compote dans K Gœdeke, Grundrlss der Gcschldde der deutschen Dichlung, 2· édit., I vi p. 211 sq. Les théologiens (orthodoxes) d'Erlangcn semblent s’appliquer les premiers A systématiser la théorie Voir H W. J. Thiersch, Versuch zur Ilcrstellung des histo­ richen Standpunkles /urdie Kritik der neuf. Schri/ten, Erlangen, 1815. Au jugement de J. Chr. Hofmann, Schriltbeweto, Nordlingen, 1852-1855, l’expérience d’où naît la foi est celle d’une renaissance, conçue comme la restaur itlon de l’union A Dieu par le Christ. Bien n'est recevable qui ne soit comme le développe­ ment nécessaire de cette impression fondamentale : la connaissance du christianisme doit être pour le chré­ tien connaissance et expression de soi. Les spéculations de II. l’Iitt, Eoangelische Glaubcnslehre, 2 vol., Gotha, 1863-1861, marquent un recul : Γ Écriture seule est norme suprême; l’expérience ne sert, comme témoi­ gnage de l’Esprit, qu’à l'éclairer. Avec Frank, nu con­ traire. s’affirme un effort d’analyse ct de construction audacieux ct vigoureux. L’expérience chrétienne, observe-t-il, présuppose l’expérience morale. — Nous voici donc ramenés sur un terrain moins exclusivement •romantique », aux crises d’âme étudiées par Luther ct Métanchthon. Elles sc rt* rivent, au moment où l’impulsion divine fait prédo­ miner le moi nouveau : c’est la renaissance; elle s’a­ chève dans la conversion. Il ne reste qu’à déduire de cette expérience h s éléments qui la conditionnent ou qu’elle implique, immanents (péché, passion, liberté et justice recouvrées), transcendants (Dieu, la Trinité, le médiateur), transitifs (monde. Église, sacrements). En quelques rares passages, Frank affirme qu'il n’en­ tend pis fonder la foi sur ces deductions,mais seulcme 4 exposer comment, partant de l'expérience, on peut rejoindre les assertions de la foi. Le problème î I I [ IfcOO de la certitude religieuse subsisterait donc en entier, De manière générale, on a interprété son essai de manière plus rigoureuse et presque tous se sont nccordés à lui reprocher son subjectivisme. Soutenues après lui par G. Ddxer cl par Ruling, scs thèses sont attaquées par des théologiens du juste milieu comme Dorncr, par des libéraux de toutes nuances, issus de Bilschl, par des orthodoxes, comme E. Cremer, Kæhler, PolstorfT, K. WolfT. Frank, System des rhristt. Gewhsheit, 2 vol., Erlangen, 1879 ; 2· édit., 1881-1881; trad. M. J. Evans. Chridim certainly, Edimbourg, 1886; System der chrhtl. Wahrhcll, 2 vol., 1878-1880; Geschictde und Kritikder ncucren Thcotoute, 1891; 2· édit., 1895; Dogmatische Studien, Leipzig, 1892, etc. En France, les théologiens (orthodoxes) de Montau­ ban Insistaient sur l’expérience interne, en protestant contre les excès du libéralisme. Tel E. Doumcrgue, enthousiaste au début de sa carrière, La méthode expé­ rimentale (Paris, 1878), sévère à la fin, Les étapes du fidéisme, Paris, s. d. [1906), avec les pasteurs Bahut, de Nimes, et G. Frommcl, de Genève. Tel IL Bois, adver­ saire rigoureux du subjectivisme, De la certitude chré­ tienne, Essai sur la théologie de Frank, Paris, 1887, du symbolo-fidéisme, De la connaissance religieuse, Paris, 1894, bien que les divergences s'adoucissent dans son dernier livre, l’une des éludes les plus péné­ trantes sur la question, La valeur de l'expérience reli­ gieuse, Paris, 1908. Néo-idéal isle, l’auteur s’efforce d’établir l’objectivité de l’expérience religieuse, y reconnaissant une Intuition, nu sens kantien, dans le temps, non dans l’espace, c. m, p. G7 sq., ct cherchant à l’expliquer par les théories récentes du subconscient, c. v, p. 114 sq., au surplus maintenant grande ouverte au libéralisme qu’il combat la porte qui lui suffit : « La nature même de l’expérience religieuse concrète rend A la fois inutile et impossible ct l’infaillibilité de la Bible ct l’infaillibilité de l’Églisc ct du papc,»c. vi, p. 158. Pendant que le libéralisme allemand, avec Schwei­ zer, Daub, Marhcincckc, Bicdermann, Lipsius ct Pllcidcrer, travaillait à l'élargissement du dogme, le même mouvement avait en France pour représentants les deux Coquerel, Fontanès, Pli. Jalabcrt, A. ct J. Réville ct la faculté de Paris. Le livre d’Ath. Coquerel père, Le christianisme expérimental, Paris, 1847; 2· édit., 1866, répond si peu à son titre, qu’on l'accuse de n’avoir d’expérimental que le nom. M·· Coignct, L'ioolulion du protestan­ tisme français au xtx· siècle, Paris, 1908, c. vu, p. 79. L’auteur prend comme point de départ l’expérience interne cl les faits de conscience; il cn arrive à celte « règle fondamentale » : « la Bible n’est pas la révéla­ tion, mais la révélation est dans la Bible, » p. 334; • tout chrétien est pape, sa Bible A la main, » p. 400; • le dogme chrétien, de quelque manière que la force intellectuelle l'entende, suffit individuellement au pro­ grès. au salut, au retour vers Dieu, » p. 408; par ail­ leurs il développe longuement celte idée, (pie · les preuves de l’inspiration ne peuvent être qu’objectives, extérieures ct visibles. · La doctrine visiblement n'est pas faite. A cc stade, Coquerel pouvait écrire encore : · Sans doute, il y a un point où le christianisme finit, ct le passer, c’est sortir du christianisme... C'est donc ù chaque fidèle à bien examiner s'il est cn dehors ou cn dedans, » 2* édit., p. 29LMqIs l’indépendance absolue des libémux.cl les audaces singulières des plus ortho­ doxes devaient bientôt poser la question de savoir où sc trouvait ce point critique, ct mémo si il en existait un. A. Bilschl ct son inspirateur W. I lerrmann contri­ buent à accentuer le problème, par la solution étrange qu’ils proposent. 1801 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE 1802 relations. Nous voilà bien proches des jugements de valeur cl l'on s'étonnera peu de voir les représentants modernes du symbolo-fidéisme adopter la distinction ritschlicnnc des deux ordres de connaissance et des deux classes de jugements. Faire pressentir n'est point révéler : le dogme qui traduit l’émotion religieuse, A aucun titre, ne peut donc avoir une valeur littérale. Son mérite cl son rôle sont ceux du symbole : on comprendra la foi du passé en dégageant de ce langage poétique les impressions subjectives qu’il a voulu exprimer. Sans grand mérite d’origu.alité, comme on le lui a justement fait observer, l»bstcin. dans la Theologische Literaturzeilung, 3 avril 1897, mais avec un incontes­ table talent, qui a exercé grande influence sur le modernisme anglais, français ct italien, A. Sabatier s’est donné la mission de vulgariser ccs idées. « Les vérités de l’ordre religieux et moral sc con­ naissent par un acte subjectif de cc que Pascal nom­ mait le cœur. > Esquisse d'une philosophie de la reli­ gion, 9e édit., Paris, s. d., 1. III, c. iv, § 4, p. 382; c. t, § 2, p. 2G9. ■ La science n'en peut rien connaître, car ccs choses ne sont pas de même ordre. > Ibid. En son dernier stade, voici les caractéristiques de la certitude religieuse. En les rapprochant des thèses de Luther, col. 1787, ct de Calvin, col. 1792, il sera aisé de voir s'il y a, sur ce terrain, mollification aucune : ■ C’est le résultat immédiat ct pratique de l’cxpéricncc interne que [les chrétiens) ont faite cl font tous les jours. Ils sentent que leur besoin religieux est entièrement satisfait, que Dieu est entré avec eux et qu’ils sont entrés avec lui en une relation si intime ct si heureuse, qu’au-dessus d’elle... non seulement ils n’imaginent On trouvera le résumé de ces débats dans Scholz, Der gcgcmvartigc Stand der Forschung über · § 4, p. 275. Ainsi en est-il de plein droit pour tout chré­ chIcctTh. Hæring.dans Zeitschrift fùr Théologie und Kirvhe· tien. Esquisse, 1. 111, c. î, § 5, p. 285. 1893, 1897, 1898; A. Harnack. Reden und Au/sütze,2· édit · I C’est qu’en effet autre est l'expérience primitive, Giessen, 1900, t. n. p. 3 sq. Voir KrrsciiL. autre la formule symbolique qui prétend la traduire; autre la piété, autre le dogme. Esquisse, 1. Ill, c. î, §2, Pendant que les < positifs » s’essaient A déterminer p. 265 sq.; Les religions d'autorité, I. Ill, c. v, § 4, le minimum d’historicité requise, spécialement Rcisp. 531 sq. Illégitime donc, si elle prétend A une valeur chle ct Hæring, loc, cit,, 1898, pendant que les audaces de l’école libérale provoquent par un dernier excès la objective, la théologie est recevable comme science des adaptations sociales des formules au sentiment. Ibid., Jesusbeivcgung, pour ou contre l’existence du Christ, p. 539. Et l’auteur trace le plan d’une théologie qui des libéraux n’hésitent pas A déclarer que la réalité historique du Christ, voire même la notion d’un Dieu déroulerait méthodiquement « l’étude ct l’explication personnel, n'importent pas à leur foi. de l’expérience chrétienne. » Ibid., c. vi, § 4. p. 561 sq. 3. RiHchl. — On sait la distinction qu’ils établissent entre les Jugements d'existence..S7insu/7r//c,ct les juge­ ments· de valeur, Werturlcile, les uns concernant les choses telles qu’elles sont, les autres telles qu’elles nous affectent, chaque classe demeurant pleinement hété­ rogène A l’autre. La religion est à cc titre entière­ ment dégagée de la philosophie. Ou la libère de l’his­ toire,tout cn invoquant avec insistance les documents scripturaires, cn distinguant le fondement et le contenu de la foi : le fondement, c’est la personne du Christ; le contenu, c’est le jugement de valeur que l’esprit formule à son sujet; cl celui-ci n'a rien à voir avec le terre A terre de la critique historique. I«cs Évangiles consignent les jugements de valeur cl les expériences de la première génération chrétienne : il faut les vénérer, les lire même dans la communauté des fidèles qui seule y retrouve le vrai sens de la foi, mais en se gardant d’un littéralismc qui supposerait aux mots une portée métaphysique, ct A la mentalité des premiers chrétiens l’aptitude à s'exprimer cn une langue qui valût pour tous les temps. Cette distinction du contenu et du fondement de la foi a provoqué les plus vives controverses. Qu'cst-ce que la vérité historique, si l’on sépare des faits l’inter­ prétation qu’ils comportent? Qu'est-cc qu’un fonde­ ment de la foi qui a besoin d’être interprété par elle? Des orthodoxes comme E. Cremer ct M. Kæhler, des ritschliens comme Reischlc et Th. Ha ring ont protesté, en affirmant la nécessité d’un lien ferme avec l'histoire, quitte A réduire, comme A. Harnack, A une expérience pure, dans la conscience de Jésus, l’apport de la révélation nouvelle. Bibliographie de la lutte pour l’existence du Christ, dans I. Cl. Pillion, Les étapes du rationalisme, Paris, [1911], p 320-350; Revue du clergé français, 1910, t. lxiv, p. 420 sq ; 1911, l. lxvii, p 162 sq Sur In volâtiltaition dogmatique voir, entre autres, E Douinerge, Les étapes du fidéisme, p 12 sq.; F. Buisson contre Ch Wagner, Libre-pensée ct protestantisme libéral, Paris, 1903; du point de vue catho­ lique, J. Lcbrcton, l'encyclique et la théologie moderniste, dans les Études, 1907, t. cxm, p. 497 sq.; Paris, 1908, ct tmd anglaise cl Italienne. Par des voies un peu différentes, le symbolo-fidéisme aboutit au même terme. G0 Zz symbolo-fidéismc ct le modernisme, — Λ vrai dire, cc mouvement est des plus composites. Issu du kantisme, quant A la critique de l’intellectualisme, de Schleiermachcr, quant A la conception affective de la religion, il doit A Frics et A son disciple de Welle scs thèses propres du pressentiment et du symbole. C'est par « le pressentiment » que l’homme entre cn communication avec les réalités supérieures, sans que le raisonnement ail aucun titre A s’ingérer dans ccs Dans le inêiiic sens. E Ménégoz, Le fidéisme cl son appli­ cation d renseignement chrétien traditionnel, 2· édit.» 2 ln-8·, Paris, 1909; P. Ix)bstein, Essai d'une introduction d la dogmatique protestante, Paris, 1896; trad allemande, Fri­ bourg en-Brlsgnu, 1897, ct — étude très tendancieuse — La connaissance religieuse d'après Calvin, dans la Revue de théologie cl de philosophie do luinsannc, Jnmlrr-avril 1909. On retrouvera les mêmes pensées, ou peu s’en faut, chez les auteurs modernistes, Loisy, //Évangile ct ΓÉglise, Paris, 1902, p. 66 sq., 173 sq.: Autour d'un petit livre, Paris. 1903, p. 195 sq.; G. Tyrrell, Rights and limits of theology, dans le Quarterly review, 1905, ρ. 406; Through Scylla and Charybdis, Londres, 1907, р. 208, 306 sq. Sc defendant du sentimentalisme de Schleiermachcr, Lex credendi, Londres, 1906, part. I, с. tv, p. 15 sq., 251 sq., Tyrrell n’arrive pas A main­ tenir aux formules dogmatiques une valeur suffisante de vérité. Voir Théologisme, dans la Revue pratique d'apologétique, 1907, t. iv, p. 199 sq. Tels encore, avec une nuance plus tapageuse, les modernistes italiens. Programma dei moilcrnisli, Rome, 1908, p.97 sq. 1803 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE Ces thèses manquant d'originalité, il nous parait plus important de marquer nettement de quelles sour­ ces elles dérivent ct quelle est leur place dans le grand mouvement agnostique issu de In Réforme, que d'ana­ lyser longuement leur contenu. 7° Pragmatisme. — Quand l'agnosticisme a déses­ péré tout effort pour connaître In vérité, quand l'ha­ bitude des compromis dogmatiques et le principe de l’universelle tolérance a bien souligné le subjectivisme de la croyance, la tentation est forte — appuyée par la logique instinctive que l’esprit ne peut dépouiller — de réduire à cette utilité subjective l'essentiel de la foi : c'est le pragmatisme. Deux de scs formes méritent i d’être signalées. La « philosophie nouvelle » de M. Bergson, dont MM. E. Le Roy ct Wllbois sc sont fait spécialement les champions parmi les catholiques, s’appuie sur un idéalisme qui rappelle à quelques égards le pan­ théisme de Spinoza. Tout est pensée;la matière même n'est que de la pensée ralentie. La forme originale ct parfaite de l’être, c'est le devenir. La pensée spéculative I qui découpe des stades de repos dans ce mouvement est donc déformante par son morcclagc; 1'· action» est plus proche du réel, dont elle respecte l’intégrité. Se replonger dans l'action est donc le meilleur moyen de connaître sans déformation. Toute la vérité des dogmes est de chiffrer des attitudes qui permettent de trouver dans l'action religieuse les expériences vrai­ ment révélatrices. Le Roy, Dogme d critique, 2· édit., I trie, 1907. Ix; pragmatisme de W. James s'est Inspiré de ces thèses, surtout pour sa critique de l'intellectualisme et sa conception utilitaire des idées abstraites. A plural· Mc universe, Londres, 1909, lecL v, p. 214; IccL vi, p. 225 sq. A cet égard, il dépend aussi des idées émises par Pierce, dès 1878, Popular science monthly, janvier 1878; Revue philosophique, décembre 1878, janvier 1879, et des théories de MM. Schiller ct Dewey. Le grand intérêt de scs études est d'avoir analysé de plus près le contenu des expériences religieuses et leur mécanisme psychologique. I-cs prédilections de l'auteur vont à la conception luthérienne d’une expérience solvi tique indépendante de la moralité personnelle. A pluralistic universe,lcd. vin, p. 304; The varieties o/ religious experience, Ixmdres, 1902; trad, franç. par Fr. Abauzit, 2· édiL, Paris, 1908, p. 207 sq., 211, et aux conversions où domine la passivité ct < l'abandon ». Jbid., p. 177 sq. Analysant ces crises, il observe avec Lcuba que la conversion ne requiert nullement la croyance à un Dieu personnel, que le sentiment de régénération et de délivrance n'exige pas la fol au Christ ct peut sc pro­ duire par une voie qui ne soit nullement intellectuelle, p. 209 sq., bref, que le sentiment mystique d’expan­ sion, de libre épanouissement, n'a pas de contenu intellectuel propre, p. 360. Quant à l'explication de ces phénomènes, il fait siennes les observations de Myers sur la conscience subliminale, rappelant cl complétant celles de Leibnitz sur les « petites perceptions ·. L'incubation prolongée de notions subconscientes, leur explosion inopinée, dans le champ de la conscience claire, surtout quand la détente de l'activité.aux heures d’abandon,laisse place à l'automatisme psychologique, suflirait à rendre compte d'un grand nombre, sinon de tous. Ibid., p. 398-405; cf. Journal ol phil., psych, and scientific methods, 1910, p. 85 sq. Il n'est besoin que d'observer U multitude des problèmes que W. James pense résoudre par cette voie, pour sentir l’exagération ct prévoir une réaction prochaine. En tous cas, il est difficile de porter un coup plus Krave au fidéisme pseudo-expérimental des sectes pro­ testantes : l'analyse de James dénonce ct les /acteurs 1804 tout naturels de ces phénomènes, et l'arbitraire du lien qui les unit à une dogmatique définie. Que reste-t-il donc de la religion? L'incoercible besoin qui cn fait « une fonction étemelle de l'esprit humain, » Expérience religieuse, 2· édit., p. 423; cl l'utilité pratique qui fait toute sa vérité. Les déclara­ tions sont précises : les attributs métaphysiques de DIcu.ezis a sc, necessarium,unum infinite per/eclum,,.. n'ont pas de sens. Ils ne prennent une signification que dans ct par les ressources d’action que nous trouvons cn eux. « Dieu est dans son ciel I Tout va bien pour le monde I Voilà le vrai cœur de votre théologie.» Prag­ matism, led. iv, p. 121, 122. C'est aussi la pensée de Lcuba : Il ne faut pas dire que l’on connaît Dieu... il faut dire que l'on s'en sert... Le but de la religion n’est pas Dieu, mais... une vie plus large, plus riche, plus satisfaisante. » cité par W. James, Inexpérience religieuse, 2° édit., p. 422. La vie religieuse est donc réduite à une sorte de thérapeutique par l'idée reli­ gieuse, indépendamment de sa vérité. En fait, tel est le but poursuivi par les sectes ou associations américaines de la mind-curc et de la Christian science, ibid., p. 80 sq., ct l'on ne doit pas oublier pour comprendre James qu’il est lui-même un converti de la première. Conclusion. — Un écrivain autorisé, J. Kœstlln, observe le désaccord absolu qui règne, dans tous les camps du protestantisme, entre théoriciens de l’expé­ rience religieuse, meme sur les points essentiels, Rcalencyktopddie, t. iv, p. 743 sq. Le lecteur peut appré­ cier par ce qui précède si la remarque est exagérée. Sur un seul point l'accord est unanime de Luther à James : sur la prétention de maintenir à tout prix, comme règle de foi, le critère de l'expérience. Luther l'opposait «à toute autorité extérieure, · col. 1786 sq., et pratiquement même aux textes de l’Écriturc qui le gênaient, col. 1787; pendant quaire siècles, le sens indi­ viduel a ainsi éliminé toute contrainte de l’autorité, du dogme, puis de la raison spéculative. Sur celte pente, les Églises ct les individus marchent d'un pas très inégal. Il y aurait injustice souvent à nier leur sincérité, erreur à les imaginer rendus au même point. Mais l’identité du principe garantit l’aboutissement nécessaire de leur évolution. Au der­ nier stade, il n’y a plus rien, rien que le besoin du divin affirmé malgré tout dans ces hymnes à l'idéal que font retentir, dans des temples vides, la libre-pensée, le libéralisme, le symbolo-fidéisme, le pragmatisme : c'est l’agnosticisme ct l’athéisme mystiques. III. Question de méthode; division. — Le pro­ blème de l'expérience religieuse peut être abordé, soit du point de vue positif, au nom de l’histoire, de la phénoménologie, de la physiologie, ou de la psycho­ logie, ci. J. Segond, La prière, Paris, 1911, Introd., 1, p. 1-13; soit du point de vue spéculatif, si nous préten­ dons traiter de son explication transcendante. Il ne peut exister de doute sur la méthode qui con­ vient à cc dictionnaire : dogmatique, par articulation des points de foi, théologique, par la justification rationnelle de leur contenu ct de leurs connexions. Toutefois le sujet présent commande une réserve spé­ ciale. Les thèses que nous avons à étudier procèdent, cn effet, de l'agnosticisme. Bien que la réfutation fournie par les art. Agnosticisme ct Dieu,nous donne le droit i d'en appeler à l’action d’un Dieu personnel, il y aura avantage à ne point heurter de front, par un dogma­ tisme croyant, le dogmatisme négatif des théoriciens I adverses. De plus, la méthode comparative qu’ils emploient, imprégnée trop souvent d’a priori positivistes, encore mal définie dans des questions où l’observation est I plus délicate et la déformation systématique moins 1805 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE palpable, ne peut être Ici ni négligée, ni acceptée sans que l’on prenne soin de noter ses erreurs. Nous les avons signalées, Quelques précisions sur la méthode comparative, dans VAnthropos, 1910, t. v, p. 534 sq. Voici les plus graves. Sous prétexte de n’admettre aucun a priori, ces auteurs déterminent eux-mêmes leur champ d’observation, sans remarquer que la dis­ tinction entre faits religieux et non religieux suppose déjà une théorie de la religion; qu’à l’admettre, on sort des faits; qu’à l’omettre, on risque de fonder scs conclusions à la fols sur des observations légitimes ct sur des sujets hétérogènes. De quel droit, par exemple, exclure ou inclure dans son objet d’étude l’appétit sexuel,où d’aucuns veulent voir une prière? Da Costa Guimaracns. Le besoin de prier ct scs conditions, dims la Revue philosophique, 1902; ou l’ivresse anesthé­ sique, que d’autres regardent comme une révélation? B. J. Blood, The anicsthesic revelation, New York, 1871; voir W. James, L'expérience religieuse, 2· édit., р. 328 sq. De plus, à n’envisager qu’un aspect des phénomènes, l’émotif ou l’affectif. on risque de négliger des diffé­ rences capitales, peu notables dans leurs caractéris­ tiques physiologiques ou psychologiques. Ainsi parais­ sent presque identiques les états de conscience que produisent l’indéfini du rêve, le vague de l’ivresse, l’intuition dialectique de l’idéal, l’extase mystique. Cette impression délicieuse d’éblouissement, d’éva­ nouissement à l’entrée d’un monde supérieur, est obte­ nue par des voies très différentes. Si les sens, voire même la conscience directe, sont incapables de dé­ mêler les réactions très diverses que la raison prévoit et que décèle soit l’analyse philosophique, soit l’étude des manifestations sociologiques parallèles, peut-on croire qu’en nivelant indûment tous ces faits, on puisse aboutir, même du point de vue positif, à une conclusion scientifique? Enfin, de quel droit dépasser le point de vue phénoinénistc, cn prononçant soit des jugements de valeur (non seulement subjective, mais objective) sur les formes religieuses considérées, soit des arrêts absolus sur la nature ct l’origine du fait religieux? Nier, en cette matière, n’est pas moins dépasser l'expérience, qu'affirmer. Pour ces motifs, voici la méthode de cette étude. Nous plaçant sur le terrain de nos adversaires, nous prendrons les mots religion, prière, divin, mystique cl autres, non selon leur acception théologique, comme désignant la religion révélée ct le surnaturel authen­ tique, mais selon leur notion générique et confuse. Voir abbé de Broglie, Religion ct critique, Paris, 1896, Définition de la religion, p. 3-106. Modifiant légèrement la définition de A. Réville, Prolégomènes de l'histoire des religions, Paris, 1S81, с. n. p. 31, pour insister sur le caractère d’ordination totale de l’homme vers son dieu, nous nommerons religion : « la détermination de la vie humaine par le sentiment d’un lien unissant l’être humain à l’être mystérieux — personnel ou impersonnel — dont il reconnaît la domination sur le monde et sur lui-même et auquel il aime à se sentir uni. » Nous n'exclurons donc, par préjugé confessionnel, aucune forme reli­ gieuse ou prétendue telle, mais nous emploierons les mots, à tout le moins, dans leur sens historique, nous refusant de considérer comme religieux l’appétit sexuel ou l’émotion anesthésique, quelque prétention que manifeste une époque agnostique cl religieuse à les dénommer tels. Si l’on comprend, en effet, pourquoi certains réclament le bénéfice de cette qualification, on voit aussi pourquoi l'usage — et c’est au fond toute une philosophie rudimentaire, au-dessus de tout soupçon — ne saurait la tolérer. Ia’s mêmes raisons semblent requérir l’ordre sui- 1806 vont : nous al)ordcron$ successivement les trois aspects du problème, qui Recommandent, psychologique· critériologique, asc. tique. Débutant par une mise au point ou critique des faits,voir plus bas. qui doit éclairer tout cc travail, nous fournirons ensuite leur expli­ cation théologique, col. 1H11. ne h tirant pas de l'ex­ périence, puisque sous sa forme ftdéistc nous Γη prouverons incapable, roi. 1828 sq.,mais présupposant les études connexes fournies par ce dictionnaire. Agnosticisme, Dieu, Religion. La question délicate de La spécificité des expérience* catholiques ne sera aborder qu’en dernier lieu, parce qu'elle requiert la solution préalable des trois ordres de problèmes. IV. L’EXPÉRIENCE RELIGIEUSE COMME FAIT PSYCHO­ LOGIQUE.— / tfiniQir. Dt* fàit> — I*cs phéno­ mènes invoqués comme caractéristiques de l’expé­ rience religieuse sont surtout les suivants: sentiment de dépendance à l'égard du divin, comme d’une étreinte extérieure ou intime ou d'une présence, sentiment d’expansion ct de réconfort attribués à son influence, illuminations et commotions accompa­ gnées ou non de révélations ou de visions.changement de vie ou conversion, satisfaction ou consolation dans l’apaisement des facultés. Avant de risquer une théorie, il convient d'examiner de près quelle objectivité leur revient, quels caractères les distinguent. Que le lecteur veuille bien ne chercher ici aucune solution positive : il s'agit seulement, pour l’instant, de précisions indispensables et comme d’un déblaie­ ment préliminaire. Ie Question préjudicielle d'objectivité. — Un trait met cn défiance : c'est l’mcffabilitè prétendue de ces états: les uns affirment ne pouvoir s’en expliquer à qui ne les a pas partagés; les autres déclarent n’y rien compren­ dre; de là à conclure qu'ils n’ont rien d'intelligible, la pente est rapide. En rèalité.il n’y a de spéciale ici que l’erreur, si fré­ quente dans les choses de la foi, d’imaginer qu’on cn puisse juger, sans y être < expert »; mais le sentiment religieux n’étant pas moins une spécialisation de la sensibilité que le sentiment artistique ou le sentiment moral, on ne peut pas plus suspecter de cc chef l'objec­ tivité de ses facteurs, ou la véracité des privilégiés qui le décrivent, qu’on ne peut mettre en doute les délices éprouvées par un Beethoven, un Cauchy, un Kant, dans leurs spécialités respectives. S. Bernard, In Can· tic.. serai, lxxîii, n. 10, P. L·, t. (xxxxni, col. 1138. Si l’on a quelque expérience de ces emotions, on ne doit non plus oublier qu’il peut y avoir entre les divers degrés d’initiation des différences telles, qu’on puisse être à leur égard comme dans une ignorance al soluc. < Qui aura expérimenté quelque chose de plus relevé, dit Suarez, pourra parler selon son expérience, car cn cette matière elle est d’une importance souveraine. · De oratione, 1. II, c. ix, n. 13. Formulée au sujet de in contemplation mystique cl de sa durée, l’observa­ tion est de portée très générale. Voir plus loin. Nous recevrons donc, à litre de phénomène objectif, ce que mnis trouverons garanti, soit par des assertions con­ vergentes, soit par des témoignages de première valeur. 2° Classifications provisoires. — Pour mettre un peu d’ordre dans ces recherches, il sera bon d’adopter une classification provisoire, qui n’implique aucune inter­ pretation systématique des faits. Plus on insiste sur l’aspect affectif de ces phéno­ mènes, en négligeant leurs éléments représentatifs, plus on sera porté Λ les distribuer selon la diversité des caractères. On pourra prendre, comme point de départ, soit la distinction aristotélicienne des passions en concupisci blés ct en irascibles. S. Thomas, in l.thic., I. II. lecl. v, Paris, t, χχν, p $00; In IV Sent., I. Ill, '807 EXPERIENCE RELIGIEUSE 1808 dist \ WI.q.T.a. 3, Paris, Ι.ιχ,ρ. 402; soit la distinc­ Si l’on veut seulement indiquer comme phénomène tion physiologique. reprise par Kant, Lotze, Wundt, I premier le déchirement intime d'une volonté puî logée des quatre tcnqnramenls, sanguin, mélancolique, colé­ entre le bien et le mal, comme W. James, il est clair rique, lymphatique; soit, du point de vue psychologi­ que cet état de lutte suppose des étals de conscience que, selon la faculté qui prédomine, la division de plus simples et des émotions antérieures de caractère opposé. B dn en type intellectuel, émotionnel, ou volitionnet, Faire sortir le fait religieux du seul fait moral, Hébert, /x divin, Paris, 1907; soit les analyses plus fouillées de M. Ribot, Psychologie des sentiments, Paris, comme d’aucuns l’ont tenté, en s'inspirant de Kant, prête à la meme critique. Si la moralité n’est qu’un des 1896,c. xni, p. 273 sq. C’est toutefois simplifier les choses à l’excès ct com­ aspects du réel, c’est une méthode factice d’appuyer mettre dès k principe une erreur de méthode, que de I sur lui seul une théorie de la religion. En appeler, avec Schleiermacher, au sentiment de réduire les catégories à deux, celle des bien portants, et celle des maladifs, W. James, L'expérience reli­ dépendance du fini à l'égard de l’infini n'est pas moins gieuse, 2· édit., p. 139 sq., ou encore celle des finies arbitraire. La dépendance, entendue au sens d’influx tendres ct celle des Ames rudes, les unes < raisonneuses, physique d’un plus grand, ne traduit qu'une des fein­ tions d'être à être ; celle qui résulte de l'agir. Pourquoi procédant par principes, intellectualistes, Idéalistes, cc découpage dans la réalité? La qualification de optimistes, convaincues du libre arbitre, monisles, dépendance suppose de plus les appréhensions plus dogmatistes, » les autres < empiristes, exigeant des faits, sensualists, matérialistes, pessimistes, irréli­ simples de l’existence de cc Tout, ou decet Univers, gieuses, fatalistes, pluralistes, sceptiques. » W. James, ou de cet Infini, ct des attributs au moins confus qui Pragmatism,p. 12. Et cc n’est pas une faute moindre, j le caractérisent. La théorie n'est pas plus mûre chez A. Sabatier, sous prétexte que, pour bien connaître un objet, il faut lorsqu'il indique tour à tour, comme origine du fait l’observer comme à travers un microscope, c’est-àdire sous scs formes les plus exagérées, » L'expérience religieux, « le sentiment de détresse, la contradiction religieuse, 2* édit., p.3l,dc ne vouloir arrêter son atten­ initiale de la vie intérieure, ■ Esquisse, 9e édit., I. I, tion que sur les cas aigus Ibid., p. 31, 35, 39. Autre c. i, § 2, p. 19, el encore « le sentiment de subordina­ chose est < étudier à la loupe », autre chose n’exami­ tion, base expérimentale et indestructible de l’idée de ner que les types anormaux ou tératologiques. Qui Dieu, » ibid., p. 20; lorsqu'il nomme ailleurs · émotion sc limite à ccs derniers risque d'ignorer les caractères religieuse primitive », Je frisson « de crainte et d'espé­ vraiment spécifiques des organismes sains. Le danger rance » qui vous saisit devant quelque grand spectacle est d'autant plus grave, si l'on se met sous la conduite de la nature, 1. III, c. n, § 2, p. 304 sq. de W. James, qui les crises sur lesquelles il a concentré Il suffit de reconnaître, pour échapper à l'esprit de scs recherches ne relèvent guère que d'un seul genre, système, que la réalité peut être atteinte sous de mul­ l’émotionnel ou l'affectif. Des milliers de vies reli­ tiples aspects : de vérité, si l’on considère son être pro­ gieuses se développent sans donner trace appréciable pre, absolument; de beauté, si l'on tient rom pie de son d’exaltations analogues, ct pourtant c’est peut-être harmonie avec les facultés connaissantes ct de l’excel­ parmi ccs amorphes, qui sont le nombre, sinon l'élite, lence des qualités qu’elles y apprécient; de bonté, si on que se révéleront les attaches profondes de la religion envisage scs rapports de convenance avec les besoins avec la nature humaine, seules propres à expliquer du sujet; de moralité, si on en juge au regard de ce qui convient ou répugne à une nature raisonnable. Évi­ la stabilité des masses dans la foi. Pour adopter une classification plus objective, nous demment les notions abstraites de beauté, de bonté, distinguerons les expériences religieuses en fondamen­ de moralité sont postérieures à la sensation ou à In tales, dérivées ct mystiques. Seront dites fondamen- perception brutes qui nous renseignent — à un degré talcs les impressions qui n'en supposent pas de plus quelconque — sur l'être des choses. Le point qui im­ simples avant clics et n’impliquent encore aucune porte est la quasi-simultanéité des impressions d’exis­ interprétation : telles l’appétit du divin comme ten­ tence, de vérité,de beauté, de bonté, qui dérivent d’une dance spontanée vers un plus grand, un plus beau, un qualité originale de l’être objectif et correspondent à meilleur anonyme encore; telle l’impression de limi­ une orientation également primitive des facultés. tation ct,au meme sens, celle de dépendance. Seront En tout ordre d’expérience subjective, la première regardées comme dérivées les émotions qui résultent donnée est toujours celle d’un appétit au moins vague, d'une combinaison des précédentes, comme celle de qui résulte directement de l’aptitude ù sentir ou à lutte intérieure, ou qui présupposent une interpréta­ éprouver; vient ensuite celle de la satisfaction ou de tion. comme le sentiment d’approbation, d’impro­ la déception, dans la possession de l’objet convoité; bation ou de réconfort dus à l’action divine. Seront d’où naissent de nouvelles excitations des facultés enfin tenus pour mystiques les phénomènes qui dépas­ avivées par le plaisir ou irritées par la souffrance. sent issez le niveau commun, pour être à un titre spé­ Expériences fondamentales, par conséquent, toutes cial mystérieux, soit qu’ils n’exigent qu’une intensité j celles qui traduisent l'appel du divin, fût-ce le seul luptricure, soit qu’ils comportent vraiment quelque mécontentement de tout cc qui n'est pas lui; fonda­ note Irréductible. Ainsi, en évitant l’abus de mots qui mentales, à un titre plus spécial, les premières percep­ fait de mystique le synonyme de religieux, nous réser­ tions de son être sous l'un quelconque de scs aspects, verons pour le moment la grave question de la limite frissons à l’entr’aperçue du Vrai, du Beau,du Bon, du et de b spécificité des états mystiques. Bien, tressaillements de tout notre être en présence de Cette classification, basée sur la complexité psycho­ j cette contemplation (physique, notionnelle ou morale), logique des expériences, doit trouver sa justification, qui nous fait entrevoir plus ct mieux que l’ambiance plus ou moins parfaite, dans le jeu des facteurs onlo- j ordinaire ct.par delà cette mesure plus riche, une abondance suprême, peut-être infinie. Il serait singulier, en ’■ogiques à qui nous devrons les attribuer, col. 1815* 3· Distinctions nécessaires entre les experiences. — effet, de prétendre qu’un grand spectacle de In nature évoque une émotion religieuse ct qu’une symphonie 1 Expérlmcn fondamentales. — Quelque attention que puisse mériter le phénomène de conversion, il I admirable ou un acte de vertu extraordinaire ne . pp·»ηΐΐ trop factice de vouloir expliquer par là, avec 1 l'éveille pas, au moins chez certaines âmes. Λ s’en Hobni ui et Frank» toute l’évolution de b vie rcli- J tenir à la définition nominale de la religion, dans un rk'XM· : trop dimes, soit médiocrité, soit innocence, i cas comme dans l’autre, la sensation éprouvée a les ’ mêmes caractères d'une révélation vague de l’idéal, et Ignorent ers crises aigues. les mêmes cITcts cl·' provoquer une ordination de tout notre être vers lui. Corrélatives de ccs expériences, celles qui sc greffent immédiatement sur elles, amenées par une raison de contraste, route sensation de grandeur nous fait sen­ tir notre petitesse, toute puissance notre infirmité» toute vertu nos propres défauts. De là ces impressions de limitation» d'impuissance, en tout ordre où nous avons entrevu le plus grand ct le mieux. Elles ne sont pas proprement religieuses, puisque leur terme immé­ diat est le sujet, mais on voit comment elles prépa­ rent ct développent l’acuité de celles qui le sont. Pour la même raison, il convient de mentionner ici les dégoûts ct les souffrances qu'apporte avec soi la pratique de la vie : elles aiguisent l’appétit de l’kéal par l’écœurement du réel. Toutes ces expériences sont simples, en cc sens qu’elles résultent de l’impression directe de la réalité, qu’invitant à rechercher ct à définir le divin, aucune ne présuppose encore qu’on lui ait donné un nom. 2. Expériences dérivées. — a) La lutte intérieure. — Du conflit de ccs attraits ct de ccs répulsions primor­ diales, naît l’épreuve de la lutte intérieure. Il semble que l’âme soit partagée en tendances contraires qui se disputent l’hégémonie. Aucune n’échappe pleinement à celte crise, ne serait-ce qu’à l’entrée de l’adolescence, lorsqu’elle s'éveille ù la vie personnelle et ressent plus vivement l’appel des passions. Les uns se blasent, nient le problème ou le disent insoluble; d'autres se conten­ tent des solutions héréditaires, d'autres en cherchent quelque nouvelle qui les satisfasse. Esprits religieux, ' ou areligieux diffèrent par l'attitude qu’ils prennent au cours de cc drame ou ù son terme, non par l’expé­ rience douloureuse qui le constitue. b) Illuminations et réconforts. — Pendant qu’il se I poursuit, el selon les interprétations définitives ou provisoires dont l'individu fait choix, sc placent des Incidents multiples. Certaines joies, des moments de bien-être intérieur cl de paix sont tenus pour une approbation ; des amertumes, à la suite d’évidentes fai­ blesses, pour une improbation; les périodes d'atonie morale, de dégoût, de lassitude, de désespoir, pour un abandon; les saules de vigueur et de générosité, pour un réconfort divin. Certaines connexions d'évé­ nements obtenues par la prière ou rencontrées par une bonne fortune plus marquée seront attribuées à une providence spéciale : elles appelleront la gratitude ct l’allégresse; des espoirs déçus, des prières longtemps inefficaces, des malheurs répétés paraîtront les effets de l immiséricorde ou d’une implacable justice. Λ consi­ dérer les choses avec celte approximation, ce sont les conceptions du divin qui diversifient les religions, non les expériences. Il va falloir préciser. c) La conversion. — Si les phénomènes de conver­ sion, considérés dans leurs formes aiguës, manquent totalement en nombre de vies, Ils ont une telle impor­ tance en d’autres, spécialement dans quelques sectes chrétiennes, qu’il convient de leur accorder une atten­ tion spéciale. Aussi bien chaque retour au devoir, après un manquement grave, reproduit-il en petit les mêmes péripéties. Une première constatation s’impose : la diversité du concept de conversion suivant les Églises. C'est chose grave : il ne s’agit pas en effet d’une spéculation annexe au fait psychique, mais du fait même dont cha­ cun prétend parler. A sc reporter à la Formule de concorde, part. I, a. 2, n. 51; cf. Müller, Die symbol. Bucher, p. G01, la conversion luthérienne peut se réduire à deux temps, un effroi de la conscience,à la pensée de scs fautes ct de la loi divine, une appropriation de la justice du Christ, par l'apparition d’une étincelle de foi, scintillula fidei. I 1810 terreurs ct confiance passivement reçues ct justifica­ tion inconditionnée. Autre était la notion mélanchlhonicnnc : les syncrgistes exigeaient que le pécheur se disposât à la grâce par des œuvres positives cl lui reconnaissaient une coopération réelle sous l'action du Saint-Esprit. On sait comment la rédaction de Bergen corrigea celle de Torgau, el avec quelle âpreté chaque parti continua Λ défendre son opinion. Différente aussi la conception méthodiste, plus pro­ che de la luthérienne par la saisie subite de conscience qui lui est essentielle, très distincte par son caractère de changement moral ct de retour aux bonnes œuvres. Non moins disparate le concept de la Christian science ct de la mind-cure. Leurs adeptes sont moins préoccupés de rallier le chemin du devoir,quede retrou­ ver l'équilibre ct la santé mentales, en s’administrant des idées reconnues efficaces : le côté pratique seul les intéresse. Tout autre enfin la conversion catholique : on sc convertit quand on sc reconquiert, non par scs seules forces, certes, mais comme si l'on était seul; lorsque l'on se décide à accepter la vérité qui déplaît ct le devoir qui coûte, parce que Dieu le veut, ct que la justice du Christ ne devient nôtre que si nous faisons effort pour nous conformer à sa foi et à sa loi. A cette résolution motivée la commotion sensible de quelque phénomène extraordinaire n’est nullement essentielle, ct le cas de A.-M. Batisbonne, sur lequel insiste W. James, ne peut être reçu comme caractéristique. Encore ccs quelques précisions sont-elles loin d’etre suffisantes. Autre chose est se convertir au Vrai, autre chose sc convertir au Bien. Une âme qui, dès le principe, est résolue à ne jamais · pécher contre la lumière » ne pas­ sera pas par les mêmes phases qu’une autre dépourvue de celte impeccable loyauté : pour elle, le drame peut sc dérouler dans l’intelligence seule, pour l’autre dans la seule volonté. Autre chose est surtout sc convertir à la · voie étroite », autre chose sc convertir à une voie plus large. Si dure que soit cette dernière épreuve — puisque prêtres ct moines qui abandonnent l’Église romaine éprouvent immédiatement le besoin de ne l’affronter qu’appuyés sur le bras d une épouse — d’où vient que les synodes qui les accueillent, pour prévenir « le scandale »,sc voient obligés de surveiller la publi­ cation des motifs de leur conversion? Dans Aymon, Synodes nationaux des Églises réformées de France, La I laye, 1710,1.1, p. 464» etc., cité par J. Dutilleul, Convertis ct apostats, dans les Études, 1910, t. cxxiv» p. 520, note 2. Autre erreur de méthode, si l'on prend, comme élé­ ments d’étude, non tous les types spécifiques, mais celui qui cadre avec la mentalité personnelle du cri­ tique et scs solutions préférées. « Les conversions où l’effort domine, écrit W. James, sont moins intéres­ santes pour nous que celles où l’on s'abandonne... D’ailleurs, l’opposition entre ccs deux types n’est pas irréductible. Même dans une régénération où la volonté s'exerce au plus haut degré, il y a des inter­ valles d'abandon ou de semi-abandon. » L'expérience religieuse, 2· édit., p. 177. La question n’est point là précisément — le semi-abandon, si l’abandon est essentiel, ne donnera jamais qu’une semi-conversion — c'est de savoir si l'on peut échafauder une théorie de la conversion sur la psychologie de l’abandon, prédo­ minante en effet dans la conception protestante, acces­ soire ou nulle dans la mentalité catholique, s’il est scientifique de baser une thèse sur l'élude du type émo­ tionnel, en négligeant presque entièrement le type in­ tellectuel ct volontaire. Pourquoi toute conversion protestante relève essen- - L T · 1.— EXPÉRIENCE RELIGIEUSE J 1809 1811 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE licitement du type émotionne), le lecteur le voit sans peine: Il faut sentir Taction dc la grâce. Pourquoi la conversion catholique peut être du type purement Intellectuel, comme chez Newman, ou purement volontaire, comme chez Ignace de Loyola, ce n’est pas moins clair : se convertit celui qui se résout nu devoir connu, fût-ce froidement, uniquement par raison. Il n’en résulte pas qu’il n’y ait entre les conversions scientistes, protestantes ou catholiques aucune ana­ logie. Une âme affective ct sensible, avant dc sc don­ ner nu catholicisme, passera par bien des crises dc sensibilité. Lc cas d'Augustin est classique. Mais c’est une faute dc donner â ces phénomènes une impor­ tance ég de dans toutes les Églisrs, d’insist er, par exem­ ple, sur la dernière étape d’Augustin, Confess., I. VIII, c. xn, P. L·., t. xxxii, col. 762, sans tenir compte du processus intellectuel qui, dès longtemps, l’avait con­ duit à la certitude de la vérité. Ibid., 1. VIII, c. i, η. 1, col. 749:1. VI, c. iv, n. G, col. 722. d) Visions et révélations. — Nous mentionnerons ici, sans nous y attarder, les visions ct révélations. En fait, il n’est guère dc religion qui n’en réclame pour elle le bénéfice. Ces deux ordres dc phénomènes sont souvent associés, mais distincts en droit. Par contre, si l’on considère la manière dont ils sont perçus, on pourra les distinguer également en sensibles, s’ils correspondent Λ une perception externe, réelle ou esti­ mée telle, en imaginatifs, s'ils sont atteints unique­ ment dans des phantasmes ou images intérieurs, en Intellectuels, s’ils sc produisent sans aucun conco­ mitant physiologique dc nature spatiale ou quanti­ tative. Enregistrant ces distinctions, parce que la diver­ sité des témoignages autorisés les exige, nous ren­ verrons le lecteur aux articles spéciaux. La raison en est que ces expériences, à tout le moins, nc sont pas du domaine commun; leur étude nc s’impose donc pas dans un travail où l’on envisage surtout l’expérience religieuse en tant que critère ordinaire dc connais­ sance, ou facteur général d'évolution. De plus, elles nc sont pas liées davantage aux phénomènes supérieurs dont nous allons traiter : bien des témoins s’en disent gratifiés qui manifestement n'ont, dc toute leur vie, rien soupçonné des < touches mystiques ». 3. Expériences mystiques. — Nous gardons ici la même réserve, nous bornant à articuler quelques dis­ tinctions indispensables. La meilleure notion des états mystiques est celle qui voit en eux, par opposition avec la connaissance abstraite et discursive, une connaissance expéri­ mentale dc Dieu. Lc fidèle conçoit le divin; le mystique le sent et le goûte. o) Le sentiment de présence. — Au premier degré dc ces Impressions sc place le sentiment de la présence dc Dieu, non plus par effort Intellectuel ou dc mémoire, mais par Impression sensible. Toutefois, sous un même mot s'abritent encore des phénomènes très divers. a. Le sentiment de dépendance. — A. Sabatier écrit : « Lc sentiment dc notre subordination fournit la base expérimentale et indestructible dc l’idée dc Dieu... Avant toute réflexion et loup détermination rationnelle, (ton objet) nous est donné... On peut établir sans crainte celte équation : le sentiment dc notre dépen­ dance est celui dc la présence mystérieuse de Dieu en nou*. » Esquisse, 9· édit., I. 1, c. i, | 2. p. 20. D’autres rtnchi rissent : « En m'isolant de tout ce qui est exté­ rieur et en me repliant sur la profondeur la plus intime de ma conscience, j’éprouve soudain avec une incom­ parable Intensité le contact brûlant, la pénétration directe d'une vie oû la mienne semble sc noyer, ou plutôt d'où U mienne semble surgir... Dans une intuition spontanée, vivante et intime, je connais de la façon la plus tn Useutablc que mon être sc mêle à un être 1812 qui le déborde et l'enveloppe... Je le nomme spontané· ment Dieu. » Schneider, Les raisons du coeur, Paris, 1907, p. 119 sq. On le prévoit : les critiques les plus poses refuseront cette interprétation trop rapide. Ils ne verront là rien dc plus que Vtmprcssion com­ mune de limitation, de contingence, traduite dans l’espèce en langue panthéiste, mais qu'on reste libre dc considérer d’autre manière. b. Le sentiment ae présence. — Les mystiques catho­ liques parlent de bien autre chose. Il conviendrait, cc semble, dc distinguer un degré inférieur, que \oici ; l’intensité, la fréquence, la suavité des actes dc charité peuvent devenir telles que le fidèle, conscient dc sa propre faiblesse, sc sente porté Λ en attribuer la cause à une assistance spéciale de Dieu; i) serait là, provo­ quant lui-même cette activité de l'amour. Λ quelques égards, cc cas ressemble donc au précédent : la pré­ sence dc Dieu n’est pas proprement donnée; elle se conclut. En cela rien de proprement mystique. Lc sentiment mystique de présence s'accompagne, au contraire, d’une touche intérieure toute nouvelle. Les premières fois, l’âme qui en est gratifiée sent en quelque sorte qu’elle entre dans un monde jusque-là inconnu. Fort justement, l’on s’accorde à regarder cette Impression comme caractéristique. Mais n'y a-t-ll pas dans cc phénomène des aspects encore trop peu étudiés? Laissons dc côté la présence sensible ou Imaginative qui équivaudrait à une vision dc même nom. Nc faut-il pas nettement distinguer une présence affective ct une présence intt llectuellcl Lc mot affectif est très impropre, si l’on songeait à une expérience confinée dans les seules puissances affectives. Les mystiques expliquent que tantôt cette présence est plus éclairante qu’enflammante, S. Jean de la Cioix, Vive flamme d'amour, str. ni, vs. 3,§ 10; Nuit obscure, 1. H, c. xin; au surplus, sans conscience concomitante, sans connaissance aucune, un état affectif nc serait pas humain et nc pourrait être objet dc mémoire. Cc terme toutefois pourrait être utile, par opposition avec la présence strictement intellectuelle, pour indiquer un mode dc présence certainement lié à des états affectifs particuliers, tels que les facultés inférieures y ont encore leur part. Ici sc place un problème délicat : cette présence affective consiste-t-elle dans une louche sui generis qui provoque l’amour, ou n'cst-clle qu’un mouvement d'amour sui generis qui révèle la présence spéciale de Dieu? la présence dc Dieu est-elle connue antécédentment à l'amour qu’elle éveille, ou seulement dans el par cct amour? La complexité psychologique du cas ct la rapidité dc l’inférence qui porte à conclure d’un sen­ timent manifestementextraordinaire Λ sa cause trans­ cendante, peuvent amener les mystiques qui nc s’ana­ lysent pas à parler per modum unius de la présence dc Dieu comme d’un donné original. On voit, par contre, la gravité des conséquences de l'une ou l’autre solution: dans la seconde, l'explication psychologique est aisée, la critique ascétique très facile, le rôle du « don de sagesse » prépondérant; la première, plus difficile à entendre, prête aussi à plus d’illusions. On croit pou­ voir dire que la question reste ouverte. Voici, à titre d’exemple, quelques témoignages de con­ templatifs, qui ont cherché plus tic précision : Dieu, «lit Angèle dc Follgno, se joue Λ visiter l’âme el ù se retirer, quand elle veut le retenir ; remanet tamen in anima... tanta lirtitta, quod nultomodo dubitat quin Deus iit pratens. Vie, c. xn!. n 15 t. Ada sanctorum. t i. p 211 Je ne me retire pas réellement, «lit le Christ à Catherine de Sienne, mais c’est reflet sensible de ma charité dans l’âme qui parait cl disparaît... Mes serviteurs me volent cl me goûtent, non pas dans mon essence. mais dans reflet de la charité, dc diverses ipniUères.· Dialogues, édit E Girtler, Puris, 1855. t i. p. 202 sq . 205. In ma amalloa. écrit Louis do Blois*. tentit [anima] a dum quemdam quieti aniorii, ttue contactum 1813 E X P E R IE N C E R E L1G1 E U S E Spiritus Sancti. Opera. Ληνοί s, 1632. Speeul. spirit, c. χι, η 1. p 578 α. · lai grâce dc Dieu, dit In «œur Gojoz, rnc tait commo sentir ton attouchement sacré C'est ce que je ne puis exprimer qu'on disant que mon Ame sent, presque sen­ siblement, une plénitude de Dieu et que ce même attouche­ ment divin est In grâce même... On dirait qu’il fait de sa créature une mémo chose avec Lui. par une liaison de misé­ ricorde et d'nmour · M.-E. de Provnne, Vie dc Γ humble unir J.-B. Go/ot. Besançon, 1901. part I, c. vm, p 70-Lc même témoin parle de ■ cotte adorable onction, dont le propre est dc rendre Dieu présent, ibid . p 71; de « cette mesure de grâce... dans laquelle el par laquelle je crois sentir la divine substance sc joindre à mol » Ibid , part 111, c. vin» p. ISO. Sainte Thérèse elle-même parait donner comme synonymes ces deux expressions : «Quand ce feu de l’amour n’est pas allumé dans la volonté et qu'on nc sent pas In pré­ sence de Dieu..., · Château intérieur. VI· dcm., c vn. Œuvres. Paris, 1907. t. VI, p. 234 ; elle dit plus expressément : • Λ peine nous mettons-nous en oraison... aux effets... qui naissent en notre Ame·., on comprend qu'il est D... · Vie par elle-même. c. xxvn, t. i, p.33Ssq. 1) s’agit bien dc cc qui sc passe pendant les états mystiques, non dans les inter­ valles qui les séparent. Pour la première opinion (avant l’amour). Poulain, Les grâces d*oraison. 6* édit·, p· 79 sq.; pour la seconde (dans et par l’amour). Alvarez dc Paz, De inquisitione pads. I. V, part. Lapp. II. c. îx. Opera. Mayence. 1619. t m, p 1631, 1632; Schram, Institutiones theologia· mysliae, Paris. 1863, t. I, §312, p. 455; § 318, p. 464 sq La question nc se posant pas pour ces auteurs dans les termes précis où nous l’expri­ mons, leur texte laisse encore place Λ la discussion C'est le témoignage des mystiques qui doit dirimer le débat. La présence dite intellectuelle nc prête pas à la même difficulté. Elle est nettement distincte dc la charité. C’est une certitude absolue dc la proximité dc la personne aimée, sans représentation sensible ou imaginative dc ses traits. Du point de vue purement psychologique, ces phé­ nomènes pourraient s'expliquer en rigueur comme les cas dc projection spatiale hallucinatoire, si les descrip­ tions précises dc quelques mystiques nc semblaient exiger une interprétation différente. Si Ton admet.cn effet, la réalité dc certaines « paroles intellectuelles > communiquées sans aucun phantasme quantitatif, S1· Thérèse, Vie par elle-même, c. xxvn; Château de l'àme, VI· dcm., c. m, ne voit-on pas que la possibilité d’une équivalence profane approchée nc prouve rien contre la possibilité d’une connaissance d’êtres locali­ sés qui serait cependant obtenue autrement que par l'intermédiaire d’images spatiales ? L’analogie des • paroles intellectuelles · suggère l’idée de « présence intellectuelle » ct de bons témoins affirment l’avoir éprouvé. J. Mjaréchnl], A propos du sentiment de pré­ sence chez les profanes cl chez les mystiques, dans la Renne des questions scientifiques. 1908, t. n,p. 527sq.; 1909, t. i, p. 219 sq., 367 sq. b] L'extase. — Dans toutes les religions enfin,cer­ taines Ames prétendent atteindre parfois A une union spéciale et indicible avec le divin; c’est l’extase. A s’en tenir Λ ce thème commun, tout est iden­ tique en tous. Mais pour faire œuvre critique, il im­ porte de distinguer l'ex/ase pharmaceutique, produite par l’absorption de certaines vapeurs anesthésiantes, B.-P. Blood, The annsthelic révélation and the gist of philosophy. Amsterdam (N. Y.), 1891; cf. W. James, L'expérience religieuse, 2· édit.» p. 330 sq.; Vextase hys­ térique, par surexcitation anormale de certains centres nerveux; l’extase théurgique dc Jambliquc, ct dc cer­ tains moines chrétiens, obtenue par des pratiques réglées; l’extase dialectique, procurée par l’ascension intellectuelle du multiple A l’unité pure comme chez Plotin, et dans certaines pages d’Augustin directement inspirées par lui. Comment confondre avec ces phéno­ mènes A cause nettement assignable, A technique définie, Vextase mystique dc certains saints catholi­ ques, différente par la préparation presque exclusi­ 1814 vement éthique, par le» caractéristiques affectives ct intellectuelles qui l'accompagnent, cl — critère plus incontestable — par scs effets physiques cl mo­ raux sur ceux qui en bénéficient? L'étude détaillée de ces expériences aura sa place A Part. Extase. Il importait seulement de noter ici qu’à ne point distinguer des choses aussi disparates, on s'expose aux plus invraisemblables ct aux plus illégi­ times conclusions. Poulain, Des grâces d'oraison, 6· édit-, Paris, 1900, spé­ cialement c xviri, p 253 sq , ct passim; J. Maréchal, hr. clL. 1909, L i, p. 390 sq. //. EXPLICATION THÉOUOGIQUl. — Reste à expli­ quer les faits que nous venons dc distinguer cl dc rectifier. 1 ° Notion de la religion. — Une notion domine toute la question : celle de religion, non sous le rapport méta­ physique, mais sous son aspect psychologique. L’atti­ tude d’âme proprement religieuse commande, en effet, toutes les réactions affectives dites religieuses. Or la pensée catholique n'est point douteuse. La vertu de religion n'est pas une adhésion plato­ nique A la vérité connue — une sagesse; ni une correc­ tion toute extérieure, dans les rapports avec le divin— une étiquette; encore moins un autosuggestion par les idées, propre A charmer les ennuis dc la vie — une recette; ou une attention calculée aux pratiques qui peuvent assurer la protection ou la connivence du sou­ verain justicier — un marchandage; fondée sur le droit absolu du créateur à l’hommage dc sa creature, elle relève dc la vertu dc justice. Mais, observent les théologiens, la justice qui lie l'homme à Dieu n'a point pour analogue stricte celle qui unit deux individus indépendants l’un dc l’autre, honnis leur commune dette : elle est semblable A celle qui unit les enfants aux parents. Le fait qu’ils leur doivent la vie ct tous les secours qui l’ont développée ne diminue point leur devoir dc reconnaissance; il l’accentue. Par contre, comme ils sont la chair dc leur chair, ils nc peuvent les tenir comme des etrangers : l'obligation de justice devient proprement un devoir de piété. Ainsi en est-il dc nos rapports avec celui qui nous a donné ct nous donne la vie A chaque instant, père comme tous, parce qu’il nous produit à son image, et plus que tous, parce que nul agent humain n’atteint, comme la cause première, l’être intime dc notre sub­ stance. S. Thomas, Sum. thol., II· II*, q. a, a. 3; Suarez, Dc virtute ct statu religionis, tr. I, 1. III, c. iv, n.4 sq., 16 sq. Si donc, en raison dc la dette qui lie toutes nos facultés, la volonté et le cœur autant que les autres, on pouvait, uu sens large, définir la religion une amitié, on voit qu’à bien considerer notre origine. Je mot doit se prendre en toute rigueur, ou plutôt avec cette nuance très spéciale d’affection qui marque l'amitié entre pères et enfants. En évitant l’erreur condamnée de Bains, Den -Juger, Enchiridion, n. 1016 (896). et de Quesnel, n. 1408 (1273), qu’il n’y a d’acte religieux ni méritoire hors de la charité, on a tout droit de dire, avec saint Augustin, que la religion ne réalise sa pleine notion que par l’amour : Pietas cultus Dei est, nec colitur ille nisi amando. Epist., < xl, c. xvm. n. 45, P. L.. t. xxxiit, coi. 557; De Trinit., 1. XII, c. xiv, n. 22, t. xlîi, coi. 1010. Selon les temps et du fait dc l'homme, elle peut prendre un caractère plus ou moins predominant de crainte, ou de formalisme; de sa nature, elle est autre, et ce qui est vrai en toute hypothèse l’est spécialement dans l’ordre sur naturel, après l'adoption divine. Dc ce chef, sont A prévoir, dans la pratique religieuse, les réactions émotionnelles qui existent entre humains dans la pratique de lu piété filiale, non que l'amour v ait place exclusive, mais comme il est Je but et l'agent 1815 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE norm d, l’action de Dieu, soit qu’elle récompense, soit qu’elle châtie, soit quelle éprouve, doit viser ù le pro­ duire; sa presence ou son absence doit expliquer les differences ct les vicissitudes de la vie religieuse. La constatation précédente est donc grosse des plus graves conséquences. Ce commerce d'amitié entre Dieu ct l'homme naît et s'entretient par les facteurs que nous allons détermi­ ner. 2° Fadeurs psychologiques de la vie religieuse. — Avec prédilection les pseudo-mystiques dc tous les temps ct,de nos Jours, les théoriciens de l’expérience religieuse insistent sur l'immanence dis inc : présent nu fond dc toutes les consciences. Dieu provoque luimême ct dirige le mouvement qui les amène vers lui. A celte thèse est venue s’ajouter récemment celle de Myers, vulgarisée par W. James, sur le rôle de la subcnnsricnce. Les bords extrêmes dc la conscience, d’après James,seraient en quelque sorte continus avec « le moi plus grand » ou les « moi » supérieurs, d’où découleraient dans le fidèle les expériences de salut. I4 théorie prend une teinte panthéiste. A pluralistic universe, p. 307; //expérience religieuse, 2« édit., p. 398-405. M. Bois, protestant positif, l'adapte â scs vues théistes : il essaie de montrer que la région subliminale est naturellement indiquée comme terrain de commu­ nication entre Dieu ct l’homme, des manifestations plus nettes de l’action divine devant périmer le jeu de la liberté. La pâleur de l'expérience religieuse, c. v, I 1 I 1 Une accommodation analogue, où l'on souhaiterait parfois dc plus expresses réserves, a été tentée, du point de vue catholique, par M. de I lÛgel, The mystical element o/ religion, t. iî, p. 2G5 sq., 338 sq. Ccs théories ne sont pas sans valeur. Élaborée surtout en vue d'expliquer les crises reli­ gieuses des sectes américaines, il serait surprenant que la these de la sut>conscicncc n’eût pas réussi à éclairer leur mécanisme psychologique et, du même coup, nom­ bre de phénomènes émotionnels ou nerveux, purement naturels, qui peuvent sc rencontrer d’ailleurs avec d’autres phénomènes pleinement irréductibles au même type. Omettant ce qui serait en ce genre détente nerveuse ou synthèse subite d’apcrceptions latentes, nous étudierons seulement cc qui relève de principes plus relevés et dc causes plus profondes. L'immanence divine elle-même ne répond pas adé­ quatement au problème. Sous les réserves que nous indiquerons bientôt,col. 1821 .elleconstitue une indis­ cutable vérité, mais, si l’on écarte la solution panthéiste, il reste à expliquer la raison dernière du mouvement d'affection qui porte l’un vers l’autre l’âme ct Dieu. S’ils sont même chose, l'identité d’appétits sc com­ prend — mais que de contradictions le système entraîne î S'ils sont distincts, pourquoi Dieu vient-il travailler l’âme,et pourquoi dans l’âme cct incoercible appel du divin? l-a théologie catholique, ou plutôt, pour une large part, la philosophie traditionnelle, présente sur le sujet cinq thèses principales. L Similitude cnlitatioc (σ^γγένΐια). — Ml^ cn g irde contre le panthéisme par le dogme de la création, I Éxlise trouvait cn même temps, Λ la première page d* U Genèse,1,26, h solution qui lui suffisait ; l’homme est créé a l’Image de Dieu. Il existe donc entre créature ct cmtr or une parenté réelle, fondée sur une analogie de nature. Ne pouvant développer cette doctrine dans toute son implcur, en montrant comment toute création eut née. virement participation, parce qu’aucun être n’est possible que par imitation entitative de celui qui seul, en rigueur, est, puisque seul il sc suffit pour exis- 1810 ter, voir Analogie, 1.i, col. 1146 sq.; Cm ation, t. in, col. 2087, nous nous contenterons d’insister sur un seul Irait de ressemblance : ce qui fait l'homme, ù un titre spécial, * Image . Apol., II. η. 13, P. G., I. vi, col. 465. Ex ipsa ratione ac prudentia, écrit Lactancc, intdligilur esse quadam in homine ac Dco similitudo... Dc la procède la tendance religieuse, caractéristique de l’homme : id affectare nos... quod nobis /anuliare, quod proximum sit /uturum... ipsa cogente natura, sentiens vei unde orta sit, vel quo reversura. Divin, instil., I. VIII, c. îx, P. L., t. vi, col. 765, 766. Saint Augustin, qui combattit toutes les exagérations hérétiques, Contra Fortunatum, 1. I, n. 11, P. L., t. xliî, col. 116, 117; De actis cum Felice manichao, 1. Il, c. xix, col. 549; Dc Gen. ad Utt., I. VII, c. n. n. 3, t. xxxtv, col. 357; c. xi, n. 17, col. 361 ; c. xxvm, n. 13, col. 372..., nec cujus portio, sed cupis conditio est, De civitate Dei, I. VII, c. v, t. xli, col. 199, a insisté plus que d’autres sur cette similitude entre l’âme ct Dieu par la raison, De Genesi liber imper/ectus, c. xvi, n. 51 sq., t. xxxtv, col. 241; n. 60, col. 243; De Genesi ad litteram, 1. III, c. xx, n. 30 sq., col. 292 sq. On peut voir la meme doctrine condensée dans ces quelques mots dc saint Thomas : non enim esset in natura alicujus quod ama­ ret Deum, nisi ex eo quod unumquodque dependet a bono quod est Deus. Sum. thcol., I·, q. lx, a. 5, ad 2°·; II· II·, q. xxvi, a. 13, ad 3em. Il suffira, pour justifier ces vues, d'attirer l’attention du lecteur sur l’intcllcctualité dc l’âme. Nous conce­ vons cette perfection surtout de manière négative, par exclusion de toute composition (quantitative) : peu importe. Nous entrevoyons déjà comment elle repro­ duit, mieux que toute autre substance, la simplicité (même qualitative) dc l’être divin : il y a donc entre les deux termes similitude entitative ou ontologique (συγγένκα, cognatio cum Deo). Elle entraîne une similitude d’appétits. En effet, une substance qui n’agit pas par applica­ tion de quantité ù quantité est apte A percevoir les ensembles, les rapports, les notions simples; dc là découlent toutes scs propriétés : aptitude ù connaître l’infini et tendance nécessaire vers ce terme. Cc que nous voudrions accentuer dans cette esquisse, c’est le caractère intuitionnel de cette connaissance et le caractère spontané de cette recherche : réduite ù lu perception de certaines notions premières ct dc cer­ tains principes, à plus d’un égard, ni la déduction, ni la liberté n’y ont dc part ; c’est comme une expé­ rience. Remontons aux origines de la connaissance, ct pour éviter tout esprit de système, considérons non telle ligne exclusive, comme la moralité, mais tous les as­ pects Immédiats de l’être : vérité, beauté, bonté, mora­ lité. Chacun concédera le fait pour la perception du vrai. L’évidence qui l’impose prend précisément ce carac­ tère dc paraître, au point d’arrivée, moins une déduc­ tion, qu’une expérience : on voit et l’on soit avec tant de force qu’on ne peut pas plus douter de ccttc intui­ tion que de ces données immédiates impliquées dans l'évidence physique la plus rudimentaire. Certains théoriciens ont voulu la découper en trois vérités pri­ mitives : aptitude ù connaître, principe de contradicI tion, existence du moi. En réalité, il n’y a lù (pic le triple aspect d’un fuit de conscience simple en quelque manière: aucune dc ccs vérités n’est connue explicite­ ment ; chacune est sentie dune la nécessité physique, pour le sujet, de s’atteindre dans et par la représenI talion de tel objet : l’ordre logique cl l’ordre onlolo 1817 EXPERIENCE RELIGIEUSE 1818 glquc s'identifient pour lui, cn quelque sorte, dans les plus hautes. Lorsque sc posent, devant In con­ science claire, des degrés dc vérité, dc beauté ou dc I'iinprcssion d’une nécessité subie. bonté, encore In éprouvés, l'effort d’intelligence qu’ils La perception du beau a le même caractère. On insiste souvent sur scs normes objectives, sans noter provoquent réveille sympathiquement les émotions suffisamment l’élément subjectif qu'il requiert : une antérieures; ers ^perceptions obscures sc fondent avec la perception présente dans une synthèse lumineuse : certaine excellence d’harmonie entre l’objet ct la faculté. Ix? charme qui cn résulte s’éprouve donc, avant l’ânie tressaille, comme à In solution d’une énigme qu’on soit cn mesure dc l’analyser et dc le définir. inexprimée qui la tourmentait. Mais ccs intuitions de Ainsi en va-t-il dans l’ordre de la bonté: elle est réalités supérieures n’apaisent pas son mal : cn confir­ ixpérimentéc dans la satisfaction qu elle apporte. mant les tendances instinctives, elles les désespèrent De meme, si la moralité, de quelque façon qu’on cl les excitent A la fois : inhorresco in quantum dissi­ explique ses derniers fondements, s’appuie certaine­ milis ci sum; inardesco in quantum similis et sum. ment sur la convenance des actes avec la nature rai­ S. Augustin, Confess., I. XI, c. îx, P. L·, l. xxxn, sonnable, ne voit-on pas que ce rapport, au moins col. 813. En voyant cc qu’elles sont et ce qui leur dans les cas rudimentaires qui forment la trame de la manque, le cœur s'éprend d’un «mieux «plus accompli. vie, est moins conçu que senti? lut légitimité dc cer­ Cc « mieux », la raison théorique le nomme Dieu cl, taines actions sc perçoit d’instinct dans le besoin qui puisqu’il est au terme dc toutes les voies où nous cher­ les appelle; l’illégitimité de certaines autres dans l’en­ chons quelque satisfaction, puisqu’il donne a chaque torse violente que la volonté sc donne cn prenant à être la participation dc son être qui le rend aimable, leur occasion le contre-pied d’une attitude jugée légi­ les scolastiques n’ont pas craint dc dire qu’il (tait time ailleurs. læ nier,ce serait oublier que les onnaisimplicitement recherché ct connu dans tout objet. sances ne sont pas des abstractions qui sc succèdent S. Bonaventure, Opera, édit. Quam cchi, t. v, p. 315. sans lien dans l’intelligence, mais des états dc con­ Le nom qu'on lui donne suppose une décision libre, science dont chacun laisse sa trace, engendrant dans la non l’idée qu’on s’en fait, ni l'amour qu’on lui porte : faculté un commencement d’habitude. Non dubia sed certa conscientia. Domine amo te... Quid Il est aisé de comprendre, dés lors, comment dc ccs autem amo, cum te amo? Non speciem corporis, nec expériences l'âme passe irrésistiblement, non à la decus temporis, nec candorem tucis... et tamen amo perception directe du Vrai, du Beau, du Bon, du Bien quamdam lucem, et quamdam vocem, et quemdam odo­ absolus, mais à la conception confuse dc ccs réalités ct rem. On l'objective sous toutes les formes qui répon­ â leur recherche inconsciente. dent à un appel dc la nature, sans l’imperfection qui Dés que la répétition d’impressions analogues est rebute en elles. Hoc est quod amo, cum Deum meum venue l’orienter vers les idées générales, avant même amo. S. Augustin, Confess., I. X, c. vi, n. 8, P. L·, que ces notions abstraites ne soient explicitement for­ t. xxxn, col. 782 sq.; c. xxn, n. 32, col. 793. Cc qui est vrai dc l’idée dc Dieu, l’est aussi dc l’idée mulées, elle conçoit —mieux vaudrait dire, tant cette dc moralité ou de béatitude. A voir comment tous la connaissance est fatale ct immédiate, elle sent — cherchent, on dirait que,dans quelque vie anterieure, qu’aucun des êtres (pii l’entourent n’épuise la notion tous l’ont connue : Ubi noverunt eam, quod sic volunt d’être, de grandeur, dc beauté, de bonté, de moralité, cam? Le mécanisme dc ccs perceptions confuses, enre­ ct elle sc sent attirée par le meilleur ct le mieux, indé­ gistrées dans la subconsciencc, suffit A cn rendre pendamment dc tout acte réflexe, par le seul fait que, compte : Habemus eam nescio quomodo. S. Augustin, vaguement mats nécessairement, elle l’entrevoit Confess., I. X, c. xx, η. 29, col. 792 ; cf. c. xxi sq., comme possible ct qu’elle subit son influence. L’organe col. 792 sq. visuel, après avoir passé par divers degrés dc lumière, Si les premières connaissances (in communi, in con­ éprouve, s’il est placé dans une semi-obscurité, qu’il fuso) et les premières tendances sont imposées par n'a pas toute la clarté dont il peut jouir ct qu’il l’ap­ la nature, les déviations qui résultent soit de l’erreur, pelle invinciblement. Il ne perçoit pas la lumière par­ soit du libre choix,entraînent, au lieu dc la jouissance faite dans l’imparfaite, mais comme toute faculté qui s'épanouit spontanément sur l’acte normal, le s’atteint elle-même dans son acte, il expérimente le besoin ct la recherche dc cc surcroît dans la sensation malaise et la souffrance. Constatation de psychologie élémentaire, presque de physiologie, qu’Augustin a simultanée dc son énergie inassouvie. Ainsi cn va-t-il de l’intelligence. traduite par le mot connu : Fecisti nos ad te, (Domine]· et inquietum est cor nostrum donee requiescat in te. Placée, par la simplicité de sa nature, cn dehors de l’ordre quantitatif, elle n’a plus rien A sa mesure, Confess., I. I, c. I, n. 1, P. L·, I. xxxn. col. 661. Mol comme terme de connaissance ou comme terme dc son admirablement choisi, puisque < l'inquiétude •corres­ appétit, que Vin fini, parce que l’intellcctualitè lui per­ pond aux appréhensions vagues, cf. I. IV, c. x, n. 13. met de le concevoir, et que l’amour du mieux ou du col. 669 sq. ; I. VI, c. xvi. n. 26, col. 732; nam in ipsa parfait — quoi qu'il cn soit des actes réfléchis — n'est misera inquietudine... satis ostendis quam magnam pas plus affaire de choix, pour les tendances sponta­ creaturam rationalem feceris, cui nullo modo sufficit ad nées dc l’âme, que ne l’est pour l’œil l'amour de la beatam requiem quidquid te minus est, ac per hoc nec lumière. ipsa sibi, I. XIII. c. νιιι, η. 9, col. 818. Cf. Dc Tnnit., Inutiledc parler d’innéisme strict avec Descartes, 1. X, c. v, t. XLit, col. 977. de perception immédiate de l’infini dans le fini, avec Ainsi s'expliquent par une analogie de nature entre Max Millier, ou bien avec Gratry, dc sens divin, pas­ l'homme et Dieu les expériences fondamentales dc la sant d’un bond du fini Λ l’infini: il suffit d’un vie religieuse. Voir col. 1808. 2. Assimilation progressior. —· Cette similitude est Innéisme large, tel que l’ont entendu les scolasti­ ques; efus cognitio nobis innata dicitur esse, in susceptible de progrès, non qu'il soit possible de perdre quantum per principia nobis innata de facili perci­ ou d’augmenter la simplicité substantielle de l’Ame, pere possumus Deum esse. S. Thomas, /n /foet.,De mais parce qu’il dépend de nous dc réformer la vie Trini!., q. i, n. 3, ad 6··; Sum. Iheol., P, q. n, a. 1, animale, qui prédomine pendant l'enfance, cl dc spiri­ ad lMm tualiser des habitudes qui engendrent, si elles se règlent Le divin est donc pressenti, dès l’aurore dc la vie sur les sens, une < seconde nature », tonie sensuelle. raisonnable, sous les traits vagues du plus grand ct du En dépendance de l'école pythagoricienne, Platon, meilleur. Subconscientes à quelques égards, ccs per­ Phi Ion et Plolin ont donc inculqué la nécessité pour le ceptions préparent dc loin l’mlellcction des notions sage de se reconquérir : qui n'imite point la pureté L819 EXPERIENCE RELIGIEUSE divine ne peut espérer une connaissance profonde du divin, μη lïôipA» γάρ xxfapO έρΐπτισΟαι ου διμιτον η. Platon, ΡΙΜοη. c. xn, 67 c; et. c. x-xiv. Le mot de l'Écriturc : « Bienheureux les cœur» purs, parce qu'ils verront Dieu, « Matlh., v, 6, orientait les Pères dans la même voie. Ils s’y sont engagés de telle sorte qu’on s’étonne vraiment dc l’oubli dans lequel leur thèse est tombée. Nous rappellerons brièvement son histoire, avant dc montrer le parti qu’on en peut tirer. Ébauchée dans saint Justin, col. 18 16, elle est reprise par Théophile d’Antioche : les vices sont Λ l’âme ce que les ténèbres sont aux yeux, Ad Atitolge., 1. I, n. 2» P. G., t. Vf, col. 1025, 1028; ct développée par Clé­ ment d'Alexandrie : la pureté dc vie, en nous rendant semblables à Dieu, nous permet seule de le connaître, car la connaissance véritable n’est pas une science de mots, c'est une lumière qui sc répand dans l’âme par l’observation dc la loi. Slrom., 111, c. v, P. G., L vn, col. 1145, 1148; cf. Protrept., c. IX, col. 197. Voilà le culte en esprit ct en vérité. Slrom., V, c. xr, t. ix, col. 101 sq. Orlgène s’en explique plus sommairement. Contra Celsum, I. VI, n. 69, P. G., t. xr, col. 1401; J. VU, n. 33, col. 1468. L'âme pure, observe saint Athanase, contemple dans son verbe Intérieur le Verbe â l’image dc qui elle est faite, ct dans le Verbe le Père, Orat, contra gentes, n. 2, P. G., t. xxv, col. 5, 8; la vole (pii mène à Dieu n’est donc pas loin dc nous, ou hors dc nous, mais en nous, n. 30-35, col. 60 sq. CL De incarnatione Verbi, 11.57, col. 196, 197. La théorie est plus approfondie chez les Pères cappadocicns. En détruisant ou en restaurant la ressent- ι blance avec Dieu, les mœurs, dit saint Basile, per­ mettent ou Interdisent à l’âme de le connaître, en se connaissant, Homit. in Attende tibi, n. 7, P. G., I XXXI, coL 213 sq.; Dr legendis gentilium libris, n. 7, col. 581 sq.; Epist., ccxxxui, t. xxxn, col. 864 sq. Ce qui est impur, dit saint Grégoire dc Nazianze, après Platon, ne peut entrer en relation avec ce qui est pur, Oral, lheol., i, c. n, P. G., t. xxxvi, col. 13 sq.; n, c. i, n, col. 25 sq. Comme Clément d Alexandrie, il montre dans la pratique des préceptes l’école provi­ dentielle de cette spiritualisation, Oral., xxxix, c. vin, col. 311,345, cl condense scs enseignements dans une formule prégnante : le fondement de lu spéculation, r’est l’action, πρίζι; γάο ίπιύζσις Οιωρβς. Orat., xx, c. xn, t. xxxv, coi. 1080. Nul n’a insisté sur ccs principes autant que saint Augustin. Voir Augustin, 1.1, col. 2332 sq. il conçoit » mouvement du retour à Dieu comme une intériori­ sation dc l’âme vers l’absolu immanent en elle, par 1 ι-ic purification croissante de la vie : non cnim ad tam gui ubigue prie h ns est locis movemur, sed bono studio bonisque mon bus, De doctrina Christiana, 1. I, c x, l. xxxn, col. 23; in illo enim vivimus et move­ mur d sumus. De Trinitate, L VII, c. nr, n. 5, t. xlii, coi. 950. C’est donc affaire moins dialectique que pra­ tique : non oculo sed corde quarendus est ; sed quemad­ modum st solem... videre vellemus, oculos corporis pur­ garemus..., oolenles videre Deum, oculum quo Deus potest, purgemus In Epist. I Joa., tr. VII, n. 10, t. xxv, coi. 2033. Cf. De moribus maniclueorum, I. II, c. vn, n. 10, l. xxxn, coi. 1349; Epist., cuxxxvn, c. v, n. 17, t. xxxm, coi. 838. Le véritable X incipe d’assimiLdion, c’est l’amour. In Epist. I Joa., tr. X, n. 9, t. xxxv, col. 2051: en modelant l’un sur l’autre ce» deux tenues, immanents par na­ ture, dies rennsc>cnle. Ibid., tr. X, n. I, col. 2057. Dr Trinitate, VU!, c. tv, n. 6, t. xut, col. 951 ; c. x. col. 960. De ι »n rôle considérable dans la vie religieuse : amore l-fn r, amore quxrilnr, amore pulsatur, amore reuela- 1820 ! fur, amore denique in eo quod revelatum luerit perma· ! netur. Dc moribus Ecetesiæ, J. I, c. xvn, n. 31, t. XXXII, coi. 1321. En conséquence, il ne saurait y avoir ni connaissance éminente, ni jouissance intense qu’au prix de la sainteté : nemo invenit nisi purgatus. Sollloq., 1. I, c. i, n. 3, ibid., col. 870. Cum (Dco| autem est, quando purissime intclligit ct tola charilate quod intclligit diligit. De vera religione, c. xxxi, n. 58, t. xxxiv, coi. 148. Conçue de ce point de vue lout moral, la purgation de Pâme n’a rien à faire dc l’apparat rituel des « mys­ tères «ethniques et dc la IhvurgienCoplatonicicnnc.Dtf civitate Dei, 1. X, c. ιχ, t. xli, col. 286; De Trinitate, L VIII, c. vu, n. 11, t. xlii, col. 957; Epist., ccxxxv, n. 2, t. xxxm, col. 1032. Mais notre docteur sc gurde bien dc confondre avec ces recettes humaines les régies dc pensée cl d’action que Dieu pourrait avoir révélées, pour conduire l’homme, par une pédagogie intégrale, à l’assimilation parfaite. La voie qu’il indique est celle de la soumission complète à ccs dogmes et préceptes. Solitoq., I. I, c. vi, n. 12, t. xxxn, col. 875 sq.; Dc Trinitate, L I, c. i, n. 3, t. xlii, col. 821 ; 1. VIII, c. iv, n. 6, col. 951; Serm., cclxi, c. iv sq., t. xxxvin, col. 1201 sq. On le voit par ce sommaire, la théorie de la χάΟαρσις a été abordée par Augustin sous tous scs aspects, psychologique, crilériologique, ascétique. Nous aurons à préciser sa pensée, voir col. 1838, 1852. Pour comprendre son apport personnel au problème psychologique, il convient dc sc souvenir que, comme toute perception dc vérité est, dans sa philosophie, participation dc la vérité incrééc, tout mouvement de charité est participation dc celui qui s’est défini la Charité. Cf. In Epist. 1 Joa., tr. VII, n. 4, t. xxxv, col. 2031. Et quo nisi Deo plenus est qui plenus est dilectione. De Trinitate, I. VIII, c. vm, n. 12, t. xlii, col. 957, 958; Con/ess., 1. XIII, c, xxxi, t. xxxn, col. 865; In Epist 1 Joa., tr. VIII, n. 12, t. xxxv, col. 20-13. A chaque stade du mouvement ascensionnel qui ramène à Dieu, ct à proportion de la similitude acquise, nous sommes donc portés vers Dieu par Dieu lui-même : la communauté de nature devenue plus étroite est plusexigeante d’une union plus accomplie. Il est visible toutefois que l’attention du saint docteur s’est portée beaucoup plus vers l’inllucnce de l’action sur la spéculation, que sur la corrélation entre l’action ct l’émotion. La remarque serait à répéter au sujet dc saint Ber­ nard, voir col. 1838, ct de saint Thomas, voir col. 1841, qui tous deux ont magistralement exploité celle thèse. La pensée des Pères attend donc de nouvelles précisions. S’ils ont admis une connaissance par sym­ pathie, pseudo-Denys, De divinis nominibus, c. it, §9, P. G., t. m, col. 673. ou comme par e saint Thomas, per quamdam affinitatem ad divina, In IV Sent., 1. Ill, dist. XXXV, q. n, a. 1, sol. 1>; per quamdam unionem ad divina, ibid., sol. 3»; per quamdam connaluralilatem, Sum. theol., Ib II», q. xlv, a. 2; il reste à montrer comment des appréhensions vagues préparent ccs idées claires, comment, à chaque degré de la purifica­ tion Intérieure, correspondent des appétits ct des émo­ tions plus ou moins purs. Sans faire appel aux habitus surnaturels, ni aux grâces actuelles de la théologie, il est hors de doute, en effet, que l’habitude de la chasteté, de la tempérance, bref, des diverses vertus, développe en nous, non pré­ cisément des tendances expresses au Dieu de l’ordre surnaturel, ni même au Dieu de l’ordre naturel, mais I vers les voies ascendantes de l'ordre moral, qui toutes vont aboutir à ce terme. La vie affective en est trans­ formée d’autant. 3. Action immanente de Dieu. — En fait, nu cours de cette évolution, l’âme ne reste pas llxrce à ses 1821 RELIGIEUSE propres forces. Dieu, au plus intime d’ellc-numc, la stimule et la dirige. Saint Paul en donne la raison, en soulignant ce point de contact entre le christianisme ct la philosophie profane : in ipso enim vivimus ci movemur ct summ. Act., xvn, 28. Les docteurs dc l’Église ne pouvaient manquer d'accentuer cette importante vérité. Ils l'ont fait, au douille point dc vue statique et dynamique, avec une profondeur dc pensée trop méconnue. Voir Création, t. ni, col. 2087, 2091; Conservation, Concours. Immanence. Ce n'est donc pas sur le /ait de l'immanence, mais sur son mode, que le désaccord peut exister entre catho­ liques ct acatholiques. L’encyclique Pascendi le rap­ pelait expressément :« Les uns la comprennent en ce sens que Dieu est plus présent A l’homme que l'homme ne l’est à lui-même; ce qui manifestement, à charge dc le bleu entendre, est irréprochable. D'autres la met­ tent en ceci que l’action de Dieu ne fait qu'un avec l’action de la nature, comme cause première et cause seconde, ce qui supprime en fait l’ordre surnaturel. D’autres enfin l'expliquent dc telle sorte qu’ilsdonnent ileu dc soupçonner un sens panthéiste; c’est d’ailleurs ce qui cadre le mieux avec le reste dc leurs doctrines. > Denzinger-Bannwarl, Enchiridion, n. 2087. En insistant sur la compénétration du fini par l'Iiiflnl, oublier l’infinie distance qui les sépare, non quant au lieu, mais quant à l’être, Dcn/Jnger-Bannwart, n. 1782 (1631), c’est, logiquement, en suppri­ mant la distinction des deux termes, ruiner le fonde­ ment de la religion. Cet abus évité, l’Église maintient plus que toute autre école l’action intime de Dieu dans les fîmes par une présence immédiate. A un double litre, comme cause première, ct comme auteur dc l’ordre surnaturel, il imprègne cl dirige toute l’acti­ vité de la créature. Le plus habituellement son intervention ne sc fait pas sentir, parce qu’il n’a pas ù entrer dans l’âme — il est toujours en elle — cl parce qu'il a garde de ne pas supprimer la liberté. Ses premières sollicitations, di­ sent les théologiens, se mêlent aux attraits indélibérés, d’abord à peine perçus, qui précèdent les délibérations explicites, ct dont nul ne peut dire souvent quel strict enchaînement d’idées les a provoqués. Λ cet égard, ct du point dc vue psychologique, il est d'ordinaire impossible de discerner scs suggestions dc celles que des incidents multiples font monter dc la subconscicncc. Mais borner là son rôle est de tous points arbitraire. Dans l’hypothèse panthéiste, il est vrai, on ne peut guère concevoir comme relation que la transmission, par le seuil de la conscience contigu à la substance divine, des vibrations affaiblies (ou des pensées) qui l’agitent. Mais on ne peut refuser à un Dieu personnel d’ordonner son action à un but spécial ct précis, d'agir nettement ct de parler dans la conscience claire, aussi bien que sur scs bords extrêmes. Ses moyens sont mul­ tiples : il peut, mêlant son action à celle des causes secondes,modi tier seulement leur énergie, augmentant, par exemple.de manière singulière l’illumination ou l’émotion que d’ordinaire elles provoquent, ou même en introduisant, sans connexion avec les états dc con­ science antécédents, des états nouveaux propres à modi lier le cours des pensées ou des désirs ; ces plusvalues providentielles et ces motions sans cause, pré­ cisément en raison dc leur caractère anormal, pourront être reconnues avec une probabilité plus ou moins grande. Suarez, De religione Societatis Jesu, 1. IX, c. v, n. 39 sq. ; Bon a, Traité du discernement des esprits, I. VI, §3, n. Il; 1. VII, § 1, n. 2. Que par ailleurs clics ne détruisent pas la liberté, il est aisé de s'en rendre compte : c'est que, avant toute critique rationnelle, elles n'ont rien dc plus singulier que les successions souvent si imprévues, si déconcertantes, de nos idées ou de nos affections; même après critique, comme nous ne voyons strictement ni Dieu, ni son act tort, elles ne sont d'ordinaire intelligibles que par la foi; l’âme garde donc la faculté ou de les tenir pour divines, en s’appuyant sur le dogme, ou dc les regarder comme naturelles, en invoquant le mystère de la vie psychi­ que. En plus dc ccs Illuminations ct motions, Pères dc l’Église ct scolastiques ont admis une action divine ordonnée de manière spéciale au sentiment. Elle a pour but immédiat, non dc faire comprendre, mais de faire goûter les réalités religieuses : c'est le don de sagesse. 4. Le don de sagesse. — Λ vrai dire, certains auteurs Insistent sur la connaissance que ces Jouissantes pré­ supposent ou produisent, pour rapprocher le don dc sagesse du don d’intelligence. Voir Pierre Lombard Sent,, I. Ill, dist. XXXV; S. Thomas, Sum. theol. I· II·, q. lxviii, a. 4; 11· II·, q. xi.v, a. L ad 2· ; cf Jean de Saint-Thomas, Cursus theol., In //·· //· disp. XVIII, a. 4. D'autres appuient sur le goût ex­ périmental qui leur est propre, pour l’en distinguer plus nettement '.El sic [sapientia] nominat cognitionem Dci cxpcrimentafcm et hoc modo est unum de septem donis Spiritus Sancti, cujus actus consistit in degu­ stando divinam suavitatem. S. Bonaventure, /n IV Sent., I. Ill, dist. XXXV, q. i; cf. q. m, Opera, Quaracchi, t. m, p. 774,775,778; dist. XXX IV, a. 2, q. n, ad 2··, ibid., p. 748. C’est l’opinion qui semble pré­ dominante ct préférable. Cf. Suarez, Dc gratia, I. Il, 1822 c. XVIII. On peut le concevoir encore comme un apport quasi miraculeux dc jouissance en des actes qui par eux-mêmes ne l’appellent pas, ou comme l'épanouisse­ ment, connature! en un sens, d’actes posés sous la guidance spéciale dc Γ Esprit-Saint» Cette interpreta­ tion semble plus conforme à la psychologic ct bien appuyée sur la tradition. En effet,quand une vie déraisonnable a altéré, avec la ressemblance morale, la similitude d’appétits qui le portait vers tout ce qui est vérité, pureté ct justice, Phil., iv, 8, l’homme ne peut éprouver à l’égard des préceptes de la religion naturelle, ct plus encore à l'égard des prescriptions d’une religion positive, ordon­ nées à réformer ces abus, qu’aversion ct dégoût. Cette haine est instinctive, ct la souffrance qui l’accompagne inévitable,col. 1818. Un phénomène inverse se produit, dans le cas contraire : ubi autem amor est. labor non est, sed sapor. Et /orte sapientia a sapore denominatur, quod virtuti accedens quoddam vetuli condimentum, sapi­ dam reddat, quit per se insulsa quodam modo... sentie­ batur. S. Bernard, In Canlic., serm. lxxxv, n. 8, P. L., t. clxxxiii, coi. 1191. Si le plaisir naît ainsi de l'ordre parfait, il est inutile d’y prétendra tant que les actes bons sont extorqués pour ainsi dire parle seul commandement de la raison, par occasion ou par contrainte extérieure. Ibid., n. 9, col. 1192. Il ne serait pas moins superficiel dc borner les effets du don de sagesse à des émotions d’ordre sensible. Nul ne fera difficulté d'admettre qu’il peut exister, dans le In fonds de l'âme, une satisfaction intense capable de compenser les souffrances ct les dégoûts qui en émeu­ vent la périphérie. Il en va de même de toute passion vive. A plus forte raison, en peut-il être ainsi, quand l’union des volontés entra l'aimant ct l'aimé s'est établie par une épuration progressive des passions, quand clic aboutit Λ faire apprécier des réalités supé­ rieures, idées ct beautés de l'ordre spirituel, quand, en réglant de manière dc plus en plus stricte l'activité volontaire sur l’idéal moral auquel porte la collabo­ ration Intérieure de Dieu, elle permet, pour ainsi dire, dc lui Λ l'âme, un écoulement proportionné dc cette plénitude de bien-être que doit être l'Inlini. 1823 EX PÉB IENCE B E LIG IE USE 1824 Compris de h sorte, ct sans préjuger d'une provi­ issues du protestantisme : elles insistent sur le carac­ dence spéciale, le don de sagesse n'est autre chose que tère inconditionné de l'émotion religieuse : ■ Rien dans l'aboutissement normal de l’action surnaturelle qui la théologie catholique, écrit W. James, après avoir • fait prendre goût » aux choses religieuses : il est con­ cité le commentaire aux Galates, ne parle à l’âme dou­ féré dans ct par l'amour; hoc[præslat sapientia\pnrser- loureuse comme cette doctrine que Luther a tirée de sa tini per quamdam connatural Matent ad res divinas, quant propre expérience..., l’intuition immédiate que, tel que je suis, coupable, sans un moyen de défense, je suis (flicil chantas. Suarez, De oratione, I. II, c. x. n. 9. 5. Les grâces gratis datæ et les laveurs surnaturelles. sauvé, aujourd’hui meme ct pour toujours. * L’expé­ — Enfin, en revenant sur l’observation déjà faite, rience religieuse, 2e édit., p. 208, 209. Λ. Sabatier vante col. 1821, que dénier à Dieu le pouvoir de modifier le de même une grâce < pure et sans condition », Esquisse, cours naturel des causes secondes, c’est nier en fait I. II, c. n, § 3, p. 202; s'il parle de repentir, c'est tou­ sa personnalité, sa toute-puissance ct sa liberté, il jours en condamnant la nécessité des œuvres, ibid., faut ajouter aux considérations précédentes celle § 5, p. 212, ct M. E. Ménégoz retrouve l'équivalent des des interventions proprement miraculeuses de Dieu. expressions de Calvin et de Bèze, sur l'étincelle qui Visions, révélations, grâces mystiques extraordinaires suffit au salut : « Que ce mouvement [de foi] soit plus ne font que constituer une classe à part, celle des mira­ ou moins conscient, plus ou moins énergique, pourvu cles psychologiques, dans ccs faits extraordinaires qu’il soit vrai, sincère, réel, ct Dieu lui accorde gratui­ dont la théologie professe la possibilité, tout en sc tement la rémission des péchés, la vie, le salut. > Publi­ cations diverses sur le fidéisme, Paris, 1900, p. 17 sq., montrant fort sévère dès qu’il s'agit de prononcer sur 26 sq., 32. Sans doute, on parle encore des œuvres, la question de /ait. Précisément parce que ccs phénomènes ne rentrent non pas condition, mais fruit du salut. Qu'importe pas dans le domaine commun, i) nous suffira de les si chacun peut avoir l'évidence d’atteindre le mini­ mentionner ici, en renvoyant le lecteur aux articles mum de foi ct de porter le quod justum de fruits, quel­ spéciaux, Contemplation, Extase, Révélations que déplorable que sa conduite paraisse à d’autres juges I Affaire d'appréciation personnelle. (privées), Visions. Tout psychologue observera donc que la théorie de Nous avons envisagé les facteurs précédents, dans les cinq thèses brièvement rappelées, du point de vue la foi sans les œuvres, ou toute autre basée sur la passivité humaine, laisse l'âme à la merci des illu­ statique, insistant sur cc fait évident,en dehors de sions des sens, voire des plus grossières, comme il toute théologie, que toute modification ontologique devait entraîner un changement des réactions émo­ appert des thèses scandaleuses de Molinos, col. 1796. En dehors de toute préoccupation confessionnelle, tionnelles. Il convient d’examiner comment ils entrent il reconnaîtra encore ceci : puisque l'école de l’amour en jeu. effectif ct celle de l'amour affectif accusent deux 3° Évolution de ta vie religieuse. — Inutile de revenir en détail sur les trois ordres d'expériences mentalités différentes, les réactions psychiques ne énumérés plus haut : fondamentales, dérivées, mys­ peuvent être identiques de part et d'autre. Poussant tiques. Les premières ont leur cause profonde dans un peu lus avant, il n tera que si, aux termes du rintellectualité de l’âinc,col. 1816. Les autres se trou­ pragmatisme même, toute connaissance, toute émo­ veront élucidées, si nous parcourons les trois stades tion est. dans une certaine mesure, fonction de nos de cette évolution : voie purgative, voie illumina­ étals, l’école qui se désintéresse de la purification des tive, voie unitivc. appétits ne peut conduire aux expériences spirituelles Cette division, cf. S. Thomas, é’uni. lheol., H* 11«, élevées que l’autre, sans aucun appel au transcendant, q. xxiv, a. 9; Suarez, De oratione, I. Il, c. xi, n. 2, se a droit de promettre; il dénoncera cc tri hotomisme tire des divers degrés de la charité, ct c'est justice, si étrange, ins allé au cœur des théories qui devaient la religion est une amitié, col. 1811. s’en garder davantage : séparation de la spéculation, Toutefois elle n'a qu’une valeur .nchématiouc : il de l’affection, de l'action. Comme s’il n’y avait pas n’est pas en psychologie d'état stable, dont on ne interréaction inévitable de l’idée sur le sentiment, du puisse déchoir, ou d’état si simple, qu'il ne participe à sentiment sur l'activité libre, de l'expérience née de plusieurs égards des états d’âmes inférieurs ou supé­ l’agir sur le sentiment ct sur l’idée; comme si,avec ce rieurs. Cf. Suarez, loc. cit., n. 4, 8, 10. SI donc on dis­ morcelage, non des moments de la connaissance, tingue ccs trois degrés, débutants, progressants ct comme on le reproche à l'intellectualisme, mais des parfaits, chaque classe pourrait sc subdiviser en trois facteurs de la connaissance, on pouvait prétendre à groupes analogues, cf. Boulx, Memoriale B. Pétri une connaissance religieuse, non pas arbitraire, mais Fabri, Paris, 1873, p. 72 sq., ct nul ne peut sc désin­ vraiment cohérente ct humaine. téresser entièrement de la pédagogie propre à aucune On conclura, sauf à revenir sur le détail de la d'elles. preuve, que,si la terminologie à quelques égards peut être commune aux diverses écoles, leur phénoméno­ 1. Distinction nécessaire des trois voies. — Ainsi comprise, cette distinction prend l'importance d’un logie ne le saurait être. point diacritique : qui l’admet ou la rejette passe de 2. Caractéristiques de chaque voie. — SI nous mainte­ l'orthodoxie à l’hélérodoKie ct — cc qui doit frapper nons l’unité vitale ct l'interdépendance des trois ter­ tout esprit réfléchi — d'une religion fondée sur la mes, idées, sentiments, œuvres, nous devons caracté­ morale à une conception religieuse plus ou moins riser chacune des trois voies, purgative, illuminative amorale, d’une psychologie profonde à une s écula- unitivc, sous un triple aspect. Nous le ferons, mais en tion superficielle. On va le voir. réservant à plus tard la question de la connaissance, /\ux yeux de Molinos, elle constitue la plus grosse col. 1838. L’œuvre extérieure traduit le sentiment comme le absurdité qu'on ait jamais articulée en mystique : fruit Juge l’arbre, Matlh., vu, 16 sq.; : des présupposés. — 1. Agnosticisme. — Le joies plus hautes ct, avec clic, une mise en suspicion fai d’en appeler à l’expérience immédiate, comme à plus éclairée des émotions sensibles. une source unique de connaissance, trahit le discré­ Les mouvements des divers esprits, plus subtils, dit dans lequel on tient la raison spéculative. Telle requièrent à cc stade un diagnostic plus affiné. Voir est l’origine de ces théories chez Luther, col. 1787sq., et depuis Kant, col. 1797. C’est donc sur l’agnosticisme Discernement des esprits, t. m, col. 1394. En meme temps sc développe dans l’âme une paix que doit porter toute réfutation soucieuse d’atteindre jusque-là inconnue : cc n'est plus seulement la claire l’erreur dans sa racine : le point critique du débat vue d’un devoir à remplir, c’cst la conviction sentie est là. d'être dans l’ordre, certitude toute expérimentale,elle On trouvera la question traitée à l’art. Agnosti­ aussi, puisque les connaissances précédentes, sur cisme, t. i, col. 596 sq. Voir aussi d'AlèS, Dictionn. lesquelles elle sc fonde, sont aussi indéniables que apologétique, art. Agnosticisme, t. i, col. 1 sq. les connaissances sensibles, mais plus intenses ct plus Les conditions de la connaissance humaine impo­ expressives, parce que spirituelles. D’ailleurs, des sent un certain relativisme, mais laissent possible une raisonnements implicites d’une force inéluctable la intelligence des réalités transcendantes exacte, bien soutiennent Sans tomber dans l'exagération luthé­ qu’inadéquate, juste, bien qu’exprimée non en con­ rienne de croire sa justification comme de foi, l’évi­ cepts propres, mais par des notions « analogues ». dence morale de sa bonne volonté ct de scs fruits — à Voir Analogie, t. i, col. 1146 sq. moins d’une épreuve très particulière — ne permet à 2. Primat du sentiment. — La raison découronnéc ct l’âme aucun doute fondé sur l’amitié que Dieu lui déclassée, on attribue scs fonctions au sentiment. porte : de sua singulari intentione, sollicitudine, cura, Cette thèse vaut donc exactement cc que vaut la ^pra, diligentia, studioque, quo incessanter ct ardenter précédente, La nature spéciale de la religion n’auto­ invigilat quemadmodum placeat Deo, aque hæc omnia rise en aucune manière ccttc interversion des rôles. in ipso indubitanter agnoscit, recordans promissionis On observe que · l’émotion interne |cst| le premier ejus, Matth., VII, 2... 5IC UUBITAT SE AMARI QUÆ ' nœud vital ct organique, le principe d’où il faut partir 4V. dérivée et secon­ critères extérieurs, lui permet de persévérer avec con­ daire, XV. James, L'expérience religieuse, 2® édit., fiance dans son effort. p. 420 sq., que la religion étant affaire intime ct indi­ r) Voie unitioe. — La voie unitivc, dans les condi­ viduelle, son critère doit être individuel ct Intérieur. tions ordinaires, présente les memes réactions affec­ Programma dei modernidi, p. 99. tives, m ds à un degré de pureté et d’intensité plus Psychologiquement, ccs assertions sont inexactes; parfait. H e»l aiM de les im igincr par analogie. Dans logiquement, elles sont injustifiables. le cas de vocation spéciale à la vie mystique, sc pla­ Évidemment, il y a du sentiment dans la religion, cent de5 phénomènes spécifiquement différents des s’il doit y avoir de l’amour, et il y a de l’amour, si pr cèdent» ct dont l’ciude déiailléc doit trouver place faire hommage de soi-même, cc n’est pas spéculer sur aux art. Cox tempi. \ γιον, Mystique, Présence (Sen­ un objet adorable, mais lui immoler sa volonté,De timent de). Surconscience, Révi lahons, Visions. ce chef, la psychologie conclura, distinguant amour t Condmion. — Nous aurions atteint le but que effectif ct amour affrclif, qu’être religieux cc n’est pas nous nous sommes proposé dans cette esquisse, si le sentir les choses religieuses, mais vouloir les actes de religion : le critère des œuvres, en dépit de Luther, lecteur voyait avec .usez de netteté la richesse de rentre en scène. Renseignement traditionnel sur le sujet présent, bien Si l’on objecte — et c’cst là surtout cc qu’on veut que la synthèse n’en fit pas encore été faite en vue dire de nos jours — que l’amour n’est pnv affaire de d un problème qui ne te posait pas dans ccs termes 1829 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE commande, que · le cœur même a des raisons que la raison ne comprend pas, » on fera remarquer, dès l'abord, cc paralogisme manifeste : « Il y a du senti­ ment dans la religion, donc... tout est sentiment, ou la première place revient au sentiment 1 » On deman­ dera ensuite ù entrer un peu plus ù fond dans la psy­ chologie de l'amour. Sans doute, puisque aimer est affaire personnelle, aucun amour n’est possible avant que le cœur de chacun n'ait été touché de motifs d’aimer, mais, ù moins d’assimiler l’homme à l’animal, nul ne peut nier que ccs raisons d’aimer n’arrivent au cœur par l'intermédiaire plus ou moins manifeste de l’intelli­ gence, que l’inlelligcnc ne doive régler l’amour, ct qu’il n’y ait des affections légitimes ct illégitimes justiciables d’une logique ct d’une morale, non indi­ viduelles, mais universelles. Tout de meme, point de piété pour chacun, avant quo chacun n'ait compris comme personnelle l’obligation d’aimer Dieu. L'étude psychologique (pie nous avons faite a pu expliquer comment il n'était point d’âme qui n'y soit portée par quelque attrait, col. 1815 sq. Cela prouve-t-il que le fondement du devoir religieux puisse être, sans plus, cet Instinct aveugle ou une appréciation sentimentale sans contrôle? Mais en étudiant cet instinct religieux, comment expliquera-t-on qu’il sc rencontre chez l'homme seul, alors que les autres séries animales, qui sc montrent aptes aux autres amours, ne révèlent point de traces de celui-ci, sinon parce que l’homme est seul en pos­ session de l’intelligence, par où filtre en lui, obscure mais inéluctable, quelque appréhension de l'infini. Λ l'origine du sentiment religieux sc trouve donc Vidée religieuse : c'est cette représentation mentale qui est punitive, η n l’expérience qu’elle éveille, el c’cst par cil qu'il faut régler les impulsions affectives. Moins que d'autres, \V. James eût dû nier cc primat de l’idée, apr s avoir établi que le jeu de la liberté humaine consiste moins â élire entre des actes opposés, qu'â choisir entre des idées « l’idéc-déciic » qui, main­ tenue par l’attention dans le champ de la conscience, y déclanchera comme automatiquement l’action. Principes d psychologie, trad. E. Baudin ct G. Ber­ lier, édit., Paris, 1910, p. 559 sq., 596 sq. La m ind­ uire ct la Christian science ne sont qu’une application thérapeutique de cette observation. Dans la mesure où elle est fondée, elle vaut pour établir que les croyances sont, non pas accessoires, mais principales, dans la religion, puisqu’elles commandent psycho­ logiquement attitudes d’âme, énergies d'action ct réactions émotionnelles. Primat tout pratique, objectera-t-on. C’en est assez, faut-il rép nuire, pour qu'on ne puisse traiter les notions dogmatiques comme secondaires ct libres, pour que la notification de vérité, par révélation intellectuelle ou par catéchèse, soit le moyen normal ct premier qui provoque cl développe la vie religieuse, pour peu que le préjugé agnostique soit démontré faux. Tel est le cas. 3. Immanence divine. — On tourne, ù quelques égards, la difficulté précédente en disant que Dieu est immédiatement senti, parce qu'immédiatement pré­ sent : c’est la thèse de l’immanence. Obscrvons-le : l’assertion est toute gratuite pour des agnostiques. Si l'intelligence ne peut connaître du transcendant, elle est inapte â déceler sa présence; ù plus forte raison le sens. Serait-il vrai — comme il l’est certes —que Dieu est en nous plus intime Λ nous que nous-mêmes, col. 1821,ou bien — comme on ne peut l'admettre —que Dieu peut être l’objet direct de per­ ception, ni la raison, ni le sens ne seraient capables de dire cc qu’ils perçoivent. La thèse présente n'est donc affirmée que par besoin inné — et intellectuel — de justification; ce 1830 n'est pas une donnée expérimentale, c'est un postulat séduisant vers lequel tendent tous ceux qui exagèrent la passivité humaine, col. 1833. 4. individualisme. — Il ne reste donc comme prin­ cipe fondamental, aux théoriciens de l’expérience, que la revendication pet /as et ne/asdu droit de s'en tenir à ce que l'on toit, soit, en raison de la connexion des deux termes, d ce que l'on veut : individualisme pur. En incriminant de ce chef tous scs contradict* urs, Luther n'affirmait pas d’autre régie dans sa conduite : son vidcncc personnelle faisait loi. In Gal., ni, 1 (1535), Werke, Weimar, t. XL, p. 323. Ses successeurs l'ont bien compris. Sur cc point encore le kantisme est venu fournir ά la Réforme sa justification critique. L’autonomie pré­ tendue de la raison humaine exclut comme non valable tout cc qui n’est pas élaborai ion individuelle de l’esprit. Poussé en rigueur,le principe irait â ruiner toute con­ naissance par voie d'autorité, fût-ce la simple crtdibilité du témoignage historique ou à rejeter comme non avenus les faits les plus avérés, dès qu'ils ne trou­ vent pas dans les conceptions précaires de notre science une place où se caser. Si la nécessité de comprendre chaque chose par son explication intime, j>our savoir de science vrai­ ment quiétantc ct parfaite, si le besoin de posséder au moins, pour comprendre, quelque expérience rudi­ mentaire par où l’inexpliqué, en quelque ordre de con­ naissance que cc soit, puisse devenir pensable, ne contère pas â l'individu le droit de nier ou de discuta tout ce qui le depasse, voir d’Alès, op. cit., art. Dogme col. 1136 sq., de quel droit l'expérience personnel^ pourrait-elle devenir la mesure individuelle de la foi? 2° Gravité des conséquences. — Veut-on maintenant juger la doctrine à ses fruits? Ils sont aisés ù prévoir, sous l'action de tels principes, agnosticisme, primat du sentiment, individualisme, avec les illusions qtw peut provoquer, et l’excuse obvie que fournira, la théorie pseudo-mystique de l’immanence, enfin avec l’influence du nombre. Inoffensifs peut-être, s’ils pou­ vaient rester enveloppés dans les formules d'école, que ne peuvent-ils jetés dans le grand publie, au milieu des crises religieuses les plus vives? Voici les faits. L Conséquences d'ordre pratique.— a) Émancipation progressive des normes extérieures. — Λ mesure que l’expérience interne gagne en crédit, tout cc qui est externe dans la religion, tombe en défaveur. C’eM logique : l’immédiation de rapports entre l’âme ct Dieu prime tout en dignité, comme en commodité; elle évince pratique extérieure, rites, sacrements, tout ce que la philosophie moderne nomme dédaigneu­ sement, comme des oripeaux dont s'affuble la pure essence de la religion, · l’institutionnel ». Conception superficielle, nous le dirons, col. 1816, mais illusion commune ù toutes les sectes qui ont majoré le rôle de l'élément affectif : luthéranisme, calvinisme, jansé­ nisme, molinosisme, qucsnelinnismc, modernisme. La doctrine est loin d'être dans toutes nu mime stade d’évolution, mais une revue sommaire de leurs thèses sur le culte extérieur, les sacrements, le sacerdoce, la hiérarchie, en révélant d’intéressantes analogies, montrera comment elles glissent sur hi nu me pente. L’aboutissement extrême de ccttc tendance est le mépris des censures ecclésiastiques, voire la thèse de « l’excommunication salutaire ». Très suggestif à cet égard le rapprochement entre Luther (voir, dès 1518, Sermo de virtute excommunicationis, Werke, Weimar, t. i, p. 638 sq. ; en 1520, Disputatio de excommunicatione, l. vu) .Molinos (prop. 65 sq., Den­ zinger, 1 Dédit., n. 1285 sq.jcf. N. Terzago, Theologia historico-mysttca adversus veteres d novos pseudo-mysticos, p. 160 sq.),Qucsncl (prop. 91 sq., Denzinger, T i II 1831 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE 1832 11e edit., n. 1411; cf. J. de la Fontaine, Constilulio la sensibilité d’en percevoir la possession? Cela mène, « Unigenitus · propugnata, Rome, 1721, t. m, p. 1220, dans le molinosisme, à donner la préférence à l'< motion sq.; t. îv, p. 1 sq.) cl le dernier venu, champion du i sur la volition, à la passivité sur l'activité consciente. modernisme, G. Tyrrell (dans la Grande revue, Or certaines émotions mystiques — l'histoire de bien Paris, 1907, p. 671 ;cf. de la Fontaine, op. al., t. ni, des sectes et de bien des chutes le dit — sont fort conci­ p. 1286 sq.; libre ton, L'encyclique d la théologie mo­ liables avec les pires commotions sensuelles, parce que derniste. p. 73 sq.). le sentimentalisme mystique agit puissamment sur les b) Débauches d'· cmotionalisme ». — Par ailleurs, si facultés sensibles et que la délectation des sens qui l’on enlève au sentiment le contrôle de la raison et de s'autorise de vues mystiques s'élève Λ un paroxysme l'autorité, les illusions et les pires excentricités sont d'excitation d’autant plus dangereux qu’il paruit à craindre : convulsionnaires jansénistes, quakers ct plus extraordinaire, donc plus divin, ou encore, autres en témoignent assez, et il est d’une apologé­ parce qu’il est logique à la volonté, dépossédée de ses tique trop facile d’en relever quelques exemples. Cf. droits et déshabituée de l'effort, de « laisser faire » le J. Buchmann, trad. J. Cohen, Symbolique populaire, mal, quand l'Esprit qui la dirige le < laisse faire > en Paris, 1845,1. 1, § 22, p. 196 sq. elle. De nos jours, bien que les assemblées dites de 2. Conséquences d9ordre spéculait/. — Plus graves réveil aboutissent généralement à un relèvement encore, parce qu'elles atteignent, dans le dogme, la au moins temporaire de la moralité, on ne peut s’em­ racine de la vie réfléchie, les conséquences que la doc­ pêcher de leur reprocher cc qu’un journal anglais trine de l'expérience religieuse a produites dans l'ordre nommait « une débauche d’émotionalismc. » Cf. H. spéculatif. Bois, Le réveil au pays de Galles, Toulouse, s. d. (1906), a) Volatilisation dogmatique. — « Prencz-y garde, p. 570 sq. Ils s’accompagnent de manifestations ner­ écrit A. Sabatier, introduire cc critère de l'évidence veuses attristantes, p. 572, et développent les cas de religieuse ct morale dans la théorie scolastique, c’est folie dans une proportion impressionnante, p. 575 sq. y déposer une cartouche explosive qui la fait aussitôt Il n'y a pas à s’en étonner. Supprimée la hiérarchie voler en éclats. Si l'évidence force l'esprit à sc rendre, nonn.de des facultés, les impulsions inférieures de­ là où elle se produit, elle le laisse libre ct même rebelle, viennent prédominantes; la passivité ct l’irrésisti­ où elle ne sc produit pas. Toute l’œuvre doctrinale que bilité deviennent les marques divines les plus obvies. l’orthodoxie représente est à réviser ct à refaire. » Qu’importe qu'elles soient les plus dangereuses ! Esquisse, Ί· édit., 1. I, c. n, §3, p. 49. « Le chrétien a, « Evan Roberts [le leader du dernier revival gallois] dans sa piété même, un principe de critique auquel ne veut pas que celui qui sc lève pour prier (en pu- ! aucun dogme, ct celui de l'autorité de l’Égiise ou de la blic) sache ce qu’il va dire; s’il le sait, ce n’est plus Bible moins que tout autre, ne sc j cuvent jamais de la prière, car la prière est l’effusion des aspirations soustraire. » Ibid., I. III, c. i, §5, p. 285 sq. Toute du cœur. » H. Bois, op. cil., p. 237. W. James dé­ addition affaiblirait ces témoignages. couvre de son côté à quels périls exposent scs thèses: « De Rome à Luther, puis à Calvin, écrit <’e son côté « Le croyant, dit-il, se sent en continuité... avec un W. James, du calvinisme à la religion de Wesley, du moi plus grand d’où découlent en lui des expériences méthodisme enfin jusqu'au « libéralisme > pur, qu’il de salut. Ceux qui éprouvent ccs expériences assez soit ou non du type de la mind-cure, dans toutes ces distinctes et assez fréquentes pour vivre à leur lu­ formes diverses et successives du christianisme... nous mière demeurent inébranlables aux critiques, de pouvons marquer les progrès incessants vers l’idée quelque côté qu’elles puissent surgir... fût-ce la voix d'un secours spirituel immédiat, dont l’individu de la logique de sens communi. Ils ont eu leur vision...» désemparé fait l'expérience, ct qui ne dépend ni d’un Λ pluralistic universe, Londres, 1909, p. 307. Cf. L'ex­ appareil doctrinal, ni de rites propitiatoires. » L'expé­ périence religieuse, 2· édiL, p. 423. C’est le mot de rience religieuse, 2® édit., p 179. Luther : qui in hac persuasione est, non audit; multo Le mécanisme de cette évolution est des plus sim­ minus aliis credit. Sic ego omnino nihil audio contra­ ples : le conflit des évidences produit une élimination rium mex doclrinæ; sum enim cerlus et persuasus per progressive des dogmes. Le premier stade est celui du spiritum Christi meam doctrinam de Christiana justitia libéralisme relatif : on y retient les articles jondamen· veram ac certam esse. In Gal., m, 1 (1535), Werkc, taux. Voici le genre: «Au reste, écrivait le pasteur du t. xl, p. 323. Moulin, quelqu'un doutant de l'authorité de l’eplstre c) Dévergondage moral. — Nous ne prendrons pas le de saint Jacques ne laisserait d’estre sauvé, Dieu par­ soin répugnant de fouiller la vie du réformateur, pour donnant à son infirmité pourveu qu’il crcust tous les voir $1 la loi morale même peut faire entendre une points necessaires à salut, lesquels il peut suffisam­ voix assez respectée aux déportements de la sensibi­ ment apprendre ès autres livres,» cité par J. Pannier, lité. 11 suflira de rappeler ses gémissements impuis­ Le témoignage du Saint-Esprit, p. 148. I.e dernier est sants contre le dévergondage de mœurs suscité par sa celui du libéralisme absolu : on n'y retient plus que doctrine ct l’écœurement des coryphées du parti. l’impression mystique. Voici le type. La foi est-elle Dœllmger s’est contenté d’en consigner dans scs livres conciliable avec l'absence de toute croyance en Jésus? le témoignage accablant, La Réforme, trad. E. Perrot, « S’il sc trouvait effectivement quelque part un homme 3 in-8®, Paris, 1848-1849. On pourra consulter de dont la cervelle fut assez déformée pour nier l'exis­ même les propositions scandaleuses censurées dans tence du Christ, et dont, en même temps, le cœur fût Molinos, la pire luxure s’en trouverait justifiée, prop. assez chaud pour se donner entièrement à Dieu, je ne 11-52, Dcnzingcr, Enchiridion, 11· édit., n. 1261 sq. crois pas, répond M. E. Méné (oz, que Dieu lui tiendrait Ces divers systèmes dérivent d’une dépréciation do rigueur de sa bizarrerie intellectuelle. » Publications diverses sur le fidéisme, Paris, 1900, p. 274. A son tour, h liberté humaine (dogme de la chute originelle ou illusion pseudo-mystique du « laisser-faire Dieu >). la croyance en Dieu est-elle oui ou non nécessairement Cela conduit logiquement à dissocier radicalement comprise dans la fol? « Même sur cc point, l'Évangile religiosité ct moralité, dans le luthérianlunc primitif. de Christ ne nous permet pas de ne pas admettre cer­ taines exceptions, » cité dans E. Doumcrguc, Les Cl. Stabler, Symbolique, 2· édit., t. i,| 25, p. 284 sq. L· cal inisme a consacré la rupture en enseignant étapes du fidéisme, p. 16, note. C’est clair, mais somme I mamissibilité du salut pour les élus,col. 1791. Si « la toute, Schlciermachcr pariait plus net : « Une religion plus petite étincelle de fol » su flit & la justification 1 sans Dieu peut être meilleure qu’une autre religion quelles aberrations de la volonté peuvent empêcher, ’ avec Dieu. » Rcdcn, n® cont., édit. Pûnjcr, p. 125. 1833 EXPERIENCE RELIGIEUSE l Entre les doux stades, voici simplement cc qui sc passe. Progressivement, par instinct plutôt que par analyse réfléchie, on découvre dans l'émotion reli­ gieuse, comme W. .lames dans la foi fiduciate de Luther, L'expérience religieuse, 2· édit., p. 208 sq., un double élément, l'un représentatif ou interprétatif, l'autre, d'ordre affectif, pure satisfaction de l'appétit mystique, toute proportionnée à son degré d’épura­ tion monde; W. James le traduit ainsi : « l'intuition immédiate que, tel que je suis, coupable, sans un moyen de défense, je suis sauvé aujourd'hui ct pour toujours, · p. 209, ct A. Sabatier, · le sentiment heu­ reux d'une délivrance, l'assurance intérieure du salut. > Esquisse, 7· édit., I. III, c. îv, p. 383. Cf. 1. II, c. n, p. 170. Par une réduction successive des croyan­ ces, on s'aperçoit que les deux éléments sont disso­ ciables ct que le sentiment mystique d'élargissement, de satisfaction, de « salut », peut naître en nous par de tout autres voies, cf. Lcuba, dans \V. James, op. cit., p. 209, bref < qu’une religion sans Dieu peut être meil­ leure qu'une religion avec un Dieu, b L'annonce de cette découverte effarouche; elle est suivie de régres­ sions timides; mais la logique des choses y ramène : nous y sommes. b) Panthéisme. — Cc ne peut être non plus le fait du hasard que les théoriciens modernes de l'expérience religieuse aboutissent tous à un panthéisme plus ou moins voilé. Le « finitisme > ou le « pluralisme > de W. James ne constitue qu'une exception apparente, due à une logique exceptionnelle, A pluralistic uni­ verse, p. 312; l’essentiel du panthéisme est sauve­ gardé : il y a continuité entre le fidèle ct Dieu. p. 307, 318. Voici l’explication plausible de cc fait. La cause en est à chercher, à la fols, dans le besoin intellectuel de justification, dans l’illusion des sens, dans la richesse mystique de l’hypothèse panthéiste. En effet, Dieu n'est connu dans le sentiment ctla sensation, immé­ diatement, que s’il nous est contigu en quelque sorte physiquement; sinon, cc n'est pas lui que nous perce­ vons,mais son action en nous. Tout naturellement le sentiment entraîne l’intelligence vers la thèse cosmo­ logique qui le favorise. C’est d'ailleurs une illusion fade ct fréquente d'identifier avec la perception immédiate de Dieu la sensation d’universelle dépen­ dance, de nécessité enveloppante, qui accompagne le jeu de notre activité : le déterminisme des causes secondes sc prend aisément pour la contrainte sentie de la volonté divine, et l’indéfini qui nous trouble, dans le vague ou dans le grandiose, pour l'ontraperçue de l’infini. La séduction — fatale si la critique rationnelle n’intervient — est d’autant plus grande que peu de thèses sont aussi propres à exciter l'émotion mystique : simplicité apparente de la solution moniste, ampli­ tude cl splendeur des images qui la traduisent, conso­ lation inappréciable de sc sentir pénétré par I*Absolu, mû par lui, identifié avec lui. c) Athéisme mystique. — Mais si l’homme sc recon­ naît dieu, n'est pas le nom qui convient; c'est « athéisme » qu’il faut dire, athéisme élégant ct, comme on voit, tout vibrant d’émotion mystique. Ceux meme qui n'arrivent pas Λ cette systémati­ sation de leurs conceptions aboutissent pourtant au même terme. < Quand il n'y aura plus d'autorité debout, écrivait E. Scherer, si cc n’est la conscience personnelle de chacun, quand l’homme... contemplera face ù face le Dieu auquel il aspire, ne se trouvera-t-il pas que ce Dieu n’est autre chose que l’homme lui-même, la conscience cl la raison de l’humanité personnifiées, ct la religion, sous prétexte de devenir plus religieuse, n’aura-t-cllc pas cessé d’exister? > Hevue des deux 183 i mondes, 15 mai 1861, t. xxxnr, p. 424. Que Ton relise i les comptes rendus des congrès libéraux, rf. E. Dournergue. Les étapes du fidéisme, p. 24 sq., on verra si cette heure n'est pas venue. Que peut bien signifier, après tolérance cl approbation des opinions les plus divergentes, cette « communion dans un même esprit ■ dont sc réjouissent les congressistes, p. 33, sinon la déification du sens propre, unique thèse qui reste commune? Avec plus de sincérité, le pragmatisme parle la même langue. Nous en avons déjà fourni quelques témoignages expressifs, col. 1803 sq. Que devient dans toutes ccs thèses la religion? Ce que la voulait Schleicnnacher, Reden,u* dise., éditPünjer, p. 71 : une divine musique qui accompagne et charme l’agir humain. Au lieu de l’athéisme antique,facilement rageur et morose, nous avons l'athéisme romantique ct mys­ tique. C'est toute la différence. 3° Insuffisance de droit. — On s’expliquera les con­ séquences précédentes, si l'on étudie l’expérience reli­ gieuse en elle-même. 1. Insuffisance en raison des solutions à fournir. — Après avoir déclaré la raison spéculative inapte à juger des choses religieuses· voici, en abrégé, les trois problèmes que l’on demande à l’expérience de résou­ dre : problème de l’Absolu, problème du mal. problèrr». de la révélation chrétienne. Si l’on borne l'expérience aux données strictement sensi blés, réduire cette préten­ tion à une formule claire, c’est la réfuter. — Mettons les choses au mieux: attribuons à l'expérience tout cc qui est donnée immédiate, donc les émotions spon­ tanées d’ordre spirituel et intellectuel comme les autres, ct même plus que les autres, en raison de leur richesse. La méthode demeure aussi vicieuse. Prononcer sur l’Absolu — qu'on le nie, ou qu'on l’objective en « plus grand >, comme dans le « plura­ lisme > ct le matérialisme, voire dans cet anthropo­ morphisme intellectualiste qui constitue Γidéalisme, ou qu’on le déclare transcendant — c’est dépasser I l’expérience, et dépasser l'expérience c’est engager une enquête qu’un seul mot a droit de clore : néces­ sité. Recevoir l’obligation morale comme catégorique ou absolue, avant cette justification, est aussi gratuit que de recevoir telle conception de l’univers sans la démontrer exigée. Or l'expérience qui donne de l’ac­ tuel, qui suggère du possible, est maple ù rien dire du nécessaire, une affirmation de ce genre supposant abstraction, généralisation, distinction de l'essentiel et do l’accidentel. Si donc le besoin d’une explica­ tion dernière, dans la catégorie du vrai ou dans celle du bien, est incoercible et, en ce sens, expérimental, seul un procédé rationnel peut le satisfaire. Plus frappante peut-être, plus propre à faire saillie le vice du critère proposé, mais identique au fond, l’impossibilité de solutionner par son moyen le pro­ blème du mal. Mal moral du péché, mal physique du désordre organique ou cosmique, mal métaphxsiquc de l’imperfection ct de la limite, il est psychologique­ ment à la base de toute vie religieuse, stimulant éner­ gique de la pensée cl du vouloir, scandale constant de la piété. Or la solution ne s’en peut trouver que dans une conception de l’ordre universel, disons plus, d’un ordre qui, pour être adéquatement expliqué, doit se présenter comme une expression médiate ou immé­ diate de la nécessité (ordination jiosltivc de l’Absolu. ou exigence métaphysique de l’Etre). Encore une fois, comment l'expérience peut-elle atteindre ù ces abs­ tractions? On notera de plus cette difficulté spéciale, que la valeur pratique de la solution véritable ne peut être goûtée d’expérience qu’au moment où l’ordre scia vraiment établi dans la vie du sujet. Demander à la 1 Γ» i:\PEIUENCE II ELIGI EUSE 1836 tion, la raison arrive à corriger dans une certaine ,ic affective d’en juger, c’est donc s’exposer à la voir prendre pour mal tout cc qui est gène ou souffrance ct mesure le relativisme inhérent à toute connaissance; s’exonérer progressivement de toute contrainte qui faculté du concret, l’expérience n'y peut atteindre : elle est rivée à chaque instant aux conditions physiques ct devait la former au bien, col. 1830. L’expérience du morales du sujet. Non seulement certaines délicatesses passé, à cet égard, est instructive. Avec la question de la révélation chrétienne, nous de vertu ou de piété sont inintelligibles au vulgaire, comme certaines délicatesses d’art, mais elles le bles­ touchons proprement le point vital d’une religion positive et surnaturelle : elle vaut cc que vaut l’his­ sent ct le révoltent La meme idée de pureté, la meme toire de scs origines. Suppose-t-on admise Vhistoricité notion d’indéfectible justice éveillent, en même temps, l'amour ct la haine en deux individus diffé­ des faits évangéliques, faute d’un critère absolu, que la rents. Ont-ils le droit de se régler sur leur expé­ raison seule peut fournir, il demeure impossible de prononcer sur leur caractère divin, bref sur leur valeur rience ct de découper à leur taille un Rubens, un formelle de révélation. Mais, comme cn nombre de Mozart ou un Jésus? Pour parer Λ cette conséquence, nombre de théolo­ cas l'appel Λ l’expérience a pour but de débouter la critique historique d’accusations troublantes, c’est giens déclarent normative non l’expérience indivi­ duelle, mais celle de la communauté, voire celle du l'historicité même des faits qu'on lui demande de Christ Expedient excellent, mais arbitraire ct contra­ garantir. Or, quel lien y a-t-il entre la satisfaction que procurent tels récits évangéliques ct leur authenti­ dictoire. De quel droit imposer cette règle? Si cette préférence est basée sur une critique intellectuelle, elle cité? Dira-t-on que leur divinité ou leur transcendance est cn opposition formelle avec les principes essentiels cn témoigne? Mais le jugement de divinité suppose un critère de V Absolu, donc extra-expérimental.Et cette de la doctrine; si elle est empirique, comment seraittranscendance de l’impression fût-elle avérée, prouve- elle obligatoire, d'autant que l'hétéronomic n'est pas t-elle, sans plus de raisonnements, que l'écrivain Λ qui moindre qui s’appuie sur l'expérience d’un autre, que l'hétéronomic fondée sur les spéculations d'autrui. on la doit rédigeait une histoire plutôt qu’un roman Elle sc présente avec des gages d'objectivité plus sus­ d'édification? En appeler, comme on l’a tenté, E Ménégoz, La certitude de foi et la certitude historique, Paris, pects; voilà touL 1906, à la persévérance actuelle de l’action du Christ, 3. Insuffisance cn raison des difficultés d'interpréta­ qui permet de le retrouver dans son œuvre, c'est pré­ tion. — On sortirait des difficultés précédentes à deux supposer ce qui est cn question : que le Christ est bien conditions : si chaque touche expérimentale avait un à l'origine de l’Évangile. minimum de signification fixe (soit qu'elle porte une 2. Insuffisance en raison du mode d*information. — idée, soit qu'elle ait avec tel concept une connexion En quoi consistent d’ailleurs ces phénomènes de certaine), ct si l'expérience possédait un critère qui l'expérience religieuse, â qui l’on demande des solu­ permît de le déceler. Il n'en est rien. tions si ardues? En dehors de l'hypothèse de cas propre­ Au milieu du conflit prolongé des dogmatiques ment miraculeux, où Γ Ab so lu entrerait cn scène par fondées sur l'expérience interne ou < le témoignage un procédé qui échappe ù l’ordre habituel, nulle note de l'Esprit », force est bien de le reconnaître : « Le fait spécifique ne les distingue des réactions affectives ordi­ est que le sentiment mystique d’expansion, d'union et naires. Expériences morales, expériences esthétiques, d’émancipation n'a pas de contenu intellectuel spé­ expériences religieuses sc compénètrcnt. Avant que cifique qui lui soit propre. Il est susceptible de former soit prouvée l’objectivité de leur cause idéale, elles ne des alliances matrimoniales avec le matériel found par se différencient que par les variations d’attitude du les philosophies ct les théologies les plus diverses, ù sujet, et la question sc pose de savoir si ces variations seule condition qu'elles puissent trouver dans leur ne sont pas leur raison suffisante, tout comme une cadre quelque place pour la modalité émotionnelle posture physique bien ou mal équilibrée engendre le qui lui est propre. » The varieties o/ religious experience, bien-être ou la souffrance. Qu'en peut dire l’expé­ I p. 425; trad, franç., 2e édit., p. 3G0. Cc droit — que rience pure? théoriquement l'on n'a pas — de lier le sentiment ù L'attitude dite religieuse, dans les conditions com­ une théorie plus qu’à une autre, cn pratique on le munes, peut revendiquer pour elle des consolations ou prend ct l'on fait un choix facile à prévoir. On tra­ des désolationsintérieurcs qui semblent un abandon ou duit l'expérience avec les mots que l’on a —soit l’idée une rédemption, une récompense ou un châtiment, des même qui l'a provoqué —ct les mots que l'on aime — regiins d’énergie qui paraissent un secours provi­ qui de fait sc présentent les premiers ct bénéficient dentiel, des connexions d’événements qu’on peut d’une justification (affective) privilégiée. Instincti­ prendre pour une réponse à la prière. Supposée prou­ vement ct, dans la mesure où l’impression est vive et vée la valeur objective de ces interprétations — ce sa traduction spéculative unique ou Isolée dans que l’expérience à elle seule est incapable défaire — l'esprit, irrésistiblement, tout sentiment de bien-être qu’d est difficile d’exprimer avec si peu de signes des est pris pour une confirmation des conditions qui l’ont réponses claires aux problèmes complexes que nous déterminé. En faut-il plus, pour expliquer la pétition avons énumérés I de principe qui sc cache sous cette méthode prétendue Dieu d’ailleurs n’est pas seul à s’en servir. La pru­ cxpèrimcntalc, et la sincérité avec laquelle, au pre­ dence suffit à avertir ct l'histoire ù faire voir que ces mier moment, on tient pour solide et libératrice cette solution fldéistc du problème religieux? interventions divines sc résolvent fréquemment cn un jeu de causes beaucoup plus humbles : conjonctures D’une part, cn effet, on considère comme un élé­ imprévues mais normales, autosuggestion, influence ment donné, ct une preuve expérimentale de la fol, ce régulière d’idées philosophiques ou mystiques plus qui n'a d’explication possible qu’après la foi, ct ce qui consolantes, moins erronées sans être vraies (spiri­ n'a de fait un sens, pour le sujet qui l’éprouve, qu’en vertu h perception Immédiate de l'Etrc divin celle dc son Relatio , uv, t. n, p. 296. action en nous. Cf. Confess., I. X, c. xxv, n. 36; c. XL, Ainsi, sans révélation d'idées nouvelles, sous n. 65, t. xxxii, col. 795, 807, ct passim. l’étreinte dc Dieu, qui lui fait saisir, non plus par 2. Influence sur Γintelligence des dogmes. — En déduction, mais par cette appropriation ct ccttc apportant de Dieu l’image la plus haute, la charité union qu’est l'amour, les réalités de la foi, l’âme com­ n'éclaire pas moins sur scs pensées ct scs actes, non prend, dans l’excès même dc sa jouissance, la trans­ seulement parce que la sympathie est la condition cendance du Dieu qui l’inonde, incapable, en cct ins­ indispensable dc toute intellection pénétrante, quia tant, dc voir autre chose que l’incommcnsurabilitédc si voluntatem hominis nosse quisquam vellet, cujus son état à l’égard de toutes les idées ct impressions amicus non esset, omnes ejus impudentiam ac stultitiam communes,mais trouvant dans cette impression même, deriderent, S. Augustin, De Genesi conl, manich., I. I, avec le stimulant d’amour le plus énergique, une révé­ c. n, n. 4, t. xxxiv, coi. 175, mais parce que la charité lation si vive, qu'elle semble, comparée ù nos modes divine est Io principe de toutes choses dans l’économie de représentation, une intuition. Cf. de Séguicr, dans du salut. Dc ce point d’observation, l'âme aimante les Études, 1908, t. cxvn, p. 261. perçoit donc le sens des dogmes cl leur harmonie non A des degrés moindres, le don dc sagesse produit d’une vue extérieure, mais dans leur raison intime, scs effets, non dans les âmes * partagées > qui s’ap­ disons plus, dans des motifs qu'cite sent, parce qu'ils pliquent à «servir deux maîtres à la fois» — u américain (Pierce,Schiller, Dewey, James), a appuyé ccttc thèse sur des considérations d’un autre ordre, d’un mot sur une « science de la pratique ». Observant que la pensée dialectique, abstraite et fragmentaire, n'épuise pas le réel, tandis que l’action, concrète ct globale, met en contact direct avec la réa­ lité naturelle et surnaturelle, ct puise en elle des infor­ mations originales sans cesse renouvelées, insistant d’ailleurs, de manière excessive, au détriment dc Voir Gerson, De mystica theologia speculativa, part- VI, l’élément intellectuel, sur ce qui dans la foi est con­ Consid. XXX. Opera, Anvers, 1706, l m, coi 385 sq.; Honoré fiance, don du cœur, sympathie d’être à être. ci. Voca­ do Sainte-Marie, Tradition des Pères ei des auteurs ceclésias· tiques sur la contemplation, 2 in-8·, Paris, 1708, part. 111. bulaire publié par la Société française de philosophie, diss IX, n. 3. t. n, p 594 sq.; do la Heguem, Praxis theoL Paris, août 1906» art Foi, p. 314, ne croyant pas quelle muslicrr,2ln-to\., Home, 1745,1. VI,q ni. §9, t. n, p 180 sq. pût être rigoureusement démontrée, sans perdre son lit. L’EXPÉRIMENTATION RSLiGlBVSB. — Les con- I caractère d’acte surnaturel ct libre. L'action, p. 400, statations que nous venons dc faire,col. 1837, réveil­ 403. 492; Annules de philosophie chrétienne, t. cxxxi, p. 311 sq., 470, 614 sq. : t. cxxxn, p. 340, M. Blondel n lent une difficulté déjà résolue en principe,col. 1828 sq.: dans quelle mesure l’expérimentation est-elle pos­ voulu prouver que la pratique seule pourrait empor­ ter une pleine conviction. 11 conclut donc : · On ne sible. en matière religieuse? 1° Théories diverses dc l’expérimentation. — 1. La peut Ravoir cc qui en est que par une expérimentation prédication protestante, très logiquement, sc réduit à effective... Qui n compris la nécessité, qui a senti le besoin de la foi, doit, sans l’avoir, agir comme s’il n’être qu’un « témoignage ■ des expériences soit des 1843 EX PEIU ENCE R ELIG i E US E 1844 Γ-irait déjà, pour qu'elle jaillisse en sa conscience des de l’Église, on ferait l’expérience de scs sacrements A profondeurs de cette action héroïque qui soumet tout rebours du sens où elle les prescrit. Elle ne demande l'homme à la générosité de son élan. Car cc n’est point pas cette « foi du sens ·, chaleur sentimentale qui de la pensée quelle passe au cœur; c’est de la pra­ J dépend du tempérament ct des influences physiolo­ tique qu’elle tire une lumière divine pour l’esprit. > giques, mais, avec la pureté du cœur, la conviction L'action, p. 402, 403. La pratique intégrale de « la préalable de l’esprit. lettre · f ill sentir lu valeur de « l’esprit », ct « s’il est 2. Au surplus, la méthode apparaît psychologique­ permis (alors) d’ajouter un mot, un seul, qui dépasse ment inapte à produire cc qu’on lui demande. le domaine de la science humaine ct la compétence de Comment, si l’on aborde des relations d’amitié, à la philosophie... il faut le dire : C’esf, » p. 492. Cf. titre d’expérience, connaître jamais leurs charmes Introduction, p. xn sq. propres. On n’aime qu’à la condition de se donner, ct Cc serait injustice, à coup sûr, de déprécier cc qu’il tout amour sincère suppose, sinon dans l’effet, du y a de plus complexe et — par là même peut-être — moins dans la disposition du cœur, le don absolu ct de plus profond dans celte théorie de la connaissance, éternel de soi. Ici l'expérimentateur se prête à un injustice plus grave d’oublier ct les intentions de essai I Dira-t-on de ces viveurs qui papillonnent de l’auteur cl ses déclarations postérieures dans le sens maltresse en maîtresse qu’ils comprennent par le fait, de l’orthodoxie, mais il ne dépend pas de nous d’omet­ qu’ils soupçonnent même, les émotions spécifiques du tre ou de mentionner celle opinion. Les excès auxquels mariage chrétien? « Paire l’amour » ct « aimer » sont elle prêle ct l’abus qu’on en a fait y obligent. deux choses. Ainsi des pratiquants « convaincus » ct des pratiquants « à l’essai », avec cette différence, assu­ Voir les déclaration' de M. Blondel A rencontre du rément très grave, que Dieu ne refusera jamais la ftdéisme, L'ac/fan, p. x sq., 440; ft l’encontre du pragma­ lumière àla pleine sincérité. La religion est une amitié, tisme, licuuc du cltrQt français, 1902, t xxîx, p. 052; 1907, t. L, p. 546, spécialement Vocabulaire cité, art. Action, juil­ col. 1814. Où l'attitude d'âme est différente, la réaction let 1902. p. 182, 190 sq. Résumé précis do celte méthode affeclioe cl intellectuelle ne t'est pas moins. « par suggestion plus que par démonstration,,, amenant l’in­ Du seul point de vue psychologique, la pratique crédule Λ (miter l'action intérieure de celui (pii croit... ■ intégrale est-elle même possible, ct si elle l’est, estJ. Segond, Annale* de philosophie chrétienne, avril 1907, cllc efficace? P 0» 7. L’expérimentation consciencieuse suppose évidem­ 3. Le modernisme, dans un esprit nettement agnos­ ment la fidélité entière aux prescriptions religieuses. tique ct fidélité, semble s’être approprié la thèse pré­ Mais cette intégrité de l’essai, qui l’impose? — La cédente. L’encyclique Pascendi le condamne avec nécessité de tout faire pour tout voir! — Mais cette uuc juste sévérité. Dcnzinger-Bannwart, Enchiridion, nécessité spéculative ne devient pour moi obligation n. 2081 sq. pratique que si, entre les quelques centaines de sectes Sans reprendre dans le détail chacune de ces théo­ qui se réclament du Christ, la forme religieuse dont ries, sans les confondre surtout, on peut faire à l'idée il s’agit sc présente au moins à moi comme la plus sûre générale d’expérimentation trois griefs principaux. pour réaliser une fin absolue. Qui l’a reconnue pour 2° Illicéité, inaptitude, inefficacité de Γexpérimenta­ telle est bien près — est en droit même — de la tenir tion. — 1. Immorale, en effet, l’expérimentation qui pour certaine. Qui n’en est pas là est dans l’obligation dépasse certaines limites. de prolonger son enquête, non de tenter une expérience Rien de plus raisonnable que d’essayer toutes les à plus d’un titre illégitime. Ne sc sentant lié d’aucune voies autorisées par la raison et la prudence, de tenter, manière, chacun poussera l’expérience jusqu’au point par exemple.h pratique de la vertu, voire de l’ascèse, où il l’estime opportun : c’est un fait. Il suffit de con­ pour éprouver cc qu’elle peut produire. Cost un droit stater la versatilité des conversions entre les sectes pour chacun; pour l’apôtre, c’est bonne stratégie d’y protestantes pour en juger. inciter : bien faire prépare à bien voir. Mais comme il Supposée intégrale, la pratique, à défaut de convic­ est Inadmissible que l’on goûte au vice, sous prétexte tion intellectuelle, produirait-elle le résultat attendu? de le juger d’expérience, parce que le bon sens avertit Sans doute, l’action modèle el façonne l'âme, col. 1818, as*ez de sa malice, il est aussi criminel de poser, d mais à condition que, dans l’action, l’Amc agisse vrai­ titre d'essai, des actes qu’une religion présente comme ment (sinon la vertu, étant développement immanent, sacrés ct réservés : on ne traite pas des relit ions ne peut se développer en elle); à condition, par con­ morales comme des réactions de laboratoire ct c’est séquent, que son agir soit devenu comme spontané, par faire injure à quelqu’un de prendre avec lui, à titre un consentement libre, un effort vital.qui porte non d'apértcnce, des privautés qu’il entend n’accorder sur le matériel, mais sur le formel de l’acte prescrit. La qu’aux intimes. chasteté transforme le cœur. — Oui, quand elle n’est • Quel scrupule l’arrêterait? écrit M. Blondel. La pas oure privation du vice, abstention subie, mais re­ crainte de profaner ce à quoi il ne croit pas? Mais i noncement voulu, progressivement aimé. Or un amour puisqu’il n’y croit pas avant d’agir, il ne saurait sc de cc genre peut-il provenir, d’ailleurs, que d’une conreprocher un acte naturel du moment où il en avoue i viction du devoir d’abord purement logique ct plato­ h convenance naturelle. » L'action, p. 403. nique, devenant par épuration physique, progressive, On hésite à penser que l’auteur ait songé à conseiller col. 1820, progressivement « sympathique » ct propor­ tionnellement sentie! — On objectera que la seule jusqu’à l’essai sincère des sacrements, fût-ce en abstention matérielle a déjà sa vertu purifiante. — Il « astreignant à toutes les prescriptions de l’Église : confession préalable ct le reste. Et pourtant cer- j est vrai; mais une distinction est nécessaire. Si les tains mots — comme profaner — le suggèrent ct la vertus mor des, fondées .sur des convenances natu­ logique du système parait l'exiger. La · pratique litté­ relles plus intimes, souvent essentielles, ont une rale », · Intégrale », ce n’est pas, cc ne saurait être seu­ Influence automatique certaine, en est-il de même des formes positives du culte, toujours contingentes à lement de se mettre à genoux ct de prendre de l’eau bénite pour « s'abêtir », au sens de Pascal. On laisse­ quelque titre, parfois même dangereuses, à moins rait en dehors de l’expérience cc qu’il y a de plus qu’une Intelligence profonde de « l'esprit » ne vivifie • la lettre »? A défaut de « l’esprit », que produira « la intime ct de plus révélateur dans la religion. lettre »? Ne sera-ce pas souvent l'étonnement, la Mais cela même est inabordable aux profanes. La lassitude, peut-être le scandale du · formalisme »? premier».· condition d’une expérience valide, c’est Et combien durera l’épreuve? d'être faite normalement. Or. à violer ainsi les réserves 1815 EXPERIENCE R ELIGIEUSE 1846 En possession d'unc conviction arrêtée, la volonté posée au plus intime de mon être, quelle métaphysique trouvera la force de maintenir la pratique, jusqu'aux ne se dissimule pas sous ccs affirmations I El pour­ révélations qui normalement, col. 1849sq.,doivent la tant, si l'expérience prouve.il faut bien qu’elle prouve récompenser; mais qu’advicndra-t-il, quand l'auto­ pour quelque motif de cc genre. N'ai-jc pas le droit de rité qui devrait ainsi l’imposer (c'est-à-dire la légi­ les dégager ct le devoir de dénoncer l'équivoque? La timité objective de cc culte) est précisément cc qui raison, non l’expérience, est au fond le critère de la est mis en question? 'fout dépendra donc de la con­ vérité. stance d’un chacun, ct d'un verdict final forcément Si l’excellence de ccs réactions Intellectuelles ou relatif à son développement religieux actuel, fondé émotives, comme le veut le pragmatisme, me garantit qu’il est sur des opinions que l’hypothèse suppose en leur vérité, que signifie ce jugement de valeur (objec­ lui irrésolues ct flottantes. Nous touchons au plus tive — si l’on veut qu’il exprime autre chose qu'une délicat du problème. cote individuelle), sans norme objective. Utilité et 3. Critiquemcnt. le cas est beaucoup plus complexe valeur sont termes relatifs, Inintelligibles par consé­ qu'on ne le représente. quent. avant qu'on ait établi l’existence cl la nature Le choix de la forme religieuse à expérimenter de h fin auxquels ils sc rapportent. Leur donner un exige quelques motifs valables. On ne peut éprouver sens absolu implique donc encore une métaphysique tour à tour ccs centaines de sectes qui prétendent ré­ de l'Absolu· pondre à l'appel intime de la nature. On éliminera Enfin supposé, en dépit de toutes ccs difficultés, donc, par un procédé plus ou moins critique, un bon que la méthode expérimentale aboutisse à un juge­ nombre d’entre elles que, d’instinct (c’est-à-dire en ment légitime de vérité, elle n'atteindrait pas encore vertu d’inéluctables motifs implicitemenl perçus), on son but. Le terme de l’apologéti ue, dans une religion positive, cc n'est pas précisément (et s’il est question sent impropres au but poursuivi. Qui décidera entre les de mystères stricts, ce ne peut être) la vérité intrin­ autres? — L'histoire. —Toutes sc réclament d'elle, ct sèque des dogmes proposés. La foi n'est ni pur don du plusieurs ne se différencient que par quelques aspects de leur synthèse doctrinale. Voici le débat transporté cœur, comme h charité, ni pure confiance, comme l’espérance, ni réception d’un corps de doctrines obs­ sur ce terrain. Qui le tranchera? Est-il même soluble cures, comme la croyance. Quelque large part que autrement que pamn magistère infaillible qui puisse, jouent « les raisons du cœur » dans sa complexité qui doive, quitte à justifier ses litres, dirimor ccs psychologique, elle tire sa note spécifique, donc essen­ incertitudes par voie d’autorité. Prononcer que ccs tielle, du fait qu'elle est un assentiment intellectuel questions spéculatives sont accessoires, c'est oublier basé sur Γ autorité d'un témoin. Or, l'expérience, efficace qu'il suffit d'une idée maîtresse pour changer, avec à quelque degré, s'il s’agissait de développer seule­ l’attitude d'âme, tout le sens de l’expérience, ct qu'il ment un certain goût des choses religieuses, une cer­ suffit d’une seule erreur de principe, pour altérer taine sympathie soit envers Dieu, soit envers son l’économie religieuse la plus parfaite. Exiger que médiateur, ne peut renseigner sur l'origine des vérités l’autorité produise scs titres, c'est, par contre, requé­ de foi. Arrivât-on par elle à les reconnaître comme in­ rir une critique intellectuelle préalable. finiment sages, ct en cc sens comme divines, on ne les En fait, deux solutions sont de mise. Les uns reçoi­ posséderait pas encore comme il les faut professer, vent la religion qu’ils veulent expérimenter comme comme révélées. Tout ensemble on manquerait à donner une synthèse intangible. C'est le cas de la Réforme à à Dieu l’hommage de l’obéissance intellectuelle auquel ses débuts, cl celui de tant de protestants qui, rejetant il a droit, et à trouver dans une norme reçue d’auto­ le contrôle de la raison, tiennent cependant pour rité les secours essentiels dont les réflexions précé­ authentique l'apport traditionnel de leur confession. dentes font pressentir la nécessité ct dont nous allons Procédé séduisant ct illogique. Si la valeur de cet bientôt étudier l’économie. ensemble était rationnellement établie, l’expérience Le lecteur le voit donc, d'une part, si l’expérience personnelle pourrait être, par passage de la connais­ ne peut ni moralcmei t, ni psychologiquement, ni cri· sance catéchétiquc à la connaissance pratique, coL 1838, tiquement, mener d elle seule l’enquête, il est indis­ une conquête continue des facultés affectives et sen­ pensable, si extrinsèque ct si pesante que puisse sibles sur cette obscurité que leur laissent les preuves paraître une nécessité ainsi dénoncée, qu'au début de dialectiques les plus concluantes. Dans le cas contraire, toute vie religieuse la raison vienne enjoindre le le plus qu'on puisse conclure de cette satisfaction devoir; d'autre part, le contact prolongé avec les réarelative, c'est qu’il sc trouve certainement dans cc bloc traditionnel quelques éléments recevables. Affir­ 1 lités surnaturelles, la vie de foi, ajoute aux vues de fol une telle transformation intérieure,grâce à la pra­ mer. sans plus, la valeur de tous est un paralogisme tique soumise, une telle lumière, grâce à celte révé­ manifeste. D'autres, sans reconnaître aucune auto­ lation pratique, col. 1837 sq., une telle plénitude d'apai­ rité à la synthèse qui leur est présentée, n’y voient sement, grâce à la satisfaction respective des facultés qu’une matière à expérience. Dès lors, c’est dépasser aussi bien intellectuelles que sensibles, que les x cri tés encore les conclusions légitimes que de rien recevoir ct préceptes, subis d'abord comme une contrainte, qui n'ait été jugé valable, à l'user : l'épreuve d'une sont agréés à la fin comme par une pente de nature. partie ne permet pas de sc prononcer sur les parties On n'aurait donc rien à reprendre aux thèses formulées hétérogènes. Il faut donc choisir : ou le découpage plus haut.col. 1811 sq., si l’on expliquait qu’elles pré­ dogmatique ct moral, à la mesure des expériences ct du supposent la conviction dialectique ct proposent uni­ sens propre, chacun rapetissant le Christ à sa taille, quement le moyen d'arriver à la certitude pratique. au lieu de sc hausser à sa plénitude, Eph., iv, 13, Si la foi est incompatible avec c doute sur le fait ou l’illogisme, si l'on admet quoi que cc soit sans cc de la révélation. Dcnzinger-Bannwart, Enc/Jridion, contrôle. n. 1171 (1038), 1625 (1491) sq., ct h pratique illicite Ou plutôt, il faut être plus sévère encore. sans la fol, impossible de faire de l’expérience la De quel droit tenir pour valable cette impression condition de la foi, mais on peut, par contre, on doit, dernière qui porte à poser l'affirmative : · c'est vrai »? promettre au catéchumène celte lumière expérimen­ Si je risque comme Justification, soit cette naturelle tale comme une infaillible récompense d'une foi géné­ proportion entre la faculté ct son objet propre, qui reuse et agissante; car (est-il besoin de le répéter? est h raison ontologique du plaisir, soit le rapport col. 1826) une piété intermittente ct qui sc mar­ nécessaire entre la vie normale et la vie heureuse, soit chande à Dieu, ne répondant pas pleinement à la la conformité de la réponse religieuse avec la question 1847 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE 1848 notion comment s’expliquent le malaise initial de toute vlcdc foi, sa certitude,croissant avec les expériences faites, et les recrudescences du doute, quand le formalisme ou la négligence ont coupé les relations expérimen­ tales entre l’âme ct Dieu: les valeurs transcendantes ne deviennent plus que des mots sans goût. Si la vo­ lonté, à pareille heure, se règle sur la voix plus forte des appétits inférieurs, · nous verrons... une aussi grande variété dans la doctrine que nous en voyons dans les mœurs, ct autant dc sortes de foi, qu'il y a d’inclinations différentes. » Bossuet, Sermon sur la divinité dc J.-C., édit. Lebarq, t. iv, p. 581 sq.; L v, p. 597 sq. 2° Dans la vie collective. — 1. Stabilité des masses. — Si l’on tient compte de ce fait que l'intellectualisme ni l'héroïsme ne sont le propre du grand nombre, on comprendra le rôle plus considérable du sentiment dans le commun des fidèles. Les ascètes catholiques observent que les consolations octroyées aux débu­ tants sont souvent plus vives, du moins quant à la commotion sensible, que celles départies à de plus avancés : Dieu, par un moyen approprié, veut les détacher de jouissances plus grossières. Le meme phé­ nomène peut s’observer dans tout le cours de leur vie : les motions sont plus fortes ct moins subtiles. Telles quelles, elles confirment toutefois leur certitude expé­ rimentale dc la réalité et de l'excellence des choses dc a foi : tant que la pratique religieuse subsiste, la sophistique ne peut guère ébranler leur croyance, et l’énergie des expériences passées, travaillant le sou­ venir des renégats, n'est pas d’une médiocre puis­ sance pour les ramener au devoir. 2. Vivification par l'élite. — Aussi bien les expé­ riences des privilégiés ont-elles une influence sociale nécessaire ct sans doute voulue. En provoquant les dévouements héroïques, elles empêchent le niveau commun dc descendre â un étiage dc moralité ou de piété par trop bas : séduction de l'exemple, convic­ tion entraînante dc prédicateurs qui ont vu l’invisible, énergie d’apostolat, elles maintiennent par là au « sel dc la terre », Matth., v, 13, son indispensable saveur. Par elles encore l’élément chaleur s’entretient dims l’enseignement commun : les théoriciens lui confèrent l’ordonnance dialectique ct la codification; les « grands chrétiens » ct les mystiques contribuent à en maintenir l’aspect concret, à en assurer l’intelligence profonde ct la proposition aimante, qui seules séduisent. Bref, ces âmes d’élite sont, dans le corps dc l’Église, le lieu dc communications intimes ct ininterrompues avec le monde spirituel, l’organe par lequel tout le corps se sent en relation tangible avec le Christ et Dieu. Il est temps de voir si leur incorporation à l’Église, si favorable à ccl’c-cl. ne sc fait pas au détriment dc leur expansion personnelle. C'est toute la question des rapports dc l’expérience interne avec les normes exté­ rieures. π. lurrom avec les .von vas exiühieihes. — Normes extérieures, la foi règle dc pensée ct la loi règle d’action. Toutes deux, selon le concept catho­ lique d’une foi qui n’est ni amour exclusivement, ni pure opinion, mais adhésion aimante au témoignage du Christ, et d'une loi imposée avec la révélation chré­ tienne, heurtent dc front les prétentions modernes à l’autonomie absolue dc la volonté ct dc l’esprit. Pour les évincer toutes deux, le protestantisme s’est appli­ qué à les représenter comme une superfétation para­ sitaire du christianisme primitif : il a opposé nu pur Évangile l’hellénisme ou l’intellectualisme du dogme, le formalisme dc la discipline ct du rituel. Le prag- RELIGIEUSE 1850 matismc, ici encore, est allé aux conclurions dernières, en distinguant l'élément « individuel », essentiel à la religion, ct l'élément « institutionnel », qu’elle s'agrège ct qui l’encombre. Cf AV. James, L'expérience religieuse, 2· édit., p. 288 sq.; H. HôfTding, Philosophes contem­ porains, 2· édit., p. 193 sq. Même si les formules dogmatiques et les préceptes pratiques avaient une origine humaine,il serait aisé de montrer le lien qui les unit à la religion, non comme des « surcroyanccs » ou des « surcharges » ad libitum, mais comme h règle indispensable ct le stimulant le plus précieux dc h vie intérieure. En réalité, ayant une origine divine, au moins dans leur substance, leur valeur est tout autre. 1° Exagération de leur hétéronomie, — Notons-le d'abord : c'est témoigner d’une vue fort superficielle que de les considérer comme pleinement extérieures à l’homme. Puisqu’il ne peut y avoir qu’un seul type d’être (parce que celui qui seul se suffit à être est seul la raison suffisante de tout autre), une hétéronomie absolue est inconcevable. I^a loi morale n’est pas plus extérieure à Dieu qu’à nous : h dire fondée en dernier ressort sur la perfection absolue dc son être ou sur l’ordre objectif des essences, ou sur la convenance des actes avec la nature raisonnable, c’est au fond affirmer une seule etmême chose, puisque entre sa nature ct la nôtre il y a analogie inévitable. Voir Analogie, t. i, col. 1116 sq. SI donc celui qui lit en nous mieux que nous veut nous dire ce que notre nature exige, comme une nécessité, ou appelle, comme un secours opportun, la promulgation de la loi sera extérieure; son fonde­ ment nous est intérieur,immanent, tout comme à lui. Il en va de même de la foi. Laissons les dogmes his­ toriques : ils ne sont pas plus oppresseurs dc notre autonomie, que l’histoire de tant de siècles, imposée à notre savoir sans que nous l’ayons faite. Les dogmes qui portent sur la nature de Dieu ont une amorce dans notre nature, donc une traduction possible, si imparfaite qu'elle soit, dans les concepts ct les mots qui traduisent la nôtre. Placés dans un même prolon­ gement de pensée, s’ils sont trop loin pour que nous puissions soit les découvrir, soit même les comprendre, quand ils nous sont annoncés, la révélation qui nous les fait entrevoir ne vient pas entraver la vie dc notre esprit, mais soutenir sa perspicacité qui défaut ct l’aider à sc dépasser. Dans les deux cas, mandata ou dogmata, clic apprend à la nature à sc trouver elle-même, en sc contraignant, et à se parfaire avec un ineffable surcroît, en sc pliant aux dispositions spéciales de l’ordre surnaturel. Dès lors, on saisit par quels rapports sont unies l’expérience interne, la loi et la foi. 2° Autopédagogie par ta loi. — En parlant d'auto­ pédagogie par la loi, nous n’entendons pas établir, par une subtilité puérile, qu’on ne se soumet pas en se soumettant, mais rappeler seulement qu’on ne réalise vraiment l'idée ct l’efficacité de la loi, qu'en se l'appli­ quant de toute sa libre volonté. Puisqu’elle est, en effet, l’expression adéquate du mode d’activité qui doit être le nôtre, soit qu’elle prescrive des actes indis­ pensables, soit qu’elle détermine ceux qu’un lien d’utilité ou dc convenance rapproche des précédents, tant que nous la subissons sans l’accepter, sans iden­ tifier, autant qu’il dépend dc nous, notre pensée avec celle du législateur souverain, nous ne vivons pas pro­ prement la vie normale ct nous manquons les expé­ riences révélatrices qui l’accompagnent. Que sera-ce. si nous ajoutons à ces considérations l’action assimilante dc la grâce ct cette providence débonnaire qui dès ce monde — comme en témoigne l'expérience des saints — rémunère au centuple le sacrifice de l'obéissance? t Loin donc de tailler dans le vif dc la loi, sous Iv •- Ù851 EXPERIENCE RELIGIEUSE prétexte fou de sauvegarder notre autonomie, il faut faire nôtre, jusqu'au dernier iota, cette pédagogie divine, dont l’imposition extérieure apparaît néces­ saire dans la mesure m3mc où elle heurte encore cn nous quelque appétit qui lui répugne. C'est là cc que M. Blondel a mis admirablement cn lumière. L'action, paru V, c. τι, p. 405 sq. 3e Autopédagogie par la foi. — Illusion aussi regret­ table de ranger les croyances dans l'institutionnel» donc dans l'accessoire. Les grandes idées — le prag­ matisme ct scs succédanés, lu mind-curc et la Christian science le prouvent bon gré mal gré — sont les grands ressorts de de la vie. Les jouissances religieuses les plus hautes sc trouvent donc forcément où sc con­ centrent les conceptions les plus épurées, celles qui donnent le nom le plus exact, cn fait le plus relevé, à ccs émotions qui d'cllcs-mêmcs sont anonymes, faute d'un contenu intellectuel précis. C'est dire qu'elles sc rencontrent dans l'effort spontané, aimé, pour entrer dans la pensée de Dieu que le dogme révèle, non dans cc dualisme meurtrier d’un esprit qui se débat contre la foi, ou dans cc caprice fou de donner un nom de son choix à des émotions qui sc laissent cn droit accoler toutes les étiquettes. Si la foi oriente ainsi toute notre activité, il peut pa­ raître inutile d'observer que ccs consolations supé­ rieures sc distinguent profondément des commotions sensibles où sc complaisent la presque totalité des sujets étudiés par Lcuba, James ct Murisicr. L'illusion est presque fatale de prendre pour l’expression la plus juste du divin ce qui fait sur nous l’impression la plus forte. Les mystiques catholiques protestent : impos­ sible, disent-ils, de progresser, si l’on s'arrête à ccs images déficientes. S. Bernard, Jn Cantic., senn. xxvin, n. 7 sq., P. L., t. clxxxiii, col. 924 sq.; S. Jean de la Croix, Montée du Carmel, 1. III, c. xxx, p. 165 sq.; Nuit obscure, c. vi, p. 267 sq.; cf. Montée, 1. II, c. xvi, р. 220 sq.; c. xvn, p. 230 sq. En se servant de ccs expériences, quand, critique faite, on a lieu de les croire divines, il faut les mépriser comme imparfaites, se guider par la foi, non par le goût, pour cc motif irréfutable, que seule elle prévient toute déception et que son obscurité est plus révétatri c que ne peut l’être aucune perception des sens, voire aucune conception définie : Summus ille Deus scitur melius nesciendo. S. Augustin, De ordine, 1. II, с. xvi, n. 14, P. L., L xxxii, coi. 1015. Singulière duperie, cn effet. Les pragmatistes ct tous les théoriciens de l'expérience religieuse, après avoir combattu l’anthropomorphisme intellectua­ liste, en arrivent à un anthropomorphisme senti­ mental, plus erroné ct plus dangereux, quittes à traduire de manière évidente cc vice de leurs imagi­ nations, quand ils sc risquent à proposer leurs hypo­ thèses préférées. « Puisque Dieu n'est pas V Absolu, dit W. James, mais est lui-même partie, dans une concep­ tion pluralistique du monde, ses fonctions peuvent être considérées comme n’étant pas pleinement dis- l semblables de celles des parties plus petites.! A plural­ istic universe, IccL vin, p. 318. En déprimant ù cc degré la conception du divin, on déprime d'autant les réactions affectives qu’elle éveille. La mentalité pragmatiste ne s’embarrasse pas, il est vrai, de l’inconséquence : · Admettez à côté de Dieu, écrit encore W. James, le moindre infinitésimal autre de quelque espèce que cc soit, dès lors empirisme ct rationalisme, pragmatisme et intellectualisme peu­ vent *c tendre la main dans un traité de paix durable. > Op.dL, p. 3V2.Qui se refuse à ccs compromis hybrides concevra sans peine que l’esprit assez vigoureux pour ne s’arrêter à aucune notion comme satisfaisante, orientant sans cesse sa pensée, quelque lumière qu’il ait perçue, quelque expérience qu’il ait faite, vers 1&52 l’incommensurable transcendance que la raison pro· clame ct que la foi confirme, sc trouve dans l’attitude d’âme propre à lui ménager les jouissances intellec­ tuelles et morales les plus intenses. 4° Révélation intérieure. — Cette transfiguration progressive de la foi, récompense de la pleine obéis­ sance, le Christ l'a expressément promise: Qui habet mandata mca et servat ea ille est qui diligit me... ct ego diligam eum et manifestabo ci nieipsum. Joa., xiv, 21. VoirS. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., xiv, 21,23, P. G., t. lxxiv, col. 285, 290; S« Catherine de Sienne, Dialogues, Paris, 1855, c. lxi, lxii, t. î, p. 149 sq.; Sto Thérèse, Relation, xiv, dans Œuvres complètes, 1907, t. π, p. 236; S. Jean de la Croix, Montée du Carmet, 1. II, c. xxvi, t. n, p. 323. La plénitude de la vision est sans doute réservée au ciel, S. Augustin, In Joa., tr. LXXV, n. 5, P. L., L xxxv, col. 1830; mais, de parla nature des choses, les premiers rayons cn filtrent déjà jusqu'à nous: ut sit nobis non extraria visio, sed interna, tr. LXXVI, n. 4, col. 1832; |in çua] soli eum in scipsis vident electi. S. Bernard, Scrm., v, de adventu, n. 1, 2, P. L·., t. clxxxiii, col. 50,51. Les Pères, qui n’ont pas rattaché cette doctrine au texte de saint Jean, xiv, 21,23, l’ont exprimée à l’cnvi, à l’occasion de la traduction d’Isaïe, vu, 9, d’après les Septante : Nisi credideritis, non intcltigelis. Saint Anselme, par exemple, écrit : Qui non crediderit non intelligcl. Nam qui non crediderit non experietur, cl qui expertus non fuerit non intelligcl. De fldc Trinitatis, c. n, P. L., t. clviii, col. 264. Cf. Proslog., c. t, col.227; CurDeushomo, 1.1, c.I, n, col. 361 sq.;Epist., xu, col. 1193. Aussi ont-ils dénoncé cette interversion singulière qui réclame de voir pour croire : videre velle ut animum purges, cum ideo purgetur ut videas, perversum certe atque prœposlcrum est. S. Augustin, De utilitate cre­ dendi, c. xvi, n. 24, t. xui, coi. 90. Cf. Soliloq., 1. I, c. vi, n. 12, L xxxii, coi. 875; De Trinitate, 1. VIII, c. iv, n. 6, t. xlii, coi. 951. Un malade refuse-t-il un remède, tant qu’il ne connaît pas d’expérience son efficacité? Au début de toute vie religieuse se place donc un cxtrinsécisme et une hétéronomie nécessaires. Quand le libéralisme protestant, le symbolo-fldéisme, le pragmatisme et le modernisme réclament, au nom du critère expérimental, l’exemption de toute règle, A. Sabatier, Esquisse, 1. III, c. î, § 5, p. 285 sq.;cf. H. Bois, La valeur de l'expérience religieuse, c.vr, p. 158. c'est par l’expérience de l’histoire qu’il convient de leur démontrer la nécessité d'une pédagogie extérieure. Quand ils prétendent que la Réforme est venue, cn cc sens, ramener la religion de l’extérieur vers l’inté­ rieur, qu'elle est moins une doctrine qu'une méthode, et une méthode de « majeurs » exonérés d'une tutelle déprimante, on peut leur montrer l’équivalent de ces prétentions dans tout enfant qui regimbe contre scs éducateurs, veut « faire l’homme > ct n'en croire que soi. La contrainte est partout l’indispensable éduca­ trice, aussi longtemps que la tendance au parfait n'est pas le mouvement spontané de la nature : Lex justa non est posita; I Tim., i, 9. S. Bernard, De diligendo Deo, c. xiv, P. L., t. clxxxii, col. 997. De manière toute spéciale, on le voit, prêtant à ii'i toutefois l’erreur possible. Elle consiste, pour le théologien ou pour le chrétien dissident, Λ estimer qu'on peut demeurer en paix dans une Église, même ave des doutes sur son autorité. Non; ces doutes in­ diquent que Dieu attend désormais autre chose dc la sincérité. S'il nc les éveille pas chez tous, il nc peut dispenser personne dc chercher à les dissiper, dès qu'ils sont nés. En vain l’âme en appelle-t-elle, poursc rassurer, aux progrès qu’elle a réalisés dans le sein de sa commu­ nauté, à l'efficacité sentie dc scs sacrements, aux con­ solations quelle a goûtées. Outre que la valeur réelle dc l'ascèse qu'elle a suivie ct l'excellence dc scs dis­ positions intérieures peuvent en fournir une expli­ cation toute naturelle, le concours surnaturel, très vraisemblable, certain peut-être, prouve seulement que Dieu ratifie les démarches antérieures, non pas qu'il nc requiert aujourd'hui rien de plus. Comme aucun catholique n'est assuré par les grâces du passé ou du présent dc la récompense finale, s’il vient à manquer au devoir, aucun de nos · frères séparés » n'y peut prétendre davantage, s’il vient à péchcrcontrc la lumière. (J. J. II. Newman, Difficulties fell by angli­ cans, 4* édit., Londres, s. d., Icct. 1Π, p. 59-85. 2. Analogies de forme. — Mais en sc plaisant à recon­ naître l’action du Saint-Esprit dans toutes « les Ames ! dc bonne volonté », dans l’Eglisc ou hors dc l’Églisc, ct h s analogies profondes qui en résultent, il importe de se garder des exagérations. a) Pauvreté du langage. — La diversité des senti­ ments la plus grande peut sc dissimuler sous l'appa­ rente identité des descriptions. Les termes affectifs sont en effet limités en nombre : satisfaction, joie, transport... Ils nc sortent en quelque manière dc leur imprécision générique, qu’en traduisant dc manière explicite l’idée qui les imprègne : régénération, récon­ ciliation, union... Chaque nuance du concept exprime alors une réaction originale. Prétendre, par exemple, qu’il est accessoire au sentiment d'union dc savoir si le terme divin est « un plus grand », mais fini, au sens de \V. James, ou une énergie cosmique, comme le Logos d'Épictète, ou un Infini panthélstiquc, comme ΓΙ.Ίι dc Plotin, ou un Absolu infiniment distinct du monde, comme le Dieu d’Augustin, est aussi légi­ time que dc nier les différences affectives d’une injure qui vient d’un inferieur, ou d’un égal, ou d’un supé­ rieur, qui s'excuse par la bêtise ou qui s’aggrave d’une ingratitude. Libre au philosophe dc discuter l'objec­ tivité du dogme, mais dire, en psychologue, que la notion dogmatique, vraie ou fausse, est accessoire à l’impression religieuse qu'elle provoque ct définit, est inacceptable. Comment avoir même émotion, quand on n'est pas ému pour le même motif? Λ ces différenciations qui viennent de l’idée s’ajou­ tent encore celles qui procèdent dc l’intensité du sen­ timent Quand il s’agit dc matière, un vocable unique peut servir à désigner les proportions les plus varia­ bles : c’est toujours la même pâle. Les affections de l’âme, par contre, nc sc développent pas par juxta­ position dc parties homogènes, comme la quantité, in iis par concentration en quelque sorte, épuration progressive, et spiritualisation. Les douleurs médio­ cres sont loquaces, les grandes muettes. Pourquoi? Parce que l'intensité en fait autre chose; la réaction » $t autre, parce que le réactif est différent. Ainsi de la joie» ainsi de l’amour. Ixs mots pourtant restent identiques. C'est la pauvreté du langage qui en est cane, ou plutôt la grossièreté dc la psychologie com­ mane, qui se soucie peu de donner une étiquette pro­ pre aux réalités qui nc sc voient ni nc sc palpent. La science du moins peut-elle s'rn tenir là? — Il suffit 185G d'avoir l’expérience personnelle d'un degré d'émotion artistique, ou dc joie, ou d'amour, inconnu du vul­ gaire, a pari d’une jouissance religieuse plus pure— pour être écœuré de cc verbiage qui confond les dispa­ rates cl profane tout ce qui est élevé, dans la promis­ cuité des memes mots. b) Dépendances littéraires. — D'ailleurs, les rencon­ tres d'expression ont souvent leur principe dans une cause beaucoup plus banale. La dépendance des mêmes livres a créé dans les confessions issues du christia­ nisme un < style reçu » : il contribue à atténuer les divergences. Surtout, la diffusion des idées chrétiennes a imposé ù toutes les religions qui sont entrées en contact avec elle une orientation de pensée analogue. Celles qui nc prennent pas directement les livres ca­ tholiques, comme l'a fait en partie le ritualisme pour l’ascèse ct la morale,se modèlent, par concurrence ou rivalité instinctive, sur l’idéal qu'elles cnvicnt.Saint Augustin dénonçait la tactique des néoplatoniciens de porter leurs amis aux vertus chrétiennes, pour les dispenser de devenir chrétiens: Quarunl ergo plerum­ que tales homines etiam persuadere hominibus ut bene vivant ct Christiani non sint. In Joa., tr. XLV, n. 2, 3, P. L., t. xxxv, coi. 1720. Cf. Epist., cxvm, c. in, n. 21, L xxxiii, coi. 442. M. Jordan indique, dc son côté, comme fruit certain dc l’étude comparée des reli­ gions, l’épuration forcée de cultes qu’on sc sent trop faible pour abandonner ct dont on est trop perspi­ cace pour nc pas sentir, par contraste, les déficits plus ou moins notables. Comparative religion, Édimbourg, 1905, c. xi, p. 409. Comme on change moins rapidement d'habitudes que dc langage, le premier effet dc cette tendance est d’établir entre les confes­ sions une terminologie ù peu près identique. Bien su­ perficiel le critique qui prendrait des désirs communs pour un réalisation égale ct ’/uniformité du style pour h parité des expériences. 4° Spécificité des expériences catholiques.—Évidem­ ment, cc serait pourtant erreur grossière ct pharisalsme insupportable d’établir tout catholique dans un ordre ù part. Celui qui vit en païen, dans le catholicisme, nc connaît rien des émotions spécifiques dc l’Églisc; ct celui qui, en dehors d'elle, pratique les vertus qu’elle prescrit ct professe plus ou moins explicitement les dogmes qu'elle enseigne, sc rapproche d’autant des réactions affectives qui lui sont propres. 1. La spécificité doit exister. — L’Églisc a son champ caractéristique d’expériences, si elle a scs dogmes particuliers, si elle les possède dans la pureté ct dans l'harmonie dc la vérité intégrale, si elle a son ascèse spéciale. Tel est le cas. a) Pour être bref, qu’il suffise d'indiquer l’influence dc la thèse créatianistc. Lc protestantisme libérable symbolo-fidéismc, le pragmatisme, si teintés qu’ils soient dc christianisme, la rejettent de prime abord. Fort bien. Mais, du fait.se trouvent transposées toutes les relations entre l’homme et Dieu. Au lieu dc l’al­ titude humiliée, anéantie, qui seule convient au créé devant le créateur, et qui appelle scs réactions pro­ pres, voir plus loin, on prend logiquement dans ces confessions— ou plutôt dans ces philosophies — celle de la partie ù l’égard du Tout, et l’on traite d'égal ù égal, sans sujétion, avec cette nature unique en qui l’on doit sc résorber. I») Sur une base commune peuvent toutefois s’édifier des doctrines divergentes. La multiplicité des sectes chrétiennes créatlanistcs en témoigne. Or,qu’on veuille bien le remarquer, si la religion catholique pos­ sède seule, sans deformation, la doctrine authentique du Christ, elle a,de cc chef, un réactif inconnu des autres. La « vraie religion» est en effet, ù quelques égards, chose indivisible (bonum ex integra causa) : sa transcendance nc dérive pas tant de quelques prin· EXPERIENCE RELIGIEUSE 1857 cipcs majeurs, que de l'agencement divin dc toutes ses parties. Une méthode pédagogique est fausse qui laisserait sans l’orientation voulue une seule /acuité de l’homme, ou qui laisserait s'infiltrer dans scs normes directrices un seul principe délétère. Ainsi d'une reli­ gion. Qui niera, par exemple, qu’introduire le libre examen dans l’Évangile.ce n'en soit transformer toulc l’économie? Le faire serait encore confondre l’ordre quantitatif ct l’ordre spirituel. Une once dc matière en plus ou en moins nc modifie par toujours une réac­ tion chimique, mais un principe éthique dc plus ou dc moins, comme une vertu de plus ou dc moins, modi­ fient du tout au tout une altitude d'âme, parce que l'âme est une substance simple, que scs habitus intel­ lectuels ct moraux nc se juxtaposent pas, mais sc compénètrent, et quelle les porte tous dans chacun dc scs actes : elle agit donc ct sent d'autre manière. Dc cc chef, une âme informée dc la vérité pure, règle dc pensée ct règle d’action, est, à Γégard des autres, comme un organe difièrent. i c) On le croira d'autant plus volontiers que l’Églisc catholique a son ascèse propre. 11 sufllra de rappeler scs règles du discernement des esprits. Voir Discer­ nement des esprits. En application dc ces prin­ cipes, elle rejette comme /relatés ou suspects les trois quarts des expériences qui /undent la oie des sectes. Elle vit donc d'autre chose. 2. Celle spécificité existe. — Procédons pas à pas en matière si délicate. a) Voie commune. — a. Signes extérieurs. — On en trouvera une preuve extérieure, mais d’autant plus inattaquable, dans l’elllcacité spécifique que l’Églisc révèle. C’est une puérilité — encore qu'elle nc soit pas rare — d’expliquer la pratique de certaine abnégation par la constitution du caractère, comme si la pâte humaine n’était pas partout la même, comme si dc croire sans voir n'excitait pas dans toutes les intelli­ gences un malaise identique, ct obéir une répugnance aussi Instinctive. Si une Eglise sc révèle plus docile à obéir el à croire, il faut bien conclure qu’elle a dans ses facteurs quelque chose qui manque aux autres. Et cc quelque chose n’est pas difheile à définir. L'héroïcilé n'est nulle part le fait des masses; si une masse réalise ces sacrifices spéciaux, on peut affirmer qu'elle a des compensations qui les rendent possibles ct c’est dans l’ordre affectif qu’il les faut chercher. Or l’obéissance à la foi ct à la loi est bien le fait du catholicisme : seul bientôt il conservera intact le symbole des apôtres — voire un symbole défini ; — dc plus, Il se distingue à tel point par son organisation hiérarchique, que dans les sectes protestantes les sujets sortent de leur Église à proportion de la richesse de leurs expériences, pour fonder des sectes nouvelles; tandis que les grands mystiques catholiques sc signa­ lent par leur docilité à la direction des lois communes et ont travaillé, en grand nombre, ù la restauration dc la hiérarchie. Non moins spécial le sacrifice qui consiste dans la pratique des conseils, pauvreté, célibat, abnégation volontaire dc la sujétion religieuse. Où le type évan­ gélique est-il copié d’aussi près ou pousse aussi loin? El d’où vient celle force qui manque ailleurs? Tout s’éclaire, si l’on sc rapporte aux explications déjà fournies. Aucune norme divine n'est donnée pour étioler le sujet, mais pour l’aider Λ se dépasser, en endiguant ct en dirigeant son activité. L'obéis­ sance intégrale à la loi intégrale produit donc néces­ sairement un maximum dc bien-être cl de jouissance, qui fournit l’énergie nécessaire pour avancer dans le, renoncement. b. Analyse psychologique. — Entrant plus avant dans la mentalité catholique, nous pourrons peut-être indi­ quer quelques traits plus importants. Trois suffiront. · DI CT. DK TIIÎOL. CATIIOL. 1858 Après cc que nous avons dit du dogme de la créa­ tion qui l’appelle, dc l’obéissance Λ la foi el à la loi qui la traduit dc manière très expressive ά h conscience moderne, nous avons quelque droit Λ Indiquer en premier lieu l'humilité. Dc fait, dans une créature, elle nc doit pas être une vertu entre plusieurs, mais l’âme dc toutes. Tel est renseignement catholique : il la donne comme pierre dc touche dc la sainteté véritable ct du véritable esprit dc l’Évanglle; pene una disci­ plina Christiana est, dit saint Augustin, Serai., cccii, n. 4, P. L., t. xxxix,coL 1538 sq.; cf. De civitate Del, 1. XIV, c. xm, η. 1, t. xu, col. 421; est ergo omnium magistra oirtulum, Cassien, Collât., XV, c. vu, P. L., t. xux, col. 1004 sq.; propter quam solam veraciter edocendam |Càrüfus] usque ad passionem /actus est parous, S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XXXIV, c. xxiii, P. L., t. lxxvi, col. 748; cf. c. xxn, xxin. Et Augustin, qui doit tant au néoplatonisme, a signale avec insistance celle divergence caractéristique des deux doctrines. Epist., cxvni, c. in, n. 21, P. L., t. xxxîii, col. 442; Con/ess., 1. VII, c, xxi, n. 27, t. xxxii, col. 747 sq.; c. îx, n. 13 sq., col. 740 sq. On a signalé ailleurs, voir Conservation, t. in, col. 1191 sq., la prédilection des grands mystiques pour une thèse qui leur fait saisir tout leur néant. Le phéno­ mène s'explique : si cette vérité est capitale,la lumière divine doit porter à la faire mieux comprendre au fur ct à mesure des progrès dc l’âme. Mais voici l’impor­ tant : tout cc qui réduit la créature à sa vraie valeur permet d'apprécier ù son juste prix la condescendance de celui qui l'a créée, rachetée, adoptée, appelée à partager sa gloire. lien résulte que l’humilité fondée sur ce dogme esl le plus efficace stimulant de l’amour, qu’elle porte logiquement à sc complaire dans son néant, pour exalter h gratuité Inouïe des prévenances divines, qu’elle excite par conséquent l’amour le plus pur cl le plus béatifiant. Le panthéisme peut flatter l’orgueil; a-t-il jamais offert au cœur rien nc pareil? Le second trait est la certitude. Elle naît dans le catholicisme dc la démonstration rationnelle sur laquelle il sc fonde ct du contrôle constant d’un plein accord avec un magistère dogmatique autorisé. Elle manque dans le protestantisme : la meilleure preuve en esl la multiplication incroyable des sectes, la versa­ tilité dc leurs adhérents, l'appel désespéré au critère affectif, faute d’une règle objective assignable. Cf. Newman, Difficulties, t- édit., lect. m, § 4, p. 70; cf. p. 81. Newman converti déclare n’avoir jamais rencontré dans l’anglicanisme une personne « qui ait quelque confiance en la parole de son Église... Lc plus haut degré de confiance, dit-il, y est accompagné dc soupçon. * Discourses to mixed congregations, conf. xi. Ce n’est pas lâ exagération polémique. Comment en serait-il autrement? Fondée sur le libre examen, au­ cune secte ne peut sans contradiction s’arroger quel­ que autorité; fondée sur l’évidence subjective, affec­ tive, comment la foi individuelle échapperait-elle aux fluctuations du sentiment? Troisième trait : la paix. La certitude intellectuelle produit la stabilité,le calme, en présence d’un devoir nettement formulé. La paix est bien autre chose. Elle est — mais il ne peut pas plus en être question dans une pratique religieuse formaliste, ou intermittente, ou négligente,qu’on ne peut goûter les charmes dc l’alléelion humaine dans des relations d’étiquette, ou dans une amitié vulgaire sans délicatesse ni constance — elle est, non lu satis/aclion, ir réali sa file sur terre, mais le contentement, qui permet d’attendre la béatitude promised la fait pressentir. Grâce Λ la foi, qui l’itilcrprèle, et â la raison basée sur le critère des œuvres, qui l’appuie, ce sentiment prend, aux yeux du fidèle, le sens d’une approbation personnelle de Dieu, si douce qu’elle dispense des émotions grossières ct des Joies V. -59 1859 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE 18(30 mystiques les prennent pour fondement indiscutable Communes, si profonde qu’elle peut coexister aux dc leur vie spirituelle ou dc leur mission sociale. épreuves les plus cruelles qui troublent la surface dc l'âme. C’est cc satisfecit du Saint-Esprit qui soutient On pourra voir quel cas font de ces faveur· saint Jean dc le catéchumène dans sa marche indéfectible vers la In Croix, Montée du Carmel, I II, c xi, dans Œuvres, t. n, vérité entrevue, les grands contemplatifs ct les saints, р. 167-179; cf. C. xvi, xviijS1’ Thérèse, Vie par elle-même, au milieu des épreuves inouïes qui leur sont imman­ с. xxv, xxxn, dans Œuvres, t. i, p. 312; t. n, p. 11; Mo­ quablement réservées. S. Jean dc h Croix, Nuit obs­ tion, lui, t. U, p. 288; Château dc râme, VI· dcin., c. ix, t. vi, p. 257 sq.; S. Ignace, Acta sanctorum, 31 juillet, romm cure, 1880, L II, c. xvi, t. ni, p. 115 sq. ; Cantique spi­ pneu., § 60, n. 61 I; S. Alphonse llodriguez, Vie admirable, rituel, 1875, str. xx, t. i, p. 311-318; str. xxn, p. 327. Paris, 1890, n. 7, 72, 121, 123, 117, 160, 265. L'apôtre l’a désignée d’un mot qui explique l'impos­ sibilité delà décrire à qui n’en a pas fait l’expérience, Quant ά la « touche mystique », elle apparaît chez ct révèle le secret des vies héroïques qui déconcertent ks uns comme une prise dc conscience, si différente dc ks courages ordinaires : par Dei, quœ exsuperat l’ordre naturel que l’âme pleinement passive, inca­ amnem sensum. PhiL, tv, 7. Qui doutera dc ccs asser­ pable dc produire ou dc prolonger ccs émotions, se tions voudra bien sc reporter aux autobiographies dc sent comme introduite dans un monde ù part, et convertis et dc saints catholiques et sc souvenir que investie d’une présence qui la pénètre d’amour. Cette si la paix est < la tranquillité dc l’ordre », S. Augus­ dernière caractéristique est essentielle, surtout aux tin, De civitate Dei, L XI, c. χπΐ,η. 1, P. L., t. xu, regards des auteurs — plus stricts interprètes des col. 610, il peut, il doit y avoir, dans l’Églisc authen­ textes, cc nous semble — qui ne dépeignent pas le tique du Christ, une réaction affective inimitable ail­ sentiment mystique de présence comme antérieur à leurs. l’amour, mais comme donné dans et par l’amour, b) Voie extraordinaire. — Les remarques précé­ col. 1812. Dans l’extase musulmane, néoplatonicienne, dentes pourraient suffire, car elles s'appliquent à tous ou autre,la touche mystique apparaît au terme d’une les degrés dc la sainteté, mais il y aura intérêt, bien préparation dialectique, comme un éblouissement qu’il n’y ait aucun lien nécessaire entre la perfection rapide dc l'intelligence qui réalise un instant la plus ct les grâces mystiques (cf. Benoit XIV, De servorum élevée des notions intelligibles, ou comme une dc ccs Dei beati/., L III, c. xxvi, n. 8; S. Alphonse dc Liguori, illusions imaginatives, si suspectes aux précédents. Homo apost., append. I, η. 16, citant sainte Thérèse ct Voici, cn effet, un autre caractère, qui découle du s Uni François de Sales; Suarez, De oratione, I. II, premier. Tandis que les pseudo-mystiques sc tiennent c. xi, n.9, citant saint Bernard), ù préciser quelques pour assurés dc l'origine divine de leurs expériences, différences entre ks expériences mystiques catho­ les mystiques orthodoxes passent nécessairement par liques et celles qu’on leur compare. des doutes prolongés; ils cessent seulement, après Si Dieu opère parfois des miracles hors dc l’Églisc, dc longues années, dans les états les plus relevés il peut aussi bien, ά titre exceptionnel, conférer des Cf. Su Thérèse, Relation, lxvi, t. n, p. 320, 322; grâces authentiques dc contemplation infuse à des B·· Marguerite-Marie, Vie et amures, Paris, 1876, âmes de bonne volonté, fussent-elles dans le schisme L π, p.318, 32-i, 338, 410, 415, 129. La raison cn est, ou dans le paganisme. La question de spécificité sc i à la fois, dans la spécificité dc l’expérience faite (son l»osc seulement à l’égard des chefs dc sectes hétéro­ caractère exotique déroute leur pensée), dans leur doxes, des ilium in istes dc toutes nuances ct des phi­ humilité (l’idée qu’une faveur authentique puisse losophes qui prétendent être arrivés ù l’extase. Ici s'adresser A eux ks déconcerte), dans la tactique encore, cn faisan l la part d’analogies indéniables, divine qui vise à les vider dc tout amour propre, pour qu’imposent la communauté dc thème ct la simili­ les remplir dc scs dons, ct à leur assurer une direc­ tude forcée dc quelques procédés, on peut, sans entrer tion indispensable, dans une voie si ouverte aux dans le détail, voir Extase, Hystérie, Mysticisme, illusions. Su Thérèse, Vie, c. xxvi, L i, p. 331 sq.; signaler des divergences significatives. Relation, i, t. n, p. 211; Bie Marguerite-Marie, Vied a. Signes extérieurs. — On pourrait insister utile­ amures, t. n, p. 374, 382. ment sur l’énergie hors pair que révèlent La plupart des Par une suite nécessaire, les uns s'exonèrent dc tout mystiques catholiques, cl si l’on objectait ks œuvres contrôle extérieur, ks autres n’admettent les motions i ceom plies p.ir des initiateurs comme Fox, Wesley, intérieures que sanctionnées par la double évidence Swedenborg ct autres, on insisterait sur le sens très des œuvres bonnes, avouées par la conscience com­ spécial de leur activité. Celle des mystiques catho­ mune, ct dc l’approbation ecclésiastique, dont l’auto­ liques Vest dépensée, ordinairement, au prix dc sacri­ rité s'impose à leur foi comme à leur modestie. fias très durs à la nature, soit pour des fondations En fin dc compte, la paix du Saint-Esprit est ici charitables très arducs, soit pour la restauration de encore le dernier critère. Au lieu dc la fièvre inquiète pratiques religieuses ou de disciplines monastiques ou des écœurements qui marquent la fin des réfor­ pc>iibks,ct le plus habituellement au milieu des con­ mateurs hétérodoxes — qu'il suffise dc renvoyer aux tradictions multiples. Ceux qu’on leur oppose ont-ils témoignages de Luther cl dc ses partisans — celte travaillé dans le même sens et au même prix? On paix assure aux orthodoxes la force dc soutenir signalerait ensuite les prophéties authentiques dc nos toutes les épreuves, toutes les contradictions, voire saints, dont ne peuvent rendre compte ni ks explo­ même des peines intérieures inouïes, au milieu des­ sions subites d'incubations subconscientes, ni l'exal­ quelles rien ne parait survivre que la certitude, perdue tation hystérique. Bref, de la diversité des effets, on i comme une étincelle au tréfonds de l’âme, dc persé­ (Tguerait b distinction des forces qui les soutiennent vérer dans la vole voulue dc Dieu. Au fur ct à mesure cl do consolations qui rendent possible une telle vie. de la purification intérieure, il sc fail dans l’ânie une b. Caractéristiques psychologiques. — Plus intimes béatification progressive, dont peut-être on imagi­ ki notes suivantes. nerait quelque chose cn s’appliquant A concevoir une Intensité croissante de paix. On notera, dès l’abord, la différence qu'ils établis­ sent entre ks touches mystiques proprement dites ct Nous insistons sur la paix A cause de sa valeur phi­ ks visions ou phénomènes extraordinaires qui accom­ losophique : ce n’est qu’une note, mais qui en implique pagnent souvent ccs états, sans leur appartenir. Leur beaucoup d’autres, puisqu’elle nail dc l’ordre réalisé. attitude ù l’égard de ccs commotions ct représenta­ Moins significatifs par conséquent, mais Importants aussi, ccs traits qu’indique saint Paul : · Ix: fruit tions sensibles ou imaginatives est la défiance, les •ens y jouant trop de part, tandis que ks pseudo­ de ΓEsprit c’est la charité, la joie, ... la patience, 1861 EXPÉRIENCE RELIGIEUSE la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la temperance. » Gal.. v, 22. Sans doute, on les rencontre ailleurs, à quelque degré. Nous avons dit pourquoi. Mais aussi on ne les rencontre que dans le catholi­ cisme, associés de la sorte et portés ù cc point. Voir Fiiuitm du Saint-Enfiiît. Avec pleine confiance, nous convions le lecteur qui i cn veut la preuve à étudier dc prés cl d fond des prati­ quants convaincus, appartenant ù des religions diverses, ou Λ comparer avec le même scrupule d ana­ lyse la vie des saints catholiques avec celle des ■ saints » soit de la philosophie, soit d'autres religions. Qu'il laisse dc côté, s'il veut, leur thaumaturgie, qu’il néglige leur ascèse, qu’il considère seulement, cn cher­ chant ù pénétrer la psychologie des uns cl des autres, où se révèlent ces fruits rares que l’apôtre a énumérés. Dc cette enquête, s’il cherche Dieu « cn esprit ct cn vérité », le résultat n’est pas douteux. VIII. Documents ecclesiastiques; conclusion. — Nous résumerons les conclusions dogmatiques dc cette élude en commentant brièvement les docu­ ments ecclésiastiques qui s’y rapportent. 1° Thèses luthériennes, — Dés le début de la Béforme, l’Églisc a censuré les thèses qui devaient amener le mouvement antiintcllcctualiste ct pragmatiste dont nous constatons aujourd’hui les ravages. Léon X con­ damne les propositions de Luther sur la corruption radicale dc l'homme, prop. 2, 3, 31, 35, 36, DenzingcrBannwart, n. 742 (62G) sq., sur la nature dc la péni­ tence, prop. 5-9, sur la justification par la foi, prop. 10-16, sur la valeur de l’excommunication, prop. 23, 24. C'était atteindre, avec les premières, la racine des doctrines nouvelles, avec les autres, leurs caractéris­ tiques ct leurs conséquences principales. Ixï concile de Trente reprit la question. Pallavicinl, Histoire du concile de Trente, Montrouge, 1844, t. n, 1. VIII, c. IV sq., spécialement, c. îx sq., p. 244 sq.; A. Theincr, Acta genuina, Agram, 1874, l. i, p. 216, 335, 358, 362 sq. 1. 11 proscrit la notion dc la justification comme d’un acte par lequel nous croirions fermement à la rémis­ sion de nos fautes, sess. VI, c. îx, xu, xm; can. 12-17, Denzingcr-Bannwart, n. 802 (864) sq., 822 (704) sq.; ne rejetant d'ailleurs qu’une certitude de /oi, ct réser­ vant aux théologiens dc déterminer avec quel degré de certitude intérieure on pouvait s’estimer cn grâce avec Dieu. Voir Justification. Adinll-on qu’il est possible d'atteindre à une certitude morale, voire même à une certitude dc foi, aliquos in aliquo casu, comme Laincz le jugeait probable, Disputationes Tri· denlinæ, édit. II. Grisar, Inspnick, 1886, t. il, p. 192, note 1, la définition expresse du concile certitudine FiDKi cui non posstl subesse /alsum suffirait à mar­ quer une différence considérable entre les caractéris­ tiques de la conversion ct de la vie protestantes ou catholiques. Gf. Mœhlcr, La symbolique, trad. E. î-achat,2‘ édit., §20,1.1, p. 235 sq. —2. læ concile affirme l.i nécessité des œuvres,soit préparatoires Λ la justi­ fication, soit conséquentes, sess. VI, c. vî, xi, xvi; cm. 9, 18 sq., Denzingcr-Bannwart, n. 798 (680), 8OI. 809, 819 (701), 828 (710) sq.. déniant ainsi ccttc scission, plus accusée encore dans le calvinisme que d ms le luthéranisme (grûcc au dogme de l’inamlssihihlé du salut), entre la religiosité et ia moralité. M vider, ibid., § 25, p. 284 sq. — 3. A l’encontre des prétentions du sens privé,il proclame,ù côté des droits I de l'Écriturc, le rôle normatif de la tradition, parole de Dieu au même litre qu’elle, tanquani œl orctenus a I Christo vel a Spiritu Sancio [dictatam]. Sess. IV, Dcnziuger-Bannwart, n. 783 (666), 786 (668). — 1. Bien que les Pères nient abordé le dogme de la chute, sess. j V, ibid., n. 787 (669), on ne voit pas qu’ils nient porté I un remède adéquat aux assertions protestantes : si 1862 l’existence du libre arbitre est revendiquée, les justes proportions de la déchéance originelle ne sont pas strictement déterminées; tout spécialement les droits dc la raison, blessés par le nominalisme ct l'agnos­ ticisme dc Luther, ne sont pas directement défendus. 2® llaianismc ct jansénisme. — Bai us ct Jansénius provoquent des précisions nouvelles sur les notions dc naturel ct de surnaturel, conséquemment sur ks sui­ tes du péché d’Adam. Denzingcr-Bannwart. n. 1001 (881) sq., 1092 (966) sq. Ici encore le rôle dc la grâce ct dc la volonté libre s’en trouve plus élucidé que le pou­ voir dc la raison. 3° Molinosisme et quesncl ianisme.— Celle déprécia­ tion excessive dc la nature déchue est encore pour­ suivie par Innocent XI ct Clément XI chez Molinos, Denzingcr-Bannwart, n. 1221 (1088) sq., cl chez Quesncl, n. 1351 (1216) sq. : la gratuité des dons pri­ mitifs — qui a pour conséquence l’intégrité essentielle des facultés, après le châtiment — est vengée des sub­ tilités de Quesncl, prop. 34-38; est condamnée l’exa­ gération dc la passivité dans La vie religieuse, comme si l’âme n’était plus libre sous l’action de la grâce, ne devait prendre I initiative d’aucune ausre, ou même ne s’arrêter à aucune pensée définie, Molinos, prop. 1-27, 31-59, 61-65; Quesncl, prop. 1-25, 30, 38-11, 42-70; dc même le mépris dc l’autorité ecclésiastique, si naturel à qui s'estime non seulement sollicité dc manière habituelle par h grâce, comme l’Églisc l’en­ seigne, mais mû cl détermine par clic. Molinos, prop. 59-60, 65-68; Quesncl, prop. 90-95, 96-101; enfin l'impuissance prétendue dc la raison naturelle. Qucsncl, prop. 39, 41; cf. 12, 48. Cette dernière crscur, la plus grave cn l’espèce, puisque seule 1i déchéance dc b raison excuserait peut-être la primauté du senti­ ment, ne sera l'objet d’un décret solennel que lorsque les excès du fidéisme et du piétisme protestants d’une part, du traditionalisme catholique d’autre part, au­ ront rendu le péril plus pressant. 4° Traditionalisme, piétisme, fidéisme. — L’apti­ tude de la raison à atteindre le vrai, et ù prouver les présupposés de la foi, après avoir été imposée à b signature dc Bautain ct dc Bonnctty, DcnzingerBannwarl, n. 1622 (1488) sq., 1649 (1505) sq., est enseignée de manière solennelle par le concile du Vatican. 11 définit: 1. la possibilité pour elle de con­ naître Dieu avec certitude, naturali humanæ rationis lumine e rebus creatis certo cognosci posse, sess. 11 Lc.it, Denzingcr-Bannwart, n. 1785 (1631), 1806 (1653), b députation de la foi ayant préféré cette expression plus bénigne (phnunm mitiorem), quamvis aliquatenus certo cognoscere ct demonstrare sit unum idanque, Acta ct decreta, Collectio lacensis, l. vn, p. 132; mais le Motu proprio Sacrorum antistitum est venu Insister sur la relation des deux tenues, en imposant au ser­ ment cette déclaration, Deum,., per visibilia creationis opera,,, certo cognosci, adeogue demonstrari etiam posse. Acta aposlolicic sedis, 1910, p. 669; 2. b notion pré­ cise dc In foi,qu’il dccl.ire un assentiment intellectuel, fondé sur l'autorité de la révélation, Dcnzingcr-Bonnwarl, n. 1789(1638), 1811 (1658); 3. conséquemment, la nécessité de preuves rationnelles qui permette» l de vérifier ses litres, cl notamment la valeur desentervs externes tpii l'authentiquent, miracles ct prophéties, signa certissima ct omnium inlelligentix accommodata, et transcendance de l’Églisc, motiuum crcdibilitatis ct d icinie suie legationis testimonium irrc/ragabilc, ibid., n. 1790 (1639) sq.. 1812 (1659); I. enfin la videur normative de la tradition et du magistère ecclesias­ tique, n. 1788(1637), 1792(1641), 1798 ( 1615), ct ccb non pour un temps, comme s’il ne leur revenait que le droit de sanctionner la formule ou le symbole les plus opportuns pour l’instant, mais de manière à ÎSG3 EXPERIENCE RELIGIEUSE engager, quant au point précisé, la foi de tous les temps, n. 1800 (1647), 1818 (1665). Toutefois, en rejetant de manière expresse, comme critères exclusi/a, l’expérience interne du piétisme pro­ testant, ou l’inspiration privée du fidéisme, sola interna cuiusque experientia aut inspiratione privata homines ad (Idem moveri debere, n. 1812 (1659), le concile s'ap­ plique Λ maintenir sans diminution le rôle des illu­ minations ct motions de l’Esprit-Saint, qui dut omni­ bus suavitatem... incredendo, π. 1789 (1638) sq. 5® Libéralisme ct indifférentisme. — Provoquée par le sentimentalisme de Schleicrmacher ct l’évolution­ nisme de Hegel ct de Spencer, ou par l’illusion libé­ rale, la thèse que les diverses religions sont des tra­ ductions légitimes d'expériences originales, ou des moments nécessaires de l'universel devenir, ou des expressions égales en droit de la sincérité religieuse, s’est vue justement condamnée par Pie IX, spéciale­ ment dans l'encyclique Quanto conficiamur moerore,de I 1863, Denzinger-Bannwart, η. 1677(1529) sq., ct dans 1c syllabus, de 1864, prop. 15-19, ibid., n. 1715 (1562) sq.; mais le pape a pris soin de distinguer les droits de la sincérité des droits prétendus de l’erreur, la Charité pour les personnes de l'indifférentisme pour les dogmes, ct s'est refusé Λ déterminer les limites de 1a condescendance divine pour les cas d’ignorance Invincible : quis tantum sibi arroget, ut hujusmodi ignorantia designare limites queat? Allocution du 9 dé­ cembre 1854, Denzinger-Bannwart, n. 1617 (1501). i Pie X a renouvelé cette proscription, contre le mo­ dernisme, dans l'encyclique Pascendi. DenzingerBannwart, n. 2082, 2083. 1 6e Modernisme. — L'appel plus explicite de celte hérésie à l’expérience interne a déterminé, dans cc dernier document, un exposé plus détaillé ct une réfu­ tation plus précise. Le pontife signale la valeur qu’elle attribue aux intuitions du cœur au détriment de l’intelligence, Dendnger-Bannwart, n. 2081, le rôle fondamental qu elle leur reconnaît, comme source des conceptions de la fol ct des formules de foi, n. 2078, 2079; cf. n.2O39 sq., comme aussi de la tradition ct de la prédi­ cation, n. 2083, et des Livres saints qui en ont consi­ gné l’expression temporaire, n. 2090. Dans un aperçu rapide, il dénonce les principales erreurs d’une telle lhé>rie ct suggère les chefs de réfutation les plus im- i portants : préjugé agnostique qui l’inspire, n. 2106, physiologie fautive, car le sentiment n'est pas intui­ tion, mais réaction sous h détermination de l'intclligcuccou des sens, ibid.; danger moral, caron risque de rendre prépondérante la vie d'émotion, ibid.; insuffisance logique, car l’impression affective ne peut rien préciser des vérités abs ducs, Indispensables à baser la vie religieuse, ibid.; péril connu d’illusion, n. 2107; conflit des évidences, cl notamment de I expérience catholique qui les condamne, ibid.; aberration surtout de remettre au sentiment ct à l’expérience iculs une enquête qui ne peut aboutir, s.ms le contrôle de la raison, ibid.; aboutissement fatal i l’athéisme, comme l’expérience faite, l’histoire, est l i pour en témoigner, n. 2109; cf. n. 2082. Mainte* mt la thèse traditionnelle de la présence de Dieu en ('Mlle âme, n. 2087, il Interdit seulement les interpré» liions qui la déforment De l’ensemble du système il prononce qu’il est le rendez-vous d» toutes les hérésies, omnium hærcscon collectum, n. 2105; qualification que la thèse de l'expé­ rience peut revendiquer pour une large part, vu *>n rôle dans l’organisme moderniste. Tout de même, au début de h Réforme· Suarez dénonçait l’appel au sens prive — et c'était même chose au fond :— radix e t hamum d magna schismatum occasio, Ik tensio fidei, L L C. Xl94* ratio. Vrdsc, 1749, l. xxi, p. 37; est (ere 1804 seminarium omnium errorum. De fide, disp. 1Π, sect, ni, n. 9, t. xi, p. 24. Conclusion. — En somme, à l'encontre des thèses luthériennes ct calvinistes qui exagèrent la déchéance de la nature humaine, et des thèses criticistvs qui sont venues leur prêter une justification philoso­ phique, l’Eglise n’a cessé de défendre les droits de la raison cl de la volonté. Elle a défini, contre l’agnosticisme, la possibilité de connaître Dieu avec certitude, non cependant par des concepts propres ct de manière adéquate. Voir Agnos­ ticisme, t. i, col. 603 sq.; Analogie, col. 1146 sq. Il en résulte que l'expérience interne ne peut, sans erreur dans la foi, être présentée comme le critère exclusif des choses religieuses. Par contre, reste pleinement licite toute manière d’agir qui respecte cette hiérar­ chie des facultés ct les droits du magistère extérieur, soit : 1° dans la prédication, l'apologétique et l'ascèse, le soin d'amener le sujet à observer en lui les illumi­ nations ct les invites de la grâce, voir Discernement des esprits, col. 1375 sq.; 2° dans la démonstration de l'existence de Dieu, ou dans la préparation de la foi, l'appel aux faits Internes et aux preuves psycho­ logiques, voir P. de Broglie, Les preuves psycholo­ giques de l'existence de Dieu, Paris, 1905, et art. Immanence; 3° dans l’explication psychologique de la vie du dogme, l’analyse délicate des virtualités incluses dans la conscience obscure de l’Église, d’où affleurent, dans sa conscience claire, les notions dog­ matiques qu'elle précise au cours des âges. \roir Dogme, t. iv, col. 1641 sq. Elle a défini de même l'existence du libre arbitre, et elle a condamné toute doctrine qui tendrait à res­ treindre, au profit d'une passivité particulièrement suspecte chez les âmes communes, l’initiative de l’homme ou le contrôle raisonné de sa conduite; mais elle n'a cessé de proclamer la coopération gratuite de Dieu à tous les actes surnaturels, voir Grace, et cette immanence naturelle qui le rend en nous plus pré­ sent que nous-mêmes. Voir Immanence. Reconnaissant donc que l'infini besogne au cœur de tous,et qu’il est le premier et Immédiat stimulant d'un besoin qu'il peut seul satisfaire, elle reconnaît du vrai ct du bon dans toutes les religions ct dans toutes les expériences, mais elle prétend seule posséder la vérité sans admixtion d’erreur, ct détenir seule dans leur intégrité les, promesses que Jésus-Christ est venu apporter au monde. Voir Église, Indifférentisme. A ce titre, elle sc prétend, elle est,comme lui ct en lui, « la voie, la vérité, ct la vie. » Joa., xiv, G. La question présente, sous son triple aspect (psycholo­ gique, critériologique, ascétique), touche â tant de problè­ mes qu'on ne peut songer à tenter ici une bibliographie complète. Le lecteur voudra bien consulter celle des articles connexes : Ascétisme, Contemplation, Dieu (Connaissance de). Discernement des esimuts, Extase, Fidéisme, For, Modernisme, Mystique, Pragmatisme. I Études historiques. — Une histoire complète des théories en cause devrait fouiller avec soin les annales de toutes les sec es panthéistes ou iUuministes, M. Menendez Palayo, I!(storia de loi hétérodoxes espa holes, 3 in-8·, Madrid 1. d.; N. Terzago, 7heologta hislorlco-nuistica, fn-fol., Venise, 176-1, presque reproduit dans le·» Analecta juris pontificii Rome, 1863. t vî b, col. 1561 sq. Pour la période mo­ derne, voir les notes de l'aperçu historique, col. 1787 sq On trouvera une revue sommaire dans I lodge, Pctrnn, Wolf, Cités plus loin, ct, panni les catholiques, des indications précieuses dans Dœllinger, Iji néfonne; Mœhlcr, loi symbo­ lique-, Goynu, IWllrnumnc rdiQicusc, le protestantisme. II ÉTUDES PLUS SPÉCIALEMENT PSYCHOLOGIQUES. --VAufeurs aratholiqae^ — E. S Ames, The psychology o/ rellffious experience, in-8*. Londres, 1910; A. Binet, 1rs altérations de la personnalité, 2· édit., ln-16, Paris, 1802; E Boirac, M cniptopiychie, dans In Hetme phila\nnbique, Paris, 1907, p 113 *q : Il Bols, Quelque réflexions sur la 18G5 RELIGIEUSE psychologic des réaclb.dani hi Revue de théologie, Montauban* 1905, 1906; E. Buutroux, Im psychologie du mysticisme, dans le Bulletin de Γ Institut psychologique, 1902; H. Dela­ croix, Études d'histoire ct de psychol. du mysticisme, in-8®, Paris, 1908; Une école de psychologie religieuse, dim* la Remit germanique, 1905; Flournoy, xs principes de la psychologie religieuse, tiré ù part* ln-8·* Pari», 1902; Dr (i Gcley, L'ètrr subconscient, 2· «dit., in-16, Pari», 1905; A Godfcrnnux* lx sentiment ct la pensée ct leurs principaux aspects psycholo­ giques, 2· édit.* in-12, Paris, 1906; Sur la psychologie du mysticisme, dans la Revue philosophique, Paris. 1902; H. Hoilding, Psychologie in Umrisscn au/ Grundlage der Er/ahrung, 3· édit., in-8®, Leipzig, 1901 ; trad. L. Poitevin. Esquisse d'une psychologie /ondée sur Γexperience, 4« iniit., in-8·, Paris, 1909; XV. James* The principles o/ psychology, 2 Ιη-8·* Londres* 1890; trad. Baudin cl Berthicr, Principes de psychologie, ln-8·, Paris, 1909; Im théorie de rémotion, 2· édit., in-16, Paris, 1906; The varieties o/ religious expe­ rience, in-8·, Londres. 1902; trad. Fr. Abauzlt, Inexpé­ rience religieuse, 2® édit., ln-8·, Paris. 1908; trad. G. XVobbermin, Die religiose Er/ahrung in ihrer Mannig/altigkeit, in-8®, Leipzig, 1907; Pragmatism, in-8·, Londres, 1907; trad. XV. Jerusalem* in-8®, Ixipzlg, 1908; trad. Le Brun. In-12, Paris, 1911; A pluralistic universe, in-8·, Londres, 1909; trad. E. Le Brun cl M Paris, La philosophie de rexpérience, in-12, Paris, 1910; Suggestion about mys­ ticism, dans Journal o/ philos, psychology and scienti fie methods, février 1910, p. 85 sq.; nombreux articles dans le même périodique, dans The mind, «laits Proceedings of the Society for psychical researches, etc. ; P. Janet, L'automatisme psychologique, 6® édit .. Paris, 1910; Névroses cl idées fixes, 2· édit., 2 in-8·, Paris, 1904, 1908; Ixs obsessions de la psychasthénie, 2· édit., 2 in-8®, Paris, 1908; L'état mental des hystériques, 2® édit., in-8®, Paris, 1911; Ll subconscient, dans Rivista di scicnza, 1910, p. 61 sq.; J. Jastrow, The subconscious, in-8°, Londres, 1906; trad. E. Philippi, La subconscicnce, in-8®, Paris, 1908; Lcuba, Studies in the psychology o/ religious phenomena, dans American journal of psychology, 1896; The contents of religious conscious­ ness, duns The Monist, 1901; Ixs tendances fondamentales des mystiques chrétiens, dans la Revue philosophique, 1902; E. Murisier, Ixs maladies du sentiment religieux, in-16, Paris, 1901; Fr. Myers, dans Proceedings o/ the Soc./or psych, researches, I. xn, p. 305 sq ; Human personality, in-8®, Londres, 1903; trad. Jankrlévitch, ln-8®, Purls, 1905; Fr. Paulhnn, Ixs phénomènes affectifs ct les lois de leur appari­ tion, 2 . 1 ( . in It;. Pans, 1901 ; M - A -II Pl In appeal from the prevailing doctrine o/ a detached consciousness, ln-8®, Boston; J.-A. Porret, Au sujet d' la conversion; remarques sur la théorie émise par Μ. IV, James, in-8®, Paris, 1907; F. Bauh, De la méthode dans la psychologie des sentiments, in-8®, Paris, 1899; L'expérience morale, in-8®, Paris, 1903; Sur ridée d'expérience, dans la Revue de nuta physique ct de morale, Paris, 1908, p. 871 sq ; Th. Ribot, Psychologie des sentiments, 6· édit., in-8®, Paris, 1896; iMgique des sentiments, In-8®, Paris, 1907; Ixs mala­ dies de la personnalité, 15e édit., In-8·, Paris, 1911 ; Im con­ science affective, dans la Revue philosophique, Paris, 1909, p. 371 sq., Problèmes de psychologie affective, in-16, Paris, 1009; E. D. Starbuck, The psychology o/ religion, in-8®, Londres, 1889; G. Vorbrodt, Beilrdge zur religiôsen Psycho­ logie ; Psychologie und Cic/uhl, In-8®, Leipzig, 1901. 2® Auteurs catholiques. — Alibcrt* Pour lire en psychologue la vie des saints, dans la Rame néo-scolastique, Louvain, 1909, p. 398 %q„ 505 sep; Im psychologie des saints ct l'apologétique traditionnelle, dans la Revue pratique d'apologétique, Paris, 1911, t xi. p. 4SI sq,; /X Arcclin. r a dissoci dion psycholo­ gique, Pari», 1901 ; II Blanc, lx merveilleux dans le fansénisme, le magnétisme, le méthodisme..., In-S®, Paris, 1865; «le Bonnlot. Du mysticisme. Extase et névroses..., dans les Études, juillet-décembre 1878; lx miracle ct les sciences médicales, In-12, Ihiris, 1879; lx miracle ct ses contrefaçons. 5® édit , In-12* Paris, 1895; J. Dutilleul, Convertis et apos­ tats, dans les Études, 1910, t CXXIV, p 317 sq., 507 sq.; Dr van «1er List. Étude de Γhypnose, In-8®, Paris, 1908; E. Gosc-Desfossés, lx mysticisme irréligieux ct sentimental au sis· siècle, dans h's Annales de philosophie chrétienne, 1897, t. CXXXIV, p. 22 sq.; DrGolx* Im méthode expérimen­ tale ct la mystique chrétienne, ibid., t. r.xxxn, p 609sq.; lx feûne mystique, dans In Revue de philosophie. Boris. VX)9, p. 131 sq., 288 sq ; M Gombnult* lx sentiment religieux ct la psychophysiologic, dans la Revue des sciences ecclesias­ tiques, 1907, 1908; K dr la Grasserie, Dsychologlr des rcli gions, in-8·. Pari». 1890; Il Joly, Psychologie des saints, 5· édit , in-12, Pari», 1898; Ch. de Kirwan* lx mot et le sous-moi ou la dissociation psychologique, dons 1rs Questions ecclésiastiques, 1908, p. 97 sq.,206 sq.;IL Lnvrand, Hystérie ct sainteté, 2 In 16, Paris. 1911; J, Mfaréchal)* A propos du sentiment de présence chez les profanes et chez les mystiques, dans La Revue des questions scientifiques, 1908. 1909, tiré Λ part, in-8·, Louvain, 1909; Science empirique et psych looie religieuse, dans Recherches de science religieuse, 1912, t. ut, p. 1-62; Montagne, Théorie de Γautomatisme ccnscient, dans la Revue thomiste, 1907* t. xv, p. 153 sq ; IL D. Noble, L'individualité affective d'après S. Thomas, dans la Revue des sciences philosophiques ri thénlogiques,l*Jll,l.\·, p. 516 sq ; Im nature de Γémotion selon les mndemes ct selon S. Thomas, Ibid., 1908, t. Il, p. 225 sq.; C. Pint, L'ex­ périence du divin, dans la Revue néo-scolastique, 190s, p 313 sq.; Insuffisance des philosophies de Γ Intuition, in-8 , Paris, 1908; A. Bel té, Notes sur la psychologie delà conver­ sion, in-18, Bruxelles, 1911; J. Segond* Im prière, in-8*. Paris* 1911; F. Strawski, S. François de Suies, Introduction a Γhistoire du sentiment religieux en France au im" siecle, in-8’. Parts, 1898; J. Toulemondc* Influence de Vidée sub­ consciente sur toute la vie de Γhomme, dans la Revue de philo·* Sophie, 1911, p 77 sq. III. ÉTUDES PLUS SPÉCIALEMENT PHILOSOPHIQUES OU Tiitologiques. — 1· Auteurs acathotiqucs. — 11. Appia, Les réveils religieux, dans la Revue chrétienne, et tiré d part. in-8®, Dôle, 1897; G. Arnold, Thcob>gia experimcntalis, dns isl geislhche Er/ahrungslehre, ln-1 ·, Francfort. 1715; Ph. Bachmann, Die pcrsânliche Heilserfahrung der Christen und thre Baie tilling /ur den Glauben, narJi dem Zeugnis der Aposlel, in-8·, Leipzig, 1898; Bede dung des Sûhnlodrs Christi fiir dos christliche Gewisscn, in-8®, Leipzig, 1908; IL Bois, De la certitude chrétienne. Essai sur la théologie de Frank, in-8®, Paris, 1887; De la connaissance religieuse, in-8·, Paris, 1891; Sentiment religieux et sentiment moral, In-8®, Paris* 1903; Lenaei/au pays de Galles, in-8®,Toulouse* s. d. (1906(; Im valeur de rexpérience religieuse, in-12* Paris, 1908; Bourgoint-Lagrange* Im philosophie de h cer­ titude, Introduction d la méthode conscienticlù de M. L. de Rosny, In-12, Paris, 1902; E Boutraux, IV. James et Γexpé­ rience religieuse, dan» la Revue de métaphysique et de morale, 1908, p. 1-27 ; Science cl religion dans la philosophie contemporaine, in-12, l*aris, 1909; IV. James, in-16, Paris, 1911; A. Chandler. Faith and experience, an analysis of the factors of religious knowledge, In-8·* Londres, 1911; S. Clasen. Die christliche Ileilsgi vissheit, In-8·, Halle, 1897; Ath- Coquercl, père, lx christianisme expérimental, 2® édit-, in-12, Paris. 1866; Er- Cremer. Leber die Entstehung der christ. Gcivlssheit, ln-S·, Gutersloh, 1893; Th Crcmer, Le problème reli­ gieux dans la philosophie de Γaction, in-8®, Paris* 1911; Daxer, Der Subfecktivismus im Frank's System der christl. Geudsshcit, in-8®. Gutersloh, 1900; IL Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculatif en Allemagne au sir9 siècle, in-8®, Paris, 1899; J. A. Domer, System der christl Glaubenslehrc, 2· édit . 2 in-8·, Berlin. 1886-1887; E Doumergue. Lx senti­ ment moral, En nouveau chapitre d'apologétique, in-S®, Montauban, 1872: Ιχι méthode expérimentale ct le christia­ nisme, in-16, s. I n. d. (1878J; / es étapes du fidéisme, in-18* Paris, s d.; L'ascétisme ct Γintellectualisme de Calvin, in-8®, Montauban, 1907; lx dernier mot du fldeisme, in-12. Paris, 1908; Durkheim, Ixs règles de la méthode sociologique, in-12. Pari», 1895; 5"edit.* 1910; Dr la définition des phénomènes religieux, dans Γ.Inner sixiologique, 1897-1898; Examen critique des systèmes classiques sur tes origines de la pensée religieuse, dans la Revue philosophique. 1909; E. Fr. Fbcher* Autoritat und Er/ahrung in der Bcgnutdung der Heilsgeivisshcd .JnS9, Leipzig, 1907; D.-W Forrest. The Christ of history and of experience, 5· édit., in-8®, Edimbourg 1906; P. Gardner, The religious experience of St. Paul, .n 8®, Londres, 1911; E Haack. Uebcr Wesen und Reden tn ng dechristl. Er/ahrung, in-8®, Schwerin, 1891; M Hébcit. he divin. Expériences et hy/>othèses,ln-S9. Paris, 1907; I-a forme idéaliste du sentiment religieux, in-12. Paris, 1909; C. XV. Hodge, Christian experience and dogmatic theology, dans Princeton theological review, 1910, p. 1-13; K Heim. Das Gcivissheitsproblcm in der syslemattsch Thcol. bis Srhlriermacher,in-8·. Leipzig, 1911 : IL Ibuilding, Thephth^nphy o/ religion, trad ILE Meyer, Londres. 1906; tnid F Schlegel, in-8·. Paris. 1908; Holtzmann, Ueber Reqriff und Inhall der relig Er/ahrung, dans Protest Monatshefte. 18jcn l ntrrbi/usdieln, dons les Stlmmcn, 1909, t. Lxxvr, p ou m|.; M Blondel, L'action, in-8·. Paris. 1893: MgrBonomrlh, Sentimentalisme et formalisme, trad. Ch.-A Begin. in-12. Pari*. 1902; Catatnyud. Dînas Thomas cum PP. et prr>pheti9 locutus priscorum ae rerentinrum errorum... tene­ bras.. dissipans, 5 in-fol., Valentia, 1714: A Condam In, Ia mUslon surnaturelle des prophètes ιΓ hrail, dans les Élu tes, 1909, t exsili, p 5 uq.; M Démery. l.a conversion, dsn* I·» Brvue nugudinlenne, 1908; II- Drnzingrr. I 1er Ba -r r n der nil g l'rkenntnlss, 2 ln-8·*, Wur/bourg, 1836K7 F Dubol», Dogme et piété, dans la Brime du rien»· frur, as, 1905,1 xm. p I8n m; ; l'rogct. De riinbltation du 5 dnpEspnt dans Fs dntrs fustes, dans lu îleoue thomiste, JY4H8VM io-8%Paris, 18*18; J GœtTts.D'r ihrhdl Mgstik, (3 0-8·, Bal»*’· nr«, 1X3O-1M2: tmd ch Snlnte-Fol, l.a 1868 mi/sllquc divine naturelle cl diabolique, 5 ln-12, Paris, 1861; A. Ilnmon, Mysticisme et subconscicxicc, dan» lu Itcvue pra­ tique d'apologétique, 1908, t. vi, p, 5U1 sq.; St. Ilurent, Expérience et foi, duns les Éludes, 1907, t. cxiri, p. 221 «p; Cli d’ilcllencourt. De l'ticliuité exlérieurt chez les mystiques, dmu les Annales de philosophie chrétienne, 1911, p. -lud sq.; H M. Hughes, Christian experience and historical facts, duns /London quarterly review, avril 1911, p. 228 sq.; F. von Huge), The mystical element of relig. as studied in S· Cathe­ rine of Genoa..., 2 in-8·, Londres, 1908; J. Klcutgcn, Theologic der Vorzcit. 2· édit., in-8°, Munster, 1873, t. iv, diss. IV, c. n. p. 372 sq ; L. Labcrthonnlére, Essais de philosophic religieuse, in-12. Puris, 1903; J. Lcbrclon, L'encyclique el la théologie moderniste, dans les Éludes, 1907, t. cxiH,p.4O7 sq., et in-16, Paris, 1908(trad.ungl.ct Uni.); A. Leclerc, Pragma­ tisme, modernisme, protestantisme, in-12» Paris, 1909; Ixi vanité de l'expérience religieuse, dans les Archives de psu ologie, 1910, p. 241 sq.; Michelet, Dieu cl Tagnoslicism'' 3Πtempora in, ln-12, Paris, 1909, en articles dans la Hevue d clergé français, 1907, 1908; Molsanl, Dieu ct Γexpérience en métaphysique, ln-8·, Paris, 1908; Psychologie de Γincroyant, in-16, Paris, 1908; J. IL Newman, Difficulties felt by angli­ cans in catholic teaching, in-8®, Londres, 1850, 3· confer., réfutant scs thèses de 1841; .1. Pachell» Introduction à la psychologie des mystiques, in-12, Paris, 1901 ; Du positi­ visme au mysticisme, ln-12, Paris, 1906; Psychologie des mystiques chrétiens, in-12, Paris, 1909; L'expérience mys­ tique ct l'activité subconsciente, in-12, Paris, 1911; Portallé, L'hypnotisme au moyen âge, dans les Études, 1892, t. lv, p. 481 sep, 577 sq.; A Poulain, l^s grâ es d'oraison, G® édit., in-8e,Parls, 1909; trad L. YorkcSmith, Thcgraces of interior prayer, in-8·, Londres, 1910; E. Rosa, Il modernlsmo tcologico... ascclico... apologetico, dansla Ciuillà cattoZZca,1908;L Roure,En face du fait religieux, in-12, Paris, 1908; D. Sabatier, L'expérience religieuse ct le protestant tisme contemporain, dans les Anna/cs de philosophie chré­ tienne, 1908, t. clvî, clvii; Schwalm, L'inspiration inté­ rieure ct le gouvernement des Ames dans ΓEglise catholi­ que, dans la Bcvuc thomiste, 1908, t. vî, p. 315 sq., 707 sq.; N. Tcrzngo, Theologia historlco-mystlca advenus veteres ct novos pseudo-rnysticos, in-fol., Venise, 1761; Vallet, Ixt tête et le ctrur, in-12, Paris, 1885; L. Visconti, I-a conversione religiosa, dans Studi religiosi, mai 1007; J. L. Walker, The pragmatic value of theism, dans Irish cedes reconl, mai 1911; J J. Walsh, The Church and the experimental method, dans The american catholic quarterly review, 1908, t xxnr, p 138 sq ; IL Wntrigant, L'école de la spiritualité simplifiée et le · laisser-faire · Dieu, in-8·, Lille, 1903; O. Zimmermann, Dus Gottesbcdurfniss als Gottesbciveis..., in-8·, Fribourg-cn-Brisgnu, 1910. IL Pinard. EXPIATION. Voir Rédemption. EXPLICITE ET IMPLICITE. Le terme explicite est un de ceux qui sont le plus souvent employés en théologie; il s’oppose à implicite. Est explicite tout cc qui est admis ou proposé expressément; est impli­ cite tout cc qui est contenu dans autre chose. Il nous faut nous contenter de ccs définitions vagues qui ne peuvent se préciser que dans les diiTércntcs applica­ tions des mots implicite ct explicite. Ccs applications sont nombreuses : connaissance, croyance implicite ou explicite de telle ou telle vérité; révélation explicite et implicite; institution explicite ct Implicite, etc. Mais l’idée générale est celle que nous avons Indiquée. Nous avons apporté tes trois exemples cpii nous pa­ raissent les seuls h signaler dans ces courtes notes sur l’emploi des mots implicite et explicite en théologie. 1° Connaissance, croyance implicite ou explicite. — Il y a des vérités dont la connaissance, dont la croyance expresse est nécessaire nu salut éternel, de nécessité de moyen ou de nécessité de précepte; d'autres, dont la connaissance, dont la croyance expresse n’est pas nécessaire. Il faut admettre les premières explicite­ ment·, Il sutllt de croire implicitement les secondes. De nécessité de moyen, la croyance explicite doit porter sur un Dieu rémunérateur ct sauveur, selon l'opinion la plus probable, voir Équse, t. iv, col*. 21692174, et surtout Foi; de nécessité de précepte, la 18G·» EXPLICITE ET IMPLICITE croyance explicite c«t nécessaire à l'égard des princi­ paux mystères, des vérités concernant lu vie future; il faut également la connaissance explicite de quelques prières essentielles, principalement du Pater. et des sacrements que l’on doit recevoir. Cf. S. Thomas, Sum. theol.. Il» II·, q. π, η. 5-8. Les autres vérités, les autres pratiques peuvent n’etre admises qu’imp/fcitemenf, c'est-à-dire d’accord avec ΓÉglise, en croyant tout ce qu'elle croit ct en étant prêt à accomplir tout cc qu’elle commande. Tel est l’enseignement tradi­ tionnel. Les vérités, que nous avons l’obligation de croire explicitement, peuvent être dites, à cause de cela même, en un certain sens, fondamentales; mais ce n’est point le sens que les protestants ont attaché aux articles fondamentaux. Voir cc mot» t. i, col. 2026. Cf. Franzelin, De traditione, th. xxnr, n. 3. On trouvera ces notions à l’art. Foi. 2° Héuêlalion implicite ou explicite. — La notion de la révélation implicite<»u explicite fonde toute la théorie du progrès du dogme.Voir Dogme, t. iv,col. 1606-1647. La distinction entre les vérités dont la croyance explicite est de nécessité de précepte,et celles dont la croyance implicite suffit, engendre cette conclusion immédiate : au début, la révélation chrétienne a dû proposer explicitement, c’est-à-dire expressément, en termes propres ou équivalents, les principaux mys­ tères ct ce qui est nécessaire au chrétien pour opérer son salut; elle a pu — ct c’est un fait démontré par l'élude des origines — ne proposer d'autres vérités que d’une façon implicite. Le progrès du dogme s’ap­ plique donc surtout à ccs dernières vérités, dans les­ quelles. quant au sens même que recouvrent les for­ mules du dogme, il y a passage de l’implicite à l'ex­ plicite. Cf. Dogme, t. iv, col. 1575. 1. Les théologiens ramènent à (rois les manières im­ plicites dont une vérité est contenue dans une autre : généralement, formellement, virtuellement. a) Une vérité est contenue dans une autre d’une manière implicite, mais simplement générale, lorsque cette autre ne comporte aucune détermination parti­ culière qui puisse faire pressentir la vérité implici­ tement contenue : par exemple, le mystère de la Tri­ nité est implicitement contenu dans la notion de Dieu. Un tel passage de l’implicite à l'explicite con­ stituerait dans le dogme un progrès, mais non plus in eadem sensu; cc n'est donc plus le développement normal du dogme. Un pareil développement suppose une nouvelle révélation. à) Une vérité est contenue dans une autre d’une manière implicite formelle, quand elle y est com­ prise comme les parties dans le tout, le particulier dans l’universel. On l'en extrait sans le secours d’un moyen tenue : c'est une déduction immédiate; par exemple, de cette proposition générale : Le pape est le vicaire du Christ, on déduit immédiatement celte autre, qui est de foi, comme la première : Pie X est le vicaire du Christ. Dans un tel passage, il y a, à proprement parler, le développement dogmatique, tel que l’admet la doctrine catholique, parce que, selon la définition du concile du Vatican, le dogme progresse in eodem sensu eademque sententia. Const. De fide catholica. c. iv, Denzinger-Banrnvarlh, n. 1800. Voir Dogme, t. iv, col. 1617. c) Une vérité est contenue dans une autre d'une manière implicite virtuelle, lorsqu’il faut faire appel, pour l'en déduire, au secours d’un moyen terme. Cc n'es plus le développement dogmatique, mais théolo­ gique qui use de ce procédé, ct l’on aboutit simple­ ment à des conclusions théologiqucs. contenues vir­ tuellement dans le dogme lui-même. Exemple : la science humaine parfaite du Christ qui sc déduit du dogme de l’incarnation par le moyen tenue de la vi­ sion béatiflque. 1S70 Certains auteurs pensent qu’une vérité virtuelle­ ment renfermée dans un dogme peut devenir article <îc foi, par la promulgation de l’Église; parce que cc qui, par rapport û nous, serait resté toujours virtuellement implicite, n'est point tel pour l’Eglise qui bénéficie de l’assistance du Saint-Esprit. Voir de Grandinaison, Développement du dogme chrétien, dans la Hernie pra­ tique d apologétique. 1908, t. n, p. 895. Il semble qu’il y ait Ici confusion : l’Église, même avec l’assistance du Saint-Esprit, ne peut pas faire qu'un moyen terme ne soit nécessaire ou non pour déduire une vérité. Or, si l’on est obligé d’employer un moyen terme, c'est-à-dire de déduire, par un raisonnement propre­ ment dit, la vérité nouvelle, cc n'est plus la révéla­ tion seule, mais la raison qui entre en jeu, ct la vérité que l’on déduira ainsi sera le résultat d'un dévelop­ pement théoloolque, mais non dogmatique. Cc sera une vérité logiquement connexe à la révélation, mais non une vérité révélée. L'exemple de l'immaculée conception ne prouve rien contre cette affirmation : on a objecté que cc dogme ne pouvait être formelle­ ment implicite dans la tradition, sans quoi « la simple exposition des termes aurait dû rendre ccttc conte­ nance manifeste. » Il faut répondre : autre chose est l’identité ou la convenance réelle des termes d’une proposition générale ct de la proposition particu­ lière qu’elle renferme d’une manière formelle impli­ cite; autre chose est la connaissance que nous avons de cette identité. Le sens exact ct complet d’une vérité révélée peut, |»our être parfaitement connu, demander un long travail d’investigations et de discussions. Tel a été le cas de l’immaculée conception, qu’il faut con­ sidérer comme une vérité formellement contenue dans le dogme de la pureté parfaite de Marie. \oir Dogme, t. iv, col. 1576-1577. Le passage de l’implicite à l’explicite, lorsqu’il s’agit de ccs vérités, contenues dans le dépôt de la révé­ lation, comporte ordinairement trois stades que le cardinal Franzelin a analysés. De traditione, th. χχιπ, η. 4. l9t stade : croyance purement implicite, ou sim­ plement pratique, sans mélange d’aucune contro­ verse; 29 stade : période de controverse où, sous les coups des arguments pour ct contre, la vérité s’obscur­ cit, jusqu’à cc que, grâce à l’assistance de l’EspritSaint, on arrive, dans l’Église, à une croyance expli­ cite sur le point en litige; J· stade : consécration de cette croyance explicite par le magistère extraor­ dinaire de l’Église, ou encore (plutôt théoriquement) par le simple magistère ordinaire. 2. Quant aux vérités dont la croyance a dû être explicite dès le début, parce que nécessaire de néces­ sité de précepte (ou de moyen), il faut admettre, sous peine de contradiction, que la proposition de ccs dogmes a dû être, au moins dans ce qu’ils ont d’essen­ tiel. explicite dès l’origine. Peut-on cependant, pour ccs dogmes fondamentaux eux-mêmes, parler de pas­ sage de l’implicite à l’explicite? Oui, mais en n’ap­ pliquant pas la qualification d’implicite au sens de dogme, c’est-à-dire à cc qui, dans le dogme, est l’ob­ jet de l’acte de fol, mais soit à des modalités acciden­ telles, soit surtout à la formule définitive du dogme qui est contenue implicitement dans la croyance pri­ mitive explicite. Le passage de l’implicite à l’expli· cite est donc ici lo passage de la simple croyance à la définition précise. Voir Dogme, t. iv, col. 1603. Le P. Billot, De immutabilitate traditionis. 2· édit., Borne, 1907, c. n, j 2, a mis au point les trois stades par les­ quels passent ainsi les dogmes, même fondamentaux. — /·* stade : simple croyance, où les premiers chré­ tiens se contentaient de professer la foi reçue direc­ tement des apôtres. C’est à cet état de simple croyance qu’il faut rapporter les premières con­ fessions relatives à la Trinité, S. Ignace, Ad Magn.. n V 1871 EXPLICITE ET IMPLICITE — EXTASE e. xm, Patres apostolici, Funk, Tubinguc, 1901, t. î, p. 240; Ad Eph., c. vn, p. 218; Ad Polyc., c. ni, p. 290; ci. Martyrium Pohjearpi, c. xiv, ibid., p. 330; à l’Ég isc, S. Irénée, Cont. har.9 I. I, c. x, n. 1, P. G., t. vu, col. 519; à la grâce ct au péché originel. Cf. S. Au­ gustin, Cont. Julianum. I. I. n. 5, 20, 32, 33, P. L., t. xuv, col. 643-654, 662-665. — 2· stade : simple croyance Λ laquelle s’adjoint un essai encore impar­ fait d’explication ct d’cxposlt’on, sous l’influence d’une préoccupation apologétique. C’est à ce stade qu’i. faut rapporter 1rs œuvres des premiers Pères apo­ logistes; cl c’est par l’imperfection de leur exposition qu'il faut expliquer les textes un peu difficiles que présentent çà ct là leurs défenses dc In doctrine catho­ lique. Voir Esprit- Saint, col. 696-701. Cf. Dogme, t IV, col. 1628, l’explication de Bossuet. — 3* stade : explication ou définition précise, sanctionnée ordi­ nairement par les décisions dc l’Église. C’est la période des premiers conciles œcuméniques. Il semble nécessaire, pour éviter les confusions, dc bien distinguer ces deux sortes dc passages dc l’im­ plicite à l'explicite, qui vont parallèlement, sans toutefois sc confondre. Mais, dans les deux cas, il y n plus q fun passage de l'implicite v W. James, L'expérience religieuse, p. 339, Les bouddhistes, par les mêmes procédés matériels que les Hindous, montent les quatre degrés supérieurs de la Dhyâna, qui est la forme supérieure dc la con­ templation cl dc l’extase. Au premier degré, l’esprit, tout enveloppé de bonheur, est détaché dc tout désir il distingue cependant ct relie encore ses pensées; au second degré, tout jugement a disparu, reste seule­ ment au fond dc l’âme un plaisir intime qu'on ne juge pas, qu’on ne comprend pas; au troisième degré, l’indifférence a fait place au plaisir, le sage ne garde plus qu’une conscience obscure de lui-même; au quatrième degré, tout sentiment est perdu, même celui dc l'indifférence, c’est l’impassibilité aussi com­ plète qu'elle peut l’être dans cette vie. Barthélemy Saint-Hilaire, Le Rouddha ct sa relig on, p. 136, 137. Cf. C. F. Koeppen, Die Religion des Budha, Berlin, 1857, t. i, p. 585 sq. Dans le Ihia, le Persan Algazcl (yllll), l’un des plus grands docteurs de l’islamisme, nous Indique certaines méthodes ct certains exercices qui pré­ disposent l’âme à l’extase ; l'auteur ne pense pas en effet que l’homme puissent atteindre par lui-même à cet état, qu’il considère comme un effet surnaturel de la grâce divine. Jeûne, veille, silence, retraite absolue; assis à terre, le néophyte doit commencer à èpéter le mot Allah jusqu’à ce que le mouvement dc la langue cesse, et que le son sorte des lèvres de lui-même; les lèvres se absent, l’image du mol seule reste dans le rœur; l'Image doit même dispanolrc à son tour, il ne demeurera plus rien sauf l’idée si­ gnifiée. Ihia, III, 15, 57. Cf. M. Asin y Pabems, La philosophie de l’extase chez deux grands mystianes musulmans, dans Cultura espanola, février 1966. (domine les mystiques bouddhistes et hindous. Al­ gazcl fait consister le plus sublime état dc la vie unitive, l’extase, dans l’inconscience absolue du sujet (alfa n à) qui oublie le monde extérieur, scs propres modifications psychiques, son existence elle même. Les moyens extérieurs, les procédés artificiels peuvent produire l’extase, nous venons de le voir, ils n’y sont pourtant pas nécessaires : une vive im- 1873 I EXTASE pression suffit quelquefois. Cette impression peut naître nu contact des grands spectacles de la nature. Le poète Am ici raconte dans les Fragments d'un journal intime que, au milieu des ruines du château dc Eaucigny, puis dans la montagne, au dessus dc Lavey, sous le soleil du midi, une troisième fois, la nuit, sur une grève de la mer du Nord.il passa quel­ ques-uns dc ccs moments divins, · où la pensée vole dc monde en monde..., instants d’intuition où l’on sc sent grand comme l’univers ct calme comme un dieu. » Ces heures laissent dans l’esprit < des impres­ sions dc respect ct d'enthousiasme, comme des visites du Saint-Esprit, » t. i, p. 43-44. Pareilles extases ne sont pas très rares chez ceux qui aiment passionné­ ment la nature et chez les poètes, et. Archives de psychologie, t. n, p. 351 ; on les rencontre aussi chez les savants ct les philosophes. 11 suffira dc rappeler les cas du prêtre Bcslitut, d'Archimède et dc Socrate, cf. A. Poulain, Des grâces d'oraison, p. 31, n. 20, ct dc Bonniot, Le miracle cl les sciences médicales, p.203sq. ct 197; ou encore celui dc Descartes. Baillet nous dit que ce philosophe, le 10 novembre 1619, · étant couché tout rempli de son enthousiasme, ct tout occupé d’avoir trouvé ce jour-là les fondements dc la science admirable, eut trois songes consécutifs, mais assez extraordinaires, pour s’imaginer qu’ils pouvaient lui être venus d’en haut. > 11 les racontait avec un enthousiasme délirant et sous leur influence il fit un vœu à Notre-Dame dc Loretto. La vie dc M. Des-Cartes réduite en abrégé, p 45 17. Hegel acheva dans le plus grand calme la Phréno­ logie de l'esprit, à lénn, le 4 octobre 1806; il n’en­ tendit rien de la sanglante bataille qui se livrait près dc lui. Beethoven, ravi hors dc lui par l’inspiration, sortit un jour, ù moitié vêtu; pris pour un vagabond, il fut conduit dans la prison de Neudstadt, personne ne voulant croire, malgré scs affirmations réitérées, qu’il fût Beethoven. Cf. G. Geley, L'être subconscient, p. 22, 23. Enfin il est des cas fort nombreux ct très différents des précédents, où sans aucune préparation au moins apparente, sans que l’on puisse découvrir l’in fluence d’aucune idée ou émotion — parfois même il est évident que nulle idée, nulle émotion n’a pu agir— l’extase éclate dans l’âme, comme un coup de ton­ nerre, la bouleverse ct la ravit. Le Dr Imbert Gourbeyre rapporte, Iji stigmatisation ct l'extase divine, t. π, p. 275 sq., que Passidéc deSicnnc eut des extases dés qu'elle · fut délivrée de scs langes ct qu’on luy eust veslu une robbe; » Mario-Françoise des CinqPlaies n’avait pas atteint ses quatre ans qu’elle était déjà extatique; sainte Hildegarde,Catherine dc Bacconigi, Dominique du Paradis, sainte Catherine dc Sienne le furent nu même Age, saint Pierre d’Alcantara à six ans, saint Joseph de Cupertino à huit. D ms le Théâtre sacré des Cêoennes, p. 80-82, Jacques Dubois dc Montpellier écrit : « J’ai vu, entre autres, un enfant de quinze mois entre les mains de sa mère à Qmssac qui parlait avec agitations ct sanglots, distinctement ct à voix haute, mais pourtant avec des interruptions : ce qui était cause qu'il fallait prêter l’oreille pour entendre certaines paroles. L'en­ fant parlait comme si Dieu eût parlé par sa bouche : Je te dis mon enjant, c’était la formule par laquelle l’esprit commençait toujours... Dans une vallée nommée la Courbe du Bénard, proche dc la Rouvière, à une lionne lieue d’Anduze, Je fus chez un de mes amis dans la maison de qui il y avait un petit garçon dc six ans... Ce! enfant tomba, en ma présence, dans des agitations dc tête ct de poitrine, parla à voix haute ct en bon français, exhorta beaucoup ù la repentance, fit aussi quelques prédictions. > Le même auteur affirme qu’il a vu plus dc soixante enfants, ayant dc trois à douze ans, tous extatiques Beaucoup des extases que nous lisons dans la vie des saints sein bien bien n’avoir aucune cause immé­ diate naturelle. Remarquons seulement Ici qu'une espèce d’extase a été nommée par les auteurs mys­ tiques ravissement, pour indiquer, par le nom luimême, tout ce qu'elle a dc soudaineté impétueuse, ct combien elle parait indépendante dc toute volonté en dehors ct au-dessus de toute préparation. Un jour, sainte Thérèse récitait le symbole de saint Athanase, quand tout à coup il lui fut donné de comprendre dc quelle manière il y a un seul Dieu en trois personnes, et la vision fut si claire que son âme en tressaillait d’admiration ct dc joie. Œuvre* complètes de sainte Térésc de Jésus, trad, nouvelle par les carmélites du pr micr monastère dc Paris, t. n, p. 139, 140. Un autre Jour, pendant son oraison, il lui fut représenté, en un moment, sans objet dis­ tinct, mais d’une manière extrêmement lumineuse : < comment toutes choses sc voient en Dieu ct sont contenues en lui. » Œuvres, t. n, p. 147. La Véné­ rable Jeanne dc la Croix, Clarisse dc Roveredo, par­ lait à scs sœurs des perfections divines quand,soudain, elle fut ravie; son ravissement dura sept heures. A. Poulain, Des grâces d'oraison, c xvm, n. 15 Certains états de faiblesse corporelle, certaines maladies produisent sur le co ps et sur les facultés dc l’âme des effets où quelques auteurs ont voulu voir des manifestations extatiques; des volumes ct des volumes ont été écrits sur ce sujet, je ne dirai que quelques mots. Sainte Thérèse, Château de l'amc, IVe demeure, c. m, et sainte Jeanne dc Chantal, Lettres, 11, p. 276. 277, remarquent avec Justesse que les personnes adonnées à la péni once, à l’oraison, aux veilles, ou qui simplement sont faibles de complexion, perdent parfois conscience dans la prière ct. revenues à elles, ne sc souviennent de rien : les deux saintes ne voient là rien d’extatique, elles ordonnent simplement de faire manger ct dormir ccs personnes un peu plus qu’à l’ordinaire. La catalepsie cause des phénomènes plus étranges. Les auteurs latins l’appellent congelatio; c’est, en effet, un saisissement instantané, une espèce dc pétrification soudaine; le patient immobilisé semble privé de vie. Le corps garde l’attitude où l’attaque l’a saisi, les traits conservent d’ordinaire l’apparence ct les couleurs dc la vie, mais mouvement,sensibilité, intelligence, vouloir ont disparu. On peut enfoncer des épingles ct des aiguilles dans les bras ou les jambes du malade, il ne sent rien; ses yeux sont insensibles a la plus vive lumière, ses oreilles aux sons les plus puissants, l’âme sembl avoir fui. Il a des attaques moins complètes. Grasset. Traité pratique des maladies du système nerveux, p. 873. La catalepsie n’est souvent qu’une manifestation dc l’hystérie, l’hystérie bien des fois a été identifiée avec l’hypnotisme. L’hystérie, l’hypnotisme, comme la catalepsie, produisent des extases. Les médecins ont décrit longuement les troubles dc la célèbre névrose : troubles dc la motilité, troubles de la sensibilité, troubles circulatoires ct secrétoires, troubles psychiques, uiasset, op cit., p. 925-957. Les exploits des médiu «Sic lisent partout : inutile d’insister sur ces singulières ct maladives extases. Je sais bien que l’on écrit hardiment que les saints dc l’Église catholique sont des hystériques et leurs extases des névroses; le lec eur, quand il aura lu cet article, verra facilement les différences essentielles qui séparent les malades des cliniques et les saints du martyrologe. II. Effets. — L’extase, qu’elle soit provoquéo par l’absorption de gaz, dc liquides ou dc substances) quelconques, quelle naisse dc l’immobilité absolue 1875 EXTASE 187C> du corps ou de la fixité du regard, qu'elle soit pro­ Romaine poussait, vers la fin de l’extase, des gemisso duite par la concentration de la pensée sur un objet, . ments qui venaient du regret qu’elle éprouvait de qu’elle sc manifeste sans cause naturelle apparente, I quitter la vision céleste. Acta sanctorum, au 9 mars. Le cri subit, on l’entend aussi au début des crises ou qu’elle soit la conséquence de certains états de hystériques et épileptiques, cri de terreur qui effraie, faiblesse, de certaines maladies, l’extase produit des mais jamais le cri maladif n'est suivi du calme céleste cfTcts que nous avons à connaître, puis à juger. dont parle si bien sainte Angèle de Foligno :< Quand I9 Sur le corps. — 1. Immobilité. — Le corps l’âme commence Λ sentir le feu divin, il s'élève de souvent garde la position dans laquelle l’extase l’a saisi, il s’y trouve comme figé : on a comparé des son fond une clameur et une rumeur. C’est :‘i peu près cc qui arrive aux pierres dans une fournaise, quand extatiques ù des statues de marbre : statua marmorea, on veut les réduire en chaux. Au premier contact du disait-on de sainte Madeleine de Pazzi; l’historien feu, elles crient, mais quand la réduction est opérée, de Denys le Chartreux écrit que, dans l’extase, il elles s’apaisent ct sc taisent. Ainsi l'âme d’abord tvait l’immobilité de la mort, mortuus et immobilis, et l’on comparait saint Pascal Bay Ion à un homme crie contre Dieu ct sc lamente... Puis quand, unie à Dieu, elle est établie sur la vérité qui est son siège, cloué au sol. Imbert Courbeyre, La stigmatisation, I π, p. 248. On lit dans sainte Thérèse : < Dans le on n'entend plus ni cris ni plaintes. » Trad, des Études, 20 décembre 1910, p. 810. temps même du ravissement, le corps est comme 4. Expression du visage. — On a signalé bien des mort ct dans une totale impuissance; il reste dans la position où il a été surpris, debout ou assis, les fois avec quelle mobilité et quelle viva lté certaines mains ouvertes ou fermées. » Vie, c. xx. Le corps personnes expriment les diverses hallu imitions gaies, immobile garde parfois sa flexibilité, les membres tristes, religieuses ou profanes qui surgissent dans ne sont ni raides ni flasques, mais mobiles ct légers, leur esprit, sous l’in fluence de la maladie ou de la flexibilitas cerea; ils prennent ct gardent l’attitude suggestion. Les yeux levés, dans une attitude de qu’on leur donne. Ils peuvent même continuer un religieuse admiration, elles volent, scinblo-t-il, le ciel mouvement qu’on leur n Imprimé, le bras qu’on a s’ouvrir; ou bien c’est une indicible horreur que re­ t iit remuer continue à osciller. D’autres fois, le corps flètent leurs traits. La troisième période de l'attaque «Je J extatique demeure rigide comme une barre de hystérique a été nommée celle des attitudes passion­ Fr : Christine de Stumbele, Élisabeth de Spalbeck, nelles. xainte Catherine de Sienne, sainte Françoise Romaine Le visage des saints, dans l’extase, est transfiguré; gardaient pendant leurs extases une entière rigidité, les yeux largement ouverts, pour l’ordinaire, sont elles étaient comme pétrifiées; le confesseur de Marie fixés au ciel, la physionomie prend les expressions Bagoncsl écrit : Sape ipsam reperi in modum petrœ les plus diverses : joie, b nheur, amour, pitié, larmes, rigidam d extensam lotam. La stigmatisation, t. n, douleur, effroi, toutes les passions humaines s'y re­ p. 250 sq. flètent avec une intensité admirable. Sainte Marie2. Insensibilité. — L’insensibilité extatique peut Madeleine de Pazzi, pâle ordinairement, était, pen­ être complète : le tact, l’ouïe, l’odorat, le goût ne dant l’extase, d’une beauté angélique. Acta sanctorum, manifestent plus aucune impressionnabilité, les com­ au 25 mai, p. 258, n. 46. Marie de Mocrl, la stigma­ motions les plus fortes, les plus douloureuses incisions tisée du Tyrol, Louise Latcau, Bernadette, curent de ne sont pas perçues. 11 semble que l’âme « congédie ccs extases triomphantes qui transformaient ct illu­ les sens pour s’envoler vers cc qu'elle aime, délaissant minaient leurs visages;haletantes d'admiration, elles et qu’elle anime. - Marie d'Agréda, Cité mystique, semblaient aspirer le ciel ct leurs trails n’étaient part. I, 1. I, c. ut, n. 26. Cette insensibilité peut être plus de la terre. Benoît XIV, De servorum Dei beati­ partielle : une des convulsionnaires de Saint-Médard, ficat ίοne, I. IV, c. xxvi, η. 14, affirme que, si l’on la Sonnet, appelée la Salamandre, sc couchait auvoulait compter les faits semblables qui sc trouvent dessus ct même au milieu des ilainmes, sans éprouver dans la vie des saints, on n’en finirait pas. l i moindre douleur; elle y demeurait parfois si long­ 5. Phénomènes lumineux. — II arrive parfois que temps qu'elle s’y endormait; scs souliers, la semelle la splendeur qui illumine le visage des saints, brille de ses bas brûlaient, elle ne sentait rien. Carré de aussi sur leurs mains; le fait sc lit dans la vie de Montgeron, La v rtté sur les miracles du diacre Paris, sainte Geneviève, Acta sanctorum, au 3 janvier, l ni, p. 708. Les cas d’insensibilité totale ou partielle p. 142, n. 44; de saint Philippe de Néri, ibid., au sont très nombreux./ Imbert-Gourbeyrc, La stig­ 26 mai, p. 585, n. 361 ;de saint Maricn de Batisbonne, matisation, t. il, p. 254 sq., en cite quelques-uns ibid., au 7 février, p. 367, n. 77; de saint Columba, constatés, chez saint Joseph de Cupertino, sainte Montalcmbcrt, l.cs moines d'Occident, t. m, p. 124, Catherine* de Sienne, sainte Colette, sainte Françoise ct de plusieurs autres; sur leurs pieds, cf. Gœrrcs, Romain··, la B·* Osanne, Ursule Benin casa, etc.; la Mystique, 1. IV, c. vu; elle sc dégage de tout leur voyant*Jdc /l-ourdes ne sentait pus la flamme du être, elle éclaire l’obscurité : sainte Zitc a beau s'en­ cierge qui léchait ses doigts. Les expériences de fermer dans le lieu le plus retiré de sa maison, on voit, Pierre Janet montrent que, dans les maladies ncrpendant la nuit, des rayons lumineux s’échapper de \cuvo, l'insensibilité partielle est très fréquente; ce sa retraite. Acta sanctorum, au 27 avril, p.208, p. 17; (ut l’erreur des siècles passés de la regarde! comme un saint Arsène apparaît tout en feu pendant l’oraison, 'bgniatc du diable, comme aussi d’en faire un cri­ ibid., au 19 juillet, p. 622, n. 13, et l’on raconte le térium de la sorcellerie. même prodige de saint Flntan ct de saint Comgnfi, 3 Cris. — Parfois, au moment où il est saisi par comme aussi de saint Facond ct de saint François l'extase, le patient pousse un grand cri, suivi d’un de Borgia. Ibid., au 17 février, p. 19, n. 18; au 10 mai, long gémissement, accompagné, dans certaines cir­ , p. 581, n. 3; au 12 juin, p. 131, n. 25; au 10 octobre constances, d’étouffements ct d’un bruit de craque­ p. 285, n. 223. ment d'o% lars bollandistes disent de saint Joseph Au lieu d’émaner du corps, la lumière peut être dt Cupertino Prorumpebat primum in altum ejula­ [ extérieure et rayonner d’une source invisible: des tum, dr Inde erro in irh mentem piandum. Acta *an-\ globes en flammés, des traînées éclatantes environnent etcrum, au 18 septembre, p. 1020, η 25; cf. η. 37, 38; I l'extatique d’une auréole. Le B. Ambroise de Sienne lr saint interrogé déclara que cc cri était un cri d’aprêchait; une clarté céleste vient sc poser sur sa tête nour de Dim Voir Benoit XIV, De servorum Dei ( ct l’illumine jusqu’il la fin du discours. Acta sanctobe til fleat tone. 1 V, c. XLix. η. 11 Sainte Françoise ’ rum, nu 20 mars, p 191, n 53. Ribet cite d’autres 1877 EXTASE exemples. La mystique divine, t. n, p.550, 551. Cette lumière, blanche d’ordinaire, est parfois rouge, pâle ou jaunâtre; parfois encore c’est une simple transpa­ rence lumineuse qui laisse aux différentes parties du corps leur couleur naturelle. Le docteur Grasset, Liées médicales, p. 184, rapporte que. dans certaines conditions spéciales d’expérimen­ tation, M. Maxwell a pu constater des effluves lumi­ neux entre les doigts du médium; la main même parait devenir translucide; il aurait vu, sur le corsage d'Eusapin,d? grosses gouttes phosphorescentes. Enfin, Mac Nab ob ervé dans toutes les expériences Bien éussics . a formation de points lumineux ressemalant à des feux follets; ■ ils « sc déplacent comme de petites comètes, courent les uns après les autres comme des papillons. » G. Feu intérieur. — Sous l’action de l’extase, il arrive que, dans le cœur, s'allume un foyer d'amour qui rayonne sur tous les organes. Une colonne do fumée s’élève au-dessus de la B·· Julienne de Cornillon en prière. Acta sanctorum, au 5 avril, p. 470, n. 39; saint Wenceslas, duc de Bohême, visitant les églises, la nuit, pieds nus, en plein hiver, disait à son secrétaire qui avait froid aux pieds malgré scs chaussures, de mettre scs pas dans l’empreinte des siens, ct cela suffisait à le réchauffer, ibid., au 28 septembre, p. 780, n G; il fallait appliquer des linges mouillés sur la poitrine de saint Stanislas. Brevia­ rium romanum, au 13 novembre, ct de la vénérable mère Agnès de Lantages. Vie de la vén. mère Agnès, part. III, c. v, t. n. p. 133. Des faits analogues sc rencontrent dans la vie de beaucoup de sa nts; qu’il suffise de citer saint François d'Assise, saint FrançoisXavier, sainte Madeleine de Pazzi. Il arrive que, sous l’action de ce feu intérieur, le corps des saints brûle les objets qu’il touche; la tunique de laine de saint Paul de la Croix était toute roussie au contact de son cœur, Breviarium romanum, au 28 avril; saint Pierre d'Alcan tara, enflammé d'amour divin, court sc jeter dans un réservoir d’eau glacée pour éprouver quelque rafraîchissement, la glace sc liquéfie ct l’eau entre en ébullition. Acta sanctorum, au 19 octobre, |). 757, n. 221. 7. Lurmes. — Presque tous les extatiques ont le don des larmes, qu’elles viennent de la douleur, du désir ou de l’amour. Au nom de Jésus, les yeux de saint Ignace de Loyola coulent comme deux fontaines, Acta sanctorum, au 31 juillet, t. xxxiv, p. 539, n.624; la vénérable Marie d'Olgnics verse des torrents de pleurs qu’aucun effort humain n’est capable d'arrêter, ibid.,nu 23 juin, t. xxv, p. 551, n. 17, ct pendant les extases de la B·· Véronique de Binaxo, on en re­ cueille parfois dans un vase de terre déposé dans sa cellule,jusqu’à deux livres de Milan. Z6rd.»aul3 jan­ vier, t. n, p. 174, n. 11-15. Montalcmbcrt écrit de sainte Élisabeth île Hongrie : « Plus elle sc sentait heureuse cl plus elle pleurait; mais ses pleurs cou­ laient comme d'une source tranquille cl cachée, sans jamais rider son visage, sans altérer en rien ni la pure beauté, ni la placidité de scs traits; ils n’y ajoutaient qu’un charme de plus : c’était le dernier épanchement d’un cœur auquel nulle parole ne pou­ vait plus suffire. · Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, c. xxvm. Sainte Thérèse raconte qu'arrivée à l’oraison d’union, ct dans les premiers temps où elle eut le bonheur d’en jouir, elle sc trouva t inondée de larmes, très douces, sans les avoir senties couler, sans savoir quand ni comment elle les avait répandues. Vie, c. xxix. au début. Chez des hystériques, on a noté très souvent des pleurs, avec un caractère franchement convulsif et indépendamment de toute cause de tristesse. Grasset, Traité pratique des maladies du système nerveux, p. 936. 187 8 8. Danses. — Les accès qui constituent la seconde période des attaques hystériques, sont bien connus : la malade entre en fureur contre elle-même, elle tâche d’échapper aux mains des infirmières, elle court, h tête renversée, les cheveux au vent: ses mouvements répétés ressemblent û ceux d’une bvte fauve enfermée dans sa cage, elle pousse des cris rauques, cherche à mordre; la camisole de force ne la maintient qu’ù grand’peinc. Vraiment il est pénible de rapprocher de ce clow­ nisme indécent dont j’ai été bien loin de décrire toute l'odieuse inconvenance, les transports de joie ct les danses respectueuses de saint Pascal Bay Ion devant la statue de la très sainte Vierge, Acta san­ ctorum, au 17 mai, L xvn, p 53, n. 17, ou celles de saint Gérard de Majella, ou même de Christine l'ad­ mirable. Au milieu d’une extase, le corps de cette sainte sc mit à tourner sur lui-même, comme une toupie d’enfants, avec une telle vitesse qu’on ne pouvait distinguer la forme des membres. Revenue à elle, Christine, ivre d’amour de Dieu, s’écria : • Amenez-moi toute la communauté, et chantons les merveilleuses ct infinies bontés de Jésus. » Acta sanctorum, au 24 Juillet, L xxxn, p. 656, n. 35, 36. 9. Légèreté extatique. — · Souvent, écrit sainte Thérèse, mon corps me semblait devenir léger au point de n’avoir plus de pesanteur, parfois j’en arri­ vais à ne plus sentir, en quelque sorte, mes pieds toucher le sol. » Œuvres complètes, t. i, p. 254. Le corps de Marie d’Agréda saisie par l’extase s’élevait comme s’il eût perdu son poids, il sc balançait au moindre souffle, comme une plume légère. Bibet qui cite cc fait, La mystique divine, L n, p. 591, donne aussi des extraits des bollandistcs ou de differents auteurs qui permettent d'affirmer que saint Pierre d’Alcantarn, saint Philippe de Néri, saint FrançoisXavier, saint Joseph de Cupertino, saint Paul de la Croix, avaient, pendant le saint sacrifice, des extases aériennes. On peut encore consulter Imbcrt-Gourbeyrc, La stigmatisation, t. n, p. 262 sq. Les faits sont trop nombreux pour qu'on puisse les nier. Un jour de l’Ascension, la B·* Agnès de Bohême psalmodiait l’office, au jardin, entre deux de scs compagnes, Bénigne ct Prisca; soudain elle s’élève à leurs yeux ct ne redescend à terre qu’une heure plus tard, Acta sanctorum, au 6 mars, t. vu, p. 510, n. 10; sainte Colette s'élevait parfois si haut dans les uirs que scs compagnes la perdaient entièrement de vue. Ibid., au G mars, p. 558, n. 83. Un jour de l'immaculée Conception, saint Joseph de Cupertino invite le Père Gardien à dire avec lui Pulchra Maria. Les mots ù peine prononcés, le saint entre en extase, saisit son supérieur cl l’emporte avec lui dans les airs, tous deux répétant : Pulchra Maria, Puhhra Maria. Acta sanctorum, au 18 septembre, t. xlv, p. 1022, n. 37,38. Saint Pierre, ù la voix de Notre-Seigneur, marcha sur les eaux, Matth., xtv, 25-31; souvent le même prodige sc rencontre dans la vie des saints. Saint Haymond de Pennafort, ayant étendu son manteau sur les eaux, parcourt en six heures les cent soixante milles qui séparent Majorque de Barcelone, Breviarium romanum, au 23 janvier; saint Hyacinthe fait monter scs compagnons sur son manteau, et, comme dans une barque, leur fait traverser la Vistule. Ibid., au 16 août. Cf. Acta sanctorum, au même jour, t. xxxvu, p. 316, n. 10, 4L Les phénomènes de lévitation sont connus. Grasset, Idées médicales, l'occultisme, p. 175, résume assez bien la question. Il cite plusieurs expériences, il rappelle la lettre du professeur Chiala ù Lombroso : « Cette femme (Eusapia Paladino) s'élève en l’air, quels que soient les liens qui la retiennent; elle reste ainsi, paraissant couchée dans le vide, contrairement Î879 EXTASE à toute* les lots de h statique ct semble s’affranchir de* lois de la gravité; > cependant le célébré médecin ne croit pas que de cc fait ou autre semblable il existe une démonstration scientifique, ct il s’en tient à cc qucBabinct écrivait voilà plus de cinquante ans: « qu’au moyen de tant de médiums qu’il voudra, mais sans contact aucun ct d distance (un sujet vienne annoncer à ΓAcadémie des sciences) qu’il suspend cn l’air, sans autre support que la volonté, un corps pesant plus compact que l’air ct tout à fa t cn repos; si son assertion est reconnue vraie, il sera proclamé le premier des saluants du monde entier, » 10. Pesanteur extatique, — Sain le Marguerite du Saint-Sacrement, dans scs extases de la Passion, ne pouvait être soulevée de terre, quand, à l’exemple du Sauveur sur le chemin du Calvaire, elle tombait par trois fols; suint Joseph de Cuper ino, dont je rappelais tout à l’heure la légèreté extatique, restait parfois étendu à terre, comme mort, ct il fallait les efforts réunis de plusieurs personnes pour le soulever. Imbcrt-Gourbeyrc, La stigmatisation, t. n, p. 263. Le B. Gilles était suspendu, immobile, son compa­ gnon ct plusieurs autres ne purent le faire bouger, cn ' y mettant toutes leurs forces. Acta sanctorum, au 11 mal, t. xvr, p. 109, n. 15. 11 existe des faits de pesanteur, cn dehors de l'extase; je rappelle seulement celui de sainte Lucie. Breviarium romanum,mi 13 décembre. Cf. La stig­ matisation, L n, p. 261, note. Le P. Surin rapporte que les possédées de Loudun couchées à terre « sc roidissoient et npesantissoient tellement qu’un homme bien robuste a volt peine à leur soulever la teste et leur faire perdre terre, le corps ayant une pesanteur que la nature n’eut seen avoir. » Vie manuscrite du P, Surin, citée par le P. de Bonnlot, Le miracle cl ses contrefaçons, p. 411. 11. Bilocations.— Il y a bilocation quand la meme personne occupe simultanément deux ou plusieurs lieux. Presque toujours les faits de bilocation se manifestent pendant l’extase. Sainte Lidwinc, pour bien attester l'authenticité de scs pérégrinations cn Terre Suinte ou à Home, cn montrait sur son corps d'irrécusables traces. Acta sanctorum, au 11 avril, L xi, p. 260-281, n. 47-53. Les bollandistcs citent deux cas de bilocation dans la vie de saint Joseph de Cupertino. 11 était à Borne, ct pourtant on le vit assister à la mort d’Octavc Picino, au couvent de h G rotella, non loin de Cupertino; il était au monas­ tère d’Assisc cl cependant sa mère, sur le point d’ex­ pirer, le vil paraître prés de son lit d’agonie, tout environné de lumière. Acta sanctorum, au 18 sep­ tembre, L xi.v, p. 1031, n. 87, 88. Je cite pour mé­ moire les faits nombreux rapportes dans la vie de Marie d'Agréda. L'apparition de la vénérable Mère Agnès de Jésus a M Offer est un fait de bilocation. Le curé de Langr.ic dépose au procès de béatification : « Dans le temps que la mère Agnès apparut à M Olier à Paris, $nn cnrps demeura immobile à l’endroit du monas­ tère où die sc trouvait. · Bibet, La mystique divine, L π, p. 199. En On on sait que, lors de la canonisation de saint Alphonse de Liguori, son apparition miraculeuse à Clément XIV qu'il assista ct consola à ses derniers moments, pendant qu’il restait deux jours entiers à Ahenxo, sur s Bévue des deux mondes, 1er mai 1907. 13. Parfums mystiques, liqueur, transformation des sens. — Pour être complet, je devrais faire mention de certains autres effets merveilleux de l'extase; il serait trop long d’insister, Je me borne à les indiquer. Pendant les extases de la B·· Christine de Stornmcln» un parfum tout céleste s'échappait de son corps 1881 EXTASE Acta nandorum, nu 22 juin, t. xxv, p. 251, n. 65. Souvent une rosie très line recouvrit, pendunt scs ravissements, le manteau jeté sur sa tête. Ibid., p. 254, n. 7*1. Après une extase, le front de saint Rainier et de saint Pise était tout humide d’une mystérieuse rosée. Ibid., mi 17 juin, t. xxiv, p 350, n. 15. Par­ fois cc sont des mélodies ravissantes qui sortent des lèvres des extatiques, ibid., au 24 juillet, t. XX XII, p. 657, n. 34; au 19 mai, t. xvn, p. 394, n. 34; sainte Madeleine de Pazzi cn extase continue à coudre, î’i peindre, malgré le voile que scs sœurs lui niellent sur les yeux. Ibid , au 25 mai, t. xix, p. 206, η. 111. Sainte Françoise Romaine cn extase entend les paroles de son confesseur, mais non celles des autres personnes; Marie-Dominique Lazzari entend, de son lit, un ser­ mon prêché dans l'église paroissiale, distante de cinq ou six cents pas. Riccardi, 1 {elation sur Marie-Domi­ nique Lazzari, p. 128. Dans l’hystérie, les sens peuvent acquérir une finesse extraordinaire; des malades entendent de très loin, ct, les paupières cn apparence baissées entière­ ment, elles voient par une fente imperceptible. Grasset, Traité pratique des maladies du système nerveux, p. 949. 2° Sur l’âme — 1. Sur Γimagination.— Pendant l’extase il arrive que l’âme perçoive, sans le secours des sens extérieurs, des representations sensibles, des visions imaginatives (cn mystique on dit imagi­ naires) avec autant ct plus de netteté que les réalités physiques elles-mêmes. - Sous cette dénomination de visions imaginaires, écrit saint Jean de la Croix, nous comprenons toutes les espèces, les images, les formes et les figures dont l'imagination est surnaturcllcmcnt frappée. Ces représentations étant plus admirables et plus parfaites, l'âme en est plus vivement affectée que sous l’action naturelle des sens. Montée du Carmel, 1. 11, c. xvi, au début. Dieu sc manifeste souvent, au témoignage del’Écriturc, par des visions imaginaires : Factus est sermo Domini ad Abram per visionem, Gen., xv, 1; Venit autem Dominus ad Abimelech per somnium nocte, Gcn., xx, 3; Vidit (Jacob) in somnis scalam... et Dominum innixum scala. Gen., xxvm, 12, 13. Cf. Is., vi ; Jcr., i, 9; Ezech., n, 1. On trouve duns la vic des saints certaines visions imaginaires où Dieu ap­ paruit dans la trinité de scs personnes; je me con­ tenterai de rappeler celle que rapporte la Β·ρ Mar­ guerite-Marie. Pendant qu’elle était privée de l’usage de scs sens, elle vil les trois personnes divines < sous la forme de trois jeunes hommes vêtus de blanc, tout resplendissants de lumière, de même âge, gran­ deur d beauté. · Vit· et œuvres, t. n, p. 384. Les visions imaginaires de sainte Thérèse furent progressives, au moins celles qui lui manifestèrent la sainte humanité de Notrc-Seigneur. D’abord, elle vit les mains de Jésus, puis son visage, puis le 25 Janvier 1558, fêle de la Conversion de saint Paul, sa personne tout cnliè c. Vie, c. xxvni. Les visions eurent-elles lieu pendant une extase, on ne peut l'affirmer positivement, la sainte nous dit simplement qu’elle était < cn oraison »; mais elle ajoute, ibid., que ses visions sont comme l’annonce d’une extase : le ravissement est alors un secours surnaturel donné par Dieu Λ l’âme ct qui lui permet de soutenir le merveilleux éclat de la vision. la; jour de l’Assomption, cn 1562, la même sainte, pendant un ravissement, aperçut Notre-Dame ù sa droite ct saint Joseph à sa gauche, qui la revêtaient d’un vêtement d’une merveilleuse blancheur. Sans voir distinctement les traits de Marie, elle aperçut seulement la* forme de son visage d’une beauté ravissante. Le vêtement de la reine du ciel était blan ·. d’une splendeur éclatante et suave qui n’ôblouissnl point Vie, c. xxxm, t. n, p. 31. 1882 Avec Jésus ct Marie cc sont les bienheureux ct les anges qui sc manifestent. Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, cn extase, contemple saint Louis de Gonzague dans sa gloire, Acta sanctorum, au 21 juin, t. xxv, р. 903, n. 320; saint François d’Assisc apparait au B. Guy de Cortonc, l’un de ses soixante-douze disciples, ibid., au 12 juin, t. xxiif» p. 100, n. 10, 11; saint Pierre d’Alcantara sc montre ù sainte Thérèse, Vie, с. xxvn; sainte Thérèse, la nuit même de sa mort, apparait â plusieurs personnes, radieuse de gloire. Acta sanctorum, au 15 octobre, L Lv, p. 363, n. 1110. On pourrait multiplier les citations, presque à l’in­ fini. Les anges descendent ct montent la mysté­ rieuse échelle de Jacob. Gcn., xxvin, 12. Élic, pendant son sommeil, est touché ct réconforté par un ange. Hl Reg., xix, 5. Daniel, vin, 16; ix, 21; x, 20; Zacharie, i, 13, 19; saint Joseph, Matth., i, 20; h, 13, 19, 22, reçoivent la visite des anges pendant des visions ou pendant leur sommeil. Fréquemment, les saints pendant leurs extases furent gratifiés des mêmes visions : les séraphins en grand nombre, entourant le cœur adorable de Jésus, invitèrent La B·* MargueriteMarie â s’unir ù eux pour chanter les louanges du divin cœur. Vie et oeuvres, L n, p. 120. Inutile de citer d'autres faits, les vies des saints cn sont pleines. Les âmes du purgatoire, les démons, les damnés, se manifestent aussi dans l’extase, par des visions imaginaires. Sainte Lidwinc, pendant scs ravisse­ ments, pénétrait dans le purgatoire et y voyait les âmes livrées Λ d’affreuses tortures; parfois, par ses prières, elle obtenait leur délivrance» Acta sanctorum. au 14 avril, L n, p. 336, n. 136-172; les visions de la B·* Marguerite-Marie sont célèbres. Sainte Thérèse vit rarement, mais pourtant elle vit quelquefois le démon sous une figure sensible, Vie, c. xxxi; sa vision de l’enfer, c. xxxir, est connue de tout le monde; celle de sainte Françoise Romaine est peutêtre plus curieuse encore, les bollandistcs la rap­ portent, t. vin, p. 165, n. 46. 11 arrive meme parfois que, dans l’extase, des per­ sonnes vivantes se manifestent à d’autres, sous des formes sensibles : sainte Jeanne de Chantal ct saint François de Sales s’étaient vus tous deux, avant le carême de 1601 cl leur rencontre à Dijon, dans des visions célèbres; tous deux sc reconnurent sans pour­ tant se connaître encore, comme la première le raconte si naïvement ù la mère de Chaugy. Mémoires sur la vie ct les vertus de sainte Jcanne-Françoise Frémyot de Chantal, p. 40, 41, 51. Ces visions ne furent pas des bilocations. Pour être complet, il faudrait rappeler les visions, si fréquentes dans l’extase, d’objets ou d’animaux symboliques; il faudrait rappeler que les extatiques non seulement voient, mais qu’ils entendent, qu’ils louchent, qu’ils sentent des parfums ou des odeurs nauséabondes ; disons seulement que ce ne sont point les saints seuls qui éprouvent ces visions imaginaires; elles sc retrouvent sous une forme ou sous une autre dans certaines manifestations extatiques dont nous avons déjà parlé. Sous rinfluencc de l’éther, une personne s’imagine voir Dieu sous la forme d’un Être tout-puissant qui traverse le ciel, le pied posé sur un éclair comme une roue sur le rail, \V. James, L'expérience religieuse, p. 333; un buveur d’alcool voyait les murs tapissés de squelettes, de fantômes, de diables qui grimpaient ct dispiinnssaient, P. de Bonniot Le miracle cl 1rs sciences médicales, p. 37; Théophile Gautier raconte qu’ayant pris du hachisch» les fantômes les plus grotesques envahirent son imagination. « C’était une cohue étrange; le pulcinclla napolitain tapait familièrement sur ’a bosse du punch anglais, l’arlequin de Bergame frottait son museau noir au masque enfariné du pail­ i883 EXTASE lasse de France... cela grouillait, cela rampait, eda trottait, eda sautait, cela grognait, eda shllaiL * Jtaw ur la plupart, à Benoit XIV, Dc servorum Del bea­ ti fi catione, 1. Ill, c. xux, n. G. 11 termine ainsi : Dunum signa aperta extasis decmoniacλ sunt, si in ea suadeatur aliquod malum; vel si bonum suadeatur, non tamen suadeatur ad bonum finem, vel si cxlaticus post extasim turbatus permaneat; licet enim in exlasibus, apparitionibus et divinis revelationibus aliqua turbatio dari possit, et data sit, eadem tamen nec vehemens est nec multum durat, ct extollet in delectatione quiescunt* V. Extase divine.— Si dans les effets de l’extase il s’en rencontre qui dépassent les forces scientifi­ quement connues; si l’objet présenté â l’imagination, a l’intelligence, a la volonté n’a rien que de vrai, de juste ct dc saint; si, après mûr examen, les diverses circonstances du phénomène sont dignes, honnêtes, bienséantes, ou laissent deviner, sous des apparences un peu mesquines, l'infinie délicatesse et bonté dc Dieu; si le but est lion : affermissement dans la vérité ou la vertu, édification, triomphe dc l’Églisc, gloire de Dieu; si les effets sont bons : paix, confiance, humilité, docilité obéissance, oubli de sol, charité; si les personnes favorisées dc grâces extatiques sont des personnes hautement vertueuses ct d'une vie sainte, on peut conclure que l’extase est divine. On pourra, sans que tous ccs signes soient réunis, la distinguer avec grande vraisemblance d’une extase naturelle ou diabolique; mais, là où ils sc trouvent, on peut affirmer Λ coup sûr qu’elle vient de Dieu. Nous pouvons donc maintenant définir ct étudier Celte extase dont les faits démontrent l’existence, ct que 1rs mystiques ct les théologiens nous aident a connaître ct à juger. Cette extase — l’extase pro­ prement dite des saints — est une extase Intellec­ tuelle; elle appartient a la contemplation parfaite. 1· Nature — Il y a extase, dit saint Thomas, lorsque aliquis Spiritu divino elevatur ad aliqua sttpernaturalia, cum abstractions a sensibus. Sum. thcol., II* II*, q. cxxxv, a. 1. Ainsi, d’après le saint docteur, i) existe dans l'extase deux ordres dc phénomènes : 1 âme n agit plus par scs sens, elle en est comme 4888 séparée; l’âme est élevée par une force divine vers les biens surnaturels. L L'âme est comme séparée de scs sens; elle cesse d’entrer en rapport avec le monde extérieur, les yeux ne voient plus, les oreilles n'entendent plus, le sens du toucher est comme anéanti; qu’on veuille bien sc reporter à cc que nous avons dit précédemment sur l'insensibilité du corps pendant l’extase ct Γim­ mobilité. Voir col. LS75. 2. L'âme est élevée par une force divine vers tes biens célestes. — L’extase divine ne consiste pas dans la simple aliénation des sens extérieurs; mort en apparence, elle est en réalité vie plus intense que jamais; les facultés supérieures de l’âme : intelli­ gence ct volonté, s’y développent d’une manière mer­ veilleuse. Nous l’avons déjà indique en pariant des effets dc l'extase sur ces deux facultés, mais il faut insister. Benoit XIV, De servorum Dei beatiflcalionc, I. Ill, c. xxvr, η. 7, définit ou plutôt décrit en ccs termes la contemplation infuse ct surnaturelle : simplex intellectualis intuitus cum sapida diledtone divinorum alioriimquc rcvela'orum, procedens a Deo speciali modo, applicante intellectum ad intuendum ct voluntatem ad diligendum ea revelata, et concurrente ad cos actus per dona Spiritus Sancti, intellectum ct sapientiam, cum magna illustratione intellectus et inflammatione volun­ tatis. L’extase, étant l’un des degrés dc la contem­ plation parfaite, il s’ensuit qu’on peut lui appliquer cc que le savant pontife dit de la contemplation en général. L’extase est donc à la fois un regard simple de l’intelligence ct un élan plein dc suave amour de la volonté vers Dieu et les choses divines. D'ordinaire, notre intelligence, pour atteindre la vérité, va d’idées en Idées, dc déductions en déduc­ tions, dc raisonnements en raisonnements; dans l’extase, au contraire, elle enveloppe son objet d’un regard intuitif, elle le voit, elle le contemple : con­ templatio pertinet ad ipsum simplicem intuitum veri­ tatis. S. Thomas, Sum. thcol.. H· IIe, q. clxxx, a. 3, ad Ie®. En même temps qu’elle éclaire l’intelligencc, l’extase brûle la volonté. L’âme alors semble incapable de s’appliquer à autre chose qu’ù aimer Dieu; elle voudrait avoir mille vies pour les lui sacrifier, • elle souhaiterait que toutes les créatures fussent changées en autant dc langues, pour l'aider à louer celui qu’elle aime. » Le château intérieur, vie demeure, c. iv. Sainte Catherine de Gênes osait écrire : · Si je parle dc l’amour, il me semble que je l’insulte, tant mes paroles sont loin de la réalité. Sachez seu­ lement que si une goutte dc cc que contient mon cccur tombait en enfer, l’enfer serait changé en para­ dis. · Physionomie des saints, p. 320 (trad. d’Ernest Hello). Cette illumination dc l'intelligence, cct embrase­ ment de la volonté ne changent pas évidemment, pour l’âme extatique, les conditions Imposées à tous les hommes par la foi : Videmus nunc per speculum in ænigmate, tunc autem facie ad faciem. I Cor., xm. 12. Elio ne voit point Dieu face Λ face — saint Thomas et plusieurs autres saints docteurs, que semble bien approuver Benoît XIV, adm?ttcntcepen­ dant que Moïse ct saint Paul ont contemplé, dans leur extase, l’essence divine face Λ face. cf. S. Tho­ mas, Sum. theol., H· II*, q. clxxv, a. 3, ad 1J"; In Eplsi. Il ad Cor., c. xti; Benoît XIV, De servorum Dei beatificatione, I. Ill, c. l, n 5; des théologiens de grande autorité admettent même que des saints ont ru le même privilège. Bona, De discretione spiri­ tuum, c. xvm, n. 7 — elle le voit à travers un miroir, derrière un voile, mais le miroir est devenu plus transparent, le voile plus léger; c’est toujours EXTASE 1889 uno vision, une connaissance de foi, mais dc fol plus élevée. Comment se fait celle élévation dc la fol? Les théologiens répondent : par les dons du Saint-Esprit ct surtout pai le «Ion dc sagesse. Sans doute cc don est accordé à tous les chrétiens, ct tous les chrétiens ne sont point des extatiques; mais les ûincs favorisées d’extases le reçoivent avec plus d'abondance et dans un degré supérieur, altiori yradiv, c’est une des grâces gratuitement données que le Saint-Esprit distribue comme il veut, /s/r gradus sapientia: non est communis omnibus habentibus gratiam gratum facientem, sed magis perlinet ad gratias gratis datas, quas Spiri­ tus Sanctus distribuit prout vult. S. Thomas, Sum. thcol., II· II·, q. xlv, a. 5. A ce don de sagesse certains théologiens, ct panni eux Benoit XIV qui fait sien le texte dc Laurent Brancali que nous avons cité, joignent le don d’in­ telligence, comme aidant lui aussi ù ccttc élévation de la foi nécessaire ή l’extase; quelques autres, en très petit nombre, y ajoutent le don dc science. A.-M.Meynard, Traité de la vie intérieure,t.n,p.67 sq. De plus, les théologiens cl les mystiques sont una­ nimes à reconnaître dans l'extase une action spéciale de Dieu sur l'intelligence ct la volonté. Toute con­ templation surnaturelle — ct l’extase est une con­ templation surnaturelle— est plus passive qu'active. L'âme, sans doute, n'y cesse pas d’agir, mais Dieu aussi agit sur l’âme, qui sc trouve à la fois cl active et passive. Considerandum est quod si virtus, qmr est actionis principium, ab alia superiori virtute moveatur, operatio ab ipsa procedens non solum est actio, sed passio ; in quantum scilicet procedit a virtute quœ a superiori movetur, S. Thomas, De unione Verbi, q. unica, a. 5. Saint Jean dc la Croix écrit : « Dans cct état (la contemplation), c’est Dieu qui agit particuliè­ rement en elle. Lui-même l'instruit et répand en elle ses connaissances infuses, il lui communique, dans la contemplation, des biens spirituels qui sont tout à la fois sa connaissance ct son amour. » La vive flamme d’amour, str. ni, § 5. Dans tout acte dc connaissance il y a un objet qui est connu cl une intelligence qui connaît; dans l’extase, l’action divine peut atteindre et l’intelli­ gence qui connaît ct l’objet connu ou plus exacte­ ment les espèces intelligibles par lesquelles, suivant la thèse scolastique, cet objet est connu. L’action divine, dans l’extase, grandit l’intelligence par une lumière spéciale qu’elle y répand et qui la tortille; ccttc illumination peut se faire parles dons du Saint-Esprit. L’action divine, dans l’extase, « e.icile, arrange, ct quelquefois présente, toutes nouvelles les espèces intelligibles. » Scaramclli, Directoire mystique, 1. II, c. vu, n. 77. Celle action a comme trois degrés. Au premier, les espèces intelligibles deviennent plus parfaites au moyen d’un secours spécial dc Dieu; au second, ccs espèces, naturelles dans les éléments dont elles sont formées, sont coordonnées, combinées, arrangées d’une manière surnaturelle; au troisième, les espèces sont infuses et formées directement par Dieu, sans éléments préexistants. Philippe dc la Sainte-Trinité, Sum. theol. mysl., part. 11, tr. III, dise. Il, a. 2. Dans tout acte d’amour il y a une volonté qui aime et un objet aimé; l’action divine, dans l’extase, atteint l’une ct l’autre : la volonté par l'amour que le Saint-Esprit répand abondamment dans l’âme, l'objet aimé par la sagesse également infuse. Est-ce l’amour de la volonté, est-ce l’illumination dc l’intelligence qui cause l’extase? c’est tantôt l’un cl tantôt l’autre, s’il faut en croire les théologiens, cl même parfois les deux réunis. Tribus de causis anima DICT. I»E THÉOt. CATIIOL. i j i | 1890 in alienationem adducitur, aut præ magnitudine devo­ tionis, aut præ magnitudine admirationis, aut præ magnitudine exaltationis. Th. de Valgomera, Theo­ logia mystica divi Thonue, q. xv, disp. II, a. 17, n. 1L Écoutons saint François de Sales : · L’entendement entre quelquefois en admiration voyant la sacrée délectation que la volonté a en son extase, comme la volonté reçoit souvent dc la délectation, apercevant l’entendement en admiration; dc sorte que ces deux facultés s'entrecommuniquent leurs ravissements, le regard dc la beauté nous la faisant aimer, ct l’amour nous la faisant regarder. On n’est guère sou­ vent cschauifé des rayons du soleil qu'on n’en soit esclai ré, ni csclairé qu’on n'en soit cschaufTé; l’amour fait facilement admirer, ct l’admiration facilement □y mer. · Traité de Γamour de Dieu, 1. VII, c, v. D’ailleurs, si l’extase ne fait qu’éclairer l’intelli­ gence, il faut s’en délier, l'extase divine agit toujours sur la volonté qu’elle émeut, échauffe ct remplit d’une puissante alTcction envers Dieu. La contem­ plation parfaite en effet, dont l’extase fait partie, n’est pas une connaissance quelconque dc Dieu, mais une connaissance essentiellement amoureuse : c’est l'ensei­ gnement dc tous les maîtres. Les théologiens, cc sont eux surtout que nous avons Interrogés jusqu’ici, nous disent comment les choses peuvent sc passer dans l’extase, il convient d'entendre les mystiques raconter eux-mêmes leurs extases; leur experience sera peut-être plus complètement lumineuse que les raisonnements des théologiens; ils sont des témoins ct parfois fort intelligents qui racontent cc qu’ils ont vu ct senti. Je sais bien que dc grands théologiens furent de grands mystiques, saint Thomas, par exemple; aussi les écouteronsnous volontiers, lorsque, comme saint François do Sales ct saint Jean dc la Croix, pour en citer deux autres ct des plus illustres, ils nous feront part do leurs expériences mystiques. Comment se présente donc le phénomène dc l’ex­ tase, chez les mystiques? On constate, chez les extatiques revenus à euxmêmes, une sorte de stupeur qui sc traduit par une impossibilité de dire cc qu’ils ont vu. « Venons aux sentiments intimes de l’âme en cct état. Si quelqu’un peut nous les dire, qu’il le fasse. Moi, je regarde comme impossible de les connaître, plus encore d’en parler. En me mettant â écrire, je me demandais cc que l'âme fait alors; c’était après la communion, et nu sortir de l’oraison dont je parle. Notre-Seigneur me fit entendre ces paroles ; Elle sc consume tout entière, ma fille, du désir d’entrer plus profondément en moi. Cc n’est plus elle qui vit, c’est moi qui vis en elle. Comme elle ne peut saisir cc qu’elle entend, c’est ne pas entendre, tout en entendant. » Slr Thé­ rèse, Vie, c. xvm, t. i, p. 226. Personne n’osera refuser à la sainte qui a écrit ccs lignes l'intelligence qui comprend, ou la faculté d’exprimer, dans un langage vivant ct précis, ses idées ct ses sentiments. On remarquera, d’ailleurs, que cc n’est pas seulement sa pensée qu’elle nous livre, mais, Λ son avis, la pensée dc Dieu lui-même sur l'état de l’âme en extase. Sainte Catherine de Gênes, Physionomie des saints, р. 319, 320; la B·· Marguerite-Marie, Vie et œuvres, t. i, p. 369, 371; sainte Angèle de Foligno, Vie, с. lu; la sœur Maric-Bénlgnc Gojoz. Le charme du divin amour, p. 239; saint Jeun de la Croix, La nuit obscure de l’âme, 1. 11, c. xvn, parlent dc même. Cette diilicullé dc rendre ce qu’ils ont vu est sans doute chez les mystiques, comme chez tous les écri­ vains, une impuissance humaine; nous ne pouvons pas exprimer telle que nous la concevons notre pensée. C'est l’étemelle défaite do notre esprit; il ne parvient jamais ù mettre dans les mots toute la V. - 60 1891 EXTASE 1892 vie et tout l’éclat intérieur dc son Idée : il s'y achnme, ressenties ct goûtées. Cf. Nuit de I'dme, 1. Π, c. xxm; ü s*y épuise sans réussir. Mais les mystiques ne doi­ Explication du Cantique, strophe xiv. Le P. Surin écrit vent -ils s'en prendre qu'à eux-mêmes? Si les paroles que l’âme admise à la parfaite transformation en leur manquent, n’est-ce pas que les vérités et les Dieu · connaît ce qu’il est, voire meme elle le goûte par un contact divin dont les mystiques parlent, qui sentiments qu’ils essaient dc traduire, sont ineffables? Le fond du problème est là. est une notion surnaturelle par laquelle l’âme sait cc or voici cc qu'affirment le< mysthpies. Dans l’ex­ que c’est que Dieu, non pour l’avoir vu, mats pour tase · l’âme sc sent près de Dieu, il lui en reste une l’avoir touché. Car entre les sens spirituels le tact est le plus délicat, quoique parmi les corporels il certitude qui ne lui permet pas d’en douter... J’avais, soit le plus grossier. » Traité de l'amour de Dieu, dans 1rs commencements, celte ignorance dc ne pas 1. 111, c. vi. Le même auteur pense, loc. cit., que tout savoir que Dieu est dans tous les êtres. Or, d’un côté, ia p.éscnce si intime dont je parle me semblait le monde est d’accord sur cc fait que · le point dc incroyable, ct dc l’autre, il m’était impossible de ne la théologie mystique est pour l’âme dc parvenir ù toucher Dieu. » pas croire que Dieu fût H. car j’avais comme une Il y a donc, au témoignage des mystiques, dans vue claire dc sa réelle présence. » Su Thérèse, Vie, c x\m, L n, p. 226, 227. Plus nettement encore cette expression, sens spirituels, autre chose qu’une métaphore : c’est une réalité dont ils sc rendent la même sainte écrit : « Dieu s’établit lui-même dans compte, bien que nous ne la comprenions pas. Notre l’intérieur dc ccttc âme, dc telle manière que, quand elle revient à elle, il lui est impossible dc douter premier devoir est dc rapporter cc qu’ils éprouvent, leur bonne foi étant absolue; la science mystique qu’elle n’ait été en Dieu, ct Dieu en elle. » Château intérieur, v· demeure, c. r. Saint Jean dc la Croix n'est pas une science révélée, elle doit nécessairement dit dc son côté : « Ces connaissances sublimes et s’appuyer sur l'expérience. amoureuses sont propres à l’état d’union; elles sont L'extase, pour eux, c'est donc, avec l'aliénation l’union même ct consistent dans une mystérieuse des sens, facile â constater, une rencontre dc l’âme touche dc la divinité au fond intime dc l’âme. C’est avec Dieu, une touche substantielle, dont ils sc Dieu lui-même que l’âme ressent et qu’elle goûte; rendent parfaitement compte, sans la pleinement mais non, sans doute, avec la plénitude ct l’évidence comprendre. Dieu est là, ils le voient, ils l’entendent, dc la claire vision béa till que. » Montée du Carmel, ils le touchent, ils l'embrassent, ils le possèdent Au L 111, c. xxvi. contact divin dans cette divine possession, leur intel­ Ainsi, dans l’extase, l'âme est près dc Dieu, en ligence s'éclaire, leur volonté s'en flamme. Comment? Dieu, elle le touche. Comment? Évidemment, ce n'est Ils ne le savent pas : « La volonté est sans doute ni avec les sens extérieurs, ni avec ceux de la partie occupée à aimer, mais elle ignore comment elle aime. sensitive dc l'âme que l'on appelle parfois sens dc SI l’entendement entend, il ignore comment il entend; l’imagination, mais avec les sens intérieurs ou spi­ du moins ne peut-il rien saisir dc cc qu’il entend. · rituels, comme les nomme saint Bonaventure. Expli­ Su Thérèse, Vie, c. xvm, t. i, p. 226. Mais qu’im­ quant que la connaissance expérimentale s’acquiert porte le comment; les mystiques constatent le fait, non pas par ce que nous pouvons entendre dire, mais ct en le constatant nous permettent dc le constater par l’impression produite sur nos sens extérieurs, par après eux et avec eux. Voilà qui doit suffire. les objets eux-mêmes, il ajoute : « Il en va de même Un passage célèbre de saint Bernard, ct plusieurs pour le goût intérieur ct les autres sens spirituels. dc saint Jean dc la Croix, Montée du Carmel, 1. IL Si donc je Ils ou entends dire que le Seigneur est c. xn-xv, xxiv ; Nuit obscure, 1. Le. ix, auxquels doux, je n’en ni pas pour cela une connaissance expé­ on pourrait peut-être joindre le texte fameux où rimentale, il faut que mon goût spirituel soit atteint saint Augustin raconte son extase d’Ostic, Confess., par la douceur divine, ct que je puisse dire : son I. IX, c. x, nous permettent d’aller plus loin ct de fruit est doux à ma bouche. · De septem itineribus dire que, dans cette rencontre dc Dieu ct dc l’âme, triera itatis; de sexto itinere, dist J, Opéra, t. vin, l'intelligence laisse sa manière humaine d agir, ct p. 461. convene avec Dieu, sans le concours dc l’imagination Il nous est bien difficile dc comprendre cc que ct des sens intérieurs, · d esprit à esprit. · S. Augustin. sont les sens spirituels dont parle le saint docteur, Confess., toc. cil. Voici le texte dc saint Bernard : mais quelle bonne raison avons-nous dc les nier, Moriatur anima mca morte etiam (si dici potest) ange­ quand les mystiques nous parlent sans cesse do lorum, ut prœsentium memoriam excedens, rerum sc voix, d’odeur, d'aliment, d’embrassement: quand inferiorum corporearum non modo cupiditatibus, sed surtout Ils distinguent les effets d’une action qui I ct similitudinibus exuat, silque ei pura cum illis con­ parfois ne sort point de l’âme cl qui parfois, nu con- ! versatio, cum guibus est puritatis similitudo. Talis train·, atteint le corps lui-même : « L’âme respire (ul opinor) excessus aut tantum, aut maxime con­ templatio dicitur. Serm., ui, in Cantica, vers le milieu. Je ne sais quelle suave odeur; c’est comme si nudedans d’cllc-même, dans l’endroit le plus profond, Voici ceux dc saint Jean de la Croix : « Dès que il y avait un brasier où l’on jetât d'excellents par- i l’âme sc inet en présence dc Dieu, elle entre en pos­ session de ccttc paix profonde, où elle boit à longs turns. On ne volt, il est vrai, ni la lumière du feu, ni traits les eaux vives de 1a sagesse ct dc l'amour, sans l'endroit où il est; mais la chaleur dc la fumée odo­ qu’il soit nécessaire d’amener ccttc eau par les aque­ riférante pénètre l’âme tout entière, et souvent, ducs des considérations, des figures ct des formes. · comme je l’ai dit, le corps lui-même y participe. » Monfée du Carmel, 1. Il, c. xiv. Le Seigneur ne sc Su l’hèrêse, Château intérieur, iv· demeure, c. n. manifeste plus à l’âme pnr la voie des sens ainsi Une femme a bien dc l’imagination, pensera-t-on ; qu’il le faisait autrefois à l’aide du raisonnement qui on me permettra d’ajouter que cette femme s’appelle compose et divise les matières. Les communicat ons sainte Thérèse. et elle sc rencontre ici avec saint divines suivent maintenant la vole du pur esprit, Augustin, Con/essions, 1. X, c. vi; saint Jean de la d’où le discours successif est banni ct fail place à Croix : · C’est Dieu lui-même que l’âme ressent ct quelle goûte. · Montée du Carmel, L II, c. xxvi. I l’acte simple de la contemplation inaccessible au concours dc sens extérieurs ct Intérieurs. » Nuit Prit bien comprendre toute la portée de cette Marg»t< rrte\tarle, saint· Angèle «le Follgm», while Morie-Mûdeleinc 189G de Pazzi, le B. 1 Icnri Suso, Louis de Blois, Denys le Char­ treux. Cela fait, chercher dans les grands théologiens, qui furent parfois de grands extatiques, la manière dont ils essaient de rendre compte Λ eux-mêmes et Λ leurs lecteurs des merveilles divines qu’ils ont subies; saint Thomas et Suarez ne devraient pas suffire, il faudrait étudier Hugues ct Richard de Saint-Victor, le B. Albert le Grand, saint Bonaventure, Ruysbrocck, Gerson, Alvarez de Paz, pour ne citer que quelques noms principaux Voir Mystique. A. Hamon. EXTRAVAGANTES. On donne le nom d’Extrava- gantes â deux recueils de Décrétales ajoutés au Corpus juris. On a vu, t. xv, col. 208, 210, que durant quelque temps les décrétales pontificales insérées dans les col­ lections postérieures au Décret de Graticn — ct par conséquent celles aussi de la collection officielle de Grégoire IX — furent nommées Extravagantes. Toute­ fois, depuis que celles-ci eurent pris la première place dans renseignement des canonistes, cc nom cessa de leur cire appliqué; il fut réservé aux nouvelles décré­ tales, cn particulier à celles qui suivirent la publica­ tion du Sextus. En fin, il devint le nom propre de celles qui ne furent inscrites ni dans le Sextus ni dans les Clémentines. Le recueil des Clémentines, cn effet, ne contenait pas toutes les décrétales parues après le liber V/0*, ct comme il n’avait pas abrogé celles qu’il avait omises, celles-ci continuèrent d’avoir une valeur légale ct, par conséquent, d’être citées. Cc fut sous le nom d’Extravagantes : [Decretales] Exira [corpus juris] vagantes. Le pape Jean XXII cn augmenta le nombre par les constitutions qu’il donna durant son ponti­ ficat; les papes ses successeurs firent de même. Mais, n’étant pas renfermées dans une collection déclarée authentique, ces décrétales ne présentaient pour le public aucune garantie particulière d’authenticité. De plus, bien que réunies probablement avec l’assen­ timent de la curie romaine, on ne les trouvait pas toujours aisément. Un Français, Jean Chappuis, licen­ cié endroit de l’université de Paris, cn fit un double recueil. Ayant accepté la charge de donner, pour les librai­ res Ulrich Gering ct Berthold Rcmbolt, une édition complète du Corpus juris, cn 1500, avec la collabo­ ration de Vitalis de Thèbes, il joignit aux recueils anciens comprenant le Décret, les Décrétales, le Sexte ct les Clémentines, une collection nouvelle divisée cn deux séries : la première, sous le nom d'Extrava­ gantes Joannis XXII, contenait un recueil de vingt décrétales de cc pape, distribuées cn quatorze titres, sans classification par livre. Ces vingt décrétales étaient bien connues ct avaient même été déjà glosées ou commentées, trois par le canoniste Guillaume de Montlczun,ct toutes par un autre canoniste français, Zenzelinus (ou Gensclinus) de Cassants (Gcnsclln de Cassagne), professeur ά Montpellier, puis chapelain du pape ct auditeur de Rote. La deuxième série, sous le titre d‘ Extravagantes communes, contenait 70 constitutions édictées par divers papes, de Martin IV (1281)—le c. 1, De simonia, attribué & Urbain IV, paraissant appartenir plutôt â Urbain V, voir Friedberg, Corpus juris, 1.11, p. 1287 — à Sixte IV. Depuis 1503, elle cn contient 71, le sur­ plus provenant des trois décrétales de Jean XXII glosées par Montlezun ct une d’un commencement de chapitre de Clément V, dont la suite seule avait été insérée dans les Clémentines. Décrétale Pastoralis; cf. Clément. Quoniam, De immunitate ecclesiarum. Le tout est distribué sous 35 titres répartis en quatre livres, aucun texte ne se rapportant au I. IV, Dr matrimonio. On cite les décrétales de la première série sous diverses formes, mentionnant toutes le titre, par exemple ainsi : Extrav. Exsecrabilis, Joann. XXII, De præbcndis el dignitatibus, ou simplement Extra- 1897 EXTRAVAGANTES — EXTRÊME ONCTION vag. Exsecrabilis, De pnebendis; celles de la seconde série, cn remplaçant le nom de .lean XXII par k'inclication inter communes, par exemple : Exlrav. Vices illius. De treuga et pace, inter communes. Toutes les Extravagantes de Jean XXII ont été glosées; des communes, quelques-unes seulement, celles de Boniface VIII ct de Benoit XI, par Jean Le Moyne (Joannes Monachus), un Picard, cl par Joannes Franciscus de Pavinis, de Padouç. Les deux recueils n’ont comme tels aucune valeur officielle; mais les constitutions elles-mêmes gardent, cn tant que leur discipline n’a pas été modifiée, toute leur valeur originelle. Phillips, Du droit ecclésiastique dans ses sources, 1852; A. Tardif, Histoire des sources du droit canonique, 1887; Ph. Schneider,Die l.ehre non den Kirdienrechlsquellen, 1892; Schulte, D(e Geschichle der Qucllcn und Literatur des canonischcn /ledits, 1877, t. n. Λ. VïLLIEN. EXTRÊME ONCTION. — Nous étudierons suc­ cessivement l’extrême onction : 1° dans l'Écrîturo; *2° d’après les Pères et les écrivains ecclésiastiques des neuf premiers siècles; 3° chez les scolastiques; 4° d’après le concile do Trente ct les théologiens pos­ térieurs; 5° on traitera en lin les questions morales ct pratiques. I. EXTRÊME ONCTION DANS L'ÉCRITURE. — L L’at- testation de Jacques, v, 14-18. IL Les origines du rite. L L’attestation de Jacques, v, 11-18. — 1° Ana­ lyse du texte. 14. Quelqu’un parmi vous 14. Άσΰενεϊ τις έν ύμίν; est il malade : qu’il appelle προσχα)εσάσΟω τούς πρεσles prêtres de Γ Église cl que βυτέρσυς τής έχχλησίας,καί ceux-ci prient sur lui, Poi­ προσευξασΟωσαν έπ* αυτόν, gnant d'huile nu nom du αλείψαντες αύτον έ)αί<;> έν Seigneur 15 Et la prière de τώ ονόματι του Κυρίου. la fol sauvent le malade ct 15. Καί ή ευχή τής πίστεως le Seigneur le relèvera, ct σώσει τον χάμνοντα, χα\ s’il n commis des péchés, έγερει αύτον ό Κύριος· κδν rémission lui sera accordé ·. άμαρτίας η πεποιηχώς, άρε· 16 Confessez donc vos péchés Οήσεται αυτω. 16. Έξομοles uns aux autres cl priez λογεϊσΟε ούν άίλήλοις τας les uns pour les autres afin αμαρτίας χαΐ εύ/εσΟε υπέρ que vous soyez guéris;car la άλ)ή)ων, όπως ΙαΟήτε* πολύ prière fervente du Juste peut ισχύει όέησις οιχαίου ένερbeaucoup. γουμένη. ΆσΟενεϊ τις έν ύμϊν; Quelqu'un est-il malade parmi vous? Saint Jacques vient de dire : Quelqu'un parmi vous est-il malheureux, qu'il prie; est-il joyeux, qu'il chante des cantiques. Do la souffrance cn général il passe à une douleur spéciale 1res commune. Le mot employé par lui convient pour désigner la maladie physique, c’est la signification qu’il a d'ordinaire dans le Nouveau Testament, par exemple, Matth., x, 8; xxv, 36; Marc., vi, 56; Luc., iv, 40; vu, 10; Joa., iv, 46; xi, 2, 3, 4; Act., ix, 37; II Tim., iv, 20. Il est opposé à ύγιαίνειν. Sans doute, il s’entend parfois nu sens figuré; mais alors le contexte avertit le lecteur. Ici, au contraire, les expressions employées montrent qu’il s’agit d’une maladie proprement dite ct surtout d’une maladie grave. Le rite dont l’apôtre recommande l’emploi ne s’applique donc ni aux morts ni aux fidèles bien portants, fussent-ils sur le point de mourir. Seuls peuvent en user les chrétiens: • Quelqu'un est-il malade parmi vous, · c’est-à-dire parmi les fidèles, membres de l’Églisc, dont il sera question bientôt. I Ιροσ/.α/εσασΟω ; qu'il fasse venir, qu'il appelle. Le malade dont il s’agit ne peut donc pas quitter la maison ou le lit, il est gravement atteint, incapable de sc rendre à rassemblée ou dans la demeure des 189S prêtres. Pas n’est besoin qu’il ait perdu connaissance. L’expression employée suppose au contraire qu’il appelle lui-même les dispensateurs du rite; elle laisse ainsi entendre que de la part du malade est requis un certain désir de l'onction ct des prières joint ù la foi cn leur efficacité. S’il n’avait pas ccs dispositions, ri n'appellerait pas les presbytres. Le mode employé : qu’il fasse venir ne désigne pas nécessairement un précepte. Un peu plus haut, saint Jacques a écrit : Quelqu'un est-il dans le malheur, qu'il prie; dans le bonheur, qu'il chante des cantiques. Il ne faisait pas une obligation proprement dite à ceux qui sont gais de psalmodier. De même, ri a écrit précédemment : niches, pleure:, v, 1 ; Prenez patience, mes frères. Saint Jacques recommande une pratique, mais sans préciser s’il donne un conseil ou un ordre, s’il impose un pré­ cepte grave ou léger. Τούς πρεσβυτίρους τής εκκλησίας. Que le malade chrétien appelle les presbytres de Γ Église. Ces person­ nages ne sont ni les vieillards, m les plus anciens membres de la communauté. Le Nouveau Testament appelle de ce nom certains chefs des premières com­ munautés chrétiennes, supérieurs aux laïques ct aux diacres, inférieurs aux apôtres et ù leurs disciples principaux par lesquels ils ont etc établis. Cf. Act., xi, 30; xiv, 22; xx, 17; I Tim., v, 17, 19; TiL, î, 5; I Pet., v, 1 sq. Cf. Michiels, Origine de l'épiscopat, Louvain, 1900; Batiffol, Études d'histoire cl de théologie positive, Paris, 1904, t. î. Voir Évêques, eoL 1659 sq. Si l’onction devait être donnée par des laïques, pour­ quoi serait-elle réservée aux plus anciens? Ils ne sont pas nécessairement tous les plus innocents, les plus pieux, les plus fervents. On pourrait admettre l’hypothèse de 1’intervention des vieillards les plus parfaits ou de ceux qui auraient rcs’U le don de guérir les malades. Mais rien n'atteste que ce charisme soit réservé aux seuls chrétiens âgés ct qu’ils l’aient tous reçu, que les anciens mènent tous une vie exemplaire, prient avec une foi plus vive. Dire qu'ils sont les membres de l’Églisc les plus cn vue ct auxquels d’instinct on est porté à attribuer surtout des pouvoirs miraculeux ou la force de la foi, B. Weiss, Lehrbuch der biblischcn Théologie des ncuen Testaments, Stutt­ gart cl Berlin, 1903, p. 193, note I, c’est faire une supposition gratuite et contraire Λ l’expérience de tous les siècles : dans une communauté chrétienne les laïques les plus remarqués et à la prière desquels on attribue le plus d’efficacité ne sont pas nécessairement les vieillards, tous les vieillards. Si un doute pouvait subsister, le mol qui complète le substantif * presbytre » suffirait à le dissiper. Cc sont les anciens de Γ Église qu'il faut appeler. Pourquoi ajouter ce mot, s’il s'agissait de vieillards; évidemment saint Jacques sait d’avance que ses lecteurs no seront pas tentés d'appeler des païens. El pourquoi le malade ne pourrait-il pas faire appel à un membre âge d’une communauté voisine qui aurait une reputation extraordinaire de sainteté ou lorsque l'expérience aurait démontré qu'à sa prière Dieu soulage et guérit plus volontiers? 11 est impossible de donner à ccs questions une réponse satisfaisante. Au contraire, si l’apôtre parle de l'intervention de la hiérarchie, il est tout naturel qu’il dise : faites venir les chefs de la communauté, les presbytres de T Église. C'est bien celle locution τους πρεσόυτερους τής έχχλησίας par laquelle les Actes, xx, 17, 28, désignant ceux que i'Espril-Saint a établis « épiscopes pour paître Γ Église du Seigneur. · L'apôtre emploie le pluriel. Lu malado peut donc recevoir l'onction et obtenir la prière de plusieurs presbytres : le rite sera valido et l'intercession efficace. Saint Jacquesex/pe-l-il que l’acte soit accom­ pli par plus d’un prêtre? Il ne le dit nullement· 1Smoins précis, son langage est plus compréhensif. üon dc allevabit que paraissent avoir lu d’anciens écri­ Mettre debout tel malade, ce sera le faire sortir de vains latins. Le sens du grec n’est pas douteux : le son lit. Mettre debout tel autre,cc sera lui permettre Seigneur mettra debout le malade. Le verbe έγείραν de demeurer droit, à l’avènement du Seigneur, dc ne signifie, cn eiTct, toujours /aire lever : tantôt éveiller, pas tomber sous le coup du jugement, v, 12. Mettre faire lever quelqu’un du siège où il dort, Matth., vin, debout, puisque par la patience ct l'espoir s'affermis­ 25; Luc., vin, 24; Act., xn, 7; tantôt susciter, faire sent les cœurs, puisqu'une fin pareille à celle dc Job lever du néant, Matth., ni, 9; Luc., i, 67; in, 8; Act., est une grâce insigne ménagée par un Dieu plein de xiil, 22; Bom., ix, 17; tantôt édifier, faire lever ; compassion ct de miséricorde, v, 11, puisque celle du sol un édifice, Joa., n, 19, 20; tantôt redresser, faveur est obtenue pur la patience, v, 10-11, c’est, le faire lever une chose tombée, Matth., xn, 11; tantôt lecteur dc l’Épltre peut aussi le présumer, supporter mettre debout un boiteux, une malade couchée, un l'épreuve, i, 12, l’aine robuste ct remplie do confiance. possédé qui sc roule à terre ct c’est encore les faire Celto grâce est accordée par le Seigneur. Et si, au lever, Marc., i, 31; îx, 26; Act., in, 7; tantôt ressus­ verset précédent, cc mot s'applique au Christ nu nom citer les morts, les faire lever dc leur tombeau ct dans duquel l’onction est faite, il semble bien qu’ici encore, beaucoup d’écrivains du Nouveau Testament, le mot il soit désigné. est employé souvent avec ccttc signification. Matth., Καν άμαρτίας η πεποιηχώς, άρεΟήσεται αύτώ, cl s'il a x. 8; Joa., v, 21; xn, 1, etc.; Act., m, 15; iv, 10,etc; fait des pèches, rémission lui sera accordée. H un.,iv,24; viu. 11,etc.; Heb., xi, 19; I Pet., i, 21. Ce passage vraiment difficile a été expliqué de A i sens figuré, le mol sc trouve dans la IIe Épitre de diverses manières. Il est impossible dc l'étudier sans P ·πτ, sous la forme dc οιεγιρω : « Je crois de mon avoir auparavant décidé si les recommandations qui devoir dc vous tenir en éveil (ou dc vous ranimer] par suivent sc rapportent au même sujet ou sont te début me·» avertissements, · i, 13; < Je vous écris pour i d'un développement nouveau. Le texte reçu porte : réveiller votre saine intelligence, in, 1. > Ici encore, Έ£ομο)ογεΐσθε αΧλήλοις τά παραπτώματα χαϊ ευχεσδι apparaît l’idée d’exciter, de mettre debout l’esprit. υπέρ άλλήλων, όπως ΙαΟητε. Entre εξομο)ογείσΟε et ά>F.iul-il préciser Ici le sens du verbe faire lever ? | >ηλοις, N, A, B, K, P, et les cursifs 5, 7, 8, 33**, C i uns auteurs ont cru devoir l’essayer. Les uns ont 36, 69, 73, 177 insèrent le mol ojv cn faveur duquel p· tiê qu’il s’agissait exclusivement dc la résurrection déposent plusieurs versions (Vulgate, sahidique, bohairique, philoxénienne, etc.). Cette addition de la ou du rétablissement eschatologique, von Soden, op ci/.; Calmes, Êptlres catholiques, Paris, 1905, n.21 ; plus grande importance est communément admise. ct il est vrai qu’en un très grand nombre dc passages . Il y a une autre variante : au lieu de τα παραπτώματα, ir signifie ressusciter, mais cette faveur est on lit dans les grands onciaux τας άμαρτίσς,οΐ les édi­ accurdie à des morts; la, saint Jacques parte des teurs modernes préfèrent ce mot. Le texte devient mutates vivants. Plusieurs commentateurs pensent au ainsi le suivant : Confessez donc les uns aux autres vos contraire que le réveil promis, c’est toujours le retour péchés et priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris. à la santé. Puller, Anointing of the sick, Londres, 1904, p. 19 sq.; mais II est facile de constater que lw Y a-t-il lieu de rattacher ccs mots a ceux qui pre- ■ 1905 EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE 1906 Dernier tnrt des interprètes qui ne font pas du vercèdent? Plusieurs exégètes ct un grand nombre dc sel 16 la continuation du conseil donné aux malades. théologiens no le croient pas. Ils expliquent, comme Dans la phrase : < Priez les uns pour les autres afin se rapportant ù un même tout, l’extrême onction,les que vous soyez guéris, ζττως ΐοΛηα» » ds voient une phrases: « Quelqu’un est-il malade parmi vous, qu’il invitation Λ demander la conversion des péch.urs. appelle les prêtres de l’Églisc ct que ceux-ci prient sur lui, l’oignant d’huile au nom du Seigneur; ct la prière | Van Steenkiste, op. cit., p. 73. Il le faut bien, puisque d’après eux il ne s'agit plus des malades. Or rien de la foi sauvera le malade,ct le Seigneur le soulagera, ct s’il a des péchés, ils lui seront remis.» La rccomman- I n’autorise à prendre ici au sens figuré le mot guérir; le verset précédent s’oppose ù cette interprétation dation suivante : « Confessez donc... ■ serait un con­ seil nouveau, tout à fait détaché du précédent. Avec I arbitraire, ct les exégètes qui l’adoptent aboutissent à une conclusion étrange : au verset 15 sauver signi­ plusieurs commentateurs, nous n’hésitons pas à pen­ fierait guérir, ct au verset 16 guérir signifierait sauver. ser que cette interprétation est inadmissible. Sans Il est beaucoup plus naturel, il est nécessaire dc hisser doute, dans l’Épltre dc saint Jacques, le lien entre les A chacun des deux mots son sens propre. diverses sentences n’est pas toujours très apparent, Force est donc de considérer comme faisant partie presque toujours pourtant un observateur perspicace des recommandations adressées aux malades h con­ l’aperçoit. Ici, la conjonction ούν semble nous avertir seil : « Confessez-vous, etc. » Avant d’essayer de décou­ que la phrase : Confessez donc vos péchés est la con­ vrir le sens du morceau, il convient d’écarter une expli­ clusion dc la précédente. L’auteur a employé plusieurs cation suggérée à Estius ct à certains théologiens autres fois cc mot. 11 écrit : · Hommes ct femmes catholiques par des préjuges d’école, /n IV Sent., adultères, ne savez-vous pas que l’amitié du monde, pars post., p. L Croyant que la rémission des péchés c’est l’inimitié de Dieu? Quiconque donc (ovv) veut véniels est le principal effet de l’extrême onction, ils être ami du monde se pose cn ennemi de Dieu, » rv, 4 ; veulent retrouver cette idée dans saint Jacques. Il ct ailleurs, iv, 6, 7 :«...Dieu résiste aux orgueilleux; faut donc que cet effet soit toujours produit. Et eus aux humbles il donne sa grAcc. Soumettez-vous donc commentateurs prétendent que la préposition *in’a au­ (ouv) à Dieu. » La conjonction lie très étroitement les cune force conditionnelle dans la phrase : St le malade propositions entre lesquelles elle est un véritable trait d’union. Dans deux autres cas, iv, 17; v, 7, la con­ a commis des péchés. De meme on lit ailleurs : « Sf Je suis Père, où est l’honneur qui m’appartient? » Mal., nexion entre des phrases où se trouve ovv ct celles i. G; Si pourtant il est juste devant Dieu qu’il rende qui précédent est moins visible : les interprètes néan­ l’affliction à ceux qui vous affligent.. ;·! Thés.,i, 6; moins ne renoncent pas ct parviennent à la saisir. « Si quoiqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Ici d’ailleurs, les idées plus encore que les mots Dieu... · Jac., i, 5. Dans ccs divers exemples, si ne s’appellent. Dc quoi est-il parlé aux versets 14 ct 15? marque pas une condition, les phrases ont une valeur Des malades, dc la prière faite cn leur faveur, de son efficacité, dc la rémission de leurs péchés. Quel est j absolue; Dieu est Père;... la punition des persé­ cuteurs est juste; nous manquons tous de sagesse· l’objet dc la proposition suivante? « Confessez vos Donc, conclut Estius, il cn est de même ici. L’extréma pêchés les uns aux autres ct priez les uns pour les onction d’après saint Jacques remet toujours des fau­ autres afin que vous soyez guéris, la prière fervente du tes vénielles. Juste peut beaucoup. > C’est toujours le meme thème : impossible de le nier. * Cette argumentation est sans valeur. Dans les pas­ sages de l'Écriture cités par Estius, si traduit la con­ Les interprètes qui veulent isolcr ccs deux dévelop­ jonction d suivie do l’indicatif : la grammaire et le pements ne parviennent pas à expliquer d’une manière contexte montrent qu’àl n’y a pas une véritable pro­ naturelle comment saint Jacques passe d’une idée ù position conditionnelle; si n le sens de puisque. Ici, l’autre. Fromond, In Epistolam catholicam B. Jacobi nu contraire, saint Jacques emploie xxv avec to apostoli commentaria, Migne, Scriptura: sacr/r cursus, subjonctif : le sens n’est pas douteux. Rien n’indique Paris, 1840, t. xxv, coi. 728, dit: Saint Jacques, par les mots : « Si le malade a commis des pêchés, rémis­ d’ailleurs que l’apôtre parle exclusivement de fautes légères; au contraire, la phrase est générale ou si, sion lui sera accordée [par la prière et l’onction des comme le soutiennent beaucoup de commentateurs, presbytres], » enseigne que l’huile remet en certains cas les fautes même graves involontairement ou­ elle vise une catégorie spéciale de pêchés, cc sont les bliées. Mais comme d’ordinaire, on doit les accuser, transgressions graves. Cf. Kern. op. cil., p. 70. C’est il ajoute : Confessez donc uns pèches. Cette explica­ donc ù la lettre qu’il faut entendre la promesse, elle tion ne se dégage pas du texte. Van Steenkiste, Com­ est conditionnelle. mentarius in Epistolas catholicas, édit. Camerlynck, Si le malade a commis d 11 n’y a donc pas lieu dc découvrir dans la pensée do l’upôtro une précision qui n’y est pas. Essayer d’y ajouter, c’est cette fois encore l'amputer. Gardons à cette phrase, comme aux précédentes sur le salut ct le relèvement, la portée la plus générale. Si le malade a des pêchés sur lu conscience, quels qu'ils soient, rémis­ sion lui sera accordée. Tous ceux qui ont étudié avec attention l’Épitre dc saint Jacques ont observé que l’auteur use volontiers dc termes vagues ct généraux. Cf. Jacquier, Histoire des livres du Nouveau Testament, Paris, 1903, t. m, p. 221, qui cite dc nombreux exem­ ples. Pour désigner le sort fait aux péchés du malade, saint Jacques recourt au mot technique qui, déjà à cette époque— de nombreux exemples l’attestent—et toujours depuis, signifie le pardon: rémission sera accor­ dée,!^ promesse est sans restriction. Chez tous, toutes les fautes disparaîtront. Les exégètes ct théologiens catholiques ont souvent essayé de déterminer ce qui était enlevé. Ils ont parlé des fautes vénielles, des péchés graves involontairement oubliés, des peines temporelles, des suites de la transgression : langueur de l’âme, tendance au mal, habitudes coupables, etc. Chois r un dc ccs éléments,c’est dire trop et trop peu. Si l’on veut préciser, ce n’est pas à des conceptions postérieures,quelque respectables qu’elles soient,qu'il faut faire appel : saint Jacques doit être expliqué pur saint Jacques. Or,il ne nomme pas le péché sans faire apparaître aussitôt la perspective de ses châtiments; des misères prêtes ù fondre sur le coupable, v, 1-5; de l'inimitié de Dieu, iv,4; dc la stérilité de la foi, n, 17, 20; du jugement et de la condamnation à redouter, n, 9,12-13;tu, 1; v,9,12; de la mort engendrée pur l’ini­ quité, i, 15; v, 20. Remettre les pêchés, c’est évidem­ ment purifier le caur, iv,9; couvrir la laute, v, 20 mais puisque, dans la pensée de l’auteur, le délit et le châti­ ment sont inséparables, il est pennis de supposer que c'est aussi atteindre ce qui a été nommé depuis le reatus ptenir. Les théologiens ct les exégètes qui par­ lent dc la disparition des restes du péché sont donc fidèles, semble-t-il» à la pensée de l’écrivain. Mais il faut ajouter qu’elle n’est pus clairement exprimée. Il est donc plus prudent de s’en tenir au mot même dc l’Épftre : Si le malade a des péchés, rémission lui sera accordée. Comment celle grâce est-elle donnée? Il faut se souvenir que h promesse du pardon des péchés est immédiatement suivie des mots : « Confessez les uns aux autres vos péchés. » Trois hypotheses pouvaient 1908 donc être émises et l’ont été. Ou bien le pardon est accordé par l'onction seule, ou bien il no l’est quo par la confession, ou bien il l’est par les deux moyens scion les circonstances. Refuser à Ponction toute efficacité pour la rémis­ sion des fautes est impossible. Comjno le dit très juste­ ment M. Boudinhon, op. cit., p. 391 : « Qu’on veuille bien relire le passage en discussion : La prière de lu foi le sauvera, ct le Seigneur relèvera le malade cl s'il a commis des péchés, ils lui serunt pardonnés, de cette lec­ ture on recevra l’impression bien nette qu’il n’y est question que d’un seul rite, destiné aux malades, mais le même pour tous. Ge rite consiste dans la prière sur le malade et Ponction faite sur lui nu nom du Seigneur. De cet unique rite découlent deux sortes d'effets, l’un pour le corps : la prière fidèle sauvera le malade ct Dieu le relèvera', l’autre pour l’âme : scs péchés, s'il en a. lui seront pardonnés. Pourquoi séparer ces deux parties d'une même phrase moralement reliées pur la conjonction rf? N’est-il pas évident qu’il s’agit du même malade, du commencement à la fin dc la phrase? Au chrétien malade, quel qu’il soit, on indique ce qu’il doit faire : appeler les presbytres; ù ceux-ci, on indique également ce qu'ils auront à faire : prier sur malade et lui faire Ponction au nom du Seigneur, enfin on dit ce qui en résultera... Comment supposer que cette rémission des péchés résulte d’autre chose que de ce qui précède : la prière et le rite de Ponction? » L’ar­ gument prouve que cet acte agit sur les péchés. D’autre part, la confession doit servir Λ quelque chose. Saint Jacques la recommande en termes exprès : Confessez donc vos péchés les uns aux autres. Dire qu'elle n’est utile que pour la consolation des fidèles, pour les exciter à demander la conversion dc leurs frères, ce n’est pas faire une réponse suffisante. Il s’agit ici, aucun doute n’est possible, l'apôtre le dit : dc rémis­ sion des péchés. Et ce pardon est lié par lui ù la con­ fession d’une certaine manière, puisqu’après avoir écrit : « Si le malade a commis des fautes, elles lui seront pardonnées, · il ajoute : Confessez donc vos péchés. Le théologien qui isole les versets 14 ct 15 ct les examine en eux-mêmes, comme s’ils n’avaient aucun contexte, escamote la difficulté : il ne la voit pas. Mais pour tout lecteur impartial de PÉpltrc, clic existe ct il faut la résoudre. M. Boudinhon, loc. cit., p. 393-391, suppose qu’il s'agit dc péchés légers et de leur rémission sacramen­ telle par · une sorte dc confession rituelle, telle qu’elle se pratique à plusieurs reprises dans la liturgie ct notam­ ment avant l’administration de l’extrême onction. · L’explication est ingénieuse et c’est assurément la meilleure qui ait été proposée par les interprètes qui sc refusent à voir en ce passage une allusion Λ la pé­ nitence. Mais elle ne va pas sans difficulté. Est-il vrai qu’il n’est question ici que des peccata leviora, de ces fautes légères qu'il n’est pas nécessaire de sou­ mettre à un rite distinct de Ponction cl que l’Écri­ ture présente comme pouvant être effacées par divers procédés? Bien ne le prouve. Et si Puller a évidem­ ment tort de soutenir que l’apôtre vise seulement les péchés graves, encore ne faul-il pas verser dans l'excès contraire et dire que seules sont en cause les fautes légères? En fait, saint Jacques ne distingue pas; il écrit : « Si le malade a commis des péchés, rémission lui sera accordée. » Ajouter â ce texte, c’est le transformer. Et puis, même s'il s’agit dc fautes vénielles et dc la confession rituelle, le texte de l’apôtre reste embarrassant, inexpliqué. Ou ces péchés sont pardonnés par l’onction des presbytres et alors, pour­ quoi exiger la confession, pourquoi écrire : tes fautes seront remises. Confessez boxc...'l Ou bien, c’est cet aveu liturgique distinct de la pénitence qui, comme l'au­ mône, le pardon des injures, etc., obtient le pardon 1 doit l’être d’après les IMI EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE usages de l’époque. L’apôtre n’afilnne même pas qu’il a toujours lieu; il le recommande pourtant sans ré­ serve ni restriction d’une manière générale. Sa place à cc moment de la vie est toute naturelle. Ou il doit être suivi de la rémission des péchés par la pénitence ct alors, comme on le montre ailleurs, voir Confes­ sion dans la Bible, col. 832, la sentence de pardon suppose la connaissance du délit. Ou cette confession précède seulement l’onction, rite qui remet les péchés: or, c’était une idée reçue que, < si nous avouons nos fautes, Dieu les pardonne, I Joa., I, 9; de nombreux Juifs consentaient à reconnaître leurs péchés avant de recevoir le baptême de Jean, Matth., ni, 6; Marc., i,5; à Éphèso, après la predication ct les miracles de saint Paul, < beaucoup de croyants venaient confes­ sant ct déclarant ce qu’ils avaient fait. »Act.,xix,18. Mais pourquoi, si l'aveu précédait l’onction, n’est-il nommé qu’en dernier lieu? 11 est facile de l’expliquer. Saint Jacques a écrit : « Si quelqu’un est malade, qu’il appelle les presbytres; » il est tout naturellement amené à dire aussitôt ce que feront les prêtres; puis énumérant les cfïets du rite, il indique la rémission dos péchés, sa pensée sc porte alors spontanément sur l’aveu des fautes. Ou bien encore, l’apôtre avait écrit sa phrase sur les effets de l’onction : c’est le salut et le relèvement par Dieu. A ce moment, il pense à une objection que pourra faire le lecteur : Si j’ai des péchés? Et il répond : Si vous avez des pêchés, ils vous seront remis. La mention de l’aveu suit inévitablement. Mais la phrase : « Confessez vos péchés les uns aux autres, » ne semblc-t-ellc pas exclure le concept d’un aveu même non sacramentel fait au prêtre ct désigner les seules confidences d’un laïque à un laïque? Cor­ neille de la Pierre, Commentaria in sacram Scripturam, Paris, 1875, t. xx, p. 219, explique ainsi ccs mots : Soignez-vous les uns les autres signifie : Que ceux qui parmi vous sont médecins soignent les autres. De même, dire : aidez-vous, instruisez-vous les uns les autres, c'est inviter les riches à aider les pauvres, les doctes Λ instruire les ignorants. Ainsi, quand saint Jacques recommande aux fidèles de sc confesser les uns aux autres, il invite les laïques à faire leurs aveux aux prêtres. Et, ajoute Corneille de la Pierre, il a rai­ son de s’exprimer de la sorte. S'il disait : Confessezvous aux prêtres, ces derniers pourraient croire qu’ils no sont pas tenus d'avouer leurs péchés. Cf. Boiser, Die Epislel des heiligen Jakobus, Fnbourg-cn-Brisgau, 1909, p. 199. Saint Paul n'a-t-il pas dit de même : * Soumettez-vous les uns aux autres, ■ Eph., v, 21, c’est-à-dire, sujets, obéissez à vos supérieurs; ct saint Jacques a écrit, v, 9 : · Ne vous répandez pas en plaintes les uns contre les autres, > ce qui signifie : « Opprimés, ne récriminez pas contre vos persécuteurs.» Néanmoins, il faut admettre qu’aujourd'hui le lan­ gage de l’apôtre parait étrange aux catholiques. Mais dans la lettre de saint Jacques ct à scs contemporains il ne devait pas être clinquant. Alors sans doute exis­ tait entre les laïques ct les prêtres une distinction hiérnrehique semblable pour le fond à cc qu’elle est aujourd’hui entre les deux mêmes groupes de person­ nes. Mais les presbytres étaient des fidèles du lieu, leur famille habitait le pays, ils n’avaient pas reçu ailleurs une longue éducation qui les avait extérieu­ rement et pour toujours séparés des fidèles; la veille, ils étaient Juifs ou gentils, les égaux de leurs core­ ligionnaires; ils n'habitaient pas une maison spéciale, ils vaquaient à des occupations semblables à celles des autres chrétiens. Aussi supérieurs par leurs pouvoirs à leurs freres que le prêtre catholique peut l’être aux laïques, ils sc distinguaient moins, ils se distinguaient a peins par le reste de leur vie des autres membres de ta co nmunauté. Et les mots : « Confessez-vous les uns aux autres. · pouvaient paraître naturels. 1912 Sur la manière dont l’aveu ou Ponction produisaient leurs cfïets, saint Jacques ne donne aucun renseigne­ ment sûr. Sans doute, il dit: ta prière de la foi sauvera le malade; c’est donc au rite lui-même qu’est attribuée la collation de la faveur. L'expression semble favoriser l’idée d’une causalité ex opere operato, d’une vertu instrumentale de la prière; il faut sc souvenir pourtant qu'on trouve dans ΓEcriture des mots comme ceuxci : L'aumône délivre de la mort, efface les péchés, fait trouver la miséricorde ct la vie étemelle. » Tob., xir, 9. Et si la première promesse de Jacques semble attribuer au rite lui-même une action causale, la se­ conde ne met en relief que le Seigneur; c’est lui qui relèvera le malade. De même qu'il serait injuste de conclure de cette seconde proposition que l'onction n’est pas un instrument productif du relèvement, de même il est imprudent de recourir à la première pour soutenir que la prière des presbytres sauve ex oprre operato. La manière dont est présenté le troisième effet est encore nouvelle : saint Jacques emploie la forme impersonnelle : « Si le malade a commis des péchés, rémission lui sera accordée. ■ De ce langage, Kern, op. cit., p. 70, conclut que le pardon des fautes est un effet secondaire qui découle des deux autres. L’apôtre n’attribue ni à la prière de foi, c’est-à-dire au rite, ni au Seigneur la rémission des péchés, cette grâce est donc implicitement contenue dans cc qu’accordent la prière de la foi ct le Seigneur, c’est-à-dire dans le salut ct le relèvement. La base de cette argumentation parait des plus fragiles. Ka: ευ/ίσύε ύπέρ άλλήλων δπως ιαόήτε; priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris. Aucun motif n'oblige à entendre le retour à la santé, au sens figuré. Au contraire, puisqu’il s’agit de malades, il est plus naturel de penser à une guérison proprement dite. A la rigueur, l’attention étant surtout dans la suite portée sur le salut, on pourrait croire que l'apôtre songe à tous les effets de l'onction, mais sans exclure le regain de la santé. Comme un peu auparavant, saint Jacques a parlé de la prière que les presbytres devaient faire pour le saluL des patients oints par eux, c’est de cette supplication qu’il convient d'entendre ccs mots. On saisit maintenant très bien la suite du développe­ ment Infortunés, priez. Heureux de la terre, chantez. Malades, appelez les presbytres. Et saint Jacques dit alorsquelritcsera accompli, quelscffetsseront produits; puis il conclut : Laïques,confessez-vous; prêtres, priez pour la guérison des fidèles. L’emploi des mots « les uns pour les autres ■ ne peut faire obstacle à cette interprétation; il confirme même ce qui a été dit plus haut de cette expression. Plusieurs interprètes ont soutenu que les personnes invitées à prier sont tous les fidèles. Cette explication isole la phrase de cc qui la précède ct de ce qui la suit. Après avoir recommandé cette supplication, l’apô­ tre donne le motif de son conseil ct propose un exemple pour le confirmer. « Car la prière fervente du juste a beaucoup de puissance. Élle était un homme de même condition que nous : il pria instamment qu'il ne tombât point de pluie, ct la pluie ne tomba pas sur la terre pen­ dant trois ans ct six mois; il pria de nouveau et le ciel donna de la pluie et la terre produisit ses fruits. · Inutile de commenter chacun de ces mots; il suffit de relever dans cc développement cc qui s’harmonise avec cc qui précède. Le mot qui signifie prière au verset IG, ίίησις, désigne bien une demande adressée à Dieu. Puisqu’il a été parle précédemment de la supplication des prêtres en faveur du malade, il est permis de se demander pourquoi saint Jacques l’appelle la prière du juste el la déclare /revente : les presbytres ne sont pas nécessairement les personnages les plus saints de la communauté. Évidemment, on doit présumer que ces dignitaires «aient choisis panni les plus pieux. El 1913 EXTRÊME ONCTION DANS I/ÉCRITÜRE on Ht dans l’Épitrc Λ Tl te, i, 6-8 ; · Que le sujet (le prcsbytrc] soit d’une réputation intacte, car il faut que i’éplticopo soit irréprochable... saint, juste. » Le mot de saint Jacques est redit. Au reste, le choix de l'exemple est digne de remar­ que : Jacques rappelle l’efficacité de lu prière d’Élic. Le personnage est fameux par sa sainteté. Mais Élie est célèbre surtout comme prophète; selon l’ex­ pression même de l’apôtre, il a parlé au nom du Sei­ gneur, i, 10, de même que les presbytres oignent d’huile le malade ct prient sur lui au nom du Seigneur, v. 1 1. La prière d’Élic dont parle saint Jacques, ce n’est pas celle qu’il a faite, en qualité d’homme privé, mais comme représentant de son Dieu, sur son ordre formel, pour appeler la sécheresse ou la pluie. L’exemple est donc choisi fort â propos pour montrer cc que peut la supplication officielle, voulue par le Seigneur ct adres­ sée par les hommes de Dieu,par les justes des temps nouveaux. L’objet de la demande d’Élic n’est pas moins digne de remarque : par la prière qu’il a faite au nom de Jahvé, il a ouvert cl fermé le ciel. De même, semble vouloir dire l’Épitre, la supplication des presbytres en faveur du malade peut l’introduire dans le royaume, lui ouvrir le ciel. Tout naturellement, après avoir ainsi parlé de cc que font les chefs de la communauté pour le salut de leurs frères, l’apôtre exalte l’œuvre de ceux qui con­ vertissent un pécheur. C’est son dernier mot et il s'harmonise fort bien avec les enseignements sur l’onc­ tion ct la rémission des fautes. 2° Conclusions. — 1. Les concepts non catholiques de fonction des malades sont inacceptables. — Selon von Sodcn, les presbytres sont appelés non pour rendre la la santé, mais pour assurer le salut éternel. Op. cit., p. 201. L'hypothèse est inadmissible. Les preuves invoquées par ce critique sont insuffisantes. C’est à tort qu’il voit dans le patient soulage par l’onction un moribond incapable de faire des actes de foi, de prier, de confesser ses péchés ct aux prises avec la mort à laquelle il n’échappera certainement pas. Saint Jacques parle de malades proprement dits; ils appellent les presbytres, donc ils voient leur étal, n’ont pas perdu connaissance et font acte de foi; ils sont invités à avouer leurs fautes. Il est formellement parlé de leur guérison, elle est possible, elle doit être demandée à Dieu. Si la théorie de von Sodcnétait x raie,!e rite n’au­ rait aucune cllicacité quand celui qui reçoit l’onction revient Λ la vie. Or, le langage de l’apôtre est à trois reprises absolu, catégorique : « L'oraison de la foi sauvera le malade, Dieu le relèvera; ses péchés, s’il en a, lui seront remis. » l ue interpretation aussi mani­ festement contraire au texte n'a eu aucun succès. Voir Weinel, J)ic Wirkungen des Getstes und der Geisler, l’ribourg-en-Brisgau, 1899, p. 211. C’est aux mêmes objections que sc heurtent les interprètes qui voient dans l'onction des malades un simple dédoublement de la pénitence Λ l'usage de cette catégorie spéciale des lidèles. Telle parait être la pen­ sée de M. Loisy, Autour d'un petit livre, Paris, 1903, p. 251. L’application sacramentelle de cc rite < peut être, selon lui, considérée comme une détermination particulière du pouvoir de remettre les pêchés. » C’est oublier tout cc qui est dit du snhit, du relèvement ct de la guérison du malade. Pourquoi ce dédoublement, pourquoi l’emploi de l’huile, si un effet spécial dis­ tinct des fruits do la pénitence n’est pas attendu? Pour­ quoi les chrétiens ont-ils employé d’autres rites que l’onction pour la réconciliation des pêcheurs malades? Nous aussi nous pensons que la rémission des fautes est ici mentionnée; mais notre interprétation lient compte de toutes les données du texte. Saint Jacques fût allusion au rituel des malades qui se compose de deux actes : confession des pêchés (sacramentelle on 1914 non), extrême onction. Le second n’est pas un dédou­ blement, mais un complément du premier. Au contraire, beaucoup de protestants et de criti­ ques non catholiques sont |>ortés A croire que l'onction rendait la santé du corps cl qu’elle n’avait pas d’autre cllicacitc. Luther, De captioitute babylonien,6M..Weimar, 1884-1893, t. vi, p. 568; Calvin, Dr institutione, I. IV, c. xix, § 18, 21, Corpus reformatorum, Bruns­ wick, 1863*1893, t. i, etc. Récemment Puller, op. rit., p. 13-40, a soutenu avec beaucoup de ténacité cette thèse. L’onction primitive guérissait les malades, lors­ qu’il plaisait ù Dieu, tel était son unique effet. Elle n’était donc pas un sacrement. Par un contre-sens des chrétiens, elle est devenue, vers le ixe siècle, un rite qui remet les péchés et produit la grâce. Il est impossible d'appuyer celle hypothèse audacieuse sur le témoi­ gnage de saint Jacques. C’est le rite de l'onction luimême ct non pas seulement l'aveu des fautes qui obtient rémission des péchés : l’Épitre le dit en termes exprès. Il faut ou supprimer un texte ou modifier arbitrairement deux phrases pour soutenir le contraire. D'ailleurs, Puller est bien obligé du moins d’admettre que la prière des presbytres sauve et relève le malade : ccs mots peuvent et doivent s’entendre du salut du corps, de son relèvement; mais ils peuvent et,en con­ séquence, ils doivent aussi s’entendre du salut, du re­ lèvement de i’ârne. L’apôtre n'a pas distingué. Demeu­ rer sur terre ne serait pas toujours pour le malade le salut et le relèvement, ce pourrait être le contraire. La santé n’est pas nécessairement une grâce, la mort est parfois une faveur de Dieu. Ou l’onction ne guérissait pas le malade et si elle n’avait eu que la vertu d’un remède religieux, elle aurait été alors dépourvue de toute efficacité : le langage de l’Épitre semble pourtant bien indiquer que le rite n’est pas souvent, n’est jamais vide de vertu. Ou l’onction devait toujours rendre la santé. Saint Jacques aurait donc cru que les chré tiens possédaient le secret de l’immortalité. Pourquoi ne trouvons-nous pas trace de cette croyance chez les chrétiens? Pourquoi les fidèles de la primitive Église, pourquoi du moins les vrais ct parfaits croyants ne sont-ils plus en vie? Seuls auraient dû succomber ceux qui n’auraient pu recevoir Fonction» En réalité, saint Jacques se préoccupe beaucoup plus de la vie future que de l’existence présente. Son Épitre est remplie de la pensée du salut de l’âme. Rien n’est plus éloigné des préoccupations des premiers chrétiens que la recherche d’une longue vie sur cette terre. Ils mé­ prisent l'existence, attendent l’avènement de Jésus, aspirent au royaume, escomptent la couronne de la vie éternelle. Saint Jacques leur prêche la patience au milieu des épreuves du jour, l’espoir des récom­ penses de demain. Il tient le même langage que les autres écrivains du Nouveau Testament. Cette théorie de l’onction, simple remède, est encore rendue plus inacceptable par l’addition que lui font subir certains protestants ou critiques pour expliquer son ellicacité. Quelques-uns ont soutenu que l’huile est recommandée â cause des propriétés médicales qu’on lui attribuait. J. G. Rosenmuller, Scholia in N. T., Nuremberg, 1777-1782, t. v, p. 391, rappelle qu’en Orient el dans le midi, on avait l’habitude de traiter par des onctions diverses maladies. On attribuait â l’huile la vertu do rafraîchir, de fortifier cl de guérir. Sans aller jusqu’à prétendre que saint Jacques se con­ tente d’exalter les propriétés médicales de l’onction, plusieurs exégètes ont cru qu’il reconnaissait seule­ ment ù la prière des presbytres la puissance d’aug­ menter l’efficacité curative de l'huile. De Wette, Kurre Erklàrung der liricje des Petrus, Judas und Jakobus, p. 217. S’il en était ainsi, pourquoi donc recom­ mander l'onction ù tous les malades, quelle que soit l’origine, la nature de leur mal Pourquoi faire 1915 EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉGRITURE 1916 verser l’huile par les presbytres et non par n’importe 28, une faveur passagère réservée à l’époque primi­ qui ou par des membres de la famille ou par des per­ tive, Calvin, loc. cit., ou une grâce qui aurait dû demeu­ sonnes du métier? Λ quoi bon faire précéder l’onction rer toujours dans l’Église, dit Bengel, Gnomon N. T., de l’aveu des péchés? Et s’il était fait allusion à la p. 1118 sq., mais qu’elle n perdue par son incrédulité. seule vertu naturelle de l’huile, pourquoi devrait-elle Saint Paul nous renseigne sur les charismes, 1 Cor., être répandue au nom du Soigneur? Que vient faire la xn, 1-xiv, 40, cl il est bien vrai que certains sont prière? L’exemple d'Élic et de son intercession touteappelés par lui χαρίσματα Ιαμάτων, xn, 9, 28, gratia puissante serait inutile, inexplicable. L'éloge de la sup­ sanitatum, pouvoir de guérisons. Ils sont nommés parmi plication du juste serait hors de propos. L’Épitre do d’autres faveurs qui ont un caractère merveilleux, xi, 8-10, 28. La prière ct l'onction des presbytres Jacques d’ailleurs ne contient, depuis le premier mot sont des moyens ordinaires, réguliers, dotés par Dieu Jusqu’au dernier, que des conseils d’ordre religieux. Aussi, non seulement les catholiques, mais des pro­ d’une efficacité mystérieuse à coup sûr, mais qui n’est pas nécessairement éclatante. « Tous ont-ils la testants ont réfuté ccs explications fantaisistes. Voir, force de guérir? · demande saint Paul, xn,30. Non, par exemple, J. C. Wolf, Curæ philologicæ et criticæ cc diarisme, comme tous les autres, est accordé par Dieu In SS. Apostolorum Jacobi, Petri, Judæ ct Joannls à chacun comme il lui plaît, xn, 11. L'Épitre aux epistolas, p. 80; Beyschlag, Der Brief des Jacobus, Corinthiens ne dit pas un mot qui permette do penser Gttttmguc, 1898, p. 227. que cette faveur est réservée aux seuls membres de la Tout en reconnaissant dans l’emploi de l’huile pour hiérarchie,accordée à tous. Saint Jacques, au contraire, les malades un moyen de guérison usité chez les an­ veut que les lidèles malades appellent non les doctes, ciens, d’autres commentateurs protestants voient plu­ non les saints, non les personnes que la providence a tôt dans l’onction, faite nu nom de Jésus, un moyen Investies de pouvoirs singuliers, mais les presbytres, de guérison semblable à celui qu’employaient les c’est-à-dire ceux que les apôtres ou leurs disciples im­ païens, qui recouraient à des formules magiques. Mais médiats ont établis chefs des communautés. Les cha­ pour saint Jacques, l’effusion d’huile au nom du Sei­ gneur n’aurait qu’une valeur secondaire cl accessoire. rismes, prophéties, langues, science ct sans doute aussi Le salut du malade, c'est-à-dire sa guérison, serait pouvoir de guérir, disparaîtront, affirme saint Paul. dû surtout à la prière cl à la foi, Λ In sienne ct à celle I Cor., xiii, 8. Saint Jacques parle sans doute avant des presbytres, de sorte qu’il s’agit de guérison mira­ tout à ses contemporains, mais son langage, les pro­ messes qu’il fait sont sans restriction ct paraissent s’ap­ culeuse, accordée par Dieu en raison des dispositions pliquer à l’onction des presbytres de tous les temps : cldcs actes du ministre et du sujet. G. llollmann,Der au reste, la hiérarchie doit subsister autant que l’Église, Jacobusbrief, Anns Die Schriftendes Neuen Testaments, la communauté ne pouvant subsister si elle n’est gou­ 2e édiL, Gœttinguc, 1907, t. n, p. 527-528; IL Win· vernée. Cc qui lui cstconüé,non en vue d’un besoin pas­ disch, Die katholischcn Briefe, dans Handbuch zum sager, mais pour des nécessités perpétuelles — il y aura Neuen Testament, Tubingue, 1911, t. iv, p. 31; Beystoujours des malades — ne doit pas s’évanouir: cc que chl.ig, (oc. cil. Ces hypothèses sont irrecevables. les presbytres d’hier pouvaient, leurs successeurs le Leurs auteurs isolent une phrase du développement ct peuvent. Le salut, le relèvement, le pardon des péchés expliquent tout par elle : ils négligent les autres sont aussi utiles aux hommes de tous les temps qu’aux données. Voir dans le mot de Jésus un talisman caba­ contemporains de saint Jacques. Parmi les charismes, listique pour conjurer la maladie, c’est n’examiner saint Paul nomme comme souverainement désirable la que la seule locution : < Au nom du Seigneur »; prophétie; si le pouvoir de guérir sc confondait avec c’est supposer qu’en faisant l’onction les presbytres Ponction de Jacques, ne serait-il pas plus utile, plus invoquaient expressément le Christ (cc qui est très apte à édifier, plus enviable que l'art de dire e cinq probable, mais non certain); c’est croire sans aucun mots » pour instruire et édifier la communauté? I Cor., motif tiré de ce passage, en oubliant tout ce que xiv, 19. Les charismes donnés surtout par futi­ nous savons des apôtres ct de saint Jacques, que la formule était considérée comme douée d’une vertu lité ct l'édification de l’ÉgUsc: 1° ntc, décrit par saint magique; c’est enfin refuser de voir le contexte : « Il Jacques, a pour effet le salut, le relèvement, la rémis­ y aura onction, la prière de la foi sauvera le malade, le sion des péchés, c’est-à-dire le bien du fidèle. Seigneur le délivrera, la supplication du juste peut Une dernière hypothèse, proposée par quelques cri­ beaucoup, confessez vos péchés. » De même, attribuer tiques non catholiques, ne mérite pas davantage consi­ Pellet produit, simple guérison, à la foi, à la piété dération. On croyait, dans les milieux juifs ct chrétiens, du ministre et du sujet, c’est mettre dans l’Épître cc à l’époque où écrit saint Jacques, que toute maladie qui n’y est pas : les croyances ct les prières du patient était une consé ucnce du péché. L’onetmn remet les ne sont pas mentionnées; c’est vouloir tout expliquer fautes et ainsi elle guérit. Cf. Steitz-Kattenbusch, par ces seuls mots : la prière de la foi sauvera le malade·, art. (Elung, dans RcalencyctopÛdle filr protestant c’est affirmer sans aucun argument que l’onction est tlsche Théologie und Kirche, Leipzig, 1904, t. xiv, accessoire (elle est pourtant le premier acte qu’indique p. 305. De même, J. Bovon, Théologie du Nouveau l’apôtre); c’est obliger l’esprit à rechercher pourquoi Testament, 2· édit.» Lausanne, Paris, 1905, t. n, est requise l’intervention des presbytres ct non celle | p. 427-428, volt dans l’intervention des presbytres le des saints; c’est donner à une locution très vague : la remède à des désordres physiques causés par certains prière de la foi un sens très précis et que rien ne Jus­ péchés particuliers. CL I Cor., xi, 30. Certainement, tine : la foi de la prière; c’est ne faire aucun cas des d’après un préjugé fort répandu parmi les Juifs,tout mots : au nom du Seigneur. Le catholique accueille mal physique est une punition, cf. Job, xxit; les dis­ toutes les dépositions de texte, ct c’est en les Juxta­ ciples de Jésus acceptent cette idée, Joa., ix, 2; elle vient naturellement à l’esprit des païens. Act., xxviii, posant qu’il obtient un tout très harmonieux, la défi­ 4. Mais le Christ ne la partage pas ct rien ne prouve que nition de l’extrême onction. La prière a son rôle, les premiers chrétiens l’aient admise. Sans doute, Ponction sa raison d’être, le nom du Seigneur est Jésus, les apôtres, leurs disciples estiment que souvent nécessaire, lu foi est partout : chez le malade ct dans Dieu punit par des châtiments corporels les trnnsl’Église, foi à l’efficacité du rite ct à la bonté de Jésus. gressions de la loi morale; de très nombreux exemples Tout autre, mais non plus heureuse, est l’hypothèse peuvent être invoqués. Mais ni le Christ ni les fidèles de certains critiques sur la manière dont l’onction ne disent que toute maladie est une suite du péché : guérissait les malades. Elle aurait été un diarisme, le Jésus repousse même cette conception. Joa., ix, 3. don de guérir que mentionne saint Paul, 1 Cor., xn, 9, I 1917 EXTHÈME ONCTION DANS L’ÈCP.ITURE Et l’Épître de Miint Jacques présente le mal comme une épreuve, t, 2, 3, 12; v, 10, 11 ; la pauvreté comme une causé d'élévation, i, 9; l'abaissement du riche comme une source de gloire, i, 10; iv, 10. Ceux qui soullrent ne sont pas coupables, mais heureux, v, 11 ; i, 12. Cc que le péché engendre, c'est la mort. i. 15, et non la maladie. Ce qui punit les fautes, cc n’est pas la souffrance physique de cc monde, c'est le jugement ct scs suites, i, 3, 9, 12; iv, 12; rv, 1. D'autre part, la rémission des pédiés n’est pas pré­ sentée par saint Jacques comme l'effet premier du rite : « La prière de la foi sauvera le malade, et le Sei­ gneur le relèvera, et si le patient a des pédiés, rémis­ sion lui sera accordée. » C’est en dernier lieu que la valeur propitiatoire de l’onction est indiquée; le par­ don des fautes n’est promis que d’une manière hypo­ thétique, les deux autres effets sont garantis sans con­ dition. Donc, d'après saint Jacques, on peut être malade sans être pédieur, relevé ct sauvé sans être purifié. Pourquoi d’ailleurs une onction serait-elle requise si l'hypotllèse ici combattue était vraie? Tout acte qui obtient à l’homme le pardon de ses fautes devrait lui rendre la santé. 11 est donc impossible aux exégètes ou théologiens non catholiques, qui sc refusent devoir dans l’extrême onction des catholiques le rite primitif, de découvrir en quoi cc dernier consistait; toutes les hypothèses pro­ posées sont insoutenables. 2. L'extrême onction de Γ Église catholique est oral· ment le ri c décrit par saint Jacques. — a) La foi en­ seigne cette identité. — Bien avant le concile de Trente, avant même les synthèses théologiques du moyen fige, jusqu’à nos jours, l’onction des malades est présentée comme l’acte prescrit par l’Épître. Presqu tous les écrivains qui. au cours des siècles, ont mentionné cet usage, ont aussi rappelé le texte de saint Jacques; la plupart des liturgies invoquent la recommandation bi­ blique ou y font allusion; tous les xégètes qui ont commenté l’Épître nt cru découvrir nu c. v le rite qu’à leur époque l’Église catholique accomplissait sur les malades. Cajelanseul, Comment, in S. Jacobi epist., édit. de 1556, p. 419, fait exception. On lit bien aussi dans Calmes, Épitres catholiques, Apocal fpse, p. 21 : • Il semble que reflet des onctions cl des prières est de rétablir le malade, de le préserver de la mort afin qu’il puisse assister au retour du Seigneur (cf. 1 Thés., tv, 13-18). » Simple variante avec atténuation de l'interprétation de von Soden, discutée plus haut· Cette opinion repose sur un rapprochement gratuit de l'affirmation de Jacques ct d’un texte biblique arbitrairement choit i parmi ceux qui traitent de la résurrection, texte qui s’applique non aux malades, mais aux chrétiens que surprendra la pamusie. Calmes continue: «Un autre effet non moins important, c’est In rémission des péchés. Mais ceci dépend autant des prières faites par les fidèles que des onctions prati­ quées par les presbytres. · Or, le sacrement catholique des malades n’a jamais été représenté comme un moyen pour les patients de demeurer «vivants Jusqu'à l’avè­ nement du Seigneur, «afin d'être «emportés avec les morts ressuscités à la rencontre du Christ. » I Thés., !V, 16, 17. Le rite de Jacques ne serait donc pas notre sacrement. Mais l'auteur ajoute : «On sait que l’inter­ prétation officielle de l’Église rattache le rite mentionné ici nu sacrement de l’extrême onction. » Ainsi comme exégète catholique, Calmes ne se sépare pas des autres interprètes. On peut vraiment dire que déjà le magis­ tère ordinaire de l’Église semble affirmer l'identité de Fonction de Jacques et (le celle des catholiques. Cette doctrine a été officiellement enseignée. Inno­ cent Ier, dans sa lettre à Decentius, évêque d'Eugublum, Denzinger-Bannwart, n. 99, après avoir cité les paroles de l’apôtre, écrit : · A n’en pas douter, elles 1918 doivent être reçues ou entendues des fidèles ma­ lades qui peuvent être oints, etc. » Voir Extrême ONCTION CHEZ LES PÈRES DES NEUF PREMIERSSIÈCLES. De même, dans la profession de foi que le II· condic , de Lyon obtint de Michel Puléologuc, on lit : · L’ex­ trême onction, selon l'enseignement du bienheureux Jacques, est employée auprès des malades. > DenzingerBannwart, n. 465. Le décret d’union des Arméniens rendu à Florence porte : · Le bienheureux apôtre Jacques parle de cc sacrement : Quelqu'un est-il ma­ lade. · Ibid., n. 700. Le concile de Trente, sess. XIV, De sacramento extrema· unctionis, ibid., η. 908 sq., ne fait pas autre chose qu’un commentaire des affirmations de saint Jacques. Il ne les perd pas de vue un instant, dans le» trois chapitres, ct dans trois des quatre canons qu’il rédige, il cite les affirmations de l’apôtre, il en dégage toute la doctrine qu’il propose, et il le déclare expres­ sément : · Par ces paroles (celles de l’Épitre] que l’Église a reçues comme de main en main de la tradi­ tion des apôtres, elle a appris elle-même ct elle nou* enseigne ensuite quels sont la matière, la forme, le ministre propre et reflet de ce sacrement, ■ c. I. Le concile veut-il indiquer la matière et la forme : il observe que, d’apres saint Jacques, c'est l’huile et h prière, c. t. Décrit-il les effets du rite : h grâce, la destruction des restes du péché et le pardon des fautes, le soulagement et la confiance du malade, sa patience dans la douleur et la force dans la tentation, le réta­ blissement de la santé : il rattache tout aux paroles de l'apôtre comme à une promesse générale d’où dé­ coulent ccs diverses faveurs, c. n. Détermine-t-il le ministre ct le sujet : le concile consulte saint Jacques; cc sont les prêtres qui, d’nprès lui, font l’onction et ce sont · les malades, principalement ceux qui sont attaqués si dangereusement qu’ils paraissent prêts à sortir de la vie, · qui doivent la recevoir, c. ni. L*a>~ scmbléc cherche-t-elle l’ongine du rite, elle n’hésite pas: il a été recommandé cl promulgué par Jacques, c.1. Aussi, le concile rejette-t-il les autres interpré­ tations des paroles de l’apôtre : « Il ne faut donc écouter d’aucune manière ceux qui disent... que le rite ct l'usage observé par l’Église romaine dans l’ad­ ministration de ce sacrement est contraire au senti­ ment de l’apôtre Jacques. · Ce qui est « opposé à l’opinion manifeste ct claire » de cet écrivain sacrê, ce sont les théories qui font de l’extrême onction « une invention humaine, une pratique dérivée des Pères, non fondée sur un précepte divin cl n’enfer­ mant pas une promesse de grâce. » Et c’est une erreur de soutenir que le rite antique, celui dont parie l’Épitre. · aurait pris fin, comme s’il sc ramenait au diarisme drs guérisons, propre à h primitive Église. » Bref, · l’Église romaine n’observe que ce que Jacques a proscrit, > c. m. Le concile a même pris soin de définir cette doc­ trine: il est de fol que « l’extrême onction est un sacre­ ment promulgué par le B. apôtre Jacques, » can. 1. Il est de foi que· l’onction sacrée des infirmes confère la grâce, remet les péchés, soulage (le concile emploie le mol allctaare de la Vulgate) les infirmes, qu’elle n’a pas cessé, comme si elle était autrefois seulement le charisme des guérisons, » can. 2. Il est de foi que « le rite et l’usage de l’extrême onction observé par la sainte Église romaine n’est pas en désaccord axée le sentiment du B. npôtro Jacques..., » can. 3 II est de foi C’était aller manifestement contre la doctrine du concile de Trente. Cf. Simples réflexions sur le décret du Saint-O/flee, Lamentabili sane exitu, etc., Ceffonds, 1903, p. 91. Aussi, le Saint-Office, par le décret La­ mentabili (3 juillet 1907) approuvé par Pie X, con­ damnait ces affirmations presque dans leur propre teneur, prop. 48 : < Jacques, dans son Épitre (t. 14 cl 15), n’a l’intention de promulguer aucun sacrement du Christ, mais seulement de recommander une pieuse pratique ct si, dans cet usage, il voit peut-être un moyen de grâce, il ne le prend pas avec cette ri­ gueur que lui ont donnée les théologiens qui ont établi la théorie ct le nombre des sacrements. » Comme l’ont fait observer très justement les catholiques qui ont expliqué le sens de cette condamnation, Haren t, l'niuers du 8 août 1907; Lagrange. Le décret Lamen­ tabili sane exitu ct la critique historique, dans la Revue biblique, octobre 1907, p. 552; de Guibert, art. Ex­ trême onction, dans le Dictionnaire apologétique de la /oi catholique, Paris, 1911, t. i, col. 1870, « le décret n’entend pas affirmer que saint Jacques enseigne ex­ plicitement la notion de sacrement, telle que les théo­ logiens l’exposeront plus tard; ni même que l’étude purement critique de ce texte, indépendamment du secours de la tradition, pourrait démontrer avec cer­ titude que c’est bien d'un sacrement ainsi entendu que parle saint Jacques. · En effet, la proposition con­ damne M. Loisy; ct il ne disait pas seulement : Dans le texte considéré cn dehors de toute tradition reli­ gieuse explicative ct examiné à l’aide de la seule exé­ gèse historique ou scientifique, étudié comme pour­ rait l’être un document profane quelconque, je ne réussis pas à découvrir ce que les théologiens appellent un sacrement catholique. M. Loisy allait plus loin et disait : Je vois dans le rite recommandé par Jacques une pieuse coutume qui peut-être était considérée · comme un moyen de grâce, mais qui ne l’était pas à la manière dont, selon les théologiens catholiques, l’ex­ trême onction sanctifie. C’était donc un usage primi- | tiveinent autre que le nôtre, moins riche d’efficacité surnaturelle ou inférieur en infaillibilité productrice, Ixjisy ne précise pas; mais pour lui c’est une coutume i différente à l'origine, peut-être pourtant déjà sancti- j liante ct qui est devenue plus tard seulement notre extrême onction. C'est cette théologie évolutionniste qui ne maintient pas l’identité substantielle entre le point de départ ct le terme d’arrivée que le SaintOffice ct le pape ont condamnée. b) L'histoire prouve l'identité du rite de Jacques cl du increment catholique.—Pour l’établir, il suffit de com­ parer les deux tonnes. Une première constatation est très facile. Tout ce que dit TÊpitre de l'onction dts ma­ lades v vérifie dans le sacrement catholique. Rien d’estenllel n'a été retranché. Si nous essayons de définir, d’après saint Jacques, le rite accompli, de son temps, nous aboutissons à la formule suivante : C’est une onction accompagnée de prières, que les prêtres font sur la chrétiens malades pour que le Seigneur leur donne le salut, le relèvement, et, s’il y a lieu, le par­ don des péchés. Cette définition n’omet rien et re­ produit littéralement le langage de l’apôtre. Or que font le- catholiques? Les chefs des fidèles, évêques ou 1920 prêtres oignent d’huile, en prononçant des formules qui sont de véritables prières, les malades chez les­ quels ils sont appelés. Que veulent-ils produire? Lais­ sons de côté toute discussion d’école, consultons l’en­ seignement oilicie! du concile de Trente, sess. XIV, De extrema unctione, c. il. Les effets du sacrement catho­ lique sont : la grâce, la disparition des restes du péché ct meme celle du péché s’il le faut; le soulagement ct raffermissement de Fûino par la confiance, source do patience dans la douleur ct de force contre les tenta­ tions, parfois la santé du corps. Or, saint Jacques a nommé la rémission des fautes ct la guérison. La grâce, c’est véritablement le salut; soulager, affermir, donner confiance, inspirer patience, renouveler, entre­ tenir, augmenter les forces, c’est, au meilleur sens du mot, relever quelqu’un. Saint Jacques parle donc comme nous. Et si on cherche dans la coutume catho­ lique actuelle le primitif aveu des fautes, on obtient satisfaction. Ou bien on considère la confession recom­ mandée par Jacques comme un sacrement proprement dit : aujourd'hui l’Églisc ordonne au prêtre de recevoir les confidences du malade et de l’absoudre avant de lui conférer l’onction. Ou bien, on croit que l’aveu dont parle l’Épitre n’est pas une partie de la pénitence, mais bien un rite annexé au sacrement des malades : or, la liturgie romaine fait réciter le Confiteor avant que le prêtre verse l'huile. Les protestants ont objecté longtemps (Luther, loc. cit.; Calvin, Inst., 1. IV, c. xix) que l’onction était conféréepar un seul prêtre ct qu’elle n'était pas donnée aux malades, mais aux moribonds, à des cadavres. Cette seconde affirmation est inexacte. L’Églisc ca­ tholique ne demande pas que les pécheurs attendent le dernier moment pour recevoir Ponction. Elle lutte contre la négligence des chrétiens coupables qui cèdent à la tentation de le faire. Pour elle, tous ses théologiuns le disent, le sujet est, comme pour saint Jacques, le fidèle atteint de maladie grave. Que la pluralité de ministres soit condition essentielle de la validité du rite, il est impossible de le démontrer à l’aide do l'Épitre; certains catholiques, les orientaux, ont d’ailleurs conservé l’habitude de recourir à plu­ sieurs prêtres ct l’Églisc approuve leur usage. Reste à faire la contre-épreuve : Ce que T Église catholique enseigne de l'extrême onction concordc-t-il avec ce que nous apprend saint Jacques du rite appliqué, de son temps, aux malades? Rien d'essentiel n’a été ajouté. Nous laissons de côté tout ce qui est opinion libre, théorie d’école, pour ne considérer que la doc­ trine admise par tous les catholiques d'Occident ct d'Orient. Nous ne tenons pas compte de cc qui est propre à l’une ou à l’autre des diverses liturgies qui furent ou qui sont en usage : nous no regardons que le fond commun sur lequel toutes ont travaillé. L'his­ torien n’usant que de ses propres méthodes est obligé de convenir, croyons-nous, que des croyances ainsi obtenues, les unes sont de tout point identiques à celles des premiers chrétiens, que d’autres sont équivalemment semblables, qu’aucune n’est contredite par saint Jacques, et que celles qu’il n’exprime pas sont affirmées implicitement par lui ou constituent un développement normal, harmonieux de sa pensée· L’Églisc catholique enseigne que la matière éloignée du sacrement des malades est l’huile, la matière pro­ chaine l’onction: saint Jacques parle autrement,mais dit la même chose. Nous croyons que l’huile doit être bénite par un membre de la hiérarchie : l’apôtre n'exige pas cette condition; mais rien dans l'Épitre ne permet de condamner cet usage : tout l’appelle et les effets religieux de l’onction ct l’affirmation que le rite est confié à la hiérarchie. Les catholiques estiment que la forme doit être une prière prononcée pendant fonction, prière ayant vrai- 1921 1922 EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE nient, d’une manière ou d’une autre, le caractère d’une supplication. Telle est bien aussi la pensée de l’apôtre : gtic /es piisbyfres priait sur le malade, lot(jnant d'huile, Et pourquoi, tandis que les formules essentielles du baptême et de la cène sont toujours et partout les mêmes, liberté a-t-elle été laissée aux di­ verses Églises de recourir à des prières assez notable­ ment différentes les unes des autres? N’est-ce pas parce que, si Γ Écriture fournit textuellement les pa­ roles essentielles de la cène ou de l’initiation chré­ tienne, saint Jacques sc contente de réclamer qu'une prière de foi sollicite la santé, le salut, Je relèvement, le pardon des péchés? Déjà, nous l’avons montré, l’équivalence est com­ plete entre la doctrine du concile de Trente sur les effets du sacrement des malades ct renseignement de l’Épitre sur les fruits de l’onction. D’une manière implicite, mais réelle, l’apôtre dit tout cc que nous croyons. Sur plusieurs questions, les théologiens se divisent : effet premier du rite, réviviscence, mode de guérison. Or, précisément, cc sont des problèmes que n’a pas résolus saint Jacques ct sur lesquels il ne peut être consulté. Son silence et les incertitudes des doc­ teurs catholiques sur ces questions prouvent â leur ma­ nière la hdélilé de l’Églisc à renseignement aposto­ lique et son souci de ne pas le dépasser. Le ministre du sacrement catholique, c’est l'évêque et le prêtre: le mot presbytre * dont use saint Jacques légitime très bien notre usage. Dans les Églises orien­ tales ct chez les latins, là où il n’y a qu’un seul prêtre, on observe à la lettre la coutume apostolique. Meme là où la communauté compte plusieurs ministres et où un seul se présente, on reste fidèle à la pensée de saint Jacques : il veut que la hiérarchie intervienne, elle intervient. Voir col. 1898 sq. C’est à des malades gravement atteints que, selon saint Jacques et l’Églisc, s’applique le rite. Et d’après l’apôtre, il faut qu’ils soient · au nombre des chrétiens, ■ qu’ils appellent les prêtres, qu’ils confessent leurs péchés. Les théologiens reproduisent cette doctrine quand ils exigent du sujet de l’extrême onction la foi, une certaine intention, l'état de grâce. L’enseignement dus docteurs est plus précis, ils distinguent validité et licéité. Mais ils ne s’écartent pas de la ligne tracée pai l’Épitre : ils ne font que la continuer toute droite. Les théologiens s’accordent à dire qu’il n’y a pas nécessité de moyen de recevoir l’extrême onction, mais qu’il y a obligation de ne pas la mépriser, obli­ gation sur la gravité de laquelle ils ne parlent pas tous dans les mêmes termes. Or, précisément, saint Jacques ne s'exprime pas comme |e fait le Nouveau Test amont sur la nécessité du baptême et de l'eucharistie; mais il montre qu’il attache ù sa recommandation une grande importance pleinement justi liée par les effets précieux de l’action des nresbytres. Les divers rituels de l’extrême onction sont pourvus de prières d’origine ecclésiastique, sans doute, mais où s’enchâssent cl sc développent les pensées, parfois les expressions mêmes de saint Jacques. Enfin, l’Églisc enseigne que l’onction est un sacre­ ment, c'est-à-dire un rite institué par Jésus afin de symboliser et de produire pendant toute la durée de la religion chrétienne la grâce sanctifiante. Or si saint Jacques ne dit pas en termes exprès que le Christ a ordonné de verser l’huile sur les malades, il de­ mande aux presbytres d’agir au nom du Seigneur, comme le faisaient les prophètes : et on sait que ces derniers avaient reçu un mandat de Dieu. Le rite n'appartient pas à la religion juive ni à aucun autre culte du pays rl du lieu : ou bien donc saint Jacques le tient de Jésus,ou bien il l’a inventé de toutes pièces. 1 hsciple, frère du Christ, homme intègre et souveraine­ ment estimé, auteur d’une Épitre dont tout le contenu PICT. DE TIIÉOL. CATIIOU s'harmonise avec des affirmations émises ailleurs dans la Bible,d ne peut cire accusé cn l’absence de preuve, d’avoir, sous aucun motif, falsifié b doctrine et la morale du Maître. Et s’il l’avait tenté, aurait-il osé presenter comme infaillible le rite imaginé par lui, écrire que « l’oraison de b foi sauvera le mabde? » 11 n’aurait pas été sûr de voir b prière exaucée, et puisque b santé était un des effets promis ct attendus, la déception aurait pu être manifeste, b supercherie éventée. Aurait-il ajouté : < Le Seigneur relèvera le patient, · puisque Dieu ne saurait être lié par l’enga­ gement d’un homme? Aurait-il cru pouvoir dire en­ fin : · Les fautes seront pardonnées. » Il le savait : un homme n’a pas le pouvoir de remettre les péchés. Comme Juif, comme auditeur de Jésus, il connaissait celte doctrine. L'assurance de Jacques bisse entendre qu’il sc croit en presence d’un ordre du ChrisL L'apôtre ne dit pas cn termes exprès que b coutume de l'onction doit durer aussi longtemps que b religion chrétienne. Mais ce qu’il nous apprend de ce nte pa­ rait entraîner celte conséquence. Les privilèges ac­ cordés à une personne privée, cn tant que telle, dis­ paraissent avec clic, car elle n’a pas d'héritiers : cc sont les presbytres, cn tant que presbytres, c’cst-àdirc cn qualité de ministres publics, qui doivent oindre les malades : ils ont des successeurs, ce qu'ils font, d'autres peuvent l’accomplir après eux. Les dons accordés cn vue des besoins qu’éprouve à un moment donné un individu ou une société n'ont plus de raison d’être, cet instant passe; cl c’cst pourquoi, par exemple, les charismes primitifs, sans jamais cesser dans l’Églisc, ne sc sont pas tous maintenus sous leur forme antique; mais toujours il y aura des malades, toujours ils auront besoin de salut ct de relèvement, à toutes les époques ils aspireront à la santé. Puisque, d'autre part, on pourra demain comme hier pner ct trouver de l'huile, saint Jacques, s’il ne dit pas cn tenues exprès que l’onction des malades est une insti­ tution permanente, ne le me pas et affirme tout ce qui motive et appelle son perpétuel maintien. Cc rite symbolise la grâce : inutile de le démontrer longuement Saint Jacques ne nous apprend pas quelle était la prière récitée, mais il invite formellement à demander la guérison, ct puisqu’il nomme ce qu'obtient la supplication du prêtre, c’est-à-dire le salut, c'est donc que le salut est sollicité. L’apôtre ne met pas en relief le symbolisme de l’onction. Mais s’il choisit l’huile do préférence à un autre élément, c’cst pour un motif spécial. Cc n’est pas parce qu’elle est un remède naturel. Il est alors pennis de penser que c’est parce qu'elle fait penser à la guérison. La Bible montre dans l’huile un symbole d’allégresse, de dou­ ceur, d'abondance, de force, dans son effusion un rite qui consacre à Dieu une personne ou une chose. Le Nouveau Testament n’ignore pas cc symbolisme, puisqu'il parle d’onction au sens figuré. Mais l’huile des malades est-elle un signe efficace de la grâce? Saint Jacques montre dans le rite un acte qui obtient le pardon des pèches et le salut, donc ce que nous appelons la grâce sanctifiante, le relèvement et en particulier la guérison, donc cc que les théolo­ giens nomment grâce sacramentelle. Mais l’onction est-elle l'instrument par lequel Dieu est engagé à pro­ duire ou par lequel il produit ces divers effets, cn d’autres tenues agit-elle ex opere operato; ou, au con­ traire, obtient-elle la grâce à la manière de la prière ct des bonnes œuvres, cn raison des mérites du ministre ou du sujet? Il est facile d’établir que saint Jacques n'attribue pas aux dispositions ni aux actes du ma­ lade les effets du rite : il ne mentionne expressément ni sa foi, ni sa piété, ni son innocence, il suppose même qu’il peut être chargé de péchés. Il recommande l'aveu des fautes; mais il sait que Dieu seul les remet. Les V. - 61 1023 EXTRÊME ONCTION DANS L’ÉCRITURE 1924 mrtiM des presbytres expliqueraient-ils l'efficacité qu'en oignant d’huile les malades, les presbytres Les faveurs spirituelles, le pardon des péchés ne sont pas mentionnes. Les théologiens ont observe (pie les onc­ tions étaient faites sur des Juifs, el que les apôtres ont < te institues prêtres à la cène seulement : il ne pour­ rait donc pas être question d'un sacrement au sens strict. Mal Il faut reconnaître qu’il peut être question ici du baptême, de la rémission des péchés qu’il produit ct des onctions qui le suivent. Pourtant, le commentaire ne s'adresse pas Λ des catéchumènes, mais à des chrétiens, ils sont invités ù imiter Susanne, à mener une vie sage: d'autre part, les fidèles sont sanctifiés par l'huile céleste afin d'être nrèts, si l’époux frappe, à le recevoir. L’onction ici célébrée ne seraitelle pas celle des malades qui attendent leur Dieu? Saint Hippolyte mentionnerait le baptême, la pureté dc vie, la pénitence cl le rite qui permet d’entrer en contact avec le Christ. Mais peut-être faut-il entendre d’une manière métaphorique l'huile de sanctification : il s'agirait seulement des grâces dc l’Esprit-Saint. L'épisode dcSusanne est, en effet, commenté par saint Hippolyte d’une manière allégorique. Cf. d’Alès, La théologie de S. Hippolyte, Paris, 1906, p. 125. C’est encore un texlc peu explicite, un indice, que Kern, op. cit., p. 51, relève cians Tcrlullicn. De præscriplionibus, c. xli, P. L., t. n, col. 56. L'adversaire des hérétiques leur rcprocnc dc supprimer toute barrière entre hommes cl femmes, fidèles ct catéchu­ mènes, païens cl chrétiens. « Les femmes hérétiques elles-mêmes comme elles sont effrontées I Elles qui osent enseigner, iicuter, faire les exorcismes, pro­ mettre des guérisons et peut-être baptiser I » Puis Tcrtulllcn rcprocnc aux sectes de « confier à des laïques des fonctions sacerdotales. » Ainsi, d’anrès lui ct d'après l’Eglisc, car ïa violation de celte règle lui paraît une audace inouï<^<îonl scs lecteurs comprcn-, dront la gravite, H y n des promesses de guérison cjui ne doivent pas Cire données par des femmes. Or, iï ne s’agit pas ici de soins médicaux, Tcrlullicn narle d’operations strictement religieuses. Il n’est pas ques­ tion non plus, semble-t-il du charisme dc guérison, car, d’après Tcrlullicn, ce don extraordinaire n’est pas réservé â la hiérarchie dans sa lettre à Scopula c. iv, P. col. 703,il affirme que le chrétien Pro­ culus, surnomme Torpncion, avait autrefois guéri par une onction l’empereur Sévère; il croyait donc que le charisme des cures miraculeuses pouvait être conféré A tout chrétien et profiter même Λ tin pnfen Mais il y a, semble-t-il, pour Tertullicn, d'autres promesses de guérison que les femmes ne peuvent pas (aire, cl qui, id:« EXTRÊME ONCTION DU Ier AU IX· .SIÈCLE 1934 rique la recommandation de saint Jacques, il la rend comme In prédication, la conlrovcrtc, J'exorcisme, le inintelligible. La phrase dc l'apôtre devient la sui­ baptême, exigent l’intervention des membres dc la vante : « Si quelqu’un est malade, c'est-à-dire pécheur. hiérarchie. Ne serait-ce pas l’onction qui, d’après saint Jacques, doit être faite sur les malades par les 1 qu’il appelle les presbytres de l’Églisc cl l’oraison dc la foi sauvera, c’cst-û-dirc absoudra le coupable ef s’il a presbytres? Enfin, le texte de l'apôtre est cité pour la première des fautes, remission lui sera accordée. » Il est certain qu'ainsi rédigée, la phrase est ridicule. Mais Origène fois. Origènc énumère six moyens qui permettent au l’a-t-il prévu? N'a-t-il pas pu songer au sens général baptisédc se relever du péché, In Leu.,homil. il,4, P. G., dc la recommandation dc saint Jacques allégorique­ I. xn, col. 118 sq. : le baptême, le martyre, l’aumône, le ment comprise sans prendre la peine dc chercher la pardon, le zèle, l'amour de Dieu : « Il en reste un sep­ signification précise dc chacun des membres dc la pro­ tième, mais dur et douloureux, c’est la rémission des position? Sans faire tort A sa mémoire, on peut le sou­ péchés par la pénitence : le pécheur lave sa couche dc tenir. larmes, ses pleurs deviennent son pain du jour cl dc la Pesch, loc. cit., insiste beaucoup sur la circon­ nuit, il ne rougit pas dc révéler au prêtre du Seigneur stance dc Ponction ct s'efforce dc démontrer que ce son péché ct dc demander un remède, selon celui qui rite, mentionné par Origène* n’a jamais été un moyen a dit : Je l'ai décidé : /c déclarerai contre moi mon dc remettre les péchés, même en Orient. Il lui est injustice au Seigneur et nous avez remis Γiniquité de facile de faire justice de quelques-uns des arguments mon cœur. En cela sc réalise aussi ce qu'a dit l'apôtre : invoques par les adversaires, lis citent le 35* canon S’i quelqu'un est malade, qu'il appelle les presbytres de du concile dc Nicée attribué à saint Marouta, évêque Γ Église cl qu'ils lui imposent les mains, l'oignant de Maiphcrkal. Or, cc document n’est peut-être pas d'huile au nom du Seigneur et la prière de la foi saudc lui; il nous est parvenu, non sous sa forme pri­ wa le malade cl s'il est dans les péchés, ils lui seront mitive, mais dans une redaction ncstoricnne du remis. » v· siècle, i) vise seulement le cas spécial de réconciliaBeaucoup dc protestants, A la suite de Daillé, cf. tion publique après apostasie ct ne peut être invoqué Kaltenbusch, op. cit., p. 305, estiment que tout le comme témoin d’une coutume contemporaine d’Oritexte doit s’entendre de la pénitence et dc la pénitence gène. Hcfele, Histoire des conciles, trad, Leclercq, seulement. C’est elle qui est laborieuse et pénible : t. i, p. 403; Braun, De sancta nicæna synodo. Munster, aveu des fautes cl repentir coulent au pécheur; 1898, p. 84. A plus forte raison, Pesch peut-il rejeter l'extrême onction des catholiques est le sacrement la preuve tirée du canon 19 du synode du catholicos de la miséricorde. Hante de la tentation d'allégoriscr Mar Joseph en 554, cf. Hcfele, op. cil., t. tn, p. 1294, et habitue a ne pas suivre le sens littéral, Origènc a vu d’après lequel les fidèles convertis de la superstition dans In maladie le péché, dans l'onction la pénitence. recevront l'huile de la prière. A coup sûr, il esl impos­ N'assimilc-t-il pas avec complaisance c prêtre sible dc démontrer que l’onction a été employée à au médecin, les fautes A l’infirmité ct la cure spiri­ Alcxandr e du vivant d’Origènc, non seulement pour tuelle A la guérison matérielle? Ne savons-nous pas la réconciliation officielle ct publique des hérétiques, que l'onction a été parfois employée dans l’Oricnt pour mais pour l’cxomologèsc sacramentelle. Celte remar­ la réconciliation des pécheurs? Cette interprétation que faite, la question sc pose encore : l’onction ct ccs arguments méritent attention. Des catholiques, n’cst-clle pas entendue par Origènc au sens figuré? Boudinhon, loc. cit., p. 397, ont proposé la même expli­ A dire vrai, rien ne le prouve. Mais l'interprétation cation. de Kern ct de Pesch laisse subsister une grosse diffi­ Dr nombreux théologiens la repoussent. Ils pensent culté. Puisque, d’après eux, le texte de saint Jacques que pour Origènc la septième manière d’obtenir le s’applique A l’extrême onction, pourquoi est-il choisi pardon est In suivante : « La rémission des péchés est comme témoignage en faveur dc la pénitence? Et ccs obtenue lorsque quelqu’un, la douleur dans l’ûmc, théologiens n'expliquent pas pourquoi Origènc, en confesse au prêtre scs péchés, ct si celui qui fait scs citant la parole de saint Jacques, opère une addition aveux est malade, alors s’accomplit aussi cc que dit cl une soustraction. Nous lisons dans l’homélie alexan­ saint Jacques. » Kern. op. cit., p. 54. Dc Sainlc-Beuvc drine : < Si quelqu'un est malade, qu’il appelle les écrit dc meme : · Origènc parle ici dc la pénitence du prêtres de 1’Eglise et qu’fü lui imposent les mains, chrétien prise dans sa totalité ct qui comprend le l’oignant d’huile au nom du Seigneur. · l’n rite nou­ sacrement appelé de ce nom ct celui de l’extrême veau csl introduit, l.cs mots · qu’ils prient sur lui » onction. » Op. cit., col. 35. Cf. Pesch, Prælectioncs do· sont omis. Dire quOrigène a cité dc mémoire est une qmatlca, 3e édit., t. vu. p. 254-256. réponse commode et qui pourrait être admise si les Pour justifier ccsentiment.les tenants dc ccttcopi­ changements étaient insignifiants. Or. l’un d’eux tout nion font valoir plusieurs arguments. Origènc, disentau moins, l’addition, csl une importante modification. ils, n’allègonse pas toujours, nen dans son langage n’in­ Puller, Anointing of the sick, p. 43 sq.. recourt à son dique qu’il le fait ici. On pourrait observer cependant hypothèse sur l’évolution du rite recommandé par qu immèdiatcmcnl avant de citer le texte de saint Jacqui's. La première partie du conseil s'adresse, scion Jacques,il a appelé la pénitence un remède ct il faut lui, A tous les malades,leur prescrit l’onction pour la bien avouer que le docteur alexandrin est porté A em­ guérison dc leur corps, lui deuxieme vise les malades prunter ù l’art médical des termes de comparaison pour chargés de péchés et les invite A la penitence qui seule décrire la cure des âmes. Kern observe en second lieu peut leur donner le pardon. Origènc n’a pensé qu’A que, dans l'homélie où ce développement csl inséré, le celle seconde partie : Et s'il a péché, rémission lui sera docteur alexandrin a l'idée de comparer aux sacrifices antiques pour le péché les nouveaux modes de rémis­ accordée. C’est celle promesse seule qu’il devait cilcr. Mais ccttc proposition conditionnelle ne sc suffit pas. sion s mourants |ou vos morts}. afin qu’ils triomphent dc la seconde mort. » S. Ephrscmi syri carmina Nisibena, Leipzig, 1866, p. 223-221 Le mol employé. mytykun, peut, en effet, sc traduire dc deux manières, selon les voyelles qu’on y introduit Si on le Irl moy faykân. on doit le traduire nos mourants ; avec la ponc­ tuation miyfuijkùn le mot signifie vos morts Bickell avoue (pie Je participe passé est rarement employé avec des suffixes : la grammaire favoriserait donc la traduction : « Marquez de la croix vos morts » Mais, dit-il, saint Éphrern, en un autre passage < celui que nous avons cité plus haut), signale Ponction faite sur les malades. El, ajoute-t-il, « l'usage dc marquer les morts d’un signe de croix n’est mentionné nulle part. » Saint Ephrern parlerait donc de Ponction fade sur les mourants. Malheureusement, le texte paral­ lèle invoque n’est pas très probant El d’autre part, l’usage d’oindre les morts est attesté par le pseudoDenys P \rvopagitc De la hiérarchie ecclésiastique, c. vu, n 2, P G . I m. col 556-365. ■ L’huile versée sur le défunt, écrit-il, signifie qu’il a fourni sa carrière ct mis tin a scs glorieuses luttes. · L’onction dont parle saint Éphrern aurait, il est vrai, un autre but : permettre dc vaincre la seconde mort Pareil espoir s'explique mieux à coup sûr s’il s’agit d’un rite pratiqué sur un savant. Ainsi l’examen dc ce texte laisse l'es­ prit en suspens cl cette fois encore, un peut-être est de rigueur. Plus connu, plus discuté ct plus probant est le té­ moignage dc saint Jean Chrysostome Dans le traité Du sacerdoce, l. 111, n. 6, P G , t xlviii, col 641. il veut montrer que nous devons davantage aux prêtres qu'à nos parents Ces derniers nous ont engendrés du sang cl dc la volonté dc la chair, les prêtres nous ont donné la naissance divine « Il y a autant de diffé­ rence entre les uns et les autres qu'entre la vie pré­ sente cl la vie future Car nos parents ne peuvent pas même écarter dc leurs enfants la mort corporelle, chasser la maladie qui survient ; les prêtres ont sou­ vent sauvé l ame malade et prèle à mourir, χίμνουσ 2# χαϊ άπολλυσΟχι μΟλουσαν τήν Ψυχήν πολλίχις : aux uns ils ont rendu le châtiment plus doux, à d’autres ils ont permis de ne pas tomber du tout ct cela non seulement par leur enseignement et leur avis, mais le secours de leurs prières t.e n’est pas seu­ lement quand ils nous régénèrent, mais dans la suite ils ont aussi le pouvoir de remettre les péchés Quelqu'un, en effet, esl-tl malade parmi vous... · (suit le texte de saint Jacques] Les protestants estiment qu’en cet endroit saint Jean Chrysostome parie seulement de la rémission des fautes par la pénitence. Puller, op. cit. p. 45 sq. ; Kattcnbusch. art. (Ebing. dans Heatencyctopddie. Leipzig. 19Q4. t xtv, p. 305; Daillé. op cit. D'abord, on peut dire, comme l’observe très justement M Boudinhon. loc. cit., p. 396, que le texte de saint Jean Chrysostome. abstraction faite de toute relation au rite des malades. · est difficile à interpréter · |M»ur tout le monde ■ Pour Puller, Kattcnbusch, Daillé, autant que pour nous. . il est étrange. · au premier regard du moins, que saint Jean Chrysostomc, · nu lieu de recourir aux paroles de Xotrc-Scigneur » : Les péchés seront remis, etc, nit «préféré produire comme argu­ ment scripturaire le texte de saint Jacques * Et les commentateurs qui veulent ne reconnaître ici que la 1939 EXTRÊME ONCTION DU I* AU IX· SIÈCLE pénitence, doivent expliquer pourquoi l'auteur du traité Du sacerdoce parle de l'onction ct dc retour dc ta santé, le témoignage dc l’apôtre étant reproduit dans son intégrité. Rien, d'autre part, nc continue le sen­ timent de Puller : nulle part, saint Jean Chrysostomc nc laisse entendre que l’onction guérit le corps ct que h pénitence seule remet les péchés. Cc dédoublement n’est pas suggere par le texte. Les théologiens catholiques, au contraire, ont pu invoquer des arguments pour démontrer que saint Jeun Chrysostomc fait allusion en cct endroit à 1’extreme onction. En plusieurs développements il a décrit la pénitence» il en a décomposé les actes : aveu, larmes, humilité, aumône, prière; or, en ces endroits, il n’a jamais parlé de l’onction;il n'a jamais appelé huile au sens métaphorique la prière ou le pardon dc l’Églisc. Ici, il compare les prêtres aux parents. Il a montre que si les uns donnent l’existence matérielle, les autres accor­ dent la vie divine; il ajoute que. si les uns ne peuvent protéger contre la mort corporelle» les autres peuvent sauver dc la mort éternelle. Et voilà pourquoi il est amené à citer un texte qv vise les malades ct la ûn dc l'homme, plutôt que les aihrmations très précises, mais très générales: «Les péchés seront remis ù ceux à qui vous les remettrez... · Sans doute, c'est par la prière que, selon saint Jean Chrysostomc, les prêtres secou­ rent les malades. Mais il dit clairement (piécette oraison n’est pas simplement une bonne œuvre de l'homme; le prêtre a le pouvoir de remettre les péchés commis après le baptême El de meme que les formules du premier sacrement régénèrent, ainsi cc que prononce le prêtre sur l'd/ne malade el prèle à mourir la sauve. I-c mot sa­ crement n’est pas employé, il nc pouvait l’être alors au sens rituel du moins. Mais il v a assimilation entre le rite dc régénération des nouveau-nés ct le rite dc sanc­ tification des malades. Ci. dc Sainte-Beuve, op. cit., p. 39-10; Kern, op. cit., p. 31-35; Pcsch, Prælectiones dogmatics, t. vu, p. 256-257. Si on veut bien admettre d’ailleurs que saint Jacques parle dans l’Épitrc du rite des malades, c’est-àdire de Textrême onction et de la pénitence,toute difllcullé s'évanouit. Voir Extrême onction d'après i/Éciuturb. El on comprend fort bien que saint Jean Chrysostome» comme précédemment Origènc, non seulement pouvait, mais devait tout naturellement choisir ici cc texte scripturaire dc préférence à tout autre. Aucun nc convenait mieux à son but La péni­ tence proprement dite n’est pas exclue cl il parle dc l'onction qui, selon la parole dc l’apôtre, sauve, c’cstA-dirc rend le châtiment plus doux ct peut empêcher complètement de tomber. Le pouvoir des prêtres est vraiment merveilleux comme le emit saint Jean Chrysostome, puisqu'ils ont le moyen d’ouvrir immé­ diatement le ciel. Si la guérison des corps n'est pas expressément mentionnée à cct endroit, elle l'est peut-être dans une autre affirmation du même écrivain. Dans la xxxir homélie sur saint Matthieu, n. G, P. G., t. lvii, col. 564, d exalte l'église bien supérieure aux maisons profanes. « Car (dans cc lieu saint) qu'est-ce qui n'est pas grand, qu'est-ce qui n'est pas redoutable? La table, la lampe qui s'y trouvent sont dç beaucoup plus honorables el plus douces que votre table ct votre lampe. Us le savent bien, tous ceux qui en temps utile s'étant oints avec foi ont été délivrés de leurs maladies. · Kent» op. cil., p. 28-29; Pesch» op. cit., p 257, croient que la lampe ici nommée est celle cjui contenait l’huile de l’extrême onction. En effet, observent-ils, d y avait plusieurs lampes dans la cathédrale d’Antioche; en son iv· sermon sur la Genèse, n 3, P G., t. uv, col 597, saint Jean ChryBostume reproche à ses auditeurs d’être inattcntifs parce qu’ils s'amusent a regarder les lampes et celui 1940 i qui les allume. Or, ici, il ne parle que d'une seule, son contenu est assez saint pour qu’elle puisse être nom­ mée en même temps que l’autel, comme cc qui donne à l’église sa majesté et sa valeur Cc n'est pas le sanc­ tuaire qui assure à la lampe el à l’autel leur dignité, c’est l’autel cl In lampe qui font la grandeur du sanc­ tuaire. D’autre part, des textes liturgiques orientaux prouvent que l'huile des infirmes était en certains milieux conservée dans une lampe dc l’église. Kern observe même que saint Jean Chrysostome, dans le texte cité dc l'homélie sur saint Matthieu, n'emploie pas le mol λαμπας ou λύχνος, mais qu’il sc sert du terme λυχνία par lequel on désigne précisément au sens propre le support de la lampe. Or, ce vase est grand, redoutable, précieux, doux, il est un trésor du chrétien. Ces expressions ne se comprennent pas si saint Jean Chrysostome parle du luminaire de l'église, elles s'expliquent s’il pense à l’huile sacramentelle ca­ pable, selon la promesse dc saint Jacques, dc guérir ct dc sauver, à celte lampe que scs auditeurs connais­ sent fort bien, car maintes fois il y ont puisé un remède efficace. Et c’est grâce à leur /oi : ainsi l’apôtre avait écrit : « La prière de la foi sauvera le malade. » Saint Jean Chrysostome rappelle le texte dc saint Jacques. Celte argumentation fort bien conduite mérite une certaine considération. Il semble incontestable que saint Jean Chrysostomc fait allusion à la lampe qui contenait une huile considérée comme un remède. Kattcnbusch, op. cit., t. xiv, p. 306, le reconnaît Mais s'agit-il dc la matière de l'extrême onction? Ou est-il fait allusion à un emploi par les laïques, emploi non sacramentel d'huile bénite par la hiérarchie? L'assi­ milation dc la lampe à l’autel, les éloges extraordi­ naires accordés à l'huile sc justifient davantage si on accepte la première hypothèse. Il faut sc souvenir pourtant que, dans la suite du développement, saint Jean Chrysostomc, pour démontrer la sainteté dc l’église, nc parle pas des sacrements, mais des Écri­ tures, bien plus, dc la caisse des aumônes. D’autre part, le seul effet dc l’huile mentionné ici esl la gué­ rison des corps; l’intervention des prêtres exigée par saint Jacques n’est pas positivement exclue, mais elle n’est pas positivement rappelée. Il semble donc plus prudent de ne pas présenter ce second témoi­ gnage dc saint Jean Chrysostomc comme une preuve indiscutable. Faut-il voir une allusion à l'extrême onction dans un poème dc saint Grégoire de Nazianze, Κατά τοΟ r.oντ,ρού νόαο/l On serait tenté dc le croire. « Je suis ton serviteur moi qui mets les mains sur tes dons cl sur la tête dc ceux qui s'inclinent devant moi cl qui m'appellent le guérisseur dc leurs maladies. » P. G., t. xxxvi!, col. 1392. Le saint nc fait sans doute pas allusion à un pouvoir miraculeux dont il serait investi : sa modestie nc lui permettrait guère un tel éloge de sa propre personne. L’exercice d’un tel charisme serait rare, quelques privilégiés, un ou deux, en bénéfi­ cieraient Grégoire de Nazianze semble parler dc nom­ breux fidèles reconnaissants. Au reste, il l’afllrme, c’est en qualité de serviteur du Christ, en raison donc dc son ministère, c’est à la manière dont il met la main sur les dons divins,exerçant ses droits de prêtre, c’est en raison de son ministère qu’il guérit les ma­ ladies; ct il opère l’acte par l'imposition des mains : les têtes s'inclinent devant lui. Or, on sait que l’onction Implique cc rite, et le sacrement des malades a été souvent désigné par cc seul mot. Il est donc per­ mis de penser qu'il est (ait allusion ici à l’acte rei commandé par saint Jacques. Saint Ambroise parle, lui aussi, d’une imposition des mains qui pourrait bien être l’extrême onction. Il veut prouver contre les novations que l’Églisc a •1941 EXTRÊME ONCTION DU I·' AU IX· SIÈCLE 1912 le droit dc remettre les péchés : « I-e Christ n tout i d’obtenir des guérisons miraculeuses. Et ils concluent accordé ft scs disciples, disant Λ leur sujet : En mon que l'extrême onction au sens catholique, c est-a-dire un rite capable de remettre les péchés el dc produire nom, ils chasseront les démons, ils useront de nouvelles langues, ils détruiront les serpents ct s’ils ont bu la grâce, en d’autres termes, le sacrement n’existait quelque breuvage mortel, Π sera pour eux inollcnsif; pas. Personne n’a plus fortement ct, il faut l’avouer ï/s imposeront /< < mains aux malades ct ceux-ci se plus habdement essayé de prouver cette thèse que porteront bien Ainsi il a tout accordé. Mais il n’y Puller, op. cil., p. 148-198. Il consacre un chapitre a aucun pouvoir dc l'homme là ou agit la grace du entier ù établir sa démonstration don divin. Ροιιπμιοι donc imposez-vous les mains ci Du iret du nrsiècle 11 avoue ne pouvoir citer aucun considérez-vous comme un c/]rt dc la benediction le fait, si cc n’est celui auquel fait allusion Tcrtullicn retour du malade à la santé' Pourquoi présumez-vous Ad Scapulam c. iv, P. L., t. 1, col. 703. L'apologiste que certains ont été par vous purifiés dc la fange du rappelle que le chrétien Proculus avait guéri Sé­ diable? Pourquoi baptisez-vous, s’il n’est pas permis vère au moyen d'huile. Mais d’assez nombreux faits dc remettre les péchés par l’intermédiaire d’un postérieurs peuvent être cités. Parthéni us, évêque de homme? Dans le baptême,certes, tous les péchés sont Lampsaque dc 335 à 355, dont la vie fut écrite au remis. Quelle différence y a-t-il si les prêtres sou­ IV* siècle, Acta sanctorum, t.11 februarii,p 41, trouva tiennent que ce droit leur a été accordé par le bain un jour, dans une église d’Héraclée, un malade, de­ spirituel ou par la pénitence? Le mystère est le même 1 manda de l'huile, pria pour lui, J oignit et lui rendit dans les deux cas... Mais vous dites : Dans le bain, ainsi h santé. Rufin raconte une cure semblable c’est la grâce des sacrements qui opère. El qu’est-ce dont il fut témoin vers 375 en Égypte. On apporta un «pii opère dans la pénitence? N’est-cc pas le nom dc homme paralysé devant cinq moines disciples de Dieu? Que faites-vous donc? quand vous le voulez, saint Antoine, les deux Macaire, Isidore, Héradide, vous acceptez la grâce dc Dieu; quand vous le voulez, Pambon (les quatre premiers étaient certainement vous la rejetez. · Dc ptrnilenlia, 1. I, c. vin, P. L.t prêtres, le dernier l’était peut-être). · Quand le t. xvi, col. 477. L’argumentation dc l’évêque de Milan pauvre perclus fut oint par eux au nom du Seigneur, est donc, celle-ci : Vous pensez, novations, que les aussitôt la [liante dc ses pieds s’affermit..., · il prêtres peuvent accomplir des rites auxquels la vertu revint dans sa maison, tressaillant de joie et bénis­ divine confère leur efficacité. Car vous imposez les sant le Seigneur. H. E., 1. II, c. iv, P. L , t. xxi, mains aux malades ct s’ils guérissent, vous croyez col. 511-512. ix? désert vit d’autres mirades Palladius, à la valeur dc la bénédiction donnée. Vous baptisez qui vécut avec les moines égyptiens des Cellules, de ct vous estimez que la grâce du sacrement a purifié 390 à 399, raconte. Histoire lausiaque, édit. Lu eut, l’âme. Croyez donc aussi que dans la pénitence le Paris, 1912, p. 126, que, lui étant Ift, on apporta de nom de Dieu efface aussi les péchés. Kern, op, cit., Thcssalonique à Macaire d’Alexandrie « une jeune p. 43, conclut justement : Rite des malades, baptême, fille noble, ayant plusieurs années dc paralysie. En la frottant dc scs mains avec de l’huile sainte pendant pénitence sont mis au même rang, considérés comme vingt jours et en y ajoutant des prières il la renvoya des opérations posées par l’homme, mais rendues en santé dans sa propre ville. » Dc même un saint efficaces par Dieu, comme des sacrements. L’imposi­ moine de Nitric, Benjamin, donnait dc l’huile bénite tion des mains ici mentionnée nc peut donc pas être par lui et ceux qui la recevaient « étaient débarrassés un simple charisme, rare, accordé aussi bien aux dc toute infirmité. » Op. cit., p. 86. Saint Martin de laïques qu’au clergé, très différent du baptême ct dc Tours jouissait d’un pareil pouvoir Son ami Sulpicc la pénitence. L’existence d’un don miraculeux de Sévère nous apprend, dans la biographie composée du guérir ne prouverait pas que la hiérarchie ecclésias­ tique possède le pouvoir dc remettre les péchés, j vivant du thaumaturge ct publiée en 397, qu un vieillard vint un jour le supplier à Trêves de guérir Quelle est donc cette imposition des mains? C’est sa fille paralytique incurable et presque morte Pat hu­ l’acte des presbytres priant sur le malade ct l’oignant milité le saint refusa. Enfin il consentit à aller la voir, d'huile au nom du Seigneur. Dc nombreux documents demandadc Vhuile,L\ bénit,l’introduisit dans la bouche ont appelé l’extrême onction imposition des mains. de la malade cl rendit cotte personne â la santé. De vita Ainsi on peut sans témérité croire que saint Ambroise beati Martini, c. xvi. P. L., t. xx. cg! 169. C’était fait ici allusion au rite recommandé par l’Épitrc dc sans doute en 383. Douze ans plus tard, le meme saint saint Jacques. à Chartres déliait la langue d’une muette en lut Telles sont les principales affirmations des quatre faisant avaler un peu d'hui/c qu’il avait bénite après premiers siècles. On relève un assez grand nombre l’avoir soumise â l’exorcisme. Sulpice Sévère. Dialogus, d’indices de 1 existence dc l’extrême onction, d’allu­ III. η. 2, P. L·, l. xx, col. 213. Aussi, la femme du sions les unes probables.les autres certaines â ce rite comte Aviticn « avait-elle envoyé à Martin V huile sacramentel. Deux fois le texte de l’Épitrc de saint nécessaire contre les diverses maladies afin qu’il la Jacques a été cité intégralement ct par des écrivains bénit selon la coutume · Op. cit., n. 3, col. 213. de îiaut rang, Origènc ct saint Jean Chrysostome. Les laïques nc paraissent pas avoir été moins Tous deux s’en servent comme d’une parole bien puissants que ces évêques cl ces prêtres. Lc biographe connue d une recommandation mise en pratique dc saint Pachôme (mort en 343 ou en 346) et qui par les fidèles de leur enoouc. Ils mentionnent donc était un do scs contemporains, a conscné le souvenir l'onction ct rien ne permet de penser qu’ils l’entendent du trait suivant : Le pieux moine avait été supplié au sens figuré Puisqu’ils rapportent les promesses de en faveur d’une possédée du démon. < Il envoya au saint Jacques, Us altriblTTîit A ce rite les effets que père un peu d*huile consacrée par sa bénédiction. l’Eoltrc lui reconnaissait. Ils Insistent, il est vrai, sur l'un d’eux, oftfcc que leur thèse l’exigeait 11 Sc trouve I L’homme no doutant pas oignit sa fille ct mérita de La voir guérir en peu dc temps » /trfn sanctorum, t. 111 que c’est justement celui que la plupart dcsiidversaircs mail, p. 308. Un autre laïque, llilarlcn dont saint de renseignement catholique affirment n’flvoir été Jérôme a écrit la vie, vers391.se trouvait ftAphroditon attribué ft l’extrême onction qu’au moyen âge, la quand pullulèrent en cc heu des serpents dont la remission des pêches. morsure était mortelle. « Il bénit de l’/imïe : tous les 2° f.es laits - - Certains protestants se plaisent Λ cultivateurs cl les pasteurs qui en usèrent pour leur répéter que, dans les premiers siècles. I huile, bénite blessures furent infailliblement guéris. » Vila S. ou non, était employée soit par des laïques soit par Htlarionis, n. 32, P. L., t. xxm, col. 46. Lc saint des membres dc la hiérarchie, mais seulement afin 1913 EXTREME ONCTION DU Ι·Γ AU IXe SIÈCLE ermite arracha aussi Λ la mort par une onction le gendre ct la fille d’une pieuse femme nommée Cons­ tance. Op. at., η II. col. 52. Les foules couraient à lui» personnes de toute condition ct de tout rang « pour recevoir le pain ou Γhuile bénits par lui. » Op.cit., n. 30.col. 13-44.1/Historia monachorum, écrite cn grec vers 396-397 ct traduite par Rutin.cf.Butler, The Lausiac history of Palladius, Cambridge, 1898, p 257-277, rapporte que Jean, solitaire de la Thébafde» supplié par un malade, bénit de l'huile ct le sauva; il en envoya à une aveugle qui s’oignit les yeux pendant trois jours ct recouvra la vue. Historia monachorum, P, L., t. xxi, col. 391. Bien plus, un saint anachorète,Aphraated’Antioche,rapporte Théo­ doret, sc servit d’huile sur laquelle il avait fait des­ cendre sa bénédiction pour guérir le cheval de l’em­ pereur Valens. Le même personnage lit, par une onction, délivrer un chrétien du charme d'illégitimes amours. Histoire des moines, P, G,, t. L.xxxn, col 1376. Ainsi, conclut Puller, op. cil., p. 171. l’huile bénite est cn usage cn Asie Mineure, cn Égypte, en Gaule, cn Palestine, sans doute cn Syrie, cn Orient ct en Occident. Or, il n’y a aucun exemple d’onction sainte faite pour la rémission des péchés, la préparation à la mort des Agonisants, la destruction des restes des fautes, l’acquisition de la grâce qui rend capable de mourir heureusement ou avec courage L’onction n’a jamais été regardée comme un sacrement au sens strict que le moyen âge attache â cc mol. Voir aussi op. cil., p. 191. C’est vraiment abuser de l’argument du silence. De cc que, pendant deux siècles, le n· cl le III·» seul Trrtullien parle des guérisons obtenues par l’onction, personne ne conclut que le recours à cc moyen était inconnu alors ou peu répandu. Puller écrit lui-meme ct avec raison : · Je n'ai aucun témoignage historique à relater des onctions du ιι· et du ut· siècle, quoique pourtant je ne doute aucunement que la coutume apostolique ait été continuée durant celle époque. · Op. cit., p. 150. Pourquoi les textes sont-ils muets sur la collation de l’extrême onction proprement dite, sacramentelle? I-cs raisons du silence ont été données plus haut. Il suffit d'ailleurs d'examiner les faits allégués pour comprendre que seules les cures mira­ culeuses obtenues par l’huile bénite aient été men­ tionnées. Que veut Terlullien? Kappeler ct expliquer à un infidèle la bienveillance d’un empereur païen j>our les chrétiens : il ne pouvait invoquer les bienfaits d’ordre spirituel. Quel but sc proposent le biographe de saint Parthenius, Hulin, Palladius, saint Jérôme, Sulpice Sévère, les admirateurs de saint Pachômc, et de Jean l’ermite, Théodoret? Évidemment, ils veulent mettre cn relief des faits extraordinaires, ils sc proposent de signaler des miracles, ils s'efforcent de faire honorer ou invoquer leurs héros. Ils le disent expressément, cl leur récit le démontre. Quand les ‘mgiographes de tous les temps racontent la vie d’un saint personnage, ils choisissent des événements insolites, ce qui, vertu ou prodige, dépasse les actes du commun des fidèles. Si celui qu’ils exaltent est prêtre ou évêque, ils ne s’amusent pas à rappeler qu’il a conféré le sacrement de l’extrême onction, à moins que la collation de cc rite n’ait été revêtue de quelque circonstance exceptionnelle, zèle ou piété du célébrant, qualité du sujet, effet miraculeux de l'onction Évidemment, il en fut de même dans les premier* siècles II est donc permis de conclure que la mention de ces cures merveilleuses s’imposait cl que le silence sur le sacrement de l’extrême onction est très naturel, commandé en quelque sorte par le caractère et les effets du rite. Un second argument est proposé par Puller ct par 19 ii les protestants : les onctions miraculeuses étalent l'accomplissement du rite commandepai suint Jacques. Toutes ces opérations, observe-1 on, avaient pour but la guérison du malade. Donc, l’apôtre n’avait proposé qu’un rite curatif Et c'est beaucoup plus lard, au moyen âge seulement, qu’on s’avisa d’attribuer a l'huile une vertu sanctifiante. Puller, op. cit., p. 1 19, 171. En réalité,un examen minutieux des fails prouve précisément que les onctions relatées ne sont pas du tout celles quo conseillait l’ÉpItrc de saint Jacques. L'apôtre avait écrit : Quelqu'un est-il malade * El son langage semblait designer plutôt un mal aigu et qui menace la vie qu'une infirmité chronique. Or, dans les cas cités, il s’agit de la guérison de paralytiques, d’aveugle, de muet, de possédé du démon, d’une personne subjuguée par une passion coupable Si on prend l'Épilre à la lettre, les fidèles à oindre sont des chrétiens : quelqu’un est-il malade, parmi vous? L’empereur Sévère, le cheval de Valens ne satis­ faisaient pas à cette condition Ce sont les presbytres de Téglise auxquels il faudra recourir, affirme l’apôtre. Des onctions que les protestants nous opposent, certaines ont été faites par des laïques qui ne détenaient aucune autorité sur les communautés, qui n’avaient pas mission de visiter les malades, qui ne poux aient à aucun litre être considérés comme les continuateurs des presbytres, c’étaient des saints. Or, précisément. Jacques n’avait pas en cet endroit demandé qu’on s’adressât Λ des saints. Presque lotis ccs personnages d'ailleurs.évêques, prêtres ou laïques, opèrent sur des personnes qui ne sont pas de leur communauté, mais qui accourent de loin pour les visiter ou les implorer, on s’adresse à eux comme â des thaumaturges cl non comme â des presbytres de l'Église. L’Épitre de saint Jacques recommandait un moyen ordinaire, elle le proposait à tous les chrétiens cl évidemment les dispensateurs du rite ne devaient jamais refuser leur ministère. Or, les malades guéris miraculeusement pendant les premiers siècles étaient la plupart, presque tous, souffrants depuis longtemps; on ne nous dit pas qu’ils aient auparavant demandé leur salut à leurs prêtres officiels, on donne même à entendre qu’ils tentent une démarche toute spéciale près du saint personnage auquel ils s’adressent, ct le thaumaturge se fait prier, parfois, il refuse par humi­ lité de sc prêter aux caprices du patient. L’acte accompli n’est d’ailleurs ni exactement ni toujours celui qu a indiqué l’apôtre. Les hagiographes signalent presque dans chaque cas la bénédiction d’huile dont saint Jacques n'avait pas parlé. Par contre, le remède miraculeux est appliqué souvent par d'autres que par le thaumaturge, cl parfois le patient s’oint lui-même, l'oraison du pieux personnage agit à distance, tandis φΐ'οη lit dans l’ÉpItrc : · que les presbytres prient sur lui, l'oignant n’huile au nom du Seigneur. » Enfin ct surtout, il faut bien noter que les effets sont très différents : quiconque lit saint Jacques sans aucun préjugé est obligé d’y découvrir la promesse d’un relèvement, du salut ct celle qu'ont vue les premiers commentateurs de cc passage, Origêno et saint JeanChrysostome, d’une rémission conditionnelle des péchés. Proculus, Parthénius, les pieux Anacho­ rètes, saint Martin guérissent par l’huile bénite; les textes n’attribuent â leur acte que cet cflet. Ce n'e*t pas Λ l’onction prescrite par Jacques qu’il faut assimiler les merveilleuses applications d huile bénite attestées par les premiers écrivains chrétiens. Elles sc rapportent à un autre type. Le Nouveau Tes­ tament fait connaître deux remèdes : l’un, ordinaire, universel cl qui produit le relèvement, le salut même s’il le raut, la rémission des péchés: c’est celui que recommande saint Jacques; l’autre, extraordinaire. 1915 EXTRÊME ONCTION DU Rr AU IX* SIÈCLE miraculeux*, ordonné par définition, donc exclusive· ment, au rccoiisrvment de la santé corporelle c’est le charisme des guérisons dont parle saint Paul I Cor., xu. 9 Puisque les cures opérées par les grands thau­ maturges des premiers siècles sont rares, exception­ nelles, prodigieuses, puisque la vertu de les accomplir est presenter comme un privilège personnel, indé­ pendant de la qualité de membre de la hiérarchie, lié d’une certaine manière a la sainteté delà personne, destiné surtout à l'édification de ΓEglise; les actions éclatantes de saint Martin ou des antiques solitaires sont des manifestations de cc pouvoir miraculeux que le Christ a exercé le premier sur toute maladie ou infirmité ct qu’il a lègue â ses apôtres, puis à quelquesuns de ses serviteurs. Il s’agit de charisme ct non de sacrement. Les liturgies l’ont compris : dans beaucoup d’entre elles, anciennes ou modernes (le pontifical et le rituel romains, par exemple), on trouve la béné­ diction de la matière de l’extrême onction et celle de l’huile exorcisée, puis remise aux fidèles pour qu’ils cn usent comme d’un des rites aujourd’hui connus sous le nom de sacramentuux. Cf, Kern, op. ciL, p. 3G; Pesch, op. cit., p. 258. 3° Ixs liturgies. — Les Canons dits de saint Hip­ polyte, * anterieurs au iv« siècle. · Cabrol, introduction aux études liturgiques, Paris, 1907, p. 11-12, au moins pour l'ensemble, Duchesne, Origines du culte chrétien, 3· édit., Paris, 1903, appendice vi, p. 521, contiennent quelques renseignements intéressants sur le soin des malades. Γη diacre doit accompagner l’évêquc ct les lui faire connaître tous, can. 199. Car c’csl une grande chose (pie la visite des malades par le chef des prêtres; ils se relèvent de leur mal quand l’évêquc vient à eux, surtout s’il prie sur eux, > can. 2(H). Nous désirerions avoir de plus amples renseignements. Ιλϊ texte cité nous apprend pourtant qu’en dehors de la visite quotidienne faite au malade par le χλήρος, ran. 218, il y cn a une autre d’une importance capi~ talc, celle de l’évêquc. Que fait-il? Le cérémonial de la visite ne nous est pas rapporté. Mais l’expression employée est empruntée â l'Épilrc de saint Jacques. L’évêquc « prie sur le malade. » la locution semble donc Indiquer que le chef des prêtres suit le rituel dont l’apôtre a dessiné les linéaments, qu’il fait l'onction (le can. 222 parle des vases nécessaires pour les ma­ lades cl ipte l’évêque d >il remetire au procureur). Les effets de celle bonne visite ne sont pas mentionnés explicitement On rappelle que l'ombre de Pierre avait une vertu curative; la santé était donc un fruit espéré. Mais, puisque tous les malades ne reviennent pas à la vie, puisque tous néanmoins doivent être signalés par le diacre afin d’être visités, puisque le chef des prêtres n’est pas nécessairement un saint doté du pouvoir d’accomplir des miracles, puisque sa présence est pour­ tant une grande chose, il csl permis, sinon nécessaire, de conclure que l’évêque ne vient pas seulement apporter santé ou convalescence. mais d’autres dons non moins précieux. L’esprit du lecteur pense ù l’cxtreme onction catholique: si c’est d’elle qu’il s’agit, le langage des Canons est très juste, tout s’explique Voir 1rs textes cités dans Duchesne, toc. cit, p. 538-510. A la même époque remonte un témoignage beaucoup plus précis et de première valeur. Il émane du recueil de prières attribuées Λ Sérapion de Thmuis, ami et correspondant de saint Athanase On trouve dans cet cucologe deux oraisons sur l'huile La première ne vise pas la matière de l’extrême onction. Il est néanmoins nécessaire de la citer, afin do pouvoir la comparer a la seconde pour établir le vrai caractère de cette dernière I c recueil contient un certain nombre de prières empruntées certainement â In liturgie du sacrifice. 11 s’ouvre par ï'anaphore de l'évêque Sérapion. Wob- 19 W hennin, Altchristliche liturgische Stocke aus der Kirehe •hgyplens nebst elnem dogmatischrn Ifrief des Dlsehofs Serapion von Thmuis, dans Texte und Untersuchungen, 2* série, t. n, fasc 3 b, p. t-G Suivent cinq prières, l une était dite â la fruet ton, op. cit.. p. G; l'autre était récitée sur le peuple apres la communion des clercs, op.cit., p. 7; la troisième csl une action de grâces qui était prononcée après que lesfidelcs avaient reçu l'eucharistie, op. cit., p. 7; puis vient une oraison sur l'huile ct l’eau présentées comme offrandes, op cil., p. 7-8; enfin avait lieu ta bénédiction de rassemblée Ainsi la place de ccs prières n’est pas discutable, elles font partie de la messe. Ix texte de l’oraison sur l’eau et Γ huile n’est pas moins significatif: « Nous bénissons au nom de votre Fils unique Jésus-Christ ccs créatures ; que le nom de celui qui a souffert, a été crucifié ct csl ressuscité cl est assis à la droite de Dieu inengendré (soit) sur cette eau et sur celte huile. Donnez une puissance curative à ces créatures afin que toute fièvre et tout démon et toute maladie dispa­ raissent par ce breuvage et cette onction ct afin que devienne un remede de guérison et un remède de corn piété santé l’usage de ccs créatures au nom de votre Fils unique Jésus-Christ par lequel à vous appar­ tiennent la gloire ct la puissance dans le Saint-Esprit, pour tous les siècles des siècles. Amen. » Aucun doute n’est possible 1-cs fidèles offrent a la messe, avec le pain ct le vin. de l’eau et de l’huile; avant la bénédiction finale, le célébrant bénit ces objets et les leur rend. Le peuple les emporte ct s’en sert contre la maladie : la guérison du corps ct l’éloi­ gnement du démon sont les seules graces sollicitées; de la rémission des péchés il n’est pas question; l’eau ct l’huile sont mises sur le même rang, opèrent les mêmes effets, grâce à la même oraison. Comme nous recevons après la communion le pain bénit, comme nous usons de l’eau bénite, ainsi les chrétiens de Thmuis sc servaient au iv*siècle d’eau et d'huile bénites contre la fièvre, le démon, la maladie. C’étaient des phylactères pour l’usage privé. · Duchesne, op. cit., p. 78; Kern, op cit., p. 55. En Syrie, on agissait sans doute de même. Le c. xxix du I VIH des Constitutions apostoliques, P.G., t. î, col. 1125, le prouve : · Que l’évêque, cst-il'dil, bénisse t'huile ou /‘cou...,qu’il parle de celte manière: Seigneur Sabaoth, Dieu des vertus, créateur des eaux et dispensateur de l'huile, miséricordieux ct ami des hommes, qui as donné l'eau pour breuvage et ablution, l'huile pour que nos visages s’égayent dans l’exaltation de la joie, sanctifie cn cc moment cette eau et celle huile par le Christ, au nom de celui tpii les a opertes et accorde [â ccs éléments) la foret' do produire la santé, de chasser la maladie, de faire fuir les démons, de repousser toute embûche par le Christ notre espérance, » Tout autre est la seconde prière sur l'huile que con­ tient feucologc de Sérapion. Sa place, son contenu surtout obligent à lui assigner une signification spé­ ciale : Prière sur l'huile des malades ou sur le pain ou sur l'eau Nous vous InvcMpinnu vont qui aver toute ’1 puissance Sautrur de tou* le* hommes. Père de Notre-. <■ gneur ct Sttooror Jésus·(Christ cl nous vous prions <1 en voycr une force cumtlvo du haut des deux du ML unique sur celle hiitle afin que de tous ceux qui sont oints ou qui participent d créatures ici présentes, elle éloigne toute nialndlc et toute Infirmité, qu’elle leur servi· d antidote t outre tout démon qu’elle expulse d'eux tout esprit Impur, rn*bnimisso tout esprit mmmnfs, cri chasse toute fièvre et fmld cl toute maladie, qu’elle leur accorde Ifonne qrûec el rémission des pêchés, qu’elle soit pour eux un remède de vicct de \ahil leur apporte vmfé r/ int/i/rilé de Pâme,du corps, de 1947 EXTREME ONCTION DU Ι·Γ AU IX· SIECLE 194« Γesprit, constitution parfaite. Seigneur, que toute force sala- t son ombre même est conjurée Beaucoup des prières nique, tout démon, toute embûche de ruduenaire, tout coup, des pontificaux, rituels catholiques du moyen âge et tout supplice, toute douleur, toute souffrance ou choc, ou des temps suivants ne sont pas plus explicites, plus secousse, ou ombre mauvaise craignent votre saint nom que précises, plus complexes. Pour bénir l'huile dc l’ex­ nous invoquons en cc moment ct le nom c prologue de la prière insiste sur la qualité dc Sauteur qui revient au Père et au Fils 1λ» ciîcts men­ tionnés sont très nombreux La guérison dc toute ma­ ladie ou infirmité n’est certes pas oubliée; Fauteur semble n’avoir voulu passer scus silence aucune des douleur* du corns humain. Mais il r. a pas pensé qu’aux fownhic* L'huile délivrera ac tout esprit impur, mau- j rois. Elle apportera la bonne grâce, ta rémission des j péchés, le remède dc vie cl dc salut, la santé, l’intégrité de l'dme, dc l'esprit. Tout assaut, embûche du démon. recueil dc Sérapion, devait être d’un emploi courant, officiel, elle ne pouvait pas être réservée, tout le montre, pour les bénédictions d'huile qui préludaient aux miracles des thaumaturges racontés plus haut. Puller a senti vivement toute la force de cc texte qui ruine par la base sa thèse sur l’évolution dc l’extrême onction, rite médicinal pendant toute l’antiquité, spirituel seulement dans le moyen âge. II a fait, pour éluder cc témoignage, des efforts désespérés ct inu­ tiles. On ne s’attend guère, dit-il, à voir un contem­ porain dc saint Athanase faire un éloge si enthousiaste dc la sainte eau ct du saint pain. Op. cit.,p. 92.11 est aisé dc répondre que dans le corps de la formule seule l’huile est nommée expressément, que partout l’ac­ cent est mis sur elle; peut-être même, dans la prière, l’eau, le pain ne sont-ils pas implicitement désignés. Cc point sera examiné plus loin. Puller observe aussi que, dans un document dc l’époque, la lettre de l’évêque égyptien Ammon à Théophile d’Alexandrie, c. n, n. 10, Acta sanctorum, t. ni maii, p 350, l’eau miraculeuse bénite par le pieux Théodore dc Tabenna est appelée φάρμαχον σωτηρίας,remède de salut. .Mais il faut observer d’abord que ccttc expression est placée dans la bouche d’un laïque sans autorité ni compétence théologiques, simple inconnu pour nous, le père dc la malade : le sacramcntairc dc Sérapion reproduit le langage liturgique officiel. Les mots remède de salut ne sont d’ailleurs pas l’équivalent de remède dc uie ct de salut Et si ccttc locution devait être abandonnée par les dé­ fenseurs dc l’extrême onction, il cn resterait d’autres que Puller ne peut expliquer. Il essaie bien dc sc débar­ rasser aussi du souhait final : que l’huile apporte santé, intégrité de l'âme, du corps, de l'esprit. La maladie, dit-il, n'atteint pas seulement les membres, mais en­ core l'esprit ct l’âme. La prière dc Sérapion demande que l'homme tout entier échappe aux influences mor­ bides. Nous l’admettons volontiers, et nous concluons que déjà il ne s’agit plus seulement dc la guérison du corps, mais dc cc que les docteurs du moyen Age ct les catholiques modernes appellent le soulagement spi­ rituel du malade, effet très certain dc l’extrême onc­ tion, d’après eux. • Reste, avoue Puller, une clause qui n’est pas sus­ ceptible des mêmes explications. » Op. cit., p. 95. L’huile accorde bonne grâce et rémission des péchés. La formule est, d’après ce critique, une interpolation du vin· siècle. Dc quel droit son authenticité est-elle niée? Parce que les manuscrits liturgiques sont plus que tous les autres soumis à des altérations. Soit, mais encore faut-il démontrer que ccs mots sont une addition. La preuve, dit-on, qu'ils ont été insérés après coup, c’est qu’au vin· siècle seulement on attribue à Fonction une efficacité spirituelle; auparavant on ne l’avait jamais fait Déjà nous avons établi, et plus loin nous établirons que ccttc assertion est absolument inexacte. Et si aucun des huit premiers siècles n’attribuail à l’huile la vertu de remettre Ici péchés, d'ac­ corder la grâce. devrait-on a priori et sans autre motif soutenir que cc passage ne peut pas reconnaître u cet élément pareille efficacité? Cc serait poser cn principe qu’un document ne contient jamais que cc que con­ tiennent les autres pièces de l’époque Pourquoi, d'ail­ leurs, au v m* siècle, aurait-on ainsi modi lie l'eucotogr? 194» t » I) n'était phis cn usage. Un scribe, répond Puller,a dû être étonné en constatant que la prière de Sérapion était muette sur ce qu il considérait avec les hommes de son temps comme un cilcl Important dc Ponction des malades. En toute bonne foi il a compklé le ma­ nuscrit. Op. eu., p. 97. C’est lù une supposition gra­ tuite. « La suppression opérées est ■ tout ù fait arbi­ traire. » Lejay, Ancienne uhilolugie chrétienne dans la Kevue d'histoire et de littérature rellgtcuscs, Paris, 1906, t. xi, p. 373; c’est une interpretation < aprioristique », Boudinhon, op. eu., p. 401. Mais, objecte Puller, op. cil., p. 98 comment expli­ quer que l'inconcevable don dc la remission des pédiés soit énoncé d’une manière si peu saillante, sc trouve comme perdu au milieu des autres faveurs? IJ est facile de répondre que, si l’on veut bien ne pas dé­ tourner de leur sens naturel les mots qui précèdent (bonne grâce), ceux qui suivent (remède de me et de salut, santé et intégrité de l'âme, du corps ct de l'esprit), il n’en est nullement ainsi. Ixs mots rémission des fichés sont bien encadrés, bien amenés, bien complé­ tés. Le début dc la phrase vise les infirmités du corps; la lin, les maladies ct la santé de Panic. K cp rocher à cette seconde oraison dc contenir des clauses qui ne sont pas dans la première, Puller, op. cit, p. 98-99, c’est donner à la fois la question ct la réponse ; il est normal que le meme recueil ne contienne pas deux prières ayant la même raison d’etre cl le même contenu. Dire qu’un pc.sonnage, tel que Sérapion, n’a pas pu parler comme si l’huile produisait la grâce ex opere operato, Puller, op. cit., p. 99, n. 1. c’est partir d’une idée pré­ conçue, c’est oublier cn quels termes les Pères, dès la plus haute antiquité, célèbrent la vertu et le mode d’etlicacité de l’eau baptismale. Une seule objection est spécieuse Le titre porté : ■ Prière sur Γhuile des malades ou sur le pain ou sur Veau. · Pourquoi ces deux derniers éléments sont-ils nommés? Dc quel droit la rémission des péchés est-elle attachée à leur emploi? Si l’huile est sacramentelle, le pain ct l’eau devraient l’être aussi Puller, op. ci/., p.98. Kern, op. cit., p. 56, propose une explication très ingé­ nieuse. Dans certaines Églises orientales, chez, les Busses, par exemple, on emploie non seulement dc l'huile, mais aussi du froment et du vin. matières qui pourraient avoir succédé au pain et a l’eau Elles ne sont évidemment qu’accessoires. Cet usage ne remon­ terait-il pas à une habitude antique qu'attesterait l’eucologc de Sérapion : les malades auraient été oints d’huile, mais on leur aurait aussi présenté des complé­ ments secondaires, l’eau et le pain ’route difliculté disparaîtrait L'hypothèse est séduisante Mais nous sommes trop peu renseignés sur l’origine dc rem­ ploi dc froment ct dc vin dans les liturgies modernes pour pouvoir avec certitude le rattacher â un usage d’ailleurs un peu dilTércnt dc l’Églisc dc Thmuis au IV· siècle. Drews, Veber Wobbermins · Altchrisliche liturgische Stilcke aus der K irehe .Egyptens >, dans Zeitschrift fur Kirchengcschiehte, t. xx. p. 303, et Funk, Didascalici ct constitutiones apostolorum, Paderborn, 1906, t. n.Testi monui et scriptura· prnpinquie, p. 191 sq., observent que. dans le corps dc la formule, l'huile seule est nom­ mée expressément.ct que le titre ne porte pas: prière sur l'huile des malades cl sur l’eau et sur le pain. Mais sur l'huile ou l'eau ou le pain. Donc, l’oraison fut faite avant tout pour l'huile des malades; tout cc qu’elle contient s'applique a cette matière. Peut-être, on vou­ lut aussi parfois employer celte prière |>our l'eau ou le pain destines à certains usages religieux; ct alors, on sc servit de la formule rédigée pour l’huile cn faisant les modifications requises. Quels étaient ccs change merits? \ous l’ignorons Lun d'eux semble indiqué des faveurs sont demandées pour ceux qui seront oints 1950 •n fxjur ceux qui participeront a ccs créatures. D’autres modifications étaient-elles opérées,nous l'ignorons i-a prière, sous la forme la plus longue indiquerait cc qui sc rai porte à I huile; sur le pain ct l’eau, n’auraient été prononcés que les mots qui leur convenaient Ou bien la formule était récitée sur les trois éléments, mais deux d’entre eux apparaissent au second plan. Li prière aurait donc énuméré, sans déterminer cc qui était produit oar le pain seul ou l'eau seule, les diets des trois matières. Mais dans rune et l’autre hypothèse, puisque seule l'huile est formellement nom­ mée. c'est a elle uniquement peut-être» cl à coup sûr c’est â elle avant tout, que vont attribués tous les fruits de la bénédiction. L'historien désirerait cire mieux renseigné, mais d a le droit de conclure qu’»ci • est mentionnée l’huile de l’extrême onction, » Funk, loc. cit., cl il peut appliquer ce texte â elle sans êire contraint d’admettre qu'il y avait un sacrement du pain ct dc l’eau. Dans les autres documents liturgiques de l’époque, d'ailleurs rares. Il v a peu à glaner Mais encore faul-il observer qu on n’y découvre rien dc contraire a la doctrine catholique. Dans les fragments latins, Urdu· sealhe apostolorum fragmenta neronensia latina, édit. Hauler, Leipzig, 1900 p 107, cl dans la version éthio­ pienne (ciléc par lùiller) de la Dtdascalie des apôtres, on trouve une formule de bénédiction qui doit être prononcée \ur Γ huile offerte On peut admettre que l’original grec perdu dont nous avons Ici la traduc­ tion ressemblait a la formule suivante : · Sancti liant cette huile, ύ Dieu, accordez à tous ceux qui cn usent ct la reçoivent cette onction dont vous avez oint les prêtres et les prophètes Ainsi donnez la force a ceux qui la boivent ct la santé a ceux qui en usent. » Donc, conclut trioiiwluuement Puller cit., p. 106, ici encore. Il est question dc santé et non ourtant parle des dons accordés aux prêtre* ct aux j»ropnétes et cc sont des fa­ veurs spirituelles Du reste, nous ignorons complète­ ment si le texte \1sc la matière d’une onction olhcicHe, ecclésiastique, des malades ou une huile apportée par les fidèles ct conservée par eux pour leur usage privé, comme l’est aujourd’hui encore l eau bénite. La for mule qui amène la prière suggère ulutut celle dernière hyuothésc : Si mus oleum offert On récite la prière lorsqu un fidèle ofîrc dc l'huile au service liturgique ct non pas toujours. Dc plus, celte matière est desti­ née à servir dc brcuinige, aussi bien que de Uniment. Tout usage qtron en fait peut être utile : il ne s’agit donc plus de l’onction recommandée par saint Jacques, mais de l'emploi d’un objet bénit îa* texte se rapproche do celui uc la premiere prière de l’eucologc do Sérapion. Faut-il citer Ici le lestamentum Domtni édit. Kahmani, Mayence. 1899' Sans doute la Plupart des éru­ dits estiment que cette compilation est du v· siècle (Achelis. Funk, Morin, fkitiflol, Rirdcnheucn Néan­ moins, puisqu'elle est en Donne partie un remanie­ ment ou une amplification des textes antérieurs, oulsqu'ellc sc relie plutôt aux documents déjà cités qu aux pièces liturgiques 5 examiner dans la suite c’est j>cutêtre le heu de retraduire la prière do bénédiction servi, leurs que vous avez choisis par votre sagesse, vous qui avez envoyé Λ nous échcurs. In connaissance dc votre Esprit rwtr votre * tlnlrlê nous accordant la puissance de voire Esprit; vous qui guérissez tonte maladie ct souffrance K 'll 1951 EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX' SIÈCLE <1 nnrz ledon de guéri vin Λ ceux qui, par vous ont été fait* dign«\ de cette faveur, envoyez, sur cette huile, image de votre abondance, l'aide de voter bienfaisante commiséra­ tion, afin qu'elle délivre ceux qui soutirent, guérisse ceux qui sont malades et sanctifie ceux qui s*en retournent. Vetant approchés de votre fol. car vous êtes puissant ct digne de gloire dans le» siècles des siècles. Ainsi soit-il. La même prière est neitre sur l’eau, n. 25. 19.72 t. î, col. 1795-1790, pour l'inscription de l'amulette de Beyrouth (n· siècle) : · Je l’exorcise, ô Satan... Pro­ noncé dans la demeure de celle sur laquelle j’ai fait l'onction, έπΐ τω||τόπω τής || την ιπιχίχρ||ιχα, ■ la con­ jecture opposée dc KlrcholT, Corpus inscriptionum grœcarum, t. iv, n. 906-1, n’est pas très sûre (έχΐ τώ U τόπω ίψήσ || τω ήστηχ€. χρ. || vixi). Mais, même si on adopte le sens proposé par les archéologues français, Après avoir cité ccttc prière. Puller s'efforce longue­ doit-on conclure qu'il s’agit dc Vcxtrêmc onction'! Ix; ment de démontrer qu'elle servait pour la bénédic­ texte est très peu explicite cl conviendrait aussi bien tion dc Phuile employee, non seulement sur les ma­ à une application privée d’huile bénite ou à une onc­ tion d’exorcisme. lades. mais encore sur les catéchumènes. 5° Conclusion — /Ainsi, dans les premiers siècles, Dans plusieurs antiques liturgies, afflnnc-t-il, il en était de même, \vant tout, cependant, pour savoir Ponction des malades n’est pas inconnue. Non seule­ ment les fidèles usent d'huile bénite contre toute infir­ ce que pense l'auteur de ccs prières, il faut le consulter mité, mais d’autres onctions produisent des effets spi­ lui-même. Les phrases : le Seigneur accorde .ta sagesse à ceux qu'il a choisis.,,, vos serviteurs s'approchent rituels : de nombreux textes semblent faire allusion à un rite sacramentel proprement dit ; plusieurs en de la foi, ne seraient pas mal placées assurément dans attestent formellement l’existence. Deux fois, la une prière dc consécration d'huile baptismale. Et si recommandation de saint Jacques est citée; elle l'est la formule n’était pas précédée d'une introduction qui en indique le but, on pourrait être tenté d’admettre entièrement : rien n’a donc été oublié dc l’invitation apostolique. Loin dc n’avoir vu en elle que la proque In matière consacrée est destinée aux néophytes messse d’un remède contre la maladie, Orlgène ct ct aux malades Mais Je texte est formel : Si un prêtre consacre île l'huile pour la guérison de ceux qui sou/- saint Jean Chrysostome, c’est-à-dire deux témoins de marque, l’un Alexandrin ct l’autre Antiochicn, sou­ /reni.., · Presque toutes les expressions visent exclusi­ lignent la valeur propitiatoire de Ponction, négligeant vement les malades ct toutes leur conviennent, La même d’insister sur ses autres effets. phrase essentielle qui indique les effets sollicités ne La coexistence de l'usage privé ct du rite officiel prête pas à l’équivoque : « Envoyez sur celte huile, put amener des confusions dans l’esprit des fidèles. image de votre abondance, l'appui de votre bienfai­ De nos jours, beaucoup de catholiques, même instruits, sante commisération, afin qu'elle délivre ceux qui distinguent-ils bien Peau bénite dc Peau baptismale? souffrent, guérisse ceux qui sont malades et sanctifie Ainsi peuvent s'expliquer sans doute, avec les inexac­ ceux qui s’en retournent s’étant approchés dc votre titudes ou les erreurs de certains chrétiens, les diffi­ foi. * Ces derniers mots désignent fort bien tous les cultés que soulèvent leurs témoignages. Nous ne pou­ effets de l'extrême onction catholique : adoucir la douleur, guérir la maladie, sauver les mourants : vons pas exiger que les documents primitifs s’ex­ priment avec la même précision ct la même clarté Γ Écriture ct la liturgie appellent le trépas un retour que ceux qui furent composés plus tard quand on dis­ de l’âme A Dieu. Et il semble que ces trois verbes mis tingua scientifiquement les sacrements des rites secon­ sur Je meme rang conviennent à une même catégorie daires,cl quand cessa a peu près complètement l’em­ dc personnes, les malades II serait étrange d'ailleurs que reflet produit sur les catéchumènes fût ainsi dési­ ploi privé d'huile bénite. gné en dernier lieu et comme en passant. Enfin il faut 111. Du v· au vu· siècle. — 1° Les affirmations des faire un effort pour voir d’ans ceux qui s'en retournent écrivains ecclésiastiques. — Consulté par Decentius, les neophytes. Dire qu'il s'agit ici dc l’huile dc la der­ évêque d'Eugubium, Innocent Ier lui répondait (116) : nière onction, celle qui suivait la cérémonie et qui Sane quoniam dc hoc, sicuti de cicleris, consulere voluit était faite sur les baptisés qui liant la piscine, c’est dilectio tua, adjecit etiam filius meus Carlestinus diaco­ aller chercher bien loin une explication et c’est sou­ nus in epistola sua, esse a tua dilectione positum illud lever une difficulté : le verbe· sanctifier» ici employé quod in beati apostoli Jacobi epistola conscriptum est : St infirmus aliquis in vobis est, vocet presbyteros ct désignerait mal relict dc cette onction fina’e faite sur ceux qui déjà sont sanctifiés. Le Testamentum Domini, orent super eum. ungentes eum oleo in nomine Domini : I H, η. 9, cite les paroles dont l'évêque accompagne et oratio fidei salvabit laborantem ct suscitabit illum cct acte final, elles évoquent d’autres pensées : Je t'oins Dominus ct si peccatum fecit, remittet ei. Quod non est dubium de fidelibus ivgrotantibus accipi vel intelligi en Dieu tout-puissant, en Jésus-Christ, en Γ Esprit-Saint, pour que tu sois un ouvrier de foi parfat le cl un vase debere qui sancto oleo chrismatis perungi possunt, agréable d Dieu. Op cil., p. 130, 132. Nous préférons quod ab episcopo confectum non solum sacerdotibus sed donc admettre ce que dit le Testamentum Domini que et omnibus uti Christianis licet, in sua aut in suorum 1 huile dont la formule de bénédiction est ici rappor­ necessitate ungendum ('.icterum illud superfluum esse videmus adjectum ut de episcopo ambigatur quod pres­ tée doit servir aux malades, donc à eux seuls. Quoique cette prière était destinée à servir pour la consé­ byteris licere non dubium est Nam idcirco presbyteris dictum est quia episcopi occupationibus aliis impediti cration de l’eau, on doit cependant reconnaître que la ad omnes languidos ire non possunt. Cirtcrum si episco­ formule finale convient aux malades seuls. L’onction Lute uir eux les soul ige, elle les guérit ct. s’ils meu­ pus aut potest aut dignum ducit aliquem a sc visitan­ rent, les sanctifie. Donc, semble-t-il, selon Inno­ cent Ier, l’onction ne doit pas être faite sur les péni­ tents malades, si ce n’est après la réconciliation du jeudi saint ou quand leur étal esl désespéré. Le pape n’affirme pas que l’onction est obligatoire, les expres­ sions employées semblent plutôt indiquer qu’elle est facultative, Boudinhon, op. cit., p. 400, mais recom­ mandée. Le conseil dc saint Jacques est rappelé, il est d’ailleurs suivi : les malades à oindre sont si nom­ breux que l'évêque ne peut lui-même leur donner à tous satisfaction. Quels sont les effets attendus? Ceux qu’énumère l’apôtre : salut (salvabit), relèvement (suscilabit), par­ don des péchés, si c’est nécessaire (remittet ci). Évi­ demment, l’onction ne se confond pas avec la péni­ tence proprement dite qui sc compose, innocent le rappelle, loc. cit., col. 559, de l’aveu et des larmes du pêcheur, de la réconciliation de l’Église. Mais d’une certaine manière sur laquelle le pape ne s'explique pas, le rite concourt, s’il y a lieu, à la rémission des péchés. Que rc/êae-t-L et que sauue-t-il? Est-ce l'âme, est-ce le corps? Innocent ne précise pas. La restaura­ tion de la santé n'est certainement pas exclue D’autre part, l’efficacité spirituelle est affirmée. L’onction des malades est un des sacramenta ; cc mot n’a évidemment pas le sens qui lui sera donné beaucoup plus tard, mais il désigne déjà une opération sainte, utile à l'âme chrétienne. Ici même, le pape se sert de cc terme pour nommer les rites refusés par l’Église aux in­ dignes, c'est-à-dire le viatique ct la réconciliation (pii n'est accordée aux pécheurs que dans des circonstances déterminées ct à certaines conditions. L'onction esl assimilée Λ ccs deux actes, elle est, d’une manière analogue, un moyen dc grâce. Par qui est-elle faite? Par les prêtres : saint Jacques les nomme. Elle peut l’être aussi par les évêques. Car si l'apôtre ne parle que dits premiers, c’est que les seconds, empêchés par d’autres occupations, ne peu­ vent sc rendre auprès dc tous les malades. Mais si l’évêque a le temps dc les voir ou s'il croit bon d'admi­ nistrer l’onction à certaines personnes, il a le droit de le faire. Les fidèles peuvent-ils s'appliquer à eux-mêmes l'huile sainte? Une phrase d’innocent 1er oblige A poser la question : sancto oleo chrismatis... quod... non solum sacerdotibus sed et omnibus uti Christianis DICT. RE TIIÉOL. CATIIOL licet, in suo aut in suorum necessitate ungendum, Eaut-il comprendre : il est permis de sc servir de l'huile non seulement pour les prêtres, mais pour tous les chré­ tiens·, ou bien: // est permis non seulement aux prêtres, mais à tous les chrétiens de s'oindre? Isolée, la phrase est dillicde a expliquer. Les tra­ ductions : // est permis de se servir d'huile non seule­ ment pour les prêtres, mais pou a tous les chrétiens afin de les oindre, ou encore il est permis à tous les chrétiens de se servir d'huile pour être oints, ne sont guère satisfaisantes Pour justifier celte dernière interprétation, Nctzcr, op. cit., p. 134, 207, rappelait récemment qu'à l’époque carolingienne, on employait parfois la forme active avec le sens passif. Il a été répondu : « Nous ne sommes pas à l’époque carolin­ gienne... ct ungendum n’est pas... une forme active. · Boudinhon, Si les fidèles se faisaient eux-mrmes autre­ fois les onctions de l'huile sainte, dans la Revue du clergé français, 1911, t. lxyiii, p. 724. Vaut-Il donc mieux admettre non seulement avec la plupart des protestants (Daillé, Puller), mais avec des catho­ liques (Boudinhon. Lcjay, Vilhen), la traduction : Il est permis aux chrétiens d'user dc l'huile pour faire l’onction, eux-mêmes, dans leur maladie et dans celle de leur famille? Il semble bien que tel est le sens le plus naturel: user d'huile pour oindre,c'est oindre. Néan­ moins le verbe ungendum est amené d’une manière si étrange qu'il parait bien difficile dc donner pour cer­ taine cette traduction. L'explication timidement pro­ posée par Kern : se servir d'hui te pour oindre par le ministère des PRÊTRES ne sc justifie pas, du moins par le seul examen de la phrase. Pour dirimer la controverse, Boudinhon, op. cil., p. 725-723, invoque des affirmations d’autres écri­ vains ou de livres liturgiques d'après lesquels les fidèles s'oignaient d'huile sainte. Cct argument ne crée qu’une présomption. C’est à Innocent qu'il faut demander la pensée d’innocent ltr. I-c pape die sans la modifier la recommandation de saint Jacques : cc sont les presbglres qui prieront sur le malade ct l'oindront. Il ajoute que cette parole apostolique sc vérifie dans l’onction alors en usage : c’est nous don­ ner à entendre que le conseil est suivi à la lettre. Inno­ cent précise : en vertu de celte recommandation, tous les fidèles peuvent être oints (perungi possunt). S’il disait que le nie apostolique est accompli par tous les chrétiens, sc demanderait-il ensuite : l'évêque a-t-il le droit d'appliquer l’huile? La réponse aurait été donnée d’avance; la question ne serait pas seulement super­ fine. elle serait ridicule. Et il importe même d'obset ver en quels termes elle est posée : de episcopo ambigatur quod presbyteris licere non dubium est, on sc demande si l’évêque peut ce qui est certainement perm·» aux prêtres, on n'ajoute pas : et aux fidèles. La réponse n’csl pas moins significative : parce que l'évêque ne peut oindre tous les malades, les prêtres sont officiellement désignés pour administrer l’onction : à quoi bon, si l’onction des laïques était dc même valeur? Enfin, le dernier mot nous semble appeler la même conclusion: cc que l’Église refuse ù certains dc ses enfants, c'est, semble-t-il, quelque chose qui s’opère par le minis­ tère dc sa hiérarchie, comme le don du viatique ct dc la réconciliation. Que conclure? Ou bien il n’est question dans tout le passage (pie de Ponction faite soit par les prêtres, soit exceptionnellement par les évêques, et il faut donner à la partie obscure dc la lettre d’innocent Ier le sens qu'impose clairement tout le contexte Mais la gram­ maire parait bien condamner cette explication. Ou bien, ct cette interprétation nous paraît la meilleure, le pape parle surtout, presque exclusivement, dc l'huile que les membres de la hiérarchie appliquent sur les malades, mais dans la proposition incidente V. — 62 1955 EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX· SIÈCLE 1956 dont le sens est m peu apparent, il rappelle que celle rémission des péchés. Pour prouver que la prière des même matière est aussi à la disposition de tous les saints obtient à l'homme le pardon, il reproduit le fidèles comme d’autres objets bénits, pour leur usage conseil cl la promesse de saint Jacques : celte fois privé ct celui de leur famille. Ainsi semble avoir com­ encore, le texte est tout entier cité. Collât., xx, c. vin, P. L., t. xux, col. 1161. Par cet exemple ct le précé­ pris Bèdc, Expositio super dwi Jacobi Epistola, P. L·., t. xan, col. 39 Après avoir dit que pour observer la dent on constate ce qui s’est déjà passé auparavant ct prescription apostolique, l’Églisc a coutume de taire qui se reproduira. Les écrivains anciens, si l’on excepte Innocent Ier, n’étudient pas l’extrême onction pour oindre les infirmes par les prêtres, il ajoute, dans une phrase suivante : Le pape Innocent écrit qu'il est per­ elle-même, directement. Aussi ne signalent-ils d’elle mis, non seulement aux prêtres, mais ά tous les chré­ que cc que leur but les oblige à mettre en relief. Saint tiens, d'oindre d'huile, C’est reconnaître, mais cn les Cyrille, qui combat la médecine magique, parlera de distinguant, l'usage privé et l’usage officiel. De même, l’efficacité curative du rite; Cassicn, qui nomme l’onc­ on aurait le droit de dire aujourd’hui encore, cn par­ tion lorsqu’il traite du pardon des péchés, rappellera, lant de l’eau bénite le samedi saint. « Des paroles de comme l’ont fait Origèno et saint Jean Chrysostome, l’ÉtTiturc s’appliquent aux infidèles qui peuvent re­ son maître, la valeur propitiatoire. La recommandation de saint Jacques est encore naître de cette eau sanctifiée par le prêtre, eau dont tou-» les chrétiens ont le droit de s’asperger meme reproduite à la même époque (427) par saint Augustin. Dans le Speculum de Scriptura sacra, où, dit-il, il a dans leurs besoins ou ceux de leur famille. C’est le prêtre qui, d’ordinaire, baptise, mais l’évêque peut le voulu énumérer « les ordres, défenses, permissions · faire. Ce sacrement n’est refusé qu’à ceux qui ne pré­ contenus dans la Bible « qui aujourd’hui encore sentent pas les dispositions requises. »Cc qui rend plus demeurent règles des mœurs cl d’une vie pieuse, » il acceptable celle Interprétation, c’est qu'en certains place l'exhortation faite aux malades par l’apôtre P. L., t. xxxiv, col. 1036. L’onction est donc à scs endroits, Λ Horne notamment (un peu plus tard du moins; le fait est établi par les textes liturgiques), les yeux un rite spirituel d’un usage permanent. El le fidèles usent pour leurs besoins privés de la même biographe de l'évêque d’IIipponc, Possidius, raconte huile bénite qui sert pour l'extrême onction. Duchesne, que, pour les visites, Augustin observait la règle fixée Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 305. par l’apôtre, < n'allant que chez les orphelins ct les C’est le pape qui parle, il fait connaître les usages de veuves en détresse. Jac., i, 27. Et quand parfois les l’Église romaine, les considère comme autorisés, anti­ malades l’appelaient pour cju’il les recommandât à ques ct dignes d’être partout suivis, puisqu’il les rat­ Dieu en leur présence ct pour qu’il leur imposât tes tache à une parole apostolique ct les propose à son mains, il s'y rendait sans retard. » Possidius, Vila correspondant, l’évêque d’Eugubium. La réponse sancti Augustini episcopi, c. xxvn, P. L, L xxxit, d’innocent I*r n’est pas demeurée inaperçue, clic a été coi. 56. Si l'onction n'est pas expressément nommée, insérée dans la fameuse collection de Denys le Petit clic est sous-entendue, puisque Augustin sc confor­ (composée sous Symmaque, 498-514) qui jouit non mait aux conseils de saint Jacques, priait sur le ma­ seulement à Home, mais dans tout l’Occidcnt et sur­ lade cl faisait un geste qui est inclus dans toute tout cn l’rancc. d’une grande autorité. Collectio decre­ application de l'huile. L!n autre Africain de l’époque, turum pontificum romanorum, P. L., I. lxvii, coi. 240l'auteur du De promissionibus et prœdictionibus Del, 241. On la trouve encore dans la collection dite de présente la veuve qui nourrit de farine et d’huile Qucsncl, Codex canonum ecclesiasticorum cl constitu­ Éliséc comme le type de l’âme charitable cl chaste torum sanctas sedis apostolicic, P. L·., t. lvi, coi. 517« qui, munie du sacrement de la farine et de Ponction 518 (composée au v· ou νι· siècle el cn usage cn Ganic), d'huile, attend avec sécurité la douce pluie, car le Sei­ dons V Hispana, Collectio canonum S, Isidoro His­ gneur lui a dit : Courage, serviteur bon cl fidèle,... pal. ascripta, P. L., t. lxxxiv, col. G14, dans le re­ entrez dans la joie de votre Maître. > Part. II, c. xxix, cueil (vu· siècle, très répandu) de Cresconius, évêque P. L., t. lî, col. 803. L’Interprétation du langage figuré africain, Crisconit episcopi africuni Hreniarium cano­ est toujours délicate, mais le lecteur de cc passage nicum, P L , l. LXXXvni, coi. 913. Ainsi, presque songe naturellement au viatique ct à l’extrême onc­ toute l’Églisc d'Occidcnt a expressément reconnu tion, secours spirituels, munita, qui donnent au juste pour sienne la doctrine du pape Innocent. malade une tranquille assurance, secura expectct, et L’importance de ce témoignage ne doit pas faire sont pour lui un gage du ciel. La vertu de préparer à oublier les autres dépositions. Saint Cyrille d’Alexan­ la mort le chrétien est attribuée à l’onction d’huile. drie combat les pratiques superstitieuses employées Cc n’est pas elle,c'est, une fois encore, la puissance contre les maladies : il leur substitue le recours reli­ de remettre les péchés que le prêtre hiérosolymilain gieux au nom de Dieu ct la prière : < Je rappellerai Hésychius (ou celui qui s’abrite sous son nom) exalte aussi I*Écriture divinement inspirée qui dit : Quel­ cn citant la parole de l’Épitre de saint Jacques. Com­ qu’un cst-ll infirme parmi vous? » De l'adoration cn mentaire sur le Uuitique, c. π, P. G., t. xcm, col 805. esprit ct en vérité, P. G., l. lxviiî, col. 471 Le texte Cc texte d’un auteur allégorisant à l’excès pourrait de saint Jacques est cité intégralement. Ainsi, l’onc­ bien, il est vrai, ne pas s’appliquer au rite concret, tion est voulue par l’auteur de la révélation, clic est mais à la prière cn général c’cst elle que loue l’auteur; un rite alors cn usage,rite normal, véritable institution cl il entend tout au sens figuré : clic guérit les passions, soigne, cn nous délivrant do l'ignorance, les blessures chrétienne.Saint Cyrille ne donne aucun commentaire: des yeux de l’esprit, sauve de la vraie maladie, c’est-àil prend le texte de l’apôtre tel qu’il est et lui laisse dire du péché, etc Mais s’il cn est ainsi (ce qui n’est toute sa portée Ailleurs, après avoir dit que l’onction vn g< H’ r.il est l’œuvre du Saint-Esprit, il ajoute qu’elle pas démontré, Kern, op. cil., p. 35, croit le contraire), s opère surtout, οί/ιστχ, au moment de la régénéra­ on aurait tort de conclure que, pour cet écrivain <1 son milieu, l’onction des malades n’existe pas. Sans nier tion Donc Π y a une autre application d’huile que o !!<-* du baptême ct de la confirmation, alors immé­ la présence réelle, on peut montrer dans l'eucharistie une image du corps de l’Églisc, un symbole d’amour. diatement faites l’une après l'autre, ce doit être sans Le témoignage de Victor d’Antioche est moins doute celle que recommande saint Jacques. Elle est par conséquent, d’après Cyrille, un acte accompli par fuyant Interprète de saint Marc, il explique le récit le Saint-Esprit. Commentaire (Γ tsaie, I 111, c. i, P.G., des disciples envoyés pour oindre les malades cl les guérir, vi, 13 Ce n’est pas sans curiosité que le lecteur t. lxx. cnL 562. CastiFn est amené à rappeler reflet spirituel, la attend le jugement du plut ancien commentateur grec 1957 EXTRÊME ONCTION DU I·' AU IX· SIÈCLE 1958 du second Évangile. L'auteur n’hésite pas» il rapproche faite par le prêtre : Isaac le répète à satiété, sous saint Marc ct saint Jacques. « Cc que dit l'apôtre ne toutes les formes, ainsi le veut le juste usage, ainsi s'écarte pas de cc qu’affirme l'évangéliste. » Suit le agissent les orthodoxes serviteurs du Christ. texte do l’Épitre. Et Victor d'Anliocho ajoute : Même son de cloche en Arménie. Ix catholicos Jean • L'huile adoucit les fatigues du travail, entretient la Mandakuni (f vers 498) combat les remèdes magiques. lumière et ménage la gaieté. Donc l'huile qui est En user, « c’cst mépriser les dons de la grâce. Car l’apôtre employée dans l’onction signifie ct la miséricorde de a dit : Quelqu'un est-il malade? > Suit le texte. Puis Mandakuni rappelle quel traitement fait disparaître le Dieu ct la guérison de la maladie, l'illumination du cœur 11 est clair que la prière produit tous ces effets, démon : c’est le jeûne, la prière, le signe de croix. I-cs l’huile, à mon avis, les symbolise. » Cramer, Catena prêtres superstitieux sont plus gravement coupables que les fideles, · eux qui abandonnent la grâce de græcorum Patrum in Nooum Testamentum, Oxford, 1844, t. i, p. 324. Si on ne retenait que celte der­ Dieu, la prière ct l'huile de l’onction que des ordres imposent pour les malades... Les commandements de nière affirmation, on pourrait être tenté de croire que l'auteur voit dans l’huile une simple figure. Mais con­ Dieu ne nous prescrivent-ils pas la prière pour les ma­ lades cl l’onction d’huile...? Celui qui les méprise... sidéré dans son ensemble, cc témoignage montre que les chrétiens font comme les disciples de l’Évangile s'expose ù la malédiction des apôtres. Ainsi vous faites disparaître les grâces de Dieu, la vertu de b des onctions qui guérissent : seulement, cc qui dans sainte croix, cl le jeûne cl la prière que des ordres cc rite obtient, d’après lui, la grâce ct la santé, cc n’est pas la matière employée, c’est la prière pro­ prescrivent... » Schmid, Heilige Peden des Joannes noncée : l'huile n’est qu'un symbole de cc qui est Mandakuni, Katisbonne, 1871, p. 222 sq. Mala lie ct possession, onction ct exorcisme sont distingués avec donné cn raison de la supplication. C'est ainsi que précision. L'application d'huile est utile à la santé, saint Augustin parlait de l’eau et de la formule du mais clic est aussi un don spirituel ct elle est obliga­ baptême. Cf. de Sainte-Beuve, op. cit., col. 49-50; toire cn vertu d’un précepte divin, enseigne Manda­ Kern, op. cit., p.45. Au reste, nous savons qu'à celte kuni. époque, en Syrie, l'huile est en usage. Habboula, La superstition était difficile à déraciner : c’cst aux évêque d'Édessc (412-435), et Isaac d'Antioche (taprès mêmes usages que s'attaquait un peu plus tard Pro459) l'affirment expressément. Il faut donc voir dans copc de Gaza (f 525). Commentant l’interdiction jetée le texte de Victor une intéressante énumération des parle Léviliquc,xix,31,surles devins ct les évocateurs effets de l’onction des malades : elle apaise Dieu, guérit, donne au cœur la lumière, sans doute cn aug­ d’esprits, il proscrit le recours aux démons. Qu’on supplie Dieu cn l’appel ml Sabaoth, cl qu’on lui de­ mentant la foi. Décommandée par saint Jacques, mande la santé, soit 1 « Mais bien plutôt, déférez â cc elle sc rattache aux miracles opérés par les disciples de Jésus. I conseil : Quelqu’un est-il infirme, parmi vous, qu’il appelle les prêtres de l’Églisc..., etc. » P.G., t. lxxxv», Kabboula prescrit « que les moines ne donnent pas col. 763-764. Donc, cn Syrie, au temps de Procopc. l’huile, spécialement ù une femme. Mais s'il y a un l'extrême onction est considérée comme un remède. moine qui manifestement possède le charisme,il pourra La fin spéciale que sc proposait le rhéteur de Gaza donner l’huile aux hommes, cts’ily a des femmes qui l’obligeait à ne pas énumérer les autres effets du rite. cn aient besoin, il leur enverra l'huile par leurs maris. » I^a magic était ù la mode cn Gaule comme cn Orient. Ovcrbcck,S. Ephræmi Syri, flabbulœ,episc. Edesseni..., Dans trois sermons, saint Césairc (γ 543) lui oppose opera selecta, Oxford, 18G5, p. 210. Ainsi, selon l’évêl’emploi d'huile bénite. · Chaque fois, dit-il, qu’une que d’Édessc, les moines appliquaient l'huile:il leur maladie surviendra, que le malade reçoive le corps ct défend de le faire, ù moins qu'ils n'aient le charisme, le sang du Christ ct qu’ensuite il oigne son corps afin leur intervention ne doit être qu'extraordinaire. L'effet que s'accomplisse cn lui cc qui est écrit (le texte de de leur onction semble être purement physique. saint Jacques est alors cité). Considérez, mes frères, Isaac d'Antioche nous apprend aussi que des « fem­ que celui qui malade aura couru à l'église, méritera mes sottes » préfèrent à l'onction « d’un prêtre période recevoir la santé du corps ct d’obtenir la rémission deute » celle du premier venu, d'un prétendu ascète, des péchés. Puisque donc deux biens peuvent être d'un moine imposteur. · Femme accorde ton aumône trouvés dans l’église, pourquoi s'adresser aux enchan­ au reclus, mais reçois l'onction de ton prêtre; nourris teurs ?...» Serm., cclxv, n.3, Appendice aux sermons de le moine, mais que ton huile soit celle des apôtres..., saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 2238-2239. Dans celle du crucifié et reçois du prêtre l’onction... On un autre sermon, l'évêque d’Arles combat encore les néglige l’huile des apôtres ct des martyrs qui ont souf­ pratiques superstitieuses : · Combien il serait plus juste fert la mort pour la vérité et l'huile du mensonge reluit ct plus salutaire de courir ù l’église, de recevoir le sur la figure de femmes perverties. Les serviteurs du corps ct le sang du Christ, de s’oindre avec foi d’huile Christ, les orthodoxes ont coutume de conduire leurs bénite ainsi que les siens ! Et comme le dit saint Jacques malades ct leurs infirmes au saint autel, mais ils on recevrait non seulement la santé du corps, mais n'osent pas administrer l’huile, de peur de paraître mépriser la demeure d'expiation; là où il y a un prêtre aussi la rémission des péchés. » Serm., cclxxix, n. 5, P. L., t. xxxix, col. 2273. Dans un troisième texte, chargé de conduire le peuple, ils observent les justes règlements.» Bickcll,Conspectus rei Syrorum literarius, on lit : « Cc qui est pis, ils |les fidèles) ne réclament pas le remède d’église, l’auteur du salut ct l’eucha­ Munich, 1871, p. 77-78. Ainsi, il y n une huile des ristie du Christ. Et, comme il est écrit, ils devraient malades ct des infirmes; scs effets doivent être pré­ oindre » (perunguere). Lcjay propose de donner au cieux. elle peut être nommée huile du crucifié, huile âcs apôtres et des martyrs. Pourquoi ces dernières appel­ mot le sens réfléchi (s’oindre), Le rôle théologique de Césairc d’Arles, dans la Heoue <£ histoire et de littéra­ lations? Kern, op.cit., p. 29,conjecture que c'est parco ture religieuses, Paris, 1905, t. x, p. 609; Nctzer, op. (pic les Syriens croyaient pouvoir faire dériver des cit., p. 207, croit, nu contraire, que ce verbe doit s’en­ apôtres ct parlant des martyrs la matière cn usage tendre nu sens passif (être oint}; Boudinbon, lievue du dans leurs églises. Ne serait-ce pas plutôt parce que clergé français, Paris, 1911, t. lxviiî, p. 725-726, com­ l'huile brûlée cn l'honneur des martyrs près de leurs bat cctlc explication. · Les fidèles devaient oindre tombeaux cl de leurs reliques était en très haute d'huile bénite par les prêtres (ou bien oindre par les estime? S. Jean Chrysostome. Homélie sur les martyrs, prêtres d’hutte bénite} ct placer cn Dieu tout leur P.G., t. L. ml 664; S. Augustin. De rinitafe Del. P. L., espoir. » Sermon publié par dom Morin» Hevue bénèt xu, col. 767. Quoi qu'il cn soit, l’onction doit être 1959 EX I REME ONCTION DU 1" AU IX' SIÈCLE d/d/ne, 1S96, t. χτπ, p. 209. Ainsi, pour observor ia prescription de l’apôtrc, l’Égiise mol à la disposition des fidèles une huile sainte. Cette matière a une effi­ cacité médicinale ct une vertu propitiatoire. L'huile est unie au viatique; eucharistie ct onction sont trois fois rapprochées comme les parties d’un même tout : le rite des malades. Dans les doux textes d’abord cités (le troisième est muet sur la question), Césaire parle comme si l’onction sc fait ά l’église même : le premier laisse entendre que le malade y court; le second que les parents s’y rendent ct pour lui reçoivent eucharistie ct onction. Voir Césaire d'Arles (Sain()t t n, col. 2184. Qui applique l’huile? Selon Lcjay, Boudinhon, Villien, op.cit., p. 643, les fidèles sont invités à s'oindre eux-mêmes ct â oindre leurs proches. Tel est, à coup sûr, le sens obvie des textes. De Sainte-Beuve (qui cite le premier texte en l’attribuant à saint Augustin), op. ci/.,col. 48 49, ct Kern, op. cit., p. 33, pensent que s'oindre signifie se faire oindre. La théologie n’a rien à objecter ni contre l’une ni contre l’autre interpré­ tation. Nous connaissons par ail cnrs l’usage privé d’huile bénite. Si, dans le second texte, il est vrai­ ment question d’une onction que les chrétiens re­ çoivent pour le malade, cc rite dont il n’est parlé nulle part ailleurs est tellement étrange qu’on ne peut s’étonner de voir les fidèles sc l’administrer euxmêmes. Pourtant, le lecteur sc pose une question soit à propos de cc passage, soit à l’occasion du pre­ mier. C’est â l’église que les fidèles courent pour s’oindre. Pourquoi les obliger à ccttc démarche, s’ils appliquent à eux-mêmes l’huile bénite? Ne le feraientils pas aussi bien chez eux, ct ne suffirait-il pas que le prêtre leur remit la matière sainte? Dans tous les actes de la vie chrétienne qui s’accomplissent au temple, le ministre est acteur : il baptise, confirme, célèbre l’office, réconcilie, recueille les aumônes, prêche, lit les Écritures, reçoit les offrandes, distribue l’eucharistie. Bien ne sc fait sans lui. Est-il vraisem­ blable que pour l’onction, acte pour lequel le ma­ lade a plus que personne besoin d’être aidé, le prêtre □’intervienne pas? Saint Césaire dit aux fidèles : Ileceoez le corps el le sang du Christ, il n’a pas mentionné le rôle du ministre qui communie les chrétiens : les auditeurs ne s'y trompent pas. L’invitation à oindre n’esl-clle pas de même un conseil de recevoir du prêtre l’application d’huile ? Cette opération doit sc faire « afin que s’accomplisse dans le patient la parole : Si quel- j qu’un est malade, qu’il appelle les prêtres et que ceux-ci prient sur lui, Poignant d'huile. » La réalisation n’est I vraiment complète que si les membres de la hiérar­ chie prient sur le malade, l'oignant d'huile. Dans le troisième texte, quel est le sens de perun· guère? Si l’on accordait au verbe une valeur passive, saint Césaire dirait que l’opération est faite par tes prêtres(Nclier). Si le mot a le sens réfléchi (Lcjay), ne signifie-t-il pas « sc laisser oindre », « se faire oindre »? Ce qui porterait i le croire, c’est la locution oleo bene­ dicto a presbyteris deberent perunguerc. L’huile, d’après les documents occidentaux, est consacrée par l’évêque et non par les prêtres, donc les mots a presbyteris sem­ blent le complément de perunguere el non de bene­ dictio. I^c théologien peut d’aillcurs laisser avec Indif­ férence les philologues discuter, il ne lui en coûtera pas d’admettre, si c’cst démontré, que Césaire invite les fidèles à s’oindre 1 Vautres textes attestent les em­ plois privés d'huile sainte et des usages spéciaux pou­ vaient alors exister à Arles : la coutume de se donner l’onction pour autrui n’est pas signalée ailleurs. C’est au prêtre, à coup sûr, que Cassiodorc (f vers 570). Complexiones canonicarum Epistolarum septem, Ep' iola S. Jacobi ad dlspenos, P. L.,l. lxx, col. 1380, reconnaît le pouvoir d’administrer l’huile. « Si quel­ qu’un subit les coups d’autrui ou s’il est secoué par I960 la faiblesse de son corps, Jacques dit qu’il faut recou­ rir au prêtre qui, par la prière faite avec foi ct le don de l’onction d’huile sainte, sauvera celui qui parait affligé : l’apôtre promet encore le pardon des péchés â ceux qui auront été visités par l’une ou l’autre prière. » Ainsi blessés cl malades ont droit au rite. Un prêtre, ct un seul, l’accomplit. Les deux effets, physique ct spirituel, sont signalés. Plus précis sont encore les Statuts attribués ù saint Sonnatius de Reims (600-631). · Que l’extrême onction (le mot apparaît pour la première fois) soit portée ù celui qui est malade ct qui la demande et que son pas­ teur aille le voir souvent ù domicile et lui fasse de pieuses visites, l’excitant vers la gloire future ct le préparant convenablement, » n. 15, P. L., t. lxxx, col. 445. On ne s’exprimerait pas mieux, au xx·siècle. .Malheureusement il faut observer que « des doutes fort sérieux planent sur l’époque de la publication de ccs statuts ct sur leur authenticité. » Bfiuincr, Histoire du bréviaire, trad, franç., Paris, 1905, t. i, p. 274; Hefeie, Histoire des conciles,Leclercq, Paris, 1909, t. in, p. 264. Le mot extrême onction ne réapparaît dans un document authentique que beaucoup plus tard. Mais nous possédons une autre attestation franque qui est certainement de l’époque. « Que le malade, dit saint Éloi, évêque de Noyon (640-659), ait confiance en la seule miséricorde de Dieu, qu’il reçoive avec foi et dévotion l’eucharistie du corps ct du sangduChrist, qu’il demande avec fidélité à l’église l’huile bénite avec laquelle il oindra, ungat, son corps au nom du Christ (dont son corps sera oint, ungatur, portent cer­ tains manuscrits) ct selon l’apôtre la prière de la foi sauvera l’infirme et le Seigneur l'allégera, il recevra la santé non seulement du corps, mais aussi de l’âme. »De rectitudine calholicm conversationis (parmi les œuvres de S. Augustin), P. L., t. xl, col. 1172. Faut-Il lire ungatur ou ungat! La question est controversée. Et si on préfère ungat, que le malade oigne [son corps], doit-oircomprendre qu’il opère lui-même ou qu’il use du ministère d’un prêtre? Ici encore le rappel du texte de saint Jacques favoriserait la seconde hypothèse. Kern, op. cit., p. 17, croit utile aussi de faire observer que la personne ointe est souvent appelée chez les grecs ύ κοιών, ό ποιήσας rô cu/D αιον, celui qui fait Ponc­ tion, ou encore ό έπχλειψάμινος, celui qui s’oint. La remarque fût-elle juste, peut-on expliquer par celte terminologie grecque une locution latine d’un auteur franc du vu·siècle? Ou il faut lire ungal ct l’entendre à la lettre, saint Éloi recommanderait aux fidèles de s’oindre; l’usage a certainement été jadis en vigueur, ou l’évêque de Noyon veut qu’on recoure au prêtre : c’cst le rite que nous recommande saint Jacques. L’Église ncstoricnne conserve l’usage do l’onction des malades. Le canon 19 du synode de Mar Joseph, catholicos en 554), porte : «Quand quelqu’un de ceux qui sont tombés dans cette grande infirmité [la super­ stition) sc convertira, qu’on lui offre comme moyen de guérison, comme ά celui qui est corporellement malade, Γhuile de la prière bénite par les prêtres.., » Hefeie, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1910, t. m. Appendice n, p. 1204. 2° Les /ails. — Pendant ccttc période comme dans les siècles précédents, de saints personnages guéris­ sent des malades avec de l’huile. Voir Puller, op. cit., I p. 172-188. On nomme des évêques, saint Germain d’Auxerre, saint Germain de Paris, saint Césaire d’Arles: des prêtres, saint ï-aumer de Corblon, saint Marius, saint Auxencc de Bithynie; des laïques, saint Siméon le Stylite, saint Eugcndc de Condat; des fem­ mes, sainte Geneviève, sainte Monégonde, sainte Au'trcbertc. D’ordinaire, la matière employée a été 19G1 EXTRÊME UNCTION DU 1" AU IX· SIECLE 1962 sanctifiée au préalable Si le thaumaturge est un Mesrop, citée par Kern. op. cit., p. 40. Saint Eugcnde évêque, il bénit l’huile, mais l’opérai ion est faite par­ abbé de Condat (455-517), · âge de soixante ans et plus, fois par des laïques incino (Simeon le Stylite, Moné­ malade depuis six mois et sc sentant sans doute plus gonde). Parfois il est fait usage d’une matière mira­ faible, appela à lui un de ses frères auquel d avait con­ culeusement produite (sainte Geneviève), puisée dans fié dans les derniers temps la charge d’oindre les une lampe d’église (qui brûle devant un saint loin· malades, demanda très secrètement que sa poitrine buiu ou des reliques); parfois enfin l’huile est consa­ fût ointe selon l’usage. Quand Je matin suivant, nous crée par l’évêque du lieu. Elle est envoyée même à lui demandâmes comment d avait passé la nuit, écla­ des païens, idle sert contre la maladie proprement dite tant en pleurs et en gémissements, d dit : Puisse la sans doute, mais aussi et plus encore peut-être contre toute-puissance de Dieu vous pardonner de ne pou­ les infirmités (paralysie, cécité) cl au besoin contre la voir supporter de me voir débarrassé des entraves de rage, la folie, les possessions diaboliques. mon corps... » Cinq Jours plus tard il mourait Vita Doit-on conclure avec Puller, loc. cil., qu’à ccttc sancti Eugendii, c. xv, dans Acta sanclorum, t. i époque l’onction est faite seulement pour rendre la januani, p. 54. Ainsi, saint Eugendc « sc plaint à scs santé et non pour délivrer du péché, accorder la grâce disciples de cc qu’ils veulent prolonger scs jours. Or, et préparer à la mort? D’abord, il faudrait que seuls c’cst à lui-même qu’il aurait dû adresser scs repro­ ccs faits extraordinaires fussent racontés : ct nous ches, s’il avait considéré fonction comme un moyen de allons const al er que le souvenir d’autres onctions guérison, puisque c’était lui-même qui avait demandé d’un caractère différent n été conservé. Même s’il d’être oint. » Nctzcr, op. cit., p. 191-192. Pourquoi n’en était pas ainsi, la conclusion de Puller ne s’im­ veut-il que le rite s’accomplisse très secrètement, sinon poserait pas. L’argument tiré du silence d’un écri­ pour empêcher les moines de prier Dieu d’accorder à vain ou d’unc époque n'a de valeur que si cc mutisme l’huile une vertu curative? Puller objecte que le minis­ peut s’expliquer uniquement par l’hypothèse proposée, tre ne doit pas cire un prêtre, d est appelé unus ex dans l’espèce, par l’absence dans l’antiquité d'une fratribus. Dans le même c. xv, il est dit que le ca­ extrême onction sacramentelle. Or, il est facile de com­ davre de saint Eugcnde fut accompagné par le cortège prendre pourquoi les applications miraculeuses d'huile des frères cl des fils. C’cst peut-être presser beaucoup ont été remarquées par les contemporains, racontées le sens de cette locution. Quoi qu’il en soit, même si par les écrivains; pourquoi, au contraire, l’adminis­ l’application d’huile n’a pas été faite sur saint Eugcnde tration ordinaire du sacrement plus fréquente, dépour­ par un prêtre, d demeure établi, contre Puller, que vue d’effets visibles ct merveilleux, n’a pas été relatée. l’onction n’a pas eu lieu pour solliciter une guérison Un historien qui fait connaître Lourdes parlera de miraculeuse. Mablllon, Observatio de extrema unctione, l’eau de la grotte. Il ne dira rien de l’eau baptismale dans Theologurcursus.de Mignc, t. xxiv, col. 131. Calliou de l’eau bénite qui sont employées dans cette nique,disciple du célèbre Hypacc,mort abbé de Huflville. Le lecteur peut-il conclure qu’à Lourdes, l’eau niancs (4 IG), nous a conservé le souvenir du soin que ne sert qu’à un seul usage religieux, la recherche m ra­ son maître prenait des malades pendant ses premières coleuse de la guérison? Or, précisément, toutes les années de vie religieuse, avant d’être prêtre 11 ajoute: relations auxquelles se réfère Puller sont empruntées • Si la nécessité exigeait que le patient fût oint, Hypace à des hagiographes : cc n’est pas en affirmant que leur avertissait l’abbc qui était prêtre ct faisait oindre héros a remis les péchés que ces écrivains, à celte d'huile bénite par ce dernier le malade. El souvent, il époque surtout, pouvaient démontrer la sainteté du arriva qu’Hx pace renvoyait l’homme guéri après quel­ personnage, la production de la grâce étant un clîct ques jours. ■ Acta sanctorum, t. iv junii, p 231. Texte intime ct normal de tout sacrement conféré par n’im­ très court ct très substantiel Ce ne sont pas tous les porte qui Hier comme aujourd’hui, pour canoniser malades, mais certains, ceux sans doute dont l’état est quelqu’un, on exigeait de lui non qu’il fit ce que fait grave, qui sont oints Ils doivent l’être : tel est, sinon toute personne de sa condition, mais qu’il donnât scs la loi, du moins l’usage ayant force de loi. L’onction preuves de thaumaturge. Les onctions merveilleuses sc fait avec de l’huile bénite ; de plus, il faut être de saint Grégoire d’ Auxerre, de saint Césaire d’Arles prêtre pour accomplir le rite. Hypace est chargé offi­ ciellement par son abbé des malades,d est saint, son guérissaent : le biographe l'affirme et devait l’nfllrmer, mais elles pouvaient avoir d’autres effets, être sem­ intervention peut contribuer à la guérison, mais cc blables à notre sacrement : le biographe ne le dit pas, n’est pas lui qui oint, c’est son abbé, et parce qu’il est et n’avait pas à le dire,il ne le nie pas non plus, nous prêtre. La récupération de la santé n’est pas l’elîet attendu toujours et exclusivement. L’onction n’est l'ignorerons toujours. Quant aux cures opérées par des pas charismatique, car à la même époque Hypace laïques, sur des païens, surdos infirmes, des possédés, opère, ct par le moyen d’huile bénite, des cures mira­ des fous, avec de l’huile produite miraculeusement, culeuses. Le but ici poursuivi semble donc tout autre; comme d’autres guérisons ont été faites avec de la sa­ la santé peut sans doute être rendue à la suite de live, du sel, du pain, de l’eau ou meme sans l'emploi d'aucun objet matériel, elles ne prouveront jamais l’onction de l’abbé, il en est ainsi souvent, mais non toujours Cet effet n'est pas nécessaire, il est occidenque l’extrême onction primitive ne remettait pas les tcl 11 n’y a pas prodige instantané, mais opération péchés, parce nue ce ne sont pas des extrêmes onc­ tions. Pour savoir s’il y a différence entre le rite tel lente de la grâce Un autre saint, le prêtre rémois Trésan (lr· moitié qu d était jadis ct le rite tel qu’lf est de nos jours,!) faut dons, le texte liturgique l'affirme, nc sont pas demandés par la prière, indépen­ damment do l’onction: c’est ccl acte lui-même qui les confère, dit le texte avec une Intraduisible vigueur : (inique ilh hec nlci sacra perunctio concita morbi pré­ sentis expulsio cl peccatorum omnium exoptata remissio. Sans vouloir insister outre mesure **ur ccs mots, nous sommes obligés de reconnaître qu'un théologien catholique, c'est-à-dire partisan de la doctrine de la causalité sacramentelle ex opere operato, trouve ici une formule qui convient à merveille pour l’expression de sa pensée. Cc texte vaut, à lui seul, un petit traité de l'extrême onction ct s'il est antérieur aux inva­ sions barbares, comme le pense l'éditeur, on sent l'importance d’un témoin de la foi des chefs ct des fidèles espagnols de cette époque. i Nous désirerions posséder aussi les prières alors ré­ citées pour la consécration de celle huile. Nous avons seulement une formule pour la bénédiction d'une liqueur aromatisée (elle n’est pas nommée huile, mais unguentum, on y met de l’encens pilé, et des parfums, pigmentis, aromatibus) destinée aux malades ct qui | était consacrée le jour de la fête des saints médecins Cosme ct Damien. Op. cit., col. 69-71, On trouve, il est vrai, d’autres exorcismes cl béné­ dictions sur l’huile. Une de ccs prières devait, si l'on en croil le texte, servir à la fois pour l'huile des caté­ chumènes cl pour celle des infirmes. Op. cit., col. 23. Mais, comme dans les diverses formules de cette orai­ son. il est parlé en même temps du baptême ct de l’extrême onction, nous ne pouvons découvrir, à la lecture de celte pièce, ce que pensaient l'auteur cl son milieu de chacun des deux rites. Une autre prière très longue, op. cit., col. S, apres avoir rappelé la promesse de saint Jacques, y compris l’assuranceconditionnelle du pardon des péchés, et après avoir supplié non seu­ lement la puissance, mais encore la douceur et la pureté de la sainteté de Dieu, dresse le catalogue de toutes les maladies ct prie le Seigneur d’en délivrer le malade : les faveurs spirituelles cl la rémission des fautes nc sont plus sollicitées expressément. Or, dit l’éditeur, celte oraison est « d'une rédaction sensiblement posté­ rieure à celle de l’ensemble du texte de notre Liber ordinum. · Loc. cit., col. 7, note 2. El, en cllct, celle prière sc retrouve, substant tellement du moins, dans le missel de Leofric, du xie siècle. Warren, / he Leo(rie missal as used in the cathedral o/ Exeter during the episcopate o( its first bishop, Oxford, 18b3, p. 257. On voit ce qu'il faut penser de l'hypothèse de Puller ct d’autres critiques non catholiques : dans l'antiquité, Ponction des malades ne sert qu'à rendre la santé; dans le haut moyen âge, elle devient un sacrement qui remet les péchés ct confère la grâce. Nous constatons ici le phénomène contraire : dans les prières mozarabes antiques, les faveurs spirituelles sont sollicitées, dans les formules tardives, il n’en csl plus parle. On a découvert aussi deux pièces (et une formule | de rechange surajoutée) pour l.i bénédiction de l'hullo dans le missel de liobbio. L'ouvrage ou du moins la partie du manuscrit où elles se trouvent est. au juge­ ment des lilurgisle.s. du vu* siècle C'est, affirme dom Wilmart, iirL HobbiolMissel de,, dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne ct de liturgie, t il, col 917, comme « un exemplaire du rituel usité en pays franc iu tournant du vu· siècle : le fond demeure propre­ 1966 ment gallican, il csl accru de compositions mozarabiques, l'apport romain est rclai ivement peu consi­ dérable. » L’exorcisme csl banal dans sa première partie. La seconde est ainsi rédigée : et ait ci qui ex hac creatura olei contingitur. ubicunque in membris illius tetigerit vd perlutus fuerit, Domino auxiliante. benedictionem percipiat et vitam aternam percipere mercatur l-a bénédiction qui suit demande que 1'huile soit sanctifiée cl que celui dont le corps ou un membre en aura dé oint ou arrosé mérite d'obtenir la grâce du salut et la rémission des péchés et la santé céleste. P. L , t. Lxxn, col. 571. Ainsi des faveurs spirituelles sont nommées. Pour pouvoir nc faire aucun cas du texte. Puller, op. ctt., p. 392 sq., essaie de démontrer que la formule est vague ct que l’huile dont la bénédiction est ainsi faite ne devait servir ni aux catéchumènes, ni aux malades, mais aux chrétiens en général. Est-ce sûr? Pourquoi oindre un membre, si ce n'est parce qu’il est souffrant; la santé céleste mentionnée nc laissera il-elle pas entendre que le sujet du rite accompli csl un malade? S’il nc s'agit pas ici de l’huile des in Urines, nc doit-on pas présumer que cette der­ nière, préparée en vertu du conseil de saint Jacques, devait avoir au moins semblable efficacité Nous igno­ rons si ces prières servaient pour la consécration de la matière sacramentelle, mais nous possédons une nouvelle preuve de l’irrecevabilité de l’hypothèse d'après laquelle, dans les sept premiers siècles, l'onc­ tion n’aurait jamais été employée que comme moyen d'obtenir la santé corporelle. Sur les rites ct prières en usage à Rome, pour l'onc­ tion des malades pendant celte période, nous nc sommes pas renseignés. Sans doute, on trouve dans certains manuscrits du Sacramcntaire grégorien des formules pour l'administration du rite, mais ccs exem­ plaires ne sonl pas antérieur» à la lin du vm· siècle; cl si beaucoup des prières qu’ils contiennent sont plus anciennes, du moins, la prudence conseille de « prendre le sacramcntaire grégorien comme corres­ pondant ù la liturgie romaine au temps du pape Hadrien » (avant 781). Duchesne, op. cit., p. 125. L'antiquité de ccs oraisons semble d’ailleurs un peu suspecte : on ne les trouve pas dans le Sacramcntaire gélasien (composé entre 628-731). Duchesne, op. cit, p. 130. L'absence d’un rituel pour la visite du malade dans ccs recueils ne doit pas surprendre: les sacram eutaires grégorien cl gélasien nc contiennent pas un rituel complet. Et déjà Innocent l*f avouait que le chef de la communauté était trop accablé d’autres occupations pour avoir le temps d’oindre hn-même tous les malades. Mais on trouve dans les deux ouvrages, ct précisé­ ment parce qu'elle devait cire prononcée par l'évêque ù la messe du jeudi saint, une formule pour la béné­ diction de l'huile des malades. Elle pouvait donc ser­ vir dès le vu· siècle. Cette prière (nous donnons le texte gélasien. P.L., t. lxxiv, col 1100 on trouvera entre parenthèses les variantes du grégorien, edit. Munitori, l.iturgui roinana velus, Venise, 174b. L n. col. 55) était récitée vers la fin du canon, avant le Pater Emilie, quaesumus. Domine, Spiritum Sum tum (tuum) Paraditum de c.rlis in hanc pinguedinem olei (oit vie) quam de viridi ligno producere dignatus es ad refectionem mentis ct corporis (ad refectionem corporis). Et tua sancta benedictio sit (ut tua sancta benedictione sit) omni ungenti, gustanti (unguentum tangenti), tan­ genti lutamentum corporis, anima* et spiritus (lutamen­ tum mentis et corpori d. ad evacuandos omnes dolores. om­ nem infirmitatem, omnem icgritudinem ment is d corporis (irgritudincm corporis) unde unxisti sacerdotes, reges d prophetas et martyres, chrisma tuum perfectum Domine a te benedictum, permanens in vis eribus, in nomine (benedictum in nomine) Domini nostri Jesu Christi. 1967 EXTRÊME ONCTION DU I·' AU IX· SIÈCLE Puller, op. ciL,p. 121 sq., croit pouvoir démontrer par cc texte qu’à l’époque où il fut rédigé, la rémis­ sion des péchés n’était pas encore considérée comme un effet de l’onction des malades. Il serait inconce­ vable, selon lui, qu’un effet de cette importance ne fût pas mentionné. D’abord, il faut observer qu’il l’est peut-être : l’huile restaurera l’esprit et le corps, elle sera une protection pour le corps, l’âme cl l’esprit, elle débarrassera de toute maladie de l’esprit ct du corps, elle est pareille à l’onction reçue pur les prêtres, tes rois· les prophètes cl les martyrs, onction qui ne rendait pas seulement la santé Puller croit que la prière demande seulement la cessation des suites mentales de la ma· ladic. C'est restreindre arbitrairement ct biaucoup la portée des expressions, le péché étant appelé par les Pères cl les documents liturgiques une maladie de l’âme. Si réellement la formule ne visait que la déli­ vrance du mal physique et de scs effets, faudrait-il conclure qu’à l’époque de sa rédaction, on n’attribuait pas à fonction la vertu de remettre les péchés? Il importe de remarquer que la formule, très courte, n’est pas un traité de l’extrême onction. La rémission des fautes n’est d’ailleurs qu'un effet conditionnel du rite. D’autres actes religieux ont pour but propre, exclusif, la réconciliation des pénitents, ct il importe que les lidèles ne les négligent pas sous prétexte qu’ils dis­ posent de l’extrême onction. Le témoignage d’inno­ cent Pr nous renseigne sur les croyances romaines : il reconnaît à l'application d’huile faite sur les malades la vertu de remettre les fautes. Ici, on peut même rele­ ver un curieux phénomène : c’est le texte ancien, celui du gêlasien, qui insiste le plus sur les avantages de fonction pour l’esprit; le grégorien supprime deux fois mentis.,., ct une fois aninuc. Au reste, aujourd’hui encore, la liturgie romaine consacre l’huile des malades par celte formule et notre pontifical, part. III, De officio in feria quinta canæ Domini, qui, en raison du changement des usages, a subi une importante modi­ fication (peruncto remplace ungenti, gustanti, tangenti), n’a été surchargé d’aucune addition attestant notre croyance à la rémission des péchés. Ces mots ungenti, gustanti, tangenti méritent, en effet, l’attention La bénédiction de Dieu est appelée sur ceux qui oignent, goûtent, touchent. La meme huile bénite servait donc pour les usages privés (on la bu· call) et pour fonction prescrite par Jacques. Duciusne,op. cit, p. 305. Déjà le sacram en ta ire d’Hadrien ne mentionne plus l’absorption d’huile: elle tendait sans doute à disparaître, ou déjà n’était plus en Vlgneur. Reste l’examen de la formule : . tua... bene­ dictio sit omni ungcili... (angenti. Si l’on prend à la lettre les mots oindre, toucher, on doit conclure que la bénédiction est pour celui qui /ait fonction. D’autre part, c’est nu malade qu’elle doit profiter. Faut-il conclure qu’il s’applique toujours à lui-même l’huile? D abord, certains in firmes ct malades, par exemple, les paralytiques, ne pourraient le faire. Et nous savons par Innocent ltr qu’à Home meme les prêtres d’ordinaire, févêque parfois, administrent fonction Donc, il faut admettre ou bien que ungenti signifie s’oignant soit par soi-même soit par te ministère des prêtres (on pos­ séderait ici un argument en faveur de l’hypothèse de Kern), ou bien que tangenti désigne celui qui touche l'huile parce qu’il en est louché, le contact étant ré­ ciproque (noter cependant qu’innocent (“donne à l’ex­ pression tangere chrismate le sens d’oindre et non celui d’être oint). La retouche faite sur cerl dns exemplaires du sacramcntaiic grégorien prouverait-elle qu’on a senti la difficulté sans oser franchement la résoudre? Unguenti d gustanti disparaissent : la bénédiction est pour tous ceux qui touchent l’huile, omni unguentum tangenti, on la touche soit en se l'appliquant, soit en la recevant sur soi. La prière désigne ainsi par une lo­ 1968 cution un peu obscure, il est vrai, les deux usages, public ct privé. (Aujourd’hui, l’huile destinée au sa­ crement proprement dit étant seule bénite le jeudi saint, le ponti Ileal actuel a remplacé ccs locutions par le mot peruncto.) 4° Conclusions. — La recommandation de l’apôtre saint Jacques n’a pas été oubliée. Fréquemment citée, insérée dans les prières liturgiques et dans les recueils de morale chrétienne, rappelée aux hommes el a Dieu, elle fait de l’huile un remède chrétien. Ainsi l’a voulu le Seigneur, affirment Victor d’Antioche et le Liber ordinum. Aussi est-elle bénite ct porte-t-elle des noms qui, tous, font l’éloge de sa vertu. C’est à l'évêque qu’il appartient de la consacrer. Seul un texte (d’un sens douteux) de Césairc la fait bénir par les prêtres. Peutêtre en certaines églises réel talent-ils avec le pontife la formule de consécration (rubrique du sac. amen­ ta! rc grégorien). Pour y avoir droit, il faut être malade, fidèle, dans la communion de l’Église. Est-il nécessaire que l’état du patient soit grave, attend-on les derniers jours pour donner fonction? Certains documentsl'affirmentfZtâer ordinum, plusieurs l ilœ). D’autres laissent entendre le contraire. Césairc la recommande contre toute mala­ die; il est vrai qu'il conseille alors peut-être fonc­ tion privée. Les nestoriens usent même de l’huile des malades pour la réconciliation de certains péni­ tents l-ncscu’e matière d’ailleurs, revêtue d’une béné­ diction à double fin. servait en quelques églises pour les catéchumènes ct les malades. Fortement recom­ mandée, dans les époques ct les pays surtout où les remèdes superstitieux étaient en usage, elle est même présentée comme obligatoire par un catholicos armé­ nien Comment sc fait fonction? Un seul document, le Liber ordinum,répond ù cette question : en Espagne, dès le v· siècle, le prêtre oint la tête en traçant une croix, et dit : · Au nom du Père... · L’onction donne la santé du corps ct celle de l’âme. La promesse du pardon des péchés, faite par l'apôtre Jacques, est reproduite par tous ceux qui le citent. Les deux effets sont mentionnés par plusieurs Pères et surtout par les livres liturgiques. Certains écrivains, le but qu’ils poursuivent explique le fait, insistent sur la délivrance de la maladie (S. Cyrille d’Alexandrie, Victor d’Antioche, Mandakuni, Procopc, S. Césairc); certains sur le pardon des péchés (Cassien, Hésychius, Cassiodorc, etc ). Plus rarement, quelquefois pourtant, la préparation à une sainte mort est expressément signalée (anonyme africain, Sonnatius, diverses Vilœ). Aussi, en plusieurs documents, l’extrême onc­ tion est-elle unie au viatique (S. Césairc, anonyme africain, S. Éloi, des Vitie). Elle mérite, dit Innocent I“, le nom de sacramentum, c’est-à-dire elle peut être rapprochée de l'eucharistie, de la pénitence, des prin­ cipaux moyens de sanctification confiés à l’Église. L'évêque a le droit de l’administrer; il n en use qu’cxccptionnellcmcnt. Les prêtres la confèrent. Et les documents (pii posent la question du ministre sem­ blent faire d'eux les collai eues réguliers du rite (Inno­ cent Irr, Babboulas, Isaac d’Antioche, Cnllinlque, Cassiodorc, Sonnatius, Liber ordinum) : tel est l’usage, ct les laïques, invest is du charisme comme Callmiquc, le respectent, telle est la règle, affirme Isaac d’An­ tioche,qui semble même en montrer la collation réser­ vée au prêtre, chef de la communauté. 1-a pluralité des ministres n’est pas considérée comme essentielle (Cassiodorc, Cnllinlque, Liber ordinum, les VItse), Les Iniques peuvent aussi user de la même huile bénite dans leurs besoins ct dans ceux de leur famille (Innocent I“, etc ). SI l’on veut concilier ce fait cer­ tain avec In reconnaissance non moins certaine (voir plus haut) d’un pouvoir spécial aux prêtres, il faut 1969 EXTRÊME ONCTION DU 1·^ AU IX· SIÈCLE 1970 conclure qu’il y avait alors deux usages distincts, mais ctione, c. rn et can. 4, ct renseignement ordinaire des légitimes, l’un privé, l’autre oflicicl.de la même huile. théologiens semblent inconciliables avec cette opinion. • Les fidèles s’en servent eux-mêmes, mais elle sert Mais nous croyons aussi qu elle n'est pas historique­ aussi pour l’extrême onction. · Duchesne, op. cil., ment établie. L'onction sacramentelle se rattache à p. 305. Saint Césairc semble ne connaître et ne recom­ l’Épllre de saint Jacques; or ce document exige l'in­ mander que l'application d'hude faite par le malade, tervention des presbytres. Des textes recoi naissent en pleine église, sur lui-même ou celle que se donnaient aux prêtres un pouvoir spécial ct aucun i 'oblige à A sa place ses parents, lorsque le patient n'était pas accorder les caractères d’un sacrement a l'uj plication transportable. Mais est-ce ainsi qu’on doit interpréter d’huile que les laïques font sur eux-mêmes. les affirmations de l'évcquc d'Arles? De bons juges Mais, observe-t-on, l’eau du baptême versée par falfirment; d’autres, ct cc n’est pas seulement pour un simple fidèle régénère. Encore importe-t-il de re­ des raisons d’ordre dogmatique, se refusent à l’ad­ marquer qu’il ne s'administre pas à lui-même le samettre. Le théologien peut d’ailleurs accepter sans cumj it. El si l’on répond que l’extrême onction a été Inquiétude l’une ou l’autre solution : il y n toujours eu instituée à la manière d’un remède, le théologien ct en certaines églises des usages particuliers. Et le témoi­ l'historien doivent ne pas oublier que primitivement, gnage isolé de saint Césaire ne doit pas faire oublier dans le texte qui n’a jamais été perdu de vue ct auquel les textes très clairs qui reconnaissent au prêtre un on a toujours rattaché ce sacrement, c’est comme un pouvoir propre ct régulier d’administrer l’extrême remède administré par le médecin lui-même et par onction. un médecin dont le nom est écrit en toutes lettres, le Tels sont les faits constatés par les historiens. Que presbytre, que le rite fut présenté aux chrétiens. penser de ccttc onction pratiquée sur eux-mêmes par Restent les onctions miraculeuses racontées dans les fidèles? Les théologiens n’ont pas esquivé la quesles Mes de saints; 11 est quelquefois impossible, tou­ lion. De Sainte-Beuve a depuis longtemps donné de jours « difficile d'y voir des exemples d’administration fort bonnes réponses. Op. cit., col. 13 sq., 49. Les fidèles i de l’extrême onction. > Quand le thaumaturge est se servaient de l’huile consacrée comme ils usaient évêque ou prêtre, se sert d'huile bénite, opère une véri­ Mal, Scriptorum veterum nova fuerit;quia quosdam sanctos viros legimus puellas para­ collectio, t. x b, p. 304. lyticos oleo sancto unxisse ct sanasse. Energumenos Dans un autre écrivain d’Orient, on relève une diam legimus oleo sancto perunctos ct sanatos... Ipsis courte allusion, mais qui témoigne en faveur dc quoque pueris necessaria est inunctio cum legamus l'usage fréquent dc fonction. Désireux de prouver que nonnullos virorum sanctorum oleo membra puerorum la bonne action sert non seulement à celui au pro Ht unxisse sacrato ct ad sanitatem pristinam revocasse. duquel elle s’accomplit, mais à celui qui la fait, saint Capitula ad presbyteros ecctesiæ suœ, P. L., t. cv, Jean Damascene (f 749) écrit: < Ainsi celui qui désire coi. 220-222. oindre un malade de l'onguent ou d'une autre sainte Dans un recueil dc canons attribué ù Egbert ct huile, en premier lieu participe ù fonction, lui qui composé vers la fin du vin· ou au début du ix· siècle, l'accomplit, et dc plus la communique au malade en ont été insérés la lettre d’innocent ΓΓ ct le commen­ le frottant. » De ceux qui sc sont endormis dans la foi, taire de Bède. Richtcr, Antiqua canonum collectio, P. G., I. xcxv, col. 264. Marbourg, 1814. Dans une collection d’ordonnances ecclésiastiques Gerbaud, évêque dc Liège (f 809), rappelle aux attribuées à saint Boniface ct qui, au jugement prêtres comment ils doivent traiter les malades. d’I Icicle, op. cil., t. ni, p. 926, proviennent soit de con­ Après avoir parlé de la confession ct du viatique, il ciles réunis par cc personnage, soit dc synodes anté­ arrive à l’extrême onction : Ut presbyteri, quando ad rieurs, on lit : Ut presbyteri sine sacro chrismate cl infirmum accedunt, cum oleo consecrato veniant ct oleo benedicto cl salubri eucharistia, alicubi non pro­ oleo sancto unguent cum in nomine Domini et orent ficis* antur. Sed ubicumque vel fortuito requisiti fuerint, pro ipso ct oratio fidei, sicut scriptum csl, salvet infir­ ad officium suum slatim inveniantur parati in reddendo mum, etc. Capitula, P. L., t. xevir, coi. 296. L’or­ debito —Omnes presbyteri oleum infirmorum ab episcopo donnance suivante rapproche baptême, extrême onc­ expetant, secumquc habeant ct admoneant fideles in­ tion, eucharistie. firmos illud exquirere ut eodem oleo peruncti, a presbyte­ Le concile dc Chalon, tenu en 813, promulgue de ris sanentur quia oh a t io eiiiei salvavit iNrinuos. nouveau la loi, can. 48 : Secundum beati apostoli Ja­ Statuta quiedam sancti Ronifacii, n. 4, 29, P. L., cobi documentum cui diam documenta Patrum conso­ t coi. 821,823. nant, infirmi oleo quod ab episcopis benedicitur, a pres­ Saint Chrodcgang (f 766) reproduit intégralement byteris ungi debent. Sic enim ait : Infirmatur quis... la ré|K>nse d’innocent Ier ù Decentius. Regula canoni­ Non est itaque parvipendenda hujusmodi medicina qtuc corum, P. L., t. lxxxix, col 1088. animic corporisquc medetur languoribus. I lardouin, Col­ Charlemagne, dans quatre capitulaires, recom­ lectio conciliorum, t. iv, p. 1010. manda aux prêtres l'usage d'oindre les fidèles. Dans Amalaire (en 820) explique la cérémonie de la béné­ celui de 769, après avoir réclamé la sollicitude du diction des huiles qui était fixée au jeudi saint. Il clergé a l’égard de certains pécheurs, d ajoute : Simi­ évoque les raisons symboliques cjui justifient le choix liter de infirmis et pénitenttbus ut morientes sine sacrati de cette matière. 11 rappelle les propriétés naturelles olei undione cl reconciliatione et viatico non deficiant. de l’huile : lassi atque infirmi artus recreantur et gratia P L·. I xcvti, col. 121. En 802, d insiste sur le même prœstatur luminis. Mais, ajoutc-t-il, Dieu pourrait devoir Ut secundum definitionem Patrum si quis infir­ sans cette matière guérir les malades, sanctifier les matur a presbyteris oleo sancti ficato cum orationibus siens ct chasser les démons Seulement il a voulu diligenter ungatur Ibid., p. 220. En 803, il est amené rendre l’invisible visible à nos yeux : oleum enim visi­ à énumérer les fonctions sacerdotales ct il le fait en ccs bile in signo est, oleum invisibile in sacramento, oleum term.a ... Sacerdotes qui bene sciant populis perni­ spirituale intus est Potest Deus per se oleum tribuere tent las dare, miss is celebrare, de infirmis curam habere spirituale, sine corporati ; sed propter animales aguntur sacrnique olei cum sacris precibus unctionem impen­ ' visibilia ut invisibilia /acilius capiantur. Cela posé, ded rt hoc maxime providere ne sine viatico quis dc Amalaire montre les apôtres oignant les malades, cite irei/o recedat Baluze, Capit, regum Francorum, t. i, la recommandation dc saint Jacques et une partie du commentaire dc Bède. On ne peut sans péché, écrit-il, col |(n Enfin, un capitulaire, publié entre 810-813, abandonner ce que l’autorité dc ces maîtres a consa­ ordonne aux prêtres d'aller le jeudi saint chercher cré. 11 sc demande pourquoi la bénédiction dc l’huile dins une ampoule le chrême, dans une autre 1’ uile 1973 EXTRÊME ONCTION DC ?r AL* IX ir. Commentarium in Ecclesiasticum, L \ III, с. xiv, P. L., I. αχ, col. 1032. Dans une étude sur les bénédictions liturgiques, il montre pourquoi l’hu le est consacrée : benedicitur oleum ex aposlolica auctori­ tate, ad infirmarum medicamentum, Jacobo apostolo hoc ila pracipienlc. 11 explique le rôle que jouent la prière de l’homme et la grâce dc Dieu : Deprecatur quidem pro salute hominum pia sacerdotis intentio ct pnvstat eam divina- pietatis devotio; sicque fit ut charitas quæ exhibet in sacerdote deprecationem, ipsa prnstet a Domino integram sanitatem. De clericorum institutione, J. IL c. rv. P L., I. cvii, coi 308 A molon, évêque de Lyon (milieu du ΐχ· S’èclc), après avoir rappelé les principaux devoirs de la vie chrétienne, sans omettre la réception des sacrements, recommande l’onction : Si autem ct languores aliqui ac debilitates accidunt, juxta evangeticum et apostolo­ rum præceptum præsto habet unusquisque ut inducat presbyteros Ecctesiæ et orent super eum, etc. Epbt. ad 7 heodbohium episcopum Ltnqonenscm, P. L., t. cxvr, coi. 82. Haimon. évêque d’f îulberstadt (811-853), cite dans ’uno homélie le ♦. 13 du c. vi de l’Évangllc de Mare, le conseil de saint Jacques et une phrase tirée du commentnlrc de Bède Homih. cv, P, L . t. cxvin, coi 573. 1975 EXTHEME ONCTION DU I·' AU IX· SIECLE 197G Un des témoignages les plus précis sur le caractère ad episcopum Rhcmensis diuresis ct omnes ecclesia.· ct les effets du rite émane du concile de Pavie (850) : rectores et fideles, op. cit., col 216. llincmar pario Illud quoque salutare sacramentum quod commendat encore de l'un de ses diocésains Bernold qui, malade, Jacobus apostolus dicens : Infirmatur,., solerti prirdi• parvint aux portes de la mort, après avoir été cnliune populis innotescendum est : magnum sane cl confessé, réconcilié, oint de l’huile sainte cl après valde appetendum mysterium, per quod si fideliter posci­ avoir reçu la communion du corps el du sang du Christ. · Launoy, Œuvres, t. i b, p. 596. tur ct [peccata] remittuntur et consequenter corporalis Hérard, archevêque de Tours, ordonne, lui aussi, salus restituitur. Sed quia frequenter contingit ut icgrotus aliquis aut sacramenti vim nesciat aut minus peri­ à ses prêtres (858) d’avoir toujours de l’huile sainte culosam reputans infirmitatem, salutem suam ope­ ct de s'en servir sur les malades : Ut in infirmitate rari diss imuled, aut certe morbi violentia obliviscatur, positi absque dilatione reconcilientur el viaticum viven­ tes accipiant ct benedictione sacrati olei non careant. — debet eum loci presbyter congruenter admonere, quatenus Ut presbyteri chrisma, oleum ct eucharistiam semper ad hanc spiritualem curam secundari proprior possibi­ litatis vires vicinos quosque presbyteros invitet. Hoc habeant ut parati inveniantur. Capitula lierardt, n. 21, 56, P. L., t. cxxi, col. 765-766, 768. tamen sciendum quod si is qui infirmatur publics perni­ C’est ici qu’il faut placer, si clic est authentique, une tentur. mancipatus est, non potest hujus mysterii con­ sequi medicinam nisi prius reconciliatione percepta parole de Prudence, évêque de Troyes (f 8G1). Dans communionem corporis et sanguinis Christi meruerit. un discours sur sainte Maure, il raconte qu’avant de Et le concile ajoute que si l'évêque, «à qui il appartient mourir cette vierge lui demanda les derniers sacre­ ments, ...a le peto, Prudenti, ...ut de manu tua eucha­ de consacrer le chrême, » juge ù propos d’oindre un ristia: el unelionis exlremæ recipiam sacramenta. Sermo malade de qualité, il le peut, c. vin. Hardouin, op. cil., t. v, p. 27. de vita et morte gloriosœ virginis Maurie, P. L., t. cxv, Bodulphc, évêque de Bourges, ordonne aux prêtres col. 1374. L’emploi du terme extrême onction a fait qui n’habitent pas la cité épiscopale de venir eux- croire, il est vrai, à Martènc ct à Mabillon, op. cil., mêmes, si leur domicile est dans la banlieue, de délé­ Theologiæ cursus completus de Mignc, t. xxvi, col. 132guer l’un d’eux, s’ils sont trop éloignés, pour aller 133, que ce texte est interpolé, cette locution n’ap­ chercher les huiles consacrées le jeudi saint. Ils por­ paraissant dans les documents que beaucoup plus tard. teront trois ampoules, l’une pour Je chrême, l’autre Le concile de Worms (868), pour exprimer sa pen­ pour l’huile des catéchumènes, la troisième pour la sée, reproduit la lettre d'Innocent Ier, can. 72. Mansi, matière de l’extrême onction. Et Bodulphe cite le t. v, col. 881. Isaac, évêque de Lan grès (859-880), or­ 48* canon du concile de Chalon. P. L., t. exix, col. 710. donne que le malade ne meure pas sans la communion llincmar sc préoccupe davantage encore du devoir ct l’onction, nec unctione sacrati olei carcaL Canones, de scs prêtres.. Dans scs ordonnances de 852, il leur lit. i, c. 23, P.L., t. cxxiv, col. 1082. Eigil, Vila sandre indique ce qu’ils doivent retenir de mémoire; le rituel Hathumodœ, c. vm, P. L·., t. cxxxvn, col. 1181, ra­ de l’extrême onction est nommé : Ordinem reconcili­ conte que sainte Hathumodc reçut, entre autres rites andi... atque ungendi infirmos, orationes quoque eidem nécessaires au mourant, l’application d'huile sainte necessitati competentes memoriter discat. Capitula pres­ que lui fit l’évêque: Aderat... cum clericis Marcivardus byteris data, c IV, P. L., t. cxxv, coi. 773. Dans le ques­ episcopus et omnia qua: egressuris necessaria videban­ tionnaire qu’Hincmar édicte pour l'enquête annuelle tur, in sacri olei inunctione, in ultima reconciliatione, que doivent faire les maîtres ct doyens, il n’oublie in sacrificii communicatione solemni more adimplevit. pas d'interroger sur la collation de l'extrême onction : Le pénitcnticl du pscudo-Théodorc observe que chez Ut chrisma ct oleum consecratum sub sera recondan­ les grecs un prêtre peut, si c’est nécessaire, bénir le tur... Si ipse presbyter visitet infirmos ct inungat oleo chrême des malades, infirmis chrisma, P. L., t. xeix, sancto ct communicet per sect non per quemlibet. Capi­ col. 929, ct reproduit le canon 26, c. i, cité plus haut, tula quibus de rebus magistri ct decani per singulas du concile de Mayence (B-17), col. 978-979. Le péniecclesias inquirere el episcopo renuntiare debeant, c. ix, tentiel du pseudo-Egbert exalte plus qu’on ne l’a x, op. cit. coi. 779. Obligé d’excommunier deux fidèles jamais fait les effets de Pextrême onction : Hic notat coupables d'inceste, llincmar fait connaître les con­ sanctus Jacobus quod si quis infirmatus sit, ut invitet ditions de la réconciliation : contrition, promesse ad se sacerdotem suum ct alios Dei ministros, ut eum publique de mettre lin aux scandales. Moyennant ccs admoneant ct infirmus necessitatem suam ipsi indicet actes, les derniers sacrements ct parmi eux l’onction et illum ungant in Det nomine sancto oleo ct per fide­ pourront être accordés: Si vel tune ex corde panitue­ lium preces ac per unctionem conservari potest el Domi­ rit... cumatiis peccatis suis de hoc incestu puram con­ nus ipsum erigit: ct si plenus peccatorum est, illa ipsi fessionem facial el a sacerdote reconcilietur ct sancto oleo remittentur. Hanc unctionem quilibet fidelis, si possit, ungatur el communio corporis el sanguinis Christi ei acquirere sibi debet, el statuta quæ ad eam pertinent; largiatur. Epist., xxvi, ad omnes fideles, P. L., I. cxxvi, quoniam scriptum est quod quicumque hanc disciplinam col 258. Λ Hildcbold, évêque de Soissons malade, habuerit, anima ejus reque pura sit post obitum ac in­ qui lui a demandé les secours «le son ministère, l linc­ fantis qui statim post baptisma moritur. Pamilcntiale, mar, soutirant lui-même, députe un prêtre qui porte 1. I. part. Il, c. XV. P. E., t lxxxix, col. 416. Et un I hude sainte ct par elle le pardon : .Mittens manu mea. autre texte du pseudo-Egbert, Excerptiones, 21, pres­ secutus majorum exempla, in manu istius presbyteri crit nux pr tres d’oindre les malades : Ut secundum oleum sancti ficatum, ut etiam obsequio meo, per ejus definitionem sanctorum Patrum, si quis infirmatur a mentionem. Spiritus Sancti gratia, qui est remissio sacerdotibus oleo sancti ficato cum orationibus diligenter omnium peccatorum, indulgentiam percipias omnium i ungatur. P. L., t. lxxxïx, col. 382. Même ordonnance delictorum ct consortium sanctorum episcoporum. Epist., est publiée par Riculphe. évêque de Soissons. Statuta, xxvi, ad Hildeboldum episcopum Suenonensem, op. n 10: Item opnrtrt ut nrrsbtiler infirmos suos post con­ cit., col 173. Ailleurs, llincmar gémit à la pensée fessionem et reconciliationem oleo sancto perungant cl qu’en raison de l’excommunication portée contre tunc eos communi ent P. L., t. cxxxi, col. 18. Le De Odacre, beaucoup de malades seront privés de Γex­ visitatione infirmorum.}, il.c. iv, faussement attribué treme onction : Quanti viri, quanta: féminin, sine re- I à saint Augustin et qui, nu jugement de plusieurs « mciliaiione et saéri olei unctione atque sancta com­ érudits, fut composé à la même époque, invite à ne munione et sine eorum animarum per orationes solemnes I pas négliger le conseil de saint Jacques ct conclut : commendatione de into sarculo exierunt. Epist., xxxm, Ergo sic roges de te et pro te fieri sicut dixit apostolus ■1977 EXTRÊME ONCTION DU I" AU IX* SIÈCLE Jacobus, imo per apostolum suum Dominus. Ipsa vi­ delicet olei sacrali deiibutio inteltlgltur Spiritus Sancit lypicalts unctio. P, L., t. xl, col. 1154. Le biographe de saint Rambert (f vers 888), un contemporain, nous apprend que cc pieux personnage, une semaine avant sa mort, donna des ordres pour que l’onction sainte lût faite sur lui, ce qui eut lieu chaque jour : Septimo ante obitum die mysterium sancta unctionis cum oleo sancio ei fleri praxepit el una cum communione corporis d sanguinis Domini usque in diem anima exeuntis de corpore hoc salutare remedium omni die percepit. Acta sanctorum, t. i februarii, p.566. Reginon, abbé de Prum, dans son traité De cedesiasticis disciplinis,\. I, c. 117, 118, P. L., t. cxxxn, col. 214-215, insère la réponse d’Innocent et le com­ mentaire de Béde sur saint Jacques. Il nous a con­ servé aussi un canon d’un concile de Tours qui nous renseigne sur le rite même de l’onction : Postquam infirmus, ab onere peccatorum per confessionem rele­ vatus fuerit et a sacerdote, reconciliatus, oleo sanctifi­ cato in Dei nomine inungendus est, primum in pectore, deinde inter scapulas, cum precibus ad hanc sanctam unctionem pertinentibus ut juxta apostolum. Cf. c. 116. Op. cit., col. 214. Le canon 119 fait encore allusion à l’extrême onction que suit le viatique : Postquam infirmus sacra unctione fuerit delibutus, stalim corpore ct sanguine Domini recreandus est. Op. cit., col. 215. Reginon propose aussi, parmi les quest ions que l’évêque et scs représentants doivent poser au clergé, les ques­ tions suivantes, q. xvnt, i.xxxvm : Si visite! infir­ mos, si eos reconciliet, si cos ungat oleo sancio juxta apostolum.— Ordinem ...ungendi infirmos, orationes quoque eidem necessitati competentes si bene scit legere aut memoriter enuntiare. P. L., t. cxxxn, col. 188, 191. 11 faut enfin mentionner les documents liturgiques. On peut leur assimiler la description de la collation du rite que nous a laissée Théodulfe (789), loc. cit. Un sacramcntaire de Saint-Remi de Reims légèrement postérieur contient un Ordo ad unguendum infirmum, P.L., t. lxxvih, col. 529; Ménard,qui l’a édité,place la composition de l’ouvrage, vers 800. Op.cit., col. 17-18. L. Delisle, Mémoire sur d’anciens sacramentaires, Paris, 1886,ct Nclzcr» op.ciL, p. 190,sont du même avis.C’est au ix· siècle que remontent aussi d’après Martènc plusieurs Ordines édités par lui, op. cit., p. 116 sq., VOrdo 1 (pontifical de Jumièges, vniMx· siècle); VOrdo //(pontifical de Prudence de Troyes, ix*sièclc), VOrdo 111 (sacramcntaire de Saint-Gaticn de Tours, IXe siècle), les Ordines IV ct V (deux manuscrits de Tours, du IXe siècle). D’autres documents reproduits par Martènc sont présentés par lui comme étant du IXe ou du x· siècle, VOrdo VI11 (de Reims), VOrdo IX (de Moissac), VOrdo X (de Noyon). A la même date (ιχ·-χ· siècle) pourrait se placer l’exemplaire du sacramcntaire grégorien, publié par Ménard, P. L., t. lxxxvhi, ct qui contient, lui aussi, un rituel de l’onction, col. 231 sq. Cf. L. Delisle, op. cit. Netzer croit même pouvoir consulter comme témoin de l’ex­ trême onction au IXe siècle, le sacramcntaire dit de du Tillct ; Ménard a publié l’Onfo de l’extrême onction qui s’y trouve, P. L., t. lxxvih, col. 526 sq., mais cet ancien éditeur ne datait le manuscrit que du xi· siècle. Op. cit., pnrf., col. 19-22. Les rituels cel­ tiques de Dimna (ix· siècle), de Mulling (ιχ· siècle), de Stowe (i.xr-x· siècle?) nous renseignent sur la ma­ nière d’oindre les malades. Cf. Dictionnaire d'archéolo­ gie chrétienne el de liturgie, art. Liturgies celtiques, t. n col. 3023. \:Ordo grec édité par Goar, Euchologium sive Ri­ tuale Græcorum, Venise, 1730, p. 332-316, remonte plus haut que le x· siècle, d’après les érudits. Or, comme on l’a observé justement, Villien, op. cit., p. 651, les rites sont semblables dans toutes les Églises 1978 d’Orient. Voir Denzinger, Ritus Orientalium, Würz­ bourg, 1864, t. H, p. 483 sq. Aussi admet-on que le type byzantin de l’onction a servi de modèle pour les liturgies copte, syrienne, arménienne. La prière prin­ cipale, celle qu'on tient pour la forme: Πάτιρ âyu,etc., sc retrouve légèrement modifiée dans les divers rituels orientaux. Perpétuité de la foi sur les sacrements, J. f, c. n, 1841, L in, col. 922; Brightmann, The journal of theological studies, 1900, t. i, p. 261; Puller, op. cil., p. 137. Citer tes textes est impossible ici. En extraire des descriptions liturgiques (le travail a été fait par Villien, op. cil., p 651-666) serait sortir des cadres de celte étude. Ne pas dégager de la théologie des for­ mules, les renseignements très précieux que ces an­ tiques documents contiennent sur le rite et le ministre serait négliger la principale source d’information sur ces deux points. * 2° Conditions théologiques. — 1 L'usage (Γoindre les malades est universel, recommande, sinon prescrit, rattaché à saint Jacques ct d Jésus. — En Occident ct en Orient (grecs, arméniens), les malades reçoivent l’onction.Les fidèles connaissent l’usage; les écrivains chrétiens le Justifient; les prêtres le respectent; les évêques, les conciles, un empereur le recommandent. Les livres liturgiques décrivent le rite. 11 y a donc bien, comme le dit Bède et comme le répéteront de nombreux auteurs, une coutume d1 Église (Raban Maur, Amalaire, N au eracc, Jonas, etc.). Cet usage est traditionnel : tous ceux qui attestent son existence croient qu’il est ancien, remonte aux saints Pères (pscudo-Egbert, concile de Chalon, etc.), dont on imite les exemples (Hinemar) ct dont on observe les décisions (concile de Chalon). Les hommes du viir et du ixe siècle sont convaincus qu’ils n’in­ novent pas, mais conservent, qu’ils ne sont pas té­ moins d’une évolution, mais d’une persistance doctri­ nale. Ils indiquent leurs sources:Bède, Innocent i"sont maintes fois invoqués, leurs affirmations sont repro­ duites. A peu près tous les documents nomment saint Jacques ou font allusion à lui. Le rite est donc apostolique. Bien plus, il remonte à Jésus. Plusieurs fois, les applications miraculeuses d’huile faites par les disciples sur l’ordre du Seigneur sont présentées comme le type d’où dérive l’extrême onction. Per­ sonne ne dit que saint Jacques a institué le rite, il le recommande (concile de Pavie, etc.). L’huile des ca­ téchumènes a une origine moins sacrée que l’huile des malades. Les prières liturgiques rappellent à Jésus-Christ que c’est lui qui a prescrit l’onction ct promis par elle la santé, il a parlé par l’apôtre (Or­ dines 1, 111, sacramcntaire de Saint-Remi, etc.). Aussi les devoirs des pasteurs ct des fidèles sont-ils mis souvent en évidence. Les ministres auxquels il appartient de consacrer l’huile sont tenus de le faire (concile d’Aix-la-Chapelle, Otznetzi). Et puisqu’on Occident, ce sont les évêques seuls, les prêtres sont obligés de venir leur demander la matière consacrée (saint Boniface, capitulaires, Rodolphe). 11 est néces­ saire que des instructions soient données aux collateurs du rite, ct elles le sont, en effet (Théodulfe, capitu­ laires, divers statuts). Les prêtres devront éclairer les fidèles sur l’onction, les engager ù la recevoir, la leur offrir,conserver l’huile près d’eux avec soin, l’emporter en voyage, être toujours prêts ù oindre les malades. C’est une fonction de leur ministère. Ils encourraient une grave responsabilité si, par leur faute, les fidèles mouraient sans ce secours (saint Boniface, divers capi­ tulaires et statuts), auquel ils ont droit : il leur est dû (saint Boniface). L’onction est donc une faveur insigne» elle ne doit pas être trop peu estimée (concile de Chalon), négli­ gée (Jonas); il faut au contraire que les fidèles la dési- 1979 EXTRÊME ONCTION DU Ier AU IX· SIECLE rent vivement (concile de Pavic). Tous les documents la recommandent, les prières liturgiques l’exaltent magnifiquement. Certains écrivains h déclarent né­ cessaire (Théodulfe, pscudo-Egbcrt, Eigil, etc.), com­ mandée par l’apôtre (Bède, Haban Maur, Amalairc, Agobard, Rodulphe, pseudo-Augustin, etc.). Cepen­ dant il nc faudrait pas toujours prendre à la lettre les formules impératives : ainsi, dans la meme phrase, Bède parle du conseil et du précepte d’oindre les ma­ lades. Il y avait des négligents. Des évêques nc consa­ craient pas chaque année l’huile sainte (concile d’Aixla-Chapelle). Des prêtres oubliaient certainement leurs devoirs de ministres dc l’onction : un trop grand nombre d’ordonnances le leur rappelle. Au remède apostolique, des chrétiens préféraient des sortilèges (Jonas). Des fidèles ignoraient la vertu du rite (concile de Pavic, Jonas). Les malades sc faisaient illusion sur leur état. La violence dc la douleur empêchait des moribonds dc réclamer Ponction (concile dc Pavic). Lc soin et l'insistance avec lesquels Théodulfe énumère les diverses personnes qui peuvent recevoir l'huile sainte hisse soupçonner qu’on sc demandait si on devait l’accorder à certaines catégories dc chrétiens. Parce qu’elle remettait les péchés, on hésita parfois à oindre les justes (Vie dc saint Adalhard). Mais l’Églisc nc cessa dc protester ct dc réagir. 2. A qui l'onction peut-elle être donnée? — Les ma­ lades, tels sont les bénéficiaires dc l’huile sainte. Il n'est pas nécessaire que le fidèle soit arrivé à la der­ nière extrémité. Ix concile d'Aix-la-Chapelle distingue dc Ponction les rites conférés quand la fin est immi­ nente. Certains rituels prévoient le cas où le malade peut sc mettre â genoux, pendant qu’on Point (Théodulfc, Ordo ///.etc.). Les cérémonies d’ailleurs très longues nc peuvent s'exécuter que si le ministre n’est pas pressé par le temps. Théodulfe et Agobard parlent des malades qui se font oindre à l'église même. D’autre part, dc très nombreux textes donnent à entendre que toute légère Indisposition ne donne pas droit ù recevoir Ponction. I-e chrétien oint est atteint à tel point qu'il est permis de lui accorder le rite (Théo­ dulfe); il est en danger dc mort (concile dc Mayence), la fin suit souvent (saint Adalhard, sainte Maure, saint Théodore Studitc). Les prières liturgiques demandent h délivrance d’un mal sérieux, d’un péril grave. On trouve même une formule abrégée, ct qui doit servir lorsque le rite est conféré ù un moribond expirant (sacramcntairc de Saint-Remi). Tous les malades peuvent être oints, non seulement les clercs, mais les laïques; non seulement les hommes, mais les femmes ct les enfants, même les patients qui ne peuvent plus parler, s’ils donnent des signes appa­ rents dc vie ct si des amis témoignent de leur foi (Théodulfe). Les saints seraient à tort privés de Ponc­ tion : ils h réclament el l’obtiennent (saint Adalhard, sainte Maure, saint Théodore Studitc, saint Humbert). Avant dc demander l’huile sainte, il faut sc récon­ cilier avec Dieu. La déclaration d’innocent Ier sur le refus du rite aux pénitents est plus d’une fois rappe­ lée. Hlncmar n’autorise des pécheurs publics excom­ muniés à recevoir Ponction que s’ils sc repentent, regrettent publiquement leur conduite, prennent les engagements nécessaires, sc réconcilient avec Dieu. Le concile de Pavie exige que les fidèles soumis à la pénitence oient reçu l’absolution ct mérité la com­ munion. Toujours l’extrême onction doit être précé­ dée de h confession : les textes liturgiques l’affirment, les écrivains chrétiens le déclarent. 11 peut y avoir après l’application d’huile ct après le viatique une dernière absolution (reconciliatio ad mortem), ct c'est '□ns doute à elle que pensent Eigil ct le pseudo\ugustin quand, énumérant les dernières cérémonies, 1980 ils nomment Ponction avant la réconciliation. Mais une confession précède toujours les applications d'huile. Bède (ct son témoignage est souvent repro­ duit) insiste sur ce processus el en donne une raison qui semble même étrange, à moins que les auteurs nc pensent seulement aux fautes graves : sans con­ fession, pas dc rémission des péchés. La communion n'est pas requise avant Ponction. Au contraire, d’après tous les témoins (à deux ou trois exceptions près), le viatique n’est accordé qu’en der­ nier lieu (Théodulfe, saint Boniface, capitulaires, Gerbaud, Paschase Radbert, livres liturgiques, etc.). Isaac de Langrcs, Prudence (sur l’autlicnlicite du texte, voir plus haut) et le pontifical que Marlène lui attribue, VOrdo II proposent l’ordre contraire. Partout les trois rites se suivent. Les documents liturgiques nous apprennent qu’en certaines églises, les applications d’huile étaient faites pendant sept jours consécutifs, si c’était nécessaire (peut-être Théodulfe, sacramcntairc dc Saint-Remi, Ordtnes III, IV, VIII). La vie dc saint Rambert nous apprend que la règle était observée. Lc fait est indéniable. Marlène, op. cit.,\>. 108; Ménard, op. cit., P. L., t. Lxxvnr, col. 523; Mabillon, Obseruatio de extrema unctione, dans Migne, Thcologiæ cursus completus, t. xxiv, col. 133; Kern, op. cit., p. 339 sq. Croire que le rite était un sacrement le premier jour seulement et que les onctions faites le lendemain ct dans la suite étaient simplement des prières de l'Église, des sacramcntaux (Marlène, Ménard cl Kern réfutent cette opinion), c'est avancer une assertion gratuite, c’est même heurter le texte de la rubrique : dans les manuscrits liturgiques cités plus haut,ce qui est recommandé, c’est de faire pendant sept jours ce qui a été fait la veille : ct sic faciant. Ordo III. Martène, op. cit., p. 128. Supposer que le sacrement sc composait des onctions accomplies pendant les sept jours, de même qu’aujourd'hui, il comprend les diverses applications d’huile faites sur les sens, Gutbcrlcl, Dogmatische Théologie, t. x a, p. 231; Schmid, Zeitschrift fiir katholischc Théologie, Inspruck, 1901, t. xxv, p. 261, c’est émettre une hypothèse qu’il est difficile de soutenir : car si les onctions dc chaque jour étaient parlies essentielles du sacrement, c’est seulement à la fin dc la semaine que le rite aurait été accompli. Or, le malade pou­ vait nc pas attendre cc moment-là pour mourir. Et il serait étrange que l’Églisc, si préoccupée alors de nc pas laisser un moribond quitter la vie sans l'huile sainte, eût imaginé un mode dc collation qui eût exposé les fidèles à nc pas recevoir la grâce du sa­ crement. De plus, les rubriques portent : On fera ainsi pendant sept jours, si necessitas fuerit, si c'est nécessaire. Les hommes dc l’époque croyaient donc que l’onction pouvait dès l’origine produire son elTet. Répondre que, le premier jour, la huitième partie des fruits était assurée, le second, un autre huitième, ce n'est pas résoudre la difficulté. Ou il y avait sacre­ ment dès les premières onctions et dès cc moment le sujet avait droit à toutes les grâces, ou un huitième seulement du rite était accompli : c'est donc à la fin dc la semaine et non auparavant que le sacrement était complet, apte à donner son fruit. Kern, op. cit., p. 338, propose une autre explica­ tion. Si le rite était ainsi réitéré, c'est que l'extrême onction peut en effet être administrée plusieurs fols, non seulement dans la même maladie, mais pour parer au même péril dc mort. Pc s ch rapporte cette hypothèse, sans la combattre. Op. cit., p. 279. Mac Donald l’a critiquée. Si le sacrement a été réitéré, c'est parce qu'on estimait, la santé nc revenant pas ct la mort n'arrivant pas, que le rite avait été accom­ pli lorsque le sujet n'était pas assez malade pour lo 1981 ■ recevoir; ou concluait que le sacrement n’avait pas été valide. Tout était à recommencer. The IrUh theological quarterly, juillet 1907, p. 330-315. Hypo­ thèse mgénn use, mais qui nc repose sur aucun fon­ dement et qui n’cxpiique certes pas pourquoi les onc­ tions étaient recommencées non une fois, mais pendant sept jours consécutifs. Voir la réfutation de cette con­ ception pur Toner, même revue,avril 1909, p. 247-250. Peut-être n’y a-t-il pas lieu do chercher des expli­ cations théologiques et faut-il enregistrer le fait, sans rien conclure. L'extrême onction n’est pas réitérée de nos jours : il ne s’ensuit pas qu’elle ne l’était pas jadis. Elle l’était autrefois en quelques milieux : pourquoi conclure qu’elle peut l’être de nos jours? Admettons, s’il le faut,qu’il ne s’agit pas ici des conditions dc va­ lidité du rite et reconnaissons que la discipline a pu varier. Cc qui était légitime autrefois peut nc plus l’être,soit en raison dc la cessation de la coutume,soit en vertu dc dispositions positives du droit. Dc bonnes raisons pouvaient autoriser un usage que des raisons non moins bonnes ont fait abandonner. D’ailleurs, si l’on observe que l’ordre dc réitérer Fonction pendant sept jours n’est pas donné dans tous les manuscrits; que les exemples d’exécution dc cette rubrique sont rares; que le rite décrit dans les sacrament aires était très long, exigeait la présence de plusieurs prêtres ct qu’il devait être souvent impossible au clergé d’oindre, pendant une semaine, non un évêque comme saint Rambert, mais chacun des malades de la com­ munauté^! on constate que,là même où on le faisait, on tenait pour valide la collation du rite en une fois; si enfin, on sc souvient que l’usage nc prend racine ni dans le texte dc saint Jacques ni dans les plus vieux témoignages, n’a-t-on pas le droit de penser qu’il n’était ni souvent suivi, ni universel, ni ancien? L’habitude de réitérer les deux rites qui encadraient Fonction : confession ct viatique; le désir naturel, si le retour à la santé sc faisait attendre, dc forcer la main à Dieu; la coutume alors générale dc considérer cc sacrement comme un remède de l’âme ct du corps, ces motifs nc et ils sont d’ordre humain peuvent-ils pas expliquer fort bien la réitération dc l’extrême onction dans des églises plus ou moins nombreuses,en certains cas ct pendant un temps plus ou moins long? Bède, dans son commentaire sur le verset de saint Marc,‘parle de l’huile répandue sur les possédés,ener­ gumeni vel alH quilibet wgrotl. Peut-être, soit parce que certains étaient réellement malades, soit parce que tous étaient considérés comme dans un étal morbide. les énergumènes reçurent-ils en certaines églises l’extrême onction. Mais puisque saint Bède explique en cct endroit une ailinnation dc l’Évangilo «fin nomme les deux catégories dc personnes, malades ct possédés, peut-être fait-il allusion aux applications d’huile qui étaient en usage d’une part dans les exorcismes, d’autre part sur les moribonds, rapprochant deux opérations semblables en apparence et sans dire qu’elles sont identiques de tout point. Théodulfe parait attester que jadis on a donné Fonction des malades aux possédés, mais qu’on ne le fait plus : Energumenos etiam legimus oleo sancto perunctos ct sanatos. Loc. cit. Les autres textes de ces ardon. Histoire des sacrements, ibid., t. xx; Schmitz. De (fjectibus sacramenti extrema? unctionis, Fribourg-enBrisgau, 1893; Boudinhon, l.a théologie de Γexireme onc­ tion, dans la Revue catholique des Eglises, Paris, 1905,1. 11. p. 385 se;.; Lejay, Ancienne théologie chrétienne, dans ia Rcuuc (f histoire et de littérature religieuses. Paris, 1906, t. xi. p. 372 sq., ct l.e rôle théologiquc de Cesairt d'Arles, ibid., 1905, t. X, p. 606 sq.; Kern. Dr sacramento cxtrcnur unctionis, Ralisbonne, 1907 ; Net/er, L'extrême onction aux vjii· et ix* siècles, dans la Revue du clergé français. Paris. 1911, t. Lxvm. p. 182 sq.; Boudinhon, Si les fidèle* sc faisaient eux-mêmes autrefois les onctions dc Γhuile sainte, ibid., t. î.xviii, p. 722 sq.; Villlcn, l.a discipline des sacrements. I.'extrême unction, ibid.. 1912. t. LXX, p. tV|l sq. 2· Auteurs protestants. —Rralmciiklopadie. art. (Flung par Kattcnbusch, L xiv p. 301-311; Puller, The anointing of the sick tn Scripture and tradition with some conside­ rations on the numbering of the *acruments, Londres, 1901. C. Rucu. III. L'EXTRÊME ONCTION CHEZ LES SCOLAS­ TIQUES.— L Avant la formation do la théorie saemmentairo. II Après la formation dc colle théorie. L Avant la fohmatiON ni la Titi’zonni sachamentaire. — A partir du x· siècle, nous voyons sc continuer do plus en plus nombreux les témoignages sur la pratique do l’extrême onction; cl comme, même avant quo sc forme la théorie des sacrements, plusieurs renferment des renseignements dogmatiques, on ne peut les négliger. Ces témoignages sont dc trois sortes ; les uns. d'allure plus doctrinale, sont des ordonnances épis­ copales ou monastiques concernant les soins spirituels â donner aux malades, ou encore des sermons ou des lettres qui contiennent quelque point dc doctrine sur cc sacrement; d’autres sont des rituels où sont DICT. DE THÉOL. CATH0L. 198G Indiquées les prières ct les cérémonies dc l’extrême onction; d’autres enfin sont des Vies qui rapportent les derniers moments de leur héros ou des détails sur son ministère. Parmi les textes très nombreux que citent Launoy, Dc sacramento unctionis infirmorum, Genève, 1721, t. i a, p. 450-451, 191 sq., 5-19, 556, 597-601, ct dc Sainte-Beuve, Tractatus de sacramento unctionis infirmorum extremir, disp. Il, a. 5, dans Migne, Theologia: cursus completus, Paris, 1840, t. xxiv, coi. 63-70, nous pouvons signaler les suivants : Appartiennent a la première catégorie, une Synodica ad presbyteros dc Bathicr, évêque dc Vérone (7 971), n. 7, P. L·, t. cxxxvî, col. 560; le Decretum pro ordine sancti Benedicti de Lanfranc (t 1089), c, ΧΧΠΙ, P, L , t. cl, coL 508; un sermon dc saint Pierre Damien (t 1072), In dedicatione ccdesiæ^P. L., t. cxliv, col. 899; les Statuta congregationis clunia· censis, sous Hugues dc Cluny (7 1119), cités par de Sainte-Beuve, col. 66; une lettre d’Yves dc Chartres (7 1116) à Baoul, abbé dc Saint-Fusci en, Epist., cclv, P. L·., t. CLXii, col. 260; une lettre dc Geoffroy, abbé dc Vendôme (f 1132), à Yves dc Chartres, Epist., xix, P. L., t. cLvii, col. 88; la Regula clericorum de Pierre dc Honestis (f 1119), 1. II, c. xxn, P. L., L cLXin, col. 727; ct une lettre de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny (f 1156), à Thiébaud, abbé dc Sainte-Colombe, Epist., 1. V, epist. vu, P L., t. clxxxix, col. 392. Appartiennent à la seconde catégorie : les An/iqutores consuetudines cluntacensis monasterii, d’Ul­ rich, moine de Cluny (f 1093), I. III, c. xxvm, PL., t. exux, col. 770-771 ; les Usus antiquiores ordinis et· slercicnsis,dc saint Étienne, abbé de Citcaux (71134), part. IV, c. xciv, P. L., t. cxxvi, col. 1471; ct divers Ordines ad visitandum et ungendum infirmum, repro­ duits par Launoy, op. cit., surtout p 491 sq., 598-599 Appartiennent à la troisième catégorie: la Vie de saint Dunstan (7 988), par Osbern, moine dc Cantorbery, n. 16. P. L., t. cxxxvii, col. 427; la Vie de saint Oswald, archevêque d’York (7 992), n. 19, Acta sanctorum, t. ni februarii, p. 761; la Vie de saint Fulcran, évêque dc Lodève (·{· 1006), par Ber­ nard Gui. n. 31, Acta sanctorum, t. n februarii, p. 716; la Vie de saint Héribert, archevêque do Cologne (7 1021), par Rupert de Deutz, c. xxix, P. L., t. gritudo nota est mortem inducere ct dc periculo timetur. Il en est do même de saint Bonaventure : Quantum· eumque quis infirmetur, non datur ei hoc sacramentum, nisi prirsumatur quod moriatur, vel quod sit in articulo mortis. Et si constaret nobis dc aliquo quod liberaretur ab infirmitate, non deberet dari ei sacramentum. In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, a. 1, q. i, ad lem, 2ur% 3ition des mains, soit même à la simple prière. Les théologiens du concile connaissaient la lettre d'innocent ltr à Decentius, /*. L., t. xx, col 559, ct l'usage qu’en faisait Luther pour attribuer aux laïques le droit d’accomplir le rite de Ponction. Chiavez admet que le pape reconnaît cc pouvoir aux laiqut ' dans le cas de nécessité; mais, dit-il. Ponction ainsi faite n'est pas plus sacramentelle que ne l’est la confession faite aux Laïques en pareil cas. L’examen des articles, commencé le mardi 20 octobrt, fut terminé le vendredi 30 ct, comme aucune 2000 correction importante n’avait été demandée par les théologiens, ils furent transmis sans modification aux prélats, le 6 novembre, avec ceux qui sc rapportaient à la pénitence. b) Discussion des articles par les Pères. — Dans ccttc discussion, qui sc poursuivit sans interruption du 6 au 14 novembre, chaque prélat fut appelé à son tour à exprimer son avis sur les erreurs que l’on sc proposait de condamner. Un certain nombre d'évêques Jugèrent qu'il y avait lieu de distinguer entre les diverses affirmations contenues dans les articles, et que tout ne devait pas y cire noté d’hérésie. Parmi ces propositions, disait Bonjoannes, évêque de Camerino, · les unes sont hérétiques, d’autres scandaleuse*, d’autres téméraires, d’autres fausses ct menteuses, d’autres présomptueuses, d'autres impies ct blasphématoires; il faudrait le dire dans le préambule du décret. · Theiner, p. 5G7. Ce fut la seule observation d'ordre général. Mais, de plus, des remarques particulières furent faites sur les points qui avaient déjà attiré l’attention des théologiens. Il y eut la meme incertitude à propos de l'inter­ prétation du texte de saint .Marc ct du moment où Jésus a institué le acrcmcnt de l’extrême onction. Certains, comme le cardinal Madrucci, évêque de Trente, sc contentèrent d’affirmer que cc sacrement a été institué par Jésus-Christ ct promulgué par saint Jacques. Theincr, p. 563. D’autres, tout en affirmant l'institution divine, ne voulurent voir dans l’onction faite par les apôtres qu'une figure, une insinuation, une initiation du sacrement; ainsi Paul II Gregoranezi, évêque d'Agram, Nacchianti, évêque de Chioggia, ct Fc nandez, évêque de (Lalahorra. Thcincr, p. 564, 572, 573. D'autres en lin crurent trouver dans le passage de saint Marc l'institution du sacre­ ment par Jésus-Christ ; ainsi de Hcrédia, évêque de Cagliari, de Ghinucci, évêque de Worcester, Prcconio, évêque de .Monopoli, et de Leone, évêque de Bosa. Theiner, p 78. Le 3· article, relatif aux effets de l’extrême onction, suscita quelques critiques. Certains, comme l'évêque de Chioggia, tirent remarquer que le soulagement promis au malade par saint Jacques ct mentionné dans l’article doit être entendu surtout d'un soula­ gement spirituel, Thcincr, p. 572; et Fonseca, évêque de Caslcllamarc, demanda que l’article fût rédigé de manière ù éviter toute confusion sur cc point; car, disait-il, entendu «l'une guérison corporelle, il ne serait plus une erreur; alias homines nunquam more­ rentur. Thcincr, p. 563. Le texte de la lettre d’innocent Ier fut cité par l’évêque de Monopoli; mais celui-ci y vit une preuve en faveur de la doctrine catholique qui réserve aux prêtres le pouvoir de donner l’extrême onction. Thcincr, p. 574. Le dimanche 15 novembre, le cardinal légat et les deux autres présidents, Pighinl, évêque de Siponto, ct Lippomano, évêque de Vérone, clôturèrent la dis­ cussion en exprimant les derniers leur avis; puis on choisit une commission qui serait chargée de formuler la doctrine en chapitres ct de rédiger les canons. Les choix sc portèrent sur les huit prélats qui avaient déjà fait le même travail dans la session précédente; cc furent les archevêques von Heussenstamm de Mayence cl Alcpo de Sassari, les éveques Gregoranezi d'Agram. Musso de Bitonto, de Navarra de Badnjoz, Avala de Guadix, de Acuna y Avellaneda d’Astorga et Foscarari de Modène. Thcincr, p. 581. c) Les chapitres et les canons. — Celle commission 1 sc réunit le lundi 16, pour entendre la lecture des chapitres qui avaient été préparés par des hommes 2001 EXTREME ONCTION AU CONCILE DE TRENTE pieux cl doclcs. Thcincr, p 581. Cc projet ne diffère i pas essentiellement du texte qui fut définitivement adopté; les points qu’il importe de signaler sont les suivants : Le c. itr donnait sur l'institution du sacrement de l’extrême onction la même doctrine que le chapitre actuel, ct dans des termes presque identiques : • Le saint concile enseigne que celle dernière onction des infirmes est vraiment et proprement un sacrement du Nouveau Testament, institué par Jésus-Christ, esquissé et insinué par les apôtres qui, selon saint Marc, oignaient d'huile les malades ct les guérissaient, recommandé aux fidèles ct promulgué par saint Jacques.·· » Le projet citait le texte de saint Jacques cl l'expliquait dans le même sens, quoique un peu plus longuement, que le chapitre actuel. Sarpi sc trompe donc, à moins qu’il n’ait eu des documents que nous ne connaissons pas, lorsqu'il prétend. Histoire du concile de Trente, 1. IV, n. 25, que les rédacteurs du projet avaient d'abord voulu trouver l'institution de cc sacrement dans saint Marc, cl que l'on modifia le texte devant les observations d’un théologien qui fil remarquer que les apôtres n’étaient pas encore prêtres Λ cc moment. Cette remarque a été faite, sans doute; mais cc fut lors de la discussion des articles ct nous l’avons notée en son temps; on n’eut pas à modifier sur cc point le texte des chapitres. Cf. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, 1. XII, c. xn, n. 10-12. Le c. », traitant des effets de l’extrême onction, insistait davantage sur la guérison corporelle, pour expliquer comment elle ne sc produit plus qu’cxceptionncllemcnt : ■ A ccs effets s’ajoute quelquefois la santé du corps qui, autrefois, dans la primitive Église, était conférée plus fréquemment, afin de confirmer ct de faire estimer la foi naissante, ct comme un signe de la guérison intérieure. Mais maintenant que la foi est affermie ct adulte, elle n’est plus produite que rarement, ct seulement autant que Dieu le sait utile au salut du malade. » Theiner, p. 590. Le c. m parlait du ministre de l’extrême onction ct s’étendait assez longuement sur la distinction primitive entre prêtres ct laïques. 11 disait ensuite à quels malades il faut la donner ct en quels cas on pe ‘ la réitérer. Il terminait en énumérant ct eu condamnant les nouvelles erreurs sur la matière. On le voit, le travail de la commission consista sur­ tout à réduire des développements trop longs; il n’y cul à modifier ni la doctrine, ni les termes dans lesquels elle était exposée; ct les remarques quo firent les Pères, le 23 novembre, lorsqu'on leur soumit le projet de cha­ pitres, ne touchèrent qu’à des points de détail Thcincr, p. 598-599. L’exposé de la doctrine étant terminé, il fallait for­ muler sous forme de canons les erreurs Λ condamner. Ιλ commission sc réunit pour cc travail, le mercredi 18, cl présenta aux Pères, avec seize canons sur la péni­ tence, quatre canons sur l'extrême onction. Le texte en est à peu près identique ô celui qui fut défini, à l’excep­ tion du 1er,qui était ainsi conçu : « Si quelqu’un dit que l'extrême onction n’est pas vraiment cl proprement un sacrement institué par Noire-Seigneur Jésus-Christ, mais seulement un rite reçu des Pères ou une invention humaine, qu’il soit anathème. » Thcincr, p. 592. Cc fut d’après les observations de plusieurs prélats, en parti­ culier des évêques de Païenne et de Calahorra, que l'on ajouta que cc sacrement a été promulgué par saint Jacques Theincr, p. 593, 595. L’évêque de Monopoli eût voulu faire insérer (pic ia preuve de l'institut ion était le passage de saint Marc; mais sa motion ne fut pas prise en considération. Theincr, p. 595. Itetouchés par la commission, les chapitres ct les 1 2002 canons furent définitivement approuvés le mardi 21 no­ vembre cl l’on décida qu’ils seraient promulgués le len­ demain. d) Définition, — Le 25 novembre 1551, en effet, eut lieu la XIV* session. L’évêque d’Orense, Manrique de Lara, célébra 1a messe du Saint-Esprit; puis l’évêque de San Marco prononça un discours que Massarelli qua­ lifie de oatde gravem et elegantem. Alcpo de Sassari ct l'évêque d’Orense montèrent ensuite sur l'ambon ct lurent, le premier les chapitres, le second les canons; tous les membres du concile donnèrent leur approba­ tion. Thcincr, p. 60L 2° Doctrine du concile. — 1. Izs erreurs protestantes sur l'extrême onction. — A propos de l’extrême onction comme des autres sacrements, le concile de Trente trouvait devant lui les erreurs protestantes. a) L'extrême onction dans le luthéranisme. — La Con­ fession (T Augsbourg cl la plupart des autres confes­ sions luthériennes sont muettes au sujet de l’extrême onction. Dans V Apologie de la Confession d'Augsbourg, De numero el usu sacramentorum, Mélanchthon donnait la raison de cc silence. Après avoir défini les sacrement>, des rites rendus obligatoires par Dieu ct auxquels une promesse de grâce est attachée, il déclare exclus de leur nombre toutes les cérémonies d'institution humaine el ne reconnaît comme sacrements que le baptême, la cène et l’absolution. Quant à l’extrême onction, elle n’est, ainsi que la confirmation, qu’un rite reçu des Pères, quo l’Égiise elle-même n’a jamais regardé comme nécessaire au salut, que Dieu n'a pas rendu obligatoire, auquel il n’a pas promis h grâce ct qu’on ne doit donc pas onfondre avec les vrais sacrements. Confirmatio ct extrema unctio sunt ritus accepti a Patribus, quos ne Kcclesia qui­ dem tamquam necessarios ad salutem requirit, quia non habent mandatum Dei. Propterea non est inutile hos ritus discernere a superioribus, qui habent expressum manda­ tum Dei et claram promissionem gratiae. Tittman, Libri symbolic! ecclesia: euangelica:, 1827, p. 155. L’Épitre de saint Jacques, ù vrai dire, semble bien renfermer ce mandatum Dei\ Luther, dans son opuscule sur la captivité de Babylone, sc débarrasse facilement de ce texte gênant : · Je le dis : si l’on a jamais déliré, c’est surtout ici. Je pourrais dire d’abord que beaucoup, cl avec grande probabilité, regardent celte Épltrc comme n’étant ni de l’apôtre Jacques, ni digne de l'es­ prit apostolique... Mais, alors meme qu’elle serait de l’apôtre Jacques, je dirais qu’il n’est pas permis à un apôtre d’instituer de sa propre autorité un sacrement. Le Christ seul avait cc droit Or on ne lit nulle part dans l’Ésangilc qu’il ait établi ce sacrement de l’extrême onction, » n. 185. Werke de Luther, Halle, 1716, t. xix, col. 142. Cependant tous les pasteurs n’avalent pas pour l’Épitre-de saint Jacques le dédain de leur chef; ils n’acceptaient pas plus que lut le sacrement de l’extrême onction, mais plutôt que de rejeter un texte de l’Écri­ ture, ils l'interprétaient. C’est ainsi que, le 10 juillet 1551, les pasteurs de l’ÉiJisc de Saxe réunis à Willemberg, signaient une Confession qui contient ce passage : « L’onction que l’on appelle maintenant extrême ne fut autrefois qu’un moyen de guérir, comme H apparaît d'après le c. vde l’Epitre de Jacques. Mainte­ nant c’cst un spectacle rempli de superstition. » Le Plat, op. cit., t. îv, p, 513. Luther, d'ailleurs, ne s’était pas lui-même contente de refuser à l’Épitre de saint Jacques toute autorité; il avait voulu expliquer le texte el montrer que l’onc­ tion recommandée par l'apôtre n'était pas l'extrême onction employée par l'Eglhc. L’effet promis par saint Jacques ne se réalise plus: 6trcsaint Jacques, mais seulement un rite reçu des Pères ou une invention humaine, qu'il soit anathème. L’institution divine de l'extrême onction comme sacrement est donc définie; elle n'est pas une simple cérémonie d’origine humaine; on ne peut même dire que saint Jacques l’a instituée; il n’a fait que promul­ guer, can. 1, promulguer cl recommander, c. i, un sa­ crement établi antérieurement. Quant au moment ct à la manière dont cc sacrement a été institué, le canon n’en parle pas; lec. Ier n'est pas plus explicite;il ajoute seulement que le texte de saint Marc, vi, 13, contient une insinuation du sacrement. Le préambule des chapitres, Denzinger-Bannwart, n. 907, indique le but qu’a eu Jésus-Christ en insti­ tuant cc sacrement : il a voulu offrir aux fidèles un secours spécial à un moment où l’ennemi du salut dé­ ploie des efforts plus considérables pour les perdre cl leur enlever la confiance en la miséricorde divine. Lee. Ier développe le texte de saint Jacques cl y re­ trouve les cléments qui constituent le sacrement de l’extreme onction II enseigne, cn particulier, que la matière est l’huile bénite par l'évêque ct cn explique le symbolisme : L'onction représente parfaitement la grâce du Saint-Esprit dont l'âme du malade est ointe invisiblement. » Pour la forme, il sc contente d'indiquer les premiers mots : per istam unctio­ nem, etc.; mais, ainsi qu'il ressort des observations faites par les Pères au cours des discussions préli­ minaires, par exemple, par l'évêque de Cagliari, Thci­ ncr, t. i,p. 595, le concile ne prétend point par là nier la validité des autres formes qui furent ou sont encore cn usage. Denzinger-Bannwart, n. 908. e) Efjcts de Γextrême onction. Can 2 Si quis dixerit sacram infirmorum un­ ctionem non conferre gra­ tiam, nec remittere peccato, nec allcvlnrc infirmos, sed jam cessasse, quasi olim tantum fuerit grui ia cura­ tionum, anathema sit Den­ zinger-Bannwart, n. 927. Si quelqu'un dit que l'ex­ trême onction des malades ne confère pas la grâce, ne remet pas les péchés cl ne soulage pas les malades, mais qu’elle a cessé d’exis­ ter, comme si elle n’avait été autrefois qu'une grâce de guérisons, qu’il soit ana­ thème. L'idée principale du canon a déjà été Indiquée. Con­ trairement aux affirmations des protestants, l'onction de saint Jacques n'avait pas pour unique but de guérir les malades cn vertu du don des miracles; elle ne «le­ vai l donc pas cesser avec ce don lui-même. Ses effets étaient avant tout spirituels, ct tels sont encore ceux du sacrement de l’extrême onction. Le concile cn énu­ mère Irois : l'extrême onction donne la grâce; elle remet les péchés, ou, selon la formule du c. n, plus com­ plète ct plus rapprochée du texte de saint Jacques, • elle efface les péchés, s'il y cn a encore à effacer, cl les restes du péché, » Denzinger-Bannwart, n. 909; elle soulage le malade Le mol employé ici par le concile, comme il l'avait clé par l’apôtre, allcviare, doit ôtre pris dans un sens purement spirituel; le chapitre l’ex­ plique cn effet ainsi : · Elle soulage et fortifie l'd/nr du malade, cn excitant en lui une grande confiance dans 2006 la miséricorde divine, grâce ù laquelle l'infirme sup­ porte plus allègrement les afflictions ct les sou lira n ces ct résiste plus facilement aux tentations du démon... » Quant à la guérison corporelle que les protestants regardaient comme reflet principal, le concile ne l’ex­ clut pas complètement; mais il la remet à sa vraie place : elle peut être, dit le c. n, un effet secondaire de l’extrême onction, un résultat de h confiance en Dieu ranimée dans l’âme du malade : en vertu de cette confiance, le malade · obtient quelquefois la santé du corps, si c'est utile au salut de son âme » d) Légitimité el nécessité de Γextrême onction. Can. 3. Si quis dixerit cxlremæ unctionis ritum et usum quem observat san­ cta romana Ecclesia, repu­ gnare sentenUz beati Ja­ cobi apostoli, ideoque eum mutandum, posseque α Chri­ stianis absque peccato con­ temni, anathema sit Den­ zinger-Bannwart, n. 928. Si quelqu'un dit que les cérémonies et l'usage de l’extrême onction qu’ob­ serve la sainte Église ro­ maine sont cn contradic­ tion avec la pensée de l’a­ pôtre saint Jacques, qu’il faut donc les changer, et que les chrétiens peuvent les mépriser sans péché, qu'il soit anathème. Cc canon touche à deux points : les cérémonies que l’Églisc a, au cours des siècles, ajoutées au rite primi­ tif de l'onction, ct l’usage qu’elle fait et impose du sa­ crement. Pour ce qui regarde les cérémonies, le concile ne nie pas que plusieurs aient été ajoutées; durant les discussions, l’évêque de Guadix cn avait donné la raison; elles ont pour but de donner plus de solen­ nité à l’administration du sacrement, Thcincr, t. I, p. 576; mais le concile affirme qu’aucune de ces addi­ tions ne contredit la pensée de saint Jacques, comme le faisait remarquer le cardinal légat dans la séance du 15 novembre 1551, Thcincr, t. i, p 580, et que ce qui essentiellement constituait le sacrement primitif, â savoir, l’onction et la prière, sc retrouve identique dans le sacrement tel que ΓÉglise le confère. Quant à l’usage, le concile ne le déclare pas obligatoire; il laisse sur cc point les choses cn l’état; mats d déclare que les fidèles ne peuvent, sans pédié, mépriser cc que l’Églisc a établi. c) Ministre du sacrement de l'extrême onction. Can 4. Si quis dixerit presbyteros Ecclesia·, quos beatus Jacobus adducen­ dos esse ad infirmum inun­ gendum hortatur, non esse sacerdotes ab episcopo ordi­ natos, sed teinte seniores in quavis communitate, ob idque proprium exirem® unctionis ministrum non esse solum sacerdotem, ana­ thema sit. Denzinger-Bann­ wart, n. 929. Si quelqu'un dit que les presbyteri Ecdente, que saint Jacques recommande d'appeler pour oindre le malade, ne sont pas des prêtres ordonnés par l'évê­ que, mais des anciens dans chaque communauté, et que, par consequent, le pro­ pre ministre de l'extrême onction n'est pas le prêtre seul, qu’il soit anathème. Ce canon achève de préciser le sens du texte de saint Jacques ct d’exposer la doctrine véritable. Selon les protestants, les seuls prêtres de la primitive Église étaient les anciens; aucun caractère sacerdotal ne les distinguait des autres fidèles. C'est donc des an­ ciens seuls qu’il peut être question dans l'Épitre de saint Jacques. Le concile définit qu’il n’en est rien, que saint Jacques avait bien en vue, comme le pense l’Églisc, de vrais prêtres, ayant reçu l'ordination; cl, dans le c. lu, Il rappelle, à cc sujet, le texte de la Ir· Épitre à Timothée, iv, 1 1, qui établit une distinc­ tion entre ceux qui ont été ordonnes per impositionem manuum presbyterii cl les autres. Pour le présent, le concile définit que le prêtre est seul vrai et propre ministre du sacrement de l'extrême onction. /) Sujet de l’extrême onction. — Les canons ne lou­ chent pas cette question; mais le c. ni, Denzinger- 2007 EXTRÊME ONCTION CHEZ LES THEOLOGIENS POSTÉRIEURS Bannwart, n. 910, enseigne, en opposition avec cc (pie prétendaient les protestants, que cc sacrement doit être donné, non pas à tous les malades indistincte­ ment, mais à ceux-là seuls qui sont en danger de mort ; c’est pour celte raison, remarque-t-il. que l’on donne à l'extrême onction le nom de sacrement des mourants. Il enseigne de plus que cc sacrement peut être réitéré < si les malades, après l’avoir reçu, reviennent à la santé... ct tombent ensuite dans un danger sem­ blable. · II. Les théologiens postérieurs au concile de Trente. — Le concile, en fixant la doctrine catholique sur l’extrême onction, n’avait eu pour but que de repousser les erreurs protestantes; mais il avait laissé subsister, sur les points qui n'étaient pas touchés par l'hérésie, les incertitudes qui déjà aupa­ ravant divisaient les théologiens. Ie Institution. — Le concile avait défini le fait de l'institution divine du sacrement de l’extrême onction ; mais il n’en avait pas indiqué le moment, pas plus qu’il n'avait invoqué de témoignage évangélique en faveur de son affirmation. Les termes dont il s'était servi en parlant du texte de saint Marc,vi, 13, étaient, en effet, choisis à dessein de manière à nc paraître ni repousser ni imposer l’une ou l’autre des interpré­ tations qu’on en donnait. Plusieurs théologiens ou exégètes persistèrent donc à voir dans cc passage l’attestation de l’institution par Jésus-Christ du sacrement des malades. Maldonat va jusqu’à attaquer l’interprétation opposée comme favorisant imprudemment l'hérésie en supprimant le seul témoignage évangélique de cc fait. Comment in. quatuor euangelistas, Paris, 1617, t. i, p. 100; Disput. ct controu. circa septem Ecclesia romanæ sacramenta, Lyon, 1614, l. n, p. 203. De Sainte-Beuve soutient la même opinion. Tractatus de sacramento unctionis infirmorum extremæ, disp. II, a. 1, dans Mignc, Theologia cursus completus, Paris, 1840, t. xxiv, col. 19-24, Mais elle n’a jamais été commune. La très grande majorité des théologiens ct des commentateurs, sc rapprochant davantage des expressions employées par le concile de Trente, voient dans l’onction donnée par les apôtres pour la santé du corps une figure ct une ébauche de l’onction sacramentelle conférée pour la santé de l’âme. Ainsi Bellarmin, Controu. de sacra­ mento extrema unctionis, c. n, Paris, 1872, t. v, p. 7-8; Eslius, In IV Sent., I. IV, dist. XXIII, § 3, Paris, 1696, t. ni, p. 287; Corneille de la Pierre, Comment, in quatuor Euangelia, Anvers, 1695, p. 592; dom Calmcl, Commentaire littéral sur la Bible, Paris, 1726, t. vu, p. 322; Knabcnbaucr, Comment, in Euangelium secundum Marcum, dans Cursus Scriptura sacra, Paris, 1894, p. 163; Sassc, Institutiones theologica de sacramentis Ecclesia, Fribourg-cn-Brisgau, 1898, t. n, p. 260; Kern, De sacramento extremæ unctionis, Ratisbonnc, 1907, p. 79-80. Mais alors oil trouver la preuve de l'institution divine ct comment rattacher cc sacrement à une volonté positive de Jésus-Christ? D’anciens théolo­ giens avaient pu soutenir l’hypothèse d’une institu­ tion médiate; depuis le concile de Trente, cette posi­ tion était insoutenable, particulièrement en ce qui concerne le sacrement de l’extrême onction, puisqu'il distingue expressément le rôle de saint Jacques qui l’a promulgué de celui du Christ qui l’a institué, ixs théologiens ont alors creusé davantage une expression que le concile avait empruntée à saint Bonaventure, a savoir que ce sacrement est insinué en saint Marc; ils ont cherché le sens de ce mot ct leurs recherches les ont mis sur la bonne voie. ■ En considérant l'interprétation des anciens docteurs, interprétation qui a été confirmée par le concile de 2008 Trente, dit le P. Kern, op. cil., p. 80, on a le droit d’affirmer que le Christ a fait dépendre la guérison miraculeuse des malades du rite de l'onction pour préfigurer et insinuer le sacrement qui devait guérir les malades dans leur âme ct, si c’est utile, dans leur corps. » Or, en l’absence de témoignage évangé­ lique plus formel et étant donne l'insuffisance des documents écrits, cela suffit à M Pourrai, La théologie sacramcntaire, Paris, 1908, p. 282 sq,, pour trouver le fait initial posé par Jésus duquel devait sortir notre sacrement de l'extrême onction ct pour supposer en Jésus la volonté de remettre au malade les péchés, causes de sa maladie, en même temps que l’onction lui rend la santé. L’Évangile n’est donc pas complète­ ment muet sur l'institution de l'extrême onction; il montre, quoique imparfaitement, comment cc sacre­ ment se rattache à la volonté de Jésus. 2° Matière. — 1. Matière éloignée. — C’est l’huile bénite par l’évêque. Concile de Trente, sess. XIV, De extrema unctione, c. i, Denzinger-Bannwart, n. 908. Les théologiens ont diversement interprété cette phrase du concile. Certains ont pensé que la béné­ diction de l'huile était seulement de précepte ct qu’en cas de nécessité on pourrait validcmcnt donner l’extrême onction avec de l’huile ordinaire; ainsi Jucnin, Comment, hislor. ct dogmat. de sacramentis, diss. VII, q m, c. i, Lyon, 1717, p. 536; de SainteBeuve, De sacram, unctionis infirm, extremæ, disp. III. a. 1, dans Mignc, Theol. cursus completus, t. xxiv, col. 87; Drouin, De rc sacramcnlaria contra hærelicos, I. Vil, q. n, c. i, § 2, Paris, 1775, t. vu b, p. 67. L’autre opinion est que la bénédiction est essentielle à la validité du sacrement; elle csl plus conforme aux témoignages de la tradition, à la pratique de l’Église ct au texte des conciles; clic est soutenue par la plupart des théologiens; clic a, de plus, en sa faveur deux décisions positives du Saint-Office : l’une, du 13 janvier 1611, condamne comme téméraire ct proche de l’erreur une proposition affirmant la validité de l’extrême onction faite avec de l’huile non bénite par l'évêque; l’autre, du 14 septembre 1842, déclare que, même en cas de nécessité, un curé nc peut sc servir validcmcnt d’huile qu’il aurait bénite lui-même. Denzinger-Bannwart, n. 1628, 1629. Quelques théologiens, Suarez, De sacramentis, part. II, disp. XL, sect, i, n. 8, Venise, 1748, t. xix, p. 430. ct Estius, In IV Sent., 1. IV, dist. XXIII, §9, Paris, 1696, t. in, p. 292, ont même pensé que la bénédiction épiscopale est tellement nécessaire que le pape nc pourrait déléguer un simple prêtre pour cette fonction. C’était condamner comme invalide l’extrême onction telle qu'elle est donnée dans l’Église grecque, puisque celle-ci attribue aux prêtres le pouvoir de bénir l’huile des malades. Mais en présence des approbations données par les papes à cette particularité des rites orientaux, cette opinion nc peut sc soutenir. Déjà en 1595, Clément VIII avait public un décret concer­ nant les Italo-Grccs, ct il déclarait qu'on ne doit pas obliger leurs prêtres à faire bénir par les évêques d’autre huile que le saint chrême. Magnum bullariiim romanum, Luxembourg, 1742, t. m, p. 52. Cc decret fut renouvelé par Benoît XIV dans sa constitu­ tion lvii, Etsi pastoralis, § 4, Bullarium Benedicti papx X /V, Malines, 1826, t. i, p 353 Divers synodes orientaux approuvés par les souverains pontifes ont consacré cet usage; un synode de la province de Russie de rite grec uni, tenu à Zamosc en 1720, croit devoir le maintenir à cause de son antiquité, Collectio laccnsis, Fribourg-cn-Brisgau, 1876, t. n, p 36; le synode du Mont Liban en 1736 confirme aux prêtres le pouvoir de bénir l’huile des malades dans le cas où l’huile bénite par l’évêque viendrait ù faire defaut, ibid., p. 150; le concile du patriarcat grcc-mclehitc catho- 2009 EXTRÊME ONCTION CHEZ LES THÉOLOGIENS POSTÉRIEURS 2010 lique, en 1812, ordonne aux prêtres de sc conformer I vcrsellcmcnt admise de son temps: 1ta censentnodrte ætatis eruditi pene omnes, volunique unicam unctionem aux prescriptions des cucologcs relativement Λ la cum forma universali conjunctam ad essentiam sacra­ bénédiction do Finnic. Ibid·, p 582. C’est en vertu d'une concession tacite du pape que les prêtres de menti sufficere. 11 reste cependant un doute ct celte opinion, si rite grec agissent ainsi; il en résulte que le pape a le probable qu'elle soit, n'est pas regardée par tous droit de la leur accorder, comme certaine. Ainsi, parmi 1rs théologiens récents. 2. Matière prochaine. — C’est Ponction faîte avec Billot, De sacramentis Ecclesiæ, Borne, 1897, t. n. l'huile bénite sur diverses parties du corps du malade. Le concile de Florence avait déterminé le nombre p. 235, note 2, attribue à l'opinion opposée une plus grande probabilité; Susse, Irudilutiona thenlogicæ de de ces onctions ct les organes qu'il fallait oindre. sacramentis Ecclesiæ, Fribourg-cn-Brisgau, 1898, p 263, Denzinger-Bannwart, n. 700. pense le contraire; Noldin, Summa theologia moralis, Les théologiens se demandèrent si toutes ccs onc­ Inspnick, 1911, t. ir, p. 526, ct Kern, op. cil., p. 133 sq., tions étaient également essentielles pour la validité du sacrement, Bellarmin, Controu. de extrema un­ considèrent comme certain qu’une seule onction ctione, c. x, Paris, 1872, t. v, p. 20, demeurant fidèle à suffirait à la validité. 3° l'orme. — Saint Jacques, v, 15, semble l’indiquer la tradition scolastique, jugeait qu'il fallait considérer par ces mots : oralia fidei. Ix concile de Florence, comme telles nu moins les onctions faites sur les cinq Deer, pro armenis, Denzinger-Bannwart, n. 700, re­ sens. Mais bientôt les études d’érudition firent mieux connaître les usages anciens et étrangers dans l'admi­ produit complètement la forme employée mainte­ nant encore dans l’Église latine. Le concile de Trente, nistration des sacrements et révélèrent la diversité très grande des rites cl des formules, en particulier sees. XIV, De sacramento extremæ unctionis, c. i, Denzinger-Bannwart, n 908, en donne les premiers pour cc qui concerne Text reine onction. On apprit mots : Per istam unctionem, etc. que, bien loin d'etre universelle, la pratique d'oindre Ces deux décisions de l’Église n'ont jamais été les cinq sens souffrait ou avait souffert d’assez nom­ regardées par les théologiens comme impo*ant une breuses exceptions, non seulement dans l’Église formule à l’exclusion de toutes les autres sous peine grecque, mais dans l’Église latine elle-même, que de nullité du sacrement Mais plus on découvrit dans parfois on sc contentait d'une seule onction, tandis les anciens rituels ou dans les eucologes grecs de que certains rituels les multipliaient outre mesure. formules autrefois ou encore en usage, plus la largeur Marlène, De antiquis Ecclesiæ ritibus, 1. I, c. vu, des anciens scolastiques parut sage. Aussi, depuis le a 3 sq., Rouen, 1700, t. n, p. 115, 127, 132, 111, 116, concile de Trente, nc trouve-t-on pas une seule voix 157, 160, 167, 185, 188, 191, 197, 226, 239; (Arnauld, discordante. Dans toutes les formes déprécalivcs, Nicole et Renaudol), Perpétuité de la foi de Γ Église catholique sur les sacrements, Paris, 1841, t. m, col. indicatives ou impératives que publiaient des savants, 920-929; Jean de Launoy, De sacramento unctionis comme dom Marlène, De antiquis Ecclesiæ ritibus, infirmorum, explicata Ecclesiæ traditio circa partes I 1, c. vu. a. L Rouen. 17’»num non solum in /eminis, sed etiam in viris, pror­ SCSS. XIV, De extrema unctione, c. I, ibid., n. 908, el uis omittenda est, n. 449, p. 527. Il faut résoudre prescrite par le rituel romain, est la suivante : Per chaque cas d’après les possibilités, en tenant compte istam sanctam unctionem et suam piissimam misericor­ «les usages, mais en cherchant à sc rapprocher le plus diam indulgent tibi Dominus quidquid per visum (audi­ possible des prescriptions du rituel. tum. odoratum, gustum ct locutionem, tactum, gressum, Quant à la manière dont doivent sc faire les onc­ lumborum delectationem) deliquisti. Amen. Cette for- •Λ917 EXTRÊME ONCTION. QI ESTIONS MORALES ET PRATIQUES untie doit être répétée intégralement ft chaque onction, sans autre changement que celui des mots indiquant les diverses onctions. Il n’est pas pci mis, sous peine de péché mortel.d’y faire une modi heat ion ou une sup­ pression notable, par exemple, d’omettre les mots : cl suam piissimam misericordiam. S. Alphonse, n 711, p. 726. 2° Dans its cas d'urgence extrême, — Les moralistes proposaient autrefois, pour Punique onction à faire en cas de nécessité, des formules assez compliquées. Saint Alphonse, suivi en cela par la plupart des théo­ logiens postérieurs, imposait la formule suivante : /Vr islam sanciam unctionem, etc., indulgent tibt Drus quidquid deliquisti per sensus, visum, auditum, (justum, odoratum ct tactum, n. 710, p. 722. La raison était que plusieurs tenaient pour essentielle, soit la mention des sens en général, soit même la mention de chaque sens en particulier. Le Saint-Office a levé tous les doutes par son décret du 23 avril 1906, où il décide : in casu verre necessitatis sufficere /ormam : Per istam sanctam unctionem indulgent tibi Dominus quidquid deliquisti. Amen. Denzinger-Bannwart, n. 1996. Il en résulte que rien d’autre n’est essentiel à la validité dans la forme du rituel. III. Ministbe. — 1° Qui est-il? — Au point de vue de la validité, tout prêtre, en vertu de son pouvoir d'ordre, ct le prêtre seul, peut administrer l'extrême onction. Concile de Florence, Denzinger-Bannwart, n. 700; concile de Trente, sess. XIV, De extrema un­ ctione, can. 4, ibid., η. 929. Au point de vue de la licéité L'administration de l'extrême onction est un acte du ministère pastoral; elle est réservée à ceux qui ont charge d’âmes, à l’évêque dans son diocèse, au curé dans sa paroisse, au supérieur religieux dans sa maison. Empiéter sur le droit du pasteur et donner l’extrême onction sans son assentiment serait pour tout prêtre un péché grave. S. Alphonse, n. 722, p. 731. L’Église protège même officiellement ce privilège en frappant d’une excommunication simplement réservée au pape les religieux qui le violeraient : religiosos prxsumentes clericis aut laids extra casum necessitatis sacramentum extrenue unctionis vel eucharistiae per viaticum mini­ strare absque parochi licentia. Bulle A postaliac sedis, 4 octobre 1869, n. 1 1. Ccs prohibitions et ccs péna­ lités cessent évidemment si le curé a donne son auto­ risation, ou encore dans le cas de nécessité, si, par exempte, en l’absence du curé, il était urgent de don­ ner l’extrême onction à un malade. Les moralistes exceptent également le cas où le curé refuserait sans motif valable d'administrer cc sacrement; l'évêque ou le souverain pontife sont censés accorder l’autori­ sation nécessaire. S. Alphonse, n. 723. p. 731; Ballcrini-1’almicri, Opus theologicum morale, tr X. sect \ι, .i 33, Prato. 1X92. I v. p 69Z 2° Ses devoirs, — 1. Devoir d'administrer l'extrême onction. — Le cure est tenu en justice et sub gravi d’administrer l'extrême onction aux malades qui la demandent et qui sont dignes et capables de la rece­ voir. Cette obligation lui incombe, même au risque de sa vie, si l'cxtreine onction, étant donné l'état du malade, est pour lui le seul moyen de salut, dans le Cas, par exemple, où un malade, qui ne s'est pas con­ fessé depuis longtemps el se trouve probablement en étal de péché mortel, perd connaissance et ne peut plus se confesser. S. Alphonse, n. 729. p. 738. Le devoir du cure va même plus loin; il ne doit pas attendre qu’un malade lui demande l’extrême onction; >1 lui appartient de sc renseigner pour connaître ceux qui ont besoin de ce sacrement, de leur rappeler te bien qu'ils en peuvent attendre, de les exciter à le rece­ voir; la négligence sur ce point pourrait devenir péché mortel. Eliam graviter peccat (parochus) si prudentem DICT. ÜE THÉO!,. CaTIIÛI. 2018 diligentiam non adhibet ut aegroti, qui sui incani sint, tempestive admoneantur et adjuventur hoc « aeramento. P. Hilaire de Scxlcn, Tractatus pastoralis de sacra­ mentis, Mayence, 1895, p. 37 L Cf Lehmkuhl, n. 579, p. 108. Pour un prêtre autre que te curé, il n’y a qu’une obligation de charité plus ou mois grave selon le cas. 2 Devoir de Γadministrer sans retard. — Le curé se rend gravement coupable si, de parti pris, il différé de donner l’extrême onction jusqu’au moment ou te malade a perdu connaissance. Catechismus concilii Tridentini, part. II, sect vî, De extremas unctionis fi­ eramento, n. 18; S. Alphonse, n 729, p. 739. Ce serait, en effet, exposer te malade ï mourir sans avoir revu ce sacrement ou à le recevoir dans des dispositions imparfaites ct douteuses; cc serait 1e priver de cer­ tains effets du sacrement. Constat enim, dit te Caté­ chisme, loc. cit., ad uberiorem sacramenti gratiam percipiendam plurimum valere si aegrotus, cum in eo integra mens el ratio viget, fidemque et religiosam animi voluntatem afferre potest, sacro oleo liniatur. 3. Devoir de l'administrer selon les prescriptions liturgiques. — Le rituel doit être observé, et dans les cérémonies qu’il prescrit, ct dans les prières qu’il or­ donne. Les deux points suivants sont d'une gravité spéciale. Une omission notable des prières qui pré­ cèdent ou suivent les onctions, en dehors du cas de nécessité, serait un poche mortel. S. Alphonse,n. 727, p. 737. Il y aurait également péché mortel à admi­ nistrer l’extrême onction, en dehors du cas de néces­ site, sans le surplis et l’étolc; l’étole seule ne suffi­ rait pas. S. Alphonse, n. 726, p. 737 ; S. C. des Kites, ! 16 décembre 1826, Decreta authentica, η. 2650; SaintOffice, 11 décembre 1850, Collectanea S.C.de PropaI ganda fide, n. 1161. IV. Sujet. — 1° Qui peut validement recevoir ïexI trême onction?— Il faut être baptisé. Mais aussitôt le baptême, un adulte peut recevoir l’extrême onction. S. C. de la Propagande, 26 septembre 1821. Collecta­ nea, η. 1157. ft condition qu’il ait quelque connaissance de ce sacrement ct quelque intention de le recevoir. Saint-Office, 10 mai 1703, Collectanea, n. 1155. 11 faut avoir ou avoir eu l’usage de h raison; les effets de l’extrême onction 1e supposent, puisque cc sacrement est surtout institué pour enlever les restes I du péché. Les enfants ne peuvent donc être admis à le recevoir, s'ils n'ont l’usage de te raison; ct, par contre, on n’a pas le droit de le leur refuser dès qu’ils ont pu commettre quelque péché. Tel a toujours été l’enseignement des théologiens, voir les articles précé­ dents; ct si une rigueur exagérée s’est parfois intro­ duite dans 1a pratique sur cc point, elle n’a jamais pu sc justi lier par aucun principe théologique, elle n’a jamais été autorisée par l’Église. Le decret Quam sin­ gulari de la S. C. des Sacrements. 8 août 1910, Ana­ lecta ecclesiastica, 1910, p.335, a sanctionné la doctrine et réprimé les écarts en déclarant : VII/. Detestabilis omnino est abusus non ministrandi viaticum et extre­ mam unctionem pueris post usum rationis cosque se­ pelire ritu parvulorum. In cos qui ab hujusmodi more . non recedant, ordinarii locorum severe animadvertant Si l'on doutait qu’un enfant ait l’usage de la raison, on devrait lui administrer l’extrême onction sou> condition; et, remarque très justement Lchmkuhl, n. 576, p. 106, il y a là pour te prêtre une obligation 1res grave, puisque, dans l’hy|>othèsc où l'enfant au­ rait commis quelque péché mortel, l’extrême onction est te seul moyen absolument sûr de l’effacer Quant aux adultes, peu Importe qu’ils aient ou non l'usage de la raison au moment où on leur donne le sacre­ ment ; il suffit qu’ils l'aient eu ct aient pu, par consé­ quent, souiller leur âme de quelque faute. S. Alphonse, n. 732, p 711. IHaut être atteint d’une maladie ou d une blessure V - lit 2019 EXTREME ONCTION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES grave qui met la vie en danger; l’extrême onction «t, en effet. le sacrement qui prépare à mourir, ct ce serait un non-sens dc la donner à ceux qui sont en bonne santé ou qui soutirent d’une maladie qui nc présente aucune gravité; le sacrement serait invalide. Concile de Florence, Denzinger-Bannwart, n. 700; concile de Trente, sess. XIV. Dc sacramento extremie unctionis, c. ni» ibid., n. 010. Chez ks grecs schismatiques, mais non chez les Busses, s’est intro­ duite abusivement, depuis le xiv· siècle, la pratique de donner l’huile bénite non seulement aux malades, mais même aux personnes bien portantes pour les préparer à la communion. Voir J Kern, Zur Contro­ verse der kalholischen und griechisch-orlhodoxen Théologen über das Subject der heiligen Œlung, Inspruck, 1906; G. Jnequemier, L'extrême onction chez les grecs, dans les fcchos d*Orient, 1898, t. il Lc danger dc mort peut être plus ou moins imminent; il suffit qu’il existe S Alphonse, n. 711, p. 729. iai vieillesse équi­ vaut à une maladie dangereuse, lorsqu’elle peut amener la mort d’un jour à l’autre. Debet hoc sacra­ mentum infirmis praeberi qui.., (am graviter laborant ut morth periculum imminere videatur, el iis gui prie sento deficiunt et in diem videntur morituri, etiam sine alia infirmitate. Rituel romain, Rub. dc sacramento cxtrenur unctionis. Les moralistes se posent ici une foule dc questions pour bien déterminer le péril dc mort qui justiîle l’administration de l’extrême onction; elles se résolvent facilement par le principe suivant : un danger que l’on va courir, une blessure grave on mortelle que I on va recevoir nc suffisent pas; il faut que la maladie existe présentement cl soit dangereuse, que la blessure ait été reçue cl puisse amener la mort. 2· Quelles dispositions sont nécessaires pour recevoir licitement et avec fruit Γextrême onction? — Il nc s'agit évidemment ici que des adultes qui ont gardé l’usage de la raison jusqu’au moment ou ils reçoivent Γ extrême onction. Pour les autres, les malheureux tombés dans la démence ou la folie, les malades prives de connaissance, une seule condition est exigée par le rituel, c’est qu’on puisse présumer qu’ils ont eu l’intention de recevoir ce sacrement avant de mourir. Infirmis qui, dum sana mente ct integris sen­ sibus essent, illud petierunt, seu verisimiliter petiissent, seu dederint signa contritionis, etiam si deinde loque­ lam amiserint, vel amentes effecti sint vel delirent, vel non sentiant, nihilominus praebeatur. Or, remarque Benoît XIV, De synodo diiccesana, I. VIII, c. vi, n. 5, Operti, Venise, 1767, l XI, p. 160. en l’absence de tout dgne de contrition et de tout indice positif, de quo­ libet fideli, de quo contrarium non constat, praesumen­ dum est fuisse hoc sacramentum petiturum, si potuisset. Lue seule restriction est imposée par le rituel, par mesure de précaution; si l’on a affaire à un dément, il faut s’assurer qu’il nc fera rien qui soit un manque dc respect envers le sacrement ct prendre les mesures en conséquence; autrement, il faudrait ne pas le lui donner Mais, saut celte restriction, on peut ct on doit rire très large pour accorder l’extrême onction au malade qui a perdu connaissance. Le rituel dit bien qu’on doit la refuser impie nitenti bus et qui in manifesto peccato mortali moriuntur. Cela même doit cire bien compris; il s’agit évidemment d’une impe­ nitence certaine, d une volonté gravement coupable qui jicrsévérc certainement . Mais, tant que le malade vit. la grâce intérieure peut agir et la volonté sc convertir. Alors meme qu’cxléricuremenl il a perdu connaissance, peut-on savoir si rien nc se passe dans v»n àmc. m un mouvement de repentir n’a pas changé la direction de sa volonté, alors que rien nc peut nlus le traduire au dehors? Meme dans cr cas donc, on peut, on doit itonner l’extrême onction. C’est la conclusioo très formelle de Lchmkuhl, n. 577, p. 407 : 2020 Quare excludi non debent ab extrema unctione sensibus destituti, qui parum Christiane vixerunt; neque qui in ipso actu peccati, signo pani(entire non manifestato, sensibus destituuntur; quibus quamquam S eucharistia danda non est, lumen cum conditionata absolutione extrema unctio omnino concedenda est. Nam si forte internum actum attritionis miser peccator habuit, tonge tutius, imo certo ejus satus procurabitur per unctionem, per absolutionem valde dubie. Ct Ballerini-Pahnlcri, Opus theologicum morale, n. 32, p. 696 sq. Quant à ceux qui sont capables de dispositions positives, les suivantes sont requises : 1 L'étal de grâce. L’extrême onction est, de sa nature, un sacre­ ment des vivants; ce n’est que par accident qu’elle efface les péchés mortels quand on n’a pu autrement en obtenir le pardon. El comme la confession est le moyen officiel dc pardon instil é par Jésus-Christ, seul sûr, obligatoire surtout au moment de paraître devant Dieu, il est nécessaire que le malade se confesse, si c’est possible, avant de recevoir l’extrême onction. S’il ne le peut cependant, la contrition parfaite suffirait, ou même, ù défaut de contrition, l’attrilion; l’extrême onction devient alors par accident un sa­ crement des morts. Noldin, n 159, p. 531.—2. Lc rituel exige de plus que le malade ait préalablement reçu le saint viatique. Illud in primis ex generali consuetudine observândum est, ut, si tempus et infirmi conditio permittat, ante extremam unctionem, pœnitenliic el eucharistie sacramenta infirmis priebeanhir Tous les moralistes admettent que cette prescription n’oblige pas sub gravi, ct (pie, si l’on a des raisons sérieuses de faire autrement, on peut Intervertir l'ordre. 3. L’extrême onct ion produira d’autant plus de fruits qu’elle sera reçue avec plus dc dévotion ct de confiance .Aussi le Catéchisme du concile de Trente, part II, sect, vi, n. 23-21. rccommnnde-t-il au curé d’inspirer au malade une haute estime de ce sacrement et de son eilicacité. Ægroto persuadere parochi stu­ deant ut ca fide sc ungendum sacerdoti pnvbeat, qua olirn qui ab apostolis samandi erunt seipsos offerre con­ sueverant In primis autem anima: salus, deinde corpo­ ris valetudo cum illa adjunctione : si ad aternam glo­ riam profutura esl, expetenda est. 3° Est-on obligé de recevoir l'extrême onction ? — L Obligation directe. extrême onction étant pour le malade la source dc biens surnaturels très précieux. Il est certain que le précepte dc la charité envers sol-même oblige Λ la recevoir Mais est-elle nécessaire au salut? A-t-elle été instituée comme un moyen obligatoire auquel le malade doit recourir sous peine de péché grave? Les théologiens n’ont jamais été d’accord sur ce point. La plupart nient qu’il y ait une obligation stricte ct directe de recevoir l’extrême onction; ils regardent comme un conseil cl non comme un ordre les paroles de saint Jacques : Inducat presbyteros Ecclesiae, v, 14; ils considèrent les secours el les privilèges conférés par l’extrême onction comme des grâces offertes plutôt qu'imposées par Dieu, comme des facilités précieuses ct non comme des moyens indispensables. C’est l’avis de saint Thomas. IIP Suppl . q. xxix, a. 3, ad Ie"; dc Suarez. Dr sacramentis, part. Il, disp XLIV, sect ι, η. I, Venise, 1748, t. xix, p. 455; d’Estlus, In IV Sent I IV, dist. XXIII, $ 15. Paris, 1606, l ni, p 296; de Sainte-Beuve, De sacramento unctionis infirmorum rxtrrnuv. disp. Vil, a 3. dans Migne, Theologiir. cursus completus, l. xxiv, col. 125. etc Lc P. Kern. De sacramento extrema·, unctionis, p. 304 sq.. sc range parmi les partisans de l’opinion contraire avec saint Bonaventure. Juenin, Tourncly, etc ; il croit que l’exlrenie onction est nécessaire ct, par suite, obligatoire sub gravi; il s'appuie princi­ palement sur le but pour lequel clic a été instituée : 2021 EXTRÊME ONCTION. QUEST. MORALES ET PRAT. — EXÜPÈRE (SAINT) ies luttes que le démon livre à l’homme qui va mourir, 1rs dangers qu’il fait couru h son âme à cc moment, l’incertitude dc l’étal do grâce et du salut ne per­ mettent pas de considérer comme facultatif le recours au moyen surnaturel qui seul peut donner force ct sécurité. L’Église a toujours vrillé â nc pas prendre position dans celte discussion. Le concile de Trente ne con­ damne que le mépris de ce sacrement. Scss. XIV, De extrema unctione, can. 3. Denzinger-Bannwart, n. 928. Les Congrégations romaines, plusieurs fois interrogées sur des cas particuliers, se sont contentées dc répondre, ou bien qu’il fallait introduire l’usage el l’estime de l'extrême onction â cause dc son utilité, S. C. de la Propagande, 12 septembre 1615, Collectanea, n 1152, ou bien que, pour des dillicultés spéciales, il y avait lieu de l’omettre. Saint-Ofllce, 23 mars 1656, Collectanea, n. 1153. Jamais elles n’ont tranché la question de fond. Dans ces conditions, la conclusion la plus sage semble être celle de Benoît XIV, De synodo dicccesana, 1. VI11, c. vu, n. 4, t. xi, p. 162 : Etsi expediat ut episcopus hanc controversiam declinet, indubitanter lumen asserere poterit non posse sine gravi culpa ejusmodi sacramentum aut contemni, aut cum aliorum offensione ct scandalo negligi ct pratermitti ; ...nec præterea incongruum esset addere facile sacramenti contemptum pnesumi in infirmo qui, cum vita periditetur, extremam unctionem sciens ct volens petere negligit, multoque magis si eam sibi a parocho exhi­ bitam recipere renuat. 2. Obligation indirecte. — Il peut y avoir, par acci­ dent. obligation grave de recevoir l’extrême onction : si le malade sc trouve en état dc péché mortel ct dans l’impossibilité de recourir au sacrement de péni­ tence; si le refus dc recevoir l’extrême onction peut devenir pour les assistants et le public une cause dc scandale. S. Alphonse, n. 733, p. 743. V. Réitération. — 1° Dans une maladie diffé­ rente — Les incertitudes dc l’ancienne théologie sont depuis longtemps dissipées; ct le concile dc Trente n’a fait que consacrer l’enseignement unanime des scolastiques, lorsqu’il dit : Quods i infirmi post susce­ ptam hanc unctionem convaluerint, iterum sacramenti hujus subsidio juvari poterunt, cum in aliud simile vitic discrimen inciderint. Scss. XIV, De extrema unctione, c. m, Denzinger-Bannwart, n. 910. Peu importe donc le temps qui s’est écoulé entre les deux maladies; le prêtre peut et doit, Noldin, n. 462, p 537, réitérer l’extrême onction. 2° Dans la même maladie. — Le rituel romain contient cette prescription : In eadem infirmitati hoc sacramentum iterari non debet nisi diuturna sit, ut si, cum infirmus convaluerit, iterum in periculum mortis incidat. Le Catéchisme du concile dc Trente, part. Il, sect. vi. n. 22. donne le même principe : In una eademque œgrolatiünc, cum eeger in eodem mortis pt viculo positus est, semel tantum ungendus est. Quodsi post susceptam hanc unctionem æger convaluerit, quoties postea in id vita· discrimen inciderit, toties ejusdem sacramenti subsidium ei poterit adhiberi. De ces textes, pleinement conformes Λ l’enseignement des théologiens depuis saint Thomas, III* Suppl., q. xxxin, a. 2, les moralistes concluent généralement qu’on nc peut réi­ térer l'extrême onction, si longue que soit la maladie, si elle n’est Interrompue par une amélioration notable qui écarte pour quelque temps le danger dc mort. S. Mphonsc, n. 715, p. 730; Ballerini-Pahnieri, Opus theologicum morale, η. 26, p. 691; Noldin, η. 462, p 537. etc. Lc P Kern. op. cit., p. 338 sq., est d’un avis difïérent. Dans une thèse très documentée ct fortement appuyée, il essaie de prouver que l’cxtrémc onction 2022 peut être réitérée souvent durant La meme maladie ct dans le même danger dc mort, in eadem infirmitate etiam manente eodem mortis periculo seepius conjerri posse. Quelle que soit la force de ses raisons, il ne semble pas qu’elles puissent prévaloir contre l’ensei­ gnement commun des théologiens, contre la pratique constante cl déjà ancienne de l’Églisc. contre le texte du rituel Celui-ci, sans doute, n’a pas toute la clarté désirable; le P. Kern, p 360, fait remarquer avec raison que le cas d'amélioration suivie dc rechute y est donné comme un exemple, ut si, ct non comme le seul cas possible. Il n’en est pas moins vrai que le rituel commence par poser en principe qu’on ne doit pas réitérer l’extrême onction durant la meme maladie, qu’à ce principe il n'indique clairement qu’une exception, et que la pratique el renseignement théologique considèrent cette exception comme unique. Il n’y a donc pas heu dc s’en écarter tant que l’Églisc n'en aura pas autrement décidé. S. Thomas. In IV Sent. I. IV, dist. XXIII; Sum theol.. Ill· Suppl., q. χχιχ-χχχιπ; Suarez, De sacramentis, part. 11, disp. XXXIX-XLIV, Venise. 1748 t. xix, p. 425-462; Benoit XIV, De synodo dicemana, I. VIII, c. ι-vu. Opera. Venise, 1767. t. XI, p. 151-162; de Sainte-Beuve, De sarru• mento unctionis infirmorum rxîrrmr, dans Mignc, Theolo­ gia? cursus completus, t. xxiv, coL ‘>132; S. Alphonse de U gu o ri, Theologia moralis, éditée ct annotée par le P.Gaudê. Rome, 1909, t. ni. p. 717-743; I^icroix, Theologia moralis, 1. VI. part. II. tr. V, Paris, 1874. t. m, p. 761-769; BalhriniPnlmicri, Opus theologicum morale in Busembaum medullam. tr. X, sect, vi, Prato, 1892. t. v p. 680-708; Bucccrotü. Institutiones thcologiic moralis, Rome, 1900, t. n, p. 287291; Enchiridion morale, Home, 1905, p. 411-117; Hilarius a Sexten. Tractatus pastoralis de sacramentis, Mayence. 1895. p. 558-583; Lrhmkuhl, Theologia morulis, Eribourgen-BrisgaU. 1898, l. il, p. 399-108; Gênicot. Theologia· mo­ ralis institutiones, Louvain. 1902. t. n. p. 156-465; Noldin. Summa theologia· moralis Inspruck, 1911, t. iii.ji. 519-538 Ojclli, Synopsis rerum moralium ct juris pontificii, Rome, 1911, col. 1952-1962; Kern. De sacramento criremtr un­ ctionis tractatus dogmaticus, Ralisbonnv, 1907. L. Godefroy. EXUPÈRE (Saint).— L Vie. IL Lettre au papi saint Innocent Ier. L Vie. — Au témoignage d’Ausone, un certain Exupère, dans le premier tiers du iv· siècle, pro­ fessa la rhétorique à Toulouse el à Narbonne, ct eut pour élèves les deux Ills de Dalmalius, frère d< Constantin le Grand, Annibalien ct Dalmatius. D’autre part, en 397, dans une lettre ù saint Arnaud, saint Paulin de Noie signale, près de Bordeaux, l’existence d’un prêtre, nommé Exupère, chargé dc l’église où reposait le corps dc son père et de sa mère. Epist., xn, 12, P. L., t. lxi, col. 206. Au com­ mencement du ve siècle, pendant l’automne dc 405, saint Jérôme est en relations avec Exupère, évêque dc Toulouse : Il reçoit de lui des lettres el des secours matériels; il lui écrit, lui dédie un de ses commen­ taires, ct parle plusieurs fois dc lui dans sa corres­ pondance dans les termes les plus élogicux. Baro­ nins n cru que le rhéteur de Narbonne, le prêtre dc Bordeaux et l’évêque dc Toulouse n’étaient qu’un seul el même personnage, successivement investi dc celte triple charge. Anncf/es,édit. Theiner, Bar-lc-Duc, 1864 sq., an. 405, n. 62, t. vi, p. 459. La chose en sol n’aurait rien d’impossible; mais cc qui la rend invraisemblable, c’est la longévité quelle implique; oiir les moines. Que contenait celle lettre? Jérôme nous l a laissé ignorer,rar il n’y a pas répondu; il a du moins témoigné sa gratitude, en dédiant ù l’évêquc de Toulouse le commentaire du prophète Zacharie, mquel il travaillait alors. In Zachariam, I. I, prol., P. L., t. XXV, col. 1115-1118. « Le frère Sisinnius, dit-il,/Md., I. Il,prol.,col. l iai, I 155, est pressé d'aller en Egypte afin d’y porter aussi l’odeur des suaves parfums que vous avez envoyée aux frères, et que les champs altérés soient arrosés, non par le fictive d'Éthiopie (le Nil), mais par les cours d’eau les plus abondants des Gaules. · Trois ans plus lard, en 409, le même lérùme, dans sa lettre à Agcrucchia, Epist., exxm, 16, P. L., t. xxn, col. 1057, 1058, déplore les ruines accumulées par les barbares dans les Gaules, cl ajoute : · Je ne puis sans verser des larmes pronon­ cer le nom de Toulouse; si jusqu’à cc moment elle n’a pis succombé, elle le doit aux mérites du saint évêque Exupère. · Dans sa lettre au moine Rusticus, écrite en 111, il s’exprime ainsi : · Le saint évêque dc Toulouse, Exupère, imitant la veuve de Sarepta, nourrit 1rs autres, tout en soutirant lui-même dc la (aim: le visage pâli par les jeûnes, il csl tourmenté par la him d'autrui; il a dépensé tous les biens du our apaiser les souffrances des pauvres. Nul pourtant n’est plu* riche que celui qui porte le corps du Seigneur dans une corlwillr ‘osier, ct son sang j 2024 dans une coupe dc verre. Epist., exxv, 20, P. L., t. xn, col. 1085. Assurément saint Exupère devait joindre à son éminente charité la vigilance pastorale qui prend soin de supprimer les abus, comme en témoigne sa lettre au pape innocent, ct dc maintenir la pureté dc la foi. Faut-il donc voir en lui le dénonciateur de Vigilance? Vigilance, en effet, troublait au commen­ cement du v« siècle le sud-ouest dc la Gaule; il avait été dénoncé à saint Jérôme, qui écrivait, en 401 : Miror sanctum episcopum, in cujus naroclda esse dicitur, acquiescere jurori ejus. Epist., crx, 2, P. L., t. xxn, col. 907. Jérôme ne nomme pas l’évêque, mais Dévie ct Vaissete ont cru qu’il s’agissait vrai­ semblablement de saint Exupère, étant donné que, parmi les questions qu’il adressait au pape Innocent vers la fin dc cette même année 101, l’une regardait l’incontinence des clercs, ct que celle-ci pouvait bien être motivée par l’une des erreurs de Vigilance. Histoire dc Languedoc, Toulouse, 1875, t. n, p. 88. 11 est difficile d’admettre cette hypothèse, car ni dans sa réponse aux prêtres Riparius et Desidcrius, les véritables dénonciateurs dc l’hérétique, ni dans son traité contre Vigilance, ni dans les passages où il fait l’éloge dc saint Exupère, saint Jérôme ne fait la moindre allusion à (’intervention dc l’évêquc dc Toulouse et à son zèle pour la défense de la foi. Exupère vivait-il encore quand les Goths s’em­ parèrent dc la ville dc Toulouse et en firent leur capi­ tale? On ne saurait le dire. Il avait eu du moins le temps d’achever l’édifice que son prédécesseur, saint Sylvc, avait commencé en l’honneur dc saint Sa­ turnin, fondateur dc l’Églisc dc Toulouse; il le dédia après y avoir transféré les restes dc l’évêquc-inarlyr, Surius, Vita· sanctorum, 1618, l. ix, p. 311, 312, non pour violer son repos par une témérité criminelle, observe Tillcmont, Mémoires, t. x, p. 620, mais afin qu’on l’honorût avec plus dc dévotion ct dc décence. Après sa mort, son nom, comme celui dc la plupart dc scs contemporains,devait être inscrit au catalogue des saints. Il n’y paraît pourtant pas encore dans cct amalgame de calendriers ct de martyrologes qu’est le Martyrologe dit hièronymien de la fin du νι· siècle; mais, dès la fin du ix% il se trouve dans celui d'Usuard, P. L., t. cxxiv, col. 515, d’où il csl passé dans le Martyrologe romain. Toulouse célèbre sa fête le 28 sep­ tembre; l’une des églises paroissiales dc la ville porte son nom. II. Sa letthe au pape Innocent Ier.— C’est une consultation adressée au pape sur divers points dc dis­ cipline, dc morale et d’Écrilure sainte; clic ne nous csl connue que par la réponse d’Innocent Irr, du 20 fé­ vrier 105, mais elle prouve que saint Exupère aima mieux, selon les règles dc la sagesse, consulter le pape (pie dc demeurer dans l’incertitude par la honte d’avouer ce qu’il ignorait ou dc décider téméraire­ ment par lui-même. Elle csl particulièrement impor­ tante pour l'hisloire dc la discipline ecclésiastique, dc l’administration des sacrements aux mourants rl du canon des Livres saints. Epist., vt, P. L., t. xx, col. 195-502. 1° Sur Γ incontinence des clercs. — A Toulouse du temps dc saint Exupère, comme à Taragone du temps d’Himérius, ct dans Ir sud dc l'Espagne ù l’époque du concile a sépara­ deprecari : quia rogare illos non delicti pa ndentia, sed tion et le divorce ne brisent pas le lien conjugal, mortis urgentis admonitio compellit; nec dignus est qui n t*-iljours été regardé comme indissoluble. L’est in morte accipere solatium, qui se non cogitavit esse en conséquence de celte doctrine, bien qu’elle ne moriturum. L’admission à la pénitence canonique soit pas rappelée ici, que le pape déclare qu’on doit était une faveur, une condition préalable pour ar­ séparer dc la communion, comme adultères, non river à la réconciliation Anale, qui donnait droit à seulement les divorcés qui sc remarient, mais encore la communion eucharistique et rétablissait officiel­ ceux qu’ils épousent ainsi. Quant aux parents, lement le pénitent au nombre des fidèles; on accor­ ajoute le pape, on ne peut les condamner que sur de dait donc la pénitence, mais on refusait la communion, preuves certaines qu’ils ont coopéré à ccs unions qui était la preuve certaine dc la réconciliation. L’ab­ illicites. solution remissive des péchés était celle qui suivait 7° Sur le canon de Γ Écriture. — Saint Jérôme l’aveu du coupable et accompagnait l’imposition dc avait raison de vanter l’amour dc saint lixupèrc pour la pénitence, voir l. i, col. 160; quant à la réconci­ l'Écriture sainte. L’Église de Toulouse comptait à liation fin de. elle était, en même temps que la réad­ celte époque, parmi les hommes ct les femmes, des mission du pénitent à la communion dc l’Églisc,une es rits avides de s’instruire; cc qui prouve que l’amour 2027 EXUPÈRE (SAINT) de la science sacrée marchait de pair avec le zèle de la perfection monastique. C’est ù deux moines toulou­ sains, Minervius cl Alexandre, que saint Jérôme écrivait : < Sisinnius m’a remis beaucoup de questions venant des frères et des sœurs qui sont dans votre province. > Epist., cxîx, 1, P. L., L xxii, col. 966. L’évêquc devait donner l’exemple. Il demanda au pape la liste exacte des livres reçus dans l’Églisc; il ignorait sans doute la liste déjà dressée par le pape Damasc. Quoi qu’il cn soit, la liste que dressa le pape innocent est la reproduction, et presque dans le même ordre, de celle du pape Damasc, telle qu elle se trouve dans le c. Ier du décret de Gélasc. Cf. Thiel, De decretali Gelasii papx, Braunsberg, 1866, p. 21 ; Labbe, Concit., 1671, I. iv, col. 1260. Baruch n’y est pas plus nommé que dans le décret gélasicn, vrai­ semblablement parce qu’on ne le séparait pas de Jérémie; mais tous les dcutérocanoniqucs de l’Ancicn ct du Nouveau Testament s'y trouvent, et cc cata­ logue est de tous points conforme à notre canon ac­ tuel. Voir t. n, col. 1592. Si, parmi les apocryphes ou les livres condamnés, Innocent signale dans sa ré­ ponse ceux qui ont été publiés par Lcucius sous les noms de Matthieu ct de Jacques le Mineur ou sous ceux de Pierre ct de Jean, ct par les philosophes Nexocharide ct Léonidas sous les noms d’André ct de Thomas, c’est sans doute parce que, dans la lettre de saint Exupère, il avait été question d’eux. Acta sanctorum, Paris, 1867, scptcmbrls t. vu, p. 583589; Usunrd, Martijrologium, P. L·., t. cxxiv, col. 515; Baronius, Annales, Mit. Theincr, Bnr-le-Duc, t. vi, p. 159; dom Devie ct Valstete. Histoire de Languedoc, Toulouse, 1872 sq., t. î, p 338, 374; t.n, p 87; Tillcmont, Mémoires pour servir à rtiistolre ecclésiastique, Paris, 1705-1707, t. x, p 617-620. 641-643, 825. 826; t xu, p 258, 285, 322; Duguct, Conférences ecclésiastiques, Paris, 1742, t. n, p. 5053; Smith ct Wncc, Dictionary of Christian biography; Real· •nqjctopadie; Kirchenlexlkon; U. Chevalier, Répertoire. Rio· bibliographie, Paris, 1905, t. 1, col. 1444. G. B abeille. EYMARD Étienne, né et mort à Forcalquler(16971767), oratorien janséniste, publia quelques ouvrages sur les controverses religieuses du temps, comme une Lettre sur la théologie de Poitiers, une Lettre sur les conférences quatre Évangiles ct sur les Épitres aux Hébreux, aux Galates ct aux Romains, un traité contre ceux quf invoquent les démons, des ouvrages sur la Juridiction de l’Églisc ct celle des inquisiteurs, des traités sur Te pouvoir du pape, le pèche originel ct la concept on de la sainte Vierge, sur la double nature du Christ ct sur la trinité des personnes, ou le Père, ic Fils ct le Saint-Esprit sont-ils dans l’eucharistie, divers écrits contre les disciples de Lullc, contre ceux qui fixent la date de la fin du monde, un Elucitfartum eluctdarii, une Confessio fidci Christiana:, un traité de la sancti­ fication de la sainte Vierge, un ouvrage sur 22 articles du Maître des Sentences eu on n’enseignait plus communément de son temps. Son Directorium inqui­ sitorum, écrit à Avignon cn 1370, lut imprimé à Barcelone cn 1503, mais l’édition est mauvaise. Fr. Pena le réédita avec îles notes ct des commentaires, Rome, 1578, 1587, 1597: Venise 1591, 1607. Le P. Denlflc a dressé la liste des manuscrits de cet ouvrage. Archii* für Literatur- uncf Ktrchengcschichte, Fribourg-cn-Brisgnu, 1891, t. î, p. 113-115. La vie de Dalmace Môner, maître des novices d’Eymcrlc (•J-1311), composée par lui, a été éditée par Diagus, Historia prouinciæ A ragoniæ, Barcelone, 1599, t. î, I p. 259-265. Vie par Prfin dans l’édition du Directorium, Rome, 1578; Echard, Scriptores ordinis praedicatorum, Paris, 1719, t. î, p 709-717; Grube, dans le Kirchenlcxikon, 1886, t. iv. col. 1155-1156; Hurter, Nomenclator, 3 édit., 1906, t. n. col. 710-712. E. Mangenot. ÉZÉCHIEL (Livre o ). Bible hébraïque: Y<·hêzqêL Le troisième des NrbVîm gedôltm, grands pro­ phètes », cf. Eccli., XLViii, 25-xlix, 12; le deuxième selon Daba Dalhra, Il 6-15 a, entre Jérémie ct Isaïe, parce que ■ Jérémie ne parlant que de ruine, Ézéchiel commençant par la ruine ct sc fermant par la consolation. Isaïe ne parlant que de consolation, il faut unir la ruine à la ruine ct la consolation à la conso- 2029 ÉZÉCIIIEL (LIVRE D’) lation. » Voir B. Corncly, Introductio, Paris, 1897, t. n, 2, p. 287, n. 3; O. Wlldcbocr, De tu formation du canon de Γ Ancien Testament, trad, franç., Lausanne, s. d., p. 10. — Bible grecque : IEZEKIII \ (προφήτης, Alexandrinus). Έζςκιή) : Grégoire de Nazianzc, Carm., 1, 12, P. G., t. xxxvii, col. 172; pseudo-Athanasc, Synopsis, P. G., t. xxvin, col. 283. Placé quelque­ fois après Daniel : Méliton de Sardes, cf. Eusèbe, //. E., iv, 26, P. G., t. xx, col. 397; Origéne, M ps. /, P. G., t. xu, col. 1081.— Bible latine : Ezcchiel (S. Hilaire de Poitiers, Zn psalmos, proL, 15, P. L., t. ix, col. 211 : Ezekiel). Quelques catalogues le placent aussi apres Daniel : S. Hilaire, ibid., toc. cit.; S. Augustin, De doctrina Christiana, n, 8, 13, P. L., t. xxxiv, col. Il; catalogue de Mommsen (Chel­ tenham), Preuschen, Analecta, Leipzig, 1893, p. 139; cf. les manuscrits : Bibliothèqu nationale, fonds latin, 229, 165. Quelques Bibles du haut moyen âge lui font ouvrir la série des prophètes : bibliothèque de l’Arscnal, 588; Munster, 2; Rouen, J (Dan., Ez....); Bâle (Université) B. I, 1-3; B. N., 97, 135, 157; Audi, 1; Douai, 6. S. Berger, Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen àye, Paris, 1893, p. 331 sq. — I. Texte ct versions. II. Canonicité. 1 H. Auteur ct date. Style. IV. Contenu prophétique. V. Enseigne­ ments doctrinaux. VI. Commentateurs. 1. Texte et versions. — n texte. — 1° État de conservation. — En présentant au public le li­ ber Ezcchiclis dans son texte massorètlquc, Franz Delitzsch le jugeait præ reliquis libris recensionem criticam postulare. C’était avouer que le texte hébreu de cc livre avait soufTert par le fait des transcriptions depuis le moment où il avait été fixe par la Massorc. 11 faut dire que cc texte avait bien plus soulTcrt en­ core antérieurement à cette date, cl qu’il sc range, au moins pour certaines parties, au nombre des textes de ΓAncien Testament qui sont le plus corrompus. C. 11. Cornill, Das Buch des Propheten Ezcchic herausgcgcbcn, Leipzig, 1886, l’a restitué cn accordant aux LXX une haute valeur corrective, mais cn lui faisant subir de trop nomoreux changements. Cf. P. de Lagarde, Mitleilungen, Gœllinguc, 1887, t. n, p. 19-64. Bcrtholct, Das Pitch Hrsekicl, Fribourg-en-Brisgau, 1897; Toy, The book of Ezcchict in Hebrew, with notes, Leipzig, 1899; Krützschmar, Ezcchict ubcrsclzl und erklârl, Gœtlinguc, 1900, sc sont montrés plus con­ servateurs à l’égard du texte hébreu. G. Jahn, Dus Each Ezcchict au/ Grund des LXX hcrgestctlt, Leipzig, 1905, a fait usage surtout de la conjecture critique cl sa · restitution » ment à son litre. Cf. crthok't, Theoloyischc Litcraturzcilung, 1907, n. 2, col. 35-37. D. Bothslein, Das Buch Ezcchict dans K autzschj Die Hcilige Schri/t des Allen Tes aments Übcrsetzt und hcrausgegrben, Tubinguc, 1909, t. î, p. 813 sq., a fait un judicieux ct prudent emploi des anciennes versions ct de la conjecture critique p »ur la correction du texte, sans prétendre Λ une solution définitive. Les passages les plus altères sont les suivants : î, 1-28; vu, 1-13; xvi; xix; xxi, 13-22; χχιν, 1-11; xxv-xxxn (plus particulièrement xxvin, 11-19; xxxit, 1-21); xl, 5-xi.iii, 12. Le texte a été aussi abondamment glosé. 2030 bauer, Comm, in Ezcchietem prophetam, Paris, 1890, p. 11. Il comporte quelques formes grammaticales spéciales assez fréquentes qui le rapprochent de i’aramécn. Cf. Smend, Der Prophet E^chiel, Leipzig, 1880. p. xxvin sq.; Ked, op. cit., p. 55 sq. 3® Forme littéraire.— Le livre csl écrit cn prose pour sa majeure partie. Çà ct là seulement quelques mor­ ceaux poétiques s’enlèvent sous une tonne ryth­ mique où l’on doit reconnaître des vers. Ainsi xvni, 3-15, 19-21; xrx, 2-14; xxi, 13-22; χχιν, 3-7; xxvi, 2-18; xxvn, 2-10, 26-36; xxvin, 2-10, 12-17; xxix, 3-7; xxxi, 2-8; xxxn,2-7. Tous sont glosés en prose cl, sauf les deux premiers, appartiennent malheureusement aux passages les plus éprouvés du texte signalés plus haut. Pour le style et la manière, voir plus loin. Itothstein, loc. cit. 11. VERSIONS. — 1° Versions immédiates. — L Ver­ sion des Septante. — La traduction grecque alexan­ drine csl extrêmement fidèle ct d’une littéralité telle, qu elle reproduit la constmction de la phrase hébraï­ que, calque sur le texte original des phrases incom préhcnsildes, consigne sans les traduire des mots dont le traducteur n’a pas eu sans doute Hntclligenoc. Les hébraïsmes y foisonnent : copules, pronoms isolés, sén ilisme à l’endroit des particules ct de certaines ex­ pressions prépositives, attention soutenue à distinguer les deux temps du verbe hébreu, etc. Cornill, op. cit. p. 96-100. Elle n’est pas, cependant, â cc point de vue, ù apprécier de la meme façon que celle d’Aquila, car elle renferme aussi de libres traductions ct quel­ ques légères additions qui trahissent une main au­ trement familiarisée avec le grec. Ibid., p. 100-102. • On doit la tenir pour un témoin parfaitement sûr du texte hébreu d’Ézéchicl tel qu’on le lisait à Alexan­ drie au ni· siècle avant notre ère. » Ibid., p. 100. V -21; xxxm, 1-9. Vol plus à attribuer à Ézéchiel lui-même non seulement la loin. En la remplissant, il sc comporte comme une rédaction dc scs oracles, mais encore leur groupement ■ sentinelle · dont l’ollice est de veiller et d’avertir dans le recueil que nous possédons sous le titre de simplement, imitant ainsi sa responsabilité en cas livre d’Ézéchicl. Le prophète ayant été favorisé d’insuccès, m. 17; xxxm, 2, 7. Les moyens dont il de sa première vision la cinquième année de son séjour use pour In remplir sont la parole ct faction symbo­ en Babylonie, i, 1. son livre fut écrit, par suite, dans lique. Car Ézéchiel n’a pas été qu’un écrivain, comme l’intervalle de temps qui s'écoula dc l’an 593 à sa mort. le voulait Heuss, Les prophètes, Paris, 1876, t. n, p. 10; Le dernier dc ses oracles se trouvant date de la vingtil a certainement parlé au peuple, directement, septième année dc sa transportation, xxix, 17, c’cst xxxm. 30-33. ou par l’intermédiaire des anciens du donc vers l’an 571 ct suivants qu’il dut mettre la peuple, vm, 1; xiv, 1; xx. 1; et il est · psychologi­ dernière main à son ouvrage. Cf. A. Van Hoonackcr, quement invraisemblable qu’un homme qui si sou­ L· titre primitif du livre d'Ézéchiel, dans la Revue vent. plus souvent qu’aucun autre prophète, fait biblique, 1912. p. 241-253.— On mentionnera seulement d’une assertion, d’un dire dc scs contemporains ct ici pour mémoire les théories : a) des rabbins du compagnons le point dc départ dc scs discours, vm, Talmud qui font écrire le livre par les « hommes dc In 12; IX, 9; xi. 3; xi. 15; xn. 22, 27; xvm, 2. 25, 29; Grande Synagogue, » Baba bathra, 14 b, explique par xx, 32 (supposé); xxî, 5; xxxm, 17, 20, 24; xxxvn, Marx, Traditio rabbînorum veterrima de V. T. ordine 11, sc soit contente dc serrer dans le tiroir dc sa table atque origine, Leipzig, 1884, p. 48, 51, ct par Wildeà écrire, en vue de les publier sur le tard, les notes ma­ boer, Geschichtc der Litterator des A. Testaments. nuscrites que lui suggérait la nécessité de remédier Gœttinguc, 1895, § 15, rem. 5; b) dc Spinoza, qui ne aux soucis et aux doutes dc ceux qu'il devait ins­ voit dans le livre d’Ézécldel qu’un résumé de scs pro­ truire ct réformer. » J. Herrmann. Ezechielsl dicn, phéties, puisqu’il ne commence qu’à la trentième an­ Leipzig, 1908, p. 86 sq. 11 y a tout lieu de croire, ega­ née ct qu’il est dit au c. xvn que Sédecias est conduit lement, que la plupart des actions symboliques à lui à Babylone, tandis que Josephe, Ant. jud., I. X, c. ix, commandées par Dieu ont été réellement exécutées rapporte qu’Ézéchiel a prédit que ce roi ne verrait pas par le prophète. C’cst le cas, du moins, dc iv, 1-3, Babylone, Tractatus theologico-politicus, Hambourg. 9 12; xn, 3-11; xxî, 11-12, 24-25; xxiv, 16-24; 1670, c. x. Œuvras, trad. Prat 2· série, Paris, 1872, xxxvn, 1G-20, dont on ne comprendrait pas qu’elles p. 215-246, et que réfutent Huet, Démonstrations évangéliques, Venise. 1765, p. 293, ct Carpzov, Intro­ appartinssent ù l’cxtasc (Kcil, Hcngstenbcrg), ou qu'elles fussent de pures allégories, dc simples arti­ ductio ad libros canonicos V. T., Leipzig, 1757, t. m, fices littéraires (llnvcmlck, Bleek. Hilzig, Smcnd, p. 208 sq.; c) dc quelques modernes, cf. Skinner, Dic· Kuencn, Toy), attendu qu elles devaient soit avoir tionary of the Bible, Edimbourg. 1898, t. i, col. 818, qualité de < signes », soit être exécutées ■ sous les qui refusent à Ézéchiel. pour l’attribuer à un auteur yeux ■ de spectateurs. Une, au moins, dc ces actions, plus récent, la composition des c. xi.-xlviii, et que xxiv, 2-14, n’a cependant pas etc, et merne n’a pas réfute amplcmen I lerbst-Welte, Bistorisch-kritische Einleitung in die heiltgen Schriften des A. 7’.,Carlsruhc dû être exécutée, proposée seulement comme ■ para­ ct Fribourg. 1840-1844, t. n, 2. p. 72 sq., opinion re­ bole », 3. à la maison d’Israël; et peut-être faudrait-il prise de nos jours par P. Volz, Die vorexilische Jahen juger ainsi dc iv, 4-8 et dc v, 1-4. Ilcrnnann, veprophetie und der Atesslas, 1897, p. 84, ct réfutée op. (il., p. 89 sq. Bécllcs ou non. ccs actions symbo­ par Berlholcl, Das Bach Hesekiel, 1897, p. 251 sq.; liques ne peuvent en tout cas vire considérées comme d) de Zunz, Gottcndienstliche Vortrage der Juden, des « incantations · a rapprocher des Incantations babyloniennes (H. Kriilzschmar); car elles ne re­ Berlin, 1832, p. 157 sq., qui attribue le livre entier à l’époque persane, ct dc Scinecke, Geschichle des Volkes vêtent nullement dans le livre d’Ezéchicl le caractère Israe . Gœttinguc, 1884, l. n, p. 1 sq., qui le fait écrire rituel qui appartient essentiellement à ccs dernières. en 163-164, au temps des Machabèes, ct que Cfute, Enfin, orateur ct symboliste, Ézéchiel, s’il fut réelle­ en même temps qu’il résout quelques objections dc ment favorisé d’extases, s’il fut meme d’une nature Geiger, de Vernes el de avet. Toy, Encyclopxdia extatique, ne peut, sur la fol de textes abusivement biblica, Londres, 1901, t. n, col. 1460. interprétés, être regardé comme un malade atteint 2035 ÉZÉCHIEL (LIVRE D’) 2036 Ce qui indique le mieux l'unité d’auteur, c’est la ainsi que l’avaient déjà remarque les anciens commen­ constante uniformité du style d’un bout a l’autre tateurs. Cf. S. Grégoire dc Nazianze, Orat., n, n. 61; du livre et l’homogénéité manifeste dc son contenu : xxv, n. I l, />. G., t. xxxv, col. 173. 1217; Théodorct, • Que cct auteur unique fut effectivement le contem­ Comm. in Ezech., proL, P. G., t. lxxxi, col. 812; porain dc Jérémie,c’est cc que prouve le ton général du S. Jérome, Epist., un, ad Paulin., 7; Comm. in Ezech., livre, différent dc celui des prophètes postcxilicns... : I passim, P. L., t. xxn, col. 517; t. xxv, col. 17, 392, Israël lutte contre l’idolâtrie; d doit être châtié et 468. On attribue généralement celte obscurité A la purifié; il sc trouve en relation bien définie avec cer­ I minutie et A l’abondance des descriptions, ainsi qu’à taines nations. La situation religieuse ct politique est la hardiesse des images. Comely, op. cit., p. 453 sq. la même dans Ézéchiel que dans Jérémie. · Toy, loc. Peut-être aussi, parmi les causes de cc phénomène, cit., col. 1160. « Que cct auteur fut un prêtre, c’est cc faut-il faire uno large part A la corruption du texte que rend évident le fait que tant dc place est consacrée hébreu. dans les c. xl-xlvhi au temple et aux services qu’il IV. Contenu prophétique.— Après avoir raconté comporte, A scs ministres, etc. Et que ce prêtre écri­ comment, dans une vision, i-n, 2; m, 12-15, 22, il vit ccs chapitres avant le retour de l’exil, c’est ce qu’on reçut de Jahvé mission d’annoncer A la collectivité peut inférer dc l’influence considérable exercée par Israélite quels châtiments lui étaient réservés, n, 3-ni, son œuvre tout entière sur la réorganisation du culte 11, ct comment, · sept Jours après, · le même Jahvé divin immédiatement après l’exil.VoirW. Rob. Smith, lui manda d’avertir la · maison d'Israël · des sanctions The Old Testament in the Jewish Church, Londres, 1907, divines portées en cas soit d'endurcissement, soit dc p. 112-119. ■ Gigot, Special introduction, New York, repentir, A l’endroit des individus, ct en cas de nonCincinnati, Chicago, 1906, t. n, p. 326, 330-332. accomplissement dc son mandat, A l'endroit du pro­ phète lui-même, ni, 16-21 (rappel, xxxm, 1-9), Si l’on ne peut admettre avec Winckler, Altorientalische Ézéchiel prophétise relativement aux « jugements », Forschangcn, 3· série, Leipzig, 1902. t. i, p. 135. que le livre d* Ézéchiel esl · le produit d’une combinaison d'éléments v, 8, 15 qui atteindront les coupables, puis au salut hétérogènes, comme Isaïe et Jérémie, ct que d’un bout Λ ct au rétablissement du - reste qui échappera, »xiv,22, l'autre In distinction des sources s’y hisse opérer souvent au châtiment. avec plus de facilité que dans ccs deux livres. » peut-être le t. prophétie des jugements.— Ces jugements attei­ jugement est-il exagéré qui prononce qu’ aucun autre livre gnent non seulement Israël, mais aussi les nations biblique ne montre une unité dc plan si fermement appli­ étrangères. — 1° Prophéties contre Israel. — 1. Elles quée ct si clairement développée, ct dc la première A la der­ sont adressées aux déportés de l’un 597 parmi lesquels nière lettre ne trahit la mémo main, le même esprit, ct, fortement empreinte, la même individualité. » Co mill, sc trouve le prophète, m, 11 ; xx, 15 a; mais elles attei­ Einleitung in das A. T., Leipzig, 1896, p. 176. Cf. aussi gnent directement le royaume de Juda, spécialement Smrnd, Das Prophet Ezechiel, Leipzig, 1880, p. xxî; Bertholes · habitants dc Jérusalem, » xi, 15 b. — 2. Les let. Dus Hitch Hezekiel, Leipzig, 1897, p XIX sq ; avec quel­ personnes qu’elles intéressent sont le peuple même dc que restriction, Orclli, Ezechiel. Leipzig. 1896, p. R sq , et Juda, < toute la maison d’Israël, » m, 7 : enfants du Krâtzschmar, Das Ilitch Ezechiel, GaAlingue, 1900. p. xisq ; peuple, m, 11; prophètes ct prophétcsscs, xm; xxn, Ijijrlnk, Ezechiel. sa personne rl son enseignement, Paris ct 25, 28; prêtres, xxn, 26; chefs, princes ou pasteurs, Cabors, 1905, p 160. Selon J. Herrmann, Ezechielstudien, Leipzig, 1908, p 61-62, le livre d’Ézèchicl se présente A xix, 1; xxn, 6, 27; xxxiv, 2 sq.; le roi, xn, 2; xvn, nous comme un recueil dc morceaux formé peu A peu par lo 12, 20. — 3. Les châtiments qu'elles annoncent sont : prophète, avec des retouches rédactionnelles cl quelques a) le siège dc Jérusalem ct scs suites funestes : la insertions subséquentes, effectuées, soit par l'auteur luifamine ct la soif, la peste, l'extermination par l’épée même, soit, entrés petit nombre,par des mains étrangères. ou par les bêles, l’incendie, la destruction, le pillage, Développement de la thèse, p 8-63 Cf. aussi Rothstein, qui s’étendront, du reste, A < tout le pays, ■ châti­ Das Ilitch Ezechiel, dans Kautzsch, Die heilige Schri/t des ments figurés soit par des actions symboliques, iv, A T.Tubingue, 1909, l i, p. 813 sq. Toutefois les conclu­ sions dc délai! sont loin d’être identiques chez ccs deux 1-13; v, 1-1; xn, 17-18; xxî, 23-25; xxiv, 2-5, 10-12, auteurs. 15-17, soit en paraboles ou allégories, xm, 11-16; xv, u. stub. — Le style d'Ézéchlcl est un mélange dc 1-5; xvi, 35-43; xix, 10-14; xxn, 18-22; xxm, 22-35, monotonie ct dc variété, dc mouvement ct dc lour­ 43-17, ou décrits dans des visions ou tableaux pro­ deur. La monotonie naît de la constante répétition phétiques, IV, 16-17; v, 10-17; vi, 2-7, 11-14; vn, d’un certain nombre dc formules stéréotypées (on en 15-22, 24-27; ix, 1-7, 11; x, 2, 6-7; xi, 8-11; xn, 19signale une trentaine environ, cf. Driver, Introduction, 20; xiv, 13-23; xv, 6-8; xxî, 1-22, 26-27, 31-32; xxiv, p. 297 sq.; Gigot, op. cit., p. 323 sq.) dont plusieurs 18-23; b) la captivité cl la dispersion, figurées ou reviennent fort souvent. Des éléments dc variété sont décrites, v, 2, 12; vi, 8; xn, 3-7, 11-15; xvn, 1-21; fournis cependant par les nombreuses visions, i, vmxix, 1-9.— 4. imminence ct la certitude de ccs châti­ XI, xxvu, xl; similitudes ou symboles, m-v, xn, xv, ments sont affirmées contre les incrédules, xn, 21-28, xxxi, xx.xiv, paraboles, xvn, ct allégories, xvi, xxmct les faux prophètes, xm, 6-7, 8-10. — 5. Les motifs xxiv, au moyen desquelles le prophète écrivain inter­ dc ces châtiments sont les péchés et crimes dc tout rompt agréablement la série des oracles directs, ct qui Israël, rappelés d’une manière générale A l’occasion dc font honneur A sa puissante imagination ct A son la prophétie des châtiments; spécialement énumérés génie. Toutefois, par la manière dont il développe lon­ dans xvm, 5-18; xxn, 1-16 : a) l'idolâtrie, dans le temple même, xvm, 6 b, 12 d, 15 A; cf. vm, 3, 5, idole guement, les surchargeant dc détails, ccs morceaux artificiels (cf. spécialement xvi, xxm, xxxi), Ézéchiel de la jalousie (Aschéra? II (IV) Kcg., xxi,7;xxm, 6; H Chron. (Par.), xxxm, 7, 15); vm 10 sq., images n'évite pas une certaine lourdeur dans la composition, que ne contrebalance pas toujours le · large mouve­ peintes sur la muraille; vm, 15, Tammuz; vm, 16, adoration du soleil; ou sur les hauts-lieux, xvm, 6 a. ment rythmique dc la pensée précipité comme une Il a, 15 a; xxn, 8 a, 9 b; par suite des alliances étran­ houle a travers quelques-uns dc scs plus longs dis­ gères, allégories, xvi, 15-34; xxm, 5-42; avec l'aggra­ cours. » Skinner, toc. cit. La poésie, chez lui, affecte vation des sacrifices humains, xvi, 20-21 ; xx, 26, 31 ; principalement la forme dc la lamentation, xix, 2-1l; xxm, 37, 39; b) l’impudicité, xvm, 6 chI, 11 c, 15 c; ΧΧΎ1, 17; xxvu, 2-10, 26-36; xxvui, 12-17; xxxn, xxn, 10-11 ;c) l'oppression ct le meurtre A l’égard du 2-7. pauvre, du malheureux, du débiteur A gage, dc l’or­ Bien qu'on ait dit lu prose d'Ézédiiel simple et phelin, de la veuve, de l’étranger, xvm, 7 a-b, 12 a, ct sans recherche, · S. Black, Encyclopaedia britannica, 16a-A; xxn, 6-7, 9 a; d) la rapine ct l'usure, xvm, 1878, t. \ni, p. 830, elle est cependant très obscure, 2037 EZECHIEL (LIVRE D’) 2038 Comme le milieu babylonien dans lequel vivait le nro7 c, 8 a, 12/·. 13 a, 16 e, 17 a: xxn, 12 b-c*. e) la phète a certainement influence en quelques trail* In théodurcie a l’égard du pauvre, xvm, 7 d, IG , * David, serviteur » alors ux Babyloniens, les ennemis au lour, un oracle dc Jahvé, vice-gérant du nouveau royaume, représen­ oui visait d’abord, cf. Soph., i* 2-17 l’invasion scythitant du Pasteur divin qui a pris désormais en mains ouc des premières années du règne oc Jos as, v, 17; propres le gouvernement de son troupeau, xxxiv, vi, 22 sq Voir Driver, introduction Edimbourg, 1897, 10-12, 14, 15-16, 23-21: xxxvn, 24, 25 b, « rameau · p. 253, et les réferences. —2. Le châtiment des nations dc l’antique arbre royal replanté en son lieu, xvn, 22correspond à celui d'Israël : c’est l’invasion, les sièges, 21, conic » puissante qui ■ poussera « à la · maison les les mines* le milage, l’anéantissement, la d’Israël », xxix, 21 (héb.), prétendant » dc droit au dispersion, xxv, 40 7 9-10, 1.3-11: xxvi. 3-14 19ι diadème » ôté au « méchant prince · rejeté, xxî, 21 xxvm 7-10, 16-19. 23; xxix 1-12, 19-20; xxx, 30-32. 3-18, 21-26; xxxi, TI-I8; xxxn, 3-15, 20-32; xxxv, Pour tous les commentateurs, le Dautd redivivus de 3-9. — 3. Il est motivé par l’attitude hostile ct outra­ xxxîv,23-24,et dexxxvn.24-25, est le Messie : soit IcChrht geante quelles on Prise à l’égard d’Israël lors du lui-même, dont David fut le type figuratif (commentateur* jugement divin exerce contre celui-ci, xxv, 3 b, 6, catholiques, cf. Knnbenbaucr. p 356 sq . 333 sq.); soit un 8 b, 12, 15; xxvi. 2; xxvm, 21: xxxv, 5-6, 10, 12, dnvidide. le premier d’une nouvelle série de rois, tenant le 15; xxxvi, 1-7, ou simplement par l’orgueil dc leurs royaume comme un autre David (coinmcntatcurs critique*». richesses, de leur sagesse ou dc leur puissance, xxvu, I K Begrich, Das Messlasbild des Ezechiel, dan* Zeitschrift fur 1-25, 32-34; xxvm, 2-5, 12-17; xxix, 3 b, 9 b; xx.xi, J udwnicha/llichc Théologie, 1905, t xi.vn, p 133-461. Après 2- 10· xxxn, 2, 12 b. — 4. Et ici le but est le même : I saint Jérôme ct Théodoret, nombre d’exégètes n’ont vu que le Messie dans le rameau » dc xvn, 22-21 Knnbrnbnucr, faire connaître à tous la personnalité ct la puissance de p 179. Après saint Éphretn. quelques autres et plusieurs Jahvé, xxv, 5 b, 7 b, 11, 14 b, 17 b; xxvi, 6 6; xxvm, critiques y reconnaissent Zorobnl»el Knabrnbniier, p. 179; 24 b; xxix, G a, 9 b; xxx, 19, 26 b; xxxn, 15 b; Zunz, Bibclkrtttsches, dans Zcttschrl/t der dcutschen morxxxv, 1 b, 9 b, 15 b; xxxtx, 6 b, 7 6, 21, avec Vintcn- j gcnldnd Gesellschaft, 1873, p. 678; Winckler, op. cit., lion d’assurer la sécurité d’Israël rétabli, xxvm, 26. IIP série, l. i, p. 112. 2ô39 EZECH I EL (LIVRE D*) c) Le salut consiste encore dans un état religieux idéal, où le peuple, contrit du passé, sera purifié des souillures anciennes, χνι, 61 ; xvm, 30-32; xx, 11, 13; xxxvi, 25 b, 31; xxxvn, 23 /»; où le culte Idolûtliquc étranger n’a ra plus sa place, xi, 18; xx, 39; xxxvn, 23 a; oi l’observation fidèle des « lois et ordonnances » de Jahvé sera assurée par le don divin d’un esprit ct d’un cœur nouveaux, xi, 19-20; xxxvi, ‘.6-27; xxxvn, 1-11 (vision symbolique); xxxix, 29; où, l’ancienne alliance renouvelée pour toujours, Jahvé pourra, au milieu dc son peuple, habiter à jamais son ■ sanctuaire · reconstruit, xvi, 60, 62; xxxvn, 26-28; d) dans un état dc prospérité matérielle idéale : fertilité du sol, xxxiv, 26; xxxvj, 8-9; xxxvn, 29 6-31; reconstruction et repeuplement, xxxvi, 10-12; xxxvn, 33-38; sécurité complète vis-à-vis des nations ennemies, xxxiv, 25, 27-30; xxxvTj 13-15. 3. L*organisaiton d’Israël rétabli est décrite d’une façon idéale dans les c. xl-xlvih, sous forme de vision relative : a) aux batiments du nouveau temple, xlnuîi; b) â l’ordonnance du nouveau culte, xlîv-xlvi, avec description dc la source merveilleuse sortant du seuil dc la maison · divine, xlvii, 1-12; c) au partage du · pays * entre les · douze tribus », xi.vn, 13-xlvih, 29, avec notice sur les · issues de la ville », xlviii, 30-35« 2010 2° Prophéties de salut relut ires aux nations. — LA l’Egypte, xxtx, 13-16. Rassemblés quarante ans apris leur dispersion, les Égyptiens ne formeront toutefois qu’un faible royaume, que ne pourra craindre la maison d’Israël. et dont elle ne pourra non plus rechercher l’alliance. — 2. A Sodome, représentant des nations, qui auront part aux bénédictions des temps messia­ niques, χνι, 53-58. CL L. Gautier, l.a mission du pro­ phète Lzêchicl, Lausanne, 1891, p. 361 sq.; Orclli, Dit alttcstainentlischc Weissagung ron der Votlendung des Gollcsreichcs, Vienne, 1882, p. 106 sq. V. Enseignements docthinalx. — Trois notions principales dominent pour ainsi dire le livre d’Ézechicl: celles dc Dieu ou Jahvé, dc la rémunération indi­ viduelle, de la lin des temps (eschatologie). 1° Dieu. — Pour le définir ou le dépeindre, Ézcchiel use largement de l’anthropomorphisme : il le voit cn forme humaine, sur un char minutieusement décrit, le tout formant sa gloire ·, i; n, 9; m, 12-14; vin, 2-3; x, et place dans le < Nord » son séjour, i, 4, «Jardinmagnifique, xxvm, 13-16; cf. xxxt, 8-9; il met sur­ tout en relief le souci qu’a Jahvé d’assurer, comme par un point d'honneur, sa puissance ct sa sainteté divines: sa puissance, que son peuple incrédule ou que les nations païennes auraient pu croire compromise parle fait dc la chute de Jérusalem, mais qui déjà s’est mani­ festée, ou se manifestera davantage encore dans Trois sortes d’interprétation ont été données de In vision l’avenir, par la défaite dc celles-ci, xxv, 5, 7, etc.; des c. xuxlvîii.— 1· Ou bien le contenu de ccs chapitres xxxvm, 23; xxxlx, G sq., 22, ct par le rétablissement est a prendre strictement nu sens littéral ct doit s’entendre de cehii-là, xx, 42; xxxiv, 27; xxxvi, 11, 38; xxxvn, d’un réel · programme dc restauration · politico-religieuse tracé par Ézéchic) Voir surtout L Gautier, la mission du 13-11; xxxix, 28; sa sainteté, la « sainteté dc son prophète PzécMel, Lausanne, 1891. p. 122 sq.; A. Westphal, nom », qui sc trouve ou sc trouvera vengée par les /xs sources du Pcnlateuque, Paris, 1892, t il, p. 353 sq Les mêmes événements, ayant été ofTvnséc par les fautes notions représentées par celte législation marqueraient une d’Israël, xx, 39; xxxvi, 20-23; xxxix, 21-21, ou en phase Intermédiaire entre le Deutéronome, d’une part, et danger d'être suspectée parmi les nations, xx, 9, 11, la partie fondamentale du Code sacerdotal, dc l’autre Voir 22, I L Holzingcr, Einlcitung in den Hexateuch, l'ribourg-en-Bris2° attribution indipiduclle.— Celte doctrine nouvelle gau et Leipzig. 1893, p 137 sq.; Driver, Introduction, 1897, répond à deux objections formulées cn conséquence dc P 1.19 sq ; E Carpenter et H Baltcrsby, The Hexateuch, Ixmdres, 1900, t I, p. 126 sq. Critique dc cette opinion dans l’ancienne doctrine dc la rétribution, qui trouvait elleKnabcnbauer, op cit, p. 501 sq. Les anciens rabbins nvaient même sa formule, au temps d’Ézéchiel, dans le « pro­ Γ. jA marqué leur surprise des divergences d'Ézèchiel, xtvi, verbe · : Les pères ont mangé des raisins verts, ct les rl des Nombre·», xxvm, relativement aux offrandes Λ/enadents des enfants en ont été agacées, xvm, 2. Première khôl h, 45a. Quelques exégètes catholiques, Villalpand, objection : La voie dc Jahvé n’est pas droite, il punit Corneille dc la Pierre. Mênochlus, Gordon, Qdmet, ont dans les enfants les fautes dc leurs pères, xvm, 25, 29; pensé que la description du temple s’appliquait à la fois nu xxxm, 17, 20. Deuxième objection : Ainsi punis, les temple de Salomon, dont elle devait conserver In mémoire, ct au temple du retour, dont elle esquissait le plan Critique enfants d’Israël sont condamnés sans retour; quoi n texte comporterait aussi, en réalité, une signification fils ne ■ vivra » pas : il ne hil sera pas tenu compte de typique phi* élevée : ki restauration du temple jêrusaléla « Justice » dc son père, xvm, 10-13, 20. Par contre, mlte cl du culte levitiqur serait l’ombre cl ta ligure du tem­ qu’un homme soit criminel, il périra, xvm, 18; mais ple spirituel plus parfait élevé par le Messie et du culte qu’il ait un fils juste, ce Ids « vivra » : il ne mourra pas plu* parfait réalisé par l’Églisc. Quelques Pères et exégètes catholique* — 3· Ou bien les c. XL-Xi.vm ne sont qu'une pour l’iniquité dc son père, xvm, I 1-17, 19. Réponse à description symbolique rt poétique du règne messianique, la deuxième objection : Nulle faute, nul mérite ne c’est-à-dire de Γ Église Opinion préférée des Pères, cn par­ décident d'abord du sort final de l’individu; c’est la ticulier saint Jérôme, saint Éphrcm, saint Grégoire le situation religieuse ct morale où sc trouve celui-ci à Grand, et des exégètes catholiques, Maklonnt, Pinto, l’heure du « jugement » de Jahvé qui seule influe sur Mariana. Traction Voir Knabcnbauer, p 516 sq.; Comely, sa destinée ultérieure, xvm, 30 a; xxxm, 20. D’où, Intrududio, t H, 2, p 455 sq. Jusqu’à cette heure, il y a toujours pour l’individu possibilité de conversion ou dc chute. Ainsi, qu’un L Le but, l’intention dc Jahvé restaurant ainsi Israël « méchant » sc convertisse, il - vivra », scs trnnsgrcse*l dc sc faire connaître de son peuple, xvi, 62; xvil, 21; xx, 38 b, 12 α. II; xxxiv, 27; xxxvi, 38; xxxvn, I sions seront oubliées, ct sa jeune · droiture » lui sera 13-11. xxxix, 28, ct des nations, xxxvi, 23, 36; xxxvn, comptée, xvm. 2’-22, 27-28; xxxm, 12, 11-16, 19; qu’un juste » vienne à péchcr, il ne « vivra » pas, sa 28 a, ainsi que dc · sauver l’honneur de son saint nom · aux yeux dc tous, xx, 116, II; xxxvi, 21-23; Justice première sera oubliée, xvm, 21, 26; xxxm 12 Ù 13. ’ ' xxxix. 25 b, 27 2041 EZECHIEL (LIVUE D’) — EZNJK DE KOLB 2U42 3° Eschatologie-, — Le prophète semble unir dans sa | Gorncilh dc la Pierre, Comm, in iv propheta* majores, pensée Je jugement exerce par Jahvé sur Israel et Anvers, 1661; Mènochius, Ureris explicatio, Cologne, les nations avec une grande catastrophe finale qui bou- | 1630; Cnlniet, Commentaire littéral, 2* édrt., Paris, le versera toute la terre. C’est ainsi que la lin - s’abat · 1726, t. vi, p. 353-608; Neteler, Gliederung des Huches sur Israël en même temps qu'elle · vient sur les quatre Ezechiel, Munster, 1870; Le Ilir, Les grands pro· coins de la terre, » vu. 2 (hâ ârcç; ci Is., xi, 12; xxiv, phêtrs, edit, (.randvaux, Paris, 1877; Trochon, 16; Job. xxxvn, 3; χχχνιιι, 13), que la mérou le feu chitt, Pans, 1880; J. Knabcnbauer, Commentarius tn cosmiques doivent anéantir la cité de Tyr, xxvi, 3-5; Ezechiclcm prophrt m, Paris, 1890; p. Schalzl, Dos xxvm, 18; que les ténèbres des vieux éteints, l’arrêt du Huch Ezechiel, Vienne, 1902. jeu des eaux de l’ablnic présideront â la ruine dc 2e Non catholiques. — L Juifs.— Basdri, trad, ht, l’Égypte, XXX, 3, 18; xxxi, 15; xxxn. 7-8; que dc par Brcitiiaupt, Gotha, 1713; D. Kimchi, liiblia grandes convulsions de la nature doivent accompagner rabbinica, Bâle, 1618; Abarbancl, Pesaro, 1520; la chute dc Gog, xxxvm, 20. Mais il est à remarquer Amsterdam, 1661. — 2. Protestants. — J. G. Eich­ que partout le « jugement s'accomplit cn fin de compte horn. Die hebr. Prophrtcn, Gnttingue, 1816-1819; par le moyen de faits dc guerre dont la catastrophe 2' edit., 1821; Bosenmullcr, Scholia in V. T., 2· édit., naturelle ct mondiale n’est alors qu’une image ou re­ Leipzig, 1826. t. vi; F. \V. C. l ’mbrcit. Pruktischer présentation poétique. Il reste cepe ndant qu'Ézéchid Kommrntar uber die Prophelen, Hambourg, 1811-1816; a vu i’idée, lui aussi, d’un « jour de .Jahvé », d’un «juge­ JL A C. Havcnrick, Comment, ùber dm Prophelen ment » d’une portée universelle, comme plusieurs Ezechiel, Erlangen, 1813; Hitzlg, Das Ruth Ezechiel, autres prophètes. Cf. Grcssmann, Der Ursprung der Bostock, 1817; E. Henderson, Commentary on Ezekid, israclitisch-jiidischcn Eschatologie, Gœttingue, 1905, Londres, 1855; P. Fnirbainr, Ezekiel, an exposition, p. I ll sq. Londres, 1863; 4* édit., Édimbourg. 1876; Kliefoth, VI. Commentateurs.— 1° Catholiques.— Origènc Dos Huch Ezechiels, 2 voL, Schwerin. 1861; II. Ewald, composa « sur Ézéchicl, vingt-cinq lisres, » Eusèbe, Die Prophelen des Alten /tundes erklart, Gutlingue, //. E., L VI, c. xxxn, 1, 2, Ilcmnw et Lcjay, Textes 1868, t. n; F. W. 1. Schrôdcr, Der Prophet I/csrkicl, et documents, t. xiv, p. 238-230, dont Bielefeld ct Leipzig. 1873; E. Reuss, Les prophètes, 5·.).οχα)ία de saint Basile et de saint Grégoire dc Paris, 1876, t. il; F. Hitzig ct B. Smend, Der Prophet Xnzianzc, c. xr, P. G., t. xm, col. 663-066, a sauvé l Ezechiel, Leipzig, 1880; Franz Delitzsch. Der Prophet un seul passage appartenant au I. XX. Cf. Charles dc Ezechiel, 2e edit., Leipzig, 1882; G. (’urrey, Ezekiel, la Hue, Opera omnia, Paris, 1733-1759, l. ni, p. 352- : Londres, 1882; C. H. Comill, Das Huch des Prophelen 353, 406-137; P. G., t. xm, col. 768-828, qui donnent ' Ezechiel herausgcgcben, Leipzig, 1886; H. Mculcnbelt, de cet ouvrage des Selecta ex catenis, ct A. Mal, Nova De prediking van den profert Ezechiel, l’tredit, 1888; releram Patrum bibliotheca, Borno, 1851-1857, t. vu b, I A. B. Davidson, Ezekiel, Cambridge, 1892; B. Blake, prtvf., p. v-vi, qui y ajoute quelques nouveaux frag­ Hom to read the Prophets, Édimbourg. 1892-1894. t. iv; ments P. G., t. xvn, col. 288. Origènc composa aussi J. Skinner. Ezekiel, Londres, 1895; C. von Orclli, Das des homélies sur Ezcch., xr, 5, dont quatorze nous ont liuch Ezechiel, Leipzig. 1896; A. Bcrtholct. Das Buch été conservées dans une traduction latine par saint Hcsckicl, Tubinguc, Fribourg-en-Brisgau ct Leipzig, Jérôme, P. G., t. xin, col. 665-7G8; P. L., t. xxv, col. ; 1S97; E. IL Plumpire, Ezekiel, Londres, 1898; Kriitz723-826. S. Éphrcm, Explanatio in Ezechiclcm, Opera schmar, Das liuch Ezechiel, Gœttingue, 1900; Cobcm, sgriaca, Home, 1740, t. n, p. 165-202, fragmentaire; Ezekiel and Daniel. New York, 19“.L lahn. Das Each Théodoret, in Ezcch iciis prophetiam interpretatio, Ezechiel auf Grund der Septuaginta hergesteltt, ubersetzt P. G., t. Exxxi, col. 807-1256; Apollinaire de Laodiund krilisch erklart, Leipzig. 1905; Ezekiel, dans The cée, le Jeune, dans A. Mai, op. cit., t. vu b, p. S2-91, biblical illustrator. Londres. 1906; Bedpath, The book fragments exégétiques; Polychronius, ibid., p. 92-127, of Ezekiel, Londres, 1907; Lofthousc, Ezekiel, Londres, fragments dc scolics; Hésychius (moine, 133), P. G., 1907; Maclaren, The books of Ezekiel, Daniel and the t. xcnr, col. 1385 sq., scolics; S. Jérôme, Commenta­ minor Prophets, Londres, 1908. riorum in Ezechiclcm libri XIV, P, L., t. xxv, col. 15F. Vigouroux, Manuel biblique. 12* edit . Paris, 1906, 512; S. Grégoire le Grand, Homiliarum in Ezechiclcm t. n. p 725-757; E. Philippe, art Êzèchiel, dans te Diction­ libri II (i, 1-iv, 3; xl, 1-19), P. L., I. exxvi, col. 785naire de la Ilible, I n. col. 2151-2162; R. Comely, Intro­ 1072; extraits des œuvres dc cc Père par saint Patère, specialis, Paris, 1897. t u, p »32-165; S B Driver, Testimonia in Ezcchicle propheta, P. L., t. exxix, I ductio IntrxMluction (o the htcrutur of the Old Testament, Édimbourg, col. 983-998; Baban Maur, Comm. in Ezcch., P. L., 1897, p. 278-29À; trad, allemande dc Rothstein· Einleitung t. ex. col. 193-1081 ; Bupert de Deutz. In Ezcch. proph. in die Lllteratur des Allen Testaments, Berlin, 1896, p 298318; C. II Cornill, Einlelluna in das A T., 3· édit . Fri· libri //(i-xii; xi^xi.vm), P. L., t. CLXVii, col. 1 119bourg-cn-Brisgnu ct Leipzig, I896,p 175-177; GAVildebocr, 1198; Bichard de Saint-Victor, In risionem Ezechielis, Die Litcratur des Alten Testaments, 2· édit , Gœttingue, P. /... t. exevr. col. 527-600; Nicolas de Lyre. Postilla' 1905, p. 215-257; II I. Strack. Einleitung in das .1 Ί'. perpetua*, Borne, 1 171-1 172, t. n; Deny s le Chartreux, Munich, 1906, p 102*106; F. Gigot, Special introduction. Enarratio in Ezechiclcm, dans Opéra, .Montreuil, 1900, ! New York, Qncinnatl, Chicago, 1900, t. Π, p. 312-332; t. îx, p. 111-676; Valable, Annotationes, Salamanque. L.Gautler, La mission du prophète Tzéchirl. Lausanne, 1891 ; 158 I (édition expurgée); P. Serrano, Comm, in Ezcch., Introduction d Γ.Ι T., Lausanne, 1906, t. i, p. 512-556; J Lajétak. Ezèchirl, sa personne ct son enseignement (thèse). Anvers, 1572, 1609; J. Maldonat. Comm, in prophetas Jcrem., Ezechiclcm, etc., Lyon, 1609; Paris, 1610; dans , Paris. 1905; \V\ 1 Inrvcy-JcIHr. Ezekiel, his life and mission, lùlimboiirg. 1906; Kirchcnlexikun, Fribourg-en-Brisgiui, Migne, Cursus completus Scriptura' same, t. xtx, 18X6. I iv. col 1159-1163; Hciilcncgclopadie file protestancol. 615-1016; I L Pinto, Comm. in Ezcch., Salamanque, fisehe Théologie und Kirche, Ixdpzig, 1898 t v, p. 7041568; Prado ct Villalpand, In Ezechiclcm explana­ 713; Encfichpa*dia biblicti. Londres, 1901, t u. col 1456tiones, 3 in-fol., Borne, 1596-1601; J. Mariana, Scholia 1 172; Dictionary of the Hible, Edimbourg. 1898, t i, p 814brevia in Vetus ac Novum Testamentum, Madrid. 1619; S2O; The catholic encyclopedia. New York, 1909, I. v, p 737G. Sanchez (Sanctius), Comm, in Ezechiclcm et Dan., 739 L. Bigot. Lyon, 1619; Louis d’Alcasar, In eas V. T. partes, | EZNIK DE KOLB, théologien arménien,du v·siècle, quas respicit Apocalypsis, Lyon, 1632; J. Tlrin, Comm. dont nous possédons une remarquable réfutation des in Vetus ct Noimm Testamentum, Lyon, 1678; Th. Mal· venda a commente les seize premiers chapitres 1 sectes principales qui foisonnaient de son temps en Arménie. Dc sa vie elle-même on sait fort peu dc d’Ézèchiel. Comment, in sac. Script., Lyon, 1650, t. v; 2043 EZNIK DE KOLB chose. Envoyé par saint Sahak le Grand (f I10), d'aboni à Édesse, puis à Constantinople, pour y tra­ duire dans sa langue maternelle les principaux écrits des Pères cl des autres écrivains ecclésiastiques, il demeura dans la capitale de l'empire jusqu'à l’époque du concile d’Éphêsc (131), dont il rapporta dans sa patrie les actes authentiques. Puis le silence sc fait sur son nom jusqu’en 119, où on le retrouve parmi les Pères du synode national d’Artaschat comme évêque do Pagrèvand ou Pacrévant : tous les critiques s'accordent du moins à reconnaître dans le prélat ho­ monyme de cc synode l'auteur de la Réfutation des sectes. Quant i\ son surnom, il lui vient de son pays natal, le bourg de Kolb dans la province de Talk. On Ignore l'époque de sa mort. Eznik occupe une des premières places parmi les traducteurs, c’est-à-dire panni cette pléiade de sa­ vants arméniens, qui s’appliquèrent au v« siècle à doter leur patrie des chefs-d’œuvre théologiques de l’Égiise grecque : Il prit une part importante dans la traduction de la Bible, dont il avait rapporté de Constantinople des manuscrits très soignés. Malheu­ reusement la plupart de ccs interprètes, satisfaits de prendre leur bien où ils le trouvaient, ont générale­ ment négligé de nous renseigner sur leurs sources, et celles-ci ne sc laissent découvrir qu’à force de patientes recherches. C'est en particulier le cas pour l’ouvrage principal d’Eznlk, la Réfutation des sectes. Cet ou­ vrage, composé, au témoignage de Weber, Tiïb, Quartalsclirift, 1897, p. 367-398, entre les années 111 ou mieux 115 ct 418, a pour but d’opposer aux philo­ sophes grecs, encore puissants alors, au mazdéisme que les rois de Perse, maîtres depuis 128 de la plus grande partie de l’Arménie, cherchaient à implanter dans le pays, aux manichéens ct aux gnosliques qui pullulaient dans ccs contrées, la pureté de la doctrine chrétienne. Il se divise, suivant In diversité des enne­ mis à combattre, en quatre livres. Le Ier s’attaque à la théorie païenne de l’éternité de la matière ct de la nature substantielle du mal. Dans le IIe, l’apolo­ 2014 giste arménien s'en prend au dualisme persan d’abord, puis il traite assez au long de la démonologlc, du fata­ lisme païen cl de l’astrologie chaldéenne. L’exposé des systèmes philosophiques de la Grèce, en particu­ lier de leur astrologie, occupe le ΠΙ· livre. Le IV· en­ fin est consacre en entier aux doctrines gnostiques de Mannan. Écrit dans un style très pur, l’ouvrage d'Eznlk est regardé par les littérateurs arméniens comme l’un des plus beaux monuments de In langue nationale. Mais les théologiens de tout pays auront intérêt à le consulter aussi pour sa seule doctrine : non point qu’Eznik soit très original, mais il fait un emploi judicieux des autres écrits apologétiques parus avant lui, en particulier de Méthode d’OJympe, de Basile de Césaréc, d'Hippolylc ct d’Aristide, ct enfin du Panarion de saint Éplphnnc; il fournil surtout un exposé très fidèle des hérésies contemporaines telles qu'elles étaient comprises ct pratiquées en Arménie. Λ ce point de vue, la Réfutation des sectes mériterait d’être mieux connue. Édité pour la première fois à Smyme, en 1762. par les soins de l’archevêque arménien de celle ville. Abraham, à l'instigation du fameux patriarche do Constantinople, Jacques (f 1764), d’après un seul manuscrit aujourd’hui détruit, l’ouvrage d’Eznlk a été souvent réimprimé depuis. On cite en particulier les éditions de Venise, 1826, 1850, 1863, de Constanti­ nople, 1861, 1869, 1871, de Paris, 1860, mais toutes ces réimpressions sont aujourd'hui surpassées par la grande édition critique du savant méchilarislc vien­ nois, Grégoris Kalcmkiar, qui a considérablement épuré le texte ct élucidé la doctrine dans un copieux cl érudit commentaire. Traduite en français de façon fort superficielle par Le Vaillant de b’Iorival, in-8°, Paris. 1853, la Réfutation des sectes n’est ut dement accessible aux nôn-arménisants que dans l’excellente traduc­ tion allemande du chanoine Jean Michel Schmid : Des Wardapet Eznik non Kolb · Wider die Sekten », in-8·, Vienne, 1900. f L Petit. F 1. FABER Barthélémy, religieux auguslm, né Λ Wurzbourg, mort le 15 févrierl739.1! publia : P> Schola per/edionis christianæ, DHIingen, 1690; 2® Christlichcs l.cbcn des inner lichen Mcnschen, Constance, 1703; Augsbourg, 1726; trad. latine par le P. Auréle Westhofen sous ce titre: Vita Christiana interioris ho­ minis, Constance, 1705; 3° Eremus mystica sine me­ thodus in secessu ocliduano d triduano exercitiorum spiritualium obseri unda, Salnt-Gall, 1706; Salzbourg, 1718; 1" Geistliche Scndschreiben, Augsbourg, 1706; 5° Vita d passio Jesu Christi,Constance, 1722; ù0 Geist­ liche Seelenspeise, Constance, 1735. llôhn, Chronolagia provincia! rheno-svevictr ordinis S P. Augustini, Wurzbourg· 17I I. p 373; Ossinger, Hibliotheca augustiniuna, Ingolstadt. 1768. p. 322, 323; lumteri. Postrema sire u la sex religionis aitgustiniana·, Home, 1860, t. in» p. 26. A. Palmibri. 2. FABER Frédéric-William, oratorien anglais, né le 28 juin 1814 à Calverley, Yorkshire, d’une famille calviniste exilée de France par la révocation de l’édit de Nantes, mort le 26 septembre 1863. Célèbre écrivain ascétique, devenu, en France, par la dilïusion de scs ouvrages, · un homme populaire ». Dès ses années d’études A Balliol d’Oxford, il subit l’influence de Puscy ct de Newman ct alla avec cc dernier à Home; puis il y retourne Λ plusieurs reprises ct y est si vivement saisi par le sens catholique qu’il s’écriait: • Sc tourner vers Borne est un instinct qui semble mis en nous pour la sûreté de la foi. » Il disait aussi : • Si Dieu le permet, ma vie entière sera une croisade contre la détestable ct diabolique hérésie du protes­ tantisme. » Cependant il restait toujours anglican ct fut de 1839 A 1813 réctcur d’Elton. Enfin, en 1845, un mois après Newman, il entra dans l’Égiise catholique et commença par vivre en communauté avec quelques disciples. En 1848, il s’agrégea Λ l’Oratoire que venait de fonder son illustre maître, qui le désigna pour diriger la maison de Londres dont il resta le supérieur jusqu’à sa mort. Il s’y ht bientôt connaître comme prédicateur et conférencier, comme directeur de conscience et écrivain ascétique. Scs nombreux ouvrages, quoique composés hâtivement en l’espace de quelques années, sont pleins de substance ct de vie, ct rappellent saint Bonaventure ct saint Alphonse de Liguori. Les principaux sont : AU /or Jésus, Londres, 1853 (traduit en français ainsi que la plupart îles suivants); Growth in holiness, Londres, 1854; The blessed sacrament, Londres, 1855; The Creator and the creature. Londres, 1858; The foot of (he cross, même année; The precious !Um*d. Londres, 1860; Mhlcem, même année. H faut aussi citer sa collection, continuée après sa mort, de Lives of the canonised saints and servants of God,42 vol., Londres, 1847-1856. Mentionnons enfin VEsprit du P. Laber, extrait de scs œuvres, par Léon Gantier, Paris, 1874, cl Pensées • ' maximes de P. Faber, Paris, 1879. Bouden· The life and letters o/ F. W. Faber, Londres, 1839; 2· édit , 1888; trad. franc·· par le P. Philpln de Riviere, Paris, 1872; Klein, Fr. IV. Faber, Fribnurg-rnBnsguu, 1879; ihurcau-Dangin, La renaissance catholique en Angleterre au τ/ι· siècle, t. n. p. 21, 280; Guibert, Le réucil du catholicisme en Angleterre au r/t· siècle, p. 226244,et l’appendice G bibliographique, très complet; Gillow, litbliogruphtcal dictionary of engl cathol., t. n, p. 207-219; The eulhotic encyclopedia, New York, 1899, t. v, p 710. A.Ingold. 3. FABER Jean, dominicain, n’est pas originaire de Suisse, comme on l’avait cru jusqu’alors à la suite d’Echard, Scriptores ordin. pried., t. n, p. 80, ct comme le portait de fait l'inscription qui se trouvait dans l’église des dominicains d'Augsboufg, composée dans le cours du xvin· siècle, sur la foi d’Echard. Voir Veith. Hibliotheca Augustana, Augsbourg, 1785, t. i, p. 62. La même erreur sc trouve rééditée dans la Itealencyklopfidie /Ur protest. Théologie, 1898, t. v, i p. 717. De fait, Jean Faber naquit à Augsbourg en 1470; >1 le déclare formellement dans l’oraison funèbre de Silinen, aussi bien que dans la dédicace de ce discours. Il eut une jeunesse très appliquée A l’étude; il signe lui-même : artium ac sacre théologie doctor. Il acheva scs études théologiques en Italie. Au chapitre général de .Milan (1505), Jean Faber, désigné sous le nom de Johannes de Augusta Alemanns, est assigné au studium de Venise comme maître des étudiants pour la première année, pour la seconde année comme lecteur biblique ct en qualité de bachelier pour la troisième année. Acta capitulorum generalium, édit. Bcichert, t. iv, p. 50. Au chapitre général de Pavic (1507), il est promu maître, ibid., p. 60; cependant Il n’est confirmé comme tel que par le chapitre général de Gènes, en 1513. Ibid., p. 117. Il semble avoir été promu A l'université de Padouc. Dès 1507, Faber était retourne ù Augsbourg, où il fut élu prieur; d’après l’inscription rapportée par Veith,op. cit., cetlo première élection aurait eu lieu le 24 juillet MD 11 j (sans doute pour MDVI1). De 1512 ù 1515, il donne tous scs soins ύ la reconstruction de l’église «lu couvent d'Augsbourg. A- celte occasion, il obtient une bulle de Léon X pro reparando ecclesiam domus S. Dominici Augustensis (signalée dans le catalogue de la biblio­ thèque du Dr Kloss, Londres, 1835, n. 1508), cl publie Instructio summaria pro executtone negotii indulgen­ tiarum sanctissimi /ubilei in favorem /abncc ccclesie /ratrum ^radicatorum Augustee concessarum, s. I. n. d. Dans celte instruction, aussi bien que dans celle publiée en 1513 pur le chapitre de l.i cathédrale de Constance, qui n’est qu’une répétition de la première, on s’en tient, sur la doctrine des indulgences cl sur les conditions à remplir pour les gagner, aux pres­ criptions antérieures do Bavniond Peraudi, de Chris­ tian Bomliauer cl A celles plus récentes de Jean Ardmbold ct d'Albert de Brandebourg. Voir N. Pau­ lus, Telzd, Mayence, 1899; /Ustor, tahrbuch, t. xxi (1900), p. 615 sq. On y explique les quatre points principaux : l'indulgence pour les vivants, le billet de confession, la participation aux biens spirituels de l’Égiise ct l'indulgence pour les morts. L’Indulgence pour les vivants, en dehors de la visite des églises ct 2Ui/ I A BE U l'aumône, ne pouvait sc gagner sans une vraie con­ fession; au contraire, l’indulgence ù gagner pour les morts ne nécessitait pas la confession; il suffisait de faire l’aumône prescrite. Les pauvres n’étaient point tenus ά l’aumône. La prédication de cette indulgence amena un conflit entre le prieur d'Augsbourg ct le pouvoir impérial. Par décret lance d’Inspruck, le 7 mars 1515, Maximilien Ier ordonnait aux divers princes ct villes impériales de confisquer l’argent ainsi recueilli ct d’interdire la prédication de l’indul­ gence pour Augsbourg. Cf. N. Paulus, Die dcutschcn Domintkaner Im Kampfe gegtn Luther, Fribourg-cnBrisgau, 1903, Johann Faber, p. 291. Quelque temps après, l'empereur, étant venu lui-même à Augsbourg, rapporta son premier décret par un autre du 13 avril 1515 : on s’accordait sur la base d’une répartition des fruits de la prédication des indulgences entre la Chambre apostolique, le chapitre de la cathédrale et le couvent des prêcheurs. Dans le courant de l’été 1515, Jean Faber se rendit à Bologne pour y disputer avec Jean Speiser, curé de Saint-Maurice d’Augsbourg, qui souvent dans ses prédications l’avait pris à parti. On a retrouvé, à l’intérieur de la reliure du codex ISO32 tie la biblio­ thèque de la ville de Munich, l’annonce imprimée de cette disputo : Disputabuntur Bononia: anno MDXV die ΎΠ1 mensis jiilii p. Fer. sacre théologie professorem magistrum Johannem Fabrum ordinis fr. predicatorum congregationis Germanic vicarium generalem, priorem conventus Augustensis. Ad concurrentium venerabilis viri dni Johann is X. decretorum doctor is, t plebant S. Mauricii Augustensis, juxta obligationem ac sponsionem per ipsum sepius factam in suis con­ cionibus publicis Auguste coram magna populi multi­ tudine. Quapropter dictis mense ct die illic dominatio sua comparcat. Cf. N. Paulus, op. cit., p. 295. Nous ne savons si Speiser sc présenta. Mais un docteur fameux d'Ingolstadt, Jean Eek, profita de l’occasion pour aller soutenir devant l'université de Bologne scs idées sur le prêt à intérêt. Cf. J. Schncid, D' J. Eck und dus kirchliche Zinsvcrbol, dans Hist. pot. Hbittern, 1391, t. cvni, p. 241 sq. Le 8 juillet, Jean Faber argumenta sur celte proposition : Asserere papam non posse pro temporali subsidio, ad laudem ct honorem Det ordinato, indulgentias plenarias pro expiatione omnium penarum suarum animabus in purgatorio, saltem per modum suffragii, concedere, impium, sce­ lestum ac sanctis doctor i bus omnino contrarium est. Irnmo nihil fidei contrarium, sed potius pie credendum papam etiam per modum auctoritatis anima bus in purgatorio existent i bus indulgentias posse dare, si id flat pro cis quod in bulla est expressum. Sur ce point, Jean Eck était absolument du même avis que Faber : Indulgent iour cause, semblc-t-H, moins scs doctrines à lui, que l’ex­ cès de vivacité qu’il mettait dans des controverses où il croyait l’honneur de tout son ordre engagé, alors qu’il s’agissait seulement d’individus méritant plus ou moins la critique. Aussi elles ne Γempêchèrent pas de rester pénitencier de la basilique vaticane jusqu’en 1680. A celle date, où le condit entre Innocent XI ct Louis XIV prenait de plus en plus d’acuité, le P. Fabri fut accusé de manifester trop de partialité pour le gouvernement français. Il reconnaît, dans ses mé­ moires inédits, que la régale, qui fut le premier objet du conflit, lui paraissait une matière purement tem­ porelle, que le roi avait pu régler de son autorité propre, sans blesser aucun droit de l’Église; et il a pu exprimer cc sentiment dans les consultations qui lui étaient demandées, soit par les cardinaux et autres membres des Congrégations romaines, soit par les agents de la France auprès du saint-siège. Cela ne suffit peut-être pas pour autoriser à dire qu’il pro­ fessait des doctrines gallicanes, · comme l’écrit M. Michaud, Louis XIV cl Innocent XI, t. m, p. 218. En tout cas, le P. l'abri n’approuva d’aucune façon les quatre articles de la Déclaration du cierge de 1682. Dans scs mémoires déjà cités, il donne pour origine à cette Déclaration les intrigues des Jansénistes. Un de scs écrits inédits répond ù celte question, si les quatre articles sont susceptibles d’un sens que tous les catho­ liques puissent admettre et dans lequel il soit permis de les enseigner. Il montre comment, à force de subti­ lité, les termes des articles sc prêteraient à un sens parfaitement catholique, mais qui rVest pas le sens de leurs auteurs, et il conclut qu’ils ne doivent pas être enseignés même dans le sens atténué. Dans scs mé­ moires, Il nous apprend aussi que l’édit prescrivant d’enseigner les quatre articles fut sollicité pur es évêques ct donné par le roi en l’absence du P. de la Chnize. qui. observe-t-il, l’aurait peut-être empêché, s’il avait été ù la cour. Le P. Fabrl termina sa labo­ rieuse carrière à Rome, le 8 mars 1688. H laissait de nombreux manuscrits inédits, sur toute sorte de su­ jets; In plupart sont conservés aujourd’hui ù la biblio­ thèque de la ville de Lyon. Alcgnrnbo-Solwcll, Bibliotheca scriptorum Socldath Jesn p 350; Rr Hackcr-Sonirncrvogcl. Bibliothèque de la C1· de Jésus. I in. col 511-521; t ix col 309 310; Hurter. No mendator, t iv, col 613-615; Dô!lln«*r4tri*€li fricliidite 2035 FABRI (HONORE) FABRI (JEAN) der Moralsîreitigkelten, t. r, p. 45,52,279; Beusch, Der Index, I devons signaler datant do ccttc t. n, p. 503; P. de Vrcgillc, Un entant du Bugey, le P. Hozélé du dominicain un Catéchisme rv>rt Fabri (J607 16&S), dans le Bulletin delà Société Gorint, de la confession. Le Catéchisme janvier 1906, p. 5-15. Le P. l'abri n son article dans tous Augsbourg sans nom d'auteur ni 1« grands dictionnaires biographiques. J. Brucker. 2. FABRI Jean (en allemand Schmidt; prend quel­ quefois aussi le nom de Cassius, du latin Cudo) naquit â Heilbronn (Wurtemberg), en 1504. Son père s’appelait Louis; sa mère, Anna Uflrechtin, était originaire d* Ingolstadt. Ms. de la bibliothèque de Colmar, /7/, 7ol. 31. 11 entra chez les dominicains de Wimpfcn en 1520. Cf. A. Wcith, Bibliotheca Augu­ stana, t. i, fol. 73. En 1531, il remplit les fonctions de prédicateur â la cathédrale d’Augsbourg, Jusqu’au jour (22 juillet 1531) où la prédication fut interdite aux prêtres catholiques. C’est alors que Jean Fabri sc rendit à Cologne pour sc livrer, à l’université, â des études plus approfondies. En 1535, il édite les sermons de Jodocus Cllchtovcus, théologien de Paris : Sermones Jod. Clichtovci, Cologne, 1535. Index per Johannem Fabri ad Haylbrun, divini verbi concin­ natorem. La même année, il fait paraître la première édition des écrits d’un mystique anglais Richard Rolle : D. Richardi Pampolituni eremite, scriptoris perquam vetusti ac eruditi, de emendatione peccatoris opusculum, nunc primum typis excusum, cum aliis aliquot appendicibus, in-12, Cologne, 1535. L’année suivante, parait encore : D. Kichardi Pampolituni Anglosaxonis eremite, viri in divinis Scripturis ac veteri illa solidaque theologia eruditissimi, in Psalterium David icum atque alia quadam sacræ Scriptura monu­ menta compendiosa juxtaque pia enarratio. Cologne, au mois de mars 1536. L’édition est dédiée au conseil de Wimpfcn el la lettre dédicatoire est riche de ren­ seignements sur les conditions religieuses où se trou­ vait alors cette ville. Les doctrines nouvelles y fai­ saient du progrès surtout avec Erhard Schncpf; Fabri qui, après son retour de Cologne, avait commencé ù prêcher à Wimpfcn contre les novateurs ct leurs partisans, dut quitter la ville où sa vie était menacée. II. Rocholl, Die Elnführung der Reformation in Col­ mar, Colmar, 1876, p. 50. Juste à cc m ment, 1539, la ville impériale de Colmar demandait au provincial des dominicains que Jean Fabri pût venir s'établir au milieu d’eux, en qualité de prédicateur attitré de la ville, pour pouvoir lutter contre l’erreur qui les I menaçait. Paul III, par un bref du 11 janvier 1510, accorde la permission demandée ct confère à l’élu de nombreux privilèges. II. Rocholl, op. cit., p. 17 sq. Jean Fabri était en possession de sa nouvelle charge dès le 2 septembre 1539; il demeura ù Colmar jusqu'en 1515, date a laquelle il est nommé en même temps prédicateur et prieur de Schlestadt. A.-M.P. Ingold, Xotiee sur l'église et le couvent des domi­ nicains de Colmar, Colmar, 1891, p. 78; Paulus, Die deulsrhen Dominikaner, etc., p. 236, note 5. Il remplacé à Colmar par l'augustin Johann Hofmeister. La veille de Noël de l'année 1515, Jean I abri fait â Funivenitc de Fribourg un discours qui cul un certain retentissement, et qui parut sous cc titre : Oratio pia et elegans, quam dixit ad sacram ct inclytam universitatem Friburgensem Brisgovia vene­ rabilis P. Johannes Fabri ad Hailbrun, cathcdralis Eccleste Auguslensis a sacris concionibus, vigilia nativitatis Domini ac Salvatoris nostri Jesu Christi, anno Domini ISIS, In- I0, Ingolstadt, 1551. Jean Fabri fut prieur de Schlestadt de 1515 à 1547. Cf. Ingold, op.rd.,p.78. Vers cette époque (1547), après la défaite de la ligue de Smalkade par Charlcs-Quint, le nouvel es « que de Fribourg, cardinal Otto Truchscs, ayant repris possession de son siège, y appela Jean Fabri, avec le titre de prédicateur de la cathédrale. Nous 205G époque ct dus nu et un petit Manuel parut d'abord â date (1551), in-12. Doux nouvelles éditions parurent ensuite avec le nom de i'autcur ά Dillingen (1558 et 1563). Aux deux dernières éditions avait été joint un long extrait du petit catéchisme de Canisius. Le catéchisme de Jean Fabri a été réimprimé par Elu. Moufang, h'atholische Katechismen des \ v/ Jahrhunderts in dcutscher Sproche, Mayence, 1881, p. d 15-461. Voici quel était le plan de ce petit catéchisme : l'explication du symbole des apôtres, puis des dix commandements de Dieu, du Pater, de l'Ave Maria, enfin les sacrements. La division était celle de Dietcnberger, ainsi que quelques expli­ cations. Fabri avait même emprunté quelques phrases au petit catéchisme de Luther. Le catéchisme de Jean Fabri fut attaqué violemment par Wolfgang Mâuslin (Musculus), in-12, Berne, 1551. Dans son Manuel de la confession, l’auteur avait surtout pour but d’aider le pénitent Λ sc souvenir de scs fautes, en lui faisant faire un examen de conscience. Ce petit livre parut d'abord, in-12, s. le doctorat, ou, sur 28 candidats, il obtint le septième rang et le premier parmi les religieux men­ diants. En 1521, d fut nommé un des quatre régents dc Saint-Jacques, charge qu’il occupa pendant trois ans (et non pas pendant un an seulement, comme le pré­ tend de Jonghc, Desolata Batavia dominicana, p. 133). En cllet, dans les actes du chapitre dc la congrégation gallicane tenu à Rouen, au mois dc mai 1521, on lit : Declaramus magistrum nostrum Petrum de Novimagio esse absolutum ab assignatione, qua fuerat assignatus in regentem nostri conventus Parisiensis, etc. De retour en Belgique, il fut nommé déflnlteur pour sa province au chapitre général dc Borne (1525), où fut élu Fran­ çois dc Silvestris (Ferrariensis). Il était sur le point dc revenir en Belgique, lorsqu’il mourut à Rome, au mois de juillet. Pierre Fabri a laissé : 1° Tertia pars Summæ S. Thomæ et supplementum ex ejusdem scripto in IV Sententiarum excerptum, in-8°, Paris, 1511; 2° Cardi­ nalis Cajetani commentaria in //*■ //■, in-4°, Paris, 1519, 3« Epistola ad Fr. Petrum de Bruxelles, in Com­ mentariorum suorum in libros Physicorum commenda­ tionem, in-fol., Pari». 1510, 1511. FABII ICI US (ANDRE) 2062 325; Le Qui en, Oriens Christianas, t. in, col. 1078; Merkle, Diaria concilii trldentint, Fribourg-cn-Brisgnu, 1911, t. n, p 553. A. Palmi uni. 2. FABRIANI Sévorin, littérateur et théologien, né à Spilamberto, dans le duché de Modèno, le 7 Jan­ vier 1792, mort le 27 août 1819. Ordonné prêtre au mois de décembre 181 I, il prit aussitôt place parmi les professeurs du séminaire dc Modifie où il avait étudié la philosophie ct la théologie. En 1821, sa mauvaise santé le força dc renoncer ù l’enseignement ct il publia dans les Mémoires de religion, dc littérature et de morale de l’abbé Baraldi une série d'articles Sur les services rendus aux sciences par les divers ordres du clergé. Avec cc même ecclésiastique, il se livra Λ l’instruction dc quelques sourdes-muettes, ct bientôt il créa une con­ grégation de religieuses consacrées par un vœu spé­ cial Λ (’instruction de ces infortunées ct que Gré­ goire XVI approuva en 1845 sous le nom de Filles de la providence. Plusieurs des écrits dc Fabriani se rap­ portent à cette œuvre à laquelle il consacra toute son intelligence et toute son énergie. Parmi ses autres ouvrages écrits en italien on remarque un traité Sur l'ouvrage de Ballerin i touchant la primauté du pape, 1822; Défense dc l'opinion de Tiraboschi sur l'état delà littérature italienne au temps des Lombards, 1826; Sur le bienfait qu'a procuré aux hommes la religion chrétienne pour l'instruction des sourds-muets. 11 entreprit la publication d’un ouvrage sur La religion chrétienne démontrée par la nature de ses mystères; quatre parties seulement furent publiées, Jn-8°, 1828-1839, sur l'exis­ tence dc Dieu, sur l'être parfait en lui-même et sur sa providence à Cégard des créatures, sur la vie future, ct sur la religion. On lui doit, en outre, diverses biographies: Vic de. Mgr Baraldi, présentée comme un modèle aux jeunes ecclésiastiques, in-8°, 1834; Vie de Joseph Rinaldi, in-16, 1835, c'est la vie d’un jeune sémina­ riste mort saintement à vingt-trois ans : elle a été pu­ bliée en français, ln-18, Paris, 1811; Vie dc la comtesse Marie /solani-Boschctli, in-8°, 1848; ct la Vie de deux jeunes sourdes-muettes: Rose Zanasl, in-8°, 1837, ct Celestine Baraldi, in-8°, 1839. Feller, Dictionnaire historique. Supplément, 1850, p. 58. B. HEUBTEIUZE. 1. FABRICIUS (ou LEFÈVRE) André, théologien, controversiste et poète, naquit, vers 1520, à Hodeige, petit village de la 1 lesbaye, dans la princi­ pauté de Liège. 11 passa la plus grande partie dc sa vie en Bavière. Tout d'abord, c'est Λ l’université d* Ingolstadt qu’il alla demander sa haute formation intellectuelle. Il y suivit le cours complet des études préparatoires à la carrière ecclésiastique. Dans cc milieu, il eut pour maître, entre autres, son frère (iodefroid Fabricius, alors un des membres les plus distin­ gués du corps professoral. Rentré dans son pays natal, il était, vers 1553, appelé à Louvain par Philippe dc Hosden, abbé dc Sainte-Gertrude, ct chargé d’en­ seigner la théologie aux jeunes religieux dc cette abbaye. Bientôt le cardinal Othon Truchscss, évêque d'Augsbourg, qui, au temps dc sa légation dans les Pays-Bas, avait connu André Fabricius, l'attacha Λ Echnrd. Scriptores ordinis prtrdicalorum, Paris, 1719-1721, son service. Il l'envoya A Rome, dc 1560 ù 1565, comme t n. p 64; Bern dc Jonghc, Desolata Batavia. dominicana, son « orateur », c'est-à-dire comme son intermédiaire ίη-Ι·, (innd. 1717. p. 132; Hurter, Nomenclator, Inspmck, 1906. t. n, CoL 1109. autorisé auprès du pape Ple IV. Fabricius sc vit ensuite honoré du titre ct des fonctions de conseiller R. COVLON. 1. F ABRI ANI Eugène, ou Eugène de Pise, rclldu duc Albert dc Bavière et dc son (Ils Ernest, adml· glcux august In, élu en 1575 évêque latin dc Smyrac, nlstratcur dc l'évêché de l'rcisingcn ct, depuis, princcmort en 1580. Il prit part au concile dc Trente ct y élcctcur dc Cologne. Il aurait même, au dire dc cer­ taines collections biographiques, représenté ces deux prononça (1561) un discours, imprimé à Brescia en princes au concile dc Trente; mais cette assertion nc 1563, et inséré dins Labbe, Sacrosancta concilia, Venise, 1733, t. xx, col. 502-506. I peut être qu’erronée, puisque le concile de Trente fut TorriU. Scroll agaitinlani, Bologne, 1686, p 325, n. 12; | clôturé définitivement en 1563. C'est d’eux, en tout Olinger, Bibliotheca augusllnlana, Ingolstadt, 1768, p 321. cas, qu'il obtint, en’récompense de scs services, la 2UG9 FAGNAN FAMILLE D’AMOUR Jus Decretalium, 5 ln-8·, Borne, 1898*1906, Introductio, part 111, lit. xvi, § 2, t. I, p. 415; Kirdienlcxikon, l. iv, col. 1204 sq. T, Ohtolan. FAIT (Question de droit. Question de). Il y a dans le titre De regulis juris, dans le Sexto, la renie suivante, 13 : Ignorantia facti, nun juris, excusat; et le cardinal d'Annibale dit, d’autre part, dans son commentaire sur la constitution AposloUcst sedis, n. 8, note 23 : Ignorantia facti vix admittitur in foro externo. Ce double dictum pose bien la distinction, qui peut aller parfois jusqu’à l’opposition, entre le lait et le droit. Cette distinction se rencontre dans tous les actes. Le droit, c’est la disposition légale, écrite ou non écrite, la règle imposée par le supérieur, Dieu ou ceux qui représentent son autorité. Le fait, c’est l’acte réel, l’état réel, avec toutes ses conditions et ses circonstances. Ainsi on dira qu’un bénéfice (ou tout office) est vacant dc fait, quand nul nc l’occupe, bien que quelqu’un ait le droit de l’occuper; qu’il est vacant dc droit, quand celui qui l’occupe ou le remplit n'est pas habilité par le droit à cette fin, par exemple, quand la personne qui a fait la collation ou la nomination n’avait pas les pouvoirs requis pour la faire; qu’il est vacant de fait ct dc droit, quand nul nc l’occupe en réalité ni n'a le droit dc l’occuper. On voit que la distinction a une grande importance dans la discipline dc l’Églisc. En voici encore d’autres exemples qui montreront cette importance au (mint de vue pratique. Il est certain qu’en droit frapper violemment un ecclésiastique est puni d’excommu­ nication; en fait, tel individu qui a frappé quel­ qu’un dc qui il ignorait la qualité dc clerc n’a pas encouru l'excommunication. — Il est certain qu’en droit l’ordinaire ne peut, en vertu des induits commu­ nément donnés, lever un empêchement dirimant ct public de mariage; en fait, tel empêchement dirimant, public dc sa nature, peut être occulte, ct l’ordinaire le pourra lever en vertu de ses induits accoutumés. Gcnnnri, Consultations morales, consult, cxxvn.— 11 est certain qu’en droit procurer l’avortement, cfjcctu secuto, est puni d'excommunication; en fait, l'avorte­ ment a-t-il été la conséquence de l'acte posé? l'acte a-t-il été posé ù cotte fin? On voit donc qu’il nc suffit pas, pour résoudre un cas donné, dc consta­ ter que l’acte était puni par le droit; il faut vérifier si en fait l'acte posé revêt bien toutes les conditions requises. La distinction a une grande importance en théolo­ gie morale ct pour le for interne, plus encore peut-être qu'au for externe : car si, au for externe, le juge peut s’appuyer sur des présomptions extérieures et qualifier le fait d'après ces présomptions, au for purement in­ terne le (ait vaut tel qu’il a été perçu ct voulu en réalité par l’agent, ct au confessionnal, credendum est pæni· tenti tam pro se quam contra sc dicenti : la question de fait est Ici primordiale. Los Jansénistes ont fait une application spéciale dc la distinction dc droit ct de fait Λ la condamnation des cinq propositions de .lansénius, en prétendant que, si le pape avait le pouvoir do condamner ces propositions prout sonant : question dc droit, il n’a pas celui de déclarer qu'olles étalent contenues dans VAugustinus : question do fait. Voir Jansénisme. Sur le pouvoir dc l’Églisc dc se prononcer sur les faits dogmatiques, voir Église, col. 2188 sq. A. V1LLÎKN. FALCONI Grégoire, religieux augustin du xvn· siècle, du couvent dc Recanatl, est l’auteur d’un ou­ vrage intitulé : Reconciliatio centum locorum contro­ versorum inter divum Thomarn doctorem angelicum, et Ægidlum Columnium, Rimini, 1612. Ossingcr, Bibliotheca augnstlniana, Ingoktndt, 1768, 2070 p 327; Vrcchklti, Btblioleca pirena, Oslmo, 1700, p. 78; Hurter, Nomenclator, t. jh, coi 369. Λ. Palmieri. FALUDI François, né à GQns(Iiongrie),le 25mars 1704, entra dans la Compagnie dc Jésus le 11 oc­ tobre 1720, enseigna la philosophie ct les sciences en Autriche, fut pénitencier de Saint-Pierre à Home, et, a son retour en Hongrie, devint, professeur d'Écriturc sainte ct gouverna des collèges. A la suppression dc la Compagnie, en 1773, il se retira à Rohoncz, où il mourut le 18 décembre 1779. Il a traduit de l’an­ glais en hongrois les volumes du P. Joseph Dam 11, S. J., sur les devoirs des personnes de qualité, et de l'espagnol aussi en hongrois V Homme de cour du P. Gracian, S. J. Il occupe une belle place dans la littérature hongroise comme poète religieux lyrique : on cite particulièrement sa paraphrase en vers allitérés du célèbre sonnet « A Jésus crucifié », qui passe sous le nom dc saint François-Xavier. De BackcT-Sommervogd, Bibliothèque de la C1* de Jésus. t. ni. col. 537-539; Fr-Xav. Drrbitka. S. J-, Hrjmnut Franctsci Faludt ejusque origo hispano-lus liana d · O Dru», ego amo te, nec... », Budapest, 1899. J. Brückeh. FAMILLE D’AMOUR. L’une des nombreuses sectes qui pullulèrent aux temps troublés de la Ré­ forme. Elle parut en Hollande et de là se propagea en Angleterre, où elle réussit à sc maintenir tant bien que mal jusqu'au milieu du xvn* siècle, époque où elle sc fondit dans d’autres sectes analogues. Son fondateur fut Henri Nicolai ou Nicolas, un homme assez peu cultivé, mais entreprenant ct habile, ruse ct hypocrite, qui profita des circonstances pour jouer, comme tant d’autres dc scs contemporains, un rôle religieux ct se faire des partisans. Né à Munster, dans cette ville dc la Westphalie qui devint le rendez-vous de la plupart des illumines et des fana­ tiques dc la première moitié du xvi* siècle, et qui fut surtout le théâtre des anabaptistes, Nicolas se rencontra dans sa jeunesse avec ceux qu’on appelait alors les enthousiastes et les libertins. Il sc lia d’amitié avec l’un de leurs coryphées, le célèbre David Georges, dit Joris, un partisan résolu dc l'union libre des sexes, qui prétendait sa doctrine supérieure à celle de Moïse ct de Jésus-Christ et déclarait qu'il ne faut croire ni au péché, ni à l’enfer, ni aux démons. Voir L iv, col. 152. Les prétentions de Nicolai nc furent pas moindres : lui aussi sc disait inspire du ciel, recevoir des communications dc l’archange Gabriel ct avoir une mission divine; lui aussi s'affirmait supérieur à Moïse ct au Christ, car ils n’étaient entrés que dans le Saint, tandis qu’il avait pénétré jusqu'au Saint des saints. Moïse n’avait enseigné que l’espérance, le Christ n’avait recommandé que la foi; mais bien supé­ rieure à la fol ct ù l'espérance est la charité. Or, c’était précisément celte charité qu’il avait pour mission dc précher ct dont il devait implanter le régne sur la terre. L’embrasser, la pratiquer sans se préoccuper d'autre chose, telle était, disait-il, l’unique condition du salut; el le salut était infailliblement assuré ù quiconque, docile à son enseignement, prenait rang dans la famille ou la maison dc l’amour. Une fois membre de cette famille, on était libéré du devoir d’obéir, comme de simples enfants, à quelque régie que cc fût; on était émancipé, on appartenait désormais à la race des parfaits, des déifiés, des élus. dans l'heureuse incapacité dc ressentir les suites ct même les atteintes du péché, ct l’on pouvait vivre très innocemment, mêlés les uns aux autres, en toute liberté. Les formes extérieures du culte, les opinions religieuses d’autrui importaient peu; pourvu qu’on possédât la charité, même sans la foi et l’espérance, on pouvait, la simulation aidant 2071 FAMILLE D’AMOUR s’accommoder des unes et des autres ct vivre cn paix avec tout Je monde. Inutile par consequent de perdre son temps ou de dépenser ses forces cn faveur de tel ou tel système religieux, car le martyre n’était quo la plus maladroite des inconséquences. Il n’y avait point de résurrection des corps à attendre, car cn fait de résuircction, il n’y a que celle qui consiste à sortir du péché; et l’on sortait définitivement du péché dès qu’on était r.dmis dans la famille de l’amour. Cette doctrine simpli liée était grosse de consé­ quences immorales, car elle libérait l’esprit ct débri­ dait les instincts. Elle s'affirma cn face de la théorie protestante du salut par la foi seule ct elle dut faci­ lement recruter des adeptes dans les bas-fonds de la société. Henri Nicolaï la propagea par la parole et aussi par la plume; car, malgré son peu de culture, il écrivit beaucoup sous des titres pompeux, dans un style emphatique, à grands renforts de citations bibliques, pour cn imposer aux simples ct aux igno­ rants. Il signait scs lettres de deux initiales II. N., précédées de ccs mots : Charilas exstorsit, Entre autres opuscules, il composa cn hollandais V Évangile du royaume, la Terre de paix, la Prophétie de ΓEsprit d'amour, qui furent traduits cn anglais pour servir Λ la propagande. Chassé peut-être de sa patrie ou désireux de porter sa doctrine dans un milieu plus favorable, Nicolaï sc rendit cn Hollande, ferax hæreticorum provincia, comme dit Camden, Annales rerum anglicarum, Londres, 1615, t. î, p. 300, ct sc fixa pour longtemps à Amsterdam. Là il ht connaissance de Volkart Koornheert, un illuminé comme lui, déjà chef do secte, qui prétendait que la religion consiste princi­ palement dans la lecture ct la méditation de la Bible, voir t. m, col. 1770-1771; il essaya même de le convertir, mais sans y réussir. la fin du règne d'Edouard VI, vers 1552 ou 1553, il passa en Angle­ terre, où il groupa un certain nombre d’adeptes, puis il rentra cn Hollande, sans qu’on sache exacte­ ment la suite cl la lin de sa vie. En Angleterre, les partisans de Nicolaï ou familistes contribuèrent à augmenter les désordres politicoreligieux de la fin du xvi· siècle; ils furent l’objet d’accusations d’héterodoxie de la part des protestants, cl de poursuites de la part de l’autorité civile. Une premiere fois, cn 1575, ils durent publier une Con­ fession de fol; cela ne les empêcha pas d’être con­ damnés, cn 1580, par un édit de la reine Élisabeth. Une autre fois ils furent accusés de pactiser avec les partisans de Brown, dits les brownistes ou séparatistes, cn même temps que ceux-ci étaient a cusés de faire cause commune avec eux. Qu’en était-il au juste? De part ct d'autre on sc disculpa. Dans la requête que les familistes adressèrent au roi Jacques, cn 1601, | cl à laquelle ils curent soin «le joindre leur précédente Confession de fol, ils déclarèrent bien n’avoir rien de commun avec les brownistes, mais sans parvenir à dissiper toute prévention. Ils végétèrent ainsi, étroitement surveillés par la police, ct finirent par sc fondre dans d’autres se* tes. Au point de vue religieux, Volkart Koornheert avait déjà composé contre Henri Nicolaï un dialogue intitulé : Klein Monster. D’autres contemporains avaient discuté scs Idées; un brownlste, Henri Ainsworth, répondit aux lettres qu’il avait adressées a deux lilies de Warwick; Jean Knenstub réfuta son Évangile du royaume; Gaspard Grevinchovius écrivit également contre lui. Plus lard, ce furent Jean Ethrrinuton, Samuel Rutherfurd ct surtout Bnyllic, qui attaquèrent la famille de l’amour. Ce dernier est V tuteur de Anabaptismus, Ions Independentlsml, Prounismi, Anhnomlsmi d Famillarismi, où Von volt h famille d’amour rangée à la suite et comme FANATISME 2072 une conséquence naturelle de l'anabaptisme ct des autres sectes de libertins. Cf. Hoornbceck, Summa controversiarum, Utrecht, 1651, p.42O, 647. II est difficile de croire, cn effet, que ces sectaires, grâce aux principes aussi relâchés que ceux qu’ils tenaient de leur fondateur, ne se soient pas rendus coupables un jour ou l’autre de tristes excès ct n’aient encouru, avec la réprobation des honnêtes gens, la condamna­ tion des tribunaux; car il n’y a rien comme l’erreur de l’esprit pour s'accompagner d libertinage des sens cher, ceux qui sont parvenus à sc croire impec­ cables ct assurés du salut; et tel fut le cas des membres de la famille de l’amour. Camden, Annales rerum anglicarum cl hibern icar uni regnante Elisabetha, Londres. 1615-1627, t. I, p 300, 301; Hoornbceck. Summa controversiarum, Utrecht, 1653, p. 110 sq., 617. Pour la bibliographie, Aligne, Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, t. I, col. 711, renvoie au lexique de Stukman, ct à l’Histoire de ta Héforme dans les Pays-lias, de Brandt, 1.1, p 84; Wetzer ct Wcltc, Kirchenlexikon, 2· édit., t. iv, col. 1227-1228, signalent, outre Camden, déjà nommé, le Ixxic. histor. de Broughton, l’Eiiryctopadie d'Ersch ct Gruber, le Kirchen- und Kelzerhistoric d’Arnold. Baiieille. FANATISME. — I. Définition. H- Fanatisme, sectes, religion. III. Fanatisme ct déisme. L Définition. — Le fanatisme est aujourd'hui communément « appliqué à la passion de servir une cause ou un parti avec un droit prétendu devant le­ quel tous les autres droits s’effacent, » Benouvier ct Prat, La nouvelle monadologie, Paris, 1899, p. 236; c’est ainsi que la politique, la science ct la littérature elle-même ont leurs fanatiques; mais cc n’est là, comme on le voit bien, qu’une acception tout à fait secondaire ct dérivée où l’on ne retrouve déjà plus l’étymologie du mot. Cc qui constitue, cn effet, le fana­ tisme, ct qui nous reporte à sa première origine, ce ne sont point tant les droits qu’il s’arroge que les visions ou les inspirations divi es qu’il s’attribue. On appe­ lait fanatiques chez les anciens des espèces de devins ou prétendus prophètes. Ils étaient ainsi nommés du latin fanum, parce qu’ils demeuraient dans les temples. C’étaient surtout des prêtres d’Isis, de la Mère des dieux, de Bcllone. La signification du mot s’est en­ suite étendue comme d’clle-mêmc à tous ceux qui s’imaginent avoir des révélations ou des inspirations ct qui, s’attribuant par suite des pouvoirs divins, humainement irresponsables, soutiennent leurs Idées jusqu’à vouloir les imposer par la force ou par la vio­ lence. Il y a donc deux choses dans le fanatisme, dont l’une cn est le fondement, ct l’autre la conséquence. — 1° Les fanatiques sont essentiellement des visionnaires ou des illuminés; < ccs gens-là sont persuadés que Γ Esprit-Saint... les pénètre, · Voltaire, Dictionnaire philosophique, art. Fanatisme; ct c’est cc qui les dis­ tingue, par exemple, des utopistes qui ne tiennent leurs rêveries que d’eux-mêmes. Les utopistes af­ firment leurs chimères cn face de l’expérience qui les contredit; ils ne les laissent ni entamer ni réduire; mais ils ne cherchent pas non plus à vaincre la résis­ tance qu'elles éprouvent. Le fanatisme, au contraire, exaspéré par cette résistance, mais non pas instruit par elle, s’obstine à la briscr, ou il met son amourpropre à ne pas la sentir. L’enivrement de scs idées, qu’il affecte d’avoir reçues du ciel, non seulement le ferme à toute expérience ct le prévient contre toute I autorité, mais il le met en révolte contre elles. Là csl le grand danger de tous ceux qui, comme disait Bayle, • sc vantent d’inspiration. · On les accuse · d'un or­ gueil énorme, ct l’on remarque que c’est le défaut i ordinaire de ceux qui prétendent avoir part aux inspi­ rations d’en liant. Effecti veinent cette faveur est d’un si grand prix, qu’il ne sc faut pas étonner que ceux qui q 2073 FANATISME 2074 sc persuadent que Dieu les honore d’une Idle distinc­ cc que l’on a toujours cru, c’est cc qu'il faudra croire tion traitent les docteurs ordinaires de haut en bas. éternellement ; et ainsi, ce qu’il y a de plus vivant ct de Mais cn meme temps ils font connaître qu’ils se van­ plus reel dans la religion, c’est la tradition. Ceux qui tent à tort d’etre Inspirés : car, si Dieu leur faisait cc s’en détachent pour prétendre à des inspirations per­ grand honneur, il ne leur refuserait pas l'esprit de sonnelles ou ft des lumières particulières que l'Église l’humilité chrétienne; ils ne concevraient pas une si n’avoue point, sc jugent eux-mêmes ct ils sc con­ grande indignation contre tous ceux qui ne veulent damnent. La seconde conséquence, c’est que les sectes point ajouter foi à leurs rêveries. » Bayle, Dictionnaire n'ont pas en elles la force nécessaire pour sc garantir historique ct critique, Rotterdam, 1715, t. î, p. 981.— contre les déplorables moyens auxquels elles sont 2° Le fanatisme soutient ses visions ou ses Inspira­ entraînées d’cllcs-mêmcs pour la défense ou la propa­ tions par tous les moyens dont il peut disposer, d il va gation de leurs idées; elles sont fondées sur l'indé­ meme, s’il le faut, jusqu’aux pires extrémités. Scs vi­ pendance, ct elles cn vivent; la cause de toutes les vio­ sions ou scs inspirations distinguent un fanatique lences et de tous les excès que l’on voit chez elles est d’un utopiste; ce sont scs violences qui le distinguent de ne pas connaître une autorité comme celle de du simple charlatan. Le charlatan attribuera volon­ l’Éghse en dehors de laquelle, chacun étant livré à son tiers scs idées à une influence supérieure; mais il ne les chagrin ct à ses passions particulières, non seulement suit pas pour cela Jusqu'au bout. Une sorte d’instinct il n’y a plus de vérité possible, mais il n'y a plus de conservation l’avertit qu’il sc perdrait dans scs ex­ d'union réalisable; ct voila pourquoi, après s’être dé­ cès, qu’il ne peut manquer de succomber sous le coup tachées du tronc commun, les sectes glissent tout de des résistances qu'il provoquera el d’etre finalement suite vers le fanatisme; celui-ci leur est tellement vaincu par la force des choses. Il préféré sc reprendre, propre ou essentiel qu’elles ne peuvent se soutenir que sc ressaisir et se retourner. 11 renonce, suivant une par lui; il est, au contraire, si étranger A la religion excellente expression, à réaliser ses idées, ct il sc con­ catholique ipi'on ne peut cn trouver diez elle aucun tente de les manifester. Le fanatique, au contraire, est exemple, et qu’on la verrait toujours l’absorber au fur par excellence l'homme qui réalise ses idées, qui s’aban­ ct à mesure qu’il se produirait. donne a leur impulsion et qui, ne s’embarrassant point J IL Fanatisme et déisme. — Cela n’a point em­ des ruses du charlatanisme, se laisse entrainer à tous pêché les philosophes du xvin· siècle, qui furent aussi les execs : « Celui qui n des extases, des visions, qui ignorants - qu’Adam venant au monde * de toute sorte prend des songes pour des réalités et des imaginations d’histoire cn général, ct particulièrement de l’histoire pour des prophéties, est un enthousiaste; celui qui religieusc.de reprocher premièrement ct avant tout A soutient sa folie par le meurtre est un fanatique. > l’Églisc ses ravages, scs violences sanguinaires, ct cn Voltaire, loc. cit. un mol son fanatisme. Telle est la véritable origine IL Fanatisme, sectes, religion. — On voit par du déisme français, dont les commencements ne doi­ la définition de scs deux caractères que le fanatisme vent rien, et le développement peu de chose aux libresest aussi essentiel aux sectes qu’étranger ù la religion penseurs anglais. S’il nous souille, en eflet, d'Angle­ catholique. Toutes les sectes sont, cn effet, fondées sur terre, un terrible · vent philosophique · vers le milieu du siècle, ct si tout devient anglais vers la fin, cela ne la négation de l’autorité; et si quelques-unes a flectent veut pas dire que tout le soit déjà dès le début. C’est de croire encore à une révélation primitive, cc n’est Voltaire qui, en 1730, inaugura chez nous la fortune point qu’elles s’en embarrassent beaucoup, puisqu’elles de cc libre pays où · la raison ne connaît point de con­ sc chargent elles-mêmes de l’interpréter : « La doctrine trainte. » Mais nos philosophes n’avaient pas attendu du luthéranisme est fondée sur un principe semblable avec cette différence que les purs déistes, comme Jean- si longtemps pour sc décider contre l’Églisc; Voltaire lui-même, ct avant lui, Bayle, le premier de tous, Jacques Rousseau. pensent qu’il n’a jamais existé de avaient trouvé dans le gallicanisme, ct en particulier révélation extérieure de Dieu A la société humaine, et que l'homme trouve toutes les lois nu fond de son cœur, . dans les persécutions exercées contre les protestants, les principales raisons de l’animosité qu’ils n’ont cessé nu lien que Luther admet l’existence d’une révélation d’entretenir contre elle; et si nous ne doutons pas, à primitive, mais il pense que l’homme trouve dans sa ce sujet, qu’ils ne se soient trompés en inscrivant au raison les lumières nécessaires pour l’expliquer, c’estcompte de la religion catholique les abus et les exa­ à-dire que les uns veulent que l’homme soit sa loi A luigérations dans lesquelles le gallicanisme n’avait cessé même et les autres veulent (pie l’homme soit ft lulde la compromettre aux yeux des incroyants, il n’en rnémeson magistrat. · Ronald, Législation primitive, csl pas moins vrai que c’est là, au fond de toutes ires Discours préliminaire. Ainsi toutes les sectes se dé fi­ querelles, que nous devons chercher le commence­ nissent par la prétention qu’elles ont de rendre ù ment ou, si l’on veut, le prétexte de cette opposition l'homme In possession de son esprit. « Il n’y n plus de déclarée. Par la révocation de l’édit de Nantes, les maître : l’esprit de chaque homme est à lui, » J. de protestants furent, cn eflet, mis en demeure de choisir Maistre, Considérations sur la France, c. î, 6 : telle est entre leur pays ct leur religion; et, plus fidèles à leur la formule même de l’esprit de secte. « conscience · qu'A leur «prince»,ils optèrent en grand II suit de IA deux conséquences. La première, c'est nombre pour l’exil, quittèrent la France, · cette Baby­ que l’homme, délivre de toute contrainte, s'abandonna A toutes ses fantaisies; il prend ses imaginations ou ses lone enivrée du sang des fidèles, » et se réfugièrent idées pour des révélations; s’il cherche dans les Livres pour la plupart cn Hollande, dans cette · grande arche des fugitifs, · d’où ils nous renvoyèrent la dure leçon saints la parole de Dieu, il la tourne au gré de scs ca­ des événements dont ils étaient victimes. Quelques prices, parce que, cette parole n’étant attachée A au­ cune preuve positive, il n’y a personne qui ne puisse ou convertis ayant publié un panégyrique de Louis XIV sous cc titre : La France toute catholique sous le régne s'en vanter sans raison ou même sc l’imaginer sans fonde Louis le Grand, Bayle y répondit par trois lettres demvnt ; enfin il s'entête d’autant plus aisément dans son opinion qu’il n’y a point de contrôle pour l'en cor­ dans lesquelles il insistait avec complaisance sur les riger. Mais nous savons, au contraire, qu'en matière • dragonnades · et essayait de définir à son tour Ce de foi ct de vérités révélées, celui qui ne pense pas que c'est que la France toute catholique sous le règne de comme l’Églisc est un hérétique; et la religion ne sc Louis te Grand (1685) : « Vous croyez en gros et par conserve que si ceux qui la composent consentent Λ un honteux préjugé, y disait-il, que tout ce qui a été faire ft une tradition commune le sacrifice permanent fait contre nous est juste, puisqu’il a été suivi d’un de leur jugement propre. Ce que tout le monde croit. si glorieux succès A la religion. Mais ne vous y trompez 2075 FANATISME — FAR El NIST ES point : vos triomphes sont plutôt ceux du déisme que de la vraie foi. Je voudrais que vous entendissiez ceux qui n’ont d’autre religion que celle de l’équité natu­ relle. Ils regardent votre conduite comme un argu­ ment irréfutable; cl lorsqu’ils remontent plus haut, cl qu’ils considèrent les ravages ct les violences san­ guinaires que votre religion catholique a commises pendant six ou sept cents ans par tout le monde, ils ne peuvent s’empêcher de «lire que Dieu est trop bon essentiellement pour être l’auteur d’une chose aussi pernicieuse que les religions positives; qu’il n’a révélé à l’homme que le droit naturel, mais que des esprits ennemis de notre repos sont venus de nuit semer la zizanie dans le champ de la religion naturelle, par l’établissement de certains cultes particuliers, qu’ils savaient bien qui seraient une semence éternelle de guerres, de carnages ct d’injustices. » Le Commentaire philosophique sur le Compelle intrare ne fit qu’aggra­ ver les premières déclarations. Le vieux calvinisme, non moins exclusif que la religion romaine, ne s’y trompa point; il sc sentit frappé du même coup que Bayle avait porté au catholicisme ct commença de sc croire « trop vengé par cette plume indiscrète. » Mais c’est en vain que Juricu, effrayé de ccs idées nouvelles, publia contre Bayle son Traité des deux souverains pour détruire le dogme de l’indlttércncc, ct que, de toutes parts, on s’essayait à distinguer soigneusement la tolérance civile ou politique de la tolérance ecclésias­ tique. Voir Morellet, Mémoires inédits, t. i, c. il, p. 33, 31, dans la collection des Mémoires relatifs d la Révo­ lution française. En dépit de ccs discussions subtiles, l’idée n’en continua pas moins de faire son chemin; il est impossible de ne pas la reconnaître derrière toutes les querelles qui furent faites à la religion au cours du xvin· siècle; et c’cst ainsi que le déisme a com­ mencé, cl qu’il s’est particulièrement développé, par la démonstration non pas de l’absurdité, mais du fana­ tisme de la religion catholique. ■ C’cst un tort à une religion d’être absurde, écrit Helvétius; son absur­ dité peut avoir des conséquences funestes. Cependant ce tort n’est pas le plus grand de tous, cl si ses prin­ cipes ne sont pas entièrement destructeurs du bonheur public ct que scs maximes puissent s’accorder avec les lois cl futilité générale, c’cst encore la moins mau­ vaise de toutes. · De Γ homme, dans Œuvres complètes, Londres, 1775, t. ni, p. 53. Recherchons donc la reli­ gion qui tendra le plus directement au bonheur pu­ blic ct à futilité générale; la religion qui unit les hommes, el non pas celle qui les divise; la religion qui tolère, ct non celle qui persécute; la religion « qui dit que toute la loi consiste à aimer Dieu ct son prochain, cl non celle qui fait de Dieu un tyran ct de son pro­ chain un amas de victimes. · Helvétius, loc. cit. On se tromperait donc du tout au tout si l’on voulait ra­ mener le déisme français du xvm* siècle à un pur ct simple rationalisme qui n’eût eu d’autre effet que de supprimer la révélation pour nous laisser à chacun la liberté de philosopher sur les matières de la religion. Ce que les philosophes voulurent atteindre, cc ne fut point seulement la · superstition », mais cc fut premiè­ rement le fanatisme. En s’attaquant à la superstition, ils établirent sans doute le principe du déisme, qui est la raison, · ce bon sens qui n’est pas encore instruit par h revelation; · mais en s’attaquant au fanatisme, ils dégagèrent la forme de cette nouvelle religion qu’ils tutent l’ambition de donner comme étant, par le niosrn des Idées de tolérance ct d’utilité générale, la seule religion véritablement universelle. J. Bouché. FANLO vincent, religieux augustin. né à Valence, tut prieur des couvents de Alcoy rl de Saint-Philippe, et mourut en 1767. Il publia un ouvrage pour dé­ fendre le cuite des saintes images : Ni cl pensador, ni 2u76 ta pcnsadora, sobre assumpto de tas santas image nés, Re.spuesta en cinco cartas Picrrellcur, p. 185. L’activité dc Farci a été considérable. Le conseil de Berne n’exagère pas en rappelant comment maître Guillaume a · enduré grosses tribulations, travaulx et peines, ès affaires de la ville (Genève), et en leurs afllictions ct misères du temps passé » (29 mai 1538). Hcnnlnjard, L v, p. 15. 11 avait à peine le temps d’écrire scs lettres: non nisi exspeclanlc nuntio, litteras 2083 FAREI scribo (2b août 1511). Ibid., t. vu, p. 224. Il rend témoi­ gnage à son indomptable ténacité : « tant que vivray cc qu’ay proposer vculx tenir et maintenir jusqu'à la dernière goutte de mon sang · (8 novembre 1538). /bid., L v, p 175. 11 le lit voir Λ Neuchâtel, en s'oppo­ sant aux désordres d'une personne dc la famille du gouverneur; et les pasteurs dc Neuchâtel le louent en 1551 d’employer les pénitences publiques pour main­ tenir la discipline. Bayle, art. Farci, remarque E. Quant nu succès final de Enrol, quant a la qualité de cc qu’il a voulu édifier, ses lettres nous renseignent avec mélancolie. En parlant dc ses collègues, il écrit à F abri : Crede mihi, malos habemus nebulones cl insignes rod dores, qui si aliud non possunt, ruinam suam procurabunt. J/ecc nostro supererunt labori (6 sep­ tembre 1537). I lerminjard, t. iv, p. 297. Cf. ibid., t. iv, p. 351-352; t. v, p. 149-156; t. vi, p. 98. Quam sunt pestilentes tam ambitiosi nebulones qui Deum abnega­ rent milites quam semel se paterentu in ordinem redigi (.5 février 1539). Jbid., t. v, p. 236. Lc 4 mm 1876, ne statue a été érigée à Farci, zur la place dc Neuchâtel, près dc la Collégiale. Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, t. xxv, p. 331. II. Doctrine.— « Guillaume Farci, renommé pour sa doctrine et piété, » dit Bèze. fl. E., I. i, p. 14. Mais Farci, plus modeste et plus véridique, parle autre­ ment : infelici naius smeulo, ct infelicius educatus, meæ mihi conscius ignorantiæ (28 mars 1544) Hcrmin­ jard, t. ix, p. 191. Novi hoc mihi et amicis obesse plu­ rimum, dum non intelligor, cum existimem me omnia apertissime indicasse (23 novembre 1544). Ibid., t. ιχ, p. 367. Elsi nullius plane sum lilleralurœ... nullusquc habeor inter theologos I dc Bellay, septembre 1535). Ibid., t. m, p. 358. Ni les thèses qu’il soutint da s les disputes publiques, ni scs ouvrages ne contiennent rien de remarquable. Dés 1521 à Bâle, ibid., 1.1, p. 191, il formule les lieux c m «uns dc la controverse pro estante : l’Écriture san* la tradition, pas de célibat, pas d’abstinence, pas d'offlccs ecclesiastiques; dans les thèses de la dispute dc Ecrno (1528) que Farci avait traduites en français, se trouvent ‘es négations classiques : pas de messe, pas d'invocation des saints, pis de purgatore, pas d’images. Ibid., t. ir, p. 59. Mais Farci n’a aucune importance dogmatique: la longue liste dc ses ouvra­ ges peut sc lire dans la France protestante. H sufllt de signaler : la lettre « â tous seigneurs ct peuples » (1530), récit de s passage au protestantisme; la Confession de la foy, laquelle tous bourgeois c habitants de Genève el subjects du pays doibvent jurer de garder et tenir (1531); le Sommaire (1521), réédité par Bauin (1867). On rencontre d’ailleurs çù cl là quelques phrases très peu logiques sur les lèvres d’un protestant: ainsi Farci exhorte les Genevois : < Vous humblement jetiez devant Dieu en jeusnes. prières ct oraysons de grande instance cl affection · (S novembre 1558). I lerminjard. t. v. p. 175. « Fare! abandonnait le mérite des œuvres en 1517. · Douen, Bulletin de la Société de Γ histoire du protestantisme français, t. xt.i, p. 127. Ailleurs il regrette les institutions de l’Église catho­ lique : Quod cupis clavium usum, quo contineatur Ecclesia revocari, hoc faxit Christus (à Capiton, 5 mai 1537). i lenninjard. t. v. p. 111. Le conseil de Berne visait Farci ct Calvin quand il s’alarmait dc l'orthodoxie dc scs predicants : « Nous sonies esté advertis... que cherchés toujours dc leurs inculquer vostre intention ct opinion dc la nullité des inoetz. trinilé ct personne, pour yceux Jà diets predi­ cants dévier de la costume ct manière dc parlé de la Trinité recephuc de l’Église catholique » (13 août 1537). Ibid., t. tv. p. 275. ( I ] I 2086 Il avait pour la prédication un admirable organe; au dire dc Bucer, sa voix fut à Metz assez forte pour dominer le bruit de la cloche (6 octobre 1542). ibid., t. vin, p. 148. Λ l’en croire, sa parole était aussi per­ suasive que sa voix était sonore : /labui orationem de pace et caritate, de non insultando fratri, neque per­ dendo aliquo, de omnium ædifleatione Cum minim? mihi placeam, et nulli minus quam mihi satisfaciam, tamen hic non lanium aliorum judicio, verum etiam meo expertus sum ex Domino prod tisse orationem, q<<æ scan debebat permovere (23 novembre 1544). Ibid., L rx, p. 368. Dans scs écrits polémiques, il s’exprime avec verve, ct d’une façon pressante, par exemple, dans sa réponse au défi de Caroli (21 mai 1543). /bid., t. vin, p. 369. Mais le fond manquait à s s discours : · Lc dit Farci, rapporte Pi erre fleur..., prcschait par jour deux fois le jour, ct chascu sermon tenait deux heures, et tous scs sermons estoyent tous semblables l’un à l’autre, sans avoir grand'différence. Lc plus de ses sermons n’estoit sinon dc appeler aux prestres ct à toutes gens d’église, disant : · ces brigands, ccs larrons, ces meur­ triers; · ct quand il avait achevé, il tournait toujours â son propos, » p. 36. Lc pasteur 1 loyer, art. Farel, dans V Encyclopédie des sciences religieuses, t. iv, p. 680, reconnaît les défauts dc Farel : < 11 a ait d’ailleurs peu dc gofit p air un travail deplume lent et réfléchi...;sa plume est embarr sséc ct souvent peu claire. » Nous av ns vu Farci nous dire la meme chose; en somme, toute la phraséologie pieuse dont ses lettres sont parfois surchargées, ressemble à un vêtement d’em­ prunt, cela ne lui va pas, et quelquefois cela prête â sourire. Non pas que la vigueur ni l'émotion ne soient réelles en certains endroits : voir, par exemple, la Forme d'oraison pour demander u D eu la sainte pré­ dication de ΓÉvangile cl le oral et droit usage des sacre­ ments. Bulletin de lu Socié é de Chistoire du protestantisme fra çais, t. xiv, p. 356 sq Les emprunts aux soux cnirs cl au vocabul ire dc la Bible sont très nombreux; la prolixité est incontestable; la suite des idées rst remplacée par une série d'apostrophes ou d’invoca­ tions parfois pressantes; le tout est empreint dc ce mysticisme si déchirant ct si funeste chez tous ceux qui sc sont séparés dc la veritable Ég isc. C’est ce qu * Bèze traduisait en ccs paroles trop flatteuses : Excelle­ bat quadam animi magnitudine Fartllus, cujus eel audire absque tremore tonitrua, vel ardcnlissimas preces percipere nemo posset, quin in ipsum pene catam subveheretur. J Calvini vilæ, dans Opera, Genèv . 1582, t. ni, p. 370. 111. Ministère. — Farci avait pris pour cachet : un glaive entoure dc flammes, ct la devise : Quid volo nisi ut ardeat? Cette Impétuosité et cette violence le caractérisent. 11 a été l’homme d'action du protestan­ tisme < n Suisse. S’il n’est que pasteur de Neuchâtel dc 1538 à sa mort, il a été le chef de la Réforme en Suisse ct en France, jusqu’à ce que l’ascendant dc Calvin ait prévalu. Sa fougue a reuîsi malgré l'attachement du peuple à la foi catholique, mais grâce à la lourde main de Messieurs de Berne, à établir 1a soi-disant Bétonne. Tous les pasteurs sont unanimes à le caractériser. Bédrot, pasteur à Strasbourg : Acerbitas hominis intcmpestivior ct nobis displicet (octobre 1541). Ilcruiinjard, t. ix, p. 299. Buccr, dc Strasbourg : virt, ut Christo toto pectore ardentis ita in causa Chr sti semper vehementis (octobre 1511). /bid., t. ix, p. 300. Myconius, de Bâle : Ego quidem jam longo tempore novi seve­ ritatem Farelli (24 octobre 1541), Ibid., t. ix, p. 296. Toussai», de Montbéliard, à Farci : Quorumdam de vobis judicium est, quod in colloquiis el epistolis ve· siris promptiores sitis ad convitiandum fratribus (12 no­ vembre 1537). /bid., t. tv, p. 312. Calvin reproche à Farci, onimc un manque de 2ü87 FA B EL 2088 n verve, qu’au seul nom de Kuntz, ministre à Berne, rali addito supplicio in pontificios, cum muleta nihil Impendio liberius stomachum tuum effudisti (octobre terreantur (12 decembre 1536). Ibid., t. iv, p. 131. Mato 1538). Ibid., I. v, p. 1 12. Ailleurs, le 28 mars 1511, Il dans l’emploi de cette apologétique, Farci rencontre renvoie à Farci des lettres écrites par lui, ct qu’à une difficulté : Mundatum excepimus.,.; ct in rjusmodi cause de leur violence, Calvin n’a pas voulu remettre locis difficili fuerit eo uti propter satellitts illos ducales à leur adresse. Ibid·, t. vu, p. 63. Ci. p. 250. Et la [ (16 décembre 1534). Ibid., t. iv, p. 137. f même année, Calvin cherche à excuser comme il peut Il faut entendre les plaintes des clarisses dc Genève h colère dc Farel contre l’avoycr dc Berne : cogimur lorsqu’elles voyaient les syndics venir leur oITrir : in tanto Christi organo huic nimia vehementiæ utcum­ « mari ct mariage, grand honneur et profit; que jamais que ignoscere (15 octobre 1541). Ibid., t. vu, p. 291. bien ne leur faillirait, ct qu’elles ne doutassent de Pectus illud ferreum, dit encore Calvin (23 avril 1537). privément déclarer leur vouloir, et autres propos, qui Ibid, t. ι\, ρ. 230· ne sont pas Λ écrire, car cc ne serait qu’horreur. ■ Fabri, de Genève In protrahendis aut abbreviandis Cf. ibid., t. v, p. 151, notes, et surtout Jeanne de concionibus, et in einitIctidis tonitruis, si non possis Jussie. Il faut entendre les catholiques dc Granson: Hoanerges naturam (ut non expedit) exuere, saltem « Le diet maistre Guillaume et scs complices sc temperantiam aliquam sive moderationem adhibito, venoyent mcclre ès formes, et au cucur des dites precor (18 septembre 1541 ). Ibid., t. vn, p. 261. Dès ! églises, pour vcoir à l’heure nccouttuméc si ont il les premières prédications dc Farel, (Ecolampade, chanterait, pour il faire troubles, cmpeschemens ct avec plus d’insistance que de succès, lui avait recom­ scandalisacions. Et, pour plus troubler les bonnes mandé la modération (3 août ct 19 août 1521) : Evan­ gens, une venue qu’estoyent là pour faire leur orai­ gelizedum, non maledictum missuses. Ibid., t. i, p. 263. sons cl ouyr le service de Dieu, les ung desdits com­ Berne même adresse à Farel des reproches opportu­ plices aus dits assistens monstroyent le derrière, les nistes sur la violence de scs procédés (6 août 1540). aultres levoyent par sus leur testes une bûche de boys, Ibid., t. n, p. 26. Ci. I. îx, p. 95 (2 novembre 1543). cn disans par derrison ; « Vela vostre Dieu » et plusieurs 'fout cela donne quelque apparence au jugement aultres deshonnêtes parollcs prolixes à racompicr... · d’Érasme : Farellum, quo nihil vidi unquam menda­ (7 octobre 1531). Ibid., t. n, p. 368-369. Celle lettre cius, virulentius aut seditiosius. Epist., 1. XVIII, décrit encore d’autres grossièretés ct violences de epist. xxx. Et tout cela rend recevables les plaintes Farci, et tandis que les assemblées à l’église, des pro­ des catholiques; l’évêque dc BAlc cn écrit à Berne : testants ct des catholiques, devaient sc tenir successi­ « Un nommé Farel parcourt notre territoire, dégor­ vement à heure déterminée, on vit Farci : « tenir, tant geant beaucoup d’injures contre notre personne, ce cn sonnant qu’en preschant le matin depuis cinq ct qu’il n’a sans doute pas appris dans l'Évangile · six jusques à neuf et dix heures; et avoir presché luy(29 mai 1530). Hcrmlajard. t. n, p. 259. mesme bien longuement, faire remonter ct preschcr ung aultre après lui, ct puis encore ung aultre... » Le langage de Farci sc ressent, cn effet, dc ccttc viva­ cité; l'invective lui est familière. Son latin pour dési­ lbidt > gner les prêtres ne connaît qu’un mot : rasi. 1 IcrminLa prédication dc Farel a trouvé une alliance jard, t. π, p. 18; t. iv, p. 51, 124, 137; t. v, p. 117, trop efficace dans le Sénat dc Berne, « qui par poli­ 160; L vi, p. 292, 393; t. vu, p. 103. II appelle un tique, autant au moins que par conviction religieuse, moine : cuculio (22 mai 1535), ibid., t. ni, p. 293, ct croyait nécessaire dc propager la Kéforme. · Haag, parlant d’un de ses collègues Chaponneau : Spado La France protestante, t. v, p. 62. Dès 1529, dans le noster (2 octobre 151 11. Ibid., t. n, p. 335. pays d*Aigle où Farci avait son centre d'action, Berne Cependant il ne craindra pas dc sc rendre bon témoi­ opprime les gens de Mordes, ct par le bailli leur fait gnage : Ay-jc jamais usé que de très grande douceur ct < ordonner qu’ils nient à s’abstenir de fréquenter la bénignité selon la grâce que Dieu m’a donnée, par­ dite église, ct qu’ils aillent à Bcx, pour entendre prê­ lant avec eux tant amiablement qu’il m'a été possible cher la parole dc Dieu ■ (7 février), Ibid., t. n, p. 168. (21 mal 1543)? Ibid., t. vin, p. 370. Il recommande En septembre 1529, Berne punit d’une amende de aux autres la douceur : Gratum est quod nolis ita dix florins les gens d'Aiglc qui portent leur chapelet. pontificios interturbare, ne infensiores verbo reddantur. Ibid., t. π, p. 697. En décembre 1529, les habitants de Perge summa lenitate omnes pellicere ad Christum (à Ncuvcvillc, leur prêtre en tête, ont résisté aux ser­ Fabri, 22 avril 1536). Ibid., t. iv, p. 38. « Ne criés ni mons dc Farci, Berne aussitôt d'écrire : · Farci et notre contre cesluy, ni contre l'aultre, mais ung chascun députation comparaîtront devant vous, ct poursui­ contre sov-mesme .. Par haine, mespris, orgueil et vront la cause contre votre curé. · Ibid., t. n, p. 216. aultre façon dc faire, ne prou Oterons rien, mais par Tandis que Farci prêchait à Orbe en mai 1531, « le bonne charité, doulccur ct bénignité, nous extimans mercrcdy après Pentecôte, arriva un messager por­ moindres que tous · (à Genève, 19 juin 1538). Ibid., tant mandement dc par Messcigneurs dc Berne que I v, p. 36, 37. · Et surtout faut garder la douceur de force leur (les clarisses d'Orbe) csloit d’ouyr le sermon Jésus, laquelle il vcul (pie nous appregnons de luy, ct aussi dc le suyvre. » Picrrcflcur, p. 45. Lors de son et que alnsy que Nostre Seigneur long temps attend insuccès à Granson, Farci sc retourne vers Berne, · n’est après les pécheurs qu’ils sc convertissent, ainsy faut à raconter les assaults qu’on nous lyvrc tous les jours, qu’attendions ceux que Noire-Seigneur veut attyrer ■ ct aucuns ont mis la main et frappé aucuns dc nous » (au chevalier d'Esch, 16 octobre 1526). Ibid., t. v, (21 septembre 1531). Hcrminjard, l. n, p. 362. Des le p. 107. Cf. encore, t. v, p. 223; t. iv, p. 159, note 11 ; premier dimanche dc mars 1534, lors de la première t. îx. p. 368. I prédication publique (28 décembre, conseil de Bénie au conseil dc Genève). Ibid., t. rv, p. 331. C’est encore Berne qui h l’occasion contient les évangélistes et gourmande Farel d’avoir été < csmouvoir quelque fascheric au diet Caroli absent > (28 fé­ vrier 1527), ibid., t. iv, p. 195, comme d’ailleurs elle se fait gloire de scs cllorts de prosélytisme : «Vous n'avès pas mis cn obly le travail ct diligence qu’avons par cy-dcvant employé cn l'affaire dc l’Évangile pour le mettre ct faire avoir lieu au Landeron · (Berne au châtelain dc Landeron, 24 décembre 1538). Ibid., t. v, p. 203. Cf., entre beaucoup d’autres textes, ibid., t. iv, p. 138, 139, 302; L il, p. 220, 225, 227, 229; Haller, p. G7, note. On a vu plus haut comment Farci était muni d’une patente bernoise, qui, dit fort bien Haller, Histoire de la révolution religieuse, p. GG, était à la fois sa mission ct sa sauvegarde. L'affection du peuple à Γancienne religion est avouée par Farci, ct d’ailleurs bien déclarée par les faits. A Aigle, Farel est < rcccuz cn dérision » (lettre du conseil dc Berne, 14 février 1528). Hcrminjard, t. n, p. 106. A Ollon, il rencontre aussi < des aultraiges ct violences > (lettre du conseil dc Berne, 8 avril 1528). Ibid., t. ïi, p. 125. A Lausanne, il est éconduit par le conseil : fuit responsum quod nostra non intererat dare locum predicationi (31 octobre 1529). Ibid., t. n, p. 202. Une plainte dc Fribourg à Berne nous apprend que Farel s’arrêtait dans des villages, qui nondum deside­ rant verbum condonari (31 janvier 1530). Ibid., t. n, p. 235. Cf. p. 216. ■ En allant prcscher, dit Anthoinc Froment, çà et là par les villages circonvoisins, rcccpvoicnt souventes fois leurs censes, assavoir cops ct oultraigcs; · ct on lui criait : « Cric merci ù Notre-Dame. > Actes ct gestes merveilleux, p. 11. Après le sac de l’église de Neuchâtel, par les menées des Bernois, le culte catholique est déclaré aboli, malgré la fidélité d'un bon nombre : Lors fut faist requeste par ceux qui tenaient le parti du saint-sacrement, qu’ils voulaient mourir martyrs pour la sainte foy » (le gouverneur à la comtesse dc Neuchâtel, 20 novembre 1530). Ibid., t. n, p. 295. Les mêmes violences, contraires au vœu des popu­ lations, sc renouvelaient cn maint endroit. A Dombresson « au lieu dc la messe a prcsché le dit Farci. Et puis après ils ont abbattu, gastés, cassez, et rompus toutes les images de l’église, et plusieurs aultres choses, violenlcment ct par force, sans être demandés par les pcrrochicns ct sans leur consentement ■ (la dame dc Valangin au conseil de Berne, 24 février 1531). Ibid., t. π, p. 312. Les tentatives de Farci à Avenches furent d’abord mal reçues, comme le reconnaît une lettre des Bernois : · auleuns entre \ ous ay t voulsuzoultralgcr inaistrc Guillaume Farel » (25 mars 1531). Ibid., t. n, p. 323. Pierre fleur nous raconte les débuts du novateur à Orbe : La dimanche de Pasques fleuries... s'en alla mettre en chaire à l’église pour prcscher; et lors cha­ cun le suivit, hommes ct femmes ct enfans, qui tous et un chascun cri oient ct situaient pour le destourber avec toute exclamation l’appelant chien, matin, héré­ tique, diable, et autres injures, cn sorte que l’on n’eut pas oui Dieu tonner. · .Mémoires, p. 21, 22. Et comme Farel voulait arguer devant la justice dc la commission dc MM. de Berne à lui accordée : · le commun peuple ne attendirent pas que les seigneurs du conseil fissent réponse, mais commencèrent tous d’une voix à crier qu’il s’en allât, et que l’on n’avait cure dc lui m de su FARGET 2090 prédication. > Ibid., p. 33. Une première prédication à l’église fut mal accueillie : (les petits enfants) « d’euxmêmes et sans conseil sc mirent tous devant ct â l’entour dc h chaire, sc couchant et faisant des dor­ mons. * Ibid., p. 317. MM. dc Berne contraignirent les gens d’Orbe à assister aux sermons bi-quotidiens de Farci. Une premiere cène à Orbe rassemble sept per­ sonnes, dont Pierre Viret Ibid., p. 41. Le 24 Juin, Farci fait]emprisonner les cordeliers de Granson, Ibid., p. 47; mais, comme les prédicants, un dimanche 21 septembre, empêchaient la messe à force de prêcher, les fidèles, ct cn particulier les femmes firent irruption : « qui eut du pire cc furent les trois prédicants, qui sc nommaient Guillaume Farel, Marc Je Bogneux ct George G rivat, allas Colley, lesquels furent merveilleusement mal accoutrez, tant par le visage que aultre part » Ibid., p. 66. k Payerne, en juin egalement, « le banneret l’a fait prisonnier, mais pouvait-il agir autrement, puisqu’on voulait jeter à l’eau Farel? > Hcrminjard, t. ir, p. 311. C’est à ccttc époque que Fard écrit à Zwingle : Quanta sit messis, quis populi ardor in Evangelium, paucis nemo expresserit. Ibid., t. π, p. 356. En 1532. Genève, par une ambassade à Fribourg, déclarait sa volonté dc rester catholique (6 juillet). Ibid., L u, p. 421. Et trois ans plus tard, tandis que Farci avait aboli les images ct la messe à Genève, le conseil de ccttc ville écrivait à son ambassadeur à Berne, lui signalait comme importante cette affaire dc la messe, « à cause (comment scavés) que beaucoup de gens la veulent · (10 août). Ibid., L m, p. 334. « Maistre Guillaume Farci, annunciatcurs de la parollc de Dieu » (lettre de Berne, 20 mars 1533), Gaberel. Histoire de Genève; pièces justificatives, L i, p. 39, on l’a vu, ne peut prétendre au renom de grand théologien. Cct homme, qui fixe Calvin à Genève, cn priant Dieu qu’il lui plût dc maudire « son repos ct la tranquillité d’études > qu’il cherchait, a été un agitateur; par son intrépidité, disons le mot propre : par sa violence, il a été un agent des plus actifs, mais un agent de désordre. La politique oppressive de Berne a trouvé cn lui un instrument précieux. Farci est un des hommes qui personnifient le protestantisme, ct il rappelle la rvj flexion de Dollinger : « Il n’y a rien de plus antihis­ torique que l’assertion, d'après laquelle la Bétonne aurait été un mouvement cn faveur de la liberté de conscience. · Kirchc und Kirchen, 1861, p. 68. Hvnninjard. Correspondance des reformateurs dans les pays de tangue française, 9 vul.. Genève. 187S-1897 (la source la plus précieuse pour la connnUsance du milieu); Ancillon. Vie de Farci. Amsterdam, 1691 ; Rayle, Diction­ naire critique, t n. p. 1152-1136; le Bulletin dc la Société d'histoire du protestantisme français n’otfre que quelques renseignements, fxissim; Encyclopédie des sciences religieuses. t IV, p. 676-682; Frument. Ixs actes ct gestes merveilleux de la cité dc Genéi'C, ètllt RêvilUod. Genève. 185-1: Gaberel, Histoire de ΓEglise de Genève, 2 vul., Genève, 1858; Haag. Iax France protestante, t. v, p. 59-71; Haller, Histoire de la réforme protestante m Suisse, Ihirts, 1837: Sœur Jeanne de Jusslc, Le levain du calvinisme; Kirchhofer, Dos Ixben Wilhelm Fareb ans dm Quellm bearbeitet, 2 vol., Zurich, 1581-1583; Magnln, Histoire de rétablissement du protestan­ tisme d 6’cnàv; Picrrcilcur, Mémoires, édit. Verdois, Lau­ sanne, 1856 (zélé catholique... il est |>ourtant, nu fond, vrai, dit l'éditeur protestant ; Schmidt, Eludes sur Farel. Stnisi bourg, 1831; Vater und liegrunder der reformierten Kirchen. Elberfeld. 1880, t ix; Spun, Histoire de Genève, 2 In-4·, Genève, 1730; Bealencyklopadic fur protcslanlische Théologie und Kirche, t. v, p. 762-767. J. Dutilleul· FARGET Pierre, religieux augustin du xv· siècle, selon le P. Dominique de Colonia : « traduisit en notre langue un livre singulier intitulé : Déliai (en voici le titre complet : Le procès de liélial Λ rencontre de Jhesus translaté de latin cn français par frère Pierre 2091 FARGET — FARVACQUES Parget, docteur en Sorbonne, Lyon, 1485, 1490, Maittalrc. Annates typographic!, Amsterdam, 1733, t. r, p. 461. 526), avec un second ouvrage qui porte pour Litre : Lrs fleurs et les manières de faire des terns passez, et des /ads merveilleux de Dieu, tant en Γancien Testa­ ment comme au nouveau, Genève, 1495 (c'est la tra­ duction du Fasdcnlus temporum de Werner, voir Muitl.dre, op. cit., t. r, p. 590, n. 2). · Antoine du Ver­ dier lui attribue encore une traduction française du Speculum oilæ humanæ, composé cn espagnol par Hodcric. évêque de Zamorra. Maittaire, op. cit., t. i, p. 430, n. 3. Dr Colonia, Histoire littéraire de la ville de Lyon, Lyon, 1730. t. n. p. 401, 105; Ossinger, Bibliotheca augustiniana, Ingobtadt, 1768, p. 328; Hurler, Nomenclator, t. n, col. 859. A. Palmîehi. FARINACI Prosper, jurisconsulte, né à Home le 30 octobre 1554, mort dans cette même ville ct le même jour de l’année 1613. Après avoir étudié le droit Λ Padoue, d devint avocat Home et s’acquit une grande autorité comme jurisconsulte. Procureur fiscal, il mont ni dans la répression une très grande sévérité que malheureusement il n’apporta pas dans sa vie privée,ct de hautes protections seules purent lui éviter les châtiments que ses mœurs dépravées mé­ ritaient. Scs nombreux écrits ont été réunis ct publiés â Anvers, 13 in-fol., 1670; à Francfort, 14 in-fol., I 1G22 1660. Parmi eux on remarque : Decisionum S. llolæ llomanæ Centuriæ IX (a b an. 1372-1b 10), in-fol., Francfort, 1612; Lyon, 1640; Venise, 1716; la IV' partie de cet ouvrage fut condamnée cn 1609, parce qu’elle contenait des déclarations du concile de Trente; Tractatus de lucres! quid a jure ivili ct canonico a conciliis ct summis pontificibus statu­ tum, quid verius ct magis communiter receptum sil, quid in practice scrvdur, in-fol., Home, 1616; De immunitate cccl siorum ct confugientibus ad eas ad interpretationem bulhc Gregor i ι XIV, cum appendice de careeribus ct carceratis, in-fol, Home, 1621. Tlrnboechl. Storia delta leltcratnra Italiana, ln-8·. Milan, 1824, t. vn, p 1089; J Fr. Von Schulte, Die Gesehichte der Quellen und Literatur des ranonischen Hechts, in-8*. Stutt­ gart. 1880, t. in b, p. 462; Horter, Nomenclator, 1907. t. m, coi. 585. B. HeURTEBIZE. FARINON1 Guillaume, religieux augustin, né à Viccnce, publia : Conciliatio controversiarum inter di­ vum Thomam et Ægidlum Columnam, Padoue, 1611 (et non 1514, comme le dit Hurter). Ossinger. Bibliotheca augustiniana, Ingolstadt, 1768, p. 328, 329; Lanteri, Postrema sercula sex religionis augusliniana, Tolcnlln, 1859, t. n, p. 414; Hurter, Nomen­ clator, t. n, coi 1110. A. Palmiehi. FARVACQUES François, célèbre théologien de l’ordre de Saint-Augustin, naquit à Lille, cn 1622. A l’ûgc de dix-neuf ans, il embrassa la vie religieuse au couvent des augustins de sa ville natale. Après avoir reçu la prêtrise, il enseigna la philosophie à l’université de DouaL En 1655, scs supérieurs l’envoyèrent à Louvain. H y fréquenta les cours de l’université ct s’adonna aux éludes historiques ct patristiques, sous b direction du fameux théologien augustin Chrétien Lupus. Le 23 septembre 1657, il fut reçu docteur en théologie à l’université de Louvain. Scs supérieurs le nommèrent alors régent des études au couvent de la même ville ct lui permirent de donner un cours de théologie aux jeunes clercs de l’abbaye de SainlcGertrude. Il remplit cette charge Jusqu’en 1680. A la mort «le Chrétien Lupus (10 Juillet 1681), il lui succéda dans b chaire de théologie ù l’université de Louvain. Cne maladie lente ct incurable l’empêcha de terminer 2092 un ouvrage, où il traitait avec une grande largeur d’idées de nombreuses questions dogmatiques ct mo­ rales touchant les sacrements. Il mourut le 3ü juil­ let 1689 ct fut enterre dans le chœur de l'église des augustins, à Louvain. Dans l'épitaphe gravée sur son tombeau, on l’appelle : Chanlatis augustinianæ et veritatis vindex mitissimus. Le P. Farvacques s’éleva dans scs écrits contre le laxisme de certains théologiens· Scs théories sur i’attrition le forcèrent à engager de vives polémiques avec les jésuites Maximilien Le Dent ( 619-1688) < t Gilles Estrix (1624-1694). Voir t. i, col. 2259-2261. 11 y fait preuve d’une connaissance approfondie des écrits des Pères de l’Églisc ct cn particulier de saint Augustin. Il soutint aussi énergiquement l'infaillibilité doctrinale des papes dans les questions dogmatiques ct combattit es erreurs de la fameuse Déclaration du clergé gallican (1682). Voici la liste complète de ses écrits : 1° Disquisitio theologica an peccata dubia sint in sacramental! confessione explicanda, in qua Lutheri neg nils dogma refertur cl confutatur argu­ mentis cujusdam rcccnlioris, incaute camdem doctri­ nam tradentis, respondetur ; cl de possessione libertatis agendi, de opinionum probabilitate et attritione ad sa­ cramentum necessaria, nonnulla breviter discutiuntur, in-4°, Louvain, 1665; ce volume est dirigé contre le P. Jean Caramucl y Lobkovitz, que saint Alphonse de Liguori appelle le prince des laxistes; 2°(jiucstioquoddbelica de attritione, scu quœ /uerit mens eo cilii tridenlini de sufficientia attritionis servilis in sacramento pœnileidiæ, in-4°, Louvain, 166G; il y soutient que I’attrition servile, provoquée par la crainte de l’enfer, est Insuffisante pour le sacrement de pénitence ct il appuie cc sentiment sur l’autorité du concile de Trente; 3° Appendix ad quæstioncm quodlibeticam. in qua proponuntur testimonia turn antiquœ sacræ facultatis theologiae lovaniensis, quam agri dominici piissimam rcligiosissimamque Intricem vocal Leo X, tum celeberrimorum ejusdem /acullatis theologorum, maxime eorum, qui concilio tridcnlino interluerunt, testimonia de attritionis servilis, id est. ex solo timore gehennæ provenientis, in sacramento pienitentiir insuffi­ cientia, in-4°, Louvain, 1666; la doctrine contenue dans cette brochure et dans l’ouvrage précédemment cité a été taxée de rigorisme par le P. Le Dent, dans sa dissertation : De attritione ex rnclu gehennæ cjusque cum sacramento pœnitentiœ sufficientia, juxta mentem sacri concilii tridentini contra dissertationem dogma­ ticam exe. P. Christiani Lupi, et qiuvslioncm qtiodlibclicam P. Prancisci Farvacques,Malines, 1667; 4° Xe­ nium theologicum, in quo dilectionis Dei in sacramento pænttentiæ necessitas per qmvstioncm quodlibeticam asserta stabilitur cl confirmatur, et respondetur iis quæ opposuit Hev. admodum Pater Ataximilianus Le Dent, in-4°, Louvain, 1668; le P. Le Dent pu­ blia une réponse ù cette brochure : Ad xenium theolo­ gicum eximii P. Francise! Farvacques responsio, Malines, 1669, ct le P. Farvacques répliqua : 5° Apo­ logia pro xenio dilectionis, in qua dilectionis Dei in sacramento pienitentiæ necessitas rursus propugna­ tur, et respondetur iis, quæ de nuo opposuit Hrv. admo­ dum P. Maximiliantis Le Dent, in-4°, Louvain, 1669; 6° Vindiciæ veritatis et char itatis, seu mens concilii tridentini de attritione : thesibus accessoriis ex historia card. Pallavicini propugnata, in-4°, Louvain, 1669; 7° Veritas et char itas, seu mens concilii tridentini, sess. XIV, c. iv, de attritione ex metu gehennæ con­ cepta, per card. Pallavlcinum, aliquando tamen origiI natibus actis tridentini mani/este declarata, et per I Franciscum Farvacques sic Illustrata, ut omnibus re­ center in contrarium objectis, vel oblidendis occurratur, in-4°, Louvain, 1669; 8° Disceptationes apologetica: I pro veritate cl charitate, Louvain, 1670; ces trois der- 2093 FARVACQUES — FASTIDIUS nier* écrite sont des thèses théologiques, où, sous sa présidence, le P. Farvacques chargea son élève, le P. Grégoire von Goorlaccken, O. S. A., de défendre ses theories sur l'attntion servile; le P. Estrix, S. J., publia, contre ces thèses, la Decertatio historico-theologica pro mente concilii tridentini de id attritionis sine amore amicitiæ in sacramento comprobata nuper ex hidoria concilii, nunc etiam enervatis vindiciis suppo­ siti* neri tat is et charitat is confirmanda ac stabilienda, Malines, 1609, et la Confutatio suppositic veritatis et caritatis nihilo plus sperantis ex historia concilii Iri· dentini (piam ex immunitate doctrime de contritionis perfecta necessitate ad sacramentum picnitentiae, Ma­ lines, 1670; 0° Chantas Christiana in moribus et amo­ ribus Christianis ordinata, Louvain, 1680; 10° Opuscula theologica ad veritatis ct charitalis stateram expensa : 1. Opusculum in quo de sacramentis novæ legis generatun agitur, in-12, Louvain, 1680; 2. Opusculum de sacramento baptismi, in-12, Louvain, 1683 ; 3. Opu­ sculum de sacramento confirmationis, in-12, Louvain, 1683. Le P. Farvacques n’eut pas le temps d’achever cette théologie sacramentaire. Les trois volumes parus témoignent de son érudition et parfois aussi de l’ori­ ginalité de scs vues. Dans la biographie que Paquot lui a consacrée, on trouve un recueil de propositions théologiques, tirées de cct ouvrage; 11° Oratio in funere eximii patris Christiani Lupi. Cette oraison funèbre, au témoignage de Foppens, bibliotheca betgica, Bruxelles, 1739, p. 172, a été imprimée, peut-être à Louvain, cn 168 L Le Tombeur, Provincia belg ica augustiniana, Louvain, 1727, p. 186; Osslngcr, bibliotheca augustiniana, Ingolstadt, 1768, p. 329; Paquot, Mémoires pour servir d Γ histoire littéraire des dlx-scpt provinces des Pays-lias. Louvain, 1770, t. ni, p. 578-581; Lan tcri, Postrenia sircula sex reli­ gionis augustintame, Rome, I860, t ni, p 17; biographie nationale de brlgiguc (art do Relisons), Bruxelles. 1878, i vi, col. 886*888; Cruscnlus-Lopcz. Monasticon augustinianum, Valladolid, 1903, t. n, p. 173; Hurter, Nomenclator, t. IV. col. 83, 322, 323. A. Palm FASOLINI Benoît, théologien de l’ordre des char­ treux, né à Naples en 1564 ct décédé le 8 juin 1635 au monastère situe près de la même ville, sc distingua par sa piété, par sa doctrine ct son amour de l’obser­ vance régulière. Scs écrits théologiques réunis en deux tomes manuscrits traitaient de presque toutes les questions sc lastiques exposées avec une doctrine profonde appuyée par de nombreux textes de la sainte Écriture. On lui attribue cn outre plusieurs autres traités également inédits sur les vertus théo­ logales, sur la justice, sur la passion de Noire-Seigneur, sur es sacrements cn général ct sur le péché. Nlccolé Toppl, biblioteca napoletana; Morozzo, Theatrum chronolog. 5. Carias, ord., p. 145, n. ccxxix; documents particulière. S. Auront. FASOLUS Jérôme, napolitain, entra dans la Com­ pagnie de Jésus à l’âge de seize ans, cn 1583, cl mourut dans sa ville natale, le 16 février 1639, ayant longtemps enseigné la philosophie cl la théologie. On a de lui trois volumes de commentaires sur la P· par­ tie de la Somme de saint Thomas, Imprimés Λ Lyon, in-fol., 1623, t. i; 1629, L li; 1636, l. ni. Dr Backcr-Sonuncrvogcl, bibliothèque de la C1· de Jésus, t. m, col 549. J. BnucKnn. FASSARI Vincent, né â Palermo cn 1599, entra dans la Compagnie de Jésus cn 1614. Il enseigna les belles-lettres. In philosophie ct In théologie, ct mou­ rut dans sa ville natale, le 29 juillet 16G3. Il a publié Disputationes de gunntitatr, in-fol., Palermo, 1644, I premier de deux volumes qu’il voulait consacrer à une | élude philosophique très complète de la quantité. De 2094 plus, sans parler de plusieurs ouvrages de piété, il a écrit pour la défense de l'immaculée conception de la sainte Vierge : immaculata Deiparæ conceptio theolo­ gica: commissa trutinæ ad dignoscendam et firmandam certitudinem ejus. Lucubratio opuscula varia comple­ ctens, in-fol., Lyon, 1666. De Backer-Sonuncrvogd, Bibliothèque de la C1· de Jésiu„ L in, coi. 350. J. Bruckeiu FASTIDIUS, évêque breton, classé par Gcnnade, De viris illustrée lvii, P. L.,L lviii, col. 1069-1120, au nombre des écrivains ecclésiastiques, vivait vers 415-425, c’est-à-dire vers le temps de la propagation ct de la condamnation officielle du pélagianisme. On ne sait de lui que cc qu’il nous cn apprend lui-même par occasion, ct c’est peu. Né d’une famille distinguée ct, selon toute apparence, dans la Bretagne insulaire, Faslidius avait été marié, ct avait eu de son mariage une hile; il entreprit avec sa fille et cn compagnie d’un certain Antiochus un pèlerinage cn Orient; mais cn Sicile, où le vaisseau relâcha, il rencontra une grande dame romaine, imbue des sentiments de Pélage, qui le convertit sans trop de peine, scmblc-t-U, à la vie religieuse ct à l’hérésie; un de scs petits traités, au moins, fut écrit cn Sidle. De retour dans son pays, peut-être après un voyage à Rome, Fastidiux devint évêque des sectateurs de Pélage ct composa la plupart de scs opuscules. On ne lui a longtemps attribué, sur la foi de Gcnnade, loc. cil., que deux opuscules : une lettre â Fatalis, un ami que l’auteur appelle Honorificentia tua, Sur la vie chrétienne, cl un écrit Sur la viduité. L’opuscule De viduitate servanda n est pas retrouvé; peut-être toutefois cn avons-nous un extrait de saint Césairc, P. L., t. xi.vn. col. 1094. Quant à la lettre De vita chrishana, on ne laissait pas depuis deux siècles, bien qu’elle respire le pélagianisme, de i'«dcn tilicr avec l’opuscule pseudo-augustinien du meme titre, P. L., t. xl, col. 1031-1046. Dom Morin. Bevue benédicline, 1898, p. 481-493, a redressé la méprisé et a rétabli, comme il suit, la liste des écrits do l’èvê ue breton du v· siècle. De Faslidius, il nous reste six opuscules pclagicns, savoir : 1® deux lettres inéd les, exhumées d’un manuscrit de Munich, vin«ix· siècle, ct d’un manuscrit de Salzbourg, ix*-xe siècle, Caspari, bnefe, Abhandlungcn und Prcdiglen aus den zwei letzien Jahrhunderten des ktrchlichen Alterlhums und dem An/ang des Atittelallers, Chris­ tiania, 1890, p. 1-21; de ces deux lettres la première nous a rendu l opuscule De vita chrishana, mentionné par Gennnde; 2° un petit traité sur les richesses, Dr divitiis, Gaspari, op. cit., p. 25-67, ct trois lettres sur les mauvais docteurs, De malis doctoribus cl operibus fidei et de judicio futuro, p. 67-113, sur la possibilité de ne pas pécher. De possibilitate non peccandi, p. 114122, sur la chasteté. De castitate, p. 122-167. Ces quatre pièces avalent été publiées à Rome, en 1571, d’après un manuscrit du Vatican, par un théologien espagnol. Solamus, qui s était visiblement trompé, en les attribuant au pape Sixte Ilf. M. Caspari montre aisément que tous ces écrits sont pèlagicns, ct que tous, tant les deux lettres inédites que les quatre pièces publiées par Solanius, ils sont d’un seul ct même auteur, originaire de la Grande-Bretagne. Mais, tandis que M.Caspari songe nu pélagien ?\gricola. Dis d’un évêque Scvcrianus, et qui fut. selon la Chro­ nique de saint Prosper, P. L., I. Lf, col. 533-606, un des apôtres de l’hérésie chez les Bretons, voir t. i, col. 631-635. M. Duchesne, bulletin critique, 1891, p. 204, dom Morin, Revue bénédictine, loc. cil., M. Kûnstle, Theol. Quartalschrtfl, 1900, p. 199 sq., inclinent à rattacher ou rattachent tous ccs écrits Λ Faslidius. L'exhortation, publiée sous le nom de 2ϋί)ύ FASTJDIUS — FATALISME Fastidius par le cardinal Pitra, Analecta sacra ct classica, Paris, 1888, t. i, p. 131-136, n’est qu'un plagiat audacieux de la lettre pscudo-hiéronymlcnnc, XXXII, ad Pammachtum et Oceanum, P. L·, t. XXX, coL 239-212. Fastidius n’y est pour rien. 209G elle est telle qu’elle enchaîne toutes nos actions les unes aux autres; ct c’est ainsi epic l’on peut dire, par exemple, · que nos actions dépendent de nos désirs; · mais dans le fatalisme nos actions sont déterminées d’une autre sorte : elles ne sc tiennent pas ensemble comme les anneaux d’une même chaîne; et il n’y a L Duchesne, Rulldin critique, 1891, p. 202-201; dom pas de celle qui précède à celle qui suit, comme dans Morin, Revue bénédictine, 1898, p. 181-190; Kunstlc, Thcol. le déterminisme proprement dit, rapport d’anté­ Quartalschri/t, 1900, p. 193-201; Barde nhewer, Les Pères de ΓEglise, nouv. édit, franç., Paris, 1905, t. n, p. 147. cédent à conséquent; il peut arriver que nos actions P. Godet. soient conformes, mais il peut arriver aussi qu’elles FATALISME. — L Définition. II. Espèces. soient contraires â nos désirs; il n’y a aucune liaison L'Définition.— Fatalisme vient de latum, lequel réelle entre ce que nous voulons et cc que nous faisons; est lui-même «dérivé de fart, c'est-à-dire prononcer, dé­ I ct la nécessité extérieure h laquelle nous sommes assu­ cerner. » Leibnitz, Opera philosophica, édit. Erdmann, jettis csl tellement plus forte que nous qu’elle peut Berlin, 1840, p. 761. Fatum autem dicunt quidquid del contredire à chaque instant les efforts que nous fe­ fantur, quidquid Jupiter fatur; a fando igitur fatum rions pour nous en délivrer. · La doctrine de la causa­ dicunt, id est, a loquendo. S. Isidore de Séville, Etym., tion des actions humaines n’est point identique avec I. VlII, c. XI. Le fatum désigne en latin cc que désignait le fatalisme, et nc produit pas les mêmes effets mo­ en grec le mot ιίμαρμένη : fatum id appello quod Grxei raux. En l’appelant fatalisme, on renverse une dis­ ιίμαρμένην. Cicéron, De divinatione. Είμαρω que Henri tinction fondamentale... Le fatalisme pur... soutient Estienne, Thesaurus llnguæ grxcæ, t. n, p. 810, place que nos actions nc dépendent pas de nos désirs. Quels sous le verbe μιίρω, signifiait partage ou division; d’au­ que soient nos désirs, une puissance supérieure, ou tres mots, comme ceux de μοίρα ct de αίσα, avaient une destinée abstraite sera plus forte qu’eux, ct nous la meme signification. Si les Latins, au lieu de trans­ forcera à agir, non pas comme nous le voudrons, mais porter directement dans leur langue, comme ils pa­ comme nous sommes prédestinés à le faire. · J. Stuart raissent avoir souvent fait, l’un des mots qui signi­ Mill, La philosophie de Hamilton, trad. Cazcillcs, fiaient en grec la destinée, ou de les traduire par une Paris, 1869, p. 570. expression semblable dont la composition renfermât En second lieu, comme elle est en dehors cl aules mêmes éléments, ont, au contraire, imaginé ou ren­ dessus de lui, l’homme nc peut point pénétrer la néces­ contré le nom religieux de fatum, on pourrait en don­ sité qui le gouverne : les stoïciens eux-mêmes, qui ner peut-être cette raison que la théorie de la destinée s'associent au destin par leur volonté, n’ont aucune ou du destin qui fait le fond du fatalisme, s’étant peu prétention de le connaître; et c’est pourquoi cette à peu transformée, avait fini par déborder pour ainsi nécessité, si absolue en elle-même, devient pour nous dire les vocables qui l’avaient d’abord recouverte. Cc l’absolue contingence. Si nous étions seulement assu­ «ont les Grecs eux-mêmes qui avaient commencé à rés de certaines liaisons constantes qui arrivent dans faire entrer dans les explications ou définitions de la nature, nous pourrions avoir l'illusion d’échapper Γιίμαρμίνη les idées de sagesse étemelle, de raison uni­ à une fatalité dont nous connaîtrions les secrets ct verselle, de parole divine, qui forment l’essence même dont nous saurions prévoir les résultats réguliers ct du fatum latin. Un mot nouveau devait répondre ù infaillibles. Mais dans l’hypothèse où sc placent toutes des idées nouvelles. C’est cc mot qui a donné naissance, les doctrines fatalistes, la nécessité extérieure qui nous chez nous, à celui de fatalisme dont la signification opprime csl une chose toujours obscure ct mysté­ générale sc trouve ainsi suffisamment marquée par rieuse, absolument impenetrable. son origine. Et c’est cc qui fait, en troisième lieu, que celle Le destin ou fatum ne fut, en effet, jamais considéré néccssilé a toujours été considérée comme irrésistible : comme synonyme ni du hasard ni de la fortune. Il y a volentem ducunt fata, nolentem trahunt. Le premier sans doute aussi entre le hasard et la fortune une cer­ mouvement que l’on éprouve, en effet, devant un tel taine différence; la fortune nc s’entend que des choses joug est de courber la tête dans une sorte d’apathie et où la volonté humaine a sa part : fortuna non est nist d’immobilité ct de demeurer inerte sans meme essayer in his qux voluntarie agunt, S. Thomas, II Phys., 10; une résistance que l'on croit inutile. C’est ainsi que le le hasard s’étend à toutes les choses naturelles : in illis fatalisme aboutit à la plus complète passivité. Le rai­ qaæ fiunt a natura, ibi habet locum casus, sed non for­ sonnement des fatalistes était appelé par les Grecs tuna, toe. cit.; mais les résultats du hasard et ceux de la l’argument de la paresse : >ογος άργός. On pourrait fortune sont également imprévus; ct voilà pourquoi on le formuler ainsi : « Que tu brises ou non ta chaîne, dit qu’il n’y a rien de capricieux comme la fortune ni si ta destinée est d’être délivré, tu le seras; si elle est d’inconstant comme le hasard. Cc qui fait au con­ de ne pas être délivre, lu ne le seras pas : il est donc inutile de briser la chaîne. » Mais il y a un moyen fa­ traire le fond du latum, ct par conséquent du fatalisme lul-mcmc, c’est l’idée de nécessité. cile de franchir le cercle où cet argument parait nous enfermer : « 11 est inutile de briser ta chaîne; mais aussi Mais en premier lieu, cette nécessité n’a rien de com­ il est inutile de nc pas la briser; rien nc sert de fuir, mun avec celle que suppose le déterminisme. Voir Dé­ disait-on au soldat musulman, mais aussi rien nc sert terminisme. On dit assez communément que le déter­ de rester : dans un cas comme dans l’autre, il n’arri­ minisme sc distingue du fatalisme en cc qu’il n’admet vera que cc qui doit arriver. ■ que du déterminé; il ne remonte pas à un être trans­ Ainsi la plupart des fatalistes ont été conduits à une cendant qui pourrait par cette transcendance même conséquence que leur théorie nc renfermait pus néces­ échapper à la détermination; mais le fatalisme fait dé­ sairement : le fatalisme, considéré en lui-même, peut pendre tous les événements d’une première cause qui peut être aussi bien une volonté libre absolue : ainsi, . logiquement aboutir à deux conclusions contraires. On remarquera du reste que les stoïciens, passant tandis que le déterminisme renferme la nécessité dans la n dure, le fatalisme la rattache à une puissance su­ J cuire ccs deux conclusions, en adoptèrent pour ainsi dire une troisième qui consistait à s’identifier avec le périeure. Disons cependant encore quelque chose de destin ct, au lien de s’anéantir devant lui on de s’éman­ plus car, dans les limites mêmes de la nature où elles ciper de sa lut elle, à s’associer Λ lui pour devenir avec s’exercent Lune cl l’autre, la nécessité du fatalisme lui la loi du monde. est toute différente de la nécessité du déterminisme : Tel csl, dans scs grandes lignes, le fatalisme : on peut celle-ci est intérieure aux choses mêmes qu’elle régit; 2097 FATALISM E le définir une doctrine pratique qui repose sur la con­ ception «l’une nécessité extérieure, impénétrable ct * irrésistible. II. Espèces. —Les espèces en sont assez nombreuses ct elles peuvent d’abord paraître assez differentes d’cllcs-mémcs. Si nous sommes Ici nécessairement obliges d’en négliger quelques-unes, dont l in fluence considerable a fait illusion pendant longtemps, on verra cependant qu’elles n’avaient point de place marquée dans un exposé systématique tel que celui-ci. Ainsi on ne conteste point la longue ct pernicieuse influence que le fatalisme astrologique aura exercée panni les païens et parmi les hérétiques. Nous savons, «l’un côté, par Cicéron et par Tacite, combien, dans leurs siècles éclairés, i abusait d'esprits ct entretenait de charlatans; on ne peut effacer de l’esprit du plus grand nombre des mortels, dit Tacite, l’idée d’un arrêt fatal prononcé sur la vie entière de chacun d’eux par les astres qui président à sa naissance : plurimis mor­ talium non eximitur quin primo eujusque ortu ventura destinentur. Annal., vî, 22. Les Pères de l’Église n’ont pas eu, de leur coté, de plus grand souci ni de plus constant que celui de mettre leurs fidèles à l’abri de ces singulières façons, dont les hérétiques leur donnaient l’exemple, d’attribuer aux astres le dérè­ glement de leur vie, comme si la constellation de Mars était la cause de leurs violences ou celle de Vénus de leurs débauches : Eris adulter, quia sic habes Venerem; eris homicida, quia sic habes Martem, S. Augustin, Enar. in ps. CXL, P. L·., t. xxxvn, coi. 1821; et ils ont même poussé le scrupule jusqu’à s’interdire l’usage du mot /aturn auquel tant de superstitions s’étaient attachées : l'ali nomen solet poni in constitutione side· rum, cum quisque conceptus aut natus est... Abhorre­ mus vocabulum quod in re non vera consuevit intclligi. S. Augustin, De. civitate Dei, I. V, c. ix, P. L., t. xli, coi. 150, 152. Mais bien que tout ceci nous avertisse du crédit qu’il avait rencontré, le fatalisme astrolo­ gique ne fut, somme toute, qu'une déviation ou une corruption populaire dont l'histoire n’importe guère au développement du fatalisme en lui-même· C'est ainsi que les idées nc sonl Jaii^ais, si j’ose ainsi dire, maîtresses d’clles-mêmcs et de leurs destinées; mais les hommes les retardent quelquefois ou plutôt ils les égarent, Jusqu'à nous faire oublier le chemin qu’elles suivaient; ct si les historiens doivent être soucieux avant tout, ou même jaloux, de retrouver toutes les formes, si différentes ct si variées, des transformations qu’elles ont subies, il csl naturel que les théologiens cl les philosophes s’en montrent beaucoup moins cu­ rieux, s’il est vrai que les idées doivent les intéresser plutôt par le développement logique dont elles sont capables. C’est en nous plaçant à cc nouveau point de vue (pic nous distinguerons dans le fatalisme trois espèces différentes : le fatalisme mythologique, le fatalisme philosophique, le fatalisme théologique. SI l'homme est le véritable objet d’une doctrine essen­ tiellement pratique telle que celle-ci. on verra quo l'idée de nécessité, en passant de l’une de ccs formes à l’autre, sc rétrécit toujours davantage autour de lui, comme un cercle de fer qui sc brise ct qui sc referme à chaque fois d’une façon plus étroite sur son centre. 1° Le fatalisme, dans la première expression que la mythologie lui a donnée, soumettait tout à la néces­ sité, jusqu’aux dieux eux-mêmes. La mythologie pla­ çait, en effet, au-dessus de la volonté capricieuse des dieux, un destin plus redoutable encore · qui est maître des dieux, comme les dieux sont les maîtres du monde. · Voltaire, Dictionnaire philosophique, art. Des­ tin. Cf. Ovide, Met., tx. 135, où Jupiter dit : me quoque fata regunt: ou encore Sénèque. Dr providentia, 5 : eadem necessitas ct deos alligat ; irrevocabilis divina pa­ riter atque humana cursus vehit. C’est ainsi que la con­ 2i »96 ception )dc pénal les actes dressés par les préposés des diverses admi­ français, explicitement pour le faux intellectuel, nistrations en cette qualité (étal civil, hypothèques, implicitement pour les autres, art. 117 et 150. Si la enregistrement, etc.). Par écriture authentique on volonté do nuire fait défaut, il ne pout y avoir dc entend tout aclc reçu par des officiers publics, notaires, huissiers, ayant le droit d’instrumenter dans le lieu faute contre la justice. Cctto intention dc nuire existe toutes les fois quo ou l’acte a été rédigé, avec les solennités requises. Code lo faux menace la propriété ou l’honneur d’un parli- civil, a. 317. cuhci, quand il compromet des intérêts généraux, soit Le faux en écriture publique ou authentique peut en ôtant a la société les garanties que sa sûreté exige, être commis soit par les fonctionnaires ou les officiers soit en usurpant dos droits qu'cllo confère, soit en publics établissant l’acte, soit par des particuliers. fournissant injustement û quelqu'un de ses membres 1. Peux commis par les fonctionnaires publics. — le moyen do se soustraire aux charges qui lui incom­ Il existe quand le fonctionnaire l’a commis dons bent. l'exercice même de ses fonctions. S’il csl commis en dehors, c’est un faux en écriture privée ou un faux en Mais si l'intontion frauduleuse est évidemment absento, ou s’il est démontré qu'elle n’existe pas, l’acte écriture publique par un particulier. 11 ne suffit pas n’est pas regardé comme un faux, par exemple, une qu’il ait été commis à l’occasion de ccs fonctions. Un pétition avec dc fausses signatures ne portant préjudice notaire mentionne faussement sur la minute d’un ù personne. Cour do cassation,arrêt du 16 mars 1806. aclc un enregistrement non existant, ct cela avec la signature du receveur; celte fausse quittance qu’il Il convient d’ajouter que les tribunaux montrent quelque indulgence pour les faussaires, quand le pré­ n'a pas qualité pour donner le rend coupable dc faux, mais ne tombe pas sous le coup de l’art. 115. Par con­ judice causé par le faux est do très minime impor­ tre, s’il a délivré en sa qualité de notaire une expé­ tance, par exemple, pour k fait dc pos dater un acte dition de ccl acte avec la fausse mention dc l’enregis­ afin do retarder le payement des droits d’enregistre­ trement, le faux est commis dans l’exercice dc ses ment; il en est do même quand l’altération coupable fonctions ct tombe sous le coup dc l’art. 145. Cour de do la vérité porto uniquement sur des circonstances cassation, 14 juin 1821. Un ancien fonctionnaire ou accessoires de l’acte, on sorte que le fait est plus une officier public dressant un acte en vertu dc son ancien faute contre lo devoir professionnel qu’un faux pro­ titre, ct prenant soin dc l’antidater, ne commet pas prement dit. C’est le cas d’un notaire énonçant faus­ cc crime comme fonctionnaire ou officier public, puis­ sement qu’un acte a été reçu dans son élude, alors qu’il ne l’est plus, mats comme particulier. 11 tombe qu'il a été passé en dehors do son ressort. Cour de cas­ sous le coup de l’art. 147. sation, 6 mars 1825. Le faux des fonctionnaires ou officiers publics en 3° Préjudice réel ou du moins possible. — 2° Non écriture authentique ou publique peut se commettre : punitur /nlsitas in scriptura quæ non nocuit sed ncc a) par /ausscs signatures, en signant un aclc du nom apta erat nocere. L. VI, Dig. cl I. XX, Cod. ad leg. d’une personne â laquelle on l’attribue à son insu. La Cornel., de /alsis. Ce principe dc la loi romaine est personne supposée peut être une personne réelle ou aujourd’hui universellement accepté. Si l’intention une personne fictive. Quiconque signe d’un nom qui criminelle reste impuissante, c’est au tribunal dc la n’est pas le sien est faussaire. Si la personne est réelle­ conscience seulement quo la faute existe; lo juge n’a ment existante, il n’importe pas que son écriture ail rien qu’il puisse atteindre et punir. été ou non bien imitée, b) Par altération des actes,écri­ Toutefois, il n’est pas nécessaire que le tort existe tures ou signatures. Elle existe toutes les fois qu'un en fait; il suffit qu’il puisse être réellement causé. fonctionnaire public fait subir à un acte de son minis­ En conséquence, quand Pacte falsifié est radicale­ tère des modi ficalions matérielles de nature à détruire ment incapable dc porter prejudice, par exemple, s’il ou ù modifier au préjudice d’autrui les faits ou con­ est de soi incapable de fonder une obligation ou un droit, il n’y a pas dc faux dans le fait de l’altérer. Tel ventions que cet acte avait pour objet de constater csl le fait dc fabriquer un faux billet souscrit seule­ c) Par supposition de personnes. Elle existe quand un ment d’une croix donnée dans l’acte comme la signa­ fonctionnaire public, dans un acte de son ministère, ture d’un illettré. Le fait peut constituer une escro­ suppose sciemment la présence d'une personne qui de querie: ce n'est pas un faux. SI pourtant l’acte falsifié fait n’a pas comparu. En cas d’erreur inconsciente, le n’est sans valeur que par suite de l’omission d’une notaire ou le fonctionnaire ne sont coupables que de négligence cl non do faux; ils ne sont passibles que de formalité ou encore parce que la personne dont la peines disciplinaires et ne sont tenus qu’ù des dom­ signature est supposée par le faussaire n’a pas qualité mages-intérêts envers la partie lésée, d) Par écritures pour passer l’acte, faut-il y voir un faux? Cc serait, faites ou intercalées sur des registres ou d'autres actes entre autres, le cas d’un huissier qui commet un faux publics depuis leur con/eetion ou leur clôture. Ce n’est dans un exploit ct qui rend son aclc nul en négligeant qu’un modo spécial d'altération des écritures. Ce dc le faire enregistrer dans les délais prescrits. L'an­ paragraphe dc l’art. 145 peut atteindre les surchar­ cienne jurisprudence, considérant qu’un tel acte est gés. ou les interlignes ajoutées au texte primitif cl sans valeur, ne le regardait point comme un faux. La meme les parenthèses ou les si unes dc ponctuation jurisprudence actuelle, moins absolue, décide d’après ajoutés après coup, si la teneur de l’acte en csl modi­ les circonstances; elle juge qu'il y a un faux commis fiée. Mais il faut que ccs surcharges cl additions réa­ ou du moins tenté si l’acte n’est invalide que par suite lisent les conditions générales sans lesquelles le faux d'une circonstance indépendante do 1a volonté d’un n'cxistc pas. faussaire ou bien par suite d’une manœuvre combinée En Ioun ces faux sc retrouve un caractère commun . in /rau deni tegts. 2111 x Π I I i £ I i ♦ I I i * I i Γ i r ' I I» I II?· f R j I I J. . i it I JfÎ I J ; Il I J i t < i j I I I I I j j iI I Mil r i j III FAUX (CRIME DE) 2112 c’est l'altération matérielle d’un texte qui n’est plus authentiques. 11$ pourraient pourtant devenir l'occajc texte primitif. Pour cc motif, on les nomme d’hnbi- I slon d’un véritable faux s’ils étaient produits en Jus­ lude taux matériels, il est une dénué c sorte de taux tice, après falsification, comme documents sincères qui laisse intacte l’écriture, mais qui dénature les inJ.e même crime dc faux se retrouve dans l’abus de tentions : c’est le /m/x intellectuel ou moral. 11 consiste sous-seing privé, quand, par exemple, on fait sous­ crire à une personne un acte autre que celui qui a été a dénaturer, en rédigeant un acte, le sens des convcntions ou des dispositions que les parties ou l une convenu. d’elles voudraient y insérer, ou bien â constater L’abus d’un blanc-seing constitue le crime dc faux l’existence dc faits dénués dc réalité. C’est celte sorte quand le coupable est entré en possession de cette pièce par des manœuvres frauduleuses S’il la détient de faux que tend à réprimer l’art. 1 IG du Code pénal, Cc faux nc peut être commis que par l'offlcicr public uniquement parce qu'elle lui a été confiée et qu'il en ou le fonctionnaire dans l’exercice de leur charge. Il abuse, la faute est moindre parce qu'elle est impu­ sc co nrnet soit en écrivant des conventions autres (pic table en partie ù l’imprudence du signataire qui l’a celles formulées par les parties, par exemple, en sub­ remise entre des mains indignes. Ce n'est plus le crime de faux, mais le délit d'abus dc blanc-seing, stituant à un contrat dc vente un acte dc donation, Pour les falsifications moins dangereuses qui se à un prix convenu un autre plus fort ou plus faible; commettent dans les passeports, permis de chasse, soit en constatant comme vrais les faits qui sont faux feuilles de route, voir Code pénal, a. 153-162. ou comme avoués des faits qui ne le sont pas. IV. Peines. — Les peines destinées à réprimer lo 2. Faux commis en écriture publique ou authentique crime dc faux ont varié avec les diverses législations. par des particuliers. — C’est l’altération frauduleuse Dans les législations anciennes, c’est ou la peine dc d’écritures publiques ou authentiques commises par mort, du moins pour les faux en écriture publique, des personnes autres que les fonctionnaires ou ofllci ers publics dans l’exercice dc leurs fonctions. avec ou sans la confiscation partielle ou totale des biens du faussaire, loi dus XII tables, loi Cornelia, Dc L’art. 117 les assimile complètement aux faux en falsis, Code théodosicn; en France, édits royaux en écriture do commerce ou dc banque. 2° Faux en écriture de commerce ou de banque.— 1531 el de 1532; ordonnance royale de 1680, ou la confiscation d’une partie des biens avec ou sans Lc Code pénal nc donne pas la définition de l’écriture l’amputation dc la main du coupable, code Wisigoth, dc commerce; on la trouve au Code dc commerce, a. 632. En général, cc sont les écritures émanées d’un ou encore six, huit ou vingt années de fer. Code pénal commerçant ct ayant pour causes des actes de com­ do 1791. Le Code pénal actuel, a. 115 et 146, porte la peine merce. Par actes de commerce, lo Code, a 632. dési­ des travaux forcés à perpétuité contre tout fonc­ gne « tout achat de denrées ou dc marchandises pour tionnaire ou officier public qui se rend coupable d'un les revendre soit en nature, soit après les avoir tra­ faux matériel ou intellectuel dans l’exercice dc scs vaillées et mises en œuvre ou même, pour en louer fonctions. L’art. 1 17 punit des travaux forcés à temps simplement l’usage; toulc entreprise de fournitures, toutes autres personnes coupables dc faux en écriture d’agences, bureaux d’affaires, établissements de vente â l’encan, spectacles publics, toute opération de | authentique ou publique et en écriture de commerce ou dc banque. Même peine portée à l’art. 118 contre change, banque ou courtage; toutes les opérations ceux qui font usage de ces faux. L’art. 151 inflige la des banques publiques, toutes lus obligations entre même peine à ceux qui en font usage. négociants, marchands ou banquiers; entre toutes Dans la législation ecclésiastique, le crime dc faux personnes, les lettres dc change ou remises d’argent est aussi sévèrement réprimé. Sous ce nom, on dé­ faites de place à place. » Il faut aussi considérer comme écritures commer­ signe non seulement le faux strictement dit, mais encore un grand nombre d’actes criminels impliquant ciales les livres dc commerce, les lettres dc marchand offrant des marchandises ou les demandant. ou un mensonge ou une altération de la vérité ou une Pour que l'écriture soit réputée commerciale, il contrefaçon coupable, comme le faux témoignage, la n'est pas nécessaire qu’elle émane d’un commerçant déposition volontairement obscure d’un témoin, la ct qu'elle soit relative à des actes dc commerce : il sentence injuste d’un juge corrompu, la falsification suffit que l’une ou l’autre de ces conditions sc trouve des poids ou des mesures ou des marchandises ou des réalisée. La lettre de change est toujours réputée acte matières précieuses, or ou argent, par le moyen de de commerce, sauf le cas où elle n’est valable que l'alchimie, l’usurpation de titres ou dignités ou de comme promesse dans le sons des art. 112-113 du fonctions. Belflcnstuel. Jus canonicum universum. <4Mlc dc commerce 1-c billet à ordre n'est écriture de Decretal., I. \ , tit. xx. La falsification des documents commerce que s’il est souscrit par un commerçant ou pontificaux surtout a été soigneusement prohibée, causé par une operation commerciale L'endossement læs clercs ayant commis cc crime per se vcl per alios d un billet à ordre ou d’une lettre dcchange n’est pas étaient excommuniés ipso lacto, privés de tout office de soi une opération commerciale; mais il le devient , ct bénéfice, dégradés ct livrés au bras séculier Les s’il est opéré pour une cause commerciale entre com­ laïcs coupables de la même faute étaient excommuniés merçants. En ce cas seulement, le faux commis dans et ne pouvaient être relevés dc leur peine qu’après un endossement sera en matière commerciale. réparation complète Decretal., 1. V, tit. xx. La bulle Les modes de perpétration du faux en écriture de /n cana Domini excommuniait omnes falsarios litte­ commerce ou de banque sont les mêmes que pour le rarum apostoliearum, etiam in forma brevis ac suppli­ faux en écriture authentique ou publique. cationum, gratiam uet justitiam concernentium per 3e Faux commis en écriture privée. — C'est le faux mmanum pontificem vel S. R. Ecclcsiic vicc-canccllasimple sans circonstances aggravantes. Tous les faux rünn scu gerentes vices eorum signatarum ; nec non <{ul no rentrent pas dans les allégories précédemment jalso fabricantes litteras apostolicas etiam in forma definies ou qui ne portent pas sur les passeports, brevis et etiam falso signantes supplicationes hujus­ feuille^ de route ou certificats dont il sera question modi nomine romani pontificis vel vicc-cancellarii aut plus tard, sont des faux en écriture privée. gerentium vices prædiclorum. Excomm., vr. La bulle Il· se commettent de la même manière et par les Apostoticie sedis réserve spécialement au pape l’ab­ mêmes procédés que les autres. solution dc l'excommunication encourue pour falsi­ l-a falsification des registres domestiques n’est pas · fications de lettres ou documents apostoliques quel conques. dc soi un faux. ce% registres n'étant m obligatoires ni ‘2113 FAUX (CH IM I Dull»»/ Répertoire htâtorlque r! analytique dr législation, dc lit te trine et tie pirtuprudeace Purh. Joui, L xxiv, p. 190<»23; Merlin, Repertoire imloertcl et raisonné de Jurispru­ dence, Paris, 1812, t. v. p. 109-182; Itogron, fz-« code* /rançaü expliqués, i P partie, Paris, 1863, p. 77-117(Code pénal); Cha avenu et Faustin 1 lotie, Théorie du Code pénal, Paris, 1813, t. n, p. 283-571; Garraud, Précis de droit criminel, Paris, 1885, p 835-837; Morin, Dictionnaire de droit criminel. Pari* 1812, p. 313-326; Bollard, Leçons de droit criminel, Ihiris. 1890, p. 211-285. DE) FA Y DIT 2114 Gesrirr-Simlcr Ihhllolheca. Zurich, 1*71 p 78; n A pporolils tarer. Venin-, I6u6,. i,p 147. W ii.irtun. Appendix ad historiam liitrrurlam (Aiilrlmi Cave, Oxford, 1743, p 121 ; Mundodo, Bibliotheca rotnana, l\nme, 1682, t î, p 18*’·. 187; Gandolfo, Dbuertalto hiilor ica de durent.t celebeèrfms scriptoribus auquslinianis, Home, 1701, p 73; ÛMlnger, Bibliotheca aagudinlana, Ingolstadt, 1768, p 329-332; Tiraboschi, Storm della Irlteralura ilnilana, Milan. 1833. p 601 ; Dintrn, Postrema urcula *cx religionis augtisllnfarur, Tolrntin, 1858, t. I, p 252-251; Hurt»·r. \omenclalor, l H, col 809, 810 V. Om.ET, A. Palmieri. FAVARONI Auquttln. nit Augustin dc Borne, FAY (Pierredu). omlnicain b· . naqm iBmges célèbre théologien dc l’ordre de Saint-Augustin, était vers 1581. Lc 28 janvier 1601, Λ l’âge dc dlx-scpt an», bachelier en théologie en 1389, ct régent des études au 11 prit l’habit au couvent de sa ville natale et y fil couvent de Bologne, en 1392. En 1107, il fut nommé profession, le 10 juin 1603. Il fut ensuite envoyé en provincial ct en 1119 prieur général. Il resta dans cette Espagne, à Valladolid, pour y étudier la philos pltfe charge jusqu'à l’an 1130. En 1131, il fut nommé arche­ et la théologie. Dc retour dans les Pays-Bas,il enseigna vêque dc Nazareth et administrateur apostolique du la philosophie à Louv dn en 1610, puis la théologie à diocèse de Cesena. Sa mon eut lieu i Pralo, en 1113. A ras en 1613. Dans celte demiere ville, il sut se Le P. Ambroise de Cora, général des augustius (1176conci’ cr In confiance et l’amitié de l’évêque, Herman 1186), écrivait dc lui : Aller fuit Augustinus : sic emm Ortcmbcrg, qui sc montra toujours à son égard un Augustini upera familiaria habebat, ut ab eo édita Mécène généreux. Il prit le doctorat en théologie à viderentur; sic copiosus et profundus theologus, tit l'université dc Douai <1 reçut la m.nitrisc dans l'ordre /lumen quoddam divina: sapienliœ videretur. Ses au chapitre général dc Lisbonne (1618). Dc retour à ouvrages ne sont pas imprimés. En voici les titres : Bruges, il enseigna la théologie moral» au séminaire 1° In Apocahjpsim S, Johannis, tractatus 1res priores, épiscopal, pendant plusieurs années. Il gouverna aussi, ad Carohtm dc Aîalatrsta, quorum primus inscribitur de sacramento unitatis Christi et Ecclesia:, sive de en qualité de prieur, le couvent de Bruges(1625-1627) Christo integro; secundus, de Christo capite Ecclesia: et deBruxelles. Il mourut à Bruges, le 2<» janvier 1639. (m a de lui : 1° De psenitenlia qua virtute qua sacra­ rt ejus inclito principatu : tertius, de potestate papa:; qua itus dc caritate Christi erga electos et ejus infinito mento disputationes theologiae circa textum Γ). Thomae amore, voir Narducci, Catalogus codicum manuscripio­ Angelici ct communis ac quinti Ecclesia docloris a q. LXXX1V ///r partis ad XM Supplementi. Douai, 1626; rum bibliotheca: angelica:, Rome, 1892, l. i, p. 181, cod. 367, n. 3; 2° Lectura super Epistolam Pauli ad 2° De pretiosissimo sanguine salvatoris nostri Jesu Hebraeos, ibid,, p. 181, cod. 376, η. I, fol. 1-105; Christi, qui Brugts asservatur, tractatus theologicus tt historicus : avec Rrlatio prndigh^a probationis liqni 3° Exnositia super Epistolam S. Pauli ad Romanos, ibid,, fol. 106-219; 1° Commentarius tu Epistolam SS. Crucis nostri redemptoris in Ecclesia ci Ilegiata B. Pauli apostoli ad Galatas, ibid., p. 281, 282, D. Virgini sacra civitatis ejusdem asservati, in-4·, cod. 642, n. 1, fol. 1-10; 5° Commentarius in Epi­ Bruges, 1633; 3fl Discursus de perpDuilutr approba­ tionum religiosorum ad (sapiendas confessiones rl stolam beati Pauli apostoli ad Ephesios, ibid., n. 2, fol. 11-91 ; fi’ Commentarius in Epistolam B. Pauli pnrdicandum verbum Dei, ad perillus res et amplissi­ apostoli ad Philippenses, ibid., n. 3, fol. 91-109; mos DI), ro siliartos in consilia status et privato rcqLc 7° Commentarius in Epistolam B. Pauli apostoli ad suic Maje tu is a religiosis Toletanae dhreescos, ex hisColossenses, ibid., n. 4; 8° Super /·· Sententiarum; pano a nostro Petro latine redditus, avec Discursus 9° Liber in Epistolas ad Corinthios; 10° Conciones; circa jurisdictionem regularium, qua munus obeunt 11° Liber de sacerdotio Christi et electorum; 12· Libri prxdnandi (ce Ira té est de notre autiur). in-4°. Gand 1G36; de nouveau Imprimés â Cologne sous le litre quatuor super IV libros Sententiarum; 13° Libri VII in Epistolas canonicas; 1 lu Liber de libero arbitrio; de Clypcus ordinum mendicantium, m-8", 1637. 15° Liber dc peccato originali. 16· Tractatus dc imma­ Echard. Scriptores ordinis pnrdiratorum, Pari*» 17Γ»culata conceptione; 17° Commentarius super libros 1721, t n. p.501 5; Bern do Jonglie, Belgium Jominicanui f, Ethicorum Aristotelis. Plusieurs de ccs ouvrages se Bruxelles, 1719. p. 181-182; Regcsl indutarum rl profetmconservaient dans la bibliothèque du couvent augus- r ai, commotus Brugensis Arcu cum Gand. ont pned.J.«us.; linicn dc Saint-Jean à Carbonara (Naples), dont les .\ecndog. Bragcii (ibid ). R. Covlon. manuscrits sc trouvent aujourd'hui à la bibliothèque FAYDIT Pierre, né à ΠIon en 1611. v mourut nationale de Naples, et en partie à la bibliothèque en 17<‘i. l’ntrc ù l’Ôratoire en 1662, il y enseigna avec impériale de Vienne. Le premier ouvrage, mentionné plus haut, a été succès les humanités, mais dut en sortir en 1671 à condamné par le concile dc Bâle, dans sa XXIP ses­ cause de son cartésianisme. Après avoir publié diverses sion, au mois d'octobre 1135. Voir Dc condemna­ brochures plus ou moins inalideuscs et excentriques tione libelli fratris Augustini de Roma archiepiscopi contre Innocent XI, ù propos de la régale, contre Nationis, Mansi, ConciL, t. xxix, coi. 108-110. Le Tillcmont, contre Bossuet, il fit imprimer en 1695 des Eclaircissements sur la doctrine rl Γhistoire ecclésias­ concile lui reproche d’avoir enseigné que Jésus-Christ pêche, ct qu'il a toujours péché dans scs membres; tique des deux premiers sitcles, Marstncht, cl en 1696, que les élus seuls sont les membres dt Christ ; que la un écrit intitulé : Altération du dogme théotogique nature humaine en Jésus-Christ est réellement Jésus- par la philosophie d'Aristote, ou fausses idées des Christ, c’est-à-dire la personne du Christ. La nature scolastiques sur tes matières de religion, Lc t. 1, seul humaine, adoptée par le Verbe, est réellement Dieu. paru, traite dc !i Trinité, et il y soutenait que la D’après sa volonté créée, Jésus-Christ aime la nature doctrine de cc mystère avait élc altérée par la scolas­ humaine au mcmr degré que la nature divine. L’âme tique et défendait le tri théisme : ce qui le fil enfermer du Christ voit Dieu avec la meme clarté cl inten­ pendant quelque temps à Saint-Lazare. Lc P. Hugo, sité avec laquelle Dieu sc voit lui-même. Celte abbé d'Étivul, en lit une réfutation en 1699. Faydit rond’m illion cependant, d’après la déclaration du publia une réplique : ipatogie du système des saints concile, n’atteint pas la piété cl I esprit cauwuquc dc Pères sur la Trinité contre 1rs tropotatres et les sorinit ris, 701. Sorti Je prison, il publia encore divers ou\ rages l’auteur. PICT. DF TlltOÎ CAT1IOI V. - 67 2115 ΓΑ YDJT — FÉBRONIUS 2116 singuliers ou il s en prend notamment à Malcbrancbe, enseignement ct scs écrits, sous les apparences tromet mourut a Biom où il avait eu ordre de sc retirer. I pauses du zèle le plus ardent ct le prétexte d'une salu­ • C’était un fou, dit exactement relier, qui avait taire réforme, buttait continuellement cn brèche quelque esprit ct du savoir et qui prenait la plume l’autoriété ecclésiastique, égalant les évêques au pape dans les accès de sa folie. » et exaltant outre mesure le pouvoir civil qu'il en­ tourait de scs adulations. Le principal de scs ou­ L Italien) WAnoùrs domestique* pour sentir à Γhis­ vrages, Jus ecclesiastieuni universum. 2 In-foL, Lou­ toire dr rOndnin t m. p Xll-352; A. Ingold, Supplément a la bibliographie uratorimne. Parin, ΓΙΟΙ, p 17 sq.; Revue vain, 1700, quoique moins infecté que ses autres pro­ des question* historiques, 1878, t. xxm. p. 570-588 ductions de son esprit sectaire, était condamné depuis A. Ingolo. I une quinzaine d’années pur un décret de la S. C. de FAZIO Anselmo, théologien du xvir siècle, de l’index, en date du 22 avril 1704, quand Jean Nico­ l’ordre de Saint-Augustin, il passa sa vie au couvent las de Hontheirn vint se mettre au nombre de ses dis de Cnstrogiovanni cn Sicile. On a de lui : Memoria ciples. Cc fut, sans contredit, l’un île ses plus bril­ artificiale dei cast di enseienza, o ntiovo modo di apprenlants élèves, mais malheureusement aussi celui qui sc dere con faeilitd t di rilenrre coti friiciid luito ciô che ai | pénétra le plus de ses idées schismatiques. casi appartient disposto artijiciosamente per via di Docteur cn droit, dès 1721, le jeune patricien, pour numeri, Messine, 1628. compléter sa formation intellectuelle, entreprit une Mongitorr. Ribliolhrca sicula, Païenne, 1707. t I, p. 40; série de voyages en Allemagne et en Italie. Il passa Osringcr, Ribliolhrcu auqustinlana, Ingolstadt, 1768. p 329 mémo plusieurs années ù Home, dans le collège germa­ A. Palmieri. nique. A son retour dans sa patrie, H fut nommé as­ FEA Chnrles-Dominiquc-François-lqnncc,archéo­ sesseur au tribunal de l’ollicialilé diocésaine; en­ logue et théologien, né le I juin 1753 ù Pigna dans le suite, pendant six ans, professeur de droit romain à nord de ΓItalie, mort ά Borne le 17 mars 1836. Il alla J'université de Trêves, 1732-1738; puis, enfin, direc­ fort Jeune Λ Home où il étudia la philosophie ct la théo­ teur du séminaire. Dans une large mesure, il contiibua logie, puis se fit recevoir docteur en droit. Ayant reçu n la nouvelle rédaction, ou plutôt ù la dépravation du ta prêtrise. Il renonça à la procédure pour se donner à bréviaire de Trêves. Nommé conseiller intime de l'ar­ l'archéologie ct devint le préfet de la bibliothèque chevêque électeur, non seulement il eut à s’occuper ChlgL Au temps de l'invasion des États pontificaux des affaires spéciales du diocèse, mais il prit part aux par les troupes françaises, il dut quitter Borne; mais négociations politico-ecclésiastiipics les plus impor­ son exil fut de courte durée. A son retour, il fut chargé tantes, assistant successivement à l’élection de l’em­ de la surveillance des fouilles archéologiques, emploi pereur Charles VII et à celle de François 1er, et dans lequel il fut maintenu par les souverains pontifes. surtout prenant ù cœur de défendre ù la diète les Outre de très nombreux travaux sur les antiquités prétendues libertés de l’Églisc nationale allemande. romaines, on a de cet auteur : Spiegazione dei symbolo Le 21 mai 1748, son archevêque, François-Georges del D. Nieeta, vescovo di Aquiteia, ln-1% Padou c, 1799, Schônborn, premier électeur ecclésiastique et archi­ ouvrage traduit cn latin, in-foE, Venise, 1803; Nultità chancelier de l’empire germanique, le choisit pour dette amministrazioni capitulari abusive demoslrata cou vicaire général et coadjuteur avec le litre d’évêque documenti autcnlici, Borne, 1815; Saggio di nuove de Myriopliite in partibus. Le nouveau prélat rece­ ossercaziont sopra i decreti det concilio di Costanza nette vait cn mémo temps la dignité de conseiller d*litat ct css. /Ve V, Borne, 1821; Dlfesa istorica del papa | de chancelier de l'université. Assidu au chœur, comme Adriano VI net panto che rtguardc la infallibility dei doyen du chapitre de Salnt-Siméon, ponctuel à rem­ *omml ponte flci in materie di fede, Borne, 1822; plir les devoirs de scs multiples charges, il continua, Pius II P. M. a calumniis vindicatus ternis retracta­ en outre, à être employé par l’archevêque ct scs suc­ tionibus ejus quibus dicta et scripta pro concilio Ra^icesseurs aux affaires et aux négociations les plus ditllIcenti contra Eitgcnium IV ejuravit. Borne, 1823; Ul­ ciles. Malgré des occupations si nombreuses, il trouva timatum per it dominio indirclto dtlla S. sede apostoencore le temps de composer des ouvrages de haute lieu sui temporale de* sovrani. Borne, 1825; Ri/lessioni érudition historique, genre d’études pour lesquelles slorico-poliUche supra la richiesta dei ministro dell' in­ il avait un goût très prononcé. De cette première ca­ terno di Pungi ai vescuvi rd arcivcscovi della Francia, tégorie de ses travaux, nous citerons ici les plus im­ in /ar insegnare ne i loro seminari te quatre propozioni portants : Decas legum illustrium, in-fol.. Trêves, dell' assemble" det clero gallicano, net 1632. Itonie. 173 »; Historia Trevirensis diptomalicu et pragmatica, 1825; Considrraziuni suit* impero romano da Romulo exhibens origines Trevericas, Gallo-Rclgicas, Romanas, ad \ugu*to, e da questo per Tepoca crisliana /In at 767, Francicas, etc., jus publicum particulare archicpiscoItonie, 1835. Il publia en outre en l'annotant l'ou­ palus et etcctoratus Trevirensis, sed d historiam vrage du chanoine Tb.-V, Faletti : l.o studio anal Rico civilem ct ecclesiasticam ab anno IIS ad annum 174S, delta religione ossiu la riccrca pin essala delta telicitd 3 in-fol., Augsbourg et Wurzbourg, 1750. Un supplé­ dell' uomo, 2 in-8ü, Borne, 1782, 1781. ment parut sept ans plus lard, (’.’était plutôt une sorte Fetter Dictionnaire historique. 1818, t. m. p i‘)l; Hurler, de préambule à l'ouvrage, ct, comme tel, aurait, dû, au Monienclolor, 1012, I v, col 863-865. contraire, le précéder chronologiquement : Prodromus B. Heurtfhize. hi flori a· Trevirensis diplomatie# et pragmatic#, exhi­ FÉBRONIUS. I. Formation intellectuelle et ten­ bens origines Treviricas, 2 in-fol., Augsbourg, 1757. dance de caractère qui le préparèrent Λ dogmatiser. Dans ce supplément-préambule, l'auteur expose l'état 11. Ses erreurs sur les droit s du Saint-Siège. 111. S’est-il du pays de Trêves à l'époque roma ne cl aux temps wurnls aux condamnations portées contre lui? qui la suivirent Immédiatement. Quant à I Historia IV. Principaux théologiens ct canonistes ayant écrit Trevirensis proprement dite, elle est un très ildic re­ pour le réfuter. cueil de diplômes, chartes cl documents authentiques I. Formation intellectuelle et tenoanc® anciens. Inédits ou peu connus, ayant rapport non DE CARACTl RE QUI LE PORTÈRENT A DOOMATIRER. seulement au droit publie, civil ct ccclésiusUquc, de la Fébronlos Justin* de son vrai nom Jean Chrysostomc principauté de Trêves, mais même de toute i'AiieSlcotas de Hontheirn. naquit à Trêves, le 27 Jan- magne. Ces pièces sont accompagnées de notes cl vier|701. d'une famille patricienne. Il fit ses études Λ d'observations très savantes qui les expliquent ct les l'université de fxjuvain. ct cul pour maître le trop cé­ mettent cn pleine lumière. Des dissertations spéciales lébré Van Espen, Janséniste incorrigible qui. par son 1 précèdent l’exposé des événements de chaque siècle. 2117 FÉBRONIUS Le style pourtant est parfois dur, incorrect, embar­ rasse. L’auteur surtout manque de Justice envers ceux qui, avant lui, sc sont consacres aux recherches de ce gcnn et dont les travaux lui furent d’une incontes­ table utilité, car il en n usé largement. Malgré scs dé­ fauts, V Historia Trevirensis dtplomalica et pragmatica est une œuvre de valeur î la plus complète qui existe sur l'archevêché et l'électoral de Trêves. Elle attira à Jean Nicolas de Hontheirn de pompeux éloges de la part «les érudits de l’époque. L’esprit cependant qui avait dirigé cette volumineuse compilation criticohistorique ne disposait que trop le chancelier de l’uni­ versité de Trêves ù la composition de l’ouvrage capital de sa vie, par lequel il devait répandre Ù travers le monde ses idées schismatiques qui allaient faire de lui un chef de secte. IL Erreurs de FftnnoNius svn ees droits du saint-siège. — Six ans après la publication du Prodromus historia· Trevirensis, paraissait un ou­ vrage intitulé : Justini FehronU jurisconsulti Dr statu pnesenti Ecclesiæ cf legitima potestate romani ponti­ ficis, liber singularis, ad reunterufos dissidentes in religione compositus, in-1 °, Bouillon et Francfort, 17G3. L'auteur s’était caché sous le voile de l’anonyme. Jean Nicolas de Hontheirn, pour partir cn guerre contre le saint-siège, avait pris Je nom de sa niccc, Justine, religieuse, qui, dans son monastère, était ap­ pelée Fébronia. A la lecture de ccs pages, on ne s’étonna pas que l’auteur n'eût pas voulu, tout d’abord, se faire connaître. Son but. disait-il dans le titre meme, était contraindre, cl pouvaient même, Λ cette fin, invoquer l’appui du bras séculier. Les intérêts éternels des âmes cn danger de sc perdre à la suite de ces usurpations multipliées, le souci de l’unité ù refaire, la sauvegarde de l’Églisc menacée «fans sa divine constitution, le retour aux saines doc­ trines. à la pratique constante des apôtres ct aux cnsc.igncmenLs du Fils de Dieu, exigeaient impérieu­ sement qu’on cn vint à ccs mesures extrêmes, si les conseils, les avis, les prières même ne suffisaient pas pour atteindre ce but éminemment désirable. Un tel ouvrage lit grand bruit. Les ennemis de l’Églisc en tressaiI.iront d’aise et le louèrent à l’envi. Ils s’en servirent pour légitimer leurs attaques les plus violentes contre la hiérarchie catholique, surtout contre le vicaire de Jésus-Christ et sa primauté. Cc I • ■ | 2118 factum, cependant, n’était pas de nature Λ causer une impression profonde sur des hommes instruits, calmes ct Impartiaux. Cc que Fébronius avançait de vrai était emprunté aux théologiens orthodoxes, aux Fran­ çais de préférence, surtout à Bossuet. Les erreurs étaient tirées des jansénistes, des protestants, ou des canonistes suspects, de l’espèce de Van Espen, son maître, dont il avait subi si entièrement la néfaste influence. Des matériaux aussi dissemblables ne pou­ vaient guère aller ensemble, ct Fébronius les avait compilés, d'ailleurs, assez maladroitement. 11 suffisait de rapprocher certains passages de son livre pour ré­ futer Fébronius par lui-même, tant il tombait dans de perpétuelles contradictions, en essayant de s’ap­ puyer sur des documents qui .s’entre-détruisaient les uns les autres. En voici quelques exemples. Après avoir avoué, d’assez, mauvaise grâce d’ailleurs, p, 28, que le pou­ voir des clefs donné par Notre-Scigncur Λ saint Pierre, .Matth., xvi, 19, doit s'entendre de la primauté de saint Pierre et dr scs successeurs sur le siège de Rome, h soutient plus loin, p. 5f, que le Fils de Dieu a conféré cc pouvoir des clefs, non à saint Pierre, mais à toute l’Églisc. Dans le chapitre suivant, p. 151, oubliant cette contradiction flagrante, il revient à sa première assertion, Λ savoir que la primauté a été accordée A l’évêquc de l’Églisc de Home. Il trouve cependant le moyen de varier une troisième fols sur ce mime sujet, cn affirmant que cette primauté a été concédée au pape, non par Jésus-Christ, mais par saint Pierre ct par l’Églisc. Si saint Pierre ne l’avait pas, comment a-t-il pu la transmettre à scs successeurs? ct. s’il l’avait, la tenant de Jésus-Christ, qu’a-t-il eu besoin de l’Églisc pour la transmettre? En suivant les raisonnements de Fébronius, ct cn comparant ks uns aux autres les divers passages où il traite de ccttc question si importante, il est impossible de savoir à quelle personne la primauté a été accordée, ni par qui clic lui a été donnée. Mais il est plus difficile encore de savoir cn quoi consiste cette primauté. C’est ici que les assertions les plus contradictoires sc suivent ct s’accumulent. Tou­ tefois. ce n'est pas encore assez pour cct esprit ma­ lade et inconséquent avec lui-même. A la p. 168, il affirme que Jésus-Christ, cn donnant les clefs à toute Γ Église en corps, a voulu que le droit de ccs clefs fût exercé sous le bon plaisir de ΓÉglise par les évêques ct les pasteurs. Ceux-ci donc ne tiennent pas de JésusChrist leur autorité ct leur juridiction sur les lidèlcs; Ps la tiennent des fidèles eux-m lines, ct ne peuvent l’exercer que sous le bon plaisir de ces mêmes fidèles. C'est quelque chose comme le suffrage universel intro­ duit dans la société religieuse cl menant directement ù l’anarchie spirituelle. L’auteur a xoulu jeter dans l’Églisc la confusion qui règne perpétuellement dans son livre, car, presque A chaque page, on rencontre le oui ct le non prononcés de la manière la plus caté­ gorique cl la plus tranchante sur le même sujet. Dans ses allégations, Fébronius fait preuve aussi d'une insigne mauvaise foi. Après avoir affirmé solen­ nellement qu’il ne citerait que des auteurs graves, pieux, orthodoxes, ct reconnus comme tels par toute l’Églisc, il apporte Λ chaque instant le témoignage de Puffcndorf, de l-’ra Paolo, de Dominis, de Dupin et d'autres écrivains répréhensibles,appartenant ù louiez les sectes ennemies de l’Églisc. Dans son bref du I I dé­ cembre 1761, Λ l’évêquc de Katisbonne, Clément XIII stigmatise un mensonge aussi effronté : Omnia, dit-il, ex turrclicorum et sanctu· sedi infensissimorum hominum libris conquisioit, ct absurdissima quæois de suo ad­ jecit. On avait lieu de profondément s’étonner aussi qu’un évêque n’eût pas rougi de reproduire les récrimi­ nations, les sarcasmes ct les plaisanteries de mauvais 2119 EÉBR )Nli:S 2120 contre l’Égiise, dans les leçons ou df avait plus ct pire encore. Dans le dernier chapitre, des protestants. Ceux qui s'imaginent que cc sont ΙΛ il étudiait les moyens les plus efficaces de luire un les sentiments du clergé de France n’ont jamais lu d’autres théologiens français q e les jansénistes. · schisme, traçait à ce sujet le plan a suivre, cl entrait, a cet egard, dans les plus grinds details. Ce mauvais En Allemagne ct en Belgique, l’ouvrage fut aussi livre «le 650 pages débutait, neanmoins, par une condamné par les archevêques ct évêques de Cologne, epitre dédfcatoire au pape, aux évêques et aux Mayence, Prague, Augsbourg, Constance, Batisbonne, Wurzbourg, Bamberg, Liège, etc. princes de la chrétienté. L audace l’emporte encore sur les inconsequences ! Par ailleurs, le Fébronius obtenait de nombreux ct même puissants suffrages de l.i part des ennemis de Un décret de Γ Index, en date du 27 février 1764, condamna l’ouvrage. Quelques semaines après, Clé­ l’Égiise, de ceux surtout qui en voulaient plus spéciale­ ment à l’autorité du souverain pontife. En Autriche, ment XIII, par un bref adressé, le 14 mars 1764, au principalement, sa vogue fut extraordinaire. La cour prince Clement de Saxe, évêque de Batisbonne, se de \ icnne le favorisa ouvertement.Trois fois examine plaignait hautement que Fébronius eût semblé prendre à cœur de faire siennes toutes les déclamations des par ordre du g uvnncment impérial, il fut trois fois approuvé. Les canonistes < c cour en adopt rent les protestants ct des ennemis les plus irréconciliables maximes, les introduisirent dans leurs manuels de du Saint-Siège. droit canonique et contribuèrent fortement à les | roCes condamnations n arrêtèrent pas le malheureux pager. C’était le moyen de plaire à l'o gueille ix Jo­ sur les pentes de l’abîme. Dès 1765, il donnait une deuxième edition de son ouvrage avec trois Appen­ seph Il qui voulait réformer l’Égiise ct la subordonner dices, où il prétendait répondre aux nombreux écrits à l’État. Tous le» décrets que ce monarque altier ct entreprenant promulgua en ces m itières de 1781 à déjà publics contre lui. D’autres éditions parurent en 1770,1771 1777, toujours de plus en plus augmentées. 1787, ct qui alarmèrent tant Pie VI ct les vrais omis de l’Égiise catholique, fu eut la conséquence logique Elles curcnbjusqu’ù cinq gros vol. in-4*. Des traductions allemandes, françaises, italiennes, portugaises, etc., des principes de Fébronius. parurent aussi dés 1767, ainsi qu’un abrégé en fran­ Au milieu de cet a dent confli de critiques, de con­ çais : De l'étal de I' Église cl de la puissance légitime du s’ res ct d’éloges, le nom de l’auteur ne put rester long­ temps ignoré. On avait cru, d’abord, reconnaître dans ponli/e romain, 2 In-12, Würzbourg, 1766 ; Amsterdam, l’ouvrage si discuté la plume et les idées de Georges 1767, œuvre anonyme du prémontré Jean Bernacle Lissoire, un de ceux qui, plus tard, prêtant le ser­ Christophe Neller, professeur de droit canon, puis de droit civil à l’uni verJtc de Trêves, ct ami intime de ment à la constitution civile du clergé, furent élus Jean Nicolas de Honthcim. H va l, en effet, publié, comme évêques constitutionnels et schismatiques. près de vingt ans auparavant, un volume soutenant Une autre traduction française porte le titre : Traité dis doctrines analogues, ct qui fut mis à l’index, de gouvernement de Γ Église et de ta puissance du pape par rapport à ce gouvernement, in-4°, Paris, 1766; le U septembre 1750 : Principia juris publici ccc csia3 m-12, Paris, 17G7. Contre ces différentes éditions, slici catholicorum ad statum G rmaniæ accommodata, I Index renouvela sa condamnation précédente par in-4 °, Francfort ct Leipzig, 1716. Mais de Honthcim plusieurs nouveaux decrets, entre autres, ceux du qui, à l’origine, avait pc isé preferable de se earner, ne 3 lévrier 1766, du 4 mal 1771, du 3 mars 1773, etc. fut pas fâché ensuite qu’on lui attribuât la paternité Pour justifier ses attaques contre le Saint-Siège cl de cct ouvra , c qui, s'il lui attirait de sévères critiques, leur donner plus de force, Fébronius avait prétendu lui valait aussi des él ges dithyrambiques. Cependant s’appuyer sur les principes du clergé de France ct sur les co. damnations prononcées par les évêques ct le cc qu’on appelait alors les libertés de l’Égiise galli­ pape, le» censures émanées des universités c · lêslascane. Le cierge de France, réuni en assemblée géné­ tiques, surtout la réprobation formelle dont il ctalt rale, protesta avec indignation dans ses séances du Γ< bjet de la part de l’asscm léc générale du clergé 7 décembre 1775. Dans le procès-verbal officiel, on lit de France, s r l’autorité de I iquclle il s élait publiccs Ignés très caractéristiques : « L’ouvrage de F’ébro- queme t flatté de s'appuyer, commencèrent à ébran­ nius, loin d’avoir aucune autorité en France, passe, ler la confiance qu’il avait n lui-même, ct, en 1778, parmi ceux qui le connaissent, pour favoriser les il p rut dispose à rove dr â de meilleurs sentiments. opinions nouvelles, pour être inexact sur les objets de Déjà il avait publié, l’année précédente, une édition la plus haute importance, cl surtout pour s'écarter du abrégée nnant aux instruc­ cette délibération à l'archcvequc-èlecteur de Trêves, ti ns pontificales» adr ssa les actes du consistoire avec ct le président répondit qu’il · se conformerait inces­ si rétractation au clergé ct aux fidèle» du diocèse de I Trêves, confessant qu’il s’é ait laissé entraîne.· à des samment aux désirs de rassemblée. · Ibid. Deux mois auparavant, le docte Bcrgier avait écrit, I opinions dangereuses, les «esavouant, vt annonçant de Paris, au duc Louis-Eugène de Wurtemberg, le I eu il sc proposait de réfuter lui-m.mc son pro re 12 octobre 1775 : · L’auteur ne peut plaire qu’à ceux I U » re. Une soumission a..ssi complète, dans les termes qui ont sucé de* pnn lues crcur ru mat» est, de son cote, le chef supreme de tous les pn ccs de la terre ceux-ci doivent se soumettre a lui, respectu tints sacri, seu boni Eccles ι*. IV. PniMCIPAUX THÎOLOGIE.NS ET CAXO ISTES AY>.vT ÉCRIT IOUR RLFLTER I ÉDROMU5· — Parmi les nombreux aut ur t.ui sc levèrent pou ombattre les erreurs de beb o lus, nous indiquerons ici les pnncipau seulement : Joseph c Blo idd, ccmte paL.tin, qui écrivit ontre lui et cont c les rotestants. dans un style virulent cl sarcastique, dont on une idée par le titre mem de so < u\ra e:Cons tium utriusque medici . Justi tint Febror.ium de si tu Ecdtste fl potesta c p pa ægernme felricitanlem, in-8 , U.rechl, 1764; Amori, Epistola ad la cri­ tic i contra Justin Fc ronii librum singularem, In-4·, Hcidclbcr , 1765; Thcobaldus Bux, Theses canonic* ex hb is Decretalium Gregarii /X, in-4·, Munich, 1765; laute r y prend Fèbr. nius a partie, et montre la fai­ blesse de ses ar urne ils; Trn twein. Vin ici* adver­ sus J. Fcbronii de busu summ* potestatis fontiflei* librum sirvula cm, 2 in-l°, Augsbourg, 1765; B. Corsi. De legitima po!estate et spi ituali monarchia romani pontificis, advenu Febrvnium juriscons Ilum, in-4·, Bologne, 1765, ouvrage dont la traduction italienne J parut à \ cni e, en B67; l.a Islas Siminas lorvini. Epistol Hom* ct a So bonna probata a.! dur. rir. Ju­ stinum Feb onium emanata, in-l·. Sienne, 1765; l^a< islasSappel. Epistola a dur. vir. ustinum Febro· ium jurisconsultum, in-4®. Sienne, 1765; Liber sin ularis ad forma um genuinum con eptum de statu E clesi* et s mmi po tifîcis otestate, i -l®, Inspruck, 1767; réédité en I vol., Augs’ ourg· 1771 -1775; Almici, Hiflessioni su di un li ro dtG. Fc ronio, in-l·, Lucqucs, 1766; Jules Antoine Saergalli, Le gesta dei sommi Ironiefici,ouvrage spécialement composé contre Febro· nlus, 1 in-1°, Ve isc, 7 1: d., Dello stato della Chiesa e legittima pot st del tomano ponte flee, in-l·. Borne, 1766; Saggio compendioso delta doctrina di G. Febromo l confidazione della medesima. in-4®, L.ucque-, 7 0; Homani pontificis summ · auitorilas, et ce su u pr*cipuorum auctorum qu s J stinus Fd r^ ius in singuari libro eu c » fo onsuluit, i -4·, Faenza, 1770; l’université de Cologne, Judicium de p oscrintis a s. s. v. /i. ( lemente XII actU pseud, s n di TT trafcet., et li'ri Justini Febnmii, in-l®, Cologne, 1765; l'.-X. / ch. s. J., rofesseur ô droit c η· n à Γιιηΐ· versitc d’Ingolstadt. De judi lis ecclesiasticis ad Ger­ mani* catholic* principi d nsum, in- ®, Ing' Istadt, 1765, 1766, avec une diss rtation spéciale contre Fébronius; Const ntino, Disinganno sonra l'ogg Ito scritto tn fronte del libro intitolato De statu E·clesi*, in-4·, Ferraro, 1767; S. Alphonse, Vindict* pro su­ prema pontificis potestate adversus Justinum Febronium, in-8·, Naples, 17'8; Feller, Jugement *un écrivain protest ad touchant le li re de Justin s Febr nius, ln-4·, Lelpzi , 1770, 1771: Liège, 1772; ayant beau­ coup connu Nicolas de Honthcim dans sa jeu. ess ,ct 2128 FÉBRONIUS — FECk'EXUAM lui ayant incine quelques obligations, Fellor ; volt pnférê mettre sur les livres d’un protestant la n fil­ iation victorieuse qu’il fait des erreurs du prélat; MingarcIU, /n Irritum Justini Febronii (onui/n ani­ madversiones renia. o-cuthülicæ, m-l°, Bologne. 1773; Vallarta J. Palma, Dc romani ponti/icis principatu ad­ versus ~ uslinum Febronium thcolog ica-critien disser­ tatio, in-8®, Faenza, 1771; Victor de Coccaglio, ttutus od Justinum Febronium jurisconsultum, 2 ln-4®, Trente, 1771; Christophe Sonnlcithner, De in/allibtli Ecclrsur dispersa: consensu anlifchroniana dissertatio, in-4·, Vienne, 1775; Bcrgier, Lettre au duc LouisEugène de Wurtemberg, in-8®, Paris, 1775; Kauff­ mans, doyen < e la faculté dc théologie dc Cologne, Pro statu Ecclesiæ catholic# et legitima potestate romani pontificis apologetico i theologicum, in-1°, Cologne, 1767; 'Γraversari. De romani pontificis primatu adversus Justinum Febronium, in-4®, Faenza, 1771; J.-J. Pdlizerius, Dc statu Ecclesiæ contra Justinum Fcbrontum, in-4®, Faenza, 1771; ίη-Ι®, Bayonne, 1777; Mamachi, Epistolæ ad Justinum... Febronium jurisconsultum de ratione regendae chri lianæ retpublic*, deque legitima romani pontificis potestate, 3 in-8®. Home, 1776-1778; J. Pcy, Traité de Γautorité des deux puissances, 4 in-4®, Paris, 1780,ouvrage spécialement dirigé contre Fébronius, très souvent réédité, ct traduit en italien par César ! Brancadoro, légal apostolique en Belgique, 6 in-8®, Foligno, 1788, 1789; le P. Antoine-Marie Zaccaria sc distingua surtout parmi ceux qui réfutèrent le plus vic­ torieusement les pernicieuses doctrines de Fébronius; on a de lui à cc sujet toute une série de publications : Anltfebronio,o apologia polemico-storica del primato de papa... conlro la dannata opera di G. Febronio dello stato della Chiesa, e delta legitlima podesld del romano pontefier, premcltcsi una islrullloa introduzione, nclla quale m fine si esamina onde Febronio a scrioere il sua libro si é messo,... di da un saggio della mata jede di questo autore, 5 in-8®, Pesaro, 1767; Antijebronius vindicatus, seu suprema romani pontificis potestas ad­ versus Justinum Febronium, ejusque vindicem Theodo­ rum u Palude iterum asserta et confirmata, 4 in-8°, Ctséne, 1771, 1772; Francfort et Leipzig, 1772; in-t·, Home. 1813; reproduit dans le Cursus completus theo­ logia de Migne, L xxvu; Antifebronius,seu Fébronius abbrcoialus cum nolis adversus neotericos theologos el canonlslas, 5 ln-4®, Augsbourg, 1783-1785, ouvrage qui cul dans la suite de nombreuses éditions et tra­ ductions, entre autres, celles dc Bruxelles ct Lou- ! v iin, 1829; Paris, 1859; lu tertium Justini Febronii | loimun animadversiones romano-cutholicæ tribus epi­ stolis comprehenso:, in-8®, Home, 1771; Dollrinc false fd erronee supra le due podeitd Γecclesiastica e la secolure, n-8®, Foligno, 1783; Veridioa Imagine del papa, quale U viene ofjerta dalle divine Scritliirc, dei S. S. Padri, etc., in-8®, Foligno, 1783; Kendcte a Cesare cio ch* é di Cesare ; ma si a Dio rendete · uel th’é di Dio, o sia Dissert, sulla podestd regolatrice della disciplina, in-8®, Faenza, 1788; Rome, 1836; Breviculus modernarum contrôler alarum, sen com­ pendium Febronii abbreoudi, in-8®, Augsbourg, 1789; François-Marie Pcdrazzi, L'antifcbronio in dijesa dello stato della Chiesa, o delta podcsti del S. ponte fice romuno, in-1 ·, Horne, 1771, J78l;Dr/fri potleslà del umnio pot defter romano in confutazione dalle nuouc opinioni, bl I , Home, 1783. Frlkr Did tonna (re historique 5 In-t* Paris. 1Λ39 ! in, p 561 *q ; Munich Gnehichte der Kmser Congresses in-8·, Lxipjjrf 1810; Moroni. Diztonarto di eruditione hislorieo♦v » loo in-8·, 1816-1879, t xxxm. p '251 sq.; UtchaiMl Buxjrai hit universelle I \ix, p 591 sq ; MullrrM > — ■■ tl'^r't a·» hldorim-fhenlonlcn de Judfni Frhrnnii Wbrn «•ciiiiEJoir ln-8* Boon 1V»3.Wemcr Λ>«·Μ'·’·ν dev 1» th Thrttlogif In Dfutsci hmd, ir-l*. Men ch 1866 p 209 tq , 213 tq.; Brunner, Die theologi sche Diencrschu/t 2124 ar.i Uojr Joscpho //. in-8·. Vienne, 186«; Meyer. Febnmiuj, Weihbischof Johann Nicolaus uon !lonlheim and sein il’tderruf, in-8·, Tubingue, 188 i; Hubert, Etudes sur la condi­ tion da protestants en Belgique, depuis Charles-Quint jusqu'd Joseph Π, in-8·, Bruxelles, L882; I krgeorœther. Histoire dc ΓEglise, t vr, p 363 sq.; J. KQntzigcr, Fébronius et te fébronianisme, In-H-, Bruxelles. 1890; Mémoires dc ΓAca­ démie dc Belgique, in-8·. t. xliv; Hurter, Nomenclator t. v, col. 511 sq.; Kirchen 1er ikon, t si. col 276 sq.; Wemz Jus Decretalium. Introductio, tit ι. $ 5, 5 ln-8®, Bonn 1898-1906, t i, p. 34 sq. ; The catholic cncgctof/cdia, New York. 1909, t vt, p 23-25. T. ()nroLAN. FEBVRE Michel, de Xcuvy-sur-Loire, entra chez les frères mineurs capucins de la province de Tou­ raine, où Il prit le nom de Justinien dc Ncuvy. En­ voyé vers 1663 dans la mission d’Arménie, il y tra­ vailla avec zèle et intelligence ct un de scs succès fut de faire nommer patriarclie îles Syriens l’archevêque de Jérusalem, Pierre Grégoire, dont il était le confes­ seur. Celui-ci l’envoya ù Home en compagnie du P. Michel Nau, de la Compagnie de Jésus, et il pro­ fita dc cc séjour pour faire imprimer par la Propa­ gande un petit livre intitulé : Præcipuæ objectiones quæ vulgo solent fieri per modum interrogationis a Afahumeticæ legis sectatoribus, Judæis et hæreticis orientalibus adversus catholicos, carunique solutiones, In-12. Il le fit également Imprimer en arabe, 1680, et en arménien, 1681. A cette même date, le P. Justi­ nien était en France, pour y recruter des missionnaires, ct nous perdons sa trace. Sous son nom de famille, il avait publié, dans un premier voyage en Italie, le Specchio overo descntlione della Tarchia, Home, 1671, dont une édition plus complète parut la même année ù Florence sous son nom de Giustiniano da Novi. 11 en parut une traduction à Paris en 1675, L*Estai présent de la Turquie, et une autre en polonais, Var­ sovie, 1688. Durant son second séjour à Rome, il publia son Teatro della Turchia, Milan, 1681; Bo­ logne, 1683, 1681; Venise, 168 L II le traduisit ct refondît en français ct le Théâtre dc la Turquie parut & Paris en 1682. On trouve dans Migne, Perpétuité de (a foi de Γ Église catholique sur rcucharistie, Paris, 1851, t. i, col. 1236, une attestation de fide Armrnonim < t/ca SS. eucharistiam traduite de l’arménien en latin par le P. Justinien en 1668. Denys dc Gênes ct Bernard dc Bologne, Bibliotheca scriptorum ordinis minorum cupuccinorum (fort inexacts): Michaud, Biographie universelle; P. Edouard d’Alençon, Le sieur Michel Fcburc, dans les Etudes franciscaines, t xxî, p. 435. P. Édouakd d’Alençon, FECKENPAM (Jean dc), bénédictin, abbé de Westminster,ne vers 1515 à Feckenhum dans le comté de Worcester, dc parents pauvres dont le nom était Howman, mort à Wisbech Castle le 16 octobre 1585. Il Ht profession sous la règle de saint Benoit à l’abbaye d’Evcsham, d’où il fut envoyé, âgé dc dix-huit ans, à l’université d’Oxford. Henlré dans son monastère, il eut la charge des jeunes religieux jusqu’à la sup­ pression dc la communauté par Henri VIH, h 27 Jan­ vier 1510.Sorti du dolin' malgré sa volonté,il ne tarda pus à se faire connaître comme orateur et controversiste. A 11 demande 126 Chronotoyiu, il soutint que le inonde avait de créé 265 ans plus tôt qu'on ne le pensait ordinairement. La naissance dc Jésus-Christ tombait en consequence l’an du inonde 4235. Ce nombre, dont les chiffres addi­ tionnés donnaient deux fois sept, lui paraissait dou­ blement sacré. Comme la duree totale du monde ne pouvait dépasser 6000 ans, la lin du monde devait sur­ venir 115 ans apres 1620. Mais puisque le Christ avait dit que 1rs jours des derniers temps seraient abrégés ù cause des élus, il fallait en conclure que la fin du monde était proche. H joignait ù ccs calculs des idées millénaristes ct d annonçait la prochaine conversion des juifs La même année, il dénonça la corruption de l’Église luthérienne et de scs ministres cl il en annonçait le châtiment. Quand les protestants furent persécutes en Bohême, il dut quitter sa patrie. En 1623, il était à Amsterdam, la ville dc refuge dc beau­ coup de protestants. 11 y multiplia scs écrits chiliastes cl mystiques, aux titres singuliers; il y traitait l’Église dc Babylone endurcie. Le petit peuple h s lisait avec enthousiasme. Aussi quelques théologiens les réfutèrent, notamment Georges Host, prédicateur de la cour à Gustrow. Felgenhauer répondit a son adver­ saire. Plustard, les ministres dc Lubeck, de I lamboun* ct de Luncbourg adressèrent au ministre d’Élat d’Amsterdam une pétition dans laquelle ils deman­ daient d’interdire la diffusion des écrits dcFelgenhauer. Au mois dc mars 1633, ils sc réunirent à Molln et ils résolurent de reprendre le peuple de son fanatisme, en faisant intervenir le pouvoir civil. En 1634, Nicolas Zlegclbaucr, Historia rcl litcrariir nrd S Benedicti, I n. Hannius. surintendant de Lubeck, publia un rapport P 147. 148. 238; t in. p. 357; t tv, p. 31, 261. 637; [dom François), Bibliothèque générale des écrivains de Cordée de développé sur la religion, la doctrine ct la foi des nou­ Saint Uenott, t. ι,ρ.317; dom B Wcdon, Chronological notes veaux prophètes qui se disent illuminés, instruits on the cnglish congregation of the order St. Benedict. in-1·, directement par Dieu cl théosophes. Fclgcnliaucr y Stnnnbrook, 1881, p 31; J GiUow, Bibliographical dic­ opposa, en 1636, sa (Iriindtiche Verantioortung. Il conti­ tionary of (he rnglish catholics, t it. p 233; Tnunton, 1 he nua à répandre scs idées par la parole vl la plume. 11 sc engtish black monks of St. Benedict, In-8·, Londres, 1891, retira ù Bcderkcsa, auprès de Brême, et il y tint des t. I, p 160-222; G.-E. Philipps The extinction of the ancient réunions, où il faisait la cène avec dis pains azymes hierarchy, In-8», Londres, 1905. p 67. 68. 105. 109. etc ; Kirchen lex ikon, I vt p. 1664 - 1671 ; Hurter, \nmrncl ilnr, et du vin rouge ct où il baptisait des enfants. Banni t in, col 170; I he catholic encyclopedia, Ness York. 1909. dc lù, il revint en 1649 en Hollande. 11 fut arrêté à t vi p 25-26 Sulingen (comte de Hoya) par ordre du gouverne­ B. I Ieuiiteimze. ment ct amené ά Hanovre, le 17 septembre 1657, el FEDERICIS (Federico do), théologien dc l'ordre enfermé à Svkc. Le surintendant llüdeckeret d'autres dc Valloinbreuse. ne à Florence vers 1636, mort à ministres tentèrent inutilement de le ramener ;i la foi Home en juillet 1672. Entré fort jeune dans la con­ orthodoxe. Sorti de prison, il vint & Hambourg, où il grégation bénédictine fondée par saint Jean GualberL I publia encore en 1619 ct 1650 quelques ouvrages vl ou il devint abbé de Saint-Barthélemy de Bipoli, puis il composa scs sermons sur les Evangiles du dimanche, dc Sûintc-Praxède ù Home. Docteur en théologie, il qui n'ont pas été imprimés. On ne sait pas où el fut consulteur dc la S. C. dc l'index. On a dc lui : quand il mourut, mais c'est après 1660. Scs ouvrages Thronmata symbol ica ex aposlolicis dogmatibus, Flo­ s’élèvent au nombre de quarante-cinq. Adclung en a rence, 1668. dressé la liste. Felgenhauer prétendait recevoir direc­ V Simii. Catalogus sanctorum rt idrorum illustrium cr tement de Dieu des révélations. Cet illuminé dc regar­ Valle l mbmsa, in-8·, Home, 1693, p loi ; (dom François). dait la trinilé des personnes que comme une triple Bibliothèque générale des écrivains dc tordre de Saint-Benoit, manifestation du Dieu unique. H n’adim ttail pas lu ! î. p 318. nature humaine du Christ, la chair du Fils de Dieu B. lÎEUIlTEniZB. étant descendue du ciel. FERRER Fructuoso, religieux august in du couvent Arnold, l nparlh Kirchen and Kelzerhntorie, port III, dc Wurzbourg, mort en 1817, n publié : Utrum c v. Schalfhouse, 1711, t ih î>- 373 >q ; J Ch Adcluiig, S. Cyprianus. Carthaginiensis episcopus, sit auctor doGcschichte der mrnschhschcn \urrhti(, part IV, txipzig. clrintr dr unica Christi religione algue Ecclesia salvi1787. p. 388-407; Allgcmeinc dcultehe Biographie, l vm, fica, Erfurt, 1792. p 271-273; Kirchrnlerikon, 1886. L iv. col 1301-1302; Ure sous sa prolection si J'ahbé cl les moines consen­ taient à reconnaître la nouvelle religion. Icckrnham refusa avec courage cl devant le parlement défendit la foi catholique,dénonçant les sacrilèges innovations des anglicans. Lc 12 juillet 1559, il était chassé de son abbaye cl ne lardait pas à être dc nouveau incar­ céré ù la Tour de Londres. Pendant les vingl-cinq dernières années dc sa vie, il fut traîné dc prison en prison, employant le peu de liberté dont il pouvait jouir â soutenir les catholiques persécutés, aussi chari­ table pour les personnes qu'inébranlable dans sa foi. Du dernier abbé dc Westminster nous mentionnerons les ouvrages suivants : A conference. Diatogur-iuise, held between the lady Jatte Dudley and Mr. John Feckcnham four days before her death, /e b. 2, 1553, touchin g her faith and belle/ of the sacrement and lier reli­ gion, in-8°, Londres. 1551; in-4®, Londres, 1625; Two homilies on the first, second and third articles of the creed, in-4®, Londres; Λ notable sermon at (he cele­ bration of (he Exequiis of lady Jane, queen of Spaync, Sicclie and Navarre, on Dent, xxxh, 28, 29, the 18 of june 1555, in-16, Londres, 1555; The declaration of such scruples and stales of conscience touching the oath of supremacy, ns AL John Feckcnham, by wriing, did deliver unto the lord bishop of Winchester, with his resolutions made thereupon, ln-4®, 1565; Oration made in the Parliament House, 1559, against the alte­ ration of religion, imprimé par J. S try pc dans Annals of the Keformation, 1725. Lontcrl. Postrema circula λτχ religioni» augudiniantr. Home, i860, t in. p 318. Hutter. Scriplores ordinis eremi­ tarum S P Augustini germant, dims Rcoisla augusliniana, 1883, t. vi, p 579; Hurler, Nomenclator, t v, col 603, 604 Rcalcncychpttdir fur protcdantixche Théologie und Kirche. 1899. t vi. p. 23-21; Kirchliche» Handh rikon, Munich, 1907· t. L col. 1438, E. Maso knot. I. FÉLICIEN, évêque donaliste de Must·, dans Λ. Palmihht. l’Afrique proco.isulairc, depuis l’an 390 environ jus­ FELGENHAUER Paul, Ihéosophe el mystique pan­ théiste, est né le 16 novembre 1593 À Putschwitz en i qu’après I» conférence qui eut lieu à Ca’llutgc en 411. Son nom n’a droit ù elrr rappelé i I q Γη raison Bohême; il était le Ills d'un pasteur luthérien. Il alla du n*le sc ÎMnaliquc qu’il joua au st in même du étudier la théologie Λ Wittenberg et il fut diacre â l’église du château. 11 dut quilter Wittenberg, proba­ donatisme, mais qui ne l’empêona pas d’être reçu ensuite dans le parti d<* ITirnicn. vec tous les hon­ blement A cause dc ses idées personnelles, et il retourna neurs dus Λ son rang cl en conservant son siège, en H «neinc. Il se mit à publier des écrits pour répandre ses vues, qui étaient fort singulières. En 1620, dans sa j malgré les poursuites et la condamnation dont il Ι Π * I I J fil Ill j I ! I ι1,1 > I I 1 / I ι I j ij I I I I » t f j I 2127 FELICIEN - FËLICIExX I) E S A IN T E - M A D E L EIN E 2128 avait été l’objet. Saint Augustin vil là un argument leurs principes (t à leur pudique, ne songèrent pas 4 irrésistible qu’il ne cessa plus de faire valoir contre les reiterer. Collect i sunt aspides, pipera, puniadiit les donatistes pour les convaincre d’inconsequcncc nec exsufflatur baptismus, qin m dedit aspis, uipcra, par­ ricida. Dc gestis cum Emento, 10. et d’erreur. De tels faits étaient la condamnation absolue du Void les faits. A la mort de l’evêquc donatistc de Carthage, Parménicn, peu apres 391, les schismatiques donatisme ct la pleine justillcaüoa des catholiques. élurent Primien. Celui-ci, une fois consacré, condamna Saint Augustin ne cessa plus de les rappeler dans ses lettres et ses ouvrages contre les doiialistcs, et dc quelques diacres, entre au res Maximi.mus. Maximianus, pécuniairement aidé par une femme de s’en servir comme d’un argument ad hominem. Vos Carthage, intéressa à sa cause un assez grand nombre ancêtres, leur disait-il, ont blâme jadis Lecilien de ne pas s’être soumis au concile de Carthage; mali Pri­ d’èvequcs de l’Afrique procons niai ru cl de la Byzacene, mien n’en a-t-il pas fait autant vis-à-vis du conci­ qui sc réunirent au chef-lieu de h province et citèrent Primien pour vider le différend. Primien sc garda liabule de Carthage et du conc le de Cabar usse? Primien, pré tendez-vous, a été justifié par un concile bien dc comparaître; il roussit même Λ faire partir plus nombreux, à Bagaî mais Cécdien ne l’avait-il ces collègues import ms, qui sc léunirent de nouveau pas été également au concile dc Borne, en 313, et A au nombre dc plus d une centaine, à Cubarsusse, celui d’Arles, en 311? Vous avez condamne Maxi­ dans la Byzacène, en juin 393. Là, ils instruisirent le mianus ct scs partisans, révoltés contre Primien; il procès dc Primien, le déclarèrent contumace ct faut donc condamner dc même Majorinus, l'auteur décidèrent dc le remplacer sur le siège de Carthage. premier dc votre schisme, pour s’êtrc révolté contre A sa pla.c on élut le diacre qu’il avait condamné, Cécilicn. Vous avez réintégré Félicien de Musti et .Maximianus. Douze évêques, parmi laqueis Salvius Prétextât d’Assur, sans rebaptiser ceux qu’ils avaient dc Membrosa, Prétextât d’Assur et Félicien de baptisés pendant leur schisme; c'est donc que vous Musti, tous trois dc l’Afrique proconsulaire, consareconnaissez comme valide le baptême conféré en crèrcnt le nouvel élu. C’était, à près d’un siècle dc dehors dc votre Église; mus alors que devient votre distance, la reproduction exacte, ù l’égard dc l’évêque fameux principe, d’après lequel relllcacilé des sacre­ donatistc Primien, d ι procédé dont avaient usé, ι ments dépend des dispositions du ministre? Vous l’origine, les auteurs responsables du donatisme, à n’en tenez plus compte, vous ne l’appliquez pas aux l'égard de l’évêque catholique Cécilicn. maximianistes; c’est donc nous qui avons raison contre Primien porta sa cause devant un concile plénier vous. L’argumentation était sans réplique; et le fait des évêques dc son parti, au nombre de trois cent dix, est que les donatistes n'y purent jamais répondre. qui sc tint à Bagaî, en Numidie, le 24 avril 391. Maximianus ct scs consécrateurs furent qinliliés Eli· fut produite à la conférence dc Carthage, en ill, d’ennemis dc la foi, d'adultérateurs de la vérité, dc époque où vivait encore Félicien dc Musti, cl sept révoltés contre l’Église, dc ministres de Dathan. ans plus tard, à propos de son entrevue avec Emérite, Coré ct Abiron. d’aspics, de vipères, de parricides. à Césaréc, saint Augustin écrivait : Causam istam Primien fut reconnu comme l’évêque légitime de maximianistarum cum loties objecissemus in nostra Carthage. On accorda aux maximianistes un delai collatione, nihil adversus cam dicere potuerunt; id est, dc huit mois jusqu’au 25 décembre avec l’assurance aduersus objectionem nostram toties insertam, toties qu’on les recevrait sans aucune pénitence canonique repetitam, toties eorum frontibus illisam, nihil omnino cl en leur laissant leurs dignités. Quant à Maximianus respondere potuerunt, quia quod, responderent non inve­ ct aux douze prélats qui avaient assisté Λ son sacre, nerunt. Dc gestis cum Emerito, 8. notamment Félicien de Musti, on les déclara déchus Bien ne prouve que Félicien dc Musti ait abande leurs sièges et condamnés à céder leur place à do né le donatisme après la conférence dc Cartilage. d’autres. Maigre c lie sentence canonique, F< licicn S’il vivait encore en 118, lors dc l’entrevue d’Augustin resta à son poste, soutenu par tous les donatistes dc avec Emérite dans l’église dc Césaréc, il était toujours Musli. On dut recourir aux tribunaux civils. Co/h7 dans le schisme. Comme tant d'autres dc son parti, agi, dit saint Augustin, De gestis cum Emerito, 9, ut il fut insensible aux arguments si pressants dc l’évêquo damnati de basilicis pellerentur. Interpellantur judices, d'Hipponc, interpellantur proconsules. I/afTalrc de Félicien fut I Sources. — S Augustin, Epist , f.i, 2; tin, 6; lx-x, 2; plaidéc à Carthage, le 2 mars 395; l’avocat Titianus txxvt, 3; Lxxxvm, 11 ; evi; cvni, I, 5, 12, 14; cxti, 6, ht condamn r l’évêque de Musli. In judicium alle­ P I., t xxxm. col 192. 198, 211. 265, 309. 404, 405, 407, 112, 413, 530; Enarrat, in ps xxxvt, serm. il, 20. P. t... gatur episcopale liagaiense concilium : dicuntur hicretici, t xxxvi, col. 376 sq ; Cont. epist. Parmentanl, I, 9; n, 20. demonstrantur dam udi, impetrantur jussiones, auxilia 34; ni. 18, 21, 29; De bapt cont donatistas, ï, 2, 7; congregantur, venitur ad ejiciendos de basilicis homines 31, m, 17; Cont. tilt Pdiltant, 1, 11. 16, 26; n, 16. 184; m. 46; damnatos, tt in sua pertinacia constitutos. Ibid. Bien Dc unitate Ecclcsiir, 16; Cont Cresamium, in. 16, 22, 59, n’y fait; Félicien resiste quand meme; cl cc n’est 62; IV, 4. 5, 31, 16, 61, 66; Itrcidculux collationis cum dnnaqu’au commencement dc 397 que l’évêque de Musli, tistis, coll 1. 12; Ad donntistas post collationem, 5; Dc très vraisemblablement sous les menaces du Gildonien I gedis cum Emerito, 8, 0, 10; Cont Gaudentium, ι. 54, P I.., t xtin, col. 40. 63. 73. 76. 96, 98. 108, 109, 113, 145. 251, Optât, le fougueux évêque de Thamugada, consent à faire h paix avec Primien. Cord. lilt. Petit., m, 83; 253, 257. 262, 316. 372, 126. 504 , 507. 523, 529, 549. 564. ConZ. Crescon., m, 60. El alors, chose inouïe dans le ' 573, 581. 581. 618. 655, 703, 701. 710. IL Travaux. — Tlllcmont, Mémoires pour servir <1 Vins· schisme donatistc, en dépit des decisions du concile toire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1701-1709, dc Bagaî, Félicien et Prétextât sont reçus en évêques, t vi. p 160-180. 725-726; U. Chevalier, Itépcrtoire.. Riocomme des collègues, sans la moindre pénitence ca- • bibliographie, col 1171. nonique. Quos [tost annos duos aut (res, per Ο/datum G. Baueïlle. 2. FÉLICIEN DE SAINTE-MADELEINE, oripiGildonianum post multas illis illatas persecutiones judi­ ciariis prosecutionibus et tota acrimonia potestatum nalrc dc Nantes, ht sa profession religieuse au Carmel in suis honoribus receperunt. Post damnationem suam, le 9 août 1658. Il enseigna pendant plusieurs années j^jst ejectionem, post persecutiones susceperunt illos in la théologie à Bordeaux Après avoir rempli longtemps honoribus suis, adjunxerunt sibi s· cios atque collegas. cl avec le plus grand zèle les principales fonctions de De gestis cum Emerito, 9. Mieux encore, les baptêmes sa province, il obtint d’en être définitivement déchargé en 1683. Il mourut à Nantes, deux ans plu·» lard, qu’ils avalent conférés pendant leur schisme furent après avoir publié un ouvrage dc théologie ayant tenus pour valides, ct les donatistes, contrairement à 2129 FELICIEN DE SA INTE-M Λ D Ll.EI NE FÉLIX II OU HI 2 KM» pour titre : Dcjcnslo prooidenHu· diulrue, juxta 5, p. 22^-2 6 lit paraître à Lima, un ouvrage sur le second livre A. Clervau des Décrétales, Rclcctionum canonicarum in II Deere· 3. FÉLIX II ou III, 183-192. Félix, dont le prénom talium, in-fol., t. i, De judiciis ct de /oro comp,tenti. était Cœlius, était lib d’un père nommé Félix qui Il publia en outre scs leçons sur l’acquisition des hé­ était devenu prêtre. Lui-même avait été marié et ritages, Relectio t. Quamdiu in 111 Decretalium, De ac­ avait eu trois enfants qui moururent pendant son pon­ quirenda hatred itate, in-fol., Lima, 1633. On lui doit tifiait. A sa famille se rattache celle de saint encore un traité des censures. Grégoire le Grand : elle était donc il ustre. 11 suc­ N. Antonio, Bibliotheca h is pana nova, Madrid. 1783, t 1. céda à Simplicius en mars 483 et eut à traiter l'af­ p 365 faire d’Acacc, patriarche dc Constantinople, dont Dominique de Caylus s'élait déjà occupé son prédécesseur. Acace n’avait FÉLICITÉ. Voir Bonheur. pas répondu aux invitations que lui adressait Simpli­ 1. FÉLIX lert2G9-27l, était romain cl fut pape après | cius d'intervenir contre l’élévation nouvelle du monophysite Monge à Alexandrie et dc le renseigner sur la Denys, de janvier (5· jour) 269 au 30 décembre 27 L 11 écrivit peu après le concile d'Antioche qui avait con­ question. Jean Talala, le concurrent chalcédonien, c’est-à-dire orth «doxe, de Pierre Monge, ne se \oyant damné Paul de Samosatc et dont on loi avait commu­ pas reconnu à Confia tinoplc par l'empereur Zénon niqué la sentence, à Domnus, successeur de Paul, ct par le patriarche, d’ailleurs peu en sûreté à Eusèbe, II. F., vn, 30, ainsi qu'à Maxime ct au clergé Alexandrie, était accouru à Borne pendant la maladie d’Alexandrie. P. G., t. lxxvi, col. 313. Dans celle de Simplici s ct avait porte plainte contre Acace. Sur dernière lettre il exprimait l’identité en Jésus-Christ quoi, Félix envoya deux évêques. Vital cl Misènc, ct du Fils dc Dieu ct du fils de l’homme : De Verbi autem un défenseur romain, Félix, pour remettre à l’empe­ incarnatione et fide credimus in Dominum nostrum reur et au patriarche des lettres pressantes: par l’une J esum Christum ex Virgina Maria natum, quod ipse d’elles Acace était cité à comparaître pour répondre est sempiternus Dei Filius et Verbum, non autem homo aux plaintes de Talaia. Les légats devaient s'entendre a Deo assit mtus ill alius sit ab illo : neque enim homi­ avec le couvent des Acémètes, et spécialement avec nem assumspit Dei Filius nt alius ab co existât, sed leur abbé Cyrille, très attachés au concile dc Chidcum perfectus Deus esset, /actus est simul et homo per­ cédoinc. Mais ccs légats, sitOl arrivés, sc laissèrent fectus ex Virgine incarnatus. Il fut dit martyr par con­ fusion avec un autre Félix. Il mourut le 30 décembre ' saisir, puis corrompre : ils livrèrent leurs lettres ct 271 ct fut déposé au cimetière dc Cnlliste. Il avait or- 1 2 assistèrent aux offices d’Acacc, qui, en leur presence, nid solennellement le nom dc Pierre Monge aux dip­ donné de célébrer les messes sur les Mémoires des tyques. Par ce stratagème, ils parurent admettre nu martyrs, sans doute privément, car on le faisait déjà nom dc Borne la nomination de fherre Monge à Alexan­ solennellement dans les basiliques. JnfTé, Reg pont rom , t. i. p 23; Duchesne, Uber ponti- ! drie, cl l’acceptation par lui dc l’Hênotique de Zénon. Mais les Acémètes envoyèrent des messagers au pape ficalls, t i, j» 158; Introd., p exxv. pour le renseigner, et. quand les légats revinrent, ils le A. Clervau trouvèrent au courant de l'affaire et très courroucé. 2. FÉLIX II, 355-365. Quand le pape Libère eut refusé de signer la condamnation d'Athanase pronon­ Celui-ci réunit, le 28 juillet 48.1, un concile dc soixantedix-sept évêques ou on prononça contre Acace une cée nu concile d'Aquilée sous la pression des envoyés double sentence de déposition cl d’excommunication, de l’empereur Constance, dans le premier mois de 355, et de suite, comme l’accusé n'avait pas répondu à lu il fut enlevé de Borne la nuit et transporté à Bérêc citation, on le déposa par contumace. Le pape envoya en Thrace. Comme il était fort aimé du clergé cl du cette sentence à Constantinople par le défenseur Tutus peuple, l’un et l'autre avaient promis de ne pas re­ connaître d’autre évêque de Borne pendant son I avec cette note explicative : · Acace, qui malgré deux absence. Malgré ce tic promesse, l’un des clercs. Par- 1 avertissements n’a pas cessé dc mépriser les règles 2131 FÉLIX 11 OU salutaires, qui a ose in emprisonner «lans la personne de* nuens, Dieu, par une sentence prononcée du ciel, l’a évincé du sacerdoce, fout évêque, clerc, moine ou laïque qui, après cette notification, communiquera avec lui, qu’il soit anathème, dc par le Saint-Esprit. C'était le sdiismc. Le pape avait déclaré la rupture : mais Acace l’avait faite sournoisement, cn s’abste­ nant de répondre â Simplicius, en confisquant les pre­ mières lettres de Félix cl cn escamotant scs légats. Il rêvait volontiers d’être le seul chef dc l’Églisc orien­ tale ct impériale. Le défenseur lutus put penetrer dans Constan­ tinople, et des moines dévoués au pape, probable­ ment des Acémètes, attachèrent la sentence de Home au pallium du patriarche pendant une ceremonie de Sainte-Sophie. Acace lit châtier ces moines et raya le nom de Félix des diptyques de son Église. Il eut encore l'habileté de corrompre Tutus, qui, a son retour a Home,fut destitué et excommunié ( 185). Félix avait communique sa sentence contre Acace à l’empereur Zenon, au clergé ct aux fidèles orthodoxes de Constan­ tinople, et prévenu spécialement les évêques, les moines, les clercs du ressort d’Alexandrie de ne pas reconnaître Pierre Monge (181). Félix refusa d’admettre à la communion les moines envoyés par Flavitas, le successeur d'Acacc ( 189), tant que les noms d'Acace cl dc Pierre d’Alcxandr.c ne seraient pas condamnés, ct par plusieurs lettres à l’empereur, à l’évêque Vélranius (189), â l'archi­ mandrite Thalasius (190), il s'efforça d’obtenir ce ré- | sultat. Il s’agissait pour lui de maintenir l’autorité du concile de Chalccdoinc que ccs hommes ne vou­ laient pas reconnaître. Le schisme dura trente-cinq ans, jusqu'en 518. Son successeur Géhisc l*r garda son attitude. Félix envoya une lettre, après un concile tenu en 487, aux évêques d’Afrique au sujet dc ceux (pii ’ avaient été baptisés dans l'hérésie du temps des van­ dales ct demandaient à rentrer dans l’Églisc. Félix mourut cn 192, peut-être le 25 février. III — FÉLIX JaiTr. licgesl pont rom, I ponti/lathy, i t, p 279 2132 i. p 110; (JikIivmic. Liber \ Cd.nnvAL. 5. FELIX, évêque d’I rgel sur le (kdin du vm siècle, esprit cultivé ct distingué, mais retors cl opiniâtre, porta énergiquement, duns le sud de l’em­ pire franc, l’étendard de Padopthintsmo; on lui en n parfois attribué, bien qu’a tort, la paternité.Élipand, archevêque de Tolède, cn fut le premier fauteur vers 780, et Félix, son ami probablement, rallié par lui bientôt apres â son opinion, (ut un intermediaire naturel entre l’Églisc espagnole ct l’Églisc gallofranque. Éclos dans le sein dc l’Espagne, où il se propagea très vite, loin du centro de la chrétienté, sans que l’on cn reconnaisse précisément les causes, l’adoptianisme devait son nom a celte idee que le Christ, vrai fils de Dieu, genere ct natura, cn tant qu’engendré par le Père, avait été, en tant qu’issu dc David cl ne de la \ ierge Marie, adopté par Dieu, fllius adoptivus, nuncupativus, donc per metaphoram. Comme Elipnnd, et avec la même illusion un peu naïve de s’arrêter au bord du nestorianisme, Félix admit une double filiation dans le Christ, l'une natu­ relle, celle du Verbe, l’autre adoptive, celle dc l'homme Jésus. Mais des ouvrages de scs adversaires, Alcuin. Adversus Felicem, P. L„ t. ci; Paulin d’Aquilér, Contra Felicem libri III, ibid., t. xc.ix; Agobard. Liber advenus dogma Felicis Urgellensls, ibid., t. civ, il ressort que l’évêque d'Urgcl a tiré avec une netteté particulière les conséquences logiques dc sa doctrine. Telle est. selon lui, dans le Christ la sépa­ ration des deux natures que la communication dc^ idiomes cn vient, de compte fait, à n’etre qu’un nom en l’air cl sans aucun rapport avec la réalité des choses. Il y a plus. Félix signale dans l'homme Jésus deux naissances, l’une à la vie de la nature, l’autre à la vie surnaturelle. Le fils de la Vierge Mnrie, en qui le Verbe reside, est auss’ né à la vie dc la grâce, comme tous les chrétiens y naissent, dans le baptême. (Commencée, ébauchée cn quelque sorte dans le baptême, adoption divine pour lui s’achève ct reçoit JatTé. Rrgcd pont rom , t r. p 252; Duchesne. I.tbcr pontificalis, t i, p 183 le dernier coup dc pinceau dans la résurrection. A. Clf.hvau Exempt dc pêché peut-être dès l’origine, le fils de 4. FÉLIX III ou IV. 526-530. Après la mort du pape la Vierge Marie n’a pas laissé de marcher pas ù pas Jean l r, à Ravenue, le 18 mai 526, Félix, cardinalct dc grandir dans la voie do la sainteté. Voilà pour­ prêtre dc Samnium, tils de Castorius, fut choisi par quoi il est notre mo ’êle; voilà pourquoi il nous est le roi Thêodoric lui-même cl consacré â Home le un rédempteur ct un Intercesseur. Car, seule l’adoption 12 juillet. Il reçut un édit royal d’Athalaric, successeur divine du fils de Marie est le gage et la garantie de dc Thêodoric, favorable à la plainte que le clergé i.i nôtre. C’est par son humant· qu’il · rt le chef du romain lui avait adressée sur l'usurpation dos privi­ genre humain; l’assurance dc l’ndopt on dos membres lèges ecclesiastiques par le pouvoir civil. ne s’appuie que sur celle du chef. Toutefois le (ils de Il écrivit à Césalrc d’Arles sur les obligations du Dieu n’est pas demeuré etranger â la naissance sacerdoce : /ire fofco lierre ante probationem fieri sacertemporelle du fils de l'homme, et il a pris part, nu doli, neque ordinato ad secularem vitam reverti. II contraire, â tous les actes de sa vie. adressa encore à Césalrc d'Aries des Capitula extraits Quand, dc l’Espagne, s n berceau, l'adontinnlsine des Pères et de saint Augustin, sur la grâce cl le libre eut gagné les provinces méridionales de la Gaule. arbitre, ct proclama la condamnation dc Pelage, dc » Charlemagne, inquiet des progrès de l’hérésie en menu Célcstius, de Julien d’Éclanc, et du livre de Faustc temps que soucieux dc remplir scs devoirs dc princi dc Lcrins. Ces Capitula furent publiés comme canons chrétien, réunit un concile â Hatfsbonnc en 792. et dans le 11* concile d’Orange contre Fauste (529). Félix d'Urgcl dut comparaître cn personne. Quoique Enfin, dans cette affaire, il approuva l'ouvrage dc les actes du concile soient malheureusement perdus, Cêsaire contre cet hérétique. on sait que Félix put s’y expliquer en présence de Il adapta nu culte chrétien la basilique desSaintsCharlemagne, et (pie, convaincu d’erreur, il se rétracta Cosmc-cl-Dumien, dans un temple qui lui avait été par écrit. Charlemagne l’envoya néanmoins ù Home, remis par le roi. Il relit après un incendie la basilique au pape Adrien l r, sans doute pour faire confirmer de Samt-Salurnus, martyr. Il apaisa un différend entre les décisions du concile de Batisbonnc ct relever l’archcvcquc de Ravennc et son clergé. 11 mourut l’évêque d’Urgcl de toutes les censures qu’il avait vers k 20 septembre 530 et lut enseveli le 20 octobre encourues. Après avoir abjuré derechef à Rome son dans la basilique dc Saint-Pierre. On a son épitaphe. hérésie, Félix revint à IJrgcl ct, si I on cn croit l’anna­ Sa fête est au 30 janvier. Avant de mourir, par crainte liste saxon, Monumrnta Germani.t· historica, t. !. des divisions occasionnées par les partis gothique et p. 219, remonta sur son siège. Mais il ne. tarda pas â byzantin, il choisit ct désigna Ifouifacv pour son suc­ céder aux instances d’Éllpand cl Λ retomber dans scs erreur*. Ne sc trouvant plus alors on sûreté sous cesseur. ‘2133 FÉLIX - FELLÉ 2134 in quo pro fide luenda ipsius *aer* Ihcologiie fit uwi In domination franque, Il s'enfuit chef les Arabes et praxis. d'Espagne, cl probablement à Tolède· chez le vieux cl fougueux Élipand. Alcuin lui écrivit cn 793, afin MongHurr, Bibliotheca sicula, Païenne, 1707; Bernard dc le ramener Λ l'orthodoxie, une lettre chaleureuse dc Bologne, Scriptore* ord min capoeetnorum, Veni* rl charitable, P. JL, L ci, col. 119 sq., qui semble 1717 s’être croisée avec deux lettres virulentes des évêques P. Édouard d’Alençon. 7. FÉLIX-FRANÇOIS DE MADRID, fr mei ea , espagnols, l'une, qui est une défense théologique dc l’adoptianisme, à l’épiscopat gallo-franc, l'autre a le l’observatoire et lecteur de théologie â Alcala, pu· Charlemagne, pour lui demander, avec son appui, nlia les Trrdalinæ Comploteuses. divisées cn deux le retour de Félix, dans lo diocèse d’Urgcl. P. volumes : dans le t*r, il traite De fine ultimo hominis, t.xcvi, col. 867; t. ci, col. 1321. Le célèbre concile de de bcalitudme. de actibus humanis, de bonitate et Francfort, qui se tint apostoltei auclorilate, sous I.» malitia humanarum artuum, de conscientia, de habiti­ présidence d’honneur dc Charlemagne, au commence­ bus et virtutibus ;dans le n·, De visione Del, de pre­ ment dc l’été 791, condamna une fois encore solen­ cato actualt, originali cl habituali ; de gratia, fasti ften· nellement l’adoptianisme. Félix n’eut garde d’y Hone el merito, Alcala, 1612, 1645. 11 donna encore comparaître. Mais à quelque temps de là il répondit au public 1c Principium Complutense de scientia à la première lettre d’Alcuin. Sa réponse, qui ne Dei, de prédestinât ione ct reprobatione, de ‘trinitate, laissait planer aucun doute sur son opiniâtreté dans Alcala. 1646. Il laissa en manuscrit un 7 ractatu* l’adoptianisme, a péri; il nous en reste toutefois des de angelis et dc incarnatione, que publia son disciple, fragments, dans les sept livres d’Alcuin contre Félix, le P. Egide Nubla, Paris, 1651. On conservait dans la P.L., t. ci, col. 119 sq., ct dans la lettre d’Éllpand à bibliothèque dc son couvent à Madrid un autre ma­ Felix. Ibid., t. xevi, col. 880 sq. 11 est à croire que nuscrit, Traclalus de pænitenlia et de eucharistia. ccttc réponse dc Félix décida Charlemagne à le con­ Wadding, Scriptores nrd mlm-rum; Sbaraica. Supple­ voquer au concile d’Aix-la-Chapelle en 798, pour mentum et castigatio ad scriptam rmf ntn . Home, 1906qu’il pût y discuter publiquement avec Alcuin. Tou­ 1908. jours est-il que Charlemagne lui députa Leldradc, P. Édouard d’Alençon. le futur archevêque dc Lyon, ct que Félix répondit 8. FELIX Simon, controverxiste, né à Munich, à la convocation du roi. Après avoir argumenté pen­ en 1583, entra dans la Compagnie de Jésus cn 1600; dant six jours contre Alcuin, à grand renfort de il enseigna trois ans La philosophie et durant vingttextes scripturaires ct patristiques, travestis ou déna­ neuf ou trente ans la théologie, soit morale, soit dog turés, Félix abjura ou parut abjurer son erreur. Charle­ inatique, soit polémique, et exerça cn même temps magne, toutefois, sc méfiant de la sincérité du per­ le ministère dc la prédication pendant treize ans II sonnage, ne lui permit pas de retourner en Espagne mourut à Munich le 26 février 1656. Scs principales ct l’interna tour à tour à Mayence, puis à Lyon, sous publications eurent pour objet de refuter l'ex-Jésultv la surveillance dc Leldradc. A Lyon, sur le désir dc Jacques Beihing. devenu protestant et professeur l'archevêque, Félix composa une profession de foi à Tublnguc; elles sont intitulées dans le goût dt qu’il adressa aux prêtres d’Urgcl et à tous scs anciens l’époque : Metamorphosis Jacobi Reihingi cathollcopartisans, pour les engager à rentrer dans le droit luthcrani. Ubi et oratio Tubingana de laqueis ponti­ chemin. P, L., t. c, col. 351. 11 y vécut longtemps ficiis et concio Stutgardiana de missa refellitur, in-8·, encore, sans être inquiété, ct ne mourut qu’en 818, Dillingen, 1622; Vulpecula Tubingensis demoliens quatre ans après Charlemagne. Il est fâcheux pour vineam Hcclcsiæ Christi, capta el pro meritis accepta, sa mémoire qu'Agobard, successeur dc Leidrade à in-8% Dillingen, 1622; Muscé mortelles inanium ca­ Lyon, ail trouvé parmi les papiers de Félix un écrit villorum, quas Jacobus Rcihing, apostata Tubingensis, qui semble témoigner dc sa duplicité ct dc son obsti­ passis araneis venatus est, cxsuj]tnt*\ in-4·, Fribourgnation dans l’hérésie. L'intraitable Élipand l’avait cn-Bnsgau, 1625. Il a donné en outre Theoremata theo­ précédé dans la mort. logica de concordia liberi arbitrii et quibusdam rebus Florez, Espana tagrada, Madrid, 1751, t. v; Gams, in speciem pugnantibus, in-12, Fnbourg-en-Brisgau, Kirchen geschichte von Span ten, Batilbonnc, 1874, t. n b, 1625. p. 2G1 sq.; Ampère, Histoire littéraire de la Prance. 2· édit , De Backer-Sommrrvogcl, Bibliolhfqiir de fa ( 1‘ de JHu.\ Paris, 1868, t. m, p. 61-66; Kraus. Histoire dc Γ Église, nouv. édit, fnmç , Paris, 1902, t n. p 9-1 sq ; I Icicle, His­ t in. cnl 604-606: t îx. coi 322; Ign Agricola Historia toire des conciles, frnd. Leclercq, Paris, 1010, I m, p. 1000- proolnctr > t Germante superioris, part. II, n. 1061 J. Brucker. 1061, 1096-1101 Voir Adoptianisme, t i, col. 403-413; FELLÉ Guillaume, dominicain français, sc si­ ÉLIPAND DK Tolède, t. iv, col 2333-2340. gnala surtout par son humeur vagabonde. Né a P. Godkt. <>. FÉLIX BRANDIMARTE. né àCastclvctrnno en Dieppe, un peu avant le milieu du xvu' siècle, il était entré dans l’ordre au couvent dc Metz, vers 1660. Il Sicile l’an 1628, mort à Païenne le 22 septembre 1685, élan entré chez les frères mineurs capucins, le i l Jan­ fait profession à Naples; il étudie la philosophie ct In vier 1616. 11 professa la rhétorique, la philosophie et théologie à Bologne, il enseigne pendant quelque temps à Corfou; nous le voyons ensuite parcourir les princi­ la théologie. Prédicateur en renom, il évangélisa les pales villes dc l’Allemagne, toujours poursuivi par principale* cités de sa region. Théologien estimé, il des ordres très sévères des supérieurs d’avoir à réinté­ fut qualificateur de lu sainte Inquisition dc Sicile. Outre un manuel d'éloquence sacrée, publié sous le grer son couvent. En 1671. il est aumônier du roi de titre de Sapient lie tubie scient ta. td est. iracialas Pologne, Jeon Sobieski. Dc retour cn France, il ensei­ scholastica* de arte sacra concinnandi, in-4®. Païenne. gne la théologie aux bénédictins de l'abbaye de Fe­ 1667, le P. Brandimnrte fit Imnrimcr plusieurs camp (1683). En 1686, dc nouveau, nous le retrouvons rcciieds de sermons, dont un, Panegirlci sacri di près du roi dc Pologne. Il visite la 1 tussle et va jus­ dinrr\t senti, in-4®, Païenne. 1G77. eut le malheur qu'en Perse; il est de retour à Varsovie cn 1699. Après d’clie Inscrit au catalogue de Γ Index, par decret du le nord, le sud; il visite une partie dc l'Espagne. Il 25 Janvier 1678. U laissa en m inuscrit un Cursus inouï ut vers 1711). Il i ublia un certain nombre d'ou­ 1healo ai r ad mentem Senti per quatuor annos juxta I V vrage** fort médiocres (30 selon lui): citons: Resolutissi­ Sententiarum hbros, commodi* /retinnibn* distributus, ma ac profundissima omnium difficilium argumentorum novt· reerntinrum doctrinis locupletatus ct inter quatuor qiur nunquam a Christi nati vitate potuerunt afferre hirretomos divisus, quibus etiam superadditur quintus. tici contra B, Virginis cutium, s. I. n. d.; in-l°, 1687. 21. G FELLÉ — FELLER 213b Brevissimum fidet propugnaculum, etc., i ·.-1% Ferrure, I Joseph H voulut imposer à scs sujets catholiques des 1681 ; La rovina del quictlsmo e dcll'amor puro, Genève P.iys-Bas, dans l’ordre religieux et politique. Feller 1702. Cet ouxnige fut condamné par le Saint-Office eut aussi la principale part a In publication, en 1787le H octobre 1703, à cause de sa violence. 1788, des 18 vol. «le Réclamations belgiques, ■ Reçue Is des représentations, protestations et réclamations Erhard Scriptons ord pned , édit Cou Ion, eœc. xvnt faites à S. AL L par les représentons et Étals des Part, 1910, p. 131*1 -1; 1 lurtcr, Nomenclator, 3· édit., Intpruck, 1910, l tv, col. 761. dix provinces des Pays-Bas autrichiens assemblés ef B. COULOX. des réclamations de tous les ordres de citoyens, au FELLER (François-Xavier do), né à Bruxelles le sujet des infractions fuites à la constitution, les pri­ 18 août 1735, fut élève des jésuite dans les collèges de vilèges, coutumes et usages de la nation et des pro­ vinces respectives. · Luxembourg el de Reims cl entra dans la Compagnie de Jésus, le 28 septembre 1754· Apres avoir fait son Les affaires religieuses d'Allemagne ne fixèrent pas noviciat â Tournai, il enseigna brillamment les huma* moins son attention. Dès 1770, il écrivit, sous le nom nilés et la rhétorique â Luxembourg ct à Liège; puis, d’un auteur protestant, contre le fameux livre de applique à i étude de la théologie, il fut chargé en Justin F’ébromus. Lors du conflit entre le nonce du même temps de prêcher en latin aux étudiants. En pape et les trois archevêques électeurs de l'empire, 1763, par contre-coup de la suppression des Jésuites il défendit l'autorité du saint-siège dans plusieurs bro­ en France, qui affectait en partie la province de Gallochures : Véritable état du différent élcié entre le nonce Belgique, 5 laquelle il appartenait. Idler, avec apostolique résident à Cologne ct tes trois électeurs ectléd'autres de scs condisciples, dut aller terni ncr sa théo­ siastiques..., ln-8®, Dusseldorf, 1787; Atandemcnt logie ù Tyrnau, en Hongrie. Il passa n l'étranger ou lettr pastorale de S. A. R. Γ archcvéque-électcur de cinq années, et il en profita, avec l’autorisation de ses Cologne... avec drs notes historiques, théologiques et supérieurs, pour augmenter son instruction par des critiques, s. L n. postobqpe (« que chacun de ceux qui sont libres se dise : Malheur à moi si Je n’évangélise, etc. » II· partie), durant l'année 1686, de concert avec les abbés de Langeron, Claude Fleury,Bertier, futur éveque de Blois, et Milon, futur évêque de Condom. Fénelon fut envoyé dans le» provinces de l'ouest. Il fallait essayer de convertii ccs protestants de la Samtouge et du Poitou, naguère 2139 FENELON atteints par la révocation do l’édit de Nantes, et fré­ missants encore de colère. Quelle conduite le direc­ teur des Nouvelles (atholiqiirs a-l-il tenue dans une telle entreprise? Le xvni* siècle avait imagine un Fénelon apôtre de celle tolérance qui, aux yeux de Voltaire, de \laric-.Joscph de Chénier. de Laharpc encore incrédule, n était que l'indifférence religieuse; de nos jours, au Fénelon d’une légende justement dis- I créditée, on cn a substitué un autre, instigateur el complice d’impitoyables rigueurs. Incontestablement, l’abbé de Fénelon ne blâmait point l’acte décrété par Louis XIV: sur ce point, il était d’accord avec presque toute la France,avecBuxsy-Rabulin et Mer de Sévigné. avec Arnauld cl Qucsnvl fug tifs dans les Pays-Bas. Il ne demandait nullement que l’autorité renonçât à faire sentir son empire sur les nouveaux convertis; au contraire, · il est important, disait-il, que ceux qui ont l’autorité la soutiennent. » 11 veut même que l’on lit soin de joindre aux secours de la persuasion chré­ tienne la vigilance contre les désertions ct la rigueur ur raffermir, il faut de bons curés. « Les jésuites (que Fénelon avait eus pour collaborateurs) commencent bien; mais le plus grand besoin est d’avoir des curés édifiants qui sachent instruire. Les peuples nourris dans Γhérésie ne se gagnent que par la parole. Un curé qui Mura expliquer l’Évangile affectueusement, ct entrer dans la confiance des familles, fera toujours cc qu’il voudra. Sans cela, l’autorité pastorale, qui est la plus naturelle cl la plus efficace, demeurera toujours avilit* avec scandale. Les peuples nous disent : Vous n’êtes Ici qu’en passant, c’est cc qui les empêche de s'attacher entièrement h nous. La religion, avec le pasteur qui renseignera, prendra insensiblement rac ne dans les cœurs » (ù Seignelay, (> mars 1686). Fénelon demande aussi la diffusion, parmi les protestants, d’ouvrages orthodoxes. · Il nous faudrait une très grande quantité de livres, surtout de Nouveaux Testa­ ments (sans doute, la traduction du P. Amelote), car on ne f rit rien, si on n’ôle les livres hérétiques; et c’est mettre les gens nu désespoir, que de les leur ôter, si on ne donne A mesure qu’on ôte » (A Seignelay, 26 février 1686); il demande la création d’écoles pour les deux sexes; i) appelle des apôtres. < N’y aura-t-il pas des prêtre* qui fassent pour la vérité ce que ces 2140 malheureux (les ministres protestants) ont fait cilica cernent pour l’erreur? M. de Saintes est bien à plain­ dre, dans scs bonnes intentions, d’avoir un grand dio­ cese ou le commerce ct l’hérésie font que peu de gens sc destinent a être prêtres» (à Seignelay, 8 mars 1686). •I ’ Lo retraite et l êlucation des filles, — De retour a Paris, Fénelon rendit compte â Louis XIV de l’étal dans lequel il avait laissé les provinces de l’ouest, ct reprit la direction des Nouvelles catholiques. Il sem­ blait devoir la garder longtemps. La malveillance de l’archevêque de Paris, llarlay, l’avait écarté de l'évê­ ché de l*oiliers qui lui était destiné; un peu plus tard, d’invraisemblables soupçons de jansénisme empêchè­ rent l’évêque de La Rochelle d’obtenir pour coadju­ teur le jeune prêtre en qui vivait cependant la doc­ trine sans tache de M. I ronson et le pur esprit de Saint-Sulpice. 1 el est du moins le récit de Bausset « qui utilise souvent, comme on sait, des documents encore inédits ou aujourd’hui perdus. » Maurice Masson, Fénelon et M*" Guyon, p. 9U. 11 se peut que Fcnelon lui-même ail refuse des postes qu’on lut oilrail; mais dans la lettre xxxvi' du recueil Masson dont nous parlerons plus lard, est-on autorisé à découvrir des raisons de diplomatie supérieure^ «Si l’on nie nomniailâ un évêché, demande Fénelon, ne pourniis-Je pas, sans blesser l’abandon (a la volonté divine), refuser, sup­ posé que je sois manifestement attache ici (la maison des Nouvelles catholiques) à un travail actuel pour des choses plus importantes que toutes celles que je pour­ rais faire dans un diocèse? · Durant ses années de laborieuse retraite, il écrivit, à la demande de la duchesse de Beuuvilhers, son Traité de Γéducation des lilies. Certes, des jeunes lilies il ne veut point faire des pédantes: plus d’un de nos con­ temporains le trouverait même bien réservé, bien timide, dans le choix des éludes qu’il permet aux femmes. Fénelon trace cependant aux studieuses curiosités de la femme un programme assez étendu. « Il ne se borne pas aux éléments de la grammaire cl du calcul : i) pousse jusqu’aux notions de droit, en sorte que la femme éloignée de son mari ou devenue veuve puisse suivre scs Intérêts. Pour celles qui ont du loisir ct de In portée, non seulement il autorise les histoires grecque cl romaine qui étnfent en usage, mais il recommande l'histoire de F'rnncc qui n’avait pas place encore dans les études des jeunes gens... Il n’in­ terdit enfin ni l’éloquence, ni la poésie, ni la peinture, ni même le latin. » Octave Grénrd, L'éducation des femmes par les femmes. Il veut que In femme soit sérieu­ sement cl pratiquement chrétienne, préservée des spéculations stériles ou périlleuses, appuyée sur la con­ naissance de l’histoire, car · la religion est une his­ toire et doit être enseignée historiquement, » c. vi; capable enfin de saisir et même d’exposer les preuves qui accréd.tent le christianisme et l’Églisc catholique (levant la raison et devant In conscience. 5· Préceptorat des enfants de France, — Une nomi­ nation éclatante tira Fénelon de la demi-obscurité, de l’oubli dans lequel, d'après une remarque moqueuse de M. de Uarlay, Il paraissait sc complaire. Le 17 août 1689, le duc de Beauvill ers, gouverneur du duc de Bourgogne depuis la veille, proposa et fit agréer nu roi l'nhbé de Fénelon pour précepteur des enfants de France. Des amis puissants, Benuvilliers, Bossuet. Mm* de Maintenon qui le goûtait alors, avaient agi pour lui, mais rien ne prouve que l'abbé de Fénelon ait essayé de se pousser Λ un tel emploi. Saint-Simon l’accuse d'une ambit on qui aurait tour A tour cherché inutilement des appuis chez les Jésuites, chez les jansé­ nistes, et il ajoute qu'il se serait rabattu sur Snint-Sulpice.« En règle générale, d t Bninctièrc, il est toujours prudent de commencer par ne pas croire Saint-Simon. ■ Manuel de Γhistoire de ta littérature française, 1898, 2141 FÉNELON 2142 p. 216. Il n’nvnil que vingt-deux uns cn 1697, lorsque la douleur d’Orphée» une dernière fois séparé d'Eury­ l’archevêque de Cambrai quitta Versailles pour n’y dice, avaient coûtées à l’enfant. lecteur charmé de jamais revenir. D’ailleurs, quelles preuves Saint-Simon Racine cl de Virgile. L'histoire tenait aussi dans cette idlèftue-t-ll de scs assertions? Assurément. l'ambition éducation une large place; nous le savons par ces imputée à Fénelon aurait été mal avisée de demander Dialogues do morts, que Ic’préccptcur composait au des secours à une Compagnie chez laquelle l'injurieux fur cl à mesure que le prince avançait dans la connais­ duc ct pair sc plaît à signaler l’ignorance, la peti­ sance des auteurs cl des faits historiques; nous le tesse tirs pratiques, le defaut de protection, le manque saurions sans doute par ccttc Vie de Charlemagne, de sujets de quelque distinction. · œuvre de Fénelon» laquelle périt probablement, en Les félicitations de Sainl-Sulpicc furent empreintes février 1697. dans l’incendie du palais archiépiscopal d'une tristesse inquiète, même sévère. « En vérité·, de Cambrai. Le Télémaque aussi, qui doit dater desl écrivait Tronson h son élève, votre poste est bien dan­ années 1693, 1691. fui écrit pour l’éducation du duc gereux; cl avouez de bonne foi... qu’il faut une vertu de Bourgogne. Lorsqu'cn 1699, au lendemain de la bien consommée pour s’y soutenir... Vos amis vous condamnation des Maximes des saints, le Télémaque consoleront peut-être sur ce que nous n’avez pas parut par l'indiscrétion d’un copiste, les mécontents* recherché votre emploi,.., mats il ne faut pas trop nombreux en France» ct l’Europe y virent une satire vous appuyer là-dessus. On a souvent plus de part à de Louks XIV el de son gouvernement ; de là, une par­ son élévation qu on ne pense. L’accent de Bossuet tie du succès de ce livre. Dans cette œuvre, où une est autre que celui de Tronson; il exprime la joie du pensée chrétienne sc dissimule sous des symboles maître qui sc retrouve dans son disciple, et de l’ami empruntés à Homère et a Virgile, et où le lettré peut» qui sent revivre dans le neveu devenu précepteur des avec Chateaubriand, admirer, comme dans toutes les princes un oncle toujours regretté. Lettre à la mar­ autres œuvres du même écrivain, des longueurs et dey quise de Laval, 19 août I6S9. lenteurs de grâces (c’est Chaetas qui parle ainsi dans les Les trois fils du dauphin les ducs de Bourgogne» Xnichez), on ne cherchera pas les plans politiques de d’Anjou cl de Berri, étalent confiés a Fénelon, mais Fénelon (Mentor s’y sous lent trop quelquefois des c’est surtout l’aîné» héritier de la couronne, qui appe­ théories antiques qui sacri liaient l’individu ct la lait l’attention de la France cl méritait les soins du famille à l’ÉLat); mais on rencontre Fesprit du gouver­ précepteur. On sait le portrait que Saint-Simon a nement iiu’il voulait Inspirer à son élève. Jusqu’à la tracé «lu jeune prince; après une peinture dont cer­ fin, Fénelon a déclare qu’il n'avait jamais eu l’inten­ tains traits conviennent à Néron, l'inimitable mémo­ tion de peindre ct de critiquer Louis XIV. Pour Télérialiste ajoute: · De cet abîme sortit un prince affable, maque» écrivait-il au P. Le Tellier, ... je l’ai fait dans doux, humain, modéré, patient, pénitent, etc. Féne­ un temps où j’étais charmé des marques de confiance lon avait ainsi fait un miracle; mais cc miracle, Saintet de bonté dont le roi me comblait. Il aurait fallu que Simon l’exagère non par sympathie pour le précepteur, j’eusse été non seulement l’homme le plus Ingrat, mais mais pour relever un prince sur le règne duquel 11 le plus insensé pour y faire des portraits satiriques et fondait tant d’espérances. lai plupart des traits dont insolents. J’ai horreur de la seule pensée d’un tel des­ sc compose la première partie de ces peintures... ne sein. · Au P. Le Tellier, Fragments d'un Mémoire sur les affaires du jansénisme, et sur quelques autres affaires peut évidemment sc rapporter à un enfant, mais à un du temps, 1710. jeune homme de dix-huit ans pour le moins. Or. le duc de Bourgogne n’a que sept ans lorsque Fénelon Laissons le duc d’Anjou qui porta sur le trône d’Es­ devient son précepteur. S’il était à dix-huit ans tel pagne un regrettable mélange d’étroits scrupules ct que le peint Saint-Simon, il s’ensuivrait que les dix de vertus royales, ct le duc de Berri qui n’eut que peu premières années des leçons de Fénelon n’ont servi de temps Fénelon pour maître. On s’est demandé si. absolument à rien; et cela, justement dans la période malgré des soins assidus, malgré des qualités rares ou un enfant est le plus capable de se transformer... auxquelles Saint-Simon a rendu un hommage presque Cc qui augmente encore la dilliculté, c’cst que» lorsque attendri, le duc de Bourgogne a été le prince mo­ le duc de Bourgogne a dix-huit ans (l’âge auquel peut dèle, ct s’il eût été le roi idéal que Fénelon s’était convenir le portrait tracé par Saint-Simon), nous appliqué à former. Depuis plus d’un demi-siècle, sommes en 1700; cl depuis le 17 août 1697. Fénelon est l’histoire a jugé avec sévérité l’élève ct le maître, le exilé dans son diocèse; sans compter (pic, pendant maître plus encore que l’élève. On a reproché au maître les deux années qui ont précédé, il n’a passé qu’un tri­ de n’avoir corrigé son élève qu’en le matant, on s’est mestre par un auprès de son élève. En sorte que celte même effrayé par avance d’un règne qui n’a point miraculeuse transformation d’une espèce de monstre commencé. S. de Sacv, supposant que le duc de Bour­ en une espèce d’ange, Fénelon l'aurait opérée absent gogne devenu roi eût fait de son ancien maître un pre­ et de loin. > Jules Lemaitrc, Fénelon, leçon ιν·. Lu mier ministre, vc.it : « Avec Fénelon à Versailles» ja­ vérité, c’est que, par des soins intelligents, assidus, mais le duc de Bourgogne n’eût pu être que le sujet infatigables, d’un adolescent extrêmement orgueil­ cl l’élève... Peut-être vaut-il mieux pour tout le leux, follement violent, fantasefuo à l’excès, Fénelon monde que Fénelon soit resté un grand évêque exilé, le ht le prince irréprochable dont la France espérait duc de Bourgogne un jeune prince enlevé Λ l’amour de tant cl qu'elle a tant regrette. la France. » Variétés littéraires, morales ct historiques, Celte éducation dont la sévérité enraierait la mol­ t. i, p. 61-65. Mieux cependant eût valu sur le trône le duc de Bourgogne que Louk XV; mieux eût valu lesse contemporaine (les jeunes princes déjeunaient de pain sec et ne buvaient que de l'eau rougie), mais crsévérancc. ct celle du combat de La convoitise, dans les conciles dc CftTthngc, d’Orangc ct dc Trente : ainsi le* propositions con­ traires sont formellement hérétiques 0· Il n'est pas permis A un chrétien d’être Indifférent pour son salut ni pour les choses qui y ont rapport La sainte indilTércnce regarde les événements de cette vie (A la réserve du pérhê) ct la dispensation des consolations ou sécheresses spirituelles 10· Les actes mentionnés cl-dessus ne dérogent point A la plus grande perfection du christianisme, ct ne cessent pas d'Ni* parfaits pour être aperçus, pourvu 7 FENELON 11 · Il n'cM pas permis au chrétien d'attendre que Dieu lui Inspire ccs acte» par vole cl inspiration particulière; et il n’a besoin pour s'y exciter que de la toi qui lui (ait con­ naître la volonté de Dieu signifiée ct déclarée par ses com­ mandements, et des exemples des saints, cn supposant toujours le secours de la grâce excitante et prévenante. Les trois drmiéns propositions sont des suites manifestes des précédent«·* ct 1rs contraires sont téméraires ct erronées (Ix 12* 11 le 13* articles ont été ajoutés plus tant ) 11 Le désir qu'on voit dans les saints, comme dans saint Paul et dans les autres, ot vu*·* que par la foi sont l’objet du chrétien contem­ platif 25‘ Il ifr*l pa* permi* i un chrétien vous prétexte d'oralm o poMivr ou autre cxtrnnrdl inire d’attendre dans In con­ duite dr la vie, tant au spirituel qu'au temporel, que Dieu I* détermine à chaque acte par vole ct Inspiration pnrtlcuJp-rv ; rt le contraire induit A tenter Dieu A Illusion ct à Doocfiaiancr 26’ Hors le exs cl le* moment* d’inspiration prophétique on extraordinaire, U véritable soumission que toute Ame 2148 chrétienne, même parfaite, doit A Dieu, est de sc servir des lumières naturelles el sumnturclh * qu'elle cn reçoit et des règle* de lu prudence chrétienne cn pr< supposant toujours que Dieu dirige tout pai *n providence, et qu'il est auteur de tout bon conseil. 27e On ne doit point attacher le don de prophétie, et encore moins l'étal apostolique, A un certain état de perfec­ tion et d'oraison; ct les y attacher, c'est induire A illusion, témérité et erreur 28· Le» voies extraordinaires, avec les marques qu'en ont données les spirituels approuvés, selon eux-mêmes, sont très rares, et sont sujettes A l'examen des évêques, supé­ rieur» ecclésiastiques, ct docteurs qui doivent en juger, non tant selon les expériences (pie selon les règles immuables de l’Écrlture et de la tradition : enseigner et pratiquer le con­ traire est secouer le joug de l’obéissance qu'on doit â Γ Église. 29· S’il y a ou s’il y a eu en quelque endroit de la terre un tn's petit nombre d'âmes d'élite, que Dieu, pur des préven­ tions particulières ct extraordinaires uni lui sont connues, inruv e A chaque Instant de telle manière A tous actes essen­ tiels du christianisme cl aux autres bonnes œuvres, qu’il ne soit pns nccessa re de leur rien prescrire pour s'y exciter, nous le laissons au jugement de Dieu; ct sans avouer de pareils états, nous disons seulement dans la pratique, qu’il n’y a rien de si dangereux, ni de si sujet A illusion, que de conduire les âmes comme si riles y étaient arrivées, ct qu'en tout cas ce n’est point dans ces près entions que consiste la perfection du christianisme 30· Dan* tou* les articles susdits, en cc (pii concerne ta concupiscence, les imperfection*, cl principalement le péché, pour l’honneur de Notre-Seigneur, nous n’entendons pas comprendre la très sainte Vierge sa mère 31 ♦ Pour les âmes que Dieu tient dans les épreuves, Job, (pii cn est le modèle, leur apprend A profiter du rayon qui revient par intervalle.*, pour produire les actes les plus explicites de fol. d'espérance ct d’amour Lés spirituels leur enseignent A les trouver dans la cime et plus haute partie de l'esprit 11 ne faut donc pas leur permettre d’acquiescer A leur désespoir cl damnation apparente, mais avec saint François de Sales les assurer (pie Dieu ne le* abandonnera pns. 32· Il faut bien en tout étal, principalement en ceux-ci. adorer la justice vengeresse de Dieu.mais non jamais souhai­ ter qu’elle s'exerce sur nous en toute rigueur, puisque même un des effets de cette rigueur est de nous priver de l’amour L'abandon du chrétien est de rejeter en Dieu toute son Impiléludc. mettre cn sa bonté l'espérance de son salut, ct, comme l'enseigne saint Augustin après saint Cyprion, lui donner tout, ut Muni ddiir Deo- Lorsque les controverses provoquées par le quiétisme se furent aigries, Bossuet se plaignit non sans hauteur du refus opposé par !?énelon. Qu'nvons-nousAdirc?dcinanda-t-il. — Qu’il dissimulait? Ou bien,qu’étant tout cc qu'il pouvait être, il est entré dans d'autres desseins, ct l’a pris d'un autre ton?.. A quoi servent les raison­ nements quand les faits parlent? Ces faits montrent une règle cl une raison plus simple et plus naturelle pour Juger des changements de conduite; c’est en un mot d’etre archevêque ou de ne l’être pas... · liclalion sur Ir quiétisme, sect, v, 21. 22. De fait, la situation était changée; l'archevêque de Cambrai était un autre personnage que l’abbé de Fénelon. Quatre articles furent ajoutés, qui complétaient la doctrine émise dans les propositions précédentes, cl Fénelon consentit A souscrire le tout. Nous donnons ces articles conformé­ ment A l’ordre qu'ils occupent dans la déclaration d’fssy. 12· Par le* acte* d'obligation rl-dexMt» marqués, on ne doit pa* entendre toujours des netes méthodiques et arran­ gé*, encore moins de* acte* réduit* en formule et sous cer­ taines parole*, ou des acte* inquiet* et rmproxvé*; mais des acte* sincèrement formé* dans le urur avec toute la sainte douceur ct simplicité qu'inspire l’esprit de Dieu 13" Dan* la vie ct dan* l'oraison In phi* parfaite, tous ccs acte* vont unis dans la seule charité, cn tant qu'elle anime toutes le* vertus, et en commande l’exercice, selon ce que dit saint Paul : Im charité touflrc tout, rite croit tout, elle ripért tout elle tautienl tout Or on cn peut dire autant des nuire* actes da chrétien, dont elle règle et prescrit les oxer- 214!) FÉNELON cicca distincts, quoiqu'ils nr soient pns toujours sensible­ ment ct distinctement upcrçiis. 33· On peut aussi inspirer aux Ames pit uses ct vraiment humbles une soumission et consentement A ht volonté Albert Chércl, Édition critique des Maximes des saints, introduction. I enelon prépara une seconde édition des Maximes, revue, corrigée et fort augmentée par lui-même, avec l’aide de scs amis, ù la suite des pre­ mières critiques de scs adversaires. M. Chérel s’est demandé si Home aurait condamné la seconde édition comme elle a fait de la première. «On en peut douter, •lit-il, car un certain nombre de passages visés par le bref sc trouvent modifiés ici. · Et cependant, il recon­ naît que pour d’autres passages les corrections sont fort légères, que beaucoup sont laissés indemnes de tout changement· et il conclut : « La doctrine dos Maximes eût donc paru peut-être encore sur certains points erronée ct dangereuse. » Ie Discussion des Maximes. — L'opinion,qui devait plus tant se retourner en faveur de Fénelon, accueillit mal son livre. « Vous avez peu de partisans dans cette ailalrc, écrivait à l’auteur des Maximes l’un de scs plus courageux cl dévoués amis, M. de Brisacier, supérieur du séminaire des Missions étrangères... Il est vrai qu’il ne se trouve presque personne qui ose vous soutenir ni dans la forme ni dans le fond; ct vos meilleurs amis sont désolés de vous voir engagé dans une carrière dont vous ne pouvez sortir avec un entier agrément, et ou certainement vous n’aviez nulle obligation d’entrer pour la gloire de Dieu, qui au contraire en souffrira. » Bossuet se tut pendant quinze jours, tout occupé à l'élude du livre de Fénelon; puis il rompit le silence. Esl-il vrai que l’évêque de Meaux « ait demandé par­ don au roi de ne lui avoir pas révélé le fanatisme de son confrère? · C’est cc qu’alllnnent, sans le prouver, le chevalier de Ramsay et le marquis de Fénelon: rap­ pelons-nous d’ailleurs que le mot fanatisme n’avait pas au xvn· siècle le sens odieux qu’il a de nos jours. * Croire sans comprendre, ni ce qu’on croit ni pourquoi ou croit, ni si c’cst Dieu qu’on croit, c’cst fanatisme, c’cst enthousiasme extravagant, » lisons-nous dans une des lettres attribuées à l’énelon par Dutoit cl par M. Masson, Fénelon et M*' Guyon, lettre xcir, p. 217 ; cl c’cst le même sens que l'archevêque de Cambrai donne au mot fanatisme dans ses lettres incontestable­ ment authentiques sur la religion. Vu début de la controverse, les sentiments de Bos­ suet n’étaient point tout à fait cc qu’ils devinrent plus lard. Assurément, il jugeait les Maximes sans aucune indulgence. · Le livre, disait-il. est fort peu de chose; ce n’est que propositions alambiquées, phrase ct ver­ biage. On est assez déchaîné contre tout cela. Il y aurait des propositions essentielles a relever. Mats il jjoutait : Nous garderons toutes les mesures de cha­ rité, de prudence el de bienséance. A son neveu, l'abbé Bossuet, alors h Home. Lettre du 11 février 1697. Fénelon, invite à des conférences qui devaient sc tcn*r à l’archevêché de Paris entre Nouilles, Bossuet 2152 et Godet «les Marais, refusa de s’y rendre, ou du moins n’accepta qu’à certaines conditions que Bossuet n’ac­ cepta point. Les conférences néanmoins curent lieu, ct aboutirent à une Déclaration (pii, avec le consenteI ment du roi, fut remise au nonce Dclfini, le 6 août 1697. Elle fut publiée. Fénelon y répondit par une lettre à un ami (le duc de Beauvilliers) qui fut im­ primée, traduite en italien ct répandue à Home. Féne­ lon aussi avait publié une instruction pastorale où il s'efforçai t d’établir la conformité de sa doctrine à celle des articles d’issy. Ainsi commençait une con­ troverse retentissante a l’heure meme où le recours do l’énelon au souverain pontife aurait dû faire cesser tout débat. De l’aveu du roi, Fénelon avait porté sa cause au Saint-Siège, par une lettre du 27 avril 1697. Il y analysait la doctrine de son livre, la réduisant à sept chefs, la déclarant conforme à celle des articles d’issy, ct appelant en témoignage les évêques qui les avaient dressés. Tuum est judicare, Sanctissime Pater, disait-il a Innocent XI1; nteum vero in te Pelium, cujus fides muiquiïm deficiet, viventem et loqucntcni audire ac revereri. Louis XIV ne permit point que 1 enelon allât sc défendre lui-même â Home. Des rigueurs ou des menaces atteignirent les amis de Fénelon. M,ne de Maintenon ne pardonnait pas à l’archevêque le goût qu’elle avait ressenti pour ses idées, et les démarches imprudentes auxquelles ce goût l’axait entraînée; plus tard, si l’on en croit I lébert, cure de Versailles, le Télémaque l’irritera. Lettre de l’énelon au duc de Chevreuse, lin de 1699 ou commencement de 1700. Elle fait renvoyer de Sainl-Cyr trois religieuses, entre autres MWI de la M.iisonfort. Fénelon, relégué dans son diocèse, perdit le titre de précepteur des en­ fants de France (août 1697); scs auxiliaires dans l'édu­ cation des princes, MM. de Léchelle et Dupuy, furent destitues; l’abbé Claude Fleury ne conserva sa place de sous-précepteur que par le crédit de Bossuet. Le duc de Beauvilliers lui-même fut menacé dans sa fonction de gouverneur du duc de Bourgogne. Entre les deux adversaires, la controverse dura plus de dix-huit mois (d’août 1697 à mars 1699), aux regards attentifs de la France et de l’Europe (Leibniz, à plusieurs reprises, s'efforce de résoudre ce qu'il appelle l'énigme de l'amour désintéressé ·; le bénédictin Land, dans son traité Dr la connais­ sance de soi-méme; Malebranche, dans son traité Dr rumour de Dieu, étudièrent la question; Bourdaloue sc prononce contre le quiétisme; Kancé, dans une lettre à Bossuet de mars 1697, juge la doctrine de Fénelon avec une sévérité hautaine). M. Gosselin n donné la longue énumération des œuvres polé­ miques de Fénelon ct un court commentaire de cha­ cune d’elles. Histoire littéraire de l'éndon, pari. I, a. 1, sect. m. Nous allons reproduire celte énumération. Réponse de M. l'archevêque de Cambrai à la Décla­ ration de M. l’archevêque de Paris, de M. l’évêque de Meaux et de M. l’évêque de Chartres, contre le livre Intitulé : Explication des maximes des saints ; Réponse à l'ouvrage de M. de Meaux intitulé : Summa doclrituc; Dissertation sur les véritables oppositions entre la doc­ trine de M. l’évêque de Meaux et la mienne; Lettre de M. l’archevêque de Cambrai à M. l’archevêque de Paris sur son Instruction pastorale du 27 octobre 1697; Responsio illustr. D. archirpiscopi Camera· censis ad epistolam illustr. D. Parisiensis archiepi· scopi; Lettres de M. l'archevêque de Cambrai â M. l’évêque de Meaux, en réponse aux Divers écrits ou Mémoires, sur le livre intitulé Explication des maximes des saints; Lettres de M. l’archevêque de I Cambrai pour servir de réponse à celle de M. l'évêque de Meaux; Réponse de M. l’archcvêqm· de Cambrai à l’écrit de M. de Meaux, intitulé Relation surlcquiè- 21 û: t FÉNELON tisme; Réponse (3 décembre 1701). Malgré tant de désaveux publics cl privés, la pleine sincérité de sa soumission a été contestée, elle l’est encore. Son suffragant, l’évêque de Saint-Omer, l’intempérant ct bruyant Valbellc, dans l'assemblée de la province, avança que les tenues du mandement de Fénelon n’impliquaient pas un acquiescement intérieur. Bossuet lui-même n’était qu’à demi satis­ fait de l'attitude de l’archevêque. A propos d'une lettre dans laquelle Fénelon disait à l’évêquc d’Arras, Guy de Sève : «Mon supérieur,cn décidant,a déchargé ma conscience; il ne me reste plus qurà me sou­ mettre, à me taire et à porter ma croix dans le silence, > Bossuet écrivait à son neveu : > La lettre de M. de Cambray à M. d'Arras est ici prise fort diversement. La cabale l’exalte, et les gens désintéressés y trouvent beaucoup d'ambiguïté et de faste * (12 avril 1699). Phélipeaux reproduira cn l’adoptant le doute des ad­ versaires de Fénelon sur sa soumission. < ...On croyait qu’il ne songerait qu'à réparer le scandale qu’il avait donné à l’Églisc par une rétractation publique de scs erreurs; mais on n'y trouve rien d'approchant (dans son mandement)... On n’y voit rien qui marque un sin­ cère repentir; il adhère au bref du pape par déférence ou par nécessité, et non par persuasion ct par con­ viction... · Relation du quiétisme, part. Il, I· IV. Dans son Supplément aux histoires de Bossuet et de Fénelon par M, de Fausset, c. I, η. 1. 37, Tabaraud a dit : ■ En se refusant obstinément à toute rétractation, cn sou­ tenant que la doctrine de son livre était étrangère aux erreurs condamnées, qu’il n'offrait que les propres maximes de tous les Pères de la vie spirituelle, sa soumission se réduisait à une simple adhésion, à un pur acquiescement de déférence, à cc silence respec­ tueux contre lequel il se déchaîna avec tant de force dans l'affaire du jansénisme. » Et naguère, d’une plume très étrangère aux rancœurs Jansénistes de Tabaraud, on écrivait : · Fénelon no se soumet pas dans son cœur. Certes, il écrivit un mandement où il exprimait une totale soumission de respect, mais non pas une soumission intérieure. > Jules Lemaître, Fénelon, vin, dans la Revue hebdomadaire du 12 mars 1910. De fait, certains passages de L’énelon ne semblent-ils pas jus­ tifier ces appréciations sévères? « Je puis bien, par docilité pour le pape, écrivait-il à l’abbé de Chanterac (lettre du 3 avril 1699), condamner mon livre comme exprimant ce que je n’avais pas cru exprimer; mais Je ne puis trahir ma conscience pour me noircir lâche­ ment sur des erreurs que je ne pensai jamais... » Et dans un Mémoire destiné au P. Le Tellier et qui est du commencement de 1710, l’archevêque de Cambrai exhale une plainte amère : - Feu M. de Meaux a combattu mon livre par prévention pour une doctrine pernicieuse ct insoutenable, qui est de dire que la 2158 raison d'aimer Dieu no s'explique que par le seul désir du bonheur. On a toléré ct laissé triompher cette indigne doctrine qui dégrade la chanté en la réduisant au seul motif de l’espérance. Celui qui errait a prévalu; celui qui était exempt d’erreur a été écrasé· · Ce lan­ gage est dur et très regrettable; il ne prouve cepen­ dant pas que Fénelon, comme le lui reproche Taba­ raud, se soit retranché dans la distinction du fait ct du droit, et dans le silence respectueux, A propos des ouvrages de M·· Guyon, il avait dit : · Le ens qui se présente naturellement... est selon moi le sens véri­ table, propre, naturel et unique des livres pris dans toute la suite du texte, et dans la juste valeur des termes. Ce sens étant mauvais, les livres sont censurables en eux-mêmes, et dans leur propre sens. · Réponse à la Relation sur le quiétisme, c. n, 35. Seule­ ment. {’intention peut être droite, et l’expression a pu trahir une doctrine qui demeure orthodoxe. C’est ce que Fénelon a constamment affirmé cn ce qui le concer­ nait Tabaraud s'étonne sans doute que, « dans des livres tout entiers, un auteur s’énonce autrement qu'il ne pense. » On aurait pu lui repondre qu’il ne s’agit pas de livret tout entiers, mais d’un seul livre, car les écrits explicatifs et apologétiques, publiés au cours de la controverse, n’ont pas été atteints par la censure pontificale. On avait bien tenté en France de les y comprendre; sur les seize assemblées provin­ ciales qui acceptèrent solennellement la sentence ro­ maine, il y en eut huit (entre autres,celle de Paris ou prévalait Bossuet, ct celle de Cambrai), qui deman­ dèrent et obtinrent du roi la suppression de ces écrits; mais elles ne pouvaient étendre au delà de ses limites la condamnation portée par Innocent XII. M. Algar Grivcau a cru reconnaître une évolution dans la pensée de Fénelon. Il a essayé d’etabhr que le spectacle du quesnelhsme, la crainte de paraître autoriser les cavillations Jansénistes par des reserves qui en étaient fort différentes, amenèrent l’auteur du livre des Maximes à rejeter purement et simplement, sans réserve même du sens attaché par lui à son ouvrage, tout ce qui avait été censuré par le Saint-Siège. Étude sur la condamnation du livre des Maximes des saints, etc., t. n, c. xvin, xix. Ajoutons, pour clore l'histoire du quiétisme, qu’une tradition, à laquelle un témoignage récemment pu­ blié par M. l'abbé E. Griselle donne une nouvelle force, raconte que, six mois avant sa mort, Fénelon lit don à son église métropolitaine d’un ostensoir d’or porté par un personnage symbolique (la Foi ou la Keligion) qui foulait aux pieds plusieurs livres condamnés, entre autres, les Maximes des saints, Gosselin, Histoire littéraire de Fénelon, part. II. Dissertation sur Vos* tensoir d'or, etc.; E. Griselle, Fcnelon. Études histo· nques, p. 293 (extrait du livre dr Guyot, ancien curé constitutionnel de Cambrai. Hommage a Pie Vil et à Napoléon. Paris. 13Q2). 7· Controverse janséniste. La controverse quiétistc était à peine close, que la controverse janséniste, qui paraissait presque assoupie depuis trente-quatre ans sc réveilla en 1702, avec le Cas de conscience. Dans cet écrit anonyme, on demandait si un prêtre pouvait légitimement absoudre le pénitent qui, sans admettre intérieurement que les cinq propositions fussent dans ΓAugustinus, se contentait de garder sur cc point un silence respectueux. Quarante docteurs de Sorbonne, a qui la question avait été soumlse.se prononcèrent pour l'affirmative,mais un bref du 12 février 1703 condamna le Cas de conscience. A la suite de Ch ment XI, la plu­ part des évêques de Franco réprouvèrent aussi cct ouvrage, et trente-cinq des docteurs signataires reti­ rèrent leur souscription. Fénelon publia, le 10 février 1704, une Instruction pastorale qui établissait, par des preuves scripturaires et patristiques, et par la pratique 2159 FENELON 2160 de* plus anciens conciles, que l’Églisc est infaillible mais six évêques avaient résisté. Lc mobile ct entête quand elle prononce sur l'orthodoxie ou l'hétéro­ j Nouilles menait l’opposition. Approbateur à Chûlons doxie d’un texte. Avec cette perspicacité qui lui fai­ ; des Hé/lcxions morales, il s’était ensuite rétracté; sait si bien saisir le faible d'un argument et les contra­ I mais à Pans, tout en maintenant la sentence portée dictions d’un adversaire, il demandait aux disciples de par lui contre Qucsncl, il avait défendu de recevoir l’évêque d’Yprcs comment cette même Égl se, infail­ la constitution Unigenitus. M·» (jt. Maintenon, le roi lible d’après eux, lorsqu’elle approuve le texte de saint lui-même négocient en vain avec leur archevêque. Augustin, cesse de l’être quand elle rejette le texte de Pour en Unir avec des résistances qui le fatiguent, pour rendre â l’Églisc de France une paix que troublent des Jansénius. ('.elle objection, durant la longue contro­ verse qui désormais l’occupera tout entier, l’arche­ t passions sectaires, Louis XIV appelle la convocation vêque de Cambrai nc se lassera point de la répéter. Il d’un concile national; H charge Amelol de la solliciter â Borne. Fénelon préférait celte voie à un jugement publie, en 1701 cl en 1705, trois nouvelles Instruc­ par commissaires apostoliques contre lequel les pré­ tions qui présentent et renforcent renseignement ventions françaises eussent éclaté, et à la voie des con­ contenu dans la première. Voir Éousn, t. iv, col. ciles provinciaux où les opposilions se fussent accu­ 2190-2192. 11 éclaire la conscience du successeur de sées davantage. Bossuet à Meaux, le futur cardinal dc Bissy ; il redresse Il poursuit sms s’arrêter sa campagne antijansé­ les assertions de l’évêque dc Saint-Pons, Montgaillard, sur les conditions auxquelles les quatre évêques réfrac­ niste. I n 1711, il avait écrit une longue Instruction taires avaient été admis, en 16G9, à l’illusoire paix de pastorale contre l’œuvre d’un familier dc Nouilles, la Clément IX. Il publie avec d’amples développements Théologie de Louis Habert, où, nonobstant le rejet (15 juillet 1705) la bulle Vincam Domini Sabaoth, formel des cinq propositions, il croyait reconnaître la laquelle condamnait de nouveau le silence respec­ doctrine dc l’évêque d’Ypres. · Le vrai jansénisme, tueux. Toujours prêt Λ dénoncer des doctrines et des disait-il, consiste à dire que, depuis la chute d’Adam, tendances qui lui apparaissaient comme le suprême l’homme se trouve entre deux délectations opposées, péril, Fénelon signale à l’autorité royale l’étal de son l’une du ciel pour la vertu, et l’autre dc la terre pour diocèse, envahi ou menacé par le jansénisme; il écrit le vice; en sorte qu’il est nécessaire que la volonté ce Memoriale SS· .V. D. clam legendum qui, publié pour suive, en chaque moment, celle des deux délectations la première fois en 1822, eût allumé chez les nombreux qui se trouve actuellement la plus forte, parce que accusés, s’ils l’avaient connu, d’inextinguibles res­ l’attrait en est inévitable ct invincible... Le sieur sentiments. Aucune des tentatives faites en Belgique Habert embrasse précisément, comme Jansénius, ce ou en France pour éluder les jugements de l’Églisc système des deux délectations indélibérées... L’unique n’échappe à sa vigilance (Quaire lettres ά l'occasion différence qui parait entre eux, consiste en ce que Jan­ d'un nouveau système sur le silence respectueux (1700); sénius donne d’ordinaire â cette nécessité inévitable cl Instruction pastorale sur le livre : Justification du invincible le nom de simple et que le sieur Habert lui silence respectueux (1708); Lettre sur l'infaillibilité dc donne le nom de morale... > Notons avec M. Gosselin ΓÉglise touchaid les faits dogmatiques (1709. Celte que Fénelon juge la théologie dc Louis Habert, Theo­ lettre contient un résumé net ct précis de la contro­ logia dogmatica et moralis ad usum seminarii Catalanverse. D’autres lettres démêlent les subtilités dogmati­ nensis, d’après l'édition de 1707; el que, dans les édi­ ques d’obscurs jansénistes, Fouilloux ct I Icnncbel. tions de 1713 ct de 1718, l'auteur modifia ou expliqua Si dévoué au Saint-Siège dont il reconnaissait plusieurs propositions dures ou équivoques de la pre­ l'inertance, Fénelon encourut cependant sur un point mière édition. la critique de ses correspondants romains. On lui L’'Instruction pastorale en forme dc dialogue, sur le reprochait de n’opposer aux jansénistes que l’auto­ système de Jansénius, parut vers le milieu de 1711. rité du corps des pasteurs, ct de se t lire sur l'infailli­ • File peut être considérée comme l’abrégé de tons · les bilité du pape. Lettre du P. Daubenton à son confrère ouvrages dc Fénelon sur le jansénisme, · el comme ren­ le P. de Vltry, 21 mars 1709. Fénelon, dans scs lettres fermant un corps dc doctrine complet sur les matières aux cardinaux Gabriel)! ct Fabroni, explique ct jusde la grâce. · Gossel n, Histoire littéraire de Fénelon, tille sa conduite. Alléguer à ses adversaires une doc­ Écrits sur le jansénisme, 17. Dans les trois parties qui trine qui n’était pas definie, cc serait renHammer les composent celle Instruction, l'auteur s'attache â mon­ passions gallicanes, ct d nner aux jansénistes, dans leur trer la conformité du système de Jansénius avec celui résistance aux constitutions pontificales, de nom­ dc Calvin sur la délectation, ct son opposition Λ la doc­ breux ct redoutables alliés. Le mieux n’est-il point de trine de naint Augustin; il explique ensuite les princi­ partir d’un principe admis par les adversaires euxpaux ouvrages de saint Augustin sur la grâce; il mon­ mêmes — Γinfaillibilité du corps des pasteurs dont le tre l’abus que les jansénistes en font, el l'opposition e pape est de droit divin le chef — pour les amener ù de leur doctrine â celle des thomistes, dont ils préten­ reconnaître ct à rejeter leurs erreurs? .Vomir oportuit daient s'autoriser suivant les occurrences. Enfin,il met /ansenislas ab episcopis congrua refutatione refelli? en lumière la nouveauté du svstème janséniste, et les \ihil sane unguam profeceris, nisi, pro scholarum conséquences pernicieuses de cette doctrine au point more, ex concesso ab adversariis medio, negatum conse­ de vue des mœurs, ('.cite Instruction a revêtu la tonne quens probetur. Epistola prima ad eminentissimum car­ de lettres (elles sont nu nombre de vingt-quatre) qui rapportent un dialogue continu de l’auteur avec le dinalem Gcibrielli, 19 mai 170 L Fénelon avait appelé •le ses vœux la bull·· Unigenitus·, lorsque, apres une janséniste, M. Frémont, el un converti du jansé­ lente préparation, elle eut été promulguée (8 septemnisme, M. Pcrraut ; Fénelon sc rappelait Pascal. · Si bre 1713), l'archevêque u reste, il retire aux nobles les justices seigneuriales, el il ne les exempte d’aucun impôt. Fénelon ne semble pas comprendre la nécessité pour la France d’avoir une marine forte. A prendre dans leur ensemble les Tables de Chaulnes, on peut en dire : • (Ce) programme, tout pénétré d’humanité, mais aussi do raison, accordait, pour tout l’essentiel, plus que ne demandaient, quatre-vingts ans plus tard, les cahiers du Tiers, mais excluait les plus dangereux rêves du xvin* siècle... · Jules Lemaître, Fénelon, ix, dans la Hevue hebdomadaire, 19 mars 1910. La mort du duc de Bourgogne (février 1712) cm- I porta des projets et des espérances dont la réalisation paraissait prochaine, et fit au cœur de Fénelon une blessure qui ne se ferma point. L’archevêque de Cambrai ne sc désintéressait cependant pas du bien public, ct, prévoyant une inévitable régence, il écrivit ses quatre Mémoires sur les précautions et les mesures à prendre apres la mort du duc de Bourgogne. Fénelon avait déjà perdu, en novembre 1710, l’abbé de lon­ geron, et à cette occasion il écrivait au vidamc d’Amiens, fils du duc de Chevreuse : « Que les bons amis coûtent cher! La vie n’a d’adoucissement que dans l’amitié, et l’amitié se tourne en peine inconso­ lable · (15 novembre 1710). Il perdit tour à tour le duc de Chevreuse (5 novembre 1712) ct le duc de Beauvilliers (31 août 1711). A partir de ces dates funèbres, «il est touché à mort; et d'année en année, rien n’est plus beau que cc dépouillement successif de lui-même. » F. Brunctière, Manuel de Γhistoire de la littérature française, v· époque. Sa douleur cependant ne l’absorba point. 11 écrit pour le duc d’Orléans ses admirables lettres sur la religion, chef-d’œuvre d’apologétique. 11 entretient avec des ftmes choisies une correspondance que M. Lanson juge le plus beau des titres littéraires de Fénelon, et qui est aussi un titre à la reconnaissance de tous ceux que ers lettres ont consolés et soutenus. Peu de temps avant sa mort, il prepare l'impression du recueil qu’on a nommé Manuel de piété. Gosselin, Histoire littéraire de Fénelon, part. I, sect. îv, a. 2. Il répond à une requête de (’Académie française par sa lettre sur les occupations de cet illustre corps, œuvre qui rejoint les Dialogues sur l'éloquence, écrits dans sa Jeunesse. De part cl d’autre, c’est toujours le même esprit, le même goût du simple, du naturel et du familier. L’esprit de chimère n’est pas absent des Dialogues sur l'éloquence, remarque M. Paul Janet, · lorsque Fénelon attribue à l'inspiration du moment une puissance el une fé­ condité qu'elle n’a pas. · Voir aussi Anatole Fougère, Bourdaloue, sa prédication et son temps, part. I, c. i. Dans la Lettre sur 1rs occupations de l'Académie fran­ çaise, des vues justes, ingénieuses, hardies, fécondes, sc mêlent à «les sévérités excessives, à des assertions paradoxales; mais, nonobstant ces défauts, on y dé­ couvre un critique de premier ordre. Les Dialogues ct la Lettre sur les occupations de t'Académie française contiennent de judicieuses appréciations des Pères <1© l’Égiise considérés au point de vue de l’éloquence. Fénelon mourut, le 7 janvier 1715, entoure des proches et des amis qui lui restaient. L'aumônier de l’archevêque a tracé de cette mort un édifiant et touch int récit. Voir Bausset, Histoire de Fénelon, 1. \ III, c. xxi. Scs dernières paroles, en recevant le viatique, furent un acte depuret confiant amour: « Oui, mon Sauveur Jésus-Christ contenu réellement 2166 dans cette hostie est mon Dieu... il est mon juge..., mais je l aimr bien plus que je nr le crains. » Récit de 1 abbé Guyot, dans E. Gn selle, Fénelon. Éludes histo­ riques, p. 29 L D’apres le marquis de Fénelon, Louis XIV, songeant nu concile national qu'aurait sans doute présidé l’arche­ vêque de Cambrai, prononça sur le défunt ccttc parole de froid regret : il nous manque bien au besoin. M·· de Maintenon écrivit, le 10 janvier, à M. Languet, curé de Sainl-Sulpice : « Je suis fâchée de la mort «le M. de Cambrai; c’est un ami que j’avais perdu par le quiétisme. Mais on prétend qu’il aurait pu faire du bien dans le concile si on pousse les choses jusque-là. » III. L’apologiste, le philosophe, le théolo­ gien, l’homme. — Sous ccs divers aspects, Fénelon nous est déjà connu; nous n'avons guère qu’à préciser certains traits de sa physionomie ct à compléter son portrait. De bonne heure, l ‘iclon a été apologiste, parce que de bonne heure il a vu la nécessité de défendre la foi au milieu d’une société en apparence si fortement ordonnée. Dés 1685, dans son sermon pour l’Épipha­ nie, il avait signalé · un bruit sourd d'impiété », qui allait grandir a mesure que le règne de LouisXIV tou­ cherait à sa tin. Son Traité de Γ existence ct des attributs de Dieu démontra à des esprits atteints ou menacés par le spinosisme, ccttc vérité primordiale cl fondamen­ tale. La première partie de cet ouvrage, composée selon le témoignage de Ramsay, dans la jeunesse de Fénelon, est, dit P. Janet, « une œuvre d’un caractère essentiellement populaire el de tonne littéraire, sauf à la lin... C’est un écrit cloquent, d’une langue abondante ct magnifique, dans laquelle Fénelon l’est inspiré des anciens, en développant le célèbre argu­ ment dit des causes finales, cl, dans une langue plus moderne, des merveilles de la nature. » Fénelon, c. ix. (’.c qui manque à celle première partie, ce sont cer­ taines précisions scienti tiques; Bossuet, dans la Con­ naissance de Dieu et de soi-méme. parait bien plus au courant de la science de son temps. La première partie du Traite de Fénelon parut, en 1712, sans la partici­ pation de l’nuteurΓ la seconde partie, réunie à la pre­ mière, fut publice en 1718 par les soins de Ramsay ct du marquis de Fénelon. Dans la seconde partie, l’auteur part du doute méthodique de Descartes, établit, par le principe d’évidence, la réalité de son existence, el prouve l’existence de Dieu par l’imper­ fection de l’être humain, par l’idée que nous axons de l’infini, par celle que nous avons de l’être nécessaire, par la nature même des idées. Adversaire de Maiebranche en théologie, il se rencontre sur le terrain philosophique avec 1 hardi orator ien; lui aussi repré­ sente cette doctrine moins sûre que brillante qui, au XIXe siècle, devait se nommer Vonlologtsme. Voir part. 11, c. îv. Le c. v traite longuement des attributs divers que Fénelon fait découler tous do la notion de Dieu. Ici se présente une objection qui porte plus haut que la théorie fénelonicnne. el qui vise rensei­ gnement catholique. · On se demande, écrit M. Paul Janet, comment la pluralité des personnes divines peut s’entendre dans un être absolument un. d’une suprême unité. » Non certes, à celle question l’on ne répondra pas que c'est l’esprit humain qui dist nguc les personnes divines, pour proportionner hi nature divine à la nature humaine, · car, comme le remarque M. Paul Janet, ce serait détruire la réalité des per­ sonnes divines considérées en elles-mêmes, ct par conséquent dessécher le christianisme à sa source. · On pourra dire que · c’est une question de foi, » et ajouter meme que · la philosophie n’a rien à y voir · I pourvu que la philosophie ne s’évertue pas à décou­ vrir une contradiction entre la suprême un te de Dieu el la trinitc des personnes divines. Sans doute. 2167 FENELON 2168 lorsque nous regardons la personne humaine — la Quelques defiances que l'auteur du Mémoire mani­ seule que l’expérience cl la raison nous révèlent — feste a l’egard de Borne, il affirme la nécessité de « con­ nous la voyons subsister dans une nature numérique­ naître de sang-froid ct sans passion les vraies maximes ment distincte; autant nous comptons de personnes, de l’Église gallicane gui sont modérées cl pleines de subor· autant nous comptons dc natures; mais la raison nous dinalion pour le Saint-Siège; · I auteur redoute, comme contraint-elle d’affinner qu’il en est ainsi en Dieu? ; la redoutera plus tard I archevêque de Cambrai, l’in­ Elle sait que l’unité infinie est aussi l'infinie richesse, ' tervention du parlement dans les affaires de I Église» l’infinie perfection; cl elle ne peut, enfants, il songea sérieusement à quitter les charges né Λ Paîerme cn 1677. entré dans la Compagnie do mer. nr. τηΛοι.. catiiol. V. 69 2179 FERRIER (OU FERRER) publiques ct à s’enfermer dans un monastère· Son frère, * nnt Vincent, l'engagea à sc faire chartreux au monastère de la Porte-du-Ciel près de Valence. Boni­ ta ce y entra le 21 mars 1396 ct, par dispense, lit les v le même dialecte, qui, selon le Dictionnaire de bibliol ql ca holigue de Migne, t. i, col. 1156, sont à la B ilioLièquc nationale de Paris, peuvent bien être des copies dc la traduction de dom Boniface. En 1478, on imprima à Valence (Espagne), in-fol.,1c texte de cette version revu ct corrigé par Bahrel, dominicain. Cf, Ifain. Repertorium, n. 3159. La S. Inquisition ( d Espagne ayant ordonné dc brûler les traductions indennes des Livres saints, l est vraisemblable | que l'exemplaire de ccttc edition existant c core aujourd'hui à la bibliothèque Mazarine dc Paris, sous le n. 1226, soit l’unique exemplaire entier qui ait échappé à la destruction. Néanmoins, les «tenders fe lilk-ti «le l'Apocalypse ont été réimprimes par Bodriguez dc Castro dnns sa Biblioteca de los rabinos ctpaMes, Madrid, 1781, ct par Joachim-Laurent Vlbunueva dans son livre De la leccion de la sagrada Lier dur a en tenguas volgarts, Valence, 1791. 2180 Jacques Villanueva, dans l'appendice du t. iv de son Via/e literario d las Iglesias de Espaha, 1801, a publié quatre opuscules dc dont Boniface Ferrier : Quare cartusienscs non comedant carnes; De miraculis el sanctis in Cartusia; De approbatione et confirmatione Cartusiæ;De cæremoniis in Carlusia, el y a ajouté une ordonnance relative à un novice ct un rituel pour l’as­ sistance des mourants et pour l’ofllce de l’enterre­ ment attribué à dom Boniface dans le manuscrit ori­ ginal. Lc Tractatus de schismate, autrement Tractatus pro defensione Benedicti Xlll, ou De schismate Pisano Del Specula contra vasa iræ super lucret ica pravitate Pisana, fut composé en 1411 pour répondre à un mé­ moire rédigé en cent quarante artic.cs par le char­ treux français, dom Guillaume de la Motte, procureur do la Grande-Chartreuse, résidant en Espagne, qui s’étonnait que dom Boniface eût repris, sur l’ordre de Benoit XIII, le titre ct l’ofllco dc général après y avoir renoncé. La réponse de dom Boniface lit rentrer dom Guillaume dans l'obédience dc Be­ noit XI H, mais Pierre d’Ailly, évêque dc Cambra), fit répandre une réfutation du traité dc dom Boniface ct une lettre à lui ct à son frère, saint Vincent Le traité De schismale a été publié par les béné­ dictins Martène et Durand, dans Thésaurus novus anecdotonim, t. ri, col. 1435-1529, ct par le chartreux Tromby dans son histoire des chartreux, L vu, ap­ pendice n. p. cci-ccLxn; dom Le Couteulx, dans Annales ord.cactus., t. vu, en a donné plusieurs extraits. On trouve chez les mêmes auteurs la lettre dc dom Boniface, De conversione fratris Guillelmi de Mola ct ejus ad Benedicti XIII obedienliam reversione; Ad Bonifacii Cactus iæ (prioris) 'Praelatum Responsio Petri Camcracensis; Epistola Petri Cameracensis ad priorem Carlhusiie el Vincentium fratrem (ejus). Cos deux pièces sc trouvent manuscrites aux archives du Vatican, cf. Migne, Dictionnaire des manuscrits, t. n, col. 1078, n. 4152, ct col. 1082. En 1756, François Perez Bayer trouva à Florence, chez l'archiviste du grand-duc, le ms. original dc la Relation suivante, dont il prit une copie, ct qu'il attribue, non sans raison, à dom Boniface Ferrier même : Relatio itineris Bonifacii FerrerU cl D. D. Pétri archiepiscopi Tarraconensis, episcoporum Mimaten· sis, Avenionensis, Sennetensis, Petri episcopi Segun· tini, Dominici Ram prioris Ecclesiæ Cccsarauguslanot ct fratris Didaci de Maforga ex ordine minorum electi Pacensis, qui ex urbe Perpiniaco anno 1109 ad con­ cilium generale inibi congregatum Benedicti Xlll no­ mine legati missi fuere; eorumque Pisam adventus, gestorumque ibidem historica narratio. Dom Le Couteulx, dans ses Annales, t. vu, a publié plusieurs ordonnances de dom Boniface concernant l'observance régulière ct plusieurs documents relatifs à l'administration dc quelques maisons dc l'ordre. Dom Boniface écrivit aussi un Traite sur la passion dc Notre-Seigneur, un recueil de semions, un volume dc lettres, une traduction en dialecte valcncicn du bréviaire, du martyrologe ct de< épitres de l’année, ct des remarques sur l’cxcrclcc de La justice dans le royaume dc Valence. Les Declarationes cl responsiones super quibusdam dubiis... per Bonifacium Ferrerium, monachum carthusianum font partie du manuscrit dc 1508 qui est conservé à la bibliothèque de Grenoble, sous le n. 655. La Vie de Histoire des croyances, Paris, 1911, t.i,p. 10. Mais ceux qui mettent une religion partout où ils trouvent du sentiment reli­ gieux ne jouent pas moins sur les mots que ceux qui ne mettent point de sentiment religieux là où ils ne trouvent pas de religion. Le sentiment religieux est une chose, ct la religion en est une autre; et sans aller jusqu’à dire que souvent elles sc contredisent, il est permis de croire que la première est quelquefois le plus sérieux obstacle à la formation ou nu dévelop­ pement de la seconde. Ce qu'il faut, cn effet, pour con­ stituer une religion, cc sont des croyances collectives ct cc sont des pratiques communes, confiées à un sa­ cerdoce, ct qui soient pour les fidèles un motif de ras­ semblement ou de groupement. Il n’y a précisément rien dont les croyances ct les pratiques fétichistes soient plus éloignées que de cette organisation, mêm rudimentaire, qui est toujours le signe et pour ainsi parler le commencement d’une religion. · Quoiqu’i existe sans doute des fétiches de tribu, ct meme de nation, la plupart néanmoins sont essentiellement do­ mestiques, ou meme personnels, cc qui offre bien peu de secours au développement spontané de pensées suffi­ samment communes;· ct comme, nu surplus, chaque fétiche a son siège immédiat dans un objet matériel nettement déterminé, le culte est presque toujours • un culte essentiellement personnel et direct, dont chaque croyant peut être le ministre immédiat, sans aucune interposition forcée envers ses divinité* spé­ ciales, constamment accessibles par leur nature. · A. Comte, loc, cil,, p. 30. C’est ainsi que le fétichisme n'a jamais pu arriver à constituer ni une véritable communauté de fidèles ni un véritable sacerdoce. Il sc présen e à nous comme 1 une des formes religieuses les plus vagues, 1rs plus Inconsistantes, les plus instables, toujours ouvertes et toujours mouvantes, que la civi­ lisation ct la religion, principalement précitées par nos missionnaires, déplacent chaque jour davantage ct finiront sans doute par absorber tout à fait. 219G customs of the Niger delta, dans Journal of the anthropolo­ gical institute of Great Hritain and Ireland, nouv. série, Londres, 1899, t ir, p. 51 ; Dr Nina-Rodrigues, //animisme fétichiste des nègres de Hah la, Rallia, 1900; nbbé Λ. Bros, i.n religion des peupla non civilisés, Paris, 1907; Mgr Λ Le Boy, La religion des primitifs, Paris, 1909; ct art. Fétichisme, dans le Dictionnaire d'apologétique, t. i, col. 1902-1900. J. Bouché. 1. FEU DE L’ENFER. Afin d’éviter les redites inutiles et de faire de cet article un simple complé­ ment de l’art. Enfer, on s’en tiendra aux trois aspects principaux du problème concernant le feu de l’enfer: I. Réalité. II. Nature. III. Mode d'action. I. Réalité. — Il faut s'entendre sur le sens pré­ cis du mot réalité. Il ne s’agit pas ici précisément de savoir si le feu de l’enfer est un feu corporel ct maté­ riel comme le feu de la terre : cette question sera exa­ minée à propos de la nature du feu de l’enfer. Il s’agit tout d’abord de savoir si le feu de l’enfer est une entité réellement distincte de l’âme damnée, ou, plus exactement, s'il comporte une cause objective réelle­ ment distincte des souffrances qu’il fait endurer aux damnés, quelle que soit d’ailleurs la nature de cette cause. Bien que la tradition, à laquelle i’on fera appel pour élucider cc premier point, parle presque toujours de feu matériel et corporel, c’est donc uniquement à la réalité objective de cc feu que nous devons nous arrêter, par opposition au feu métaphorique, affectiori subjective de l’âme comme le chagrin ct le remords. 7. AFFIRMATION* DE L9ÉCRITURE SAINTE,— L'art. Enfer a signalé le progrès de la révélation du dogme de l’enfer, dans tout l’Ancien Testament. Si le peuple hébreu n’a pas eu, dès le commencement, une Idée bien nette fie l’enfer, on comprendra que, parallèle­ ment, la notion du feu de l’enfer ne sc soit fait jour, de façon précise, qu’assez tard dans l’histoire de l’Ancien Testament. Il est clair cependant qu’on ne doit pas exclure la possibilité d’une connaissance plus exacte, qu’auraient retenue d’une révélation primi­ tive certains personnages plus instruits : elle n’apparall pas toutefois dans le texte sacré. Par ordre d’antiquité, c’est l’histoire de Cor?, de Dathan ct d’Abiron qui nous révèle, pour la première fois, l’existence du feu vengeur. Num., xvi, 35. Bien que la Vulgate porte le mot infernum, :l ne s’agit ici expressément que du les enfants innocents comme les parents coupables ayant été ensevelis ct dévores par le feu. L’expression ignis consumens, Dent., xxxn, 22, n’est qu'une métaphore exprimant la rigueur ct l’universalité des châtiments divins. Le livre de Job laisse pareillement dans l'incerti­ tude la nature des châtiments de l’autre vie. La chaleur indiquée au c. xxiv, 19, attribuée dans la Vulgate à l’enfer, n’est, dans le texte hébreu, qu’une com­ paraison : ' le Je* U engloutit le pécheur comme la sécheresse ct la chaleur absorbent l’eau des neiges. » Il est peu probable également que le feu signalé, Ps. x, 7; xx, 10, soit le feu de l’enfer. Le premier de ccs textes fait allusion à la destruction de Sodrme cl de Gomorrhe; le second n'est qu’une métaphore, reproduite d'ailleurs cn maints endroits de l'Écr’ture, Mal., iv, 1; Ose., vu,7, ou peut-être encore une allu­ sion à II Reg., xîi, 31. Cf. Ps. cxxxiv, 11; xvn, 11. La colère de Dieu qui s'est maintes fols manifestée par le feu. Lev., x, 2; Num., xi, 1 ; xvi, 35, justifie ces métaphores. Cf. Deut., iv, 21; îleb., xn, 29: Ps. lxxxviii, 15; Is., xxx, 33: χχχιν, 10; lxv. 5; .1er., xv. 1 1; xvn, L Voir P. M. Ilctzcnaucr, Thcnlogla biblica, Fribourg-cn-Brlsgnu, 1908, L i, p. 022. Il semble qu* Isaïe, le premier ait eu la vision nette de la nature des peines endurées cn enfer. C'est dans le dernier chapitre, ï.xvi, que nous trouvons la des­ nuvnutes cités, voir Ch de Brosses, l-e culte des cription de ccs peines. Après le t feu du jugement », dicta feUehet, Parti. 17bO; C. N. de Cnrdl. Ju. /u laïus and 2197 FEU DE L’ENFER 15, voici « 1c feu dévorant qui ne s'éteindra pas, » 21. . CL Judith, xvi, 21 : Dabit ignem rt vermes in carnes eorum, ut urantur, et sentiant usque in sempiternum, Eccli.» vu, 19 : Vindicta cumis tmpit, ignis et vermis. Duns ccs textes, dont le premier a visiblement inspiré les deux autres, la pensée de l'auteur dopasse les bornes de ce inonde et s’étend jusqu'aux souffrances de l’au delà. C’est d’ailleurs l’interprétation commune des Pores cl des exégètes catholiques. Voir J. Knabenbauer, In Isaiam, Paris, 1887, t. n, p. 522. Mais pour saisir la portée exacte de ccs textes, il faut les rapprocher de leur parallèle, Marc., ix, 4217 : Si scandalizaverit te manus tua, abscide cam; bonum est tibi debilem introire in vitam, quam duas munus habentem ire in gehennam, in ignem incxtmguibilem, ubi vermis carum non moritur ct ignis non cxtinguitur. Ce donner verset se répète jusqu’à trois fois, 42, 45, ■ 47, cl, chaque fois, après révocation de la gehenna ignis inextingui bilis. (L’est que précisément la pensée qu’il exprime sc réfère à la géhenne. Pour l'étymologie du mot géhenne, v ir Enfer, col. 29. L’image de la corruption (vermis) ct l’image du feu sont naturelle­ ment liées au souvenir de la vallée de Gchinnom qui devient ainsi, à son tour, l’image de l’enfer; et le nom de géhenne, synonyme, dans le Nouveau Testament, d'enfer, est souvent accompagné de l’idée du · ver rongeur » (ici évidemment pris au sens figuré) ct du feu inextinguible ». Cf. Matth., v, 22; xvm, 9. Le ver rongeur, disons-nous, dont l’image est éveillée au souvenir des pourritures de la vallée deGchinnom«doit être pris au sens figuré, car il ne peut pas être question de corruption dans l’autre vie, où l’immortalité est le partage des damnés comme des élus. Il n’y a, au con­ traire, aucun motif d’entendre au sens figuré le feu inextinguible; le feu de l’enfer a pour type le feu très réel allumé dans la vallée de Gchinnoin : pourquoi ne pas conserver au mot feu s i signification ordinaire ? D’ailleurs, tandis que la métaphore du ver rongeur pour signifier le remords de la conscience est usuelle même dans la sainte Écriture, voir Prov., xxv, 20, l’emploi du terme ■ feu » pour indiquer une cause S d'aflliction purement intérieure, ou une peine morale infligée judiciairement, est totalement inconnu dans les Livres saints. Chaque fois qu’on y parle des châti­ ments du feu, Gen., xâx, 24; Lev., x, 2; IV lleg., i, 1 1, il s’agit d’un feu réel : par voie d’analogie, nous tommes donc en droit de déduire la réalité du feu de l’enfer. D’ailleurs, « on ne doit point recourir nu sens purement figuratif, à moins que la signification litté­ rale ne soit cn désaccord avec le contexte, cn opposi­ tion avec des passages plus clairs, ou ne se heurte à quelque impossibilité. tTourncblzc, Études religieuses, 1893, l. m, p. G19. Or les passages les plus clairs des Évangiles semblent bien indiquer qu’il s’agit d’un feu réel et non métaphorique. 1° Tout d’abord, c’est Marc., ix, 48. Jésus-Christ compare les damnés aux victimes cl, faisant allusion aux prescriptions du Lev., n, 13, il termine ainsi son discours : Omnis cnim igne salietur ct [sicut, selon du moins l’opinion de Maldonat, In IV Euangelia, Lyon. 1615, p. 801; cf. Prov., xxv, 3, 23, 25| omnis victima sale salietur. Quoi qu’il en soit de l'interprétation de Maldonat, il semble bien qu’il s’agit ici d’un feu réel, dont l’cfïel est précisément de conserver, tout cn le brûlant, le sujet dont il cause la souffrance : Igné quasi salietur, id est, igne uretur seu cruciabitur, simul et servabitur incorruptus. Luc de Bruges, Commentarii in Euangelia, Anvers, 1606. Aussi bon nombre d’inter­ prètes catholiques entendent-ils ici le mot ignis du feu infernal, voir, par exemple, les commentaires de Mal«lonnt, Lamy, Jansénius, dom (admet. Corneille de la Pierre, Patrizi, Schcgg, FlUion; el comme il s’agit d’un feu réel, cc texte prouve, pour eux, la réalité du 2198 feu de l’enfer. Il ne faut pas nier cependant que d’au­ tres auteurs, meme catholiques, inclinent vers un sens métaphorique : il s’agirait du feu de l’épreuve qui purifie, ou encore du feu de la grâce ct de l’EspritSaint oxsiblc d’y voir une simple métaphore. Voir Jud., 7, 23 : ignis accent pana; II Pet., m. 7; llcb., x, 27; Il ’l’hess.. i. 8, tn flamma ignis dantis vindictam iis qui non noverunt Deum ; Jac., m, 6 : lingua ignis... inflammata a gehenna ; 2199 FEU DE L’ENFER Jo.i., xv, 6, ct surtout Apoc., xiv, 11, fumus tormen­ torum·, XIX, 20, stagnum ignis ardentis sulphure. Ci. xx, 9; xxi, 8. L’idée d’un feu réel est tellement au fond de leur enseignement qu’ils prennent comme type» saint Pierre des châtiments à venir, saint Jude expressément du feu de l’enfer, le feu tombé du ciel sur Sodoinc cl Gomorrhe. Il Pet., n, 6; Jud., 7. On consultera avec profil, sur tous ces textes, l’ouvrage d’Atzberger, Die christ!tche Eschatologie in den Stadicn three Ofjenbarung im Allen und Neuen Testamente, Fribourg-cn-Brisgau, 1890. D'ailleurs, à l’époque de Notrc-Scigncur, l’idée d'un feu réel cn enfer est une idee reçue dans toute 1 théo­ logie juive extra-canonique. En rappeler les princi­ pales manifestations ne sera que compléter la preuve tirée de l'Écriture sainte. Le Livre (THènoch nomme expressément le supplice du feu, x, 6; xvm, 11-16; xxi, 7-10; liv,1, 6; xc, 21, 26; c,9; l'esprit du pécheur est jeté dans la fournaise, xevin, 3; son âme entre dans les ténèbres ct dans une flamme ardente, cin, 8; son esprit brûle dans le feu, cvni, 3. Cc feu brûle jusqu’aux os des damnés, xc, 27. Cependant, dans un passage précédemment cité, xevin, 3, I auteur semble con­ damner les esprits seuls des damnés à être jetés dans la fournaise. Il n’est guère admissible toutefois qu’il ait conçu le feu de l’enfer comme un feu immatériel, capable d’agir sur de purs esprits. Cf. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 63-61; F. Martin, Le livre d'Hénoch, Pans, 1906, Introd., p. xxxvn, XLV-XLVI. Dans le Livre des songes, les anges déchus sont, au jugement dernier, précipités dans un abîme de feu, xc, 21, 21. Même doctrine dans le livre des Secrets d'Hénoch, x, 42; lxhi, 4. Les damnés doi­ vent être jetés dans le feu : tel est le châtiment décrit dans V Apocalypse de iîaruch, xi.tv, 15; u, 1-2, 4-6; ct dans iV Esd., vn, 36, 38. 81. Voir Schürer, Gesc ichtc des jüdischen Volkes im Zeilatler Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, § 29. L’Ascension d'haie, iv, 18, prédit la destruction des méchants par le feu que le Fils de Dieu fera monter de lui-même contre eux. Cf. E. Tis­ sèrent, L'Ascension d'haie, Paris, 1909, p. 12, 126. Le supplice du feu n’est pas mentionné parmi les peines des damnés dans les Psaumes de Salomon. Le « feu » dont il est question au ps. xn, 5, parait être un de ces genres de mort horribles que la colere du Sei­ gneur réserve au pécheur. J. Viteau, Les Psaumes de Salomon, Paris, 1911, p. 62, 318, 319. L’existence du feu cn enfer est également affirmée dans IV Mach., ix, 9; x, 10, 15; xn, 12, ct dans le Testament d'Aser, vi, 5. Dans le IVe livre d’Esdras, vu, 38, le feu de la géhenne est oppose au rafraîchissement du paradis. Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des Alien Testa­ ments, Tublngue, 1900, t. n, p. 371. Cf. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, p. 129. En résumé, la sainte Ecriture ct les apocryphes affirment nettement l’existence du feu cn enfer; de plus, les textes cités semblent bien ne supporter qu'une interprétation réaliste; l’interprétation métaphorique, supposant que le feu est une simple affection de l’âme, comme le chagrin ct le remords, ou, comme on l’a dit, < un désir porté à son paroxyme ct jamais satisfait, » est contredite par le sens obvie des textes rapprochés entre eux ct par la croyance populaire unanimement professée au temps de Jésus. Nous aurons l'occasion d’exposer plus loin les arguments scripturaires des par­ tisans du feu purement métaphorique; mais il est à noter, des maintenant, que la plupart des exégètes rational.stes ct des protestants (sauf, parmi ccs der nien, quelques conservateurs comme Lightfoot) incli­ nent sers I interprétation métaphorique. On y revien dra plus longuement à propos de l’enseignement de: théolog en*. u. THkbitinu pu tusiiQLB. — D’une manière gêné 2200 raie, le courant traditionnel est en faveur de la réalité du feu de l'enfer. On I a d’ailleurs suffisamment indiqué A l’art. Enfer d'après les Plues,col. 48 sq.,et il n’est besoin présentement que de le rappeler en quel­ ques mots. 1° Les Pères parlent presque toujours du feu de l’enfer cn des termes clairs et explicites qui rappel­ lent ceux de la sainte Écriture, ct qui, pas plus que ccs derniers, ne peuvent supporter une interprétation métaphorique, b. Justin, voir col. 19; S. Irénée, cul. 54; S. Cypricn, col. 61; Arnubc, col. 62; S. Victonn de Pctlau, col. 62; S. Basile le Grand, col. 68. La Didascalte des douze apôtres (fin du m· siècle) appete le feu de 1 enfer « un feu dur ct amer, » c. m, 3, 3, un feu · cruel, incxtmguioie el insupportable, ■ c. vi. 17, 6, où le pécheur brûlera ct sera supplicié sans repos pour toujours, c. xix, 6, 7, un feu < qui ne s’éteint pas, » c. xxvi, 20, trad. Nau, 2® édit., Paris, 1912, p. 26, 58, 153, 212. 2° ires souvent, les Pères comparent le feu de l’enfer aux feux terrestres ou aux feux allumés par Dieu pour punir les pêcheurs. Minucius Félix ct TertulLen, col. 50, 51, comparent les feux de l’enfer aux vol­ cans ct à la foudre; saint Jean Chrysostome, in Epist. ad Horn., homil. iv, n. 3, P. G., t. lx, col. 420, ct saint Augustin, De civitate Dei, I. XVI, c. xxx, P. L., t. xli, coi. 509, en trouvent une image dans les feux de Sodome ct de Gomorrhe. 3° Les Pères parlent parfois expressément de feu corporel. On trouvera plus loin es témoignages explicites de oint Augustin, col. 2204 sq. ; de saint Gré­ goire le Grand, col. 2207 ; l'influence de cc dernier sera immense sur tous les docteurs du moyen âge, qui sc réclameront de lui pour proclamer la matérialité du feu de l’enfer. Voir Enfer, col. 82. Cependant, les partisans du feu métaphorique fai­ sant appel à la tradition patrislique pour asseoir leur opinion, il convient d'examiner de prés les autorités auxquelles ils sc réfèrent. Do.n Calnict, qui soutient cependant la réalité du feu infernal,affirme sur Eccli·, vn, 19, après avoir cité Origène, saint Jean Damascène ct saint Grégoire de Nyssc, que le sentiment qui ne voit dans le feu de l’enfer qu’un feu métaphorique, • a été ct est encore assez commun chez les grecs, ct, au concile de Florence, ils soutinrent que le feu du purgatoire, qui est le même que celui de l’enfer, n’était point un feu vrai ct réel. » Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1726, t. v, p. 313. L'autorité des Pères est invo­ quée aussi en cc sens par Feller, Catéchisme philoso­ phique, 3e édit., Liège, 1787, t. m, p. 91. 1. itères qui n'admettraient le feu de l'enfer que dans un sens métaphorique. — a) Dans l'Église grecque. — a. Origéne, avec sa doctrine de l’apocatastasc, csl le premier qui ait systématiquement ct explicitement contredit la croyance au eu réel de l’enfer; ou plutôt, il est le premier â avoir expliqué nettement cc feu cn un sens métaphorique. Son précurseur ct maître. Clé­ ment d’Alexandrie, ne semble pas, en clïct, s’être exprimé aussi clairement Λ cc sujet. Voir Enfer, col. 56; Atzberger, Gcschichte der christlichcn Eschato­ logie innerhalb der vornicânischen Zeil, l’ribourg-cnBrisgau, 1896, p. 359, 362. Sans doute, on trouverait I facilement dans les œuvres d'Origène des textes con­ tredisant, apparemment du moins, cette interpreta­ tion. Mais loyalement on doit reconnaître qu’Ongène est un partisan déterminé du feu métaphorique : · Les J méchants subiront le tourment du feu, mais non pas d’un feu préparé d’avance ct commun à tous. Le feu { qui les dévorera sera propre à chacun d’eux ct naîtra de leurs péchés mêmes, du remords qu’ils cn concevront, I à peu près comme le feu de la fièvre naît des mauvaises i humeurs accumulées dans l'organisme. > ’Fixeront, ! Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. î, p. 304. Les 2201 FEU DE L’EN FED textes les plus allumai ils d’Origvnc sont les suivants ; 1k principiis, L Il, c. x, n. 4, 5, P. G., t. xi, col. 236; in Num., homil. xxvn, n. 8, P G., I. xn, col, 789; In Matth. comment series, n. 75, P. G., I. xm, col. 1715; Cont. Celsum, 1. VI, n. 71, /*. G., t. x, col. 1405. Voir Mgr Freppel, Origine, I. n, xxir leçon; Atzberger, op. cil., p. 407-408. Origène a eu de nombreux dis­ ciples. Rien d étonnant que la doctrine du leu méta­ phorique ut rencontre, parmi ccs disciples, de· parti­ sans, dont les noms nous sonl d ailleurs inconnus Saint Jérôme nous assure le (alt ; Ignis qui non extinguitur a pmniSQUB conscientia accipitur peccatorum, quse. lorquel in suppliais constitutos. In Is.. I. XV|||, c. lxvi, n. 21. /*. /-., t. χχιν, col. 676. Mais de la Λ pouvoir affirmer que cctto opinion a prénommé dans I Église grecque, il y a loin. Les seuls noms qu on puisse citer sonl. en effet, ceux de saint Grégoire de Nyssc.de Vic­ tor d’Antioche, de saint .lean Damascene eide Théophylaclc, auxquels H faut ajouter les noms des Pères latinsLactance cl saint Ambroise. On a voulu attribuer cette opinion Λ saint Grégoire de Nazianze, voir Tunnel, Histoire de lu théologie positive depuis l'origine jusqu au concile de Trente, 3e édit., Pans, p. 157; mais cette thèse a déjà été réfutée ù l’art. Enfer, col. G9. De même, saint Jean Chrysostome. quoiqu’il place l’en­ fer hors de notre monde terrestre. In Epist. ad Hom., homil. xxxi, P. G., t. xlvi. col. 67. n’admet pas pour autant un feu spi itucl ou métaphorique. Voir Enfeu, col. 67. b. Saint Grégoire de Nysse est-il tombé dans l’origénisme? On a donné la réponse à cette question à l’art. Enfer, col. 70. Le seul problème qui reste à résoudre ici concerne la pensée de cc Père, touchant la réalité du feu de l’enfer. Carie, Du dogme catholique sur l'enfer, Paris, 1842, p. 377 sq., place saint Grégoire de Nysse parmi les adversaires du feu réel, cl les textes qu’on apporte généralement pour appuyer cette affir­ mation sont les suivants : Oral, catech., c. xl, P. G., t. xlv, col. 105; Orat., ni, de resurrectione Domini, P. G., t. χιλί, col. GSO; De anima et resurrectione, P. G., t. xlvi, col. G8 sq. Le texte de VOratio cutcchctica ne nie pas la réalité du feu de I enfer, mais simplement, cc qui est très diffé­ rent, son identité avec le feu terrestre..Parce qu’il est inextinguible, le feu de l’enfer renfermera des éléments étranger» au feu terrestre ct, par là, cn différera : ΙΙΰρ γαρ άχούων, ίλλο τι xapà τοΟτο voeîv ώι&ιχθης» ιχ τού πρ*χιίσθαί τι τώ πυρί cxttv’u ο έν τούτω ούχ ίστι. Que celte différence inspecte neanmoins la réalité matérielle du feu infernal, c'est cc qui ressort claire­ ment du second texte. Orat., m. de resurrectione, * L’Écriture nous apprend, dit en substance le saint docteur, epic les damnés seront affliges de justes tour­ ments. qui sont le feu, les ténèbres, le ver rongeur, tous supplices propres* aux corps, composés d’éléments ma­ tériels. L'Îunc, parce qu’elle csl spirituelle, ne pourra jamais être atteinte par le feu. Comment les ténèbres pourraient-elles l'incommoder, elle qui n'a point d’organe de la vue? Quel tourment lui Infligerait le ver rongeur, (pii peut s'attaquer aux corps, mais non aux espr ts? Aussi, ajoute-t-il par manière de conclu­ sion. toutes ccs considérations et ccs arguments nous contraignent-ils d'iiffinncr la résurrection des morts. » Saint Grégoire de Nysse se trompe lorsqu’il affirme que le feu de l'enfer ne peut atteindre la substance spiri­ tuelle, cl peut-être de cette affirmation serait-on en droit de conclure que le supplice du feu, pour les démons, ne peut s'entendre qu au sens métaphorique. Mais c'est là une erreur sur le mode d'action du feu et non sur sa réalité : saint Grégoire affirme la réalité du feu d’une manière si expresse, qu'il en déduit la néces­ sité de la résurrection des corps. Du troisième texte, extrait du De anima et resurre­ 2202 ctione, il faut simplement dire qu'il n’est pas ad rem. L'enfer y est affirmé comme quelque chose d’« obscur » ct d’« invisible ». ittâte καί άφχ/ές, ce qui équivaut, dit-on. à la négation du feu réel. Mais il est évident qu’en cc texte, la signification du mot «enfer» n’est pas si rigoureuse qu'on doive y voir nécessairement l’enfer des damnés. Tout le contexte, l’assimilation de l’en­ fer cl de I orcus des anciens, les dissertations de 1 auteur sur la lonn< de la terre ct sur se* deux parties inférieure cl super-cure indiquent qu’il s agit ici sim­ plement du passage de cette vie dans i autre monde tl; το αΐιβίςχαι açrt;. sans qu’on doive sc préoccuper de préciser si le séjour des Ames séparées sera sur ou sous la terre, puisque, étant incorporelles, elles n ont aucune nécessité de se trouser attachées a un heu déterminé· Voir P. G„ loc. cil., coL 79. c. Victor d'Antioche n’est pas un Père de l’Églisc, mais un simple compilateur qui, au v· siècle, a recueilli, cn forme de chaîne. des textes de Pères sur I Évangile de saml Marc. Dans It commentaire du c. v, 8, d s exprime ainsi parlant du feu qui dévorait les démons cn présence du Christ · Καί γάρ έρβστίζοντο αοίίτως κιιίχραμίνοι xai τα αυηχιστα ζάσνοντις τής χαρονσΐαί txttv*;. Cf. Possin, Catena grxeorum Patrum in Evangelium secundum Marcum. in-foL, Rome. 1673, p. 103; J. A. Cramer. Catenæ g teecorum Patrum tn Novum Testamentum, Oxford, 1844. L I. p. 315. Il ne s’agit que du feu intérieur dont les demons étaient tourmentés invisiblement par la presence du ChnsL Une fausse interprétation de cc texte, voir Pelau, De angetis, 1. Il Le. iv.n. 10, y fait voir mention d’un feu invisible, c'est-à-dire d'un feu métaphorique. Mais, cn admettant même qu ici Victor d Antioche ait voulu parler d’un feu métaphorique, il ne s ensuit pal qu’il ait nié la réalité du feu de 1 enfer 11 justifie, cn effet, les tounnents invisibles que les demons de Génisa éprouvaient cn presence de Jesus par la crainte qu’ils avaient d’être précipités aussitôt, ct avant le temps fixe, dans I enfer ct d’y subir le dernier sup­ plice. C’est pourquoi ils disent : « Es-tu venu nous tourmenter avant le temps? » Victor d'Antioche, sur le verset 10 du même chapitre, ne parle pus du feu d< l’enfer; il ne parle que de l’abîrnc souterrain ct des ténèbres extérieures préparées au diable et à scs anges. d. Saint Jean Damascene se sert d’une formule assez vague; il enseigne. De fide orth., I. IV, c. xxvu, P.G., t. xciv, coL 878, que le feu de l’enfer n’est pas maté­ riel comme le nôtre, mais que Dieu seul en connaît la nature : ούχ ύλκόν, oîov xô παρ* ήμϊν’ ά/λ’ otov tUiir. ό wtô;. C'est sur cc texte, jeté comme cn passant à la fin du De fide orth., cl sur un passage, moins clair encore, du Dial, contra mantchaos, n. 75, P. G., t. xciv, col. 1571, que I on s'appuie pour répéter que saint Jean Damascene est un partisan du feu mé­ taphorique. Rappelons que concevoir le feu de I enfer comme différent de notre feu terrestre, n’est pas nier sa réalité : « Le sentiment de Damascene, dit Pctau. op. cit., 1. III, c. v. n. 3. peut se concilier avec l’opinion commune des théologiens, qui pensent, eux aussi, que le feu de l’enfer ne rvsscn blc pas au feu terrestre, qui est un feu épais, grossier, plein de fumée ct qui u besoin d’etre sans cesse entretenu par de nouveaux aliments. · Quant au texte du Dialogue,où les damnés sont représentés tanquam igre et oermt corrosi, parce qu’endurcis dans le péché qui les ronge, il sc rapporte évidemment à la peine du dam et n’csl pas exclusif d’une peine causée par un feu réel. e. Théophglactr. nu contraire, parle d une façon telle­ ment précise que sa pensée ne laisse prise à aucune équivoque. Il adopte, Enarr. (n Evang. Marcl, c. ix, P. G., t. cxxni. col. 593. le sentiment d Or’géne : · Le feu et le ver dont il est parle dans 1 Écriture sonl la conscience du pécheur, se remémorant les actes bon- 2203 FEU DE L’ENFER 220' leux commis pendant ccttc vie; cc souvenir ronge col. 1065, saint Jérôme rapporte encore la même opi­ comme le ver ct consume comme le feu. * nion d’Origène, sans, pour autant, la faire sienne : En somme, voilà toutes les autorités que l’on peut Ignem quoque gehenna et tormenta, qua Scriptura sanctu Invoquer dans l’Égiise grecque en faveur du feu méta­ peccatoribus comminatur, non ponit in suppliciis, sed in conscientia peccatorum, quando Dei virtute ct potentia phorique. Si l’on retranche saint Grégoire de Nyssc et omnis memoria deliciorum ante oculos nostros ponitur,..; saint Jean Damascene, dont l’opinion concorde tout à et quidquid feceramus in vita vel turpe, vel impium, fait avec le courant traditionnel, il ne reste qu'Origène, omnis eorum in conspectu nostro pictura describitur ac dont les erreurs sont connues, et Théophylacte, dont pralcntas voluptates mens intueris, conscientia punitur l'autorité est de peu de poids. ardore ct poenitudinis stimulis confoditur. 11 est à b) Dans ΓÉglise latine, on invoque l’autorité de remarquer que cette lettre est écrite précisément poui Lactance ct de saint Ambroise. redresser les erreurs du Ilept αρχών d’Ongène, dont a. Lactance est l’un des premiers qui ont essayé saint Jérôme avait donné une traduction exacte. Il est d'expliquer la nature ct l’action du feu de l’enfer. donc bien évident, ici du moins, que non seulement Lui aussi affirme que le feu étemel « est d’une nature saint Jérôme ne fait pas sienne l’opinion d’Ongène, différente du nôtre, cujus natura diversa est ab hoc mais qu’il la rejette. nostro... qui, nisi alien jus materia; fomite alitur, extin· En sorte que seul le texte du commentaire sur Isaïe guilur, Instil, din., I. VII, c. xxi, P. L., t. vi, col. 802; pourrait laisser un doute dans l’esprit du lecteur, car c’cst une sorte d’aliment divin, qui se suffit Λ lui-même, sans qu'il soit nécessaire de l'alimenter. » Est-ce là nier saint Jérôme n’émet aucune critique, ni directe, ni indirecte, à l'égard de la doctrine professée a plerisqut. la réalité du feu infernal? Nullement, c’est simplement Petau, De angetis, I. Ill, c. v, n. 2, affirme que c’cst indiquer une dissemblance que personne ne songe à sa cout me d’agir ainsi à l’égard des erreurs manifestes. nier. Mais que Lactance conçoive le feu de l'enfer Quoi qu’il en soit, saint Jérôme a rejeté explicite­ comme quelque chose de distinct des sentiments de ment l’opinion du feu métaphorique dans son com­ l'âme du damné, la suite de son texte l’indique suffi­ mentaire In Epist, ad Ephesios, 1. Ill, c. v, G, P. L., samment : ...est purus, ac liquidus, et in aquæ modum L xxvi, col. 522. Développant ce texte : Nemo uos fluidus. decipiat inanibus verbis, il applique l’expression de b. Plus grave serait l’autorité de saint Ambroise, si • frivolités » à la conception du feu métaphorique un seul texte pouvait faire autorité contre le senti­ qui, flattant les pécheurs ct leur donnant conllance. ment c.airemcnt exprimé par le môme Père d ns plu­ les conduit plus sûrement aux éternels supplices: Ver bu sieurs autres endr »lts de scs œuvres. Dans son com­ qua decipiunt alquc supplantant, inania sunt el vacua. mentaire /n Luc., I. VII, n. 205, P.L.,t. xv, col. 1754, saint Ambroise dit expressément : Sicut ex multa cru­ Qua vero adifleant auditores, plena, cumulata, confertu. ditate d lebres nascuntur, et vermes, ita, si quis non Quia igitur sunt plerique qui dicunt, non futura pro dccoq tat peccata sua, vel quadam interposita sobrietate peccatis esse supplicia, nec extrinsecus adhibenda tor­ abstinentia,sed miscendo peccata peccatis lanquam crudi­ menta, sed ipsum peccatum et conscientiam delicti ess» tatem quamdam contrahat veterum et recentiorum deli­ pro pana, dum vernus in corde non moritur, et animo ctorum, igne proprio d suis vermibus consumetur... ignis accenditur, in similitudinem febris qua non Ergo neque est ignis aliquis perpetuus flammarum cor­ torquet extrinsecus aqrntantem, sed corjmra ipsa corri­ poralium, neque vermis est corporatis... Ignis st quem piens punit, sine cruciatuum forinsecus adhibitione generat nicestilia delictorum. Voir aussi. In ps. i, quod possidet. Has itaque persuasiones et decipulas n. 56, P. L., t. xtv, coi. 952. Ou bien nous n’avons ici fraudulentas, verba inania appellavit el vacua, quar qu’un aspect incomplet de la pensée de saint Ambroise, videntur florem quemdam habere sermonum, et blandiri ou bien il faut croire que, sur le point précis du feu '· peccatoribus; sed dum fiduciam tribuunt, magis cos réel ou métaphorique, cc Père n’avait pas d’idée bien ferunt ad aeterna supplicia. arrêtée, car, en plusieurs autres endroits de ses œuvres, b) Saint Augustin, dont l’autorité est d’un si grand l’enfer est n·présenté comme un lac de feu et la peine poids, a été, affirme-t-on, hésitant sur la question dr des sens comme causée par le feu réel. Voir spéciale­ la réalité du feu de l’enfer. ment, De fide, I. II, n. 119; In ps. xxxvi, n. 26; De a. Dans le De Genesi ad litteram, 1. XII, c. xxxu, Nabuthe, n. 52, P. L., t. XVI, col. 584; t. xiv, col. 980, P. L., t. xxxiv, col. 480, les lieux’ Infernaux où sont 747. Sur la doctrine réaliste de saint Ambroise, voir tourmentés les damnés nous sont représentés comme Niederhuber, Die Eschatologie des hl. Ambrosius, incorporels,mais semblables aux cnrps,ct saint Augus­ Paderborn, 1907, p. 104 sq. tin conclut : Est crqo prorsus inferorum substantia, sed 2. Pères dont l'opinion sur ta réalité du feu de l'enfer eam spiritualem arbitror esse, non corporalem. serait douteuse. — a) Saint Jérôme a été accusé b. Dans le De civitate Dei, nous relevons plusieurs d’origénisme, voir Enfek, col. 75, ct y consulter les textes où la doctrine du feu réel en enfer est présentée auteurs cités. En cc qui concerne la négation du feu comme plus probable, mais sans que l’auteur veuille réel, on retient de ce Père trois textes principaux : | absolument trancher la question. Au I. XX, c. xxu. In Is., L XVIII, c. lxvi, >. 24, P. L., t. xxiv, on lit cc résumé de la pensée du saint docteur : In col. 676 ; Vermis autem qui non moritur ct ignis qui ! poenis autem malorum et incxtinguibilis ignis et viva­ non extinguelur, a pie risque conscientia accipitur pecca­ cissimus vermis, ab aliis atque aliis aliter atque aliter est torum, qua torqueat (n suppliciis constitutos. Mais, on expositus. Alii quippe utrumque ad corpus, alii utrum­ le remarque à la simple lecture du texte, saint Jérôme que ad animum retulerunt ; alii proprie ad corpus ignem, rapporte ici une opinion qui a cours de son temps, voir tropice ad animum vermem,quod credibilius esse videtur. plu* liaut, col. 2201 ; il n· dit pas qu’il y adhère. i P. L., t. xn, coi. 691. Au 1. XXI, c. ix, coi. 723 sq., Il s’agit bien ici de l’opinion des origénistes; saint ce résumé reçoit son développement naturel, dans le Jérôme la mentionne expressément dans \* Apologia commentaire que saint Augustin fait d’Is., lxvi, 21, adv. libros Ru fini, n, 7, P. L., t. xxiu, col. 429 : Ignés j ct de Marc., ix, 42-47. Tout d’abord,le première opi­ autrm ceternos, quos intrlligerc solet Oriqrnes, pulo quod nion est examinée : le ver rongeur ct le feu sont des le non fugiat, conscientiam videlicet peccatorum cl poeni­ peines de l’âme; en cc cas, le feu ne serait que la dou­ tudinem interna cordis urentem. De qua et I salas loqui­ leur du remords dévorant l’âme coupable. Saint tur : vermis eorum non morietur d ignis eorum non Augustin rapporte cette opinion sans l’approuver, rxtinguetur. Simple citation d’opinion. mais aussi sans la blâmer formellement ; Il laisse enten­ Dans VEpisl., cxxiv, ad Avitum, n. 7, P. L., t. xxu, dre seulement que les partisans d’une tclk doctrine 2205 FEU DE L’ENFER doivent faire quelque effort pour en asseoir l’ortho­ doxie, ideo ignem pro isto dolore urente non incongrue poiu potuisse contendunt, en s’appuyant sur quelques textes de ΓÉcriture, par exemple, 11 Cor., xi, 29; Prov., xxv, 20. En second heu, il revient â son opinion préférée : le « ver » doit être entendu dans un sens métaphorique et sc rapporte â Pâme; le «feu»est la peine du corps; il faut bien, en effet, que l’âme, connue le corps, soit châtiée en enfer. Mais un scru­ pule l’arrcte. S’il fallait garder le même sens au · ver · ct au · feu », à cause de i'crnploi simultané qu’en fait l’Écnturc dans scs menaces aux p cheurs, il préfére­ rait dire que l’un ct l'autre appartiennent au corps : ego tamen /acilius est ut ad corpus dicam utrumque pertinere, quam neutrum. Il est impossible d’ailleurs que la peine du corps ne rejaillisse pas sur l’finic et ne la fasse pas souffrir. Liberté donc pleine ct entière de choisir entre la deuxième ou la troisième hypothèse; mais dans l’une comme dans l’autre, il s’agit d’un feu réel. Pour le ver, voir Enfeu, col. 108. c. Une troisième série de textes représente l’enfer comme un étang de feu, ct le feu de l’enfer comme un feu corporel : Al vero gehenna illa, quod etiam stagnum ignis et sulphuris dictum est (z\poc., xx, 9), corporeus ignis erit, ct cruciabit corpora damnatorum, aut cl hominum ct dœmonum, solida hominum, acria dtemonum; aut tantum hominum corpore cum spiritibus, dirmones autem spiritus sine corporibus, horrentes sumendo pcenam, non impertiendo vitam corporalibus ignibus. De civitate Dei, 1. XXI, c. x, P. L., t. xu, coi. 725. Cf. De fide el operibus, n. 26, P. L., t. xl, coi. 211; Enarr. in ps. lvu, m 17, P. L., L xxxvi, coi. 686 sq. Certains auteurs ont pensé que saint Augustin avait pu modi (1er son opinion. Petau, De angelis, I. Ill, c. v, n. 6. Cette explication serait admissible s’il ne s'agissait que de corriger le texte du De Genesi ad litteram par celui du De civitate Dei. Mais c’cst dans ce dernier ouvrage, ct parfois même à quelques lignes de distance, que l’on rencontre les hésitations, puis les affirmations nettes. A notre avis, saint Augustin n’a pas varié ct toujours a été convaincu de la réalité du feu de l’enfer; scs hésitations proviennent seulement de la difficulté de concevoir un feu corporel agissant sur les esprits. C’est toute la question qu’il sc pose au c. x du î. XXI De civitate Dei, P L., t. xli, col. 724725: Hic occurrit quterere, si non erit ignis incorporalis, sicut est animi dotor, sed corporalis, tactu noxius, ut eo possint corpora cruciari, quomodo in eo erit etiam poena spirituum malignorum? C’est la difficulté qui avait déterminé Tcrtullicn à admettre la corporéité de l’âme, P. L., t. ii, col. G97. Voir Ame, t. i, col. 987; d A lès, La théologie de Tertulticn, Paris, 1905, p. 116. C’est aussi, voir col. 2201,1a diillculté qui a provoqué les hésitations de saint Grégoire de Nvssc. et qui sus­ cita, à l’époque de la scolastique, tant de systèmes différents pour expliquer le mode d’action du feu de l’enfer. Voir plus loin. Saint Augustin, pour la résou­ dre, fait timidement l'hypothèse admise par · certains hommes «Iodes · d'un corps · formé de cet air épais ct humide que le vent apporte parfois, » et qui appartien­ drait mix démons, pour leur permettre de ressentir les atteintes du feu. Mais II se reprend aussitôt : · Inutile, afflnne-t-ll, de disserter longuement et de sc disputer; dans le cas où les démons seraient de purs esprits, cur enim non dicamus, quamvis miris tamen veris modis etiam spiritus incorporeos posse perna corporatis ignis afiligi, si spiritus hominum, etiam ipsi profecto incor­ porei, ct nunc potuerunt includi corporalibus membris, et tunc poterunt corporum suorum vinculis insolubiliter alligari? » Ce texte a, depuis, fait fortune ct sert de hase â toutes les explications des théologiens. Voir Démon, t. îv, col. 371. I 2206 Il n'y a donc pas d'hésitation possible; saint Augus­ tin affirme catégoriquement l’existence d'une cause objective des supplices des damnés, ct cette cause est le feu corporel. II ignore son mode d'action sur les esprits, mais ne voit cependant pas plus d'inconvénient à l'affirmer qu’a affirmer l’union mystérieuse cl faction réciproque, très réelle, de l’âme ct du corps dans le composé humain. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2152. Mais il n'alllnnc pas moins catégoriquement l'état subjectif de l’âme des damnés, état spirituel comme l’âme elle-même; état dans lequel nous trans­ portons les images du inonde des corps, mais qui, en réalité, appartient au monde des esprits. Le chapitre que nous étudions présentement est extrêmement intéressant à cet égard. Après avoir déclaré que le mode selon lequel les esprits sont attachés au corps, ct deviennent ainsi partie intégrante de l’être animal, est tout a fait admirable ct ne peut être compris par l’intelligence humaine, saint Augustin reprend son explication concernant le feu infernal : « Je dirais volontiers que les esprits, dégagés de tout corps, sont brûlés par le feu, comme était brûlé en enfer le riche de l’Évangilc, s’écriant : Je souffre dan> cette flamme (Luc., xvi, 21). Mais on pourra répondre â bon droit que cette flamme était de même nature que les yeux élevés par le mauvais riche vers Lazare, que la langue pour laquelle il implorait le rafraîchissement d’une goutte d’eau, que le doigt de Lazare d’où il demandait que tombât ccttc goutte. Or, ce n’étaient que des âmes sans corps. .Ainsi donc incorporelle était la flamme qui le brûlait, incorporelle ta goutte d’eau qu'U réclamait· » Suarez a été l’un des rares théologiens qui aient compris ccs deux aspects, en apparence contra­ dictoires, de la pensée du grand docteur : en a flIr­ ruant la spiritualité de la flamme, saint Augustin con­ sidère l'effet du feu ct non le feu lui-même dont il reconnaît la réalité matérielle quelques lignes plus loin. De angelis, 1. VIII, c. xn, n. 13; cf. c. xiv, n. 43. Cha­ que fois que saint Augustin nie la corporéité de l’enfer, c’cst donc qu’il parle de l’enfer subjectif, des étals psychologiques des damnés, états ayant d’ailleurs leur cause objective ct très réelle, au moins quant â la peine positive des sens, dans le feu corporci de l’enfer. Mais il y a plus : saint Augustin ne considère pas l’état psychologique des damnés comme un phéno­ mène purement subjectif, mais il y trouve l’explica­ tion du mode d’action du feu de l’enfer. 11 ébauche une théorie que nous retrouverons plus tard, au moyen âge, mais condamnée par saint Thomas ct son école. En deux mots, la voici : il part du fait psychologique bien connu que des phénomènes incorporels, songes ct visions extatiques, par exemple, sc revêtent de formes corporelles. C’est ainsi, pense-t-il, que les tour­ ments des damnés, endurés par des esprits, ne sont pas des tourments corporels, mais ils leur ressemblent, cl. par ΙΛ, les lieux infernaux sont des lieux de punition similia corporibus : les âmes, les démons sont comme s’ils étaient unis â un corps ct éprouvent ainsi peine el douleur, absolument comme dans les songes, sans que le corps agisse, l'âme ressent en lui tristesse cl Joie. De Genesi ad litteram, 1. XII, c. xxxii, P. L., t. xxxiv, col. -180; De civitate Dei, 1. XXI, c. x, n. 2, P. L., I. xli, col. 725. Mais, encore une fois, si ce phénomène sub­ jectif de représentation explique comment saint Augustin peut parier, en certains endroits, d'enfer cl de feu incorporels, cc n'est pas pour autant supprimer la réalité de sa cause objective, c’est-à-dire du feu cor­ porel, dont, â maintes reprises, le saint docteur a affirmé l’existence. Cette affirmation reste néanmoins modérée, comme il a été dit, t. i, col. 2452, parce que l'opinion adverse, à l’époque de saint Augustin, n’était pas encore unanimement condamnée cl que la notion du feu réel en enfer est une de ccs notions théolo- 2207 FEU DE L’ENFER gique< qui ont progressé en précision avec le temps. c) Saint Grégoire le Grand parut à une époque où l'opinion du feu métaphorique avait vécu. 11 affirme la réahté du feu de I enter d une façon explicite. Dans ses Dial., 1. IV, c. χχιχ, Λ L·, t. lxxvii, col. 36«, il pose la question ; An ignis tn/crni corporeus sit/ ct il répan I : Corpoream esse non ambigo. Cependant les partisans du feu métaphorique soulèvent une diffi­ culté Λ propos d’un texte où le feu dc l’enfer est appelé incorporel. Moral., 1. XV, c. xxix, /*. L., t. lxxv, col. 1698 : ignis corporeus, ut esse ignis valeat, corpo­ reis indiget /omentis... At contra gehennæ ignis, cum sit incorporeus, ...nec studio humano succenditur, nec lignis nutritur, sed creatus semel durat inextinguibilis. De l'avis des critiques, il faut lire corporeus au lieu d*incorporeus. C’est la leçon suivie par saint Thomas d’Aquin, In IV Sent., 1. IV, dist XL1V, q.’lii, a. 2. Voir la note ajou éc dans l’édition dc Aligne, loc. cil. 3. Deux observations nécessaires à la solution com­ plète des difficultés patrisligues. — La première obser­ vation concerne le progrès du dogme des peines de l’enfer. La croyance à une double peine, peine du dam rl peine des sens, n progressé, moins en elle-même, que dans la façon d’en concevoir théologiquement la nécessité. Aujourd’hui les théologiens sont unanimes a faire reposer la double peine sur la double malice du péché actuel : à Vaversio a Deo correspond la peine du dam; à la conversio ad creaturam correspond lu peine des sens. La conception primitive parait avoir été plus simpliste : la peine du dam,toute spirituelle, sc rapporte à l’esprit; la peine des sens, corporelle,au corps. Les Pères dc l’Églisc ne s’expriment pas tou­ jours si nettement ct en termes aussi precis, mais on sent que telle est leur pensée; on en a la preuve pal­ pable lorsqu'ils attribuent au péché originel des châti­ ments positifs en enfer; et, d’ailleurs, plusieurs d’entre eux l’expriment équivatemment. Saint Méthode < sou­ I tient la nécessité pour l’âme d’avoir, même avant la résurrection, un certain corps pour être passible ct souffrir du feu, · voir Enfeu, col. 65; saint Grégoire de Nysse déclare que « l’âme humaine, parce qu'elle est spirituelle, nc pourra jamais être atteinte par le feu, * Oral., m, de resurrectione Domini, P. G., t. xlvi, col. 686; saint Augustin, de son côté, rappelle les diffe­ renti systèmes qui avaient cours dc son temps au sujet du · ver·et du< feu >,voir plus haut,col.2201 sq.,ct sc heurte â la difficulté d’expliquer l’action du feu cor­ porel sur les esprits. L’hypothèse dc la corporéité des démons — on sait combien cette hypothèse a eu de vogue jusqu’au v· siècle, voir Démon,L iv, col.339— I ren iait cette explication plus facile; donc l’hypothèse dc leur pure spiritualité nous ramène au mystère : miris modis. De meme encore, Tcrtullicn, dans celles de scs œuvres, De resurrectione, . xvn, P. L., t. n, col. 817; De anima, vn, Lvni, col. 657, 75U, où il prouve que les âmes des damnés souffrent des maintenant le supplice du feu, sc croit obligé d'admettre la corporate de l’â nc; là où il admet la dilation des peines après le juge lient dernier, Apologet., c. xi.vni, I col 5J1, il s’appuie sur cette raison que l’âme sans le j corps ne peut souffrir. De cette remarque découle une conclusion : lorsque les Pères affirment simplement la croyance tradition­ nelle, ils parient sans hésitation du feu de l’enfer. Mais lorsque pour eux sc présente la question du mode d’action du feu sur les esprits, on saisit une hésitation dans leur pensée ct dans leurs expressions. Peu de Pères ont envisagé directement cct aspect du problème du feu infernal, aspect qui fera surtout l’objet des dis­ cussions théologiques postérieures. Mais cc sont pré­ cisément ceux-là — à part Origènc et Théophy lacté qui ont (KMitlveinent erré — dont on objecte l’auto­ rité On a vu plus haut que leur doctrine n’était pas 2208 exclusive de la doctrine traditionnelle : il convenait toutefois d’expliquer pourquoi certains de leurs termes peuvent sembler équivoques. Lu deuxieme oOserualion se rattache il celle qui pré­ cède. Jusqu’à saint Grégoire, la plupart des Pères ajournaient l'entrée dans Ven/er dc feu ù l’époque de la resurrection, ou, plus exactement, après le Jugement dernier, il n’entre pas dans notre cadre de retracer l'histoire de la <1 jctrinc relative ù la dilation delà peine du feu (il ne s’agit que dc celle-là); d’ailleurs, elle a été suffisamment esquissée à l'art. Enfeu. Pour appuyer une telle opinion, on recourait au texte de Matlh., xxv, 41 : Discedite a me, maledicti, in ignem aternum, qui paratüs est diabolo et angelis ejus. Voir Tunnel, op. cit., p. 193. Lc texte de saint Matthieu ne signifie pas que le feu est « préparé » ct n'exerce pas son action, mais qu’exerçant déjà son action, Dieu l’a créé en vue dc la punition des mauvais anges : ainsi l’cxp ique Suarez, De angelis, 1. VIII, c. xn, n. 13. Bien que ce théologien, loc. cit., n. 3, affirme n’avoir trouvé chez aucun catholique l’opinion de la dilation des peines ct pense qu’on l'a faussement attribuée Λ certains Pères, on nc peut souscrire ù un jugement si absolu. Voir Enfeu, col. 18-82, ct Pctau, De angelis, 1. Ill, c. IV. Saint Augustin, lui-même, laisse parfois percer cette opinion. De civitate Dei, 1. XXI, c. xxm, P. L., t. xu, col. 735sq. Voir A. Lchaul, L'éternité des peines dc Γen­ fer dans saint Augustin, Paris, 1912, p. 56. Sans doute, en cc qui concerne les âmes des pêcheurs, celte opi­ nion n’a pas été généralement soutenue ct n’est plus soutenable depuis la définition du concile de Florence, Dccr. pro griveis : Illorum animas, qui in actuali peccato vcl solo originali decedunt, MOX in Infernum descendere, poenis (amen dispari bus puniendis, Denzingcr-Bannwart, n. 693, et même auparavant depuis la définition de Benoit XII, n. 531, et la profession de foi de ALchcl Paléologuc, insérée aux actes du 119 concile de Lyon, n.46l. Mais en cc qui concerne les démons, cette opi­ nion fut quasi universelle. Voir Pctau, loc. cil., n. 1119. Certains théolog.eus, comme Cajetan, In II Pci., c. n; Melchior Cano, In /·“ Sum. lheol., q. liv, a. 4; Bahez, ibid., pensent qu’elle pent encore sc soutenir au regard dc la foi, et il faut reconnaître que saint Tho­ mas lui-même, Sum. theol., p, q. i.xiv, a. 4, ad 30ïa, s’est prudemment abstenu dc lui infliger une note, bien qu’il nc la considérât pas comme probable. Quoi qu’il en soit, cette opinion n’a pas été sans influer sur les expressions dc certains Pères ou écrivains ecclé­ siastiques relativement au feu dc l'enfer. · En adhé­ rant, dit Pctau, Dc angelis, 1. Ill, c. iv, n. 3, ù l’opinion commune (jusqu’au vi· siècle) que les démons n’éprou­ vent pas la peine du feu avant le jour du jugement, Il faut logiquement admetire qu'en attendant ce jour, les démons sont tourmentés non par un feu corporel, mais par un feu spirituel, c’est-à-dire métaphorique. ■ Cc feu métaphorique n’est autre que la crainte, l’hallu­ cination du feu reel. Après le jugement dernier, les mêmes auteurs qui admettent la dilation dc la peine du feu, n’ont plus de motifs de la rejeter pour les âmes désormais réunies à leurs corps; la difficulté qui subsis­ terait pour les démons est supprimée, avons-nous dit, par l’hypothèse, généralement admise, de leur corpo­ réité, voir AngÉloi.ogie, t. i, col. 1196; Démon, l. iv, col. 339 sq.; en retenant la spiritualité parfaite des mauvais anges, il faut en venir au mystère, aux miris modis de saint Vuguslin. ///. K.VSKKiNF Vfixr DKS ruÛOLOGIBNS.— 10 Ensei­ gnement traditionnel des théologiens catholiques en /avear du feu réel — Les derniers tâtonnements disparai&sen a cc la scolastique qui donne nu problème du feu de l’enfer sa forme définitive. On trouve cepen­ dant encore quelques traces d'hésitations sur la peine du feu appliquée aux démons, avant le jugement acr- 2210 FEU UE L’ENFER 2209 π/rr, dans Rupert, Dr Victoria Verbi, I. I, c. x, P. L. t. ct.xix, col. 1231, 1230; dans saint Bonaventure, In / V Sent., 1. IV, dist. XLIV, p. n, a. 2, q. n; sur la même peine appliquée aux (unes séparées, dans Pierre Lombard, Sent., L IV, dist. XLIV, 7, P. L., t. exen, col. 047, dont la doctrine a trouvé un écho chez saint Thomas lui-même, In IV Sent., I. IV, dist. XLIV, q. ni, a. 2, q. m : Quidquid autem dicatur de igne qui animas separatas cruciat, de igne tamen qua cruciabun­ tur corpora damnatorum post resurrectionem, oportet dicere quod sit corporeus. D’ailleurs, dans ses autres ouvrages, saint Thomas admet, sans aucune restric­ tion, le feu corporel, Sum. theot., IIP Suppl., q. xcvn, a. 5; Cont. gent., I. IV, c. xc; De veritate, q. xxvi, I. 1 ; Dr anima, a. 21 ; Comp. theot.,c. clxxx ; Quodl., 11, 13135] ; III. 23(G1). Au xn!· siècle, les théologiens nc conçoivent plus la peine des sens comme une peine attachée seule­ ment au corps, mais ils ont déjà la conception très nette de la nécessité d’une telle peine pour réparer le désordre causé, dans le péché, par la conversion dc la volonté humaine vers un bien périssable, S. Thomas, Sum. theot., I* 11·, q. lxxxvii, a. 3; De malo,q. v, a. 2; et ils affirment l’utilité d’une telle peine, qui frappe davantage l’imagination humaine, pour détourner efficacement du mal, par la crainte d’un châtiment positif, ceux que la privation d’un bien suprême qu’ils nc connaissent pas, ne suffirait pas à retenir. Cont. gen­ tes, 1. Ill, c. cxlv. Ils parleront donc beaucoup moins de la réalité du feu dc l’enfer, quede son action sur les esprits. Néanmoins, pour dégager plus tard notre conclusion théologique, il est nécessaire de rappeler quelques traits précis qui montreront l’unanime sentiment des théo­ logiens catholiques, â toutes les époques ct dans toutes les écoles. Au moyen âge, bien que les scolastiques, ù l’exception peut-être de Duns Scot, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. ii, a. 1, admettent que Γ Écriture n’a rien défini expressément sur la na tire du feu dc l’enfer, voir en particulier S. Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, p. n, a. 2, q. i; Durand de Saint-Pourçain, ibid., q. îx, n. 6, ils n’en professent pas moins que la croyance Λ la réalité (ils disent même la matérialité) du feu dc l’enfer s’impose à cause dc l’autorité des Pères cl, eq particulier, de saint Grégoire le Grand. Cette position est très raisonnable, et c’est exactement celle qu’on doit adopter, les Pères étant les interprètes dc la pensée de l’Églisc en cc qui touche les vérités plus ou moins implicitement affirmées dans Γ Écriture. Hugues de Saint-Victor appelle la croyance au feu réel dc l’enfer une vérité catholique: verissime auctoritate sacri eloquii ct catholica: veritatis probatur testimonio, corpo­ raliter materiali igni animas etiam nunc ante susce­ ptionem corporum cruciari.Dc sacram., 1. II. part.XVI, P. L., t. clxxvi, col. 581. cf. coi. 589. Pierre Lom­ bard, tout en laissant apercevoir, ainsi qu’on l’a déjà «ht, un vestige des anciennes théories, est très caté­ gorique sur la réalité du feu infernal : Gehenna ilia quæ stagnum ignis ct sulphuris dicta est corporeus Ignis erit cl cruciabit damnatorum corpora vel hominum vel diemonum, sed solida hominum, aerea daemonum. Sent., J. IV.disLXLlV, n. 6. P. L.,t. exen, col. S97. Alexandre de 1 lalès ne parle pas directement du feu de l’enfer dans son Dc pana diemonum, Sum. theot., part. II, q. c; incidemment toutefois, il affirme la croyance com­ mune : sicut ergo flamma forts simul affligit pro diversis peccatis, ita ct hæc confusio intus cruciabit simul pro diversis peccatis. On remarquera l’opposition entre la damme, dont la réalité objective est nettement marquée, foris, avec les peines subjectives de la confusion. Pnramb.. m, a. 4. Saint Thomas d’Aquin, dont l’opi­ nion est très nette, voir les références données plus haut, n’a pas eu le temps d’exposer son sentiment dans DICT. DE T1IÉ0L. CATIIOL. la Somme lliéologlque (on sait que le Supplément n’est pas dc sa main). Celte remarque fait comprendre pour­ quoi plusieurs commentateurs dc saint Thomas ne par­ lent qu*incidemment du feu de l’enfer à propos de la peine des démons, I», q. lxiv; ils suivent le texte du maître. Néanmoins, leurs affirmations, identiques à celles des autres œuvres de saint Thomas, abondent Banez s’exprime ainsi : Ignis inferni sensibilis est ct corporeus. Hire conclusio adeo est certa ut oppositum vel sit error vel proximus errori. Probatur primo ex com· muni sensu totius Ecclesiæ; omnes ...ita adhærent huic veritati et semper adhæserunt ut videatur ad traditiones Ecclesiæ pertinere. In I*· Sum. theot., q. lxiv, a. 4, Opera, Douai, 1G11, L i, p. 628. Jean de Saint-Thomas n’est pas moins affirmatif : Supponendum est tanquam certum ignem illum quo cruciantur spiritus in inferno esse corporeum... ct oppositum pro errore deputandum est. Cursus theot., q. lxiv, disp. XXIV’, a. 3, n. 2, 3, Opera, Paris, 1881, L iv, p. 1011. Vasquez : Praemit­ tendum est ignem inferni esse corpoream, quæ sententia est communis omnium scholasticorum. In />» partem, disp. CCXL1II, c. f. Gonct : Supponimus tanquam certum ignem, quo cruciantur dæmones in inferno, esse materialem el corporeum, non vero aliquid dumtaxat spirituale, quod metaphorice ignis dicatur. Clypeas theol. thom., tr. De angelis, disp. XIV, a. 2, § 1. Billuarl : Suppono... ignem inferni esse materialem et corporeum. Theologia, tr. De angelis, diss. VI, a. 3, § 1. Ces deux derniers théologiens veulent même cxpl quer saint Ambroise, In Eue., 1. VII, n. I l, voir col. 2203, en insinuant que le feu de l’enfer, pour cc Père, n’agit pas par sa vertu propre (vertu corporelle), mais par une vertu (spirituelle) reçue dc Dieu. Voir également les Salm anti censes, Cursus theol., disp. XVIII, dub. il, § 1, n. 23. Cc n’est pas seulement l’école thomiste qui est una­ nime à affirmer la réalité du feu de l’enfer : tout aussi explicites sont les témoignages des autres scolastiques. Henri de Gand parle comme le docteur angélique; dans son Quodl., X III, q. xxxiv, il sc demande : Utrum ignis corporalis veram passionem possit agere in spiritum, et il répond expressément : eccc plane quia ille ignis corporeus est cl ent, quod firmiler credendum est, quia hoc Christus dicit in Evangelio : ibunt in ignem «ternum... el ignem urentem non solemus appellare nisi corporeum. Duns Scot suppose la réalité d'un feu matériel en enfer comme une vérité communément admise puisque. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. n; dist. L, q. i, il cherche ù résoudre la difficulté dc l’ac­ tion de ce feu corporel sur les esprits mauvais. Voir Di ns Scot, t. iv, col. 1938. Plus tard, Estius apporte le même témoignage : Salis patet, dit-il, eam doctrinam quæ tradit ignem esse corporeum quo dæmones, quo eodem ct homines reprobi sive ante judicii diem sine corporibus, sive post cum corporibus punientur, com­ munem atque adeo ecclesiasticam esse, cui proinde non sit resistendum. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, § 12. Bellarmin, dans son opuscule De gemitu columbæ, LU, c. π. condamne pareillement le feu métaphorique : Neque wro existimandum est ignem gehennæ esse ignem metaphoricum aut spiritualem, quia pi «paratus est diabolo ct angelis eius, ut legimus apud Matthæum. Nam S. Gregorius, 1 IV Dial., dissertis verbis affirmai ignem ilium esse corjwralem el corpora cum spiritibus crematurum; atque eum omnis schola theologorum sequi­ tur. Opera omnia, Paris, 1873, t. vm, p. 421. Suarez lui fait écho : Certa et catholica sententia est ignem inferni qui paratus est diabolo et angelis ejus, ut in eo crucien­ tur, verum ct proprium ignem corporeum esse. Ilie est communis consensus scholasticorum omnium..., imo est communis sensus Ecclesiæ et catholicorum. De ange­ lis, L VIII, c. xii, n. 9. Et, non content d’établir cette thèse sur l’autorité dc l’Écrilurc, des Pères ct des socV. -70 2211 FEU DE L'ENFEK 2212 cumque determinari. In I V Sent.,}. IV, dist. XLIV, p. n, lastiqucs, Suarez réfute les arguments de la thèse a. 2, q. r, conci.. Opera, Paris, 1866, t. vi, p. 401. Gilles adverse» Voir plus loin. PcUiu conclut connue Suarez : dc Home ollre une opinion qui peut prêter mi malen­ Communis d, ut apparet, certissima est opinio ignem illum, ut d inferos, in terra ipsa contineri. Cale rum, ι tendu, mnis qui n Implique en rien In négation du feu uti corporeum, d materia constantem esse inferorum | réel. Après avoir indiqué que la peine du feu ne peut ignem, quo utique illi torquentur, theologi hodie omnes, | être reculée au jugement, il affirme que les dênïooi imo d chrtstiani consentiunt; ita nullo Ecclesiae decreto I sont punis par la peine du feu, mais que, lorsqu'ils lie sont pas en enfer, ce feu n’est pas matériel : ubicumque adhuc obsignatum Didetur, ut recte Vasqucsius notat. Neque enim ulla in sgnodo sancitum illud est, etsi non- ■ ergo sunt daemones, pot tant ignem inferni sccum, non nulli rem esse fidei pronuntient. Theol. dogm., Dc | guod portent ipsum ignem materialem, sed quia semper sic affliguntur mediante divina virtute, ac si essent con­ angdis, I. IH, c. v, n. 7. Les théologiens plus rapprochés de nous professent | fundi igni aflliganti cos, ut instrumentum dirime justitiae. In IV Sent., I. H, dist. VI, q. n, n. 2, Venise, la même doctrine. Dans le cours des Jésuites de 1581, p. 395. C’est «railleurs l’explication dc l’école Würzbourg, la réalité du feu dc l’enfer est qualifiée clara d certa Ec lesiæ sententia, quanwis ea non sil thomiste touchant l’action du feu infernal en dehors dc l’enfer. Voir plus loin, col. 2230 sq. expresse definita, De angelis, c. ni, a. 1, Paris, 1852, t. π, p. 173; dans Heinrich, Dogmatise e Théologie, En résumé, le courant théologique, du xn® au Mayence, 1884, t. v, p. p. 791, note 1, au moins sen­ xrx· siècle, est entièrement favorable au feu réel; au tentia communis d certa; dans Tepe, nstitutiones ι moyen âge, moins encore qu’à toute autre époque, on theologiae, tr. XVIII, c. 3, Paris, 1896, t. iv, p. 731, n’a songé à réduire le feu dc l’enfer à un feu méta­ certa d catholica; dans Hermann, Institutiones theolo­ phorique : les théologiens auxquels saint Thomas gica: dogmaticae, tr. XVI. § 1, Home, 1897, L n, p. 528, fait allusion, sans les nommer, Dc anima, a. 21, ne certa d communis... a qua citra temeritatem recedere | nient point la réalité du feu matériel, mais son action non lied. Même note dans C. Pesch, Praelectiones do- I directe sur les esprits. Pour les auteurs du moyen âge, gmatiac, Eribourg-cn-Brisgau, 1911, t. ix, n. 652; le mot ignis, dans tous les textes de la sainte Écriture dans Mazzei! 1, De Deo creante, Woodstock 1877, qu’ils rapportent ά l’enfer, présente toujours, inter­ n. 1280; dans Jungmann, Inst, theol. dogm., tr. De no- ' prété par la tradition, un sens réaliste; ils conçoivent vissimis, Katisbonne, 1871, p. 32; dans Billot, De si peu la possibilité d’une interprétation métapho­ novissimis, Borne, 1903, q. in, § 2; dans Hurter, I rique, qu’ils préfèrent souvent donner le même sens Theol. doom., Inspruck, 1883, tr. X, th. cclxx, etc. | réaliste à la glace, à l’eau, au ver rongeur que les textes Suara oc. cit., rapporte que Γοη cite couramment sacrés accolent parfois au feu dans la description des comme partisans du feu métaphorique Albert le tourments éternels. Job, xxiv, 19; cf. Matth., xxn, Grand, saint Bonaventure, Gilles de Home çt Durand 13; Is., Lxvr, 21; Judith, xvi, 24; Eccli., vu, 19; de Saint-Pourçain. Il sc refuse à souscrire à un pareil Marc., ix, 45. Voir Enfer, col. 107-110. jugement, ct il a raison. 11 suillt, en effet, de parcourir, I 2° Théologiens catholiques plus ou moins favorables dans lo œuvres de ccs quatre docteurs, les passages au feu métaphorique de Tenfer. — 1. Au moyen âge, relatifs au feu de l’enfer, pour s’apercevoir qu’ils un seul auteur laisse planer un doute sérieux sur sa ne parlent pas autrement que les autres. Albert le doctrine, c’est, au ix· siècle, Scot Érigènc. Dans son Grand ct Durand dc Saint-Pourçain sont catégo­ traité Dc praedestinatione contra Joannem Scotum, riques. Voici la profession dc foi du premier : Absque c. xix, P. L., t. cxv, col. 1320, Prudence de Troyes dubietate corporeus ignis crucial dæmones, quod fide constate que tous les orthodoxes s’accordent à ad­ teneo. In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, a. 37, cf.a.38, 30. mettre la réalité du feu qui tourmentera les damnés. quant à Durand de Saint-Pourçain, après avoir ex­ Dc cc témoignage, faut-il inférer que Scot Érigènc pliqué, In IV Sent.,}. IV, dist. XL V, q. x, que les n’admettait pas cette réalité? Certains auteurs corps des damnés, après la resurrection, brûleront pensent que Scot Érigènc était partisan des peines dans le feu corporel, cc qui, dit-il, ne laisse prise à au­ purement négatives, ct, en particulier, « faisait du cun doute (quæstio illa apud fideles non est dubia), il ré­ feu dc l’enfer un simple remords intérieur. » Voir En­ sout, à la question suivante (xi), le problème de l'ac­ fer, col. 90. M. Vernet, art. Érigèn», t. v, col. 420tion du feu corporel sur les âmes séparées : Utrum 421, pense le contraire. La théorie de Scot Érigènc animx damnatorum, ante resurrectionem corporum, est en réalité fort obscure. Dans le Dc divisione nalurm, patientur ab igne? Voici la réponse : Dicit Augustinus, P. L., t. cxxii, col. 937, s’appuyant sur le texte bien I. XXI Dc civ. Del : adhaerebunt spiritus (licet tncorpoconnu dc saint Ambroise, Scot Érigènc, d’une part, rd) corptrd signi bus cruciandi, accipientes ab igni- I exprime l’opinion métaphorique : unusquisque impie bus poenam, non dantes ignibus vitam... Tenendum est viventium ipsa vitiorum libidine qua in carne exarsit, sine ulla dubiialioac quod tam daemones quam anima: velati quadam fiamma inextinguibili torquebitur. Mais, separate punientur in igne interni. Saint Bonaventure, d’autre part, sa pensée est différente dans son traité tout en reconnaissant que la sainte Écriture n’a rien ; De praedestinatione, c. xvr, xvn, xix, P. L., t. cxxii. enseigné formellcmcn sur cc point, admet la corpocol. 417 sq., 426, 429, 136-437. Son principe fondaréilédu feu infernal, dont il permet cependant dc cou- ( mental est celui-ci : toute nature est bonne, non scuccvoir la nature d’une manière differente dc celle lenient dans son être, mais dans son opération. Si par­ de notre feu terrestre : Dicendum quod quanwis ad fois le mal en résulte, c’est Λ cause des mauvaises hanc quastionem (utrum ignis infernus sit corporeus) dispositions du sujet dans lequel est produit l'effet dc videatur temerarium respondere, quia Scriptura cam ' cette opération. Dc même que le soleil n’a pas été créé non determinat, nec doctor praecipuus Augustinus eam j par Dieu pour aveugler l’œil qui le regarde en face, rxpUeat, sed magis relinquat insolutam, dicens quod quoique ce résultat sc produise infailliblement par la nulli manipstum est eufusmodi sit Hie ignis, nisi ci faute dc celui qui sc hasarde à le regarder ainsi, dc cni divinus Spiritus ostendit; et amplius opinari vide- i même, le feu de l’enfer— corporel ou Incorporel, peu tnr quod ille ignis sit spiritualis non corporalis; tamen ι importe (Scot Érigènc affirme qu’il est corporel, salis posumus pro certo habere per doctores posteriores | c. xix, col. 136) — n’a pas été préparé pour faire utpotc pouflr.inces des damnés, sinon au c. xix, voir Éiuuenl, col. 120121; pour lui, la douleur essentielle des méchants réside dans le tourment intérieur, dans la sou 11 rance du pèche, miseria, qua torquetur iniquitas a seipsa, m setpsu, per stipsam, col. 126; voir aussi le litre du C. xvi, col. 117. Il me donc moms la redite ontologique du feu que son action alllictivc â l'egard des damnes. Ainsi peuvent sc concilier les deux assertions, en ap­ parence contradictoires, que l'on a relevées plus haut. 2. Au xvi· siècle,le dominicain Ambroise Catharin, voir Politi, qui formule d’ailleurs, en théol >gie, plus d’une opinion singulière, entreprit de démontrer la vérité de la tlièse soutenant le feu purement métapho­ rique. Dans son opuscule Dc bonorum præmio cl supplicio matorum æterno, Opuscula, Lyon, 1542, p. 115, il s’exprime ainsi : Quod non sit ignis ille cor­ poreus , multa vehementer mihi vitientur facere et ur­ gere. Ces raisons multiples sont tirées : a) de la sainte Écriture; b) des saints Pères; c) dc la raison. a) liaisons tirées de ta sainte Écriture : le terme ignis, appliqué aux peines dc l’enfer, ne supporte pas, vu le contexte,l'interprétation du sens littéral : Luc., xvr, 24 : Crucior in hac flamma n’indique certaine­ ment qu’un feu métaphorique, parce que les yeux le doigt, la langue attribués aux âmes dc Lazare ou du mauvais riche ne peuvent être entendus que dans un sens métaphorique; Job, xxiv, 19, rapproche, en en­ fer, la peine dc l’eau dc la ncine du feu; or,la première est évidemment métaphorique, donc aussi la seconde; dans fs., lxvi, 24; cf. Marc., ix, 42-17, le feu ct le ver rongeur sont décrits comme les tourments dc l’enfer : le feu doit être entendu dans le même sens que le ver, c’cst-ù-dire métaphoriquement; Matth., xxv, 41, op­ pose la peine du feu A la vision béatiflquc, comme le souverain mal au souverain bien; or, le souverain mal ne peut consister en une matière, telle que le feu corporel. Voilà pourquoi saint Thomas, Μ IV Sent., 1. IV, dist. L, q. n, a. 3, q. i, ad Ie®, enseigne que par le mot · feu · il faut entendre toutes sortes dc peines nlllictives; Γ Écriture parlant du baptême ■ dans l'Esprit-Sainl et le feu, » Matth., in, 11; Luc., ni, 16, ne nous autorise pas pour autant à admettre un bap­ tême par le feu réel; une interprétation littérale de ccs textes serait meme hérétique. Voir Baptême par le feu, (. n, col. 355. b) Les Pères fournissent plus d’une autorité en faveur du feu métaphorique. Catharin cite Origène, saint Augustin, saint Jérôme, saint Grégoire, saint Ambroise. Voir les textes de ccs Pères, col. 2200-2207. c) La raison en lin démontre que le feu dc l’enfer, s’il était corporel, ne pourrait agir sur dc purs esprits; d’ailleurs, ceux-ci se transportant à travers le monde ne transportent pas le feu avec eux, ct cependant ils en souffrent les atteintes. Dieu, sans doute, pourrait multiplier les miracles pour obtenir de tels effets; mais rien ne nous oblige d’admettre ces miracles, puisque nous pouvons expliquer les tourments de l’enfer indépendamment du feu matériel. Tels sont les principaux arguments dc Catharin. Nous avons, par avance, répondu A la difficulté tirée des Pères; nous répondrons A celle tirée de la raison, lorsque, dans la dernière partie de cet article, nous envisagerons le mode d’action du feu dc l’enfer. Restent donc les raisons tirées dc l’Écrilurc sainte. Leur vice fondamental, c’est de reposer sur des comparaisons : le feu est rapproché d’une autre expression, dont le sens est métaphorique. Pour que l’argument soit concluant, il faudrait qu’il y ait parité absolue entre les deux termes de la comparaison, cc qui, d’abord, j n’est pas prouvé. Ensuite, en entrant dans le détail, en cc cjui concerne Luc., xvi, 24, on pourrait peut-être 221 i déduire dc l'argumentation dc Catharin que ce seul passage dc Γ Écriture, pris isolement, n’csl pus absolu­ ment concluant en faveur dc la réalité du feu dc l’en­ fer, et nen de plus. Mais le Christ n'a-t-il pas pu se servir d'expressions dont les unes doivent s’entendre dan\ un sens littéral, les autres, dans un sens méta­ phorique? 1-c contexte meme ct l'enseignement de la parabole ne nous indiquent-ils pas que, si les supplices endures par l'âme du mauvais riche nous sont exposés en métaphores — la seule maniéré possible pour nous dc les comprendre présentement — l’instrument de ces supplices, le feu, nous est proposé en ternies propres, il ne saurait y avoir parité dans la manière d’expnmer deux choses ai fier en tes, dont 1 une nous est facilement accessible, et dont l’autre échappe à notre mode ac­ tuel dc connaissance. Voir l’observation du P. Knabenbauer, coL 2198, et le commentaire de Maidonat sur ce passage. Plusieurs théologiens répondent a l’ar­ gument tiré dc Job, xxrv, 19, en admettant h réalité de l’eau ct de la glace en enfer, voir Enfer, col. 32, 108; mais cette exégèse du texte de Job est inexacte; l’eau ct la glace ne sont pas mises en comparaison avec le feu; il ne s’agit que dc · la mort de l'impie, rapide comme l’absorption dc l’eau par une terre brûlée. · D'ailleurs, c'esL le seul texte dc l’Écriture où il soit parlé d’eau ct de glace A l'égard des pécheurs; dc ce seul texte, on ne peut donc déduire l’interprétation métaphorique des nombreux textes où il est question du feu dc l’enfer. L’objection classique du · ver » ac­ colé au · feu * a déjà été envisagée plus haut. Voir col. 2197; Enfer, col. 108-109. Avec Suarez, loc.aL, n. 34, on peut répondre d'un mot : l’interprétation métaphorique du ver n’est pas liée nécessairement A l’interprétation du feu. Catharin oppose A tort la peine du feu, souverain mal, à la vision béatifique, souverain bien. La sentence du Sauveur comprend deux parties bien distinctes : discedite a me, maledicti, voilà le mal souverain, la peine du dam, qui s’oppose par mode dc privation au souverain bien dc la vision béatiflquc; la econdc par ic, in ignem xternum, ne se rapporte qj’A la peine des sens, peine en soi moins terrible ct moins souveraine que celle du dam. Voir Dam, L iv, col. 9. La métaphore employée à propos du baptême in Spiritu Sancto ei in igne, voir Baptême par le feu, L n, col. 360, ne nous autorise pas à don­ ner au mot « feu » un sens métaphorique partout où on le rencontre dans le texte inspiré. Pour une plus ample discussion dc h tlièse dc Catharin, voir Suarez. loc. cil., n. 20-41. 3. L’autorité de Catherin n’a pas donné droit de cité A l’opinion du feu métaphorique : dès son appa­ rition, cette thèse fut jugée sévèrement par les théo­ logiens, qui la quali fièrent les uns hérétique ou proche dc l'hérésie, le plus grand nombre, erronée ct A coup ûr téméraire. Voir Patuzzi, De futuro impiorum statu, Vérone, 1718; Mazzclla. op. cit., n. 1280. On peut donc A bon droit s’étonner qu’elle ait été reprise, du moins d’une façon tendancielle, par plusieurs auteurs catho­ liques du xvm· ct du xix· siècle. Sans doute, les affirmations de ces auteurs sont moins hardies; ordi­ nairement ils laissent a liberté d’opter entre le feu réel ou le feu métaphorique, mais cette indécision même est préjudiciable A la saine Intelligence de la tradition catholique ct A lu vraie théologie. On se con­ tentera ici dc signaler les principaux. Hettinger, Apologie du christianisme, trad, franç., Bar-le-Duc, L iv, p. 413, s’exprime ainsi : « Le feu dont parle le Seigneur est-il réel, quoique non matériel, ou bien ne faut-il voir IA qu’une métaphore 7 L’Égbse n’a rien décidé A ce propos. » Même note chez Mohler, \cur Untcrsuchungcn, p. 318; Keel, O. S. B.. Die Hotte, p. 48-61. Mgr Bougaud, Le christianisme et tes temps présents, Paris, 1884, t. v, p. 393, semble b 2215 FEU DE L’ENFER hisser a même liberté d’opinion : < C’est donc, dit-il, une question secondaire que la question dc h nature du feu dc l’enfer. L'Église ne s’est jamais prononcée sur ce point. Et à quoi bon ? » Mgr Bougau entend ici, pa nature, réalité; il s’appuie sur Perrone, Prated, theol., De Deo creatore, part. Ill, c. vî, n. 729, qui dit que la question n’est pas dc foi. Mais d oublie d’ajouter que le théologien romain achève ainsi sa pensée, n. 730 : Profdemur nos adharere sententia in Ecclesia communiter receptæ circa harum poenarum quit positivœ dicuntur naturam d qualitatem; qua nempe est de igne materiali ct corpo­ reo. /lice enim doctrina certa est, ita ul in dubium absque temeritate vocari nequeat. Mgr Élic Méric, L'autre vic, !3*édiL, Paris, 1912, t. π, p. 262, tout en reconnaissant que la réalité du feu de l’enfer est une vérité théolo­ giquement certaine, incline à penser que cc n’est qu’un feu métaphorique : il y a contradiction dans les termes d’une semblable affirmation, ct, d’ailleurs, on ne sau­ rait admettre avec l’auteur qu’il est simplement • imprudent» dc nier une doctrine théologiquement certaine. La prétendue liberté du fidèle à l’égard dc l’opinion du feu métaphorique a été encore affirmée par M. Émery, Dissertation sur radoucissement des peines en enfer, qu’on trouve aujourd'hui en appen­ dice â la fin de l’ouvrage de Mgr Élic Méric. Voir aussi Si filet, Cours lucide et raisonné de doctrine chré­ tienne, Lyon, 1898, p. 398; cct ouvrage a été mis à l'index. Ccs théologiens ont été induits en erreur par plusieurs auteurs du xvm· siècle, notamment par Fel­ ler, Catéchisme philosophique, 3· édit., Liège, 1787, t. m, p. 91 ; pa le Catéchisme dit de Montpellier, réédité à Avignon, 1839, t. i, p. 267; parle jésuite Klcppé, Exposition de la doctrine chrétienne, Strasbourg, 1716, p. 70-1 ; ct surtout par Mgr dc Prcssy, évêque dc Bou­ logne-sur-Mer, Dissertation théologique sur Γincarna­ tion, dont voici, relativement au sujet qui nous oc­ cupe, le passage Important : < L’opinion selon laquelle le feu dc l’enfer n’est que métaphorique n’exclut pas la ,.elnc du sons, consistant dans une affliction du corps, quoique non causée par le feu. Les Israélites, pendant leur servitude en Égypte, comparé à une fournaise ardente, n’enduraient pas le supplice du feu;mais ils souffraient dc grandes peines corporelles, 11 est dans l’ordre dc la justice que les corps, qui ont coopéré avec les âmes des réprouvés aux crimes, en partagent avec elles le châtiment... La même Écritur se sert souvent du mot ignis pour signifier affliction, peine, soit dc l’esprit, soit du corps, épreuve par tribula­ tion. » Instructions pastorales, 1786, t. i, p. 471. Nous nous sommes inscrits en faux, voir col. 2197, contre ccttc dernière assertion de Mg· dc Prcssy; sa thèse elle même contient une double erreur : elle suppose d’ab rd que l’opinion du feu métaphorique est libre dans l’Églisc; elle admet ensuite que la peine du sens est, en soi, indépendante dc la peine du feu, alors ne l’enseignement dc l’Églisc fait dc la peine du feu la partie essentielle dc la peine du sens. Voir Enfeu, col. 107. 4. Il faut compter, parmi les partisans déguisés du feu métaphorique, les théolog eus qui, niant la maté­ rialité ou corporéité du bu de l’cnfcr, en font un feu spiriltuL Parce que cc feu a été préparé pour les dé­ mons, qui sont des esprits purs, ct non pour les hommes, voir S. Jean Chrysostomc, Ad Theodorum laps.,i,n. 10, P.G.,t. XLVn,col. 237-290, le feu dc l’en­ fer serait,d’après Klcc, Katholische Dogmatik,Maycncc, 1845, L n, p. 436, purement spirituel. C’est aussi l’opi­ nion de M F. Dubois, Revue du clergé français, L ΧΧΧΠ, p. 282, s’appuyant, p. 269, note, sur un texte obscur, mais non apodictiquc, dc Bossuet : « Je ferai sortir du milieu dc toi le feu qui dévorera te* entrailles. Je ne l’enverrai pas dc loin contre tel, o>IO ^31 ct ce seront tes péchés qui le produiront. » Sermon sur la nécessité de ta pénitence, ur dim. d'ai ent 1069, i,e point, Œuvres, édit. Guillaume, Paris, 1885, t. vi* p. 653. Cf. Sermon pour le dimanche des Rameaux,l.vi, p. 361. Voir la réfutation de cette thèse dans laimmc Revue, t. xxxm. p. 426.C'est également en ce sens que s’exprime leCatèchlsme de Montpellier, loc. cit.ï'L'ïxriture sainte nous donne heu de croire que le feu de l’on· fer sera un feu réel ct véritable; ...mais savoir si cc sera proprement un feu materiel ou non; c’est cc que l'Écriturc sainte ne décide nulle part, ct cc sur quoi l’Églisc n’a rien prononcé. » Gf. aussi Martinet, Theol. dogm.,t. m, p.577, 578.On a dit au début que le pro­ blème ne sc posait pas en ccs tenues; ccttc question spéciale scni.cn effet, examinée ù propos dc la nature du feu dc l’cnfcr. Mais il faut dès maintenant observer que celte thèse, tout en maintenant en paroles la réa­ lité ontologique du feu de l’cnfcr, la nie en fait en le considérant comme un feu purement spirituel. 5. Enfin, parmi les auteurs catholiques, il faut signa­ ler à part Schell, Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890. p. 888, qui, dans un exposé très confus dc la nature des peines dc l’enfer, semble incliner vers ccttc théorie; ct surtout Mivart, Happiness in hell, dans le The nineteenth century, décembre 1892, février ct avril 1893. Cc dernier auteur, plaçant le bonheur même dans l’cnfcr, ne voit dans le feu que le symbole de peines modérées. Voir Tourncbize, Opinions du jour sur les peines ιΓoutre-tombe, Paris, s. d., p. 9. Nous si­ gnalons à part ces deux auteurs catholiques, parce que leurs ouvrages ont été condamnés : ceux dc Schell, par le décret dc l’index du 15 décembre 1898; ceux dc Mivart, par le décret du Saint-Office du 19 juil­ let 1898. 3° Quelques opinions non catholiques. — Les pre­ miers protestants sc sont peu préoccupés du feu de l’cnfcr; c’est surtout contre le feu du purgatoire qu’ils ont dirigé leurs attaques. Néanmoins on trouve dans Calvin plusieurs affirmations directes contre la réalité du feu dc l’enfer; pour lui, les tourments des damnés sont figurés par le feu; l’enfer n’est que l’horreur d’une mauvaise conscience; le feu n’est que le tour­ ment dc ccttc conscience criminelle d’une façon méta­ phorique. Voir Institution de la religion chrétienne, I. Ill, c. xxv, Genève, 1609, p. 506. Théodore dc Bèzc reproduit évidemment le même enseignement. L’influence dc Calvin a été, sur cc point, très réelle dans la théologie protestante; ct si l'on rencontre plusieurs protestants conservateurs qui, comme Light­ foot, Meyer, retiennent encore dans leurs différents commentaires sur Mare., ix, 48; Matth., xm, 42; xxv, 41; Luc., xvi, 24, le sens réaliste, le plus grand nombre accepte aujourd’hui l’interprétation allé­ gorique. B. Weiss, Lehrbuch der Riblischen Théologie, Stuttgart cl Berlin. 1903, p. 117-118, dit simplement que le feu de l’enfer ne peut être considéré omme matériel et que par conséquent il n’anéantit ni les âmes ni les corps. Cc feu est le symbole dc la colère divine contre les méchants. De même, Nôsgen, Die Evanqelien nach Matthaus, Markus und Lukas, 2” édit., Munich, 1897, p. 252, voit dans le feu de l’cnfcr un symbole dc la colère de Dieu contre les réprouvés. Pour M. J. Bovon, Théologie du Nouveau Testament, 2· édit., Lausanne, Paris, 1902, t. I, p. 493, la mention des flammes dans la description dc l’cnfcr n’est qu’une image. Cf. J. IL Uollzmann, Die Sgnoptiker, 3· édit., Tubinguc ct Leipzig, 1901,p. 155, 196-197, 390. Le Dictionary of the lltble dc Hastings, art. Fire, sc prononce sans discussion pour le sens mé­ taphorique, alors que d’autres encyclopédies, moins récentes (par exemple.celles de Klttoct de Smith), ne s’étalent pus prononcées. Et c’est encore bien l’esprit de l’art. Enter, dans l’Encyclopédie religieuse de 2217 FEU DE Lichtenberger, Paris, 1878, L îv, p. 132 : · Plusieurs y virent un vrai feu matériel n’agissant sur les âmes que d'une manière idéale par l’idée dc la souffrance. Des hommes penchant au mysticisme, tels que Bona­ venture ct Gerson, défendaient encore les flammes dc l’enfer; mais Jean Wcsel y vit un feu spirituel purificateur consistant dans le désir dévorant dc l’union dc l’âme avec Dieu. » Λ propos dc la parabole du mauvais riche, Heuss, Histoire évangélique, synopse des trois premiers Évan­ giles, Paris, 1876, p. 504-505, nous donne les motifs dc cette attitude : « On sait, dit-il, que, pour les peines, la théologie traditionnelle a purement ct simplement retenu ccttc notion d’un enfer dc feu ct dc tourments corporels. Il y a, certes, assez dc passages dans le Nouveau Testament pour l'y autoriser. Mais, dans cc cas, il faut aussi qu'on sc décide A admettre que la félicité consiste A manger ct à boire; il faut expliquer comment des milliers d'élus peuvent être placés cha­ cun individuellement ct en même temps sur le sein d’un seul homme; il faut décider que cette félicité peut s'accommoder du spectacle permanent du tour­ ment des autres, dont elle serait rapprochée nu point dc pouvoir lier conversation, malgré un abîme in­ franchissable. Si, A l’égard de tous ccs points, nous nous trouvons évidemment sur le terrain dc l’image et de l’allégorie, il faudra bien en conclure que c’est aussi le cas pour l’autre partie du tableau. » Une seule chose est démontrée par l’Évangile, c’est que l'homme sera jugé selon ses œuvres; « tout le reste appartient à la forme dramatique qu’il a plu à Jésus dc donner à son enseignement, en sc servant pour cela des images con­ sacrées par les croyances populaires.» Ibid., p. 617. Lolsy, Les Évangiles synoptiques, Ce (Tonds, 1908, t. n, p. 80, affirmant que la pensée de l’évangéliste (Marc., ix, 48) flotte entre la métaphore ct la réalité, est moins radical. — On peut dire d’ailleurs que toutes les erreurs fondamentales sur l’cnfcr, signalées col. 81-89, abou­ tirent logiquement à la négation du feu réel. iv. CONCLUSION dogmatique. — 1° Certitude de la thèse traditionnelle. — Pour bien comprendre la portée dc l'affirmation moralement unanime des Pères ct des théologiens, concernant la réalité du feu dc l’enfer, il faut sc rappeler qu’une vérité peut s’imposer A l’adhésion des fidèles sans qu'il soit besoin d’une défi­ nition du magistère extraordinaire dc l’Églisc; l’ensei­ gnement du magistère ordinaire de l’Églisc suffit. Con­ cile du Vatican, sess. III, c. m, Denzinger-Bannwart, n. 1792. Voir Vacant, Le magistère ordinaire de Γ Église et ses organes, Paris, 1887; art. Église, t. îv, col. 2193219 f. Cct enseignement peut s’exercer non seulement à l’égard des vérités formellement contenues dans la révélation, mais encore A l'égard des vérités virtuelle­ ment révélées;pour l'intelligence dc ccs mots,voir Ex­ plicite, col. 1869. Par là, une vérité peut être imposée, par le magistère ordinaire, sans être nécessairement vé­ rité dc foi divine ct catholique; cc peut cire une vérité théologiquement certaine, qu'il y a « erreur » à nier, voir Ειιηκυη poctiunale, col. 116; ou bien une vérité communément admise, qu’il y n < témérité · A révoquer en doute. Voir Ciînsuiies doctiiINALKS, t. π. col. 21062107. En résumé, le magistère dc l’Églisc peut donc suffire A imposer une vérité comme de foi, ou comme théologiquement certaine, ou comme reçue communé­ ment pur les fidèles. S’opposer A l’enseignement du magistère dans cc cas, c’est commettre une faute grave contre la fol, ou péché d'hérésie, ou péché d’er­ reur, ou péché dc témérité selon la qualité dc la vérité enseignée. Or, l’un des organes par lesquels sc manifeste l'en­ seignement du magistère ordinaire de l’Églisc, c’est précisément le consentement moralement unanime des Pères ou des théologiens sur un point doctrinal 2218 «e rapportant à l'édifice de la foi chrétienne. Dans la question dc la réalité du feu dc l’enfer— par oppo­ sition au feu métaphorique — ’e magistère ordinaire dc l’Églisc s’est très certaincmeni affirmé, par l'organe . des Pères ct des théologiens, et s’est prononcé en fa- ( veur dc la réalité. Quoiqu’il n’y ait aucune décision doctrinale de l’Églisc sur cc point, on ne peut donc cependant pas dire que la question reste libre, parce qu’elle n’a pas reçu dc solution officielle. I-a solution officielle est donnée par les théologiens eux-mêmes : ne \ pas accepter cette solution, c’est aller contre les ensei­ gnements de Pic IX. Bref à Γarchevêque de Munich, Denzinger-Bannwart, n. 1683. Voir Tournebize, op. al., p. 21. Qu’il y ait eu progrès, en particulier dans les douze premiers siècles dc l’Églisc, c’est ce qu’on ne saurait contester. Et même, en affirmant cette évolution, nous sommes bien plus à l’aise pour reconnaître que tel Père, tel théologien a pu parler jadis inexactement. Il en est dc la croyance à la réalité du feu inferna comme des autres vérités qui ne se sont explicitées que peu a peu; .A mesure que s’affirme plus clairement 1a doctrine des théologiens, disparaît pour le fidèle la licéité d’opiner en sens opposé. Le magistère ordinaire de l’Églisc, manifesté par l’unanimité morale des théo­ logiens, suffit à donner à l'opinion d’hier la certitude qui l’impose aujourd’hui, à tous, comme une vérité indubitable. Voir \ acant, op. cit.; Billot, De novis­ simis, q. m, th. rv, § 2. 2e Quel est le degré de certitude de la thèse tradi­ tionnelle? Bappclons d'abord qu'il ne s’agit ici que dc la « réalité » du feu dc l’cnfcr, la question de sa « maté­ rialité » comportant certaines réserves que 1 on fera plus loin. La réalité du feu t'e l’cnfcr ne s’impose pas à nous comme un ogme de foi. Cc n’est pas cependant qu’on ne puisse trouver, dans le dépôt dc La révélation, un fondement suffisa t pour établir l'origine divine de ccttc vérité; mais, même révélée de Dieu, la doctrine du feu réel n* st pas — du moins encore — suffisam­ ment proposée comme telle par le magistère dc l'Église, et, partant, ne s'impose pas à nous comme vérité de foi divine ct catholique, dont La négation constituerait une faute d’hérésie. Les théologiens nous donnent eux-mêmes le degré dc certitude de la thèse qu’ils défendent Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est téméraire de la nier; la réalité du feu de l’enfer est donc au moins une vérité commune dans l’Églisc. D'autres iront jusqu'à dire qu'elle est théologiquement certaine ou meme proche de la foi : A notre avis, si l’on dégage la question de la réalité de celle Connexe dc la matérialité, celte der­ nière note n’est pas exagérée, étant donné que la doc­ trine de la réalité du feu infernal s'appuie surdes affir­ mations de l’Écriturc sainte où elle semble clairement supposée. Une définit! n solennelle en pourrait hurt· un dogme : elle est donc, dans l’état actuel dc la théo­ logie, veritas defini b ilis. 3·Décision de la S. Pénitencerie. — Tout Λ fait à des­ sein, nous avons laissé de côté la décision de la S. Peni tencerie du 30 avril 1890, parce qu’une telle décision est d'ordre disciplinaire et non doctrinal. Le cas pro­ posé par un curé du diocèse de Mantoue était celui-ci : « Un pénitent déclare A son confesseur que, selon lui. ces tenues : feux de Venfer, ne sont qu’une métaphore pour exprimer les peines intenses des démons. Peut-on laisser les pénitents persister dans ccttc opinion ct les absoudre? » Et la S. Pénitencerie a répondu qu* « il faut les Instruire avec soin ct ne pas absoudre ceux qui s'obstinent, » hujusmodi pwnitentes diligenter instru­ endos esse et pertinaces non esse absolvendos. La deci­ sion étant disciplinaire ne propose authentiquement aucune doctrine : on ne peut pas cependant ne pas 2219 FEU DE L EM· ER reconnaître qu’elle soit d’un grand poids pour confir­ mer l i thèse traditionnelle. 2220 organes des sens moralement nécessaires à la vie spi­ rituelle, et la substitution aux opérations habituelles de 1 esprit d’un mode nom eau de connaissance, l’in­ L. Alzberger. Die chrUttlche Eschatologie in den Stadien tuition. Cette hypothèse n’est point condamnée, ihrrr Offenbarung un Allen and Kruen Testamen te, Fribourgcroyons-nous, par le décret de la S. Pénltcnccrie, mémo rn-Jlrh au.lSiM); Lettre.art./·>//.dans le Dictionnaire de la s’il s’agit du feu de l’enfer. Le decret n’atteint que Bible dc Vigoureux,I n.eol.2225; Benin ni. nrt./ùi/rr, dans ceux qui affirmeraient qu’il n’y a cn enfer c nmio au le Dictionnaire apologétique do M d’Alè*, t 1, col 1381; Λ Dupant, art Ecu dc Γenfer, dans le Dictionnaire apologepurgatoire d’autre peine que la peine du dam ct que lique de M. Jnugry, col. 1252; Passaghn, Dc adcrnitale celle-ci sc confond avec la peine du feu. » Dubois, loc. perrxirum deque igne inferni non metaphorico, Ralisbonne. cil., p. 282. 1854: Hetzcnaucr. Theologia biblica, Fribourg-cn-Brisgnu. 2. ftéfulation. — Cette these, avec l’explication qu’y 1008. I i; SchQrcr, Gcschichtc des jQdischen Volkei im ajoute M. Dubois, est inadmissible Λ un triple point XcUalter Jesu Christi, Leipzig. 1898; Hastings, Dictionary de vue : a) psychologiquement, il répugne que les âmes of the Bible, nrt. Eire; Kitto, Biblical cyclopaedia, art Dell; séparées soient constituées dans l’état de soullrancc Smith. Dictionary of the Bible, art. Eire. Suarez, Dc angelis, I VIII, c xn; Pctiiu, Dr angelis, Λ raison de leur mode nouveau d’etre ct d’agir; si I. III.c in-viii; Patuzzi, Dc futuro impiorum statu, J. III. ccttc prétendue peine était le feu, il s'ensuivrait que Vérone, 1748; Toumebize· Éludes, 15 décembre 1893, mai toutes les âmes séparées emporteraient avec elles 1a ct Juillet 1891. t i.x, p. 621 ; Opinions du jour sur les peines peine du feu, même si elles sont dans le paradis, voir d'outre-tombe, Paris. $ d.; Mon sabré, Carême de 1SS9, note Λ 1 lugon, L'étal des âmes séparées, dans Héponses théolo­ la sers· am/érrnee; Tunnel, Histoire de h théologie positive giques, Paris, s. d. (1908), p. 226; b) théologiquement, depuis Γorigine jusqu'au concile de Trente, 3· édit., Paris, ccttc hypothèse mérite d’etre notée comme l’opinion ». d , p. 188, 190, 362, 488; Tixernnt, Histoire des dogmes, passim; L. Atzberger, Gcschichtc der christlichen Eschato­ du feu métaphorique avec laquelle, cn réalité, elle logie Innrrhalbdcr uornicunischen Zril, Fribaurg-en-Brisgau, s’identifie. Ce qu’alllrme, cn cfïct, la tradition, c’cst 1896, p. 312, 359, 362. 107,551,558; Bantz. Die Huile, l’existence objective d’une cause dc la peine des sens, Mayence, 1909; KirchentaIcon, art Huile; Oswald, Escha­ cause réellement distincte des états psychologiques des tologie, Paderbarn, 1893; Der Kathnlik, 1878, t. lî, p. 225 sq., damnés, ct que l’on appelle le feu. La S. Pénitcnccrie, 581 sq ; Collationes brugensrs, t xvi, p 102. Tous les trai­ d’ailleurs, dit expressément qu’on ne peut donner tés de théologie cités au cours de l’article. l’absolution ù qui prétend · que les feux de l’enfer ne IL Nature et propriétés· — /. iuture. — Une sont qu’une métaphore des peines intenses des dam­ fois admise la réalité du feu dc l’enfer, on peut se nés. » La réalité des peines elles-mêmes n’est donc pas demander quelle en est la nature. Le feu infernal est-il cn question, mais bien la réalité dc leur cause; c) méta­ dc même espèce que le feu terrestre? Est-il matériel physiquement, le feu spirituel est inconccvab c. Dans ou immatériel? A ccs questions, une seule réponse son acception propre, le mot spirituel ne peut s’appli­ semble possible, c’cst celle de saint Augustin : Qui ignis, quer qu'aux natures existant ct opérant indépendam­ cujusmodi cl in qua mundi vel rerum parle fui urus sit ment de la matière, ct aux opérations de ccs natures; hominem scire arbitror neminem nisi forte cui Spiritus il est synonyme d'immatériel. D’après la philosophie divinus ostendit. Dc cluit. Dei, 1. XX, c. xvi, P. L., traditionnelle, la substance spirituelle ne peut être L xi.i, coi. 682. Néanmoins, seule la discussion des opi­ qu’une forme subsistante, voir I’oilme, c'est-à-dire un nions nous obligerait à apporter quelques précisions. esprit, doué d’intelligence ct de volonté, Le feu dc Lc principe qu’il ne faut jamais perdre dc vue lors­ l’enfer ne peut être dit spirituel cn ce sens; bien qu’on qu’on étudie les choses dc la fol, c’cst que, partant de ait parlé de feu « intelligent », de feu « savant », dc feu nos connaissances terrestres, nous n* boutissons à « divin », voir Minucius Félix, (Jetai)., c. xxxv; Lacl’intelligence des dogmes que par voie d'anulo ie; par tancc, Inst diu., 1. VII, c. xxî, à l’arL Εχεεπ, col. 50, là, cette intelligence, quoique positive ct certaine, est 62; S. Paulin de Noie, Epist., xxvm, ad Severum, n. 2, forcément incomplète.Voir Dogme, t. iv, col. 1579 sq. P. L., t. Lxi, col. 310; intelligence, sagesse et vertu Or, l’analogie proprement dite suppose entre les ter­ divine lui viennent de Dieu dont il est l’instrument. mes analogues une dissemblance et une ressemblance Un feu purement immatériel, un feu spirituel ne peut réelles. A priori, on est donc cn droit de dire que le donc être ou bien qu’un feu métaphorique consistant feu dc l’enfer n’est, relativement au feu terrestre, ni dans les étals psychologiques des damnés dont il ne se totalement semblable, ni totalement dissemblable. distingue pas, cf. Bellarmin, Dc gemitu columbie, L 11, C’est pourquoi nous cxclucrons tout d’abord l’hypo­ c. n; voir col. 2210, ou bien, s’il faut lui attribuer une thèse d’un feu purement spirituel. iui dissemblance réalité objective,qu’un esprit chargé par Dieu dc tour­ est-elle seulement dans les effets ou dans les propriétés menter les autres esprits, cc qui est une conception, du feu dc l’enfer, feu inextinguible ct brûlant sans sinon contradictoire de la notion dc peine, du moins cn consumer? ou bien porte-t-elle sur la nature même du marge dc toute la tradition catholique. feu. si tant est qu’on puisse, dans l’état actuel de la j Bcconnaissons toutefois que l’on peut employer le science, accorder une nature au feu? C’est pour répon­ mot spirituel dans un sens tout à fait impropre, comme dre à ces questions qu’après avoir rejeté : !· l’hypo­ l’ont employé, par exemple, saint Thomas, Cont. gent., thèse du feu spirituel, nous examinerons : 2° l’hypo­ L IV, c. xxiii, ou même saint Paul, I Cor., xv, 11. En thèse d’un feu dc même espèce que le feu terrestre; cc sens, il n’est pas absolument opposé à matériel ou 3· l’hypothèse d’un feu réel, mais de nature analogue. corporel, mais seulement à telle ou telle manière «l’être Ie Fausse hypothèse d'un feu spirituel. — 1. Exposé. des corps ou même à toutes les manières d’être des — Tout cn rejetant, cn paroles du moins, l’opinion I corps, connues de nous. Bien ne s'oppose à cc qu’on erronée du feu métaphorique, certains th ologiens appelle, de celle manière, le feu de l’enfer un feu spi­ nient, nous l’avons vu, que le feu dc l’enfer soit un feu rituel pour indiquer qu'il n’est pas absolument iden­ matériel. Ils prononcent le mot de feu piriluel : 1 tique nu feu matériel que nous connaissons ici-bas. < Entre le feu métaphorique ct le feu corporel, il y a 2° Hypothèse d'un feu dc · même espèce » que te feu place pour un feu spirituel, réel ct non métaphorique, terrestre. — 1. Exposé. — a) Hase patristiquc. — C’est quoique non corporel... Nous ne nions pas la réalité la solution dc la plupart des théologiens, jusqu'au d'une peine spirituelle, distincte de la peine du dam. xvm· siècle, solution déjà indiquée par les tableaux Nous croyons seulement que celle peine spirituelle ne d’un réalisme saisissant que nous ont laissés dc l’enfer résulte pas de l’action d’un agent corporel extérieur, beaucoup de Pères de l’Eglise, s’inspirant de Γ \pnc., le feu. iii.Us d'une cause psychologique. Γextinction des xx. 9-10, 11-15; xxî, 8, 27; xxn, 15. Pour ne retenir W)lI FEU ÜE L’ENEEK 2222 que les expressions les moins susceptibles d’interprérestre, feu infernal, c’cst toujours la même nature de totion hgun c, citons la célèbre comparaison dc Minu­ feu; donc, la matière peut varier, mais ce sera toujours cius hélix, Octav., c. xxxv, P. L., t. in, col. 363 : spécifiquement le même feu. Les commentateurs de Sicut ignes Ælnœ cl Vesuvii, cl ardentium ubique saint Thomas, ceux du moins qui se posent la question, terrarum flagrant, nec eroga, dur ; ita poenale illud incenacceptent la réponse du docteur angéliqu*. dium non damnis ardentium pascitur, sed inrxesa cor­ Au xvi· siècle, le progrès des sciences ne permet porum laceratione nutritur. Tertullien parle du feu plus dc considérer le feu comme un élément premier. infernal en termes tout aussi réalistes, voir Enfer, Mais Suarez le considère encore comme une substance, col. 51; saint Irénéc, Cont. hrrr., L V, c. xxxv, 2, et, pour le fond, sa réponse coïncide encore avec celle ibid., col. 51, décrit la géhenne comme un étang dc dc saint Thomas : Quia vero probabilius (içntsj videtur feu, stagnum tqnis; on trouve des expressions iden­ non es e purum elementum, sed longe majorem habere tiques chez saint Hippolyte, Ada. Græc., 1, P. G., densitatem aptam ad fortius agendum naturaliter in cort. x, col. 790; chez saint Pacien, /n parern. ad pænil.. pora; ideo exedi bile est ut x aliqua crassiori materia ut Il, P. L., L xiTi, col. 1088; chez saint Victorin dc sulphurea, vel alia nobis ignota constare, in cujus ports sil verus ignis el ipsa lota materia vehementa ignita sil; Pettau, In Apoc., c. xx, P. L., t. v, col. 343; saint Cyprien parle do la poena vorax flammis vivacibus, ct ita quoad hoc ignem dtum alterius materiar esse veri­ Ad Demrtr., c. xxiv, P. L·, t. iv, col. 161; on retrouve simile esl. Dc angelis, L VIII, c. xil, n. 19. l’expression « fournaise dc feu * chez saint Jean Chry­ 2. Objections. — Ccttc conception du feu infernal sostomc, lïomil., xi.iii, 1, 5, P. G., I. i.vn, col. 461, ct soulève deux difficultés, l’une, inhérente aux cil et* certaines comparaisons qui ne laissent planer aucun destructeurs du feu, ct à laquelle les anciens théolo­ doute sur sa pensée, voir plus haut, col. 2200; saint giens ont essaye de répondre, l’autre, relative à sa Augustin lui-même, voir plus haut, col.'2205, a tracé nature, ct qui est suggérée par le progrès dc la phy­ dc l’enfer des tableaux d’un réalisme convaincu; saint sique contemporaine. Grégoire enfin a contribué plus que qui que cc soit à /r· difficulté : comment le feu est-il Inextinguible, établir la conception d’un feu infernal dc nature sem­ cc qui suppose son incorruptibilité? Toute action de blable au fou terrestre. Dial., 1. IV, c. xxvm, xxix; ki matière entraîne une altération, ct le feu dc l’enfer Moral., 1. XV, c. xxix, P. L., t. lxxvii, col. 368; ne s’altérera Jamais. Saint Thomas ct les anciens sco­ lastiques y répondent ainsi : il n'y aura pins d’action t. Lxxv, col. 1098. b) Formule théologique. — Les tlicologlens du moyen proprement dite, parce que le mouvement des corps âge, sauf quelques-uns qui, comme saint Bonaventure, célestes, principe de toute action dans les corps infé­ voir col. 2200, restent dans le doute, s’inspirant dc rieurs, aura fait place au repos : quiescente motu exil, nulla actio vel passio poterii esse in corporibus. Ill· cette doctrine des Pères ct s’appuyant surtout sur Suppi., q. cxvii, a. 6, ad 3·«; Coni, gentes, L IV, leur conception du feu Infernal Intra terrestre, voir c. lxxxix. Voir Capréolus, In I V Sent., 1. IV, dist. Enfer, col. 101-102, ont proclamé V unité spécifique XI.IV, q. iv, a. 1, conck 1·; Ferraricnsis, In. Sum. du feu infernal ct du feu terrestre;cl plusieurs d’entre eux ne se posent même pas la question, tant il leur i conf, gent., 1. IV, c. xu Suarez répond autrement. Lc feu est incorruptible, sans miracle spécial de Dieu semble clair qu'une telle solution s’impose. Saint Thomas — ou plutôt son continuateur — résume bien cn raison du lieu où il sc trouve renfermé, n’ayant point d’élément contraire pour le combattre, ct aussi la pensée des scolastiques, IIP* Suppl., q. xcvn, a. 6 : ( 'Irum ignis inferni sil ejusdem speciei cum igne nostro? cn raison de sa masse énorme ct dc son activité, loc. cit., Voici la réponse : < Comme le feu est celui de tous les n. 19 : lied tile ignis sit inrxtinguibilis el ideo incorru­ cléments qui possède la plus grande puissance active, ptibilis videatur, non esl opus, ut sit incorruptibilis ab tous les autres corps lui servent d’aliment ou dc citrinscco ex parte materi.v sux, sicul cxlum orditur; matière. Cf. Meteor., IV, 1. Il suit de là que le feu sed potest esse incorruptibilis absque miraculo, ruliom existe dc deux manières : ou dans sa matière propre — loci ubi non habet contrarium, a quo corrumpetur, t il faut sc souvenir que la physique du moyen âge, ratione ingentis multitudinis et activitatis; unde prove­ considérait le feu comme un élément premier — nit ut nihil ab extrinscco pati possit. Et ob eamdem ra­ comme il est dans sa sphère, ou dans une matière tionem non indiget pabulo ut perpetuo durtl, quia a étrangère, terrestre, comme le charbon, aérienne, nullo circumstante, vel vicino corpore, etiam secundum comme la flamme. Mais, dc quelque manière que le partes exlingui potest, d ideo semper idem et sine con­ feu existe, il est toujours le meme quant â son espèce, tinua surerssione conservatur. En vérité, on ne peut dire cn cc qui regarde du moins la nature du feu. Il ne peut que cc soient là de véritables solutions dc la difficulté. 2· difficulté : la physique contemporaine ne recon­ y avoir dc diversité spécifique que pour les corps qui naît plus dans le feu une substance; elle n’y voit qu’un l'alimentent; ainsi la flamme cl le charbon diffèrent spécifiquement, ct il cn est dc même d’un feu de bois phénomène. Comment parler d’unité spécifique, là où et du fer incandescent... Or, que le feu dc l'enfer, dans il n’y a pas de véritable substance?—Réponse. — Le sa nature même dc feu. soit de la même espèce que feu esl une réalité, donc il a une entité. Que celle notre feu d'Icl-bas, c’cst chose manifeste. Mais qu’il entité soit une substance ou un accident, peu importe; existe dans sa ropre matière, ou bien, si c'est dans les accidents ont leur essence, voir Essence, col. 835, une matière étrangère, quelle doit être la matière dc tout comme la substance. La question, telle que la ce feu, non l’ignorons complètement. Sous ce rapport posaient les anciens scolastiques, n’a plus sa raison seulement, c’cs -à-dire sous le rapport de la matière, d’etre au sujet du feu, considéré comme substance; il serait permis c supposer qu’il n’est pas de la meme mais cîle peut toujours se poser au sujet de sa réalité : la rr.dité du feu Infernal est-elle identique ù celle du espèce que le feu terrestre. Il n néanmoins quelques feu terrestre? Et ainsi la première difficulté, tirée de propriétés différente* ; ainsi, pnr exemple, il n’a besoin l’alteration du feu sous l’action dc la combustion, ni d’etre entretenu par une action extrinsèque, ni de subsiste toujours. recevoir des éléments étrangers. Mais dc semblables 3. Solution proposée, tirée des données de la science. — différences n’accusent nullement une diversité d’es­ On pourrait tout expliquer cn faisant inter*enir la pèce. cn ce qui louche du moins ù la nature même du feu. » On n là toute la pensée du moyen âge. Pour le puissance de Dieu. Sans doute, le feu agit comme ins­ xin0 siècle, le feu esl un clément, composé dc matière trument de la justice divine, ct nul doute que l’élé. et de forme; c’cst la forme (nature) qui différencie vallon que lui communique sa fonction ne rejaillisse spécifiquement le feu des uuuvS elements : feu ter­ sur sa nature ct scs propriétés. Mois il n aussi, comme 2223 FEU DE L’ENFER toute cause Instrumentale· son action propre, que res­ pecte la vertu divine. C’est a ce point de vue qu’il faut sc placer pour résoudre la difficulté que nous avons signalée. Il semble qu’il n’y ait qu’une solution scien­ tifique, c’est celle déjà indiquée à l’art. Enfeu, col. 111: < Les changements, actions ct passions organiques, dans les corps incorruptibles, ne peuvent être que de simples mouvements physico-mécaniques, sans alté­ ration chimique. » Voici l’exposé qu’en fait le P. Tournebize : · Qu'il ne sc dégage du feu de i’enfer ni flamme ni fumée, comme pensent plusieurs Pères de l’Église, c’cst fort vraisemblable. Il serait encore puéril de supposer qu’il est produit par l’oxygène, alimenté par le carbone. Il n’en peut résulter ni désagrégations, ni autres phénomènes chimiques, les corps et les âmes contre lesquels il sévit étant Incorruptibles. Cc n’est point d’ailleurs dans ccs phénomènes que consistent la nature du feu et le caractère spécifique de son action. Avec d’autres apologistes, nous ne voyons aucun incon­ vénient à dire, après les savants modernes, que la chaleur est le résultat des vibrations moléculaires, qu'elle est essentiellement liée à un mode du mouvement et (fautant plus intense que les vibrations sont plus rapides. Pourquoi, dès lors, le puissant auteur de toute activité créée ne ticndrait-il pas en réserve, quelque part, une substance, aussi subtile qu’il vous plaira, ct dont les vibrations incessantes soient aptes â produire une sen­ sation continuelle de brûlure? D’autre part, s’il est autour de nous des éléments que la chaleur ne peut dissoudre, le maître de la nature ne saurait-il empêcher les corps de se désagréger sous l’influence de cet agent mystérieux? ■ Opinions du jour, etc., p. 15. Voir O. Mazzclla, Pralect. schol. dogm., Rome, 1905, t. iv, p. 571. Nous aurons plus loin l’occasion de revenir sur cette explication, à propos du mode d’action du feu infernal sur les corps des damnés. 3° Hypothèse d'un feu réel, conçu par mode d'ana­ logie. — Cette troisième hypothèse, qui n’est d'ailleurs qu’un perfectionnement de la seconde, nous semble seule donner la vraie solution Ihéologiqur. Les choses de l’au-delà ne peuvent nous être connues, même avec le secours de la révélation, que par mode d’analogie. nos concepts n’exprimant que l’objet propre de notre connaissance, c'est-à-dire les êtres matériels d’icibas. A priori, on peut donc affirmer que le feu de l'enfer, analogue à notre feu terrestre, lui ressemble et l’en différencie; dans quelle mesure exacte, c'est cc qu’il serait téméraire de vouloir préciser. Mais la loi de l’analogie demande, semble-t-il, qu’on établisse une diflérencc jusque dans la nature même du feu, ct non pas seulement dans scs propriétés et effets; d’aillcurs, les propriétés découlent de la nature, et la logique veut que l'on ne proclame pas l’unité spécifique entière ct j complète, là où l’on est obligé de reconnaître la diver­ sité des propriétés ct des effets. A posteriori, la révé­ 1 lation nous marque ccttc analogie en nous faisant con­ naître les points de ressemblance ct les points de différence des deux sortes de feux. 1. Ilrssemblances. — « Il n’est point défini que le feu de I’enfer est matériel; ...cependant, il ne faut pas oublier que, huit fois au moins dans l‘Évangile,ct près de trente fois dans le Nouveau Testament, le supplice de I’enfer est désigné par ce terme de feu ou flamme Ivoir plus haut, col.2197 sq.|. On ne comprendrait pas cc langage, si la peine du feu, la plus terr blc de celles d’ici-bas, n’avait une connexion intime avec le sup­ plice de I’enfer et n’était lu plus propre à nous donner une idée de sa rigueur. · Brassac, Manuel biblique, Pans. 1908, t. in, p. 590. Difltrrncts. — Tous les théologiens, même saint Thomas et les scolastiques qui tiennent pour l'unité spécifique du feu infernal ct du feu terrestre, recon­ naissent les différences qui séparent l’un de l’autro. 222i Les nécessités de l'apologétique ont peut-être forcé les théologiens contemporains à insister davantage sur ces differences. Passaglia, op. cit., theor. vin, corol. 1, les a bien résumées : a) le feu naturel est pro­ duit à la suite de certaines opérations chimiques· le feu de l’enfer doit son origine et son aliment a la colère de Dieu; b) le feu naturel n’agit sur les unies qu’au moyen des corps, le feu infernal torture immé­ diatement les esprits; c) le feu naturel s’éte ndra un jour, celui que la colère de Dieu allume brûlera sans ün;, Matth., vin, 12; xxn, 13; xxv, 30, pur oppo­ sition à la lumière de la vision béatillquc : « Il existe une harmonie parfaite, un effrayant accord, entre le malheur des damnés et le lieu qu’ils habitent. Il y a là de la lumière ct des ténèbres, Juste cc qu'il en faut pour le inalhdur des réprouvés... C’est d’après cela (pic la lumière el les ténèbres doivent être distribuées dans le séjour de l'éternelle damnation; ...par une disposition de la justice divine, il y a là quelques traits de lumière, cc qu’il en faut seulement pour voir les objets extérieurs dont l’aspect peut tourmenter l’âme....mais il ne peut y avoiren enfer gu*un feu som­ bre, épais ct comme fumeux, » a lin d’enlever aux dam­ nés tout ce (pii, dans la vision, pourrait être sujet de joie. S. Thomas, III· Suppl., q. xcvn, a. 4. Cf. S. Basile, In ps. xxvni, n. 6, P.G., I. xxix, col. 297; S. Grégoire le Grand, Moral., I. IX, c. lxvi, P. L., t. lxxv, col. 915; Prudence de Troyes, he pried. cont. J. Scot., c. xix : Corporeum esse, flammeum algue visi­ bilem mixta obscuritate ignem gehenna omnes ortho­ doxi consentiunt. P. L., t. cxv, coi. 1320. A l’encontre, vo r Lactance. loc. cit.: Ille divinus per sc ipsum nudt ac viget sine ullis alimentis, nec admixtum habet fumum, sed est purus ac liquidus et (n agutr modum fluidus. II est évident que ce texte veut surtout affirmer la force de pénétration du feu de l’enfer. Iji plupart des auteur» cités précédemment. cl en plut : S Thomas, In IV Sent., I IV. disl XLIV. q. m. u 2; dis! L, q. H, n. 3; Sum. theol.. Ill- Suppl. q. xcvn. o t. 5,0; Dominique Soto, In IV Sent., I IV, dist. L; Capréolu*, /n IV Sent . I. IV, dist. XLIV; Ferrariensis, In Sum. cont gentes, I IV, c. xc; plusieurs nrticks très pondérés parut dam l Ami du cterg/, 1893, p. 101, 216; 1896. p. 219; 1000. p. 1071 ; 1902, p. 161 ; 1903, p. 922- III. Action. — /. causalité ixsthcme^talk. ~ La tradition tout entière considère le feu de I’enfer comme l’instrument de la justice divine. Voir plus haut. Cc terme · instrument · doit être pris ici au sens philosophique du mot; car, de sa nature, une cause materielle, ou plus exactement non spirituelle, ne sau­ rait agir sur les purs esprits. Ce principe est tellement admis par tous les Pères ct tous les théologiens qu’il constitue le point précis du mystère de l'action du feu de l’enfer sur les démons cl les âmes séparées. Il faut, dés maintenant, noter avec Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus, Paris, 1881, L iv, q. lxiv, la dou­ ble question qui se pose au sujet de l'action du feu infernal : Quid eauset ignis in spiritibus, quo eos cru­ cie/, et quomodo id causât ignis? Cette seconde ques­ tion se rattache à la question de la causalité instru­ mentale du feu de l'enfer. Celle-ci n’étant qu’une application particulière de la doctrine générale de la causalité instrumentale, nous renvoyons, pour l'exposé des principes, à l’art. Instrumentale (Causalité). 11 suffira de rappeler ici les deux aspects de la question selon que l’on adopte les principes thomistes ou que l’on s'en sépare. 1® Causalité physique. — Les thomistes, ct avec eux Suarez, malgré de notables divergences dans l’exposé de son système, ne conçoivent, appliquée au feu de I’enfer, qu’une causalité physique. Sous l’influence de la cause principale, l'instrument est mû ct appliqué à un elTcl supérieur à ses énergies n itives : cette motion n'est pas simultanée; elle ne tombe pas seulement sur reflet, mais elle modifie la puissance d’agir de la cause instrumentale; elle l’élève cl l’applique à l’acte. Dans ccttc subordination essentielle de l’instrument à la cause principale, l’action de l'instrument, en tant qu’instrumeni, ne se separe plus de la cause princi­ pale; un seul cflel procède de leurs énergies combi­ nées. Un appelle celte causalité physique, à cause de la très réelle vertu, qualité ou motion transitoire, qui, procédant de la cause principale, vient modifier physi­ quement le principe d’action de la cause instrumentale. Notons toutefois qu’outre l'action instrumentale, résultant «les énergies combinées des deux causes subordonnées, la cause qui joue le rôle d’instrument garde toujours son action propre, vis-à-x is de laquelle elle reste cause principale, action qui est préalable à son action instrumentale cl qui en est comme la pre­ paration. Cf. S. Thomas, Sum. theol.. Il b, q. lxu, a. 1, ad 2··. Voir liugon, La causalité instrumentale, Paris» 1907. 2° Causalité morale. — D'autres théologiens, sans doute par peur de la prémotion physique qui est au bout de la théorie thomiste, veulent concevoir une causalité instrumentale d'ordre moral. La cause morale est celle qui, par sa valeur ou sa dignité, ou par une qualité qui est sienne, présente à une cause supérieure intelligente un motif nécessitant faction de cette dernière. Or, cette valeur, dignité ou qualité peuvent appartenir en propre à la cause morale, ou elles peuvent simplement lui avoir été conn» umquêes par la cause principale supérieure. En ce dern cr cas, nous avons la cause instrumentale momie. Cf. l’ranzclin, hc sacramentis, th. vî, Home. 1878, p. 57. 3° Application au feu de l'enfer. — Comme la cau­ salité des sacrements, voir Sacrement, la causalité instrumentale du feu de I’enfer est conçue par les théologiens comme une causalité physique ou comme une causalité monde, selon leurs préférences de sys­ tèmes. Nous ne parlons pas ici de la causalité stricte- 2227 FEU DE L’ENFER ment intentionnelle ou impérative, qui forme le fond du système sauamentaire du cardinal Billot; elle ne peut avoir sou application que dans l’ordre des signes, et cc n’est pas le cas du feu de l’enfer. Quel que soit donc le terme produit par l’action du feu de l’enfer dans les esprits réprouvés, il y a deux manières de con­ cevoir le mode de cette action : on bien c'est une cau­ salité physique, par laquelle, immédiatement, direc­ tement, grâce à In vertu instrumentale que Dieu lui communique, le feu atteint l’esprit réprouvé; ou bien c’est une causalité morale, qui fait intervenir Dieu immédiatement, dès l’instant où le feu est appliqué au damné. Quel que soit d’ailleurs la conception que l’on retienne, la seconde question concernant ce qui est produit par le feu dans le réprouvé reste entière, tout comme In question de la nature de la grâce est indé­ pendante du mode de causalité des sacrements. U. ACTION. — 1® Sur les esprits ou âmes séparées. — . Ιλ difficulté de l’action du feu matériel atteignant les esprits n, de tous temps, frappé les philosophes ct les théologiens catholiques. Nous avons vu plus haut, col. 2207 sq , comment, dans les premiers siècles, plu­ sieurs Pères simplifiaient cette difficulté cn attribuant des corps éthérés aux esprits, et cn reculant jusqu’après h résurrection la peine du feu pour les âmes des dam­ nés. Dans cette hypothèse, fausse d’ailleurs, le feu n’atteindrait l’esprit que par le moyen du corps. On trouve encore quelques vestiges de cette doctrine au ( moyen âge. Voir col. 2208. Λ cette époque également, plusieurs théologiens, dont saint Thomas ne nous | livre pas les noms, reprennent l'explication de saint Augustin. Voir col. 2228. Le feu est réel, mais n’agit pas ' directement sur l’esprit réprouvé. Celui-ci est cn proie A des visions imaginaires, comme il cn arrive dans les ' songes; ct ainsi, ex visione aliquorum terribilium quœ | se perpeti vident veraciter affliguntur; licet ea a quibus | affliguntur, non sini vera corpora, sed similitudines corporum. De anima, a. 21. Cf. De veritate, q. xxvi, n. 1. Bien que saint Thomas reconnaisse dans cette expli­ cation l’opinion probablement professée par saint Augustin, De veritate, loc. cit., il élude, ad !«*;/> anima, toc. cil., ad 193·, cette autorité, affirmant que saint Augustin a parlé, non determinando, sed inquirendo, et il en réfute en quelques mots la doctrine, quia, dit-il, est ostensum, quod potentia? sensilivx partis, inter quas est vis imagination, non manent in anima separata. De anima, toc. cit. D’ailleurs, une telle hypothèse aboutit A la négation pure ct simple de l’action du feu sur les esprits. Or, lu question se pose ainsi : comment le feu matériel pcut-ll atteindre un esprit pur, tel que I le démon ou l’âme séparée? Tous les théologiens, à ‘ partir de saint Thomas, sont d’accord pour recon­ naître que cette action de la matière sur l’esprit est impossible naturellement; ce n’est (pic parce qu’il est élevé par la puissance divine ct appliqué par elle ù la producti »n d’un effet voulu par Dieu, que le feu peut agir sur les intelligences. El son action ne pourra être que correspondante à la nature spirituelle des êtres qu’elle atteint : tel est le principe admis par tous. I Mais, lorsqu’il s’agit de déterminer d’une façon pré- I else h nature de cette action, deux grands courants partagent le champ des opinions théologiques. Ou bien l’effet produit par le feu est considéré comme ap­ partenant d l'ordre de la connaissance Intellectuelle, ct alors le feu n’agit sur les esprits réprouvés que parce qu’il est objectivement perçu ou conçu comme nuisible, agit odjbctiye tanquam causa apprehensionem Intellectus. Ou bien, en plus de celte perception de Hntelligener, il faut admettre un tfjrl préalable, une modification qui le crucifie réellement : agit ponens xrrit rivi aliquid physicum In spiritu, quod sil Uli malum d dlscnnt^nlens. Action purement objective ; action abprtif^ el rflerHne, tels sont les deux points 2228 ; centraux autour desquels se groupent tous les sys­ tèmes. Jean de Saint-Thomas, loc. cil. Le tableau synoptique suivant sera utile pour éclai­ rer la marclic de nos explications : 1. zirffon purement objective · a) Soit parce que le feu rappelle nu réprouvé Je bonheur étemel perdu (Durand de Sainl-Potirçnin, Arruhal); b) Soit parce que le feu est perçu comme nuisible, quoiqu'en réalité il ne puisse al teindre les esprits (Albert le Grand. *ninl Jonaventure, Gilles de Homeg c) Soit parce que le feu est perçu comme nuisibV. en ce qu’il fixe l’intelligence du réprouvé dans sa perception (Bichard de Middletown, Occam, Biel, Duns Scot, Grégoire de Valence). 2. Action physique effective : a) Soit parce que le feu produit un 'éri table enchaîne* ment de l’esprit, alligatio (saint Thomas, et la plupart des thomistes); b) Soit parce que le feu produit de plus une qualité parti· cullére qui crucifie l’esprit (Vnsquez, Suarez); c) Soit parce que le feu excite dans l’esprit la même sen­ sation de douleur que s’il était uni nu corps (Henri de Gand, Dominique Solo, Alarcon, Less lus, Tolct, etc.). Il nous faut maintenant reprendre une «A une ces différentes théories, dont le tableau précédent vient brièvement de mettre cn relief les divergences. 1. Action purement objective. — a) La théorie que Durand de Salnt-Pourçnin, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. x, a esquissée timidement ct avec ré­ serve, voir Salman licenses. Cursus theologicus, Paris, 1877, t. vni, p. 110, ct que le jésuite Arrubal, voir 1.1, col. 1991, a formulée d’une façon plus nette. In /«» Sum. lheol., disp. CLIX, c. i, tout cn admettant la réalité objective du feu infernal — ct c’est ce qui la distingue de l’opinion erronée du feu métaphorique — revient ù nier la réalité de la peine du feu, comme tel. Que Dieu fasse du feu de l’enfer, comme le veut Amibal, l’instrument dont sc sert sa justice pour exciter dans les esprits réprouvés le regret ct la douleur de la pertc du ciel, cela n’ajoute rien A la peine du dam. Aussi, sans être absolument condamnable, puisqu’elle maintient la réalité du feu, cette opinion est néan­ moins périlleuse ct, ù ce litre, doit être rejetée. b) Plus sérieuse est l’opinion de ceux qui placent la peine du feu dans la perception du feu, par l'intelli­ gence du réprouvé, comme d’un élément nuisible. Celte opinion avait déjà cours avant saint Thomas, puisque le Supplément de la Somme en fait mention, q. lxx, a. 3 : Quidam dixerunt quod hoc ipsum quod est ignem videre, sit animam ab igne pali: unde Grega­ rius, in l V Dial., c. xi.tt, dicit : Ignem eo ipso patitur anima quo videt. · Mais, s’empresse d’ajouter le saint docteur, celte explication n’est pas suffisante. En effet, la chose vue constitue par cela même une per­ fection de celui qui la volt ; elle ne saurait donc, parce que vue, lui être une peine; mais elle peut accidentel­ lement devenir afflictive ou contristante, parer qu'on ta conçoit comme nuisible. Il faut donc que l'âme, non seulement vole le feu de l'enfer, mais qu’elle le con­ çoive, en le rapportant à elle-même, comme son mal. » Expliquer comment l'intelligence perçoit le feu comme nuisible ct crucifiant pour elle-même, sans que cepen­ dant celui-ci agisse sur ladite Intelligence autrement que comme objet de connaissance, c’est ce qu'essaient de différentes manières Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. XL TV, a. 34; saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, p. n, a. 3, q. n; Gilles de Rome, Quodl., II. q. ιχ; IV, q. xv; Richard qui ne meurt point ct le « feu > qui no s’éteint pas, Marc., îx, 42, 48; Matth., xvni, 8, 9, montrent clairement aussi que le feu qui s’attaclic aux damnés ne consu­ mera pas leurs corps. On retrouve cette formule chez les Pères apostoliques, voir surtout ID Cor., vu, S. Ignace, Ad Eph., xvi, 1, 2; Martyr. S. Polyc., xi, ÿ La tradition tout entière, en même temps qu’ûllc affirme l’éternité dc la peine des sens, affirme implici­ tement l’incorruptibilité des corps damnés. Aussi, d’une façon générale, il suffit dc sc reporter à l’art. Enfeu d’aphiïs les pères, col. 17 sq. Rappelons tou­ tefois quelques façons dc parler plus explicites : sainl Justin ct Tatien, voir Enfer, col. 50, ne conçoivent pas que le feu brûle les âmes sans les corps : aussi serat-il différé jusqu’au Jugement dernier; Atliénagore, De resurrectione morluurum, xvm, 24, F. G., t. vi, col 1009, démontre la résurrection par la nécessité de châtier les Curps, oupablcs comme les âmes. Or, ccs affirmations ne seraient pas exactes si les corps des damnés n’étaient pas incorruptibles. On a vu, art. Enfer, col. 50-51, Minucius Félix expliquer comment le feu brûle les corps sans les consumer. Pour Tcrtullicn, Apolog., c. xux, P. L., t. i, col. 58, le feu ne con­ sume pas, il répare cc qu’il brûle, comme celui dc la foudre ct des volcans : les damnés ont par la nature même du feu qui les dévore subministrationem incor­ ruptibilitatis. Saint Hippolyte est tout aussi affirmatif, Adv. Grorcos, 3, P. G., t. x, col. 801 : ignis incxlinguibilis... non corpus corrumpens sed irrequieto dolore ex corpore effervescens d ebulliens. Saint Cyprlcn, Ad Demdrlanum, c. xxiv, P. L., t. iv, col. 581 : Cremabit additos ardens semper gehenna ct vivacibus flammis vorax poma. Lactancc, Inst, div., 1. VII, c. xxi, P. L., t. vi, coi. 801, nous représente la chair des damnés comme insolubilis d permanens in adernum ut su/flccrc possit cruciatibus d Igni sempiterno; le premier, il essaie de donner une explication scientifique dc celte incorruptibilité. Voir plus loin. Saint Zénon dc Vérone, t Tractatuum, 1. I, tr.XVI, η. 11, P L.f t. xî, col. 382, compare la résurrection des mauvais à celle des bons : duplex forma surqendi..., secunda qiuc impios cum precatoribus universisque incredulis gentibus perenni I destinat perna. Saint Hilaire, qui lente quelques cxpli- 2237 FEU BE LEX F Ei; calions touchant les corps ressuscités des damnés, voir Enfi n, col. 63, affirme très nettement qu’lis ne seront pas anéantis. In pi. lxix, 3; ht Matth., v, n. 12, P. L., t. îx, col. 491, 919 : corporalis d ipsis , allerni tas destinabitur ut ignis irtcrnl in ipds sit uderna malcrics. Saint Pacicn, Parern. ad pæntl., c. xi, xn, P. L·., t. xm, col. 108, s’écrie : Timete, dilectissimi, justa judicia... Post animarum tempestiva supplicia, redivivis quoque perpetua corporibus poena scrvuidur... Ipse sibi materiam recrescentium corporum reparat iynis retemus. Saint Cyrille de cette révélation, l'effroi causé par le regard du pour chacun des hommes, pareille purification sera juge indigné. > Commentaire sur la l*· Épltre aux Corinthiens, Paris, 1885, t. r, p. 174. Le P. F. Pral, nécessaire aux fîmes non complètement encore dégagées des souillures du péché. Voir S. Thomas, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, t. î, note G, Opusc., Ill, c. ix; Estius, In IV Sent., 1. IV, dist. p. 138; le P. Pcsch, Praelectiones dogmatica·, Fribourgcn-Brisgan, 1911, t. IX, n. 590, inclinent également XXI, § 1; Vasquez, In Z·· IP Sum. S. Thonut, disp. CXLVIJ, c. î; Suarez, De sacramentis, part. Il, vers le sens du feu métaphorique du jugement. disp. XLV, sect. î; Billot, De novissimis, q. iv, Bell irmin, Controversies Ζλ purgatorio, I. I,c. v. Opera, Paris, 1870, t. vnr, p. 85 sq., veut que le premier feu th. v, § 2, ct tous les théologiens ct exegetes cités par Comely, op. cit., p. 89. Mais il faut ajouter que du ♦. 13 soit le feu de la conflagration générale, le second, le feu métaphorique du jugement, ct que le l’argument n’est pas apodictiquc ct ne présente feu du î. 15 soit le feu réel du purgatoire. Éstlus, qu’une valeur de probabilité. L'opinion qui n’admet Comment, in omnes S. Pauli epistolas, Mayence, dans I Cor., in, qu’un feu métaphorique du Jugement 1858, t. r, p. 109, apprécie sévèrement cette exégèse : reste conciliable avec la doctrine catholique du pur­ Aliis absurdam haud immerito videtur, apostolum gatoire ct de scs preuves scripturaires. Voir Pcsch, in uno contextu paucorum verborum tam varie loqui IOC. Cil., Ct PURGATOIRE, de igne. Nec facile quisquam sibi persuaserit tertio Ht. LA TRADITION ET LE FEU RÉEL DU PURGATOIRE. loco purgatorium ignem significari, si primo et secundo — La vraie preuve de la réalité du feu du purga­ loco diversus ignis significatus fuerit. toire repose sur la tradition. Nous examinerons suc­ On concède généralement aux grecs ct à nombre cessivement : 1° la tradition primitive du feu du d’auteurs acatholiqucs, voir, par exemple, Meyer ct Jugement; 2° les affirmations de l’Églisc grecque Godet, qu’il ne s’agit pas directement dans cc texte relatives au feu purificateur; 3° les affirmations de du feu du purgatoire, car le feu du purgatoire - purifie, l’Églisc latine. mais n’éprouve pas... ct il n’a aucune action sur les 1° Le feu du jugement. — 11 nous semble que ce œlivres excellentes représentées par l’or, l’argent ct soit là la première formule de la croyance au feu réel les pierres de prix. » F. Prat, op. cit., t. î, p. 138. du purgatoire. Le feu réel du jugement prend, en La plupart des Pères, des théologiens et des exégètes effet, chez les auteurs qui en parlent, tous les carac­ voient dans le feu dont parle saint Paul le feu de la tères d’un feu purificateur. Or, meme cn admettant conflagration qui s'allumera au jour du Seigneur que cc feu soit strictement l'instrument du jugement, (au jugement), c'est-à-dire le feu de la conflagration celte croyance à un πυρ καθαρτικόν témoignerait cn cn tant qu'il se rapporte au jugement qui éprouve les faveur de la réalité du feu du purgatoire, au moins oeuvres des hommes, et cn tant qu’il servira de feu à l’heure du jugement; ct nous pourrions lui appliquer purificateur pour les derniers justes encore non le raisonnement que les théologiens tiennent, voir entièrement purifiés. Voir Estius, loc. cil., p. 109 sq. ci-dessus, à l’égard de I Cor., m. Mais nous sommes Nous avons déjà pressenti que telle était la doctrine d’avis qu’il y a ici, chez les Pères qui ont soutenu la des Pères qui ont admis un feu réel au jugement, réalité du feu du jugement, une simple erreur de voir Feu du jugement, col. 2213, et avons laissé perspective, erreur commune à leur époque. La entendre que celle façon de parler pourrait bien croyance presque unanime des cinq premiers siècles n’être que la première expression de la croyance reculait jusqu’après le jugement l’entrée des justes catholique au feu du purgatoire; on Justi liera plus au paradis, des méchants cn enfer. Voir Feu db loin celle manière de voir. Λ ces Pères, il faut ajouter l'enfer, col. 2208. La situation des âmes jusqu’à la saint Augustin qui, expliquant 1 Cor., xm, 13-15, fin du monde n'était pas bien définie ct les Pères formule nettement l’hypothèse du feu réel purifi­ qui cn parlent ne s’en expliquent qu’en termes assez cateur qui, après la mort, tourmentera plus ou vagues. On trouve déjà l’exposé de cette situation moins longtemps certains fidèles d’ailleurs sauvés imprécise dans le pscudo-Alhanasc, Quœstiones ad en principe : nonnullos fideles per ignem quemdam Antiochum ducem, q. xx, P. G., t. xxvin, col. 610, purgatorium, quanto magis minusvc bona pereuntia dans Diadoque de Photice, De perfectione spirituali, dilexerunt, tanto tardius eitiusque salvari, Enchiridion, c. c, P. G., t. lxv, col. 1211. Au concile de Florence, C lxix, P. L., t. xl, col. 265; cf. De civitate Dei, Marc d’Éphêse, voir Mansi, Concil., t. xxxi, col. L XXI, c. xxvi, P.L., I. xu, col. 715; In ps. xxx vit, 489; ct P. G., t. CLX, col. 185 (dans les réfutations 3, P. L·, t. xxvi, coi. 397; S. Jérôme, in Matth., du patriarche Grégoire Mammas), témoigne que m, 12, P. L., I. xxvi, col. 3D; Adversus Jovin.,\. II, beaucoup de grecs adoptent encore cette opinion, ct n. 22, P. L·, t. xxm, coi. 317 sq.; S. Grégoire le par là, comme le remarque Hefele, Histoire des Grand, Dial., 1. IV, c. xxxix, P. L., t. lxxvii, conciles, trad. Delate, Paris, 1876, t. xi, p. 397, col 397 ; In ps. pwn., i, 1, P. L., t. lxxîx, col. 553. Cf. s’expliquent les divergences, surtout verbales, qui S. Hilaire, In Matth., c. π, η. 4, P. L., t. ix, col. 926. régnaient entre eux. On retrouve la même affirmation La transition logique du feu de la conflagration au dans la confession de Moghila, part. I, q. xi.viii, feu du purgatoire, soupçonnée par saint Augustin, Kimmel, op.cit., p. 138, au synode de Constantinople, a été formulée par les théologiens postérieurs, ct 1722-1724, c. v, Mansl-Petit, Concil., t. xxxvu, ainsi 1 Cor., m, 13-15, argument direct cn faveur col. 199-202; cl tout récemment encore, Journal de du feu de la conflagration, est devenu un argument Genève, 20 janvier 1910, le métropolite grec-orthodoxe indirect cn faveur du feu reel du purgatoire. Voici de Beyrouth, Mgr Gérasime Massarra, reprenait la le raisonnement dans sa substance : le feu de la con­ même thèse, qu’il prétend être encore la croyance ac­ flagration dernière, étant placé aux contins de la tuelle de l’Églisc grecque : « 11 est notoire, dit-il. que vie présente et de la vie étemelle, aura, pour ainsi notre sainte Église croit cc qu’ont dit les anciens dire, une double action : en tant qu’il termine la vie Pères, à savoir que 1rs âmes des justes jouissent de la félicité dont les âmes sont capables. Ce qui veut présente, il s’attaquera à tous et à tout, bridera ct détruira les bons cl les mauvais dans leur vie corpo­ dire que Vetat des anu s dans l’espace de temps qui va relle, et, en cc sens, il ne sera pas le feu qui éprouve, I de la mort au jugement (dernier) est Vé.tat d'individus m tant qu’il appartient déjà à la vie future, Instru­ réservé*au jugrmcnl d'un pige jush ; l'innocent d'entre eux est birnhrureux par la conscience de son innocence ment de Vi divine Justice, il punira ct puri liera les âmes des derniers justes dont il aura causé la mort. 1 et le coupable est malheureux par la conscience de sa 2253 FEU DU PURGATOIRE culpabilité. » Telle est encore, sous une autre forme la thèse actuellement professée par M. Dyovouniolis, de l’université d’Athènes,‘II μέση καταστασις τών ψυχών, Athènes, 1901, p. 70 71. S’il cn est ainsi,il faut bien reconnaître que, de toute nécessité, la doctrine du feu purificateur, antérieur à l’admission des Ames au paradis, doit, elle aussi, refléter l’éloignement de perspective générale, ct que l’action de ce feu. dans l’hypothèse des grecs, ne peut sc concevoir qu’au jugement dernier. Sans doute, une telle hypothèse est aujourd'hui inadmissible, puisqu’elle a été solennelle­ ment réprouvée ù l lorcnce, ct l'on sait que la plu­ part des grecs, Bessarion cn tête, ont admis cette réprobation; mais il est tout â fait logique de sup­ poser que, dans les premiers siècles, elle a influencé Incroyance, encore assez rudimentaire, au feu du pur­ gatoire ct qu’elle a abouti à la théorie du feu réel du jugement. Tel est le motif qui nous fait croire que cette doctrine primitive du feu réel du jugement n’est que la première tonne de la croyance au feu réel du purgatoire. 2° La tradition grecque. — D’aillcurs, il n’est pas vrai, quoi qu’en ait dit Marc d’Éphêse, que la tradition grecque ignore complètement la doctrine du feu puri­ ficateur, même avant le jour du jugement. Sans doute, beaucoup des grands docteurs, et cn particulier, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Jean Chrysostome, saint Épiphane, saint Jean Damascène, se sont tus sur le feu du purgatoire (quoique la plupart enseignent qu’il faut prier pour les morts), mais ils ne l’ont pas nié non plus. Par contre, d’autres, ct non des moindres, y ont nettement fait allusion ou l’ont explicitement enseigné. 1. Avant le schisme, on peut invoquer l’autorité de Clément d’Alexandrie, Strom., V, 14; VII, 6, P. G., t. ix, col. 133, 449; voir zXtzbergcr, Geschtchte der christ lichen Eschatologie innerhalb der vornicànischcn Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 358; et celle d’Origêne, proclamant, l’un ct l’autre, la néces­ sité, pour les justes, d’être purifiés par le baptême de feu avant d’entrer au ciel. Voir Feu du jugement, col. 2211; Atzberger, op. cit., p. 405; G. Anrich, Clemens und Origenes als BegrUnder der Lehre oom l'cg/euer, dans Theologischcn Abhandlungen/Tubinguc, 17 mal 1902. Mais ccs deux écrivains ecclésiastiques sont suspects aux grecs orthodoxes à cause de leur doctrine de l’apocatastasc universelle, condamnée au II· concile de Constantinople, ct dont le feu du purgatoire ne serait, au dire de Marc d’Éphêse ct des théologiens grecs modernes, qu’une réminiscence. On trouve aussi des allusions au feu purificateur dans les pscudo-Clémentines. Recognitiones, 1. IX, 9, 13, P.G., 1.1, col. 1404 sq. Voir Atzberger, op. cit., p. 190. Saiht Basile, qui affirme très énergiquement l’exis­ tence du feu éternel de l’enfer, In Is.,v, 14; x, 20, P. G., t. xxx, col. 392, 549, réservé à toux qui ne veulent pas faire pénitence, ibid., v, 14, col. 229, reconnaît aussi un autre lieu destiné à la purification des âmes, χωρέον καθαρισμού ψυχών, d’où l’ange a pris le charbon ardent qui purifia les lèvres du prophète Isaïe. Ibid., vi, 6, col. 436. C’est lù que sc trouve le feu purificateur qui consumera les péchés que la pénitence a déjà desséchés comme le foin. Ibid., ix, 16, col. 521. Voir Pcsch, op. cit., n. 594. Έδν ούν γυμνόσωμεν τήν άμαρτίαν δια τής έξομολογήσεως, έποιήσαμεν αύτήν ξηράν άγρωστιν, αξίαν του υπό τού καθαρτικού πυρδς καταγρωδήναι •••’Εάν μέν ούν μή γένηται ώς άγρωστις ξηρά ή άμαρτία ημών ού βρωΟήσετας ύπδ του πυρός, ούτε κατακαυΛη-»εται. Dans un autre passage, In Is., ιν, 4, P.G., t. xxx, col. 341, saint Basile, sur le texte: Si abluerit Deus sordes filiarum Sion, et sanguinem Jerusalem laverlt de medio ejus in spiritu judicii et spiritu ardo­ 2254 ris, expose qu’il y a trois acceptions du baptême : Μήποτε τρεις εισεν α( έπίνοιαι τού βαπτισματος ; ότε τού £ύπον καθαρισμός καί ή δια τού Πνεύματος άναγέννησις, και ή έν τώ πυρί της κρίσεως βάσανος, ώστε τδ μέν εκπλύνειν πρδς την ώδε άπόύεσιν τής αμαρτίας λαμβάνεσθαΓ το δε πνεύμα τι κρίσεως, και πνεύματι καύσεως» πρδς την έν τώ μέλλοντι αίώνι διά τού πυρδς δοκιμασίαν... 01 μέν πάντη άνήζοοι τών θειων μαθημάτων, πριν μαύειν τδν λόγον ήμαρτηκότες, oiovtl ε^ρυπωμένοι» τού άπδ τού ύδατος δέονται καθαρισμού* oî δε μετά τδ λαέεϊν την ζωήν έπιόουλεύοντες Γαυτοίς αίματι οντες ένοχοι, τού ίκ τού πυ­ ρδς δέονται καθαρισμού. On cite également de saint Basile le texte De Spiritu Sancto, xv, n. 36, P. G., t. xxxiî, col. 131 ; mais le sens de cc texte est métaphorique, voir Feu du jugement, col. 2242; pour les autres textes ci-dessus rapportés, le contexte ne permet évidem­ ment pas de restreindre au seul feu du jugement les affirmations de saint Basile relatives au feu purifi­ cateur de l’autre vie; encore moins peut-on leur donner une interprétation métaphorique. Saint Grégoire de Nysse a deux textes qui se rapportent vrai semblablement au feu du purgatoire. Dans le premier, Oratio de infantibus qui præmature abripiuntur, P. G., t. xlvi, coL 168, il sc demande si l'âme humaine νρέξει τών βε£ιωμ£νων την κρίσιν; λήψεται την κατ’ αξίαν άντίδοσιν, ή πυρί καύαιρομενη κατά τας τού ευαγγελίου φωνάς» ή τώ δρόσοι τής ευλο­ γιά; έναποψύχουσα. La parabole évangélique κατά τας τού ευαγγελίου φωνάς) â laquelle saint Grégoire fait allusion est celle de mauvais riche, Luc., xvi, 19, cc qui justifie les deux termes de l’alternative, ignl purgata ou in rore benedictionis refrigerata. L’exemple sans doute est mal choisi, et prêle à l’accusation d’ongcnismc, mais la doctrine est exacte. Dans V Oratio de mortuis, P. G., t. xlvi, col. 525, après avoir établi, col. 524, que Dieu, voulant con­ server à l’homme sa liberté et cependant enlever de lui le mal du péché, lui laisse le choix entre sc purifier dès la vie présente par les prières ct la pratique de la xcrlu, ou expier après la mort, dans la fournaise du feu purificateur, δια τής τού καθαρσίου πυρδς χωνεία;, saint Grégoire explique comment le pécheur pourra, même sans avoir satisfait ici-bas pour ses péchés, entrer au ciel : άλλως μετά ταΰτα βουλεύσεται πρδς τδ κρείττον, μετά την έκ τού σώματος έξοδον γνούς τής αρετή τδ προς τήν κακίαν διάφορον, έν τώ μή δύνασύαι μετασχεΐν της ύειότητος, μή τού καθαρσίου πυρδς τδν έμμιχΟέντα τή ψυχή £ύπον άποκαθήραντος. Saint Grégoire de Nazianze oppose, Orat., xl, in sanctum baptisma, n. 36, P. G., t. xxxvi, col. 411, le feu de l’enfer, vengeur, non puri liant, au feu puri­ ficateur, feu métaphorique évidemment, que le Christ, qui est appelé lui-même mystiquement un feu, est venu affirmer sur la terre. Mais Grégoire de Nazianze ne nie pas pour autant la réalité d’un feu purificateur après cette vie, feu qu'il appelle τελευταιον βάπτισμα, cl qui ressemble bien, pour les pécheurs, au feu du purgatoire. Τυχδν έκεΓ τώ πυρί βαπτισΟησονται, τώ τελευταίω βαπτισματι, τώ ίπιπονωτέρω τε καί μακροτϊρω, δ έσΟιει ώς χόρτον την ύλην, καί βακανά πάσης κακίας κου­ φότητα. Cf. Orat., ni, ad eos qui ipsum acciverant nec occurrerant, où l’auteur entend I Cor., m, 13-15, d’ui feu purificateur de nos actions. P. G., t. xxxvi,col.524. Nous omettons les deux textes attribués il Théodoret, l’un par saint Thomas d'Aquin, Opuscul., I, c. lxix, l’autre par de Gagnée dans scs scholies des Pères grecs, et reproduit' par Nicolaï dans ,os annotations à la Somme théologique, III· Suppl., Appendice, De purgatorio, q. n, a. 6. Ces deux textes, introu­ vables dans les œuvres de l’évêquc de Cyr, semblent apocryphes. Voir la note dans P. G., t. lxxxiv, col. 445. 2255 FEU DU PURGATOIRE Au v· siècle, saint Isidore dc Pélusc exhorte le pécheur à considérer où le mène son inconstance, Epist,, I. I, epist- cccl, Lampctio, P. G,, t. lxxviii, col. 381 : *Ορα τοίνυν ότι πυρ έχει τελευτήν το άΰεδαιον, τ, xafo'pov, η tic τέλος έχχαίον. Dans la deuxième moitié du v® siècle, Basile dc Séieude exhorte les pécheurs Λ détester leurs fautes, à l'exemple dc David repentant, ne maneamus, dum ab igne curemur, μη ιαίνωμεν όεραπευΟήναι πυρί. Orat., xviit, in Davidem, P, G., t. lxxxv, coi. 225. Au ix® siècle, Théodore Graptus, Oratio de dor­ mientibus, s’exprime ainsi: Tertium testimonium erat: • ipse vero salvabitur tanquam per ignem; » et dicebant: Ecce hic est salus condemnatorum ; in hoc dicit : illud, SALVABITUR, aut inteUigilur dc condemnatis qui sal­ vantur, hoc est, remanent salvi ct integri inter flammas illas adimas; aut inteUigilur dc illis qui spem salutis possident, quemadmodum el Gregorius Nyssenus dictum illud interpretatus est; licet nonnulli illum calumniati sunt tanquam Origeniani dogmatis asseclam. Cc court fragment, que Grégoire, hiéromome de Chios (xvi® siècle), a sauvé dc l’oubli en l’inter­ calant dans sa Synopsis dogmatum, Bibl. Vatic,, n. 337, et qui est surtout connu parce qu’zMlatius, op, cit., dans Migne, loc, cit., col. 425, n’a eu garde de l’omettre, témoigne dc la distinction très nette que faisaient, au ix® siècle, les théologiens grecs entre le feu réel temporaire, celui admis par saint Basile, saint Grégoire dc Nyssc, saint Grégoire de Nazianze, ct le feu étemel dc l’enfer. Admettre le premier n’est point, pour autant, tomber dans l’origénisme. Enfin, au x® siècle, Œcumcnius, dans son com­ mentaire dc la I,f aux Corinthiens, laisse entendre clairement qu'il s’agit ici d’un îcu purilicateur destiné à enlever les souillures du péché, dont Dieu seul est parfaitement exempt, P. G., t. cxvin, col. 676 : ΣωΟησεται δι γε έπωδυνως και αυτός, ώς εικός τόν δια πυράς Γαριόντα, καί ικκαΟαιρόμχνον τόν ένόντα αύτώ βραχύν ρύπον. θεού γάρ μόνου, τό τελέως αναμάρτηταν. Sans doute, ccs textes ne sont ni assez nombreux, ni, dans l’ensemble, assez explicites pour former une tradition irréfragable dans ΓÉglise grecque. Mais ils sont suffisante pour démontrer l’inanité des affirmations dc Marc d’Éphèse ct des auteurs du libelle dit dc Barlaani, ct la légitimité dc la croyance latine. 2. Après le schisme, la doctrine catholique du purgatoire garde de nombreux représentants chez les grecs, ct quelques-uns même professent encore la croyance au feu purilicateur. Tandis que Nil Cabasdas, Gennade, Maxime Planudes, Simeon dc Thetsalonlque ct d’autres favorisent, au xiv® siècle, la division des grecs et des latins, d’autres, comme Manuel Calécas (f 1410), essaient dc toutes leurs forces dc ramener la concorde et l’union. Aussi, dans U question du purgatoire, ce théologien s’attache à faire ressortir la vérité de la doctrine des latins. Voici un passage significatif de l’ouvrage Adversus Gnecos, 1. IV, De ignt purgatorio, dont le texte grec se trouve à la bibliothèque royale de Munich, cod. gr., et a été publié en partie par V. Loch, op. cit., p. 34-42; d. P. G., L cui, col. 227, 235 : ’Ov δη *όπον πυρ ειναί φασιν, ούκ έχεϊνο τό πυρ. όπερ πρό πρασώπου Χριστού έν τή έπιφανεία, ώς ό Δανιήλ φησίν, Γ/κιται, *αί όπύρ Γείννης ή γραφή κα)εΧ, τοίς γάρ έν τούτω καταχρόείσιν, οΰκ ίστιν άνάδυσις, άλλ’ ετερον, ό Καθαρ­ τήριον διά τηνκάΟαρσιν όνομαζεται, κα\ τό αθάπιρ έ» χ«τ»Βντηρέω τού είσελύόντας καΟαίρεσΟαι, καί τούτο πτό τής τελευταίας κοίσεως... Loch, ρ. 37. Et Manuel Calecas donne, quelques pages plus loin, son avis sur le (eu du purgatoire, avis motivé par l’inter­ prétation de I Cor., m : Καίτοι γε cl τό τής Γεέννης 2250 πϋρ ενταύθα βούλεται λέγειν, πώς δυνατόν έν αύτώ σωτη­ ρίας έπιτνχοντα σωΟήναι* ού γάρ έστι σωτηρίας τυχεΓν έν τούτο» γενόμενονώς οι δήλον περί τού πυράς τού καΟαίροντος, χαι δοκιμάζοντος ώσπερ χρυσόν έν χωνευτηρίω τούς εισώντας είναι τάν λόγον αύτώ* το γάρ της Γεέννης πυρ ούτε χαΟαριεΙ τινάς, ούτί δοκιμάσει. Et δέ τις των Αγίων· τόσωΰήσεται ώς διά πυ ρ ό ς, τουτέστιν έν τώ πυρί μεν et, έςηγήσατο, ούδεν εναντίον* τό γάρ καΟαιρόμενον καί δοκιμαζόμενο·/ όπωσούν έν τώ καΟαίροντι μείναι δεί, Γνα την κιδδηλίαν άπόΟηται* καί άμα τό διά πυράς είρήσΰαι, τό λεγόμενον έπιδεβαιοί* ή μέν γάρ Διά, δίοδον τινα καί κίνησιν έμφαίνει. Τάν δέ άπαξ έν τω πυρι της Γιέννης εισελ&οντα μενειν αεί δΐΐ. Loch, ρ. 41. Et c’est ainsi que l’interprétation dc saint Jean Chrysostomc ne s’oppose nullement à la doctrine du feu purificateur, ct que ni saint Basile, ni saint Grégoire de Nyssc, en soutenant celle doctrine, ne sont tombés dans l’origénismc. Quel latin a défendu jamais aussi clairement le dogme du purgatoire et l’opinion du feu purificateur? Cette mentalité latine, plusieurs théologiens grecs la retrouvèrent â l’occasion du concile dc Florence. Le patriarche Grégoire sur­ nommé Mammas (f 1459), partisan de l’union, réfuta les sophismes dc Marc d’Éphèse. Dans son Apologie Contra Ephesii confessionem, P.G., t. clx, col. 189, il dit expressément : Cœterum cos etiam qui in hue vita non satisfecerunt, ignis cruciatum ante communem resurrectionem pali (ότι και έν πυρί κολάζονται πρό τής κοινής άναστασεως) probabimus ex narratione Patrum. Nous possédons également la Defensio quinque capi­ tum synodi Florcnlinæ, attribuée à Gennade(Georges) Scholarius, mais en réalité dc Joseph de Méthone, P. G,, t. eux; l’auteur appuie, col. 1260-1261, la doctrine du feu purificateur sur I Cor., ni, 13-15, ct confirme son explication par l’autorité de saint Basile. Sa pensée n’est pas toujours très nette ct Laisse percevoir parfois une interprétation métapho­ rique, mais elle ne laisse pas, en somme, que d’être très favorable â l’opinion des latins. Cf. col. 1227 sq., 1265 sq. Mais â mesure que les bons cfïcts dc l’union pro­ clamée â Florence disparaissent, disparaissent aussi les témoignages en faveur du feu purificateur. Au xvi® siècle, Gabriel Severos, métropolite dc Phila­ delphie, dont Richard Simon a traduit en latin bon nombre d’ouvrages, Fides Ecclcsiæ orientalis, Paris, 1671, a cependant encore, malgré scs attaques contre le dogme du purgatoire des latins, une affirmation favorable ct qui nous est fort utile pour juger de la mentalité grecque par rapport au feu » de l’autre vie. Dans son traité, Contra quinque concilii Florentini capita, Londres, 1624, c. iv, Dc purgatorio, il repousse la conception latine du purgatoire, bien distinct du paradis et de l’cnfcr; il n’y a pour lui qu’un endroit où les Ames soient châtiées, c’est l’cnfcr; mais cc lieu renferme divers genres ct divers degrés dc supplices, le feu éternel, les ténèbres extérieures, les grincements de dents, le ver rongeur qui ne meurt point, etc. A ces tourments sont vouées les âmes péclieresscs, les âmes non seulement des impies ct des hérétiques, mais encore des chrétiens qui n'ont pas [ail pénitence sur terre ct qui cependant sc nour­ rissent de. T espérance d'être délivrées de leurs tourments, grâce au sacrifice de la messe, aux aumônes et aux prières que l'on fait pour eux. Il ne faut pas appeler ccs lieux « purgatoire . pour ne pas paraître accepter de Platon (Phédon) la doctrine dc la < purification · des âmes, mais « beux satisfactoircs ». Otto dis­ tinction entre la satisfaction qui a pour but unique d’apaiser Dieu ct de le rendre propice, ct la purifi­ cation dc l’âme, est encore un aspect de la doctrine des grecs, ct sera approfondie à Part. Puhoatoihe; ‘ elle ne saurait constituer, au moins dans la forme 2257 FEU DU PUKGATOIKE que hH a donnée Gabriel Severos, une divergence doctrinale avec les conceptions catholiques; saint Thomas d’Aquin, on le sait, n'admet, dans les âmes du purgatoire, la possibilité d'aucun péché véniel, voir Péché; le châtiment est donc tout d’expiation ct de satisfaction, et ne ■ purifie » l’âme que du reatus parue. Bien qu’il n’admette pas d’autre lieu dc souffrance que l’cnfcr ct qu'il rejette le purgatoire, ou plutôt parce qu’il admet, dans l’enfer, un lieu d'expiation pour les justes, Gabriel Severos acceptera la peine du feu : Άρίσκει μοι όμως καί ή γνώμη τινών διδασκάλων τής δυτικής Εκκλησίας ο ϊινες λεγουσιν, ότι το πύρ το αΙώνιον είναι εκείνο εις το όποιον πηγένουσιν αί ψυχαί και τιμωρούνται προς καιρόν’ το όποιον όσον εις την αύτοΟ φύσιν είναι αιώνιον, ούτω υπό τού θεού κτισΟέν, ζλήν λέγεται καί πρόσκαιρο·/, ου κατά την φύσιν του, άλλα διά τάς ψυχας έκεινας, al όποίαι λυτρώνονται απ’ έκείόεν διά δε τάς ψυχας των αιωνίως εκεί κολαζομίνων λέγεται αιώνιον, κα\ παντοτινόν. Loch, op. cil., ρ. 122; trad. laL d'Allatius dans Migne, op. cil., col. 426. Cf. Le Quicn, diss. V, P. G., t. xerv, col. 360. Il est évident que l'auteur a en vue la doctrine de saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXI, q. i, a. 1, q. h : locus purga­ torii est locus inferior inferno conjunctus, ita quod idem ignis sit qui damnatos cruciat in inferno, et qui justos in purgatorio purgat..., ct ad la“ : ignis purgatorius est aternus quantum ad suam substantiam, sed tempo­ ralis quantum ad effectum purgationis. Nous avons tenu à exposer assez longuement l’opi­ nion du métropolite de Philadelphie, parce qu'elle nous fait faire un progrès dans l'intelligence de la doctrine grecque, relative à l’état des âmes, après la mort ct avant le jugement dernier. Les âmes ne sont pas dans un lieu distinct dc l’cnfcr; donc il n’y a pas de purgatoire ct dc feu purificateur; mais elles vont en enfer, ct lù, certaines d’entre elles du moins peuvent subir temporairement les atteintes du feu éternel· Dc telle sorte qu'en réalité, tout en niant le feu, on l'accepte, tout comme en s’insurgeant contre le mot de purgatoire, on admet la chose. On exami­ nera à l’art. Purgatoire le détail dc cette doctrine, qu’on retrouve nettement affirmée dans Joseph Bryennios (xiv'-xv· siècle), Orat., n, dc futuro judicio et bcalitudinc, Opera, Leipzig. 1768-17X1, lequel représente les âmes coupables, que le jugement doit épargner, en compagnie des démons dont les yeux lancent du feu, ct donl l'halcine csl de feu, πύο πνέοντες, π6ρ βλέποντες. Le séjour des âmes en enfer, en compagnie des démons qui les tourmentent, est encore admis par Siméon dc Thcssalonique, Responsa ad Gabrielcm Pentcpolitaniim, loc. cit., P. G., t. clv, col. 841, et, moins la compagnie des démons, par Zacarias Gerganos, dans sa Χριστιανική κατηχησις, Wittenberg, 1G22, par le synode dc Jérusalem dc 1672, c. xvm, Hardouin, Collectio concil., t. xi, col. 255,ct par l)osilhéc,dans sa profession dc foi. Kimmel, op. cit., p. 463-464. Cf. Perpétuité dc la foi, Migne, t. m, col. 1133-1134; Dyovouniotis, op. cit., p. 71. Or, on sait, par Macairc, Théologie orthodoxe, traduite par un Russe, t. n, p. 697 sq., que le feu de l'enfer est admis par tous les orthodoxes qui se contentent d’ac­ cepter, sans les discuter, les affirmations des textes évangéliques relatifs â cc genre de peine. Mais il ne faut pas mer cependant que tous les auteurs contem­ porains, comme Maenirc, op. cil., t. n. p. 727, tout en admettant la réalitéd’unc peine ultra-ter res Ire, refusent à cctle peine un caractère satisfacloirc; d'autres, comme Androutsos, Δογματική τής όρΟοδοξου ανατολικής έκκλησή , Athènes. 1907, ρ. 408 sq., nient l'existence dc toute peine ultra-terrestre. D’autre part, la liturgie grecque, voir Allaitas, op. cit., col. 425, 441, emploie Λ l’égard des défunts des formules analogues 5 celles de la liturgie latine : 2258 Eripe a b Igne horrendo..., libera ab igne gehennæ..., ab igne aderno·, cf. les prières latines : Ribera me, Domine, de morte icterna; Domine Jesu Christ/..., libéra animas... de. panis inferni et de profundo lacu. Or, hi l’Églisc latine ni l’Églisc grecque n’entendent prier pour les véritables damnes condamnés à l’enfer étemel. Faut-Π en conclure que cc feu dc la géhenne, cc feu éternel n’est autre que le feu du purgatoire, auquel, par une vue rétrospective, on applique des qualifications qui ne lui appartiennent pas? Voir Allatius, loc. cil. C'est ce qu'explique le théologien grec catholique Mathieu Caryophylles, dans sa réfu­ tation des blasphèmes de Zacarias Gerganos, ’Έλεγ­ χος τής ψ<υδο χριστιανικής ζατνχήσεως Ζ αχαρ ίου τού Γεργανού από την *Αρτνν, Borne, 1631, bîasph. 47. Voir aussi Perpétuité dc. la foi, Migne, L m. col. 1135. Nous laisserons présentement de côté l'argument tiré de la liturgie, car les textes concernent surtout l'efficacité dc la prière pour les morts ct auront leur place normale à l’art. Purgatoire. Ce que nous avons dit est suffisant pour démontrer que la croyance au feu du purgatoire n’est nullement contredite, en réalité, par les doctrines dc l’Églisc grecque : il semble, au contraire, qu’elle trouve dans bon nombre d’expressions tirées des auteurs ecclésiastiques grecs, même schismatiques, un solide point d’appui; ct ceux qui refusent de souscrire au feu des latins n’opposent cc refus que par crainte de tomber dans l’erreur d’Origène; c’est cc que declare péremptoire­ ment Manuel le Bhcleur, disciple dc Marc d’Éphèse; il affirme que καθαρτήριον πύρ o Le' 0/ως ύπ άρχει μετά θάνατον, και την ένθένδε απαλλαγήν καί άποοιωσιν : Τούτο γάρ τής τού ΰριγένους αίρίσεως έστ’.ν αποκύημα. Refuta­ tio decem capitum, bibliothèque Vaticane, Cod. grace., 1447, p. 277. Il y a donc, de leur part, erreur d’uppréciation touchant notre feu du purgatoire, mais non opposition doctrinale absolue. 3° La tradition latine. — La doctrine du feu du purgatoire sc trouve implicitement affirmée par les Pères qui ont admis la réalité du feu du jugement, voir col. 221'2; Tcrlullicn parle en général des peines du purgatoire, mais n’en precise pas la nature, voir A. d'Alès, La théologie de Tcrlullicn, Paris, 1905, p. 133-134; saint Cyprion, au contraire, connaît déjà le feu purificateur : Ahud est ad neniam stare, aliud ad gloriam pervenire, aliud missum in carcerem non exire inde donec solvat novissimum quadrantem... pro peccatis longo dolore cruciatum emundari ct rvn 't.\ni diu u;\E. Epist., x, ad Antonianum, P. L., t. m, coi. 786. Mais, à pari saint Cypricn cl peut-être saint Jérôme, In Is., 1. XV H1, c. lxxi, P. L., t. xxiv, col. 677-678, les Pères latins,Jusqu'à saint August’n, identifient encore le feu du purgatoire et le feu du jugement. On sait qu’ils admettent d’ailleurs le dogme du purgatoire, puisqu’ils prêchent la nécessité de prier cl de satisfaire pour les morts. Voir Puroatoîiii:. C’est saint Augustin qui le premier a formulé nettement l'hypothèse du feu purificateur distinct du feu du jugement denner, et qui île cette manière n explicite une doctrine Jusqu’alors implicitement admise. Tant qu’il avait partage l’illusion du millé­ narisme, saint Augustin expliquait I Cor., ni, 13-15, du feu du jugement. In ps. v/, n. 3; .r.v/.i, n. 9; ΛΧΛΐ//, n. 3, P. L., t. xxxvi, col. 92, 222, 397; cf. In ps. rm, serai, ut, n. 5, P. L., t. xxxvu, col. 1363; cette explication, incluant l'hypothèse dc la purifi­ cation par le feu, reste donc encore une première affirmation implicite du feu du purgatoire. Mais plus tard, saint Augustin affirme très nettement la purifi­ cation des âmes, après celle vie, par le feu, quoiqu'il ne présenté pas celte doctrine comme absolument certaine : .S7 hoc temporis intervallo spiritus defunctorum ejusmodi ignis dicuntur perpeti..., non redarguo quia 2259 FEU DU PURGATOIRE 2260 forsitan oerum est. De civitate Dei, L XXL c. xxvi, l appartient en propre aux peines temporelles dc n. 4, P, L., t. xu, col. 745. Commentant le texte dc l’autre vie : dicendum quod in/ernus non est nisi ad saint Paul, il dit encore : Tale aliquid etiam post puniendum, ct ideo omnia qua: puniunt ibi congregantur hanc vitam fieri incredibile non est... nonnullos fideles sicut calidum, frigidum ct hujusmodi. Sed purgatorius per IGXEM quemdam runGAToniUM... tardius ciliuSque I est ad emendandum et purgandum et ideo non potest salvari. Enchiridion, c. lxix, P. L., t. xl, coi. 265. I nominari nisi tali nomine punientis, quod habet vim Ci. Dc Genesi contra manichæos, 1. II, c. xx, n. 30, purgativam et consumptivum ; ct hoc esl calidum ignis, ct P. L., Lxxxiv, coi. 212; Dc odo Dulcitll quaestionibus, ideo tantum nominatur nomine illius; frigidum enim etsi punit, tamen non purgat, quia non habet vim n. 13, P. L., I. xl, coi. 156. La voie est désormais tracée : la tradition Latine consumptivam; S. Thomas d'Aquin, q. i, a. 1; cf. semblera identifier le purgatoire et le feu du purga- Sum. theol., III» Suppl., in appendice (quelques toirc, l'existence dc la peine et la nature dc La peine. éditions donnent les articles du purgatoire immédiateAussi, pour ne point diviser inutilement l’argument ment apres ia q. lxx); Durand de Saint-Pourçaliu dc la tradition qui sc présente chez presque tous les cf. dist. XLV, q. i; Richard de Middletown, q. i: auteurs sous le même aspect, voir Purgatoire, nous Scot, q. i; cf. dist. XLVII, q. u; dist. XLIV, q. n. nous contentons d’indiquer ici la longue liste des Voir Alexandre dc Halés, Sum. theolog., part IV, q. xv, principaux textes où, du ve au xme siècle, le feu du m. m, a. 4, où la question du feu matériel est net to purgatoire est explicitement affirmé : S. Grégoire ment résolue ct résolue par l'affirmative, commo le Grand, Dial., L IV, c. xxxix, lv, P. L., t lxxvii, pour le feu dc l’enfer. col. 397-400, 521; cf. In / Reg., c. in, 26; In ps. Tous ces auteurs identifient tellement le feu du ρ.τηίΐ.,ϊ, 1, 2, P. L·, t. lxxix, col. 123, 553; Taïo, purgatoire ct Je purgatoire lui-même, que, lorsque évêque de Saragosse, Sent., 1. V, c. xxî, P. L., t. lxxx, le concile de Florence arrivera, il faudra toute i’oppocoL 975; S. Isidore de Séville, De ordine creaturarum, sitlon des grecs pour empêcher la définition du c. xiv, P. L., t. Lxxxin, col. 947; S. Boniface, évêque purgatoire par le feu ; chez les latins, purgatorius de Mayence, Epist., xx, P. L., t. lxxxix, col. 716-717; ignis équivaut à purgatoire. Depuis le concile dc S. Julien dc Tolède, Prognosticon, I. II, c. xx sq., Florence, les latins ont toujours persévéré dans leur P. L., t. xevi, col. 183; Alcuin, Dogmatica, De fide doctrine, ct les grands théologiens parlent couramS. Trinitatis, I. Ill, c. xxî, P. L., L a, col. 53; Kaban ment du feu du purgatoire comme d’une chose .Maur, In Matth., L I, c. in, P. L., t. cvn, col. 773; indubitable. Voir Grégoire de Valence, In III*· In Epist. I ad Cor., P.L., t. exil, col.36-37; Haymond Sum. S. Thomæ, Venise, 1608, disp. XI, q. i, p. i, n ; d’Halberstadt, De varietate librorum, I. Ill, c. ι, π, Vasquez, In /·■ II* Sum. S. Thomæ, Venise, 1608, P. L·, t. cxvin, col. 933, 931; cf. In Is., I. Ill, c. disp. CXLVII, c. i; Lessius, De perfectionibus divinis, Lxvi, P. L., t. cxvi, col. 1081; S. Paschase Hadbert, L XIII, c. xvn; Suarez, In III^ partem Sum. In Malih., I. II, c. m, P. L., t. exx, col. 165; Rend S. Thonue,Dc sacramentis, part II, disp. XLVI, sect, i; d’Auxerre, Enarr. in ps. xxxvn, P. L., t. cxxxi, Bellarmin, Controversiae, III, Dc purgatorio, 1. II, coL 341; Ratifier, Serm., n, de Quadragesima, n. 22, c. xi; Estius, loc. cit. Mais on sc gardera désonnais, P. L., t. cxxxvi, col. 702; Burchard de Worms, à cause dc l’autorité du concile de Florence, dc Decret., L XX, c. lxviii, P. L., t. cxl, coL 10-12; condamner théologiquement l'opinion des grecs. Gérard, évêque dc Cambrai, Acta synodi Atrebat., m. Conclusion. — Notre conclusion sera celle ix, P. L., t. cxLif, col. 1299; S. Pierre Damien, de Suarez et dc Bellarmin. Bellarmin, loc. eit., conclut Serm., Lvni, ux, P. L·., t. lxi.iv, col. 831-832, 837- que l'opinion qui admet un feu réel au purgatoire 838; Otlilon, Visio, xiv, xx, P. L., t. cxlvi, col. doit être qualifiée sententia probabilissima, ct cc 368, 380; S. Bruno, In Epist. 1 ad Cor., c. in, P. L., pour cinq principales raisons : 1° consentement des t. cun. col. 138-140; cf. In ps. iux, cxvnt, P. L., scolastiques en la matière; 2° autorité de saint t. cui, coL 854, 1307; S. Bruno de Segni, In Matth., Grégoire; 3® autorité dc saint Augustin; 4° similitude part. III, c. xii, P. L., t. clxv, col. 180; Rupert de des peines dc l’enfer; 5® vraisemblance de l’exisDeutz, In Apoc., L XII, c. xxî, P. L., t. clxix, tcnce d’un feu intra-terrestre (volcans, etc.). On col. 1201; Hildebert du Mans, Serm., lxxxv, P. L.. regrette que cc c. xi du 1. II soit peu développé ct t. clxxî, col. 741; Honorius d’Autun, Etucidartum, pour ainsi dire jeté en passant. Suarez a mieux L IIL n. 3, P. L., t. clxxii, col. 1158; Hugues de approfondi la question. Après avoir noté que la Saint-Victor, Dc sacram., I. II, part. XVI, c. iv, v, réalité du feu infernal, sans être définie, s’impose P. L., L CI.XXVI, col. 586-593; le curieux traité du cependant à la croyance catholique, au point que purgatoire dc saint Patrice, voir surtout c. vi, vu, l’opinion contraire doive être considérée comme P. L·, L clxxx, col. 978 sq.; S. Bernard, Serm., xlii, téméraire ct proche dc l’erreur, ce grand théologien Dc quinque regionibus, η. 5, P. L., t. clxxxiii, col. ajoute que tous les auteurs, parlant du feu du pur663; cf. Serm., lxvi, m Cantica, n. 11, ibid., col. 1100; gatoirc, emploient le même langage que pour décrire Robert Pullcvn, Sent., I. IV, c. xxî, xxn, P. L., le feu de 1’enfcr. C’est donc, à leur avis, un feu corporel t. clxxxvi, col. 826; Richard de Saint-Victor, De et véritable. Mais, s’empresse d’ajouter Suarez, il potestate ligandi atque solvendi, c. xxv, P. L., L faut sc garder d’établir une parité dans la certitude exevi, col. 1177-1178; Pierre le Chantre, évêque dc des deux doctrines, ct cela pour deux raisons : l°l’Écriloumai, Verbum abbrevialum, c. cxlvi, P. L., L ccv, turc parle souvent, ct en termes qui ne supportent col. 351; Alain dc Lille, Summa de acte prædicatoria, pas l’interprétation métaphorique, du feu de l'enfer, c. xxxn, P. L., t. ccx, col. 174. tandis qu’il n'y a qu’un texte, I Cor., ni, 13-15, qu’on Avec Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XXI, I puisse rapporter au feu du purgatoire, ct encore I étude du purgatoire et du feu du purgatoire corn- l’interprétation de cc texte n'est pas absolument mence ù trouver sa place logique marquée après certaine; 2® le concile dc Florence n constaté la I étude des indulgences. C’est donc dans leur corn- divergence d'opinion qui existe entre les latins et menlaire sur la disL XXI que la plupart des grands les grecs, et il n’a pas réprouvé l’avis dc ceux-ci. théologiens du xm· siècle affirmeront leur croyance Aussi ccs inotiK nous convainquent pleinement que au (ni reel du purgatoire, voir S. Bonaventure, part. la réalité du feu du purgatoire n’est pas un dogme I. a. 2, q. n, qui conclut à l'existence d’un feu maté- dc foi, ni même une vérité aussi certaine que la réalité ntl, Albert le Grand, a. 4, 5, qui explique d’une du feu dc l’enfer. Donc on ne peut dire que l’opinion raçon runewe comment le nom de ■ feu purificateur · ’ qui nie cette réalité du feu du purgatoire soit digue 2261 FEU DU PURGATOIRE d'une censure grave; il suffit dc dire qu'elle est im­ probable. Et cependant, en conservant a la àôctrinc dcV^Îitins son caractère d’opinion théologique, Suarez essaie de nous en démontrer la certitude. Celle certitude repose sur quatre raisons : 1° consentement unanime des théologiens latins; *2° affirmation una­ nime des Pères latins au concile de Florence; 3° fon­ dement assez probable dans I (.or., ni, 13-15; 4° enfin, révélations et visions particulières. De sacramentis, part. II, disp. XLVI, sect, n, n. 2. Les théologiens qui, comme Catharin, voir Pro verihdc, iv, Mohler, Dienngcr, Klée, etc., admettent le feu métaphorique ou spirituel dans l'enfer, jtenchcnl évidemment vers celle solution pour le leu du purgatoire. Nous n’avons rien à ajouter, à leur sujet, à ce qui a été dit, soit ici soit ù l’art. Feu de l’enteu. On ne peut pas donner Ici In longue liste des auteurs quiont écrit sur le purgatoire Voir PunGAToniE. En se restreignant au feu. il finit sc contenter d’indiquer, faute d'ouvrages écrits spécialement surin matière, quelques traités ou articles d’où l’on pourra extraire les principaux éléments de la question. I· Sur la doctrine des grecs comparée â celle des latins, Mansi, Conci/., t xxxi, xxxvm, /oc. cit , cl les différents historiens du concile de Florence, en particulier Syropulos, Vera historia unionis non verœ inter Greecos d Latinos, trad. Grcyghton, La Haye, 1660; Mgr Cccconi, Studi storici sul concilio di Firenze Florence, I860; Le Quien, Dissertationes damascenic», diss. V. dans P G., t. xciv; Arcudfat, De purgatorio igne adversus Darlaam, home, 1637; Alfalfas, De utriusjyic Eccles i» occidentalis atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio consensione, dans Mlgnc, Theologi» rursus completus, Paris, 1811, t xvm; Perpétuité de la /oi, edit Mlgne, t. m, I VIII, c vi-x Mais il faut consulter surtout Valentin Loch, Das Dogma der gricchlschcn Klrche vom Purgatorium, llatlsbonne, 1812. Voir aussi M Jugic, La peine temporelle due au péché (Γaprès les théologiens orthodoxes, dans les Echos d9Orient, novembre 1906. On trouvera quelques bonnes Indications pat ris tiques dans Bclfannin. Dc purgatorio, I I, II; dans Suarez, Dc sacramcnlis, part II, disp XLV!. sect i, ct dans plusieurs auteurs allemands modernes: Fr Schmid, Das Fcg/cuer nach katholische Ixhrc, Brixen, 190l;Baulz, Das Fcgjcuer, Mayence, 1883; dans Tunnel. Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu'au concile de Trente, Paris, s. d., p 191, 363, 185. 187; dans 'fixeront, Histoire des dogmes, Paris. 19091912, I. I, p 303; t II, p. 198 sq., 315 sq . 133 sq.; t. ni, p. 128 sq . ct. pour les trois premiers siècles, dans Atzberger. Geschichte der diristlichcn Eschatologie mncrhalb der vomi* canischen Zett, l'ribourg-en-Brisgau, 1896, p. 190. 358, 105. 501, 536. 605. 2· Sur le feu du purgatoire dans 1 Cor , m. 13-15, Suarez, /oc cil.; Bellarmin, De purgatorio, I I,c v;l Il.c i;Estlus, Comment. in S Pauli epistolas, Douai. 1612; In IV Sent, I IV. dist XXL § 1. et les autres théologiens cités au cours dc l'article; J Corluy, Spicilegium dogmatico bibliciim, Gand. 1881, t. ι, p 269-277; Comely, Commentarius in S. Pauli epistolas. Pans. 1890, I. n; F. Prnt. La théologie dc saint Paul, Paris, 1908, t i, note G 3· Sur 1rs visions et révélations du feu du purgatoire, sainte Catherine de Gênes, Traité du purgatoire*, voir P. Ixvhnrr, O SB, Le ben und Schri/tcn der hl. Katharina iwi Genua, Balisbonnc. 1859; Louvet, Ix purgatoire d'après les réflations des saints, Paris, 1883. c ut A. Michel. 4. FEU François, théologien, né Λ Massine, en Auvergne, en 1633, mort ù Bouen le 26 décembre 1699. Docteur en théologie le 15 février 1667, il fut le précepteur dc Jacques-Nicolas oll»crt, puis son grand-vicaire quand ce dernier devint coadjuteur, puis archevêque de Boucn. En 1686, il fut nommé curé de Sain I-Gervais. 11 a laissé : Theologici tractatus ex sacris codicibus el sanctorum Pntrum monumentis excerp//,2in-1°, Paris, 1692-1695: ouvrage demeuré inachevé; deux autres volumes devaient traiter des sacrements. Moréri, Dictionnaire historique, 1759, t v. p 122; Journal des savants, t xx, p 716; t. xxm, p 55; Hurler, Nomen­ clator, 1910, t. iv, col. 321. B. IlEUHTEniZE. FEUARDENT 2262 FEUARDENT François, frère mineur observant, naquit à Cou tances, au mois dc décembre 1539, d'une famille noble qui portait d’argent a l'aigle éployé de sable membré d becquè d’or Encore enfant, il allait Λ Baycux, ou il commençait scs itudCs sous les auspices ct grâce aux libéralités de l'évêque Charles d’I lumières ct du chanoine Germain du Val : plus tard, il dédiera un dc ses ouvrages à ce dernier en gage de reconnais­ sance pour ses bienfaits continus Le couvent de «aint François l'attirait, il se plaisait avec les cordeliers ct bientôt il demandait son admission chez eux. Vers l'âge de vingt ans, on l'envoya à Paris sc perfectionner dans la philosophie, puis il revenait en Normandie, était ordonné prêtre ct sc consacrait â la prédication (1561). Meaux, Chartres, Tours, Mantes, Laon, Soissons, Amiens, Beauvais, Péronnc, Seniis, Nantes l’en­ tendront au cours dc sa longue carrière, sans parler dc la capitale cl de beaucoup dc villes dc Normandie, il prêcha £même en Dauphiné, en lorraine ct dans les Flandres. Scs supérieurs, toutefois, voulant pro­ filer dc scs heureuses dispositions, l'avaient renvoyé ά Pans où il était reçu docteur en théologie, le 5 mai 1576. Celle même année, notre cordelier publiait son premier volume ct jusqu’à sa mort il ne cessa plus d’écrire, occupant ses loisirs entre scs leçons ct scs prédications ά étudier les manuscrits, compulser les livres, prendre des notes. Écriture sainte, patrologic, théologie, histoire, son esprit absorbe tous les sujets, mais H fait converger principalement scs études à découvrir ct démasquer les hérésies, à · rembarrer les hérétiques » comme il écrit sur le titre d’un de scs ouvrages. Fcuardcnt, aucun autre nom ne lui pouvait mieux convenir, avait hérité de scs ancêtres un esprit batailleur, il était sans cesse en guerre contre les cal­ vinistes qui ne lui répondaient pas assez à son gré. S’il était revenu à Baycux après son doctorat, il retourna ensuite ù Pans comme professeur ct il était gardien du grand couvent des cordeliers à l'époque de la Ligue. Son humeur combative le destinait à jouer un rôle actif dans co mouvement politico-religieux,ct l’Estoile, dans son Journal, nous lo dépeint comme un des plus fougueux prédicateurs du parti des Seize. Il nous a mémo conservé quelques échantillons de ses diatribes contre le Béarnais. 11 dispaïut de la scène au moment do l'abjuration d'Henri 1\ (juillet 1593). Une maladie, arrivée très ù propos, l’avait obligé ù se rendre aux eaux dc Spa; de là, exilé volontaire, dit-il, il alla passer sept mois en Lorraine, puis il se fixa à Cologne où, avec son compagnon, il avait trouvé asile chez ses frères en religion (1594-1596). L’année suivante, il rentrait en France ct se relirait dans son cher couvent do Baycux qu'il se plaisait ù entretenir, consacrant les ressources que lui procuraient scs pré­ dications incessantes à le restaurer cl à enrichir sa bibliothèque. Le cardinal d’Ossat ayant été nommé évêque de Bas eux, Fcuardcnt lui fut chaudement recommandé: il lui dédia un de ses derniers ouvrages, la Theomachia calvintstica, ct tout fait croire que c’est lui qui le présenta au roi ct lui fit obtenir une pension. Si, à soixante-quatre ans, notre cordelier jouissait d’une sauté parfaite, s’il no faisait pas encore usage do lunettes ct avait conservé toutes scs dents, il ne tarda pas Λ ressentir quelque fatigue, comme il avoue quo cela lui arriva après les prédications du carême dc 1606 Le P. Augustin Superbi écrit qu’il mourut l’année suivante à Paris, bien que Wadding ct beau­ coup d’autres prolongent sa vie jusqu’au 1er janvier 1610 Les ouvrages du P. Fcuardcnt ont été loués sans mesure par les uns, ils ont été moins appréciés par d’autres; scs traités dc polémique sont remplis do violence, comme cela était trop fréquent alors; sa poursuite des hérétiques est fastidieuse ct scs livres. 2263 FEUARDENT 2264 bien qu’ils attestent chez leur auteur une science ordinaria... ct postilla Nicolai Lyranl, cjui parut ά incontestable, sont aujourd'hui tombés dans l’oubli. Paris el Lyon, 1589-1590, 7 In-fol. C’est lui qui signait Scs éditions dos saints Pères sont sans conteste le la préface adressée à Sixto-Quint. A cette occasion, il lit paraître un petit traite De sacrorum Bibliorum meilleur de son œuvre. Voici une liste sommaire, autorilate, veritate, utilitate, obscuritate ac interpre­ complète cependant,de scs publications : Bcati Hildcphonsi, archiepiscopi Toletani de virginitate S. Mariæ tandi ratione,... in Glossam ordinariam nuper editam, in-4°, Paris, 1589. Avec les mêmes collaborateurs il liber, manuscript! cujusdam veteris codicis collatione auctus et emendatus Ejusdem authoris liber contra cos rééditait, on 1589, la Bibliotheca veterum Patrum de gut disputant de perpetua virginitate S, Mariæ et de La Bigne, Paris, 1589. La période agitée do la Ligue ejus parturi(ione. item sermones duodecim in præclarrêta scs publications qu’il reprit ù Cologne où il puis ejusdem B. Mariæ feriis... nunc autem primum î édita ses commentaires In librum Esther; In Jonam in lucem emissi, in-8·, Paris, 1576. Le vieux manu­ prophetam; In B. Judiv Epistolam catholicam, 3 in-8·, scrit, dont parle Fcuardent, avait été apporté d’Espa­ 1595. En passant à large, alors qu’il so rendait ù Spa, gne par un évêque d’Aquitaine et donné par saint il trouva dans la bibliothèque du couvent de son ordre Louis au couvent des cordeliers de Paris. H avait été un manuscrit renfermant le Conflictus Arnobii catho­ retrouvé à Chartres cn 1574 cl lui avait été remis par lici ct Serapionis de Deo trino ct uno, qu’il publiait ù un de scs confrères. Sur la valeur de cette édition, Cologne cn 1596, ù la suite do sa nouvelle édition du reproduite dans la Bibliotheca Patrum de La Bigno, saint Irénée. De retour on France, il donna : Réponses et sur l’authenticité des traités attribués à saint lldcaux doutes d'un hérétique converti, in-8®, Paris, 1597. fonso, voir P. £., t. xcvi. S. frenæi Lugdunensis Divi Jacobi Epistola... commentariis explicata, in-8®, episcopi ct martyris adversus Valentini et similium Paris, 1599. Brief examen des prières ecclésiastiques, gnostieorum hicreses libri quinque, in-fol., Paris, 1576; administration des saeremens el catéchisme des calvi­ Cologne, 1596, édition meilleure que la précédente, nistes, in-8®, Paris, 1599. Il on Ht paraître une nou­ reproduite dans la Bibliotheca do La Bigne, moins les velle édition augmentée et encore plus violente, Exa­ notes, publiée do nouveau, Paris, 1639, ct assez estimée men des confessions..., en 1601. réimprimée ù Poi­ de dom René Mnssuet. Cf. P G., t. vu. Michaelis Pselll tiers en 1611. Avertissement aux ministres sur tes dialogus de energia seu operatione dæmonum e grirco erreurs de leur confession de foy, in-8·, Paris, 1599. translatus a P. Morello cum præjationc in qua haereti­ Epistola l divi Petri... commentariis tractata, in-8”, corum cum cacodœmonibus ct magis convenientia descri­ Paris, 1600; l'année suivante, parurent les commen­ bitur, in-8·, Paris, 1577. La préface seule est l’œuvre taires In Epistolam IL Entrcmangcries ministrales, do Fcuardent. Appendix ad libros R. P. Alphons i a c'est-à-dire contradictions, injures, condamnations cl Castro conlra hæreses in 1res libros distributa, quibus exécrations mutuelles des ministres et prédicans de cet quadraginta ab illo vel privtermissœ vel post ejusdem siècle. Responces modestes ct crest te unes aux aphorismes, obitum natæ et deprehensa refelluntur, in-fol., Paris, de J. Brouaiit dit Sainte-Barbe, cl prétendues jalcijï1578. Cet appendice sc trouve à la lin do l’édition cations de ministres anonymes, Caen ut Paris, 1601 ; d’Alphonse de Castro donnée par Sébastien Nivelle. 3· édit., augmentée plus que du moitié, in-8®, Paris, Il avait prié Fcuardent do revoir ccl ouvrage cl do lo 1604. Les textes du psaume placés sur lo frontispice compléter, mais la précipitation de l’imprimeur ne du livre suiïlscnl pour donner une idée de la « modes­ lui permit d’ajouter quo ces quarante erreurs ou pro­ tie » des réponses de Fcuardent : Plusieurs veaux positions hérétiques, rangées sous les lettres A, B, C, m’ont environné cl gras taureaux m’ont assiégé. Plu­ quand il aurait eu encore deux cents additions à sieurs chiens m’ont environné : lo conseil des malins faire. Co nombre se multiplia avec los années suivantes. m’a assiégé. · Antidota adversus impias criminationes Divins opuscules et exercices spirituels de S. Éphrcm quibus antiquissimos ct sapicnlissimos A jricana· mis cn français. Avec un excellent sermon de S. Cyrille Ecclesia? doctores Tertullianum ct S. Cyprianum vexant Alexandrin de l'issue et sortie de Pâme hors les corps laccrantque tutherani et (ulviniani. C’est uno préface humains. Plus une réponse aux lettres ct questions placée par lui cn tête de son édition do la Confessio d'un calviniste touchant l'innocence, virginité, excel­ Tertulliana cl Cyprianiana du chartreux Théodore lence et invocation de la glorieuse Vierge Marte Mère Pctraus, in-8°, Paris, 1603. Dans sa lettre au P. Posde Dieu, in-8·, Paris, 1579, 1583, 1590, 1G02. Liber sevin (Tours, 28 novembre 1602), Fcuardent écri­ Ruth commentariis explicatus, m-8°, Paris, 1582; vait être toujours occupé ù revoir scs Dialogues : Anvers, 1585. C’est le développement de sermons qu’il Dialogos illos adorno quibus 600 errores calvinianos avait précités à la cathédrale de Bayeux. Censura refelluntur. Il préparait alors leur réédition sous lo orientalis Ecclrsiæ de præcipuis nostri sæculi hærctititre do Theomachia calvinistica sedecim libris profli­ corum dogmaltbus, ln-8·, Paris, 1584. Ayant eu entre gata quibus mille et quadringenti hujus seclæ novis­ les mains la traduction latine de cet ouvrage du pa­ sima: errores, quorum magna pars nunc primum c suis triarche de Constantinople, Jérémie, il la trouvait si latebris diligenter excutiuntur ct refelluntur, in-fol , utile pour combattre les hérétiques qu’il la lit rééditer Paris, 1604. Evangel ica planeque divina Christi Dei ct en y ajoutant quelques notes marginales. Sept dia­ Domini ac sanctissimi præcursoris ejus conceptionis ct logues auxquels sont examinez cent soixante et quatorze nativitatis historia septem et viginli hornitits per adven­ erreurs des calvinistes, partie contre la très sainte Tri­ tum explicata, in-8®, Paris, 1605. Beati Job patriarcha·, nité et Unité de Dieu, partie contre chacune des trois propheta· cl martyris historia 25 homiliis per adventum personnes en particulier, In-8·, Paris, 1585. Fcuardent Domini explicata... Adfecla est etiam orthodoxa graréédita ce livre en 1389 sous le litre do Scpmaine pre­ visque censura S. P. Ephrivm de præcipuis fidei Chri­ mière des dialogues, puis il le traduisit en latin, Dialogi stiana* capitibus hoc suculo controversis, in-8”, Paris, 1606 Λ la fin du volume se Irouvo encore une Brevis septem quibus ducenti calvinianorum gravissimi errores assertio cahbatus, adressée à un apostat do Bayeux. periptcue refelluntur et solide con/utuntur, in-8·, Colo­ Dans sa lettre au P Possovin, Fcuardent lui disait gne, 1591. l-a Seconde semaine des dialogues, dans avoir encore d’autres homélies sur divers livres de laquelle il combat 465 erreurs, parut à Paris cn 1592, l’Écriturc cl, pour les fêtes, des commentaires qui 2 In-8· Commentaria in Epistolam D. Pauli ad Philonwnem, in-8·, Paris, 1587. Les années suivantes, j attendaient pour voir le jour, ainsi qu'une édition des Œuvres de Lactance collationnée sur sept manuscrits. Fcuardent s’occupa avec scs collègues de l’université de Pari», Jean D.idre et Jacques de Cuilly, de préparer ' Tout cela demeura inédit. Notre cordchcr avait aussi une nouvelle édition de la Biblia sacra cum glossa 1 publié uno Histoire de ta fondation de l'église et de 2265 FEUARDENT — FEUILLANTS l'abbaye du Mont-Salni- Michel, in-12, Cou tances, 160-1, plusieurs fois réimprimée et traduite en ita­ lien, Naples, 1620. On veut aussi qu’il ait écrit sui les antiquités de H arfleur. Son portrait sc trouvait donc â bon droit dans la bibliothèque du grand couvent des cordeliers de Paris. Lo P. Joan do la 1 laye a conservé le souvenir d’un neveu de notre cordelier, mort de la peste cn 1631, appelé, lui aussi, François Fcuardent; docteur on théologie ct professeur, il laissa des controverses ma­ nuscrites contre les calvinistes et des commentaires sur le l9t livre des Sentences, Posse vin, Λρ/xirafus saccr, Venise, 1606; WaddlngSbaralca, Scriplores ordinis minorum, Home, 1906-1908; Nicéron, .Mémoires pour servir à Chistoire des hommes Illustres, Paris, 1738, t. xxxix, p. 311; Lccuy, dans la .\'oui>r/te biographie universelle, t. xiv, p. 151; Ch. laiblttc, De la démocratie chez les prédicateurs de la Ligue, 2' édit., Paris, 1866; Hurler, Nomenclator, Inspruck, 1907. t. n, col. 414-117. ! P. Édouard d’Alençon. FEUILLANTS. Les feuillants (Fulienses) forment une congrégation de l’ordre de Citeaux, qui eut pour point de départ et maison-mère l’abbaye de cc nom, dans l'ancien diocèse de Hieux (cant. Rieumcs, arr. Muret, Haute-Garonne). Dom Jean dc*la Barrière, abbé commcndataire de celle maison (1565), y intro­ duisit la reforme, après avoir embrassé lui-même la règle cistercienne (1573k 11 exagérait encore les austérités de cet ordre. Des disciples lui vinrent des divers ordres religieux et du monde. Les cisterciens voulurent entraver son œuvre. L’approbation offi­ cielle, donnée en 1586 par le pape Sixte V, mil un terme ù ccs tracasseries. De son côté, le roi Henri III prit ces religieux sous sa ^protection; il leur fit construire un monastère à Paris, dans la rue Saint.ignore (1588). Quelques feuillants, cn particulier U(vn bernard de Montgaillard, surnommé le petit la.fd.ant, prirent ù la Ligue une part très active. Leur influence sur la cour el la société parisienne fut très grande. Les vocations affluèrent cl la con­ grégation put faire des fondations. Sixte V les avait llxés ù Home, d’où ils se propagèrent cn Italie. Les feuillants tinrent leur premier chapitre général cn Italie, en 1592. Ce fut ù celte occasion qu’ils obtinrent du pape Clément VIII de former une congrégation autonome, exempte par conséquent île l’autorité de l'abbé ct du chapitre général de Citeaux et directement soumise au siège apostolique. Le pape les invita Λ rédiger leurs constitutions. Ccs lois, qui devaient les régir, furent approuvées au chapitre de 1595. Clément VIH donna l’ordre de diminuer les austérités excessives pratiquées Jusque-là. Malgré ces adoucissements, celte congrégation passait avec raison pour la plus sévère de l’ordre de Citeaux. Le fondateur, dom Jean de la Barrière, mourut comme un saint, à Home, entre les bras de son ami el protecteur le cardinal d’Ossat (1602). Après lui, les abbés des feuillants furent des religieux de la con­ grégation, élus pour trois ans. Ils remplissaient les fonctions de supérieurs généraux. Le nombre croissant des monastères réformés obligea le pape Urbain V111 à les partager en deux congrégations différentes, ayant chacune son supérieur cl ses chapitres généraux (1630). (’.eux de France formèrent la congrégation de Notre-Dame des feuillants cl ceux d’Italie, celle des Réformés de Sa Int-Bernard, Il y avait dans leurs communautés des religieux de chœur, des convers et des oblats ou donnés. Leurs constitutions furent adoucies vers la tin du xvir siècle. Leurs maisons gardèrent une observance sérieuse jus­ qu’au moment de leur suppression. Celte congrégation n’a etc reconstituée ni en France ni en Italie. 1 | I I 1 22CG Dom Jean de la Barrière fonda un monastère de femmes soumises aux mêmes règles que les hommes, à Montcsqulou de Volvcslre, diocèse de Hieux (1588). Elles prirent le nom de feuillantines. La communauté sc transporta â Toulouse (1599). Sur les instances d'Anne d’Autriche, une colonie de moniales alla s’établir a Paris (1622). Il n’y eut pas d'autres maisons de feuillantines cn France. Dom Jacques de la Rochcmaison fonda à Rome le monastère de SainteSuzanne, pour des religieuses, suivant les mêmes règles. Les monastères d’hommes étaient au nombre de 31 cn France cl de 43 cn Italie. Voici le nom des plus importants : Feuillants, Paris, au· faubourg Saint-Honoré, Micy au diocèse d’Orléans, Saint-Martin de Limoges, Bordeaux, Lyon, Rouen, Le Plessis-Piquet, Soissons, Fontaine-lésDijon, Poitiers, Marseille, etc. Ils eurent deux monas­ tères a Rome, Sainle-Pudcnliennc et Saint-Bernard, près des Thermes de Dioclétien. Cosmc de Médicis ct Catherine de Lorraine les installèrent à Florence cn 1616. Leurs principaux monastères italiens étaient ceux d'Asti, Pignerol, Zenian, Notre-Dame des Toston, Mont-Soractc, Vcrccil, Albario, près de Gênes, Pérouse, Naples, Novalaisc, Nolrc-Damcd’Abondance(Savoie). Les feuillants ont fourni à l'Église deux cardinaux. Bons, voir t. n, col. 952, ct Jean-Marie Gabriclli, qui plaida ù Rome la cause de Fénelon ct des Maximes des saints ct celle de Sfondrate ct de son Nodus praedestinationis, mort cn 1751. Parmi les évêques, on cite dom Charles de Saint-Paul Viallard, premier supérieur général de la congrégation de France, auteur d’une Geografia sacra, sive notitia antiqua dvreesium omnium..., in-4*, Paris, 1641; in-4”, Rome, 1666; éditeur des Mémoires du cardinal de Richelieu, in-fol., Paris, 1640, évêque d’Avranchcs (16-10-1644); Cosme Roger, l’un des plus célèbres prédicateurs de son temps, évêque de Lombez (1622-1711). Parmi les feuillants les plus renommés, il faut citer Bernard de Porcin de Montgaillard (1563-1628), que scs pré­ dications violentes au temps de la Ligue firent surnommer le laquais de la Ligue, obligé de chercher un refuge dans les Pays-Bas après l’avènement d’Henri IV, nommé abbé du monastère d’Orxal, où il Introduisit la réforme; Jean de Saint-François Goulu (1576-1629), supérieur général de sa congré­ gation, exerçant â Paris une grande influence, fort apprécié d’Henri IV, auteur de plusieurs traductions, des Œuvres de saint Denis, 1608, du Manuel d'Épictètr, 1609, des Homélies de saint Basile sur t'Hcxaméron, 1616, etc., qui dut une grande partie de sa célébrité à ses polémiques avec Balzac, Lettres de Phyllarque d Ariste, 2 vol., 1627, où Goulu fait le personnage de Phyllarque; frère Cosme Jean Basheillac (1703-1781), qui, après de fortes études chirurgicales,perfectionna les moyens dont on disposait jusqu’alors pour trailer les maladies de la vessie et la cataracte. Parmi les écrivains de cet ordre, il convient de citer Eustachc de Saint-Paul Asseline (1640), philo­ sophe, théologien ct auteur ascétique; sa Surnma philosophica quadripartita eut plusieurs éditions; Jules Barlalocci de Sainte-AiiastaMc (1613-1687), exégète, auquel on doit une Bibliotheca magna rabbi· nica de scriptoribus ct scriptis hcbruicis,,. digestis, I in-fol., Home, 1675-1691, voir Dictionnaire de ta Bible, l. i, col. 1171; Sanche de Sainte-Catherine Beau ver (f 1629), génénil de sa congrégation, écrivain ascétique; Jean de Sainte-Geneviève Bénird (·}·1678), auteur de La science des saints, Paris, 1668; Jacques de Sainte-Scholastique Bcrthler (·}·1621). prédicateur renommé, à qui des ursulines doivent leurs règles; Luc de Saint-Charles Bertolotl, qui fut deux fois supérieur général à Home el contribua efficacement à la culture des etudes dans sa congrégation; Laurent 2267 FEUILLANTS - de Saint-Pierre Bertrand (fl68I), à qui on doit Cgnosura mysticæ navigationis sancti Francisci SalcsH, in-4*, Lyon, 1667, ct Divi Bernardi abbatis Claravallensis theologia speculativa, 4 in-4 °, Amsterdam, 1675-1678; Jean-Baptiste Borgia, professeur de philo­ sophie, qui s’occupa principalement d’astronomie; Pierre de Saint-Joseph Comagère (1592-1663), qui professa longtemps dans les scolas lients de sa congré­ gation ct qui sc fil connaître par scs publications contre le jansénisme, auteur de Idea philosophiæ rationalis, naturalis, universalis et moralis, in-16, Cologne, 1655; Idea theologia speculativa, sacramen· lalis, moralis, in-fol., Paris, 1612; Théologie du temps examinée selon les régies de la véritable théologie, Paris, 1647; Defensio sancti Augustini adversus Augustinum Iprensem, Paris, 1651, etc.; François de Saint-Nicolas Coqudin (f 1622), supérieur général, poète ct théo­ logien, qui a laissé un Tractatus de avitis dogmatibus, eaterisgue erroribus hcrcticorum omnium a Christo ad nostrum usque œtatem ct un Compendium vilæ d miraculorum sancti Claudii, in-8°, Borne, 1652; Antoine de Saint-Gabriel Desprez (fl 701), prédi­ cateur, traducteur des lettres, semions ct opuscules de saint Bernard, auteur d’une Carte généalogique, chronologique ct historique de la postérité de saint Louis, in-fol., Paris, 1667; Hilaire de Saint-Jean-Baptiste Firal, qui s’est occupé de l’histoire de la Savoie; Pierre de Saint-Bernard de Flottes (f 1666), qui prêcha avec succès dans les principales églises de France, auteur de la Consécration religieuse ou Médilaitons pour les examens spirituels, in-8% Paris, 1623; Sigismond Gastaldi (fl663), auteur de Nobilitas humilis sancti Gonlardi principis Attest ini una cum Attesting jamiliæ genealogia, in-l°, Milan, 1644, ct de plusieurs panégyriques de saints; dom Jérôme de Sainte-Marie Geoffrin (1639-1721), l’un des pré­ dicateurs renommés de celte époque, qui a publié scs Nouveaux sermons, 5 in-12, Liège, 1737; Nicolas de Saint-Vincent Grandin (f 1652), qui a laissé des Animadversiones in universam theologiam scholasticam el philosophicam; Pierre de Saint-Bomuald Gaillebaud (f 1667), qui a laissé manuscrites ses Annales fulicnses, et qui a publié : Hortus epitaphiorum selectorum, in-12, Paris, 1618, 1666; Trésor chronologique cl his­ torique, contenant ce qui s'est passé de plus remarquable et curieux dans Γ État, 3 in-fol., Paris, 1622-1647; 2· édiL,Paris, 1658, ct un Abrégé, 3 in-12, Paris, 1660; Éphémérides ou journal chronologique cl historique, 2 in-12, Paris, 1661; Historiæ Francorum, seu Chronici Ademari epitome, a Faramondo usque ad annum /029, cum continuatione usque ad annum 1652, 2 in-12, Paris, 1652; Martin de Sainte-Marie Inccssin, qui professa longtemps la philosophie ct la théologie, auteur d'un Liber reseratus seu prima Bibliorum elementa, 2 in-8°, Paris, 1673; Tabula generalis Summæ diviThonue omnium ejus tractatuum numerum, ordinem et connexionem indicens, Paris, 1629; Varii ulriusque juris tituli ac rerum indices una cum juris canonici historia, Paris, 1684; CLiude-Nicolas de Salnt-Bcmard Lablonde (f 1666), qui a publié une Théologie des saints Pères, ίη-4·, Paris, 1668, ct un Annus sacer seu epigrammata in singulos anni dies, in-12, Paris; Jacques de Saint-Michel le Gris (f 1672), auteur d une Biblia parva, seu sacrorum Novi Testa· menti librorum omnium analysis catholica ct ccononvm generalia in tabulas digesta, in-fol., Lyon, 1670; rééditée was cc titre : Bibliorum idea generalis illtistrala, 2 in-12, Lyon, 167 i; Pierre le Jeune (f 1656), auteur de la Journée chrétienne, ln-8·, Paris, 1644, et de la Vie de dom Euslache de Saint·Paul, in-8°, Paris; Philippe de Saint-Jenn-Baptistc Mnlabrayla if 1656), l’un des confesseurs de saint François de Sales, dont il a prononcé deux oraisons funèbres. FIANÇAILLES 226« imprimées, in-4°, Paris, 1623; in-12, Turin; une His­ toire de l’image miraculeuse de Notre-Dame de Montréal, in-4°, Paris, 1622; une Vie de saint Bernard, Turin ct Naples, 1634; Chjpctis Astensis civitatis, liber apologeticus de institutione ct juribus regni Italnr, in-4°, Asti ct Lyon, 1656; Charles Mallet, originaire de Turin, où il fut apprécié comme théologien cl prédicateur, mort cn 1658, qui a laissé : Moralis thcologiæ ex veterum el recenliorum theologorum neenon pontificii Cæsarisque juris consultorum thesauris de­ promptum, in-fol., Turin, 1655; De hirrarchia cl jure militantis Ecclcsiæ libri octo, in-fol., Turin, 1660; Jean-François Maynardi, général de son ordre cn Italie (f 1659), qui a laissé des œuvres ascétiques el hagiographiques; Barthélemy de Sainle-Fausle Pirrus (fl630), écrivain ascétique fécond; Jean-Baptiste de Sainte-Anne Pradilloné, qui remplit cn France la fonc­ tion de général à diverses reprises, auteur d’ouvrages historiques sur les origines de sa congrégation; Andre de Saint-Joseph Bossoto (f 1667), théologien ct prédi­ cateur, connu à cause de Le peripclie della Cortc rappresentate nelle vile de javoriti, 3 in-12, Borne, 16521658 ; Axiomata verœ el sacrœ philosophiæ, in-12,Gênes, 1660; Syllabus scriptorum Pedemonti, in-4°, Mondovi, 1667; Pierre de Sainte-Madeleine (f 1668), auteur d’un Traité sur les horloges, in-8°, Paris, 1609; Benoit de Saint-Maur (t 1690), que scs poésies, scs traités de mathématiques ct d'astronomie lirent connaître en Italie, auteur d’un ouvrage sur des sujets très divers; Vincent de Saint-Martial, qui a laissé un Commcnlain de ΓÉpitre aux Hébreux, in-fol., Paris, 1644, ct de l’Épitre à Philémon, Paris, 1617, ct des Annales sacrées, depuis la création jusqu'en 1632, in-fol., Paris, 1654. Morotlus, Cistcrcii reflorescentis seu congregationum cistereio-monasliéarurn B. Μ. V. Fulicnsis In Gallia cl refor­ matorum In Italia chronologica historia, in-fol., Turin. 1690. Constitutiones congregationis B. Μ V Fulicnsis, Borne 1595; Paris, 1634; Privilegia congregationis B. M Fulicn­ sis, Paris, 1628; Hélyot, Histoire des ordres monastiques t. v, p. 401-420; dorn Besse, Abbayes ct prieurés de Γancienne France. Introduction, p. 171-176. J. Besse. FIANÇAILLES. — I. Définition. IL Histoire III. Discipline d’autrefois et d'aujourd'hui. I. Définition. — Les fiançailles sont définies par le pape Nicolas Ier : juturarum nuptiarum promissio, la promesse d’un mariage futur. Ad consulta Bulgaror., c. m, Decret. Gratiani, cans. XXX, q. v, c. 3. C’est à peu près la définition du droit romain : sponsalia sunt mentio ct repromissio nuptiarum juturarum. Digeste, 1. XXIII, tit. i, 1. 1. Gasparri en donne une sem­ blable, mais plus complète encore, sous cette forme : mutua juturi matrimonii promissio. Tractai, canonic, de matrimonio, Paris, 1904, η. 51. Enfin le P. Wernz cn propose une plus détaillée cl plus complète, dans les termes suivants : sponsalia sunt promissio vera, mutua, utrimque acceptata, juturi matrimonii deliberate atque libere jacta signoque sensibili expressa inter per­ sonas determinatas et de jure habiles : une promesse vraie, mutuelle ct acceptée de part cl d’autre d’un futur mariage, faite librement ct avec délibération, exprimée par un signe sensible entre personnes déter­ minées ct non inhabilitées par le droit. Aujourd’hui, après le décret Ne temere, on pcurr.iit préciser encore davantage, ct nous essaierons de le faire dans la suite de cet article. Mais dès maintenant il est permis de signaler qu’entre cette définition de Wernz el celle du pape saint Nicolas la précision difièrent e des tonnes marque une différence des concepts l^ï définition la plus ancienne sc contentait de mettre en valeur l’idée I essentielle qu« les fiançailles sont un engage ment visant l’avcmr plus que le présent, sans entrer dans le détail des conditions requises. 2269 FIANÇAILLES 2270 H. Histoire. — Comme fait, sinon comme institu­ jeune fille ct le pouvoir qu’il avait sur elle : le muntion, les fiançailles sont,pour ainsi dire, de droit natu­ dium; ct l’autre partie s'engageait réciproquement rel. U est bien concevable qu’un engagement aussi à verser la dot convenue ct à recevoir la jeune fille grave que celui du mariage soit préparé par le préli­ chez soi. Nous n’avons pas à exposer ni à dinmer les minaire des fiançailles. Des pourparlers préalables interminables controverses soulevées sur cette ques­ devaient conduire les deux futurs époux ou leurs pa­ tion depuis trente ou quarante ans 11 suffit à notre dessein de constater l’existence de fiançailles comme rents à s’entendre cn vue du mariage futur, el à pro­ préliminaires réguliers du mariage. mettre que cc mariage aurait lieu dans un laps de L'Église, naturellement, pratiqua la législation temps plus ou moms strictement déterminé entre les sociale telle qu’elle la trouva. Mais il est malaisé de parties. Aussi constatons-nous chez les peuples les citer sur ce point, à l’origine, des textes bien expli­ plus divers l’existence des fiançailles. D’autre part, cites. la? texte de saint Ignace, Ad Polgcurp., c. v. les fiançailles n’existant pas pour elles-mêmes, mais n. 2, Funk, Boires aposlolici, Tubinguc, 1901, t i, cn vue du mariage, étant une sorte de cadet du ma­ р. 292, que l’on cite parfois, vise le mariage plutôt que riage, leur législation dépendra en plus d’un point les fiançailles. Plus lard, nous constatons certaine­ de celle du mariage, ct elles seront décidées normale­ ment l’existence des fiançailles reconnues ct sanc­ ment par ceux ù qui appartient la décision première sur le mariage. Dans les sociétés où le patcr/amilias, tionnées par J’Église : le concile d’Elvire (vers 300), can. 5-1, prive de la communion durant trois ans les de quelque nom qu’on le nomme, marie son fils ou sa parents qui enfreignent les promesses des fiançailles fille, c'est lui encore, non le fiancé ou la fiancée, qui des futurs époux. Decret. Gratiani,XXXI, q. m, fait au nom de ceux-ci la promesse de mariage. Il cn с. i; il est question également de fiancées dans le est ainsi dans les plus vieilles lois, par exemple, dans le can. 11 du concile d’Ancyre (314). Depuis lors l’existence Code de Hammourabi : « Si un homme a choisi une fian­ normale des fiançailles ne fait plus aucun doute. De cée pour son fils, » a. 155, 156; · si le père de la fille plus, nos législations séculières modernes tiennent de dit : Je ne te donnerai pas ma fille, » a. 160. Le Code moins cn moins compte des fiançailles, de sorte que de Hammourabi contient, cn cflct, une législation des non seulement cn principe, mais en fait, l’Églisc seule fiançailles qui les montre existant déjà comme insti­ tution. Cf. La loi de Hammourabi, trad. V. Schell, est maîtresse de la discipline des fiançailles. Quel était le rite (je prends cc mot sans lui atta­ 1906, a. 155 sq. — Chez les Hébreux, les fiançailles cher un sens ecclésiastique) constitutif des fiançailles, existaient aussi comme institution. Après les pour­ parlers requis entre les parents (ct l’affaire était con­ il est malaisé de le dire. Il n’y avait pas de forme spe­ ciale prescrite pour h validité. Les juristes et les cano­ clue sans que les deux intéressés sc fussent vus, cc nistes avaient sans doute donné un schéma dans ces n’est que lorsque le choix de la future épouse était ar­ formules qu'ils citent souvent à titre d’exemple : rêté qu’on demandait à celle-ci son consentement), Accipiam te in meum..., accipiam te in meant. Mais les fiançailles étaient célébrées avec une certaine so­ rien ne prouve que celte formule si simple ait prévalu lennité; le fiancé remettait à la fiancée ou à son père ni qu’elle ait été ordinaire. Tout cc qui indiquait un anneau d’or ou quelque autre objet de prix, cl un l’échange d’un consentement mutuel dans la promesse festin terminait la fête. Le mariage suivait, à l’origine, d’un mariage futur suffisait. Bien plus, les nombreux après un laps de temps assez court, plus tard au textes qui nous montrent les parents liant leurs en­ bout uc douze mois; mais dès le jour des fiançailles la fants à leur insu par des promesses d’un futur ma­ fiancée appartenait à son fiancé ct lui devait fidélité. riage étonnent nos façons présentes de voir. Enfin les Ces fiançailles entraînaient donc une obligation plus fiançailles, le plus souvent, ne consistaient pas cn un ferme que les fiançailles chrétiennes Voir Diction­ seul acte, mais en une foule d’actes successifs, envoi naire de la Bible, art. Fiançailles, t. n, col. 2230 sq. — el acceptation de l’anneau, de présents, stipulation de Chez les Grecs, nous constatons, d’après quelques au­ conventions ct d’engagements, etc., qui, aux yeux teurs, non seulement le fait des fiançailles, mais en­ des gens, formaient comme un seul tout. La qualité core qu'elles étaient accompagnées de cérémonies reli­ purement, exclusivement consensuelle, de l’acte, ne gieuses accomplies parfois au temple où l’on offrait fut établie indubitablement que plus lard, comme ce un sacrifice. Mais selon d’autres, l’engyés, dans laquelle fut aussi surtout après le conflit des théories de Graon a voulu voir des fiançailles, aurait eu plutôt le lien et de Pierre Lombard que ressortit la distinction caractère de mariage. Cf. art. Matrimonium, par indiscutable entre les sponsalia de présenti (le ma­ Ch. Lécrivain, dans le Dictionnaire de Daremberg ct riage) el les sponsalia de /uturo (les fiançailles propre­ Saglio. ment dites). Voir Mariage. En effet, c’est vers la fin Les Romains nous présentent toute une législation du xn· siècle que la distinction verbale très nette des fiançadles. On a donné plus haut la définition des entre les deux espèces de sponsalia apparaît dans une sponsalia par le Digeste. Cf. aussi Cod, I. V, tit. ni, décrétale du pape Urbain 111 (11S5-1187), X, De conDe donat ante nuptias, vel propter nuptias, ct sponsalijugto leprosorum, c. 3 : ...utrum, post sponsa uA His, surtout 1. 16. Il n’y avait toutefois aucune obli­ os FüTUNO inter alignas légitimas personas contracta, gation de faire précéder le mariage de fiançailles; antequam a mro mulier traducatur... Pendant quelque mais une fois contractées les fiançailles allaient plus temps encore, le langage courant désigna par le nom loin qu’un simple pactum de contrahendo, car elles de sponsa, non seulement la fiancée, mais aussi la donnaient, cn particulier, au sponsus, le cas échéant, femme mariée qui n’avait pas encore eu les relations contre sa sponsa, un droit ù l’accusation d’adultère. conjugales; toutefois cc dernier reste de confusion ne Digeste, I. XLVIÎI, lit. v, I. 13, § 3, etc. — Chez les dura guère, el le mot sponsa au sens technique ne dé­ Germains, les fiançailles existent aussi comme insti­ signe plus que la fiancée per verba di /uturo. 11 y a toute tution Selon une opinion courante, voir Freisen, Gesehichte des canonischcn Bhcrechls, p. 103 sq., elles , raison de croire que les rites particuliers de la béné­ diction des fiançailles, que l’on rencontre dans un cer­ auraient été obligatoires, ce qui ne semble pas rigou­ tain nombre de diocèses, sont relativement modernes, reusement prouvé pour tous les cas. Ch. Lefebvre, quelque caractère d’obligation que les lois diocésaines Leçons d'introduction générale â l'histoire du droit veuillent leur donner matrimonial français, fasc. 2, p. 382 sq. Elles auraient III. Discipline canonique. — Quand les fian­ consisté cn une convention conclue entre le tuteur çailles lurent bien distinguées du mariage,on s’efforça de la jeune fille cl celui qui la demandait cn mariage. d’en marquer plus nettement le caractère ct les obliPar cette convention le tuteur s’engageait Λ livrer la 2271 FIANÇAILLES galions. C’cst la discipline que nous allons étudier, telle qu’elle était avant Je décret Λ> temere, et telle qu'elle est aujourd’hui. On établira d’abord la disci­ pline d’ensemble, el on signalera seulement ensuite les modifications d’ordre extérieur qui résultent de cc décret. !· Avant le décret Ne temere. — Affirmons bien hau­ tement que la législation ct le caractère des fiançailles restent dans l’ensemble, hors les modifications à signa­ ler, cc qu’ils étaient auparavant. Toute la discipline des fiançailles repose sur La notion que l’on se fait de ce contrat. Les fiançailles sont un contrat, une conven­ tion synallagmatique entre deux personnes déter­ minées, un homme ct une femme, tel homme ct telle femme. Aux conséquences naturelles qui résultent de ccttc notion, la jurisprudence de l’Église a ajouté un certain nombre de conclusions pratiques. I Nature des fiançailles. — Les fiançailles ne sont pas un simple projet de mariage, niais un engagement bilatéral au mariage futur que ces personnes contrac­ teront l’une avec l’autre après un certain laps de temps. Promettre de ne pas épouser d’autre per­ sonne que tel homme ou telle femme déterminée ne constitue pas les fiançailles. Celles-ci sont un contrat consensuel : elles requièrent un consentement actuel à la promesse réciproque d’un mariage futur. Le con­ sentement doit être émis par les deux parties, l’enga­ gement d’un seul crée en lui une obligation, mais non les fiançailles. Tout consentement, tout engagement, pour lier, requiert certaines conditions d’intelligence ct de volonté : Quiconque est incapable d’un acte hu­ main est incapable de fiançailles. Il faut donc que l’un ct l’autre contractant aient l'usage de la raison, cc qui exclut les déments ct tous ceux qui, pour une cause quelconque, ivresse, maladie, etc., sont privés de l’usage actuel de leur raison. La jurisprudence a, par une présomption très légitime, inclus dans la caté- | gode de ces incapables les enfants au-dessous de sept ans, quelle que soit la précocité de leur dévelop­ pement intellectuel. En un mut, il est requis que l’un sait un dialogue entre Dieu ct dévot a la sainte Vierge. Epist., I. I, fol. 26 a. Père, l’âme, d’une chaleur d’accent, d’une ferveur de mère el fils tinrent à très haut prix la grâce du jubilé qui leur fut accordée, cn 1 175, par Sixte IV, sans pensée toute chrétienne. Epist., I. I, fol. 2-3. Son qu’ils eussent à sc rendre â Home. Epist., I. I, fol.44 b. éloignement du christianisme ne semble jamais avoir D’après les idées du temps, l’horoscope de Marsilc été total. Quelles qu’aient été l’acuité cl la durée d« la crise, nous savons qu’il fut ordonné prêtre vers la présageait, entre autres choses, une santé chétive. Cf. Epist., I. I, loi. 25 6; 1. IX, fol. 201 a Le fait est quarantième année. L cloqucncc de Savonarole (que fidèle aux Médicis, il lâcha à la fin, après avoir compté qu’il fut souvent malade, toujours frêle. Scs contem­ parmi scs chauds partisans) put l’orienter vers le porains disaient spirituellement dc lui que c'était sacerdoce Dès qu’il fut prêtre, il s'occupa dc composer • une âme platonicienne dans un corps socratique. ■ un traité sur la religion. Cf. sa lettre dvdicatoirc à Il avait reçu de la nature, avec un tempérament Laurent dc Médicis, De religione chndiana, Paris, débile, un extérieur des moins séduisants. Statura 1510, fol. 2 b. Cc traité fut interrompu (1471) par /uit admodum brevi, gracili corpore et aliquantulum une maladie dont Ficin attribua Li guérison â la in utrisque humeris gibboso, lingua parumper ha sitanie sainte Vierge. Epist., 1. L fol. 25 6-26 a. Laurent de atque in prolatu dumtaxat littera· S balbutiente, dit Médicis lui confia le gouvernement de deux églises sou disciple et biographe Corsi, Marsilif Ficini vita. de Florence ct, vers 1484, le nomma chanoine dc la Pise, 1772, p. 47. Mais la distinction dc son esprit cathédrale Ficin expliqua les Épilres de saint Paul rachetait ses disgrâces physiques. ct prêcha l’Évangilc. mais sans abandonner Platon L’étude le passionna, el bien vile il fut conquis Les entretiens sur (’Écriture et sur Platon, la com­ par Platon qu il ne connaissait pourtant qu’à travers position de nombreux ouvrages, une correspond.mcc Cicéron ct les autres écrivains latins. Son père le étendue, la musique qui de tout temps rcuchanta destina â la médecine et l’envoya étudier à Bologne. (voir, entre autres, une Jolie lettre, Epist , L I, col. 17. Cosmc de Médicis, qui projetait d’établir une academie sur son triple savoir de médecin, de musicien el de platonicienne. discerna en lui l’homme capable de théologien), le souci d’une sanie déhcalc, la piété, réaliser son dessein. 11 s’attacha Λ Marsilc, lui assura remplirent ses jours. 11 mourut le 3 octobre 1499, ct les loisirs cl les livres nécessaires, lui donna une fut enseveli dans la cathédrale dc Florence. Ange habitation â Florence ct une villa à la campagne, et Politien exprima l'admiration générale dans l'épi­ lentonra d’une protection attentive ct intelligente, taphe suivante : si bien que, dans la préface de son De vita. édition dc scs œuvres de Venise. 1516, fol. 131 b. Marsilc Ficin Mores, ingenium, nmsas sophtuinqtie supremam a écrit : Mclchisedrch summus ille sacerdos... unum Vis uno dicam nmnine? Manilius. vix patrem habuit Ego sacerdos minimus paires habui D’après un récit que Baron lus, Annat, cccles., duos, Picinum medicum, Cosmum Medicem : ex illo an. 411, n. 69. déclare tenir de ta bouche du prolonatus sum, ex isto renatus. Tous les Médicis, celte race notnirc Michel Mercali, petit-fils de Michel Mercali, dc héros, genus heroicum, comme il les appelle, Epist 9 ami de Hein et l’un de ses auditeurs, Ficin cl Mercati, I XI. fol 121 a. ct, plus (pic tous, Laurent le Magni­ â la suite d un débat sur I'lmmortaliti'clcl'arnc d’après fique, lui prodiguèrent leur bienveillance. En 1456, Platon el les enseignements de ta foi chrétienne, Urent Ficin présenta à Cosine le premier résultat dc ses le pacte que celui des deux qui mourrait le premier travaux, des Institutions platoniciennes qu’il avait en­ viendrait, si c’était possible, informer le survivant dc treprises sur le conscii de I illustre humaniste Landini l’état dc l’autre vie. A quelque temps dc lâ. un matin, ct composées, nous apprend-il, partial fortuita quadam comme Mercati était plongé dans les spéculations inventione parlim plalonicorum quorumdam latinorum philosophiques, il entendit un cavalier qui arrivait lectione ad/utus, Epist., 1. XI. fol. 219 b; le procédé â la course s’arrêter à sa porte, el la voix de Marsile n’était pas sûr, Cosuc ct Landini n’eurent pas de crier : · Michel, Michel, cela est vrai, cela est vrai, peine Λ le lui faire comprendre. Tout cn approuvant rera, ocra sunt (lia. · Mercati, sc précipitant â la l'ouvrage, ils lui conseillèrent, dit-il, ut penes me fenêtre, vit un cavalier blanc monté sur un cheval servarem quoad græcls litteris erudirer platonicaque blanc qui avait repris sa course 11 appela ; * Marsilc tandem ex suis (ordibus haurirem. Ficin sc mil résolu­ 2279 FICIN 2280 théologie platonicienne, en particulier scs ■ argu­ Marsllc, j m.ii* h cavalier disparut. Mercali, ému, ments » sur tous les livres de Platon ct de Plotin, hors dc lui-me me. sc rendit à la maison de Ficin. 11 apprit que son maître était mort â l’heure de l'appa­ son commentaire considérable du Banquet ou le De rition Et, ajoute Üaronius, Mercati, homme d'une amore, les deux écrits de sa jeunesse : les Institutions probité antique cl d’une vie innocente cl utile à platoniciennes (1156) et le Dc voluptate (t 157), les arguments · sur la Théologie mystique ct les Noms tous, comme il convient ù un philosophe, ne cultiva plus, λ partir dc cc moment, que la philosophie divins dc l’Aréopagitc, le De sole (comparaison de Platon cl de Denys l’Aréopagitc entre le soled et chrétienne, ct, le reste de sa vie, mort au monde ct Dieu) cl le Dc lumine. Platon n’est pas sans intervenir vivant seulement pour la vie future, offrit le modèle d’un chrétien parfait. Voir un récit quelque peu même dans le De vita qui s’annonce comme un ouvrage diffèrent dans Audio, Histoire de Léon A'. nouv. edit.. dc médecine ct traite, dans les deux premiers livres. Pans. 1850, t. i, p. 33-31, ct cn rapprocher deux De vita sana et Dc vita longa, mais, dans un troisième lettres de Ficin, Epist., 1. I, fol. 2-3, 6 b, l’une à livre intitulé : De vita calitus comparanda, on retrouve Michel Mercati, où il rappelle leurs colloques fréquents Platon ct les néo-platoniciens à propos de Γ· âme •»ur les choses divines, l’autre où il raconte une du monde », de l'influence des astres, etc. Dc ces apparition qu’auraient eue sa mère ct son grand-père écrits le principal est la Theologia platonica sivc de maternel à la mort dc sa grand’mère maternelle. immortalitate animorum c( interna felicitate, « le monu­ II. Œuviies. — Ficin lui-même donne la liste de ment le plus important sans contredit de l’école ses œuvres, mais incomplètement, dans deux lettres. platonicienne au xv* siècle. » C. Huit, op. cit., p 365Epist., 1. I, fol. 8 6-9 a (sans date); I. IX, fol. 1996366, C’est un commentaire théologique de la doctrine 200 a (du 12 juin 1189). Sans parler de petits com­ de Platon, ct surtout une amplification éloquente mentaires sur Lucrèce qu’il rédigea puer adhuc cl du Phédon, une démonstration de l'existence et de qu’il jeta au feu, ni dc scs traductions des Argonaul’immortalité dc lïime. tiques, des Hymnes d'Orphée, d’Homère ct de Proclus 3° Écrits thêologiques. — Le plus long cl le plus ct dc la Théogonie d'Hésiode, production de son précieux est le Dc religione Christiana et fidei pietate : adolescence qu’il ne livra pas au public, Epist., 1. XI, il était commencé cn 1474 cl sûrement fini en 1477. fol. 222b, ses écrits peuvent sc diviser en quatre Cf. c. îx, fol. 11 b; Epist., 1. I, fol. 25 6-26«; 1. Ill, classes. fol. 98 6-99 a. Ficin a écrit également des commentaires 1° Les traductions. — Au premier rang, celle dc sur les Évangiles, sur les Épîtrcs dc saint Paul (cn Platon (56 livres). Puis les traductions, cn général dépit du titre, cc commentaire ne traite que des partielles, de divers auteurs grecs, la plupart néo­ trois premiers cliapitres cl d’une partie du iv· dc la platoniciens : Plot in (54 livres). Porphyre, Proclus, lettre aux Romains), le Dc divina gratia, etc. Jambhquc, Alcinous, Priscicn, Speusippe, Xenocrate, 4° Lettres. — Cc recueil, cn douze livres, est Théon, les Vers dorés de Pythagorc, Mercure Trismé- Inappréciable pour connaître non seulement l’huma­ gistc, cl, panni les chrétiens, l’auteur des œuvres niste, mais encore l’homme, le chrétien, le prêtre. que Ficin, avec scs contemporains, attribuait à Malheureusement les lettres ne sont pas disposées Denys l’Aréopagitc, ainsi que Synèsius ct Michel selon l’ordre chronologique, ct peu sont datées; la plu­ Pselhis. A signaler encore les traductions d’un petit part de ces dernières le sont des années postérieures psautier cl du De monarchia dc Dante, ct la traduction à l’ordination sacerdotale. Ficin y a fait figurer les «le l'anglais in linguam humanam (le latin) de l’Oradédicaces dc scs écrits ct divers opuscules philoso­ culum Alfonsi regis ad regem Ferdinandum. De toutes phiques ou théologiques, tels que le De felicitate, les ccs traductions celle de Platon est de beaucoup Quicsl tones quinque de mente, le Compendium platonica la plus importante. La version des dix premiers theologia, VArgumentum in platonicam theologiam dialogues fut terminée sous le gouvernement dc (prélude à la Theologia platonica), le Dc convivio, le Cosme de Médids (γ 1161), celle des neuf suivants De vita Platonis, le De institutione principis (il s'agit sous celui dc Pierre (γ 1 169), le reste, du temps de d’un cardinal), VOratio ad Deum theologica, le Dc raptu Laurent le Magnifique : l'édition princeps, assez I Pauli ad tertium avium ct animi immortalitate. incorrecte,cf Epist., 1. VIII. fol. 182, parut à Florence, HI. Docthines. — 1° Le platonisme de Ficin. — vers 1177 Ce fut un événement mémorable. Des Jusqu'où est allé le platonisme de Ficin? Jusqu’au parties isolées de l’œuvre dc Platon avaient été paganisme strict, d’après divers auteurs, cn tête traduites. Ficin réussit à · faire pour Platon ce desquels sc place, pour rétendue cl la véhémence dc qu'une légion dc laborieux érudits de tous pays t son réquisitoire, Mgr Gaumc, La Révolution, Recherches avaient fait pour Aristote deux et trois siècles aupa­ historiques sur Torigine ct la propagation du mat cn ravant : mettre la philosophie nouvelle ù la portée Europe depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, Paris, de tous les esprits cultivés non pas dc Γ Italie seulement 1856-1857, t. u. Révolution française, p. 260-261; mais de tout ΓOccident, fournir à une élite les moyens t. vin, Le rationalisme, p. 208-218, 241-212. Il juge d’en puiser les éléments à leur source la plus pure et que Ficin est un pur païen. Ce chanoine assiste Cosmc la plu* authentique, et il le lit, « si l’on tient compte de Médicis mourant et, au lieu de lui faire recevoir des obstacles â vaincre, avec un succès incontestable. · les sacrements, il le prépare ;‘i paraître devant Dieu Certes, sa traduction n’est point parfaite. Depuis cn lui lisant Platon. Il < ne possède dans sa chambre lors, des passages obscurs ont été éclaircis, des erreurs ni crucifix, ni statue dc la sainte Vierge, ni image dc dc copistes redressées, des manuscrits inconnus dc saint Tout cela est remplacé par un buste orlé dc la lumière; d’autre part, sa allumée. * La communauté des femmes et des biens version est trop littérale. Mais elle a des mérites ct l'infanticide ordonnés par Platon - lui semblent véritables, reconnus par des hommes de la valeur dc des choses excellentes et les bases d’un Étal bien réglé. » 11 appelle scs auditeurs non pas ses frères Ikihle, de Tcnncmann, de Ritter, d’Ucbcrwcg, dc Chaignct, dr C Huit. Cf. C. Huit, lx platonisme cn Jésus-Christ, mais scs frères cn Platon. Il enseigne un rationalisme audacieux, faisant du philosopha pendant la Renaissance, dans les Annales de philosophie « le médiateur entre Dieu cl l’homme, homme pour chrétienne, nouv. série. Paris, 1895-1896, t. xxxm, Dieu et Dieu pour les hommes. · 11 demande sérieu­ j· 27’> 277 2· Écrits philosophiques. — Viennent, sous ccttc sement qu’on enseigne la philosophie de Platon dans les églises comme ΓÉcriture sainte, ct il le fait. •Aibrique. 1rs «ruvres de philosophie ou même dc le Christ ct Socrate mourants un - long et sacrilège parallèle. · Platon est un saint, ct Ficin lui rend un culte · comme à un Dieu, » ct il célèbre la nativité du nouveau saint < par une fête solennelle, empreinte d’un caiaclèrc religieux ct meme mystique. · Par | Ficin tous les rêves religieux et politiques, même les plus obscènes ct les plus impies, sont exaltés comme des dogmes bienfaisants ct lumineux; » il professe, entre autres dogmes, « le panthéisme et le fatalisme, c’est-à-dire la grossière impiété dc l’Ame unique ct universelle du monde divisée par parcelles dans tous les êtres animés, et la croyance fataliste ù l’inlluencc des astres. » D’autres écrivains ont fait des réserves dc détail, tel Medina, Dc recta in Deum fide, 1. 11, cité par A. Possevm, Bibliotheca selecta de ratione studiorum, Cologne, 1607, t. n, p. 29-30, qui lui reproche ses theories astrologiques, cf. J. Bruc- ! ker, Historia critica philo ophhr, Leipzig, 1713, t. iv a, p. 52, ou, sans y regarder dc près, l’ont fait participer au discrédit religieux qu’ils Jetaient cn bloc sur les hommes dc la Renaissance. Et récemment Mgr Baudrillart, L’Églisc catholique, la Renaissance, le pro­ testantisme, Paris [1904]» p. 23; cf. J. Guiraud, L'Église ct les origines dc la Renaissance, Paris, 1902, p. 302; Histoire partiale, histoire vraie, 5f édit., 1912, t. n, p. 190, écrivait : - Rinaldo degli Albizzi déclarait incompatibles la science et la foi; à la cour des Médicis Marsile Ficin, à celle des papes Pomponius Lælus, professaient dc telles doctrines. Même l’exis­ tence de Dieu ct l’immortalité de l’âme étaient niées par eux. » Que penser de tout cela? Marsile Ficin a-t-il été vraiment un paten phis ou moins conscient, ou même un païen déguisé que Laurent dc Médicis — on l’a insinué — aurait poussé à entrer dans les ordres a lin de donner le change sur ses intentions ct dc couvrir du manteau dc la religion une entreprise irré­ ligieuse? Ou bien cst-il resté orthodoxe? Que faut-il penser de son platonisme? Philosophe, apologiste, prêtre, cst-il digne d’éloges ou mérite-t-il notre blâme? En philosophie. Ficin suit de près Platon. Il ne s’attache pourtant pas à lui dc façon exclusive 11 connaît saint Thomas d’Aquin qu’il salue du titre dc splendor theologice, qu’il nomme Aquinas noster, qu’’l cite dans scs commentaires sur saint Paul et dont il loue chaleureusement un disciple convaincu. Epist, 1. IX, fol. 201 6; I. X, fol. 210 b. Il utilise Aristote ct scs deux principaux interprètes arabes Averroès cl Aviccbron, ct, loin d’opposer Platon à Aristote, proclame leur accord substantiel. Cf. F. Puccinotli, Della fîlosofla di Marsilio Ficino, dans .\uova antologia, Rome, 1867, t. v, p. 239. Il met ά profit les néo platoniciens. qu’il regarde ù tort comme les légitimes héritiers de Platon ct comme des guides sûrs pour connaître sa doctrine ct tirer dc ses principes leurs conséquences dernières que Platon avait seule­ ment entrevues ou cachées par prudence. 11 lui est arrivé de s’égarer sur leurs traces et de devenir invo­ lontairement infidèle au platonisme authentique, si bien que quelques-uns ont voulu le rayer dc la liste des platoniciens; c’est dépasser la mesure, et C. Wad­ dington, dans le Dictionnaire des sciences philoso­ phiques, art. Ficin, n’a pas eu de peine à démontrer que l’école platonicienne de Florence a droit au titre quelle porte, que Ficin est comme imprégné dc l’esprit et des pensées de Platon. 'Inut Platon ne l’intéresse pas au même point. La théonc des Idées, essentielle et, cn quelque sorte, centrale dans l’œuvre dc Platon, n’arrête guère ratlcntion de Ficin. Ce qui le séduit, c’est l'esthétique cl la morale platoniciennes, cc sont ses théories, qu’il ne sépnre nas, de 1 amour ct du souverain bien. Qua ubique asserebat, dit-il dans son Dc vita Platonis, providere, animas hominum immortales esse, bonorum præmia, nudorum supplicium. C’est là principalement ct presque uniquement cc qu’il voit dans Platon. Et la raison pour laquelle il préfère Platon à Aristote, c’est que le péripatétisme est la voie, ct donc néces­ saire, mais le platonisme est le terme; Landis que le premier considère les choses naturelles qui conduisent aux choses divines, 1 autre montre les choses divines Epist., 1. VIH. fol. 172 6; 1. XII, fol. 1X1 b. Or. cc sont les choses divines, les réalités éternelles, invisibles, qui sont les seules vraies. Epist., 1. IV, fol. 112α; I. VII, fol. 159 6-160. Les philosophes, absorbés par l’étude des choses naturelles, vivent dans un songe; Plato noster, divinis incumbent, vel solus vrl maxime omnium vigilabat, Epist,, 1. I, fol. 15a. D’où vient le meilleur des autres philosophes, la supériorité dc Platon et des néo-platoniciens? Ici Marsile reprend ct renforce une idée que saint Justin, Clément d’Alexandrie, Origènc, saint Augustin, etc., avaient développée avec com­ plaisance, cf. L. Capéran, Le problème du salut des infidèles. Essai historique, Paris, 1912, p. 51-59, à savoir que la philosophie ancienne était une prépara­ tion à la venue du Christ, que cc qu'elle avait d’ex­ cellent était emprunté aux Juifs, que Platon, cn parti­ culier, n’est rien autre, selon le mot dc Numénius, qu’un · Moise qui parle altiquc, » qu’il « suit la loi de Moïse cl prédit la loi du Christ, » que les néo-platoniciens ont connu ct saint Jean ct les écrits dc Denys l’Aréopagitc cl cn ont fait usage Cf. Epist . 1. VIII, fol. 170 6, 178-179u (concordia Mosis el Platonis), 182-183, 184-186 (quantum non Plato so lum verum etiam platonid cum nostra religione consen liant); I. XII, fol. 137 6; De religione Christiana et fidei pietate, c. xxu, xxvi, Paris, 1510, fol.21 6,2125, etc. Platon est plus proche du christianisme que les autres philosophes, Platon conduit au Christ. Epist. 1. XL fol. 120 a. Cc n’est pas pour Platon que Ficin étudie Platon, cc n’est pas pour eux-mîmes qu’il traduit et commente les Mercure Trismégistc, les Plotin, les Proclus. etc., c’est pour les services qu’ils rendent à la religion chrétienne. Mais qu’cst-ll besoin dc Platon (juand on a l’Églisc et, puisqu’on possède les saintes Ecritures, pourquoi chercher ailleurs la doctrine de vic? Ficin ne méconnaît pas l’Écrilurc; il s’en sert, il la commente. Mais tous n’admettent pas la révélation et la Bible. Le ratio­ nalisme dévaste un trop grand nombre d'intelligences. Les dogmes sont niés ou révoqués en doute. En particulier, l’avcrroisme cl l’aristotélisme alexandrin, avec des formules diflércntcs, rejettent également l’immortalité dc l’âme cl détruisent toute religion. St quis autem, dit Ficin, Epist., 1. VIII, foL 181 b. putet tam divulgatam impietatem lamque acribus munitam ingeniis sola quadam simplici praedicatione fidei apud homines posse deleri, a longius aberrari palam rcipsa protinus convincetur. Ccs esprits icuta ct quodammodo philosophica, qui se fient À la raison seule, ne recevront la religion que d’un philosophe religieux Les écrits drt anciens philosophes seront un appât pour les attirer peu ù peu à la religion par­ faite. En cc sens, la renaissance de l’antiquité est providentielle, non dubitares nunc qua potissimum ratione nostra hac veterum renovatio divina provi­ dentia serviat. Ce ne sont pas seulement les alexnndristes ct les averroTstes, ce sont le*» juifs eux-mêmes — des Juifs péripaléticicns, il est vrai, qui soutinrent une discussion dans la maison de Pic de la Mirandole — que Ficin estime difficiles Λ convaincre nisi divi­ nus Plato prodeal in judicium invictus religionis sancta' patronum Epist., 1. VIII, fol. 182 6. Qu’il y ait de l’il­ lusion dans c^tlc confiance à l'elllcacité du plato­ nisme, cc n’est pas douteux, lui tout cas, s’il pla- 22RI FICIN Ionise avec tant de conviction, c’est au profil du christianisme. Reste à savoir si l'exécution vaut I intention. Nc lui serait-il pas arrivé, selon l'expression de P. Wernle, Renaissance und Rtformillion, Tublngue, 1912, p. 68, de < plaloniscr. d'intellectualiser, d'esthétiser J’Évnngfle, pendant qu’il théologise ct christianise Platon, > ou, en d'autres tenues, pour le rapprocher de Platon, de dénaturer le Christianisme? Disons bien vite qu’il fait Platon plus chrétien que celui-ci nc le fut en réalité Cc n’est pas que toute critique lui manque. En quelques mots, par exemple, il élucide la question de la Trinité dans les écrits de Platon, Epist., I. XII, col. 237 b : Extra controversiam œscro Trinitatis chri- I stlanr. secretum in ipsts plalonicis libris nunquam esse, sed nonnulla verbis quidem non sensu quoquo modo similia. Mais des réserves pareilles sont rares. Il abuse de la terminologie platonicienne. Quand il dit. De religione Christiana rt fulci pietate, c. xxnr, fol. 21 b : Quid aliud Christus fuit nisi... divina ipsa idea virtutum humanis oculis manifesta, il emploie une formule ambigu.·, que corrige heureusement un adm rutile contexte. Il reproduit, de Platon ct des néo- ! plain dcicns, des théories mal venues, défectueuses, notamment sur l’âme du monde et sur l'astrologie, l^st-ce i dire qu'il tombe dans le panthéisme et le fatalisme? Non pas. En dépit d’expressions isolées, de phrases détachées qui pourraient, à la rigueur, ! présenter une allure panthéistlquc, il est évident, A (pli Id I ensemble de ses œuvres, que l'tîn transcendant de Ficin ne ressemble pas â celui du néo-platonisme. 11 « affirme en toute occasion la liberté de l’Etrc suprême, de même qu’il a sur la providence des réflexions pleines de profondeur. » C. Huit, Annales de philosophie chrétienne, nouv. série, t. xxxm, p. 367. Quant a l’âme du monde, il ne la confond pas avec Dieu; il sc borne A faire du monde un tout animé, vivant. Lf. De vita, I. Ill, c. î-m, et, ù la fin, 1’Apologia quadam in qua de medicina, astrologia, vita mundi, dans l'édition de scs œuvres de Venise, 1516, fol. 151-153 a. 170 a C’est une erreur philosophique, cc n’est pas du panthéisme. Ficin a cm à l’astrologie. Il lirait des horoscopes. Dans une lettre de félicitations â Jean Nicolini, nommé archevêque d'Amall), il lui rappelle qu’il l’avait exhorté, cum adhuc, puer esses, à Vad mner à l’étude et A devenir prêtre, quoniam et astronomia (e magnum in religione virum et physiononua legitimum tum litteris tum moribus sacerdotem mihi /ore monstrabat. Epist., I. I, fui 12a. Ct De vita, I. 111. De olta aelilus comparanda Epist, 1. V, fol 125 a : I. VI, fol 112 6; I IX, fol. 200 b-201 a. cl I. HI. fol, 866-87; I. \ HI. fol. 181 b, deux lettres adressée» A Ficin Amené à s'expliquer sur sa manière de voir, Flein déclara approuver les attaques de Pic de la Mirandole cl d’Ange Politico contre l’astrologie; il admit qu’elle n’est pas inutile, que les conjonctions des astres peuvent signifier les choses humaines, nuis qu elles nc le* causent pas. qu’elles nc suppriment ni ta I berté de l’homme ni la providence ct le suprême empire de Dieu. Cf. Epist., I. IV, fol. 113. 120 6-121 a; 1 L V. fut 137; I VI, fol 1516-155 α; I. VH. fol. 1666169 (dtvina lex fieri a cirlo non pot st sed forte signifi­ cari). I VHI, fol. 182a; 1. XII, fol. 238 6-239 a. Ficin I eut, en mitièrc d’astrologie, la faiblesse de sacrifier aux idées de son temps; elle était tellement entrée dans tes usages de la vie que certains papes même, ct non des moindres, Sixte IV, Jules II, Ι^οη X. Paul Hl. J ajoutèrent foi. Ct J Burckardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. Schmitt, Pans, 1M5, t π. p 289-301; L. Pastor, Histoire des pape* depuis la fin du moyen Age, trad. F. Ravnnud, 2’ edit . Piris, 1901, t v, p 116-150, ct, par exemple, I» V/*· de Michel-Ange par Condivi, dans Rime e let 2284 tere di Michclagnofo Buonarroti, Florence, 190.8, p. 31, ct par Vasan, dans Le opere, Florence, 1832-1838, t. n, p. 975. Ficin ne sut pas sc dégager suffisamment des chimères astrologiques; il évita le faluLsmc. Dénoncé pour cause de magic à Innocent V H i, en 1 ·1δ9, il sc défendit avec succès. Cc n'est qu’en k confon­ dant avec Pomponius La lus qu'on a pu I accuser de nier l’existence de Dieu et l'immortalité de i unie, d'opposer la science cl la foi. Ou il s’égare, c’est dans son · argument · du V· dialogue de la République de Platon. Omnia divini Platonis opera, Baie, 1532» р. 586-588. Contre les calumnias tum maledicorum tum etiam ignorantium, ii déclare (pie la led ure du texte de Platon constitue l’apologie du communisme professé dans ce dialogue : legant Platonem ipsum, precor, h gant diligenter ac sine inuidta put. e ut, apologiam (scio quid loquar) nullam desiderabunt. Et il montre Platon constatant que le genre humain per leges distribuentes propria lot sœculis nihil profi­ cere imo vero in dclerius quotidie labi, et décidant de tout mettre en commun, semblable à un sage médecin qui abandonne les remèdes longtemps iucllicaccs et i inploie les remèdes opposés. 11 rappelle, d'après I luton, qu’un communisme semblable des femmes» des en­ fants, des biens, n'était pas absolument nouveau, qu’il avait autrefois existé en Grèce et en Egypte. Ces raisons avaient été développées par le gland cardinal Bessanon, In calumniatorem Platonis, i. IV, с. ni, édition de ses œuvres de Venise, 151b, fol. 69 6-72, dans un livre retentissant (pie Bessanon avait envoyé A Hein (en 1169, cf. la lettre de Bessanon cl la réponse de Ficin, Epist. l icitu, 1. 1, fol. 7) ct dont 1'· argument » du \ 9 dialogue s'inspire. Mais Bessarion avait insinué, plus que Flcln, qu’cn délinilivc il plaidait les circonstances atténuantes : ratione ejus irtatis qua Plato, nulla religione astrictus, mores et jura arbitratu suo statuebat, haud perperam eum ita sensisse existimo... Num melius quam cieteri suie ictatis homines senserit, decreverit, scripserit, attenden­ dum, non autem quid divi apostoli melius, quid sancti atque beati, quid in nostra? religionis professione edocti dijudicaverint atque probaverint. Et Bessarion précisait qu’il n’entendait pas soutenir Platon en cela, quasi recte prorsus a Platone scriptum existimem. Absit enim hoc a nobis ut qui rationem didicimus meline· m ritumque sanctir Ecelesûr probavimus cum Platone sentia­ mus. 11 est fâcheux que Ficin, voulant défendre Platon contre scs calomniateurs, les Georges deTrébizonde ct les Théodore Gaza, n'ait pas reproduit les réserves de Bessarion. Mais il importe d’observer que nulle part ailleurs il n’approuve les théories communistes du V· livre de la République; nu contraire, il les contredit indirectement en prenant le contre-pied de ccs thèses toutes les fois que l'occasion sc présente. Voir, en particulier, Epist. 1. IV, fol. 119 (matrimonii laus); cf. E. Galli, La morale nette tettere di Marsilio Ficino, Pavie, 1897, ct Lo stato, la famiglia, l'cducaztone seconda le teorie di Afarsilio Ficino, Pavie, 1899. Le « culte » de Ficin pour Platon fut excessif, mais non pas autant qu’on l’a dit. Que Pythagore, Socrate, Platon ct les autres philosophes qui vivaient avant le Clirist aient pu sc sauver, mais non sans la grâce du Christ, c’est cc que l'Église enseigne cl ce que Ficin a raison d'admettre. Epist , 1. V fol 137 6-138 a. Allant plus loin, il dit qu'ils ont été sauvés C'est que, pour lui, Socrate est. à beaucoup d égards, la ligure du Christ; mais, s’il compare la mort du Sau­ veur et celle de Socrate il sait faire In différence, ct il déclare Socratem, et si non figura qua Job atque Joannes Baptista, tamen adumbratione forte quadam Christum salutis auctorem quasi, ut ita loquar, signa· visse, cl 11 proteste contre ceux qui penseraient I Sccratem mine quasi ir mulum comparari quern drfen· 2285 FICIN* 2286 yorem paro. Epist , I. Vfîî. fol 179. I>c parallèle est devoirs religieux et de compléter sa préparation à la devenu un des lieux communs de lu chaire chrétienne. mort par la philosophie ct la lecture d'un dialogue dr Tel que Ficin l'établit· il n’est pus · sacrilège ». Platon, étant donné surtout le sens prêté à cette Hem range Platon parmi ccs âmes d élite que Notrephilosophie platonicienne. Est-il nécessaire d’ajouter Seigneur a visitées aux limbes cl qui, à sa suite, sont qu’à celle date (1464) Manu le était peut-être en pleine allées au ciel. En cela il reproduit une antique tradi­ crise religieuse, et que certainement il n était ni tion qui avait eu de la vogue au moyen âge. Cf. L. Cachanoine ni prêtre? péran, lx problème du salut des infidèles, p. 162-163, Concluons. Le platonisme de Ficin fut ardent, 166-167, 211; cf. p. 539. Deux raisons déterminent exorbitant. Il faut lui reprocher des interprétations Ffcln à croire au salut de Platon. D’abord, Platon a inexactes, des exagérations dépensée ou d’expression, été vertueux, chaste. De nila Platonis. Epist., J. IV, des outrances périlleuses d'enthousiasme. Mais cc nc fol. 1U9 />-110 a, 113a (Gaumc, t. vm, p. 213, dit fut pas un paganisme déguisé ou qui s’ignore. Cf que Ficln admire la chasteté de Platon. · tout en C. Huit, Annales de philosophie chrétienne, nouv» avouant à voix basse qu’il était, comme Socrate, série, 1895-1896, t. xxxm, p. 367-372. livre a l'amour infâme, · et d cite ccs mots de Ficin, 2° L'orthodoxie de Plein. — Ficin fit profession fol IO9/> : ad adamandos adolescentes, quemadmodum d’orthodoxie. In omnibus quæ hic aut alibi a me ct Socrates suus, videbatur paulo pronior. Oui, Ficin dit tractantur, tantum assertum esse volo quantum ab cela, mais il ajoute : verum uterque tum ratione conti­ Ecclesia comprobatur, dit-il dans sa Theologia platontea, nent quam sensu proclivis ; quam divim isti amaverint..., Florence, 1482, fol. 12 a. Cf. la finale de cc traité et plus bas, fol 113 a, il esquisse, sur ce point, ΓApo­ ct VAd lectorem exhortatio du De vita, L III, fol. 151 a. logia de moribus Platonis. Cf. Bessarion, In calum­ La cause pour laquelle il garda par devers lui sa niatorem Platonis, 1. IV, c. ι-n, fol. 60-69). Ensuite, traduction des Inmues d’Orphée, d'Homère ct de et surtout, Platon a été un précurseur du Christ; il Proclus, de la Théogonie d'Hésiode et des Argonauen demeure l’apôtre par scs écrits. La philosophie, tiques, fut, dit-il, Epist., 1. XI, fol. 222 b, ne forte lectores telle qu'il l’entend ct qui peut sc définir : ascensus ad priscum deorum dirmomimque cultum jam merito animi ab inferioribus ad superna a tenebrisque ad reprobatum revocare viderer. C’est de Dieu, ce n’est lucem principium cjus diirimc mentis instinctus, est pas de Platon que vient le salut. Salve., écrit-il à un un don de Dieu, et le philosophe qui la réalise est ami, Epist., 1. VIH, fol. 171 a, inquam, millies imo < médiateur entre Dieu et les hommes, » Epist., semper in sempiterno auctore salutis Deo; addidissem I. IV, fol. 107 />-108 a (à s’exprimer de la sorte, Ficin ct in Platone, si modo quxrcnda post Deum esset s-170 a). La philosophie de Platon balbutié, Dieu aidant, quelque chose sur le Verbe, conduit au Christ. Ficin place donc Platon très haut. dixerunt isti quidem quod potuerunt, et id quidem adju­ Qu’y a-t-il de vrai dans le récit d’après lequel Ficin vante Deo; Deus autem hoc solus intelhgit et cui Deus et les académiciens de Florence s'exaltèrent jusqu’à voluerit revelare. De religione Christiana, c. xm, fol. vouloir demander à la cour de Borne la canonisation 16 a. Le maître de la vie n’est point Platon, ou il n’est de Platon? 11 serait difficile de le dire. En vérité, qu’un maître inférieur; le vrai maître de la vie. c’est le il semble qu'on le regarda comme un saint ct qu’on ! Christ; cl., par exemple, Epist., 1. VI, fol. 149 a. 159 a; 1. X, fol. 210 a; 1. XII, fol 236 b; De religione Chri­ lui décerna une canonisation non officielle, dans le sens où le moyen fige avait canonisé Virgile. De là, en stiana, c. xx, fol. 20. Platon nc parlait pas de scs supposant qu’elle nc soit pas légendaire, ccttc lampe ennemis et nc pensait pas à eux; perum multo divinius allumée devant le buste de Platon (cc qui est sûrement nos Christus, vitee magister, instituit, præcipicns ut dud< m duc de la légende, c’est l’absence de tout objet benedicta quidem maledictis benefacta vero motelartis de piété dans la maison de Plein). De là, dans la libentissime redderemus. Epist., L VI, foL 149 a. mesuic où elle aurait eu un caractère religieux, ccttc Gravement malade, Ficin a cherché dans tout ce fête annuelle de Platon qui consistait avant tout à qu’il avait lu quelque consolation; scriptores humant, exceptis plalonicis, nihil penitus conferebant, dit-il, sc réunir, le 7 novembre, jour anniversaire de sa naissance ct de sa mort, dans un banquet où l’on Christl autem opera multa mugis quam philosophorum verba consolabantur. Epist., I. 1, fol. 25 b. CL ses s'entretenait de philosophie ou de théologie plato­ lettres de consolation, L I, fol. 32 a, 37 b, 45 b. I rès nicienne. Ci. l’introduction du De amore de Ficin, sensible à l’amitié, il nc croit qu’aux amitiés religieuses. ct Epist., 1. I, fol. 35. Pour cc même motif, ct parce Cf., par exemple, Epist., 1. L fol 17 />-18b, 19a; L III, que les écrits de Platon sont une sorte d’introduction à l’Evangile, Ficin les explique à l'église, cf. Epist., fol. 88 a, 89 a. Cc n’est pas l'amitié seule, c’est encore i. VIII, fol 190 />-191 a, à l'usage principalement de la bonté, la sagesse, la patience, etc., qui ne sont stables que par Dieu. Epist., 1. V, fol. 125 b-126 b, ceux qui remettent l’autorité des saints Livres, quitte 128a-1296, 130; I. VJ, fol. 161. Ficin prie pour ses à commenter l'Écriturc pour les fidèles (se rappeler amis et les exhorte à prier. Cf. Epist., 1. 1, fol 1 a, qu’à l lorence, Dante fut l’objet d’un enseignement 9 Z>-10 a, 10 />. Il n’aime rien tant que prier. Epist. officiel à l’église). Il nomme ses amis complatonici, 1. I. fol 40 b. En traitant de l’amour de Dieu, de sa ses disciples, scs auditeurs, des « frères en Platon >; connaissance, de sa possession, il a « des élans de le rôle qu’il attribue à Platon ôte à cc langage toute mysticisme, cl, si j’ose ainsi parler, dit C. Huit, équivoque. Cc que Ficin raconte de la mort de Cosmc Annales de philosophie chrétienne, nouv. série, 1895de Médicis est plus grave. Cosmc, dit-il, Epist., I. 1, 1896, t. xxxm. p. 365, de transfusion dans la divinité fol 29a. après avoir philosophé toute sa vie, philosopha qui font songer à saint François et à sainte Thérèse.» plus encore au moment de mourir. Itaque, postquam Il s’engage par des vœux à la sainte Vierge cl lui Platonis librum de uno rerum principio ac dt summo attribue sa guérison dans un cas désespéré. Epist., bono legimus, sicut tu nosti qui aderas (il s'adresse à I. 1, fol. 25 />-26 a; cf. I. VI, fol 147b, 153. Voir encore, Laurent de Médicis), paulo post decessit tanquam eo sur sa foi aux miracles, De religione Christiana, c. x. ipto bono quod disputatione gustaverat re ipsa abunde fol 13 />. Il apprécie grandement la grâce du jubilé. potiturus Assurément il y avait mieux à faire que de Epist., I. I, fol. 44 b. Il s’entretient souvent de 13 lire Platon pour se préparer à h mort. Remarquons, toutefois, que cc texte nc dit point que Cosmc n'avalt dignité du prêtre ct l’idée qu’il en a csl fort belle. pas reçu les derniers sacrements : un homme de la Epist., I. I, fol. 24 b, 25 a. Écrivant une exhortai on Renaissance, tel que lui, était capable d’nccomplir scs à la piété, il proteste qu'elle s’adresse à scs familiers. 2287 FICI Ν' mais surtout à lui-m'nic : nihil unquam cœleris studeo suadere quint non mihi ipse ante persuaserim; sacerdotis officium est nihil loqui nisi quod ad pietatem conducere videatur Epist., 1. V, fol. 122 b. Cf. coi. 123 b ; Deum velle sacerdotes suos esse omnium severissimos, et scs con­ seils à un archevêque ct à un cardinal nouvellement promus, 1 I, fol. 42; I. V, fol. 130 5-132, ainsi que son éloge d’un cardinal défunt, 1. XI, fol. 218 b. Tous ccs traits ne conviennent pas à un pseudo-chrétien. Sa vie, du reste, ne démentit pas son langage. L. Pastor, tout en faisant de graves réserves sur son platonisme, écrit sans hésiter qu'il fut « croyant de la tête aux pieds vt prêtre sans reproche. » Histoire des papes depuis la fin du moyen tige, trad. F. Kaynaud, t. v, p 151. ICI Ficin a exprimé magnifiquement le fond de sa pensée cl comme mis à nu son être intime quand, invité à défendre la religion, il répondit qu'il y travaillerait de son mieux, non quia religio hujus· modi defensoribus egeat..,, sed quia tunc solum feliciter oivere, imo tunc solum vivere mihi videor cum de divinis scribo aut loquor aut cogito. Epist, I. I, fol. 28 a. Ce qui nous reste Λ dire du traité annoncé par ces lignes achèvera de nous édifier pleinement sur son chris­ tianisme. 3e Ιλ De religione Christiana el fidei pietate de Ficin. — C'est le premier en date (1171) des traités j De vera religione; le Triumphus crucis sive de veritate fidei libri IV de Savonarolc, qui poursuit, sur un plan plus vaste, le même objet, n'est que de 1197. Cf. A. Décisicr, L'apologétique de Savonarole, dans les Études, Paris, 1910, t.cxxiv, p. 188. Ficin le composa dès le commencement de son sacerdoce el, plus tard, le traduisit du latin en langue italienne La dédicace à Laurent de Médicis nous renseigne sur les pensées qui le guidèrent. 11 gémit sur le divorce entre la science ct la religion. Le savoir csl passé en grande partie aux profanes et mérite le nom de malice plus que celui de science. Les perles très précieuses de la religion sont maniées par des ignorants ab hisque tanquam suibus conculcantur, sicpe enim iners igno· ranlum ignavorumque cura superstitio potius quam religio appellanda videtur. Combien de temps suppor­ terons-nous cette condition dure ct misérable? Liberemus, obsecro, quandoque philosophiam, sacrum Dei munus, ab impietate, si possumus ; possumus autem si volumus. Religionem sanciam pro viribus ab exeerabili inscitia redimamus. Hortor igitur omnes algue precor philosophos quidem ut religionem vel capessant penitus vel attingant, sacerdotes autem ut légitima: sapientia: studiis diligenter incumbant. Ne voda-l-H pas un beau programme d'humanisme chré­ tien ’ Ficin, |>our son compte, a tenté ct ne cessera pas de tenter de le remplir, non meo quidem ingeniolo,sed Dei clement iic viribusque confisus, ct il écrit le De religione pour sc concilier davantage la grâce divine, pour être agréable à Laurent, son protecteur, cl mlhi ipst non deesscm, fol. 2. Cet écrit sc divise en trente-sept chapitres. On pourrait y distinguer deux parties : la P*, c. i-xxv, contre les incrédules, la II·, c. xxvi-xxxvn, contre les juifs el les musulmans (le c. xxxvi est contre ccs derniers) L'apologétique anlijuivc n'est pas très neuve. Lite avait inspiré, le long des siècles, une vaste littérature qui avait surtout mis en valeur l’argument des prophéties. Ficin la résume clairement. Il Lut 1e louer de n’avoir pas fait état de la cabbalc; son disciple, Pic de la Mir.mdole, ct nombre d’apolo­ gistes contemporains, furent moins circonspects. On ne saurait être surpris de le voir admettre l’authen­ ticité des lettres du Christ ct d'Abgare, c. xxvn, fol. 38 a, de la donation de Constantin, c. xxvhî, fol 41 a (a remarquer un passage sur le pouvoir temporel des papes), des miracles de Vespasien, 22X8 c. x.xix, fol. 12 5, du récit d’Arisltc sur les Septante, c. xxx, fol. Il b, du texte de Josèphc sur le Christ, c. xxx, fol. 45 5-4 G a. La Ir< partie csl plus originale. Ficin y combat les incrédules, ccs averroistes ct ces aristotéliciens alvxandristes qu’il attaque dans la Theologia plalonica ct qu'il ne nomme pas ici. mais qu’il a en vue, ccs partisans d’une théorie émise primitivement par des auteurs arabes ct juifs ct d’après laquelle chaque religion, le christianisme y compris, dépendrait des astres, c. ixj fol. 9 5-10; cf. Epist., 1. VU, fol. IGG 5-1G9; J. Burckardl, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. Schmitt, t. n, p. 299, cl, en général, tous les ennemis de la révélation. Voici la manière dont il expose la genèse de l’incrédulité, c. m, fol. 3 5-4 a. Si l’enfant est religieux, l'adolescent court risque de rejeter la religion quand les études auxquelles il se livre ou les discours qu’il entend l’habituent â ne vouloir accepter que cc que la raison atteint. Les choses divines demandent, pour cire saisies, le temps, une diligence exquise, la pureté de l’âme. Sc fiant à leur raison seule, les jeunes gens en arrivent ù négliger la religion. S’ils s'abandonnent à l’orgueil cl â l’im­ pureté, ils ne voient plus dans la religion que des contes de vieilles femmes, nihil amplius de religione nisi tanquam de anilibus fabulis cogitantes, tandis que. s’ils sont modestes, réfléchis» purs, ils deviennent, ù mesure que les années les mûrissent, de plus en plus religieux. Ficin établit que l’homme csl un être essentiellement religieux ct que le christianisme est divin. Il le prouve par le caractère du Christ et des apôtres, par la conversion du monde, la perpétuité de l'Église, les miracles, la beauté des Écritures, les convenances du mystère de l'incarnation, l’enseigne­ ment ct les actes du Sauveur, l'cfhcacité de sa doctrine. Arguments internes ct arguments externes, tout ce que l’apologétique chrétienne devait reprendre, dé vcloppcr, perfectionner, se trouve renfermé dans ce petit écrit. Tout n'y a pas la même valeur. La dis­ cussion csl parfois trop sommaire. L’érudition, comme on pouvait s’y attendre, porte la date de son temps. Dans un c. xi, fol. 13 5-15n, qui contient en raccourci l’Histoire de rétablissement du christianisme tirée des seuls auteurs juifs et païens de Bullet, Lyon, 1764, il accumule des témoignages qui ne sont pas tous recevables. Il simplifie à l’excès l’argument tiré de la mort des persécuteurs, c. xi, fol 11 5. Il se réclame longuement des sibylles, c. xxiv-xxv, fol. 22 5-21 a 11 reproduit sa thèse sur les ressemblances du plato­ nisme cl du néo-platonisme avec la religion chrétienne ct sur les emprunts des néo-platoniciens â saint Jean ct à l’Aréopagitc, c. xxu, fol 21 b Mais il est inexact de dire, avec O. Zôckler, Geschichte der Apologie des Christentums, Gutersloh, 1907, p. 29G, que le De religione Christiana < sc fonde sur une base essentielle­ ment néo-platonicienne · ct que. « si 1 esprit n’en est pas directement non chrétien, cet ouvrage est forte­ ment mêlé de spéculation platonicienne, » ou, avec A. Tanqucrey, Synopsis theologiae dogmatica: funda· mentulis, 13· édit., Borne-Paris, 1910, p. 35, < uc l’auteur y n tenté la conciliation de la philosophie de Platon ct de la foi chrétienne. Sauf un court paragraphe sur les analogies entre le christianisme ct le platonisme ou le néo-platonisme, rien ne rappelle ccs systèmes philosophiques Zockler, p. 294-295. cite comme empreint de platonisme le c i, fol. 2 5-3 a : Religio maxime homini propria est et veridica, ct comme purement néo-platonicien le c. îv, fol. 4 : Omnis religio boni habet non nihil modo ad Drum ip^um creatorem omnium dirigatur ; Christiana sincera est. Or le c. i se borne à développer ccttc Idée, qui n’est pas spécifiquement platonicienne, ù savoir que l’homme est un être religieux, ct le c. iv n'est pas^ lc_ moins 2?89 FICIN 225 Μ) du monde un échantillon d’éclectisme alexandrin; | philosophie pour sc confluer dans des questions de langue, de poésie, de politique; des tentatives de vie il y csl dit qu’il n’y a pas de pays sans religion, que nouvelle en 1512, quand le retour des Médicis mit Dieu colt mavult quoquo modo ocl inepte modo humano fin au régime inauguré par Savonarole, échouèrent quam per superbiam nullo modo colt, mais que, s il complètement. De scs doctrines philosophiques peu ne réprouve pas tout à fait comme une impiété de chose mérite de fixer l'attention; il n’a pas eu un volontaire un culte humain adopté pour le servir, il système personnel, cohérent, mais seulement quelques n'approuve qu'un culle : illi igitur Drum præ caderis vues ingénieuses, « mainte observation psychologique imo wit sincere colunt qui.., ita Deum adorant quemad· d'une finesse inattendue. Ainsi Ficin a très bien modum Christus, vita: magister, cjusque discipuli, vu, avant Bossuet, que l'ainour peut être considéré prirccperunl. De même, c’est à tort que Ph Monnicr, comme la source de toutes nos passions. » C. Huit, Le quattrocento, t. n, p. 106, 16, dit que son Jésus est < platonicien » ct que « le Christ qu’on adore porte, ' Annales de philosophie chrétienne, nouv. série, 18951896, t. xxxiii, p. 36*1, n. L Chargé par Cosme de au heu de couronne d’épines, une guirlande fleurie Médicis de restaurer le platonisme» il a été « le cueillie par Marsile au bord de l’illyssus. » Cc sont véritable artisan de cette résolution, cxcmnlc peutlù phrases de lettrés qui ne résistent pas au sortilège être unique d’aptitudes absolument conformes â la d’une antithèse décevante. Du reste, Ph. Monnicr mission spéciale que lui imjiosa son protecteur. » sc corrige lui-même en déclarant Ficin · rigoureuse­ ment orthodoxe », p. 106. Le Christ du De religione t H. Hauvctle, Histoire des littératures. Littérature Christiana est bien le Christ de l’Évangile et de la ! italienne, Paris, 1906, p. 161. Son néoplatonisme subit une éclipse rapide; mais sa traduction de théologie catholique (le seul point répréhensible, c’cst Platon a été, pendant plus d’un siècle, pour la plupart que, avec certains théologiens, l’auteur semble des érudits, « la porte obligee du platonisme. » admettre, c. xv, fol. 17 a, une nécessité absolue ct L'idéalisme platonicien qu’il mil en honneur influa non seulement hypothétique de l’incarnation), le sur les destinées de l’art comme sur celles de h philo­ Christ intégral. Ficin parle du Christ ct de son œuvre sophie. Michel-Ange, en particulier, qui avait reçu son de façon excellente. Et combien d'heureux détails enseignement â l’académie, en garda l’empreinte. on pourrait glaner dans ccs pages! Par exemple, on Cf. B. Holland, Car ars picturæ apud Italos xvt y trouve présentée fortement, c. i, fol. 3 a, la preuve sicculi deciderit, Paris, 1895, p. 8; Michel-Ange, de l’existence de la vie future, tirée de l’infaillibilité Paris, s. d., p. 13, 140-141. Sur V Ecole d'Athènes de de l’instinct des animaux, que l’illustre entomologiste Raphael, cf. L. Pastor, Histoire des papes depuis J.-H. Fabre a développée avec tant d’éclat.Cf. Revue la fin du moyen âge, trad. F. Raynaud, 2· édit., Paris, pratique d'apologétique, Paris, 1912, t. xn, p. 377. Aussi 1901, t. vi, p. 521-522, note Sa vraie gloire est H. Hurler, Nomenclator litcrarius thcologiiv cathohar, Inspruck, 1906, t. n, col. 1016, qualifle-t-il le De reli­ d'avoir élé, quoique non tans lacunes, un humaniste chrétien. Nous n’avons pas à revenir sur les excès gione Christiana de Marsile Ficin d'opus præclarum in de son platonisme. Mais, alors que la Renaissance quo sagaciter utitur argumentis internis. Cf. L.-F. Brumenaçait d’aboutir à la libre-pensée ou au libertinage, gère,De vera reh g i( ne, noux\ édit., Paris, 1878, p. xiv. de n’être plus qu’une imitation mécanique ct servile IV. Influence. — Ficin fut le centre ct comme du paganisme, il fut de ceux qui aperçurent le danger l’âme de l’académie de Florence. Hâtons-nous cl le parèrent. Il travailla à dissocier l’antiquité cl d’ajouter que sous cc nom il ne faut pas rechercher le paganisme, à faire servir au christianisme la sagesse un corps ollicicl, régi par des statuts compliqués; antique. On a souvent cité la lettre, Epist, 1. XII. c’est bien plutôt une libre association d’esprits divers, fol. 229 6-230 a, où Ficin célèbre la Renaissance : rapprochés par des tendances communes, non ex < Cc siècle est un siècle d’or, lui qui a remis en lumière quovis commercio vel contubernio confluentium, dit les disciplines libérales presque éteintes, la grammaire, Ficin, Epist., 1 XI, fol. 221 a, sed in ipsa dumtaxat la poésie, l’éloquence, la peinture, l'architecture, liberalium disciplinarum communione convenientium. la sculpture, la musique, l'art de chanter sur l'antique Dans la lettre où sc lisent ces mots. Ficin énumère lyre d'Orphée : et tout cela Λ Florence. » On a moins les principaux d’entre eux. Il les distribue en deux categories : ceux qui dissertent avec lui ct ceux qui remarqué que, ce meme siècle, il l’appelle ailleurs, De religione Christiana, proœm., fol. 2 b, siècle de fer : l’écoutent lire ct enseigner comme des disciples ct que cependant il n'appelle pas des disciples, non quamdiu duram el miserabilem hanc ferrei strcult sortem sustinebimus'9 parce que les savants ne sont enim tantum mihi arrogo ut docuerim aliquos aut doceam sed socratico potius more sciscitor omnes pas religieux ct les hommes d’Église sont dépourvus de science II proclame la nécessite de rendre religieux atque horior /tecundaque familiarium meorum ingenia ad parium assidue provoco, fol. 221 b. Au premier les philosophes, et la restauration platonicienne qu’il rang il place les Médicis Platon est l’objet de leurs poursuit a pour but de conduire à une demonstration entretiens, Platon pour (pii tous professent une égale des vérités de la foi D’autre part, il veut que les prêtres admiration. Ficin le ressuscite et le continue; ils • s’adonnent diligemment aux études d une sagesse révèrent en lui un Platon nouveau, il noue! Plato, dit légitime. » Ficin a pressenti plus qu’il n’a réalisé Laurent de Medicis. Allcrcazionc, c. ut, dans Poemi, l’œuvre Λ accomplir. · Mais il a créé un esprit, signale édit G Papini, Lancîano, 1910, p. 81 cf p. 77. De les périls de l’humanisme lettré, indiqué une orien­ l’étranger on accourt auprès de Ficin; le Français tation nouvelle, el cet esprit qui, de son vivant meme, Lefèvre d’Étaples, Γ\nglais John Colet, l'Allemand se répand en Italie, en Allemagne, en France, y Rcuchlin figurent parmi ses auditeurs. Sa pensée inspire les penseurs et les artistes, \a s’infiltrer rayonne au loin, grâce ù une vaste correspondance, profondément dans l'humanisme et en changer les qu’il entretient en Italie, en France, en Allemagne, tendances comme l'aspect. · P. Imbart de la Tour. jusqu'en Hongrie, avec un publie de rois, de princes, Les origines de la Réforme, Paris, 1909, t. n. p. 337. de prélats, de savants. La notice que lui consacre Et son De religione Christiana est une première Trilhème (Joannes de Tritlenhcm), De scriptoribus esquisse extrêmement rcmar(|uable d’un traité D< ecclesiasticis, Paris, 1491, fol 192 6-193 a, montre vera religione devenu nécessaire ct qui va chaque l’est ime dont il jouit en dehors du cercle de scs jour se perfectionnant. Il faut savoir gré â Marsile correspondants Son influence est énorme. Ficin d’avoir élé un initiateur. Qu’en est-il resté? L’académie florentine ne lui Sur les ancienne* éditions de* ouvrages de Flein, voir survécut pas, ou, du moins, cessa de s’occuper de ' L. Halii, Repertorium bibliographicum, Stuttgart, 1827 2291 FICIN — FICTION DANS LES SACREMENTS t u, Q 7059-7082; Copingcr, Supplement to Hain, Londres, 1895,t.1. n. 7059-7079; t II <ι, n 2197-2501,2497 a; I n b, n. 7069-7070 Les œuvres complètes ont été publiées, en 2 In-fol., Bâle. 1561 ; c’est dans celte édition que parut, pour la première fois, le commentaire sur saint Paul L’édition de Venise. 1516, n’est que partielle La traduction du De monarchia de Dante a été imprimée pour la première fois par P. J Fraticelli. Opère minori di Dante Alighieri, ΙΊοrrner. 1839, t m a, p 1-199. L'n disciple de Ficin, Jean Corsi, écrivit, cn 1506, Commentarius de plaloniae philosophé post renatas litteras apud Jlahi restauratione seu Manilii Ficinl vita, publiée avec des annotations d’A M Bondin!, Pise, 1772; voir du même Bandinl, Specimen literatim? Florentine serculi xv, in quo, dum Christophorl Landin i gesta enarrantur, virorum in ea setale doctissimorum in Hierarum rcmpublicam merda, datus gymnasii Florentini a Landlno instaurati et acta academia Platonica a magno Cosma excitata, cui idem praerat, recen­ sentur ei illustrantur, 2 vol. ri.»r.nce, 1717-1751; J.-A Fabricius Detectus argumentorum ct syllabus scriptorum qui veritatem religionis Christiana.., asseruerunt, 1 lambourg, 1725. p 510-512; Bibliotheca latina media et infima alatis, Hambourg. 1731. t. n. p. 490-497; J.-P. Nlcérun, Mémoires pour servir à Γhistoire des hommes illustres, Paris, 1728. t. v, p 214-225; (J. G Schelhom], Amanitales lltrraré, Franc­ fort 17J0. t î, p 18-136; t iv. p. 553-555; J. Brucker, Historia crdica philosophé, Leipzig, 1713, t iv a. p. 4855; G Tlraboschl, Storla della letleratura itallana, Naples, 1780. t via, p 278-282; K. SIeveking, Gcschichte der plalonisclien Akademic zu Florent, Gœttlngue, 1812; Gaume, La Révolution, Recherches historiques sur l'origine et la pro­ pagation du mal en Europe depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, Paris, 1856-1857, l. n. p. 260-261 ; t. vm. p. 208218. 211-242; W, IL Weitenweber, Ueber des Manilius Ficlnus Werk De vita studiosorum, nebst c iniger Demcrkungen Uber den llellcnismus, Prague, 1858; L Galcotti, Sagglo (ntorno alia vita rd agli xcritli di Manilio Ficino, dans Archivlo storlco ituliano, Florence. 1859. IP série, t ix, p. 25-92; t. x, p. 25-92; t. xi. p 3-56 (celte importante monographie est ce qu’il y a de plus complet, sans être défi­ nitive); V. Cher bu liez, Le prince Vitale, essai et récit ά pro­ pos de la jolie du Tasse, Paris. 1864. p 100-101, 217-271, 339-311 ; F Pucdnotti, Di Manilio Ficino e deir aceademia plaloniea fiorentina ntl secolo xv, Prato, 1865; Della ftlosofla di Marsilio Ficino. dans Nuoua antologia, Home, 1867, l v, p 211-240; Il Hcttner, Das Wiederaufleben des Platonismus, Brunswick, 1879; F Gnbotto, L'cplcureismo di Manilio Ficino, dans Rivlsta di flhsofla scienti flea, Milan 1891. t x. p. 428-442; L Ferri, Di Manilio Ficino e dette cause della rlnaseenza del plalonismo net quattrocento, dans la fllasufla délie scuole italiane, Home, 1883. t. xxvin; H H'jcii »11. Der Platonismus dtr Rcnaiswncezeit, dans Zeit­ schrift für Klrchengcschichk, Gotha, 1892, t xm, p. 17-106; C. Huit, é platonisme pendant la Renaissance, dans les Annales de philosophie chrétienne nous- série, Paris. 18951896 t. xxxm. p. 35-47. 269-283. 362-372. 617-628; B Galli, la morale ne Ut kltere di Manilio Ficino, Pavie, 1897; Im stato, la famiglia, Γeducatione seconda le tcoric di Marsilio Ficino, Pavie, 1899; A. del a Torre Storia deW accademla plaloniea di Firenze,Florence 1902 (important); O Zôcklrr, Gcschichte der Apologie tirs Christcntums, Guicrsl»li. 1907, p. 291-298; Ph. Monnier. Le quattrocento, Essai sur Γhistoire littéraire du xr* siècle italien, 2· édit., Paris. 1*308 t n, p. 75-131; P Imbart de la Tour, Les ori­ gines de la Réforme, t. Il, L* Église catholique Im crise et la Renaissance, Paris, 1909. p. 331-337. 389-390; L. Geiger, Renaissance und Humanlsmus in Italien und Deutschland, Berlin, 1911; A. Humbert, Les origines de la théologie mo­ derne I La renaissance de Γantiquité chrétienne, Paris. 1911. p 122-131, 148, 165; P. Wernle, Renaissance und Reforma­ tion, Tublngue, 1912, p. 16. 43. G8, 71 F. Vernet. FICTION DANS LES SACREMENTS. On dé- ligne par ccs mots un acte par lequel le ministre ou le sujet d'un sacrement accomplissent apparemment le rite s »cramentel, mais cn y introduisant un vice sub­ stantiel qui cn empêche la validité ou l’efficacité. Les nordistes l’étudient communément, lorsqu’ils s'oc­ cupent du ministre des sacrements, sous les appella­ tion» de simulation ou dissimulation du sacrement.— L Fiction de la part du ministre. IL Fiction de la part du sujet. ' 221)2 L Fiction de la part du ministre. — 1° Les cas possibles de fiction, — Ils se réduisent ù deux : ou bien, tout cn accomplissant intégralement le rite sacramen­ tel, le ministre formule une intention contraire à la validité du sacrement; ou bien le rite extérieur luimême est incomplètement posé, il y manque une ma­ tière valide ou la forme essentielle. La première forme do fiction peut se produire à propos dotons les sacrements et les cas imaginables cn seraient nombreux; on cn trouverait des exemples historiques ou prétendus tels dans le baptême donné par saint Athanase encore enfant à ses petits cama­ rades de jeu, Hulin, //. E., 1. I. c. xiv, P. L,t t. xxi, col. 487; dans le baptême donné sur la scène au comé­ dien qui devint le martyr saint Génésius, Acta san­ ctorum, t. v augusti, p. 122. Cf. Corblet, Histoire du sacrement de baptême, 1. VI, Paris, 1881, t. î, p. 365 sq. De la deuxième forme, beaucoup d'exemples peuvent également être cités. Les moralistes, Λ la suite de saint Alphonse de Liguori, Theologia moralis, L VI, n. 59, Home, 1909, t. m, p. 4G sq., mention­ nent d’ordinaire les cas suivants, types de tous ceux que l’on pourrait imaginer : donner au fidèle qui sc présente à la sainte table une hostie non consacrée, ou encore remettre dans le ciboire l’hostie consacrée au lieu de la déposer sur les lèvres du communiant, tout cn disant la formule : Corpus Domini, etc.; célé­ brer la messe sans prononcer les paroles de la consé­ cration; altérer par une négation ajoutée tout bas la formule de l’absolution pour éviter de faire remarquer qu'on la refuse et dire : Ego le non absolvo, etc., ou encore, au lieu d’absolution, donner au pénitent une bénédiction en faisant sur lui un signe de croix; ac­ complir le rite du mariage sans donner son consente­ ment intérieur à l’engagement que l’on contracte ex­ térieurement. Cf. Ballcrini-Palmieri, Opus theologi­ cum morale, tr. X, sect. î, e. n, n. 63-65, Prato, 1891, t. iv, p. 504 sq.; Hilarius a Sexten, Tractatus pasto­ ralis de sacramentis, part. I, c. n, § 8, Mayence, 1895, p. 52 sq., etc. 2° I,a fiction et la validité du sacrement. — Il est évi­ dent, avant tout,que,si le sacrement fictivement con­ féré est de nature à avoir une valeur juridique, au for externe, il doit être considéré comme valide tant que la fiction n’est pas démontrée. Ainsi cn est-il du ma­ riage. Nous ne parlons ici que de la validité du sacre­ ment en lui-même. S'il s’agit de cette sorte de fiction qui consiste Λ supprimer ou â vicier substantiellement la forme ou à employer une matière impropre, la question de vali­ dité ne se pose même pas; un des éléments essentiels au sacrement fait défaut. La solution csl moins claire si celui qui ac< omplit le rite sacramentel fait bien extérieurement tout cc qu’il doit faire, s’il prononce les paroles de la forme sur la matière indiquée comme valide, mais avec l'in­ tention formelle de ne pas opérer de sacrement Deux hypothèses doivent être envisagées. Il peut se faire que le rite ainsi accompli ne soit évidemment qu’un jeu ou une moquerie; celui qui agit n'a pas même extérieurement et en apparence l’intention de faire un acte saint et sanctifiant. Dans ccs conditions, les gestes qu’il fait ne constituent pas un sacrement Les sacrements ne sont pas, en efïrt. des pratiques magiques opérant par elles-mêmes sans égard à la volonté de celui qui les accomplit ; ils sup­ posent une volonté sérieuse, l'intention de faire cc que fait l’Églisc C'est cc qui a été plusieurs fois affirmé par les papes et les conciles, par exemple, dans le ques­ tionnaire qui, d’après l’ordre de Martin V, bulle Inter cunctas du 22 février 1418, devait être posé aux wïclelfiles et aux hussilcs. Inter 22, Dcnzingcr- ‘2293 FICTION DANS LES SACREMENTS 2294 Baniiwart, n. 072; au concile de Florence qui énumère tion, les moralistes distinguent communément entre ainsi h s éléments essentiels aux sacrements : Hue la simulation proprement dite cl la dissimulation Par onuua sacramenta tribus perficiuntur, videlicet rebus simulation proprement dite, ils entendent I accom­ lanqiiam malcria, verbis tanquam ferma, et persona plissement intégral du nie sacramentel avec une in­ tention (pu le rend invalide, de sorte que personne ministri conferentis sacramentum cum intentione la­ ciendi quod facit Ecclesia; (piorum si aliquid desit, non ne peut apercevoir le vice qui empêche le sacrement d’exister. Par dissimulation du sacrement, ou mieux, perficitur sacramentum, Decretum pro arment s, ibid., selon l’expression de Lehmkuld, '1 bcologia moratis, n. 695. L'erreur contraire de Luther a été condamnée part. 11. n. 45, Fnbourg-en-Bnsgau, 1898, t. n, p. 34, par Léon X : 12. Si per impossibile confessus non esset contritus aut sacerdos non serto sed joco absolveret, par dissimulation du refus de sacrement, ils entendent si tamen credat se absolutum, verissime est absolutus. l'accomplissement apparent du rite sacramentel, ma s avec un défaut substantiel de matière ou de forme, Bulle Exsurge, Domine du 15 juin 1520, ibid., η. 752. de sorte qu’un assistant attentif pourrait ne pas s’y Cf. concile de Trente, sess. XIV, De sacramento perni­ tromper. La première, disent-ils, est toujours dé­ tent he, c. vi et can. 9, ibid., η. 902, 919. Mais d peut se faire aussi que tout sc passe exté­ fendue, parce qu'elle contient un sacrilège et un men­ songe; la seconde peut devenir licite, si des raisons rieurement comme si un véritable sacrement était accompli; rien dans les gestes de celui qui l’administre graves l’autorisent. ne trahit sa volonté de ne pas produire la grâce par Peut-être est-il possible d’apporter un peu plus son rite, et pourtant celle volonté existe. La plu­ de clarté par le simple énonce des principes suivants : part des théologiens assimilent complètement cc trois choses doivent être sauvegardées qui peuvent cas au précédent et nient la validité d’un sacrement être atteintes par la fiction : le respect dû au rite ainsi conféré ou plutôt simulé; c’est l’opinion de Sua­ sacramentel cn tant qu’d a été choisi par D»cu pour rez, De sacramentis, part. L disp, XIII, sect n, m, être signe ct instrument de la grâce; le droit indén able Venise, 1717, t. xvm, p. 127 sq.; de de Lugo, De que possède le sujet à recevoir un sacrement val de sacramentis in gcnerc, disp. VI11, sect n. ni, Paris, I ou, s'il n'en est pas digne, â être averti qu’il ne le 1869, t. ni, p 372 sq.; de Billuart, De intentione mi­ reçoit pas; le droit que possèdent les assistants â n’êlrc pas trompes. D’autre part, relativement Λ ce nistri sacramentorum, dans Mignc, Theologûe cursus completus, t xxi, col. 23 sq.; de saint Alphonse de dernier droit, il peut se présenter, selon les cas, des Liguori, Theologia moralis, tr. VI, n. 20 sq., p. 15 sq.; circonstances qui le suppriment ou le renforcent. Si nous étudions ά la lumière de ces principes tes de Franzclin. De sacramentis in genere, th. xvi. χνιι. divers exemples de fiction envisagés par tes théolo­ Koine, 1868, p. 197 sq., etc. D’autres, au contraire, giens, il est facile de justifier les solutions qu’ils cn par exemple, Juenin, Commentarius historicus ct donnent. dogmaticus de sacramentis, diss. I, q. v, c. n, Lyon, Accomplir un rite sacramentel par jeu ou moquerie 1717, p. Il sq., et Drouin, De re sacramentaria contra est un manquement grave de respect à une chose perduelles hærclicos, 1. I, q. vn, c. m, dans Mignc, sacrée qu’aucune excuse ne peut légitimer. 1'hcologiie cursus completus, t. xx. coi 1462 sq., font Accomplir ce rite sérieusement, mais avec une in­ observer que. dans ce cas, il y a tout au moins l'in­ tention qui le rend Invalide, est à la fois un manque de tention de faire extérieurement ce que fait l’Éghse, respect Λ une chose sacrée, un tort grave envers le et ils considèrent cette intention comme suffisante à sujet qui veut recevoir le sacrement ct une tromperie la validité du sacrement. Sans entrer dans la dis­ A l’égard des assistants; c’est un sacrilège, une injus­ cussion de ces opinions, voir Intention, il suffit pré­ tice et une hypocrisie. sentement de signaler quelques décisions de l’Églisc, Un prêtre qu» dirait la messe cn omettant les pa­ difficilement conciliables avec la théorie de l’intention roles de la eonséciation ou les prononcerait sans purement extérieure. Une proposition condamnée par Alexandre VI 11, prop. 28, Denzinger-Bannwart, intention de consacrer se rendrait plus coupable en­ core; il profanerait le plus saint des rites cn cn faisant n. 1318, affirmait la validité du baptême donné exté­ l’instrument d’une hypocrisie, ct, de plus, il trompe­ rieurement selon toutes les règles, mais avec l’intention formelle de ne pas faire ce que fait l’Églisc \ oir 1.1, . rait en matière très grave ceux qui assistent à sa messe; cn otliant â leurs adorations du pain alors col 761. Deux réponses de la S. C. du Concile, du qu'ils croient adorer Jésus-Christ, il leur ferait com­ 23 janvier 1586 ct du 13 février 1682. prescrivent de mettre matériellement un péché d’idolâtrie. Aussi regarder comme Invalides des ordinations conférées Innocent 111 déclare-t-il que la faute de ce prêtre serait dans certaines conditions, après que l’évêque avait plus grande (pie s’il célébrait cn étal de pêché : Licet is déclaré son intention formelle de ne pas ordonner dans qui pro sui criminis conscientia reputat se indignum, ces conditions. Benoit XIV, De sacrosancto missa ab hujusmodi sacramento reverenter debeat abstinere, sacrificio, I III, c. x, n. 5. 6, Opera, Venise, 1767, ac ideo peccet graviter si sc ingerat irreverenter ad illud, t. vili. p. 120 sq. ; voir le commentaire de ccs réponses dans Franzclin, op. cit., p. 231 sq. I gravius tamen procul dubio videtur offendere qui sic fraudulenter illud praesumpserit simulare; cum illi Il semble donc que l'intention intérieure de faire cc culpam vitando dum facit, in solius misericordis Dei que fait ΓÉglise soit nécessaire pour la validité du manum incidat, iste vero culpam faciendo dum vitat, sacrement, et que l’on doive dès lors regarder comme non solum Deo cui non veretur illudere, sed et populo invalide tout sacrement conféré fictivement, quel que quem decipit, se adstringat. Epist., I. XI, epist cxlvi, soit le mode de fiction. 1*. L., t. ccxv. col 1163; Denzinger-Bannwart. n. 418. 3° La fiction des sacrements est-elle toujours illicite? Celte (heision revêt une iniportance speciale du fait — Une décision d’autorité domine cette question: qu’elle a été insérée dans les décrétales de Gré­ c'est la condamnation par Innocent XI,2 mars 1679, goire IX, I III, lit. xli, c. 7. Friedberg, Corpus juris de la proposition 29 ainsi conçue : Urgens metus gravis canonici, Leipzig, 1881, t. il, p. 611. est causa justa sacramentorum administrationcm simu­ Pour la même raison, un prêtre ne pourrait, fût-ce landi. Denzinger-Bannwart, n. 1179. Il n'est donc pour refuser secrètement la communion à un indigne, jamais permis, même pour éviter la mort, S. Al­ lui donner une hostie non consacrée; sans doute, il phonse. n. 59, p. 16, de simuler l’administration des ne le prive pas d’un droit, puisque le sujet indigne sacrements. | Lara ni inerte. Précis de droit civil, 10* édit., Paris, 1910, vie de l’Église. Ainsi, les lampes et les Ihmibeaux, p. 770 sq. ’ les yeux aveugles ou clairvoyants, les pierres, les édi­ V. Odlet. fices et les pierres précieuses, l’olivier et son fruit, les FIDÉISME. Voir Foi. FIEUX (Jncquns de), né à Paris, d’une famille li­ mousine, docteur de Sorbonne, prédicateur de renom, abbé commenda taire de l'a-«baye des prémontrés de Bdlosanne (diocèse de Rouen) ct enfin coadjuteur, puis évêque cl prince de Tou! de 1675 à 1687. C’est sous son épiscopat que fut publié au synode de Toul, en 1678, le recueil des Statuts du diocèse; il donna aussi une édition révisée des livres liturgiques en usage dans son diocèse, du bréviaire en 1681 ct du missel On a de lui une lettre pastorale sur le prêt usu­ raire de Largent par obligation, lettre dont le texte est suivi d’une sorte de catéchisme par demandes ct par ré|»onscs sur le même sujet, Toul, 1679 ct 1703. Jacques de Fieux y condamne l’usure, ct tout cc que le prêteur exige de l’emprunteur ai mutui, en plus de l’objet prêté, est usuraire pour lui, comme contraire aux droits naturel, divin et ecclésiastique. Il soutient que, si le législateur autorise le prêteur ù réclamer un intérêt quelconque à l’occasion d’un prêt, c’est uniquement dans le cas où il y a pour lui soit damnum emergens soit lucrum cessans. Si le législa­ teur voulait aller plus loin ct autoriser la perception d’un interet vi mului, il se mettrait en opposition avec le droit naturel et on ne pourrait en conscience user du droit qu’il prétend accorder. Un jurisconsulte lorrain, François Guincl, combattit celle doctrine dans une dissertation publiée à Strasbourg sans nom d'auteur,en 1680 ct en 1703,sous le litre de ί'actum ou propositions recueillies des questions qui se forment aujourd'hui sur la matière de Cusure. L’évêque n’y répondit pas. Il mourut à Paris, le 15 janvier 1687. E. Martin, Histoire des diocèses de Toul, de Nancy et de Saint Dié, Nancy, 1900, t. il, p. 266 sq.; Giillluimc. His­ toire du diocèse de Tout et de celui de Nancy. N mcy. 1866. t. m. p. Ι09ΊΛ2; P. Férct, La faculté de lhêolo/(e de Paris | ri ses docteurs tes plus célèbres. Époque moderne, Paris, KM7. Lv,p 181*130. V. OüLET. FIGURISME. — L Exposé. II. Réfutation som­ maire. i. Exposé. — 1° Essence du sysEme. — Le figurisme est un système d'interprétation de la sainte Écriture, fonde sur la multiplicité des sens que présenterait la lettre de la Bible. Outre le sens premier (pii appa­ rut sous les mots, il y en aurait d’autres, non pas un seul uniquement, comme si la lettre fournissait ma­ tière à un sens plus relevé, le sens spirituel ou figuratif des exégètes catholiques, mais jusqu’à quatre ou cinq sens et meme au delà, superposés nu premier. Par suite, tous les personnages de I* Ancien Testament, leurs actions, les événements q , 7| M1 : E Pnynl, Edmond Richer, p. 291 sq.; P Férct, Ta faculté de théologie de Paris. £|>oque moderne, t IV, p. 369 sq A. IIumueht. 21509 FILIOQUE 2310 FILIOQUE. — I. Histoire clu Filioque. II. I^égi tus Sanctus de Patre et Fillo. Hahn, op. cil., p. 628. limité de l’insertion du Filioque au symbole. 111. Ca Presque toutes ccs professions de foi,nous n’avons ractère dogmatique du Filioque. pas besoin de le dire, sont d’onginc espagnole. Elles i. Histoire du FtUOQUE. — 1° L'origine espa­ expriment cn des ternies divers la même vér té ct gnole du Filioque. — Les Pères grecs ct latins du nous attestent que dès la fin du îv· siècle la doctrine IV· siècle énoncent avec la plus grande clarté la pro­ du Filioque était assez répandue cn Espagne pour cession du Saint-Esprit du Père et du Fils. Voir t. iv, qu’elle fût insérée dans les formules de foi privées. col. 776-805. Cependant les professions de foi offi­ 2. Professions de foi conciliaires. — Ce sont aussi cielles de l’Église grecque et latine ne mentionnent des conciles particuliers tenus cn Espagne qui ont pas, ù la mémo époque, cette vérité dogmatique. La promulgué les premières professions de foi favo­ crainte de soulever de nouvelles hérésies ct la véné­ rables au Filioque. Mais l’authenticité de ccs for­ ration qu’on professait pour le symbole de Nicéc pous­ mules, Jusqu’ici admise sans conteste par les théo­ sèrent les conciles ά ne point toucher Λ une question logiens catholiques, a été plusieurs fois révoquée en si abstruse de la théologie trinitaire, d’autant plus doute pour de bonnes misons. que les hérétiques du iv· siècle ne s’étaient pas en­ La croyance dogmatique de l’Église latine est core avisés de troubler, sur ce point, la doctrine de tout d’abord consignée dans une profession de foi l’Église universelle. Toutefois, la croyance dogma­ du I*r concile tenu à Tolède l’an 400. On y ht: Credi­ tique à la procession du Snlnt-Esprit du Filscst consi­ mus... in Spiritum quoque Paracletum ... ex Patre gnée dans plusieurs professions de foi privées ct pu­ Filioque procedentem Ilahn. op. cit., p. 210; Künstle, bliques du ivr et du v· siècle, ct plus tard, â une date op. cit., p. 43. Cette profession de foi a été aussi at­ inconnue, elle pénétra dans le symbole de Constan­ tribuée au synode de Tolède de l’an 447. Hefcle, His­ tinople. toire des conciles, trad. Leclercq. L n, p. 483. Dom Morin L Professions de foi privées.— La profession de foi croit qu’elle n’appartient ni à l’un ni à l’autre de ces la plus ancienne qui mentionne la procession du deux conciles. Elle serait l’œuvre de Pastor, év· quo Saint-Esprit du Elis est ’a Fides Damasi. Nous y de Galice, et remonterait à l’an 433. Revue bénédic­ lisons : Credimus... Spiritum Sanctum de Patre et tine, 1893. p. 385 sq. Cf. Künstle, op. cit., p. 40-45; Filio procedentem. Huhn, Bibliothek der Symbole, E. Mangcnot, loc. cit., p. 94. Nous n’aurions donc as lo 4· CdiL, Breslau, 1897, p. 276; K. Künstle, Antidroit de considérer cette pièce comme une pièce con­ priscilliana, Fribourg-cn-Brisgau, 1905, p. 47-19. ciliaire. Cette formule n’est pas, d’après Künstle, l’œuvre de La profession d· foi. attribuée au IV· concile do saint Damase. C’est la profession de foi d’un synode Tolède (633), énonce aussi la procession du Samtantipriscilhanistc, tenu à Saragossc, en 380. Ibid., Esprit du Fils : Spiritum Sanctum procedentem ex p. 47-51. Saint Damase sc serait borné à lui donner Patre el Filio profitemur. Hahn, op. cit., p. 235; son approbation. E. Mangcnot, L'origine espagnole Künstle, op. cit., p. 68. Mais elle aussi ne serait pas du Filioque, dans la Revue de l'Orienl chrétien, t. xi, authentique, d’après Künstle, et remonterait à p. 26. Une formule de foi, éditée par Jacobi, ct attri­ l’an 409. Op. cit., p. 67-70; Mangcnot, loc. cil., p. 98. buée par celui-ci à la seconde moitié du vî· siècle, 11 cn est de même de la profession de foi du VI· con­ déclare que le Saint-Esprit ex Paire el Filio processit. cile de Tolède (638), qui aflimie la procession du Hahn, op. cit., p. 350; Kattenbusch, Das apostolischc Saint-Esprit du Fils : Credimus et confitemur... Spiri­ Symbol, Leipzig, 1891, t. i, p. 181-182. Mais Künstle tum Sanctum de Patre Filioque procedentem... unus est d’avis qu’elle appartient à la théologie espagnole ab utroque procedit. 1 lahn, op. cit., p. 237; Künstle. op. et antipnscillianistc du v· siècle. Op. cil., p. 88-89. cit., p. 71. Elle est empruntée à une source plus an­ Une Expositio fidei catholicœ, publiée par Caspari, cienne, bien que l’on ne soit pas â même de fixer la d’après un codex très ancien de l’abbaye dcBobbio, ct date de celle-ci. Quelle que soit cependant la valeur reportée au v« ou au vî® siècle, Kirchenhistorische Anecde ces pièces, d’une authenticité douteuse, le P. de Ré­ dota, Christiania, 1896, t. i, p. 304-308, exprime la gnon remarque avec raison qu’elles sont particulière­ procession du Saint-Esprit par une locution tirée de ment intéressantes pour l’histoire du dogme, car l’Évangile, ct employee souvent par les Pères grecs : leur forme, leur langage, la suite de leurs déductions, Spiritus Sanctus processit a Patre et accipit de Filio. tout fait conclure à une doctrine puisée beaucoup Hahn, op. cit., p. 332; voir plus haut, t. iv, col. 765plus chez les grecs que dans les écrits de saint Augus­ 767. Cette Exposition serait aussi, d’après Künstle, tin. Riudcs de théologie positive, t. Ul, p. 186. d’origine espagnole ct antipriscilhanistc. Op. cit., 3. L'addition du Filioque au symbole de Constan­ tinople en Espagne. — Si l’on s’était borné cn Espagne P· W-93. ù insérer le Filioque dans les formules de foi privées, En 1881, Caspari édita la profession de foi du ou dans les professions de foi des conciles particuliers, pso do-Gcnnndc de Marseille. Cette pièce a été réé­ les grecs n’en auraient pas tiré un prétexté pour ditée par le même érudit en 1896. Op. cil., p 301-301. rompre l’unité de l’Église ct sc soustraire à la juri­ On y mentionne le Saint-Esprit comme procedens ex diction universelle des papes. 11 aura t été facile, en Patre cl Filio irqiialitcr. 1 îahn, op. cil., p. 353. L’au­ effet, de leur répondre que ces professions de foi n’en­ teur de cette pièce serait aussi un théologien espa­ gageaient nullement la responsabilité de l’Église ro­ gnol de la moitié du v· siècle. Künstle. p. 102-106. maine el qu’elles avaient une valeur doctrinale rela­ La procession du Saint-Esprit du Fils est affirmée tive, c’est-ù-dire la valeur d’une opinion théologiqua. aussi par une profession de foi, attribuée à saint GréMais les conciles espagnols, semble-t-il. après avoir golre le Grand. On y lit Spiritum Sanctum... de Patre proposé la croyance au Filioque dans leurs professions et Filio procedentem. Hahn, op. cit., p. 337. Künstle de foi. jugèrent bon de lui donner une plus grando range cette pièce au nombre des documents de la diiTusion cn l’insérant dans Je symbole de Constan­ théologie espagnole ct antipriscillianistc du v· siècle. tinople. Op. cit., p. 113-116. La profession de foi de Phébadc Quelques théologiens catholiques affirment que d’Agen n’aillrme pas d’une manière explicite la pro­ l’insertion du Filioque dans le symbole de Constan­ cession du Saint-Esnrit du Père et du Fils: mais on tinople a été faite cn 417, par un concile tenu Λ y trouve une formule équivalente : le Saint- Esprit Tolède, ct que tous les catholiques d’Espagne ct des est ΓEsprit du Père ct du Fils. Ilahn. op. cit., p. 259; Künstle, op. cit., p. 55. La profession de foi de V c- i Gaules approuvèrent cette décision. Gaumc, Traité trice de Rouen (390-409) déclare ouvertement: Spirt- » du Saint-Esprit, Paris, 1890, t. n, p. 70. Mais cette 23 fl FILIOQUE 2312 hypothèse n’est pas fondée sur les documents histo­ Anvers, 1613, p. 328, 329. Voir Zoernikav, op. cil., t. i, p. 438-140; Tantalides, ΙΙαπιστιχοι έΐτγχοι, riques. C’est dans les actes du HI· concile de To­ lède, convoqué cn 589 par le roi Becca red, que l’on Constantinople, 1850, t. tr, p. 85-86. Quelques écri­ trouve pour la première fois le symbole de Constan­ vains catholiques n'hésitent pas â soutenir que le tinople avec cette addition : ex Patre cl Filio proce­ Filioque se trouvait dans le symbole de Constanti­ dentem. Mans!, Concil., t. ix, col. 981. Le 3e canon de nople in ipsa prima symboli formatione. Binius, dans cc concile prononce aussi Tanalhéme contre ceux Mansi, L ix, col. 1006. Vincenzi en arrive à accuser qui refusent de croire que le Saint-Esprit procède du les grecs d’avoir, au vif siècle, altéré le symbole de Père ct du Fils, ibid., col. 985; on déclare catholique Constantinople, en y effaçant le Filioque. De pro­ une foi qui ne peut être autre que celle de Constan­ cessione Spiritus Sancii a Patre Filioque adoersus groccos, Borne, 1878, p. 61 -63. Nous n’avons pas à tinople, can. 11. On y défend aussi d’altérer ou de changer les symboles promulgués ct sanctionnés par réfuter cette hypothèse arbitraire H est inadmissible, les anciens conciles, et on invite les Églises d’Espagne en effet, que les grecs aient pu falsifier le symbole, et des Gaules Λ réciter le symbole de Constantinople sans qu’il s’élevât dans l’Églisc grecque elle-même des secundum formam orientalium ecclesiarum concilii convoix de protestation, ou sans que les écrivains ecclé­ tlanlinopolilani, hoc est, centum quinquaginta episco- j siastiques eussent consigné a la postérité le souvenir porum. Can. 2, ibid., col. 993. Des actes donc de cc con­ d’un événement de si haute importance. cile il résulte que les Pères de Tolède proposèrent la D’après Bellannin, le symbole avec l’addition a été doctrine du Filioque comme approuvée par les con­ récité pour la première fois au VI IIe concile de To­ ciles de Nicée et de Constantinople; mais ces Pères ne lède, en 653. Avant cette époque, dit-il, le symbole donnent pas d’éclaircissements sur l’addilion au sym- ! de Constantinople ne renferme pas le Filioque. Cc bolc, cc qui aurait eu lieu sans doute s’ils cn avaient symbole a été lu en 589 au concile de Tolède, mais il été les auteurs. L'addition du Filioque au symbole de n’avait pas alors l’addition latine. De Christo, 1. II, Constantinople sc trouve aussi dans le texte du sym­ c. xxi, Opéra, Naples, 1856, t. i, p. 220. bole renfermé dans les actes des VUP(653), ΧΙί·(681), De ce que nous venons de dire, il résulte : 1° que XHP(683),XV*(688),XVIP (694) conciles de Tolède, l’insertion du Filioque dans le symbole a été faite en du IV· concile de Braga (675) ct du concile de Mérida I Espagne; 2° que la date de celte insertion n’est pas (666). Mansi, Concil., t. x, col. 1210; t. xi, col. 77, certaine; cependant, il n’est guère probable qu’elle 151, 1027, 1062; t. xn, col. 10, 96. remonte au v· ct au vr siècle; 3° que, dans sa polé­ 11 va sans dire que les écrivains orthodoxes, en mique avec les grecs, la théologie latine ferait bien général, rejettent l’addition du Filioque au symbole de ne pas trop insister sur l’autorité et le témoignage comme une interpolation, dont la responsabilité ne des conciles de Tolède dans le but de démontrer la vé­ tombe pas sur les Pères des anciens conciles de Tolède. rité dogmatique du Filioque. L’authenticité, cn effet, Zocmikav ct Eugène Boulgaris citent, à l'appui de des professions de foi de ces conciles est douteuse, ct cette assertion, les anciennes éditions latines des l’on ne saurait décider avec assurance lequel de ces actes des conciles, Cologne, 1530; Paris, 1535, où conciles aurait inséré le Filioque au symbole de Con­ l’on ne trouve pas le Filioque. Ilept τής έχπορώσιως stantinople. τού άγιου I Ινώματος, Saint-Pétersbourg, 1797, t. i, 2° Le Filioque et Γ Église romaine.— Quelle a été la p.315. Prokopovitch dit : Dogma lati nu ni usque ad con­ conduite de l’Églisc romaine à l’égard du Filioque! cilium acquisgranensc lutmis inauditum fuit. Tracta­ Il faut distinguer entre Taflirmation de la vérité dog­ tus de processione Spiritus Sancti, Gotha, 1772, matique exprimée par celle formule ct son énoncia­ p. 29. Le métropolite Macaire Boulgakov soutient tion officielle au symbole. Pour ce qui concerne le que l’insertion du Filioquedans le symbole a etc faite premier point, il est hors de doute que les papes se en Espagne, à la lin du vin· siècle. PraiOslaimosont toujours prononcés en faveur de la procession du dogmatilchcskoe bogoslovle, Saint-Pétersbourg, 1895, Saint-Esprit du Fils; il suillt de citer les noms de l. t, p. 257. L’n polémiste grec moderne, Cyrinquc saint Leon le Grand, de saint Ilormisdas cl de saint Lampryllos, n’accepte pas, au contraire, les théories Grégoire le («rand. voir t. iv, col. 805-806; mais pour do ses devanciers orthodoxes. L’idée de la procession cc qui concerne l'adoption officielle du Filioque au binaire du Saint-Esprit, dit-il, se rapproche beaucoup symbole de Constantinople, l’Églisc romaine a jugé de celle de la doctrine trinitaire des ariens. Or les con­ bon de temporiser. A plusieurs reprises, elle n’a point quérants vandales ct goths de l’Espagne étaient ariens cédé aux instances réitérées de ses Ills les plus dévoués. ou semianens et, cn sc convertissant nu christia­ Les papes n’ignoraient pas l’esprit chicanier des grecs. nisme, ils gardèrent quelques traces de leur ancienne Ils craignaient, À bon droit, que l’insertion au sym­ hérésie. Il n’est donc pas étonnant que, pour les arra­ bole d’une formule dogmatiquement vraie n’effa­ cher plus aisément a leurs croyances hérétiques, les rouchât le formalisme byzantin, ne semât dans évêques espagnols nient insere le Filioque dans le l’Église l’ivraie de nouvelles hérésies, et les faits, symbole, comme s’il y eût etc au moment de sa pro­ malheureusement, allaient conlinner ces tristes pré­ mulgation. La mystification fatale, Athènes, 1883, visions. p lo-ll. Tandis que les conciles espagnols professent ou­ Quel jugement |>ortcr sur ces diverses opinions de vertement leur croyance au Filioque, les papes s’abs­ la théologie orthodoxe? Remarquons, tout d’abord, , tiennent d’en parler dans leurs professions de foi. C’cst que, si,dans l’état actuel de la science, l’origine espa­ ainsi que nous n’en trouvons pas trace dans la pro­ gnole du Filioque ne soulève aucun doute, son insertion fession de foi que Pélage 1er (555-561) envoya Λ toutefois au symbole de Constantinople ne cesse point Childcbert, roi «les Francs. Mansi, Concil., t. ix, col. 728-730. Remarquons toutefois qu’après los mots ; d’être obscure. Certum est, écrivait saint Antonin de Florence, nec credendum ab alio appositum Fi- ex Paire inlemporalitrr procedens, le pape ajoute : Spiritus Sanctus Patris est FUiique Spiritus, cc qui Itoque, ntsi a papa vel aliquo concilio; quis enim alius huc prxtumps isset? Verum a quo pupa. iri concilio, signifie quo la relation du Saint-Esprit Λ l’égard du Fils ne diffère pas de sa relation à l’égard du Père. non usquequaque certum. Chronica, III, tit. χχιι, Le même silence est observé par le pape saint c xm, n. 13, Lyon, 1586, t. m, p. 573. Du même avis Agathon <1 ms la profession de foi envoyée â l’cmr*t Thomas de Jésus, qui toutefois penche ù croire pcrcur Constantin Pogonat et Λ ses deux frères que cette insertion remonte a la tin du νι· siècle. Hvrachus et Tibère, vu 680. Ilahn, op.ciL, p. 316-348. De procuranda salute omnium gentium, I. \ I, c. m, 21113 ί FILIOQUE 2314 11 e4 vrai quo quelques théologiens catholiques, de imaginibus, qua confutantur illi qui synodum nick­ en discutant avec les grecs, ont avancé que l’insertion num secundam oppugnarunt, Mansi, Concil., t. xm, dü Filioque au symbole remonte ù une époque recu­ coi. 760-766. 1 (appelons â cc propos que, dans sa lée. D’après Manuel Calécas, saint Dainase cn serait lettre au métropolite d’Aquilée, Photius déclare que la l'auteur. Celui-ci y aurait eu recours pour com­ procession du Saint-Esprit du Fils a été formelle­ battre l’hérésie appelée υίοπατρία, dont les partisans ment niée par Adrien Ier dans une lettre au patriarche enseignaient que le 1· ils est le père du Saint-Esprit Tamise. Valétas, Φωτίου έχιστολαι, Londres, 1864, p. 24, 25. ct que le Saint-Esprit est le neveu de Dieu le Père. En 796, Paulin, patriarche d’Aquiléc, convoqua Manuel Calécas avertit qu’il lient cc renseignement d’un historien nommé Scylix. Adversus grœcos, I. IV, un synode à Frioul (Cividalc del Friuli). La question du Saint-Esprit y fut traitée avec ampleur. Saint P. G., t. cijî, col. 196. Nous trouvons la même Paulin protesta ne vouloir rien innover en matière donnée chez Joseph de Méthone, qui invoque le témoi­ de foi, vouloir s’en tenir aux conciles de Nicée ct de gnage de Georges Aristi nos, Refutatio Marci Epheslni, P. G., t. eux, col. 1033, et chez Génébrard, qui Constantinople cl à leurs symboles. Ces symboles, déclare-t-il, doivent rester intacts : il est expressé­ affirme l’avoir puisée da.is un fragment grec du célèbre canoniste byzantin Alexis Arislcnc. De sancta ment défendu à qui que cc soit d’y rien ajouter ou retrancher : Absit a nobis, proculque sit ab omnt corde Trinitate, I. Ill, Pans, 1585, p. 203. Le P. Pelau fideli,alterum uct aliter quam illi instituerunt symbolum remarque à bon droit que saint Dainase n’a pu insé­ rer au symbole une formule que scs successeurs ont Del fidem componere vel docere. Mansi, Concil., L xm, hésité si longtemps ù approuver. Les auteurs grecs cicoi. 835, 836. Cette défense, cependant, n’implique dessus mentionnés font sans doute allusion â la Fides pas, de la part de la hiérarchie, la renonciation au droit Damasi, qu’ils confondent avec le symbole de Constan­ de sauvegarder le dépôt de la révélation divine, ou tinople et que M. Künstle attribue à un concile de de le rendre plus accessible aux fidèles par les moyens Saragosse, tenu cn 380. Op. cit., p. 46-54. Calécas d’éclaircissements insérés au symbole. Ord était utile, ct Joseph de Méthone s'appuient aussi sur la lettre de pour fermer la bouche aux hérétiques, de déclarer saint Maxime le Confesseur à Marin, prêtre de Chypre, solennellement que le Saint-Esprit n’est pas l'Esprit voir plus haut, t. iv, col. 791, pour en conclure que du Père seul. Les Pères des conciles se sont donc vus l’Églisc romaine, au vu· siècle, récitait le symbole avec obligés d’ajouter le Filioque au symbole, comme une l’addition du Filioque. Mais il n’est question dans celle explication nécessaire de la doctrine du Saint-Esprit : pièce ni du symbole, ni du Filioque. Voir Pclau, De Propter eos videlicet haereticos qui susurrant Spiritum Sanctum solius esse Patris, et a solo procedere Patre, Trinitate, 1. VIL e. n, n. 2, Dogmata theologica, Paris, additum est : Qui ex Patre Filioque procedit. Et tamen 1865, t. m, p. 272. Celle pièce fournit sans doute un non sunt hi sancti Patres culpandi, quasi addidissent argument en faveur de la procession du Saint-Esprit aliquid vel minuissent de fide trecentorum decem et octo du Fils, mais il ne faut pas en lirer une conclusion arbi­ Patrum. Mansi, Concil., t. xm, coi. 836. traire. Il s’ensuit donc que nous devons descendre à Les théologiens orthodoxes, Zocmikav cn parti­ la seconde moi lié du vin· siècle, pour avoir les pre­ culier, insinuent que les actes du concile de Frioul miers renseignements certains touchant l’addition du ont été infailliblement falsifiés. Op. cit., t. i, p. 329Filioque au symbole. De Régnon, op. cil., t. m, p. 209. 330, 403-407, 469-171 ; Tantalides, Παπιστιχοϊ ίλιγχοι. C’cst on 7G7, au concile de Geniilly, tenu par ordre Préface, p. 48-50; Lampryllos, p. 15-16. Saint Paulin, de Pépin le Bref, que l’on examina si le Saint-Esprit objectent-ils, proteste vouloir s’en tenir à la foi de procède du Fils aussi bien que du Père. Ilcfclc, Nicée et de Constantinople : il n’aurait donc pu parler Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. m, p. 72b. ainsi, s’il s’était avisé d’introduire une nouvelle for­ Malheureusement nous ne possédons plus les actes de mule au symbole d’un ancien concile œcuménique. ce concile, ct la courte notice que leur consacrent Du reste, sa foi était suspecte à Baronius qui Γαρquelques chroniqueurs, par exemple, saint Adon de pelle schismatique, an.833,n.5 (remarquons que Baro­ Vienne, Chronicon, P. L., t. exxm, col. 124, n’ap­ nius rappelle à plusieurs reprises la sainteté ct les prend pas si l’on y agita la question de la vérité dog­ vertus de Paulin : à l’endroit cité par Zocmikav et matique du Filioque, ou celle de son insertion au Lampryllos, nous ne trouvons aucun tenue outra­ symbole. Le P. de Régnon suppose que les latins geant pour sa mémoire). entamèrent la controverse du Filioque pour ramener Le cardinal Franzclin a réfuté aisément les objec­ les grecs ù la uoctrine de l’Églisc occidentale. Op. cil., tions que la théologie orthodoxe tire des actes du t. m, p 205. concile de Frioul. Lorsque Paulin défend l’intégrité du Les Livres carotins, composés cn 791 par ordre de symbole, il entend parler de la foi contenue dans les Charlemagne, fournissent une autre preuve de la pru­ symboles de Nicée el de Constantinople, non pus des dence et de la sagesse des papes dans la question du éclaircissements légitimes de cette foi. Or le Filioque Fittoque. Ces livres, qui renferment un véritable n’est pas une altération de la doctrine traditionnelle pamphlet contre le IIe concile de Nicée, blâment vive­ promulguée et sanctionnée par les deux conciles œcu­ ment saint Taraisc d’avoir dit que le Saint-Esprit méniques. 11 n’est donc pas défendu de l’ajouter au procède du Père parle Fils, au lieu de dire : Fc Saintsymbole, puisqu’il est tout simplement l’explication Esprit procède du Père ct du Fils, comme le croit uni­ d’une vérité de foi. Bien de plus clair que le passage versellement toute l’Églisc : Ex Patre ct Filio Spiri­ où saint Paulin explique sa pensée sur l’intégrité tum Sanctum, non ex Patre per Filium, procedere recte du symbole : on dirait qu’il prévoit ct réfute d’avance creditur ct usitate confiMur, Libri carolini, I. III, 3, 1rs objections ressassées par la théologie orthodoxe : P. L., t. xcvm, coi. 1118. Ces derniers mots laissent Non est in argumento fidei addere vel minuere ca, quæ voir qu’à la lin du vin· siècle la doctrine du Filioque a sanctis Patribus bene sala briterque sunt promulgata : était répandue dans tout l’empire franc. secundum eorum sensum recte sentire, ct exponendum La papauté répondit comme il fallait à ces injustes eorum subtile supplere ingenium : sed addere vel mi­ récriminations. Adrien Ier (772-795) éleva la voix nuere est subdole contra sacrosanctum eorum sensum, rn faveur du concile de Nicée ct de l’orthodoxie do aliter quam illi, callida tergiversatione diversa sentire, Taraisc. Il cn appela nu témoignage des Pères pour ct confuso stylo perversum dogma componere. Mansi, démontrer que la formule du saint patriarche était orthodoxe ct qu’il fallait accepter avec vénération Concil., t. xm, coi. 836. Il cite l'exemple des Pères les décrets du IIe concile de Nicée. Voir Fpistol de Constantinople qui ajoutèrent de nouvelles for- 2315 FILIOQUE mules au symbole de Nicéc. En agissant ainsi, ils n'altérèrent point la doctrine contenue dans le sym­ bole de Nicéc, mais suppleverunt quasi exponendo sensum. Ibid., col. 833. Cf. Franzelin, De Deo trino, Rome, 1895, p. 556-560. Ce fut l’intolérance dc quelques moines grecs qui souleva dc nouveau la question du /''iliaque et alluma le brandon dc la discorde entre grecs et latins. Lo cabfe Haroun-al Raclnd avait octroyé 5 Charlemagne une sorte de suzeraineté sur Jerusalem. Grace ù ce pri­ vilège, Charlemagne exerçait son protectorat sur les monastères et églises latines de la ville sainte. Or il y avait, sur le mont des Oliviers, une communauté de moines francs de rite latin, qui entretenaient des rela­ tions suivies avec l’Occidcnt ct tenaient beaucoup à leurs coutumes liturgiques. En 807, deux moines dc ce monastère, Égilbald ct Félix, sc rendirent auprès dc la cour de Charlemagne et y restèrent quelque temps. Éginhard, Annales, P. L·., t. αν, col. 468. De retour dans la ville sainte, ils commencèrent â chanter le symbole avec l’addition du Filioquc, comme cela se pratiquait à la chapelle impériale. Cette innovation excita le fanatisme religieux ct national des moines grecs dc Saint-Subas. Le plus fougueux d’entre eux, un certain Jean, ébruita dans la ville que les moines francs étaient hérétiques. 11 ameuta la populace contre eux et essaya avec ses partisans dc s’emparer de l’église latine, bâtie sur la grotte de la Nativité, et d’en chasser les moines francs. Ceux-ci résistèrent avec énergie. Mais puisque les troubles se poursui­ vaient, ils consentirent à ce que le clergé grec examinât leur foi. Ils n'eurent pas de peine à convaincre leurs adversaires de la fausseté des accusations portées contre eux, bien qu’ils reconnussent ouvertement que, sur quelques points secondaires, ils s'écartaient des traditions liturgiques grecques. Ils ajoutèrent qu’en les traitant d’hérétiques, ils faisaient injure au siège apostolique. Leurs explications apaisèrent la tempête soulevée par le fanatisme grec, et ils ne furent plus molestés. Cependant, pour tenir tête â leurs adversaires et repousser de nouvelles attaques, ils s'adressèrent au pape Léon III, lui demandant conseil. Ils lui racon­ tèrent, dans une lettre, ce qui s’était passé à Jérusa­ lem, et lui expliquèrent qu’ils chantaient le symbole avec le Filioquc,parce queccs mots se trouvaient dans une homélie de saint Grégoire le Grand, dans la règle dc saint Benoit, dans le symbole de saint Athanase ct dans un dialogue que co pape avait composé lui-même. Du reste, ils ne faisaient que suivre la coutume adop­ tée par le clergé de la chapelle impériale de Charle­ magne. Ils suppliaient le pape de consulter les auteurs grecs et latins, qui avaient expliqué le symbole,ct de les informer si réellement ils s'étaient prononcés en faveur de la formule ex Paire Filioquc. Le Quien, Dis­ sertationes damascenicæ, I, 13, P. G., t. xciv, col. 205208; de Régnon, op. cit., t. tu, p. 211-213. Léon III comprit aussitôt qu’il fallait être très ex­ plicite sur le côté dogmatique de la controverse. Il envoya donc aux moines de Jérusalem une profession de loi ou l’on affirme à deux reprises la procession du Saint-Esprit du Fils : Credimus... Spiritum Sanctum a PUre et Filio æqualiter procedentem... Spiritus San­ ctus a Patre et Filio procedens. P. L., t. xciv, coi. 209. Mais il s’abstint de leur envoyer le symbole litur­ gique avec l’addition du Filiuque. En même temps, Léon 111 remit à l’empereur la lettre qu'il avait reçue des mornes francs ct le pria d’accéder à leurs désirs. L’empereur chargea alors Théodulfe, évêque d’Or­ léans, dc composer un recueil de textes des Pères favo­ rables au Filiaque, voir plus haut, L iv, col. 807, cl réunit un concile à Aix-la-Chapelle (809). La ques­ tion du F ilioque y fut traitée avec ampleur. Le concile 231Ü se prononça en faveur de la procession du SaintEsprit du Fils et probablement approuva l’insertion du Filioquc au symbole, ilefvle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. m, p. 1127-1131. Le concile achevé, Charlemagne en envoya les actes à Leon 111. Il y ad­ joignit une dissertation sur la procession du SaintEsprit composée par l'abbe Smaragde. P. L., t. \cvni, col. 923-929. Celui-ci sc rendit à Home avec une am­ bassade extraordinaire, dont faisaient partie l’évêque de Worms et Adhélard, abbé de Corbie· Au mois de janvier 810, Hefcle, op. cit, L rit, p. 1132, Léon 111 reçut l'ambassade de Charlemagne et convoqua dans le secretarium dc Saint-Pierre une sorte de concile, où ’on donna lecture des actes du synode d’Aix-la-Chapelle. Le pape se montra satisfait dc ce qu’on avait approuvé, dans ce concile, la doc­ trine catholique de la procession du Saint-Esprit du Fils ct manifesta le désir de voir cette doctrine se répandre dc plus en plus parmi les fidèles. Il engagea les ambassadeurs de Charlemagne a la prêcher au peuple et à l'insérer dans les professions de foi pri­ vées. Mais il regretta vivement que l’on chantât le symbole avec le Filioquc, soit à la chapelle impe­ riale, soit dans plusieurs églises dc l’empire franc. Les envoyés dc Charlemagne répondirent aux do­ léances du pape, ct il s’ensuivit une conversation très animée, dont nous possédons un compte rendu fidèle. Patio qme habita est in secretario sancti Petri apostoli, etc., .Mansi, Concit., t. xiv, coi. 18-22. Les envoyés demandèrent au pape pourquoi il ne serait pas licite d'ajouter nu symbole une formule exprimant un dogme qu’il est nécessaire de croire pour être sauvé. Le pape répondit que les Pères des conciles œcumé­ niques s’étaient abstenus dc mentionner au symbole la procession du Sa nt-Esprit du Fils ct qu’ils avaient défendu en même temps dc rien y ajouter : novum ultra symbolum a quoquam qualibet necessitate seu salvandi homines devotione condere, ct in veteribus tol­ lendo mutandove quidquam inserere. 1) est vrai, décla­ rait Léon III, que la croyance au dogme exprimé par le Filioquc est nécessaire au salut, mais il y a aussi d’autres dogmes, que le symbole ne mentionne pas et que cependant il faut croire pour être sauve. Au cours dc leur conversation, les envoyés francs voulaient amener le pape à se prononcer sans détour sur la nécessité de conserver ou dc supprimer le Filioquc au symbole. Ils lui lirent remarquer que, si l’on ne chantait plus le symbole avec le /ilioque, les fidèles seraient portés ù croire qui! contenait une erreur contraire ù la vraie doctrine de l’Eglise. Le pape répondit alors en ces termes : « Si l’on m’avait demandé conseil en temps opportun, j'aurais dit dc ne pas introduire au symbole cette addition. A pre­ sent, il serait préférable d’interrompre le chant du symbole dans la chapelle impériale, ct il suffirait, pour expliquer cette interruption, d’annoncer aux fidèles que la sainte Église romaine suit la même pra­ tique. Les Églises de France ne tarderaient pas à imiter cct exemple, ct de la sorte un chant illicite disparaîtrait sans scandale pour la foi. » De Régnon, op. cit., t. ut, p. 217 219. Comme on le voit, Léon III visait â supprimer le Filioquc du chant du symbole. ■ Il n’approuvait point l’humeur dogmatisante qui régnait Λ la cour franque, ct, de plus, il prévoyait qu’une alteration du symbole commun aux deux empires pouvait amener de graves complications. · De Régnon, loc. cil., p. 219. Le Libre pontiflcalis nous apprend qu’il voulut en quelque sorte perpétuer le souvenir du conseil qu’il avait donné aux ambassadeurs de Charle­ magne. Sur «leux écussons d’argi nt du poids de cent livres, il fit graver en grec ct en latin le symbole de Constantinople sans le Filioquc, ct donna ordre qu'on 2317 FILIOQUE les plaçât l’un ù droite cl l’autre Λ gauche dc la porte par laquelle on entrait çlans la confession de SaintPierre. Il esl utile dc rapporter ici le texte latin du I passage cite, parce qu’il est l’objet d’une étrange mé­ prise de la pari des théologiens orthodoxes : Hic (Lto) oero pro amure ct cautela orthodoxe fide! fecit ubi supra sentos ex argento i 1, scriptos utrasque sym­ bolum, unum quidem litteris grœcis, et alium tatinis. Duchesne, Le Liber pontificalis, Paris, 1892, t. u, n. 84, p. 26. Les écrivains orthodoxes sc croient autorises Λ déclarer que, d’apres ce texte, Leon III ajouta, sur la base, des deux écussons, ccs paroles a jamais mémorables : Hicc Leo posui amore cl cautela orthodoxie fidei : TdU Λέων έΟ'μην αγάπην τι και προφυλακήν ορθοδόξου πιστεως. Lampryllos, op. cil,, p. 31. L’épisode raconté par le Liber pontificalis est attesté aussi par Abélard, Introductio m theologiam, II, 14, P. L., t. eux xvm, col. 1075, et par saint Pierre Damien, Opusculum contra errorem grœcorum dc processione Spiritus Sancti (XΛ’ A’ !X), c. n, P. L., t. CXLV, coi. 635. Le patriarche Vekkos affirme qu’à son époque on pouvait encore voir ces deux écussons I Λ la basilique de Saint-Pierre. Ee/utalio pholiani libri de Spiritu Sancto, P.G., t. exu, col. 848. Le conseil de Léon III ne fut pas suivi dans l’em­ pire franc. Charlemagne et son clergé maintinrent l’usage de chanter le symbole avec le Filioque. Cet usage finit par prévaloir à Home, mais on ne sait pas au juste à quelle époque. Les uns disent que cc fut Nicolas Ier qui l’introduisit; mais cette opinion n’est guère probable. Il serait étrange, en effet, que Phollus, dont on connaît les nombreux griefs contre cc pape, ne lui eût jamais reproché d’avoir interpolé le symbole, si réellement Nicolas Irr avait suivi l’exemple des Églises de l’empire franc. D’après un anonyme grec, le pape Chrislophore (903-904) au­ rait été le premier A insérer au symbole le mol Fi­ lioquc. Opusculum dc origine schismatis, i, n. 8, dans Hergenrother, Monumenta græca ad Photium ejusque historiam pertinentia, Kntisbonne, 1869, p. 161. D’autres attribuent cette innovation à Serge III (904-911). HergenrOther, Photius, t. i, p. 705-706. Mais on admet généralement que ce fut sur les in­ stances de l’empereur Henri II (1002-1024) que le pape Benoit VIII (1012-1021) consentit à chanter A Home le symbole avec le Filioquc. C’est Beinon ou Bernard, abbé dc Belchenau, témoin oculaire du cou- . ronnement d’Henri II à Koine en 1013,qui a transmis cc renseignement. Libellas de quibusdam rebus ad missæ officium pertinentibus, c. il, P. L., t. CXUI, col. 1061; Le Qulcn, Dissert, damascenicæ, I, n. 28, P. G., t. xciv, col. 221-225; Dc Kubeis, Disserta­ tiones in vitam Gcorgil Cyprii, II, n. 3, P. G., t. cxi.n, col. 203, 204. D’après lingues Etherinnus, le pape sc déciila à Insérer le Filioque au symbole, après avoir demandé conseil A une commission composée d’évêques ct dc cardinaux. Adversus grœcorum errores, I. Ill, c. xvi, P. L., L ccn, col. 375. Cependant. même après l’adoption du Filioque par Koine, quelques Églises continuèrent ù chanter le symbole sans ce mot. Un texte d’Alexandre de Halés atteste qu’en 1240, A Paris, on ne chantait pas encore le Filioque au symbole. Sum. theologica, part. I, q. xliii, m. iv, Cologne, 1622, I. I, p. 218; de Bégnon, op. cit., t. in, p. 222. 3° Le Filioquc ct ta polémique photienne. — La cou­ tume de chanter le Filioque au symbole ne souleva aucune protestation de la part de l’Eglise grecque, Jusqu’au moment où éclata le conflit entre le SaintSiège ct Photius. En 867, Photius réunit à Constan­ tinople un conciliabule, pour prononcer contre Ni­ colas Ier une sentence dc déposition, et rédigea sa fameuse lettre encyclique aux patriarches d’Orient. 2318 On y trouve les plus violentes récriminations contre l'insertion du Filioque au symbole. Photius accuse l’Église romaine de s'etre portée au plus grand des excès, au comble de l'impiété, à un acte d’audac» sans égal, c’est-a-dirc d'avoir osé altérer, falsifier, par des locutions bâtardes ct surajoutées, 1c sacr. symbole; d’avoir oublié que ce symbole avait été sanctionné par les conciles œcuméniques ct particu­ liers, qui lui avaient conféré une force irrésistible. L’introduction du Filioque nu symbole est une in­ vention diabolique, une nouveauté doctrinale, un dogme impie. Epistola cncychca, n. 8, 9, P. G., t. en, col. 725. Dans la VP session du conciliabule de 879, Photius proposa à scs adhérents dc frapper d’anathème ceux qui oseraient altérer le symbole ct produisit une lettre du pape Jean VIH, où on lit ce passage : « Nous gardons le symbole, tel que nous l’avons reçu d’abord, sans y avoir rien ajouté, ni en avoir rien ôté, sachant bien quelle peine mériteraient ceux qui s’aviseraient dc le faire. · Les auteurs dc l’insertion du Filioque sont appelés transgresseurs de la parole dc Dieu, corrupteurs de la doctrine de Jésus-Christ, dcsapôtrvs ct des Pères, des Judas qui déchirent les membres du Christ. Mansi, Concil., I. xvn, col. 525. On accuse Photius d’avoir fabriqué cette lettre. Jager, Histoire de Photius, Paris, 1845. p. 335-337. Voir aussi LeQuien, Panoplia contra schisma græcorum, Paris, 1718, p. 171. Il y a des historiens du schisme, même en Occi­ dent, qui refusent d’imputer à Photius la responsa­ bilité de ce faux, Pichler, Geschichte der kirchlichcn Trennung, Munich, 1864, t. î, p. 200; mais il parait hors dc doute que cette fameuse lettre n’a pas été écrite par Jean VIII, voir Hergenrother, Photius, t. iî, p. 511-551 ; Hcfele, op. cit., trad. Leclercq t. iv, p. 604-605, quoi qu’en disent les théologiens ortho­ doxes grecs et russes. Lampryllos, op. cil., p. 61-68; Krémos, 'Ιστορία τού σ/ίσμχτος των Βύο Έχχλησιών έ).)ηνικής χαι ρωμαϊκής, Athènes, 1907, t. π, ρ. 382; Nectaire (Kephalas), Μώέτη Ιστορική ζιρί των αίτιων τού σχίσματος. Athènes, 1911, t. I, p. 283-292; IvanUov Platonov, K izslirdovaniiam o l otie, Saint-Péters­ bourg, 1892, p. I 15, 1 16; Lebedev, Histoire de la sé­ paration des Égliscs(en russe). Moscou, 1900,p.236-290. Dans sa lettre au patriarche d’Aqullée, Photius sc livre à de nouvelles attaques contre le Filioque. Il rappelle les deux écussons dc Léon III cl félicite ce pape d’avoir choisi ce moyen infaillible pour assurer cl propager la connaissance dc la saine doctrine ct s’opposer aux progrès dc l’hérésie, n. 5, P. G., t. en, col. 800. Il rappelle aussi qu’au concile (conciliabule) de 879, les légats du pape Jean VIII s’étaient pro­ noncés pour l’inviolabilité du symbole sanctionné par les conciles œcuméniques ct universellement prêché et reçu, n. 25, ibid., col. 820. Voir Myslagogiat n. 87-89, /’· G., t. en, col. 375-384. Après Photius, la polémique grecque ne cessa pas de considérer le Filioquc comme la cause et le fonde­ ment du schisme entre les deux Églises d’Orient et d’Occident. Si les latins y renoncent, écrit Pierre d’Antioche Λ Michel Cèrulalrc, la paix est rétablie, ct il serait injuste de leur réclamer d’autres concessions. P. G., t. exx, col. 812. D’après Théophylacte de Bul­ garie, l’erreur la plus grave des latins, μέγιστο* σφάλμα, le crime qui leur ouvre les portes de l’enfer, est la nouveauté qu’ils ont introduite dans le syml»ole. Allocutio de iis in quibus lutini accusantur, n. 3, P. G., t. exxvi, col. 225. C’est elle qui n provoqué le schisme, Arsène, Trois opuscules d'un anonyme grec du commencement du xm· siècle, Moscou, 1892, p. I; qui a été la cause principale du conflit entre grecs et latins. Nicetas de Nicée, lîcpi τώ> άζυμων, dans Pavlov, Essais critiques sur l'ancienne polémique 2:319 FILIOQUE contre les latins, Saint-Pétersbourg, 1878, p. 137. L'addition du Filioque a été la source de toutes les hérésies latines, Syméon de Thessalonique, Dialogus advenus latinos, χιχ, P. G., t. clv, col. 97, la cause permanente du schisme. Ibid., xxi, col. 109. Depuis la séparation des Églises, on a posé aux la­ tins qui voulaient entrer dans l’Églisc grecque la condition de lire une profession de foi anathêmatisant l’addition du Filioque au symbole : Αποβάλλομαι την παρι των λατίνων γινομΖνην προσθήκην έν τούτο» τώ άγίω ιταΜϊω. Miklosich et Müller, Acta patriarchatus con· stantinàpolitani, Vienne, 1862, t. n, p. 8. Au concile de Florence, o consacra plusieurs sessions à la discussion dc la légitimité du Filioque au symbole, et Marc d’Éphèse ne cessa dc répéter que cette addition a été la cause du scliismc, l’origine de tous les scan­ dales, la ruine de la charité, une initiative illicite. Mansi, Concil., t. xxxi, col. 510, 511, 516, 518. Les théologiens grecs modernes rivalisent de vio­ lence avec leurs ancêtres dans leurs attaques contre le Filioque. e Ce Filioque, écrit Mgr Chrysostome, métropolite de Drama, est une sentence arbitraire, une nouveauté hérétique, un dogme impie, mauvais, faux, contraire à l’Évangile, révélé par le diable qui est le père du mensonge. » Ihpi Έχχλησιας, Athènes, 1896, t. u, p. 389. Le symbole de la foi ne doit pas être altéré ou changé. Les canons ecclésiastiques ct les décrets des Pères et des papes défendent d’y rien ajouter ou d’en rien retrancher. Quiconque y ajoute une syllabe tombe dans l’hérésie, se soulève contre les conciles, est frappé d'anathème, mérite l’excommuni­ cation. Même si le Filioque n’était pas une doctrine impie ct très opposée à la vérité, meme s’il avait toute la noblesse des vraies dogmes orthodoxes, on pourrait peut-être l'enseigner dans les écoles, l’introduire dans 1rs catéchismes, dans les professions de foi, dans les lettres dogmatiques; mais il serait toujours défendu de l’insérer au symbole, qui est l’œuvre des Pères. Ibid., p. 397-398. · 11 est évident, écrit Mcsoloras, que ! le symbole de Constantinople n’a pas le Filioque. Les latins (catholiques ct protestants) ont commis donc un crime horrible en l'introduisant au symbole sans une juste raison. Par lù, ils ont déformé l’Églisc chrétienne et provoqué d’inn unbrablcs dissensions. > Συμβολική ττ,ς όρδοίόςου ά/ατολιχής Έχχλησία;, Athènes, 1883, t. i, p. 52. Dans sa lettre encyclique cn réponse à l’encyclique Præclara de Leon XIII, le patriarche dc Constantinople Anthime déclare que, dès le ix· siècle, l’Églisc occidentale a commencé 5 falsi­ fier le symbole ct qu’elle y a introduit une formule illicite ct antiévangélique. Έγχύχλιος πατριαρχική καί συνοδική, n. 7, Constantinople, 1895, p. 8. IL Légitimité de l’insertion- du fiuoqüb au symbole. — La théologie orthodoxe exagère outre mesure l'importance dc l’addition du Filioque au symbole de Constantinople. Cette addition, à bien y réfléchir, ne mériterait pas d’être rangée au nombre des divergences dogmatiques ou liturgiques entre les deux Églises d’Oricnt et d’Occident. Si le Filioque, en effet, exprime une doctrine dogmatiquement vraie, e· nous cn avons donné la preuve cn traitant de la procession du Saint-Esprit du Fils, il est évident que son introduction au symbole par une autorité légi­ time n’est aucunement contraire ni aux traditions, ni aux lois dc l’Églisc. Dans leurs démêlés avec les Ut ms, les grecs auraient donc dû sc borner à faire valoir les arguments, qui, à leur avis, montrent la fausseté du Filioque, cl ne pas mettre en question la légitimité de son insertion nu symbole. Ccttc inser­ tion ne saurait, cn effet, constituer un obstacle ù I union des Églises, si les latins prouvent que son con­ tenu doctrinal est conforme aux témoignages de l’Écnture sainte et de la tradition. 2320 Cc n’est donc pas sans raison qu’au concile de Flo­ rence le cardinal Ccsarini réduisait au silence les I grecs par le dilemme suivant : ostendere poteritis ex Filio non procedere Spiritum Sanctum, tunc ego aperte dixerim esse additamentum, et sanctu romaine Ecclesia: non licuisse addere quod est vero: fidei opposi­ tum; sed si /alsum hoc esse probare non potueritis, imo vero demonstratum /uit utile ct verum, tunc conce­ dendum ent licuisse. in symbolo explicare. Mansi, Concil., t. xxxi, coi. 655. Le cardina! Bessarion ad­ jurait aussi ses compatriotes d'examiner d’abord si leFilioque était, oui ou non, conforme à la révélation divine. Car, si on avait pu démontrer que le dogme latin était faux, la question de l’insertion du Filioque n'aurait plus eu besoin d’être posée. Que si, au con­ traire, le Filioque était appuyé sur de bonnes raisons, l’objection des grecs tournait au ridicule, car l’Église n'a jamais renoncé au droit d’ajouter au symbole l’ex­ plication légitime de la doctrine révélée. De proces­ sione Spiritus Sancti ad Alexium Lascar in Philanthropinum, P. G., t. clxi, col. 337. 1° L'addition du Filioque n'a pas été la cause du schisme grec. — La première question à éclaircir, avant d’aborder les preuves de la légitimité de l’in­ troduction du Filioq ic au symbole, est la suivante : le Filioque a-t-il réellement provoqué le scliismc entre les deux Églises? La réponse à ccttc question ne sau­ rait être que négative. 11 est hors de doute, en effet, que, bien longtemps avant Photius, la doctrine du Filioque était connue et professée dans les Églises d’Es ague cl des Gaules. Les grecs cependant, toujours ù l’affût dc nou­ velles hérésies, ne protestent pas contre celte nou­ veauté anliévangèlique. Par la bouche de scs docteurs les plus illustres (Photius lui-même cite comme favo­ rables au Filioque saint Augustin, saint Ambroise, saint Grégoire le Grand, Mystagogia, 66-72, P. G., t. en, col. 341-353), la théologie latine sc prononce pour le Filioque. Le Filioque pénètre dans les pro­ fessions dc foi conciliaires dc l'Occidcnt, dans le symbole même dc Constantinople. Mais l’Église grecque ne trouve rien à redire. Les moines grecs de la Palestine s’effarouchent cn entendant leurs col­ lègues francs chanter le symbole avec le Filioque. Mais la hiérarchie grecque ne sc range pas dc leur côté pour la défense dc l'orthodoxie. Photius est élevé au siège patriarcal. H sc rend compte qu’il y a des griefs contre lui ct que le SaintSiège lui demandera (les explications sur sa conduite. Mais il devance scs adversaires cl envoie ù Nicolas Ier sa profession dc foi ct une lettre savamment rédigée. 11 lui demande dc l’ai cr de ses prières, de l'honorcr dc son amitié, d’agréer les marques de sa vénération ct dc son respect. Voir Jagcr, Histoire de Photius, p. 34-38. Or Nicolas Ier était le chef de ccs Églises d’Occident que Photius ne devait pas hésiter à appe­ ler hérétiques Λ cause du Filioque. Comment donc expliquer ccs sentiments de vénération dc Photius Λ l’égard du siège de Rome, si réellement il était con­ vaincu de a fausseté hérétique du Filioque ct dc son caractère dc nouveauté contraire à l’Évangile? Il y a donc lieu dc croire que,si Nicolas Ier avait épousé la cause dc Photius cl abandonné Ignace aux persé­ cutions dc scs ennemis, Photius n'aurait pas louché à la question du Filioque, n'nurait pas rompu scs rela­ tions avec l’Églisc romaine. Si ante Photium, remarque avec raison Manuel Calécas, symbolum a latinis cam additione legebatur ipseque primus, cum voti non poti­ retur additionem drscessionis reperit causam ut passim sibi liceret volis perfrui : compos autem sut desiderii effectus, nullum ultra ea de re verbum movit, subjeclionemque debitam per omnia summo pontifici reddidit, nonne liquet ex omnibus, non additionem, sed super- 2321 FILIOQUE biani potius, cl a nemine velle judicari, schismatis fuisse causam? Advenus grtccos, I. IV, P, G., t. glu, col. 208. Cf. Ratramne de Corbie, Contra grœcorum opposita, I. II, c. ιι, /*. t. cxxi, col. 246. Les attaques dc Photius contre le Filioque ne pa­ raissent pas avoir été prises au sérieux par scs premiers successeurs. Il y a bien, un siècle apres sa mort, une lettre encyclique du patriarche Sisinnius II (996-998). où l’on reproche aux latins l’addition du Filioque^ Démélracopoulos, ’Ορθόδοξος Έ//άς, Leipzig, 1872* р. 5. Mais cette lettre est identique à celle dc Pho­ tius. Sisinnius l’a signée de son nom, ou même un copiste ignorant la lui a attribuée. Allatius, Dt Ecclc· site occidentalis et orientalis perpetua consensione, I. II, с. vin, Cologne, 1618, col. 606. Au χι· siècle, Michel Cérulaire déclare de nouveau la guerre contre l’Églisc romaine, mais il s’en prend d’abord à ses coutumes liturgiques ct disciplinaires. 11 passe sous silence, au moins dans ses premières escarmouches, cc que Photius considère comme le crime le plus audacieux de l'Occidcnt latin. Pendant le xr siècle, la question dc l’addition au symbole n’a tenu qu’une p ace tout à fait secondaire. Brehier, Le schisme oriental du XI9 siècle, Pans, 1899, p. 131, 132. Il est utile aussi dc remarquer qu’entre le patriarcat dc Photius ct celui dc Cérulaire. le schisme oriental n’est pas un fait accompli. El cependant le symbole avec l’addition du Filioque se répand dc plus cn plus cn Occident, sans que les grecs x voient un at­ tentat contre les décrets dogmatiques des anciens conciles. Mammas, Apologia contra Ephesii confes­ sionem, P. (i,, t. clx, col. 157; Michel, L'Orient et Pome, Sainl-Amand, 1891, p. 253-254; de Régnon, op, cit., t. in, p. 237. Et le Filioque serait resté sans doute un objet de discussion entre les théologiens grecs et latins, si les croisades d’abord, ct ensuite la prise dc Constantinople par les Francs (1204), n’eussent creusé un abîme entre l’Oricnt cl l’Occidcnt, n’eussent excité au plus haut point la haine des grecs contre l’Église romaine. Plus qu’au Filioque, les auteurs du schisme grec cn voulaient à la primauté des papes. Deux histo­ riens récents de la séparation des Églises, Krèmos ct Mgr Nectaire Képhalas, l’avouent sans détour. I est hors dc doute, écrit le théologien grec Nicolas Amvrazis, que l’orgueil cl l’ambition dc Nicolas Pf poussèrent Photius ù rejeter comme des hérésies les quelques divergences dogmatiques entre grecs cl latins. La procession même du Saint-Esprit du Fils était professée par plusieurs Églises occidentales, cl toutefois les évêques orientaux, pendant long­ temps, ne s’avisèrent pas dc la proscrire, de la con­ damner comme une doctrine hérétique. Ils ne mirent cn avant ccs divergences, le Filioque en particulier, que lorsqu'ils s’aperçurent que la papauté était un danger pour l’indépendance ct la liberté de l’Église. Si les papes donc ne s’étaient pas laissé fourvoyer par l’orgueil, l’ambition, la soit de régner, il est bien probable que l’on n’aurait pas f.iil attention à ces divergences, (pie celles-ci n’auraient pas tardé ù s’effacer cl que le monde chrétien n'aurait pas eu à déplorer la déchirure du schisme. » Ή όρΟοβοξο; 'Exζλησ/α έν σχίσει ττρός όλα; τα; αλλα; χριστιανικά; έχχλησίχ; εΰταζομίνη, Athènes, 1902, ρ. 52, 53. 2° Le décret du concile d'Éphèse ft l'autorité de Γ Église sur le symbole. — L’objection principale dc la théologie orthodoxe contre l’insertion du Filioque au symbole est puisée dans une décision du concile d’Éphèse (IIIe œcuménique) qui frappe dc répro­ bation les falsi 0 al cnrs du symbole de Nicée. A la vi· session du concile, Chnrisius, prêtre de Philadel­ phie, présenta aux Pères un symbole composé par Théodore dc Mopsucstc. 11 contenait à mots couverts 2322 l’hérésie ncstoricnnc. Charisius le lut devant l’asscm· blée ct ajouta qu’il avait été accepté et signé par un certain nombre dc quarlodécimans ct dc novations. Frappés du danger qui menaçait la pureté dc la foi orthodoxe, les Pères d’Éphèse promulguèrent le décret suivant : < Le saint concile a décrété qu’il n’est permis à personne dc proposer, d’écrire ou dc composer une formule de foi différente dc celle qui a été fixée par les saints Pères réunis à Nicée avec le Saint-Esprit. Au sujet de ceux qui oseront composer une autre foi ou la proposer ou la présenter à ceux qui désirent sc soumettre ù la connaissance dc la vé­ rité ou qui viennent à la religion chrétienne du pa­ ganisme, du judaïsme ou dc toute autre hérésie, le concile décide que, s’ils sont évêques ou clercs, ils perdront leurs charges ct dignités, ct, s’ils sont laïques, qu’ils seront excommunies. » Mansi, ConciL, t. iv, col. 1361, 1364; 1 lefcle, op, cit,, trad. Leclercq, t. π, p. 331. Depuis Photius, Mystagogia, 80, P. G., t. ai, col. 361, 365, les polémistes grecs déclarent que cette décision du concile d’Éphèse condamne implicite­ ment l’interpolation latine du symbole. Tout d’abord, ils aflinncnt qu’aprés le concile d’Éphèse le symbole dc Constantinople est une formule littérairement in­ violable, même pour la suprême autorité dc l’Églisc. Les conciles oecuméniques n’ont plus le droit de rien ajouter au symbole, declare Marc d’Éphèse au concile dc Florence. Mansi, Concil., t. xxxr, col. 533. La défense du concile d’Éphèse est une defense que l’Églisc s’est portée ù elle-même, la renonciation vo­ lontaire à un droit qui a etc exercé par les Pères des deux premiers conciles œcuméniques. Ibid., col. 519, 584, 601, 608. El la sentence dc Marc d’Éphèse était si commune ct si enracinée dans la théologie grecque, que Bessarion lui-même la partageait avant dc se rendre ù l’évidence des arguments dc la théologie latine sur cc point controversé. Mansi, Concil., t. xxxi, col. 524; Vast, Le cardinal Bessarion, Paris, 1878, p. 71. Il n’est pas difficile de prouver que celle interpré­ tation du décret du concile d’Éphèse est étrange, contraire à la constitution divine dc l’Église et à sa vitalité, ct enfin nuisible aux intérêts les plus graves du monde chrétien. Tout d’abord, elle est étrange. On ne saurait conce­ voir, en eflet, qu’un concile qui exerce le droit d’expli­ quer la révélation chrétienne, dc condamner les doctrines hérétiques, de promulguer des définitions dogmatiques, s'arroge l’autorité de dépouiller de ce même droit les conciles qui le suivront. Si les con­ ciles œcuméniques ont tous le meme droit dans le do­ maine dogmatique, il s’ensuit clairement que, sur cc même domaine, un concile œcuménique ne peut pas limiter les attributions des autres conciles. S’il y a des limites, elles concernent le devoir pour un concile de ne pas promulguer des décrets dogmatiques con­ traires aux défini lions dogmatiques des conciles pré­ cédents; mais il va sans dire qu’ils ne peuvent pas sc rapporter ù l’exercice d’un droit, qui appartient à titre égal ct avec la même étendue ù tous les conciles œcuméniques. Au point de vue juridique, il serait donc étrange de soutenir que le concile d’Éphèse a ôté à l’Églisc un droit dont l’Église n'a Jamais entendu se dessaisir. Cette interprétation est contraire û la constitution divine dc Γ Église. L’Églisc, en effet, est une société vivante. Celte vie, elle doit la conserver, la développer jusqu'à la fin des siècles. Il est donc évident qu’elle ne saurait renoncer à ses fonctions vitales, ni cesser d’exercer la mission qu'elle a reçue dc son divin fon­ dateur. Comme société vivante, elle est tenue dc con­ server intact le trésor dc la révélation divine, de ré­ 2323 FILIOQUE pondre aux objections dc scs adversaires, d'éclaircir les côtés obscurs dc la vérité chrétienne, de I ni nchcr par des definitions précises les controverses dogma­ tiques, dc proposer à scs enfants les vérités qu'on doit croire pour être sauvé. Les premiers conciles de Nicéc, dc Constantinople ct d’Éphésc ont rempli ccttc mis­ sion pour écarter les dangers qui menaçaient la vie dc l’Église. Pourquoi donc celle mission devrait-elle cesser en vertu d’une décision conciliaire? Ne répugne-t-il pas d’admettre que le III* concile œcuménique ait obligé l’Église à renoncer à un droit qui est la mani­ festation la plus puissante dc sa vitalité intellectuelle? Dire que le concile d’Éphésc présent aux futurs con­ ciles œcuméniques ou à la suprême autorité dc l’Église de ne rien ajouter au symbole dc Nicéc ou dc Constantinople, cc serait déclarer que, depuis 131, l'Église n’a plus le droit dc proposer aux fidèles dc nouvelles définitions dogmatiques, c’est-à-dire n'a plus le droit dc déployer l'activité bienfaisante des trois premiers conciles œcuméniques. < Si l’Église a le droit dc sauvegarder, d’expliquer, dc définir plus exactement les vérités dc la révélation, elle a aussi le droit dc composer, en temps cl lieu opportuns, dc nouveaux symboles, c’est-à-dire elle a le droit de dé­ terminer que telle ou telle vérité dc foi soit renfermée et professée d’une manière plus explicite dans le sym­ bole; elle a le droit dc choisir la formule qui exprime celte vérité ct dc l’opposer aux erreurs qui menacent dc corrompre la vraie doctrine du Christ. (3e droit ct cc devoir viennent à l’Église dc Dieu lui-même ct l'Église les exerce cn vertu dc son infaillibilité doctri­ nale et dc l’assistance divine du Saint-Esprit. On ne saurait donc alllnncr qu’ils appartiennent à l’Église d’une époque postérieure dans un degré moindre qu’à l’Église d’une époque antérieure. L’Église ne possède pas ce droit cn vertu d’une loi variable, d’une conces­ sion temporaire. Cc droit est inhérent à sa constitu­ tion divine, à ses propriétés essentielles dc société in­ stituée par Dieu. Franzelin, Tractatus de Deo trino, p. 518. Au point de vue juridique donc, le décret du concile d’Éphésc ne saurait priver l’Église d’une pré­ rogative qui fait partie, pour ainsi dire, des éléments essentiels dc sa constitution divine. Enfin, ccttc interprétation est contraire aux intérêts tes plus graves du monde chrétien. 11 est un fait avéré que, pendant sa vie d’ici-bas, l'Église catholique est tenue dc combattre sans cesse pour sauvegarder l’unité de sa foi, le dépôt intégral dc la révélation chrétienne. Elle est toujours aux prises avec les falsi­ ficateurs dc la doctrine qu’elle a reçue dc Jésus-Christ, et elle ne serait pas à même dc leur opposer une résis­ tance victorieuse, si elle renonçait au droit d’éclaircir, dc développer, d’expliquer les vérités dc son credo. Mais cc travail d’éclaircissement du dogme ne suffit pas à la mettre à l’abri des assauts dc scs ennemis. Il lui est necessaire parfois dc proposer à tous scs (ils la définition précise, l'affinnalion nette cl péremptoire d’une vérité qui, d’après son enseignement infaillible, est contenue explicitement ou implicitement dans la révélation divine; il esl nécessaire que scs (ils pro­ fessent tous d’une manière identique la même vérité, qu elle a essayé dc mettre cn lumière pour la sous­ traire aux fausses Interprétations et déductions dc l’hérésie. Si donc l'Église renonçait d'elle-même à cc droit d'éclaircir, dc proposer à scs Ills les vérités qu elle déclare contenues explicitement ou implici­ tement dans la révélation divine cl dc les exprimer dans ses professions de foi ofilclclles, elle laisserait scs fils désarmes contre les infiltrations de l'hérésie ct elle détruirait dans son sein l'unité de la croyance dogma­ tique. Ce que nous disons est confirme par les Pères du concde dc Chalcédoinc qui, dans leur allocution à Iempereur Maroen, s’expriment cn ccs tenues : « 11 2324 est nécessaire dc combattre ceux qui s'efforcent dc corrompre la saine doctrine cl dc résoudre leurs objec­ tions. Si tous étaient satisfaits de cc qui a été établi dans le domaine dc la foi, si des nouveautés folles ne jonchaient pas d’obstacles les sentiers de la pieté chré­ tienne, nous n’aurions pas besoin de rien ajouter à cc qui a été déclaré dans le symbole. .Mais puisque dc nombreux fidèles sc fourvoient ct s’égarent dans le labyrinthe des erreurs, nous devons les convertir, nous devons leur manifester la vérité, nous devons nous préoccuper d’extirper leurs innovations par des moyens salutaires. · .Mansi, Concil., t. vu, col. 456157. Nous pouvons donc conclure avec Manuel Calécas : « L’Église n’a pas renoncé au droit d’enseigner, de dicter à scs enfants cc qui est vrai et utile au salut des âmes. Si cela était, en présence des hérésies, elle n’aurait pas défini cc qui distingue la piété dc l'impiété ou même, dès son origine, elle aurait inséré au sym­ bole tout cc que nous sommes tenus de croire, car, dc ccttc façon, elle aurait fermé la porte à toutes les nouveautés cl enlevé aux conciles œcuméniques la possibilité dc promulguer de nouvelles définitions dogmatiques. » Adversus grœcos, 1. IV, P. G., t. cui, col. 187; Palmieri, Il progresso dommatico net concetto caltulico, Florence, 1910, p. 48-51. 3° Le décict du concile d'Éphésc n'a pas ôté d ΓÉglise le droit d'ajouter de nouvelles explications au sgmbole en général. — Cette proposition est un corollaire de la doctrine que nous avons développée dans le para­ graphe précédent Si l’Église a le droit dc fixer sa doc­ trine dogmatique, de la préciser par dc nouvelles définitions, elle a aussi le droit dc proposer ccs defi­ nitions aux fidèles dans scs professions de foi offi­ cielles. Si on lui refusait cc droit, l’Église serait dans la condition d'un maître autorisé, qui sc priverait sans raison dc La liberté dc communiquer à scs disciples le fruit dc scs recherches scientifiques. L'ancienne polé­ mique grecque n’admet pas la vérité de cc coroHdre; mais elle est si évidente que les théologiens russes les plus avisés sc sont prononcés contre la prétendue invio­ labilité du symbole. Symbolum, écrit Theophane Prokopovitch, licet quoad sententiam,est res plane theo­ logica, quia nihil continet, quod non ex Scriptura dedu­ ctum sit; attamen quoad verborum contextum, res est adiaphora, quia mere humana; nec enim interest, qui­ bus verbis el phrasibus fidem exprimas, modo bene expresseris. Ergo ex se non habet symbolum immuta­ bilitatis suæ vim. Tractatus de processione Spiritus Sancti, Gotha, 1772, p. 428. Cf. Innocent, Bogoslovic oblitchitdnoe, Kazan, 1859, l. n, p. 88. 4° Le décret d'Êphèse n'a pas ôté d l'Église le droit d'insérer de nouvelles explications au symbole de Con­ stantinople.— Cette proposition est aussi un corollaire dc la doctrine que nous avons précédemment établie, car un concile œcuménique n’a pas le droit de limiter l’autorité doctrinale de l’Église. Or il appartient à ccttc autorité de juger si, pour abattre les hérésies nouvelles, il convient d'ajouter à un symbole, quel qu’il soit, dc nouvelles explications dogmatiques. Lc concile d’Éphésc n’a pu donc restreindre l’autorité dc l’Église louchant le symbole dc Constantinople. La théologie orthodoxe proclame l’inviolabilité du symbole de Constantinople el déclare que ccttc invio­ labilité a été définie par le concile d’Éphésc cl admise, cn pratique, par les docteurs postérieurs à ce concile. Prokopovitch, op. cil., p. 127. Mais il n’est pas diffi­ cile dc prouver que cette opinion parait fausse histori­ quement et repose sans doute sur une fausse interpré­ tation du décret du concile d’Éphésc. Elle parait fausse historiquement. Déjà Mgr Duchesne I remarquait que rien n’autorise à penser que le svmbole dc Constantinople ail été promulgué par le conciic dc Ί 2325 FILIOQUE 2326 Le décret du concile d’Éphésc ne défend donc pa* 381, parce que le concile d’Éphêie dc 431 l’ignore d’abord d’insérer au symbole des explicat ions gram­ absolument. Pour le concile d’Éphésc il n’y a qu’un maticales, les périphrases purement verbales d'une symbole, celui de Nicée. Éf/ftos séparées, p. 79. Si le vérité qui y est déjà contenue; cn second heu, il symbole de Constantinople est donc ignoré par le défend dc la manière la plus absolue d’ajouter au sym­ conede d’Éphésc, la defense dc rien ajouter au sym­ bole des croyances dogmatiques qui contredisent les bole porte sur le symbole qu’apres mûre réflexion et avec une sage lenteur. Elle attendait que des oppo­ sitions achanivcs, que des négations réitérées l'obli­ geassent à remplir sa mission d'apaiser les débats ct d’enseigner aux fidèles ce qu’il faut croire. Léon 111 n simplement juge que le moment n'était pas favora­ ble pour ajouter au symbole une nouvelle formule 2331 FILIOQUE dogmatique. Mais il était tellement convaincu de la Vérité du Filioque qu’il ne demanda pas la suppression immédiate de ccttc formule; il ne sépara pas de sa communion les Églises d’Espagne ct des Gaules, parce qu’elles s’en tenaient à leur coutume cl ne sui­ vaient pas scs conseils. Voir Hozavcn, op. cil., p. 43, 44. Le P. Baur rappelle Λ propos un épisode qui a beau­ coup d'analogie avec cc qui s’csl passé sous Léon HL Un concile tenu à Antioche en 267, ou en 272, d’après le ΙΜιλιον, rejeta le terme (Ρύμοούσιον, que le concile de Nicéc devait insérer dans son symbole, comme la tessera de l’orthodoxie. 1 Icfele, op. cit., trad. Leclercq, t. i, p. 202, 203. Le (Ιηδάλων ne blâme pas la décision de cc concile, parce que, dit-il, sa condam­ nation portail sur le mot, non pas sur la doctrine. Par l’introduction d’un terme nouveau, les Pères du concile ne voulaient pas fournir aux hérétiques le pré­ texte do nouvelles accusations. ll/joaXtov,, Athènes, 1886, p. 106, n. 2; Baur, Argumenta contra orientalent Ecclesiam, Inspruck, 1897, p. 40, 11. De même, Léon III a Jugé que l’insertion du Filioque n’était pas opportune, car elle aurait envenimé les dissensions entre grecs et latins. Mais il va de soi que l’oppor­ tunisme ne doit pas durer toujours. De nouvelles cir­ constances poussèrent les successeurs de Léon 111 à ne plus temporiser, d’autant plus que leur silence aurait été exploité par les grecs comme une condamnation implicite d’un dogme dont la croyance était déjà gé­ nérale dans l’Égiise latine. La conduite de la papauté n’est donc pas contradictoire dans l'affaire du Filio­ que. Il y a eu sans doute quelques variations sur un point disciplinaire, mais pour cc qui concerne le dogme lui-même exprimé par le Fllioquef par la bou­ che de ses pasteurs suprêmes, l’Égiise romaine a tou­ jours professé que le Saint-Esprit procède du Fils aussi bien que du Père. 111. Le cahactèhe dogmatique du fiuoquk. — 1· Données historiques. — Après le concile du Vatican en 1870, la question de l'addition du Filioque au sym­ bole a été reprise cl a fourni matière à de vives discus­ sions entre les théologiens anglicans ct vieux catho­ liques, d’un côté, cl les théologiens orthodoxes, de l’autre. Un l’a surtout examinée dans les conférences des vieux catholiques de Bonn, du 14 au 16 septem­ bre 1871, el du 10 au 16 août 1875. Dollinger y diri- I geait les débats. Les Busses y avaient envoyé leurs meilleurs théologiens libéraux, l’archiprêtrc Janychcv, le général Alexandre Kinéev, le professeur Osmine. Le 15 septembre 1874, les membres de la conférence se trouvèrent d’accord sur cc point que l'addition du Filioque au symbole faite par l’Égiise romaine est illé­ gale, cl qu’il fallait bien examiner s'il y avait heu de rétablir le symbole dans son intégrité primitive sans compromettre en rien la vérité théologique exprimée par la formule latine. Bogorodsky, Duch soiatgi, Grodno, 1901, p. 18. Quelques-uns hésitèrent cepen­ dant à voler la suppression immédiate du Filioque du symbole. On préféra examiner les problèmes théolo­ giques qui sc rattachent au Filioque cl sonder le ter­ rain en vue d'arriver à une entente doctrinale entre les théologiens d’Oncnt cl d'Occident. Après de longs débats,on se trouva d’accord sur ccs points : « 1. Le Fils n’est pas le principe du Saint-Esprit, parce qu’il y a un seul principe des processions divines; 2. le SaintEspnl procède du Père par le Fils; 3. il est l’image du Fils; 4.1a production hypostatique du Père, qui appar­ tient au Fils, mats qui ne provient pas du Fils; 5. l'intermédiaire entre le Père cl le Fils, uni au Père par le Fils. · Les formules ct les termes employés dans ccs propositions avalent été puisés dans les écrits de calnl Jean Damascene. Bcusch, Berleht über die vom 10 bu 16 August 1*75 zu Bonn gehaltene n Unions- 2332 Konfercnzcn, Bonn, 1875; Michaud, Etat de la ques­ tion du Filioque après la conférence de Bonn de /876, dans la Revue internationale de théologie, 1895, l. ni, p. 95. Quant à la profession du Filioque au symbole, les théologiens vieux catholiques déclarèrent que le dogme seul est obligatoire; que les opinions théologiques ne doivent pas être imposées, bien qu’elles expri­ ment des ventés importantes. Or le symbole ne devant contenir que les dogmes et les fidèles n’étant pas obligés d'admettre ct d’enseigner des opinions théolo­ giques, le Filioque n’est pas à sa place dans le sym­ bole ct il doit en être retranché. « Que l’on nielle â ccttc suppression toute la prudence nécessaire, tout le temps qu’exige l’état des esprits, rien de mieux. Mais elle doit être opérée non seulement parce que l'intro­ duction du Filioque au symbole s’est faite d’une manière illégale, mais encore cl surtout parce qu’une simple spéculation théologique ct libre ne saurait être admise dans une profession de foi obligatoire. 11 va de soi que la suppression du Filioque n'entrame nullement la négation de cc qu’il contient de vrai. Ceux qui sont persuadés de ccttc vérité peuvent l’enseigner en toute liberté, mais en dehors du symbole de foi, el non comme un dogme. » Michaud, loc. cit., p. 96. A la question si une Église particulière a le droit d’insérer au symbole œcuménique une doctrine qui n’est pas un dogme, le vieux catholicisme répond néga­ tivement. il s'ensuit donc « que les Églises d’Espagne, de Home, etc., ont dépassé leurs droits cl attenté à ceux de l’Égiise universelle en introduisant d’ellcsmêmes le Filioque dans «c symbole. » Revue interna­ tionale de théologie, 1895, t. m, p. 98. A ccttc autre question si une Église particulière a le droit de sup­ primer de son chef une telle addition ct de rétablir le texte exact du symbole, le vieux catholicisme répond qu’elle a cc droit cl qu’elle en a même le devoir. « C’cst pourquoi l’Égiise catholique (?) de la Suisse a bien fait de supprimer le Filioque dans la liturgie cl de revenir au texte catholique, non altéré, du symbole œcuménique. Avouer que c’cst un tort d’introduire le Filioque dans le symbole, mais prétendre que, du moment qu’il y est, c’cst un devoir de l’y laisser, nous paraît être non un argument logique, mais une plai­ santerie, et une pure chicane. · Ibid., p. 98. Les débats des conférences de Bonn donnèrent naissance a toute une littérature théologique louchant le Filioque. Mgr Sylvestre Kancv, recteur de.l’aca­ démie ecclésiastique de Kiev, publia son Otviel praooslaunago nu prcdlojennuiu starokatholikami skhemu o Su. Dukhie (Réponse d'un orthodoxe aux thèses sur le Saint-Esprit présentées par les vieux catholiques), Kiev, 1875. H y soutient que la formule ex Paire per Filium désigne la mission temporelle du Sainl-Espnl. La brochure a élé traduite en allemand el en français. L’année suivante, le docteur Joseph Langen faisait paraître son ouvrage : Dû trinitarische RthrdifJ^renzen zwischen der abendlândischen morgrnlàndischen Klrche, Bonn, 1876. Il y déclarait que les deux formules ex Paire el Fillo, et ex Pâtre solo ne sont pas du tout hérétiques, bien que la seconde ne soit pas conforme aux anciennes traditions de la théologie chrét’cnne ct aboutisse à de graves difllcullés touchant le dogme In ni taire. L’addition du Filioque au symbole n'im­ plique donc pas l'adoption formelle d'une doctrine hérétique par les latins, mais l’introduction dans le symbole d’une formule qui, d'une manière ambiguë, exprime une opinion thfologlque. Cette addition a été faite abusivement. L’Église latine n’a donc pas le droit de 11 garder, bien qu'elle ail en sa faveur la pra­ tique de plusieurs siècles. La suppression de ccttc for­ mule du symbole réaliserait l’union des Églises, parce qu’elle en écarterait le plus grave obstacle. L’ouvrage 233:1 FILIOQUE du docteur Lunge» lui traduit en russe. Le cardinal Franzelin l’a réfute avec loree dans son Examen do­ deline Mucarii, p. 239-310. Lu même année 1876, un ancien prêtre catholique, le docteur Owcrbeck, publiait son livre : Die Donner Umons-Konlcrcnztri, Italie. A son avis, la doctrine thcologtquc des vieux catholiques aboutissait a la negation absolue de la participation du Fils dans la spiral ion active du Saint-Esprit. Le Fils y était réduit a être uniquement le principe de la mission temporaire du Saint-Esprit. Les vieux catholiques acceptaient donc la these orthodoxe. Trois ans apres, un théologien russe, N. Bogorodsky, apporta une note nouvelle dans la controverse du Filioque. Dans son livre : Ulchenic su. Joanna Damas­ kina ob iskhojdenii su. Dukha (La docti me de saint Jeun Dumuscénr touchant la procession du Saint-Esprit), Saint-Pétersbourg, 1879, il démontra que la formule ex Pâtre per L'ilium signi liait la simultanéité de la pro­ cession éternelle du Fils et du Saint-Esprit, de la part du Père. La thèse de Bogorodsky, qui était un pre­ mier pas timide vers l'aveu de la vérité dogmatique du Filioque, reçut les meilleurs éloges de Vladimir Soloviev, dans \ enghérov, Kritiko-biographitcheskii slouar, Saint-Pétersbourg, 1895, l. îv, p. 170-175. Sous le pseudonyme de Basile Livansky, un écrivain catholique russe, Michel Jereblzov (γ 1905). en tirait profit pour écrire un livre sur la crise doctrinale de l’Égiise russe : Proloprosvilcr Jumjchev, i noviji doctrinalmji krizis u russkoi tzerkui, Fribourg-cn-Brisgau, 1888. Cet ouvrage excita les rancunes des théologiens russes, qui y virent un nouveau complot jésuitique. A. K., Noimiu jczuilskaia machinatzia, dans Tzerkovmji Vieslnik, 1888, n. li, col. 277-280. En 1877, les relations olllcielles entre l’Égiise russe et le vieux catholicisme eurent une brusque inter­ ruption. Le Saint-Synode ne voyait pas de bon œil l’in tiltration du libéralisme doctrinal des vieux catho­ liques dans l’Égiise russe, cl craignait qu’on n’arrivât pas â donner au Filioque l’étiquette orthodoxe. Cc ne fut qu’en 1892 qu’on renoua les relations entre l’Égiise russe ct les vieux catholiques. Grâce aux efforts du général Kirécv, le Saint-Synode institua une commis­ sion spéciale de théologiens, chargés d’examiner les conditions proposées par les vieux catholiques pour entrer en communion avec l’Égiise russe. Le profes­ seur Katnnskv nublln sn brochure sur la procession du Salnf-Esnrit. Ob iskhoidcnti Su. Dukha, Saint-Péters­ bourg. 1803. οΛ II soutenait que par un seul ct même acte étemel le Père produit le Fils ct engendre le SainlEspr’t. Celte théorie, remarque justement Bogorodçkv.sunprimaM toute distinction réelle entre le l’iis ct le Saint-Esprit. Dans son volume sur la question vieille catholique. StarokatnUtchcskii uonms r nonictchee uremia. Kazan, 1807. le professeur Vladimir Kerenskv n’nlhlt pas si loin que Katanskv. Il y admet In simultanéité éternelle de la génération et de In snlrallon, et il se réjouit de cc que les vieux catho­ liques condamnent comme Illégale l’addition du Ftlioque an symbole ct que. par conséquent. Ils l’arrachent du domaine des vérités dogmatiques, p. 198-205. Par la bouche de son évêque, le docteur Th Weber, le vieux catholicisme répondait en revendiquant le droit d’cxnlinner selon scs opinions philosophiques les mots : Spiritus a Paire procedit, en déclarant (le nouveau que la doctrine du Filioque n’est pas un dogme cl que son Insertion nu symbole n’est pas correcte, Russtschr Slimmen liber den Altkatholizismus, dans la Revue International? de théologie, 1897. t. v, p. 540-556. En 1898, la meme revue publiait, sous le voile de l’nnnnvmc. les thèses très importantes d’un théolo­ gien russe sur le Filioque : Thesea ubrr das Filioque von elnem russischen Thcologen, ibid., 1898, l. vi, p. 681- j 1 | j 2334 712. Le théologien russe anonyme résumait en deux propositions les résultats de scs recherches : l®ce n’est pas le Filioque qu< a donne lieu a la séparation des Églises; 2° le Filioque, en tant qu’il est une opinion thtologique privée, ne constitue pas un impedimentum dirimens ù rétablissement de ΓIntercommunion entre les Églises orientales orthodoxes ct Je vieux catholi­ cisme. Le Filioque n’est pas un dogme dans le vrai sens du mot, mais un theologumenon : il n’exprime pas une vérité dogmatique, mais une probabilité. Le dogme appartient au domaine des vérités qu il faut croire pour être sauvé; le theologumenon laisse le champ libre aux doutes ct aux negations. El puisque in necessariis unitus, in dubiis libertas, le F iliaque pour­ rait être librement enseigne par les latins comme un theologumenon. Ibid., p. 682. Les theses du théologien russe soulevèrent en Russie une vive émotion. On y était habitué depuis de longs siècles a considerer le Filioque comme la pire des héré­ sies. comme le pilier du schisme, cl on ne pouvait que s’étonner de l’audace d’un théologien inconnu, qui reniait d’un trait de plume la sentence portée par la théologie gréco-russe contre le Filioque depuis Photius jusqu’à la lin du xix* siècle. Cette émotion s’ac­ crut, lorsqu’on répandit le bruit que l’auteur anonyme des thèses était Basile Vasilévitch Bolotov (7 1900), professeur à l'academie ecclesiastique de Saint-Péters­ bourg. le géant des sciences sacrées en Russie, au dire de Vladimir Soloviev. Voir Brilliantov, V. I .Üolotoo : biographitcheskii otchrrk.ildn* Khristianskoe Tchtenic, 1910, p. 845. Les vieux catholiques conçurent donc l’espoir d’arriver â une entente avec l’Égiise russe, mais leurs illusions tombèrent peu à peu. La question du Filioque divisa les théologiens russes en deux camps opposés, cl comme il arrive presque toujours dans les Églises orientales, au nom de l’ortho­ doxie en danger, les intransigeants curent gain de cause sur les amis du vieux catholicisme. L’école théo­ logique de Kazan sc prononça ouvertement contre toute concession doctrinale en faveur du Filioque. M. Alexandre Gouscv (f 1904), professeur à racadcnde ecclesiastique de Kazan, ressassa, contre le Filioque et son insertion au symbole, les vieux arguments de la théologie gréco-russc cl anathématisa l’horrible impiété latine. Il attaqua vivement le i iliaque dans plusieurs livres cl articles de revues : Otuiel slurokatolitcheskornu prof. Michaud : po voprosu o Filioque, Khar­ kov. 1899; Jezuttskaia apologia filiokuistitchcskaga utchenia, Moscou. 1900; Sturokatolitcheskii otviel nu nachi tczisy po voprosu o Filioque, Kazan, 1903; Poslicdnee nache slouo o starokatolitches!vie 1 ego russkikh upologrtakh, Kazan, 1904. D'après le docteur Gouscv, le Filioque doit être rejeté dans toutes ses tonnes ct ses Interprétations. La mission éternelle du Saint-Esprit n’appartient pas au Fils. Le Fils peut seulement envoyer le Saint-Esprit dans le monde. Le docteur Gouscv développa ces théories dans une lettre ou gênerai Klriécv, insérée duns le Khristianskoe 7 < ? Λ : h . 1897» t 1, p. 7.33-77L Un autre théologien de l’académie ecclésiastique de Kazan. Vladimir Kerensky, déclarait que l’Egiise orthodoxe russe devait toujours rejeter, comme con­ traire à sa doctrine dogmatique, lu croyoncc lut inc de la procession du Saint-Esprit du Fils. Dans scs nom­ breux ouvrages sur le vieux calholldsn e, le j rofesseur Kerensky pose toujours le Filioque cornu c un très grave obstacle à Γunion des vieux catholiques avec l’Égiise orthodoxe russe. Voir Slarokaloitlztzm t ego isloriia. Kazan. 1891, K staro katotitchcskomu voprosu, Saint-Pétersbourg. 1903, 1904 (deux bro­ chures contre le general Klriécv); K starokatnlitchesknmu voprosu. Kazan. 1897 (contre le docteur Weber); Kak pichet knliku Pro/. P. Suicttov, Kazan, 1901. Sta- 2335 FILIOQUE rokatolitzizm pod zaschitoiu ο. P. Svicllova, SaintPétersbourg, 1906; Tchto razdieUato i razdidlael vostotchno-praooslavnuiu i zapadnuiu starokatolitcheskuiu tze.rkvl, Kharkov, 1010. Sont du même avis Mgr Serge, archevêque dc Finlande, l’archiprêtrc Eugène Smimov, etc., Praooslaven H starokatolilzyzm, dans Viera i Razum, 1893, t. n, p. 388-140, 170-522, 523-559, 597-616, 669-679, Lc général Alexandre Kiriéev (t 1910) a été, au moins pour scs nombreux écrits, le chef de l'école théo­ logique russe qui nc voit pas dans le Filioque un obs­ tacle à l'entente doctrinale entre les orthodoxes ct les vieux catholiques. A propos d'un article inséré dans le Tzerkovnyi Viestnik, où l’on faisait ressortir les difllcultés dogmatiques qui rendaient difficile cette union, Razmgchleniia praooslavnago khristianina po voprosu o soedinenii starokatolikov s pravoslavnoiu Tzerkoviu, 189G, col. 1129-1131, le général Kiriéev montrait que les vieux catholiques avaient fait preuve d'une sage condescendance â l'égard des orthodoxes, parce qu’ils s’étaient décides ù supprimer le Filioque du symbole ct Λ rejeter la valeur dogmatique dc cette formule. Les orthodoxes nc devaient donc pas trop insister sur le caractère dogmatique dc leur formule ex Paire solo. Dans une lettre adressée au directeur du Rogoslovsky Viestnik, revue officielle de l'academie ecclesiastique de Moscou, K starokatolUcheskoniu voprosu, 1897, t. r, p. 320-331, il soutenait que le Filioque contenait une certaine dose dc vérité partielle : nickotoraia tchaslilchaia istina. Par un heureux développement dc l’argu­ ment théologique latin, il démontrait que la mission du Saint-Esprit par le Fils, bien qu’elle s’explique dans le temps, est un acte éternel de la part du Fils. .Malheu­ reusement, Kiriéev nc voyait pas que celte doctrine, I qu’il appelait la vérité partielle du Filioque, aboutit logiquement à la procession étemelle du Saint-Esprit du Fils. Lc docteur Gouscv réfuta le général Kiriéev, qui lui répondit dans le Rogoslovsky Viestnik, 1897, l. n, p. 418-126; 1898, t. r, p. 101-135; t. n, p. 125140. Les écrits du général théologien sur celte ques­ tion onl été recueillis par l’archiprètrc I). Jakchitch, dans le t. rr des œuvres complètes dc Kiriéev, Sotehincniia, Saint-Pétersbourg, 1912, p. 62-378. Il est utile de remarquer que le général Kiriéev tirait les dernières conséquences des concessions faites au vieux catholicisme par l’archiprètrc Janychcv. Celui-ci avait d’abord soutenu qu'il nc fallait point parler de vérité renfermée dans le Filioque; que l’Églisc orthodoxe nc pouvait pas rouvrir la question dogmatique de la pro­ cession du Saint-Esprit, parce que les conciles l'avalent résolue;que l’union était impossible si l’on révoquait en doute la vérité exclusive dc la formule ex solo Paire, .Mais plus tard U reconnut que, si le Saint-Esprit pro­ cède du Père, il dépend À la fois du Père et du Fils, quant Λ sa mission éternelle ct temporelle. La dépen­ dance du Saint-Esprit du Père el du Fils, pour cc qui concerne lu vie immanente de la divinité, peut •donc cire tolérée par l’Églisc orthodoxe. Sokolov, J, l). Janychcv, kak dictate! po starokatolitchrskomu voprosu, Khristianskne Tchtenic, 1911, t. i, p. 212-245. i La condescendance doctrinale â l’égard des vieux catholiques était prônée aussi par 1'archlprvlre P. Svletlov dans deux brochures: O novont ntnimom prcplatslvii k rdineniu starokatolikov i pranoslarnykh, Serghièvo, 1903; Gdie t'sdenskaia to/iror, Serghiévo, 1905. Lc résultat dc ces polémiques a été nul. Les vieux catholiques n’ont rien gagné en sacri liant, au moins en apparence, une vérité qu’ils tenaient de la tradi­ tion catholique. Le général Kiriéev est mort sans avoir vu l’union qu it désirait ardemment, et après une lutte thcolofilqur de quarante ans, la question du Filioque attend encore sa solution. Quelques théologiens de l’Églisc anglicane et dc 233« l’Églisc épiscopale américaine voudraient aussi renon­ cer ά l’insertion du Filioque dans le symbole pour sc concilier les sympathies orthodoxes. Le docteur Nealy rejette sur l’Églisc romaine la responsabilité du schisme grec. L’addition du / 'iliaque, qu'on nc saurait guère Just Hier, mérite d’être retranchée du symbole A history o/ the holy eastern Church, Londres, 1850, t. n, p. 1168. D'après Howard, l’addition du Filioque a été une agression papale. The schisma between the orien­ tal and western Churches, Londres, 1892, p. 88; il est done urgent de la supprimer dans le symbole pour rétablir les bonnes relations entre l’Oricnt cl l'Occident. .In english view oj the /·ilioque question, dans la Revue internat tonale de théologie, 1897, t. v, p. 67; Owcrbcck, The Filioque ami the american Church, dans The orthodox catholic review, 1867, t. 1, p. 246252. Remarquons toutefois que les théologiens angli­ cans cl américains, tout en réprouvant l’insertion du Filioque au symbole, reconnaissent cependant la vérité thcologiquc de la doctrine exprimée par cette formule. Voir Kerensky, Amerikanskaia episkopalnaia tzerkov, Kazan, 1908, p. 71-75. Le P. Puller, religieux anglican de la Société de Saint-Jcan-l’Évangclisle, étant allé en 1912 à SaintPétersbourg faire des conférences sur l’Églisc angli­ cane, eut l’occasion de discuter avec des membres de l’académie ecclésiastique sur la procession du SaintEsprit. Le professeur Brilliant oil l’interrogea sur l’insertion du Filioque au symbole de Constantinople dans l’Églisc d'Angleterre. Après avoir rappelé, en l'approuvant, ce qui sc passa au IIe concile dc Nicéc (787), Puller déclara que les théologiens anglais répudiaient toute idée qu’il y aurait plus d’un principe, αρχή, de la divinité. Voir E. Gibson, The thirty-nine articles, 1908, p. 213. Lc Père est la source première d’où procéda le Fils et par conséquent aussi celle dc laquelle procède le Saint-Esprit. .Mais le Fils intervient dans la spiralion éternelle du Saint-Esprit par une certaine coopération médiate, de sorte que le Saint-Esprit procède éternellement du Père par le Fils. Cf. I’ de Régnon, Etudes dc théologie positive sur la sainte Trinité, t. m, p. 130-150. I) est donc vrai dans cc sens que le Saint-Esprit procède du Père ct du Fils. Aussi les théologiens anglicans regardent-ils la formule Filioque comme ecpiivalcntc dc la formule per Filium Le professeur BrilliantofT reconnut que cette explication concordait avec celle de l’Églisc orthodoxe. Quant ù l’insertion du Filioque dans le symbole de Constantinople, l’Églisc d’Angleterre, tout en adhérant au crédo sanctionné par le concile dc Chalcéiloine qu'elle lient pour œcuménique, sait que cc crédo n’a pas été composé pour être récité ù la messe. Quand il a été introduit dans la liturgie, il a reçu l'addition du Filioque,dc même ndrcs, 1912, Préface, p. ιχ-χν. 2° Rélutation des théories des vieux catholiques tou­ chant Vaddition du Filioque au symbole. — |, La théo­ logie des vieux catholiques soutient qu’une Église particulière a le droit île supprimer une formule inscn c FILIOQUE 2337 au symbole, si celte formule énonce non pas un dogme, mais une simple opinion théologique· Cct axiome, il est presque inutile de le faire observer, est ouverte­ ment contraire aux principes dc la théologie du vieux catholicisme. Celle-ci, en effet, enseigne qu’il appar- j tient aux seuls conciles œcuméniques dc décider si une vérité théologique mérite une place au symbole ; ct si elle doit être rangée au nombre des dogmes dc la religion chrétienne. Une Église particulière n’a donc pas le droit de sc prononcer sur le caractère dogma­ tique ou simplement thcologiquc d’une formule in­ sérée au symbole. Appliquons cc raisonnement au Filioque, Ces mots sc trouvent au symbole qui esl en usage dans l’Églisc latine. Une petite Église particulière n’a donc pas le droit de condamner une coutume qui a été acceptée par toutes les Églises particulières de l’Occident Latin et qui a été sanctionnée par le siège dc Home, que l’Oricnt lui-même, jusqu’à Photius, a vénéré comme le tribunal suprême dc la chrétienté dans les contro­ verses dogmatiques. Même si le Filioque était une simple opinion théologique, même si son introduction au symbole représentait un abus de pouvoir, il est évident que sa suppression nc saurait être décrétée par une Église particulière, car, d’après la théologie du vieux catholicisme, le concile œcuménique est la seule autorité investie du droit de modi lier, diminuer ou augmenter un symbole œcuménique. On ouvrirait la porte à la confusion des idées cl des croyances si Ton reconnaissait à une Église particulière le droit dc nier le caractère dogmatique d’une formule, que dc nombreuses Églises particulières ct le premier siège dc l’univers reconnaissent comme exprimant un dogme dc la foi chrétienne. Le vieux catholicisme s’arroge donc un droit qui appartient exclusivement au su­ prême magistère infaillible dc l’Églisc universelle. 2. Toutefois, concédons pour un moment qu’une Église particulière ait le droit d’effacer du symbole une formule, qui, à son avis, exprime une opinion tliéologiquc. Mais le vieux catholicisme devrait aussi nous concéder qu’une Église particulière nc saurait exercer cct acte de juridiction universelle, si elle n’avait pas sur les autres une supériorité doctrinale cl morale, si par son antiquité, la fermeté dc scs tra­ ditions, l'épanouissement de sa vie surnaturelle, elle nc surpassait pas les autres, nc les amenait pas en quelque sorte à lui reconnaître une certaine supré­ matie morale. Or. cc caractère dc supériorité morale, nous le trouvons sûrement dans les Églises qui ont ajouté le Filioque au symbole de Constantinople; dans l’Églisc particulière d’Espagne, qui lient tête à l’arianisme, au scmlarianismc, au priscillianismc; dans l’Églisc particulière des Gaules, célèbre par son antiquité ct ses martyrs. En outre, la coutume de ces Églises a reçu l’approbation solennelle de l’Églisc romaine, qui, au dire de Vincent de Lérins, summa contentione defenderit suscepta simul religionis inte­ gritatem. Commonitorium, vi, P, L,, t. e, coi. 615. L’Églisc particulière, au contraire, qui demande la suppression du Filioque, est l’Églisc catholique (sic) suisse, c’est-à-dire une Église qui n’a pas d’histoire ni dc traditions, une Église qui remonte à quelques dizaines d’années, une Église qui doit sa naissance à la révolte contre l’Églisc romaine, une Église dont la hiérarchie est représentée par un seul évêque, que meme les théologiens russes hésitent à reconnaître comme validément consacre. D’un côté, nous avons donc un millier d’évêques ct toutes les Églises particulières qui sc fondent dons limité admirable dc l’Eglisc catholique, de l’autre quelques théologiens gui, entre eux, diffèrent d’avis ct qui cependant prétendent en imposer à l’Églisc universelle. Dc quel côté se trouvent la vérité ,ct le D!CT. DK THÉOL. CATJ1OL. 2338 droit? Point n’est besoin d’êlre théologien pour donner une réponse que le simple bon sens est à meme dc sug­ gérer. 3. La théorie des vieux catholiques aboutit à la né­ gation du magistère suprême de l’Églisc. Examinons d’abord quelle est la place de l’Églisc catholique ro­ maine vis-à-vis dc l’Église vieille catholique touchant le Filioque, La première range cette formule au nombre dc scs articles dc foi, appuie la croyance du Filioque sur l’autorité dc l’Écriture ct dc la tradition, prononce l’anathêrne contre ceux qui nc croient pas à la pro­ cession du Saint-Esprit du Fib. L Église vieille entho lique, au contraire, déchire que le Filioque n’est pas un dogme cl que par conséquent il n apparticnl pas au dépôt de la révélation divine, n’est pas consigné dans l’Écriturc ct dans la tradition comme une vérité qu’il faut croire pour être sauvé. L’Église catholique romaine impose la croyance au Filioque à tout le monde chrétien; l’Église vieille catholique, au con·* traire, dépouille celle croyance dc son caractère d’uni­ versalité ct en fait une opinion théologique, qu’on est libre d’accepter ou de rejeter. 11 s’ensuit donc, d’après le vieux catholicisme, que l’Église catholique romain· n’a pas le magistère suprême infaillible, puisqu’elle propose comme dogme ce qu’il est permis dc mer sans renoncer pour cela à la révélation dire tienne. Le meme raisonnement s’applique aussi à l’Église orthodoxe. Celle-ci, en effet, proclame depuis Photius que le Filioque renferme une hérésie formelle, que La croyance au Filioque est hérétique, qu’il faut rejeter le Filioque sous peine d'êlrc exclu dc l’Église ct éter­ nellement damné. L’Églisc orthodoxe frappe d’ana­ thème les latins qui croient au Filioque ct leur im­ pose l’abjuration de celte formule, s’ils désirent entrer en communion avec elle. Le vieux catholicisme, au contraire, déclare que le Filioque n’est pas un dogme, qu’on peut l’admettre, le défendre, l’enseigner, sans détriment pour le salut des âmes. Il a sa place marquée dans le domaine dc la spéculation théologique, mais on aurait tort dc l’élever à la dignité de dogme. Il s’en­ suit donc que, d’après le vieux catholicisme, l’Églisc orthodoxe n’exerce pas non plus le magistère suprême infaillible, parce qu’elle oblige les üdèles à croire comme dogme cc qui est le fruit d’une spéculation tliéologiquc purement humaine. Uù sc trouve donc l'infaillibilité que le Christ a promise à son Église cl sans laquelle l’Église nc sau­ rait conserver l’intégrité de sa foi*? Si, depuis le îx· siècle, l’Église catholique romaine et les Églises orthodoxes trompent le monde chrétien dans la con­ troverse dogmatique du Filioque, nous devrions en conclure que l’infaillibilité doctrinale est le monopole de l’Églisc catholique (sic) suisse, fondée après 1870, pour juger en dernier ressort le grand conflit théolo­ gique entre l’Oricnt ct l’Occident. Voir Franzebn, Examen doctrina Macarii, p. 244. I. La théorie du vieux catholicisme aboutit à la négation dc la valeur des arguments puisés dans la tradition chrétienne. Pour l’Églisc catholique, de même que pour les Églises orthodoxes, la tradition esl une source de la croyance dogmatique. Or la doctrine du Filioque, nous l'avons démontré, est contenue d’une manière explicite dans la tradition, bien avant qu’éclatât le conflit religieux entre l’Églisc romaine ct les Églises orthodoxes. Les vieux catholiques n’hésitent pas eux-mêmes à reconnaître que le Filioque repose sur renseignement des Pères grecs ct latins ct ils déclarent aussi que la negation du Filioque ren­ verserait la spéculation théologique trinilairc. Si c’est donc un fait avéré que la tradition patristique con­ tinue la vérité dogmatique du Filioque, si les Pères déduisent celte vérité beaucoup plus des arguments scripturaires que du travail spéculatif de la pensée V. - 74 2339 FILIOQUE théologiouc, n’est-il pas téméraire, de la part du vieux catholicisme, de proposer comme simple opi­ nion théologique cc que les Pères jugent une vérité de toi, tirée des sources de la révélation? N’cst-il pas téméraire d’attendre jusqu'au xix· siècle pour proclamer que la tradition patnsliqiic gréco-latine est entachée d’erreur, parce qu'elle n déduit des textes inspirés la croyance à la procession du Saint-Esprit du Fils? N’cst-il pas étrange de constater que jusqu'à l'époque de Photius la tradition grecque a toujours été constante et identique dans l'affirmation du F7lloquel Celte constance, celte identité de tradition ne prouve-t-elle pas que le Filioque est un dogme? La thèse du vieux catholicisme supprime donc une dos sources de la croyance dogmatique de l’Églisc, la tra­ dition chrétienne. Voir Franzehn, Examen dodrinx \lacaru, p. 279, 280. 5. La théorie des vieux catholiques aboutit au scep­ ticisme théologique. Aux orthodoxes qui leur deman­ dent si la formule ex Paire solo est vraie, les vieux catholiques répondent affirmati veinent; la même ré­ ponse affirmative, ils la donnent aux catholiques qui leur demandent si la formule ex Patre Filiaque est conforme à la vérité. Le vieux catholicisme admet donc comme également soutenables deux formules contradictoires, dont l’une exclut l'autre. Les vieux catholiques pourraient objecter qu’il ne s'agit pas ici de la vérité simultanée de deux formules contra­ dictoires, mais d'un degré dilièrent de probabilité qui ne nous empêche pas de choisir entre elles, de préférer l'une à l’autre. Mais est-d permis de laisser planer le doute sur une formule que ('Église catholique vénéré comme un dogme ct que les Églises orthodoxes repoussent comme une hérés e? Puisqu'il y a une contradiction absolue entre le dogme et l'hérésie, il semble nécessaire que le monde chrétien sache à quoi s’en tenir sur cette fameuse controverse; qu’il soit assuré que sa croyance n’est pas entachée d'hérésie; qu’il ne soit pas exposé aux moqueries des infidèles qui pourraient lui reprocher d'accepter comme éga­ lement vraies deux formules contradictoires. La solution que les vieux catholiques donnent à la controverse du Filioque n’apaiserait donc pas le conflit entre l’Orient ct l’Occident. L’Église latine ne pourrait pas être convaincue que la formule ex Paire solo csl orthodoxe, parce qu’elle a toujours exigé l'adhésion au Filioque comme à un dogme ré­ véle. D’autre part, l’Églisc orientale ne saurait ad­ mettre que la formule latine Filioque ne soit pas héré­ tique, parce qu’elle l’a toujours condamnée comme un horrible blasphème. La théorie du vieux catholi­ cisme ne rendra l donc pas la paix à la chrétienté. 6. La théorie vieille catholique sc prête admira­ blement à l’équivoque cl par conséquent ne contri­ buerait cn rien à l'extinction du schisme. Il y a, cn cfïcl, dans les Églises orthodoxes, quelques théolo­ giens qui considèrent la suppression du Filioque du symbole comme un aveu implicite de la fausseté doc­ trinale de la formule latine. D’autres théologiens, cn plus grand nombre, ne tarderaient pas à demander iux vieux catholiques de nouvelles concessions, c’està-dire l’abjuration expl cite de la doctrine exprimée par le Filioque, car le Filioque resterait toujours pour l’Églisc orthodoxe une grande hérésie latine. 1) n’y aurait donc que les rares amis des vieux catholiques, qui, en vue de faciliter l’union de ceux-ci avec le* Églises orthodoxes, se montreraient disposés i tolcrvr le Filioque comme une simple opinion théo­ logique. Il s'ensuit que la suppression du Filioque du symbole pousserait les vieux catholiques à la né­ gation explicite de la procession du Saint-Esprit du Fils» ou même elle ne changerait en non l’état du schiunc qui existe entre l’Orient ct l’Occident. 239) 7. Enfin lu théorie du vieux catholicisme manque de loyauté et de sincérité. L’union des Églises est sans doute le problème le plus grave du monde chrétien. Si la barrière élevée par le schisme entre l’Églisc ro­ maine ct les Églises d’Orlent venait à s’écrouler, le christianisme gagnerait une nouvelle vigueur et oppo­ serait une résistance plus énergique à ses nombreux adversaires. Mais il est évident que cette union ne doit pas sc réaliser au prix de la vérité cl de la loyauté. Nous sommes convaincus que le Filioque n’a pas été la cause efficiente du schisme. Mais, d’autre part, il est hors de doute que celle formule est considérée par l’Églisc grecque comme le dogme impie, qui a dé­ taché l’Occident latin de l’Églisc universelle. Ιλι con­ troverse du Filioque exige donc une solution. Dix siècles de luttes théologiqucs ne doivent pas aboutir à un compromis déloyal. Pour rétablir l’unité de l’Éghse, il est absolument nécessaire qu’on sache cc qu’il faut croire touchant la procession du SaintEsprit. Les orthodoxes eux-mêmes reconnaissent que l’unité de croyance dogmatique est la condition sine qua non de l’union des Églises. Or le Filioque est une croyance dogmatique de l’Églisc romaine, de même que la doctrine opposée au Filioque est une croyance dogmatique des Eglises orientales. Toute tentative d’union ne saurait donc avoir aucune chance de succès, si on n’établit pas d’abord de quel côté est la vérité dogmatique. Mais prétendre que les deux croyances ont le même degré de crédibilité, pré­ tendre que l’on peut appartenir à la même Église, soit qu’on affirme» soit qu’on nie la procession du Saint-Esprit du Fils, cc serait déclarer que l’Églisc est impuissante à prononcer une sentence définitive dans les controverses dogmatiques, ou même que, pour apaiser le conflit entre l’Orient ct ('Occident, elle n hésite pas à donner la marque d’orthodoxie à deux dogmes qui sc contredisent ct s’cxclucnl l’un l’autre. 8. Mais n’y aurait-il pas moyen de résoudre la con­ troverse du Filioque sans porter détriment à la vérité qu’il renferme, sans obliger les grecs à renoncer à leur croyance de l’inviolabilité du symbole de Constan­ tinople? Nous croyons que cette solution existe cl qu’elle a été trouvée par l’Églisc romaine. Avant tout, il faut sauvegarder l’unité de croyance dogmatique, ct puisque le Filioque est une vérité dogmatique de l’Églisc romaine, l’adhésion formelle ct explicite à ce dogme est indispensable pour tous ceux qui veulent être catholiques. Mais, d’autre part, on ne doit pas oublier que le formalisme byzantin s’est perpétué dans les Églises orthodoxes. Cc formalisme les empêche d’introduire dans le symbole une formule vraie, même s’ils ne doutent pas de sa vérité dogmatique. L’Églisc latine n'insiste donc pas sur la nécessité de l’insertion du Filioque au symbole, pourvu qu'elle soit sûre qu’on croit à la doctrine dogmatique exprimée par celte for­ mule. Elle n’oblige pas les Églises orientales à réciter le symbole avec le Filioque. C’est progressivement qu elle est arrivée à promulguer cette sage décision. Au concile de Lyon (1271), le pape Grégoire X (1271-1276) demande aux grecs de reconnaître la vérité dogmatique du Filioque, mais il ne les oblige pas à chanter le symbole avec ccs mois. Démarquons cependant que les grecs qui interviennent à cc con­ cile chaulèrent le symbole avec l’addition latine. Mansi, Concil., L χχιν, col. 38, 65, 66. Nicolas 111 ne suivit pas celte sage tolérance. Il exigea à la fois l’unité des croyances dogmatiques ct l’unité des coutumes liturgiques, t nitas ftdri. dit-il, non patitur dioersitotem in professoribus suis, sive in prop \sione, sive in decantatione, vel alia ipsius fidei publicatione, et maxime in decantatione symboli, quod quanto magis in Ecclesia frequentatur, tanto anparere debet am· 2341 FILIOQUE 2342 rence, leur a permis d’agir ainsi, à condition qu’ils piius uniforme; rl idea dcllbr ravit eadem romana croient dans leur âme que le Saint-Esprit procède du Ecclesia, rt vult, ipsum cam addillonr Uta Filioque, Fils aussi bien que du Pcre. Lc symbole des grecs ne turn a lui mis quam a grict is, imifurnUter decantari. Ruynnldi,Aimaks, an. 1276, n. K, Lucqucs, 1748, l. m, I donne donc pus beu â des soupçons sur l'orthodoxie p. 417; Allalius, De Ecclesiæ occidcntuhs et orientalis de leur croyance, et il exprime la meme doctrine que celle qui nous est proposée par l’Éghse ro­ perpetua consensione, col. 732. Au concile de Florence, maine. » Concordia nationum Christianarum per Asiam, Eugène IV (1431-1447) n'obhgc pas les grecs à chan­ Africam et Europam, in fidei catholica dogmatibus, ter le symbole avec l'addition du Filioque; de même, Mayence, 1655, p. 126. Clément VII1 (1592-16U5) n’exigea pas que les ruthénes uniates récitassent le symbole avec le Filioque, 1· Écrivains orthodoxes. — Μ·?·< f« Up· «m pourvu qu'ils lissent profession de la croyance de «Φ τ'; Ιν*φ>*««·ς Πννφ«γχ dans Dosithée, l’Éghse latine. Likowski, Union de Γ Église grecque· daisy· 1692, p 439-411; Gcnnadc Sch< La nus, K«ià ruthène en Pologne avec Γ Église romaine, Paris, p. 186, τ<»4ς «pdti.rr.ç \i iv τφ τ<; ·ί Λ«τιν<ΐ, 187; De Meesler, Études sur la théologie orthodoxe, dans Dustthée, Jassy, 1698, p 291-307; Marc Ma red so us, 1911, p. 41. Kcinurquons cependant que, d Ephese, Dialogus qui inscribitur J atinus sire de addila· dans la profession de foi de ('episcopal ruthène, lue mento in symbolo, P G., L cxx, coi. 1099-1104; Nectaire de par Hypacc Polièï en présence de Clément VI11, on Jérusalem, Confuta io imperii puptr in Ecclesiam, Londres, 1702, p. 77-91 ; Prukopovitch, Singularis quarslio : utrum trouve ce qui suit : Credo... illam verborum illorum, per sanctionem cphesinar s gnodi crcumeniOB icitur liceat Filioque, explicationem ventatis deelarandæ gratia, et sacro symbolo addrre uidquam, saltem quod orissimumesse imminente tunc necessitate, licite ac rationabiliter constet; ct ostenditur negatiae · atque adeo In Unos uoctm symbolo fuisse appositam. Llkowski, op. clL, p. 501. diam : Fdioque, quantum? s vera esset, symbola inserere Lc cone.le de Zamosc (1720), qui s'ellorça de latiniser nequaquam debuisse, dans T/artatus de processione Spin us l’Églisc ruthène, promulgua le décret suivant : Sla· Sancti, Gotha. 1772, p. 427-446; Zocmikav, luit ac decrevit sancta synodus, ut symbolo fidei, ubi­ 1« r, Ιιιτ»·τ«ι, îtt Là T»3 -iv ôwynirC, r»3 cumque imprimetur in posterum, aut recitabitur, tam nieniK «pv, xaÿà xaS 1« Νι*«ίφ . kurirpHe» La«iAv·*jdwQ* «· μ·νν* i4*«vt>at iÂÀà >·ι i^a^w^a — publice, quam privatim, addatur particula illa Fi­ virrat 4«ι*γ·|«(τ-<ι, dans Πιρ ’Αγί·» lioque, qua processio Spiritus Sancti a Patre cl Filio (trad. Boulgaris), Saint-Pétersbourg* 17117· »- i. p 501-525; designatur. Qui secus facere per malitiam deprehensus Tantalides, th-pi, Gonstnnlin<*plr, 1S50, t. x, pient ad ordinarium tanquam suspectus de schismate p , 174-177. 208-213; l n. p 248-262; Innocent (ar­ deferatur. Mansi,Co icd., Paris, 1902, t. X«v,col. 1483. chimandrite), Ob iskajenii simvobi vicry (Au suirt de la cor­ C’est donc de son propre chef, cl non par contrainte, ruption du symbole de. u /of), dans IJo^oAloide oblitchifclnoe, que l’Églisc ruthène a introduit le Filioque dans le ka/an. 1859. t. II, p. 70-118; Lamprylh»s. I a mystification fa ale ou élucidation cf une page cThisloire ecclésiastique. symbole. Athènes, 1883, p 1-188;Sylvestre iévêque). Opqt praoosla· La tolérance de l’Églisc romaine touchant la nonnvago dogniatdcheskago bogosloviia, Kie\ 1892, t. il, p. 576inscrlion du Filioque dans le symbole, nous est attestée 597 ; Chr> sostome (protosyncelle). Οφ la t«i aussi par la bulle Etsi pastoralis de Benoît XIV, pro­ r»al. dans Πφ ’F.nl^eiat, Athènes. 1896, t u. p. 391-400; mulguée cn 1742. On y lit dans le c. i*r : Etsi grteci \ elanidiotes, Ή «φ ι·5 Eilioque τής «ai Jwn«ής ΈιιλησΓβς, dans Ί«|ϊς 1912, Π. 171, ρ. 5-6; teneantur credere, etiam a Filio Spiritum Sanctum Maxime le Grec, Oratio contra latinos quod non liceat appo­ procedere, non (amen tenentur in symbolo pronunciare; nere. sive auferre quidquam in dluino fidei symbolo, dans contraria tamen consuetudo ab Albanrnsibus græci ri­ Palmieri, Un'opera pQ emica di Massimo U Grrœ, trudolta in tus laudabiliter recepta est, quam ab iisdem Albanensi. latinodaGiorgio Krifanitch. dans Ikssarione, 1912, p. 54-79. bus al Usque quibuscumque in ecclesiis, ubi ea viget 2· Écrivains catholiques — Georges Mêtochite. Contru servari volumus. Pullarium, Horne, 1746, t. i, p. 160. Manuclem Crcbnsem, P G., t cxli, col. 1393-1405; CalêCette constitution de Benoit XIV est devenue une cns. Contra grtreorum errores, 1 IV, P. G., t. exil, col 187-212 : c’csl le meilleur Iras ail de la théologie grécorègle générale pour l’Églisc romaine. L’insertion du catholique sur la légitimité du Filioque dims le symbole; Filioque au symbole ne peut donc pas être un obs­ Allât lus. De Ecclesiæ occidentalis et oriadahs perpétua cun tacle Λ l’union des Églises. sensione. I. II, c. vi, Cologne, 16-18. col. 573-591; Id. 0. Cette tolérance de l’Églisc romaine n'implique Johannes llenricus Ilottingerus fraudis et imposturar manu pas de la part des grecs une renonciation tacite au leste convictus, c xx, xxi, Home, 1661, p 499-569 : le dogme de la procession du Saint-Esprit du Fils. Allameilleur nixai sur l’origine historique du Filioque cl les tius explique bien ce point, et nous ne saurions mieux r nseignements founds sur cettr formule par les écrisains terminer cc travail qu'en citant scs paroles: « Tousles I szxmtms kl . In Robcrli ( re ghtoni apparatum, oersionen» ri notas ad U storiam concilii fiorentini scriptam a Sylveslrv Jours, aux messes solennelles ct aux messes privées, ïyropvl cxcicilmiones, Rome, 1665, l. i, p 170-200, 221les grecs récitent mot Λ mot le mémo symbole que * 33 ; Id., EyptfiLrv tfç taO âpavlkolnt de 2.343 FILIOQUE — FILLASTRE vue de la doctrine, ccttc dissertation est remplie de digres­ sions inutiles; E- A., Diatriba theologica de voce Filiaque adjecta symbolo constantinopolitano, Naples· 1782; Costanzi, Opuscula ad revocandos ad S. Matrem catholicam apostolicam Ecclesiam dissidentes grircos ct rulhcnos. Home, 1807, t. i, p. 70-78» 81-103; P. Martin. Ixi particule Flltoquc et le con­ cite de Ctrsiphon, en 110, dans la Revue des questions histo­ riques^ 1869. t. vi, p. 518-523; Vincenzi. De processione Spiritus Sancit ex Patre Fidoque adversus g circos, Home» 1878, p. 75-25-1; Astnchkov (Jercbtzov), O zakonnosli pribavleniia tchastilzy Fdioque, dans Iskhojdenie tolatogo Dukha, Fribourg-cn-Brisgnu, 1880. p. 59-72; Franzelin. Examen doctrina Makarii Rulgakotd, Prato, 1891, p. 173211; Id.. De professione processionis Spiritus Sancti etiam ex Filio inserta in symbolum fulci, dans Tractatus de Det) trino, Home, 1895, p. 516-565; Ι-éplcler, De Spiritus Sancti Filio processione : historica disquisitio, Home, 1898; P. de Régnon, Eludes sur la sainte Trinité, t ni, p. 203-210; Palmien, Il progresso dommatico nd concetto cattolico, Florence, 1910, p. 218-253; Id , Theologia dogmatica orthodoxa, Flo­ rence, 1911, p. 335-351 ; De Meester, Études sur la théo­ logie orthodoxe, Maredsous, 1911, t. i, p. 33-43. La question du FiUoquc n été ntisri discutée dans les nombreux ouvrages qui traitent de la procession du SaintEsprit du Fils. Voir la bibliographie de l’art Esprit-Saint. à laquelle il faut ajouter la liste suivante d'ouvrages de polémique rédigés en arabe. Cette liste a été dressée par le P. Cyrille Cliuron I.cs ouvrages non catholiques y sont Indiques par une astérisque ; · Kitâb fakhrafach-chak (Livre de la pierre de scandale), trad, arabe île la Πίτ^β c’est-à-dire un très mauvais parti. S'étant donc trop avancé, le doyen de Keims recula trop : • humblement ct doucement, » dit le chroniqueur, il demanda pardon, car on l'accusait du crime de lèsemajesté. Le 11 décembre, Pierre d’Ailly, l’illustre évêque de Cambrai, aussi partisan du pape, mais plus réservé, venait de réfuter par des arguments très graves la doctrine de l’université. C’est alors que notre doyen chanta sa palinodie : Locutus sum, dit-il, in lingua mea; notum fac mihi, Domine, finem meum. « Sire, j’ai parle de ma langue seulement; puisqu’il vous déplaît, faites de moi ce qu’il vous plaira. J’ai parlé d’aucunes choses dépourvuement : je ne le dis mie pour moi excuser, mais je le dis pour impélrcr votre clémence... Sire, Je viens à votre clémence; je suis un pauvre homme, qui ai été nourri ès champs; je suis rude de ma nature, je n’al pas demeuré avec les rois ne avec les seigneurs, par quoi je sache la ma­ nière ne le style de parler en leur présence. Si J’ai parlé simplement, j’en suis moult déplaisant .. Sire, Je sais bien que votre Seigneurie n'est mie comme les autres. L’empereur tient son impérauté du pape, mais votre royaume est par héritage·. · Et pour cc, Sire, je supplie voire clémence, ct je serai au temps Λ venir plus avisé, s’il plaît Λ Dieu : ego magis fidelis mafestât is regios, s’il vous plaît avoir merci de moi. » Le chancelier répondit d’une façon maussade ct sèche à Guillaume · Mon Slgncur le deen, le roy a oy cc que vous aviés dit l’autre jour. Quand vous parJnstes, mon Slgncur de Berry fut présent, qui en fut très mal content. Il n’est pas cy de present : lundi, l’en en ordonnera. * Λ/s. cit., fol. 39 v°. Dans la séance du 17 décembre, le doyen de Reims prit de nouveau la parole; il se montra ccttc fois plus modéré dans ses expressions, mais II n’en maintint pas moins énergiquement la doctrine. < Le concile, dit-il, n’a point encore proposé, pour en finir avec le schisme, un expédient praticable. Ne nions Jà tant autour du pot. Cherchons ensemble aujourd'hui les moyens de terminer celle division. Le roi n’a pas d’autorité dans l’Église, cc n’est pas lui qui apportera remède à la situation. Le demandera-t-on aux conciles? On dit, il est vrai, que les conciles généraux ont la supério­ rité sur les papes. C’est une opinion fausse : mais, quand elle serait vraie, vingt-cinq évêques assemblés à Paris peuvent-ils sc considérer comme représentant toute l’Eglise ct délibérer en son nom? · C'était la raison meme; et pourtant, on le sait, Pierre d’Ailly cl Guillaume Fillasire n’eurent point complètement gain de cause au concile de 1400. Au mois de mars 1107, les deux prélats liront partie de l’ambassade diplomatique envoyée vers les deux papes Benoit XIII et Grégoire XII pour les inviter à s’entendre. Peut-être assista-t-il avec l’évêque de | Cambrai au concile de Pisc de 1109. En tout eas, c’est à partir de celle date que tous deux abandonnèrent I 2346 publiquement Benoit XIII. Tous deux furent aussi nommes cardinaux le même jour (6 juin 1411) par Jean XXIII, et Guillaume prit le litre de cardinal de I Saint-Marc. Deux ans plus tard,l’Église de Reims fit élire Fillastre comme abbé de Saint-Pierre d'Hautvillcrs. D'autre part, Jean XXIII lui conféra en 1413 l'expectative de l'archevêché d’Aix, et, en 1414, le pnenré de la Haieaux-Bons-I lornmes, près Angers. Arch, nat., X, /», 9198, fol. 12δ, ν·. 2° Concile dr Constance. — En celte même année s’ouvrit lu concile de Constance auquel notre cardinal prit la part la plus active avec son ami Pierre d’Ailly, dont il partagea presque toutes les opinions. On put même les blâmer d’avoir pratiqué une indépendance de cœur qui touche â l'ingratitude â l'égard du pontife qui les avait comblés de faveurs. Mais on peut dire à leur décharge qu’ils ont toujours voulu s’inspirer du bien général de l’Église et de l'intérêt public. I n second reproche, plus grave, que l’on peut faire à Fillasire, c’est d’avoir rejeté, en 1415, les principes théologiques qu'il avait soutenus avec tant de fran­ chise et d’éclat au sein du synode parisien de 1406. Avec d’Ailly, le cardinal de Saint-Marc professa la supériorité du concile sur le pape, non point comme un expédient transitoire réclamé par la nécessité présente de l’Église. mais comme une doctrine avérée et défi­ nitive. 11 alla même jusqu’à revendiquer pour le con­ cile le droit vraiment excessif de déposer le souverain pontife. Dès le commencement du concile, d’Ailly, de con­ cert avec Fillasire, résista aux prétentions de quelques Italiens qui avaient proposé de dore l'assemblée dès la ir· session après avoir confirmé les décrets de Pisc. Les prélats posèrent les deux principes suivants : « Le concile de Pisc lui-même a obligé le pape ct le sacrécollège à poursuivre la réforme, sans laquelle l'union ne serait qu’un vain mol : donc, le présent synode étant convoqué pour la réforme au moins autant que pour l'union, ceux qui veulent le dissoudre sont suspects d’hérésie. Le concile de Pisc ne doit pas être continué par celui de Constance : c’cst plutôt celui-ci qui depend du premier, ou mieux, les conciles de Pise, de Rome ct de Constance tonnent un tout indissoluble à eux trois. Confirmer le premier serait paraître douter de sa validité · (7 décembre 1414). Le cardinal Zabardla s'efforça de réfuter cct imporI tant écrit, mais les deux cardinaux continuèrent leur campagne contre Jean XXIII. Sans doute, dans un écrit daté du 10 janvier (Quia Christi fidelibus) ct dans une cédule qui suivit bientôt (Quia in praaenti concilio), d’Ailly préconise encore les voies de dou­ ceur, mais Fillasire, plus ardent, prend b direction de i l’attaque el reclame résolument la démission des trois papes rivaux. Celle idée de triple cession, qui avait d'abord paru excessive, fut enfin approuvée par d’Ailly. Maigre les objections des partisans de Jean XX HI, le cardinal de Cambrai affirma de nouveau que le concile pouvait, dans l’interet de l'union, forcer le pape Λ abdiquer, el, en cas de refus obstiné, le con­ damner comme schismatique (Summopere cav< ont). Le cardinal de Saint-Marc ajouta que, dans les circon­ stances actuelles, quiconque réprouvait la voie de triple cession devait être considère comme fauteur de schisme (Licel via cxeculionis). De plus, pour olcr ù Jean XXIII scs moyens de défense, les deux cardi­ naux français revendiquèrent pour les docteurs en théologie cl en droit civil ou canonique, qui élu ent dans le concile au nombre de trois cents, la faculté de prendre part active aux délibérations cl aux voles. Fillasire voulait même aller plus loin cl, si on l'avait écouté, il aurait fait voter les archidiacres, les curés, les simples prêtres cl même les diacres (cédules Ad £347 FILLASTRE oboiandum prolerviæcl Tu, quisquis es, qui prétendis). On n alla pas Jusque-là. Ccttc mesure pleine d'imprudence était sans fonde­ ment dans le droit comme dans la tradition, mais on retrouvait ct on approuvait ainsi en pratique toutes les pretentions des docteurs de l'époque. Au fond, elle n’éL.it à Constance qu’un expédient politique inventé pour neutraliser l'influence des prélats dc second ordre, italiens pour la plupart, accourus en grand nombre au concile pour soutenir Jean XXIII. Idus tard, le cnncilc dc Bâle renouvellera ccttc expérience; cc sera la source dc son impuissance et la cause de sa révolte. Le système dc vote par tête, longtemps préconisé par les Italiens, flt place au groupement par nations, admis par les Allemands, puis par les Anglais ct les Français. Cc n'était point pourtant l'avis dc Guillaume Fillastrc ct dc Pierre d’Ailly qui préféraient avec rai­ son, comme plus équitable, le vote par province ecclé­ siastique. Cependant, l’idée de la triple démission que le car­ dinal dc Saint-Marc avait si à propos mise en circu­ lation faisait un rapide chemin. Le 14 février, l'auteur fit parvenir à Jean XXIII un mémoire peu réservé ct peu respectueux qui mettait le pape en demeure d’ac­ cepter la voie de cession. Après quelques hésitations, Pierre d’Aiily accueillit ccttc manière dc voir (cedulc inédite Iknignissime Pater dans Keppler). La délé­ gation dc l’université dc Paris, qui arriva a ccttc date avec Gerson, renforça le parti des deux cardinaux qui devint bientôt victorieux. Déjà le roi des Komains s’était rallié à ccttc opinion de Fillastrc cl dc d’Ailly, ct dès lors les événements sc précipitèrent Le; pape céda; il fut forcé dc jurcr solennellement, en presence du concile tenant sa u’session, qu'il abdiquerait,pourvu que scs deux concurrents lissent dc même (2 mars). Les deux cardinaux ne voulurent point cependant pousser les choses à l’extrême ct sc contentèrent dc demander l’abdication par procureur. Ils refusaient ainsi d’obéir aux suggestions trop impérieuses du roi des Komains ct à une influence politique qui tendait à s’exercer trop visiblement. Sigismond en fut gran­ dement irrité- Dans une réunion très mouvementée tenue le 19 mars, d’Ailly indigné sc retira ct Fillastrc fut sifflé. Alors sc produisit un coup de théâtre. Dans la nuit du 20 au 21 mars, le pape, s'étant concerté au préa­ lable avec le duc Frédéric d'Autriche, s’enfuit dc Constance sous un déguisement cl sc réfugia à Schaffouse. Le concile en fut profondément troublé et fail­ lit sc dissoudre; les cardinaux furent en butte à cer­ taines accusations de complicité avec le pane fugitif. Pour dissiper ces soupçons, Fillastrc, accompagné des cardinaux Orsini et dc Saluées, fut délégué par le sacré-collège afln dc sc rendre dès le 22 mars auprès dc Jean XXIII. Les (rois cardinaux exhortèrent le pape à ne point renoncer à son intention d’abdiquer cl lui conse lièrent dc prendre toutes les mesures que nécessitaient son éloignement du concile cl l’intérêt dc l’union. Fillastrc n’était point encore dc retour quand sc tint la m· session (26 mars) que présida le cardinal d’Ailly. Il ne revint à Constance que le lendemain. Le 29 mars, malgré scs promesses, le pape quitta Schnffoose qui lui semblait un asile peu sûr cl sc réfugia au château de Laufenburg. entre SchniTousc ct Bâle. Le concile fut dc plus en plus en émoi et c’est sous le coup dc ccs dispositions peu pacifiques que Ton tint b fameuse ct tumultueuse îv· session (30 mars). L’intervention dc Fillastrc y amena d’abord un accord entre les partisans du roi des Komains ct le sacrécoliège. G’est après cct aclc que les cardinaux sc déci­ dèrent à prendre part à celte séance où furent votés 2348 les cinq articles qui proclament la supériorité du con­ cile sur le pape cl qui sont aussi célèbres dans l’his­ toire que les quatre articles de 1682. La v·session (6 avril), à laque le assistaient tous les cardinaux présents à Constance, a part Jean de Brogny et Pierre d’Ailly, ne lit qu'aggraver ccs décisions dont le sens irrespectueux et schismatique n’est que trop clair. Le pape qui sent que le concile lui devient dc plus en plus hostile se réfugie à Fribourg ct la situation s’aggrave. Fillastrc csl un des onze ambassadeurs qui sont charges dc mettre Jean XXIII en demeure dc réintégrer Constance ou dc s’enfermer dans une autre ville sans pouvoir en bouger sous peine de decheance, ù moins que le concile ne l’y autorisai. Après dc nou­ veaux essais de fugue, Jean XXIII reçut dc rassem­ blée dc Constance une citation personnelle à compa­ raître (Il mai). Au heu dc sc rendre lui-même au sein du concile, le pape, par une décision inattendue, char­ gea les trois cardinaux Fillastrc, Zabarclla ct d’Ailly de plaider sa cause. Ceux-ci déclinèrent cc mandat compromettant ct refusèrent dc défendre le pontife (13 mai). Le cardinal de Saint-Marc préféra se faire nommer examinateur des témoins qui devaient déposer contre Jean XXIII. Nous devons ά la vérité dc dire qu’il sc montra dans scs fonctions relativement modéré. Au cours dc la x® session, il s’éleva contre la prétention d’imputer au pape des crimes qui n'étaient pas notoires, tels que ceux dc coopération au schisme et d'hérésie; il obtint que c décret fût amendé dans cc sens. -Bientôt après, la maladie* vint le réduire ù une impuissance momentanée. 11 ne prit point dc part au procès dc Jean lluss cl à celui dc Jean Petit, ct il ne rentra en scène que dans les premiers mois dc l'année 1417. Le 12 mai, il s'agissait d’obtenir la démission d’un autre compétiteur à la papauté, celle dc Benoît XIII, le pape d'Avignon. Fillastrc entretient le con­ cile des démarches qui ont été faites cl qui sont restées vaines. Le pontife obstinément éloigné dc l’assemblée afleele d’en mépriser les ordres. Il faut en finir. Le 5 juin, le cardinal dc Saint-Marc est chargé d’annon­ cer la conclusion dc cclic a flaire cl la destitution de BenoîtXI Μ. Il fait un discours devant le concile sur cc texte : · Voici le temps où Dieu doit commencer son jugement par sa propre maison. » Tous les prétendants à la papauté s’étant aliéné les esprits en invoquant des droits réputés sans valeur, le concile va déférer l’héritage dc saint Pierre à un homme nouveau, qui sera vraiment, on f’espère du moins. le serviteur des ser­ viteurs dc Dieu. Enfin, le 26 juillet 1417. dans la xxxvu® session. Fillastrc csl encore chargé de lire la sentence qui condamnait cl déposait Pierre de Luna comme par­ jure, schismatique incorrigible et hérétique, sentence qui fut, le même jour, par ordre de Sigismond. publiée à son dc trompe dans les rues dc la ville. Donc, Jean XXIII. le pape de Pise, a été condamné, Grégoire XII, le pape romain, a donné sa démission. Benoît XIII, le pape d’Avignon, vient d'être déposé. Les dernières traces du schisme ont disparu. Il n’y a plus ni pape, ni antipape ct le Saint-Siège csl va­ cant. L’élection du pape futur préoccupe tous les esprits, mais avant de faire son choix, les nations ont décidé que le pontife à (lire modifierait par dc sages décrets son propre gouvernement cl elles ont dicté les articles, au nombre dc dix-huit, sur lesquels por­ terait la réforme. Fillastrc est donc arrivé nu dernier aclc de cc grand drame dans lequel il a joué un rôle si important. Déjà, dès le 29 mai. son collègue Pierre d’Ailly avait pré­ cisé la pensée des cardinaux. Son projet consistait à adjoindre, pour ccttc fois, an sacré-collège une sorte 2 ; >9 FILLASTRE dc second collège composé dc délègues des nations en deux donnèrent aux événements une impulsion déd­ nombre égal ou inférieur ù celui des cardinaux, cl dans rive. Ils jouèrent fréquemment le rôle de modéra­ lequel, ainsi que dans le sacré-collège, le futur élu teurs, ct souvent aussi leur influence victorieuse fit devrait réunir les deux liers nu moins des suffrages. avorter les combinaisons politiques dc Sigismond. Cette combinaison fut présentée par Fillastre au roi Ils s’efforcèrent de sauvegarder l’honneur du sacrédes Komains qui ne l'approuva point. Mais toutes les collège et la liberté du concile; ils abrégèrent la durée nations lui firent un accueil très chaleureux. Le succès de l’assemblée et firent enfin triompher un expédient diplomatique des deux prélats français irrita Sigis­ extra-légal sans doute, mais qui conciliait les intérêts mond qui, par des manœuvres louches, essaya en vain les plus divers en même temps qu’il préparait et assu­ rait l’autorité du futur pape sur l’Églisc universelle. d'entraver le projet des cardinaux. Après dc multiples incidents, on discuta enfin en octobre les détails du Marlin V fut reconnaissant à Guillaume des ser­ mode d’élection; les Allemands imaginèrent un sys­ vices éminents qu’il avait rendus; Il le pourvut en tème fondé sur l’égalité dc la représentation dc cha­ 1122 de l’évêché de Saint-Pons. Nous le voyons en que nation dans le corps électoral. Ainsi il y avait même temps prieur de Saint-Ayoub et légat du pape â quinze cardinaux italiens qui suffiraient à représenter la cour de Paris. Mais son séjour en France ne fut pas dc longue durée. Quand il revint à Borne, il fut nommé la nation italienne; aux sept cardinaux français on archiprêtrc de Saint-Jean de Latran, cl se fit bâtir un adjoindrait huit membres dc la nation française, à splendide palais, où il mourut le 6 novembre 1428. Il l'unique cardinal espagnol quatorze dc scs compa­ fut enseveli dans l’église dc Salnt-Chrysogone, titre triotes; enfin, on choisirait quinze membres dc la cardinalice de son ami d’Ailly. nation anglaise ct quinze membres dc la nation allemande, pour achever dc constituer un collège dc Hauréau a mal parlé dc la moralité du cardinal de soixante-quinze électeurs qui désignerait le futur pape Saint-Marc; scs accusations ne reposent sur aucune à la majorité des deux tiers. Mais le cardinal Fillastre preuve et, m dans les œuvres dc Fillastrc, ni dans les s’y opposa énergiquement, d’abord parce que ccttc écrits dc scs contemporains, nous n'avons trouvé de combinaison excluait le collège des cardinaux comme document qui puisse donner quelque vraisemblance à corps. Or c'est lui qui, de droit, doit élire le pape. ccs calomnieuses assertions. Les armes dc Guillaume En second lieu, il objecta qu’un pape pourrait dc la étaient de gueules à une rencontre de cerf d'or, av'c sorte être élu sans avoir obtenu la voix d’un seul mem­ une bordure cngrélêe de même, les yeux de sable. La bre du sacré-collège. Fillastrc interposa ensuite son tête dc cerf indique le doyen dc Reims; la devise qui autorité pour calmer certaines disputes, rogans quod l’accompagne parfois porte ce simple mot : · licmcnt nullus moleste /erret alterius verba. c’cst-à-dirc gaiement. C’est peut-être es qu» a donne lieu aux affirmations sans base dont Hauréau s’est Enfin, la nation française reprit le projet des car­ fait l’écho trop complaisant. dinaux en l’amendant et en le complétant dc la façon suivante : chaque nation adjoindrait au sacré-collège II. Œuvres» — Le cardinal csl plus connu par le rôle qu’il joua dans ki politique ecclésiastique ct par six délégués; l’élu devrait réunir les deux tiers des l’influence qu’il exerça au sein des concdcs que par suffrages, non seulement parmi les cardinaux, mais scs œuvres théologiqucs ou canoniques. Comme ora­ dans chacun de ccs cinq groupes. Celte motion reçut teur, il parait avoir été un des plus français de tous bientôt l’adhésion universelle. Le 30 octobre, le cardi­ ceux qui ont parlé dans cc synode de 1406, le seul que nal de Saint-Marc lut les decrets sur le mode d’élec­ l’on ait étudié jusqu'ici au point dc vue dc l'éloquence tion, puis il proposa que tous les électeurs prêtassent et de la langue. Comme écrivain, ses œuvres sont dis­ serment. 11 demanda en même temps qu’on fît des persées un peu partout, soit dans la poussière d*» prières ct des processions pendant toute la durée du con­ bibliothèques de manuscrits, soit dans les recueils de clave pour obtenir un bon pasteur à la sainte Église. Enfin, le 8 novembre 1117, à quatre heures du soir, pièces peu connues. les cinquante-trois électeurs entrèrent en conclave Scs thèses d’étudiant reposent à la bibliothèque de Reims, n. 76S, fol. 234, 249 sq., à côté d’un certain dans l'immense Maison des Marchands qui existe encore aujourd'hui. Le mercredi 10, on procéda au nombre dc livres donnés par lui à la bibliothèque du chapitre. Beaucoup ont été copiés à Constance vote : Diversi diversimode vota sua emittebant. Aliqui allegabant causas, alii non. Aliqui nominaverunt plupendant le concile. Scs discours du synode parisien de 1406 ont été publies d’une manière imparfaite par res, aliqui ununi solum. Et qui places, diversas formas Bourgeois du ( hastenel, mais les manuscrits sc trou­ habuerunt, dit le journal de Fillastre. Le cardinal ro­ vent à la Bibliothèque nationale, n. 23428, 17220,17221 main Olhon Colonna se trouva porté dans chacun des cl 7141. Deux de ses mémoires latins, distribues au six groupes composant le corps électoral et, dans deux concile dc Constance, ont été imprimes dans Von der des nations, il obtenait déjà la majorité des deux tiers. Hardi; un troisième a été publié récemment par Peu à peu, il rallia les voix de quatre ou cinq cardi­ naux, puis conquit runanimilé dans les deux nations Keppler. Son œuvre )a*plus importante au point dc vue théo­ allemande et espagnole. Le cardinal de Saint-Marc et logique ct historique csl celle qui est restée jusqu ici le cardinal Pierre dc Foix s’entretenaient ensemble cl presque complètement inconnue. C’est le journal que n’avaient point encore fait accession, En voyou celte le cardinal de Saint-Marc a tenu pendant le concile dc quasi-unanimité, Fillastrc se leva ct dA: Adconsu imaclunem hujus operis et unionis Ecclesia·. accedimu. nos Constance cl que Heinrich Finite, le savant professeur de Fribourg, a retrouve dans la bibliothèque du Vati­ duo ad dominum cardinalem de Columpna. Le cardi al dc l'oix parla de meme cl aussitôt Olhon Colonna fut ; can, //.7J et 41.73, ms. du xv* siècle. Par une série d’inductions ingénieuses, l’historien a proclamé. On chanta le Te Deum, cl le nouveau pape démontré que l’auteur de ce journal csl un témoin ocu­ prit le nom de Martin V en l’honneur du saint du jour. laire et L’ange de Jahvé lui dit... » ct plus loin : • Atur donna à Jahvé qui lui avait parlé le nom de Alla El-Roi (vous êtes un Dieu de vision], car elle avait dit Ai-je donc ici meme vu le Dieu qui me voyait? » CL xxi. 17-19. Dans l’épisode du sacrifice d Uaac, xxiî, 11-14, c'est de même l ange de Jahvé qu» arrête le bras d*Abraham cn lui disant : « Je sais maintenant que tu crains Dieu ct que tu ne m as pa^ refuse ion fils... » Cf 15-18. A Jacob aussi Dieu appuiui à Bethel, lui disant. Gcn.. xxvhî, 1'2-19 : « Je suis Jsbvê, le Di^u d'Abraham. · r or plus Inln, 2.356 xxxr, 11-13, c’cst l’ange de Dieu qui lui apparait et lui déclare : < Je suis le Dieu de Bélhcl. · Cf Ose., xn, 4-6. Voir encore Gcn., xxxn, 24-32; mais il faut laisser Gcn., χιλίιι, 16, car il faut y lire sans doute melek (roi) au lieu de maie'âk ct ainsi Jacob bénit son Dieu-roi sauveur, non son Dieu-ange. A son tour, Moïse vit le Seigneur, Exod., m-iv, 17, la première fois dans le buisson ardent où Dieu s< définit par ce nom transcendant : « Je suis Celui qui suis..., Celui qui est; » or celui qui apparaissait cl parlait ainsi, c’était l’ange de Jahvé. Exod., m, L (d’après l’hébreu). Cf. Act., vu, 31-35. Dans le désert, après l'adoration du veau d’or, Jahvé ne veut abord plus accompagner lui-même son peuple, mau seule­ ment envoyer devant celui-ci son ange. Exod., xxxn, 30-xxxni, 3. Puis, après la prière de Mnï’e ct la pénitence du peuple, Jahvé promet que i face· ira avec eux, xxxm, 12-17. La face de Jahvé, cjt-oe l’ange lui-même promis ici cl plus haut, xxnr, 20-27, celui « dans lequel est mon nom, · et cet ange est-il Jahvé cn personne? Cf. Is., lxiii, 9 (l'ange de La face = Dieu); Num., x, 33; xn, 4 sq.; voir dans cc sens les notes de la Bible de Crampon. Ou ne faut-il pas distinguer nettement l’ange, de Jahvé lui-même qui se renferme dans Je tabernacle, Exod., xxxm, 711; ou de sa face, c’est-ù-dirc de sa présence person­ nelle? CL J. Lagrange, loc. cit., p. 215; J. Lebrcton, op. cil., p. 109, notes 2 ct 3. Enfin, sans plus de détails, on trouve la même identification certaine de Jahvé avec son ange, dans l’histoire de Balaam, Num., χχιι, 22-35; χχιιι, 4-12; de Josué, Jos., v, 13-vi, 2; de rétablissement d’Israël cn Chanaan, Jud., n, 1-5; puis des juges comme Gédéon, Jud., vi, 11-24, ct Samson, xm, 21-22; peut-être encore dans Ps. xxxm, 5-11; dans Zach, m, 2, il faut sans doute lire l’ange de Jahvé, comme au verset 1, au lieu de Jahvé. En un très grand nombre d’autres textes, l’ange envoyé par Dieu pour diverses missions est franche­ ment distingué de lui, par exemple, Gcn., xxiv, 7; Num., xx, 16; 11 Sam., xxiv, 16-25; I Par., xxi, 15-30; 1 Bcg., xix, 5-7; 11 Rcg., i, 15-16; xix, 35; Is., xxxvn, 36. Chez le prophètes d’après l’exil surtout, Dieu plus transcendant sc distingue très nettement des anges ses médiateurs auprès des hommes ct spéciale­ ment auprès des voyants. Zach., i, 10, 12; m, 1, 2, ependani, pour clore le prophétisme hébraïque, Malachie, ni, 1, identifie de nouveau « l’ange de l’alliance » avec Jahvé lui-même, scmblc-t-il. Mais cet ange de l’alliance est bien différent de l’ange messager dont parle le même verset ct auquel res­ semblerait plutôt le male'âk Jahvé des anciens. 2. Interprétations de ces faits d de ces textes. — a) Philon commença ù identifier le Logos avec l’ange de Ja v par exemple. De cherubim, 3 (ange d’Agar), édit. Mangey, t. i, 139; De somniis, i, 226 (ange de Jacob), t i, p. 655; Quis rer. divin, hæres, 201, 205 (ange de l’Exode), t. i, p. 501, etc. Après lui, la plupart des Pères reconnurent sem­ blablement dans l’ange du Seigneur ^apparition personnelle du Verbe lui-même <μιι préludait dès lors ù scs communications familières avec les hommes. Les text vs ont été rassemblés el étudiés par Pc tau ct récemment par dom Lcgvay, loc. cit. Nous nous bomeious à mentionner S Justin, Dial, cum Tryphone, 57-60, P G., t. vi. col. 605-613; Novatlcn, De Trinitate, i n. 18-20, P. L., t. ni, col. 918-927; S. hénée, Conl. . hær., I IV,c v-vn. P G , t. vu, col .983-993; S. Cyrille de Jérusalem, CoL, xfv,27, P. G . t. xxxm, col. 801; S Basile, Contra Eunomium, l. II. is. PG. I. xxix i col.609-612; S. lldairc,De Trinitate, I IV, 23-31, P £, * I t. x, col 113-121. Voir plus loin pour S. Irénée i S. Hippolyte. Tertull.cn, Novatlen, Origènc. etc. ’ 2357 FILS DE DIEU Chez plusieurs Pères anlcmcéens. celte exégèse fut mise cn connexion avec les speculations plus ou moins subordinal icnncs de l’invisibilité du Père cl de lu mediation cosmique essentielle du Verbe, dont il sera question plus loin Voir, par exemple, S. Justin, Dial cum Tryphone, GO, 127, 128, P. G., t vi, col. 612, 772 sq.; Alhénugorc, Legatio, 10, fMd., col 909; S. Théophile, Ad AutoL, 1. Il, n. 22, ibid., col. 1088; Epist. ad l)iognclcm,vu, dans Funk, Patres apostotici, t. i, p. 139. Pour tous ces interprètes, les théophanies de l’ange de Jahvé furent des apparitions personnelles du Verbe; ct c’est encore l'opinion de Hetzenauer, op. er/., t. r,>p. 472. b) Cependant saint Jérôme ht remarquer que (fêtaient les anges créés qui avaient été les médiateurs de Dieu dans l’ancienne loi, d’apres saint Paul. Comment, (n Epist. ad Gai., L 111, 19, P. L., t. xxvi, col. 3G6. Cf. Heb., n, 2; Act., vu, 53; Hcb.» i, 1. Saint Augustin, conformément aux principes fonda­ mentaux de sa théologie trinitairc, insista ensuite sur l’unité absolue d’opération divine dans toute œuvre de Dieu ad extra ct cn conclut quo les théo­ phanies furent l’œuvre de toute la Trinité, De Trinitate, 1. II, c. v-1. III, P. L., t. xi.li, cul. 848-886; la forme sensible de ces théophanies fut, de plus, cc qu'on appela ordinairement une forme angélique, comme l’atteste toute ΓÉcriture; Dieu parlait par cet ange, sa créature. Ibid., I. III, c. xi.n. 22-27, col. 882-886. Saint Augustin avait raison. Dieu ne peut être vu personnellement qu'en lui-même par vision intuitive ou dans une humanité qui lui est hyposlat iquement unie; cn dehors de cela il n’y a que des créatures, œuvres de la Trinité, ct attribuer au Verbe une opéra­ tion distincte, c’cst logiquement aboutir à l'arianisme : c’cst cc que les Pères apologistes n’avaient pas vu très parfaitement. Saint Augustin fut unanimement suivi. Voir S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XXVIII, c. 1, P. L., t. Lxxvi, col. 447 sq.; S. Thomas, Sam. theol., I», q. xliii, a. 7; Suarez, De angelis, 1 VI, c. xx, t. i, p. 765; Corneille de la Pierre, In Exod., ni. Paris, 1859, t. i, p t »1 Ainsi, le maie'âk Jahvé était physiquement un ange créé. Mais, de même que dan les missions divines, cf. S. Thomas, foc. cil., un objet sensible, feu,colombe, voix, etc., peut symbolique me ni être ordonné à repré­ senter distinctement une seule per onne divine; les exemples dans le Nouveau Testament sont cla»rs ct abondent. L’ange de Jahvé aurai pu par conséquent être la manifestation symbolique du seul Fils de Dieu; el, n’était leur philosophie générale qui s'y oppose, on pourrait interprète en cc sens très ortho­ doxe les textes des anciens Pères apologistes. Cc fut, â n’en pas douter la position de saint Augustin, voir François de Paule Blachèrc, loc. cil., ct Fnmzclin, De Deo (rino, th. vi n. 2, p. 99-106; non pas que le Verbe seul puisse être symboliquement manifesté dans une apparition sensible, sous prétexte que lui seul doit s’incarner, De Trinitale, I H, c. x-xviiî, n 18-35. loc. cit., col. 856-868; mais parce que. de fait, les textes le prouvent. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2?» 19. c) Ce sont donc les textes seuls que nous devons examiner Laissant certaines interprétations évidem­ ment accommodatlces, par exemple Dieu vu par derrière. Exod , xxxm, 23, c’est le Verbe incarné, nous avons A rechercher si la seule qualité d ange fait du maie'âk Jahvé le symbole, non du Père à qui il ne convient pas d’être envoyé, mais surtout du Fils, comme le dit saint Augustin. De Trinitate, I. II, c xm. n. 23. P. L . t xlii, col 860;l. III, c. xi, n 24-26, col. 883-884 L'auteur de l’article de la Revue auguslintenne déjà cité semble adopter cc 235« sentiment Cf. aussi Hetzenauer, loc. cit.; Rohl ng, Lange. de Jéhooah, dans Tub. Theol. QuartalschrilL 1866. Mais cc sentiment paraît reposer sur une confusion : si la quaLté d’être envoyé ou la mission ne convient pas a la personne du Père, S. Thomas, Sum theol., l*,q. xliiî, a. 4, 8, il convient évidemment ù toute la sainte Trinité d’être symbolisée par un ange, comme par toute autre créature. Partout où il s'agit simplement de L'ange de Jahvé, dans les textes cités plus haut, c*t*l donc Dieu qui parle a l’homme ct non telle ou telle 1 per­ sonne divine; or c’est le cas le plus ordinaire. Donc les théophanies du maie'âk Jahvé, au sens littéral, ne disent rien par elles-mêmes de la distinction des personnes divines, ni du Fils de Dica. Ct E. Hugon, Les preuves scripturaires du dogme de la Trinité, dans la Rame thomiste, 1911, p. 283. Mais on cn a souvent appelé à Isaïe, xx, 5 (6), où le Messie · con­ seiller admirable, Dieu fort, » etc, est simplement appelé par les Septante « ange du grand conseil », ct cc texte, indubitablement, a contribué à faire voir par la plupart des Pères le Fils de Dieu (qui devait s'incarner) dans toutes les apparitions de l ange de Jahvé. Mais les scrupules des .Septante,n’osant donner au Messie les noms transcendants de · Dieu fort. Père étemel, etc., · ne font évidemment pas autorité. Le contexte du moins, comme le croient FranzeLn, toc. cit., ct beaucoup d’uulics, devra-t-il plusieurs fois faire voir dans les théophanies anciennes des per­ sonnes divines distinctes? Le principal passage invoqué est celui des trois anges apparaissant é Abraham, puis détruisant Sodomc. Gcn., xvm-xix. 28. Ce texte regarde la Trinité cn général; il nous suffira de dire qu’au sens littéral les trois mystérieux per­ sonnage représentent plus probablement, le premier, Jahvé, cl les deux autres, des anges scs ministres, comme l'interprétèrent saint Hilaire, De Trinilale, 1. IV, 25, P. L., t. x, col. 115; saint Ambroise, De fide, i, 13, 80, P. L·., t. xvi, col.547; saint Thomas, Sum. theol., Il» 11», q. lxxxiv, a. 1, ad 1“·. Voir encore billion, La sainte Uible commentée, l. i, p. 74, note; Huinmviauer, In Genesim, Paris, 1895, p. 405415. Le >. 24 du c. xix : « Jahvé fit pleuvoir sur Sodomc cl sur Gomorriie du soufre et du feu d’auprès de Jahvé, du c.*cl, » signifie tout d’abord, comme l’affirme Corneille de la Pierre, In Genesim, Paris, l. î, p. 231 : pluit Dominus a seipso, puta a se suaque omnipotentia, nun a causis naturalibus... Ila Cajetanus, Pagninus. Vatablus; c'est aussi l’opinion de ΙΙιιιηmclaucr, loc at., p. 415; les mots · du ciel » ne sont pas une redondance, mais une explication des mots « de Jahvé ». 1 nfin si l’on vouhrit identifier l’ange du Seigneur avec la sagesse ou le logos divins, nous dirions que celle identification est très problématique, comme nous le montrerons plus loin, et que, fût-elle réelle, elle pourrait n’etre qu’une appropriation, d’ailleurs très fondée, des thcophaïues du maie'âk Jahvé à la seconde personne de la Trinité. d) Quelle est l’origine de cette conception du maie'âk Jahi^i'l Les rationalistes bâtissent sur elle toute une théorie de l’évolution des religions sémi­ tiques; la manifestation divine aurait d'abord été Identifiée avec Jahvé: puis, sous forme d'ange, elle aurait évolué vers l’hypostasc distincte. Buchanan Gray, art Angel, dans Encyclopaedia biblica. Pour dé­ truire plus radicalement la théorie rationaliste, le P. laigrange, art. cit., s’ellorce de démontrer que l'identification ou mieux la substitution de l’ange à Jahvé n’est pas primitive, mais plutôt récente, et n’exprime pas un fait, ma.s une théorie théolo­ gique; celle-ci sc serait introduite dans les textes anciens par îles retouches diverses. La théorie appa- 2359 FILS DE DIEU mit déjà dans Osée, bien qu’il soit impossible dc îuî assigner des dates fixes; le travail de rema­ niements n’était pas achevé lors dc la traduction des Septante, qui mirent plusieurs fois ange dans leur grec, alors que l’hébreu disait Jahvé. Sans entrer ici en aucune discussion, nous préférons l’explication de M. Touzard, La religion d'Israël, dans Où en est Γhistoire des religions? t. n, p. 46-17. Les anges apparaissaient ct Dieu apparaissait aussi, fréquemment, sous forme sensible, dans l’Ancien Testament;ordinairement, c’était sous forme humaine avec quelque chose sans doute dc céleste. On savait bien que cette forme éphémère n’était pas Dieu lui-même, ct cependant c’était l’apparition dc Dieu; comment appeler celte forme, cette apparence, à la fois Dieu cl distincte dc Dieu? Une meme appellation mate'àk, ange, à cause sans doute de la plus grande fréquence des apparitions angéliques, désigna toute apparition d’être céleste. Mais pour les apparitions dc Dieu, on dit male'àk Jahvé ou malc’âk Elohim. Les médiations d’anges proprement dits, qui sc multiplient après l’exil, n’ont rien à voir avec les apparitions du malc'ûk Jahvé. Pour celui-ci, tout nu plus, en certains cas, insista-t-on pour attribuer à Dieu directement les actes plus spirituels ct à son male'âk sa forme humano-angélique d’apparition, les actes plus maté­ riels, par exemple, épisode dc l'Ancsse dc Balaam. Num., xxn, 21-35. Concluons cependant avec saint Thomas, qui donne bien la raison providentielle dc toutes ccs apparitions angéliques ct surtout divines, Sum. theol., 1·, q. i.i, a. 2, ad 1·®, fuit quoddam figarale indicium quod Verbum Dei assumpturum esset corpus humanum. Omnes enim apparitiones Veteris Testamenti ad illam apparitionem ordinatis fuerunt, qua Filius Dei apparuit in carne. Cf. la belle élévation de Bossuet, ÉléiHdions sur les mystères, x· semaine, vr élévation, bien que plus inspirée des Pères apo­ logistes que dc saint Thomas. Pour l’élude dc* textes. J -M. Lagrange, L'ange dc Jahvé, dan* la Revue biblique, 1903, p. 212-225; 1908. note, p. 497499; Λ D. Davidson, art Angel, dans Dictionary o/ the Bible, t, i, p. 91; M Hctzcnaucr. Theologia blblica, Fribourg-cn-Brisgnu, 1908, t. i. p. 169-472; A. Vacant, art. Ange, dans le Dictionnaire de lu Bible, t i, col. 586-587; M lapin, Jésus Messiect Fils de Dieu, Paris, 1906, p 19 sq. ; W. P.. Bcitragc :ur Lôsung der Mattach-Juliuc Fraye. dans Der Kaihollk, 1882. t il. p. 149-170; J. Touzard, Im religion JIsrafl, dons Ou en est Γ histoire des religions? t. il, p 46, 47, 118; P Montagne, Revue biblique, 1891. p. 232 sq. — Pour l’élude thêologique, Franzclin. De Deo Irino, th. vi, a. 2, p 99-106; J Souben, Nouvelle théologie dogmatique, l n. Les personnes divines, p. 13 ! I; Vandcnbrceck, Disser­ tatio theologica de theophaniis Veteris Testamenti, Louvain, 1851; M J Schccbcn, La dogmatique, trad. Belot, Paris, 1880.1 n.p 535-537. — Pour les interprétations patriotiques. Peton. Dr Trinitate, 1 VIII, c. n;doin Legcay, L'ange et les théophanies dans la S. Écriture d'après la doctrine des Pères, dans la Revue thomiste, t. x (1902), p. 138-158, 405-424; t xi (1903). p 46-69. 125-154; François de Paille Blachêre S. Augustin et les ihéophanies de ΓAncien Testament, dans la Revue augustinicnne, t. t (1902), p. 595-613; de Régnon Études de Urologie poJlive sur la sainte Trinité, 4 in-8· Pins, 1892-1894 t. m p. 88-101 135-139 (Pères grecs), enfin de bons chapitres dans Gliwulhlac, Histoire du dogme atthotlque, 2 ln-8·, Paris, 1852, t. I, p. 506-522; L U p 2 9 313. 3· Le Messie, Fils dc Dieu. — Le Messie, c’est réellement dc fait la seconde personne de la sainte Tnndê. Mais nous avons «lit que formellement ces deux notions ne sont pas identiques; Jésus Fils de Dieu ne signifie pas simplement Jésus-Christ. Λ l’en­ contre de beaucoup d’exégètes rationalistes, nous le mettrons peu a peu en lumière en étudiant l’Ancien Testament, la théologie judaïque, puis le Nouveau Testament. j I 23G0 On sait l'importance capitale du messianisme dans l’histoire du peuple juif. Nous avons à voir ici seulement si les conceptions du Messie ont influé, oui ou non. ct de quelle manière, sur le développe­ ment de la doctrine des personnes divines. « Nous devrons reconnaître d’ailleurs que celle action a été peu étendue; c’est par la doctrine dc la Sagesse, beaucoup plus que par le messianisme, que le peuple Juif a été préparé à la révélation dc la Trinité. > J. Lebreton, op. cit., p. 120. 1. La filiation divine du Messie. — Les textes sont assez rares dans lesquels Dieu appelle le Messie son fils; nulle part, l’expression technique « fils de Dieu » ne lui est directement appliquée. a) Les anges sont excellemment ct sans restriction des fils dc Dieu Ps. xxvm, 1 ; Job, i, 6; n, 1 ;xxxvm,7. Parmi les hommes, la qualité dc fils dc Dieu fut d’abord attribuée, dans l’Ancien Testament, à la nation Israélite qui, comme telle, avait été adoptée ct même créée par Jahvé; ainsi tous les Juifs étaient des ills dc Dieu, bien que parfois très indignes. Exod., iv, 22-23; Deut., xiv, 1-2; xxxn, G-20; Ose., xi, 1-4; Is., i, 4; xxx, 9; xliil 6; xlv, 11; lxiii, 8, 16; lxiv, 8; Jer., m, 4, 14, 19, 22; xxxt, 9, 20; Ps. cm, 13-14; Mal., i, 6; n, 10. Après les divisions causées par l’influence grecque, seuls les justes furent vraiment des fils dc Dieu. Eccli.» xxm, 1-1; li, 10 (d’après le texte original, fragment hébreu); Sap., n, 13-18; v, 5; cf. xiv, 3; xvm, 4. Mais longtemps auparavant, David ct sa race avaient été élevés par Jahvé à une filiation divine toute spéciale, qui nous conduit à la filiation messia­ nique. II Sam., vn, 11 : Ego ero ei in Patron ct ipse erit mihi in filium, avec les textes parallèles de I Par., xvn, 11-14; xxn, 10; xxvm, 6; Ps. lxxxviii, 20-30. Évidemment, il s’agit d’une filiation à part, qui n’est ni celle dc la nation juive, ni celle d’un juste quelconque. Littéralement, les textes l’attribuent à David et à Salomon, puis en quelque manière à leur race, mais il n’y a pas dc doute que ccs personnages ne soient des types du Messie, ct que ccs textes ne doivent donc aussi s’entendre du fils dc David pnr excellence, du Messie. C’est l’interprétation autorisée dc Hcb.,i,5;de plus cette filiation ne fut pas dc fait accordée à tous les descendants dc David; cc n’était donc pas un équivalent dc la dignité royale, ce fut plutôt un privilège personnel de David, puis dc Salomon, ct dc leur race en tant que, à la fois, litté­ ralement davidique et typologiquement messianique. Voir J. Lagrange, loc cil. Ainsi on ne peut guère ici rapprocher de cc titre de David ct dc sa race, encore moins de la filiation divine toute messianique que nous allons étudici, les titres dc fils dc Dieu, accordés à leurs rois par les Sémites en général ct les Assyriens, et il est impossible de les identifier. Voir J. Touzard, L* argument prophétique, dans la Revue pratique d'apologétique, 1908, t. vu, p. 102; Dalman, op. cit , p 223 sq. b) Le Messie, comme fils de David, devait excel­ lemment être tenu par Dieu comme son fils; un texte très important, sur lequel il faut nous arrêter un peu, parle directement de celle filiation divine du Messie; directement, disons-nous, car il faut, à peu près certainement, tenir pour littéralement ct totalement messianique le Ps. n, où sc trouve cc texte Cf. a. Corluy, loc. cit. Voir Act., iv, 25-28; xm, 33; Heb., i, 5; v, 5; Apoc., xn, 5; xix, 15, etc. Pour la tradition judaïque, voir Reinke, Messianische Psalmen; Edershcim, The life and times nf Jesus the Messiah, t. lî, p. 716 sq.; pour la tradition patristique, voir Patrizi, Cento salmi tradotti e commentati. Rome, 1875. Cc psaume décrit la lutte ct le triomphe du Messie contre les rois dc la terre ligués contre lui; 23G1 FILS DE DIEU 2362 et le Messie triomphe, car c’est Jahvé qui l’a établi roi , c) En résumé, sans nous attardrr au verset 11 hdans Sion; le Messie peut, en cflcl, proclamer le ι 12 a du meme psaume, traduit par quelques-uns décret divin dc sa dignité : · Jahvé m'a dit : Tu es osculamini (ilium, cf. Corluy, loc. cit., ct, en sens mon ills, moi-inêmc je t’engendre aujourd’hui. De- | contraire, Lagrange, Revue biblique, 1905, p. 40, note6, mande ct Je le donnerai les nations pour héritage, etc. » ni à Ps. lxxix, 18, où filais hominis pourrait peutΛ la lumière du Nouveau Testament nous savons être sc remplacer par filium tuum (Deus), cf Revue cc qu'est le Messie Fils de Dieu ct cc qu’est sa géné­ biblique, 1908, p. 490, noies 4 ct 5; ni enfin à Ps. ration éternelle; mais en dehors de celte lumière cix, 3, ex utero unie luciferum genui le, qui ne traduit pas le texte original, jamais l’Ancien Testament pourrait-on tirer celle notion de cc texte? Λ la vérité, la plupart des commentateurs, appli­ 1 n'appelle le Messie Fils de Dieu; c'est un titre qu’on donne aux anges dc nature transcendante par quant avec raison le texte à Jésus-Christ, y ont vu rapport aux hommes, mais évidemment jamais la sa divinité qui y est en effet. nu moins d’une façon indéterminée et confuse; ct c’esl ainsi qu'est employé pensée ne vint aux Juifs qu’un ange, fils dc Dieu, serait le Messie. Celui-ci, en deux ou trois endroits notre texte dans l’Épitrc aux Hébreux, l, 5. De là loul au plus. Dieu l’appelle 1res spécialement · son aussi ccs belles considérations sur l‘e/70 hodie genui le exprimant d’une façon saisissante par son accouple­ fils ». En quel sens? en un sens probablement imprécis, ment de passé ct de présent l’éternelle génération du bien que sui generis, extraordinaire, apte à sc remplir Fils de Dieu. Voir S. Augustin, Enarrai. in ps n, P L., dc toute la réalité tem|>orellc ct étemelle que décla­ I. XXXVI, col. 71; Con/., 1. XI, c. xm. n. 2; Bossuet, reront les révélations ultérieures. Supplenda in psalmos, longue dissertation sur Ps. 2. Im nature transcendante, divine, du Messie. — n, 7; Hurler, Theol. dogm. compend.,10* édit., 1900, Une série dc textes, tirés «les Psaumes et des prophètes, t. n, p. 120-122; H. Lesêtrc, Le livre des Psaumes, a élé fréquemment invoquée dans h controverse ou Paris. 1883, note sur cc passage. Celui-ci, ibid., cl dans la théologie i>our prouver la divinité du Messie. Si le Dictionnaire de la bible,t. m, col 1191, insiste spé­ la preuve est admissible, c’esl certainement la révé­ cialement sur le mot hébreu ydlad, surtout en hiphil lation aux Juifs dc La « dualité divine », comme ielidetika, pour exclure toute génération métaphorique. disait saint Épiphanc, car le Messie fut toujours Le P. Lagrange, par une autre voie, avait aussi évidemment distingue du Dieu qui l’envoie. conclu à l’interprétai ion traditionnelle. Notes sur le n) Psaumes. — Le Psaume αχ, 1-3, est directement messianisme dans les Psaumes, dans la Revue biblique, messianique. Cf Corluy, op. at., l. n, p. 184-185; 1905, p. 39-13. Faisant mieux ressortir le messianisme Reinke, Mcssianisclu Psalmen, t 11, p. 153-177. Il direct du ps.ii.il en refetait l’origine davidique; par est, de plus, davidique, ct non macchabéen : c'est conséquent la filiation divine du Messie n’y aurait plus opinion traditionnelle fondée sur Matth , xxn, 41 sq.; Act., n, 32 sq., passages difficilement interprétés d’attache avec la filiation royale davidique,mais serait immédiatement transcendante, bien qu'encore impré­ comme simples adaptations ad hominem, ct la critique cise. Dans l'article déjà cité de la Revue biblique, 1908, 1 interne ne s’y oppose pas évidemment Voir, en sens p. 490, l'exégèse est plus proche dc l'opinion suivante. contraire, Engrange, Notes sur le messianisme dans les Psaumes, dans la Revue biblique, 1905, p. 46-50. 11 Admettant l’origine davidique du ps.îî, qui semble, en cflcl, presque certaine, sans que son messianisme faut traduire le v. 1 du texte hébreu ainsi : « Jahvé littéral ait d’ailleurs à en souffrir, il semble à plusieurs a dit à mon Seigneur : Assied>toi a ma droite... ■ que la filiation naturelle transcendante du Messie n'y ct remarquer que · Seigneur » appliqué au Messie est pas explicitement, ni même formellement affirmée. est bien différent de « Seigneur » (avec Cf. J. Lebreton, op. cil., p. 121. Corluy, op cit., t. n, suffixe cl pluriel), appellation divine. Cependant p. 161, voit la filiation divine naturelle dans le Filius être Seigneur dc David le grand roi suppose indu­ meus es tu, et une génération métaphorique dans le bitablement une dignité surhumaine manifestée par genui te. Cela n'est-il pas inconsistant cl la filiation cc geste de Jahvé : Assieds-toi à nia droite. Après dont parle cc texte n’esl-elle pas du même ordre que l'intronisation, c'est la domination absolue du Messie la génération qui en est clairement le principe? Cette en Sion qui esl décrite, en Sion d’où rayonne son génération, qu’cst-clle donc en définitive? Le mot sceptre. Puis le t. 3 du texte massorédquc continue hébreu n’étant pas tenu pour décisif, il faut examiner logiquement par la description du peuple messianique, le contexte Or celui-ci, d’après le plus grand nombre saint ement orné ct armé, accourant sc ranger autour des interprètes, indique une génération métaphorique: du Messie Cf. Corluy, op, cit., p. 188-191, pour une la constitution du Messie comme roi triomphant en étude détaillée île ce texte très mêlé, mais qui ne nous face dc ses ennemis. C’est certainement le sens adopté intéresse pas, puisqu'il ne renferme rien sur l’origine par saint Paul. Act., xm, 33. Cf. Knabenbauer. In ou la nature de ce Messie. Il en est de même des Actus apostolorum, Paris, 1899, p. 233-231. Celte con­ versions tl’Aquila, dc Symmaque, de la 5« hexaplaire, stitution est appelée génération, c’est-à-dire élévation du Targum et de la version de saint Jérôme. Tout à cettedigmté dc Fils choisi qui, parexccllcncc. convient différent est le texte des Septante sur lequel a été au Messie. Quand s'est produite cette élévation du roi modelé celui de la Vulgate et ici celui de la version Messie? Les uns la placent à la naissance de Jésussyriaque : · Avec lui. dit ce lexte, est la puissance Christ ; S Cyprion, S. Jean Chrysostome, S. Jérôme, souveraine au jour dc ta force, dans les splendeurs S. Fulgencc, dom Calmct, VnnSlcenklste;cf Hcb., v, des saints; de mon sein, avant l’aurore je t'ai engendré. » 5, et fini mit de la messe de minuit à Noel; d'autres, Quelle est la valeur de cc texte? Il ne semble pas à son baptême : S. Justin, Clément d’Alexandrie, probable qu’il représente ici le texte original, malgré S Méthode, S. Hilaire. Dc Trinitate, vni,25; 1-actancc, Franzclin, De Deo trino, th. xxx. p. 436-437; HetzeBcclen, dans Dissert, dc sensu multiplici, p. 65 sq.; nauer, op. cit, t. 1, p. 479, comme le reconnaissent certains manuscrits inséraient même l'rpo hodie genui Corluy, op. cit., p 189; Fillion, Les Psaumes, p. 520; te dans Luc, ni, 22 (cf. Blass, Εν. sec. Lue., p. xxxv. Lesêtrc, Le livre des Psaumes, p 538, etc. Comme xx.xix; Knabenbauer, In Lucam; S. Augustin. En­ dit très bien le P. Lagrange, loc. cit., p. 47-18, c’est chiridion, xiv, 19); d’autres enfin, à sa résurrection: I réellement une transposition de l'ancien texte en S Hilaire, In Matth .; S. Ambroise. Théodoret. Jan- 1 un messianisme transcendant,le messianisme vécu vers sénitis dc Garni. Corneille de la Pierre, Vasquez, j le temps des Paraboles d’Hénoch Voir plus loin. Schegg, Corluy (probabilior); cf. Act, χιπ, 33; Boni , Dans cette transposition elle-même, ex ultra ante 1, 4; Col., i, 18; Matth., xxvm, 18. luciferum genui te arrive-t-il Λ la génération étcrncllo 2363 FILS DE DIEU 2364 certainement vérifiée dans le Christ d’une façon que consubstantielle du Messie Fils de Dieu ? Formelle­ nous dirons formelle; Jésus est person licitement Dieu, ment il nous semble que les idées sont ici celles du ps n e( rien dc plus : génération ct préexistence. La Jahvé, force et Justice, etc.; mais les textes cités ont-ils métaphore ex utero, suggérée par le texte original par eux-m. 10 : • Je répandrai... un esprit dc grâce ct dc supplication ct ils regarderont vers moi qu’ils auront transpercé; ils pleureront sur lui comme on pleure sur un fiU premier-nè. » Les leçons · vers moi » cl < transpercé » ne sont pas douteuses cl comme c’est Jahvé qui parle, il y aurait là une saisissante prophétie non seulement dc la crucifixion du Messie, mais de sa divinité Cf. Trochon, Fdlion, Knabcnbauer, op. cil., t. n, p. 372-375. Cependant, sans insister sur la violence dc l’expression : tuer Jahvé sans qu’aucune mention ait été faite d’ir.camation préalable, ne faudrait-il pas, avec Lagrange, Proue biblique, 1906, p. 75, après Van lloonackcr, ibid., 1902, p. 348, suppléer la conjonction et, μ devant rx : ils regarderont vers moi « ct » celui qu’ils auront transpercé · ils pleureront sur lui » Ί cc dernier mot '*'“7 semble l'exiger; le texte affirmerait donc le supplice du Messie, non sa divinité, au moins distinctement, car « moi » ct « lui » pourraient désigner le même sujet. Enfin Malachic clôt le prophétisme ancien par une nouvelle assurance de la venue du Messie qui semblait larder, ιπ·ιν. · Voici que j’envoie mon messager et il préparera le chemin devant moi ct soudain il viendra dans son temple le Seigneur que vous cherchez ct l’ange dc l’alliance que vous désirez. Voici il vient... > 11 faut d’abord bien distinguer le messager, angelum meum, qui est précurseur, cf. Matth., xi, 10; Marc., i, 2; Luc., vn, 27, de l’ange dc l’alliance. Celui-ci ne semble pas être autre que • le Seigneur », comme l’exigent le parallélisme ct le singulier qui est employé dans la suite. Cc Seigneur (luï Adôn avec l’article) qui vient dans son temple est certainement Jahvé lui-même qui emploie la troisième personne après la première, cc qui n’est pas rare chez les prophètes, pour mettre cn relief sa réponse aux Juifs incrédules qui demandaient: « Oà est le Dieu de justice? » lî, 17. Comment comprendre alors celte expression « l’ange de l’alliance ·? Ce n’est pas un pur synonyme dc Jahvé, bien qu'il soit identifié avec lui; serait-ce le male'dk Jahvé entendu comme simple distinction d’attributs divins ayant un rôle spécial? voir Lagrange, Revue biblique, 1906, p. 82; cl dans un sens acconunodatice seulement ou approprié, le Messie, ministre du jugement divin? 11 nous semble dillicilc d’identifier ainsi ange dc l’alliance ct ange dc Jahvé; le mieux est donc de voir dans cc texte une précision plus décisive des anciennes atlirmations sur la nature transcendante du Messie : l’anuc de l’alliance que désirent les Juifs, cf. Is., χι.ιι, G; Jer., xxxi, 31, c’est Jahvc lui-invme lorsqu’il viendra dans son temple. Cf. Heb., ix. 15. Voir Corluy, op. cit., I. i, p. 524-529. Notre conclusion répétera ce que nous avons dit au début : ce n’est pas directement par le messianisme que le peuple juif a été préparé à la révélation de la trinité, du Fils éternel dc Dieu. Cependant fréquent ment, peut-être même dans deux ou trois textes avec une lumière frappante, on trouve, dans les textes mes­ sianiques, des expressions mystérieuses, ayant une va­ leur surhumaine, transcendante, attendant leur expli­ cation: celle-ci sc trouvera dans l’Évangile < dans la lumière du Christ; cn lui tous ccs traits s’accusent et s'unissent : il est l'ils dc Dieu, Dieu for', né de toute éternité,assis à la droite du Père... Ainsi, comme les Pères aiment à le constater, il interprète, par sa 2367 FILS DE DIEU seule manifestation, les prophéties jusquc-ΐά mécon­ nues «el obscures. J. Lebrcton. op cit., p. 124.Cf. S. Jus­ tin, Apol., I, 32» 2, P. G’., L. vx, col. 377. Outre les commentaires dits textes, cn particulier. J. Corlny. Spicilegium dogmatico-biblicum, l i, p 384-393. sur H Sam ., vu Il; t. u p. 152-191. sur les psaumes; S. ML nocelil / salmi mesiiantcL dans la Revue biblique, 1003, p. 190-211; les travaux généraux de J. Lcbreton, op. cit.t p 120-125; J lui grange, Notes sur le messianisme dans les Psaumes, dans la Revue biblique, 1905. p. 43-50; La pater­ nité dc Dieu dans Γ Ancien Testament Ibid, 1908. p 181-199; H Ixsétrr, Fils de Dieu, dans le Dictionnaire de la Riblet t n. col 2253; Dalman, Die Worie Jcsu, t. i, p. 150-159, 219-221; Ch. A. Briggs. A critical and exegetical commen­ tary on the book o/ Psalms, 2 vol., New York, 1906-1907; K Zenner ct II Wiesmann, Die Psalmen nach dem Urtext Munster. 1906; Van lloonackrr. Les douze petits prophètes t Paris, 1908, et parmi les apologistes, Otliger. Theologia fun­ damentalis. l’ribourg-cti-Brisgnu, 1897, th. xxxn. p. 035-618. 236S dc 1a sagesse divine, dc sa nature, dc scs origines ct de scs relations avec le monde. a) Lc discours des Proverbes est le plus ancien des trois, bien qu’il appartienne peut-être Λ fa partie post-exilicnnc du recueil composite qu’est le livre des Proverbes. La sagesse est personnifiée au c. vin, ct fait elle-même son éloge. Elle décrit premièrement la richesse des dons qu’elle ofïre libéralement à tous les hommes, 1-21 ; cf. i, 20-33; puis son origine divine, 22-31 ; enfin les bénédictions attachées à sa possession, 32-36. Elle parle dc son origine divine cn ccs ic«mcs : Jnhvé m’a donné l’être (m’a formée) au commence* Avant scs œuvres d'an tan; (ment dc scs voies, J’ai été fondée dès l’éternité Avant l'origine, avant les débuts de la terre, Quand il n’y avait pas d’abîme, je fus enfantée; Quand il n’y avait pas dc sources... Avant les collines je fus enfantée... Lorsqu’il disposa les deux, j’étais 15, Lorsqu’il fixait... Alors j’étais auprès de lui, nourrisson, Et j’étais chaque jour scs délices, Me jouant sans cesse devant lui. Me jouant pendant qu’il achevait la terre, Et mes délices sont avec les enfants îles hommes. 4’ La sagesse cl la parole divines. — Si les pro­ phètes n’ont entrevu que très vaguement — au moins à cn juger par leurs écrits et abstraction faite d’illumi nations personnelles — la nature transcendante du Messie, Ills tout spécial dc Dieu, apparition toute spéciale du Dieu Sauveur, les · sages » inspirés d’Israël sont entrés plus avant dans la contemplation Nous n’entrerons pas dans l’explication critique dc l’être divin ct dc sa vie intime. Comme tous les de ccttc traduction, empruntée au P. Lagrange, loc. peuples sans doute, assez élevés pour se livrer à la cit., p. 493-191, auquel nous renvoyons. Elle accentue, réflexion ct pas assez avancés pour organiser le travail on l’avoue, la filiation de la sagesse plus que fa scientifique, Israël eut scs < sages », c'est-à-dire — Vulgate ou les Septante, ct supprime son rôle cosmo­ cn laissant dc côté les autres sens secondaires du gonique; mais ù bon droit, comme le reconnaissent nom dc sagesse — ses hommes capables de disserter les critiques rationalistes eux-mêmes (Delitzsch. sur la nature des choses, en particulier sur la vie Gunkcl, Toy, Gcsenius-Kaulzsch). Au v. 22 .il faut humaine, cn essayant dc les expliquer par leurs donc rendre »:zp par former, engendrer (Vulgate, causes cachées el cn premier lieu la cause divine. possedit, Septante, εκτισε, dont abusèrent tant les Peuple profondément religieux ct très peu spéculatif, ariens), cf. Petau, De Deo trino, 1. II, c. i; Tunnel, les Juifs réfléchirent surtout sur les réalités pratiques, Histoire de la théologie positive, t. i, p. 27, 32-33, morales ct rcligcuscs; cl comme Dieu est à la fois 40-12; au t. 30 il faut lire non ct non foR, enfant, la souveraine réalité pratique pour nous cl notre T T nourrisson, au lieu dc ouvrière, opi/cx; au meme suprême contemplation, les Juifs montèrent peu à verset : · j’étais scs délices » (objet des délices dc peu de la sagesse humaine plus ou moins élevée — Dieu), au lieu dc < je me réjouissais » (sujet dc science dc la vie matérielle» civile, morale, religieuse — délices, delectabar). à la sagesse divine, exemplaire ct principe de toute La signification substantielle est d’ailleurs toujours sagesse créée, attribut ineffable dc la viç infinie. identique, plus cohérente seulement ct plus lumineuse C’cst la théologie dc celte sagesse divine, telle avec ces quelques corrections. Cc sens substantiel, qu’elle sc trouve surtout dans les livres sapientiaux d’après l’exégèse traditionnelle ct l’examen objectif de l'Ancien Testament, que nous devons maintenant du texte, pénètre jusqu’à une certaine fécondité résumer. intellectuelle dc Dieu, jusqu'à ccttc sagesse qui 1. La sagesse. — Nous ne nous arrêterons pas aux n’est plus uniquement une personnification poétique, textes qui ne parlent que dc la sagesse, attribut mais une réalité divine née, engendrée, • } T dc essentiel dc Dieu, créateur, ordonnateur, providence du monde matériel cl du m mdc humain surtout Dieu, comme une enfant chérie, cl c’est toujours dc moral. On cn trouvera de merveilleuses descriptions la sagesse même dc Dieu, celle avec laquelle il fait poétiques avec parfois des allures de personnification, tout, qu’il s’agit; ccttc sagesse · est comme le fruit mais purement métaphorique, dans Job, xv, 7-8; dc sa pensée, » distincte à la fois el identique. Sans xxvm, 12-28, et dans Baruch, m, 9-iv, 4. · La t doute, il faut dans ce texte faire encore la part dc sagesse» où la trouver? où est le lieu dc l’intelligence? la personnification poétique, Touzard, loc. cit.; l’homme n’en connaît pas le prix, on ne la rencontre 1 C. Gutbcrlct, Dos Duch der Wetsheit, Munster. 1871, pas sur la terre des vivants... C’cst Dieu qui cn con­ p. 9 sq , comme nous y invite le contexte personnifiant naît le chemin. C’cst lui qui sait où elle réside..., parallèlement < Dame folie », ix, 13-18; mais lorsque quand il réglait la force des vents... alors il l'a vue la sagesse narre scs origines divines clans l’éternité, el l’a décrite... Puis d a dit à l’homme : la crainte du I elle semble bien, sous le vêtement littéraire, sc con­ Seigneur, voilà la sagesse.» Job, xxv n, 12-28 .Mêmes crétiser tout à coup cn réelle hypostase. développements dans Baruch, avec cn plus celte I b) Lc c. xxiv, 1-27, dc ΓEcclésiastique, moins expressif que les Proverbes sur l’origine divine de la idée que Dieu « a donné la sagesse à Israël » cn lui sagesse» développe le rôle dc celle-ci dans le monde donnant la loi ct ainsi · la sagesse a été vue sur la terre conversant panni les hommes. » Voir plus I physique ct surtout dans le monde religieux (juif), haut. Des considérations semblables, avec des ana­ i Cependant il faut supposer acquise la doctrine des Proverbes que le fils dc Sirach connaissait certaine­ lyses plus parfaites, se trouvent dans Prov., m, 13-22; ment ct son texte alors prend un relief plus saisissant. Ecdi.» î, 1-27; xv, 1-10; xui, 21 sq.; Sap., vï, 12 Pour une étude de détail, voir Zenner, Zeitschrift /ür vu, 21; vm i\ Mais an m-ur dc ccs trois derniers livres, Prov., I katholische Théologie^ Inspruck, 1897, p. 551 Sq.; vm; Ecrit , xxiv; Sap., vu, nous avons trois discours , Knabenbauer, In Ecclesiasticum, Paris, 1902, p 262^ 273. Nous supprimerons ici les additions nombreuses qui s’élèvent bien plus haut dans la contemplation FILS DE DIEU 2369 de la Vulgate, trahissant certainement, çà et là, une main chrétienne (Crampon). La sagesse va sc glorifier elle-même « dans rassemblée du Très-1faut..., cn présence de sa Majesté. » Dans une première strophe, 3-8 (5-13), elle rappelle son origine, puis décrit scs œuvres : Je suis sortie dc lu bouche du Très-Haut El comme une nuée je couvris In terre; J'habitai sur les hauteurs les plus élevées Et mon trône fut sur une colonne dc nuée. Seule j'ai parcouru le cercle du ciel El je me suis promenée dans les profondeurs dc l'ablme. Panni tous les peuples j'ai cherché un lieu dc repos. Alors le créateur de toutes choses me donna scs ordres Et il m’a dit : Habite cn Jacob, Aie ton héritage cn Israël. 11 s’agit là évidemment dc la sagesse avec laquelle Dieu a formé le monde, puis dirigé spécialement le peuple hébreu; le ego ex ore Altissimi prodivi fait allusion à Gcn., i, 3 sq. : Dixit Deus...; c'est par sa parole sage (ct puissante) que Dieu a tout fait; il y a là une première identification précieuse à noter entre la sagesse ct la parole créatrice dc Jahvé. Les deux strophes suivantes, 9-11 (14-19) et 15-21 (20-31), après une nouvelle affirmation dc l'être éternel dc la sagesse, poursuivent la description poétique de son rôle religieux en Sion : Dès le commencement et avant tous les siècles, j'ai été créée El je ne cesserai pas d'être jusqu'à l’éternité. J’ai exercé le ministère en sa présence dans le tabernacle. Et ainsi j’ai eu une demeure fixe cn Sion... Lc mot « créer ·, répété, xxiv, 8, 9 (12, 14); i, 4, (7?), traduit le grec κτίζω qui peut correspondre à l’hébreu, æp, comme Prov., vin, 22, ct signifie alors simplement « former ». Voir dans Schccbcn, op, cit., p. 547, les analogies qui peuvent faire appeler la géné­ ration du Verbe une création au sens large. Une quatrième strophe indique où sc trouve pra­ tiquement ccttc sagesse qui habite cn Sion, 22-27 (32-39) : Tout cela, c'est le livre de l'alliance du Dieu Trè -Haut. C’est la loi que Moïse adonnée pour l'héritage de l’assemblée Cette loi fait déborder la sagesse... [de Jacob. Enfin la cinquième strophe 28-32 (40-47) concerne personnellement le fils dc Sirach. c) C'est encore un poème que le c. vu de la Sagesse dc Salomon, œuvre alexandrine peut-être contem­ poraine de ΓEcclésiastique (œuvre palestinienne), mais ayant une théologie bien plus développée, grâce à l'influence, du moins partielle, dc la philosophie grecque. C'est un poème, ou plutôt une partie du grand poème. Sap , i, 1-ix, 17. Cf. L. Mariés, Re marques sur la tonne poétique du livre de la Sagesse, dans la Revue biblique. 1908, p. 251-257. Après les chants do l’immortalité cl du jugement, vient le chant dc la sagesse, vi, 12-ix, 17. De celle-ci, la strophe, vu, 17-vm, 1, décrit la splendeur cn ccs termes : En elle, ily n un esprit (ou elle est un esprit) intelligent, saint, Unique, multiple, immatériel. Actif, pénétrant, sans souillure. Infaillible. Impassible, aimant le bien, sagace, Ne connaissant pas d'obstacle, bienfaisant. Bon pour les hommes. Immuable, assuré, Tout-puissant. surveillant tout. Pénétrant tous les esprits. Les intelligents, les purs et les plus subtils. Car la sagesse est plus agile que tout mouvement. Elle pénétre toutes les parties do l’univers & cause de sa Elle est le souffle de la puissance de Dieu, [pureté, PICT. DE TIIÉOL. CATHOU 2370 Une pure émanation (4«*^s<«) de la gloire du Dieu tout-puissant. Aussi rien de souillé ne peut tomber sur elle Elle esl le resplendissement(ir.,·.»«>«) de la lumière éternelle Iæ miroir miu tache de Γactivité de Dieu Et Γ image (>«m) de sa bonté. Étant unique, elle peut tout; Restant la même, elle renouvelle toutes choses (salntesl El à travers les âges, elle se répand dans toutes les âmes Puis, après une description der ^cherches faites par le sage pour obtenir ccttc épouse au-dessus dc tout, la sagesse, vin, 2-21, vient cette prière admirable demandant à Dieu d’envoyer ia sagesse assise près de son trône, ut mecum sit el mecum laboret; scil enim illa omnia et intelligit, ix, 1-12. « 11 est difficile dc pousser plus loin, sans parler comme saint Jean, le caractère personnel de la sagesse incrééc. · Touzard, loc. cit., p. 152. On lira dans Schccbcn, op. cit., p. 551, un très bel exposé dc cette admirable gradation d’images qu’emploie le sage aux versets 25 et 26, cherchant toujours quelque chose dc moins matériel à la fois et de plus consistant dans les émanations créées. Voir aussi Origène, De principiis, 1. I, c. n, n. 8 sq., P. G., t. xi, col. 136 sq. On sait que l’Épitre aux Hébreux, x, 3, pour décrire l'origine éternelle du Fils dc Dieu, ne trouva rien de mieux que dc citer Sap., vu, 26, cum sit splendor gloria et figura substantia ejus, CA. Col., x, 15. Dans le meme livre, il faut noter encore quelques textes. En elle-même, la sagesse est un · esprit », i, 6; ix, 17, el tout le c. Ier, où sagesse. Esprit dc sagesse, Esprit du Seigneur, Esprit-Saint semblent identifiés; elle est assise près du trône de Dieu, ix, 4. Dans le monde elle est le principe d’œuvres multiples à allure personnelle; elle est l'ouvrière dc tout cc qui existe, vu, 21 ; vm, 6; comme elle peut tout, vu, 27, elle dispose tout avec douceur atteignant avec force d’une extrémité du monde à l’autre, vm, 1; elle choisit parmi les œuvres dc Dieu, vm, 4; enfin elle sanctifie, guide dès les temps anciens le peuple saint d’Israël, c. x. Conclusion. — Il ne peut y avoir de génération cn Dieu que dans l’ordre intellectuel; la fécondité divine qui fait un Fils dc Dieu doit donc être cherchée dans cet ordre où l’intelligence conçoit, enfante la science ct la sagesse. El c’est pourquoi, sans révéler clairement aux Juifs le mystère dc son Fils, Dieu dirige leur contemplation vers les origines dc sa sagesse. Même dans les derniers livres sapientiaux pris cn eux-mêmes, il faut reconnaître, en effet, que le relief d’une double personne vivante en Dieu n’est pas complètement net el clair. Cf. Lebrcton, op. cit., p. 118; J.-B. Pelt, Histoire de Γ Ancien Testament, 5· édit., Paris, 1908, t. n, p. 410; Franzelin, De Deo trino, 3· édit., p. 112, Ad. Tanquercy, Synopsis thcol. dogtn. spec., 12· édit. Paris, 1909, t. i, p. 418; F. Prat, art. Logos, dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 325. Cependant il y a cn eux plus que de la poésie humaine, nous l’avons remarqué; plus que du raisonnement humain. En effet, la conception de la sagesse, que nous venons d'étudier, n’est pas née du besoin d’intermédiaires que les Juifs éprouvèrent alors en face de leur Dieu de plus en plus transcendant (explication couroifte ct certaine d'après Schurer, Geschichte des jüdischen Volkes im Ze italler Jesu Christi, 3· édit., t. m, p. 380), car ce besoin sc fit sentir dans la spéculation juive extracanonique, mais non dans nos livres canoniques. Cf. Lagrangc.dnns la Revue biblique, 1908,p. 195-196; J. Felten, loc. cit. En particulier les développements du livre de la Sagesse ont dû être influencés, mais non causés par la philosophie platonicienne ou stoïcienne. Revue biblique, 1907, p. 87-93. C’est donc Dieu qui peu à peu éleva la pensée religieuse dc son peuple de la sagesse humaine soit spéculative (connaissance V. - 75 2371 FILS DE DIEU certaine par les causes les plus profondes), soit morale (ct alors concrétisée dans la loi mosaïque qui enseignait l’ordre de la fin dernière éternelle), à la sagesse divine. Celle-ci est h sagesse suprême spéculative ct pratique, connaissance parfaite de tout, puisque idéal ct arché­ type éternel de tout, ct en meme temps science ct providence parfaite dirigeant tout, peuples ct Indi­ vidus, vers la fin dernière de l’ordre divin. Cette sagesse divine est un attribut essentiel de Dieu; mais, en outre, par une raison qui nous est absolument incompréhensible, il y a une émanation consubstan­ tielle, engendrée en Dieu parallèlement pour ainsi dire â la sagesse absolue, qui constitue la sagesse hypostase. Le Nouveau Testament ct la théologie nous en expliqueront quelque peu la nature; les derniers sages inspirés de ΓAncien Testament en ont entrevu la mystérieuse génération. Cf. J.-B. Pelt, op. cil., p. 408-410. 2. La parole divine et les relations entre la sagesse, la parole, le Fils de Dieu, le Messie et l'ange de Jahvê. — a) En Dieu, il n’y a pas de distinction entre la volonté ct la puissance exécutive. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xxv, a. 1. Dieu veut ct ce qu’il veut est fait. Un ordre, imperium, s'exprime parmi nous par la parole; c’est donc une métaphore courante pour exprimer l'efficacité immédiate d’une volonté de dire : Il dit ct cc fut fait. Cette métaphore, qui n’est plus vraie de nul autre que de Dieu, lui est appliquée fréquemment par les livres inspirés : Gen., i, 3 sq.; Ps. xxxii, 6-9 : Verbo Domini cæli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis uirlus eorum..., ipse dixit et jacta sunt... cxi.vm, 8; Ose., vi, 5; Ezcch., xxxvn, 4; Eccli., xm, 15; xliii, 26; cf. xlvhi, 3; Sap., ix, 1. Celte métaphore devient plus hardie, lorsque la parole efficace de Dieu est représentée comme un mes­ sager de ses ordres, Is., ix, 7; Ps. cvi,20; cxlvii, 15 18;Zach., v, 1-4, ct surtout Is., LV, 11; Sap., xvm, 1516, où la métaphore plus soutenue devient prosopopée: Cum nox in suo cursu medium iter ageret, omnipotens sermo tuus, de calo a regalibus sedibus, durus debellator, tn mediam exterminii terram prosilivit (il s’agit de la ’ dixième plaie d’Égypte) ct celte parole d’extermi­ nation est représentée < remplissant tout de mort, atteignant le ciel cl sc tenant sur la terre. » 11 n’y a sans doute en tout cela que des figures de langage, tout au plus des personnifications, non des hypo es. Cependant la parole de Dieu semble quelquefois très intimement rattachée â la sagesse, décrite plus ! haut, comme dans EcclL, i, 5 (s’il est authentique) : • la source de la sagesse, c’est la parole de Dieu au i plus haut des cieux; » xxiv, 3 : « Je suis sortie de la bouche du Très-Haut; ■ surtout dans Sap., xx, 1-4, I 10; xvm, 14-15. Le premier texte dil : Dieu des Pères.··, Seigneur de miséricorde, Qui avez fail l’univers par votre parole Et qui par votre sagesse avez établi l’homme, Donnez-moi la Sagesse, assise prés de votre trône. et le second texte, déjà donné plus haut, représente la parole venant elle aussi des trônes royaux du ciel, άζ* ούρχνών ex θρόνων fixai)(ιών. On ne peut mer ici un enchaînement remarquable de textes : Prov , vm, en parlant des origines de la sagesse, sc référait à la parole créatrice de la Genèse; à sa suite, de plus en plus clairement, Γ Ecclésiastique ct la Sagesse développent cette orientation que reprendra saint Jean exposant sa théologie du Logos, les yeux fixés, lui aussi, sur la première page de la Genèse. Cf. Th. Calmes, Élude sur le prologue du quatrième Évangile, dans la Revue biblique, 1900, p. 18-19. b) Sagesse et filiation divine sont à leur tour, bien que plus obscurément, mises en regard dans quelques 2372 textes : Prov., vm, 22-31, voir plus haut; cl plus explicitement dans cc chapitre récent, xxx, 2-4, constitué par les paroles d’Agur: · Je n’ai pas appris la sagesse, et je ne connais pas la science du suint; qui monte au ciel ct qui en descend? qui a recueilli le vent dans scs mains?... qui a affermi toutes les extrémités de la terre? quel est son nom ct quel est le nom de son fils? · Les Septante ont mis Ici · le nom de scs fils », mais sans doute par crainte des païens. Cf. Lagrange, dans la Revue biblique, 1908, p. 496. Le judaïsme inspiré semble donc avoir conduit jusqu’à la doctrine de la filiation intellectuelle scs élévations sur la sagesse divine; peut-être seulement après que le terme de Logos, masculin en hébreu, dâbâr, fût devenu plus en vue que celui de sagesse, hokmâh, qui est du féminin ct s’identifie plus diffi­ cilement avec « fils ». c) Cc fils de Dieu, parole, sagesse, a-t-il été rap­ proché du Messie, fils lui aussi tout spécial de Dieu? Les textes n’en gardent pas la trace; il nc semble donc pas qu’alors « la théologie de la sagesse ail enrichi le messianisme et se soit combinée avec lui. » J. Lebreton, op. cit., p. 125. Cependant on peut noter avec Schecbcn, op. cit., p. 540, (pie la sagesse apparaît dans les Proverbes en reine à côlé du Dieu créateur, ct reine parce qu’elle est engendrée de Dieu, comme le Messie au ps. il ; dans l’Ecclésiastiquc, en prêtresse, comme le Messie au ps. cix; enfin dans la Sagesse, en épouse intime des âmes, comme le Messie au PS. XLIV. d) Pour revenir brièvement sur l’ange de Jahvê, les diverses notions précédentes sc sont-elles syn­ thétisées au moins indirectement par une fusion mutuelle avec celle du male'âk Jahve! M. Lopin le soutient, Jésus, Messie ct Fils de Dieu d'après les Évangiles synoptiques, 3® édit., Paris, 1906, p. 49-50; il est combattu par le P. Lagrange, Revue biblique, 1908, p. 497-499, ct ù la vérité les deux rapproche­ ments de textes invoqués sont trop insignifiants : Sap., x, 17, ct Exod., xiv, 19 (cf. plutôt Exod., xm, 21; Num., x, 34; xiv, 14); Sap., xvm, 15, et Ps. xxxm, 8; xxxiv, 5, 6; II Reg., xix, 35 (cf. plutôt Exod., xn, 29). Comme conclusion générale, nous concéderons à M. Lepin, op. cit., p. 54, qu’avec des lumières spéciales ces âmes d’élite qui n’ont pas d’histoire parce qu elles n’appartinrent à aucune école ou secte bruyante, mais qui durent cependant exister en Israel, sans parler des auteurs inspirés eux-mêmes, purent soup­ çonner le sens profond des textes, le sens réel de 1’Esprit-Saint, soupçonner donc dans le Messie attendu une nature transcendante divine avec la seule filiation proprement dite qu’on puisse concevoir en Dieu : celle de l’intelligence, de la parole-sagesse, ct ainsi entrevoir, « dans un demi-jour mystérieux, le Verbe de Dieu fait homme et devenu le Messie. » Mais en dehors de ces lumières extraordinaires ct d’après les textes pris dans leur sens formel, il faut dire avec le P. Lagrange, loc. cit, p. 497 : · Nous avons suivi deux voles et au terme de chacune d’elles sc trouve un I ds de Dieu unique par le rang, le Messie ct le Logos; mais ΓAncien Testament nc nous a pas found le point de jonction · de ces voies. i L’apparition de Jésus-Christ fera la lumière ct nous conduira à ccl aboutissant où courent toutes les voies I de l’alliance préparatoire. Avec les commentaires ct articles encyclopédiques J.-M luigrangr, l>i paternité de Dieu, dam In Brrnir bibli­ que, 1908, p 193-499; .1 Lebreton. op. m p 110-120· J. Touzard. la religion d'Israël, dam Où en riiistolrc des religioni? Paris, 1911, t n, p 136-139. 151; ilncksnlll Etudo «tir le milieu religieux et intellectuel. dam In bibline. 1901. p, 200-251; J. l’cllcu. NeUIr3(.„nrnmX 2373 FILS DE DIEU /.eilgeschichte odcr J udent um und Ilridentum sur Ze.lt Curtail und dtr A postel, 2 ln-8·, Ratisbonne, 1910, t. il, p. 28*70; Cnrluy, Im Sagesse dans ΓAncien Testament, dan» Compte rendu du Congrès ^cirntlf. internal dec catholique*, 1889, p 01*91; M. J. Scheebcn, Im dogmatique, tnid Briet, Paris, 1880, t. n. p. 539-551; P. Gantier, lx dogme de la sainte Trinité, in-12. Paris, 1909, p. 17-53; S Weber, Die Gotthrlt Jtsu in den alitestamentlichen Oflenbarungsgeschlchle, dans Jésus Christus, Fribourg-cn-Brisgau, 190s. p 18-07. 5® Im théologie juive palestinienne. — La pensée religieuse juive, À partir des livres inspirés, s’est déve­ loppée sous des influences purement humaines. Cf. HackspiU, Études sur le milieu religieux ct intellectuel, dans la Revue biblique, 1900, p. 564-578. Il faut étudier celte évolution, parce qu'elle est utile ù connaître comme point de comparaison pour le développement chrétien, ct de plus, parce qu’elle est nécessaire pour l’intelligence de cc développement, qu’on le prenne dans son stade évangélique ou apos­ tolique ou patristique primitif; le milieu de ΓÉvan­ gile, du premier apostolat ct des premiers travaux patristiques, est, en effet, essentiellement juif, pales­ tinien ou helléniste. Et cela est surtout vrai de la théologie trinitairc. Sur le sujet qui nous intéresse, la doctrine judaïque a été très étudiée et sc trouve suffisamment connue; nous allons résumer les résultats acquis. J. Tixcront, Histoire des dogmes, t. i, Im théologie anténicéenne, p. 35-13; J. Lcbreton, op. cit.. p. 13-1-136, 143132, ici encore excellente étude Λ laquelle nous devons beaucoup; J-M Lagrange, lx messianisme chez les Juifs, Paris. 1909; HackspiU, Revue biblique, 1901. p 200-215. 377-384; R. Travers Herford. Christianity tn Talmud and Midrasch, Londres, 1903; V. H Stanton. The Jewish and the Christian Messiah. 1886; J. Drummond, The Jewish Mes­ siah, 1877; P. Volz, Jùdischc Eschatologie von Daniel bis Akiba, Tubhigue. 1903; W Bousset, Die Religion des Judentumsim Neatest, Zettalter, 2· edit., Berlin. 1906; W. Baldensperger, Die messian. apokalgpt. Hoflnungen des Judenturns, 3· édit., Strasbourg. 1903; L. Gry, Ixs Paraboles (THénoch et leur messianisme, Paris, 1911; lx Messie dans le Targuai des prophètes, Lausanne, 1911, etc., sans oublier les histoires générales de Schûrer, t. n, $ 29; J. Felten, loc cil.·, F .Weber, Jùdischc Théologie auf Grund des Talmud und ucrwandter Schrlften, 2· édit , Leipzig, 1897, etc., cl les ar­ ticles encyclopédiques nombreux. On s’accorde à donner comme une des principales caractéristiques de la théologie judaïque, ù partir surtout de la domination grecque, un sentiment plus profond ct de plus en plus accentué de la transcen­ dance de Dieu Par réaction» sans doute, contre le polythéisme trop humain des Hellènes, les Juifs affirment ardemment le monothéisme et la sublimité de la divinité infiniment séparée de la créature. Bien que Dieu soit plutôt conçu plus éloigné de l’homme que plus divin, cf. Lagrange, op. cit., p. 52-53, ccttc tendance, en soi, était excellente. Sous diverses in­ fluences qu’on ne peut analyser ici, la pensée-juive en tira malheureusement sa théorie d’intermédiaires divers destinés Λ relier la créature cl le créateur, ou au moins celle de divers substituts du Nom devenu ineffable Par contre, le relief de l’hyposlnsc distincte, sagesse divine engendrée, diminuait ct s'effaçait. D’une façon générale, la théorie des puissances intermédiaires sc développa surtout à Alexandrie, celle des substituts dans le judaïsme palestinien; nous nc parlons maintenant que de celui-ci. On a souvent exacéré la portée de ccs diverses conceptions au point de vue trinitairc. spécialement en ce qui concerne le Fils de Dieu; essayons de mettre les choses au point. 1. Puissances intermédiaires. — On trouve déjà des traces de celle conception dans le livre des Testaments, Testament de Juda, xxv, 1, 2 (n· siècle 2374 avant Jésus-Christ), de même dans MekillasurExod., xx, 23; Khagiga, 12 a, du Talmud de Babylone (textes dans J. Lcbreton, p. 134, 135) Mais au fond en Palestine on ne perdit pas le dogme de l'influence immédiate de Dieu sur le monde et les intern, élitaires rarement nommés furent plus nominaux que reels. Cependant, d’une manière semblable, on distingua comme le côté extérieur de l'influence divine, sa parole, sa présence glorieuse (Chekina), son nom, ct le côté intérieur immanent de la divinité laissé dans le mystère. Ce point de sue, notons-le, éloignait les Juifs de la théologie trinitairc; mais il les tenait plus dans la vraie théodicée que les plus ou moins réels intermédiaires de la spéculation alexandrine. Ce ne fut que très tard que les rabbins du Talmud, par opposition précisément a l’alexandrinisme ct au gnosticisme aux nombreux éons, inventèrent le Métatrôn; celui-ci n’a d ailleurs rien de divin; c’est tout simplement le premier ange, la première créature assise sur le premier trône inférieur à celui de Dieu. Voir Talmud de Babylone, Sanhedrin, 38 b, Talmud de Jérusalem, Ta anilh, 65 b; Mekilla, 45 b, etc; cf. Lagrange, op. cit., p.224-228, 296-300; J. Lcbreton, p. 151; Herford, op. cil., p. 287; F. Weber, op. cit., p. 178-180. 2. Substituts du nom divin. — On a parfois considéré la Mcmra ou la Chckina judaïques comme des inter­ médiaires divins dans le genre de h Sagesse des livres canoniques, voir Tixeront, op.cit., p.36, 37 ; M. Lcpin, op. cit., p. 49; HackspiU, Revue biblique, loc. cit. on s’accorde maintenant à n’y voir plutôt que de simples substituts du nom divin. a) La Mcmra forme emphatique de « parole). Voir spécialement Lcbrcton, op. df.» p. 145-148; HackspiU, Revue biblique, 1902, p. 59 sq.; Weber, op. ci/., p. 180-184; M Ginsburger, DicAnthropomorphismen in den Targumim, Brunswick. 1891, p. 7-20; Kohler, art. Mcmra, dans The Jewish ency­ clopedia. Les targums, dont la rédaction définitive est tardive (ηι«-ν· siècle après Jésus-Christ), nous renseignent cependant sur la pensée judaïque plus ancienne (Ier siècle après ct même asant Jcsus-Christ). Cf. E. Mangenot, Dictionnaire de la bible, t. v, col 19962008 Or ils nous parlent sans cesse de la Memra Jahvê, parole de Jahvê. 11 semble qu'eUe intervient chaque fois que Jahvê exerce un acte qui n’est pas juge assez divin Dans les métaphores corporeUes, au heu de la bouche de la voix, de la main... de Dieu, on ht : la bouche, la voix, la main... de la Mcmra Jahvê, par exemple, Onkelos, Deut., iv, 33; v, 21; Exod., xxxiti, 22; Jonathan. Is., i, 16; xxx. 27,33; 1 Reg., vm, 15; xx, 36 De même, dans les métaphores dési­ gnant «les passions humaines; par exemple, Onkelos. Lev., xxvi. 30. Gen.» vî,6; Jonathan, 11 Sam., xxn, 16; I Sain., xv, 10-35, au heu de · Je me repens. » « ma Memra se repent. » La Memra est encore comme une médiatrice; on jure par elle (Onkelos, Geo , xxi, 23 xxn, 16; xxiv, 3); on sc convertit à elle (Jonathan Is., xlv, 22); Abraham crut en elle (Onkelos, Gen., xv, 6); c’est clic qui secourt (Onkelos, Gen.. xxi. 20; xxvi, 24, 28; xxvm, 20, etc.); le pacte de l’alliance se fait avec clic (Onkelos. Gen., xvn, 10); elle remplit le rôle de créateur, de souverain juge (Jonathan, ls.. xlv, 12); évidemment c’est la Memra Jahvê qui a protégé, guidé, etc., les patriarches, le peuple. les prophètes (Onkelos, Gen . vi, 6-7; vu, 16; xv, 1-6, etc.). On trouvera, dans les références indiquées, ces textes cl d’autres encore; voir un résumé systématique dans L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, Paris, 1911. p. 26-28. Les targums de Jonathan et de Jérusalem mettent parfois, Λ la place de Mcmra, Dibbura, qui a le mémo sens. 2375 FILS DE DIEU b) La Chekina (n:»:r = demeure). Voir spécialet · : ment Lcbreton, op. cil, p. 118-151; L. Blau art. Shekinah, dans The Jewish encyclopedia; Weber, op. cil., p. 185 190; E. Landau, Die dem Raume entnommenen Synonyma /ur Goll in der neu-hebraischen Litlcratur, Zurich, 1888, p. 47·56; II. Hulsius, Disser­ tatio de Schechinah, dans B. Ugolino, Thesaurus antiquitatum, t. xxiv, p. clxxi-ccvi. Weber, loc cil., et à sa suite Holtzmann, Lehrbueh der neulestamentliche Théologie, t. i, p. 57, avaient voulu voir une différence entre la Mcmra ct la Chekina. La vérité, communément reconnue, est que la Chekina remplit dans le Talmud ct le Midrasch absolument le même rôle que la Mcmra dans les targums; on peut s’en convaincre par les textes suivants : Mckilta, sur Exod , xn, 41; xv, 2 : la Chekina accompagna les Israélites dans leurs diverses pérégrinations; Exod., xm, 19 : la Chekina ensevelit Moïse, xx. 24, etc. Les targums connaissaient déjà la Chekina, Onkclos, Exod., xxxui, 14, 15, 20 : « Ma Chekina ira; » < tu ne peux voir la face de ma Chekina... ■; bien plus, dans des phrases parallèles, le targum de Jérusalem, Lev., xxvi, 12, identifie les deux termes; de même, Num., x, 36 : « Reviens vers nous Mcmra de Jahvé ct fais habiter parmi le peuple la splendeur de la Chekina. · Cf. A. Fr. Gfrôrer, Dos Jahrhunderl des lieiles, Stuttgart, 1838, t. i.p. 301-320. On pourrait en conséquence admettre la remarque de Kohler, loc cil., qui attribue chez les talmudistes l’abandon de la Mcmra, remplacée par la Chekina, à la controverse chrétienne : la Mcmra, au moins verbalement, était trop semblable au I-ogos divin. c) Autres expressions, — Mcmra ct Chekina ne sont d’ailleurs pas les seuls substituts divins trouvés par les rabbins. 11$ disent encore, moins fréquemment, la Gloire, Onkclos, Gcn., xxxv, 13; Exod., xxiv, 16, 17; xxu!, 18-22; Is., xl, 5; Ezcch., m, 23, etc.; ci. Ginsburgcr, op. cil., p. 20; le Lieu, ct. Landau, op. cil., p. 30-45; le Ciel, cf. ibid., p. 14-30, et enfin dans le même auteur, p. 6-10, une liste de 57 expres­ sions qui servirent à désigner Dieu, par exemple, la Voix, le Nom, cf. Is., lix, 19; Ps. ci, 16; Exod., xxu!, 21 ; la Race, cf. Exod., xxxm, 14; Dcut., îv, 37; Lain, iv, 16. En résumé, tous ccs termes ne sont que des cir­ conlocutions pour désigner Dieu. On n’ose plus nommer Jahvé, qui csl incffablcincnt transcendant; on cherche des synonymes laissant dans l’ombre du cas indirect Jahvé lui-même ct son action divine; « on prononce la parole (ou la Chekina, etc.), mais on pense Dieu. » Dahnan, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, t. i, p. 188. 11 n'y a donc pas du tout là d'hypostasc distincte ni divine ni créée (intermédiaire); pas même d’attribut personnifié; par conséquent, on ne peut voir là un pendant, un précédent des théories du Logos alexandrin (intermédiaire philosophique), ou a jorllori du Logos chrétien (hypostase divine distincte Incarnée). Le vocabulaire est semblable, il faut cependant le remarquer, ct il est suggestif à cc point de vue le rapprochement que fait Dalman, op. d/., p. 189, à propos de Joa., i, 14 : Le Logos (— Mcmra) s’est fait chair — ct il a habité (£σζή« chekmeta) parmi nous — ct nous avons vu sa gloire ( =» yeqara) : · les trois principaux substituts divins sont ainsi incarnés en Jésus; d'ailleurs certai­ nement avec une signification qui contredit leur sens original. * 3. Attributs divins personnifiés. — Déjà avant Philon, le judaïsme orthodoxe avait distingué en Dieu la miséricorde ct la Justice, la puissance de bienfaisance et celle de justice, Jahvé et Élohiin. J Lebrelon, op. cit., p. 136, n. 3, cite Si/re, 71 a, sur Dcut . U1, 24 : « quand Dieu est appelé Jahvé, il agit avec miséricorde; quand il est appeléÉlohim, 2376 il agit avec justice. » Pesikta, 149 a, 164 a; Bcrechilh rabba, 12, 15; Mekilla, sur Exod., xiv, 19; xv, 2; targum du ps. lvi, 11. Cf. Dalman, Der Goltesname Adunaj, p. 59; Weber, op. cit., p. 154. La distinction fut même accentuée jusqu'à donner les deux sièges de Dan., vu, 9 sq., aux deux puissances citées, du moins après une fameuse discussion entre rabbi Aqiba ct rabbi José le Galilécn; le premier avait d'abord donné les deux mêmes sièges l’un à Dieu, l’autre à David (au Messie); mais cela était évidemment trop favorable aux Minim (hérétiques), c’est-à-dire aux chrétiens. Le Talmud a gardé encore le souvenir de quelques autres controverses sur celte distinction des deux puissances en Dieu, controverses évidemment influencées par la préoccupation chrétienne cl résolues par des subtilités rabbiniques puériles, par exemple, sur Ps. xxu, 1; Amos, îv, 3; Exod., xxiv, 1, etc.; mais les souvenirs sont brefs; le silence était plus facile. Cf. Lagrange, op. cit., p. 224 228, 296-300; Herford, op. cil., p. 261 sq.; M. Friedlander, Die religiosen Bewegunqcn inncrhalb des Judentums im Zeitalter Jesu, Berlin, 1905, p. 186; G. Ilœnnickc, Der Minâismus, dans Das Jiidenchristentum in i und 11 Jahrhunderten, Berlin, 1908, p. 381-400. II n’est pas étonnant dès lors que la sagesse divine ait perdu de plus en plus cc relief hypostatique que lui avaient donné les livres sapientiaux canoniques. Le judaïsme ne voit bientôt plus que la sagesse participée aux hommes dans la loi. Cf. Eccli., i, 5; Bar., îv, 1; par exemple, Testam. Levi, xm, 2 (cf. J. Lcbreton, op. cit., p 144, n. 3); Rerechith rabba, sur Gcn., i, 1, etc.; autres textes dans F. Weber, op. cit., p. 197, 198. De l’ancienne doctrine de la sagesse divine on trouve pourtant des traces dans Hénoch, xlii : « La sagesse n’a pas trouvé de lieu où elle pût habiter, aussi sa demeure est dans les deux. La sagesse est sortie pour habiter parmi les enfants des hommes, ct elle n’a pas trouvé d'habitation; la sagesse est revenue en son séjour ct s’est fixée au milieu des anges... Et l’injustice alors s’est établie parmi les hommes; » de même Hénoch slave, xxx,8, interprète Gcn., i, 26: · Dieu dit : Faisons l’homme, » comme le feront beaucoup de Pères : < Dieu dit : J’ordonnai à ma sagesse de faire l’homme. » Cf. xxxm, 4. 4. Le Messie. — Soit l’apocalyptique judaïque, soit le phurisaïsme rabbi nique s’occupèrent beaucoup du Messie, mais pour décrire sa venue cl scs fonctions plus que sa nature. Cf. Lcbreton, op. cit., p. 151, 152; Lagrange, op. cit., p. 74-98, 132-135, 213-228, 296-300; Tixcront, op. cit., p. 37-43; Lcpin, op. cit., p. 37-54. a) La nature du Messie, F. Martin, op. cil., p. xl, et que le titre « ills de Dieu » n'était pas une appellation messianique courante au début de l’ére chrétienne, comme on l’a plusieurs fois répété, surtout dans le camp rationaliste, par exemple, Ix>isy, L'Évangile el l'Églisc, p. 42, 56-57; cf. Origène, Contra Celsum, 1. 1, 49, P. G., t. xi, col. 753. Avec l’esprit constaté plus haut, le pharisaïsme rabbinique devait éloigner de plus en plus son Messie de la divinité; il sc consume en recherches fatigantes ct puériles sur tous les noms qu’on peut lui donner d’après la Bible, sauf sur ceux qui ont quelque chose de transcendant. Cf. Lagrange, op. cil., p. 213-218. Le Messie n’est qu'un homme, homme à dignité surnaturelle, mais Λ nature purement humaine : voilà le dernier mot du Judaïsme .sur le Messie; « jamais les Juifs n’ont rêvé <1 un Messie qui fût Dieu, » 'fixeront, op. cit., p. 43, ct Tryphon disait encore : « Nous tous, nous attendons un Christ qui sera un homme d'entre les hommes. » S. Justin, Dial, cum Tryphone, 49, Otto, t. n, 161. Mêmes témoignages dans saint Hippolyte, Philosophoumcna, IX, 30, P. G., t. xvi, col. 3116; Origène, Contra Celsum, I. I, 49; 1. IV, 2, P. G., t. xi. col. 753, 1029, ou Die griechischen christlich. Schriltsteller, t. i, p. 100101, 275. Les Ames d’élite, dont nous avons parlé plus haut, n’ont donc pas été surélevées au-dessus de la mentalité générale par la théologie des savants de leur peuple, mais par la méditation des textes inspirés cl par la grâce. 6° /.a philosophie g ré co-judaïque alexandrine. — Les doctrines des Juifs hellénistes, c'est-à-dire, en i 2378 fait, de l’école d’Alexandrie, la seule qui nous soit bien connue et sans doute la seule historiquement importante, sont encore plus intéressantes à connaître que celles des Juifs de Palestine au point de vue de la théologie trinitairc, smon du messianisme : la première spéculation patristique en subit, en effet, une profonde influence. La pensée du messianisme est très effacée chez | Philon, Lagrange» op. cil., p. 28-36, comme chez Jo*èphc. Ibid., p. 1-28. Un texte du premier, De exsecratione, ix, édit. Cohn, p. 165, parle bien d’une apparition messianique < plus divine qu’il n’est dans la nature humaine; » mais supposé qu’il s’agisse là du Messie personnellement et non d’une colonne de feu ou autre phénomène semblable, Schürer, Ge­ schichte, 4· édit., t. n, p. 602, l’expression n’est pas très significative dans la bouche de Philon. 11 en est autrement des spéculations sur Dieu et ! les puissances intermédiaires, surtout sur le Logos, qui occupèrent le centre de la philosophie grécojudaïque. A l’importance du sujet a répondu l’im­ portance des recherches el des éludes; la bibliographie du sujet est i mincnsc. Après une période d’errements ct d’obscurités, la lumière semble suffisamment faite, du moins sur les grandes lignes de ce mystérieux Logos grec el philonien en lui-même ct dans ses rapports avec la théologie chrétienne; entre autres, on trouvera une excellente mise au point en même temps qu’une étude très documentée et très com­ préhensive dans J. Lcbreton, op. cit., p. 1-73 (le milieu hellénique ct le logos philosophique grec); p. 153-205 (le judaïsme alexandrin. Dieu, les Puis­ sances, le Logos); nous n’aurons guère qu’à résumer ce beau travail qu’on contrôlera d’ailleurs par des bibliographies détaillées sur chaque point important de notre question. 1. L’alexandrinisme juif étant un composé syncrétistc de judaïsme ct d’hellénisme, ct le Judaïsme, soit canonique, soit extra-canonique, nous étant déjà connu, il nous reste à décrire de l’hellénisme les notions qui nous intéressent. n) Nous ne dirons rien de la mythologie païenne avec ses triades si aimées des anciens traditionalistes, voir Migne, Dictionnaire des religions, art. Trinité, t. îv, col. 938-918; rien des mythes particuliers où l’on crut voir des traces du Verbe divin, par exemple, Minerve-Athénée sortant de la tête de Jupiter, Denis, Histoire des théories el des idées morales de Γ antiquité, Pans, 1856, l n, p. 229; rien non plus de l’apothéose des empereurs ou du culte d*Augusto qui, pour quelques modernes rationalistes, seraient la vraie source, plus ou moins totale, de l’idée de la divinité du Christ cl par suite de la Trinité. Harnack, Dogmengeschîchle, 4· édit., t. i, p. 136 sq.; P. Wendland, Σωτηρ, dans Zeilschri/l /tir neutest. Wissenscha/t, t. v (1904), p. 335-353; M. Goguel, L'apôtre Paul et Jésus-Christ, Pans, 1904, p. 246, etc.; cf. Lcbreton, op, cit., p. 9-13. Il faut, spécialement pour faire cc dernier rapprochement, interpréter les faits à contre­ sens, en oubliant totalement ce qu’était la divinité pour un Juif et pour un païen des premiers siècles et en ignorant encore plus l’histoire pour la même époipie el des Juifs et des chrétiens. Cf. E. Clemen, Heligiongcschichthche Erklarung des A’. T., p 265; G. A. Dcismann, Licht twn Osten,p. 275; 11. Lietzmann, Der Wtllhciland, p. 32 sq b) La philosophie grecque du Logos présente plus d’intérêt. Vers le début de l’ère chrétienne, il y avait dans le monde gréco-romain deux courants de phi­ losophie religieuse ; le monisme matérialiste stoïcien ct le dualisme néo-pythagoricien et néo-platoni­ cien; tous deux eurent leur théorie du Logos cl in­ fluencèrent celle du Judaïsme alexandrin. 2379 * w FILS DE DIEU a. Logos d'Bêraclite ct des stoïciens. — Iléniclitc avait déjà parlé du feu vivant, éternel, intelligent, dieu Immanent au monde, logos ou raison qui le guide et loi qui le gouverne, principe donc à la fois matérialiste, panthéiste ct intellectualiste de l’unique cl éternel devenir. Deux siècles après Heraclite, le Portique ressuscita h philosophie du feu divin intelligent et universel artisan, π><ΰμα votpw xxl πυρώδες, πυρ τεχνικόν. Que cc feu créateur soit intelligent : cela est rendu évident par l’ordre du monde cl sa finalité, cf. tout le I. II du Dénatura dcorum dc Cicéron, ct les travaux d’Aristote sur la ;>;ς sont ici largement utilisés : manifestement il y a dc la raison, du λόγος dans le monde. Cc logos, les stoïciens, sans autre preuve, l'affirment panthéiste, immanent au monde, principe cl donc vie, lien, unité, vérité, loi physique ct morale, source, force dc tout; c’est sous cct aspect dc principe d’où tout sort qu’il s’appelle ϊόγος σπερματικός. Comme il évolue fatale­ ment, il se partage en λόγοι partiels qui sont comme les membres du grand organisme cosmique (μίγα ζώον); c’est le même principe vital intelligent, mais ici ct là avec des effets divers : force minérale, ιξις, nature des plantes, φύσις, vie animale, ψύχη, enfin dans l’homme (cl dans les dieux) raison, νους, et vertu, ϊρετή, complet épanouissement du logos. Dans la raison dc l'homme, il faut dc plus distinguer l’excrcice intérieur dc cette raison, λόγος ένδιάΟίτος, ct son expression extérieure, λόγος προφορικός. En résumé, le logos stoïcien, c’est le principe panthéiste (cl dc plus matérialiste) en tant que raison, loi efficiente ct finale, physique ct morale dc tout, fatalement produisant tout en ordre ct en harmonie parfaite, cela d'ailleurs en palingénésies sans fin répétées. Pour s'adapter à l’histoire ct au peuple, le stoïcisme dut s’exprimer en termes mythologiques et c’est ainsi que le logos devint un dieu personnel, Zeus ou Cronos ou Pan ou Héraclès, mais surtout Hermès, un Hennés évidemment bien transforme. Hermès était anciennement le dieu dc la parole el secondaire­ ment de la raison, de la raison humaine, le messager des dieux, donc un dieu inférieur, mais un dieu très populaire Le changer en logos divin, raison univer­ selle panthéiste, c’était un peu violent cl il fallait de la subtilité pour voir, comme Cornutus, Theologia græae compendium, édit. C. Lang, Leipzig, 1881, p. 20-22, dans notre logos-raison un messager des dieux, parce qu’il est une parcelle du Logos-Zcus universel. Il est clair que cela nc dut pas avoir beau­ coup de succès en dehors du clan philosophique stoïcien Pour la foule, Hermès resta le messager, le logos-parole, intermédiaire entre la divinité ct l’homme,cl par là il sc rapproche du logos alexandrin, parole dc Dieu, autant qu’il s'éloigne du logos stoïcien, . raison du monde. | Cependant une fusion sc produisit à la longue; laissant dans l’ombre le panthéisme, on s’attacha à rapprocher cl finalement à réunir dans le personnage d’Hermès les deux aspects dc la parole ct dc la raison; on trouve ce travail ct ccs résultats dans Varron, Cornutus, pseudo-Heraclite, Allegoria homer ica, Plutarque, Sénèque, Plotin, Porphyre, etc. Cf. Lebrcton, op. cil., p. 58-59; S. .Justin, Apol.. î, 21. Hermès finit donc par être le dieu du logos divin, parole et raison,intermédiaire qui gouverne ct révèle, «t sous celte forme encore il dut influencer l’alcxandrinisme Juif. b. Courant platonicien. — Si le stoïcisme imposa â b philosophie grecque un sentiment très vif de ta force intelligente (appelée par lui logos) qui gouverne chaque parcelle du monde, c’est dans le courant piston cien qu’il faut chercher la théologie qui nous intéresse. 2380 Cependant, il faut d'abord dire qu’il n’y a pas dc logos proprement platonicien. Platon n’a Jamais parlé de logos divin, comme on l’a cru et répété si souvent, de Pctau a E. I lavet ou aux manuels de théologie meme récents. Ci. Bergicr, Did. dc théologic, art. Trinité, t. viu, p. 218-22«, pour l'état de la controverse sur le logos platonicien au milieu du XIX1 siècle. C'est un résultat acquis de l'histoire de la philosophie grecque, Ci. Lebrcton, op. cit.. p. 43•14; A. Aal, op. cit., p. 69. La méprise si longtemps répandue lut créée et entretenue par la confusion du platonisme avec le néo-platonisme et celle-ci remonte très haut, aux premiers siècles, lorsque les néo-platoniciens, selon les mœurs du temps, écrivirent une foule de traités apocryphes signés des noms illustres de leurs maîtres, ou, plus simplement, par une exégèse complaisante surent trouver dans les ou­ vrages authentiques dc ces maîtres la formule dc toutes leurs théories. Du vrai Platon la thèse du dualisme : Dieu cl matière; celle du monde des idées exemplaires, κόσμος νοητός, intermédiaire entre Dieu cl la matière; celle encore de l’âme du monde et des puissances, δυνάμει;, ayant un rôle de nouveau intermédiaire, exer­ ceront une influence réelle sur les spéculations du logos. c. Syncrétisme alexandrin. — Aucune thèse plus que celle du logos n’a parlicipéauxétudes syncrétistcs, surtout alexandrines, qui marquèrent le crépuscule de l’èrc ancienne ct l’aurore dc l'èrc chrétienne. On arriva à fusionner en lui, sous forme dualiste platoni­ cienne ou panthéiste stoïcienne, l’exemplaire ou les idées dc Platon mais transportées en Dieu, l’arithmétiquc ou les nombres de Pythagore devenus surtout lois de l'origine des êtres (unité ct dualité), enfin la physique rationalisée des stoïciens avec son logos uni­ versel; puis tout cela subit le contre-coup au point de vue religieux de la piété juive, dc l’ascèse pylhagoriclennc ct des mythes égyptiens (Thôl, Horus, Hermès Trismegiste, Isis et Osiris); de là, ces concep­ tions à allures si diflicilcs à analyser parfois, mais qu’il est inutile d’étudier ici en détail. Cf. Lebrcton, op. cil., p. 60-73; A. Morct, Le Verbe créateur et révélateur en Égypte, dans la Revue de Γhistoire des religions. 1909, p. 279-298; Rcitzenstcln, Poimandres. En résumé, laissant la direction néo-stoïcienne de Chérémon, Apion, Hécalée d’Abdèrc, cf. Bréhicr, Les idées philosophiques cl religieuses de Philon d'Alexandrie, p. 137 sq. ; dc Posidonius, cf. A. Schmekcl, Die Philosophie der mitllercn Sloa. Berlin, 1892, p. 238-290; dc Musonius, Cornutus, Sénèque, Épiclètc, Marc-Aurèlc, cf. Lebrcton, op. cit., p. 69-73, peu importante ici, la conception néoplatonicienne du logos, comme elle sc trouve, par exemple, dans Plutarque qui nous conduit directement à Philon, Lebrcton, op. cil., p. 63-68, se ramène à ceci. Lc logos stoïcien était en même temps loi intelli­ gente cl force cosmiqu fatale cela d’une façon imma­ nente ou panthéiste Les néo-platoniciens gardent cette conception formelle du logos, mais ils la réalisent avcc un Dieu de plus en plus transcendant ct dans un système dualiste. La matière étemelle, indépen­ dante de Dieu, est seulement organisée par lui en un monde qu'ensuite il gouverne. Dc cc monde il a l’idée exemplaire ou le modèle intellectuel, loi de tout cc qu’il fera; cette idée dc Dieu, c’est le logos divin universel, d’abord caché, puis rendu visible, Plutarque. De 1st cl Osiri. 62; on trouve ici une des premières esquisses dc la théorie du logos ένδιάΟετος et προφορικός. La foice organisatrice du monde vient aussi dc Dieu, mais par des agents intermédiaires, les ίννάικις, dont la première (put régit toutes les autres est encore le logos. Cf Lebrcton op cit., note A. p 437-440. Dans le monde, Il y a donc la matière avec sa nature, τύσις, principe dc 2381 FILS DE DIEU mal opposé à l'action organisatrice divine; ct puis il y a l'influence de Dieu, du logos, des puissances, devenue force, germe, logos particulier, Plutarque, De de/, oracul., 29,37; celui-ci dans chaque être combat pour l’ordre divin. Le logos finalement triomphe, mais nc gouverne pas tout ct n’impose pas ù la matière tout ce qu’il veut On retrouvera ces principes dans la théologie trinitaire du gnosticisme. Qu'est-ce en réalité que ce logos cl ces puissances? Lorsque ces écrivains parlent mythologie, ils disent, à l'exemple des stoïciens, que cc sont les dieux audessous de Zeus ou mieux que les dieux du poly­ théisme nc sont pas autre chose que cc logos et ces puissances. Plutarque, De Isi ct Osiri, 33, .50,51,55,61. Lorsqu'ils parlent sans figures, décrivent-ils dc vrais agents intermédiaires personnels ou des abstractions de forces, divines dans leur source, mais réalisées en dehors d Dieu dans le seul être sensible ? Cela spécialement pour le logos? La chose n'est pas tou­ jours très claire, nous ferons la même constatation chez Philon; mais de plus en plus on personnifiera ces forces divines intelligentes pour en faire un monde divin hiérarchisé dc vrais intermédiaires philosophiques ct religieux entre Dieu ct l’homme (néo-platonisme). Cette conception rationnelle fut appliquée à la mythologie, nous l’avons dit; nous allons la voir essayer dc s’appliquer aussi à la dog­ matique juive (Philon), puis à la dogmatique chré­ tienne (gnosticisme cl, dans un degré très mesuré, Pères apologistes). J. Lcbreton, op. cit., p. 41-73, ct trois articles dans les Etudes, 1906, t. evi, p 54 sq., 310 sq., 761 sq ; M lïeinzc. Die Lthre pon Logos in der gricchichen Philosophie, Olden­ bourg, 1872; A./\nl, Geschichte der Logosidce in der griechichen Philosophie. Leipzig, 1896; E- Zeller, Die Philosophie der Grlechen, 3· édit., Lcipziq, 1880, t. m; E. Cnird, The evolution o/ theology in the Greek philosophy, Glascow, 1904, l. n; R. Keitzcnstein, Poimandrcs, Stud, zur griech. agypt. und /rühchrisll. Littcratur, I ipzig. 1904; E. Krebs, Der Ixsgos als I Idland, Fribourg-cn-Brisgau, 1910, ct les études sur 1c Logos de Philon ou dc saint Jean- 2. Philon. — Sans avoir beaucoup dc génie, ni peut-être même beaucoup dc talent, Philon a beau­ coup écrit; il a écrit au plus beau moment dc la spéculation gréco-judaïque, au moment où Jésus allait parler lui aussi en Palestine, ct surtout scs ouvrages ont eu la chance de survivre ù peu près seuls dc ccttc nombreuse littérature qui naquit dc l’union dc la pensée juive el de la pensée grecque. Dc celle union Philon n’est pas le créateur, mais le principal, Tunique témoin pour nous. Or, les histoires ratio­ nalistes aiment ù voir dans ccttc union, qui histori­ quement était fatale, la source première, sinon dc la religion, du moins dc la dogmatique chrétienne. Gf. B. Allo, L*Évangile en /ace du syncrétisme païen, Paris, 1910. Dc lù l’importance accordée Λ Philon, importance toulc relative comme on le voit. Dans Philon, ù cc point de vue, aucune doctrine n’est plus fondamentale que celle du logos. Pour les généralités, voir Alexandrie (Ecole juive, École chrétienne*. le milieu, les doctrines), t 1. col. 803-809. Ln bibliographie de Philon cl en particulier de son lugos est immense; jusqu’en 1898 on trouvera un répertoire très détaillé et colossal dans E Sehûrer. Geschichte des jûdischen Volkrs t. m, p 187, 512; jusqu’en 1908, dans E Bréhicr, Ixs idi· \ philosophiques et religieuses dr Philon ιΓAlexandrie, Paris. 1908 (10 pages dans l’introduction). Nous donnons Ici d'abord les études les plus importante· : J Lebrcton. op. cit. p 183-205, el article des Études. 1906. p. 764-795; J. Drum­ mond, Philo Juderus or the J cidsh-Alexandrian philosophy, (n Its développaient and completion, 2 vol.. Londres, 1888, I n P 136 273 (dr l’nvlf commun. In plus complète cl In mrlilriirc élude panic); etc., M. Ixpin, op. i cil., p. 392-304), l’héritier naturel, semble bien être le fils au sens strict du Maître de la vigne et l’application de la parabole n’est pas dou­ teuse ni obscure. Cf. E. Mangcnot, loc. cil., p. 286289; J. Lebreton, op. cit., p. 243-245; F. Burkitt, The parable of the wicked husbandmen, dans Transac­ tion of the third international congress of (he history of religions, Oxford, 1908, t. li, p. 321 sq.; M. Lepin, i op. cit., p. 307-314. Enfin nous avons deux textes d’une clarté absolue, inéluctable, de l’avis unanime : la formule baptismale ct la confession de Jésus : nemo novit Eilium. Tout commentaire ici est inutile; on reconnaît sans peine, par exemple, A. Loisy, Les Évangiles synoptiques, t. i, p. 909, que la théologie johannique ne pourra rien ajouter à ces paroles, ci. Joa., i, 18; on y trouve, cn effet, implicitement, mais assez clairement, la distinction cl la consubstantialité divines du Père cl du Fils, celle-ci raison de rapports intellectuels ct de causalité surnaturelle uniques, essentiels, égaux. Cf. A. Loisy, L'Évangile et ΓÉglise, p. 41-47. Aussi les rationalistes n’onl-ils ici que la ressource de nier l’authenticité de ccs deux textes. On la trouvera victorieusement défendue : pour le premier, dans J. Lebreton, op. cit., note E, p. 478-479; E. Riggcnbach, Der trinitarische Taufbcfehl, Matth., XXVUI, 19, nach semer ursprünglichen Textgestalt und seiner Authentic untersucht, Gutersloh, 1903; F. -IL Chase, The Lords command to baptize, dans The journal of theological studies, t. vi (1905), p. 481521; contre surtout F. C. Conybcare, The Eusebian form of the text, Maith , xxvtll, 19, dans Zeitschrift filr ncuteslam. Wisscnschaft, t. n (1901), p. 275-288; pour le second, dans G. de Grandmaison, Études, janvier 1903, p. 163-169; J Lebreton, op. cil, note D, p. 470-477; M. Lcpin, op cit.,p. 314-332; E. Mangcnot, loc. cil., p. 282-285; P. Batiffol, op. cit., p. 216-220; J. A. Robinson, The study of the Gospels, Londres, 1902, p. 103-117. En résumé, cn dehors même des controverses hiéroscly mitaines plus directement dogmatiques, ct des épanchements plus intimes laissés de côté par les Synoptiques, on ne peut douter que Jésus-Christ I ait déjà assez clairement suggéré l'origine de scs I pouvoirs vraiment divins et de nature transcendante divine, sc donnant plus ou moins distinctement comme le Fils par nature de Dieu le Père. Notons enfin que le concept de Fils de Dieu enferme implicitement le concept de préexistence, que cette préexistence est d’ailleurs insinuée directement cn plusieurs textes où Jésus sc dit « venu, envoyé en ce monde, sur la terre, etc., cf. surtout Luc., xn, 49; Matth., IX, 13; Marc., I, 38; Lcpin, op. cil., p. 302, enfin que le Fils insiste sur le côté intellectuel de ses rapports avec le Père, Matth., xi, 25-27, ct Luc.» x, 21, 22 : nemo novit, ct les textes où Jésus semble s’appro­ prier le langage de la sagesse dans les livres sapien­ tiaux, cf. Matth., xxn, 1-4, el Luc., xiv, 16-17, avec Prov., ix, 1 sq.; Matth , xi, 28-30; xxm, 10, avec Prov., i, 23; vin, 1-10, 32-36; Eccli., vî, 23-26; xxiv, 26-27; u, 23-26; Matth , vu, 24-26; Luc, xm, 25-27, avec Prov., i, 24-33; vm, 32-36. La sagesse est encore identifiée parallèlement avec Dieu. Matth, xxm, 34-36, ct avec le Christ, Luc., xi, 49-51; ou Matth., xi,„19, ct Luc., vu, 35. Cf« Lepin, La valeur 395 FILS DE DIEU historique du qualrtime Évangile, Paris, 1910, t. n, p. 326. J. Lchrrton. op cit., p 212*251; La révélation du Fils de Dieu, dans les Éludes, t. cxiv (1908), p. 722*749; E. Mango not. Les Evangilrs synoptiques, Puris, 1911, vu· conférence, p 279*299; M. Lepin, Jésus, Messie ct Fils de Dieu, p. 281338; P. BatifTül, enseignement de Jésus, p. 214-223, 233240; Mnilhct, Jésus Fils de Dieu d'après les Evangiles, l*arii, 1006, p. 103-141; V. Rose, Etudes sur les Évangiles, Paris, 1905, p. 183-217; W. Sandny, The life of Christ in recent research, Oxford, 1907, V· conference; art. Son of God, dans 1c Dictionary of the Bible·, II Lcsêlrc, Fils de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible, t n, col. 225.3-2255; A. Cclllnl, Il uatert del litote· Figlio di Dlo » ncllu sua attrl· buzione a Gesù presso gli Euangcli Sinoltici, Home, 1907; B. Jnnscn. Die Gutlheil Christl bei den Synoptikcm, dans Zeitschrift für katholischc Théologie, 1909. t. xxxm ; j A. Stcitz Dus Euangelium vom Gottessohn, Fribourg-enBrlsgnu. 1908; F. Tilhnann Mdhodlsches und Sachlichcs sur Darstcllung der Gottheit Christi nach den Synoptikcm geycnüber der modernen Kritik dans Biblischc Zeitschrift, 1910, t. vin ; H Schumacher. Die Selbstoffenbarung Jesu bei Mat., xi,27(Luc., x,22). Fribourg-cn-Brisgau, 1912, etc.; i S. Weber. Die Gottheit Jesu in den Euangelien, dans Jesus Christus, Fribourg-cn-Brisgau. 1908 p. 85-104. I 2. Enseignement de Jésus d'après saint Jean. — Personne ne conteste que Jésus ait enseigné sa divinité au sens strict d’après le quatrième Évangile; seulement cette doctrine serait mêlée de subordinatianisme d'après quelques-uns : Harnack, Ueber das Vcrhûltnis des Prologs des vierten Evangeliums zum ganzen Wcrk, dans Zeitschrift für Théologie und Kirchc, t. π (1892), p. 189-231; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der ncuteslamcnllichc Théologie, Fri bourg-enBrisgau, 1897, t. il, p. 435; Ed. Reuss, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, 3· édit., Strasbourg, 186-1, t. n, p. 446-444. Nous insisterons donc davantage sur la manière dont Jésus s’attribue la divinité que sur le fait lui-même. a) Le Messie préexistant cl transcendant. — Dans les discussions dogmatiques ct les épanchements intimes conservés par saint Jean, Jésus affirme d'abord nettement sa préexistence, vin, 56, 58; xvn, 5; cf. i, 15, 30. Les expressions de « venir, être envoyé, descendre du ciel, y retourner » sont ici fréquentes ct plus précises, m, 13; vî, 63; vu, 33, 38, 51, 59; vin, 42; xvi, 27, 28, 30; xvn, 8; ni, 16, 17, 19; xn, 46; xvm, 37; vu, 28, 29, 33; vm, 42; xvi, 5; xvn, 18. Bien plus, c’cst dans ccttc existence auprès du Père avant le monde, dans l’éternité, que Jésus a vu cc que maintenant il révèle et en premier lieu le Père, I, 18; vî, 46; m, 11-13; vm, 38; cf. m, 32, 34; vm, 26, 28, 40; xv, 15; xvn, 8; xu, 49, 50; xiv, 10, ct vraiment de fait, surtout en saint Jean, comme tous ont dû toujours le reconnaître, Jésus parle de Dieu, d’une façon divine, en Dieu. Cf. M. Lepin, op. cit., p. 377; J. Lcbrcton, op. cit., p. 398-399. Être pour les hommes le grand révélateur de Dieu est une partie de la mission de Jésus, une fonction messianique; cc que nous avons dit plus haut sur le Messie ayant des pouvoirs personnellement divins doit s'entendre de renseignement johannique autant ct plus encore que de l’enseignement synoptique. Jésus est lumière et vérité, c'cst-à-dirc docteur, vm, 12; îx, 5; xii, 35, 36, 46; m, 19-21; xiv, 6; xvn, 3;cf. ix, 39; xi, 9,10; v, 35, etc.; vie ct résurrec­ tion ou principe vivifiant, v, 21; vî : discours sur le pam de vie; xi, 25-26; xtv, 6; m, 16; v, 21; xv : la vigne; xi, 25; v, 21,25, 28; vi,39, 40, 55, etc.;sauveur, m, 17; xu, 47, ct juge, v, 22, 27, 30; ci. ix, 39; thaumaturge, médiateur, type de sainteté, etc. Cf. J. Lebreton, op. cit , p. 399-109; M. Lepin, op. cil., p. 185-195. Cependant, comme l'avoue malgré lui A. Loisy, op. cil., p. 161, dans ie quatrième Évangile, à la diflerence du prologue, tous ccs attributs ne sont 2396 pas considérés comme absolus, comme appartenant ù la nature intrinsèque du Christ, mais comme relatifs • conçus par rapport aux hommes · ct donc non immédiatement divins. b) I^c Fils de Dieu, — Jésus ù l'égard du Père a des relations de fllialité spéciale meme dans son humanité qui est aussi réelle pour le quatrième Évangile que pour les trois Synoptiques : dépendance, service, amour, louange, etc.; le texte central ici est : Paler major me est, xiv, 28, que Jésus dit cer­ tainement en tant qu'homine, car il se l'applique allant et venant entre scs disciples et son Père. Nous n’avons pas ά nous arrêter sur cc point de vue, pas plus que sur l'union intellectuelle et morale qui fait le fond de cette fllialité. Cf. J. Lebreton, op. cil., p. 410-112; M. Lepin, op. cit., p. 367-376. Outre cela, Jésus se donne pour le propre Fils étemel de Dieu, soit par la façon dont il parle de • son Père·, du « Père », soit par les déclarations qui le concernent lui de Fils de Dieu », « le Fils»; il est inutile de citer des textes : tout cet Évangile, écrit pour qu'on croie que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, xx, 31, en est tissu; cf. spécialement les entre­ tiens après la cène, xm, 31-xvn. Cc Fils est évidemment unique, m, 16, 18 (mono­ gène), car il est « le Fils ». Quant à sa nature, Jésu en a traité dans plusieurs discussions ex professo·, cela ne veut pas dire d’ailleurs qu’alors il ait fait des thèses; le Christ johannique suit la méthode douce el insinuante du Christ synoptique; mais pour des auditeurs différents, les déclarations sont plusieurs fois plus nettes. La première discussion rapportée eut lieu après la guérison du paralytique (seconde année du ministère) faite un jour de sabbat, v, 17-47; pour se justi hcr d'agir ainsi pendant le sabbat, Jésus expose que, scs pouvoirs extraordinaires, il les a reçus du Père; bien plus que son action, c'est l’action même du Père qui toujours agit, 17, 19-23; les Juifs comprirent · qu'il sc faisait égal à Dieu » en se donnant Dieu comme son propre Père. L’ne deuxième controverse eut lieu pendant la fêle des Tabernacles, vu, 28-vm, 59 : Jésus y exposa les doctrines que nous connaissons déjà, surtout son origine éternelle. Λ la fête de la Dédicace, devant de nouvelles interrogations, Jésus dit, x, 25-38 : • Le Père et moi nous sommes un » (cv une seule réalité, 31); alors on veut le lapider, parce qu’il blasphème, car étant un homme, il sc fait Dieu. Jésus répond que, si les magistrats d’Israël furent appelés dieux autrefois, comment donc celui que le Père a sanctifié (qui préexistait dans l'éternité ct qui a été destiné à l’œuvre sainte du salut du monde) et qui ainsi a été envoyé dans le monde, ne pourrait-il pas s'appeler le Fils de Dieu? réponse ad hominem qui ne doit pas restreindre la portée des précédentes déclarations; Jésus, en effet, ajoute : Par les œuvres de mon Père, connaissez donc (pie le Père est en mol ct (pic moi Je suis dans le Père. Enfin, i\ l’entrée de la grande semaine, quelques mots encore, xii, 44-50 : • Celui qui me voit, voit aussi celui qui m’a envoyé, » ct c’est tout pour les Juifs. Pour les disciples, restaient ù entendre ccs sublimes illuminations sur la vie divine intime du discours après la cène, xin, 31-xvn. Avec la claire distinction des trois ct bien que le discours ait le plus souvent pour sujet Jésus-homme, leur consubstantialité est là clairement insinuée Cf. xiv, 6-11, qui vtdel me videt et Patrem..,; Ego in Patre...; Pater in me manens ipse facit opera, χνι, 28; χνιι, 10, omnia tua mca sunt., etc., cl les textes sur les rapports de 1'Esprit avec le Fils. Voir Esi»iut-S\int, col. 691, 765 sq. I Une dernière série de textes va plus loin dans le ' mystère S’il y a Père et Fils en Dieu, n’est-.d pas 2397 FILS DE DIEU 2398 Dieu, v, 3, 4. Comment Jésus possède-t-il sa nature transcendante, divine? comme Eds, îx, 20; xm, 33, ct peut-être m, 13, 26; iv, 27, 30, si παίς dans ccs textes équivaut à vVgç tatô, comme l'a compris la Peschito, voir Dalman, Die Worte Jesu, p. 228, comme parlait la sagesse, Sap , n, 13; xu, 26. se référant elle aussi a haie, xlii, 1 sq., comme pariera la tradition chrétienne dans la Didaché, les deux j Clément, Athénagore, etc.; aussi on ne s'étonnera pas de voir le Seigneur Jésus établi dans une étroite dépendance à l’égard du Père, n, 33, 36, non pas nécessairement dépendance réelle et adoptianiste, comme le répètent ici Reuss, Holtzmann. Loisy, mais dépendance mystérieuse, comme il peut y en avoir en Dieu. On nous objecte la-dessus surtout Act., xm, 33, où saint Paul rapporte à la résurrection du Christ le texte du ps. n, 7 : Filius meus es tu, ego , hodie genui te; mais il est certain que l’apôtre ne veut pas dire'que Jésus avant sa résurrection n’était pas du tout fils de Dieu, voir plus loin; il faut donc comprendre que la résurrection a pleinement mani­ festé Jésus comme Fils de Dieu, ainsi qu’il est dit, Rom., i, 4. Cf. E. Mangenot, loc. cit., p. 405-108. b) Dans la vie des fidèles el renseignement que la apôtres leur donnent, la nature divine du Christ et le mode dont il la possède sont plus clairement affirmés. a. Jésus est Dieu, car il devient, fait extraordinaire dans un milieu juif, objet universel de culte et de reli­ gion comme le Père et avec le Père. On le prie, l, 24, etc., ct saint Étienne lui dit: Domine, ne statuas illis hoc peccatum... Domine Jesu, suscipe spiritum meum, vu, 55-60, comme Jésus lui-même avait prié son Père. On lui consacre des hymnes et des doxologies religieuses, par exemple : à lui honneur, gloire, puis­ J. Lebreton, op cit., p 397-118; M. Lepin, Im. valeur his­ sance dans les siècles des siècles, amen, autrefois torique du quatrième Évangile, Paris, 1910, t. n, p. 327-395; réservées à Jahvé, Apoc., v, 9-13; Eph., v, 19; Mnilhct. Jésus Fils de Dieu ct non directement au Christ le nom de Dieu. — a. Rom., créée par elle. ix, 5 : έξ ών ô Χριστός τό κατά σάρκα, ύ ών έπΐ πάντων Θεός ευλογητός εις τούς αΙώνας, άμήν. Λ. Durand,loc.cil., J L* breton. op. cil., p. 260-283; E. Mangeant. Jésus, a étudié longuement la tradition patristique de cc texte Messie ct Fils de Dieu d'après les Actes des apôtres, duns ici unanime; F. Prat» op. cit., t. n, p. 181-184, cn la Ht vue de ΓInstitut catholique de Paris, t xn (1907), fait une bonne discussion exégétique; de l’élude et A par! in-12, Paris, 1908; M Lcpla, Jésus, Messie et patristique ct exégétique il ressort avec évidence que FUs de Dieu, p. 338-341; F II. Chase, The Lords prayer in Uw early Church, dans Texts and studies, 1.1,3 p. 168la formule A allure doxologique όών... doit certaine­ 176; Th. Zahn, Die Anbetung Jesu im Zeitalter der Apos· ment se rapporter nu Christ dont la divinité trans­ lei, dans Skizzen aus dem Leben dcr alt. Kirchr, 3· édit . cendante est ainsi clairement affirmée. Cf. W. Sunday Leipzig. l‘*08, p 271-308; Ed von dcr Goltz. Das Ge 1*1 et A. Hcadlam, The Epistle to the Homans, 5· édit., In der alieslcn Christcnhelt. Leipzig 1901; S Hemer Die Édimbourg, 1907, p. 233-238; Comely, Comment in Anu^ndung des Wories Κ^ι·ς im N. T., Lund, 1903; G II Epist ad Romanos, Paris, 1896,p. 477 sq. On trouvera Dalman Ikr Gotlesname Adona/ und seine Gei ch fc/ife, Ber­ aussi sur les textes maintenant étudiés de bons lin, 1889, et 1« théologies bibliques. i lésumés de discussions dans Brassac, Manuel biblique, 13e édit., Paris, 1911, t. iv. — b. Tit., Il, 13-14 : t Saint Paul. — Au milieu de celte Église, dont « attendant la bienheureuse espérance ct la manifes­ nous venons d’étudier la foi commune, l’apôtre tation delà gloire τοΟ μίγάλου θεού καί Σωτήρος ημών saint Paul (deux fois plus apôtre que théologien) écrit scs admirables Épitres, dont les plus anciennes 1 Χριστού ’Ιησού;» le Christ Jésus est donc le grand Dieu ct Sauveur (un seul article pour les deux mots) vont les premiers écrits du Nouveau Testament dont nous attendons la parousic; les critiques do quant à la date, faites dans leur partie dogmatique 24t»2 FILS DE DIEU 2401 cum estel) dans la forme de Dieu (c’est-à-dire dans toute école sc rallient de plus cn plus à cette inter­ la nature de Dieu, comme le montrent l'opposition prétation évidente Voir F. Prat, op. cit., t. n, p. 184« forme d’esclave » ou nature humaine, l’interpré­ 135. — c. Elle est encore de saint Paul celte magni­ tation unanime des Pères grecs et le sens même fique expression, Act., xx, 28, « pour paître l’Églisc précis du mot, cf. Trench, Synonymes du N. T., de Dieu qu’il s’est acquise avec son propre sang, » p. 291-298), ne voulut pas s’attacher comme à une voir F. Prat, op. cit., t. n, p. 193 191; Westcott, proie à garder avec soin (sens passif de άρπσγμός* Select readings, p. 98-100; la leçon «Église de Dieu » csl de beaucoup la plus probable; en tout cas, comme 1 commun chez les Pères grecs, ou comme une proie à enlever, sens actif plus commun chez les latins, l’a observé J. Lebreton, op. cil., p. 280, n. 2, la leçon mais improbable à cause du contexte, ou comme un < Église du Seigneur » serait théologiquement équi­ prétexte à prendre, L. Saint-Paul) à l'égalité de valente à la première. Ci. Hcb., I, 8, 9. — d. Enfin, droits qu’il avait avec Dieu (τδ είναι ·τα ne signi­ si Jésus est Dieu, le vrai Dieu du monothéisme absolu, fie pas « être égal », mais à l égal » pour les il doit être créateur : saint Paul voit la conclusion droits, ces droits dont le Christ va se dépouiller tout inéluctable ct attire l’attention sur elle, alors qu’avant en gardant son égalité substantielle avec Dieu), mais lui on considérait surtout le rôle moral ct religieux il s’en dépouilla (de ses droits, par exemple, aux hon­ du Christ; d'ailleurs, chez l’apôtre lui-même, le rôle neurs, non de sa nature ou de scs attributs : théorie cosmologiquc du Christ n’est que secondaire, il ne protestante de la kénosc », sur laquelle voir F Prat, sc demande pas d’où vient le monde (comme les op. cil, t. n, note K1, p. 239-212; Gore, Dissertations on Alexandrins), mais cc qu’est le Christ > pour l’opposer aux intermédiaires angéliques des Colossicns. J. Le­ i subjects connected with the incarnation, Londres, 1907, p. 184-192, 202-207), cn prenant la forme d'esclave breton, op. cil., p. 304-308. Saint Paul décrit même (la nature humaine) cl devenant semblable aux cc rôle cosmologiquc comme d’après un moule paral­ hommes; sous ce vêtement humain il s'humilia ct lèle aux descriptions de son rôle religieux, F. Prat., op. cit., t. ii, p. 214-210 : les principaux textes ' cela jusqu’à la mort de la croix; mais maintenant tout genou doit fléchir a son nom et toute langue sont Col., î, 15-20, < cn lui, έν αύτώ, tout a été créé, confesser que le Seigneur Jésus-Christ est dans la dans les cicux ct sur la terre, les. choses visibles gloire du Père. » Voilà la formule du Christ d’après et invisibles..., tout a été créé par lui, δι’αύτοΟ, ct saint Paul. Cf. II Cor., vni, 9 pour lui, εις αυτόν, et tout subsiste en lui, » ct I Cor., b. Outre la nature cûvine, Jésus a sa personnalité vm, 6, « par qui toutes choses existait; » la formule divine distincte; quelle est-elle? Saint Paul ici encore « en lui » est de l’cxcmplarismc chrétien (cf. Eph., ne fait que répéter. Jésus-Christ est D»eu comme π, 10), non pas néo-platonicien, lequel est cn dehors Fils, I Cor., xv, 28; comme le FIE de Dieu, I Thés., de la pensée de l’apôtre; celle par lui » ne désigne î, 10; Rom.. î, 3-9; v, 10; vm, 29; I Cor., î, 9; IlCor., pas une instrument alité subordonnée comme chez î. 19; Gai., î, 16; n, 20; iv, 1-6; Eph.. iv, 13; comme Philon, De cherubim, 125-127, édit. Mangey, t. î, le propre Fils de Dieu, Rom., vm, 3, 32, ct saint p. 161-162; Leg. alley., m, 96, t. î, p. 106. mais un aspect de la causalité cn général (cf. Rom., xi, 36; j Paul insiste là-dessus pour nous démontrer la gran­ deur de l’amour de Dieu cpii nous a donné son propre Hcb., n, 10, qui l’appliquent au Père) ou, par con­ traste avec έξ une causalité dérivée, ce qui ne veut • Fils; ailleurs encore, comme le Fils de son amour, pas dire subordonnée. Sur la divinité du Christ, cf. i Col., î. 13, c'est-à-dire son Fils bien-aimé ou unique (ou monogène),cf. Eph., i. 6, enfin connue l’engendré encore Rom., î, 3-4; 1 Cor., x, 1, « le rocher · ou au-dessus el avant toute creature, dans l’éternité, Jéhovah, c’était le Christ; Gal.,i, I, etc., ct les for­ πρωτοτοχος πασης χτισεω;· Col.. I, 15. Cf. l· Prat., mules trinitaires. Voir F. Prat, op. cit., t. n, p. 218-220, 198-205. op. cit., t. n, p. 195-197; J. Lebreton, op. at., p. 302304. Mais que peut bien être celte génération éternelle b) Comment Jésus est-il Dieu?— a. D’abord, parce qui donne à Dieu Père un Fils Dieu?Saint Paul insinue qu’il a la nature divine ou la divinité. Saint Paul qu’elle doit être comme la génération de la sagesse attire l’attention sur cette nature, distincte cn quelque divine, décrite par les derniers hagiographes. Le manière de sa personnalité dans deux textes impor­ Christ, cn effet, est sagesse de Dieu, l Cor, i, 24, cf. tants. — a. CoL, π, 9, en lui habite (χατοιχεΓ, d’une Lightfoot, Notes on Epistles o/ saint Paul (rom unpu­ façon permanente) καν τδ πλήρωμα τής Οεότητος, abso­ blished t commentaries, Londres, 1904. p. 164, ct lument toute la divinité, non la divinité, qualité comme elle le FiLs de Dieu est l'image de Dieu (ει<ώ*)· abstraite du divin (Οειότ,,ς), mais la divinité, réalité II Cor , n. I, de Dieu l'invisible. Col . î, 15; cf. substantielle, nature divine, σωματιχώς, corporelle­ Sap., vu, 26; un Fils n’cst-il pas d’ailleurs nécessairement, c'est-à-dire incarnée, formule comparable à Joa., î, 14. Voir F. Prat, op. cil., t. n, p. 230-231; i ment l’image de son Père, c’est-à-dire sa ressemblance dérivée? Observons dans le dernier texte l’ai tribut ion t. î, p. 410-411; Lightfoot, SL Paul's Epistle lo the de l’invisibilité au Père; le Père est invisible commo Colossians, Londres, 1901. — β. Phil., n, 6-11, le Dieu el donc le Fils aussi comme Dieu est invisible plus beau texte christologique de saint Paul : ος έν en cela image parfaite du Père (observation d’Origène, μορφή OeoO υπάρχων ούχάρπαγμδν ήγησατο τδ είναι ίσα dans S. Alhanase, De decretis niaenas synodi, 27; Οίώ, άλλα ίαυτδν έχένωσεν μοφφήν cούλου λαόών. Ce cf. Periarch., II, vi, 3, P. G., t. xr, col. 211); mais texte a été, est encore très discuté dans les détails. le Fils image du Père s’est incarné ct ainsi devenu Voir F. Prat, op. cit., t. î, p. 438-451 (étude exégétique visible il a manifesté la divinité et son Père resté ct patristique); Lightfoot, St. Paul's Epistle to the invisible, cf. I Tim., vi, 16; Tit . ir. 11; m, 4; Joa., Philippians, Ixmdres, 1903, p. 110-115, 127-138; i, 18; I Joa., iv, 12; nous retrouverons chez les Pères, Gilford, The incarnation, a study of Phil., n, 5-11, parfois exagérée, cette doctrine de l’invisibilité du Londres, 1897; J Labourt, Notes d'exégèse sur Phil., it, 6-11, dans la Revue biblique, 1898, p. 412-115, Père manifesté par le Fils Pour conclure, nous pouvons répéter que saint 553-563; en particulier sur άρπαγμά;, L. Saint-Paul, Paul n’est pas un créateur dans la doctrine du Fils Note, dans la Revue biblique, 1911, p. 550-553, ct de Dieu; il ne fait que mieux formuler ct expliquer J. Lebreton, op. cit., p. 322-324; A. d’Alès, dans Recherches de science religieuse, 1910, t. f, p. 260-269. ou expliciter la doctrine déjà constatée avant lui du Fils éternel consubstantiel au Père. Lésons général certain du passage est celui-ci : Soyez humbles à l’exemple du Christ · qui subsistant • c) De même, l’ÉpItrc aux Hébreux redit la même (present de permanence, mal traduit par la Vulgate doctrine avec les explications de saint Paul poussées DI CT. DK THÉOL CATIIOL. V. - 76 2403 FILS DE DIEU encore plus loin, c’est-à-dire plus clairement analysées par un disciple plus maître dc sa langue cl sans doute aussi plus habitué que lui aux concepts philosophiques. Cf. J. Lebreton. op. cil., p. 315-359; F. Prat, op. ci/.» t, r, p. 517-5*25; B. F. Westcott, The Epistle to the Hebrews, 3« édit., Ixjndrcs, 1906; E. Ménégoz, La théologie de l'Épitre aux Hébreux, Paris, 1891. — a. I-a personne du Christ est directement décrite, i-iv; elle est certainement sureniinente, infinie, divine; ccs caractères ressortent de sa supériorité sur les prophètes, les anges. Moïse. Aux prophètes est opposé le Fils révélateur pariait, i, 1-2; à Moïse, le Fils maître dans sa maison, ni, 2-6; aux anges, le Fils en­ gendré dans l’éternel aujourd’hui, i, 5, le premier-né (πρωτοτόχος - monogène engendré avant toute créature, cf. Col, i, 15) que doivent adorer les anges; celui dont le trône est au plus haut des deux pour les siècles des siècles, 3, 8, dont la sainteté absolue est consacrée par une félicité dont toutes les félicités particulières ne sont que des participations, 9; celui dont la puissance a produit la terre cl les ci eux ct qui les change à son gré, incapable lui-même dc diangement et dc déclin, 2, 10-12, car tout cc qui existe ne subsiste que par lui ct pour lui, 3; n, 10; cf. Col., i, 17; celui dont le nom par conséquent diffère dc tout autre nom, ι, I, Dieu, 8, 9, créateur, éternel, universel comme le Jahvé dc l’Ancien Testament, 8-13, mais aussi person ne divine spécialement distincte. — b. En effet, < Fils » est son nom propre; il est appelé < le Fils * absolument ou même · Fils » sans article, comme autrefois Seigneur ou Christ, i, 2, 5, 8; ni, G; iv, 1 1; v, 5, 8; vi, G; vu, 3, 28; x, 29; le carac­ tère strictement divin dc cette filiation éternelle est évident, car c’est elle qui est la source de tous les attributs décrits plus haut, ct si les chrétiens sont, eux aussi, fils de Dieu, n, 10-14; xn, 5-8, c’est parce que le Fils les a adoptés pour frères, n, 11-13.— i. Jusqu'ici nous nous sommes arrêtés au seuil du mystère de cette filiation divine; saint Paul a dirigé notre attention sur celte sagesse que l’Ancien Testa­ ment avait vu procéder en Dieu dc (piclqac manière, Sap., vu,26; l’Epitrc aux Hébreux, i, 3, sans soulever encore le voile du mystère, établit plus explicitement l'identité insinuée par saint Paul : le Fils est le rayonnement de la gloire du Père, απαύγασμα τής Μξης αύχού, et l’empreinte dc sa substance, χαραχτηρ τής ύποστάσιως αύτοΟ ; c’est-à-dire quelque chose (quelqu’un) dc divin (en Dieu quelle émanation concevoir, sinon substantielle, infinie?) émanant en quelque sorte de l’être même de Dieu (ύπόστασις certainement ici ne signifie pas personne, mais sub­ stance, être), émanant par conséquent nécessairement, éternellement, émanant en image distincte, parfaite comme l’empreinte ou l’cfllgic parfaite émane immé­ diatement par application directe dc son sceau, ou comme le resplendissement (non l’action dc resplendir, mais la splendeur, résultat dc cc rayonnement) émane d’une beauté lumineuse (c’est le sens ici dc séti) avec laquelle il reste comme consubstantiel. Ce sont là des images imparfaites (le sage en avait encore cherché d'autres), niais qui font par leur union entendre que le Fils restant consubstantiel au Père (puisqu’il est Dieu, le Dieu, répétons-le, du monothéisme absolu), parce qu’il en émane par une mystérieuse génération, en est pourtant réellement distinct. 1-C5 Pères sauront mettre à profit la richesse théologique dc ce texte, comme dc tout le c. i*r de l’Épitrc aux Hébreux. Nous ne nous arrêterons pas ici à discuter le < plutonisme » dc l’Épitrc; il faut dire en définitive qu’à part quelques expressions, plutôt dexandrincs que philonicnnes.il est nul. Voir F. Prat, op. et!., t. ι, p. 503-505; J. Lebreton, op. cit., note G, p. 195-506; surtout contre Ménégoz, op. cU.9 p. 197- 2404 219, qu’ont suivi’Jülichcr, Siegfried, Holtzmann, etc. CL Bruce, art. Hebrews, dans Dictionary o/ the Bible, t. π, p. 327-328. Nous n’avons rien dit des textes dc saint Paul qu’on dit contraires à une foi véritable en la divinité dc Jésus. Voir A Brassac, Manuel biblique, t. iv, p. 588 (Rom., vin, 3; I Thés., i, 10; I Cor., vm, 6; xn, 5, 6; m, 23; xv, 24-28; xi, 3; Epb., î, 17). Mais tous ccs textes s’expliquent facilement par les deux natures du Christ cl la dépendance originelle dc sa nature divine elle-même. F. Prat, La théologie dc saint Paul, 2 in-8·, Paris, 1908, 1912, spécialement t n, p. 165-226; J. Lebreton, op. cit·, p. 289-325; Λ Durand, La divinité de Jésus-Christ dans saint Paul, dans la Beuue biblique, 1903, p. 550-570;V. Hose, Études sur la théologie dc saint Paul, ibid., 1903, p. 337-361 ; II. Couget, La diuinilé dc Jésus-Christ, renseignement de . saint Paul, Paris, 1906; Ev. Buylacrs, La diuinilé du Christ dans saint Paul· dans la Beuiie augustinienne, t. x (1907), p. 676-691 ; S Weber, Die Golllult Jesu und die paulin li­ chen Brlcfc, dans Jesus Christus, Fribourg-en-Brisgau, 1908,p 68-81; J.Weiss, dans Christus, Paris, 1912, p. 32-65. 5. Saint Jean. — C’est dc renseignement person­ nel dc saint Jean que nous devons maintenant par­ ler, point culminant delà révélation écrite du Fils dc Dieu. Nous trouverons cct enseignement dans 1*Apo­ calypse, puis dans le prologue du quatrième Évangile et dans l’Épitrc qui accompagnait sans doute cct Évangile. Les deux autres lettres dc saint Jean n’ont rien de notable pour nous. a) L*Apocalypse donne un témoignage remarquable sur la divinité dc Jésus, remarquable, parce qu’il est la simple expression dc la foi chrétienne impossible, en effet, de recourir ici à une influence païenne (le culte des empereurs est l’abomination) ou alexandrine: tous le reconnaissent. Voir Apocalypse, t. i, col. 1477; J. Lebreton, op. cil., p. 361-371; H. B. Swctc The Apocalypse o/ saint John, 2e édit., Londres, 1907, p. eux sq., ct le commentaire. Jésus pour le voyant est le roi-Messic glorieux du royaume étemel, comme homme ct donc dépendant· ment dc Dieu; cette gloire triomphante, il l’a méritée par son immolation (Il est l’agneau), mais aussi elle découle dc sa nature mên\c parce qu’elle est divine : deux points dc vue clairement associés par le prophète ct n’ayant en effet, quoi qu’on en ait dit, rien d’incon­ ciliable entre eux. Jésus est Dieu ct donc objet d’un même culte d’adoration avec Jahvé, v, 8, 12-14, etc.; il est Seigneur, xi, 15; xiv, 13; xxn, 20; bien plus, seigneur des seigneurs ct roi des rois, xvir, 11 ; xix, 16; il a tous les attributs divins, ceux qui ailleurs sont donnés comme propres à Dieu : alpha ct oméga, i, 17; n, 8; xxn, 13; le vivant, i, 18; lo saint ct le véritable, m, 7; le scrutateur des reins ct des cœurs, n, 23; le maître dc la mort cl de 1’cnfcr, i, 8, 18; n, 23; le principe xlc la création, m, 14, ou celui qui est avant toute créature ct par qui toute créature est, cf. Prov , vin, 22; Col., i, 15, 18, l’Ancien des jours, i, 13 sq , le Jahvé enfin autrefois adoré, en qui maintenant, dans l’unité dc la même divinité, on le contemple avec le Père, i. G; n, 28; in, 5, 21; xiv, 1, lui qui est le Fils, n, 18. A cc Fils-Dieu, par l’incarnation notro Messie sauveur ct roi, nous avons vu déjà donner beaucoup dc noms; l'Apocalypse en révêle un nouveau. Au milieu d’une description des années célestes, marchant 1 au triomphe à la suite dc leur roi glorieux, tout à coup le voyant s’arrête ct dit : « ct son nom est lo Verbe dc Dieu;» c’est la première fols que la litté­ rature chn tienne emploie cc mot dc Verbe, \όγος, comme nom personnel du Christ; dans l’Apocalypse, Jeté comme un échiir passager, il doit sans doute I être rapproché'de Sap., xvm, 5, personnification 2405 FILS DE DIEU 24ÛG nous remontons, c'est-à-dire nous entrons dans de la parole de Dieu, guerrier terrible, ct il ne peut l’éternité) le Verbe (la Parole intérieure ou Pensée encore nous ouvrir scs profondeurs théologiques plus exprimée, voir plus loin), et le Verbe était auprès dc lard découvertes; en tout cas, il n’a aucun rapport Dieu (le Père, Dieu avec l’article), et le Verbe était avec le philonisinc. Dieu » (sans article, donc le Dieu unique identifié à la b) Prologue ct Épitres. — Enfin vers la fin du fois en plusieurs distincts qu’on nommera personnes). l«r siècle, dernier survivant dc ceux qui virent, Redescendant maintenant vers la création ct les entendirent, touchèrent le Christ Jésus, en qui, dc hommes, il faut continuer : « Tout a été fait par lui l’Orient à l’Occidcnt» dans le monde juif, syrien, (le Verbe) ct sans lui rien n'a été fait dc cc qui a grec ct romain, on croyait maintenant ct dc qui on été fait... Et le Verbe s’est fait chair (le m*mc Verbe avait le concept exposé dans les Évangiles, les Actes, étemel, tellement sa personnalité est distincte, est les Épltrcs dc saint Paul, saint Jean fut prié encore devenu homme) ct il a habite (comme sous la tcnte> une fois d'affirmer contre des hérésies naissantes sa parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire comme vraie nature ct sa vraie histoire. L’apôtre bien-aimé celle que reçoit un fils unique de son père » (μονογε­ le fit en mettant en relief quelques-uns des traits νούς παρά πατρός, sans articles). dc la vie ct dc la doctrine du Maître adoré où res­ Nous n'étudierons pas ici plus longuement ces plendissait particulièrement sa gloire incomparable de textes ct cette conception du Verbe divin. Voir Logos Fils dc Dieu. Voir plus haut, col. 2390 sq. Bien plus, ct Verb il Cc que nous avons dit suffit à faire con­ profitant dc toutes les explications provoquées dans naître la phase dernière ct capitale dc la révélation la foi par l'Esprit depuis plus de soixante ans, en du Fils de Dieu. face de la fausse philosophie qui tentait de pervertir Quant à l’enchaînement des doctrines» il suffire cette foi, avec les mots mêmes qui étaient peut-être dc rapprocher les études faites plus haut sur la dans le vocabulaire de celte philosophie, mais tpi’il personnification dc la parole divine, sur la Memra ne tirait pas d’elle, il donna d’autorité dans un pro­ ct sur le Logos dc Philon pour voir immédiatement logue ct dans une lettre-préface la quintessence dc que le Logos de saint Jean, vrai Dieu consubstan­ l’Evangilc et la vraie formule du Christ : Fils unique tiel au Père cl en même temps personnalité nettement qui éternellement est dans le sein du Père comme distincte, jusqu’à s’incarner seule» n’a pas davantage son Verbe et puis qui s’incarna ct fut Jésus-Chnst, pu sortir dc ccs notions que la science ne sort des mort pour nous sauver. Ainsi au Logos gnostique rêves d’un enfant. Tout au plus, avons-nous dit, le (éon secondaire) saint Jean oppose le Verbe étemel, vocabulaire, soit juif (la parole, la demeure, la gloire, Fils unique dc Dieu; au Logos alexandrin (idéal voir plus haut), soit surtout hclléniquc-alcxandnn abstrait), le Verbe consubstantiel à Dieu le Père (certainement répandu à Éphèse), peut donner lieu dont il est réellement distinct; au dualisme général à quelques rapprochements dc similitude» sinon do philosophique, spécialement docète, le Verbe oinnidépendance; et encore cela même n’est pas sûr créatcur ct incarné. En tout cas, pas de dépendance, ni de rapprochement a. D’abord le Père a un Fils, Fils unique éter­ possible dans les doctrines. L'origine vraie de la foi nellement engendré, Joa., i, 14 (μονογενής), 18 (μονο­ dc saint Jean, c’est partiellement la révélation antiquo» γενής btôç ou υίός); I Joa., très souvent : i, 3, 7; mais c’est surtout la personne ct la doctrine de Jésus; π, 22-21 (le Père ct le Fils absolument); in, 8, lui-même l’affirme, I Joa., î, 1-4; nous n’avons qu’à 23; iv, 9, 10, 14 (par trois fois : le Père nous a aimés le croire ct quiconque interprète sans parti pris toute jusqu’à nous envoyer son Fils unique, μονογενής, l’histoire néo-testamentaire n’y éprouvera aucune dif­ cf. Rom., vin, 32), 15; v, 5, 9-13, 20 (nous serons dans ficulté. le véritable, dans son Fils Jésus-Christ, qui est le Dieu véritable ct la vie éternelle); Il Joa., 3, 9 (qui J. Lebreton, op. cit., p. 382-397, et note J, p. 515-523 abandonne la foi ne possède plus Dieu; qui y per­ (Philon ct saint Jean); F. Prat, art. Logos, dans le Dicsévère possède ct le Père ct le Fils). Le résumé de tionnaire de la Üible, t. xv, col. 323-329; A. Brassac, Manuel biblique, Paris, 1910, t. ni. p. 264-273 ; M. Lopin. Lu valeur la foi chrétienne, c’est donc, d’après la lettre-préface historique du quatrième Évangile. l*aris, 1910, t. xi, p. 305(c’est aussi le résumé du prologue), dc croire que le 327 ; Th. Calmes Étude sur le prologue du quatrième Évan­ Père a un Fils étemel et qu’il l’a envoyé comme gile, dans la Ilevue biblique, 1899, p. 151 sq., 232 sq.; 1900, notre Sauveur et commo notre vie pour Pétcmlté. Sur p. 5-30, 378-400; 1901. p. 512-521 ; Corluy, Spicilegium dogcelte dernière expression, observons que le Fils est vie matico-biblicum, t. î, p. 138-155; t. Il, p. 51-64; A. Loisy. surtout par rapport à nous, comme dans ΓÉvangile, Le prologue du quatrième Évangile, dans Études èvangèmais de quelque façon aussi en lui-même, substan­ liques, Paris, 1902; W. Baldenspcrger, Der Prolog des vierten Evangeliums, Fribourg-en-Brisgau, 1898; Fouard. tiellement. Joa., i, 4; 1 Joa., i, 1,2; v, 11, 12, 20. Vie de .V -5. J -C., t. i. np[>rndice u, et tous les commen­ b. Nous voilà donc de nouveau en face dc cc tateurs du quatrième Évangile, spechlement ceux qui mystère dc génération divine; le Fils» en efïcl, son ont été cités plus haut, surtout Th. Zahn, p.77-107 (origine nom l’indique (nom de Fils ct nom dc monogène), du Logos); \V Sunday, p. 185-204, ct encore les belles élé­ est un engendré. Comment Dieu peut-il engendrer? vations dc Bossuet. Elévations sur les mystères, n· et xxx· se­ Par quelque fécondité purement intellectuelle, avonsmaines, etc. Voir Création, t. u, coi. 2115. nous déjà dit, ct c’est ainsi que les anciens sages Résumons en quelques traits cette révélation pro­ virent en Dieu, engendrée en quelque façon, sa gressive du Fils dc Dieu dans ΓÉcriture sainte. sagesse. Mais le mot sagesse désigne de soi un attribut Laissant de côté des allusions plus ou moins problé­ divin absolu ct n'exprime donc qii’imparfaitcment matiques à une certaine pluralité de personnes divines, une réalité engendrée, même intellectuellement. Quel qu’on cherche dans l’ancienne histoire d’Israël (nous esl le mol qui va désigner cette réalité du Fils engendré parlons du sens déterminé formel des textes), il intellectuellement en Dieu, ct par là achever de le semble que Dieu attira d’abord l'attention dc son révéler, en réunissant les deux courants dc la révé­ peuple sur son Messie, son Fils de filiation toute lation antique ct néo-testamentaire? Saint Jean (ht spéciale, parce qu’il était dc nature supérieure, cc mol, entrevu à Palmos, affirmé maintenant avec transcendante, divine même, affirment quelques une pleine conscience de sa valeur: c’est le Verbe, te textes» toujours dans une certaine obscurité. Puis Logos 1 Joa., r, 1; Joa., i, 1, 14. < Au commencement (allusion ù Gen.» i, 1, comme on la trouve dans Prov., le messianisme s’obscurcissant dans un nationalisme de plus en plus exaspéré, Dieu porte les regards Eccli , Sap., voir plus haut) était (du commencement nous ne descendons pas vers les créatures, mais des âmes justes, saintes, sages vers lui-même, en 2407 FILS DE DIEU 2408 lui-même, pour y faire contempler la sagesse qu’il Homélie dite 11 Cor . i.\, 5, etc.; S Ignace. Ad Eph., possède, qu’il engendre éternellement, sans faire vu, 2; x, 3; Ad Magn,, vu, 1; xm. 11; Ad Phil., ι. 1; voir nettement qu’elle constitue dès lors une seconde iv, 1. etc.; Ad Polyc., i, 1; v. 2, etc.. S. Polycarpe, personne avec lui qui l’engendre. Des personnifi­ Ad Phil., i. 1. 2; n. 1. 3, etc. cations dc la parole divine préparent dc futures Et puis, sans nous attarder A d'autres titres, on pro­ identifications. En effet, Jesus apparaît, 14s éternel, clame directement, explicitement, la divinité de Jésus, Sagesse cl Verbe de Dieu; il était réellement cela, cn lui donnant le nom même dc Dieu, non pas avec une car il Γη manifesté, avec la réserve que pouvaient valeur diminuée, mais certainement avec le plein sens porter les hommes, mais avec certitude; scs · his­ du mot, sans l’ombre d’aucune restriction explicite toriens ■ nous l’attestent, ct la foi de scs disciples, ou implicite, par identification avec le Jahvé de dc tous les « fidèles » de la nouvelle religion où l'Ancien Testament, par affirmation absolue, avec ks Jésus est mis à la place dc Jahvé, Λ côté du Père, attributs de la nature proprement divine, etc. Didaché, cn est un garant infaillible. Les apôtres durent x, 6; Épitre de Barnabé, xn, 6; / Cor., n, 1, d’après rencontrer alors les courants déviés du judaïsme Lightfoot et Harnack, « viatique, paroles, souffrances mêlé d’hellénisme; les eaux semblèrent A quelques-uns de Dieu » (du Christ, Hemmer); S. Ignace plus de aptes A sc mélanger, mais le coup d’œil infaillible 15 fois : Jésus-Christ est Dieu, Ad Smyrn , i, I ; x, 1; des maîtres ne put être trompé ct la foi au Fils dc < Ad I rail., vu, 1 ; Dieu fait chair. Ad Eph., vu, 2; notre Dieu Verbe étemel resta une première (ois pure dc Dieu, ibid., suscription; xvm, 2; Ad Rom., suscriptoute erreur humaine. tion; m, 3; Ad Polyc., vm, 3; son sang est sang dc 11. Développement de la doctrine révélée en Dieu, Ad Eph., i, 1; sa passion, celle de mon Dieu DOGME DÉFINI PENDANT L’ÉPOQUE PATIUSTIQUE. ---Ad Rom., vi, 3; « Dieu manifesté sous forme hu­ Nous avons étudié la révélation du Fils de Dieu, pro­ maine, » Ad Eph., xix, 3; l’Éternel, F Invisible, l’Imgressive jusqu’à être indubitable, claire el distincte. , passible (devenu) pour nous visible, passible. Ad A celte révélation correspond dès lors la foi que nous Polyc., m, 2 : c’est Dieu fait homme (ct non pas avons déjà constatée de fait dans la primitive Église. l'homme fait Dieu, comme l’ont cru Harnack ct Cette foi portait sur un des points fondamentaux de E. Bruston, Ignace d’Antioche, ses ipltres, sa vie, sa la religion vécue par celle Eglise ct elle énonçait la théologie, Paris, 1897); cf. Ad Magn., vi, 1 ; < il est sorti distinction réelle cn Dieu du Père el dc Jésus Seigneur, du Père Un, est toujours resté un avec Lui el est Fils dc Dieu, Verbe divin, Dieu, et donc la divinité au retourné à Lui, » ibtd., vu, 2; voilà la foi d’Ignace, sens strict dc celui-ci, car, nous Pavons noté déjà plu­ l'évêque d’Antioche, l’homme de la tradition ct dc sieurs fois, l’Églisc était strictement et rigidement l’Église, l’adversaire impitoyable de la nouvelle science monothéiste. Consubstantialité ou unité dc nature ct (gnose) hérétique, l’homme apostolique. Voir encore distinction réelle dc deux, Père et Fils : voilà la foi la II Cor., i, 1, < nous devons considérer Jésus-Christ explicite, fondamentale dc l’Églisc primitive. comme notre Dieu; » xm, 4; m, 5-iv, 5; îx, 3-11. — On voit ce qu’il faut penser des « romans », par Jésus-Dieu est créateur : l’Épitre dc Barnabé, v, exemple, du pscudo-Dupin.Lc dogme de la Trinité dans 5-10, en parle ainsi : « Le Seigneur a enduré dc souffrir les trois premiers siècles, Paris, 1907, ou dc A. Réville, pour nos âmes, quoiqu'il fût le Seigneur de l’univers, Histoire du dogme dc la divinité de Jésus-Christ, 2e édit., à qui Dieu a dit dès la constitution du monde : Fai­ Paris, 1901, faisant naître la théorie de la divinité sons l’homme à notre image ct ressemblance; » « le dc Jésus dans le monde païen, qui abondait cn dieux, soleil est l’ouvrage de ses mains; » cf. vi, 12, même fils dc dieux et divinisations, qui connaissait en par­ exégèse de Gcn., i, 26; vu, i; saint Ignace, Ad Eph., ticulier un logos-dieu, bien que dieu inférieur (celui xv, 1, appelle le Maître évangélique celui qui a dit de Philon), capable d’être rapproche du Christ idéa­ ct tout a été fait » el c’est lui qui s’est ressuscité. lisé paulinien.du Christ fortuitement associé au Père ct Ad Smyrn., n, 1. Jésus est l’inspirateur des prophètes, à l'Esprit dans la liturgie baptismale, etc. El ccttc Épitre de Barnabé,n, 6; il a parlé par eux, Il Cor., m, construction, intitulée « histoire », sous forme moins 5; l'auteur de toute autre vie surnaturelle, la seconde brutale, il est vrai, avec plus ou moins de nuance ct création, qui est essentiellement la vie de Jésus-Christ d'érudition aussi,est la thèse de toute la critique ratio­ cn nous, Épitre de Barnabé, vi, 11-15; et très souvent naliste. En face d’elle nous allons continuer notre tra­ dans saint Clément, 1 Cor., xxxn. I ; liv, 3; lxiv; lxv, vail d’impartiale objectivité, poursuivant l’élude du 2, etc., ct dans saint Ignace, Ad Eph., i. 1 ; vm, 2; xn. Fils de Dieu chez les Pères de l’Églisc. 2; xx, 2, etc. — On adore Jésus comme le Fils de Dieu, /. pacifique POSSESSION DE la Foi. — 1° Les Pères alors qu’on vénère seulement les martyrs, Martyrium apostoliques. — La foi de l’Églisc primitive fut trans­ Polyc., xvii, 2, 3, el on lui adresse de fréquentes do.xomise sans solution de continuité ct sans transfor­ logics, Didaché, ix, t;x, G; Martyr. Polyc, xxi, xxn; mation; quand on connaît le tempérament « tradi­ cf. xiv,3; Clément ne respire que foi, louange, amour A tionaliste » de cet âge, la chose est très probable a Jésus son Dieu. 1 Cor., xx, 11. 12; L, 7; cf. lviii. priori; elle est prouvée par les textes. En effet, quel­ lxi, 3; LXIV, LXV. ques témoignages écrits, parvenus Jusqu’à nous, con­ 2. La personnalité divine distincte dc ce JéstLs-Dieu signent, au grc des circonstances, les croyances dc ccttc est manifestée par les formules trinitaircs : Didaché, première génération qui connut les apôtres ou leurs vu, 1-3; / Cor., xlvi, 6; Lvm, 2 (formule Irinitairc dc disciples immédiats. Quoique dc nature partielle et serment remplaçant l’antique vivit Deus); S. Ignace. fragmentaire, ils n’en sont pas moins pour nous signi­ Ad Eph., îx, 1; Ad Magn , xm, 1-2; Martyr. Polyc., ficatifs. xiv, 1-3; cf. xxn, 1-3, et par le nom de Eils, ô ΓΜς, 1. Jésus continue d’abord à être très fréquemment de Fils dc Dieu, qui est de plus en plus son nom pro­ appelé Seigneur, Κύριο:; ct cc terme, dont nous con­ pre; or il s’agit évidemment de Fils unique bicn-aimé, naissons la valeur, confirmée par des textes nouveaux, monogène, etc , et tout suggère une filiation naturelle, est appliqué indifféremment à lui ou bien au Père, do la nature même du Père : Didaché, vu, 1-3; cf. comme au même Jahvé des textes anciens parfois rap­ xvi, Épitre dt Barnabé, m,6; iV, 3. 8 (ηγοιπτ,αΐ/ος); pelés. Citons Didaché, vi, 2; vm, 2; îx, 5; x, 5; xi, v, 9-11; m, 12 (ό Γιός); vu, 2, 9; xu, 8, 9, 10; xv, 2, 4, 8; xv, I; xvi, 7, 8; Épitre de saint Barnabé, iv, 5; / Cor., xxxvi, 4; S. Ignace, Ad Magn., vm, 2; 12, 13; v, 1-5; vi, 3-4, 12-19; vu, 2; xu, 10, 11; xiv, xm. 1; Ad Eph., iv, 2; xx, 2; Ad Rom, suscr.; 4,5; xvi, 8; S. Clément de Rome, 1 Cor., xn, 7 ; xm, 1 ; Ad Trail, suscr.; S. Polycarpc, Ad Phil., xu, 2; XVI, 2, 7; xx, 11; xxi, G; χχιν, 1; xxxn, 2, etc.; Martyr Polycurpi, xiv, 1 ;xvu,3; xx,2 (.«. σ · zoû;). Il 2109 l’ILS DE DIEU faut observer que Jésu» ' *»l dit plusieurs fois dans ces documents παί; θεού; même s’il fallait y voir le sens dc «serviteur de Dieu », on ne pourrait riencn conclure contre la divinité du Christ, car dans son humanité, celui-ci a vraiment réalisé la prophétie d’Isaie, xlii, 1 sq.; mais plusieurs fois certainement il faut traduire Fils de Dieu : 1 Cor., LIX, 2, 3 (4), zaCç ηγαπημε/ος; Martyr. Polyc , χιν, 1, 3 (αγαπητού παι&ός); xx, 2 (παί/ό; μονογενούς); sans doute que le même sens, ou un sens vague renfermant à la fois l’idée dc filiation et aile dc service, cf. Sap., n, 13, 1«; Act., ni, 13. 20; iv, 27, 30, est à mettre dans Didaché, îx, 2, 3; x, 2, 3, ct dans ΓÉpitre de Barnabé, vi, 1 ; îx, 2, d’autant que ces passages sont des formules liturgiques ou des cita­ tions. Cf. Is., L, 10. Voir Athénagore, Légat., 10; Clément d’Alexandrie, Strom., \ II, 1, 4. Sur la filiation divine du Christ quelques textes dc saint Ignace restent à expliquer. 11 semble que par­ fois cette filiation est rapportée à la conception de Spiritu Sancto, Ad Smyrn., i, 1; Ad Eph., xx, 2; bien plus, cela parait être en opposition avec le carac­ tère inengendré, αγέννητο:, dc sa nature divine. Ad ΕρΙι.,χπ, 2; ci. J. Tixcront, Histoire des dogmes, La théologie anténicécnne, p. 130. Observons cependant que les textes assez nombreux du même saint, rappelés plus haut, attribuent au Christ la qualité de Fils abso­ lument, sans relation avec son incarnation; que la préexistence auprès du Père et la divinité de Jésus sont, d’après lui, incontestables et que, Ad Magn., vm, 2, il semble même associer Fils ct Logos D’ailleurs, Ad Eph., xx, 2, il affirme le Christ fils de David selon la chair, ct ainsi fils de l’homme (contre les docètes) ct dc plus, mais non pas nécessairement pour la même raison dc conception humaine, fils de Dieu; enfin, Ad Eph., vu, 2, il oppose nature humaine et nature di­ vine; or celle-ci est vraiment inengendréc (Deus per­ sona,non divinitas generatur) ; ainsi Jésus est « Dieu fait chair » et comme tel · né de Marie ct dc Dieu, » pas­ sible, mais maintenant impassible (dans son huma­ nité). Seul le passage Ad Smyrn., i, 1, semble donc fonder clairement la filiation divine sur la conception par la vertu dc Dieu; mais cela pourrait ne pas exclure un fondement autre et plus divin ct ne serait dès lors qu’une expression outrée de la naissance virginale. 3, Dc plus, les Pères apostoliques se réfèrent deux ou trois fois à quelque formule plus profonde de saint Paul ou même de saint Jean; mais l’objet de leurs écrits ne les attirait pas en celte direction. La l Cor., χνι, 2, fait allusion à Phil., n, 5-7, quand elle parle de l'humilité de Jésus-Christ, appelé « le sceptre de la majesté de Dieu, » cf. Heb., i, 8, et Ps. xi.iv, 7; au c xxxvî. 2-5, en citant largement Heb., i, 3 sq., le Christ est dit « comme le miroir dans lequel nous voyons le visage immaculé el plein dc noblesse dc Dieu, » « le rayonnement de la majesté divine, · « le Fils · du Ps. n. 7, 8, assis à la droite de Dieu, etc. Saint Ignace appelle le Fils de Dieu < qui était avant les siècles auprès du Père, > Ad Magn.,xi. 1; la pensée du Père, γνώμη τού πατρός, Ad Eph., m, 2; son verbe Sorti du silence, δς έστιν αύτού λόγος σιγής προελΟών, et « l’exécuteur fidèle des volontés dc celui qui l’a envoyé.» Ad Magn , vm, 2; comme l'indique ce second mem­ bre dc phrase, il s’agit ici dc l’incarnation du Logos dc Dieu, non d’uno procession éternelle άπο Σιγή;» comme dira plus lard Valentin, Cf. A. Lclong, Les Pères apos­ toliques, Paris, 1910, l. m, p. xxvi-xxvm. Sur toute* 1rs question* précédentes, <>n consultera dans In collection Hrinincr-Lcjcny, Les Pères apostoliques, t. t, n, m, Paris. 1907. 1910.1rs Introduction»:.*. Barnato p.LXXVLXXVi: 5. Clément, p. xi.ix-ia; X. Ignace, p. xxxiv-xxxv; I Tixcront Histoire des dogmes. La théologie anténicécnne, céédil Pari* 1912 p. 118-156? B. Hrurlirr. I c dogme de la Trinit/dansr Épitre de uiint Clément de Home ri le Pasteur 2410 • d'Hermas, Lyon. 1900; J. Schaane. Histoire des dogmes trad. Degrrt, Paris. 1903 t. j p. 52-64; H-Λ Montagne, La doctrine dr taint Clément de Hume sur la peru.nne et Γtenure du Christ, dans la Hernie IhomLde 1905. p. 296-312. Les ouvrages généraux de Freppel. Lightfoot, Funk. Hennrckc; 1« arL lUnsAnf, Apôtres (Doctrine des douze}. Clî.mlkt (de Home}. avec leur bibliovniphie, ainsi que Esprit-Saint, t. v. col. 753-754. I. Jusqu’à présent, nous avons laissé dc côté Hermas: sa doctrine sur le Fils de Dieu est, cn effet, très obs­ cure et mérite une considération spéciale. a) Hermas ne nomme jamais Jésus, ni le Verbe, ni le Christ (cependant des formules répétées, SVIII, IX, supposent cc dernier nom connu : être appelé du nom du Fils dc Dieu, condamné pour son nom. le porter, de,; il s’agit évidemment du nom de < chré­ tiens »). 11 appelle peul-clro Jésus-Christ deux ou trois fois Seigneur, Vis., 111, vn, 3; Sim., IX, xiv, 3 : « Je remerciai le Seigneur d’avoir eu pitié de tous a ux qui tirent son nom du sien (ou qui invoquent son nom);» Sim., IX, xxvm, 5, 6, qui identifie « souffrir pour le nom du Seigneur » et « pour le nom du Fils de Dieu, » expression à noter; mais · Seigneur » est le nom ordi­ naire dc Dieu chez Hermas. b) Hermas parle du Fils dc Dieu, à Γίλς τον θεού, une première fois en passant dans cette phrase remar­ quable, Vis., II, il. 8 : « le Seigneur l’a juré par son Fils, » ce qui s’entendrait difliakment d’une créature; cl puis Sim., V. v, 6; VIH. m, 2; xi, 1; IX, ι, 1; xii-xvm, très souvent; enfin xxvm, 2. 3. 11 faut dire d’abord qu’il s’agit dans tous ces textes d’un Fils unique et d’un Fils de Dieu par nature : c’est le Fils dc Dieu, le Fils, le Fils bien-aimé, etc.; Fils préexistant par conséquent; « il est né (πρόγτνέσττρος) avant toute créature ct il a même été le conseiller de son Père dan* l’œuvre de la création, » IX. xn, 2; · aux derniers joun* du monde il s’est manifesté, · ibid., 3; « son nom. c'est-à-dire sa personne, est grand ct infini (ou incom­ préhensible, άχώρητυν) et soutient le monde entier; toute la création est soutenue par le Fils de Dieu. » Ibid., xiv, 5. Cf. Heb., I» 3. Cc sont des notions ct des expressions traditionnelles sur le Fils dc Dieu; 1 icrmas les emploie, non pas en passant, mais comme doctrine Largement développée el enseignée. c) Mais quel est ce Fils dc Dieu ct qu’est-il? Le Fils de Dieu, pour Hermas, c’est Jésus-Quist; c’est son nom propre; presque unique, avons-nous dit, comme dans l’Épltre aux Hébreux, la Irt lettre de saint Jean ou le pseudo-Bamabé, dans Sim., V. v, 2. 3; vi. 1, 2; λ HL ni, 2; xi. 1; IX. χιι-χμπ; ce dernier passage assez étendu parle continuellement de ceux qui portent le nom ou le sceau (par le baptême) du Fils dc Dieu, qui souffrent pour lui, qui prêchent le nom. les enseigne­ ments du Fils de Dieu, s’endorment dans kx vertu el la foi du Fils de Dieu, etc., xv, 4; xvi, 3, 5, 7; xvu, 1, 4; xvm. t; xxiv, 4; xxvm. 2. 3. Ces textes désignent clairement le Christ; l’ensemble insinue une nature transcendante, divine; pas un ne fait la moindre allu­ sion à ΓEsprit-Saint ou à un ange quelconque. <0 Cependant il reste quelques textes qui font plus que des allusions, et qui mettent directement cn rela­ tion le Fils de Dieu avec le Saint-Esprit ou peut-être meme avec l’ange suprême, appelé aussi saint Michel. a. Comparons d’abord le Fils de Dieu et cct ange suprême dans le Pasteur Ils semblent parfois s’iden­ tifier; il est, en effet, curieux que 1 Icrmas ne parle tou­ jours que de six anges principaux. Vis., III, n, 5; iv, 1 ; Sim., IX, ιιι,Ι, tandis que l’Écriturc cn compte sept. Tobie, xn. 15; cf. Apoc. i, 4; m, 1; v, 5; vm, 2. Au-dessus d’eux, tout à fait séparé, il y a · l’ange très vénérable », I is., V, n; Aland.. V. i. 7; * l'ange saint ·, Sim., \', iv, 4; · l’ange glorieux ». Sim., VII. i, 3, 5; VHI, If 2, 3, 5, 16, 17,18; n, 1, 5, G; m, 3; iv, 1; IX, 2 iff FILS DE DIEU i, 3; χπ, 8, D’après Λ. Lelong, op. cit. (notes sur ccs passades ct introduction, loc. cil.), après Funk, l’iden­ tité du Christ avec cet ange serait très probable. Cette opinion a été combattue autrefois par Th. Zahn, op. cit., p. 263-282, récemment par O. Bardenhcwcr, op. cit., p. 95. Nous nous rallions à celte dernière manière de voir. Aucun texte, en ciïet, ne donne au Fils dc Dieu si souvent nommé le titre d’ange ou à un ange le titre de Fils dc Dieu. Ensuite Michel est clai­ rement opposé au Fils de Dieu, Sim., VIII, ni, 3 : le Fils de Dieu, c’cst le grand arbre dc ccttc similitude ou la loi donnée au monde, tandis que le grand ange glorieux, i, 2; ni, 3, qui sc tient près dc l’arbre ct cn distribue les rameaux, c’cst Michel qui gouverne le peuple ct est préposé à l’évangélisation des peuples. Quant au parallèle signalé entre ccs fonctions ct celles du Fils de Dieu, Sim., V, vi, 2, 3; IX, vi, 7, il ne peut que par hyperbole être dit remplir «exactement le meme rôle; ·en réalité les cas sont suffisamment diftérents : Miclicl simplement gouverne, fait prêcher la loi (qui est le Fits de Dieu) ct veille sur les croyants; le Fils dc Dieu est la loi même, ou le maître dc la vigne qu’il a purifiée par scs immenses labeurs; il est représenté, il est vrai, comme un homme dc taille colossale, entouré des six anges qui avaient travaillé à la tour, Sim., IX, vi, 1, 2; mais c’cst dc nouveau le propriétaire dc la tour, ce que n’est pas l’ange, ct si six anges seulement l'entourent, c’cst qu’il s’agit des ouvriers dc ccttc tour. En résumé, tout nous porte ù croire que le sep­ tième ange suprême dc la tradition juive qu'Hermas aura mis tout à part, c’cst précisément non le Fils dc Dieu, mais saint Michel l’ange glorieux ;ct les deux sont nettement distincts. b. Le Fils dc Dieu et le Saint-Esprit. — « Pour Hcrmas, c'est le Saint-Esprit qui s’est incarné... La Tri­ nité sc compose de Dieu le Père, du Saint-Esprit préexistant & la création, ct d’un homme (Jésus) qui a mérité par ses vertus d’etre associé au Saint-Esprit et de devenir par voie d’adoption le Fils dc Dieu. Sim., V, v, vi; IX, i. » A. Lelong, op. cit., p. lxxix. Examinons d'abord ccs textes, cn commençant par le dernier, Sint, IX, i, 1-3, assurément le plus clair con­ tre l’orthodoxie d’Hermas. Celui-ci avait eu successi­ vement des révélations par l’Église sous deux ligures, puis par l’ange de la pénitence (le Pasteur) ct cela d’après ses progrès dans la vie intérieure; mais le Pasteur lui déchire maintenant qu’au fond, c’était le meme esprit saint (ou Esprit-Saint), qui par ccs divers intermédiaires lui parlait el cet esprit, c’cst le Ills dc Dieu, Isiîvo γάρ το πνιΟμα 6 υιός τοΟ Θιού έστιν. Cela est clair s’il s’agit du Saint-Esprit ; mais ne pourrait-il pas s’agir ici dc l’esprit saint déterminé, xb ϊαλήσαν, celui qui donnait des révélations à Hennas? Tb πνιύμα xb άγιον est employé par Hermas en divers sens : ainsi, Sim., IX. xxiv,2, parle des bergers « revê­ tus du saint esprit des vierges · (qui sont les vertus). Cf. A/und., XI, vm,9. D’autre part,le Fils de Dieu ct l’Esprit-Saint, lorsqu’il s’agit d’eux au sens certai­ nement personnel, ne semblent jamais être conçus par Ikrmas que selon la foi traditionnelle; nous avons parlé plus haut dc Fils de Dieu; les fonctions du Saint-Esprit cn nous sont décrites, Aland., V, IX. XI; cf. Sim., V, vu, 1, 2; IX, xxv, 2; enfin on sait l’indé­ termination du mot χτιίΟμα meme avec les adjectifs «7’ov, lifov, etc., dans la première littérature chré­ tienne; le χνίζμα άγιον de Luc., i, 35, a été entendu du Verbe divin par beaucoup de Pères, cf. Justin, Λ pot., I, 33, 6; Calliste, dons Philosophoununa, IX, 12; Hippolyte, Adocrstu NoeL, iv; Tertullien, Adversus Pruxeam. xxvi; S. Cyprien, Quod idola dit non sint, xi; S. Athanase, Dc incarn., xvm; S. Hilaire. Dc Trin.it., π, 26, et saint Paul lui-même. Boni . x, 1, désigna probablement la nature divine du Christ par 2412 les mots πνεύμα άγιωσύντ,ς; cf. I Cor . xv, 15; H Cor., m, 17; I Tint, ni, 16; I Pet., m. 18; Hcb., ix, 14; J. Lebrcton, op. cit., p. 252-253,316; enfin pseudoClément, // Cor., ix, 15; xiv, 2. 11 nous reste Λ considerer le passage, Sim., V, v-vi, dont le fond est une parabole destinée à recom­ mander les œuvres surérogatoircs. Un maître planta une vigne, puis la confia à un esclave ; en soi, cela serait possible, voir plus haut; mais cela ne semble pas probable dans le contexte à cause du caractère trop clairement personnel dc l’Esprit-Saint symbo­ lisé, créateur, habitant dans l’humanité ( — la chair) du Christ comme dans la nôtre, etc. D’autre part, il nous parait qu’on tire trop ct de trop grosses consé­ quences de quelques phrases paraboliques, confuses ct isolée^ ou à peu près. Nous verrions plutôt ici la simple description de. la vie méritante du Christ en tant qu'homme, sous la direction du Saint-Esprit habitant cn lui comme cn nous tous (le même verbe, χαχοιχ:·:*, est employé, vi, 5, 6, 7), cn qui il ne s’in­ carne pas évidemment, cc qui est très évangélique ct très juste; puis, la description de la récompense de cette humanité, .issociéc à h gloire de l’Esprit servi, c’est-à-dire de Dieu, en raison du parallélisme para­ bolique; tout au plus y aurait-il là un peu d’adoptia­ nisme non pas rigide (rien que la filiation adoptive) mais mitigé : filiation adoptive dans l'humanité outre 2413 FILS DE DIEU la filiation naturelle de la personne divine; encore ne Ç faudrait-il pas être trop sévère dans l’interprétation dc quelques expressions.On dira qu'Hermas ne parle pas de cette filiation naturelle divine; mais il ne l’exclut pas davantage, si nous l’avons bien compris; dc plus, il n’en parle pas dans ce texte, peut-être, bien Cfu’il soit dit fils avant d’être envoyé ; mais il en parle ai Heurs assez clairement (voir plus haul) et c’cst bien toujours le même Fils de Dieu,· cet homme est le Fils dc Dieu,» Sim., IX, xn, 8, le Fils de Dieu qui vient d’etre décrit préexistant, créateur et puis manifesté à la fin des temps pour être l’unique porte du royaume dc Dieu Ibid., xn, 2, 3. Cette interprétation, au fond ortho­ doxe, dut être celle dc l’Église orientale et occidentale qui, dès la fin du n· siècle, tint cn si haute estime le Pasteur, P. G., t. n, col. 819-834, et c’est un nouvel argument extrinsèque cn sa faveur, A. Lelong, Les Pères apostoliques, Paris, 1912, t. iv (avec bibliographie abondante), p. ι.χχνιιι·ι.χχχι, théologie trinitairc ignorante · d’un petit bourgeois sans instruction, > hétérodoxe. Sont tic même pour l’hétérodoxie du Pasteur, J. Tixeront, op. cit,, p. 127-128; O. Bardenhcwcr, Les Pères de ΓÉglise, trad. Godet- VcrschafTcl. Paris, 1898, p. 94; Harnack, Dogmengeschichtc, 4· édit., t. i, p. 211-221; Rauschcn, Éléments de putrologie, trad. Ricard, 2· édit.. Paris, 1911, p. 50-57« Pour l'orthodoxie, B. Heartier, op, cit., après Hcfelc, Patrum apostol. opera, p. 386 sq.; Domer, Enludcklungsgeschichte der l^hre von der Persan Christi. 2· édit., 1845, t. i, p. 190-205; Ginouilhac, Histoire du dogme catholique, Paris, 1852, t. n, p. 505-507; Sccbcrg, tshrbuch der DogmcngezMchte, 1895, t. i, p. 22; Frcppcl, Schwanc, Th. Zaha.Dcr Hirt des Hermas, 1868, p. 253-282, etc. ;\Vcincl. dans les Neutestamcntl. Apocryphen d’E. llcnncckc, 1904, p. 217-229, conclut ù la confusion indéchiffrable dc la chris­ tologie du Pasteur. Voir encore Scherer, Zur Christologie des Hermas, dans Der Katholik. 1905, t. xxxn, p. 321-331. 5. Nous nous sommes suffisamment rendu compte dc la foi dc l’Église postapostolique au sujet du Fils dc Dieu; nous ne nous arrêterons donc pas sur le témoi­ gnage trinitairc très important, étudié ailleurs, du symbole des apôtres. Voir Apôtres {Symbole des), 1.i, col. 1670-1680; Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 11e édit., 1911, p. 1-10. 11 ne sera pas non plus néces­ saire dc rechercher ici les traces dc cette foi dans les apocryphes orthodoxes, Actes, Apocalypses, Évan­ giles, dont plusieurs remontent au Ier et au IIe siècle. Citons seulement Ascensio Isane,qui fait voir au pro­ phète la trinité, l’incarnation, le Verbe, par exemple, m, 13, voir E. Tisseront, L'Ascension d'Isaïe, Paris, 1909, p. 108sq.,ct les Odes de Salomon récemment décou­ vertes (livre chrétien des environs de l’an 100-120, cf. P. Butillol ct J. Labourt, dans la Revue biblique, 1910, p. 483 sq.; 1911, p. 5 sq., 161 sq.), dont on con­ sultera, pour la christologie et l’incarnation du Fils dc Dieu, les odes vu, 5-8; vm, 24; xix, 1-4; xxn; xxm, 16, 20; xxvm, 14-16; xxix, 6; xi.t, 8-17. Pline le Jeune n’avait donc pas été trompé, lorsque, comme il le rapportait à Trajan en 112, x, 97, on lui avait dit que le résumé dc la vie chrétienne consiste Λ chanter des hymnes Christo quasi Dco. 2° Pères apologistes, — Les témoignages que nous venons d’étudier, comme ceux dc l’Église primitive, descendent directement de la foi trinitairc ou des explications de saint Paul Sauf peut-être deux ou trois textes de saint Ignace (et les Odes de Salomon), aucun ne semble influencé par la théologie johannine; cn tout cas. pour aucun la question de l’hellénisinc ou du plutonisme ne se pose, pas même pour l’AIexandrin qu’était le pseudo-Barnabé. Il en est tout autre­ ment pour les Pères apologistes qui n’affirment plus seulement leur foi, mais la mettent cn rapport avec leur philosophie : ce sont les premiers* philosophes I chrétiens. Nous rtirons donc désormais Λ examiner si ( leurs écrits, bien différents des précédents, d’essence I 2414 apologétique ct cn partie philosophiques, apparus dans l’Église de 125 à la fin du il· siècle, contiennent réellement la foi en la divinité du Verbe Fils de Dieu, si cette foi n’est pas telle qu elle soit au fond antitnnitairc ct qu’elle soit plus dérivée dc F alexandrinisme que du christianisme. 1-es remarques générales à faire sur l’état dc celte question ont été esquissées à l’art. Saint-Esprit, col. 696-698. En résumé, nous allons constater que la foi en la divinité du Verbe Fils dc Dieu existe indubitablement au ir siècle, comme au 1er, dans l’Église chrétienne, sans solution de conti­ nuité parce que, dc fait, la foi du n* siècle dérive, au moins substantiellement, de celle du ι·Γ, c’est-à-dire de l'enseignement ecclésiastique et ainsi finalement de la révélation et non pas dc la philosophie quelle qu’elle soit : fait dont d’ailleurs les apologistes ont pleine­ ment conscience, cf. 'Fixeront, op. cit., 1.1, p. 227-230; Mgr Batitlol, introd. au livre de M. Rivière, Saint Justin cl les apologistes du H· siècle, p. χιχ-χχιχ; enfin que celte foi n’est pas antitrinitaire, car elle le serait,ou bien si elle niait la personnalité distincte du Fils de Dieu et elle ne l’a jamais fait, ou bien si elle niait sa vraie ct stricte divinité el elle ne l’a pas fai* non plus cn définitive. Les apologies ne sont pas des sommes dogmatique», mais des exposés très incomplets du christianisme. Elles furent écrites pour écarter des objections et pré­ senter des raisons persuasives pour les païens du n· siè­ cle. Parmi les objections ct les raisons, quelques-unes concernent la doctrine de Dieu-unité ct trinité. Voir P. Batiffol, loc. cit., p. xxii-xxiv. 1. Relevons d’abord les traces certaines de la /of traditionnelle el orthodoxe : personnalité distincte de Jésus, Fils de Dieu, Dieu, le Dieu unique du mono­ théisme. a) L’Épitre ad Diognelem, écrit apologiste plutôt qu’apostolique, dit, c. vu, 4, 8, 9; ix, 2; x, 2, Funk, Patres apostolici, t. i, p. 322, 326, que Dieu a envoyé non pas un ange, un prince préposé au gouvernement du monde, mais le créateur même ct l'organisateur du monde entier par qui il a fait les deux, · comme un roi envoie le roi son fils, comme un Dieu. » Dieu nous a donc donné son Fils, son propre Fils en rançon, ct l’oeuvre de celui-ci, dans les martyrs en particulier, • n’est pas l'œuvre d’un homme, c’cst la puissance de Dieu et le signe de son apparition; un mot, xi, 4. 5, fait peut-être allusion à une génération temporel!· du Fils dc Dieu, car < Verbe toujours, il esl devenu Fils aujourd'hui; » mais cette finale esl probablement de saint Hippolyte. I/Apologie d'Aristide renferme ce texte remarqua­ ble, n. 2, édit, de Rvndcl Harris, Texts and studies, Cambridge, 1891, l i, fasc. ltr,p. 36: < Les chrétiens reconnaissent que leur religion a commencé avec Jésus-Christ, qui est appelé le Fils du Dieu tout-puis­ sant; et ils disent que Dieu est descendu du ciel... et que le Fils dc Dieu a habile dans une fille des hom­ mes; » la version arménienne, après un passage à peu près identique, poursuit : · 11 est leVerbe qui, de la race juive selon la chair, est né de la Vierge Marie, mère de Dieu. » Ibid, p. 29, 32. Cf. dom Pitra, Analecta sacra, 1882, t. iv, p. 8, 284. b) Quant aux autres apologistes, pour plus de clarté et de brièveté, le développement chronologique étant ici à peu près nul. nous présenterons leur doctrine synthétiquement comme pour les Pères apostoliques a. Comme signes de la foi traditionnelle, nous rappellerons d’abord les /annules Irmilaires déjà men­ tionnées, art. Esprit-Saint, col. G08-701, par exemple, S. Justin, Apol., i, 6, 13, 61, 68, etc.; Athénagorc. Legal., x, · nous affirmons un Dieu Père, un Fils Dieu et un Saint-Esprit et nous démontrons leur puissance dans 1 unité et leur distinction dans leur 2415 FILS DE DIEU 2416 ordre;» 12, 24; S. Théophile, Ad Autolycum, ι, Ί; unique de cette filiation divine, puisqu'elle donne â n, 10» 15. 18. Les apologistes à diverses reprises Dieu le Père un Fils Dieu. Cf. S. Justin. Apol., i, 23; affirment non pas plus explicitement, mais plus A pot., n, 6; Dial., 63; Athénagorr. Supplie., x; Clairement et plus directement, la divinité du Verbe. Théophile, Ad AutoL, n, 22. On applique parfois au Fils, il est vrai, par exemple, Dial, cum Tryph., 71, Ainsi saint Justin, Apol., ï, G3, « un Fils qui est Verbe, premier-né de Dieu, Dieu; » Dial, cum Try­ le texte des Prov., vm. 22: κύριος ίκτισί με, d’après phone, 36-38, divinité du Messie par des textes de la traduction des Septante (qui gêna toute la litté­ psahnislcs; 18, · cc Christ est Dieu » ct surtout les rature chrétienne jusqu’à Eusèbe, lequel adopta n. 56*61 destinés ex pro/esso à prouver, comme l’a Γέχτησατο, possedit, d’Aquila, Thcol. cedes., in, 2, P. G., t. XXIV, col. 976), ce qui n’était pas pour favo­ demandé Tryphon, 50, 55, « qu’il y a un autre Dieu à côté de celui qui a fait l'univers :» Justin le prouve riser la mentalité consubstantialiste; mais c’est une par les théophanics anciennes de Dieu, d’un Dieu citation et le Verbe, Dieu ct Fils de Dieu, n’est certainement pas pour les apologistes une créature, qui ne peut être le Père invisible, mais qui est le Logos, Dieu, 56-60; puis par la doctrine de la Sa­ χτίσμα; il a été, au contraire, avant toute créature. S% Justin, Dial, cum Tryph., 125, 129, etc.; Alhénagesse engendrée, 61; par le pluriel de la Genèse, en gore. Supplie., x; S. Théophile, Ad AutoL, n, 10, 22. parlant de Dieu, 62; enfin par les psaumes, 63-64; Comment a-t-il été? il a été engendré : c’est le mot dans toute la suite, d’ailleurs, on retrouve des af­ firmations parfois splendides de ce point désormais uniformément répété pour exprimer son origine; voir acquis, 68, 71 (Dieu cl homme), 72, 73, 87, 110, 113, S. Justin, Apol., i, 22, 23, 33, etc.; Apol., n, 6, 115, 125-129, ct Justin répétera devant le juge le 13, etc. ; Dial, aim Tryph., 61-63, 105 (proprement témoignage de sa foi en « l’infinie divinité » de JésusU/ως,engendré), 129: « le Père l’a engendré avant toute Christ. fils de Dieu. Acta S. Justini, dans Otto, Corpus créature ct l’engendré diffère numériquement de l’en­ apofogeL, t.in,p, 266 sq. On remarquera que ccs textes gendrant, comme tout le monde doit en convenir, ■ etc. donnent presque toujours au Verbe le nom de Oté;,mais Taticn, Oral., 5, 7, et les derniers textes cités de non de ό écé;, approprié au Père, dans toute l’ancienne Théophile et d’Alhénagore littérature chrétienne, parce qu’il est le Dieu-principe; Cette génération divine est mise rarement en rela­ o 6ié;dc Dial., 56, 113, signifie le Dieu (Logos) dont tion avec l’incarnation virginale, Apol., i, 21; Dial, il est question; cependant observons que les textes cum Tryph., 63; une fois avec le baptême, ibid., 88 anciens nommant Jahvê, ό Οιός, Dieu au sens absolu, (qui cite Luc., m, 21, 22, avec Ps. n, 7 : filius meus es sont appliqués sans scrupule au Christ, au Vérbe, par tu, ego hodie genui te; voir plus haut cc qui est dit de les apologistes comme par les écrivains inspirés, par cc psaume et les remarques d’Archambault, op.cit.,sur exemple, Dial, cum Tryph., 36-38, 63-61 ; ce qui dé­ cc passage); mais d’ailleurs il est manifeste ct par ces montre que celte appropriation nc réserve pas pour textes mêmes (lire tout le n. 88 du Dialogue) que le le Père seul la divinité proprement dite, mais n’est baptême n'est pour Justin qu’une « manifestation >de qu’une appropriation. Voir t. i, col 1710, 1713 la filiation divine du Christ. En effet, celui-ci n’est que On trouve la même foi explicite à la divinité du le Logos,fait homme (cf., par exemple, Z)/a/.,105, qui Verbe ct du Christ dans Taticn, Oral., 5, 13 (Dieu semble sc référer à Joa., i, 14,18), le Logos Fils de soutirant), 21 (Hbv Im ανθρώπου μορρή), P. G., t. vî, Dieu,engendré avant toute créature, d’une génération col. 816, 836, 852; Athénagorc, Supplie., x, xxiv, purement divine qui a précédé tous les temps:il est le ibid., col. 909, 945; Théophile, Ad Autolyc., n, 10, πρωτότοκος, c'est-à-dire le premier engendré, Apol., i, 22, ibid., col. 1061-1065, 1088. Enfin notons ici l’uni­ 21, etc., ou mieux l’engendré avant la création elleque passage de Minucius Félix, Octavius, xxix, P. L., même, voir plus haut à peu près tous les textes parlant t. m, col 331-332, qui parle du Christ pour l’alllrrner du Filsct de sa génération; bien plus,il est dit engen­ clairement le vrai Dieu adoré des chrétiens. dré par le Père pour la création, ce que nous explique­ b. Autant que sa divinité, la personnalité distincte rons plus loin. Cette génération n’est guère expliquée; du Verbe est mise en relief. Nous avons vu que le les mols< fils », · engendré » sont acceptés de la tradi­ Dialogus cum Tryphone, 56-64, tend précisément tion et de la révélation écrite, mais ils nc sont pas â démontrer l’existence d’un εηρος θεός, autre, pré­ encore sondés. Saint Justin dit, Apol., i, 22,qu’il s’agit cise le docteur chrétien, αριθμώ, numériquement, d’une génération toute particulière. Cependant c’est bien qu’il soit toujours d’accord avec le Dieu suprême une vraie génération. Dial., 105; à qui est appliqué le Créateur ct Père, ά>λα ου γνώμτ), 56. Plus loin en­ ps. cix, 3, ex utero ante luciferum genui te (traduction core, 128, 129, est expressément réfutée l’opinion qui d!S Septante), ibid., 63, etc.; il écarte, Dial., 128, n’aurait voulu voir dans le Logos qu’une vertu du ct de même Taticn, Orat., 5, toute idée de génération Père, lorsqu’il agit» semblable seulement au rayon­ par séparation, amputation, et cc dernier dit que c’est nement du soleil, lequel disparaît lorsque celui-ci simplement une communication comme le feu est com­ n’agit plus, ct peut-être faut-il voir dans les « quel- ; muniqué d’un flambeau à l’autre sans diminution du ques-uns > qui parlaient ainsi des ancêtres judéopremier ou comme nous produisons hors de nous notre chrétiens du modalismc,L. Duchesne, Histoire ancienne parole sans nous en priver : double comparaison em­ de ΓÉglise, t. i, p. 308-209; mais il est possible aussi pruntée à son maître. Dial, cum Tryph., 61. Athé­ que ce soient des juifi, de l’école de Philon. Cf. De nagorc, pour montrer qu’il n’y a rien de ridicule ni de somniis, I, xm; voir Harnack» Dogmcngcschichte, t. i, fabuleux dans ccttc doctrine, insiste sur la nature p. 187 sq., note. Des affirmations semblables sc ren­ intellectuelle de ccttc filiation qui sc fait en quelque contrent dans T itien, Orat., 5; Athénagorc, Supplie., façon dans l'intelligence divine. Legal., x. xxiv. Enfin x, xii; Théophile, Ad Autolyc., n. 22. Athénagorc. loc. Théophile appuie sur son essentielle immanence divine cit., admet là comparaison du rayonnement du soleil in visceribus insitum,u, 10, non ut poetic filios deorum... rejetée par saint Justin, mais certainement, comme ex concubitu genitos, sed ut veritas narrat. Verbum l’Ecriturc, Hcb., i, 3; Sap., vu, 26, en ce qu’elle est semper existenx et in corde Dei insitum. Ibid., n. 22. juste, tandis que le maître romain voyait surtout en d. Second Dieu, Fils de Dieu. Verbe, Jésus-Christ désignent la même réalité.Aristide, 2; Justin, Apol., I, elle la partie qui cloche c. D’ailleurs, il est bien évident que le Verbe-Dieu est 23, 16, 5, 32; Apol., n, 6, 8, 10; Contra Marcionem, distinct de Dieu le Père, puisque essentiellement il est cité par S. Irénée. Cont. hær., IV, vî, 2, P G., t.vu, •on Fils; les textes cités ct bien d’autres encore le , col. 987, etc.; ct les autres apologistes, toc. dl Mais répètent sans cesse; ct ib insistent sur la qualité [ il semble que, pour les apologistes,c’est le mot Verbe, 2417 FILS DE DIEU Logos, qui csl comme le nom propre de cotte réalité, l’exprimant d’après sa nature absolue. Voir spéciale­ ment S. Justin, Apol., i, 5, 21, 32, 60, 63; Apol., n, 6,8-10, 13, etc.; Dial, atm Tryph., 61, 105. de; Taticn, Oral., 5, 7 (on remarquera que Taticn nc parle que du Verbe, jamais du Fils de Dieu); Athénagore, Supplie., x, xn; S. Théophile, Ad AutoL, n, 10,22; ci. Cohort, ad Græcos, 3.8, Le sens du mot est supposé connu, car il n’est Jamais expliqué, ct, de fait» les textes en manifestent la double signification alors courante de Pensée et de Parole; de là ccs synonymes d’idée, Athénagorc, x; de Sagesse, Dial, cum Tryph., 61, 62, 108, 126; Théophile, Ad AuL, H,22; de Puis­ sance rationnelle, Taticn, Oral., 5; cf. Justin, Dial, ami Tryph., 61, δύναμις λογική, qui sc réfèrent d'cllesmcincs plutôt à l'intelligence absolue de Dieu, mais que les mots : « Verbe » ou « engendrer » attirent ordi­ nairement dans ccttc sphère relative de prolation ct de procession qu’ils impliquent. Cc Verbe est indubi­ tablement éternel, strictement éternel, au moins en quelque manière; ainsi en est-il du Verbe « toujours existant, ici συμπαρών αύτώ, dans le cœur, dans les entrailles du Père, · Théophile, Ad AuL, n, 10, 22; du Verbe « Puissance intellectuelle enfermant toutes choses, lorsque Dieu était seul, » Taticn, Oral., 5; du Verbe qui subsistait indéfiniment avant d’etre en­ gendré, S. Justin, Apol., il. G; Dial., 62; du Verbe enfin qui, selon Athénagorc, x, « n’a jamais été fait, puisque de toute éternité il était en Dieu, éternel­ lement λογικό:. » c. Relativement au inonde, le Logos, Fils de Dieu, a un premier rôle de créateur universel : rôle à la fois efficient ct exemplaire : par lui, Dieu a conçu le monde et l’a réalisé tout entier, forme et matière. Voir Cura­ tion, t. in, col. 2059-2061, 2115-2120. Relativement aux hommes, le Verbe est de plus révélateur, révéla­ teur parfait en Jésus-Christ avec qui nous avons tout le laigos (toute la science parlée) du Père, S. Justin, Apol., n, 8, 10, 13; révélateur imparfait, mais sans erreur pour les patriarches et dans les prophètes, Apol., i, 63; Dial, cum Tryph., 53-61; Apol., u, 10, etc.; révélateur encore plus imparfait et que l’erreur humaine a malheureusement défiguré chez les philosophes païens : on connaît la théorie de saint Justin sur le Logos σπερματικό;, répandu dans le monde et principe de toute vérité connue par les hommes. Apol., i. 5, 59; Apol., u. 8-10, 13. Talien, Oral., 7, et Théophile d’Antioche, Ad AutoL, n, 10, connaissaient cette doctrine du Logos révéla­ teur universel. Voir t.i.col. 1593-1594. C’est â cause de cette fonction, que saint Justin appelle si souvent le Logos ange ct quelquefois apôtre, A pot., r, 63; Dial, cum Tryph., 60, 93, IO6, etc.; que ce soit là un nom de fonction plutôt que de nature, cela résulte de cc que le Logos est par nature θεός et ainsi absolument au-dessus de ceux qui sonl proprement des anges, Dial., 57; il est ange έχ τού υπηρετεί*», à cause de son ministère. Par conséquent il faut interpréter A poL, i, 6 : < Nous vénérons, adorons, honorons avec Lui (le Dieu Père des vertus).., le Fils venu d’auprès de Lui..., ct l’armée des autres bons anges qui l’escortent ct qui lui ressemblent, el Γ Esprit prophétique, » en prenant le mot · autres » substantivement : · l’année des autres, lesquels sonl aussi anges. » envoyés comme le Fils venu d’auprès du Père. Voir note de Pautigny sur ce passage, introd., p. xxix, et F. Cavallcra, l ne pré­ tendue controverse sur le Christ-ange, dans les Recher­ ches de science religieuse, 1911, t. n, p. 56-59. « Ainsi donc Je Verbe est vraiment Dieu. Fils de Dieu, engendré de lui ct réellement distinct du Père. C’est tout le fond de la définition de Nicée ct il suffi­ rait pour l’obtenir d’appliquer à ces prémisses une logique sûre cl une terminologie précise. Nos auteurs 2418 nc l’ont pas fait. > J. Taxeront, op. cil., p. 234-235. c) Nous avons, en effet, exposé jusqu’ici la doctrine orthodoxe des Pères apologistes : c’est assurément la substance du dogme catholique ct logiquement ce serait lui tout entier. Il faut maintenant parler de leurs expressions, tendances ou même doctrines erronées. Et d’abord, quoi qu’en aient dit les anciens adver­ saires de Petau, qui mit ces imperfections des Pères apologistes en relief, souvent avec excès il faut l’avouer, aucun principe théologique du traité De traditione ne s'oppose a priori à ce que plusieurs Pères nc fassent erreur dans l’expression et l’explication complémen­ taire d'un dogme, substantiellement affirmé par eux. On notera d’ailleurs le caractère particulier ct privé de ccs apologies, en général écrites par des Laïques con­ vertis, pour convertir des païens, par conséquent n'émanant pas des docteurs officiels de l'Église ct œuvres de témoins imparfaits, au moins œuvres im­ parfaites en haut qu'ils témoignent de h foi intime de l’Église. Si celle-ci a accueilli avec joie ces défenses de sa doctrine, il faut noter que La doctrine trinitairc y est très secondaire cl que ce n’est pas elle qu’on devait chercher dans les apologies; enfin que l’Église en fit usage peu longtemps, semble-t-il,car,depuis lev· siècle, on nc les a trouvées citées nulle part jusqu'à saint Jean Damascène ct à Photius ct en Occident jusqu’au xiv« siècle. On a reproché deux conceptions inexactes aux apo­ logistes : le subordmatianismc ct une génération tem­ porelle du Verbe. Comme il faut faire tout cc qui est possible pour écarter la contradiction,même indirecte, de la pensée d’un auteur, on a essayé de repousser ccs deux reproches. Outre les anciens, G. Bull, De/ensio fidei nicerme. Oxford. 1685-1686; Baltus, Dé/ense des SS. Pères accusés de platonisme, Paris, 1716; Bossuet, Avertissements aux protestants, i, vî; dom Maron, pré­ face et notes de son édition des Pères apologistes, Paris, 1741 (reproduites dans Migne, P. G., t. vî), et Divinitas D. N. J. C., Pans, 1746; Bergicr, Diction­ naire de théologie, art. Verbe, Trinité platonique, etc., citons parmi les théologiens plus récents, Frunzelin, De Deo trino, thés, x, xi, 3e édit., Borne, 1881, p. 145-206, ct à sa suite La plupart des manuels théo­ logiques, par exemple, L. Janssens, De Deo tnno, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 169-201; L. Billot, De sacra traditione, Home, 1901. p. 55-64; de même parmi les historiens du dogme, Ginoulhiac, L X, dans le t. n; Freppcl, op. cit. Cependant Newman, qui avait commencé par admettre la parfaite or­ thodoxie des Pères anténicécns, changea d’opinion (avec distinction de la foi substantielle et des expli­ cations inexactes). L'ssay. 1845, c. vm, sect, i, § 1 ; 1878. introd.; Arians o/ the fourth cent., note 5, p. 445 sq. ; J. Kuhn, Die Lelire von der gôltlichcn Dreinigkeit, Tubinguc, 1857, p. 107-286, reprit à peu près les positions de Petau, et depuis en général, les historiens du dogme, même catholiques, J. Schwane, avec des atténuations, Duchesne, 'fixeront, Feder, Pfüttlsh, Lcbreton (leçons sur les origines chrétiennes, ii· leçon. Paris, novembre 1907); A. d’Alès, Études, 1907, t. ex, p. 115-117, où il répond à des reproches de rationalisme du P. Murillo, ont fait de meme. Voir aussi Apologistiss (Pères), Atiii.nagohe,Cita­ tion, t. ni, col. 2118-2127. Cf. Feder, op. cil., pré­ face, sur tout ce mouvement d’opinions. a. Génération temporelle. — Le Verbe est éternel, du moins en quelque manière : nous l'avons constaté. Est-il éternel comme Fils d'abord ct puis comme per­ sonne distincte? Chez les apologistes, le Verbe nc semble pas engen­ dré comme Verbe; le Verbe nc semble engendré ct ainsi devenu Fils que lorsque Dieu va créer le monde ct que, pour cela.il profère, il fait sortir de lui en quelque 2119 FILS DE DIEU 2420 manière 1e Verbe jusqu’alors immanent en lui, pour cc Fils? < En résumé, c’cst le premier être engendré par être L» Principe de toute création ct de toute reve­ le Père, non qu’il ait été fait (γινόμενον), car éternel* lation. Parcourons, en cllct, les textes relatifs à la lenient Dieu, esprit intelligent (voO;, uo.), a son filiation ct â la génération du Verbe, Fils de Dieu; ou Logos; mais il a été proféré pour être l’idée el l’agir bien iis ne font que les mentionner, ou bien ils les (producteur) de toutes les choses matérielles. » Suit mettent de façon ou d’autre en connexion avec la la citation de Prov., vin, 22, « Dieu m’a créée au commencement de scs voies. » création. Citons saint Justin, Apol., π, 6 : « Son Fils, le seul qui soit appelé proprement Fils, le Verbe exis­ Enfin Théophile, avec la terminologie stoïcienne, précise cette conception du double état du Verbe. tant avec lui ct engendré avant h création, lorsque au Ad Autol., n, 10. Dieu, créateur de tout ex nihilo, commencement il ordonna par lui toutes choses, est « voulut créer l’homme pour sc faire connaître à lui appelé le Christ... » ό λόγος προ τών ποιημάτων χαΐ συνών ct pour l’homme il prépara le monde; ayant donc son (la subsistance éternelle probablement, cf. A. d’Alès, Éludes, 1907, t. ex, p. 114-116),-/.α’ι γιννώμβνος (géné­ propre Verbe immanent (IvôtâOerov) dans scs en­ ration, temporelle comme le montre la détermination trailles, il l’engendra avec sa Sagesse (l’Esprit-Saint), le proférant avant toutes choses;-il se servit de ce suivante) ôte την αρχήν (au commencement) Ôc* αυτού Verbe comme de ministre dans ses couvres ct par lui πάντα έχόσμηστ. Du même, voici un second texte il a tout créé. Plus loin,<ô(d., 22,* le Verbe de Dieu cit classique, Dial, cum Tryph., 61 : < Comme principe (άρχήν e premier, commencement, ct non pas au aussi son Fils (non a la façon des fils de dieux païens), commencement; c’est ainsi que tous les contempo­ mais comme Verbe toujours immanent (ένδιάΟιτον) rains de Justin, Taticn,Athénogorc, Théophile, Irénéc, au cœur de Dieu. En effet, avant que quoi que cc soit Tertullien, voir note d’Archambault sur cc passage, fût fait, Dieu l’avait pour conseiller,puisqu’il csl son comprenaient Prov., vin, 22 : le Seigneur m’a créé intelligence ct son jugement. Mais lorsque Dieu voulut commencement de scs voies pour scs œuvres, texte aire ce qu’il avait décrété, il engendra ce Logos et le que le Dialogue va citer immédiatement après), avant proféra au dehors (έγίννησι προφορικόν),premier-né de toutes les créatures, Dieu engendra de lui-même, έξ toute la création (cc qui montre encore une fois qu’il έαυτον, une certaine vertu verbale (évidemment il ne s’agit de la génération du Verbe en lui-même, non s’agit pas ici du Verbe exprimé en image dans la créa­ en image cosmique). Cependant, il ne sc privait pas tion, mais du Verbe en lui-même), nommée tantôt I par là de Verbe, mais il l’engendrait, restant toujours gloire..., fils..., sagesse..., ange...,Dieu..., Seigneur..., avec lui. » Suit la citation de Joa., i, 1-3. Verbe,et elle peut recevoir tous ccs noms parce qu’elle Pour infuser à ccs textes un sens orthodoxe, on exécute la volonté du Père ct qu’elle est née du Père recourt d’abord au concept d’une génération méta­ par volonté. «Suit alors la comparaison des deux verbes phorique de l’idée divine dans le monde, puis à qui sont en nous, quand nous parlons : celui qui est l’appropriation de cette idée au Verbe : cela est théo­ proféré ct celui qui reste en nous non diminué ni am­ logiquement exact, voir t. m, col. 2126-2127, ct,très puté; puis h comparaison des deux flambeaux; le confusément senti, cela put aider à lancer les apolo­ texte de Prov., vin, 21-36, les textes pluralistes de la gistes sur la voie de leurs théories. Mais il y a autre Genèse, enfin une nouvelle affirmation du double état chose dans leurs textes, nous l’avons noté plusieurs d’indéfinie subsistance (σννήν) du Verbe avec le Père fois. Si l’on dit que leurs principes substantiellement et de génération (γέννημα έγιγέννητο) comme principe orthodoxes ne peuvent supporter de pareilles con­ (αρχή, ici sans équivoque) avant la création, 62; cf. clusions erronées ct imposent donc le traitement des 100 : « 11 est sorti du Père avant toutes scs œuvres par textes, indiqué plus haut, quoiqu’il soit subtil, il faut sa puissance ct sa volonté;» de même, 61, 127, 128. répondre, par exemple, avec A. d’Alès, loc. cil., « que A noter encore, πρώτον γέννημα, A pol., r, 21, ct πρωle procédé est généreux, mais pas assez scientifique, ct τοτάχος qui revient sans cesse comme l’épithète essen­ que, vu les lacunes et les erreurs de la philosophie (pla­ tielle du Fils de Dieu, 23, 33, 53, 58, 63, 81, 85, 111, tonicienne) des apologistes, vu surtout leur logique 116,125, 138. imparfaite ct la difficulté de leur travail, il faut s’at­ Taticn continue ct peut-être même exagère ici tendre sans trop de peine ù trouver aussi des lacunes, l’enseignement du maître, Oral., 5 : « Dieu était dans des incohérences, des erreurs même dans leur théo­ le Principe (sens hypostatique de άρχή) ct nous avons logie, malgré leur foi substantiellement intègre. » appris que le Principe, c’est la Puissance (sens hypoLe Verbe, éternellement Verbe,a donc été engendré statique, voir plus loin) du Verbe. » Dieu était seul, d’une façon spéciale au moment de la création, pour en effet, avant la création; cependant le monde était la création ct ainsi il devint Fils; non pas qu’il faille déjà en lui en puissance par le moyen de son Logos. ’ distinguer deux Verbes chez les apologistes, comme le Alors · par la volonté de sa simplicité sort de lui le I pensa Petau, De Trinitate, 1. HI, c vi, mais deux états Verbe, ct le Verbe qui ne s’en va pas dans le vide du même Verbe. Voir plus haut. Nous avons dit aussi (comme va notre parole à nous) est l'œuvre première | que la génération du Verbe est une vraie génération, engendrée, ίργον πρωτοτό^ον, du Père. C’est lui... qui non une production, ni une création, nonobstant le est le principe du monde. Il provient d’une distribu­ texte des Septante de Prov., vm,22, cité par ces écri­ tion, non d'une division..,; ce qui csl distribué suppose vains. Leur Verbe, éternel, de nature vraiment divine, une dispensation volontaire et ne produit aucun dé­ vraiment engendré ct Fils de Dieu, Dieu de Dieu ct faut.,· ; » suivent les exemples des (lambeaux ct du (en comparaison) lumière de lumière, est donc radica­ verbe humain; · le Verbe donc, engendré en principe, lement distinct du Verbe arien, bien que, par un engendra à son tour notre monde » (la première géné­ autre côté, il semble conduire logiquement au Verbe ration ne peut par conséquent pas être la reproduc­ semi-arien. tion du Verbe dans le monde), en eu produisant ct t Cc Verbe éternel était-H, avant sa génération, dis­ la matière et l'ordonnance. tinct du Père? Petau l’avait nié et Harnack l’a suivi, Athénagorc, Legal., x, est plus profond ct plus clair. op cit. p 191. \ la vérité plusieurs e xpressions sont Dieu a tout créé par son Verbe; car Dieu a un Fils, bien équivoques : · intelligence, jugement, sagesse, non à la façon des dieux païens, mais · le Fils de Dieu, puissance rationnelle du Père, » attributs divins c’eft le Verbe du Père ur la terre, pour délivrer Ennoia (sa Pensée) emprison­ ct Dieu ct Sauveur; · IL xxx, 9 : Dieu a tout fait par née en corps de femme et corriger la mauvaise admi­ soi-rnème, c’esl-ft-dirc par son Verbe et par sa Sagesse; nistration des anges, « sc manifesta aux Juifs comme III, vî, 1, 2 (résumé dc l’argumentation de saint l’its en Jésus, à Samaric comme Père en Simon, dans Justin, Dial., 56 sq : divinité du Fils par les textes les autres pays comme Saint-Esprit. » S. Irénéc, Conl. théophaniques de la Genèse, par les Psaumes ct par Lsaïe, Deas, hoc est Filins... qui Deus? Hoc est Filins; ter., I, xxm, P. G., t. vit, col. 670 sq Pour la grande gnose (alexandrine), celle de Basi- cependant sur la visibilité du Père et du Fils, voir hde, Valentin, Carpocratc cl de leurs disciples, avec plus loin); χνι, 1 sq , attaque ex professo les divers des divergences qui ne nous intéressent pas, le Prin­ systèmes gnostiques air la nature de Jésus, Verbe, cipe premier (on n'ose pas dire Dieu) est unique, Fils dc Dieu, et rétablit la foi catholique par saint ΓAbîme, etc.; dc lui dérive directement un monde Jean, saint Matthieu, stint Paul, Rom, ix, 5, etc., divin, par génération ou par émanation cl meme par saint Marc, i, 1, etc.; xvm, 7-xix. 2 (Dieu même production (Apelles), où Logos, Sophia (Ilachamoth), devait s’incarner afin que l’homme pût s’unir à Dieu Fils de Dieu, Sauveur, Christ, etc., veulent syncré- ct être divinisé: une des plus belles pages de la théo­ tiser les données juives ct chrétiennes; mais celle logie du ir siècle); xxi, 1; IV, îv, 2; v. 2 (le Fils est dérivation a heu toujours avec dégradation successive la me .ure du Père, car il le contient); xx, 11 ; χχχπΐ essentielle de l’être, même pour le Fils prcinlcr-né 4, 11; V, prref , i; xvn, 3, etc. r) Saint Irénce préfère parler du Fils dc Dieu, termo du Père incompréhensible (le Νού;), même lorsqu’il 2425 FILS DE DIEU 2426 plus fréquent (Luis la révélation. Voir son étude scriple Père, III, vi, 2; IV, vi, G; que le Père immense lurairc sur ce litre. Hi, vi-xri. Cependant il parle | devient mesuré dans le Fils, car le Fils est la mesure du très souvent aussi du Verbe, évidemment pour l’iden­ Père, puisqu’il le contient, IV, îv, 2; que le Père a tifier avec le Fils de Dieu (ct avec Jé^us-Clinst), et I tout en commun avec le Fils, in omnibus comumcans iilio, H, xxvm, 8. On voit par là ce qu’il faut penser cela contre les distinctions gnostiques H, n (le Verbe d’autres expressions qu'on dit su bordmaliennes. Harpar lequel Dieu a tout créé, Gen., i, 1; Joa., i, 1, 3); nark, op. cit., L I, p. 539-540, Dans b dernière cita­ xix, 9 (le monogène, c’est le Verbe dc Dieu); xxv, 3; tion, par exemple, il s’agit du fameux texte,Marc ,χιπ, xxvm, 5, G,où est esquissée une théorie psychologique 32: Semo scit neque Filius; or. saint Irénéc l'entend, du Ixigos : < Dieu est tout entier esprit (mens, νού;) ct dit-on, du Fils en tant que Fils, du Fils qui aussi a dit : tout entier logos; tout cc qu’il pense, il le parle; tout Pater major me est. N est-ce pas de l'arianisme? Mais cc qu’il parle, il le pense. Sa pensée, c’est son Logps lisons le contexte : Si quis exquirat causam propter et son Logos,c’est son esprit ct l’esprit,qui contient quam, tn (Minus Pateb · ou nr\tr i.r<. Ft no, solus tout, c’est le Père.·Qui veut donc distinguer une émis­ scire horam... mani/estalus est ; neque optabilem... nec sion hors de cct esprit (ad extra la façon gnoslique, sine periculo alteram quam hanc inventai in pnesenli... comme si aliud quiddam sit Deus, aliud autem princi­ ut discamus per ipsum, super omnia esse Patron : palis mens exisiens, met en Dieu une composition etenim, Paler, ait, major me est. N’est-ce pas la nature réelle); 111, xvi-xix, longs paragraphes démontrant conçue, certainement, quoique imparfaitement, iden­ et répétant que Jésus-Christ est le Fils dc Dieu, le Verbe éternel, le monogène, Dieu, Seigneur incarné, 1 tique ct la distinction vue seulement dans les origines, CtC.; IV, xx, 1-1, 7-11, etc. I laquelle donne au Père Li dignité ou supériorité rela­ il) Le Verbe esL engendré de Dieu le Père ct éternel­ tive de principe? On devra, ce nous semble, entendre lement engendré : c’est ici surtout que l’évoque de dans le même sens les théories, de nouveau tradition­ Lyon voudrait ramener la théologie ù la saine doc­ nelles. du Verbe médiateur dc création (la main du trine; le Verbe est éternel, 11, xxv, 3; III, xvm. 1; Père) rl de révélation. Sur ce dernier point, nous re­ xix, 2; IV, xx, 1, 3, etc ; i) est engendré, engendré trouvons la théorie du Père invisible, manifesté par comme Verbe étemel, et par une génération incom­ le Fils. H. xxx, 9; III, vî, 1; surtout IV. vi-vn; xx, préhensible pour nous : l’évêquc de Lyon, en face dc 1-7; mais nous sommes assurément loin de b théone la témérité sans frein de la gnose, en affirmant le fait, des apologistes qui est expressément rejetée, IV, vî, 2 insiste sur son incompréhensibilité et la modestie (invisibilité du Fi b comme du Père); xx, 5-6, 11 ; qu’elle nous impose, par exemple, 11, xxv. 3; xxvm. non quemadmodum quidam (Justin) dicunl. invisibili 2-6; HI. xix, 2, etc.; l’avant-dernier passage cité Paire omnium existente, alterum esse eum qui a pro­ nous dit : Quomodo ergo Filius prolatus a Pain est'... phetis videretur, qui in totum quid sit prophetia ne­ prolationem istam sive generationem, sive nuncupatio­ sciunt ; il s’agit donc plutôt du fait que Die u n’est pas nem sive adapertionem aut quoii bit quis nomine voca­ connu (dans sa vie intime dc Père ou de Fils égale­ verit generationem ejus inenarrabilem eristentem nemo ment), s’il ne sc révèle pas lui-même (beaux dévelop­ novit : non Valentinus, non Marcion...; nisi solus pements sur cc sujet); il se révèle par Lt création, par qui generavit Pater et qui natus est Filius. Ceux qui des apparitions symboliques, par des révélations pro­ veulent raconter l’inénarrable sont donc des insensés. phétiques. surtout par Jésus-Christ; or, en tout cela, Et par conséquent (ceci semble bien dirigé contre le Père est Dieu qui envoie pour être révélé; le Fils les apologistes), c’est n’entendre ni les choses divines est celui (pii vient ct est envoyé, le médiateur par qui ni les choses humaines que d’assimiler la génération du le Père crée, parle, etc., vt, 3-6; manifestabatur Deus: Verbe éternel à l’émission de notre parole (le Λόγος per omnia enim h.rc Deus Pater ostenditur. Spiritu τ.ροφύριχος de Théophile), quasi ipsi obstetricaverint. quidem operante. Filio ixro ministrante, xx. 6. S’agit-il Ailleurs, H, xm, 8,saint Irénéc déclare nettement que d’une vraie médiation ministérielle subordinaticnne celte théorie du Verbi prolativi nie l’éternité du Verbe ici et ailleurs lorsqu’il s’agit de souveraineté reçue du et n’est

cn lui taisant trop d’honneur, reste d’un autre âge, était par trop contraire à ta foi universelle christologiquc (JésusChrist est vraiment Dieu) ct trinltaire (Jésus le Fils de Dieu est Dieu avec le Père ct l’Esprit-Saint). On lira la citation du traité contre Artémas dans Eusèbe, toc. cit., résumant bien (vers 235) ta preuve tradi­ tionnelle de ta divinité du Christ. Voir J. Tixcront, op. cit., 1.1, p. 308-313; L. Duchesne, Histoire ancienne de F Église, t. i, p. 299-303; A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte. Paris, 1906, p. 104-109. 3. Le monarchianisme palrlpassien. — La mentalité adopliamste dut faire place à d’autres solutions dans les écoles hérétiques influencées par elle directement (adoptianisme d’Antioche ct arianisme) ou indirec­ tement, par contradiction (modalisnie). 2428 (dans le Christ) une puissance divine, mais puissance au fond identique au pouvoir absolu do Dieu d’agir sur les créatures. Cette conception fut développée cn Asie vers 180-200. Praxéas, un confesseur de ta foi (de Phrygie probablement, ù distinguer sans doute d’Épigone. cl certainement de Calixte, contre Hage­ man, op. cil., p. 234-257; cf. A. d’Alès, op. cil., p. 1819), venu à Home sous Éleuthèrc ou Victor, l’y ma­ nifesta en l’enseignant. Scs idées passèrent même, s’il n’y alla pas en personne, ù Carthage, où Tcrtullien les écrasa un peu plus tard, par son traité Adversus Praxcam (vers 213). En résumé, les deux griefs que Tcrtullien, alors montanistc, n contre Praxéas sont qu’il a chassé le Paracict (par scs renseignements à la cour romaine, il fit condamner le montanisme) cl crucifié le Père. C’est le patripassianisme. Praxéas signa ù la fin une rétractation. Vers le même temps Noct enseignait la même erreur à Smyrnc; il y fut admonesté par le presbyterium de la ville, puis excom­ munié. Un de ses disciples, Épigone, vint établir une école modaliste à Home (vers 200-210); combattue par saint Hippolyte, Adversus Noclum; Philosophoumena, IX, clic fut continuée par Cléomène, puis par SabcUius, qui fit oublier scs maîtres, soit parce que c’est lui que condamna Calixte; soit parce qu’il sut donner une forme nouvelle plus rigoureuse ù leur système. Voir, plus loin, le modalisnie cn Orient. Cette doctrine, cn face de l’école théodotienne, vou­ lut affirmer d’abord la stricte divinité du Fils de Dieu, de Jésus-Christ. Mais ne voyant pas la conciliation de cc dogme avec le monothéisme pur, clic tomba dans un extrême contraire; la monarchie divine, pour scs tenants, ne pouvait subsister qu'en une seule per­ sonne réelle. Évidemment, cette solution est ta plus simple ct la plus accessible ù l’imagination. Le cri de ralliement « de la monarchic » fil donc fortune; ce fut bientôt un bouleversement considérable; d’autant que toutes les écoles finirent par s’engager dans la con­ troverse pour la · monarchie ■; les théodotiens, le marcionismc avec Apelles, le montanisme avec Eschinc. Les simples troublés, dit Tcrtullien, Adv. Praxcam, 3, sc laissaient tromper ct répétaient : monarchiam tenemus. Voir ÉPioiiAPinr:, col. 329, plu­ sieurs inscriptions funéraires ù allure modaliste ct les prologues aux Évangiles, dits monarchicns, P. Corsscn, Monarchianische Prologe zu den vicr Evangdien, dans Texte und Unlcrsuch., 1896, t. xv, 1. Et pourtant celle · monarchie », c’était, cn réalité, • la foi judaïque ». Adv. Praxcam, 31. 11 n’y n qu’un Dieu, c’est-â-dire la réalité divine personnelle est une; le Père ct le Fils doivent donc être identiques, Adv. Praxcam, 5; Philosoph., IX. 10; ct par conséquent on peut dire que le Père s’est incarné ct est alors devenu son Fils à lui-même, Adv. Praxcam, 10, 11 ; Philosoph., X, 10, 27, cpi’il a souffert, est mort, ressuscité. Contra Noct., 1, 3; Philosoph., IX, 10; Adv. Praxcam, 1, 2, 14, 15. Devant les objections de leurs adversaires, les monarchicns durent cependant évoluer un peu; les J. Tixcront. op. cil., p. 313-317; A. d’Alès. La théologie textes distinguant réellement le Fils du Père étaient de saint Hippolyte, p. 8-20; Tcrtullien et CaUtsle, dans ta Revue d’histoire ecclésiastique, 1912, t. xm, p. 5-33, 221trop clairs; ils inventèrent alors qu’en Jésus-Christ 256. 411-449, etc.; L. Duchesne, op". cit., t. i, p. 303-316; ' l’homme, Jésus, c’était le Fils, ct la divinité, le Christ, Anonyme, Der Monarchlanismus und die rômischc Kirchc l’Esprit, c’était le Père. Adv. Praxcam, 27. Dès lors on im dritten Jahrhundcrt, dons Der Kalholik, 1905,p. 1-15,113ne disait plus que le Père avait pâti, mais qu’il avait 128, 182-201, 266-282; Harnack, Monarch lanis mus, dans • compati ». Ado. Praxcam, 29. Enfin, si les docteurs ftralencgdonddie; Hageman. Die romisehe Kirche In den chrétiens remontaient par delà l'incarnation dans l’é­ mien drtl Jahrhundcrlrn, Fribourg-cn-Brisgau, 1864.p.206ternité pour y montrer le I^ogos de saint Jean, les cri­ 275; J. Schwane, op. elL, L I. p. 153-157; Giiviulhtac, op. cit., L IX. c. vii-x. t. π p. 226-259; J. DrüieUe. Noctot tiques monarchicns répliquaient : « Ce nom de Verbe und die Narttancr in des Hippohjios Refutatio, 6-10, dans est étrange; saint Jean le donne au Fils, mais il n Zeitschrift filr ioisscnschafllichc Théologie, t. Xf.vi (1903), l'habitude d’allégoriscr. · Contra Noël., 15. p. 213-232. 1 6) La condamnation du monarchianisme. __ Les «) L'erreur monarchianiste. — Nous avons déjà en­ discussions que nous venons de décrire eurent surtout tendu dans saint Justin, Dial, cum Tryphone, 128, lieu sous les papes Zéphirin (200-217) ct Calixte certains hommes, peut-être des chrétiens, concevoir (217-222) Quelle a été l’attitude de cv> deux papes » 2$) FILS DE DIEU cn ccs conjonctures? I/histoire, disposant de docu­ ments très imparfaits (Hippolyte et Tcrtullien sont des ennemis do Calixte et presque les seules sources à consulter), en est difficile à reconstituer; elle sera faite à l’art Monarchianisme; on consultera les auteurs indiqués el l'art Calixte 1er, t. Il, col 1334-1338 En résumé, ces deux papes furent avec l'école trinilairc (Hippolyte) contre les adoptianistes (condamnés déjà pur Victor lte) el contre les monarchicns ou sabeUiens, et puis avec la foi orthodoxe traditionnelle contre les exagérations de cette école trinitairc. Quoi qu’en dise, en elle!, l’antipape des Philosophoumena (Hippolyte lui-même), ou plutôt d’après son propre témoignage, Zéphirin, déjà inspiré par Calixte, ne fit que maintenir, peut-être un peu timidement, entre les partis extrêmes, la stricte divinité de Jésus-Christ (< un seul Dieu > : consults tanti alisme) ct sa réelle distinction d'avec le Père. Philosophy IX, 11. Quant à Calixte, les erreurs qui lui sont imputées sont mani­ festement contradictoires : c’est tantôt du sabellia­ nisme pur, tantôt du sabellianisme mitigé (Harnack croit que là est la vérité, Chronologie, n, p. 20-1) et tantôt de l’adoptianisme. Philosophy IX, 12, 3; 5, ô; 11, 8-9. Deux choses seulement sont sûres : c’cst qu'il condamna formellement Sabdlius ct qu’il refusa de suivre Hippolyte (dont il détourna meme Sabel­ li us sans doute à scs débuts) dans un subordinatianlsmo qui conduisait, déclarait-il, au dithéisme, Philosophy IX, 11, 12; Adv. Praxeam, 3; nous ver­ rons bientôt combien il avait raison. Cependant il ne voulut jamais condamner Hippolyte, parce qu’il était substantiellement orthodoxe et c'est de lui-même que celui-ci sc lança dans le schisme par une obstination intellectuelle qui ne voyait que dans son système le juste milieu entre Sabellius et Théodote. Ce n'était pas cependant le juste milieu, mais un (aux sentier, frayé d’abord par les apologistes, condamné par Irénée, mais trop vaguement, repris par les docteurs antimonarchicns et qui conduisait aux abîmes. Au mi­ lieu des hérésies ct des écoles incertaines, la papauté seule avec Victor, Zéphirin, Calixte surtout ct bientôt saint Dcnys de Home, sut garder la route sûre de la foi traditionnelle révélée, la route qui conduit à Nicée. Après Calixte,le sabellianisme dispamt d’Occident; nous le retrouverons cn Orient dans la seconde moitié du ni® siècle. Peut-être la condamnation du monarchianisme a-t-elle laissé des traces dans une transformation du Credo romain faite au commence­ ment du ni* siècle (Credo in Dcum Paircm omnipotenlem au lieu de credo in unum Deum omnipotentem). Voir Apôtres (Symbole des), t. i, col. 1670-1671. c) Les docteurs antimonarchicns. — A côté de l’auto­ rité, cn face de l’hérésie, nous avons déjà vu I lippolyte ct Tcrtullien ct reconnu rapidement leur position; il nous faut maintenant étudier celle-ci de plus près. Ce sont les deux principaux représentants à cette époque ct cn Occident de cc qu’on a appelé, justement en un certain sens, l’école du Logos; nous devons leur adjoindre, bien que légèrement postérieur. Novation, qui reste dans leur suile, sauf sur quelques points, lui aussi, docteur de l’école romaine (vers 240-250), puis schismatique. Nous exposerons synthétiquement leur doctrine, en notant le progrès qui va d’1 lippolyte à Tcrtullien, puis à Novation. Sur saint Hippolyte, Λ. d’Alès, Im théologie de saint Hippolyte. Paris, 1906, p. 20-35; J. Tixcront, op. cit.. t. i, p. 322-323; II. Acliclls, Illppotgtstudien, Leipzig, 1897, et la bibliographie du monarchianisme. — Sur Tcrtullien. \ d'Alè» Im théologie de Tcrtullien. Paris. 1905, p. 67-103; J. Tixcront, op. cit.. p. 335-338; J. Slier. Dic Gottes und lehrc Tcrtnlltans, Gœltinguc. 1899; Frrpprl. 1ertullhn 2 m-8·. Paris, 1864, xxxn* leçon. h n. P· 317-345; J. schwane, op. cit., t. I, P- 101-170, cl les ouvrages géné­ 20) raux. sur le monarchlaniimc, sur l’orthodoxie (rinilairr des Père* anténlcécns (Pc tau, Bull, etc.), enfin sur Tcrtullien E. Nœldechcn, I’. Monceaux, etc. — Sur Novation, J. Tixc­ ront, op. rit., p. 354-355; IL Jordan, Die Théologie der neuendccktcn Prcdtgten Novations, Ix*ipzig, 1902. Ixs traités que nous nllnns citer le plus souvent sc trouvent Contre Noel, dans i*. G., t. x, col. 804-830; Phitosop hou mena, P. G., t. xvi, col. 3017-3451, ou Cruicc, Paris, 1860; Adu. Praxcam, P. L., t. n. col. 153-196; De Trinitate, P.L., t. in. col. 885-952. Cette école du I-ogos est d’abord l’école de l’ortho­ doxie, au moins substantiellement. Contre l'adop­ tianisme ct pour la stricte divinité du Fil» de Dieu, saint Hippolyte écrit le traité Contre Artemon (ou Artémas) celui (pic cite Eusèbe, /Z. E., V, xxvin, et que Théodore! appelle petit labyrinthe, et A. d’Alès, op cit., p. 107-109; Tcrtullien développe le même sujet cn repoussant l’accusation d’impiété lancée contre les chrétiens dans son beau chapitre xxi de V A pologel t cum; Novation allirme la même doctrine cn résumant une controverse terminée. De Trinitate, xi-xvn. Contre le monarchianisme, tous trois écrivent ex pro/erso: saint Hippolyte son Contra Noetum (pro­ bablement le xxxir ct dernier cliapitre du Syntagma adversus omne\ hxreses, A. d’Alès, op. cit., p. 7677) el les deux derniers livres, IX et X, des Philosophoumena; Tcrtullien son Adocrsus Praxcam, ct Nova­ tion les c. xvm-xxix de son De Trinitate. Avec la foi orthodoxe, c’est dans celte école, fille des apologistes, une théologie encore incertaine et même parfois inconsciemment égarée, malgré les rappels à l'ordre d’évêques traditionnels comme saint Irénée ct de souverains pontifes comme Calixte : cela mérite notre attention. On trouvera spécialement dans A. d’Alès, La théologie de Tcrtullien, p. 84-96, une très belle étude comparative de Justin à TerluL lien sur la doctrine du Verbe Fils de Dieu; après cebi, lire L. Duchcsre, op. cit., I. i, p. 305-312. Voir Créa­ tion, t. ni. ccl. 2123-2121. Les philosophes catholiques» nous l’avons vu, cher­ chant à s’expliquer ct à expliquer aux autres, païens, juifs, fidèles, cc qu’était cc Jésus, Fils de Dieu, Dieu adoré par les chrétiens, avaient pris avec joie comme point de départ de leurs recherches (l’histoire de la philosophie donne la raison de cette joie) le mot de saint Jean : c’est le Verbe qui s’est fait chair; le Fils de Dieu était donc, d’après la révélation elle-même, le Logos de Dieu. On chercha à la lumière de la foi d’abord (nous l’avons constaté et cela est encore plus évident au m· siècle) ct puis secondairement de la raison (informée ici de néo-platonisme, sinon spécifi­ quement de philonisme) ce qu’était le Logos Fils de Dieu. La synthèse exacte de la foi ct de la raison ne fut pas trouvée au n· siècle, elle ne le fut pas non plus dans la première moitié du mr,au moins en Occident; car il faut observer que le ferme enseignement de Calixte maintenait la foi, avertissait de leur erreur les docteurs du Ixjgos, mais n’essayait lui-même au­ cune explication positive. a. Le Verbe éternel. — Le Verbe (Logos pour Hip­ polyte, le dernier écrivain grec de Home, Scrmo pour Novation ct Tcrtullien qui distingue même Sermo et Patio pour exprimer tout le sens du Ixigos grec), le Verbe existe éternellement cn Dieu et cela de façon plus clairement distincte que chez les apologistes; saint Hippolyte, Cont. Noetum, 10, ntllrme une plu­ ralité éternelle cn Dieu, ρόνος ών π»/λύζ τ,ν, parce qu’il n’était pas sans Logos, sagesse, puissance, volonté. Cf. Adv. Jtidicos, 7, édit. Lagarde, p. 66 sq. Tcrtullien, Adu. Praxcam, 5, écrit d’abord une belle page de psy­ chologie sur le verbe mental humain per quem loqueris cogitando cl cogitas loquendo (les apologistes ne conce­ vaient le verbe-parole que proféré au dehors); ilse place ainsi au vrai point de départ (analogique) de laspécu- 2131 FILS DE DIEU lit ion théologique du Verbe divin. Puis il poursuivit : Éternellement donc Deus habebat secum, quam habebat In semelipso, Rationem... et m Ratione sermonem; 8, Sermo ergo el in Patre semper; 13, 27. Deum immu­ tabilem... ut Odernum... Sermo autem Deus. Chez Novatien, il n’y a plus aucune ombre sur la distinction éternelle du Verbe, De Trinitate. 31 : qui ante omne tempus est, semper in Paire fuisse dicendus est : nec enim tempus illi assignari potest qui ante tempus est; semper enim in Patre, ne Pater non semper sit Pater. b. Génération temporelle. — Chez les apologistes, nous avons vu le meme Verbe éternel, et non un autre, nc devenant Fils ct n’étant strictement engendré que dans le temps ou au commencement du temps pour la création. Celte doctrine inexacte sc trouve encore chez Hippolyte ct Tcrtullicn, plus précise même ct donc plus erronée; mais elle apparaît aussi dès lors plus facilement comme telle ct Novatien la rejette expressément. Saint Hippolyte livre sa pensée. Cont. Noelum. x, xi ; Philosophy X, 33. Le Logos qui était d’abord pensée intérieure, Dieu l'engendra, έγέννα, άπογέννα, pour être principe (αρχηγόν κιι σύμβουλον xxc έργίττ,ν) de la création, d'invisible le rendant visible... Et de ccttc façon il y eut un autre à côté de Dieu, καί ούτως παρίστ*το αύτω ίτιρος; autre, non pas jusqu'à faire deux dieux, mais comme une lumière vient d’une autre lumière, un fleuve de sa source, un rayon du soleil. Cependant le Fils procède dc l’essence meme dc Dieu, à la différence des autres êtres qui viennent du néant; ct ainsi prenucr-né du Père, πρωτόγονος llarob; παΓς, il peut exécuter tous les bons plaisirs du Père. Cf. Dc Anlichrista. 26, édit. Bonwetsch, p. 18. Le docteur romain semble même un instant avoir poussé plus loin que tous ccttc idée de génération temporelle, puisqu'il fait, Cont. Noelum, 15, de l’incarnation un complément nécessaire de la filiation divine du Verbe, • car sans la chair, en lui-même le Verbe n’était pas fils complet, tümioç Πός, bien que Verbe parfait il fût monogène. » Voir une idée semblable dans la finale, xi. 5, de YEpIst. ad Diognel., laquelle était probable* ment la dernière page des Philosophoumena (selon Drâsekc, dans Zeitschrift filr ivisscnch. Théologie. 1902, t. xlvi, p. 275-287). Les textes de Tcrtullicn sont encore plus clairs ct plus absolus : Ado. Praxcam, 5, parle de la Dei dispo­ sitio qua /uit ante mundi constitutionem ad usque Filii generationem; G, ut primum Deus voluit ea qua cum Sophia- Ratione et Sermone disposuerat intra se (Verbo immanent) in substantias el species suas edere, ipsum primum protulit Sermonem (Verbe proféré)... ut per ipsum flerent universa per quem erant coaptata; 7, lunc igitur... ipse Sermo speciem... sumit... cum diciή Deus : Fiat lux. Hax est nativitus per/ecta Sermonis· dum ex Deo procedit, conditus ab eo primum ad cogita­ tum (Prov., vili, 22), dehinc generatus ad effectum. Exinde eum Patrem sibi faciens dc quo procedendo Filius factus est. Plus net est encore le mot suivant de V Adver­ sus Hcrmog., 3, P. L., t. n, col. 200 : Et Pater Deus est et judex Deus est, non ideo tamen Pater ct judex semper quia Deus semper ; nam nec Pater potuit esse ante Filium nec judex ante delictum. Fuit autem tempus cum et deli­ ctum et fUius non luit (en tant que Fils, mais il était déjà comme Verbe conçu non engendré) quod judicem cl gui Patrem Deum faceret. Même affirmation. plus loin, c xvnt, col. 213. quand Dieu le jugea nécessaire ad opera mundi, il engendra sa sagesse en lui-même et cc passage semble même donner un commencement au Verbe en tant qu’immanent en Dieu, mais c’est sans doutr un excès passager de cc matérialisme stoïcien instinctif de Tertulllen entraîné par la polémique. En tout en, c'est la dernière conséquence (compa­ tible encore avec la substantielle orthodoxie) de ccttc 2432 théorie du Verbe immanent, puis proféré pour la créa­ tion, introduite depuis un demi-siècle dans la théo­ logie. Précisée, son erreur éclate; Calixtc l’accuse car­ rément de (lilhéisme et Novatien In combat. De Trini­ tate, 31 : the ergo cum sit genitus a Patre, semper est in Patre; semper autem sic dico ut non innatum sed natum probem...; semper enim in Patre ne Pater non semper sit Pater; aussi si le Père précède le Fils en quelque façon, ce n’est qu’eu tant que Père,giro Pater. Cependant toute idée de prolation temporelle spéciale du Verbe n’est pas encore rejetée par Novatien; non seulement conçu, mais né éternellement du Père cl dans le Père, le Verbe pour la ciéation, quando Pater VOluit, processit ex Patre ct gui in Pâtre fuit processit ex Pâtre... et cum Paire (le παρίστατο de saint Hippo­ lyte), postmodum fuit quia ex Patre processit. c. Cependant la foi traditionnelle fait affirmer par ces trois auteurs la substantiali té divine du Fils de Dieu, sa consubstantialité avec le Père, numérique même, doit-on dire en un certain sens. Parlant toujours au point de vue trinitaire ancien, ils voient les personnes ct secondairement en elles la nature. Ils parlent donc toujours du Père. Cont. Noelum, x, xi ; Adv. Praxcam,5; De Trinilate, 31, début. Lc Père, en lui-même dans son unique réalité divine, a son Verbe, conçu seule­ ment ou déjà parfaitement engendré; puis il l’engen­ dre de quelque façon hors dc lui, non par produc­ tion (arianisme), mais par vraie génération ct dès lors c’est sa substance même qu’il lui communique ^connue la flamme à la flamme, la source au fleuve, etc.) : voilà l'économie qui est opposée à la monarchie modalisle : unité distribuée sans être divisée. Cf. Cont. Noelum, xi; Philosophy X, 33 : oeb καί θιός, ουσία ύπαρχων Η<οθ; In Num., χχιν, 17, édit. Achclis, p. 82. Tcrtullicn est ici d’une force merveilleuse : une seule substance ct na­ ture; plusieurs personnes (mot d’origine juridique chez notre avocat, mais à sens ontologique) à qui est com­ muniquée ccttc même substance ct distinguées préci­ sément parleurs origines, du moins radicalement. Voilà les mots précis qui ont fait la lumière en Occident presque deux siècles avant qu'eUe fût parfaite en Orient ct qu’on trouve répétés. Apologet., 21; Adv. Praxcam, 2, 3, 8, 9, 11, 17, 18, 19, 25; Dc pudicitia, 21; Adv. Marcion., ιν, 25, etc. Novatien est ici fidèle disciple dc Tcrtullicn. De Trinilate, 31. Comment accorder cc « consubslantialismc » avec l’idée de la génération temporelle exposée plus haut ct le subordinatiamsmc que nous allons constater? Évidemment, il y a là de grosses incohérences; cepen­ dant on voit que la consubstantialité pour ces conlroversislcs n’est qu’imparfaite; elle sc fait par une sorte de transmission (l'économie) dc la même substance divine, sans division, mais avec une vraie distribu­ tion, comme la même eau individuellement est dans la source, puis dans le fleuve (puis le niisseau dérivé du fleuve). Tcrtullicn, par exemple, Adv. Praxcam, 29, contre les patricompassiens explique que même si la divinité du Fils avait pâti en Jésus, ccttc passion n'aurait jamais pu refluer jusqu’au Père, comme on pourrait troubler l’eau d’un fleuve sans en troubler la source. Tel est le fond dc la conception trinitaire des écrivains apologistes ct controvcrsistcs. Évidem­ ment, ils maintenaient la divinité consubstantielle, meme numériquement, des personnes divines (foi traditionnelle); mais ils concevaient mal la nature divine. ‘ Œ d Subordinatianisme. — C'est celle conception du consubstantiel qui rendait Imaginables une généra­ tion temporelle et une dépendance d’infériorité du Fils par rapport au 1 ( dernière Idée se trouv 1 encore, mais atténuée, chez ces trois auteurs D’abord, sa gèiii ration apparaît dépendante du bon plaisir divin Cont Noelum, 16; Adv. Praxcam, 6, 7; Adv, FILS DE DIEU 2-433 Hermogenem, 18; Dc Trinilate, 31. Saint Hippolyte, Philosophoumena, X, 33, va jusqu’à dire que Dieu peut faire un Dieu comme il fait un homme (mais non pas l'homme Dieu, comme on traduit parfois), comme l'exemple du Verbe le prouve. En conséquence, le Fils reste le ministre-né des volontés du Père dans la création cl la révélation, intermédiaire qu’on affirme encore nécessaire entre la créature ct Dieu inaccessible. Cont. Noel., 14; Philosoph., x, 33, ct passages cités de Tcrtullicn et dc Novatien. De plus, spécialement l>our les theophantes, Hippolyte, In Dan., in, 14; iv, 11, 36, 39, 57, édit. Bonwetsch, p. 150, 210, 280, 282, 330; Tcrtullicn, Ado. Praxcam, 14 ; le Fils, comme chez saint •rénée, est affirmé invisible avec le Père dans sa divi­ nité, mais pouvant apparaître seul soils des formes sen­ sibles, parce qu'il est le messager du Père. Cf. Novatien, De Trinitate, 18-20. Çù ct là, même, quelques expres­ sions plus fortes donnent au Fils une vraie infério­ rité essentielle. Tcrtullicn, Adv. Praxcam, 9, dit : Paler tota substantia est, Filius vero derivatio totius el portio.., quia Pater major me est; 14, le Père est invi­ sible pro plenitudine majestatis, le Fils est visible pro modulo derivationis; 26, portionem quæ cessura erat in Filii nomen. Mais ces expressions n’affirment peut-être au fond que la dérivation originelle; ailleurs, en effet, tout partage qui nc transmettrait qu’une portion est écarté, ibid., 27; Adv. Marcion., su,G, portio qua pleni· tudinis consors; ιν, 25, non minori sc tradidit omnia; Dc resurrect, carnis, 6. Novatien enfin a les mêmes expressions d’infériorité naturelle. De Trinitate, 27, 31, corrigées un peu par son insistance à l’attribuer à l’origine seule ou par des affirmations d’unité totale. Aussi, si le Conflictus Arnobii catholici ct Serapionis (v· siècle) donne comme du pur arianisme des frag­ ments du Dc Trinilate, 31, c’est en les détachant de leur contexte qui les ramène à l’orthodoxie substan­ tielle ct rejette formellement l’arianisme. 4. La théologie latine jusqu'à Nicée. — Les succes­ seurs de Tcrtullicn ct de Novatien n’ajoutèrent rien à leur doctrine trinitaire; ils ont pour nous peu d’im­ portance, si l’on excepte un document ponti heal, une lettre de saint Denys de Rome à saint Denys d’Alexan­ drie, que nous étudierons plus loin avec les circon­ stances qui la provoquèrent. Mais avant dc considérer la théologie orientale, qu’il vaudra mieux exposer sans interruption jusqu’à 381, poursuivons la théo­ logie latine jusqu’à 325. a) Saint Cypricn no parle qu’en passant dc la sainte Trinité et du Fils de Dieu; son langage esl alors exact, mais borné à la substance de la foi; on pourra, en par­ ticulier, consulter sa compilation biblique des Testimo­ niorum, 1. II, c. i-vi, P. L., I. iv, col. 695-702, où il rassemble beaucoup dc textes sur Jésus-Christ Fils unique. Sagesse, Verbe (Sermo), Puissance (main ct bras dc Dieu), ange, Dieu. b) Lc poète populaire Commodicn, probablement contemporain du grand évêque de Cartilage, probable­ ment aussi simple laïque, en tout cas, peu théologien, a une doctrine trinitaire peu exacte au moins dans l’expression; celle-ci plusieurs fois a des allures modalistes et patripassiennes. Carmen apologeticum, édit. Dombart, vs. 90 sq , 277 sq., 363 sq., 617 sq. Il y parle < d’un seul Dieu qui est dit (affirmé peut-être, dicitur) Père, Fils et Saint-Esprit, » vs. 91 sq.; JésusChrist .s’est dit Fils pour cacher sa vraie nature qui es’ celle do Dieu, vs 303 sq., 617 sq Cependant cela peut s’entendre ct nous verrions plutôt dans Commo- j dirn la doctrine dc Tcrtullicn sur l’unité de la nature divine fortement inculquée au peuple. Les deux vers suivants sont plus difficiles : Hic Pater In Fillo venlt, Deux unus ublque, Ace Paler est dictus niti /actus filius esset (vs 277 sq.). D1CT. IH THIOL CAT1I0L. 2434 Ix pat ri passi anisme dc Commodicn nc semble pas très certain en définitive. Voir cependant J. Tixeronl, op, cil., t. i, p. 450-452. 11 n’y a pas davantage dc sabellianisme, mais La simple foi orthodoxe, dans le Carmen adversus Marcionem, autrefois attribué à Tcrtullicn, peut-être de Commodicn, en tout cas de h fin du ni· siècle. Cf. Ilans Waltz, Das pseudotertullian. Gcdichl Advenus Marcioncm, Darmstadt, 1901. Voir, par exemple, 1. I, c. n, vin, P. L., t. n, col. 1056, 1060; 1 IV, c. n, col. 1079 : Illius (Dei) here Virtus, Sapientia, Gloria. Verbum, Filius, immenso genitum de lumine lumen. L. V, c, vi-ix, coi. 1086-1089 : Ilie Deus hic et homo nerui... De Patre principium, genitum de lumine lumen. Spiritus et Verbum, Patrii imagine natus Cum Patre semper erat, unitus gloria ct arvo FUiui ipse Dei, churissimus Ipse minister. De Domino Dominus, fluvius de /onle perenni. On remarquera ici de belles formules de La généra­ tion du Fils cl de sa génération étemelle. c) Les deux laïcs, rhéteurs païens convertis sous Dioclétien, Amobe ct Lactance, n’étaient pas, eux non plus, très assurés sur le dogme, à peine sur le catéchisme vulgaire de leur temps. L’Adversus na­ tiones du premier a été accusé de mentalité encore païenne. Dieu, Dieu le Père, serait au sens propre le Deus princeps, Deus summus ; au-dessous de lui, il ne répugnerait pas qu’il y eût des dieux inférieurs, dont en définitive le Fils de Dieu serait le premier. Voir Rauschen, Éléments de patrologie, trad. Ricard, 2· édit., Paris, 1911, p. 137. Mais c’est peut-être interpréter avec trop de rigueur le vocabulaire el la rhétorique du païen converti, lequel affirme nettement d’ail­ leurs l’unité de Dieu et l’absurdité des dieux païens, voir Dieu, t. iv, col. 1061, ainsi que la divinité dc Jésus-Christ. Cf. Le Nourry, Dissert. præv. in Arnob., c. vin, P. L·, t. v, col. 464-471; voir spécialement 1. I, c. xlîi, Lin, ibid., col 771-772, 791-792. A en juger par son disciple, ses idées sur la sainte Trinité ne devaient pas cependant être bien exactes. Laet ancc, en effet, plus explicite que son maître à ce sujet, a plusieurs idées erronées. 11 connaît Tertullien cl répète que le Père et le Fils (il nc semble pas qu’il connaisse le Saint-Esprit) n’ont qu’une intelli­ gence, un esprit, une substance» le second dérivant du premier comme le fleuve dc sa source, le rayon du soleil; les deux ne sont qu’une volonté, qu’un Dieu, quia quidquid est in Pain in Filium transfluit ct quid­ quid in Filio a Patre descendit. Instil div., I. IV, c. xxix, P. L., t. vi, col. 538 sq. Mais il ne pénètre pas h force dc ces formules; il admet, en effet, la génération tem­ porelle du Verbe, génération incompréhensible, mais d’ordre intellectuel, comme la Parole conçue d’abord dans l’intelligence, puis proférée pour l’œuvre de la création, I II, îx, P L., t. vi, col. 294 sq ; I IV. vi, vin, îx, ibid., col. 461 sq., 466-169. Le Verbe est pro­ féré cum noce ct sono, tandis que les anges viennent de Dieu, taciti spiritus. Cette dernière comparaison et d'autres passages dc Lactancc sont encore subordina­ tions jusqu’à représenter le Fils comme le premier esprit produit, le<|uvl, par sa fidélité, devint Fils bicnaimé, participant à la Puissance suprême et ainsi créa­ teur et Dieu, pendant que le second esprit par jalousie devint le diable, 1. II, îx; cf. I IV, vin; Fpitume, c. xlîi, xLix, ibid., col 1048, 1049, 1056-1057. Enfin nous n'avons rien de spécial à signaler dans les fragments de Victoria de Pet tau (J-305), le premier exégète latin, mais sans doute d’origine grecque. Nous | allons donc nous tourner vers cet Orient hellénique où — la personnalité distincte du Fils dc Dieu ayant 2435 FILS DE DIEU 2436 été mise cn pleine lumière contre le sabellianisme — dire qu’il voit le Logos non hors de Dieu, mais cn Dieu vont s’élever ces discussions ardentes et se poursuivre comme faisant partie immanente de l’être infini qui ccs études persévérantes sur sa nature divine de Eils est Dieu. On peut interpréter, faisant partie par iden­ de Dieu. Toutefois, c’est encore en Occident que nous tité absolue ct distingué par la seule relation de gé­ devrons revenir pour avoir sur cette question Je der­ nération, ou bien voir là une expression de cette nier mot de la foi cl de la raison. < conception grecque » de la Trinité, mise cn lumière 3° L'école (Γ Alexandrie d la théologie grecque jusqu'à par le P. de Régnon, Éludes de théologie positive, Arius. — Λ Alexandrie, comme à Lyon, â Home et Λ 4 in-8°, Paris, 1892-1898, étude VI, t. i; élude XX, Cartilage, il faut lutter contre le gnosticisme (essen­ t. m, déjà discutée par saint Augustin, De Trinitate, tiellement uni tarien), puis contre le sabellianisme, au L VI, η. 1, 2, P. L., t. xlii, col. 923 sq., el qui fait de sujet de la nature de Dieu, du Fils de Dieu ct de leurs la personne du Fils la perfection absolue elle-même rapports avec le monde. Mais bien plus que clicz saint du Père, lequel n’est sage que par la sagesse qu’il en­ Irénéc ct saint Hippolyte, plus même que chez Tergendre. Nous retrouverons de fait cette conception tullicn ct Novation, on trouve joint â la controverse tout le long de la palristique grecque. Voir J. Souben, l’essai d’une synthèse théologique positive sur ces Nouvelle théologie dogmatique, II, Les personnes divi­ questions débattues, d’une synthèse fondée sur la foi nes, Paris, 1903, p. 99 sq.; Chr. Pesch, Theologische ct la philosophie. On connaît la philosophie qui régnait Zeiljragen, H· série : Deux conceptions différentes de alors à Alexandrie, voir Alexandrie (École d')t t. i, la théologie trimlaire. col. 807-812, ainsi que h foi ct les essais théologiques Clément dit encore, il est vrai, que le Verbe s’avance de Clément sur Dieu et son Logos. Ibid., col. 812-813, j pour son œuvre de création, προε/Οών, Strom., V, c. m, 821-823; Clément d'Alexandrie, t. in, col. 158- . col. 33; mais ce n’est qu’une métaphore passagère, 161. 11 suffira, pour montrer l’enclialnemcnt des doc­ '.car le Logos cn réalité n’a pas à quitter sa sublimité trines, de résumer son enseignement avant d’exposer d’élévation, ni à sortir de son ubiquité, Vil, c. n, celui d’Origène ct de scs disciples immédiats. • col. 108. 1. Clément ci Alexandrie. — a) Divinité d consubstan· ’ Il faut avouer que tout ceci est à un point de vue Halite du Verbe. — li n’y a pas de doute que Clément bien au-dessus de ce que peu auparavant avail publié ait cru à la vraie Trinité chrétienne : distinctions hysaint Irénée ct de cc que bientôt allait écrire Terlulpostatiques ct unité de nature divine. Pied., 1. I, c. H, licn, a fortiori au-dessus îles docteurs antérieurs. El vi, P. G, t. vin, col. 280, 300; 1. III, c. xn, col. 680- ’ pourtant dans la théologie occidentale, obscurcis par 68P,.S7rom.,V,c.xiv,l.ix,col. 156; VI, c. vu i, col. 280; quelques superfétations malheureuses, nous trouvons, Quis dives, 3-1, t. ix, col. 610. Cela est spécialement semble-t-il, plus de principes vrais qu’à Alexandrie, évident pour le second terme de cette Trinité, appelé ^les principes de la théologie trinitairc scolastique, parfois Fils de Dieu, mais le plus souvent ct conti­ runique vraie à nos yeux. nuellement Ixjgos : la raison cn est facile à saisir. Le c) Subordinalianisme. — On a voulu d’ailleurs trou­ Logos donc, le Fils est Dieu, strictement Dieu, dans ver à Alexandrie aussi une des principales tares de la h complète consubstantialité de l’unique divinité. spéculation jusqu’ici étudiée. Photius, Bibl., cod. Dans Prolrept., L l, P. G., t. vin, col. 61. Clément fait 109, P. G., t. cm, col. 383, accuse Clément d’avoir admis surtout dans les II ypolyposes, aujourd’hui per­ une splendide présentation du vrai maître de l’huma­ nité, le Logos Dieu Incarné, Dieu ct homme, l’être dues, un double Logos, celui du Père, et un Logos dans l’être, etc.; c. x, col. 228, il l’appelle vraiment inférieur, vertu divine qui illumine les hommes, qui Dicu,o/Tw: θεός, et égal au Père; mêmes affirmations, s’est incarnée ct qui est le Fils; mais Photius a dû Pæd , 1. I, c. n, col. 252 ; c. m,col. 257; c. vu, col. 312, comprendre trop littéralement des passages où Clé­ 317, 230; c. vin, col. 325; un même Dieu, une unique ment parlait du Logos avec les sens divers de logos chose, avec le Père dans lequel il est ct qui est cn lui, subsistant ct participé sans toujours les distinguer; cc qu’il fait d'ailleurs cn d’autres textes. Voir Clé­ tv γάρ ό θεός, I. Ill, c.i, col.557; c. xn, col. 680ment d’Alexandrie, col. 160-161. Photius accuse 681, l'hymne magnifique au Pédagogue Dieu, Strom., V, c. vi. t. IX, col 65; VII, c. xn, col. 500-501, encore Clément d’avoir fait du Logos une créature; Rufin avait vu la même affirmation dans plusieurs etc.; plus de cent fois Clément appelle le Logos ou le Christ Dieu ct non pas M; nuis ό θεός. La textes qu’il déclare interpolés. Epilog, in Apolog. S. Pamphili, dans Origènc, édit. Ixjmmatzsch, xxv, consubstantialité ne peut guère être affirmée plus fortement,au point que l’on a pensé au sabellianisme 383; cf S. Jérôme, Apol. ado. libr. Rufini, n, 17, P.L., t. xxm, col. 439. Sans recourir à l’interpolation, (mais il faut sûrement rejeter cette pensée) devant Bull, Bossuet, Frcppel ont tâché d’interpréter dans certains textes, comme Pæd., 1. I, c. vm, col. 325, 333, un sens orthodoxe tous les textes difficiles; J. Schwane 336 : Dieu bon, c’est le Père, Dieu juste, c’est le Fils, et juste et bon, c’est le même Dieu — Dieu Père, avec trouve que la chose est impossible, loc. cil., p. 146; en lui son Fils, ct 1. 111, c xti, qui chante son hymne cependant J. Tixeront, loc. cit., ct A. de la Barre, art. Clément d’Alexandrie, col. 159. passant par­ au Pédagogue « Fils et Père tout ensemble, Seigneur dessus des imprécisions et des impuissances de simple unique ... Dieu unique. Père et Fils, Fils ct Père..., Langage, croient la mentalité antisubordinaticnnc do Dieu absolument un. · Clément suffisamment démontrée. C’est la position b) Génération éternelle. — Ces derniers textes ne que nous adoptons. Les principaux textes inquiétants sont pas sabellicns, car consubstantiel au Père, le sont d’abord Strom., VU, c. i, P. G., t. ix, col. 404; Logo* en est engendré, distinct de lui et engendré de c. n. col. 408-416; V, c xiv, coL 132; VI, c. vu, toute éternité. Strom., V, c. i, P. G„ t. ix. col. 9; col. 278; Adumbrat in 11 Joa., 1, col. 735-736, qui VU, c. it, col 109-412; Adumbrat, col. 731. Jamais à appelle le Verbe et ΓEsprit : primitivæ virtutes ac Alexandrie on n’a parlé de génération temporelle du primo crcalœ. Cependant les premiers peuvent sc Vcrbe.C’cst sans doute parce que, dès le principe, on comprendre au point de vue de cette synthèse sui y a repoussé toute assimilation du Logos divin avec generis que poursuit Clément dans son milieu philo­ le logos rpofopixô; humain; une telle assimilation, sophique : après Dieu l’incfiablc (le Père) connu des proclame le même c. i du V· Strom., col. 16. ne peut néo-platoniciens, notre foi admet un second, un être s’accorder avec la nature de sagesse, de bonté, de ré.khli·) «pu est 1« I .ls, touchant intimement pouvoir tout-puissant ct strictement divin du Logos; I le premier principe, sans dire ici comment ccs croyan­ le Logos, c’est l’idée, la sagesse, l’intelligence du Père : ces sc concilient, cc qu’il fait ailleurs. Enfin les derClément insiste (rvquemment sur ce sujet, c’est-à- 2437 FILS DE DIEU nlers textes virtutes, crcalæ (ou producta: : la termi­ nologie grecque sur cc point était moins rigide que la latine) accusent des imperfections de vocabulaire, dues à plusieurs influences bibliques, traditionnelles ct philosophiques, mais non erreur certaine de pensée. Il faut juger de celle-ci par la doctrine générale de cet auteur sur la consubstantialité du Père ct du Fils. Or nous avons vu que, contrairement à celle de Tcrtullicn, par exemple, elle est si parfaite qu'elle ne comporte guère de subordination quelconque; le Fils n’est pas Dieu par transmission de la nature divine, mais par l’identité d’une seule réalité divine. J. Tixcront, op. ciL, t. i, p. 267-269; de Fayc, Clément d'Alexandrie, 2· édit., Paris, 1906, p. 231-256; Λ. Anl, Ge· schtctde der Ixigosidce, Leipzig, 1899, t. it, p. 396-427; J. Schwane, op. cil., t. i, p. 113-146; Freppcl, Clément d'Alexandrie, Paris, 18G5, xii· leçon, p. 281-288. 2. Origènc. — Le grand Alexandrin entendit Hippo­ lyte vers 212 à Home, S. Jérôme, De viris illustr., 61, ou il était allé sans doute s’informer de la sûre doc­ trine de l’Église. Évidemment, il dut y prendre con­ naissance des discussions trinitaircs; mais il n’y a aucune raison, dès lors qu’on lui refuse h paternité des Philosophoumcna, de supposer qu’il épousa les opinions d’Hippolytc, encore moins scs animosités contre Calixte. En tout cas, lui aussi, cn Orient, dut faire de la controverse el lutter à la fois contre les modalistcs ct contre les gnosticpies, grands maîtres à Alexandrie. Ci. Pcriarch., iv, 28; In Joa., xi, 20; In Epist. ad Tit., P.G., t. xxv, col. 1303-1306. Contre les premiers, il affirme énergiquement La distinction réelle du Père ct du Fils; contre les seconds, il défend avec non moins d’ardeur la stricte divinité du Fils ct par conséquent sa consubstantialité ct aussi sa généra­ tion éternelle. Origènc met tout cela ,admirablement cn lumière, mieux qu’aucun de scs devanciers; cela est certain. Mais que, pour concilier ces deux séries de dogmes, il ait admis un certain subordinatianisme, ou même un franc subordinatianisme, c’est un pro­ blème très embrouillé ct très discuté. Établissons d’abord cc qui est sûr ct cc qui suffit à faire cn définitive d’Origène, comme des apologistes, un témoin substantiellement orthodoxe du dogme trinitairc. a) Divinité du Fils de Dieu. — Origènc croit à la Trinité chrétienne, Pcriarch., prie/., 1, x-xv, P. G., t. xi, col. 115-121; conclusion IV, 28, ibid., col. 401403; In Epist. ad TU., t. xxv, col. 1303-1306; In Joa., fragm. xxxvi, Τριας αγία, dans Preuschcn, p. 512, 1. X, 23, t. xiv,col.384, Τριάς αιώνιος; In Matlh., 1. XV; 31, Γριάς άρ/ική, t. xxn, col. 1345; In Joa., vx, 17, Τριάς προσκυνητή, adorable, t. xxv, col. 257; la Trinité est l’unique principe simultané de la sainteté. In Jcr., homil. vin, 1; xvin, 9, t. xm, col. 336, 481; In Matth., xn,42, ibid., col. 1081; Pcriarch., I, ni, 5, etc. Ce qui est ici plus suggestif, c’est que cette Trinité est tout entière per modum unius, essentiellement ct absolument séparée de toute créature par scs carac­ tères exclusifs d'immatérialité absolue, Pcriarch., xv, 27. t. xi.col 101 ;cf I. x i. L 11. n. L’.iv. 3; IV. 32. etc. ; de science infinie, Pcriarch., I, ni, 4, t. xi, col. 149; IV, 35; In Rom., vin, 13, t. xxv, col. 1201; et cette science est spécialement affirmée du Fils, qui, étant Li Vérité, ne peut rien ignorer de cc que sait le Père, car | rien n’est en dehors de la vérité, In Joa., i, 27, t. xxv, col. 73; (pu est le voyant de ce qui est dans le Père, αύτόπτης τών έν τώ Ιίατρί, ibid., xx, 7; et qui connaît lo Père ζατ* άξίαν» comme le Père le connaît, Cont. Cris., vî, 17, t. xi, col. 1317; de sainteté substantielle, essen­ tielle et par conséquent immuable, In Num., homil. xi, 8; ct. Pcriarch., 1, v, 4, t. xi, col. 164; vî, 2, ibid., col. 106; vn, 3, col. 178, etc.; d’éternité essentielle, In 1 2438 Exod., homil. vx, 5; Pcriarch , I, xv, 28, etc; d’invisi­ bilité naturelle. Pcriarch., II, vx, 3; S. Athanasc, De decr. me., 27; de transcendance unique enfin, In Reg., homil. i, 13, t. xn, col. 1009 : < Parler de Dieu... Père... Fils... Saint-Esprit, c’est parler de choses sublimes..· Tout est humble ct bas, comparé à l’incomparable Trinité. Ne visez donc point au sublime si cc n'est cn parlant du Père, du Fils ct du Saint-Esprit. » Le Verbe, le Fils de Dieu, est donc Dieu; Origènc le dit encore directement de cent manières; il substi­ tue le Verbe au Jahvé de l’Ancien Testament, Exod., xx, 5, dans Exhort, ad martyr., 9; Exod., xxxxn, 20, dans In Matth., xn, 45; Dcut., xxxn, 21, dans Cont. Cels., n, 78; Ps. xxm, 7, dans In Matth., xvx, 19; Jcr., n, 13; xxn, 2*1, ibid., xxx, 19; Malach., x, 6, dans In Joa., i, 31, etc., ct nous savons La valeur de cette substitution. Marie est appelée ΰεοτόκσς, cf. Socrate, II. E., vu, 32, P. G., t. lxvix, col. 811-812. Le Fils· le Christ, le Verbe est Dieu, θεός, non ύ M; d’après In Joa., n, 2, et même όεύτερος 6<ός en un certain sens, comme disait Cclsc, Cont. Cels., v, 39, texte que nous étudierons plus loin ; mais aussi ct souvent ό Λόγος θεός, ό θεός Λογάς, dans les commentaires sur saint Jean, par exemple, x, 22, etc., ou l’apologie Cont. Cels., m, 27, 37, 41; vx, 61; vn, 17, etc.; Dieu non par une participation extrinsèque, κατά μετουoiav,mais par essence, χατ’ούσίαν, In Psalm, selecta, t. xm, col. 134; le Dieu souverain, le vrai Dieu, ύ έζΐ πάντων θεός, ύ αληθινός θεός. In Rom., vix, 13, L xxv, col. 1140; Uomil. de engaslrim., 9, édit. Klostcrmann, p. 293. On comprend dès lors qu’il ait tous les attri­ buts divins énumérés plus haut et d’autres encore ct qu’il reflète lui seul toute la gloire du Père, alors que les créatures n’en sont que des reflets partiels, In Joa., xxxn, 18, t. xxv, col. 817, image parfaite du Père, même dans sa grandeur. Cont. Cels., vx, 49. A Celse qui trouvait absurde l’incarnation d’un Dieu infiniment immuable, beau, bienheureux, absolument transccn• dant, Origènc ne répond pas que le Fils incarné n’est pas ce Dieu infini; il expose, au contraire, sereine­ ment que cc Dieu, en sc faisant homme, prend une nature mortelle, mais reste immuable dans sa nature immortelle Cont. Cels., xv, 14-15, t xx, coL 10441048. Cette doctrine suppose la consubstantialité du Verbe. b) Consubstantialité divine du Fils avec le Pire. — Origènc, outre les textes implicites cités plus haut, l’enseigne expressément. Il emploie peut-être le pre­ mier le mot ύμοούσιος, qui sera bientôt le drapeau de l'orthodoxie. In Epist. ad lleb., fragment dans ΓApo­ logie de saint Pamphile, v, t. xvn, col. 521-524, 580581; Rufin, De adulter, libr. Origen., ibtd., col. 619. Connue le note Pamphile et comme l’exprime le con­ texte, le mot signifie possession de La substance meme de Dieu. Cf. In Joa., xnx, 25, t. xxv, col. 441. En lout cas, la doctrine de l’unité substantielle et numérique du Père et du Fils est bien la doctrine d’Origène. Par delà les personnes, il voit enfin la nature, la sub­ stance, l’essence divine commune, non abstraite, mais concrète, celle du monothéisme. Una substantia est et natura Trinitatis. In Num., homil. xn, 1. Deus... intellectualis natura simplex; uli ne mafus aliquid el inferius in se habere credatur, sed ut sit ex omni parte μονά;, ri ut ita dicam ένας ri mens ac fons ex guo ini· tium totius intellectualis naturæ vel mentis est ; Pcriarch., I, i, 6; IV, 27, parle de la substantia Trinitatis imma­ térielle; un peu plus loin, 35, il dit : illa natura (diuina) soli sibi cognita est. Solus enim Pater novit cl solus Filius novit Patrem ct solus Spiritus Sanctus perscru­ tatur etiam alta Dei. Ailleurs, In Is., homlL i, 4, t. xnx, col. 223 : Ut unitatem deitatis in Trinitate cognoscas solus Christus in pra:senti lectione nunc peccata dimittit ct tamen certum est a Trinitate peccata dimitti; on j cut 2439 FILS DE DIEU appeler Dieu le Saint-Esprit (ct le Fils), mais « qui­ conque étend à d’autres l’appellation de Dieu intro­ duit le polythéisme. » In Proa.,xxn,28,t. xvn,col. 221. Celse avait accusé les chrétiens de polythéisme; mais Origène répond, non en disant que le Père seul est le vrai Dieu, mais en montrant leur identité d’après l’Évangilc : « le Père ct moi nous sommes une seule chose;» le Père ct le Fils sont deux en hypostase, mais un seulement par l’accord, l'harmonie, l’identité, ταυτάτης, de la volonté (ou de l’agir ct donc de l’être — ainsi il n’y a qu’un Dieu). Cont. Ccte., vni, 12. Si les trois sont appelés Dieu, ils sont bien le Dieu unique du monothéisme. Voici d’ailleurs un texte qui, bien que conservé seulement dans les chaînes bibliques, n'est pas en dehors de la façon d’Origène, In Matth., xxvm, 18, t. xvii, col. 309 : « Un est celui qui sauve, un est le salut. Un est le Père vivant, le Fils ct l’Esprit-Saint; un, non par le mélange des trois, nuis par l’identité de substance dans trois hypostases parfaites ct corréla­ tives. Le Père a engendré suivant la nature,χατα φύσιν: c’cst pourquoi celui qui est engendré lui est consub­ stantiel, ύμοούσίος... le Fils est né de la substance du Père. » Voir enfin de très beaux textes dans les Comm. in Epist. ad Rom., i, 16; ïv, 9, t. xiv, col. 863, 997; vm, 5, proprietates... suas cuique dabit, nihil autem diversitatis confitebitur in substantia vel natura, ibid., col. 1169; νπι, 13, col. 1201-1202. Pourquoi le Fils estil ainsi consubstantiel au Père? C'est qu’il n’est pas une créature produite du néant, mais le Fils engendré de la substance du Père, nous le dirons bientôt. c) Notons auparavant que, malgré cette intime con­ substantialité qui a fait accuser Origène de sabellia­ nisme, le Fils garde sa personnalité distincte. Origène, nous l’avons observé, a démontré cc point plusieurs fois contre les sabellicns ct sa terminologie ici encore est en avance sur son siècle, étant celle qui triomphera définitivement plus de cent ans après, avec les Cappadoclcns. Les modalistcs disaient que la Trinité est une, » iv, non seulement par l’essence, ουσία, mais aussi par le suppôt, ύχοχιιμίνφ, ct distincte seulement en rai­ son, xari τινας ίπποιας, mais non d’après la réalité, χατά ύπόστασιν; il faut, au contraire, affirmer, établit le champion de l’orthodoxie orientale, que les trois de la Trinité sont distincts αριθμώ, numériquement, ύποστάσβι, dans la réalité, ύποχειμένφ, par le suppôt, bien qu’un en substance, ουσία. Cont.'Cels., vm, 12, t. xi, col 1533; in Joa., x, 21,’t. xiv, col. 374; i, 23, ibid., col. 65; π, 6, col. 128; In Matth., xvn, 14, t. xm, col. 1520. Origène n’emploie pas le mot προσώπου pour signifier personne, mais seulement personnage. 11 faut remarquer cependant que ουσία n’est pas toujours la substance, mais parfois encore la réalité individuelle, ou mieux l’essence,même individualisée et personnelle. Cont. Ctte., i, 23; vî, 71 ; vm, 67, etc. Ceci doit servir à interpréter un texte par ailleurs corrompu, sur lequel insistent les partisans du subordin at ionisme d’Origène, De oral., 15, L xi, col. 463; le Fils y est dit autre que le Père χατ’ ουσίαν xal ύποχιίμ<νο(ς)ν, qu'on traduit selon l’essence ct selon le suppôt; mais il n’y a pas à insister sur cc mot qui peut ct doit être pris dans le sens indiqué d’essence individuelle personnelle qu’il gardera longtemps après Origène ct malgré lui. Voir F. Prat, op. cit., appendice I, p. 169-173. Le Fils est donc une réalité distincte, vivante, υπόστασις, In Joa., i, 23, 39, t. xiv, coL 65, 89, non un simple son proféré au del lors qui tombe dans le néant,ni simplement l’en­ semble des pensées de Dieu. Et c’cst dans cc sens qu’il faut entendre les nombreux textes où le Fils,le Verbe, est dit la Raison, la Vérité, la Sagesse, l’intelligence, la Vie même substantielle de Dieu. Ces perfections, appartenant à l’essence de Dieu, sont Inséparables de ta substance, ct si la raison peut les distinguer, elles sont en réalité une seule ct même chose en quoi consiste 2440 la plénitude de la divinité, Periarch., IV, 28, t. xi, col. 403, etc.; car si ccs textes affirment clairement la parfaite consubstantialité du Fils et l’aspect spécial j de sa personnalité, ils ne nient pas celle-ci, expliquée ailleurs, par exemple, avec des développements sem­ blables, Periarch., I, n, 2 : Nemo putet aliquid nos insubstantivum dicere cum cum (Filium) Dei Sapien­ tiam nominamus... Si ergo semel recte receptum est, unigenitum Filium Dei Sapiendam ejus esse substan­ tialiter subsistentem. Cf. In Joa., i, 22, t xiv, coi. 5657; Com. in Epist. ad Eph., i, 17, dans Journal o/ I theol. studies, t. in (1902), p. 398. d) Le Fils est consubstantiel, parce qu’il a été engendré de toute éternité par le Père. Ce point de doc­ trine, déjà clairement affirmé par Clément d'Alexan­ drie, est expressément enseigné par Origène. Les for­ mules tant odieuses aux ariens : le Fils n’est pas du néant, Ιξ ούκ οντων, mais de la substance du Père par génération, ct il ne fut jamais d'instant où le Fils n’était pas, sont répétées dans Origène, S. Athanasc, De decret, nie. syn., 27; Periarch., IV, 28; le Fils est de toute éternité engendré, car toujours la splendeur accompagne la lumière, In Epist. ad Rom., i, 5, t. χιν, col. 848-849; In Epist. ad Heb., fragm., ibid., col. 1307; d’ailleurs, pour Dieu, il n’y a aucune succession, c'est l’éternel instant qui est toujours, ct ainsi le Père engendre toujours le Fils. Periarch., I, n, 2, 3, 6, 9, 11; IV, 28; In Joa., i, 32, t. xiv, col. 77; In Jer., homil. îx, 4, t. xm, col. 357. On a voulu incriminer, J. Schwane, loc. cit., mais à tort, ccttc magnifique con­ ception de l'étcmité divine et de l’éternelle généra­ tion; d'autre part, on a voulu en diminuer la portée en remarquant que, pour notre Alexandrin, toute la créa­ tion est éternelle; mais les deux modes d’éternité sont essentiellement différents comme l’ordre de l’absolu nécessaire ct immuable diffère de l’ordre du créé con­ tingent, qui est essentiellement temporel. Periarch., ïv, 28; cf. In Matth., scolic sur xxvm, t.xvn, col. 309; Eusèbe, Ado. Marcel. Ancyr., i, 4, t. xxiv, col 760, etc. Origène cherche à concevoir ccttc génération éter­ nelle; il répète les métaphores bibliques dites de la Sagesse émanée de Dieu, Periarch., I. n, G; IV, 28; fragment conservé par saint Pamphile, t. xvn, col. 580-581, etc.; il veut surtout écarter toute imagina­ tion corporelle ct toute idée de projection au dehors, προβολή, ibid., ct In Joa., i, 23, t xiv, col. 65, etc.; enfin il dit que,si l’on veut une analogie moins impar­ faite, il faut plutôt penser à notre volonté procédant de notre intelligence sans division ct sans séparation (immanence consubstantielle), Periarch., I, n, 6; IV, 28; fragment cité par Pamphile, t. xiv, col. 183 : natura non adoptione Filius est; natus autem ex ipsa Patris mente, sicut voluntas ex mente. Ceci est d'ailleurs bien différent de l'idée des apologistes ct des occiden­ taux: le Fils engendré par la volonté du Père. Celle-ci, il est vrai, est attribuée à Origène par Justinien, Epist. ad Menam, t. lxxxvi, col. 481, mais i I faut sc défier de ces citations antiorigénlstes du vî· siècle. Dans les textes indiqués, Origène, sans doute pour éviter toute com­ paraison avec notre verbe, même avec notre verbe intérieur, ct voulant rester dans cet ordre psycholo­ gique Immanent, a indiqué la «procession » de notre vouloir, comme analogie générique et non spécifique (ainsi elle convient seulement ù l’Esprit-Saint), peutêtre sous l’in fluence du texte, Col., i, 13, ό vio; τής αγάπης αύτοΟ. c) Malgré ccs vues très élevées, surtout sur la con­ substantialité divine, on a voulu voir dans Origène, encore plus clairement que dans son maître, le plus tronc subordinatianisme. J. fixeront, op. cit., t. i, p. 287. L'ensemble de l’antiquité ne l’a pas vu dans Origène ; pour les Pères du ïv· siècle, il est le grand génie de l'orthodoxie; sauf quelques anonymes con­ 2441 FILS DE DIEU 2442 11 n’y a pas non plus à s’arrêter à ccs expressions nus par les apologistes d’Origène ct, à la fin du iv’sièclc, les trois fougueux antiorigénistes, Épiphanc, qui peuvent accuser simplement l'ordre des origines : Dieu le Père est le Premier absolu, le principe; le Jérôme, Théophile d’Alexandrie, dont les accusations Verbe est après lui, même au-dessous de lui, ConL portent à faux plusieurs fois, personne ne lui reproche Cels., n, 9, vî, 60, et même second Dieu, ècôrtpo; θεός, rien au point de vue trinitaire. Auparavant, sabelhens, mais par conciliation pour le langage de Celse et en ariens, apollinaristes l’avaient attaqué parfois avec un certain sens seulement, ibid., v, 39, t. xi, col. 1244, fureur; lorsque quelques ariens essayèrent de le tirer ce qui corrige suffisamment cette expression tant Incri­ à eux, saint Athanasc ct saint Basile entre autres, minée. Le Père est encore ô θεός, αύτύβεος, αύτοαγαΟό;» après saint Pamphile ct Didyme, défendirent son tandis que le Fils est non αύτόβεας, d’après Jus­ orthodoxie, en concédant quelques façons de parler tinien, cf. Periarch., I, n, 13, ού/ ώς αχίώς άγαμός: le difficiles, dues ù sa méthode, S. Athanasc, De decretis Père est seul la Bonté simpliciter, absolute. Ces distinc­ nie. syn., 27, ou à l’ardeur de sa polémique. S. Basile, tions sont plutôt malheureuses; mais on doit conve­ De Spiritu Sancto, 73. Photius s’était rangé à cct nir que leur expression ne répugne pas absolument avis, Biblioth., cod. 117, t. an, col. 395. Cf. F. Prat, à une doctrine reconnue par ailleurs orthodoxe. Voir op. cit., appendice in, Origène cl la tradition, p. 188plus haut ce qui a été dit de la divinité stricte du Fils 213. C’est aussi la conclusion de cette pénétrante de Dieu. Le Fils est appelé encore αύτοα)ή6αα (bien étude de F. Prat : « Qu’on examine sa terminologie qu’image de la Vérité à un autre point de vue), αύτοαavec la bienveillante équité d’un saint Athanasc, on γιασμός, αύτοδιχαιοσύνη, In Jer., homiL xvn, 4, édit. ne la trouvera pas en défaut. Si l’on sc donne la peine d’étudier consciencieusement scs œuvres, au lieu Klostermann, p. 147; αύτοουναμίς, In Joa., f, 38; ct très souvent αύτοσοφία αύτό’/ογος. Il faut expliquer de d’en détacher quelques lambeaux de phrase dont le sens est obscur ct l’expression malvenue, on lui ren­ même le mot γενητίς, produit, voir In Joa., n, 6, dra pour le fond le même témoignage, > p. xxii-xxm. t. xiv, col. 125-129, que saint Épiphanc interpréta Voir Esprit-Saint, col. 70-1-711. créé, llœr., lxiv, 5-8, t. xli, col. 1080-1084; cc mot Plusieurs accusations, en cfict, lancées par les ariens n’a pas cc sens ct Épiphane convient que, chez un antiorigénistes el répétées après eux, sont d’abord autre auteur, il serait orthodoxe; pourquoi ne l’est-il des méprises, poussées quelquefois jusqu’au contre­ pas chez Origène? Justinien, il est vrai, Epist.'ad sens. Ainsi Origène aurait refusé au Fils la vision du Menam, t. lxxxv, col. 982, attribue à Origène le Père et au Saint-Esprit celle du Fils, S. Épiphanc, mot χτίσμα;mais la phrase ne parait pas authentique, Hier., lxiv, 4, t. xli, col. 1076; S. Jérôme, Epist., ct comment Épiphanc, pour accuser Origène de faire cxxiv, ad Auit., 2, P. L., t. xxn, col. 1060; mais les du Fils de Dieu une créature, n’aurait-il trouvé que textes qui disent quelque chose de semblable, Periarch., γενητός, en soi orthodoxe? Et puis nous avons les I, i, 8; II, iv, 3, parlent évidemment de vision corpo­ textes formels qui font du Fils un engendré, non un relle refusée à Dieu parce qu’il est spirituel, opposée à créé; car si le Verbe est γενητίς (produit avec sens la connaissance intellectuelle qui fait connaître le Père vague) par rapport au Père, seul improduit, imprinpar le Fils comme le Fils par le Père. Une phrase du cipié, iv το άγένητον, comparé aux créatures, il est De oratione, 15, met ensuite une difiérence ζατ* ουσίαν άγένητος. Cont. Cels., vi, 17. Enfin, les mêmes remar­ entre le Père ct le Fils; nous avons dit ce qu’il faut ques sont à faire au sujet de la fausse exégèse, conti­ penser de ccttc terminologie. D’après saint Épiphanc, nuée longtemps encore après Nicée, de Prov., vm Hœr., lxiv, 4, loc. cil., Origène aurait dit que le Fils 22 (χτίζειν peut d’ailleurs, lui aussi, avoir un sens est de la substance du Père ct pourtant créé, Fils par vague de produire), ct de Joa., xiv, 28 : Pater major grûcc ct non par nature. Le premier point est incom­ me est, appliqué à la divinité du Fils; ou encore sur préhensible. Origène répète que le Fils est de la sub­ celle qui insiste trop pour attribuer au Fils des parti­ stance du Père; une fois il emploie, χτίσας, In Joa., cules et des textes de médiateur; le Père fait tout par i, 22, t. xiv, col. 56; mais c’cst une allusion adoucie à le Verbe dans le Saint-Esprit, procession du SaintProv., vm, 22; nulle part, dans les textes parvenus Esprit, In Joa., π, 6; création. Cont. Cels., m, 34; jusqu’à nous, il ne le dit créature, χτίσμα; il affirme vin, 13. Le Père aussi reçoit tout, prières, culte, par le le contraire. V oir plus haut. Des textes formels répè­ Verbe dans le Saint-Esprit, comme dit la liturgie; à cc tent de même que le Fils est tel par nature, φύσα, κατά propos, sur la foi du peu consciencieux patriarche Théo­ φύσιν. Sans doute, l’évêque de Salamine aura pensé phile, cf. S. Jérôme, Epist., xevi, 14. P. L., t. xxn, ici simplement au γενητός qu’il a interprété crée ct col. 784, on fait défendre par Origène de prier le dont il conclut que le Fils était fils adoptif. \'oir plus Fils; c’est un contre-sens, car en vingt endroits, Ori­ loin. Voici un dernier spécimen d’imputation grossie gène prie le Fils et le fait prier par les autres. Cont, à plaisir. Origène avait dit que le Père est la Vérité, Cels., v, 11; In Luc., homil. xv, t. xm, col. 1839; In le Fils non la Vérité (inengendrée), mais l’image de la Ezech., homil. xu, 5, ibid., col. 757, etc. Dans trois ou quatre textes, il dit qu’il faut prier (il s’agit spé­ vérité (en soi et pour nous); cette parole devint chez le fougueux Théophile d’Alexandrie, Epist. synod., de cialement de la προσεύχη, prière liturgique) le Père par le Fils ct non autrement. De orat., 15-16, t. xi, col. 400, traduite par saint Jérôme, P. L., t. xxn, col. 762 461-168; Cont. Cels., v, 4; vm, 13, 26; mais il appuie (voir en note des réferences à saint Jérôme ct à saint cette pensée sur la seule raison de l’usage ct du oon Augustin) : le Fils est vérité pour nous, mensonge par rapport au Père. Dans le même ordre d’idées, c’est le ordre des assemblées liturgiques; rien là de suspect. Fils qui révèle le Père invisible; mais, Λ la difiérence , 11 dit ailleurs que l’adoration doit aller à la Trinité, des apologistes, Origène restreint cette affirmation au Père, Fils ct Saint-Esprit, ct à nul autre. In Itom., i, 16. t. xiv, col. 863. Voir,plus haut, cc qui est dit de simple fait; car, selon sa nature, le Fils est aussi la consubstantialité de la Trinité. invisible que le Père, précisément parce qu’il est l’image (parfaite) du Père. Periarch., II, vî, 3, t. xi, 11 reste enfin quelques passa' es dont l’expression col. 211 ; S. Athanasc, De decr. nie. syn., 27. Aussi, si est plus clairement subordinatienne et qui sont plus les théophanies sont surtout attribuées au Fils, c’cst difficiles à expliquer dans un sens pleinement ortho­ qu’il est l’envoyé (le Saint-Esprit n’est envoyé que doxe. Le Verbe est ministre, obéit aux ordres du sous la nouvelle loi), mais les autres personnes pour­ Père dans la création. Cont. Cels., vî, 60; Periarch., raient apparaître, ln Lue., homil m, t. xm, col. 1808; prœj., 4; ln Joa., i, 22, t. xiv, col. 57; xx, 7, col. 588; c’cst déjà esquissée la théorie de saint Augustin, cc In Col., dans VApol. Pamphili, v, t. xvn, col. 589. qui suppose un concept assez parfait de la Trinité. Cont. Cels., v, 37, Origène dit que le Fils, bien qu’il ait 2443 FILS DE DIEU 2444 apparu récemment, n’est pas cependant récent comme J le modaiisme proprement dit, plus simple, au patriles mille dieux du paganisme, mais qu’il est la plus passianlsmc; ccs modifications, dernière phase de ancienne des œuvres du démiurge, πρίσύύτατο? πάντων l’enseignement de Sabellius, expliquent que le moda­ τών δημιουργημάτων; mais le superlatif a sans doute un iisme ait été appelé sabellianisme. Dieu est donc en sens simplement comparatif : il est plus ancien que... lui-même simple monade personnelle; mais il se révèle Π en va autrement de Periarch., I, ni, 5, t. xi, col. 150, au dehors sous des aspects divers : créateur, législateur texte qui a toujours été si fort reproché à Orlgène, ancien, il est Père; incarné ct rédempteur, il est Fils, puisqu’il étend l’action du Père à tous les êtres, celle υίωπάτωρ; sanctificateur, il est Saint-Esprit ; ce ne sont du Fils, « inférieur au Père », aux seuls ,ογιχα, cl celle que des aspects, des modalités,des rôles,πρόσωπα,d’une du Saint-Esprit, encore inférieur au Fils, aux seuls même réalité, h μιά ύποστάσιι; πρόσωπον, employé justes. Le texte a déjà été expliqué. Voir Esprit-Saint, à Home par saint Hippolyte dans le sens latin dc col. 710. Il s’agit,dans l’unité dc l’action divine indipersonne civile distincte, fut donc employé par Sabclvisée, de considérer la part spéciale attribuée aux lias dans le sens grec de personnage, ct cct emploi lui personnes; Origènc parlerait ici comme nous quand donna en Orient une couleur originelle hérétique qui nous disons : le Père créateur, le Fils rédempteur (des le rendit longtemps suspect. Ccs trois modalités di­ hommes), l’Espnt sanctificateur (des justes); Huet, vines ne sont même que transitoires, bien que stric­ qui est sévère pour Origènc, excuse ce texte. Loc. cit., tement divines, à la différence du dualisme pat ripast xvn, col. 786-790. sien Dieu et Fils-homme, aspects de l’action divine En définitive, pour la doctrine dc la divinité du qui sc répand en quelque sorte et se dilate, puis sc Fils, qui est certainement orthodoxe, dans sa sub­ concentre à nouveau. Voir J. 'fixeront, op. cit., t. î, stance, mais meme dans sa partie secondaire, Origènc p. 406-408. semble être arrivé au plein consubstantiel sans véri­ 2. Les docteurs alexandrins, disciples ct succes­ table subordinatianisme : on peut rester d’accord à ce seurs d’Origènc, surtout les patriarches de ce < dio­ propos avec Pamphile, Athanase, Basile, contre les cèse » d'Alexandrie où se répandait l'erreur, conti­ adversaires de l’origénismc (et non plus d’Origènc), nuèrent la lutte contre elle. Tel fut bientôt le cas de Épiphanc, Jérôme, Théophile d'Alexandrie. Sa lan­ saint Denys le Grand (entre 248 ct 264), qui fut cause gue, subissant l'influence traditionnelle, exégétique d’une manifestation importante dans l'histoire du ou théologique, reste cependant çà ct là subordinadogme du Fils de Dieu. ticnnc; ct sa pensée même, pensée grecque qui n’aper­ Denys avait écrit plusieurs fois contre les sabclçoit pas assez la nature et trop exclusivement les per­ licns; une lettre entre autres à Syxte H (257), Eusèbe, sonnes, n’csl pas parfaitement éclaircie au sujet dc H. Ε.,νιι, 5, sur les ravages de leur hérésie, avec une la consubstantialité, entrevue tout entière, quoique copie de sa réfutation. Vers 259, il écrivit une nouvelle confusément. La consubstantialité ne sera complète­ lettre à deux évêques dc la Pentapole libyenne, Ammo· ment claire qu’après les travaux de saint Augustin nius ct Euphranor, qui choqua quelques esprits ct le ct dc la scolastique. fit dénoncer au pape saint Denys, son homonyme. Celui-ci, après avoir pris une délibération synodale, F. Prat, Origine. le théologien et ferégUe, Paris, 1907. expédia deux lettres en Égypte, une publique expo­ p. XX-XXVIII, 29-68 (cf. Éludes, 1905, t. cv, p. 585-592); sant la doctrine orthodoxe, une privée au patriarche J. Tixcront. op. cit., t. i. p. 28*1-290; Harnack. Dogrnengclui demandant des explications. Le patriarche répon­ schichle, 4· édit., 1909, t. I, p. 650-697; J.Schwane, op. cil.. dit par un premier message, puis plus longuement par t. I. p. 179-187; Frrppcl, Origine, 2 in-8·, Paris. 1868. leç. ΧΠ ct XIH. 1.1. p. 251-302; Huet. Origeniana. P. G., t. xvn. un traité en quatre livres, Ελεγχο; κχι· ’Απολογία, où Col. 709-796; A. Vinccnzi, In S. Grcgorti X gisent et Origen is il se justifia pleinement. Les faits ont été conservés par scripta cl doctrinam noua recensio, I in-8·. Home, 1861, saint Athanase, De sentent. Dionysii ; De decretis nicæn. L n. c. vm- xm, et les ouvrages de Kcdcpcnalng. syn., 26, ct par saint Basile, Epist., ix, 2; De Spiritu Ch. Bigg, etc., Indiqués dans la bibliographie générale dc Sancto, xxix, 72, P. L . t. v.col. 117-128. On avait repro­ fart. Alexandrie (École iTl, t. i, col. 823-824, et mieux à ché à l’évêque d’Alexandrie dc nier l'éternité du Fils, l’art. Orfpêne du Dictionnaire de la IJible, t. iv. col. 1888-1889. dc le séparer du Père en ne faisant pas le Christ ύμοούσιος 4· Le sabellianisme cl le subordinatianisme en Orient τω Hcn», et d’en faire une créature, ποίημα, qui n’était ct leur élimination. — Origènc eut plusieurs fois à pas avrant d’être faite, étrangère au Père dans son réfuter le modaiisme; malheureusement il le ill en essence, κατ’ ουσία?, comme le vigneron et sa vigne, le excédant dans le sens opposé, quant à l’expression du charpentier cl sa barque : c’était déjà dc l’arianisme, moins, sinon quant à La doctrine d’un subordinatia­ à peine le dithéisme d’1 Îippolyte. Comme Calixtc, nisme mitigé. Ce sont les deux erreurs à étudier en qu’à trente ans dc distance il continue et développe Onent après lui jusqu’à la controverse arienne, en manifestement, saint Dcnys de Home, en face dc pa­ constatant, en meme temps, le progrès de la doctrine reilles propositions, établit la doctrine orthodoxe, en orthodoxe. condamnant d’abord le modaiisme ct le subordina­ 1 Sabelli us était libyen, dc Ptolémaïs; après sa tianisme rigide qui conduit au trithéisme : on ne peut condamnation à Home, il revint peut-être dans son admettre en Dieu · trois hypostases divisées, étran­ pays; en tout cas, son hérésie, dans la première moitié gères l’une à l’autre, c’est-à-dire trois divinités; » puis du in· siècle, y flt de grands ravages dans toute la en affirmant le consubstantlalisme : il faut, au con­ Pentapole ct dc là se répandit en Égypte et même traire, concevoir la Trinité « comme au sommet dc en Arabie. Origènc fut même appelé (vers 214) dans tout, unifiée, ramassée, rassemblée en un seul, le Dieu ce dernier pays pour y combattre l’évêque dc Bostra. créateur · Et par conséquent « il est intolérable dc Bérylle, qui niait la préexistence du Christ ct le décla­ dire que k· Fils est une chose faite ct qu’il est devenu rait Dieu e umtaricn prêché à Borne, mais avec sant, ct en Jésus Christ, ct au Saint-Esprit, et à des explications trinilaircs spéciales qui substituaient 2445 FILS DE DIEU ΓιπιΙοη du Verbe avec le Dieu de l’univers, car le Père d moi, dit-il, nous sommes un ct Je suis dans te Père d le Père est en moi Ainsi seront sauvegardées ct la Trinité divine ct la sainte prédication de la monar­ chie. > P. E. t. v, col. 109-116. C’était bien la doctrine consubstantialistc imposée par Rome à l’Oricnt pour autant que celui-ci en avait besoin; peut-être même le mot όμοούσιος y était-il In­ culqué, si l'on en juge par les excuses de Denys de no l'avoir pas employé; c’était, dc plus, une condamna­ tion expresse du subordinatianisme au moins rigide. Toutefois, quelle était la doctrine du patriarche alexandrin, disciple d’Origènc? Il sc défend d’avoir jamais nié Téternité du Fils; il s’était, au contraire, efforcé de la prouver par ces raisons que le Père toujours fut Père ct toujours resplendit sa lumière, φώς ίκ φωτός, αναρχον, άειγινες. Λ propos du con­ substantiel, il concède avoir employé, mais en passant, quelques comparaisons impropres (sans doute pour s’adapter aux esprits qu’il voulait convaincre) ct n’avoir pas employé le mot όμοούσιος, parce qu’il n’était pas biblique; mais il en admettait pleinement la doctrine ct s’était servi d’autres comparaisons plus justes : père ct enfant, source ct fleuve, etc.; il développait dc nouveau en particulier celle dc la parole ct dc l’esprit pour en montrer l’application orthodoxe : « la parole est une émanation dc l’esprit; l’esprit, c’est la parole immanente; la parole, c’est l’esprit exprimé, tous deux sont une chose tout en en étant deux, εν εισιν δντες δύο, » ainsi le Père ct le Fils procédant du Père sont un et l’un dans l’autre, ♦ εν και έν άλλήλοις. Il ne divisait donc pas la Trinité, mais l’affirmait « indivisible unité étendue en Trinité ou Trinité indivisible ramenée à l’unité. > Cette doctrine ne peut sc restreindre à une unité spécifique; Γομογενές et Γόμοφυές de Denys signifient donc unité ontologique ct non pas seulement abstraite; il n’y a aucune raison dc dire comme J. BurcI, op. cit., p. 108, 110, que le patriarche grec ne comprit pas le sens dc Γόμοούσιος romain. 11 n’y eut pas davantage malentendu sur Γύπόστασις; dc part ct d’autre on condamne les hypostases divisées, étrangères l’une Λ l'autre, μεμερισμίνας, ξένας ά).)ή).ων,οΐ Denys eut rai­ son dc maintenir les trois hypostases, « que cela plût à scs adversaires ou non. » Enfin, assurait-il encore, jamais il n’avait songé Λ faire du Père le créateur du Fils (ποιητής, δημιουρ­ γός); le Père est Père. Cependant ποιητής a pu être employé dans ce sens large vulgaire qui s’applique même ù la paternité. Cf. S. Athanase, De sen/. Dionys., 15-23. St telle était la pensée dc saint Denys avant la lettre du pape, comment a-t-on pu accuser le pa­ triarche des erreurs indiquées plus haut? Évidemment il avait employé certaines expressions excessives, en­ traîné qu’il avait été parson zèle Λ combattre l’impiété libyenne, S. Basile, Epist., ιχ, P. G., t. xxxn, col. 267, bien que saint Athanase mette tout sur. le compte d’une certaine diplomatie polémique,De sent. Dyonisil, 6-12; mais on avait aussi excédé, en interprétant avec trop de rigueur ccs expressions, surtout en en tirant des conclusions bien éloignées de la pensée, au fond orthodoxe, de saint Denys. 11 n’y a aucun fondement â contester cc jugement dc saint Athanase, ou du moins c« hd de saint Basile, ct Λ prétendre connaître mieux qu’eux la doctrine de Denys le Grand pour l’accuser dc semi-arianisme. J. BurcI, op. cit., p. 111. J. Tireront, op. ciL. t.Ji, p. 104-413; Hngeman. op. cil. (sur le monurchiniiisme), p. 411-453; J. BurcI. Denys d'Alexandrie. Paris. 1910. p. 95-113; les notes de l’édition do ( h 1 Fcltoo, The tetters and other remains o/ Dyontstus o/ Ab.randrla, Cambridge, 1901; J. Schwano, op. cit., t. I, 191-199. 24 W 3. Quand Denys devint évêque (218), Théognostc devint chef du Dldascalée. Il publia des Ilypotyposes, vrai manuel dc théologie systématique dont le L II traitait du Fils. Photius, qui lut et analysa l’ouvrage, l’accusa de subordinatianisme. Bibliotheca, cod. 106; il appelait le Fils χτίσμα et restreignait son influence aux λογικά. Memes accusations dans saint Grégoire dc Nysse, Contra Eunom., in,3. Pourtant les fragments conservés dans saint Athanase, De decretis nicæn. syn., 25; Epist. ad Serapion., iv, 11, P. G., t. x, col. 240-241 ; ct ceux que Diekampa publiés en 1902 (voir A. Harnack, Die Jlypotyposen des Theognost., dans Texte und Unlers., 1903, t. ix, fasc. 3) sont orthodoxes; le Fils procède dc l’essence du Père, έκ τής τού Πατρός ουσίας (il n’est donc pas une créa­ ture au sens strict) ct il a une ressemblance parfaite, exacte, avec le Père selon l’essence (son pouvoir n’est donc limité que de fait comme Fils rédemp­ teur). Avec des expressions équivoques, c’est tout au plus le sutordinatianisme mitigé, comme chez Origène. Il faut en dire autant dc Pierius, le second Origènc pour la science ct la fécondité littéraire, à la tête du Dldascalée, à la fin du m· siècle. U écrivit probable­ ment un traité sur Marie άστοχος (divinité du Christ). Photius, Bibliotheca,cod. 119,lut de 1m douze ouvrages ct déclare son enseignement orthodoxe sur le Fils avec quelques expressions un peu vieillies : ainsi il disait que le Père ct le Fils sont deux ουσία t ct deux φύσεις, voulant dire deux réalités distinctes* P. G., t. cm, col. 400; L v, col. 244-245. 4. Quittant le Didascalée, Origène était allé à Césaréc, où il se fit d’autres disciples. Parmi eux, un des .plus Illustres, Grégoire le Thaumaturge (évêque dims le Pont vers 240-270), lui fit, en lo quittant, ce discours panégyrique bien connu où il s’unissait d’abord à l’action de grâces du Verbe luimême,seule digne de Dieu, n.4,P. G., t.x,col. 1060 sq., du Verbe créateur ct providence, du Verbe vérité, sagesse et puissance du Père,parfaitement uni ct égal au Père, bien plus dims le Père comme le Verbe Dieu, le Verbe vivant de son intelligence. Plus Lard cependant, il se servit dc plusieurs expressions trinitaircs qu’on lui reprocha; c’était sans doute dans \e Dialogue avec Ælianus et le Traité à Thèopompe (sur la providence). Mais saint Basile, Epist., xxvm, 1, 2; cciv, 2; ccvn, 4; eux, 5, défendit avec insistance l’orthodoxie dc celui qui avait Instruit sa grand’mèrc sainte Macrine; des expressions telles quelle Père ct Je Filssont deux ir.ivoii, un νποσεάστι, disait-il, s’expliquaient par la polémique de l’évêque insistant sur l’unité dc Dieu dans un pays tout païen; d’autres mots, tels quo χτίσμα, ποίημα, s’appliquaient au Clirist en tant qu’homme, ou le texte était corrompu. La foi du Thaumaturge était, en effet, très claire dans sa Formule de foi, *ΈκΟεσις π/στίως, que, dans la famille de Basile, par Macrine, cf. la biograplüc du saint par Grégoire de Nysse, P. G., t. xlvi, col. 903-913, on savait lui avoir été révélée par la sainte Vierge (vers 260). Cette formule est en effet brève, mais claire ct précise ct jouit d’une grande autorité; le Père est dit Père du Verbe vivant, de la Sagesse subsistante, dc la Puissance et du Charactére éternel; le Verbe est affirmé Dieu dc Dieu, son image, vrai Fils d’un vrai Père, invisible d’invisible..., étemel d’étemel; la sainte Trinité parfaite est dite indivise ct inséparée, μή μεριζομίνη μηδέ ’λοτριουμίνη, dans lu gloire et l’éternité ct le règne. « Il n'y a donc rien de créé, κτιστόν τι, ni dc sujet, δούίον, dans la Trinité; il n'y a rien de surajouté comme si, n'existant pas d’abord, il était survenu plus tard... celte mémo Trinité est toujours Immuable ct inaltérable. » P. G., t. x, col. 984-988. Ces formules su nt assuremen 2147 FILS DE DIEU bien meilleures que celles du Pertarchon ct même du commentaire d’Origène sur saint Jean. Celles-ci d’ailleurs attaquées de divers côtés, plu­ sieurs essayaient de les défendre. Photius, Bibliotheca, cod 117, 118. On les expliquait généralement comme des interpolations, des expressions d’une langue incertaine, des opinions alors libres. Saint Pamphile (|309), disciple de Pierius, dans V Apologie pour Origène qu’il composa avec Eusèbe de Césaréc en prison (307-309), donna une meilleure défense du maître. Après une préface admirable d’habileté ct de sincérité, ct un c i où deux textes d’Origène résument la foi catholique, puis les hérésies à rejeter, cf. P. G., t. xvii, col. 541 sq., 549 sq., les chapitres suivants exposent cn détail sa doctrine sur la sainte Trinité; le c. ni, De deitate Filii Del, col. 559 sq., donne des textes d’Origène sur la divinité du Fils ct sur sa génération éternelle; cc sont cn partie ceux que nous avons cités. Enfin les reproches divers ct contraires faits à Origène sont mis spirituellement en regard ct réfutés par de nouveaux textes, c. v, col. 579 sq. Ceux-ci affirment la consubstantialité, όμουύσιος, dit saint Pamphile comme son maître, la génération sans probation ct la divinité : tout cela est, en ciTct, Ja doctrine authentique d’Origène qui était donc substantiellement orthodoxe, quoi qu’on ait pu dire à l’encontre. 5. On ne trouve pas davantage chez les adversaires d’Origène anténicécns, au moins dans les fragments qui nous cn restent; leur polémique antiorigénistc était d’ailleurs, d’après ccs fragments ct les titres transmis de leurs ouvrages, surtout cosmologiquc ct anthropologique. Saint Pierre d'Alexandrie (f311) disait que Jésus-Christ « est Dieu par nature, > βιδ; P.G., t. xvni, col. 512,521. Saint Méthode d’Olympc, martyrisé lui aussi vers 311, chantait le Verbe étemel, Convivium, in, 4; vn, 1; xi, 2, P. G,t t. xvm,col. 65 sq., 124,263 sq.; Sur la lèpre, xi,4;De resurrect., in, xxm, U; qui csl aussi le Fils éternelle­ ment engendré, vraiment Dieu de la pure et parfaite divinité, sans commencement ni fin. Convivium, vin, 9, col. 152; ni, 4; i. On peut cependant après Photius, Bibliotheca, cod. 237, remarquer çà cl là des expressions étranges, de couleur arienne, interpolées d’après notre critique grec, peut-être explicables par le genre allégorique des passages, Convivium, ni, 4, G (Adam ct le Christ Verbe éternel, Dieu, plus ancien que tous les éons (les siècles?) ct que les archanges); vn, 1, cite cn passant Joa., xiv, 28; De creatis, ix, xi (fragment dans Photius, ibid., cod. 235), attribue au Père la vertu créatrice ct au Fils, main toute-puissante du Père, la vertu ordonnatrice; mais il n'y a pas à s’arrêter sur cette métaphore ct cette attribution qui, déjà dans Irénée, Cont. hier., IV, xxxvnt, 3, ct Hippolyte, Cont. Noet., 10, sc retrouvera dans saint Basile, De Spiritu Sancto, xvi, 38; saint Grégoire de Nazianze, In Egypt, adv., orat. xxxiv, 8. On lira plutôt vers la Πη du banquet l’hymne admirable au Verbe Dieu, époux des vierges. Cf. N. Bonwetsch, Die Théologie von Methodius von Olympus untersucht, Berlin, 1903,ct l’art. Methodius de la Iteatcncyclopâdie, Γ»<»3, t xm. 6. Signalons encore quelques fragments de cette littérature de la Un du ni· siècle qui nous a été si infidèlement transmise. Lc copte Hiéracas, moine à Léontopolis, était aussi un autre Origène pour la science ct le nombre des écrits 11 erra sur divers points de doctrine, mais non pas sur le Verbe, au témoignage de saint Épiphanc, Hier, Lxvn, 2, 3; il disait, cn eflet, cc que lui repro­ chera Arius, que le Verbe est έχ ΓΙχτρός, comme b flamme vient de la flamme ;bien mieux,comme sont deux flammes alimentées de la même huile, ct dont 2448 l’une dérive de l’autre. Cf. S. Hilaire, De Trinitate, VI, v, 12. L’auteur, probablement syrien (vers 300), du dialogue De recta m Drum fide fait exposer à Ada­ mantins, l’interlocuteur orthodoxe, une bonne doc­ trine sur Dieu le Verbe, éternel, consubstantiel, engendré de Dieu, τδ·/ ές αυτού Otov λόγον όμβονσιον όντα, ι, 2. Ce Verbe est Fils de Dieu par nature, κατά φύσιν, non par adoption, κατά Οίσιν, m, 9; cf. v, 7, 11. Enfin — ct ccci nous conduit à l’arianisme — vers 2G0, Paul de Samosate enseignait à Antioche l’adop­ tianisme (Jésus-Christ n’est pas Dieu), fondé sur le sabellianisme ; Dieu est une personne; sa raison (Logos) et sa sagesse sont des attributs divins qu’il donne en participation aux hommes diversement; la participa­ tion de Jésus-Christ à cette sagesse divine, au Verbe, est unique; mais ce n’est qu’une participation, Cf. J. Tixeront, op. cit., t. i, p. 428-431. Paul avait pour ami le prêtre Lucien (plus tard martyrisé, cn 312), maître de critique textuelle à Antioche; or tous les auteurs anciens, sinon les fragments qui nous restent de lui, s’accordent à faire de Lucien le père de l’arianisme, cf. Philostorge, 11. E., n, 14, 15; m, 15; ct Arius lui-même aimait à s'appeler lucianiste. S. Épiphane, Hier., lxix, 6. L’arianisme et le sabellianisme, s’ils semblent con­ tradictoire^, le sont dans les conclusions, mais non dans les principes. Une seule personne cn Dieu : voilà cc que la raison comprend ct cc que tous ccs rationalistes sabellicns ct ariens affirmaient comme premier axiome. Le Fils de Dieu, ou plutôt le Verbe, mol plus facile à la spéculation libre, était dès lors ou identifié avec cette personne pour ne pas rejeter sa divinité ou changé en créature pour garder sa personnalité; c’est tout le fond de ccs mentalités hérétiques. Quoi qu’en ail dit saint Épiphanc, qui voyait Origène au principe de toutes les hérésies, Hier., Lxxvi, 3, il est très probable que l'arianisme ne vient pas d’Origène ni du subordinatianisme anténicécn substantiellement orthodoxe ct radicalement antiarien, mais de cc rationalisme philosophique qui avait d'abord conclu au sabellianisme, le dogme de la divinité du Fils de Dieu, de Jésus-Christ, étant plus explicitement au fond de l'ûmc chrétienne, si on peut dire, que sa personnalité distincte, ct qui va maintenant susciter l'arianisme. tu. la coxTHOVKnsE AEiEssE. — L'histoire de l’aria­ nisme a été déjà détaillée. Voir Ahianisme, t. i, 1779-1849 (jusqu’à 381). C’est l'histoire de la foi au Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai Fils, numériquement consubstantiel au Père qui l’engendre éternellement. Celte foi a toujours été substantiellement professée dans l’Églisc, depuis Jésus-Christ, ct saint Alexandre, patriarche d’Alexandrie, cn anathématlsant Arlus, puis en exposant sa croyance, la toi ancienne ct traditionnelle de son Église ct de l’Églisc catholique, contient implicitement tout entière La doctrine d’Athanase et de Nicée. Mais cette foi avait été jus­ qu’ici accompagnée souvent d’impuissances ct d’im­ perfections de formules ct même de pensée, que la lutte prolongée avec l’hérésie subtile ct ondoyante éliminera peu à peu pour aboutir à la pleine con­ science du dogme ct à sa parfaite expression. 1° Lc concile de Nicée affirme la génération éter­ nelle du Fils ex lubdantia Patris contre la production temporelle arienne, ct par conséquent sa stricte divinité ct sa consubstantialité ou identité de sub­ stance avec Dieu le Père; seulement cette doctrine n’est affirmée que comme fait, sans explication; le vocabulaire même qui devra servir à ccs explications J reste équivoque (synonymie de ούσία ct ύπόστασις). 1 Dans cette première phase de la lutte, il faut surtout considérer la doctrine arienne, voir Arianisme, col· 1781-1791 ; puis en opposition la doctrine du patriarche Alexandre, ibid., col. 1792-1795; Alexandra, t. i, col 765; enfin le travail ct la définition du concile en 325. Voir Arianisme, col. 1791-1797; Consubstan­ tiel, t. m, col. 1607-1613. Ces trois points ont été résumés et exposés avec plus de précision par J. 'Fixe­ ront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. n, p. 2436. Remarquons seulement que όμοούσιος, connu dès le ni· siècle cn Orient (voir plus haut les cita­ tions d’Origène, de Denys d’Alexandrie ct d’Adamantlus), peut-être même dès le u· siècle (lettre du gnostique Ptolémée citée plus haut), ne fut cependant probablement choisi comme le mot de l’orthodoxie A Nicée que par l’influence d'Hosius de Cordouc, ct ainsi de l’Occident où depuis Terlulhen la doctrine qu’il exprimait était communément reçue. 2· Après le concile de Nicée, sauf de la part de quelques partis extrêmes de violents, la doctrine d’Aiius resta anathématiséc : le Fils est étemel, engendré, non produit, Dieu, ayant donc les perfections divines, la substance divine, avait dit Je concile, ct la même que celle du Père. Mais cc mot était suspect de sabellianisme pour plusieurs; de plus, il restait A expliquer comment le Fils avait la même substance que le Père : la même spécifiquement? c'était faire deux dieux; la même numériquement? c’était appa­ remment détruire toute distinction réelle dans la simplicité de cette substance divine identique; surtout restaient les ambitions ct les animosités de plusieurs prélats de cour, secondés par des princes byzantins qu’ils avaient gagnés. De là, les luttes qui bientôt éclatèrent sur la définition de Nicée, les conciles, les symboles, les fractionnements de partis, sans parler de la politique qui s’y mêla. Il y eut d’abord le parti antinicécn des eusébiens, parti hétérogène dont les éléments sc diviseront bientôt. Voir Eusèbe de Cî.sarèe, col. 1528; surtout Eusèbe de Nicomédie, col. 1539-1549, ct Arianisme, t. i, col. 1799-1821. -a séparation des éléments de ce parti engendra une extrême gauche qui revint ù peu près à l’aria­ nisme, voir Anomi ens, t. i, col. 1322-1326; Eudoxe, t. v, col. 1484-1487; Eunomius, col. 1501-1515; Arianisme, 1.1, col· 1821-1819, passim;puis un centre droit, comme on a dit, appelé homéouslcn (ύμοιοΰσιος) ou semi-arien (ήμιάρηοι), dont le chef fut Basile d’Ancyrc, voir t. n, col. 461-163; Arianisme, t. i, col. 1821-1849, passim; ceux-ci suspectaient le mot όμοούσιος ct disaient le Fils semblable cn substance au Père, όμοιούσιος, formule cjui pouvait être ortho­ doxe, qui le fut de fait chez saint Cyrille de Jéru­ salem ct qui fut tolérée par les orthodoxes avec quelque précision comme χατά πάντα ou άπαρα»άκτως (sans aucune différence); mais qui était volontaire­ ment équivoque chez plusieurs esprits indolents, vaguement subordinations, fuyant les précisions d’Athanase, ct même simplement erronée chez la plupart des semi-ariens ne pouvant sc résoudre au consubstantiel absolu de la fol catholique. Entre ce I centre et l’extrême gauche, un centre gauche enfin qui logiquement évolua souvent à l’extrême gauche, A l’arianisme, le parti des homéens ou acacicns, voir t. î, col 290-291; Arianisme, loc. cil.; il admettait une similitude, δμοιος,entre le Fils ct le Père, contre Γάνδμοιο: des eunomiens, mais pas une similitude en substance, όιιοιούσιος; au fond, évidemment, c’était la dissimilitude en substance des nnôméens; mais pour la politique devant les empereurs, c’était totalement différent. Cf. J. Tixeront, op. cil., t. n, p ■ 66. 30 Malgré les intrigues, les formules, les multipli­ cations d’évêques ct de conciles, les écrits de toutes ccs sectes, la doctrine orthodoxe fut maintenue et développée ct triompha finalement. Π fallut agir sur le monde politique, réunir des conciles, y répéter les définitions catholiques ct les anathèmes contre l’erreur, recourir cn particulier à l’autorité de Rome, publier enfin les traités qui successivement devaient faire la pleine lumière. De cette multiple action racontée A l’art. Arianisme,nous n’avons qu’à dessiner ici à grands traits les phases de l’action doctrinale.Ces phases peuvent se ramener à deux : une première où Eustathe d’Antioche et Athanase,à qui on peut ratta­ cher Cyrille de Jerusalem,défendent ct prouvent Ι'όμσούσιος; la même lutte et le même travail sc produisant dans le même temps cn Occident chez Hilaire de Poi­ tiers, Phébadius d’Agen, Zénon de Vérone, M. Victorinus Afer; une seconde où les Cappadocicns, très peu aidés par les occidentaux leurs contemporains, Ambroise, Jérôme, Faustin, etc., achèvent d’éclaircir les principales formules. 1. Première phase : défense el preuve de la consub­ stantialité du Fils de Dieu. — a) Pères grecs.—a. Parmi les premiers docteurs antiariens, il faut citer saint Euslathc d’Antioche (f337), dont l’influence a été exposée, col. 1554-1565; il fut < h trompette qui donna le premier signal du combat (doctrinal) contre l’arianisme. » S. Jérôme, Epist., lxxiii, 2. b. Un peu après lui, mais supérieur à lui, vient saint Athanase (-J-373). On trouvera l’exposé de sa doctrine ct sa bibliographie à l’art. Athanase, t. 1, col. 2169, 2171-2174; ajouter J. Tixeront, op. cit., p. 67-75, que nous allons résumer, cl F. Cavaliers, Saint Athanase, Paris, 1908. L’ouvrage capital du grand Alexandrin est le Contra arianos cn quatre livres dont le Ier, après avoir exposé la doctrine arienne, établit contre elle l’étemelle génération ct la consubstantialité divine du Fils; il y étudie spécia­ lement les difficultés fondamentales des ariens sur Ι'άγίννητος ct le γ<ννητάς, n. 30-33, 56-58; cf. de Régnon, Etudes sur la sainte Trinité, t. m. p. 200-217; le H· et le III*· livre expliquent les textes scriptu­ raires relatifs à ces dogmes : le principe général d’Athanase est que tout cc qui parle d’imperfection s’applique au Christ comme homme ct non comme Dieu, Prov., vm, 22; Marc., xm, 32; Joa., xiv, 28,etc.; enfin le IV· démontre la personnalité distincte du Père ct du Fils sans aucune séparation de nature. La théologie de saint Athanase en face du ratio­ nalisme arien ct sous son influence celle des Pères du iv< et du v· siècle sont christocentriques : pour l’œuvre de divinisation et de rédemption de l’huma­ nité, but de l’incarnation du Verbe, essence du christianisme, le Verbe doit être Dieu lui-même. De synodis, 51; Cont. arianos, 1, 16, 39; 11, 69, P. G., t. xxvi, col. 784, 45, 92, 293; De incarn. Verbi, 54» t. xxv, 192, etc. Cf. J. Huby, Christus, Paris, 1912, p. 788-793. Si le Verbe est Dieu, il est cependant distinct du Père, Cont. arianos, m. 4, t. xxvi, col. 328-329; comment? parce qu’il est engendré de lui par une génération nécessaire, c’est-à-dire non fibre, mais volontaire aussi, c’cst-A-dire non imposée vio­ lemment, Cont. arian., 1, 16; ni, 62, 66, ibid., col. 45, 453, 461 ; génération conséquemment étemelle. Ibid., i, 14, 25, 27; m, 66; De decretis, 12, 15, t. xxv, col. 414. 419. Lc Fils, engendré, non produit, est de la substance même du Père, De decretis, 19, 23, col. 456; De synodis, 41, 48, t. xxvi, col. 764, 777, non par division,car Dieu est absolument simple,De decret., 11, t xxv, col. 441 ; Cont arianos, 1, 28, t. x.xvi, col. 69; mais par communication intégrale, Cont. arian., i, 16; n, 4; m, 6, ibid, col. 45, 197. 332 sq.; c’est le parfait όμοούσω;, seul absolument vrai, De synodis, 41, défendu contre Γδμοιος. De synodis, 41, 53, et contre Γύμοιούσιος, De ynodis, 53, acceptable cepen­ dant avec des précisions. De decretis, 20; De synodis. rI, col. 34-105; A. Bigelmair, Zcnoüûn Verona, Munster, 1901. Enfin, vers le même temps (355-360), le rhéteur M. Viclorinus Afer veut utiliser le néo-platonisme, pour réfuter les objections ariennes, entre autres d’un certain Candidus qui, dans son Liber de generatione divina, P. L., t. vin, col. 1013-1020, affirmait des contradictions entre la géné­ ration cl l'immutabilité, ainsi que la consubstantialité divines. Victorin répond que Dieu est éternellement movere ct moveri (vie immanente) ct c’est son esse ipsum. Adv. Ariurn, i, 43, P. L., t. vin, col. 1074. Cc mouvement a un terme au dehors, c’est la création, ct un terme au dedans, c’est le Verbe, ct là cc mou­ vement éternel est une génération, communiquant toute la substance divine dans son Identique simpli­ cité. Dc generatione Verbi divini, 1, 22, 29, 30, ibid., col. 1019, 1031, 1034, 1035; Ado. Arium, i, 1, 34; iv, 21, ibid., col. 1039, 1067, 1128; De όμοουσίω reci­ piendo, 2, ibid., col. 1138. Allant plus loin, le philo­ sophe veut analyser cc mouvement générateur imma­ nent ct il le représente un peu dans les rapports dc rUnet du Νους dc Plotin; le Père cn Dieu est l’Etre, la Substance, l’Esscncc, le Sur-Etre, le Sur-Νοϋς, etc.; au contraire, cc qui est volonté, intelligence ct forme, image, détermination, raison, vie, action enfin dans le meme Dieu, c’est le Verbe; le Père aussi est ΓAb­ solu, ΓInfini inconditionné, indéterminé, inconnais­ sable et le Fils précise, détermine,'limite en un sens, met en relation avec le fini ct rend connaissable le Père. Adv. Arium, i, 31, 42, 57; m, 7; iv, 19,20, ibid., col. 1061, 1073, 1083-1084, 1103-1101, 1127- ! 1128; cf. m, 11; iv, 23. Cependant le Verbe est égal au Père, car toute la substance divine lui est donnée; il n’est inférieur que parce qu’il reçoit. Ado. Arium, i, 13, 42, ibid., col. 1047, 1073. Sur tous ccs points la foi reste orthodoxe; la méthode est géniale ct prélude aux analyses psychologiques de saint Augustin; mais le pur néo-platonisinc n’était pas la philosophie dc la vraie théologie. Cf. J. Tixcront, op. cit., t. n, p. 265269; R. Schmid, Marius Viclorinus Rhetor, und seine Eczichungen zu Augustin, Kiel, 1895; KofTmane, De Mario \ iclorino philosopho Christiano, Breslau, 1880. 2. Deuxième phase : éclaircissements et précisions de formula. — a) Théologie grecque. — Après la mort dc Constance (361), l’arianisme décline; par l’cflort des docteurs et des conciles, surtout du II* œcumé­ nique, 1er de Constantinople (381), les consciences sont éclairées ct les indécis (pii composaient le gros des bataillons semi-ariens sont ramenés à la pure ortho­ doxie. Voir Arianisme, t. i, col 1831-1846. Nous n’avons à parler que du travail d’éclaircissement, qui | fut surtout l’œuvre des Cappadociens, saint Basile remplaçant saint Athanase el étant aidé dc ses amis i Grégoire de Nazianze ct Amphiloque, dc sou frère, | Grégoire dc Nyssc, ct dc quelques autres comme Didyme d’Alexandrie, etc. Cc travail d’éclaircissement a porté sur la consubstantialité du Fils cl la divinité du Saint-Esprit Sur le second point, voir Esprit- I Saint, col. 724 sq., où l’on trouvera aussi beaucoup de textes trinitaircs généraux. a. Les Cappadociens. — Ces docteurs s’occupent encore ù prouver contre le sabellianisme, renouvelé par Photin, la distinction des personnes et. contre l’arianisme strict d’Eunomius, la divinité de toute la Trinité, mais ils doivent surtout chercher l’explica­ tion de ces deux dogmes. Tout est consubstantiel cn Dieu, malgré les dis­ tinctions. Comment l’exprimer? Origènc avait dit ουσία pour la substance commune, ύπόστασις pour · 2154 les trois distincts, pas toujours toutefois. Cc dernier mot pourtant correspondait exactement au substantia des latins; aussi la plupart des orthodoxes grecs disaient μία ύχάστασις comme μίαούσία; les conciles dc Nicée (325) ct d’Alexandrie encore en 362, sans rien décider dans la querelle des trois hypostases, qui s’était élevée précisément sur ce sujet, permettaient cct emploi, mrlgré les anathèmes des hétérodoxes qui, naturellement, voulaient imposer τρ<·ς υπόστα­ σης. Voir Arianisme, 1.1, col. 1814, 1825-1827, 1833. Comme, d’autre part, πρόσωπο·» était regardé comme sabcllicn, on n’avait pas de mot spécial pour désigner les personnes divines. Les Cappadociens, qui avaient étudié longuement Origène, adoptèrent résolument sa terminologie et la firent triompher en la remplissant dc la doctrine orthodoxe. Ils distinguèrent doncoûaia, l’essence, l’être intime, αυτό το cbau (mieux, ce par quoi la chose a son être spécial); φύσις, la réalité concrète, mais non individuelle, c’est-à-dire l’essence avec les attributs; enfin ύαοστασις, la réalité indivi­ dualisée par les ΙΒιότητις, (βιώματα, etc., le τό χα5’ ex αστόν, opposé au το xoivdv dc Γούσία· Voir surtout 5. Basile, Epist., xxxvm, ad Gregorium Nyssenum, 2, 3, 4, P. G., t. xxxn, col. 328 sq.; Epist., ccxxxvi, 6, ad Amphiloch., col. 884; cciv, 4; Ado. Eunom., n, 28, t. XXXIX. col. 636-637; S. Grégoire de Nazianze, Oral., xxi, 35, t. xxxv, col. 1124-1125; xxxm, 16, t. xxxvi, col 233 sq.; xlii, 16, ibid., col. 476-477. Cc dernier texte admet même πρόσωπο*, que n’aimait pas saint Basile. Epist., ccxxxvi, 6; cf. Epist., ccx, 5; lix, 2; cciv. On remarquera qu’à cette analyse manque encore la distinction nette dc la substance individuelle et du suppôt; elle sera faite un peu plus tard dans les discussions christologiqucs; dc l’essence commune, ces docteurs descendent immédiatement à la personne; en Dieu, il est vrai, l’essence commune étant déjà individuelle, cela peut très bien se faire. Voir Th. de Bégnon, Études sur la sainte Trinité, t. i, éludes II cl 111, p. 139-215; G. Bardy, Didyme ΓAveugle, Paris, 1910, p. 60-73. Tout est consubstantiel cn Dieu : il est encore plus important d’admettre pleinement cette réalité que dc savoir l’énoncer. On a accusé les Cappadociens, comme Athanase, d’avoir sur ce point fléchi ct d’avoir rapproché Γόμοούσ ος de Γάμοιούσιος. Harnack, Dogmcngeschichte. t. n. 252 sq.; Loofs, Leilfaden, ]). 257 sq.; Gwatkin, Studies o/ arianism, 2· édit., ρ· 247, 270, etc Mais celte accusation a été réfutée par J. F. Bethune-Baker, loc. cit.; S. Rasncur, loc. cit.; J. Tixcront, op. cit, t. n, p. 81-89. L’esprit conciliant de ces docteurs, cn eiTct, ne prouve rien, car ils n’acceptèrent quelques formules semi-ariennes corrigées qu’en y introduisant explicitement l’ortho­ doxie. D’ailleurs, les textes formels sont absolument évidents : la divinité, la substance divine, tout l’absolu divin est identiquement, numériquement dans le Père ct le Fils; μια ούσια, μια φύσις, μία Océrr.c; tv, ταυτόττς Οιότητο;» φύσιως, ουσίας, avec vingt périphrases synonymes, sont les affirmations qui reviennent sans cesse, conséquemment avec celles dc l’unité d’opé­ ration, d’action, dc volonté, el pour nous d’adoration, d’amour, de culte; S. Basile, Homil., xxiv, 3. 4; Contra sabellian., ar. cl anom. : lumineux, t. xxxi, col. 599-618; Epist., vm, 3, t. xxxn, col. 219-252; xxxvm. 4. 5, 7, ibid., col. 329-310; clxxxix, 6-8, coi. 692-696. Si saint Basile, Epist., xxxvm, 2, col. 325-328. entend ύμοούσιος dc l’unité spécifique qui fait les hommes d’une même substance abstraite, c’est cn donnant un exemple, mais il est loin de ne mettre cn Dieu que cette unité spécifique; on a voulu tirer cette dernière conclusion des Epist., ccclxiccclxiv, voir Basile (Saint), t. ii, col. 453; mais ccs lettres sont apocryphes. Voir J. 'Fixeront, op. cit., t. n. 2455 FILS DE DIEU p. 84, note 3. Saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxxï, 15, 16, P. G., t. xxxvi, col. 119-152, repousse éner­ giquement Vanité hiérarchique païenne ct l'unité abstraite spécifique, pour prêcher l'unité τώ ταύτώ τής ούσίχς xzc τής ουνάμεως. Voir Oral., xxx, 20, col. 128129; xxxm, 16; χχχιχ, 11, 12. col. 236, 345-348; xxx!, 9, 10, 14, 28, col. 141, 144, 148-149, 164-165; xxix, 2, col. 76; xxvm, 31, col. 72, etc. Saint Grégoire de Nyssc, Oratio catech., I, 3, P. G., t. xlv, col. 13, 1720; De commun, notion., t. xlv, col. 177; Quod non sinl très dii, col. 125-129, enseigne l’unité numérique d’etre ct d'opération cn Dieu; il dit, col. 132-133, que le christianisme admet l’unité dc la nature divine comme le judaïsme, mais plusieurs personnes comme le polythéisme, corrigeant l'un par l’autre; son réa­ lisme platonicien outré, pour autant qu'il sc rencontre vraiment chez lui, cf. Quod nonsinl très dii, col. 117sq., ne fait pas difficulté contre la Trinité. Les Cappadociens attribuent encore une certaine supériorité au Père sur le Fils, mais elle est simplement originelle. S. Basile, Adv. Eunomium, i, 25, P. G., t. xxix, col. 565-568; S. Grégoire dc Nyssc, De comm. notion., t. xlv, col. 180. Saint Amphiloque enfin, Epist. ad Seleuc., 1, t. xxxix, col. 112, ct dans d'autres frag­ ments, répète fidèlement les, leçons demandées â saint Basile. Parallèlement à l’identité consubstantielle, est mise cn lumière la nature des personnalités divines : pro­ cessions, relations. Sur la génération du Fils, il faut noter que le μονογενής θεός rentre alors dans la théo­ logie, timidement chez saint Basile, Epist., xxxvm, col. 329, à cause du fréquent usage qu’en faisaient les cunomicns; franchement chez son frère qui s'en sert pour prouver la consubstantialité. Contra Euno· mium, π, l. xlv, col. 492; m, col. 600; cf. K. Holl, Amphilochius, p. 212 sq., ct chez Didyme, Dc Trini­ tate, m, 9, t. χχχιχ, col. 853; i, 15, 26, 34, col. 313, i 393, 436, etc., bien que Grégoire de Nazianze ne l’emploie jamais. D’ailleurs, sur la nature de cette génération, tous ces docteurs répètent à l'envi qu’elle est mystérieuse ct que les prétentions d’Eunomius à tout comprendre en Dieu sont de l’effronterie absurde et blasphématoire. Voir de Régnon, op. cit., t. in, p. 263-265. Pourquoi spécialement la procession du Fils est-elle seule une génération, aucun ne peut le dire, pas même Grégoire le Théologien, Orat., xxm, 11; xxxî, 8; χχχιχ, 12, t. xxxv, col. 1161-1164; I. xxxvi, col. 141, 348; ni Grégoire le Philosophe, Cont. Eunomium, n, t. xlv, col. 503 sq., bien qu’ils aient plus que les autres essayé une étude analogique du Verbe divin. S. Grégoire dc Nazianze, Oral., xxm, 6, 8, 11, t. xxxv, col. 1157 sq.;S. Grégoire de Nyssc, Oral, calech., ι-m, t. xlv, col. 13 sq.; Cont. Eunomium. iv, ibid., col. 624. J. Tlxcront. op. cit.. t. n. p. 76-89; J. Schwane, op. cil., t. u. p. 232-256; J. F. Bcthunc-Baker. The meaning o/ homoousios in the ConslanUnopolitan creed, Cambridge, 1901 ; G. Rasneur, l.'homiausianisme duns ses rapports uoec [orthodoxie, dnns la Revue d'histoire ecclésiastique, I9O3, t. iv. p. 189-206, 411-431; Arianisme, t. I. col. 18381840. Sur saint Basile spécialement, voir Basile (de CfeSAr£ei, t. u. col. 151-455, et la bibliographic; de plus J.Na­ ger Die Trinitâtslehrc des h. Rasilius d. Gr , Paderborn, 1912,sur saint Grégoire de Nnzianzc, A. Benoit, S.Grégoire de Neufonze, 2* édit., Paris, 1888; Hergenrother, Dir Lchre von der goltllchen Ureintgkcil nach dem hell. Gregor von Kcaiant Ratidwinne. 1850; DrAsdcc. Neuplatonitches in der Gregorios l’on X’azianz Trtntlàislelire, dans Rqzantinlsche Zeit­ schrift 1906, t. xv, p 111-190; sur saint Grégoire de Nyisc. F. Diekamp. Die Got les lettre des hl. Gregor von Nijssu, Muns­ ter, 1896; sur saint Amphiloque, G. Flckcr, Amphilochiana, 1. Leipzig. 1906; K. Holl. Amphihxhiui inn Ikonium in setnem Verh&llnls zu den grown Kappadoziern, Tublngue, 1901; L. Saltet, La théologie ιΓ Amphiloque, dans lc Bulletin de littérature ecclésiastique, 1905, p. 121-127; F. Cnvallcra, 2456 Amphiloque, dans In Rcouc trhlstalrc IccclésiasUque, 1907, p. 173-197; Amphilochius, I. i. col. 1121-1123. b. Nous avons dit que les Cappadocicns curent quelques aides, importants pour la vulgarisation de la doctrine, mais très peu pour son développement. Didyme Γ Aveugle (f 395), orthodoxe cn théologie trinitairc, S. Jérôme, Apol. adu. Ru/., n, 16, P. L., t. xxm, col. 438, avait combattu déjà avec saint Athanase avant 360 ct continua scs travaux jusque vers 395. De Trinitate; Dc Spiritu Sancto, etc. Peutêtre, le premier, en bon disciple d’Origéne, vulgarisat-il la formule μια ουσία, τρεις υποστάσεις. On trouvera un résumé suffisant dc sa doctrine à l’art. Didyme, t. iv, col. 750-751, 753-754, ct une étude détaillée ct complète (tans G. Bardy, Didyme ΓAveugle, Paris, 1910, p. 86-109, avec une comparaison continuelle avec les Cappadocicns ct Athanase. Didyme fut un compilateur excellent et très estimé dc textes, dc preuves ct dc vocabulaire pour toutes les acquisi­ tions de l'orthodoxie, mais un métaphysicien peu sou· deux de précision ct de recherches personnelles. Il est avant tout l’adorateur de la sainte Trinité dans l’unique divinité,comme il aime ù redire, ή έν μια Οεότητι Τριάς. Saint Epiphane (γ 403), bien que de tempérament tout contraire, n’est pas un combattant plus original que Didyme; sauf pour la conception générale qui se rapproche dc la mentalité latine (cet évêque a fréquenté l’Occidcnt) ct pour la théologie du SaintEsprit. Voir Épxpiiane (Saint), t. v, col 363-365; Constantinople (l9r concile de), t. m, col. 1229-1230, sur les rapports entre les symboles de YAncoratus ct celui dit nicéno-constantinopolitain. Il faut répéter la même chose de saint Jean Chrysostome (x 407), très grand prédicateur, cn dogme presque autant qu’en morale, lumineux théologien populaire; scs homélies n-v in Joa., P. G., t. lix, ct ses discours, v, vu, vm, contre les anoméens, P. G., t. xlviii, col. 701-812, excellent à faire toucher du doigt le dogme catholique ct ù réfuter les objections des adversaires, spécialement celles qu’ils tiraient de l'Écriture. Il faut enfin citer ici Diodore, évêque de Tarse (γ 393), un des boulevards de l’orthodoxie de Nicéc, qui écrivit entre autres un llcpl xoO «îc ΟΛς εν τοιάδι, Suidas, Lexicon, mais prépara les erreurs christologiques de Nestorius. Voir Diodore, t. iv, col. 1363-1366. b) Église syriaque. — Avant de quitter l’Oricnt ct bien que les controverses trinitaircs n’y aient eu que très peu d'influence, disons un mot dc la foi d'Aphraatc (qui écrit entre 337-345) ct dc saint Ephrern (t 373). Lcur foi trinitairc est intéressante ά connaître comme témoignage traditionnel seulement, mais nullement comme théologie. Cette foi renferme explicitement la Trinité et en particulier la divinité consubstantielle du Fils : Aphraatc, Dcmonslr., vi, 9, 10 (une même nature); xvn, 2, 4; xxm, 52 (même essence); i, 8 (égal au Père). Éphrern. dont l'évêque Jacques dc Nislbc était présent Λ Nicée et qui connut person­ nellement saint Basile, a écrit dc nombreuses hymnes contre les investigateurs (cn partie anoméens), Opéra, Rome, t. m, p. 71 sq., 74 sq., 137, 180, 194; Testa­ ment, ibid , t. v, p. 396. « Si j’ai tenu le Père pour plus grand que le Fils, qu'il n’ait point pitié de mol.· Pour plus de détails, voir Aphhaate, t. i, col. 14591460; Éphhem, col 189-193; J. Tlxcront, op. cil., t. n, p. 202-204, 210-212. i c) Théologie latine. — De saint Hilaire Λ saint . Augustin, il n’y a aucun développement trinitairc à signaler. Nous avons déjà parlé de Phébadius, dc ! Zénon, de M Viclorinus Afer, écrivant avant 365. A des points de vue polémique ou catéchétlque, ou même plus ou moins théologique, c'est la doctrine i trinitairc commune ct acquise particulièrement sur 2157 FILS DE DIEU le Père ct le Fils qu’expriment les auteurs suivants. En Espagne, Grégoire d’Elvlrc (f 392), l’auteur des Tractatus Origenis, édit. Batiflol, 1900 (voir analyse dans J. 'Fixeront, op. cil., t. i, p. 359-360), ct du De fide orthodoxa contra arianos (parmi les œuvres dc saint Ambroise, P. L„ t. xvn, col. 549-568); Pacicn de Barcelone (f vers 390), qui expose le symbole dans son Sermon sur le baptême, P. L., t. xni, col. 10891091, ct le poète Prudence, dont le poème Apothéose, P. L., t. lix, col. 921-1006, défend la divinité du Christ contre le sabellianisme priscillianistc. Ix priscillianisme, en elïet, né cn Espagne vers 370, était sabellicn, voir Formula Libellus Pastoris, ct le concile de Braga, anath. i, n, ni, Denzinger-Banwart, Enchi­ ridion, n. 19, 231 sq.; sans patri pass ianisme pourtant ct sans doute par adoptianisme; ccs théories doivent remonter â Prisci 11 i en lui-même. Tract., XI, VI, II, édit. Schcpps, p. 103, 74-75, 37; I, p. 6, 7, 21, 23. En Dacic, Nicétas de Remesiana (vers 375) donne aussi une explication du symbole, dont la Patio fidei, P.L., t. lu, col. 847-852, ct la Declaratio symboli, col. 865874, devaient faire partie. Voir l’édition de Bum, Cam­ bridge, 1905; ci. Patin, Niceta, Bischof von Kemesiana als Schri/tstcllcr und Theolog, Munich, 1909. En Italie, Philastrius de Brescia (vers 383-391) publie son Dehæresibus, qui traite dc l’arianisme, etc., aux n. 51,6568, 92-93, P. L., t. xn, col. 1167, 1179 sq., 1203 sq.; le prêtre luciférien Faustin (vers 383-384) écrit sa Fides Theodosio imperatori oblata, P. L., t. xm, coi. 7980, pour se défendre du reproche de sabellianisme; puis son De Trinilale, sivc de fide contra arianos, col. 3786, puis au-dessus dc tous, bien qu’il ne fasse guère qu’adopter, sinon copier, les grecs (Basile ct Didyme surtout), saint Ambroise compose le De fide ad Gratia­ num Augustum (vers 378-380), P. L., t. xvi, col. 527698, où il prémunit la foi du jeune empereur contre les influences ariennes cn étudiant d’une façon con­ vaincante et approfondie la divinité du Verbe; puis le De incarnationis dominiez sacramento (vers 382) encore dans le même but, col. 817-846; rappelons aussiscs hymnes liturgiques antiariennes, col. 1409 sq. Voir Ambroise (Saint), t. i, col. 945-916, 949. Plus modeste, mais très estimé fut le Commentarium in symbolum apostolorum dc Rufin, n. 6-7, P. L., t. xxî, col. 345-348; dans la controverse origéniste où il sc trouva engagé, il multiplia ses protestations dc doc­ trine orthodoxe sur le Fils de Dieu, par exemple, Apologia ad Anastasium papam, 2, 3, col. 624 , 625. Dc même faisait saint Jérôme, dans scs attaques antiorigénistes, Epist., xcn, xevi, xevin, c, P. L., t. xxii, col, 7G2 sq. ; Epist., cxxiv, ad Avit., quid cavendum in libris Periarchon, 2, col. 1060-1061; d’ailleurs chez le grand érudit cn Écriture sainte ct cn histoire, mais faible théologien, il n’y a presque rien sur notre sujet; mêlé un instant ù la querelle des trois hypostases, il cn référa simplement ù Rome. Epist., xv, xvi, ad Damasum, col. 355-359. La doctrine du Fils dc Dieu, jusqu’ici centre de la théologie trinitairc, achève ainsi la deuxième période dc son développement. Après un siècle de foi paci­ fique, les controverses étaient nées. Lc modalismc d’abord, repoussé par les décisions authentiques dc Rome : saint Calixte, saint Denys, voir Denzinger, Enchiridion, 11e édit., n. 48-51, qui défendirent la personnalité parfaite du Fils. Puis l’arianisme avec scs dégradations multiples, définitivement écarté par les grands conciles dc Nicée (325), de Constantinople (381) et par les synodes de Rome (380-382). Enchiridion, n 54, 85-86» 58-82. Les brèves ct pleines formules ro­ maines résument admirablement tout le progrès dog­ matique accompli; les canons 1,2, 3,4, anathématisent Sabcllius, Arius ct Eunomius, Macédonius et Photin; les canons 10, 12, ceux qui n’admettraient pas l’éter­ I I • I ’ 2158 nité, la toute-puissance, l’omniscience, enfin Véga­ lité du Fils avec le Père; les canons 11 et 16 affirment la génération ex substantia Patris·, les canons 19-21, Yunité consubstantielle d’opération dans l’ordre naturel ou surnaturel et dc perfection quelconque ou de sub­ stance entre les trois personnes distinctes; enfin, lais­ sant de côté cc qui regarde le Saint-Esprit, le canon 24 repousse tout reproche dc trithéisme, quoiqu’il ne faille pas réserver au Père le nom de Dieu, mais l’accorder aux autres personnes, de Patre autem et Filio et Spiritu Sancto propter unam divinitatem, non nomen deorum, sed Dei nobis ostenditur atque indicatur. C’est la de la théologie latine : un Dieu, non pas Dieu le Père, mais un Dieu à la fois Père, Fils et Saint-Esprit; nous sommes déjà bien près dc saint Augustin et dc la scolastique. Les formules orientales restent, au contraire,dans la mentalité grecque:· Nous croyons en un Dieu Père... ct un Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu...» Nous avons rappelé plusieurs fois la difiérencc dc ces mentalités, car elles rendent compte de ces formules des Cappadocicns, comme d’At hana.se (et de Denys d’Alexandrie ct d’Origene, cn partie du moins, comme plus tard dc saint Jean Damascene), formules qui semblent distinguer le Fils du Père même dans l’ordre absolu et composer U divinité ct faire la divinité ab­ solue du Fils dépendante en soi ct dans son action, laquelle est conçue distincte, dc quelque manière; ccs expressions heurtent notre esprit et de fait nous les croyons imparfaites, quoi qu’on cn ait dit; mais elles furent ducs surtout, dans une époque dc luttes sur le dogme révélé, à un ardent attachement à la lettre même des Écritures révélatrices, ct on ne peut sainement les apprécier que si on entre dans la mentalité grecque, mentalité enfin pleinement orthodoxe pour tout le dogme consubstantialistc, ct imparfaite tout au plus comme théologie. D’ailleurs celle-ci, chez plusieurs, cherche manifestement à sc dégager ct sc rapproche de La théologie latine. Voir dc Régnon, op. cit , t m. p 140-143. /V. LA THÉOLOGIE DU FILS DE DIEU : UI e**e erodendus est. —Scmpitcrnu* ergo Pater, sempi­ ternus ct Filius. Quod si semper Pater fuit, semper Imbuit 2-1Ü3 FILS DE DIEU Filiurn cul Pntcr esset ; ct ob hoc Filium de Paire natinn due initio confitemur. Nec eumden Filium Dei pro co quod de Patre sK genitus, dcscctw nature portiunculam nomi­ namus; sed perfectum Patrem perfectum Filium sine dirainutiono, sine desertione genuisse asserimus quia solius divinitatis est imequaiem Filium non habere. Ilie etiam Filius Dei natum est Filius, non adoptione (contre les bonosirns qui mettaient l’adoption dans la nature divine elle-même du Fils. cf. Gennnde, De cedes. dogm., 52), quem Deus Paler nec voluntate nec necessitate genuisse creden­ dus est; quin nec ulla in Deo necessitas cadit nec voluntas sapientiam pnevenit. 2464 core le précis in similitudinem naturæ. On Jugera de b pénétration du dogme par l’abbé du Bec à sa solution de celte diflicullé : toute perfection absolue, par con­ séquent l’intelligence, est commune à la Trinité; donc ccttc intelligence, qui dit le Verbe dans le Père, doit le dire aussi dans le Fils ct le Saint-Esprit ct ainsi il y a un Verbe de celui-ci comme du Père, c. lxii, col. 207208. La réponse est celle-ci, c. lxiii, col. 208-210 : en Dieu tout est commun numériquement, il n’y a qu’une intelligence, donc il n’y a qu’un dicens, donc un seul Verbum dictum. .Mais Anselme admet cc prin­ cipe : inldligcrc non est aliud quam dicere (c’est par Les répétitions de ce document tendent à atteindre lui qu'il a démontré rationnellement le Verbe divin); directement quantité d’erreurs ou de conceptions imparfaites admises autrefois. Le travail qui aboutit il s’ensuit que, essentiellement, même dans le SaintEsprit, l’inldligcrc divinum est un dicere verbum ct que, à ccs belles formules s’accomplit surtout autour de s’il n'y a pas tres dicentes, cependant 1res simul dicunt; Lérins : saint Vincent, saint Césaire d'Arles (f 543),etc., ct dans les écoles théologiques d'Espagne (saint lè Verbe dès lors doit procéder du Saint-Esprit; le docteur voit la diillculté, il la repousse, mais il ne la Isidore de Séville (j· 636), saint Julien de Tolède résout pas : in quo mirum quiddam d inexplicabile (7690),etc.; en Afrique saint Fulgcnce (f 533) parses video ct au c. lxiv, il recourt à la foi qui seule peut traités contre les ariens y contribua aussi; pour ΓIta­ lie, on ne peut citer que Boèce. D'ailleurs, même les croire cc mystère. On voit ainsi la force, le progrès ct aussi l’imperfection de la théologie du Fils de Dieu théologiens espagnols ct provençaux ne font que chez saint Anselme. Voir Anselme, t. i, col. 1335répéter ct condenser la doctrine de saint Augustin, 1336, 1346; bibliographie, col. 1349-1350; domL. Jans­ ct même tous ne se tiennent pas toujours à la hau­ teur ct à la précision de cette doctrine; il est inutile sens, De Deo trino, Fribourg-en-Brisgau, 1900, passim. d’étudier ccs fluctuations sans Importance. Comme b) Au pôle opposé du grand archevêque de Can· exemple typique, on peut signaler la discussion sou­ torbéry, Abélard voulut aussi démontrer la Trinité; levée par la formule de saint Julien de Tolède : Volun­ mais n’arrivant pas, lui, par la raison, aux personnes tas genuit Voluntatem sicut Sapientia Sapientiam. Lc distinctes, il les identifia avec les attributs absolus: pape Benoit II ayant demandé des explications, saint puissance, sagesse, bénignité. La sagesse est dite Julien répondit au XVe concile de Tolède (688), P. L., engendrée, parce qu’elle est de la nature de la puis­ t. xevi, col. 525-528; le concile suivant de Tolède sance, comme une espèce dans le genre, cc qui n’est (XV1·, 693) répéta ces explications : Pater voluntas pas vrai de la bénignité, Thcol. christ., 1. I, c. i, n, (qui est voluntas) genuit Filium voluntatem (qui est îv, P. L., t. clxxvih, col. 1123-1125, 1129-1133 : voluntas). Enchiridion, n. 294-296. Les deux assem­ existence du Fils de Dieu, Dieu ct Sagesse, c’est-àblées avaient concédé que ccttc formule n’est exacte dire la sagesse absolue, par la raison, la révélation et que si on parle directement de la réalité divine, mais dans l’interminable c. v, col. 1133-1166, par les phi­ reconnu qu'elle était fausse si on considère la simili­ losophes. Cf. Introductio ad theologiam, 1. I, νπ-χπ, tude psychologique humaine qui ne rapporte pas la col. 989-998; sur la · génération · de la sagesse, ibid., volonté au Fils, mais au Saint-Esprit. Même relative­ 1. il. xm-xv, col. 1069-1072; Thcol. christ., 1. IV, col. ment à l’essence divine, l'expression est imparfaite ct 1289-1291. Voir Adélard, t. i, col. 38-43 (bibliograsera rejetée au IVe concile de Latran; elle est vraie pliic), 43-46 (erreurs et condamnation). Abélard créa avec l’addition ou le sous-entendu voluntas ou essent iaune véritable école où Guillaume de Conches, entre Pater genuit. Saint Augustin avait donc bien fait de autres, reprit scs erreurs trinitaircs. Voir Guillaume ne l’admettre qu’avec réserve. De Trinitate, XV, xx, de Saint-Thierry, De erroribus Guil. de Conclus, P. L., P. L., t. \i.ii, col 1087. t. clxxx, col. 333-334; Abélard (École d’), t. i, 2. Sans parler des commentaires du \rénérable Bède col. 50-51; de Régnon, op. cil., t. n, p. 65-87; (f 735), des traités sur la Trinité d’Alcuin (f 804), voir E. Vacandard, Vie de saint Bernard, 3· édit., 1902, Alcuin, t. i, col. 689, des premiers chapitres du De t. π, p. 120-142. Saint Bernard eut le mérite de dé­ universo de Raban Maur (f 856), des spéculations, fendre vigoureusement et savamment aussi le dogme à saveur rationaliste ct panthéiste, de Scot Ériugène trini taire contre Abélard, comme plus tard contre (t vers 880), voir Éiugène, col. 414-415, ct après la Gilbert de la Porréc;mais sa science est dogmatique; il n’a pas le temps ni le désir de faire de la spécu­ nuit du x® siècle, nous arrivons aux débuts de la théologie scolastique. lation théologique qu’il croit plutôt dangereuse. Voir E. Vacandard, ibid., p. 72-73, 116 sq., 345 sq.; a) Celle-ci se fia trop d’abord à la dialectique,spé­ cialement au sujet de la Trinité. Sans nous arrêter au Bernard (Saint), t. il, col. 759-761, 763-764. trithéisme de Roscelin, nous voyons saint Anselme, c) Une discussion semblable à celle qu’avait pro­ son adversaire (f 1109), pousser à fond l’analyse du voquée saint Julien de Tolède s'éleva à la fin du xn® siècle sur la formule : Substantia divina non est verbe mental pour en démontrer rationnellement generans neque genita. Richard de Saint-Victor, De l’existence en Dieu : Dieu se comprend, donc il sc dit, Trinitate, I. VI, c. xxii-xxm, qui la combattit; mais donc il a un Verbe éternel, consubstantiel, etc. Son analyse reprend la tradition de la forte théologie ; elle 1 P. Lombard, Sent, 1. l.dist. V, la défendit; lù-dcssus, l'abbé Joachim de Flore ayant attaqué le Maître est plus précise ct plus systématique que celle de saint Pierre, le IVe concile de Latran (1215) canonisa l’opi­ Augustin, ct elle est vraiment géniale, bien que lui nion du Lombard, Denzinger, Enchiridion, n. 431-133; ajoutant peu pour le fond. Voir surtout le A/unoZovoir Petau, Thcol dogm., 1. VI, c x, xn; de Régnon, gium, c. xxix-xlvhi, P. L., t. clviii, col. 182-200. op. cit., t. n, p. 252-266; ainsi fut écartée une façon Anselme entrevoit en particulier que le Verbe csl de parler ancienne, mais imprécise. Les deux auteurs engendré, parce Jmfs ne reconnurent pas )<·. Dieu qui par identité. Dieu n’exprime donc pas d'idée, de Verbe r ci»n< «bail li monde avec son Père, parce que leurs au sens propre, si on entend par idée ct verbe la réalité ambitions voulaient un conquérant national Des sec­ absolue représentative qui fait connaître. Or Loire tes parmi I- s chrétiens essayèrent, même par la force raison naturelle ne sait en Dieu que cette idée, cc 2-Î69 FILS LE DIEU de ramener la croyance du même Fils de Dieu à la conception qu'elles pouvaient comprendre, parce que leur orgueil ne voulait pas se captiver sous la foi; mais l’Églisc a gardé le dépôt de la révélation ct nous croyons* au Fib monogène de Dieu,né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non fait, consub­ stantiel au Père, par ort au Père, Dais intclligens dicens Vertunt. Cc terme, procédant ratione operationis, procèdc-t-il ratione prôducliva (comme beaucoup le con­ çoivent, Suarez, etc.) ou ratione cxigitiva (comme il semble certain, cf. Billot, loc. cit.)1 Cc n’est pas le heu de le discuter. En tout cas, nous voyons déjà qu'il faut concevoir, et pourquoi il faut le faire, le Fils comme le terme parfait, immanent à Dieu, de sa pensée vivante infinie, terme distinct (dans l’ordre relatif) ct procédant réellement du Père, distinct comme Vtrbum dictum, c’cst-à-dirc « origmé · du Père dicens Verbum. 2171 FILS DE DIEU 2172 2. C’est là une génération. En effet, on définit que Vertu amoureuse, non vl originis, Cf. Th. Pègucs, op, cit., p. 57-68. celle-ci : origo viventis a vivente principio conjuncto, tn similitudinem naturæ, l’origine pour un vivant d un 3. On objecte ù cc sujet : a) On doit dire dc même autre vivant, son principe consubstantiel en quelque que le Verbe est Dieu non vi originis, mais parce qu’il manière (conjoint en substance individuelle, totale­ esl divin; l’agir intellectuel, en effet, exige pour terme ment ou partiellement identique), et de façon qu’il y une représentation de l’objet connu, mais intention­ ait similitude dc nature entre les deux, en vertu même nelle et non pas naturelle; la procession intellectuelle du mode d’origine. Celte notion n’est pas une subti­ donne donc de soi esse intcntionale, non esse natura, cl lité d'école, qu’on introduirait ensuite indûment dans ainsi ne peut être raison formelle d’une origine in si­ les formules révélées ; c’est lasimple formule des notions militudinem naturæ. Cet le difficulté provient d’une du bon sens vulgaire universel; pour tout le monde, il conception incomplète de la procession intellectuelle; n’y a jamais eu de vraic génération, de vrai enfant nous exprimons un verbe, en effet, ut cognitum sit in sans tous les caractères énumérés. Ix plus impor­ cognoscente, tandis que l’amour incline vers l’aimé pour tant dc ceux-ci est le dernier; il faut que l’opération s’unir à lui; mettre le connu en soi, c'est en faire une qui fait le second vivant soit de sa nature tout entière partie de son être scientifique intentionnel, si on peut ordonnée à communiquer la nature meme de celui s’exprimer ainsi, mais aussi ct essentiellement de son qui engendre; la définition pour cela dit in similitu­ cire physique complet, parfait, air l'être scienti fiqueest dinem naturæ ct non pas in similitudine naturæ. Ainsi, d’abord être humain. En effet, voici comment cela sc si Dieu pouvait jamais donner à un homme le pouvoir fait; en connaissant une pierre, un ange, je ne me d’en produire un autre en parlant, en façonnant quel­ change pas en pierre, en ange, mais, au contraire, je que matière, etc., il n’y aurait pas là génération, fais mienne une représentation humaine de la pierre,de comme il n’y en eut pas dans la production d’Adam l’ange; ct plus cette représentation pénètre à l’intime ou d'Eve. de mon action humaine physique, plus elle est parfaite Or, la procession du Verbe en Dieu véri fie-t-elle pour moi, plus je me suisassimilé son objet. L’opéra­ cjltc notion dc la génération? Oui. 11 y a d’abord tion intellectuelle tend donc de toute sa force non origine : le Verbe procède du Père qui l’exprime; pas seulement à produire une image représentative origine d’un vivant : le Verbe n’est pas une opération quelconque, disons : en l’air, mais une assimilation vitale, mais le parfait, terme de la pensée exprimée physique vitale, base dc celte représentation inten­ du Père, Dieu inlclbgé procédant, ternie substan­ tionnelle. Plus celle-là est intime, avons-nous dit, plus tiellement subsistant et vivant de la nature divine, celle-ci est parfaite pour le connaissant. Et c’est un puisque évidemment en Dieu tout est Dieu ct Vie in fi- · argument pour prouver la consubstantialité du Verbe nie; origine d’un vivant consubstantiel en quelque divin vi originis et ainsi sa génération. Précisément manière avec son principe : le Verbe a du Père non parce que le Verbe procède ratione operationis intelle­ seulement son origine d’une façon quelconque, mais ctualis, comme objet connu, il doit être identique à sa réalité physique ou sa substance individuelle elletout l'être physique de Dieu connaissant, autrement même, bien plus, toulc sa substance, puisque celle-ci l’intelleclion divine serait imparfaite comme intellec­ c’est la nature divine identique du Père avec la tion. Mais cela n’est pas : l’esse Verbi, outre son diet formalité spéciale de reçue et de communiquée, com­ relatif, c’est son intclligi et Vinlclligi en Dieu ou sa muniquée comme à un Verbe divin exprimé et donc science, c'est son esse subsistens. Voir S.’l ornas, Cont. engendré; en effet, il y a finalement origine d’un gentes, 1. IV, c. xi, § 3, 1. vivant consubstantiel avec son principe cl de même b) Autre difilculté : la révélation parle dc Fils nature que lui ct cela en vertu expressément de son engendré; la génération sur la terre, nous savons cc mode d'origine : le Verbe procède ratione operatio­ qu’elle est; d’autre part, personne nc s’est jamais nis intellectualis, c’est là l’intime de son essence; avisé de trouver une génération dans notre acte mais a quoi tend l’opération intellectuelle, que pro­ d’intelligence. Il ne reste donc qu’à prendre les mots duit-elle dans son terme, ou, pour parler une langue révélés dans un sens métaphorique, une génération applicable à Dieu, qu’exige-t-elle dans le terme qu’elle comme les hommes la connaissent ne pouvant sc pose ct contemple (dicit ct inteHigit)! Essentiellement, trouver en Dieu el n’ayant aucune raison qui nous elle produit ou exige une image, une représentation, force à trouver à tout prix une génération incompré­ une copie, parfaite autant (pie possible, dc la chose à hensible dans l’action intellectuelle de Dieu. connaître; copie de celui qui connaît lorsqu’il sc con­ Répondons (pic ce processus est anlilhéologiquc ct, naît lui-même; le Verbe procède donc bien in simi­ dans le cas, hérétique. 11 y a un vrai Fils, une vraie litudinem naturæ vi suœ originis. En résumé, en Dieu, génération en Dieu : c'est révélé, c’est un dogme. Évi­ il y a une véritable génération du Verbe Fils dc Dieu, demment, la génération divine nc peut sc faire par parce que celui-ci, relatif parfait distinct comme pen­ division matérielle comme la génération corporelle. sée exprimée, vient de la substance même du Père qui On pourrait cependant noter combien celle-ci s'élève l’exprime,ayant la même nature que lui précisément merveilleusement par degrés admirables, dc l’infime parce qu’il est pensée ou image dc lui en acte de sc scissiparité jusqu'à la génération humaine, vers une connaître. intimité toujours plus grande et même une certaine lit nous comprenons ainsi que le Verbe soit Fils immatérialité Mais il faut chercher plus haut. Or, monogène ou unique ct que la procession du Saintau-dessus de la génération matérielle, acte essentielle­ Esprit nc soit pas une génération; car il y a bien en ment végétatif, il y a reproduction dr semblable dans elle origo viventis a vivente principio conjuncta in simi­ la connaissance sensitive, la faculté fécondée par l'ob­ litudine naturæ, mais non in similitudinem naturæ; jet, produisant l'image de celui-ci, mais dans une l’opération de la volonté, l’amour, ne prétend pas du autre faculté, par exemple, dans l'imagination pour tout, en effet, à reproduire en soi une copie de l’objet le sens extern. Plus haut encore, l’intelligence, féconaimé, mail à attirer celui-ci, ou à incliner vers lui ct déc dc nouveau par l'objet, en forme l'image en ellealors à produire dans la volonté une force, une impul­ même ct comm< dans son propre sein; lorsque cct sion amoureuse, virtus amati in amante. Si le Saintobjet r t la propre siii>-.tance du connaissant, surtout Esprit a, dc fait, la mime nature que le Père et le Fils, directement intelligible comme chez 1rs anges,celui-ci sc r· alors · n luî-mêrn. . cn |lh un c’est qu'en Dieu tout est Dieu, même ccttc vertu amoureuse procédant en quelque manière dc 1* Amant ; j verbe \ iv mt tout entier son Image. Or il y aurait là une cette Vertu cr ‘ont que divine est Dieu, non en tant vraic. génération, comme elle doit formelle ment sc 2473 FILS DE DIEU 2171 formellement en tant qu’cfic est dans le Père dicens définir, si ce verbe n'était accidentel. Parce qu’il n'est Ver burn sibi consubstantiale. C’est dans l’intime de qu’un accident, cc n’est pas un vivant subsistant, mais une qualité vitale; il n'est pas de la substance l’être divin en Acte dc Vie intellectuelle que sc trouve même du connaissant, niais de sa faculté, il n'est la raison, mystérieuse pour nous, de ccttc procession pas image parfaite dans sa nature, niais dans sa capa­ dc Verbe intellectuel, distinct et consubstantiel, dit cité de représentation. Supposez, au contraire, un ct donc engendré par le Père. Pour la filiation divine du Verbe incarné, voir Verbe substantiel, toutes ces imperfections dispa­ raissent cl nous avons une véritable génération. JLsus-CiimsT. c) Nous avons rencontré déjà l'objection arienne 3° Zz Fils image de son Père. — Outre les noms dc Fils ct de Verbe, la deuxième personne de l'auguste sur Γαγέννητο; et le γιν,ητό;. L'engendré (γιν/τ,τος, dc γιννάω) n'est pas nécessairement un devenu (γινητό;, Trinité, en a reçu bien d'autres : «gesse, vérité, lumière, vie, image, etc. Cf.Th. Lègues.op.cit., p.341de γίγνομαι), postérieur ct inférieur à sa cause; il peut donc être άγένζτυ;, non devenu, incréé; bien qu’il ne soit 318. Beaucoup de ces noms nc peuvent être que des appropriations, voir Αρρπογητλτιον; Fils ct Verbe, pas comme le Père αγέννητος, inengendré, inasciblc. au contraire, sont des noms personnels, parce qu’ils Voir S. Jean Damascene, Dc fide orthodoxa, I, 8, incluent la relation subsistante distinctive dc h P. G., t. xciv, col. 8*28. Au point de vue historique, deuxième personne. Il en est dc même du nom c’est un fait curieux qu'il faille venir jusqu'au DamasImage. cène, pour trouver celle distinction nette des deux 1. Cc nom est personnel, parce que l’image, au sens mots γινητός ct γεννητός; chez les anciens Pères grecs, strict, est une représentation ressemblante; une repré­ les deux mots ont un sens vague à peu près identique, sentation procédant en quelque sorte dc l’objet dont s’ils sont employés tous deux; mais le second seul il est l’image, au moins comme dc son exemplaire; peut-être était en usage avec ce sens vague d'engendré, enfin une représentation semblable en raison de son c'est-à-dire de devenu, appliqué aux éons des gr.ostimode même de production ou d’origine. Il est évi­ ques, au monde de Platon, au lajgos de Phi Ion, à dent que ces notions ne conviennent en Dieu qu’au ΓIsraël des Juifs, et expressément au Logos d’Arius. Fils; c’est donc bien un nom personnel qu’on trouve Athanase, Épiphane, Basile, les deux Grégoire écar­ dans le texte de saint Paul, Col., i, 15 : qui at imago tèrent simplement les mots équivoques ou peu à peu Dei invisibilis, cl 1 leb., i, 3 : qui cum sit splendor glo­ les ramenèrent à un sens orthodoxe, pour défendre la ria: ct figura substantia: ejus (τής ύττοττάτιως, non pas vraie doctrine. Voir de Régnon, op.cit., t. ni, p. 185l’hypostase évidemment, mais la réalité essentielle» 263.Cette doctrine est très claire. Engendré dit ccttc substantielle). Tous les Pères ont merveilleusement relation d'origine,qui a été expliquée plus haut,et rien tiré parti de ce nom : contre les sabcllicns. il prouve dc plus; l’engendré est un nouvel individu ou suppôt la distinction réelle; contre les ariens, il prouve l’iden­ distinct dans la même nature, nouveau et distinct tité de nature, car le Fils est évidemment image par­ comme individu, mais non pas nécessairement comme faite du Père. Plusieurs, il est vrai, parmi les grecs, être absolu, comme nature, etc. Chez nous, la généra­ ont aussi appelé le Saint-Esprit image du Fils, voir tion ne peut produire un nouvel individu dans l'espèce, Pctau, op. cit., 1. VII, c. vu; de Régnon, op. cit., t. iv, qu'en constituant un nouvel être absolu; l'existence p. 137-139; mais ils prenaient alors image dans un dans les créatures est limitée à la puissance qu'elle actue sens large dc procédant semblable, d’où que lui vint ct le fils ne pouvant dès lors avoir la même existence sa similitude; voir S.Thomas, Sum. theol., 1«, q. xxxv, que son père, il faut détacher une partie (matérielle, a. ‘2, ad 1**·; nous savons d’ailleurs que les grecs donc essence composée de matière et de tonne) dc n’ont jamais si bien compris que les latins les vnvs la substance de celui-ci et la développer en nature ct rapports du Fils cl de l’Esprit. en individu absolument distinct. Mais ce n'est pas 2. Comment le Fils est-il l’image du Père? Saint Tho­ l’essence dc la génération. Quand il y a communica­ mas nous apprend qu’il y a eu des discussions dans les tion de nature identique, ui originis, à un individu écoles de son temps sur ce sujet. Ibid., a. 2. En effet, distinct, il y a génération, même si l’identité dc nature Richard de Saint-Victor, croyant que la ressemblance communiquée est numérique, meme si l'existence en nature n’cxphquait pas la propriété d’image, puis­ des individus distincts est identique. Dans ce dernier qu’elle est en Dieu une identité plutôt qu’une ressem­ cas évidemment, il n'y a ni infériorité, ni postériorité, blance ct qu’elle est d’ailleurs dans le Saint-Esprit mais un même être, très simple, infini et ctcmel. qu’on nc peut dire image du Père, avait cherché dans d) Une dernière objection est relative à la difficulté la spiralion active la raison pour laquelle le Fils est essent idle des explications de Durand et doses prédé­ image du Père. De Trinitate. L VI, c. xi. xx. Après cesseurs : la génération esl formellement une opération Alexandre de Halés, Summa, b, q. lxi, m. ni. a. 2, dc nature cl dc rien autre (sinon matériellement), saint Bonaventure suivit le docteur de Saint-Victor. puisqu’elle tend à communiquer la nature et que le In IV Sent., 1. I, dist. XXXI, p. n, a. 1, q. n, in. terme correspond évidemment au principe ; le D’autres avaient dit, par exemple, Rupert, De Trini­ luis procède donc, non pas ratione operationis intelle­ tate, 1. II. c. n, que le Fils seul est image du Père, ctualis, mais ratione naturrc, bien qu'à la façon du parce qu’il n’y a pas image d’image, mais image Verbe. C’est bien vrai en un sens et ainsi s'expliquent immédiate d’un modèle el d’un seul et que le Saintles hésitations · préthomistes ■ sur cette question; la Esprit nc vient du Père que par le Fils ou des deux à nature est principe, principium quo. dans la géné­ à la fois. Saint Thomas écarte facilement cette der­ ration, comme on l'explique en traitant des actes nière façon dc parler qui est tout arbitraire, d’autant notionnels, S. Thomas, Sum. theot., I·, q. xli, a. 1, 5, que le Père cl le Fils ne sont qu’un principe dc l’Esprttct comme le prouve l'argument de l'objection. Et Saint. Contre la première opinion, el pour expliquer cependant la raison formelle et nécessaire du Verbe, pourquoi la troisième personne n’est pas image en c’est l’action intellectuelle dc Dieu Ces deux vérités Dieu, il recourt à la nature de l’image qui doit avoir, s'accordent .si l’on dit que IcFils procède formellement non une ressemblance quelconque, mais une ressem­ comme Verbe et donc ratione operationis intellectualis; blance in specie vi originis; or nous savons (pic seul le mais l’action intellectuelle de Dieu, en tant que par­ Verbe procède en Dieu semblable en nature vi origi­ faitement intellectuelle et que divine, exige absolu­ nis. Et qu’on nc dise pas que c’est là une notion de ment qu’au Verbe soit communiquée la substance divine elle-même tout entière; ct ainsi le principe l’image forgée à plaisir : c’est la notion vulgaire ct dc la génération du Fils, c’est la nature divine, mais traditionnelle. Voir Suarez, op. cit., 1. XI, c. vi, n. 7; 2475 FILS DE DIEU — FINCKENEIS de Régnon, op. cit., t. ni, p. 320-333 (concept grec de l’image). Quant à la difficulté principale de Richard · l'identité n’est pas la similitude qu’il faut à l’image ct par conséquent il y a image de personne et non de nature, il faut répondre cn distinguant les choses qui ont entre elles la relation d’image cl la formalité qui fait l’une image de l’autre. 11 est bien évident, en effet, que le Fils est l’image du Père ct non de la nature divine; on ne dit pas qu’une photographie est l’image de noire figure, mais elle est notre image cn représentant notre figure. Pour l’image,il faut donc deux êtres distincts el une formalité qui leur soit commune (vi originis); que celle communauté soit identité ou ressemblance spécifique, cela ne fait rien à l’image, pourvu qu’il y ail distinction el origine in similitudinem natures. C’est bien là le sens de toute la tradition, mise surtout cn valeur par les grecs : le Fils est l’image parfaite du Père: donc tout ce qu’a le Père de perfection, d’attributs, d’etre ou de sub­ stance, le Fils le possède, autrement il serait image incomplète. Voir Pc tau, op. cil., 1. VI, c. vi, vu; 1. VII, c. vu. Ici encore le P. de Régnon, op. ci/., t. ni, étude XVIII, p. 309-381, oppose théologie grecque ct théologie latine avec quelque excès; lui-même ne comprend bien l’image que si le fils représente, non seulement la nature abstraite, mais les caractères in­ dividuels de son père ct ceci est, cn efiet, de langage courant Voir Vasquez, In l·* Sum., disp. CX1II, § 44. Mais quels sont donc ces caractères individuels du Père? La paternité devra-t-elle donc être commu­ niquée essentiellement au Fils? C’est impossible ct absurde. Sera-ce un attribut comme la bénignité, des contingences comme la libre providence ac­ tuelle. etc.? Voir de Régnon,loc. cil., p. 315-350. Mais c’est se livrer à son imagination, pour ne rien dire de plus, que d'aller chercher dans l’Etrc absolu de Dieu, meme comme agent libre, des caractères personnels à communiquer au Fils; et c'est là que penche, sans cesse, en efiet, cc trop fervent ami des grecs ct de leur langue théologique archaïque. Disons plus sim­ plement que le fils tend à reproduire tout son père; ici-bas. il ne le peut pas; mais en Dieu, le Fils repro­ duit parfaitement son Père, air tout l’être divin très individuel que possède le Père, il le donne à son Fils; ct parce que cela se fait vi originis, le Fils doit être, au delà de toute expression ct de tout cc qui sc peut voir, imaginer, concevoir parmi les créatures, la par­ faite image de son Père. Une petite question est encore à résoudre : la com­ munauté de spiration active peut-elle cependant être regardée,avec tout le reste,comme contribuant à faire l’image du Père dans le Fils? Saint Thomas semble ne pas l’admettre, loc. cit., parce que ce n’est pas d’après des relations qu’on peut avoir égalité ou ressemblance, mais d’après quelque chose d’absolu. Comme raison principale de ressemblance, c’est évident; mais ne pourrait-on concevoir secondairement le Père ct le Fils semblables aussi (similitude d'identique forma­ lité en deux personnes distinctes) par la spiration active? En tout cas, cette similitude ne pourrait entrer dans la notion du Fils image, parce que cc n’est pas vi originis que le Fils a cette spiration active, mais plutôt Immédiatement, par la mystérieuse exi­ gence de l'action divine volontaire où tout l’intel­ lectuel divin (pouvoir absolu, agir ct relations de Père et de Fils) devient, secundum ordinem naturæ, principe d’amour absolu et de spiration. Image, Verbe, Fils ne désignent que la même réa­ lité et non seulement « matériellement », mais encore formel!» ment : c’est toujours le procédant cn Dieu, semblable vi originis, c'est-à-dire secundum agere intdlcituaie, c’est-à-dire comme Verbe, cl parce que ainsi semblable in natura, comme Fils. C’eM tou­ i 2476 jours, cn définitive, la même réalité divine, l’être très simple cl infini, notre Dieu, non pas uniquement pourtant dans son absolu, mais comme relatif de rela­ tion substantielle ct subsistante évidemment, relatif comme Verbe cl donc Fils, relatif au meme Dieu comme dicens Verbum ct donc Père. C'est le même Dieu identique absolument,diversement relatif par des oppositions d’origines. Il y a donc cn lui des distinc­ tions entre ces Relatifs réels, des distinctions réelles par conséquent, mais entre ces Relatifs ut sic; l’Absolu de ces relatifs qui leur donne toute leur réalité, continuant à être l’identique Réalité très simple cl infime qu’est notre Dieu. Voilà le mystère du Fils de Dieu, tel que les Juifs le reçurent mêlé de ligures ct de voiles dans leurs élé­ vations vers la sagesse incréée; tel que Jésus l'affirma clairement, y conduisant peu à peu la foi de scs dis­ ciples, mais foi toute nue au mystère sans explica­ tion ; tel que ΓÉglise dès ses débuts ct toujours le vécut sans hésitation, avec ardeur, avec amour, l'amour enthousiaste d’une épouse pour l'Époux son Dieu, repoussant toujours avec horreur loin de sa maison les fils dénaturés qui le méconnaissaient; tel que, depuis saint Paul ct saint Jean, qui commencèrent à écarter un peu les voiles du mystère, les docteurs anciens s'efforcèrent tour à tour de le défendre, de le formu­ ler, d’en expliquer ce que peut cn comprendre la rai­ son humaine, sans le nier jamais et sans le dénaturer cn lui-même (nous parlons des docteurs que l’Églisc garda dans sa maison), bien qu’avec plus ou moins de clarté, de précision, de cohérence et de justesse dans les détails; tel que la théologie enfin, non sans dis­ cussions, est arrivée Λ le concevoir cn analogie tou­ jours et cn image, y mettant toutes les lumières de la révélation ct toutes celles de la raison humaine comme elles sc trouvèrent en un saint Augustin et cn un saint Thomas. Depuis celui-ci, on n’a guère fait de progrès cn dogme trinitaire. Nous conclurons donc avccsaint Augustin, De Trinitate, I. XV, c. xxin, n. 14, P, L., t. xlii, col 1091 : Sed hune non solum incorpora­ lem, verum etiam summe inseparabilem vereque immu­ tabilem Trinitalem,cum venerit visio facie ad lactem qute repromittitur nobis, mullo clarius cerliusque videbimus quam nunc ejus imaginem quod nos sumus; per quod tamen speculum ct in quo icnigmatc qui vident, sicut in hac vita videre concessum est, non illi sunt qui ea qua digessimus ct commendavimus in sua mente conspi­ ciunt, sed illi qui eam (mentem) tanquam imaginem vident, ut possint ad cum cujus imago est quomodocum­ que rejerre quod vident et per imaginem quam conspi­ ciendo vident etiam illud videre conjiciendo, quoniam nondum possunt facie ad /aciem. P. Richard. FINCKENEIS Basllo) théologien bénédictin, mort à Vienne cn 1693. 11 fit profession cn 1669 à l’abbaye de Saint-Lambert cn Slyrie. 11 eut d’abord à remplir les fonctions de maître des novices, puis fut appelé à professer la philosophie à Salzbourg, la théologie à Saint-Georges dans le Tyrol, cl au monastère des Écossais de Vienne où il mourut. Scs principaux ou­ vrages sont : Conclusiones ex universa philosophia, Salzbourg, 1689; Problemata et theoremata philosophico· logica, physica et mctaphtjsica, in-4°, Salzbourg. 1689; Theologica controversistlca tribus controversiis universas fidei controversias comprehendens, quibus decisis decisa: sunt omnes sive certamina lurretico-controvrrsistica pro fide et veritate fidei intellectum sic convincentia, ut qui­ libet veritatem veræ Ecctesi» et fidei evidenter videre possit ct facili negotio compendioque venire ad agnitionem ve­ ritatis^ anne, 1693, Theologia polemico-mystica, atheoconlrooersudica Iribus controversiis prxeipuos atheorum errores comprehendens et refellens per oppositas veritabs quibus demonstratis sublatus sit alheismus, sive 2477 FINCKENEIS — FIN DERNIÈRE certamina atheo-theologlca ct thcologlco-mgslica de existent la Dei, exislcntia angelorum el uninue immorlatitate cum tripl ici paramesi ad atheos in fine cupis­ ti bet conlroversiic, Vienne, 1693; Theologia superna­ turalis et naturalis complectens selectas dissertationes ac rara problemata de opere sex dierum seu de mundo magno ac parvo, in-12. Vienne, 1691. 2478 quons qu’on peut vouloir du bien, à quelqu’un voit parce que cela lui est utile, soit simplement parce qu’il en est digne. Enfin, au point de vue des espèces de tendances de l’agent û son bien, il faut opposer d’abord, ceci est fondamental pour notre sujet, la tendance de désir qui veut acquérir un bien, source de perfectionnement, bonum perjectivum (en réalité ou en apparence), et la Ziegclbnucr, Historia rei lilcrarhr ordinis S Renedlrtl, tendance de simple intention ou de volition qui donne t. IV, p 130; [dom François], Hlbltothèqiie générale des étri· et produit et verse de sa surabondance, au heu de vains dt fordrc dr Sainl-ltcnoU, t i, p. 326; Hurter, No/nmchercher, bonum producendum, communicandum. Dans clator, t iv, coi 399-100. B. Heurtefhze. le premier cas seulement, la fin est une cause finale, mouvant réellement l’agent par son attraction; elle est i. FIN DERNIÈRE. La cause finale est la cause des appelée pour cela motif ou encore mobile, suivant causes. S. Thomas, Quæst· disp.. De veritate, q. xxvm, qu’on considère sa force attractive ou son impression a. 7. Tout, cn efiet, pour un être quelconque ct pour dans l’agent attiré. Mais, dans le second cas, la fin son action,dépend du but où il tend. 1-a fin dernière n’est pas proprement cause finale; car ce n’est pas ce sera donc pour un être la cause dernière, la raison bien qui n’existera que par elle, qui peut attirer ct au delà de laquelle il n’y a plus rien, de tout cc qu’il est mouvoir la cause bienfaitrice; la détermination de et de tout ce qu’il fait. C’est dire l’importance souve­ celle-ci devra s’expliquer autrement; le bien produit raine, absolument première, unique.de la question de par elle ne sera plus que son terme ct non sa cause. la fin dernière; c’est entrevoir aussi les ramifications En dernier heu, laissant de côté le pnncipe de la indéfinies de cette question dans toutes les directions de la pensée humaine. tendance pour considérer celle-ci en elle-même, on y On ne trouvera ici qu’un travail de coordination découvre un complexus de trois éléments : l’agent, son opération, son œuvre : tout cria dirigé en définitive avec des références, pour tous les développements, aux articles spéciaux. vers une même fin, mais diversement. L’opération d’abord, nous parlons d’opération transitive, non Les notions philosophiques sur la finalité cn géné­ d’opération immanente.laquelle n’est pas nécessaire­ ral ont été déjà exposées sommairement à l’art. Cause, t. n, col. 2033-2038. Voici quelques précisions ment productrice, voir Immanence, l’opération tend nécessaires à notre sujet. immédiatement à l'effet à produire: l’effet à produire comme tel. c’est donc la finis operationis tout simple­ La fin, c’est en général le terme (bout) de l’action ment. L’eflet, à son tour, peut être voulu pour qu’il ct spécialement le terme (but) où tend l’agent. Cc serve à quelque chose,à un but et non simplement ]>our terme-but intentionnel est précisément la cause qu’il soit; il cn est ain~i.cn fait.de tout effet, divin ou finale; il exerce, en efiet, une très évidente et très humain : tout ce qui est fait est fait dans un but, nous réelle influence sur l’effet produit; car si l’agent ne le prouverons plus bas. Mais il faut distinguer ici un visait pas tel but, il n’agirait pas et ne produirait pas double but : un but immédiat qui sort de la nature tel efiet. Cette influence n’est pas quelque chose de physique allant de la fin à l’eflet, mais quelque chose même de l’objet produit une montre,de soi,est faite pour marquer les heures, c’est la finis operis; ctle but d'intentionnel et de moral s’exerçant sur l'agent luiquelconque immédiat ou éloigné auquel l'agent tend de même pour le pousser vers un but à atteindre. But à son côté, par tel ou tel moyen : faire des montres, atteindre, cela signifie : bien voulu par une volonté, par exemple, pour gagner de l’argent, c’est la finis bonum habet rationem finis; voulu, c’est-à-dire aimé, operantis. C’est à celte dernière seule que s’appliquent causaittas finis est appeti ; aimé et désiré s’il s’agit d’un bien à acquérir, aimé et simplement terme d’intention, les subdivisions diverses indiquées plus haut. Intentum, s’il s’agit d’un bien à produire. Mais si Nous avons dit que le terme d’une tendance ou d’une intention on d une volition ne peut être que le l’agent n’avait pas cc but à atteindre, s’il ne voulait bien de l'opérant, principe de cette volition ou de pas produire ou posséder ce bien, il n'agirait pas. Voir cette tendance; le bien, c’est-à-dire quelque chose de Acte humain, t. i, col. 312-315. parfait, en relation de convenance, perfective ou non, 11 y a diverses espèces de fins, parce qu'il y n diverses avec lui. Sur les rapports, très importants, du bien ct espèces de biens, termes de tendance. Au point de vue de scs diverses espèces avec l.i finalité, voir Bien, de la subordination des objets, il y a des fins immèt. iî, col. 825 sq., spécialement 836-840. diales, intermédiaires, dernières· La fin comme fin, il Pour traiter complètement la question de la fin der­ est vrai, est un terme et par conséquent n’est pas de nière, il faut étudier : 1° la fin dernière absolue de soi ordonnée à une autre chose; cependant, cc qui est toutes choses; 2° la fin dernière relative, spécialement fin dans un ordre peut devenir moyen dans un autre de l'homme; 3° les applications pratiques principales ordre, ct ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive au de ces doctrines. bien de Dieu. Dieu n’est pas égoïste, car il ne cherche rien. Au contraire, Dieu est pur amour, c ir il ne crée absolument (pie pour ré­ pandre, donner, communiquer ses divines richesses qu’il aurait pu garder en lui. C’cst le Bien infini, luitnèinc, qu’il aune en toute effusion créée : c’cst évi­ dent et c'est l'ordre absolu di la |u t · ... Pamour. Mais qu'il d ligne du même amour infini s'aimer et nous umei < n lui, Dieu,c’cst une bonté infiniment grduih et infiniment pure ou désintéressée Les théoMo hem,Descart< i5 sq.; L. Billot, Disquisitio de natura peccati, 3r édit., Rome, 1911, c. i, v. 1-1. c. On n’· *4 l d tccord, il est vrai encore, pour pré­ ciser soiv quel t ’i t formel l’obligation morale descend ·’· Dieu »u la liberté créée est-ce de Dieu créateur et m >h ur universel, de Dieu législateur im­ posant sa loi. de )i-a essence, type de toute » les cs- 2189 FIN DERNIÈRE scnccs physiques et morales, de Dieu bonté infinie ct fin dernière nécessaire de toute tendance créée? Il y a là peut-être plusieurs questions de mots. En distin­ guant avec soin la question de la route a suivre ct la question de la raison obligatoire de suivre telle route, c'est-à-dire du terme nécessaire de cette route, il semble qu’on pourrait donner cette solution, qui met chaque chose à sa place : l’essence divine, cc qu’on appelle abstraitement la nature des choses, est la source dernière de toutes les essences physiques ct morales; l’intelligence divine précise formellement Ces essences, les essences morales, dans cc qui est le pre­ mier élément de la loi éternelle, ordinatio ration is; la volonté divine réalise ces essences, suivant leur nature, cn les créant ou cn les imposant par une promulgation décisive, promulgata. Mais dans ces essences morales, venues de l’être fondamentalement, de l'intelligence exemplairement, de la volonté créatrice ct législa­ trice de Dieu formellement, sc trouve toujours pour l’homme ce rapport fondamental à Dieu bien infini, fin dernière de tout, de toute action libre de l’homme; en sorte que dans cet agir libre ou moral, l’homme essentiellement et précisément, de par la nature des choses, réalisée en obligation absolue seulement par la volonté divine, n’est qu’un être fait pour connaître, aimer, ainsi posséder et glorifier Dieu dans le service d’ici-bas ct dans la vie éternelle finalement. Voir Billot, loc. cit.; M.-S. Gillet, Les jugements de valeur cl la con­ ception thcologiquc de la morale, dans la Demie des sciences philosophiques ct théologiqucs, juillet 1912, р. 133-165; S. Thomas, Cont. gentes, 1. III,c. cxv. d. Toute cette question est enfin diversement trai­ tée, suivant qu'elle est posée à un point de vue ana­ lytique ou à un point de vue synthétique. Analx tiquement, plusieurs essaient de remonter et de l’obligation et de la moralité, prises comme faits d’expérience, à Dieu, fin dernière postulée par cet le experience. N oir L. Ollé-Laprunc, Lc prix de la vie, 12* édit., Paris, 1904» с. x-xvi, p. 103-205; A.-D. Scrtillangcs, Les sources de la croyance cn Dieu, Paris, 1908, c. xn, p. 239-293; A. l’argcs, L’idée de Dieu, I* édit., Paris, 19(H), p. 216221, etc.; cf. Dieu, t. iv, col. 917-918, où l’on cite parmi les théologiens Hontheirn el Schiffini; y ajouter B. Bœddcr, Theologia naturalis, 3· edit., Eribourgcn-Brisgau, 1911; K. Garrigou-Lagrange, art. Dieu, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1910, l. i, col. 1061-1063. Mais la difficulté est ici pré­ cisément dans la question préalable d’établir les faits Invoqués : moralité, obligation, cn voie purement analytique, c’est-à-dire sans supposer aucunement Dieu. Les prendre comme opinion reçue, c’est trans­ former cct argument en argument ad hominem, plu­ tôt dangereux s’il n’a pas de valeur absolue. Voir Ami du clergé, 1905,p. 219-252. Pour beaucoup, cn eflet, et c’cst notre avis, la voie analytique indiquée est impos­ sible : pas’ de fait moral, d’obligation vraie sans Dieu présupposé. Voir Billot, De Deo uno ct trino, thés, iv, n. 6; Ami du clergé, 1901, p. 598 sq.; J. Mafieux, A propos d'un livre sur Γ existence de Dieu, dans la Revue néo-scolastique, 1907, p. 28-36; N. Balthasar, 'Le problème de Dieu d'après la philosophie nouvelle, ibid., 1908, p. 96-99. Essayer de ramener ces arguments à la métaphysique finaliste de la puissance ordonnée à l’acte, voir Garrigou-Lagrange, loc. cit., nous semble insuffisant pour passer de l’ordre physique à l’ordre de l’obligation morale; c’cst de plus une pétition de principe : la liberté est-elle une puissance faite pour le devoir ct telle fin dernière, c’est la question. Enfin ramener le tout à la métaphysique de la contingence et de l’imparfait causé par le parfait csl légitime; mais il ne s'agit plus alors d’obligation morale comme telle, car celle-ci n’a pas encore été démontrée; il s’agit simplement d’etre humain ayant telles impressions 2490 accusant cn lui de l'imperfection, évidemment toutes ccs discussions prennent une allure spéciale lorsque les faits cn queUiôn sont intégrés dans un système ou meme dans une méthode d'immanence. Voir Im­ manence. e. Le point de vue synthétique semble donc le seul légitime dans cette question. C’est celui de la théologie monde fondamentale. Que cc traité, De fine ultimo, soit fondamental pour toute la monde, tous l’accordent. Cependant la plupart des théologiens moralistes supposent ce fondement établi ailleurs en éthique naturelle ou cn théologie dogmatique dans les traités De Dca devante. De novissimis, etc. Voir Konings, Ærtnys, d’Annibalc. Bucccroni, Marc, Génlcot, Haine, Gury, Bonal, LehmkuhL Avec le VI· congres de ΓAlliance des grands séminaires, Paris, 1911, rap­ port sur la théologie morale par M. Parpailion. Compte rendu, p. 135-137, et vaux du congrès, p. 152, nous croyons cette méthode imparfaite. L’éthique traite, cn eflet. de La fin dernière à un point de vue purement philosophique ct la théologie dogmatique la considère cn soi, alors qu’il s’agit de l’étudier théologiquement dans ses rapports avec l’action morale des hommes. On ferait donc mieux, semble-t-il, de suivre ici saint Thomas, Sum. thcol., 1· II·. q. i-v, avec scs anciens commentateurs Cajctan. Billuart, etc.; Bouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 2· 6diL, Bruges, 1890, p. 141-165; Ad. Tanqucrcy, Synopsis theologiæ moralis, 3· édit.. Paris, 1908, t. π; J. Didiot, Cours de théologie. Morale surnaturelle fondamentale, Paris, 1896, c. i, p. 23-89; E. Janvier. Exposition de la mo­ rale catholique, Paris. 1903. L î, ir· et n· conférences. b) Intention ou amour de la fin dernière absolue. — La première obligation fondamentale, source ct essence de toutes les autres, pour la créature intellectuelle, est d’aller à Dieu, sa fin dernière, pour le connaître, l’aimer, le posséder, le glorifier, suivant le degré déter­ miné par lui-même, c’cst-A-dire suivant les capacités d’agir mises par lui dans cette créature» Aller à Dieu, c’est déjà l’aimer; on va à lui pour l’aimer éternelle· ment; on peut aimer de diverses manières; comment faut-il aimer la fin dernière? a. Nous pouvons aimer Dieu notre fin demiero comme notre bien à nous, comme un bien cn soi ai­ mable, enfin comme le bien en soi aimable et aimable par-dessus tout, par-dessus nous-mêmes. Voir Charîtê, t. n, col. 2217-2225; Esf&nance, col. 620-626. Supposant légitime l’amour d’espérance, voir plus loin, est-il suffisant pour remplir l’obligation de tendre à notre fin dernière? 11 est d’abord insuffisant pour l’ordre absolu ct complet. Dieu est. cn effet, aimable on lui-mèmc pour lui-même et plus que tout au monde. L’ordre ne sera donc parfait, absolu, dans l’ordre de nos amours comme dans l’ordre ontologique, que lorsque Dieu sera a la première place, qui est sa place. Y a-t-il donc obligation d’aimer notre fin dernière de cct amour désintéressé qui csl la charité parfaite? Et ne suffit-il pas de la poursuivre par amour pour nous-mêmes? Dans l’étal de terme où tout sera parfait, définitive­ ment ordonné, cela ne sufllm pas. Mais dans l’état do voie, de vie terrestre, qu’en est-il? 11 faut envisager deux hypothèses : l’hypothèse de Dieu créant lui-même dans l'âme l'ordre parfait, définitivement nécessaire pour être établi dans la fin dernière, et !*hy|>othèsc de la créature devant réaliser cc même ordre par elle-même, ex opere operantis. Dans la première hypothèse, l’ordre ne sera réalisé que habitu ou dans des dispositions habituelles, non pas a» tu, ou dans l’action libre clk*-méme. Mais ceci ne semble possible que dans un étal surnaturel où l’ordre parfait consiste essentiellement dans des habi­ tus de grâce ct de vertus infuses, Dieu pouvant alors 2491 μ ri •4 η *· FIN DERNIÈRE Infusor cos grâces et ccs vertus, s’il le veut bien, par exemple, au moyen de sacrements ex opere operato, clans toute âme vide des oppositions à sa grâce. Voir Attrition, 1.1, col. 2211-2219. Dans la deuxième hypothèse, l’amour parfait désintéressé de la fin der­ nière est absolument nécessaire dc nécessité de moyen. Voir Charité, col. 2251 ; Contrition, t. ni, col. 16841686. Dans la première hypothèse elle-même, en laissant dc côté les enfants morts avant l’usage de leur raison et les adultes qui mourraient de suite après une justifi­ cation sacramentelle, sera-t-il loisible aux hommes, dans le cours ordinaire dc leur vie, de ne jamais s’éle­ ver jusqu’à cet acte d’amour désintéressé qui seul nous met totalement dans l’ordre moral en nous subordon­ nant à Dieu, notre fin dernière? Cela ne leur est pas loisible, car il y a un précepte d’aimer Dieu pour luimême imposé à tous. Voir Charité, col. 2252-2256, 22lo-225o. Telle est la meilleure ct la plus radicale réponse à l’objection d’égoïsme, d’utilitarisme, etc., tant dc fois ressassée contre la morale catholique. Voir d’autres explications, Espérance, col. 672-675. b. Nous avons répété jusqu’ici que notre fin der­ nière est de posséder Dieu, ou de participer à celte per­ fection suprême communiquée au monde par Dieu : Dieu vu, aimé, possédé. Et cela est précisément la gloire dc Dieu. Posséder Dieu, en effet, c’est le con­ naître, c’est-à-dire Je voir en vérité comme le bien infini, le premier aimable, le seul aimable même en un sens,pour qui seul toute la création est définitivement aimable. Posséder Dieu, c’est l’aimer, c’est-à-dire c’est acquiescer de la volonté Λ ccttc vision de l’être infi­ niment aimable, en s’y complaisant et s’y reposant définitivement, mais d’un acquiescement, d’une com­ plaisance, d’un repos qui emportent en un élan im­ mense tout cc que la volonté a de force ct d’énergie. Et c’est ensuite laisser librement, dans le même élan, se presser dans le cœur ct la volonté ccs flots d’actes d'adoration, d'admiration, de vénération, de louange uniques, réclamés par l’infini aimé. Ainsi Dieu est glorifié parfaitement; ainsi la fin dernière absolue de l'homme et de toute la création est atteinte. c) Fin dernière et moyens. — Les moyens qui nous conduisent ù la fin dernière sont, d’une façon pro­ chaine ct formelle, nos actes (dans l’ordre surnaturel élevés par la grâce) ct, d’une façon matérielle ct éloi­ gnée, les multiples biens dc la création, objets dc ces actes. a. Tout est pour la fin dernière; tout doit donc être volontairement rapporté par l’agent libre à ccttc fin dernière. Est bon ce qui nous conduit à la fin der­ nière ct rien que cela; est bon, ct lui seul, l’usage des créatures,quelles qu’elles soient,naturelles ou surnatu­ relles, qui. par celles-ci, comme par des moyens, con­ duit à la fin dernière. Voir un saisissant exposé dc cette vérité dans J. Tissot, La oie intérieure simplifiée, 9* édit·, Paris, 1903, part. I, I. I, c. vi-x, p. 60-89. Cependant il est légitime ct licite de tendre à sa fin dernière par un amour intéressé; il n’csl donc pas nécessaire, il n’est pas possible, d’y tendre toujours par pur amour de charité. Voir Espérance, col. 648-676; Bail's, l. π, col. 83 sq., 90-92; Quiétisme. On peut ainsi rendre à Dieu ccs devoirs essentiels d’adora­ tion. dc vénération, de culte, dc glorification pour des motifs inférieurs à la charité, par religion, par obéis­ sance, paiVcrainlc, etc. Et cc La suffit pour qu’ils soient remplis, bien que d'une façon imparfaite ct possible seulement in statu vite. Faut-il pourtant dc temps en temps, cl d’abord au principe dc sa vie morale, diriger crlle-ci toute entière, du moins virtuellement· à Dieu par < h inté? Voir Chai n r . t. n, col. 2253-2255. Faut-Il même, sous peine dc péché, rapporter expli­ 2492 citement, par charité ou autrement, tous scs actes à la fin dernière? Non; un rapport Implicite· suffit, comme le démontrent tous les moralisles en traitant . des éléments dc la moralité do l’acte libre. Du moins, I pour le mérite surnaturel,cela est-il requis ou faut-il une intention surnaturelle actuelle à tout acte méri­ toire? Non encore; une intention virtuelle,qui de nou­ veau peut-être explicite ou implicite, suffit, intention probablement de charité, Voir Charité, col. 22462250; Mérite. b. Sont bons tous les moyens qui, diversement em­ ployés, conduisent à la fin dernière, c’est-à-dire qui y conduisent de par leur nature ou du moins de par leurs aptitudes, et non de par la seule intention dc l’agent : la fin, en effet, ne justifie pas les moyens; une chose intrinsèquement mauvaise reste telle ct donc défendue, quelles que soient mes Intentions. Voir G. Goyau, 1 m justifie les moyens, dans le Dictionnaire apologétique de la joi catholique, t. n, col. 10-17. Parmi les moyens aptes à conduire à la fin, il faut distinguer les moyens dc précepte et les moyens dc conseil. En effet, certaines routes peuvent être néces­ saires pour arriver h un but; et d’autres peuvent être non nécessaires, mais plus faciles, plus utiles, plus sûres, etc., et dès lors simplement conseillées; il n’y a pas d’obligation à prendre le parti le plus sûr en géné­ ral, ni même à prendre un moyen dont la nécessité est vraiment douteuse. Comme le précepte cependant, le conseil tire toute sa moralité ou sa bonté morale de sa relation û la fin dernière, bien que relation non nécessaire. Voir S. Thomas, Sum. theol., P IIr» q. cvm, a. 4; Ascétique, t. î, col. 2037-2041; Con­ seils, t. m, col. 1176-1182; A. Hamon, Ascétisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. î, col. 296-300. Cette question des rapports de la fin dernière ct de la perfection avec les conseils ct les préceptes a été très obscurcie par le protestantisme et le jansénisme. Voir Perfection; Denlfle, Luther ct le luthéranisme, trad. Paquler, Paris, 1911, t. î. c. Tout ce qui est moralement bon l’est par sa rela­ tion à la fin dernière; par conséquent aussi tout ce qui est moralement mauvais est tel parce que opposé à l’ordre de la fin dernière. Cependant il faut sc garder des exagérations luthériennes, baianistes ct jansé­ nistes et ne pas transformer tout péché en péché mor­ tel. Est péché mortel l’acte qui détruit l'ordre à la fin dernière obligatoire, en ordonnant l’homme Λ une autre fin dernière que Dieu. Est péché véniel l’acte qui ne vn pas à la fin dernière obligatoire, lorsque tout doit y aller ct qui cependant laisse intacte la volonté habituelle de cette fin obligatoire. Enfin est imperfec­ tion le refus d’une invitation positive, mais nullement imposée, ad melius. Voir Imperfection, Péché. d. Telles sont les relations abstraites des moyens ct de la fin. Concrètement, l’homme en tous ses actes tend-il nécessairement d une fin dernière? Pour saint Thomas, Sum. theol., P IP, q, r, n.6; q. vm, oui sans aucun doute. Voir le Commentaire littéral du P. Pègucs, Paris, 191 J, t. vi. Toute volition esl volition du bien complet, adéquat de la volonté, du bien aimé pour soi, c’est-à-dire de la fin dernière, ou volition d'un bien im­ parfait, Inadéquat et dès lors non aimé pour sol, mais aimé pour le bien parfait en effet, seul Je bien adéquat peut mettre en branle, en acte nécessairement la vo­ lonté; celle-ci ne pourra donc se porter à tout bien par­ ticulier qu’en vertu de cette première motion et actua­ tion contenant virtuellement toute volition particu­ lière. Et c’est d’expérience universelle au fond, tout ce que ι · voulons Ici bat, nous sentons no I··’vou­ loir que pour être heureux, parfaits, etc., sans rcsI triction. Et nou voudrions plu·» que ne nous donnent les bieux pn itnLs; mais il faut prendre ce qu’fis I donnent, en 1 H et pour an 2493 FIN DERNIÈRE mieux définitif, absolu, chacun selon son Idéal. Voir A.-D. Sertillange*, Les sources de la croyance en Dieu, c. ιχ-xn, p. 327-H2; M. Sérol, Le besoin et le devoir religieux, Puris, 1908, c. i-iv, p. 9-119. Scot at­ taqua autrefois celte doctrine, Cajetan lui a répondu. Voir Acte humais, t. i, col. 343-315. Une grosse difficulté contre cette conception du dynamisme volontaire humain est tirée du péché véniel. Nous avons dit qu’il respecte l’ordre ù la fin dernière et cependant ne lui est ni rapporté,ni rappor­ table. Cette difficulté a été diversement résolue : pos­ sibilité de deux lins dernières concrètes, l’une posi­ tive, l’autre négative (Suarez); toutes deux positives, mais l’une virtuelle (Gotti); une seule lin dernière diversement atteinte par l’amour habituel ct le péché véniel actuel; enfin une seule Un dernière concrète qui reste inchangée, mais qui n’est pas ct ne peut être la lin d'aucun péché; le péché véniel dès lors, acte spécial, possible seulement dans une psychologie abstractive, n’aurait pas dc lin dernière concrete, mais seulement la lin dernière abstraite, du bien, du bonheur. Voir Pègucs, op. cit., p. 42-15; L. Billot. De natura peccati, Borne, 1911, Dc peccato veniali; S. Ί h »mas, Sum. theol., p II», q. îxxxvm, a. 1, ad 2· ·, 3um; π·π·. q. xxiv, a. 10, ad 2um; Péché véniel. II. Fin derniéiii: iielvtive. — Dieu, premier prin­ cipe, ramène tout à lui, lin dernière, fermant ainsi un cercle Ineffable qui contient dans l’inllm toutes choses. C'est l'ordre divin ou absolu que tout soit définitivement pour Dieu; ct nous avons expliqué jusqu’ici en quoi consiste cet ordre. Nous avons dit aussi que toutes les créatures maté­ rielles ne rapportant rien à Dieu, sont tout entières, finalement, dans l’ordre de la /inis cui utilitatis, pour la perfection et le bonheur des créatures spirituelles, ('.elle affirmation toute philosophique n’a aucun rap­ port avec l’hypothèse géocentrique des anciens. En effet. Dieu est pure bonté ct ne peut créer que pour répandre sa bonté, ses perfections, son bonheur, l/ordre divin, absolu,de (dolre objective ou de gloire formelle, esl précisément fait de ces effusions de la bonté divine ct ne peut être fait d’autre chose. Créer, pour Dieu, c’est faire le bien. Tout ce qui est est donc bien, per­ fection venant du pur amour de Dieu. Et tout est bien, perfection d'abord pour sol évidemment. Ensuite tout tend à sa plus grande perfection possible. Lé les créatures se divisent en deux catégories : les unes ten­ dent à leur propre perfection cl ne sont en cela subor­ données Λ aucune autre créature; les autres sont subordonnées, êtres périssables, aux créatures spiri­ tuelles. Mais pour celles-ci. il n'y a plus dc subordination dans l’ordre de la perfection personnelle. Après leur avoir donné un certain degré d’être. Dieu les dirige à en recevoir encore davantage, suivant leurs capacités; et quand elles en auront al teint le summum, la plénitude fixée par Dieu, ce sera leur fin dernière. Elles ne pourront y parvenir, il est vrai, qu’en voyant, aimant, glorifiant Dieu comme l'unique parfait A aimer pour lui seul : subordination dans l’ordre de la finis eufus gratia. Mais elle sera leur perfection et leur perfection consciente, donc leur bonheur; perfection et bonheur en quelque sorte infinis, puisqu’il s’agit dc Dieu lui-même A posséder. C'est ce qu'on appelle la lin dernière secondaire ou rel tliv» de la créature spirituelle · lin dernière qu’il est très légitime d’aimer comme telle, c’vst-A-dire comme perfection personnelle. Voir Création, t. m, col. 21612171. Il faut la considérer en deux ordres distincts : l’ordre d'intention et l’ordre d'exécution.que la liberté créée, défeclible, rend parfois bien differents. Nous nous occuperons surtout dc l’homme; pour les anges, voir 2494 A no es, t. î, col. 1190, 1202-1205, 1223-1225, 1227, | 1235-12 11. I ° Ordre intentionnel. — C'est l’ordre dc cc qui doit être, ou dc ce que Dieu veut de volonté antécédente ct dc cc que nous devons vouloir. On peut essayer d’étudier cct ordre analytiquement ou synthétique­ ment. 1. Voie analytique. — a) Aspirations ή l'infini, comme fin dernière : les faits. — C’est un fait d’universelle expérience ; tout être pauvre, capable d’avoir mieux, s'efforce dc tout son pouvoir vers cc mieux. Et plus l’ctrc est grand par nature, plus il est pauvre en un sens, car plus grandes sont scs capacités, encore vides des biens qui doivent les remplir ct qu i! doit acquérir ou conquérir. L'homme, né pauvre,aspire essentielle­ ment à quelque bien parfait qui le satisfera pleine­ ment. II faudrait plutôt étudier la nature ct la portée de ces aspirations universelles. On sait combien a été fouillé cc sujet dans l'apologie religieuse contempo­ raine. B a été touché plusieurs lois ici à des points dc vue divers :Apûlooétiqi e,L i.col. 1533-1580, passim; Béatitude, L n, col. 497-515; Dieu, L rv, coL 788806, 810-823, 853-871,876 sq., 905-923; Experience rfjjgiei se, L v, col. 1787-1804, 1806-1814, 18231828, 1841-1847. Pour une étude plus directe, voir Immanence (Méthode<Γ). On consultera spécialement S. Thomas, Sum. theol., P11«, q. n-v; Cont. gentes, 1. Ill, c. xxv-xLvin; A. D. Sertillangis.Les sources dc la croyance en Dieu, c. ix-xm, p. 327-134, etc. En résumé, soit par expérience universelle, soit par expérience et étude d’introspection personnelle, les faits suivants sont certains· Tous nous voulons vivre toujours. Tous nous voulons être heureux, mais d'une béatitude sans mélange, complete : avec «i lumière dans notre intelligence sur tous les problèmes qui nous troublent, sur toutes les questions qui nous inté­ ressent; avec la rectitude d’un empire moral pleine­ ment libéré ct intégralement ordonné dans notre volonté; avec ccttc félicité immense d’un cœur (volonté ct facultés sensitives) en possession du bien, du beau, dc ce quelque chose d’idéal qui le remplit enfin. Tous nous le voulons incocrciblcment, dans un élan · fatal · qui part des profondeurs les plus intimes de notre nature. Nos aspirations â la béatitude inté­ grale ont ainsi trois caractères : profondeur ct néces­ sité qui tiennent ά notre nature même; immensité dans la durée que nous voulons stable, immortelle; immen­ sité dans l’étendue en quelque sorte indéfinie,infinie. Cc dernier caractère a besoin d’être mis en relief. Pratiquement, rien dc tout ce que nous pouvons avoir Ici-bas ne nous satisfait, faute de stabilité et surtout d’étendue : ni les biens extérieurs, matériels, comme les richesses, ou sociaux comme les honneurs ct la ' gloire, le pouvoir, l'amour ct l’amitié; ni les biens intérieurs en quelque sorte à notre personnalité : cor­ porels comme la santé, les plaisirs, les voluptés, ou spirituels comme la science et la vertu. Ces deux der­ niers biens, il est vrai, semblent pouvoir s'étendre ù l’infini; mais sur la façon dont on peut les posséder Ici-bas, il faut remarcpier que plus on les possède, [ moins on est satisfait, non par dégoût comme pour les voluptés, par exemple, m:Js par désir de mieux; plus nous savons, plus nous comprenons le peu que nous savons; plus nous sommes vertueux, plus notre misère morale éclate â nos yeux. Cc désir de mieux est d’ail­ leurs le compagnon imposé de toutes nos satisfactions humaines. Sauf à des moments plus ou moins longs de distraction ou de surexcitation passionnelle, notre état intérieur est mi état de malaise. On s'y résigne et l’habitude le rend parfois comme Inconscient. Mais qu’on y fasse attention, le malaise est là, sourd ou aigu; des satisfactions, des jouissances, nous en 2195 FIN DERNIERE avons; h félicité, le bonheur, le plein contentement, nous ne les avons jamais. El plus on avance dans la possession dc n'importe quel bien, surtout s’il est noble, comme l'amour, la science, la vertu, plus l’aspi­ ration au mieux s'élargit ct Je malaise du présent insuffisant augmente. Enfin, si on se demande un jour distinctement ou confusément : Mais que veux-tu donc, ύ mon âme? cela te suffirait-il? Si haut qu’on porte l’idéal proposé, l’âme répondra toujours : Non, cela ne suffit pas, à moins que ce soit l’infini. Il y a des pessimistes, c'est vrai, des désespérés, des blasés, des suicidés. Mais tous ceux-là ne font «pic prouver plus fortement l’immensité de désirs (pie rien ici-bas ne peut combler. Il y a encore des médiocres, cn nombre incalculable, ceux qui ne semblent jamais avoir pensé aux sublimités d’idéal décrites plus haut. Mais il suffit que chaque homme, dans la mesure où il monte, c’est-à-dire où il devient homme et développe les potentialités dc sa nature, développe fatalement dans lu même mesure scs aspirations, jusqu’à la con­ science enfin explicite de leur infinité, pour que nous devions proclamer partie du fond essentiel de La nature humaine ccttc poussée incoercible montant peu à peu vers l'infini. b) Valeur dc ces faits, — II ne s’agit ici que dc leur valeur critériologique ou démonstrative; leur valeur morale est évidemment considérable et capitale. Mais dans l’ordre intellectuel, de telles aspirations à l’infini comme fin dernière, en démontrent-elles la réalité et l’existence? Sur cc sujet, voir Dieu, loc. cit., spécialement, col. 853-871, 905-923, 916-948; Expé­ rience religieuse, col. 1828-1847; Immanence. Entendre la croyance engendrée par ces aspirations dans un sens qui exclurait ^’intellectualisme serait une hérésie; dans un sens qui exclurait toutes les autres preuves de l’existence de Dieu, ce serait au moins une erreur. Se fier à ces aspirations sans en faire la cri­ tique rationnelle, pour croire en Dieu lin dernière dc toute notre vie morale, est insuffisant el cela est théo­ logiquement certain, d’après tous les documents qui ont proclamé nécessaire une démonstration ration­ nelle des fondements de la foi. Voir Dieu, t. iv, col. 929-930; Bai tain; Bon net y. Critiquemcnt enfin, devant la raison intellectualiste, que vaut cette infé­ rence : l'homme aspire naturellement à l’infini; donc l’infini existe. Indépendamment de tout système, il faut dire, nous semble-t-il, qu'elle n’est pas absolu­ ment légitime. Le principe de finalité, en eflet, n’est métaphysique que de la (inis operationis : omne agens agit propter finem. Mais que tout soit en ordre absolu dans le monde, ce n'est pas une nécessité métaphysique. En fait, il y a beaucoup de mal dans le monde et nous avons dit que, pour prouver l’existence de Dieu, il suffisait dc partir de cv fait : il y a de l’ordre dans le monde. Mais que tout soit cn ordre ineluctable, ct donc que toute tendance, même naturelle, ait son objet, ici-bas ou dans une autre vie, je le saurai si je sais que Dieu existe; pas avant. 2. Voie synthétique. — La fin dernière relative, au point de vue synthétique, a été exposée historique­ ment a l’art. BLaiiti ni:, t. n, col. 197-515; voir spé­ cialement l'énonce J des thèses de saint Thomas, col. 510-513. Voici la démonstration sommaire de celle doctrine. On peut donner l'explication synthétique des ten­ dances humaines à l’infini souverain bien,notre lin dernière, d’abord en les réduisant aux causes pro­ fondes philosophico-théologlqucs d’où clics viennent; ce travail n été fait à l’art. Expérience religieuse, t. v, col. 1815-1823, qui montre dans la similitude cnULitive spécialement intellectuelle» dans l'assimi­ lation morale progressive» dans l’action Immanente dc ’ Heu, dons le goût naturel ou surnaturel du bon et 2i96 du divin, enfin dans les grâces ct faveurs surnaturelles, l’explication de cette aspiration ascendante de i’àiné vers Dieu. On peut aussi procéder a priori, cn partant des prin­ cipes de la raison et de la foi. Voici l’exposé dc œ pro­ cédé, exposé (pie nous abrégeons parce qu’il ressem­ ble en plusieurs points à l’exposé précédent. a) Existence de la fin dernière relative : souverain bien, souveraine perfection dc la créature. — a. Néces­ sité absolue ou divine. — A ne pas tendre à la per­ fection, il n’y a que l’Etre parfait et bienheureux par essence, ou des êtres fixés dans leur fin dernière enfin acquise, ou des êtres incapables d’agir. Dieu seul est sa béatitude. Voir S. Thomas, Sum. theol., I·, q. χχνι; Cont. gentes, 1. I, c. c-cn. D'autre part, toute créature peut agir ct tout ici-bas est imparfait, plus large cn capacités (pic rempli en perfections. Donc tout dans le monde est en élan, en aspirations, en · appétit natu­ rel » vers la perfection. De plus, à mesure (pic la créa­ ture s'élève, ses facultés d’agir ct ses capacités, de par la sagesse divine, doivent naturellement s'étendre. Elles s'étendront donc à l’infini dans une créature spirituelle; car, par essence, l’action intellectuelle, cognitive, volitive, libérée dc toute ^entrave maté­ rielle, s'élance vers l'être; et l’être, c'est l’infini. Voilà donc pourquoi nécessairement l'homme doit aspirer à remplir ses potentialités, ses capacités de perfection; pourquoi il aspire à sa perfection, à sa béatitude ct pourquoi celle-ci doit être cn quelque sorte infinie. b. Licéité morale. — Si c’est une nécessité physique que l’homme tende à sc développer, tende à sa per­ fection ct à son bonheur, peut-il proposer le même but à son agir moral, à son intention libre? Évidem­ ment, puisque c’est un bien, notre bien ct dans l’ordre divin lui-même, pourvu seulement que cet ordre, soit respecté. Λ l’objection stoïcienne : l’égoïsme est im­ moral et chercher sa béatitude est de l’égoïsme, ré­ pondons cn forme. Chercher sa béatitude est dc l'égoïsme, si on la cherche comme fin dernière absolue à laquelle tout est subordonné, oui, et cela est immo­ ral; nous avons dit que, actu ou habitu, il faut avoir Dieu pour lin dernière absolue. Chercher sa béati­ tude est dc l'égoïsme, quand on la cherche comme fin secondaire, implicitement ou explicitement su­ bordonnée à l'autre, non, cc n’est pas de l’égoïsme, c'est-à-dire de l'amour désordonné de sol. Pour plus de détails, voir Espérance, t. v, col. 648-675; Attrition, t. i, col. 2237-2242. c. Nécessité morate. — Tendre à son souverain bien est non seulement licite et physiquement nécessaire, mais c'est encore moralement nécessaire. D'abord, en ce sens que nous ne pouvons rien aimer, pas même Dieu, qui ne soit présenté à nous comme notre bien; c’est une condition essentielle de notre action, comme de toute action volontaire; condition, disons-nous, non pas motif. Voir Charité, t. m. col. 2220-2223; Espé­ rance, l. v, col. 621-626. Et puis, en cc sens surtout que l’homme, tous les hommes plus ou moins, mais l’immense majorité des hommes plus que moins, ne peut sc passer dans sa vie morale de ccs motifs inté­ ressés qui lui font espérer son bonheur final ou craindre dc le perdre. Voir Espî rance, toc. cil., cl col. 611-612, 671-675. b) Nature d· la fin dernière relative. — Il faut dis­ tinguer ici la lia dernière objective ou le souverain bien, objet de ! i béatitude, ct la fin dernière subjec­ tive ou la prise de possession par la créature de son souverain bien. a. DU a h·· n e est le souverain bien dc notre nature qmrmllv et intellectuelle. A qui conçoit le bien inllf i. i qui cherche la première cause, rien dc limité, rbi. u MONDE. HL Applications pratiques. — Étant à la base de la morale, la doctrine de la lin dernière est évidem­ ment une doctrine éminemment pratique. Logique­ ment, nous aurions pu indiquer plus haut les plus importantes de scs applications cn traitant précisé­ ment dc la lin dernière fondement dc la morale; mais cet exposé aurait interrompu nos développements doctrinaux. Nous allons en esquisser ici quelques-unes. 1® Vie individuelle. — L Vie morale ri ascétique. — a) Tout est pour la fin dernière. — Il faut bien com­ prendre cette proposition. D’abord, rien ne doit être fait contre la lin dernière, rien contre Dieu, pas de péché quelconque. Et puis, il faut tendre positivement vers cette fin, vers Dieu. Mais nous avons vu qu’on peut être attiré à sa lin dernière par pur amour dc charité ou par amour · intéressé » d’espérance; et dc plus, que Γintention de la fin peut être explicite ou implicite. I) est donc exagéré dc dire (pie toute la per­ fection ascétique découle du principe dc la lin der­ nière bien compris. Comme principe et comme devoir, la fin dernière esl la base, qui exige la fuite du péché mortel et du péché véniel; elle n’est pas Γédifice de la perfection, lai perfection cependant consistera dans une union de plus en plus complète, moralement com­ plete ici-bas, absolument complète dans l’autre vie, avec Dieu.Or notre lin dernière, qu'est-ce, sinon Dieu parfaitement communiqué, donné, uni? La lin dernière est donc le but de tout travail de perfection, non pas comme but obligatoire, mais comme but à réaliser plus ou moins parfaitement. Et ne suffit-il pas de pen­ ser sérieusement que nous pouvons « prétendre » à Dieu, pour nous dégoûter de tout le reste et pour nous animer d’une ardeur grandissante vers le sommet des communications divines, vers la perfection de l’amour dc Dieu, vers la perfection de notre lin dernière? b) Objet essentiel de vie morale et dc vie ascétique, la fin dernière doit cn être encore la principale source. On prend des résolutions pour éviter le péché, prati­ quer la vertu; ct puis on oublie de se procurer la force dc tenir ccs résolutions. Or où esl la principale source de cette force? La force de la volonté est dans son amour, c'est-à-dire dans le bien qui l’attire et la sou­ lève. On peut aimer la vertu, la perfection comme son bien, il est vrai; mais au fond, cette ascétique de la perfection personnelle, puissante â ses Jours,bonne dans son ordre, n’est pas l'ascétique de la sainteté. La per­ fection est un bien créé, en définitive, que d'autres biens crées peuvent contrebalancer, il faut monter plus haut et travailler â l’ascétique de l’amour de Diru. a I ascétique dc la fin dvmierc parfaite. Là est la force qui soulève ct sanctifie. Voir \V. Faber, Le créateur fl la créature, I. Ill, c. tv. 2. Adll dés inférieures. — a) Évidemment, l'homnio n’a, in droit, qu’une fin dernière, absolue et relative, il n’est pas, d’autre part, un animal ni un ange, il est 2500 un homme. Impossible donc de concevoir une sépara­ tion qui laisserait la préoccupation dc Dieu, de la lin dernière, de la religion, etc., à l’ange immortel qu’est notre âme, pendant que dans son ordre on donnerait à • notre animal » tout ce qu’il désire. Sans aller même jusqu’à ce principe de séparation absolue, il est impos­ sible dc ne pas admettre cet autre principe absolu d’union et de subordination : rien qui soit contre la fin dernière, rien qui ne soit pas pour la lin dernière, avec les nuances exposées plus haut. Bien qui ne soit pour la lin dernière : qui ne volt l’intransigeance d’un pareil dogmatisme, ct les consé­ quences infinies qu’elle doit entraîner? Et cependant quel catholique, quel philosophe logique le pourrait contester? b) Toutefois le principe ou plutôt l'idée plus ou moins précise dc séparation entre la fin dernière et quelque chose en nous qui serait pour nous définitive­ ment, ou du moins, l’aspiration à cette séparation, n’est-clle pas le fond de toute cette mentalité libérale, source de presque toutes les erreurs de doctrine et dc conduite des catholiques, depuis la involution et scs formules < émancipatrices »? Tout est subor­ donné à la fin dernière; donc tout, cn tant qu’il doit aller à la fin dernière, est subordonné essentielle­ ment à la morale, à la religion, à l’Église. \ oir LiuéBALISME. c) Tout est subordonné à la morale, à la religion, à la fin dernière? Qu’est-ce donc que ces théories de l’art pour l’art, dc la science pour la science, de la vertu même pour la vertu dont beaucoup ont tant dc peine à sc débarrasser? Incohérence et contradiction toujours, car c’est, avec la foi cn une fin dernière, vouloir asso­ cier l’idée d’une partie de nous-mêmes émancipée, au­ tonome, fin cn soi : faculté esthétique, perfection intellectuelle et même perfection morale partielle. Lc kantisme, le rationalisme ont donné aux contempo­ rains cette hantise de l’homme lin en soi, ayant quel­ que part des droits absolus, pleine liberté, enfin auto­ nomie. Par leur objet formel, l’art et la science ou même telle vertu de bienfaisance, de chasteté, etc., n’ont pas à s’occuper de la fin dernière, c’est vrai, et à cc point dc vue on peut donner un sens acceptable aux formules : l’art pour l’art, la science pour la science, surtout lorsqu’elles sont opposées à un gros­ sier utilitarisme. Voir, par exemple, IL Poincaré, La valeur dt la science, part 111, c. xi. Mais I exercice privé ou social qu’en fait l’homme, comme l’homme lui-même, est subordonné essentiellement à la fin dernière. Concrètement, l’homme ne peut donc faire de l’art exclusivement pour faire de l’art; ni des re­ cherches scienti liques, historiques, etc., exclusive­ ment pour savoir; a fortiori, il ne peut publier tout cela exclusivement pour manifester telle beauté ou telle vérité; enfin il ne peut pas plus vouloir être chaste exclusivement pour être chaste, comme les bonzes bouddhistes; lout cela esl pour la fin dernière, pour Dieu explicitement ou implicitement. Voir Ami du clergé, 1912, p. 119 sq., 529 sq.,625 sq.; IF Oscar Benz, Die. Synderesis nach dent hciligen Thomas von Aquin, Munster, 1911, p. 108, 123; A. D Serti I langes, L'art ct la morale, Paris, 1900; F. Bnmetièrc, Discours de combat, Paris, 1900, ireet u· conférences ; F. Klein, Autour du dilettantisme, 3* édit , Paris, 1895; .1.11. Newman, The idea of a university, 6· édit., Londres, 188G, c. v, p 99-124 2° Théologie pastorale et apologétique appliquée. — 1. La pastorale est li firme ou l’art de conduire les hommes à leur (in dernière. Chaque art, plus ou moins scientifique, . qui Iqnc (in particulière. Λ diriger les hommes à leur lin dernière, il y a la morale et l’ascétiqUI III I II- I . ! I . torale au point de vue >< L Ci U cl a donc comnn centre doc­ 2501 FIN DERNIERE trinal la doctrine de la fin dernière avec scs multiples applications; comme centre moteur : la préoccupation constante, universelle dc la fin dernière. · (/est cc retour continuel a la dernière tin qui donne à la pas­ torale sa grandeur : quoi dc plus grand que de toujours s’élever jusqu’au sommet de toutes choses; sa beauté : quoi de plus beau que de tout ordonner en vue du bien supreme; sa force : quoi de plus fort que dc tou­ jours redire à l’Iiommc qu’il doit être homme; sa dou­ ceur : quoi de plus doux que dc s’adresser toujours aux instincts les plus intimes du cœur humain 1 · A. Desurmont, La charité sacerdotale ou hçons élémentaires de théologie pastorate, Antony, 1899, t. l, p. 21. Lc grand art, le grand moyen dc la pastorale sera donc de faire aimer, désirer, vouloir résolument la lin dernière, comme la justice, la vérité, le bonheur el l'amour sans lesquels rien n’est absolument juste, vrai ct bon, mais tout est définitivement et éternellement corrup­ tion, désordre, malheur, haine. D'ailleurs, c’cst un f dt que l’homme est toujours profondément sensible et ému â celle pensée dc la tin présentée avec conviction el force. Bien maladroits el bien malheureux ceux qui négligent ces sources profondes de vie morale et religieuse, pour ne faire appel qu’à des considérations superficielles, vagues et impuissantes. Voir un beau traité pastoral de la tin dernière dans A. Desunnont, op. cit., c. m, p. 71-102,et puis dans les deux volumes dc tout l'ouvrage, informé constamment des principes expliqués dans ce chapitre. 2. L'apologétique, science de la crédibilité de noire religion, conduit partiellement à la fol, par la présen­ tation des motifs intellectuels de croire. Voir Chédibilité, t. m, col. 2-27-2228. Mais la foi, au moins, la foi catholique, suppose essentiellement l’intervention de la volonté. Voir Ckoyaxce, col. 2382-2395; A. de Poulplquet, L'objet intégral de l'apologétique, part. Il, c. i. La volonté, d’autre part, dépend de nos disposi­ tions morales diverses; amener à la foi supposera donc toujours un travail sur ces dispositions morales, sur la volonté; ct là encore la grande force qui soulè­ vera l’homme Incrédule ou impie sera le besoin, le désir, l’intention, la conviction de plus en plus précis cl puissants de quelque chose au-dessus des biens créés, dc la fin dernière. L’apologétique, en elle-même, si son objet Intégral est d’amener totalement à la fol, voir A. de Poulpiquet, loc. cil., ou dans son applica­ tion. comme la pastorale, devra donc essentiellement sc préoccuper de la lin dernière. 3° Histoire. — L SI la providence n’est pas un mot. tout doit être cn ordre dans l'évolution de l’huma­ nité comme dans l'évolution cosmique; do façons diverses, puisque les facteurs sont divers, nécessaires ou libres; mais aussi réellement, aussi parfaitement. Voir S. Thomas, Quirst. disp.. De verilate, q. v, a. 5, 7. Or, l'ordre vient de l’unité de la cause finale. Toute l'humanité est donc dirigée par Dieu vers une même fin dernière, l’humanité nem seulement comme agré­ gat d'atomes humains, mais comme société universelle et famille du genre humain..Celle vérité seule per­ mettra à l'histoire, si elle le fait jamais, de donner la science du développement humain, c’est-à-dire de devenir clic-même une science. Les rationalistes finissent par l’avouer. Sans finalisme transcendant, pas de lois, par d’ordre, dans l’humanité, pas de science historique. Voir Max Nordau, Le sens de Γhistoire, trad. S. Jankclcvilch ; A. Laborde-Milaa, La notion de toi historique, dans la Revue des études his· loriqios, mai-juin I909, p. 304. 2. Dc plus, telle fin, tels moyens, telle marche, telle direction. Si la lin présente est surnaturelle, toute l’histoire de l’humanité sera donc essentiellement surnaturelle; nous disons toute, puisque tout est pour la lin. Mais tout n’est pas synonyme de total; dans 2502 l’action créée, tout est dc la créature, mais non tota­ lement; ct tout est dc Dieu, mais non totalement cn un sens. Avec la providence tout entière surnaturelle dans notre ordre, dans notre, histoire, il y aura donc l’action créée naturelle d’abord; puis cette action divinement aidée ct surélevée ordinairement; et il pourra en lin y avoir des actions spéciales divines, interventions sans concours direct créé quelconque, bien que non sans préparation peut-être. En tout cas, panni ccs divers éléments, quelque chose restera con­ stamment surnaturel : la direction à la fin surnatu­ relle. Concrètement dc plus, nous avons dit que, sous la lin surnaturelle absolue, une autre fin surnaturelle subordonnée avait été donnée à l’humanité : JésusChrist. Il pourra donc être difficile parfois de reconnaître pratique mrnt^dans tel ou tel ensemble d’événements, la direction à la fin surnaturelle, c’est-à-dire la con­ nexion avec l’œuvre surnaturelle dc Dieu dans le monde. Mais, cn définitive, cette difficulté ne pourra pas être si grande qu’on ne puisse à peu près nulle part voir la prosidcncc surnaturelle dans l'histoire dc l’humanité, même en ce qui touche plus immédia­ tement à Jésus-Christ, le surnaturel incarné, comme le judaïsme, l’Église, etc. Ce serait affirmer que la fin surnaturelle n'a, au fond,à peu près rien modifié à la nature des choses : cc qui est absurde lorsque l'on songe à la révélation divine continue, à l’incar­ nation. à l’Église, aux sacrements, à la grâce sanc­ ti liante, etc. l a grande erreur est ici le naturalisme historique. malheureusement trop à la mode. Non pas qu’il faille chercher partout des «coups d’État divins»; il y en a eu. ct dc suffisamment éclatants, comme la libération d’Israël de la captivité égyptienne, comme la vie ct la mort du Christ au milieu du judaïsme, comme l’éta­ blissement du christianismrdans le monde romain, etc.» sans parler des miracles particuliers très caractérisés, nombreux à travers tous les siècles. En tout cas, en lout il y a une direction providentielle, une pous­ sée d’événements, dc préparations et de concours na­ turels eux-mêmes dans un sens qui, a la longue, est manifeste. Voir Baltifol. L'Eglise. l'histoire el le libé­ ralisme, dans Conférences pour ie temps présent, Tou­ louse, 1903, vnc conf., p. 235-256; J.-B. Aubry, Essai sur la méthode des éludes ecclésiastiques, Lille, 1890, part. II, c. xv, p. 146-479; Vie de dom Guéranger, Paris, 1909, t. il. p. 138 sq., 162 sq., 176 sq. Conclusion. — Nous avons parcouru à grands pas lo domaine de la fin dernière : c’est l’universalité des choses. Tout est le domaine absolu dc la lin dernière, car tout est le domaine dc l’ordre cl de Dieu. En ré­ sumé, Dieu est le premier principe, la cause des causes, non seulement dans l’ordre de l’efficience, mais encore ct surtout dans l’ordre dc la finalité; finis est causa causarum. Tout va à Dieu; dans notre ordre, tout va à la possession par les élus de la vie intime de Dieu ellemême, par Jésus-Christ et en Jésus-Christ : ordre ad­ mirable que s’cfTorcc de mettre cn lumière pas à pas chaque partie de la science sacrée; mais qu’on ne peut qu’entrevoir ici-bas, même avec la foi el les dons ct les grâces extraordinaires du Dieu d’amour. I. Ouvrages généraux.—S. Thoma*.Sum.lheol. P II·, q. ι-v, xa-xciv; 1·, q. vt. xi.iv, a. I; q. cm. n. 2; Contra gentes. I. HI. c. i-LXiii; In 11 Physic·, c. ni; In V Metaph., c. n; In 1 Ethic.’. 1rs commentateurs des deux Sommes do suint Thomas : Cajeton. Medina, Sylvius, FerraricnsU, Billuurl. etc., spécialement Jean de Salnt-TliOinâs. In Summam. Paris. 1885, t. v, p. 1-157; J. Cupréohis, Defensiones theologiae. disL I. q. ni; dist. XLIX, Tours. 1900. t. i, p. 95-117; l. vu. p. 131-259; Sa 1 munlicenses Cursus theolo· gicus. tr. VIII, Dr ultimo fine*, tr. IX.Ôt beutiludlne. disp. I, VI, t. v, p. 1-187, 200-273. 373-100; Th Pègiies. Commen­ taire littéral de la Somme théologique, loc. cil., spécialement. 2503 FIN DERNIÈRE — FIN DU MONDE 2504 Apologétique ct apologie, dans le Dictionnaire apologétique t. vî. p. 12-56; Suarez. De ultimo fine hominis. Paris, 1856, de la foi catholique, 1909, t. i. col. 191-223; Ad. Tunqucrcy, t. iv, p. 1-156; Lrssius. Desummo bono, 1. l.c. i-iv. Le temps Synopsis Ihndogur dogmatica*, 1 1· édit., Paris, 1911, t. des Sommes cl de leurs commentaires fini, on sépara la théologie en traités dogmatiques et moraux divers. Pour p. 26-58; J. Martin, L'apologétique traditionnelle, Paris, exposer d’ensemble la doctrine de la lin dernière, il n’y eut 1905; Zdrkler, (ieschichtc der Apologie des (Jirislentuins, bientôt plus que les conférenciers : P. Janvier, Confè­ Gutersloh, 1907; G. Michelet, Dieu cl l'agnosticisme con­ rences, t. i. Im béatitude, Paris, 1903, avec index détaillés; temporain, Paris, 1909. — Pour l’étude de la doctrine, voir Mgr d'IIulst, Conferences, Paris, 1891, Ixs fondements de la Janvier, op. cit., m· conférence et retraite; Garrigoumoralité, spécialement conf, iv ct v ct retraite; P. Félix, La Lagrangc, Dieu, dans le Dictionnaire apologétique, t. I, destinée, 4· édlL, Paris, 1898; de Rnvlgnan, Conférences, col. 1058-1061; A. do Poulpiquet, L'objet intégral de Γάρο· lu· conf., pans i860· L ni. p. 367-391. logélique, Paris. 1912; A -D. SerliUungcs, ixs sources de II. Notions philosophiques — Aristote, Il Physic,· la croyance en Dieu, Paris, 1908, c. vii-xm, p. 2.39-131; c. m; V Mclaphysic., c. n; I Ethic.; S. Thomas, loc. cil., abbé de Broglie, La morale sans Dieu, Paris, 1886; les spécialement commentaires de ccs passages d'Aristote; preuves psychologiques de Γexistence de Dieu, Paris, 1905; les commentateurs d'Aristote et de saint Thomas, cités L. Ollé-Lapnine, lx prix de la vie, 12* édit., Paris, 1901; plus haut et de plus Sylvester Mannis sur Aristote; Jean M. Sérol, lx besoin et le devoir religieux. Paris, 1908 ; X. Molde Saint.Thomas, Philosophia naturalis, part. I, q. xm, sant, Dieu ct rexpérience en métaphysique, Paris, 1907; Paris, 1883, t. n, p. 211-257; Cosmo Alamanno, Summa L. Rouro, En face du fait religieux, Paris, 1908; Gondal, philosophi#, Physic., q. xn, Paris, 1891, t. Il, p. 115-121. j Hchyion, Paris. 1890, p. 53-93; Ad. Tnnqucrey, op. cit., Parmi les manuels modernes. D. Mercier. Ontologie, 5· édit., p. 88-95; A. Weiss, Apologie du christianisme, tnid. Collin, 1910, p. 160-187, 509-521. 571-580; E. Hugon, Cursus Pans, 1891, t. i, p. 311-336; t. n. p. 217-369.Voir la biblio­ philos, thomisliar. Paris. 1907. t. vt. tr. IV, q. n, n. 6, 7, graphie de l’art. Expérience heligii’.usi , col. 1866-1868. p. 179-205; Th. de Régaon. La métaphysique des causes, Pans, P. Richard. 1886, I. VI, p. .393-111 etc. Voir aussi G. Fonsegrive, Ele­ 2. FIN DU MONDE. L’Église catholique croit et ments de philosophie, 3*édit«, Pans. t. il, Im morale, leçons n. enseigne que le inonde actuel, tel que Dieu l’a formé m, ix ; Th. Harp t, The metaphysics of the school, Londres, 1881, t. m. part Π. Sully-Prudliomme et Ch. Richet, lx pro­ et tel qu’il existe, ne durera pas élernellenient. L’en­ blème des causes finales, 3· édit., Paris, 1907; P. Janet. semble des créatures visibles, qui a été créé par Dieu Traité des causes finales; N. Kaufmann. Étude de la cause dans le temps, voir t. m, col. 2012 sq., cessera d’exister finale et s*. 'mportancc au temps présent, trad. Deiber, et prendra fin, transformé qu’il sera en une création Paris, 1898. nouvelle. — 1. Certitude. H. Mode. III. Époque. III. Dogme. — Les théologiens dogmatiques, étudient I. Certitude. — Elle résulte de di lièrent es preuves, tous la fin dernière naturelle dans le traité De Dru aninnéc qu’elle est par l’Écriturc, la tradition et la creante, ct la lin surnaturelle À propos de l’état dans lequel l’homme n été créé, par exemple, L. Janssens, De Deo théologie catholiques ct confirmée par la science creatore, Eribourg-en-Brisgau, 1905, p. 18-65; D. Palmieri, : moderne. De Deo creante ct devante, Rome, 1878. thés IX-XI, p.95-118; 1° Preuves scripturaires, j— indiquée déjà dans G Mazzclla. De Deo creante, 2· edit., Rome, 1880, disp. 1. l’Ancien Testament, la lin du monde actuel est a. 9. p. 110-138; disp. IV. a. 7. p. 589-638; disp. VI, a. 1.2, clairement enseignée dans le Nouveau. р. 826-860; IL Hurter, Theologite dogmatic# compendium, 1. Ancien Testament, — La lin des principales 11· «-dit., Inspruck. 1903, t. n, p. 211 sq.; .1. Hermann, créatures du monde visible est signalée en passant Institutiones theoloqttr dogmaticm, Rome, 1897, t. Il, part. I. с. n; M.-J. Schecbcn. Im dogmatique, I. Ill, c. n, t. lit. en quelques endroits de l’Ancien Testament. Job, p. 53-71; .1 -B. Terrien, La grâce et la gloire, t. H, I. IX-XI xiv, 12, dit que l’homme, une fois mort, ne s’éveillera (béatitude surnaturelle concrète), p. 137-357, etc. Voir la pas ct nc sortira pas de son tombeau « tant qu’il y bibliographie de l’art. Création. aura des deux » ou, selon la traduction de saint IV. Morale et pastorale. — Ad. Tnnqucrey, Synopsis Jérôme, « jusqu’à cc que le ciel soit broyé » L’expres­ theologiamoralis, 3· édit.. Paris, 1908, t. ΐι,ρ.2-39; J.Dldiot, sion hébraïque marque une longue durée, une durée Morale surnaturelle fondamentale, Paris. 1896, c. 1, p. 2389; Bouquilkm. Theologia moralis fundamentalis, 3· édlL, indéfinie. L’auteur ne parle ici que du retour à la Bruges. 1903, p. 111-155; Fin des actes humains, dans le vie première dans les conditions passées, qui n’aura Dictionnaire de théologie morale de Mignc, t. I. col. 1128jamais lieu; il ne nie donc pas la résurrection des 1138; cf. De In Barre, Im morale d'après S. Thomas et les morts, qu’il espère ailleurs, xix, 25; il dit seulement théologiens scolastiques, part. H. Paris, 1911; Dr. W. Stocque, tant epic les deux actuels existeront, 1’homnw kums. Die Unvcründerllchkell des nülurlichen Sitlengesetzes dormira du sommeil de la mort. On peut en conclure in der scholas tiken Ethik, Eribourg-en-Brisgau, 1911 (de qu’à son sentiment, quand les deux ne seront plus, S. Augustin aux nominalistes). Tous les manuels de phi­ losophie morale ont un premier chapitre sur la tin ultime, les hommes ressusciteront. IL Lcsêlrc, Le livre de par exemple, Goudin, Philosophia moralis, Paris, 1869, Job, Paris, 1886, p. 101; J. Knabenbauer, Comment, L iv. p. 6-33; Cosmo Alamanno. op. ei!.. Moralis, I. m, in librum Job, Paris, 1886, p. 121 Un psalmistc, p. 13-18; SchilTlni, Disputationes philosopher moralis, 1891, ps. lxxi, 5, 7, annonce prophétlcpiement que la t. i. p. 11-71; Meyer. Institutiones juris naturalis, Fribourgdynastie davidique dans sa descendance messianique cn-Brisgau. 1885, t. i, p. 33-80; Costa-Rossctti, Philosophia durera autant que le soleil et la lune, de génération moralis, Inspruck. 1886, p. 3-51; Catherin, Philosophia en génération, ct que la justice et l'abondance de la moralis, T édit., Fribourg-cn-Brisgau. 1911, part. I, c. i. Voir encore A. Forges, Im liberté et le devoir, Paris, 1002, paix apparaîtront aux jours du Messie jusqu’à ce p. 221-251 ; KaufTinann, La finalité dans Cordrc moral, dans que la lune soit détruite. Éthan rapporte les paroles U Itevuc néo-scolastique, 1899, p. 286-299. 351-370; S. D que Dieu a dites à David dans une vision : Dieu a pro­ pl ilge lx conflit de la morale cl dr la sociologie. 2· édit.. mis à ce roi d'établir sa race pour la suite des siècles Louvain 1912 Pour la pastorale, voir A. Desurmont. La et son trône · pour les jours des deux, » c’est-à-dire chante sacerdotale, part. 1. c. m; Hurler, op.ctt., p.218-221 ; pour une durée sans limites. Ps. lxxxviii, 30. I) A. Nègre, Cursus theologia; dogmatica;, Paris, 1898, t. n. est vrai que le Seigneur, leur créateur, a établi pour p. 51 <>-511. V. Ascétique. — .L Tissot. La vie intérieure simplifiée, I toujours et pour les siècles des siècles le soldi et la 9· édit., Paris. 1903. p. 25-253; A. Hamon. Ascétisme, dans lune, les astres lumineux, les deux des deux ou les le Dictionnaire apologétique de la fol catholique, 1909. t. it deux sidéraux vt les enux qui sont au-dvssus du ciel col 293-300; Suint-,lure. L'homme spirituel, part. H, e. ni; atmosphérique; il leur a posé des lois et il ne passera De la connaissance et dr Γamour de .\ ράνια est postérieur à l’ere chrétienne ct ne remonte qu’au n· siècle, ni les < esprits élémentaires », ou les anges qui conduisent les astres ou veillent à la cotiser- i vallon des éléments du monde. Ils désignent les élé­ ments dont se composent les corps matériels. Platon aurait le premier employé le mol στοιχεία cn cc sens et Empédoclc passe pour avoir fixé le nombre des éléments corporels ù quatre : le feu, l’air, l’eau ct la terre. Cette signification du mot avait été adoptée par l’école juive d’Alexandrie. Sap., vu, 17; xix, 17; Philon, De incorruptione mundi, 21, Optra, Londres, 1712, t. il, p 508. Elle était usitée chez lus Juifs de la dispersion. Saint Pierre l’adopte ici. Cf. E. Prat, 1m théologie de saint Paul, Paris, 1912, l. n, p. 150-164. Or, il la conflagration générale, ces éléments euxmêmes, embrasés par la flamme, sc fondront ct se dis­ soudront, la? monde corporel périra par le feu jusque dans les éléments qui composent tous les corps. Quant ù la terre ct ù toutes les œuvres qu’elle contient, elles seront consumées et brûlées. L’embrasement final produira donc, selon saint Pierre, la dissolution com­ plète du monde corporel et de l’univers matériel. Toutefois, cette dissolution ne sera probablement qu'une transformation, puisqu’il y aura (les cieux nou­ veaux et une nouvelle terre, vraisemblablement pro­ duits de la dissolution des anciens. Voir plus loin. Quelle est maintenant l’origine de cette doctrine sur la conflagration universelle, qui est spéciale à l’auteur de la 11” Épltrc de saint Pierre? Comme on ne la trouve expressément formulée dans aucun autre livre de l’Ancien el du Nouveau Testament, plusieurs critiques rationalistes en concluent qu'elle ne fait pas partie de l’enseignement de Jésus ni de la révélation chrétienne, qu’elle n’est pas cependant une doctrine originelle, inventée par cet auteur, mais qu’elle a été empruntée par lui,ù la fin du i*r siècle (après 90), à une tradition perse ou babylonienne ou juive. Cf. Boklen, Die Vcnvandschaft der judisch· christlichen mit der pcrsischcn Eschatologie, 1902, p. 11” 125; W Bôusset, Dit Religion des Judenlhums, 2· édit., p. 323-321, 573-571, 583. 588; Der Antichrist, 1896, p. 159-165. la's Iraniens attendaient un torrent de flamme qui devait purifier le monde entier et les stoïciens enseignaient que le monde actuel finirait par une conflagration. Cf. Arnim, Vetera Stoicorum fragmenta, Leipzig, 1803, t. i, p. 32; t. n, p. 183-191; Sénèque, Ad Marciam de consolatione, Opera, édit. E. I laase, Leipzig. 1S52, t î, p. 138-139. Sénèque rapportait l’origine de cette idée aux Baby­ loniens. A’irh/r. qiurst., tu. 29. Saint Pierre n'a em­ prunté directement sa doctrine de la conflagration finale ni aux Bain Ioniens ni aux Perses ni aux stoïciens, dont la doctrine est differente, ainsi que l’ont bien remarqué lus saints Pères Voir plus loin. Cf Clemen, Rctigionsgrschichtlichc Erklàrung des Neucn Testaments. Giessen. 1909, p. 127-128. S'il y a emprunt, il vient plutôt de la tradition juive, qui a peut-être subi elle-même l’influence des doctrines étrangères antérieures. Cf. Clemen, op. cit., p. 125. Il est donc nécessaire de comparer son texte avec la tradition juive sur la destruction de l'unÎVcrs par le feu. M. Windisch cn trouve des traces obscures dans les Psaumes de Salomon, dans le livre d’Ilénoch et dans le IV· livre d’Esdras, puis des descriptions claires dans lus oracles sibyllins, dans Josèphe et dans la Vie d'Adam ct d'Ève. Die kalhohschen Hriele, dans Hand· buch :um Ncuen Testament,Tubinguc, 191 !,t. iv,p. 100. 2514 Mais le Livre (THénoch, dans les Paraboles, i.n, trad. Martin, Paris, 1906, p. 105-107, par l’image des montagnes de fer, de cuivre, d'urgrnt, d’or, d’étain ct de plomb qui, apres l’établissement du royaume des justes sur terre, seront devant l’Élu < comme la cire devant le feu ct comme l’eau qui tombe d’< n haut sur ces montagnes * et qui · s’amol­ liront â ses pieds, » ne décrit pas la dissolution des montagnes ά la fin du monde. Ces montagnes semblent symboliser lus différents royaumes qui précéderont le règne du Messie, ou les puissances qui existeront sur la terre quand cc régne s’établira, ct leur amollisse­ ment signifie que ccs puissances seront abattues devant le Messie et que les métaux dont elles sont formées seront sans valeur à scs yeux. Ia-s vers ts 7-9 indiquent clairement cet te significat ion symbolique. Cf. J. Lagrange, Λζ messianisme chez les Juifs, p. 93. Le Psaume de Salomon, xv, 6, 7, n’a rien de commun avec la conflagration finale Le juste qui, dans sus tribulations, invoque le Seigneur cl chante un psaume de joie · ne sera jamais ébranlé par le malheur; la flamme du feu et la fureur des méchants ne le lou­ cheront pas, quand elles viendront de la face du Seigneur sur lus pécheurs, pour anéantir toute la substance des pécheurs. » J. Vit eau, Les Psaumes de Salomon, Paris, 1911, p. 329. Si « la flamme de feu » était prise au propre, elle désignerait le feu du jugement plutôt que lu feu du la conflagration; mais le sens figuré est plus probable : cette flamme de feu, c’est la méchanceté des impies qui voudraient dévorer les justes; l’image est traduite au propre par l’expres­ sion qui suit : · la fureur des méchants. » L'honune que l’auteur du IVe livre d'Esdras (fin du i*f siècle de notre ère) voit, dans sa sixième vision, in, 5-11, monté de la mer ct attaqué par une grande multitude, ne tue pas sus adversaires en lus frappant de son bras ou d’une épée ou de toute autre arme, mais comme d’un souille de feu. expiré par sa bouche, d’un esprit de flamme émis par ses lèvres et d’étincelles et de tempêtes produites par sa langue ; ces trois choses, réunies en une, fondent sur la multitude dus ennemis ct lus brûlent tous un sorie qu’il n’en reste plus que des cendres ct une odeur de fumée. L’explication qui est donnée ensuite de la vision, 25-38, cn indique clairement le sens : le Mvsric. fils de Dieu, venu sur terre pour délivrer lus bons, c’est-à-dire les Israélites, détruira les nations conjurées contre lui ct contre Sion, ct s’il n’a point d’armes, s’il lus imppc par des flammes, cula veut dire qu’il leur imposera des tourments symbolisés par eus flammes, et qu’il les I détruira sans fatigue par une loi qui est assimilée à i du feu. Cf. Kautzsch. Die Apocryphen und Pseudeptgraphen des Alten Testaments, t. il, p. 395-397. Ιλ doctrine de l'embrasement final du monde n'apparalt donc pas dans la littérature juive apocryphe, anté­ rieurement à l’èru chrétienne. L'historien juif Josêphe, cn parlant d après Jcsus-Christ, parie pour la première fois de la con­ flagration universelle: rOo tarai xxrà χοσνο·» ô/o/. 172; puis, après cn avoir indiqué les signes, il en décrit les effets : ç/Htt bi πάσαν, απαν $’ γένος άντρων και «τσ?ς πόλιας ποταμούς 0' άαα τ/Là θάλασσαν ίκχαύσΐ: ί· τε παντα, χόνις δ’ εσετ’ αίΟα/δεσσα. Après 2ύί5 FIN DU MONDE cela, quand tout sera réduit en poussière, Dieu ressus­ citera tous les hommes et procédera au jugement, 172182. J. Gcflckrn, Dic Oracula sibyllina, dans Die gricchischcn christlichcn Schri/lsteller, I .ci pzig, 19(>2, p. 101102. Cf. J. J ^grange, Le messianisme chez les Jui/s, p. 64. Du V· livre de ces Oracles, qui est dc la lin du Ier siècle, i) ne faut pas citer les vers 155-161, ni les vers 206-213, qui visent, les premiers la ruine de Borne ct de l’Italie au moyen d’une étoile qui tombera du ciel, Gcffcken, op. cil, p. 111-112, les seconds la ruine dc l’Inde et dc l'Éthiopie par un incendie allumé du ciel. lbid.,p. 114. Mais d’autres passages annoncent directement la lin du monde. Les méchants se cache­ ront; εστβι 3’ έκ νεφεων όμβρος πυρό; αίσθομίνοιο, et il n’y aura plus de moisson tant que le genre humain n’aura pas reconnu Dieu qui gouverne tout. Alors les Hébreux seuls recueilleront les fruits de la terre, 274-285 Ibid., p. 117. Il s’agit donc de bonheur tem­ porel pour les Juifs. La finale du livre décrit le con­ flit des astres â la fin des temps. læ ciel lui-même s’ébranlera ct jettera en bas les étoiles, qui incen­ dieront l’océan ct la terre, cl l'éther demeurera sans astre, 512-531. Ibid., p. 129. Des notions astronomi­ ques sont mêlées à la vision prophétique. Cf. J. La­ grange, op. cit., p. 100-101. Ces descriptions n'ont rien dc commun, en dehors du fait même dc la con­ flagration générale, avec celle dc saint Pierre, qui, s’il n'est pas original, nc leur a emprunté du moins au­ cun trait. Mais il y a lieu dc sc demander si l’apôtre n’est pas l’interprète dc la pensée des prophètes ct dc celle de Notre-Scigneur. En effet, dans les avertissements qu’il donne à ses lecteurs, il sc propose expressément dc leur rappeler les prédictions des saints prophètes ct le commandement du Seigneur, transmis par les apôtres. Pour résoudre l'objection des moqueurs qui sc raillent dc la promesse dc Jésus au sujet de son second avènement, il fait constamment appel à l’Ancien Testament. En parlant de la création ct du déluge, il sc réfère visiblement à la Genèse. Lc jour du Seigneur est une expression prophétique qui est revenue sur les lèvres de Jésus. Pour expliquer le retard dc la parousie, il cite, ni, 8, le ps. lxxxix, 4· Scs allusions aux paroles du Maître ct à l’enseigne­ ment des apôtres ne sont pas moins nombreuses. L’existence elle-même des moqueurs des derniers jours a été annoncée par les apôtres, Jud., 18; ils sont les fauteurs de troubles ct d’hérésies mentionnés dans les Épi très pastorales. I Tim., iv, 1 ; Il Tim., m,l. La longanimité du Seigneur en vue du salut des hommes est salutaire, « comme notre bicn-aimé frère Paul vous l’a écrit selon la sagesse qui lui a été départie, · 9, 15, ct elle est conforme à la volonté divine de sauver tout le momie, I Tim., n, 4, même les Juifs rebelles. Hom., IX-XL Lc jour du Seigneur, qui viendra comme un voleur, est une parole de saint Paul, I Thess., v, 2, fondée sur une comparaison employée par le Maître lui-même. Matth , xxiv, 43. Cf. Apoc., m, 3; xvi, 15. La leçon de saint Pierre sc termine par une exhortation à la vigilance, ni, 17; c’est précisément la grande leçon qui résulte du dis­ cours cschatologique de Notre-Scigneur ct qui sc résume en ces mots : Veillez ct tenez-vous prêts. Et on voudrait que dans une exposition, si nourrie d’Écriture, in, 16, sur le point précis de l’objection des moqueurs, l’auteur, quel qu’il soit, nc fût-il pas même l’apôtre saint Pierre, comme les critiques rationalistes le prétendent, ait introduit sur l’embra­ sement final du inonde un enseignement étranger à la doctrine des prophètes, de Jésus et des apôtres, qu’il aurait emprunté aux Babyloniens, aux Perses, aux stoïciens ou même aux Juifs de son temps! I <*s moqueurs auraient eu beau jeu alors de se railler I 251G dc la réponse donnée à leur objection. Tout emprunt à une source non scripturaire paraît donc invraisem­ blable, sans compter qu'on ne peut en faire la preuve directe. Il est dès lors plus rationnel de conclure que saint Pierre a interprété, au sujet même de la confla­ gration dernière, les prédictions des anciens prophètes el l'enseignement du Maître et des autres apôtres. Et, dc fait, on trouve dans les Écritures assez d’indices, qui ont servi de fondement à l’annonce de la ruine finale du monde par le feu. L’agent de la dissolution de l’univers, le feu, est symboliquement mentionné dans l’Ancien Testament. Plusieurs juge­ ments de Jahvé contre les ennemis d’Israël sont décrits par les prophètes comme des théophanles ct i des jugements dans et par le feu de la colère divine. Voir Feu du jugement, col. 2239. Tous ces oracles, fussent-ils purement métaphoriques, ont pu servir de base â la doctrine de saint Pierre sur le jugement cl la purification du monde par un feu réel. Cette conclusion, rendue vraisemblable déjà par cette consi­ dération précédemment exposée, que l'apôtre appuie tout cc passage sur Γ Écriture, le devient bien davan­ tage encore, lorsque nous constatons qu’en matière d’eschatologie générale, il emprunte à Isaïe, i.i, 16; exv, 17; lxvi, 22, les termes de · nouveaux deux » ct de « nouvelle terre », où la justice habitera, ni, 13. L'apôtre saint Paul, d'autre part, auquel saint Pierre se réfère expressément à propos de la longanimité salutaire dc Notre-Scigneur dans le retard de sa pa­ rousie, avait dit que le Seigneur Jésus se manifestera έν πυρι ?)ογό;, II Thess., i, 8, et que le jour du Seigneur, cc jour que saint Pierre nomme, m, 10, manifestera les œuvres de chacun par le feu qui les éprouvera. I Cor., m, 18. Je n’ignore pas que le premier dc ccs passages peut s’entendre, comme ceux dc l’Ancien Testament, d’un feu métaphorique ct que le second esl interprété dc différentes manières. Il reste à tout le moins que l’image du feu demeure attachée à la manifestation des jugements de Dieu sur les hommes ct sur leurs œuvres. Ayant à parler du dernier jugement de Dieu sur le monde entier, saint Pierre a adopté les paroles des prophètes ct dc l’apôtre saint Paul, il les a prises à la lettre ct il les a entendues d’un feu réel, qui doit dissocier toutes choses, même les éléments des êtres matériels; il a interprété ainsi, d'après la tradition orale, connue ct reçue dans le milieu des destinataires de sa lettre, les oracles prophétiques ct l'enseignement apostolique, ct son interprétation devait être suffisamment fondée pour qu’elle ait pu concourir à résoudre les objections des moqueurs dc son temps, qui nc devaient rien trouver à y opposer. Il a introduit ccttc donnée nouvelle dans une eschatologie qui est celle des Évangiles synoptiques ct qui diffère dc celle dc l’Apocalypse, où le jugement dernier doit être précédé ct annoncé par toute une série d’événements, xix, 11xx, 15, quoiqu’il sc rencontre avec saint Jean au sujet dc la création de nouveaux deux et d’une nouvelle terre. Apoc., xxi, 1. Une parole de NoireSeigneur, Luc , xvn, 26, lui a fourni la comparaison avec le déluge. La doctrine sur la conflagration géné­ rale n'est donc pas étrangère à la révélation chré­ tienne ct elle a ét< reçue dans l’Église, nous le verrons plus loin, comme faisant réellement partie dc ccttc I révélation. 2° La rénovation du monde ancien. — lai dissolution du monde corporel par le feu sera le commencement de l'éternelle consommation de toutes choses. Dans cet état permanent, l’univers materiel n’aura pas été anéanti sous l’action du feu, instrument purificateur mis en ouvre par la volonté de Dieu, ce monde sera puriflï K . rénové Nous avons i. jù cnt< ndu le prophète Isole,saint Pierre et saint Jean après lui 2517 FIN DU MONDE 2518 millénariste et 11 voit dans le septième jour de la annoncer la création dc nouveaux deux ct d’une création un symbole de cc règne terrestre dans un nouvelle terre pour remplacer les anciens. Dons leurs monde renouvelé. Epist, xv, 5, Funk, Paires a po­ oracles, le verbe « créer » nc doit pas être pris a la tto!ici, t. i.p. 84. L’auteur de la 11· (tor., xvi, 3, ibid., lettre et entendu d’une création ex nihilo. Isaïe, qui p. 201, fait remarquer à scs lecteurs que le jour du a fourni le terme, employait un langage poétique, jugement vient déjà comme une fournaise ardente, imagé, qui indiquait par cette création un simple cl il ajoute, en s’inspirant d’Isaïe, xxxiv, 4, et de renouvellement du passé, du royaume messianique, suint Pierre, Il Pet , Xll, 10 : κχ: ταχτσσνται τινςςτώ·# d’Israël ou des justes au del. Ix? texte plus rigoureux ούρανών και πάσα ή * η ώς μό/ι^ος ιτ. πυρί dc saint Pierre ne doit pas être entendu d’une des­ Il restreint déjà, si la leçon τινις est authentique, la truction complète du monde corporel; les éléments désagrégation des deux à quelques-uns seulement. des corps matériels seront sans doute dissociés par Hermas avait vu une bête ayant sur la tête quatre la chaleur dc l’incendie universel, ils ne seront pas couleurs : du noir, du feu ct du sang, dc l’or et du anéantis, et on peut penser qu’ils rentreront, comme blanc. Vis., IV, i, 10, tbid., p. 460. Or, la vierge nous dirions en terme? modernes, dans la composition qu’il rencontra ensuite lui expliqua la signification chimique et physique des nouveaux deux et dc la de ces (plaire couleurs : le noir représente le monde nouvelle terre, qui seront conformes à l’état des el la couleur de Lu et dc sang indique que cc monde justes ressuscités, leurs habitants. périra par le sang et le feu, m, 2, 3. p. 464. Dans Ce renouvellement dc la création matérielle à la sa lr< vision, m. t, p. 422, H avait retenu une parole fin des temps est annoncé dans d’autres passages dc que hii avait dite la femme descendue du ciel : le l’Écriture. ΙχίπαΜγγΓ/ϊσίχ, dont parle Noire-Seigneur, créateur du ciel ct dc la terre transfère les deux, les Matth., xix, 28, ct dans laquelle il récompensera montagnes, les collines cl les mers ct il aplanit toutes scs apôtres qui ont tout quitté pour le suivre, désigne choses pour les élus, afin de réaliser 1rs promesses la rénovation générale qui suivra le jugement dernier qu’il leur avait faites. Cf. L. Atzberger, Geschichte ct cpii sera introduite par le bouleversement où der christlichcn Eschatologie, p. 109-110. s’abîmera le monde actuel. Cf. A. ixrisy, Les Evangiles 2° Pères apologistes. — Ils enseignent que le monde synoptiques, Cctlonds, 1908, t. u, p. 221. Dans un doit périr par le feu. 11 y aura donc,5 la fin des temps, discours prononcé au temple de Jérusalem après la un embrasement universel. Saint Justin sait que la guérison du boiteux, saint Pierre a déclaré que consomption de toutes les choses périssables par le Jésus-Christ était remonté aux deux jusqu’aux feu a été annoncée par la Sibylle et par Hystaspe* temps de la restauration de toutes choses dont Dieu Apol., i, 20, P. G., t. vi. col. 357. Mais Moïse, Ihut., a parlé par la bouche de scs anciens prophètes. Act., xxxu, 22, Malachic, iv, 1. ct Isaïe, xxx, 28, 30, m, 21. Cette αποζ ατά στάσις πάντων est l'instauration ont aussi prédit cet embrasement futur. S. Justin, physique el morale du monde entier dans son état Apol., i. 60, col. 420; S. Théophile d’Antioche, Ad dc perfection auquel il esl destiné. Crelier, Ixs Actes Autolyc., 1. II, 38, col. 1117. Ixs Peres apologistes des apôtres, Paris, 1883, p. 11; H. J. Holtzmann, connaissaient la doctrine-stoïcienne sur la conflagra­ Die Apostclgeschichte, 3* édit., Tubinguc ct Ixipzig, tion finale, mais Ils ne l’adoptaient pas, quand elle 1901, p. 11-12; H. Wendt, Die A pastelgeschichte, était en désaccord avec la doctrine chrétienne. Ainsi, Gœttingue, 1899, p. 111-112. Une interpretation alors que les stoïciens croyaient que le monde serait fondée voit la raison de la restauration finale de toutes purifié par le feu à diverses périodes, Talien remarque choses exposée par saint Paul, Boni, vin, 19-22. Toute la création matérielle attend ct désire d’etre que la conflagration générale n’aura lieu qu’une fols. Adversus Grcrcos, 6, col. 817. Four les stoïciens, délivrée de la corruption ù laquelle elle a été assujettie, pour un temps ct malgré sa nature, par Dieu qui a l’embrasement du monde était, à chaque période, la maudit le monde et l’a soumis ù l’altération ct au conséquence nécessaire dc la loi du cours variable dépérissement â cause du péché d’Adam. Cette des choses, saint Justin l’attribuait directement à création, personnifiée par l’apôtre, garde l’espérance Dieu et le considérait comme une punition du monde. Apol., n, 7, col 456. Quelques stoïciens pensaient que d’être affranchie de cette servitude ct d’avoir part un jour ù la liberté el â la gloire des hommes devenus Dieu lui-même serait dissous par l’embrasement du fils adoptifs de Dieu. De corruptible qu’elle était, monde. Saint Justin, Apol. i. 20, col. 357, savait bien (pie Dieu était inaltérable. Le même docteur elle deviendra incorruptible. En attendant la réali­ sation de son espérance, elle gémit et elle souffre les semble dire, dans sa II* Apologie, 7. que le feu du jugement détruira tout pour faire disparaître douleurs dc l’enfantement ; mais elle formera plus les impies, anges et hommes, comme le déluge, qui lard un monde nouveau, incorruptible et glorieux. Beelen, Comment in Episl. S. Pauli ad Romanos, Lou­ n’a hdssé aucun homme en vie,sauf Noê cl sa famille. vain. 1851, p. 251-257; K. Comely, Comment.in Epist. 11 s’inspirail de saint Pierre cl non pas des stoïciens, ad Romanos, Paris. 1896, p. 123-431; E. Godet, Com­ mais, quand il dit que, pour sauver les chrétiens, la mentaire sur TEpitre aux Romains, Neuchâtel, Paris, conflagration universelle est reculée, d/W., i. 28, 45; 1890, t. n, p. 180-191 ;B. Weiss. Der Itricf an die Romer, n. 7. col. 372, 396, 4.56, il n’entend pas que l’embrase­ Geel lingue, 1899, p. 360-366; F. Prat. La théologie dc ment final entraînait la ruine totale du monde. saint Paul, t. n, p. 527-528; (’. Toussaint. Èpitre* de D’ailleurs, il sait que Dieu le Père renouvellera le saint Paul, Paris, 1913, t. n, p 209, 223-221. Plu­ ciel et la terre par le Chrkt, Dialogus cum Tryphone, sieurs commentateurs entendent encore dans le sens 113. col 737. mais peut-être est-ce seulement pour le de la rénovation future du monde entier la restau­ régne de mille ans. Il voit encore dans la nuée du ration «pie Dieu voulait faire de toutes choses en désert une figure d’un nouveau peuple Ibid, 131, Jésus-Christ. Eph., i, 10. Cf. L. Atzberger, op. cit., I col 78(1-781. Athenagore pense que, dans le monde p. 372-371. glorifié, il n’y aura plus d’êtres inintelligents et ina­ //. K’KsrUGVF VA. V7 i n t hirtnyxEt,. — 1° Pères apos­ nimés De resurrectione, 10, col 992 Saint Théophile toliques. — Il nc semble pas (pie la tradition apos­ d’Antioche semble dire, au contraire, que tous les tolique de la fin du monde et dc la rénovation fu­ animaux reviendront à leur première nature ct qu’ils ture ait élé fixée dans tous scs détails de façon Λ seront InofTensifs et qu’ainsl l’homme sera ramené imposer à tous les chrétiens un enseignement absolu­ ù son premier étal cl qu’il ne péchera plus. Ad AutoL, ment uniforme Le pseudo-Barnabé entend le change­ ’ H. 17, col. 1080-1081. Cf. L. Atzberger, op. cil., ment du soleil, dc la lune et des étoiles dans le sens p. 162-163. 2519 FIN DU MONDE Aux témoignages des apologistes joignons celui des Arles de Paul, ouvre catholique composée vraisem­ blablement a Antioche de Pisidic de 160 à 170. L'apôtre exhorte Longus et Cestus à se convertir et à sc sauver · du feu qui accourt contre le monde en­ tier · Heureux l’homme qui croira en Dieu et qui vivra dans l'éternité, · quand cc Dieu viendra brûler en la purifiant cette terre. » Martyre de S. Paul, iv, L. Vouaux, Les actes de Paul et scs lettres apocryphes, Paris, 191.3, p. 298-301. 3· Les Pères du tf au iv· siècle. — Saint Irénée fait périr l'Antéchrist et scs aflidés par le feu, avant rétablissement du royaume terrestre du Christ. De meme qu’il y a eu, aux jours de Noé, un déluge d’eau, il y aura alors un diluvium ignis. Cont. hier., 1. V, c. XXIX, n. 2. P. G., t. vu, col. 1201-1203. Ci. c. xxx, η 4, col 1207*1208. Λ la lin des temps, il y aura un incendie, Ibid., I IV, c. xx, n. 11, col. 1011. On peut se demander s’il est différent du premier. Quoi qu'il cn soit,l’évêque de Lyon sait que le monde ne sera pas anéanti,mais qu'il changera seulement de figure et de forme Voir plus haut, col. 2507. Les nouveaux deux et la nouvelle terre seront appropriés à l’état nouveau de l’humanité,et cet ordre de choses durera sans fin. Ibid., 1. V, c. xxxvi, η. 1, col. 1222. Pour saint Hippolyte, le monde sera renouvelé A la fin des temps au point de vue physique. L’agent de cette rénovation sera le feu Empédoclc et les stoïciens l'enseignaient, Philosophoumena, I. I, 3, P. G., t. xvi. col. 3028, aussi bien qu’Héradide, I. IX, 10, col. 3375. David en parle aussi au ps. xvni, 7, ct personne ne peut échapper aux rayons de cette flamme. De Christa et Antichrislo, P G., t. x, col, 784 Hippolyte s’était proposé de parler de la conflagration finale au cours de son traité, ibid., 5, col. 733; mais il sc borne à dire, loc. cit., que le Christ, à son avènement, allumera cet incendie et fera le jugement contre ceux qui n’ont pas cru cn lui. Cf. II. Achelis, Hippolyt's kleinere ejcegtlische und homitetische Schri/ten, dans Die gricchisehen christlichcn Schri/lslellcr.Hippolytus, Leipzig, 1897.1 i.p II Pour Tcrtullien, le monde vieilli ct tout cc qui est né cn lui périront par le feu. De spectaculis, 30, P. L., t. i, col 660. Cc feu est un feu de jugement el de punition qui atteindra tout ce qui a servi au péché. De baptismo, 8, P. L., ibid., col. 1209; cf. Adv. Mar· cionem, I. HI, c. xxiv, t. n, col. 313. Il sera aussi un feu de purification, qui renouvellera et rajeunira toutes choses. Le monde sera donc renouvelé, et sa ruine ne sera qu’un changement, transactio. De anima, 55. t. ii, col. 744. Dans le monde futur, il n'y aura que le mal qui aura disparu; l’état primitif de l'inno- I cence sera rétabli; les animaux domestiques paîtront avec les animaux sauvages et les enfants joueront avec les serpents. Adversus Hermogenem, 11, ibid, co) 2·>7 Clement d’Alexandrie relate que les païens, surtout 1rs st oh iens, Heraclide et Platon, ont su que le monde devait périr ct qu’il serait renouvelé par un grand embrasement. Strom., V, 1, P. G., t. ix, col. 21, 21. Origène enseigne la conflagration finale. H distingue le déluge d'eau, raconté dans la Genèse, vu, 6, du futur déluge de Lu Selecta m Genesim, P. G., t. xn, col 105. Le premier est la ligure du second. In Gcn., j honul π, 3, ibid, col. 167. Pour disculper 1rs filles de Lot, il remorque qu'elles avaient éprouvé quekpie chose de cc qui se passera à la fin du monde par le feu ct qu elles ne savaient pas qu’après la destruction de Sodomc par le feu, le monde durerait longtemps encore. Elles avaient entendu dire qu’à la tin du monde la terre et tous les éléments seraient embrasés dans la flamme du Lu. Elles crurent que cet événe­ ment était arrivé et qu'elles voyaient le feu, scs 2520 flammes ct la dévastation de l'univers. In Gcn., homil. v, n. 4, col. 191; Cont. Celsum, L IV, n. 45, t. xi, col. 1102. Celse prétendait que les chrétiens avaient mal compris les idées païennes relatives à des déluges et à des incendies périodiques ct qu'ils sc représentaient Dieu comme un bourreau, armé de feu, descendant .sur terre à la lin du monde. Origène lui répond que les philosophes grecs ont appris de Moïse, qui était bien plus ancien qu’eux, la doctrine de l’embrasement du monde. Cont. Celsum, 1. IV, n. Il, col. 1040-1041. Les chrétiens n'attribuaient ni le déluge ni la conflagration de l'univers aux courses des éloiles; ils en trouvaient la cause dans le péché. Comme le mal a pris sur terre une grande extension cl une grande puissance, la terre en sera purifiée par l’eau ou par le feu. Ibid., n. 12, col. 1041. Origène, il est vrai, restreint le mal aux hommes et à leurs œuvres et aussi sa purification par le feu, et il ne dit pas expressément que le monde corporel sera détruit par ce feu. Und., n. 13, col. 1044. Cc feu brûlera, mais ne consumera pas 1. V, n. 14-17, col. 1201-1205; 1. \ III, n. 72, col. 1624-1625. Origène se demande si le monde sensible doit être anéanti ou s’il changera simplement de forme. Les passages bibliques de saint Paul, I Cor., vu, 31, du psalmistc, ps.ci, 27. el d’Isaïe, i.vi, 28, lui paraissent favoriser le second sentiment. Il ne comprendrait pas d’ailleurs comment des natures immortelles pourraient vivre sans corps, puisque seules les personnes de la sainte Trinité ont la pro­ priété d’être indépendantes de toute matière. D’autres pourront prétendre qu’après la consommation uni­ verselle toute la matière corporelle sera purifiée et deviendra aussi pure que l’éther céleste. Mais Dieu seul sait ce qu’il en sera. De prine., I, vi, 4, P. G., t. xi, col. 169-170. Cf. L. Atzbergcr, op. cil., p. 452. Il est très difllcile de déterminer exactement ce qu’il adviendrait de la création matérielle dans Ι’αποχατάστασις universelle imaginée par Origène, ibid., p. 453456. Voir Enfeu, t. v, col. 57-60. Mais cc n'est qu'une spéculation personnelle du catéchètc alexandrin, sans attache avec la tradition ecclésiastique. Voir Origène. Saint Méthode d’Olympe dit d’abord que le monde périra par le feu. Convivium decem virginum, x, 4, P. G., t. xvni, col. 200. Mais on ne peut pas dire que tout sera détruit, que la terre, l’air ct le ciel n’exis­ teront plus. Le monde entier sera brûlé pour être purifié ct renouvelé, il sera inondé par un feu des­ tructeur, mais l’incendie ne l’anéantira pas ct ne le détruira pas complètement. De resurrectione, col. 273. La création restera, puisqu’elle sera devenue meilleure ct plus belle et qu’elle se réjouira de la résurrection des fils de Dieu, qu’elle attend maintenant comme la délivrance de la corruption. Is., lu, 2; Rom., vin, 22, 23; Is., lvi, 22; xlv, 18. Ce n’est pas pour les anéantir que Dieu a créé toutes choses; c’est pour les conserver toujours. C’cst pourquoi le ciel et la terre existeront encore après l'incendie et la révolution qu’ils auront subis. Ibid., 8, col. 274-277. Qu’on n’en appelle pas à Matth , xxiv, 35, et à ps. ci, 27, pour soutenir la destruction de tout, c’est une particularité de ΓÉcriture de nommer destruction l’amelioration cl la glorification du monde, et ce langage est vrai, puisque l'ancien état de choses n’existe plus après que tout a été embe III Saint Paul a dit : - La figure de cc monde » cl non pas « ce monde » passe. I Cor., vu, 31 C’cst un perfectionnement comme le passage de l’enfance à l’âge d’homme parfait. 1 Cor., xm, 11, Ibid., 9, col 276-277. Cf L. Atzbergcr, op cit., p. 490. Dans la partie chrétienne des Oracles sibyllins, la ruine du monde par le feu est plusieurs fois décrite, I H, 25.3-255 Gefïckcn, Dic Oracula sibythna, p. 40* Les justes passeront rapidement par ce feu cl sans 2521 FIN DU MONDE 2522 douleur, I. Il, 330-338. Op. cit., p. 44. Le feu sc Novatien enseignait que la création entière, aussi répandra comme une inondation ct détruira tout. bien que l'humanité, serait renouvelée. Ad igneum Les méchants qui brûleront ne pourront plus regarder diem judicii mundus iste festinet. De Trinitate, 8, P. L.9 le ciel, qui ne sera plus rempli d’étoiles, mais plein t. m, coi 900. Toutes les choses attendent de Dieu de feu. Ils ne disparaîtront pas, mais ils s'affaisseront leur délivrance quand elles auront perdu leur corrup­ éternellement dans leurs corps el ils brûleront dans tibilité, ct elles doivent revenir à Dieu, leur créateur. leurs âmes; ils verront ainsi que la loi de Dieu ne J bid., 3, col. 892. Selon Commodicn, le jugement trompe pas, 1. VH, 120-129. Op. cit,9 p. 139. Le feu dernier ct la fin du monde auront lieu aussitôt après dévorera d'abord tout el les sommets des montagnes le règne de mille ans. Ix fvu sera de nouveau envoyé comme les (êtes de toule chair, se couvriront d'une par Dieu sur terre, ct celle-ci soupirera après la fin mince poussière, I. VIII, 15, 16. Op. cit., p. 143. Le de toutes choses. Toute la nature sera changée par feu explorateur brûlera la terre, le débet la mer ct les flammes; le feu brûlera sous terre et les montagnes même les portes de l’enfer. Après la résurrection, le fondront ; il ne restera rien de la mer, qui sera dévorée feu brûlera éternellement les méchants, 1. VIH, par le feu; tout cc qui est maintenant au del ct sur 225-228. Op. cit., p. 155. Cf. 1. VIH, 243, 411, 412, terre sera transformé. Un autre ciel,nouveau ct étemel, p. 152, 168. Cf. L. Atzbergcr, op. cit., p. 504-505. une nouvelle terre seront créés; les justes habiteront Alexandre de Nicopolis, Tractatus de placitis mani· le monde renouvelé. Instructions, xlv, P. L., I. v, clitcorum, 26, P.G., t. xvni, coi. 418, réfute les idées col. 231, 236. Il décrit plus longuement encore la fin des manichéens sur la nature du feu selon eux pré­ du monde dans son Carmen apologeticum, 999-1021, existant et incréé, qui produira l’incendie final du dans Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1852, t. i, monde. 11 demande à son adversaire quelle sera la p. 48-49. Ce sera un jour terrible, un jour de feu. Apres nature de cc feu, qui brûlera, mais ne luira pas. S’il differents signes préliminaires, le feu tombera avec le est cn dehors du monde, où sc trouve-t-il donc? vacarme du tonnerre. Des éclairs descendront désastres Mais s’il est dans le monde, pourquoi le monde cl allumeront une tempête de feu Les étoiles tomberont reste-t-il jusqu’à présent sain ct sauf? S’il tombe du ciel ct seront elles-mêmes jugées. Les habitants des un jour sur le monde pour le détruire, est-il dès deux seront épouvantés, quand la ruine du monde maintenant uni au monde? S’il est hors du monde s’accomplira. Une partie des incroyants sera brûlée cn un lieu spécial, comment tombera-t-il un jour sur à petit feu. La puissance du feu ira partout où les le monde? Comment sortira-t-il de cc lieu, par quelle hommes sc réfugieront. L'air lui-même sera embrasé. I-a terre sera ainsi purifiée par le feu pendant sept force et avec quelle violence? Comment peut-on concevoir un feu qui n’a rien à brûler? Est-ce l’humi­ mois. Après seulement, le Christ descendra du ciel dité qui doit l’entretenir? Cc feu qui est cn dehors du ct les morts ressusciteront. L. Atzbergcr, op. cil.9 monde ne peut être que la matière, puisque le soleil ' p. 565-566« Victorin de Pet tau parle de Ia consummatio mundi. et la terre sont, comme des essences pures, distinctes In Apoc., xiv, 15, P. L., I. v, col. 340. 11 découvre de cc feu. S'il en est ainsi, quand le inonde sera détruit par la puissance divine, cc feu persévérera-t-il? Com­ la manière dont se produira la lin du monde dans la ment pourra-t-il détruire quelque chose ou être détruit comparaison de celui qui est assis sur le trône avec le par un autre? On ne peut comprendre qu’il puisse jaspe ct la sardoine. La première de ces pierres pré­ être détruit par un feu semblable, el à quoi bon cieuses a la couleur de l’eau, la seconde celle du feu. Dieu détruirait-il cc qu’il n’a pas fait? Ce feu téné­ Ces deux pierres figurent les deux grands jugements : breux est-il plus ou moins grand que la matière que le déluge ct l’embrasement futur. L’arc-cn-ciel qui Dieu doit détruire? S’il lui est inférieur, comment entoure le trône signifie que les hommes n’ont plus )*attaquera-l-il? S’il lui est supérieur, il pourra se à craindre l’eau, mais le feu. In Apoc., iv, 3, col. 324. Arnobe rapporte trois opinions sur la fin du monde : replier sur lui-même, puisqu’il est de la meme nature, mais il ne se détruira pas cependant, pas plus que le celle d’Aristote qui prétend que le monde n’a pas clé Nil ne détruit les canaux qu’il forme. En réfutant créé cl (pi’il ne disparaîtra pas, celle de Platon qui la doctrine des manichéens sur le feu ténébreux, qui le dit immortel, quoiqu’il ait eu un commencement et existerait hors du monde, Alexandre raisonne con­ qu’il soit soumis à la faiblesse, celle des stoïciens, formément à la doctrine chrétienne, qui fait du feu d'après laquelle il est fragile, il a été crée cl il doit de la conflagration générale une créature de Dieu. nécessairement périr. Adversus nationes, ιι, 56. P. L·., t. v, col. 898. 11 rappelle le sentiment de Platon Cf Atzbergcr, op. cil., p. 520. Chez les latins, saint Cyprion ne dit rien de la suivant lequel les deluges ct les embrasements du manière dont le monde finira ni de la nature du monde monde ont pour efiet de purifier la terre, ibid., I, 8, qui remplacera l’ancien. Minucius Eélix traite de la col. 731, el celui de Panatius, de Chrysippe et de conflagration finale cn philosophe. I-c vulgaire admet Zenon, d’après lequel le feu qui doit détruire le monde généralement que du feu peut tomber soudain ou existe déjà el (pi’il brûlera, quand le temps sera venu. Ibid., n, 9, col. 821. Quant à lui, il n’admet aucune qu’il est difllcile de ne pas y croire. En efiet, quel philosophe doute, qui ne sait pas que tout ce qui de ces opinions et il tient plutôt que, sur ce sujet existe tombe, que tout cc qui a été fait sera anéanti? comme sur beaucoup d’autres problèmes, on ne peut Les stoïciens enseignent que le ciel et tout ce qu’il rien savoir de certain ct (pi’il ne sert de rien d’être contient seront un jour la proie des flammes, car, renseigné. Ibid., n, 55-61, col. 897-908. Cf. L. Atzber­ après avoir été entretenu par l’humidité, cc monde gcr, op. cit., p. 582. Selon Laclancc, à la fin du règne de mille ans, le doit passer par l’incendie. Les épicuriens sont du meme avis au sujet de l'embrasement des éléments monde sera renouvelé par Dieu, le ciel sera roule sur ct de l’écroulement du monde. Platon pense la même lui-même et la terre sera Iranforméc. Les hommes chose. Il n’est donc pas étonnant que cette masse deviendront semblables aux anges. La seconde sera détruite par celui qui l’a faite. Octavius, n. 31, résurrection aura lieu alors, et les impies brûleront J1. L., t. m, col. 311-315. Les philosophes enseignent éternellement dans le feu à la vue des anges cl des donc la même chose «pie les chrétiens, non pas que les justes. Inst, dit}., vu, 26, 1-7, P. £., I. vi, col. 813-81 L chrétiens aient suivi leurs traces, niais parce (pie les Cf Epitome, 72, col. 1092« 4° Pires du /v· ct du v« siècle. — 1. Pères grecs. — philosophes ont gardé, mélangée d’erreurs, la vérité (pie. Dieu avait annoncée par ses prophètes, col. 316. Selon Eusèbe de Césarée, le monde doit changer, L. Atzbergcr, op. cit., p. 549. ainsi que l’enseignent 1* Écriture, 1 Cor., vu, 31, 2523 FIN DU MONDE et Platon dans le Timte ct la Politique. Præp. evang., 1. XI. c. xxxn, P. G.91. xxî, col. 929-933. La tragédie grecque disait que le monde serait détruit par le feu, L XIII, c. xm, col. 1129. Suivant les stoïciens, tout sent changé en air d’abord, puis finalement dissous par le feu éthéré. Chrysippe n‘ad met tait pas la destruction de la substance des choses, qui est impos­ sible, mais un certain changement seulement. Le feu sera comme une semence, d’où proviendra un monde plus parfait que celui qui existait auparavant. C’est la doctrine de ZéllOll, de Cléanthc et de Chrysippe, L XV, c. xvni, col. 1318. Voir la manière dont ils expliquaient cc renouvellement, c. xix, col. 1318-1349. D’après Pylhagore, Platon et les stoïcien.», Je monde, produit sans Dieu el naturellement voué à la corrup­ tion, parce qu’il est corporel, ne périra cependant pas; il sera conservé par la providence divine. Épicure disait qu’il périra, parce qu’il a été engendré, comme un animal et une plante. Xénophane le déclarait éternel, sans commencement, et exempt de toute corruption. Pour Aristote, la partie sublunaire du monde est passible ct les choses terrestres y meurent par un sort fatal, I. XV, c. xxxv, col. 1385. Mais la doctrine chrétienne sur la fin du monde ne vient pas des philosophes. Nous avons appris du Christ, dit Eusèbe, que le monde a été fait et (pie le ciel, le soleil, la lune, cl les étoiles sont ses œuvres. Les philosophes sont d’accord avec les I lébreux pour affirmer la créa­ tion du monde entier. De même, nous avons appris des Écritures la consommation du monde et son change­ ment en mieux, que Platon enseignait déjà. Demonst. eoang., I. III, n. 3, P. G., I. xxn, col. 192-193. Si les deux n’avaient pas été créés, ils dureraient toujours cl ils ne pourraient changer el passer ù une autre condition. Parce que Dieu les a créés, il peut les changer s’il le veut, car ils sont de nature corruptible; le créateur seul est éternel. Les deux qui sont si beaux seront soumis à la corruption Cette corruption les renouvellera, cl Dieu accomplira cc renouvellement aussi facilement qu'un homme change de vêtement. Les deux seront changés en une forme meilleure ct ils subiront une transformation qui les améliorera : ils passeront de la vétusté au renouveau et à l’incorruption. In ps. ct, 26, P. G., t. xxm, col. 1261. En commentant le même psaume, saint Athanasc dit que les cieux, bien qu’ils soient une œuvre grande ct excellente,seront soumis eux-mêmes à la corruption. · Mais cette corruption sera pour eux une rénovation : ils rouleront, en effet, changés en une forme meilleure. P. G I x\vh. < ul 132 Pour saint Basile, le monde, qui a eu un commen­ cement, aura une fin; les changements qu’il subit le montrent. 1 Cor., vn, 31 ; Matth., xxiv, 35. ln Hexaemeron, homil. i, n. 3, P. G., t. xxix, col. 9. Beaucoup d’hommes célèbres, mais plus grands encore par leur loquacité (pie par leur dignité, pré­ tendent que l’univers sera brûlé et qu’il revivra de quelques raisons séminales qui resteront des choses brûlées, lis en déduisent d’in finies corruptions ct régénérations du monde. Mais ils s'écartent de la vérité sur ces deux points ct ils sont dans l’erreur. Ibid., homil. tu, n 8. col 73. Le ciel n’est pas com­ posé dis éléments premiers, bien que quelques-uns l'aient pensé. Mais la formation d’éléments contraires est une cause de ruine ct de dissolution. Les deux ne sont pas composés non plus d’un cinquième élément, l’éther. Nous Ignorons leur nature, (pie Dieu a créée, n 11, col 25, 28 Dans les pcrsccplions préSente* il faut attendre la révélation du ciel ct la venue du Sauveur. En effet, si toute créature se dissout, si b figure de cc monde doit changer, qu’y a-t-il à s’étonner que nous, qui somnus des créatures, nous soyons soumis aux maux communs et à des afflictions . , | I 2524 que le juste juge récompensera? Epist., cxxxtx, n. 2, P. G., t. xxxii, col. 584. Le monde entier, dans lequel nous habitons, est rempli de mortels; lout y est sujet à la Corruption. Le ciel sera dissous un jour, le soldi lui-même ne persistera pas; toutes les étoiles, les animaux terrestres et aquatiques, qui font l'ornement de la terre, la terre elle-même, tout cc qui est soumis à la corruption, ne seront bientôt plus. C’est une consolation dans la douleur. Epist., vî, n. 2, col 241. Saint Grégoire de Nazianze déchire que les change­ ments futurs du ciel et de la terre, annoncés par l’Écriturc, Afcg., n, 7, seront pareils ù ceux qui ont eu lieu auparavant. A son avis, l’Écriturc énonce ainsi une illustre renovation des choses. 11 faut en croire saint Paul qui dit que le dernier changement de la terre ne sera (pie le second avènement du Christ, la transformation de tout el sa translation au repos ά l’abri de toute agitation. Orat., xxî, in laudem S. Alhunasti, n. 25, P. G., t. xxxv, col. 1109. Pour saint Grégoire de Nysse, celui qui admet que le monde a eu une origine ne peut pas ne pas concéder qu’il aura un jour une fin. La parole de Dieu a nécessairement prédit (pie toutes choses cesseront de se mouvoir, ct nous l’acceptons. Com­ ment cela sc fera-t-il? Notre curiosité n'est pas satisfaite sur ce point. De hominis opificio, c. xxm, P. G., t. xi ïv, col. 209, 212. Selon Didyme, tout peut se corrompre ct être changé; c’est le propre des créatures. Les choses créées dans le temps vieillissent avec le temps. Quand le ciel et la terre seront détruits en même temps, où passeront-ils selon la parole de NoireSeigneur? On peut dire avec raison qu’ils seront roulés comme une couverture. On ajoute : Ils seront changés. Dieu seul est immuable, ln ps. Cl, 28, P. G., t. xxxix, col. 1517, 1520. Les cieux et la terre sont réservés pour le feu, mais il y aura de nouveaux cieux ct une nouvelle terre en dehors de ceux (pii sont maintenant. Il y aura trois mondes successifs : un siècle el une terre sans cieux, les cieux el la terre actuels, de nouveaux cieux el une nouvelle terre. Les cieux el la terre actuels seront changés, el leur changement sera semblable à celui qu’a produit le déluge. L’auteur de la II· Épltre de saint Pierre l’a su par les paroles de Notre-Selgneur. Luc., xvn. 26, 27. Il ajoute que la création doit être dissoute par le feu. Le jour du jugement viendra comme un voleur. En ce jour, les cieux passeront avec un grand fracas ct sans retard, les éléments étant détruits par le feu. Après quoi, quand les deux seront radicalement enlevés, il y aura de nouveaux cieux cl une nouvelle terre, dans lesquels les justes posséderont la justice ct les promesses de Dieu. Mais Didyme ajoute (pic cette Épltre est fausse el que,quoiqu'elle soit publiée, elle n’est pas au canon des Écritures. Enarrat, in Epist il Pet., m, 5, col. 1773-1774. Pour saint Cyrille de Jérusalem, quand NolreSeigneur viendra à la fin du inonde, aura lieu la consommai ion dernière et le monde créé sera renouvelé. Λ cause des crimes commis en lui, ce monde passera pour que le théâtre de ces crimes ne demeure pas, pour qu’un monde plus beau soit produit L’Écriturc en donne l’assurance. ls.,xxxiv, 4; Matth., xxiv, 29. Les astres mourront; peut-être ressusciteront-ils. Le Seigneur roulera les cieux non pour les faire périr, mais pour h s rendre plus beaux. Ps ci, 26, 27 Ils périront, c'est-à-dire ils vieilliront, comme la suite le dit, cl ils seront changés. Ibid., 27, 28. Il est dit de même que l'homme périra, ls„ ι.νιι, 1 ; pourtant il ressuscitera Ainsi attendons-nous comme une sorte de résurrection des cieux. Joël. n. 31; Act, il, 20; Matth., xxîv, 35. I^cs choses visibles passeront, et il en résultera qu'elles seront plus belli s. Cat., xv, 2525 FIN DU MONDE 2526 ii. 3, I, A G., t, XXXIII, col. 873, 876. Ia· monde entier qui toutes choses obéissent, ln Eu. Matth., xxiv, 29, doit passer ct toute maison doit être détruite. Com­ I P. G., t. lxmiî,

    l 530. xm. 13), el abeuntibus prirteritis atque antiquis, jacta Théodore de Mopsueste déclare que les sages de fuerint omnia nova. Quidam perire el veterascere pro la Grèce, qui enseignent την Ικπυρωσιν του κόσμου, abotitionc el mone accipiunt. Ils s'appuient sur II admettent facilement cc qui est dit du soleil ct de Pel., in, 17. C’cst l’opinion des philosophes du monde la lune, mais ils refusent d’admettre ce qui est dit que tout ce que nous voyons doit périr par le feu. de la chute des étoiles du ciel, parce qu’ils ignorent I Cor., vu, 31; 1 Joa , n, 7. Après avoir discuté les la puissance de Dieu, aux ordres ct ù la volonté de diverses leçons de ce passage d’Isaïe, le saint docteur 2527 FIN DU MONDE 2528 conclut : llludque dicendum quod si cidum cl terra plus probablement être entendue autrement. Elle prouverait plutôt que ces deux doivent demeurer, peribunt atque veterascent, qua consequentia habitatores ejus sicut ista morientur atque dispereant, cum animas si même les étoiles doivent en tomber. On peut la esse perpetuas ct resurrectura corpora nootrimus? prendre comme une locutio tropica, ce (pii est plus Ex quo perspicuum est eidum ct terram non perire ct croyable, ou dire (pie cela se fera in uno ixlo ado. in nihili rediqi, sed in melius commutari. In Is. pro­ L’expression plus absolue du psaume doit être phetam, I. XIV, c. li, 6, P. L., t. XXIV, col. 185-186. expliquée d’après saint Pierre : la partie est prise Il entend dans le même sens Is., lxv, 17, 18. pour le tout cl il n’est question (pie des vieux Inférieurs. Cidum autem novum cl terram novam qui putant Ainsi dans l’Épitrc du prince des apôtres, la partie omnia interire quæ cernimus, Euangelii interpretantur est prise pour le tout mi sujet du déluge : diluvia testimonio, Matth., xxiv, 35, et Pauli, II Cor., iv, 18. penisse dictus est mundus, quamvis sola ejus cum suis Porro qui novitatem, commutationem in melius et non cidis pars ima perierit, Dc civitate Dei, 1. XX, c. xxiv, elementorum arbitrantur interitum, illo alentur exempto: η. I, t. xm, coi. 696-698. Ps. ci, 26, 27. In quo perspicue"demonstratur perdi­ Quand saint Pierre parle dc la ruine dc ce monde, tionem ct interitum non abolitionem in nihili, sed II Pet., m, 3-13, la comparaison avec le déluge montre commutationem sonare in melius. Il trouve le mémo ce (pii doit périr : non pas seulement le globe terrestre, sens dans Is., xxx, 16, et il cite l’exemple de l'homme mais aussi les deux aériens, dont l'eau avait rempli qui ne périt pas. malgré ses changements insensibles. l’espace, donc tout ou presque tout cet air venteux, D’après saint Paul, I Cor., vu, 31, figura pnderit, I que Pierre appelle ciel ou plutôt vieux, mais les vieux non substantia. Il en est dc meme de saint Pierre, inférieurs, non les supérieurs où le soleil, la lune et II Pet., ni, 5 sq., qu’il faut interpréter d’après le les astres sont placés. Le même monde, qui a été verset 13. Non dixit alios ados ct aliam terram vide­ inondé, est réservé au feu pour le jour du jugement bimus, sed veteres ct antiquos in melius commutatos. et la perle des impies. Quelqu'un demandera peutIbid., I. XVIII, c. lxv, 17, 18, col. G11-615. Quand être si cc monde brûlera après le jugement, avant il commente Matth., xxiv, 35, il dit encore : Cidum qu'à sa place un nouveau ciel ct une nouvelle terre et terra transibunt immutatione, non abolitione sui : soient posés, ct où seront en meme temps les alioquin quomodo sol obscurabitur et luna non dabit saints qui ont un corps. Nous pouvons répondre lumen suum ct stella· codent, si cælum in quo ista sunt qu'ils seront dans ccs parties supérieures où la flamme terraque non fuerit? in Matth., 1. IV, c. xxiv, 35, de l’incendie ne montera pas plus que n’y est montée t. xxvi, col. 180-181. l’eau du déluge. Leurs corps seront où ils voudront, Saint Augustin a parlé souvent de la fin du monde les saints ne craindront pas le feu de la conflagration, et a proposé des interprétations nouvelles qui ont eu puisqu’ils seront immortels et incorruptibles, comme un grand succès en Occident. Il a exposé les erreurs les trois enfants hébreux dans la fournaise. Ibid., des philosophes ct des hérétiques ct la véritable | 1. XX, c. xvm, col. ·■·.; doctrine chrétienne. Les philosophes prétendent que Peracto quippe judicio tunc esse desinet hoc cidum le monde, qui est un animal vivant, est éternel, qu’il ct hive terra, quando incipiet esse cidum novum ct doit toujours exister ct qu’il n’aura pas dc fin. Augus­ terra nova. Mutatione namque rerum, non omni modo tin les réfute en prouvant contre Porphyre qu’il interitu transibit hic mundus, comme le dit l’apôtre. ne faut pas fuir tout cc qui est corps. Serm., ccxlii, I dor., vu, 31, 32. Figura ergo pnvterit, non natura. c. vu, n. 7, P. L., t. xxxvui, col. 1137. D’autres Ibid., I. XX, c. xiv, col. 679. Le saint docteur revient pensent que le monde n’est pas éternel ni seul ni sur cc sujet au c. xvi, vol. 682. Le ciel et la terre unique ct ils imaginent des mondes innombrables fuiront, dit-il, à la vue du juge, siégeant sur son ou un seul ct meme monde (pii sc renouvellera un trône. Après le jugement, tune figura hujus mundi nombre dc fols innombrable, à certains intervalles de mundanorum ignium conflagratione pndcnbit, sicul siècles. De civitate Dei, 1. XII, c. xr, t. xm, col. 359; jactum est mundanarum aquarum inundatione dilu­ c. xm, n. 1, 2, roi. 360-361. C’est le sentiment de vium. Illa itaque, ut dixi, conflagratione mundana Platon et des académiciens. A bsit ut nos ista credamus, elementorum corruptibilium qualitates, qua corporibus col. 362. Cicéron dit avec les platoniciens que le monde nostris corruptibilibus congruebant, ardrndo penitus ne périra pas. ibid., I. XXII, c. vî, col. 759. Saint interibunt, atque ipsa substantia eas qualitates habebit, Philastre signale une hérésie sans auteur ni nom, qui ! quæ corporibus immortalibus mirabili mutatione con­ prétend (pie ce monde restera le même après la résur­ veniant : ut scilicet mundus, in melius innovatus, apte rection des morts, dans le même étal que maintenant, accommodetur hominibus etiam carne in melius inno­ ct qu’il ne changera pas dc telle sorte qu’il n’y aura vatis. Quant à la mer, il n’est pas facile dc dire si pas un ciel nouveau et une nouvelle terre, comme elle se desséchera sous l’action de cette très grande la sainte Écriture le promet. Dc hier., 67, l. xi.ii, chaleur, ou si elle sera changée en mieux, il n’est col 12 pas parlé dc mer nouvelle, sinon Apec., îv, 6; xv, 2; La fin de ce siècle est très clairement prédite dans mais il ne s’agit pas de la tin du siècle, ni proprement le ps. ci, 26-28. Porphyre, qui loue les Juifs de leur dc la mer, il est dit : tanquam mare; c’est une image. piété envers leur Dieu terrible, accuse les chrétiens Salvien oppose au sort final des méchants celui des d’une grande folie, parce qu’ils disent, meme d'après bons, cpi’il décrit en ces termes : Aha hire præclara les oracles des dieux hébreux, (pie cc monde doit ct beatissima : novos scilicet ados et novam terram, périr. Les chrétiens n’ont pas besoin des oracles vultum omnium rerum pulchriorem, idcrnum juslitiie hébreux pour l’admettre, car, dans les Écritures habitaculum, recens vdiftcium creaturarum, aureas qui leur sont propres, la fin du inonde csl annoncée : super rudes aelos sanctorum omnium domos, etc. 1 Cor., vu, 31; 1 Joa, n, 17; Matth., xxn, 35; II Adversus avaritiam, I II. n 10, P. Λ., t lui, coi. 200. Pet., m, 6, 10, 11. Selon ce dernier passage, les deux Gennade déclare très explicitement ; dementa, sont réservés au feu; mais ce sont les deux placés id est, cidum ct terram, non credamus abolenda per dans la partie basse du monde, où subsistent les ignem, sed in mdtiis commutanda : figuram quoque éléments qui seront détruits par le feu, les deux mundi, id est, imaginem, non substantiam, transituram. supérieurs demeurant intacts et dans leur intégrité, De ctel. dogmatibus, 70, P L, \ lvih, coi 996-997 Dans sn Con/o io, 25, P. I. , l un, co| si Mlint à savoir, ceux au firmament desquels 1rs astres sont fixés La parole dc Notrc-Scigncur : Les étoiles du Patrice dit ; Nam sol iste,qmm videmus, Deo jubente ciel tomberont, Matth , xxiv, 29, peut beaucoup propter nos untur, sed nunquam regnabit neque per­ 2329 FIN DU MONDE 2530 ménius sc pose cette objection : Pourquoi le monde manebit splendor clus. Ceux qui l’adorent seront a-t-il été créé, si c’est pour être détruit? Il répond misérablement punis. Le seul soleil qui demeure que le monde ne tend pits tout à fait à la destruction, in alernum, c’est le Christ que nous adorons. mais â la rénovation, πρός Ps. cm. 32. L·· chrétien Zaehée répond a son consultant que C’est le péché des hommes qui a rendu vainc la créature les éléments dont se compose le monde, ont été créés qui était bonne. Comme ü y avait peu d’hommes par Dieu ct qu’à sa venue pour le jugement, destructa bons, le déluge a fait périr presque toute l'humanité. in melius mutabuntur ut immortalia cum homine A cause des bons, la consommation finale est retardée. perdurent. Ils seront alors purifiés des souillures que Les choses corporelles qui doivent être restaurées nos crimes leur ont imprimées malgré eux cl dont ils par Je Lu ne périront pas, mais seront purifiées. gémissent, et ils retrouveront leur pureté première. Dieu créera dc nouveaux cicux cl une nouvelle terre : Consult., 1. I, c. xxv, A L., t. xx, col. 1094. Cette ils ne seront pas autres quant a la matière; ils seront restauration n’est pas absolument compréhensible créés, comme une maison qu'on ne bâtit pas sans pour nos intelligences. Nous pouvons cependant malt riaux préexistants. Pour rendre b matière mesurer les choses invisibles par les visibles. Justis incorruptible. Dieu détruira ce qui en elle est inutile autan in gaudia interna surgentibus, cadum novum ct ct superflu; ce qu elle a d’utile, il lui donnera une rudis terra revelabitur : il y luira une lumière plus forme nouvelle d’une beauté immortelle et incroyable, forte que celle du soleil; il n’y aura plus dc nuit, mais afin d’en faire un monde incorruptible. Dc même que un Jour perpétuel; il n’y aura plus de douleur, ni dc la terre a été purifiée par l’eau au temps de Noé, péché; on jouira à la fois du printemps et des fruits ainsi Dieu purifiera le monde par le feu à h consom­ de l'automne, sans variation des saisons ni pluie mation des temps, comme nous purifions certains ni chaleur ni froid, avec une agréable ct douce tem­ objets par le Lu. Le monde, inondé par le déluge, pérature; aucun souvenir des maux passés ne troublera n’a pas péri, mais seulement les animaux qui l'habi­ le bonheur. Ibid., c. xxvi, col 1094-1095. taient. 1-a terre ct ce qui est en elle, non les hommes, 5° Écrivains ecclésiastiques du v/f au lit· siècle. — doivent être brûlés; les impies seuls périront avec leurs 1. Dc langue grecque. — Procope de Gaza dit que le impiétés. In Epist. II Pet., ni, 5 sq., L exix, col. 609, ciel n’est pas éternel, car cc qui est éternel n’a ni 612, 613, 616. Voir son commentaire sur Apoc, xxî, corps ni ligure ni limites. InGen., i, l,P.G.,t. lxxxvii, 1, dans Cramer, op. cit. p. 477. col. 41. Quelques païens ont compris que le monde Théophylaetc a expliqué, hii aussi, les mêmes était corruptible, mais que pourtant il ne périrait » passages. Dans son Expositio in Epist. ad Rom., pas. Ibid., n, 19. col. 217. Cependant, le monde, parce vm, 19-21, P G., t. cxxiv, col. 445, 448, il reconnaît qu’il a eu un commencement doit avoir une fin, que, pour montrer quelle gloire nous acquerrons, saint •ροπής έπϊ τό κρεϊττον γενησομένης. Horn., vin, 21 ; Paul dit que la créature elle-même sera changée en I Cor., xv, 53; vu, 31; Luc., xxî, 33. In Is., xxiv, mieux. Elle espère grandement qu’elle sera trans­ col. 2196. formée en un autre état : elle sera glorifiée par l’in­ Sévère, sur 11 Pet., ni, 13, dit que toute créature corruptibilité comme nous-mêmes. Elle a été sujette attend d’être délivrée dc la corruption et remise en à la corruption à cause dc nous, et le ciel vieilli a gloire. Horn., vin, 20, 21. Cramer, Calena graxorum besoin d’être changé. La nature inanimée cl insen­ Patrum in iV. T., Oxford, 1810, t. vin, p. 101-102. sible sera transformée comme les hommes. Devenue Saint André de Césarée, In Apoc., c. xvm, P. G., corruptible par la corruption des hommes, elle I. evi, col. 273, entend cc texte : Le ciel sera roulé deviendra incorruptible quand les hommes le devien­ comme un livre, en ce sens que le ciel ne périra pas dront eux-mêmes. Dans ΓExpositio tn I Cor., vu, 31, et ne sera pas détruit, mais qu’il subira un roulement, col. 652, Théophx lacte observe que l’apôtre dit : un changement en mieux, comme saint Irénée l’en­ La ligure du monde passe ct sc dissout, pour désigner seignait. Plus loin, c. i.xiv, col. 420-421, il dit que ce que les yeux voient du monde. Son commentaire la créature, sujette au changement ct ù la corruption, sera, d’après l'apôtre, quand tous les hommes seront I de 11 Pet., m, 5 sq., t. exxv, col 1280-1281, est identique à celui d’Œcuménius, il suit la meme marche, ills de Dieu, renouvelée ct transformée en une forme il est cependant plus développé. 11 ajoute notamment plus belle. Tel est l’enseignement de saint Irénée, dc que Dieu, à la fin du monde, détruira par le Lu les saint .Méthode et de David. I*s cm, 30. Isaïe, lxv, 17, choses superflues, à savoir, les plantes, les animaux, 18; Lxvi, 22, s’y rapporte. Arélhas dc Césarée dit les herbes cl autres choses du même genre, qui sont aussi que le monde sera changé en mieux. Cramer, inutiles Λ la vie immortelle. Nous purifions par le op. cit., t. vm, p. 570. feu les choses impures; Dieu fera comme* nous, col. Pour saint Jean Damascene, les deux, parce qu’ils 128*1. Les nouveaux cicux ct la nouvelle terre, qu’il sont des créatures, sont corruptibles, ct ils ne périront créera, seront nouveaux, non par la substance et la pas entièrement; ils vieilliront, ct il y aura des deux matière, mais comme une maison neuve qu’on bâtit • nouveaux et une nouvelle terre. Apoc , xxî, 1. De avec d’anciens matériaux 11 détruira cc qui était fide orthodoxa, 1. Il, c. vî, P. G., t xciv, col. 884-885. inutile et superflu; il reformera avec une beauté Œcuménius a interprété plusieurs textes du Nou­ immortelle ce qui est utile et opportun pour un autre veau Testament, qui ont trait Λ la fin du monde. monde incorruptible, col. 1285. Sur Rom., vm, 21, il dit que la créature, soumise Euthymius Zignbcnc, In ps. ri, 26-28» P. G., Λ la corruption, recouvrera sa liberté, quand dc t. cxxvin. col. 1008-1009, par les cicux entend le corruptible qu’elle était elle deviendra incorruptible. premier ciel ct le firmament, d’après Gcn., i, 1, S. In Epist ad Horn., c xiv, P. 6’., t cxvm, col 181, 184. Ils périront ct seront changés en tant que créatures; Sur I Cor., vir, 21, il déclare que le monde que nous seul, le créateur est immuable. Les créatures vieilliront voyons passe et a une fin : c’est cc qui parait du monde qui n’est pas ferme et stable. Son commentaire sur | toutes, les deux cicux ct la terre avec eux, comme H Pci., m, 5 sq’., est plus développé. Dc même que le | des vêtements par l'usage ct le temps. Les mots déluge est survenu au ciel et à la terre, ainsi il csl j « ils seront changés · expliquent la phrase « ils établi que la destruction du monde sc fera par le feu, ‘ périront ». Les cicux eux-mêmes seront changés cl qui fera périr aussi les Impies. Ceux-ci périront par | renouvelés dans Hncorruptlon, comme saint Paul. les deux éléments dc toutes choses, l’eau et le feu. I I Cor., vu, 31, et Isaïe, xxxiv, 4, l’ont annoncé. l-cs philosophes grecs eux-mêmes ont su que le monde | Quelques-uns expliquent qu’ils seront roulés comme une couverture ct un babil qui ont fait l’usage auquel devait périr; tels Heraclide ct Empedocle. O’mV. - KO PICT. I»E TIIÊOL. CATIUU 2531 1·ΊΝ DU MONDE ils étaient destinés; ainsi le ciel, un meilleur usage advenant, sera lui-même changé en mieux. Sur la parole dc Jésus, Zn Matth., xxiv, 35, P. G., t. cxxix, col. 621, Euthymius dit seulement : Les deux, ccs créatures compactes ct immobiles, périront plutôt que mes paroles ne passeront 2. De langue latine, — Selon saint Grégoire le Grand, la mine du monde in ipsis jam causarum e//cetibus comprobatur. Epist., 1. I, epist. xi, P. L., t. lxxvh, coi. 458. Dans le symbole dc foi qu’il composa pour lui-même, il dit dc Notre-Scigneur : innovaturus sæculum per ignem in carnis resurrectione. J. Diacre, S. (iregorii Magni vita, 1. II, η. 2, P. L., t. lxxv, col. 88. Au jour du jugement, le juge apparaîtra avec scs anges, cælis ac terris ardentibus, cunctis videlicet elementis insui obsequii terrore commotis. Homil. ,χχντ, in Ev., n. 10, t. lxxvh, coi. 1203. A propos d’Ecclc., i, I, ct de Job, ix, 21, ce pape examine si terra et cerium vel qualiter transeat vel qualiter maneat. Utraque narnque per eam quam nunc habent speciem transeunt, sed tamen per essentiam sine fine subsistunt. Il cite et explique dans ce sens I Cor., vu, 31 ; Mat th., xxiv, 35. Sur les nouveaux deux ct la nouvelle terre d’Apoc., xxî, 1, il dit : Quæ quidem non alia condenda sunt, sed hæc ipsa renovantur. Cadum igitur et terra et transit cl erit, quia ct ab ea quam nunc habet specie per ignem tergitur, et tamen in sua semper natura servatur. D’où le ps. ei, 27, parle de changement. Quam quidem ultimam commutationem suam ipsis nobis tunc vicissitudinibus nuntiant quibus nostris usibus indesinenter alternant. Moral., 1. XVII, c. ix, n. 11, P. L., t. lxxvi, coi. 16, 17. Pour prouver quod essentia cæli et terræ in æternum subsistat, Talo, évêque dc Saragossc, cite cc passage des Morales dc saint Grégoire. Primasius, In Epist. ad Hcb., î, 11, P. L., t. lxvhi, col. 694-695, explique le pluriel : cæli. Il ne s’agit ni du firmament où sont les astres ni du del éthéré où courent les planètes, mais dc l’air où volent les oiseaux. Au jour du jugement, cc del périra non pour cesser d’être, mais il sera changé en une meilleure forme : d’épais il deviendra subtil ct clair. Saint Paul a dit que seule la figure du monde passe. Le feu s’élèvera aussi haut que l’eau du déluge, ct quelquesuns prétendent jusqu'au cercle dc la lune. Il y aura de nouveaux deux. Il répète la même chose, In Apoc., 1. V, col. 921, ct il écrit une phrase que nous allons retrouver textuellement sous la plume dc saint Julien dc Tolède ct qui est empruntée à saint Augustin Saint Julien, Prognosticon, 1. III, c. xlvt, P. L.,t. xcvr, col. 518, explique ainsi la fin du monde : Evi­ denti majorum sententia definitur quod, peracto judicio, tunc desinet esse hoc cælum et hæc terra, quando incipit esse urium novum et terra nova. Mutatione namque rerum, non omnimodo interitu transibit hic mundus. Tunc ergo figura hujus mundi mundanorum ignium con'lagratione peribit, sicut jactum est mundanarum aquarum inundatione diluvium. Illa itaque conflagra­ tione mundi, ut dixi (1. III, c. xvm, coi. 504-505), elementorum corruptibilium qualitates, quæ corporibus nostris corruptibilibus congruebant, ardendo penitus interibunt, atque ipsa substantia eas qualitates habebit, quæ corporibus immortalibus mirabili immutatione conveniant, ut scilicet mundus in melius innovatus apte accommodetur hominibus etiam carne in melius innovatis. 11 cite ensuite, c. xlvii, coL 518-519, saint Augustin, De civitate Dei, 1. XX, c. xvi, xvm. Dans scs commentaires bibliques, le Vénérable Bède enseigne la même doctrine Cælum enim et terra per commutationem innovationis transibunt. In Matthæi Ev expositio, 1. IV, P. L., t. xen, coi. 104 Son explication dc 11 Pet., m, est plus développée 2532 Les deux formés de l’eau ne sont, pour lui, que l’air humide et troublé, d’après .1er., vm, 7. la.· déluge n’atteignit pas les parties supérieures du monde. Les deux périront secundum quantitatem ct spatia acris hujus. Il cite saint Augustin et il entend par les deux du texte ceux qui sont proches dc la terre, où volent les oiseaux. 11 existe une discussion ali­ quanto scrupulosior inter dodos pour savoir si les deux des deux périront eux-mêmes par le feu, ou seulement ceux qui ont péri par le déluge. Saint Pierre ne parle que de ccs derniers qui ont été refaits après le déluge. Or ceux-ci sont sans aucun doute cet air, proche de la terre, qui doit périr par le feu, et seulement, ut recte creditur, sur un espace égal ù celui qu’occupèrent les eaux du déluge. Si on prétend que les deux supérieurs, où sont le soleil, la lune et les astres, doivent périr, comment entendre cette parole du Seigneur : Tunc sol obscurabitur? Matth., xxiv, 29. Si le lieu des astres passe, comment dire qu'en cc jour du Seigneur les astres s’obscurciront ou tomberont ct le lieu où ils sont fixés, passera, dévoré par le feu? Des quatre éléments deux seulement seront consumés par le grand incendie final ct n’existeront plus, ct les deux autres seront changés en mieux. Les vieux ct anciens deux ct terre seront changés en mieux. Ps. ci, 23. Ceux qui périront vieilliront ct seront changés. Constat pro certo, quia consumpta per ignem, mox, abeunte igne, gratiorem resument speciem. La figure du monde passe, non pas sa substance, comme il en sera pour notre chair ù la résurrection. I Cor., xv. L’Écriture ne parle pas ainsi du feu et dc l’eau; elle dit, au contraire, qu’il n’y aura plus dc mer, Apoc., xxî, 1, ni dc lumière, xvm, 23. In II Epist. Pet., ni, P. L., t. xcm, col. 80-82. Bède revient sur cc sujet. In Apoc., xxî, 1, col. 194. Tune figura hujus mundi supernorum ignium conflagratione prœteribit, ut, cælo et terra in melius commutatis, incorruptioni el immortalitati sanctorum corporum congrua utriusque commutationis qualitas conveniat. Sur le texte : Et mare jam non est, il dit : Utrum maximo illo ardore siccetur, an ct ipsum in melius vertatur, non jacile dixerim. Cælum quippe novum ct terram novam; non autem et mare novum futurum legimus. Nisi forte ut assolet prophetica locutio propriis verbis translata miscere, turbulentam hujus sæculi vitam, quæ tunc, cessabit, maris nomine figuravit. Dans sa Glossa ordinaria, Walafrid Strabon dit, sur Matth., xxiv, 35 : Innovabuntur deposita priori forma, permanente autem subslanlia, unde dicitur : Terra in æternum stat. P. L., t. cxiv, coi. 162. Pour commenter II Pet., m, 10, 13, il dtc le Vénérable Bède, col. 694. Les scolastiques ont souvent cité la Glose ordinaire aussi bien que la Glose interlinéaire, qui donne les mêmes interprétations. Haymon d’Halberstadt a interprété tous les pas­ sages dc ΓÉcriture, qui prédisent la fin du monde. Voici le commentaire du ps. ci, P. L., t. cxvi, col. 537-538 : Ipsi cæli peribunt : non quod substantia pereat, sed qualitates mutabuntur. Hæc quidem inferiora quæ ex nostra habitatione corrumpuntur, per ignem purgabuntur; ipsum etiam firmamentum mutabitur, quia stabile fiet. Quomodo peribunt quia secundum corruptionem hominum ipsa elementa corrumpuntur, velat terra quæ jam minus jertilis est quam prius, acr minus salubris... Mutabuntur, quando recipient aliam qualitatem. . et in illa immutatione permanebunt. Ce changement ne consistera pas, comme l’ont pré­ tendu certains hérétiques, en cc que les éléments retourneront à leur ancienne apparence, aussi bien que les hommes. Quand Isaïe, xxxiv, 4, parle des deux au pluriel, cc pluriel est mis pour le singulier, car U faut entendre ccs deux de l’air. C’est le langage courant; ainsi on dit les oiseaux du del. La milice 2533 ι FIN DU MONDE du ciel comprend le soleil, la lune ct les étoiles. Non defluent ita sidera ut cadant, sed, adveniente vera luce Christo, obtenebrabuntur illa, Matth., xxiv, 29, cadere videbuntur... Complicabitur iste aer, quia igne involve­ tur et outebitur complicari sicut liber... Non dicit interire cados, sed complicari quasi librum. In Is., I. II, c. xxxiv, ibid., col 890-891. On lit, ibid., 1 III, c. lxv, col. 1071-1072 : Sæpe multis in locis diximus superius cadum ct terram non per naturam neque per essentiam transire, sed per immutationem el innova­ tionem atque in meliorationem. Apoc., xxî, 1; I Cor., vn, 13. Cum dicit : Præterit figura, ostendit manere substantiam. Creo signifie innovabo. Aussi cxpliquct-il ce dernier passage : Transibit figura et species mundi per ignem, remanebit substantia renovata per ignem; clic sera améliorée et cc sera pour toujours. Eccle., i, 4. In Epist. I ad Cor., vn, 13, coi. 548. Transibunt cælum et terra, non ut esse desinant, sed immutabuntur 1 Cor., vn, 13. Voici comment ils sc renouvelleront : Fugient quippe a conspectu judicis ab ea specie guam nunc habent, ct ostendent pulchritu­ dinem quam nunc criant, Apoc., xxî, 1. Le feu occu­ pera dans l’air autant d'espace que l’eau du déluge. Quelques-uns, considérant î'Écriturc minus caute, ont dit que le ciel ct la terre passeraient par le feu avant le jugement. D’autres ont mis la résurrection des hommes d'abord, puis la rénovation du monde. Minus cauta conspectio, d’après saint Paul, I Cor., m, 13, et ps. xbix, 3. La venue du Christ, la résurrection dc la chair ct la rénovation du monde seront simul­ tanées. Elementa igne solventur, omnia Deo judicante per ignem. Alors les nouveaux cicux ct la nouvelle terre apparaîtront comme le printemps après l’hiver. Figura prætcrit, natura permanet. 1 Cor., vu, 13. Exposit. in Apoc., I. VII, c. xx, col. 1189-1190. Quant au texte : Mare jam non est, Apoc., xxî, 1, col. 11911192, il y a doute s’il faut l’entendre à la lettre ou spirituellement. La terre étant entourée d’eaux, on ne peut pas facilement dire si les eaux sc dessécheront naturellement ou par le grand incendie final ou si la mer sc changera en mieux. Si Dieu le fait, la terre pourra demeurer sèche. Deux des éléments seront changés en mieux: le ciel ct la terre passeront,c’cstΛ-dirc seront changés. Dieu seul sait si la mer ct le feu passeront ou seront changés, quoiqu’on lise : 11 n’y aura plus dc nier, ct la lumière ne luira plus. Nous saurons mieux comment cela sc fera, quand nous y serons parvenus. Saint Paschase Badbert dit plus simplement : Cælum ct terra transibunt, non ut non sint, sed ut sint in melius, immutati et incorrupti. Tout sera renouvelé. Apoc., xxî, 5. Exposit. in Matth., 1. XI, c. xxiv, P. L., t. exx, col. 825. Alton dc Verceil, In Epist. I ad Cor., vn, 31, P. L., t. cxxxiv, col. 358, dit aussi brièvement : Non mundus, sed figura transit; terra enim in æternum slat. Ecclc., ( i, 4. Ergo manci per essentiam, transit per innovatio­ nem. Saint Bruno le chartreux explique cc passage dans un sens di fièrent : Mundus quidem præteribit, sed jormæ substantiarum ejus destruentur, ut aurum, ruborc perdita, redibit in ternun cl cætera similiter. In Epist 1 ad Cor., vu, 13, P. L., t. clîii, col. 162. Il admet donc un changement substantiel et le retour des choses à leur état élémentaire primitif. I Anselme dc Laon conserve l’interprétation com­ mune. Enarrat, in Matth., xxiv, P, L., t. ci.xii, col. 1154, il dit : Peribunt. Quomodo? Quia renova­ buntur, deposita priori forma, permanente autem substantia, ut in Ecclesiaste tegitur, ι, 4. Enarrat, in Apoc., xx, col. 1571, il écrit encore : Fugit terra ab hac specie, et cælum, acr, cl locus non est inventus ab eis, secundum priorem statum. Un peu plus loin, I 2534 xxî, col. 1575, il ajoute que, dans^cctte vision, il s'agit de la rénovation des éléments. L’air sera renou­ velé ct le premier état des choses changé. Il n’y aura plus dc mer, ni avec ses mouvements ni même dans scs premières qualités, ct cependant il n’est pas certain qu'elle sera purifiée par le feu qui purifiera l’air et la terre ou par quelque purification matérielle. Bref, ecce nova jacio omnia* dit Dieu, tam elementa quam sanctorum gloriam, col. 1576. L'exégèse de Bruno d’Asti est plus complète encore. In ps. ci, P. L, t. CLXiv, col. 1087, il dtc Matth., xxm, 35, et il explique transibunt, quia in hac specie in qua modo sunt in aliam mutabuntur. 11 y aura des cieux nouveaux ct une nouvelle terre, Apoc., xxî, 1, et UH cæli qui superiores sunt mutabuntur in melius. In Matth., part. IV, c. xxiv, t. clxv, col. 174 : Cælum et terra transibunt, quia secundum hoc quo modo sunt tn melius commutabuntur In Apoc.,}. VI, c. xxi, 1, col 716-717 : Quoniam universalis ignis incendio, omni mundana corruptione exusta, ad primam pulchritudinem omnis redibit creatura, excepté le diable et scs membres. Illa scilicet omnia, quæ corrupta ct a pristina pulchritudine deformata fuerunt. La mer ne sera plus salée ct elle sera à l’état primitif de sa création. Les saints n’en sentiront plus les amertumes ct n’en subiront plus les tempêtes. Guibcrt de Nogent expose ainsi son sentiment : Après le dernier jour, tanto uniformior in solita sua puritate fiet mundus quanto per eum ultra transire valebit nemo pollutus. Hinc est quod, cælo novo terraque nova, interior exteriorque pervius ac habitabilis erit sanctis. Sanctis namque tam igne purgatis quam beata corporum immutatione promotis, et saculo, imo mundo ipso a veternis sordibus conflagrato el in incorrupti­ bilem habitum reparato, fiet status habitationis habita­ torumque undecumque conveniens, fiet utrobique una facto repurgio mansor ac mansio florens. Et sicut corpus ac anima in sanctis sub unius beatiludinis gloria jubilabunt, sic exterior interiorque mundus ad unam puritatem ex alterius concrematione redacti, splendidos sine omni importunitate, discursus sanctis ubique triumphantibus, apparebunt. De pignoribus sanctorum, L IV, c. ni, P. L., t. clvi, coi. 673. Bupcrt de Deutz est ù la fois théologien ct exégète. Comme théologien, il dit qu’au jour du jugement, le juge viendra in flamma ignis. Illo igne cæli solven­ tur, mare siccabitur, ut Patrum quidam arbitrantur, hinc forte in Apocalypsi Joannes inquit, xxi, L Cælos vero calore solvendos apostolica Scriptura non (acuit. II Pct., in, 7, 10. Leur dissolution par le feu précédera le jugement. De Trinitate et operibus ejus, I. II, c. vm, P. L., t. clxvh, col. 1813. Le commen­ tateur dc l’Apocalypse développe davantage sa pensée. Sur Apoc., xx, 11, il sc demande : Quomodo tunc fugiet (erra aut cælum? Nimirum terra magno confla­ grata incendio pristinam amittet speciem simulque opera terrena disparebunt. Le ciel fuira comme Ic psalmiste, ps. ci, 27, l’a prédit de lui et de la terre. Le cici que saint Jean nomme au singulier est le même que le psalmiste désigne au pluriel, à savoir, le ciel aérien, puisque l’air est appelé ciel. Il n’y a qu’un seul air, mais il a des qualités diverses selon les régions, ct on dit qu’il y a plusieurs cieux. De istis cælis non dubium est quia perituri sint, videlicet nimio calore soluti, quand le juge apparaîtra. II Pet., ni, 7. Il faut craindre cette étonnante fuite du ciel. On entendra le bruit des fuyards, qui sc briseront comme un vieux vêtement qui sc déchire. Ignis quippe non leviter tunc suas jussus exercebit vires ut non parum­ per cæli crepitent, comme ils le font quelquefois maintenant sous la chaleur dc l’été (ct les physiciens appellent cc crépitement des tonnerres), sed er it tem­ pestas valida valiJusque ignis qui in circuitu arde bit 2535 FIN DU MONDE 253« venientis. In Apoc., I. XI, P. L.t l. cl.xi.x, col. 1185les passages scripturaires qui traitent de la fin du monde. Sur Isaïe, lxiv, 2, il dit que les deux sc 1186. Sur Apoc., xxi, 1» col. 1189, Rupert ajoute briseront pour ainsi «lire afin de laisser passer le roi qu’après l'extermination de ceux qui corrompaient h terre, il y aura de nouveaux deux ct une nouvelle I des rois qui vient juger les hommes Ignis ante ipsum terre, c’est-à-dire que leur aspect sera nouveau ct ardebit... Nam ignis ille universos montes comburens aquabit vallibus et omnem terram complanabit. In changé en mieux. Le del ct la terre précédents auront Is., J. VIH, P. L., t. clxxxi, col. 5G5. Un peu plus perdu leur andenne apparence. Les docteurs doutent loin, sur lxvi, 16, col. 584, 585, il répète que le si la substance fluide de la mer sera entièrement desséchée et anéantie par la grandeur de l’incendie Seigneur viendra juger, igne circumdatus. Cc feu sera purificateur. Uniuscujusque opus quale sit ignis qui dévorera tout, ou si elle sera changée cn mieux de telle sorte que sa substance demeure, mais que probabit. I Cor, m, 14, 15. Les réprouvés surtout seront dans le feu. Sur terre, les pécheurs, igné son apparence soit autre. Honoré d’Autun, comme exégète, commente le i circumdati, qui inferiora hujus acris omnia cremabit, ps. ci, 27, 28 : Cum hic dicatur ; Cich peribunt, quœattendront la sentence du juge et goûteront d’avance rilur quomodo illa Scriptura dical : Terra in aternum l’aspérité des tourments de l’enfer. Nam ignis ille stat, Eccle., I, 4, et iterum : Omnia creatura Dei manet tantum spatium istius aeris occupaturus est quantum in aeternum? Sciendum quod forma rerum peribit, ipsa occupavit aqua diluvii. La sentence sera rendue, les justes étant cn haut dans l’air el les pécheurs en bas substantia in aeternum manebit... Caeli sunt quasi vestimentum mundi, qui senescunt et vetustate deficiunt au milieu de ce feu, in flamma positis increpatione in hac forma quic nunc sunt... Catum est (erra oper­ sua. Dieu jugera dans ce feu tous les hommes charnels. In Epist. 1 ad Cor., ni, 14, 15, col. 842 : le jour du torium, quod revolvitur ut tabernaculum Peracto autem Seigneur se manifestera dans le feu. Cum enim viderint judicio, adi in aliam formam mutabuntur, quia Dominus omnes ignem illum ante faciem judicis per totum tunc novum caelum et novum terram faciet, ct luna diffundi orbem, scient adesse du m judicii. Vel Dominus gloriam solis el sol lumen septem dierum habebit. In ps. ct, 27, 28, P. L., t. clxxii, coi. 301-305. Catéchiste, in illo igne revelabit, id est, apparebit omnibus bonis il expose son enseignement par demandes et par et malis. 11 Thess , i, 8. Ce feu éprouvera les œuvres, réponses, Elucidarium, I. III, 45, 46, col. 1168 : D. c’csl-à-dire la doctrine; il sera purgatorius. Le verset Quid postea de mundo erit? M. Conflagrabitur. Sicut 31 du c. vu de la même Épltrc csl expliqué dans le enim aqua diluvii mundo pnrvaluit et super montes sens d’un changement accidentel : Proderit figura omnes cubitis quindecim excrevit, ita tunc ignis prima­ mundi, non natura, ut in aliam speciem mundus ver­ ient super omnes montes quindecim cubitis altius tatur ct de hoc veteri civlo ac terra fiat eidum novum et ardebit. — D. Interibit penitus mundus? M. Perum terra nova. Les qualités des éléments corruptibles mutabilitas et panic peccati, scilicet, frigus, æstus, périront absolument par le feu : ipsa mundi substantia grandines, turbines, fulgura, tonitrua et alia· incom­ qualitates habere incipiet quæ corporibus immortalibus moditates, penitus interibunt; elementa vero purgata mirabili mutatione conveniant, ut scilicet mundus in permanebunt. Ps. ci, 27. Sicut enim prasens figura melius innovatus apte accommodatur hominibus etiam nostra corporum transibit ct longe aliam huic incom­ carne in melius innovatis, coi. 885-886. Cette dernière parabilem habebit, ita prasens mundi figura penitus phrase est de style courant, et beaucoup la trans­ prirteribit, ct tonge alia incomparabilis gloria forma crivent sans indiquer une citation de saint Augustin. erit. Is., lxv, 17. Enfin, les deux, les astres, les eaux, Les Pères et les écrivains ecclésiastiques jusqu’au s célestes qui sont incapables dc subir les deux impuretés dont il est l'instrument purificateur. Cc feu commencera en haut et descendra en bas, parce qu’au milieu est l'habitation des démons ct pour signifier que cc feu n'agira pas par vertu naturelle, mais comme instrument dc la puissance divine. Les éléments demeureront dans leur nature propre. Cc feu est de la même espèce que le feu élémentaire. I-a purification de la terre par le déluge a été faite au moyen dc l'eau naturelle. D'ailleurs, Dieu, qui pourrait, certes, créer un feu nouveau, ne crée plus dc nouvelles espèces, q. n. Quelques-uns pensent que ce feu sera produit naturellement par une constellation céleste. Mais leur sentiment est faux, car, autrement, on pourrait savoir quand cela aura heu: les autres éléments devraient servir dc matière; le déluge aussi aurait pu être naturel : cc que l’évêque de Pans Étienne a condamné. La pro­ duction de ce feu sera donc surnaturelle, comme son action principale elle-même, quoique une grande sécheresse naturelle doive la favoriser, q. ni. Il s’allumera avant le jugement, il progressera pendant le jugement. Il achèvera son œuvre après, q. iv. Il purifiera les élus qui seront encore vivants ct qui auront besoin d’etre purifiés et 11 réduira cn cendres les morts. Les autres élus mourront, puisque tout mouvement céleste aura cessé, et le feu incinérera leurs corps, pour qu'ils ressemblent aux autres, q. v. Il tourmentera les réprouvés avant ct après le jugement, el cc qu’il y aura cn lui d’impur descendra en enfer, q. vi. Ce qu'il aura dc pur cessera d’exister el par son action purificatrice sc résoudra cn sa ma­ tière première, q. vu. Dans la dist. XLVIH, a. 1, Richard étudie les i signes précurseurs du Jugement dernier. Les étoiles ne tomberont du ciel qu’en apparence, q. iv; l’obscur­ cissement du soleil et de la lune n’aura lieu qu’au temps du jugement, cl il résultera de la présence d’une plus grande lumière; il sera successif ou simul­ : tané, mais ne consistera pas dans une éclipse naturelle cl il aura pour but de terrifier les hommes, q. v; les vertus des en ux ébranlées seront ou bien le chœur des vertus, étonné que de pareils phénomènes soient produits sans lui, ou bien tous les anges, surpris de cc qui se passera, q. vi. L’art. 2 est consacré au renouvellement du monde. 11 di itérera dc la purifi­ cation, A catholic confutation of John Riders Claim of antiqudic in behalf of (he protestant religion, Koan, 1608 ; 2® The justification and exposition of the divine sacrifice of the masse, and of all rites and ceremonies therto belonging, s. I., 1611; 3° Britannomachla ministrorum in plerisque ct fidei fundamentis et fidei articulis dissidentium, Douai, 1614. Scs lettres cl divers manuscrits intéressant l’histoire de la controverse en Angleterre ont été publiés dans The Month (1891), dans The Irish ecclesiastical review (1893) cl dans Ibernia Ignatiana, t. i, p. 43 sq Sommcrvogél, Bibliothèque de a C1· de Jésus, t. in, col. 766 sq.; Hurler, Nomenclator, 1907, t. ni, col. 1007; The Month, t txxi, p. 380-390, 512-526; t. lxxii. p 232241. 379-395; t. LXX11I, p 80-84, 221-235; The Irish eccle­ siastical review, t. vin, p 211-219, 269-285. 313-321; t ix, p 23, 78-94, 187-192, 272-278 P. Bernard. FIUME Ignace, dominicain sicilien, «tait né en 1621 à Casai. Il entra à Naples dans h congregation della Santità, devint maître en théologie et enseigna pendant plusieurs années les saintes Lettres; il fut ensuite maître des étudiants. Après avoir repris ren­ seignement nu collège du Mont-Dieu ù Naples, il fut nommé régent du collège de Sainte-Marie della San· htd, où il eut pour élève le futur cardinal I toward, à qui il donna des leçons de controverse. Il commença la publication d’un écrit polémique contre les protestants sous le titre : Schola veritatis adversus mendacia Lu· theri, Calvini et protestantium erecta, 4 in-fol., Naples, 1675-1682. Le t. Ier, qui parut en 1675, traite de Dieu et de Jésus-Christ sauveur; le t. n, de 1677, de l’Église et du souverain pontife; le t. ni, de 1680, de la pa­ role de Dieu écrite ct traditionnelle et des conciles. Il était âgé de soixante ans, quand, le 23 juin 1681, Inno­ cent XI le nomma évêque de Poligniano. Il ne changea en rien scs habitudes de vie religieuse ct laborieuse, ct il publia le t. ïv, qui traite des sacrements en général, du baptême, de la conllnnation, de l’eucharistie, de la messe et de la communion sous les deux especes. Au mois de mai 1691, il mourut Λ Naples, à Sainte· Marie delta Santitd, frappé d’apoplexie. Eclmrd, Scnptonrs ordinis pnr dicatoruni, Paris. 1721, t. n. p 736; Hurter, Nomenclator, 3* édit , hispruck, 1910, t ïv. col. 390. E. Manglnot.