DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT L’EXPOSÉ DES DOCTRINES DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE LEURS PREUVES ET LEUR HISTOIRE COMMENCÉ BOUS LA DIRBCTION DH E. MANGENOT A. VACANT l’ROEKSSHUR AU GRAND SÉMINAIRE DB NANCY PROFESSEUR A L’iNSTITUT CATHOLIQUB DB PARIS CONTINUÉ SOUS CELLE DB Mgr É. AMANN PROFESSHUR A LA FACULTÉ DK THÉOLOGIE CATHOLIQUE DB L’UNIVERSITÉ DB STRASBOURG AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS TOME SIXIÈME PREMIÈRE PARTIE FLACIUS ILLYRICUS — GEZON PARIS-V1 LIBRAIRIE LETOUZEY ET ANÊ 87, Boulevard Kaspail, 87 1947 TOUS DROITS RÉSERVÉS i r.» 4TJ4* 1« . · J * · Γ Imprimatur ♦ Τ’ ΠΓΠ *■· · A <*J ’H ηΚΤΜΊ Parisiis, dic 31* martii 19Η. t Leo Adolphus, Card. AMETTE Arch. Paris. j n * Mi Î J*'»- 4 DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE (Suite) FLACIUS ILLYRICUS. — I. Vic. IL Écrits. i II en fut le docteur rigide et ombrageux. Par l'étendue I. Vie. — 1« Sa jeunesse. — Flacius Illyricus I de son savoir, par la multiplicité de scs travaux, s'appelait Francowilz (Mathias) du nom de son père. par l'ardeur de sa parole, il s'imposa non sans faire Il naquit à Albona, au sud de l'Istrie, dans l’Iilyrie parfois de profondes blessures à quelques-uns de vénitienne, en 1520. de parents pauvres. Tout jeune ses coreligionnaires, entre autres à son protecteur il manifesta les meilleures dispositions pour I élude. 11 et ami Mélanchthon, ni surtout sans soulever de eut pour premiers maîtres son père, qu’il perdit à 1 âge terribles tempêtes qui, pendant un quart de siècle, de douze ans, puis le Milanais Ascénus et plus lard, à devaient troubler Γ Allemagne protestante et le firent Venise, le célébré Jean Egnatius. Se sentant quelques regarder comme un brandon de discorde velléités de vocation religieuse, il voulut entrer dans La discussion de VIntérim le mit d’emblée au l’ordre fransciscam, où son oncle maternel, Baldo premier rang malgré sa Jeunesse. A plusieurs reprises, Lupetino, exerçait alors la charge de provincial. Mais en vue de calmcr les esprits et d'apaiser les querelles Baldo, déjà luthérien de cœur, l’engagea à poursuivre thcologiqucs, causes de trop de troubles, on avait ses études théologiques en Allemagne, où Luther essayé de faire accepter aux protestants et aux faisait revivre l'Evangile. Quoique dénué de res­ catholiques, par des concessions réciproques, un sources, Flacius partit pour l’Allemagne. Installé terrain d’entente provisoire, en attendant qu’un con­ d’abord ù Bâle chez Grynæus, puis à Tubingue citez cile général eût statue sur les points en litige. Ce fut son compatriote Garbitus, il se pcrfcctio.ina dans d’abord à Ratisbonne, en 1541 et 1546; mais l'intérim la connaissance du grec cl de l’hébreu. Et après un proposé fut loin de rallier tous les suffrages, et l’accord court séjour à Balisbonne, il se rendit à Wittenberg, poursuivi parut être une pure chimère. Ce fut ensuite le foyer principal de la lutte antiromainc à la diète d’Augsbourg, en 1548; le nouvel Intérim 2° A Wittenberg ( /541-1549). — Flacius avait vingtse heurta aux memes protestations et subit un sem­ ct un ans; telle était son avidité dc savoir, son blable échec. Trop de concessions, disaient non sans raison les catholiques. Prenez garde à l'intérim, application Λ 1 étude, sn trempe de caractère qu’il fut reçu â bras ouverts par Luther et Mélanchthon criaient à leur tour les protestants, il cache un piège. El Flacius prétendait qu’il n’avait été inventé que comme une précieuse recrue pour le succès de leur œuvre. Il passa d’abord par une crise de mélancolie pour amener les chrétiens à trahir le Christ et à atroce, dont il put enfin se ren rc maître, et prit scs délivrer le * Barabbas romain. » Maurice de Saxe grades de docteur. Grâce à l'appui de scs chefs, il allégua pour sa part qu'il ne pouvait l’accepter sans obtint, en 1514, la chaire d’hébreu et fut ainsi à blesser sa conscience et sans manquer à sa parole, l’abri du besoin. L’année suivante, i se maria. Réfugié car il avait promis à ses sujets de n'introduire aucun à Brunswick pendant les troubles de la guerre de changement re'igieux avant d’avoir consulté scs Smalcaldc, il rentra à Wittenberg en 1547, et dès États et scs théologiens. Une nouvel e conférence se lors commença pour lui une carrière d'incessante réunit donc à Leipzig, le 22 décembre 1548. Il y avait activité cl de discussions continuelles, non seulement là, entre autres,Mélanchthon et Major de Wittenberg, contre le papisme, mais aussi, car il était d’une et Jean Pfcfllngcr, surintendant de Leipzig. On dé­ intransigeance et d’une intolerance peu ordinaires, cida qu'en matière disciplinaire, sur les choses indif­ contre quiconque, parmi les protestants, semblait férentes, αδιάφορα, ou moyennes, res mediæ. on s’en menacer la pure doctrine de Luther. tiendrait à l'intérim d’Augsbourg, ce qui permettrait Luther étant mort, Flacius prit en mains sa cause. une entente avec l’ancienne Église, tandis qu’en ma· DICT. Dr TllÊOL. CATH0L. VI - 4 3 FlaCl US ILLYRICUS tière doctrinale on maintiendrait renseignement de Luther. Cette tentative d’accommodement jeta la discorde parmi les protestants. Flacius, en disciple ombrageux et passionné de Luther, y vit une fâcheuse concession au papisme; il reprocha amèrement à Mélanchthon, qu’il traita de « tison d’enfer transformé en papiste, > d’accepter comme choses indiflércntcs les vieilles cérémonies et les usages anciens de l’Égiisc romaine. C’était, disait-il, l’alliance entre le Christ et Bélial. Tel fut le point de départ d’une guerre sans merci poursuivie par Flacius et scs partisans contre ceux qu’ils n’appelaient plus que les philippiens, les adtaphorisfes. L’amitié dont l’avait honoré Mélanchthon se changea dès lors en une opposition d’autant plus blessante que Fladus ne tint aucun compte des bienfaits reçus, ce qui ht dire plus tard à Mélanchthon qu’il avait nourri un serpent dans son sein : Multis beneficiis affcclus est a b Academia nostra et a me. Verum aluimus in sinu serpentem. Dianus esset, cufus fronti stigmata inscriberentur, qualia rex Macedo in­ scripsit militi : ξένος αχάριστος. Corpus reformatorum, L vi!, p. 449. Flacius ne pouvait plus décemment rester près de Philippe Mélanchthon; il donna sa démission de professeur et quitta Wittenberg pour se rendre à Magdebourg. 3® A Magdebourg (1549-1557). — La scission était faite. Magdebourg devint la chaire de Dieu, der Kanzel Godes, la rivale de Wittenberg, le foyer de la lutte contre Y Intérim et les adiaphoristes. Maurice de Saxe dut assiéger la ville pour maîtriser h rébellion. Échappé à temps, Flacius se mit Λ par­ courir toute l’Allemagne du Nord pour ameuter les protestants contre les Intérim d’Augsbourg et de Leipzig et contre l'adiaphorisme. On comptait, à Wittenberg, qu’une fois la ville prise, Arnsdorf et Gallus, à défaut de Fladus, seraient pendus comme les fauteurs principaux du désordre. 11 n en fut rien; Maurice de Saxe crut plus prudent de ne pas sévir. Mélanchthon obtint du moins du prince d* Anhalt que Flacius quitterait son refuge de Kôthen. Flacius rentra tout simplement à Magdebourg, malgré la présence des troupes de l’électeur. Assuré de l’impu­ nité, il fulmina de plus belle contre Mélanchthon et les philippiens. 11 publia en 1550 à Magdebourg, en langue latine, tout ce qu’il avait écrit Jusque-là contre les adiaphoristes, M. Flac. Illyrici omnia scripta latina contra adiaphoristicas fraudes edita. « lis veulent, disait-il, concilier le Christ et Bélial; ils retournent au papisme; ils prétendent qu’on peut prêcher sans attaquer l'Antéchrist romain ! Ne vontils pas ramener toutes les abominations papistes par leur adiaphorc? > Ces reproches exagérés étaient peu de chose à côté de la divergence doctrinale, qui s’accusait dès lors toudiant le dogme luthérien du salut par la foi seule. Flacius accusait Mélanchthon de l'avoir abandonné et d’introduire celui de la nécessité du concours humain. · Ne rôvcnt-ils pas une coopération de l'homme dans l'œuvre de sa conversion? Quoi 1 ils nient que l'homme n'y a pas plus de part que s'il était un bloc 1 Ils ont confiance dans leurs propres œuvres I Mieux vaut cent fois envoyer les enfants dans les plus infâmes lupanars qu’à l'université de Wittenberg, où l’on enseigne des doctrines aussi diaboliques. > Cf. Omnia scripta, præf., p. A, Λ, 6, 8, D, 6, E; Gründliche Widerlegung aller Sophisterei, so Junker Eisleb, Dr. Intérim, Morus, Pfefllnger, Dr. Geiz, etc., das Leipsiche Interim tu beschônigen gebrauchen, p. J, 3, K ; Die fürnehmsten Adiaphoristichen Irrthümer mitte-Vorr. etlicher treuen Lehre, p. G, 2; Klaerliche Eeiveisung, dass aile diejenlngen, ivclche die Schri/ten wider das Interim und Miticldinge fell tu haben und zu lesen verbieten, etc.. 4 Magdebourg, 1550, p. A, 5, 8. On trouve encore un écho de cette controverse dans l’épltrc dédicatoire de la V· centurie, Bâle, 1562, p. a, 4. Quiconque avait trempé dans l'Intérim, quiconque surtout s’écartait de la pure orthodoxie luthérienne, tombait sous les coups oc Flacius. Major fut de ce nombre. Non seulement il avait accepté les décisions de Leipzig, mais il se permettait d’enseigner que l'homme n’est pas inerte comme un bloc dans l’œuvre de sa conversion et que les œuvres sont nécessaires pour le salut. Flacius quali lia de trahison son passage à l’adiaphorisme et son enseignement sur la justifi­ cation; en 1552, il lui décochait un libelle, où il l’appelait ’e Docteur Avarice pour lui reprocher son amour de l’argent : Wieder den Euangelisten des Heiliger Chorrocks, Dr Geiz Major. Naturellement les professeurs de Wittenberg, indignés qu’un homin'* aussi jeune se permit de telles diatribes à l’égard des anciens, répliquèrent. Ce n’est point, disaient-ils, nar zèle religieux, mais par dépit, que Flacius agit et parle de la sorte. Et ils l’appelaient, à leur tour, le plus endiablé de tous les diables, un monstre d’orgueil et d’ambition. Discourtoise et acerbe, la lutte devait se prolonger longtemps encore. Entre temps, Flacius s’en prenait aux oslandrlstcs. A Nuremberg d’abord, à Kœnlgsbcrg ensuite, entre 1548 et 1552, Osiander avait osé enseigner que le salut de l’homme ne s’opère point e égard aux seuls mérites du Christ, que Dieu ne couvre pas seulement les péchés de l’âme, comme le soutenait Luther, mais qu’il sanctifie aussi son cœur; la justification consiste, disait-il, en ce que Dieu demeure dans l’âme, et la rend sainte, et non pas simplement en ce qu'il ne demande pas compte au pécheur de scs fautes. Une telle dérogation aux principes de Luther parut mons­ trueuse, blasphématoire et impie au portc-drapeau du pur luthéranisme : Flacius réfuta Osiander, exposant avec clarté le dogme luthérien et en en montrant les conséquences logiques. Confessionis And. Oslandri de justificatione refutatio, Francfort-sur-leMcin, 1552. Tous ces coups de langue et de plume, tous ces opuscules et traités, où trop souvent l'ironie de la forme, la violence du ton, les écarts de la colère se mêlaient à la discussion c*?s plus graves problèmes th ologiques, ne pouvaient qu’irriter les âmes, ulcérer les cœurs, attiser les haines et accentuer les divisions, au plus grand détriment de la réforme. C’était à la fois déplorable et dangereux. Mieux valait à coup sûr faire taire toutes ces rancunes et mettre un termo à ces discussions passionnées; l’avenir de l’œuvre commune en dépendait. L’ayant compris, Flacius essaya de réconcili r les partis à rassemblée de Coswick, en 1556, mais n’y réussit pas, tant les bles­ sures étaient profondes. C’était donc la guerre à ou­ trance, et, pour sa part, Flacius la mena avec plus de virulence que Jamais contre tous ceux qu’il consi­ dérait comme des luthériens dégénérés. L’entente du moins pouvait se faire contre l’ennemi commun. Dans un but apologétique, Flacius voulut prouver que l’Égiisc luthérienne seule, et non l’Égliso romaine, a le droit de se dire apostolique, en montrant par l’histoire qu'elle est pleinement d’accord avec l’Égiisc primitive : de là le gigantesque projet de relever, siècle par siècle, tout ce qui, dans le passé, pouvait apporte»· un témoignage à cette thèse. Mais pour mener à bien une telle œuvre, des coopérateurs habiles et laborieux, des secours pécuniaires, des livres et des manuscrits étaient indispensables. L'en­ treprise était d'un intérêt trop important pour ne pas être acceptée de tous. Aussi rien ne fit défaut; et quoique de Wittenberg fût partie l’accusation qu'on avait recouru à des soustractions frauduleuses et A 5 FLACIUS ILLYRICUS G dei vols manifestes pour réunir les sommes et les Strigcl et lui; cette discussion eut lieu à Weimar, en manuscrits nécessaires, Flacius trouva prés de scs août 1560, et dura huit jours. Flacius se vanta bien amis la collaboration et dans sa volonté l'énergie de plus tard d'y avoir eu gain de cause; mais pressé par commencer et de poursuivre inlassablement les ' Strigcl, il fut obligé de déclarer que le péché originel fameuses Centuries de Magdebourg. En attendant est la substance même de 1 homme; ce qui lui valut que pût paraître la première, il fit imprimer à Bâle, d’être accusé à son tour de manichéisme. Dés lors en 1556, le Catalogus testium veritati son étoile pâlit à léna. L'autorité civile n'hésita pas 4· A Una (1557-1561). — En 1557, Flacius fut à déposer tout pasteur ou prédicateur qui soutenait l'opinion de Flacius. Ce fut une nouvelle occasion nommé professeur et surintendant à léna. Les ducs de troubles et de discordes. Flacius soutint alors la de Saxe avaient voulu faire de cette ville un centre universitaire, destiné à devenir la citadelle du pur liberté et l’indépendance du ministère ecclésiastique luthéranisme, par opposition aux universités de vis-à-vis du pouvoir temporel. Mais l’électeur de Saxe brisa dans son germe cette tentative de théo­ Wittenberg et de Leipzig, devenues trop suspectes. cratie, en revendiquant l'autorité supérieure dans les En même temps que lui furent nommés scs amis a flaires ecclésiastiques, et signifia qu’il repoussait Judex, Wigand et Musæus. 11 ne pouvait que se toute espèce d'inquisition. Il Ût juger Flacius, à la réjouir de cette bonne fortune qui lui assurait un théâtre nouveau pour son action incessante. Mais, lin de 1560, dans un consistoire, dont faisait partie là comme ailleurs, son humeur batailleuse, sa suscep­ précisément PfeAinger. Finalement il le destitua ainsi tibilité et son intransigeance doctrinales devaient que ses amis. A cette nouvelle, Wittenberg se réjouit, des enfants y parcoururent les rues en chantant des soulever des luttes vives et passionnées. 11 y avait à léna, depuis 1518, le professeur S tri gel, couplets satiriques contre Flacius. qui avait sans doute mené le bon combat contre les 5· En exil (1562-1567). — Flacius commença alors intérimistes, les adiaphoristes, les majoristes, les une vie errante, mais nullement inoccupée. Il se osiandristes et les zwingliens, à Eisenach et à Worms retira à Hatisbonne chez son ami Gallus, un chaud par exemple, mais qui n'en était pas moins le disciple partisan de la bûche et du bloc. Il vit une vengeance et l’ami de Mélanchthon. Plus libre que son maltre du ciel dans le fait que, parmi scs ennemis, l'un, pour faire connaître le fond de sa pensée, il avait l’électeur de Saxe, avait été mis au ban de l’empire, soutenu la nécessité d’une coopération active de la et que l'autre, le chancelier Brück, était mort sur part de la volonté humaine dans l'œuvre de la con­ l'échafaud. Il n'en continua pas moins à travailler. version. Tel n’était pas l'enseignement de Luther ni Il visita les protestants de l’Alsace autrichienne. En 1566, il fut appelé à Anvers avec quelques-uns de scs celui de Flacius. C'était la dispute du synergisme qui amis pour y organiser le culte réformé; la même année. allait se joindre à celle de l'adiaphorismc. Un éclat Il publiait le De translatione imperii romani ad Ger­ ne pouvait manquer de se produire. manos; en 1567, la Confessio ministrorum Jesu Christi Déjà un professeur de Leipzig, Jean PfcAlngcr, un in ecclesia Anltverpensi, la Ciao is Scriptura sacrae. autre mélanchthonien, traité de renégat par Flacius De peccati originalis aut veteris Adami appellationibus pour avoir collaboré à la rédaction de l’Intérim, soutenait, depuis 1550, que la volonté de l’homme et essentia. La liberté du culte ayant été retirée aux doit nécessairement coopérer à sa conversion. Le protestants des Pays-Bas, force lui fut de quitter principe du salut par la foi seule était ainsi battu Anvers. en brèche. Dans son enseignement à léna, Flacius Mais où aller? Sa polémique virulente lui avait reprit la question. Comparant la volonté à un bloc de aliéné les deux princes du parti les plus puissants, marbre ou à un morceau de bois, il la déclarait aussi les électeurs de Saxe et du Palatinat, qui lui lirent morte à tout mouvement spirituel, aussi incapable interdire l’accès de la plus grande partie de l’Alle­ de tout bon sentiment qu’une pierre ou qu’une bûche, magne protestante. Il se retira à Francfort-sur-lcétrangère par conséquent à la conversion, qui appar­ Mcin. Mais sa Clavis Scriptura sacrae suscita de tient exclusivement à l’acte souverain de la toutenouvelles polémiques cl accentua encore les divisions, puissance divine. En 1558, il avait écrit contre non pas simplement à cause des nombreux plagiats PfcAlngcr une réfutation, He/utatio propositorum qu'il y avait faits, mais à cause de son opinion sur Pfefflngcrii de libero arbitrio. Mais il rêvait de faire le péché originel. S'appuyant sur Luther, qui avait interdire absolument l'enseignement du synergisme. dit : Tout est pêché dans l’homme, sa naissance, Dans ce but, il obtint des ducs de Saxe qu’ils sa nature, tout son être, il prétendit une fois de plus demanderaient à Strigcl la réfutation écrite de toutes que le péché originel avait radicalement changé et les opinions nouvelles qui s'écartaient du pur luthé­ perverti la substance de l’homme : d’où le nom de ranisme. Strigcl composa la réfutation demandée substaniialistcs donné à scs partisans, à Gallus et mais non telle que la désirait Flacius, car il n’ad­ Musæus entre autres, par opposition à ceux qui mettait nullement la théorie Ancienne du bloc et de faisaient porter les conséquences du péché originel la bûche, Block und Klolzlehre, pas plus que celle non sur la ubstance de l’homme, mais sur les accidents, d’après laquelle, selon Flacius, le péché originel est d’où leur nom d’aœtâenZahsfes(Wigand,Andreæ, etc.). la substance même de l’homme. Aussi fut-il accusé C’était de nouvea souAler le vent et déchaîner la de synergisme et par suite d’hétérodoxie luthérienne. tempête; mais c’était aussi s’attirer des déboires. Dans le Con/utationsbuch, qu’ils publièrent à Weimar, Cause de tant de bruits et d'agitations, Flacius parut en 1558, les amis de Flacius, Stoesscl, Musæus et un hôte compromettant; les autorités de Francfort Merlin, montraient que le synergisme est une opinion le prièrent de quitter la ville. 6° A Strasbourg (1567-1571). — Il trouva un asile impie des adiaphoristes. Ce livre, que Jean-Frédéric de Saxe voulut imposer sous des peines sévères à Strasbourg, mais à la condition de s’y tenir coi et de ne point susciter de nouveaux troubles. Il tint comme le formulaire définitif de la foi, condamnait parole pendant quatre ans; mais il n’en At pas moins comme hérétiques tous ceux qui ne pensaient pas comme Flacius; c’était un nouveau motif de discordes. imprimer à Bâle, en 1569, le De essentia imaginis Dei Strigcl l'attaqua aussitôt et ameuta les étudiants; et diaboli, et le De occasionibus vitandi errores in il fut alors jeté en prison, mais il fut relâché quelques essentia justitia originalis, et, en 1570, la Defensio doctrina de originali justitia et injustitia, ainsi que la mois après, grâce au chancelier Brück, et put re­ Glossa compendiaria in Novum Testamentum. Mais prendre sa chaire. Ce n’était pas le compte de Flacius, qui réclama et obtint une discussion publique entre en 1571, il fut relancé par Andrew qui vint soutenir - ■«· FLACIUS ILLYRICUS a avec lui une discussion publique devant les prédi- I modement, qu’il qualifiait d’alliance entre le Christ <3leurs de h ville. Poussé dans scs derniers retranche­ et Bélial, il les regardait comme un retour en arrière, ments, 11 promit de renoncer au mot substance, mais comme une abdication. 11 ne traita pas avec moins de sévérité et d’emporte­ Il rtfus-i d’admettre celui d’accident. L’accusation de manichéisme reparut aussitôt, et les pasteurs ment ceux de scs coreligionnaires qui sc permettaient rompirent avec lui. Pour toute réponse, il leur adressa , d’intcqirétcr dans un sens mitigé la doctrine luthé­ son Engel der Finsterniss, pour qu’ils pussent se rienne ou d’introduire dans les questions du péché convaincre que la doctrine de ses contradicteurs I originel, du salut et de la justification quelques n’était nen moins qu’une abomination papiste. II I nouveautés jugées inacceptables. Gardien inflexible de la pure orthodoxie, il estimait que l’enseignement eut beau ensuite en appeler à la diète de Spire, les de Luther devait rester le dernier mot, absolument Strasbourgeois l'accusèrent d’avoir rompu le pacte intangible et sacré : de là le rôle qu’il joua d’Aristarque promis, et le conseil, à la demande de l’électeur de ou plutôt de pape luthérien intransigeant. Il avait Saxe, le fit bannir. pour lui la logique, mais elle était basée sur un faux 7· Ses dernières années (/572-1575). — Fladus point de départ; au nom du libre examen, chacun était désormais condamné à errer comme un vagabond pouvait lui répondre qu’il avait le droit d’exprimer dans cette Allemagne protestante qu’il avait remplie sa pensée et de faire valoir scs convictions. Lorsque de ses œuvres, de scs querelles théologiques et de sa Flacius constata l’insuccès partiel de ses eflorts, puissante personnalité. Réfugié à Bâle, il fut obligé lorsque par surcroît il se vit en butte aux suspicions d’en partir encore, à 1a demande de l’électeur de et à la persécution, il ne manqua pas de déplorer la Saxe. < Les calvinistes, dit Dôllingcr, La Réforme, triste situation religieuse de l’Allemagne, de récri­ trad, franç., Paris, 1819, t. n, p. 245, poussèrent des miner contre les uns et les autres; et finalement il cris de Joie en voyant que l’Achille du luthéranisme en appelait au jugement dernier, qu’il croyait immi­ était dans son propre parti évité comme un pestiféré nent. et repoussé comme un galeux. > A Francfort on ne C'est dans les épltrcs dédicatoircs placées en tète voulut pas le recevoir; Il se rendit secrètement à de chaque centurie qu'il manifeste ces sentiments; Mansfeld, puis à Berlin, parcourut la Silésie et la celle qu'il adressait à Éric, roi de Suède, en publiant Hesse, à la faveur d’un déguisement, et retourna fina­ la V· centurie. Ecclesiastica historia, Bâle, 1562, lement à Francfort, d’où on allait encore l'expulser, p. a,4,5,6, est particulièrement intéressante à ce sujet. lorsqu’il mourut, relativement jeune, le 11 mars 1575. C’était après son expulsion d’Iéna. Il y rappelle « Ainsi succomba Flacius, après avoir été traqué d’abord les magnifiques élans de la prédication évan­ par toute l’AUernagne protestante comme une bête gélique à scs débuts; mais quels changements depuis I fauve. Si la fin malheureuse de cet homme qui, par l’étendue de scs connaissances dans la théologie et Sed quali, proh dolor! et quam horrenda ingratitudine l’histoire, l’emportait sur tous ses contemporains nos homines ista ingentia omnipotentis Dei beneficia protestants, fit si peu de sensation, on le peut expliquer excipimus! Quam enim tetra peccata, scelera, fiagitia parce que, sous cet te Réforme qui dévorait scs propres in orbe Christiano nunc simul inundant! Sans doute, enfants comme un autre Saturne, rien n’était alors ajoute-t-il, faisant allusion à lui-même et à scs amis. plus commun que de voir des réformateurs et des pas­ Il est encore des docteurs, dispersés çà et là, qui teurs mourir de la même mort; et sans doute aussi, maintiennent la pureté de la parole divine et dénoncent parce qu’on ne pouvait guère le plaindre d’avoir à courageusement les multiples erreurs, mais ils sont endurer un traitement qu’il avait fait lui-même subir vilipendés et persécutés, non seulement par les à Mêlanchthon, son bienfai eur. » Dôllingcr, op. cit., enfants du siècle, de la part desquels cela n’a pas t. n, p. 216. Il finit comme le bouc émissaire de tout lieu de surprendre, mais aussi par des confrères qui son parti. Une telle fin, si elle s’explique jusqu’à un les traitent de rigoristes, d’hérétiques, de brandons certain point par les défauts de l’homme cl l’intran­ de discorde, jusqu’au point de faire agir le bras sigeance trop altière du docteur, n'est pas à l’éloge de séculier, donec desperantes de suæ causæ bonitate ses coreligionnaires. Flacius, semble-t-il, méritait et gladio spiritus, sollicitant et instigant potcnliorcs, ut mieux, car il fut le plus grand théologien luthérien ejusmodi voces sua auctoritate, quin et cruentis gladiis, de son temps et le disciple le plus obstinément fidèle compescant. Suit une allusion aux troubles regrettables à la doctrine de Luther. de V Intérim,cl l'énumération des concessions fâcheuses II. Écrits. — 1° Activité littéraire de Flacius : et des erreurs nouvelles : Cessio /acta est in articula sentiments qui Γ inspirèrent. — Toujours sur la brèche. de libero arbitrio, in gratiam papistarum, quasi homo Ha ci us ne cessa pas de combattre par la plume. non regeneratus possit in conversione ad Drum cooperari. — Cessio..., quod principaliter fide justificamur ; quod Écrits en allemand ou plus souvent en latin, scs de particula sola in ista propositione : sola fide justifi­ lettres, scs opuscules, scs petits traités et scs ouvrages camur, non sit pugnandum coram Antichrist i sociis. — de longue haleine témoignent de la plus grande Cessio...,quod bona opera sunt ad salutem seu justitiam activité littéraire. Deux sentiments surtout l’exci­ necessaria, et quod impossibile sit absque bonis operibus tèrent : la haine contre l’Églisc romaine et le désir salvus seu justus fieri. — Cessio...,quod in caeremoniis d’assurer le triomphe à la cause de la Réforme par viva Antichrist! larva sit recipienda. C’est, dlsait-11, le maintien intégral de la doctrine de Luther. le triomphe de la philosophie et du papisme. Et La haine rend d’ordinalrc excessif et injuste : ce fut faisant allusion à Mêlanchthon, il sc moque de ces le cas pour Flacius. Sans parler de la grossièreté des amateurs de conciliation, de ces hommes d’autorité termes ou de la virulence des propos, il eut recours et de doctrine, qu’on en est venu à vénérer comme des à la satire, au pamphlet, à la calomnie. C’était sans demi-dieux ou des idoles, non aliter quam semidei et doute à scs yeux de bonne guerre, car il estimait qu'on ne devait avoir ni trêve ni repos contre l'Anté­ I qüadam idola. 11 déplore enfin l'intrusion du pouvoir christ et b cour de Rome, et que tout était bon pour civil dans les a flaires religieuses, ce qui va donner combattre U cause de tant de maux. Aussi, chaque autant de papes que de princes, de magistrats ou do grands seigneurs; et quels papes, quand la plupart fols qu’en vue d’apaiser les esprits et de faire cesser d’entre eux ne savent même pas se servir du glaive les discordes religieuses, on essaya de s'entendre, tout au moins sur des points secondaires qui laissaient de temporel! Et plane sicut olim pontificii proceres in Ecclesia scelerata regna hujusmodi invaserunt, ita nunc côté la doctrine, s'empressa-t-il de pousser le cri vielssim politici, illotis quasi manibus, in gubernationem d’alarme et de mettre le holà. Ces tentatives d'accom- 9 FLACIUS ILLYIUCUS 10 illam spiritualem irrumpunt, seque utroque gladio instar faveur de la présence réelle et de h confession auricu­ Antichristi accingunt, cum nec unum quidem suum recte laire; aussi chercha-t-on à en supprimer tous les administrare norint. De tels sentiments, exprimés exemplaires, mais sans y parvenir; le cardinal Bona mi 1562, no purent que se renforcer et s’aigrir Jusqu'à l’a réimprimée dans scs œuvres liturgiques. 10. Sous su mort; mais Flacius tint bon malgré tout et pour­ ce titre : Ethnica fesuitarum doctrina, sur les deux suivit son rôle ingrat. principaux articles de la foi chrétienne, la rémission 2° Écrits divers. — Panni les nombreux écrits de et l’absolution des péchés et le mystère de la prédes­ Flacius, quelques-uns ne sont que des recueils, dont tination, Flacius écrivit un pamphlet contre le caté­ il suffira d’indiquer le titre : 1. Carmina vetusta quæ chisme de Canisius, sans indication du heu d'impres­ deplorant inscitiam Euangelii curn præfallo ne Flacil sion, mais daté, à la fin, de l’an 1564; il y préteaux Illyrici, Wittenberg, 1548; 2. Syluula carminum de jésuites en général et à Canisius en j.articulier une religione, 1553; 3. Sylva carminum in nostri avi doctrine qu’il peut bien qualifier de païenne, mais corruptelas, 1553; 4. Varia doctorum ptorumque viro­ qui n’était nullement la leur, car il l’inventa avec rum de corrupto Eccles iæ statu, 1556. la mauvaise foi la plus évidente. Cf. Pregcr, Flacius 3° Contre le pape et l'Église. — 1. A une date Illyricus, Erlangen, 1859-1861, L il, p. 563, 564; inconnue, Flacius publia un fascicule de huit feuilles, Janssen, L'Allemagne et la Réforme, trad, franç., Erklcrung der schcndltchen Sùnde derjenigen, diedurch t. iv, p. 446. Fond et forme, ces ouvrages de Flacius der Concilium, Interim und Adiaphora vom Christo alimentèrent les diatribes protestantes contre « ΓΑηzum Antichrist fallen,ans diesen prophetischen Gemetde téchrist de Borne, la prostituée de Babylone et toute des dntlcn Eliuseliger Gedechtniss D. M. Lutheri genol’engeance idolâtre du papisme. » La vérité est que men, au sujet de l’ignoble caricature où le pape était le fond est aussi détestable que la forme. représenté à cheval sur un pourceau et bénissant des 4° Contre les protestants. — Sous le nom de zwinexcréments. On y lit ce passage : · Cette estampe n’est glicns, d'intérimistes, d'adiaphoristes, de syncrpas, comme on voudrait trop le faire croire, l’œuvre et gistes, etc., il n’est guère de personnage protestant la fantaisie d’un vieux fou plein de malice; elle a été dont Flacius n’ait passionnément combattu les inspirée par une sagesse toute divine et spirituelle. opinions, chaque fois qu’il les jugeait opposées à ses Car aucune ordure ne fait monter au nez une odeur vues ou à la pure doctrine de Luther; il s’en est pris plus nauséabonde que le papisme; c'est la plus aux calvinistes comme aux luthériens. Il a notamment effroyable ordure du diable; il empeste Dieu et les réprouvé la cène calviniste et le Katechismus Heidel· saints anges. Aussi le sarcasme amer de cette image berger des calvinistes Olevian et Ursinus, paru à et de mon discours sont-ils incapables d’exprimer, Heidelberg, en 1563, avec l’approbation de l’électeur comme il le faudrait, l’horrible impiété, l’ordure palatin, Frédéric III, qui l’imposa d’autorité dans spirituelle de ces mameluks qui, tandis que j’écris ses Étals. Cf. Woltcn, Der Heidelbergtr Calechismus ces lignes, avec leur papauté, leur concile, leur in seiner ursprünglichen Gestalt, nebst der Geschichte Intérim, leurs compromis et tout ce qui émane de seines Textes im lahre 1563, Bonn, 1864; Nicpmann, cette race empestée, nous entraînent loin de NotreDer Heidelberger Calechismus von 1563, Elberfeld, Seigneur Jésus-Christ et nous mènent droit à l'Anté­ 1866. Nous avons déjà signalé quelques-unes de scs christ et au diable. » Cf. Janssen, L'Allemagne et œuvres polémiques. 1. Flacil Illyrici omnia scripta la Réforme, trad, franç., Paris, 1877-1899, t. ni, latina contra adiaphoristicas fraudes edita, Magdep. 690. C’est là trop souvent le ton des diatribes de bourg, 1550; 2. Wieder den Evangclislen der Hciliger Flacius. 2. En 1545, il débutait par l'un des plus Chorrocks, Dr. Geiz Major, 1552; 3. Confessionis violents pamphlets, Contra papatum romanum, dont Andréa Osiandri de justificatione refutatio, Francfortla préface commence par ces mots : Satanacissimus sur-le-Mein, 1552; 4. Refutatio propositorum Pfeffinpapa; 3. Notas de falsa papistarum religione, Magdcgerit de libero arbitrio, 1558. bourg, 1549 ; 4. 77istoria certaminum de primatu papæ, 5· Œuvres doctrinales. — Re ativement à la doc­ Bâle, 1554; 5. une satire, Antilogla papæ, Bâle, 1555; trine luthérienne, telle qu’il la comprenait et qu’il 6. Catalogus testium veritatis, qui ante nostram ætatem l’expliqua à rencontre de tous ceux qui proposèrent pontificii romano ejusque erroribus reclamarunt, Bâle, des points de vue nouveaux, Fine us a écrit : 1. De 1556. C’est un recueil, accompagné de réflexions et voce et re fidei, 1547; dans le Corpus reformatorum, d’observations, de tout ce que l’histoire pouvait t. vn; 2. De manducatione corporis Christi, 1554; offrir de plus défavorable à l’Églisc romaine, et 3. De non scrutando generationis Filii Dei modo, 1560; comme la préface des Centuries. Flacius s’efforçait 4. De peccati originalis aut veleris Adami appellatio­ d’y prouver qu’en dépit des ténèbres qui avaient nibus cl essentia, 1567; 5. De essentia imaginis Dei si longtemps obscurci la vérité chrétienne pendant et diaboli, Bâle, 1569; 6. De occasionibus vi andt le règne du « papisme impie », il s’était trouvé dans errores in essentia juslitix originalis, Bâle, 1569; tous les siècles des témoins fidèles qui avalent pris 7. Defensio doctrinæ de originali justitia et injustitia, la déf nse de 1 orthodoxie, jusqu’au Jour où, grâce 1570. Il y défend les principes de Luther sur lu au nouvel Évangile, la vérité avait de nouveau justification par la foi seule sans les œuvres, et y resplendi dans le monde. Ce livre est entre toutes formule, d’après la doctrine de son maître, ce qu’il les mains, le peuple même le Ht avidement, observait croit être la vraie nature du péché originel. D’autre Eiscngrcin dans la dédicace de la réfutation qu’il en port, il a laissé deux ouvrages sur l’Écriturc sainte : fil. Catalogus testium veritatis, Dillingen, 1565. 7. Pro­ 8. Clavis Scriptures sacræ, seu de sermone sacrarum testatio conc onatorum aliquot Aug. confessionis adver­ litterarum, Bide, 1567; 9. Glossa compendiaria in sus conventum Trldentinum, 1563; 8. De sectis, disseti­ Novum Testamentum, Bâle, 1570. La Clavis comprend tionibus et confusionibus doctrinas... pontificiorum, deux volumes, dont le premier, sous forme de diction­ Bâle, 1565; 9. Missa latina, quæ olim ante Romanam naire, est une explication des principales façons de in usu fuit, Strasbourg, 1557. Flacius avait pubüé parler de la Bible, et dont le second contient plusieurs cette Missa, tirée d’un vieux manuscrit, pour en traités sur les règles à observer dans l’explication du accabler l’Églisc romaine; clic fut exploitée pendant texte sacré. Flacius, cela va sans dire, repousse les quelque temps comme contraire à la croyance cl à principes de l’Églisc catholique, d’après lesquels la pratique des catholiques; mais on ne devait pas l’Écriture n’est pas la règle unique de la foi et doit larder à se convaincre qu'elle était loin de favoriser être entendue d’après l’interprétation qu’en ont le nouvel Évangile, puisqu’elle témoi^noit plutôt en donnée les Pères ou qu’elle en donne elle-même. Il 11 FLACIUS ILLYRICUS — FLAGELLANTS 12 est pourtant bien obligé de reconnaître qu’cllc offre i riorum de verbi Dei corruptelis Uber primus, In quo de sanctissimi praecursoris Domini Joannis Daptistœ des obscurités, puisqu’il en signale minutieusement plus de cinquante misons; d’où la nécessité de quel­ historia evangelica, cum adversus alios hujus tem­ ques régies d’interprétation. Panni ces régies, il en poris sectarios, tum contra novos ccclesiasticæ historiae donne quelques-unes d’cxcdlcntes.-d’autres sont moins I consarcinatores sive Centurialores pertractatur, Dillingen, 1572; et dans son Commentariorum de verbi Del sûres; et puis il y a le vice radical du libre examen corruptelis secundus liber, de Maria 'Virgine incom­ qui laisse la porte ouverte à toutes les opinions. 11 approuve l’interprétation allégorique, quand l’inter­ parabili et Del genitrice sacrosancta, Ingolstadt, 1579; un troisième liber, resté manuscrit et conservé aux prétation purement littérale est inacceptable. Mais archives de b province d’Al cmagne, traite De Jesu faute d’une autorité qui soit à même de décider en Christi mundi redemptore et De Petro apostolorum dernier ressort, c’est livrer le sens de l'Écriture aux principe. Voir L n, col. 1526, 1527. Mais ce fut à la caprices de quiconque l’examine et poser un vrai prière de saint Philippe de Néri, son supérieur, que principe d’anarchie intellectuelle et religieuse. Baronius assuma b lâche laborieuse d'écrire l’his­ 6· Œuvres historiques. — A plusieurs reprises, dans la plupart des ouvrages déjà indiqués, Flacius a fait , toire de l'Église, année par année; il y consacra trente ans de sa vie et la poussa jusqu’à l’an 1198; ses appel Λ l’histoire; il y fait encore appel dans le De translatione imperil romani ad Germanos, Bâle, 1566, Annales, Rome, 1588-1607, restent, malgré leurs défauts et de l’avis même de certains protestants, pour prouver que la translation de l’empire romain aux Allemands n’a pas été faite par les papes, mais tels que Casaubon, une œuvre bien supérieure à celle surtout dans les fameuses Centuries. Cet ouvrage, qui de Flacius. Qu is nescit, écrivait Casaubon, Proieg. ad devait exercer tant d'influence chez les protestants exercit. ad Baronii Annales, en parlant de Baronius, et devenir le répertoire favori de toutes les polémiques ut omnibus sua diligentia palmam præripueril? contre l'Église catholique, fut entrepris ^ms ,c hut Sur les accusations provoquées par l'entreprise do Flacius, et qui partirent tout d’abord de Wittenberg, de révéler au monde chrétien les origines, les progrès, comme nous l’avons déjà dit, voir Salig, Vollstandlge les complots impies de l’A téchrist de Rome, de Historié der Augsburgischen Confession und derselben donner les preuves manifestes de tous les forfaits et trafics honteux de l’Église, de montrer qu’a ix débuts zugethanen Kirchen, Halle, 1730-1735, t. in, p. 279, 387; Prcger, Afaf. Flacius Illyricus und seine Zeit, du christianisme ce n'était pas la doctrine papiste qui avait été enseignée, mal» bien la doctrine évangé­ Erlangen, 1859-1861, t. Π, p. 431 sq.; Numbergcr, Die Boni/atius Literalur der Magdeburger Centurialique. Flacius l’avait divisé en trois périodes : ΓΑηtoren, Hanovre, 1885, L xr, p. 29 sq.; Niemôlicr, téchrisl ca« hé, l’Antéchrist public, l’/\ntéchristdévoilé; Mat. Flacius und der Flacianische Geist in den âlleren mais il le publia siècle par siècle, d’où le nom de protestantischen Kirchenhistorien, dans Zeitschrift /tir Centuries. Le titre très long est : Ecclesiastica historia... katholische Théologie, Inspruck, 1888, t. xn, p. 75-115; secundum singulas Centurias .. per aliquot studiosos Janssen, £’Allemagne et la Déforme, trad, franç., et pios piros in urbe Magdeburglca. Pas de nom Paris, 1887-1899, L v, p. 349-350. d'auteur; mais chaque centurie est précédée d'une épître dédlcatoiro Λ quelque illustre personnage, duc, Menius, Veranhvorttung au/ Matthel Flacti Illyrici gtffltge prince ou roi, au bas de laquelle se lisent les noms und unuxihrhaffligeVerleumdung und Ldsterung,Wlttcnberft, de Flacius Illyricus, Wigand, Judex et Fabcr pour 1558; Ulcnbcrg, Vila: harresiarcharum Luthert, Melanchtoles quatre premieres centuries, ceux de Flacius, nis, Maforts, Illyrici, Oslandri alioriimque complectentes or­ Wigand et Judex pour les cinq suivantes, ceux de tum, progressum et incrementa, Cologne, 1622; Ellies du Pin, Bibliothèque des auteurs séparés de la communion de Flacius, Wigand et Corvinus pour les autres, et ceux ΓÉglise romaine du xrr* el xrn· siècle, Paris, 1718, t. if, de Wigand, Corvinus et Holthutcr pour la treiziéme. p. 477-489; Ritter, Math. Flacius Illyricus Leben und Tod, Les quatre premières furent composées à Magdebourg; 2· édit., Francfort-sur-le-Mein, 1725; Twest en, Math. la cinquième partim in urbe Magdeburgica, partim in Flacius Illyricus, Berlin, 1814; Dûllingcr, Die Reformation, Academia lenensi, comme porte le sous-titre; mais Hire innert Entivlcklung und ihre Wirkungen im Unfange la sixième est dite in exsilio er auctores contexta; des luterischen Bekenntnisses, Ratlsbonnc, 1816-1818; trad, et toutes les autres, à partir de la septième, in ducatu franç., Paris, 1848-1850, t. Π, p. 224 sq.; t. in, p 437 sq.; Pregcr, Math. Flacius Illyricus und seine Zeil, Erlangen, 1850Megatopolensium, in civitate WIsmaria, dans le duché 1861 ; Janssen, L*Allemagne et la Réforme, Paris, 1887-1899, de Mecklembourg, à Wismar. Mais toutes ont été t. ni, v, passim; Klrchenlexikon, t. iv, col. 1527-1532; la Imprimées à Bàlc, de 1559 à 1574. RealencyclopOdie fur protestantischc Théologie signale comme Ot ouvrage fut essentiellement une œuvre de parti sources les manuscrits de Wolfcnbuttcl, Munich, Vienne et où b vérité historique n’est pas respectée, où les Francfort, 1rs t. vin et ix du Corpus reformatorum. Halle, accusations les plus injustes et les plus ignobles sont 1811, 1842, et Geschichte des Protcstantlsmus tn Ostcrretch, portées contre les papes, notamment Grégoire VII t. xvn, xix. et Alexandre III, où les fables les plus grossières G. Barkilee. sont enregistrées telles que celle de la pape se Jeanne FLAGELLANTS, sectaires qui, du xux· au xv· siè­ sur laquelle on revient jusqu’à trois fois. Cent., ix cle, exagérèrent la mortification corporelle en lui p. 333, 337, 501. S’il put réjouir les protestants, il attribuant une vertu souveraine, et tombèrent dans ne déconcerta pas les catholiques qui relevèrent le plusieurs erreurs de doctrine. gant aussitôt. Un chanoine d’Augsl>ourg, mort en 1® La flagelbtion avait été inscrite par la loi 1563, Conrad Brun, fut le premier à faire paraître un mosalque, Dcut., xxv, 3, au nombre des châtiments Liber advenus centurias magdeburgenses, Dillingcn, corporels, avec défense toutefois de donner plus de 1561; un autre chanoine, Einsengrein de Spire quarante coups de verge ou de fouet. Elle l’était (f 1570), voulut répliquer par Centenarii xvt conti­ aussi dans la loi romaine, mais sans limitation dans le nombre des coups. Le Sauveur la subit la nuit do nentes descriptionem rerum mirabilium in orthodoxa et apastoltca Ecclesia gestarum, advenus novam histo­ sa passion; saint Paul reçut cinq fois les trente-neuf coups de verge; de nombreux martyrs furent flagellés riam ecclesiasticam, qtia/n Mathias Flacius Illyricus avant d’être mis à mort. Sous une forme plus adoucie, et efus eoUegne Magdeburgld contra verum Det cultum... nuper ediderunt; mais II n’eut le temps que de publier ce genre de pénalité fut introduit dans la vie monas­ le Centenarius f, Ingolstadt, 1566, et \c Centenarius il, tique pour punir certaines transgressions de la règle. Puis, l’esprit de pénitence aidant, dans un but de Munich, 1568. A son tour Canlsius résolut de rétablir mortification, pour réprimer les assauts de la chair b venté méconnue et travestie dans son Commenia- 13 FLAGELLANTS 14 et dans Boileau, Histoire des flagellants, Amsterdam, ou éteindre les feux de la concupiscence, quelques 1701, p. 255-261, qu’on n'entendit plus de quelque chrétiens curent l’idée de se faire fouetter ou de se temps dans le pays ni les instruments joyeux de flageller eux-mêmes, en s’appuyant sur le mot bien fête, ni les chansons d’amour; les inimitiés cessèrent connu de saint Paul: «Je traite durement mon corps et je le tiens en servitude. * 1 Cor., ix, 27. Le verbe d’homme à homme, de famille à famille, de cité à cité; de nombreuses restitutions eurent lieu, les employé par l’apôtre, νποπιάζω, signi fle littéralement prisons s’ouvnrcnt, les esclaves furent émancipés et meurtrir d'un coup de poing; à sa place, quelques ma­ les exilés rappelés. nuscrits, suivis par la Vulgate, portent ύκωπιάζω, ca­ On s'en étonna d’autant plus que cette manifes­ stigo, je châtie, fl afflige. On pourrait donc à la rigueur tation extraordinaire de pénitence publique paraissait comprendre la flagellation comme l’une des manières spontanée, sans initiateur connu, et se développa de châtier son corps, auxquelles avait fait allusion rapidement en dehors de toute autorité religieuse ou saint Paul. Toujours est-il que ce qui ne fut, parmi civile. Mais si ce mouvement produisit tout d’abord quelques ascètes morti liés, qu’un usage d’initiative de si merveilleux effets au point de vue de la concorde privée devint une pratique régulière à Font-Avcllane, des citoyens et de la paix publique, il parut bientôt au xi· siècle, grâce à saint Pierre Damien, alors abbé un danger pour la foi, grâce aux agissements de de ce monastère; celui-ci, en effet, avait prescrit à ses l’hérésie, et pour la société elle-même, à cause des moines de se donner la discipline avec le fouet chaque revendications populaires qu’il pouvait déchaîner. Vendredi. Quand on l’apprit, il se trouva quelques es­ Les flagellants, en effet, prétendaient qu’on ne sau­ prits chagrins panni les clercs et les laïques pour blâ­ rait être pardonné si on ne passait un mois dans leurs mer cet usage comme une innovation contraire à la tra­ rangs; sans tenir compte du sacrement de pénitence, dition et aux règles monastiques. Mais Pierre Damien ils s’absolvaient les uns les autres; par leurs flagella­ justifia sa mesure, en observant que,· si nous devons attendre la mortification les uns des autres, nous tions ils croyaient être utiles à l’âme de leurs parents sommes dispensés de porter notre croix, puisqu’il n’y et de leurs amis, en les délivrant du purgatoire ou a plus de persécuteurs pour nous crucifier. » Et il même en soulageant leurs peines dans l'enfer. Ils prêtaient ainsi le flanc aux sectes vaudoiscs, cathares ajoutait : « On ne condamne pas celui qui jeûne ou autres, qui, quoique condamnées, n’en pour­ sans l’ordre du prêtre; pourquoi condamner dès lors suivaient pas moins leur action ténébreuse et mal­ celui qui se donne la discipline de ses propres mains? · faisante. D’autre part, ces troupes de flagellants Epist., 1. IV, epist. vin, P. L., t. cxliv, col. 350. Sans désapprouver absolument la discipline nouvelle, I pouvaient devenir un danger pour les princes italiens qui, n’étant pas sans reproches à cette époque de le moine Cerebrosus en blâma l’excès et 11 longueur. discordes civiles, auraient pu être menacés et com­ Pierre Damien répliqua de nouveau : « S’il est permis battus dans leurs situations acquises. Aussi quelquesde se donner cinquante coups de discipline, pourquoi uns de ces princes s’opposèrent-ils par la force a pas soixante, cent, ou plus encore, ce qui est bon ne l’extension des flagellants dans leurs principautés pouvant pas être poussé assez loin? » Epist., 1. VI, epist. xxvn, ibid., col. 417. Il fit même adopter ce ou États. genre nouveau de pénitence par les moines du MontParti de Pérouse, ce mouvement franchit les Alpes Cassin. Opusc., XLIII. Et peu à peu l’usage pénétra et gagna de proche en proche, en 1261, la Bavière, dans d’autres ordres religieux. l’/\utriche, la Hongrie, la Bohême, la Pologne, l’Alle­ Loin de rester confinée dans l’ombre des cloîtres, magne et les pays du Rhin. Des plaintes se firent la flagellation volontaire et personnelle trouva des entendre, des accusations d’hétérodoxie furent for­ partisans parmi les simples fidèles. Il arriva même, mulées, une croisade de prédications fut organisée, à la suite des prédications de saint Antoine de Padouc et de sévères mesures de répression furent poses en (fl231), que des auditeurs convertis se mirent â la maints endroits. Finalement, devant les moqueries pratiquer publiquement. Cet exemple ne devait pas des uns, les menaces et les représailles des autres, être perdu, et quelques années plus tard, en 1360, il les flagellants cessèrent leurs processions et leurs fut suivi par de nombreux imitateurs. exercices publics de flagellation. Ils disparurent; 2° Au XilP siècle. — C’était l’époque où les guerres mais l’état d’esprit créé par eux subsista. On ne les entre les guelfes et la> gibelins avaient plongé l’Italie trouve plus dans la suite qu’à l'état isolé et spora­ dans l’anarchie, les crimes et la misère. Tout à coup, dique, par exemple, à Strasbourg en 1296, à Bergame à Pérouse d’abord, ù Home ensuite, et finalement en 1334, et à Crémone en 1340, jusqu’à l’explosion dans presque toute la péninsule italique, on vit des générale de l’année 1349. fidèles de tout rang et de tout âge, des nobles et des 3e Au XIV9 siècle. — En 13-17, la peste noire avait roturiers, des vieillards et des Jeunes gens, jusqu’à éclaté en Asie; passée bientôt en Afrique, elle conta­ des enfants de cinq ans, parcourir les campagnes et minait dès 1348 les ports méditerranéens de l’Italie les cités par centaines, par milliers, par dizaines de et de la France, et de là se répandit dans toute mille. Poussés par un motif religieux de foi et de l’Europe, gagnant les pays Scandinaves, l’Angleterre. repentir en vue d’apaiser la colère divine pour tant l'Irlande et le Groenland, et exerçant partout ses de ruines accumulées cl de se bien préparer au juge­ ravages. En même temps, sur terre et dans les deux, ment dernier qu’ils croyaient imminent, ils s’en se produisirent de multiples phénomènes, des orages, allaient proccssionnellcrnent, deux par deux, précédés des cyclones, des tremblements de terre, des Inon­ de croix et de bannières, un prêtre à leur tête, chan­ dations, qui ajoutèrent aux horreurs de la peste de tant des cantiques de pénitence, demandant publi­ nouvelles horreurs et multiplièrent les victimes. quement pardon de leurs pêchés. Armés d’un fouet Pour faire cesser la mortalité et appeler sur les à triple ou quadruple lanière de cuir, le haut du corps hommes la clémence du ciel, les bandes de flagellants nu jusqu’à la ceinture, ils se frappaient les épaules se montrèrent au printemps de 1349 dans la Hautejusqu’au sang, en poussant des soupirs et des plaintes Allemagne; on en vit bientôt dans toute l’Allemagne, et en versant des larmes comme s’ils avaient eu sous en Suisse et en Suède, le long du Rhin, à Strasbourg, à Rome, à Spire, dans le Hainaut, la Flandre, l’An­ les yeux la passion du Sauveur. Tel fut l’effet produit, gleterre, Cf. la Chronique du moine de Padoue, disent les chroniques anciennes, Monachi Paduanl Boileau, Histoire des flagellants, p. 264-293; Baronius, Itbrl III, publiées à Bâle, en 1585, par Urstldns, Annales, an. 1439, édit. Thclner, t. xxv, p. 471, h passage reproduit dans Baronius, Annales, an. 1360, Chronique du Strasbourgeois Fr. Cloesncr (f 1384); édit. Thclner, Bar-lc-Duc, 1861 sq., t. xxn, p. 52-54, Ιό FLAGELLANTS IG dire rigoureusement pendant le reste de l’année tout crfîe de Mucidus, abbé de Saint-Martin de Toumay, rapport conjugal. éditée par de Smet dans le Recueil des chroniques de Les plaintes, qui s'étalent déjà fait entendre le Piandre, Bruxelles, 1811, t. n, p. 95-207. Ils essayèrent de pénétrer en France; mais l'accès leur en fut siècle précédent, reprirent d nouveau. Ces appa­ Interdit par le roi, sur l’avis conforme de l’université rences de piété, cet appareil d’austérité, ces prétentions au pardon sans recourir au sacrement de pénitence, de Paris qui déclara que cette secte était contra cette organisation religieuse en ucnors de l'autorité Drum, contra formam sancta matris Ecclesiæ et contra des évêques et du pape, éveillèrent de legitimes salutem animarum. Continuatio altera Chronici Guilsoupçons. Cela n’allait pas sans quelque superstition, lelmi de Nangis, dans d’Achcry, Spicilegium, Paris, comme le prouvait la fameuse lettre apportée du 1723, t. ni, p. 111. ciel, et n'était pas sans danger sérieux pour la foi Cette fois, les flagellants étaient organisés en troupes et pour les mœurs. Le pape Clément VI intervint plus ou moins nombreuses, en véritables confréries alors. Sans blâmer le moins du monde la flagellation de pénitents. Quiconque voulait en faire partie devait ou la discipline en général, car prise avec modération faire une confession générale, pardonner à s s ennemis, et en secret, dans des conditions sagement déterminées obtenir l’autorisation de sa femme s’il était marié par l’autorité compétente, elle a son utilité et offre et de son confesseur, avoir juste de quoi vivre pendant des avantages d’ordre moral, sans même faire allusion les trente-trois ou trente-quatre Jours que duraient à quelque acte d’immoralité, qui peut-être ne s’était les exercices en l'honneur du nombre d'années passées pas encore produit, il écrit à l'archevêque de Magdcpar le Sauveur sur la terre. Il devait en outre s’engager bourg, le 20 octobre 1349, que c est la une religion à obéir au chef de la confrérie et à se conformer aux vaine et une invention superstitieuse, qui méprise règlements en vigueur. Une fois admis, le flagellant le pouvoir des clefs, l’autorité de i’Eglisc et la disci­ portait comme signes distinctifs un chapeau et un pline ecclésiastique; il sc plaint que des moines men­ manteau marqués de deux croix rouges, l’une devant, diants s’y soient trop facilement prêtés, et il ordonne l'autre derrière. Comme prières il devait réciter le d’arrêter et d’emprisonner les flagellants, surtout Pater cl l’Aae, cinq fois en sortant de sa demeure et en y rentrant, quinze fois le matin, cinq fois avant si ce sont des moines, se réservant de statuer lui-même et après le repas, cinq fois pendant la nuit. Λ table, définitivement sur leur sort. Cette lettre se trouve le silence était absolu; on ne mangeait que des dans Baronlus, Annales, édit. Thcincr, t. xxv, p. 471, et Duplessis d’Arge tré, Collectio Judiciorum aliments maigres, on jeûnait le vendredi; et chaque jour on changeait de résidence. de novis erroribus, Paris, 1728, t. i, p. 3G1-368. Clé­ Au moment de pénétrer dans un village ou une ment VI écrivit également ù Philippe, roi de France, ville, les flagellants se mettaient en procession; en et à Édouard, roi d’Angleterre, pour les prier d’inter­ tête la croix, des drapeaux et des bannières, des dire toute manifestation du genre de celles des fla­ cierges Mumés; puis deux par deux, le fouet à la gellants. Déjà, du reste, en plusieurs endroits, on main, ns avançaient au chant de cantiques fréquem­ avait eu re ours à de sévères mesures de répression, ment entrecoupés de Kyrie eleison, et au son des à l’amende, à la prison et au feu. Au bout de trois doclies se rendaient d’abord à l'église. Là, après ans, la secte avait complètement disparu. quelques invocations pour demander pardon, l.s se Mais, dans l'intervalle· elle avait donné lieu à des prosternaient à terre, les bras étendus en forme de luttes sanglantes. Sous prétexte de punir ics juifs croix, et reprenaient trois fois en choeur le solo chanté qu’ils accusaient d’avoir provoqué la peste en empoi­ par le diet. Puis, sortant de l’église, ils se rendaient sonnant les puits, les flagellants les avalent durement selon la disposition des lieux, soit sur la place p abliquc molestés et en avaient fait périr un grand nombre. ou nu marché, soit dans quelque cour spacieuse ou Les juifs usant de représailles attaquèrent à leur sur une prairie. Là, toujours au chant des cantiques tour les flagellants et en massacrèrent plusieurs. de pénitence, ils formaient un grand cerdc, au milieu Continuatio altera Chronici Guilldmi de Nangis, duquel ils déposaient les vêtements qui leur couvraient dans d*Achéry, Spicilegium, t. ni, p. 110. C'était là la partie supérieure du corps, et se jetaient à terre un état de guerre religieuse et civile qu’il importait sans sc préoccuper de la poussière, de la bouc ou de de faire cesser à tout prix; l'Église et l’État ne pou­ la neige. Puis se relevant, ils procédaient à une fla­ vaient donc que profiter à la suppression de la secte gellation pendant que le chef entonnait un cantique des flagellants. Elle devait pourtant reparaître et de drconstance qu’ils reprenaient en chœur. A un reparut, en effet, au xv· siècle. signal donné, ils se prosternaient encore à terre, les 4* Au xv· siècle. — Au commencement du xv· bras étendus en fonne de croix, et récitaient cinq siècle, on vit sc reproduire en Aragon, à la suite do Pater et Aue; puis se tenant sur les genoux, ils sc saint Vincent Ferrier, des manifestations semblables frappaient la poitrine en signe de contrition, et sc à celles qui s’étalent produites lors des prédications de mettant debout ils sc flagellaient de nouveau jusqu'au saint Antoine de Padouc : des auditeurs convertis par sang; après quoi ils remettaient leurs vêtements. la parole de l'éloquent prédicateur sc donnaient L’un d’entre eux lisait alors à haute voix une lettre publiquement la discipline. Le bruit de ces rigoureux apportée du cid, prétendaient-ils, par un ange, le exercices de pénitence était parvenu Jusqu’aux 25 décembre 1318, où il était dit que la sainte Vierge oreilles des Pères du concile de Constance. Ceux-ci avait obtenu du Sauveur que tous ceux qui se flacraignirent que le mouvement ne dégénérât en gclleraicnt de la sorte auraient tous leurs pédiés scandale et ne fût une occasion de troubles civils et moraux. Gerson crut devoir en écrire ù saint Vincent pardonnés; après quoi, on retournait procc&slonnclleFerrier pour qu’il y mit un terme et lui conseiller ment à l'église pour y renouveler les mêmes exercices religieux qu’à l’arrivée; puis chacun sc retirait dans i de ne point paraître l'approuver par sa présence, en le priant de se rendre au concile. Episl. Mag. Vin­ l’auberge ou la maison où l'on voulait bien l’accueillir. centio contra flagellantes. Opera, Anvers, 1706, t. n, Cette flagellation avait lieu deux fois le jour, le matin et le soir, et une fois la nuit. Mais quand un j col. 658, 659. Pierre d’Ailly lui écrivit dans le même sens, Adeumdem de cadem re, ibid, col. 659. Gcrson, confrère venait à mourir, une flagellation supplé­ mentaire était pratiquée en son honneur pendant la . en effet craignait de voir sc répandre l'esprit sectaire qui animait ailleurs les flagellants. 11 parle de ceux-c recitation de quinze Pater et Ave. Enfin, au terme des trente-trois ou trente-quatre Jours d’une pareille j en ces termes : Sub hoc vdamine ac pradextu picni­ pénitence, on rentrait chez soi et l’on devait s’inter­ tent iæ fiunt innumera mala, sicut expuli testantur. 17 1 LaGELLANTS Insurgunt hnreses, tdlipenduntur proprii sacerdotes, contemnuntur confessores et puni tendu sacramentally, extorquentur dolosis modis pecunlæ, otia qutc pigros occidunt nutriuntur. Silemus de /uriis, de stupris et adulteriis. Contra sectam flagellantium, Opera, t. n, coi 660-664. De telles accusations ne concernaient nullement les pénitents do l'AragOn, mais s'appli­ quaient trop bien aux flagellants de l'Allemagne pour que le concile n’en tint pas compte. Quelques indices prouvaient, en effet, que la secte n'était pas morte; elle avait reparu un instant en 1372, Baronius, Annales, an. 1372, n. 33, et en 1400 dans les Pays-Bas. Lea, A history of (he Inquisition o/ the middle ages, New York, 1888, t. II, p. 403. .Mais ce fut surtout dans la Thuringe et dans la BasseSaxe qu’elle exerça sa funeste influence peu avant le concile, en 1414. Sans doute, ces nouveaux sectaires ne sc manifestaient pas en public à la manière de leurs prédécesseurs du xni· et du xiv· siècle; mais ils étaient infectés de quelques-unes des pernicieuses erreurs de Wlclcf. Baronius, Annales, an. 1414, n. 14, édit. Thcincr, t. xxvn, p. 369. S’autorisant, eux aussi, de la fameuse lettre qu’ils croyaient avoir été apportée du ciel sur l’autel de saint Pierre à Jéru­ salem le 25 décembre 1348, ils soutenaient qu’une nouvelle économie religieuse, symboliquement figurée dans l’Évangilc par le chan ement miraculeux de l’eau en vin aux noces de Cana, avait remplacé l’ancienne. Le baptême de sang, disaient-ils — et c’est ainsi qu’ils appelaient la flagellation qu’ils sc don­ naient volontairement — est beaucoup plus agréable à Dieu que le baptême d'eau. La flagellation est la vraie robe nuptlaie qui rend digne de s’asseoir au banquet céleste; le sang ainsi répandu est plus pré­ cieux que celui des martyrs versé par les païens. Jointe à quelques prières et an jeûne rigoureux du vendredi, la flagellation remplace toute espèce de pénitence et tous les sacrements de l’Église; elle abolit le sacerdoce de la loi évangélique tout comme celui-ci avait remplacé celui de la loi mosaïque lorsque le Christ chassa du temple a coups de fouet les ven­ deurs et les acheteurs. Le clergé catholique, cause de tous les malheurs, ressemble nu prêtre et au lévite qui descendirent de Jérusalem ù Jéricho sans porter le moindre secours au voyageur maltraité par les brigands, tandis que les flagellants remplissent l’offlcc du bon Samaritain en portant Jésus-Christ sur lours épaules et en l’honorant par leur obéissance et leur piété. Comme tant d’autres sectaires du moyen âge, ces flagellants de la Thuringe et de la Basse-Saxe témoi­ gnèrent un mépris absolu contre l’Église et le clergé; ils rejetaient les indulgences, la sépulture ecclésias­ tique, la prière pour les morts, toutes choses qui ne servaient qu’aux vivants pour remplir leur bourse; ils n’admettaient ni le purgatoire ni le culte des saints qu’ils traitaient d’idolâtres; ils s’opposèrent à la multiplication des fêtes, ne consentant à célébrer que celles cs mtiquités chrétiennes, dans l'intention rien de mauvais, n’est pas de soi contraire à la charité, de défendre le calvinisme, il fut confié par scs parents donc n’est pas mortel· S. Thomas, loc. cil., q. cxv, a. 2. à Matthieu de Larroque, pasteur de Roucn(f 1684). Accidentellement, elle peut devenir grave : 1° par son Ce ministre était de tendance irénique, et ses enfants objet, c’est-ù-dire par suite du caractère moral do se convertirent dans la suite. Les motifs qui décidèrent l’acte dont on fait compliment : louer un acte cou­ Flamarc à abjurer le protestantisme furent les sui­ pable est évidemment contraire à la charité que nous vants : l’impossibilité de fixer une date précise où devons à Dieu, puisque c’est outrager sa justice qui J’Église catholique aurait fait défection de l'Église toujours condamne le péché, comme il est contraire primitive; l’inexactitude historique de cette défection; à la charité qui est due au prochain puisqu’elle le la réalité d’une séparation hérétique Λ l’origine de la porte au péché en le louant de scs fautes; 2° par son Réforme. Voir Conformité de la créance de Γ Église but : quand on flatte le prochain afin de nuire à catholique avec la créance de ΓÉglise primitive; et quelqu’un dans scs biens spirituels ou autres; la faute différence de la créance de Γ Église prolestante d'avec commise peut devenir mortelle quand le préjudice Tune et Tautre, par M. de Flamarc, prêtre, 2 in-12, causé est sérieux; 3° par ses conséquences : quand Rouen, 1701. la flatterie a pour résultat de porter au péché, même si ce résultat n’est pas expressément cherché. Elle con­ Mémoires de Trévoux, mal 1701, p. 35; R Ass, Die Conixrtlten, t. xx, p. 1-6; Hurler, Nomenclator, t. xv. col. 745-746. stitue un scandale grave qu.and réellement elle est J. Dutilleul. cause d'un péché mortel. Si le flatteur a prévu ce résul­ FLANOINO Ambroise, appelé Fiandino par Tiratat et l’a provoqué sans raison suffisante, il en est mo­ boschi, et Ambroise de Naples par Toppi, célèbre ; ralement responsable. Cette influence malfaisante des prédicateur, théologien et controvcrsiste de l’ordre de I flatteurs dont les paroles perfides poussent ou re­ Saint-Augustin, naquit à Naples; il mourut le 24 sep­ tiennent si souvent les hommes dans le péché leur a tembre 1531. En 1514, il était provincial. En 1517, valu les anathèmes de Γ Écriture, Prov., xxvi, 25, 28; il fut nommé évêque suffragant de Mantoue, avec le XXVIII, 23; xxix, 5, et le blâme énergique des mora­ titre d'episcopus Lamosensis. On a de lui : 1° De listes. C’est aussi à cause d’elle que le flatteur (palpo) immortalitate anlmæ contra Petrum Pomponalium, peut avoir comme tous les coopérateurs sa part de assertorem mortalitatis, Mantoue, 1519; 2° Conciones responsabilité dans les injustices qu’il fait commettre quadragestmales, Venise, 1523. Il a laissé plusieurs aux autres. Son influence étant de tout point sem­ ouvrages inédits, qui le placent parmi les premiers blable à celle du conseiller dont les avis poussent au adversaires de Luther : 1° Apologia pro Alexandro péché, sa responsabilité est la même, variable selon Aphrodisnco de fato contra Petrum Pomponalium, écrit qu’elle est certaine ou douteuse, variable aussi selon en 1519; 2° Sermones per adventum usque ad Epipha­ que le flatteur est cause principale du dommage ou niam; 3° Conciones super salutationem angelicam et seulement coopérateur du principal auteur. canticum Mariæ; 4° De tribus Magdalenis et unlca S. Thomas, Sum. theol., 1Ι·ΙΙ·, q. cxv; Jniigcy, Praele­ Magdalena; 5° Apologia adversus Martinum Luthectiones theologia moralis, Tr. de quatuor virtutibus cardina­ rum, quod non sit abroganda missa secundum con­ libus, sect. xi. part. Ill, c. ιν. suetudinem ronuuue Ecclesia ordinata, et quod verum V. Oblet. sacerdotium a Christo sit translatum in Petrum et suc­ FLAVIUS Melchior, cordclier de l’observance, ap­ cessores ejus, ac denique quod missa sil sacrificium, partenait à une famille noble d’Albi, les Flavy, sui­ écrit en 1520; 6° Conflictationes de vera et catholica vant Goussaincourt; pour lui, il inscrivait sur le fron­ fide, quibus artes primo, et doli aspidis surda et lutheratispice de ses ouvrages en français le nom de Melchior norum deteguntur; demum quasi ancis tormentis de Flavin. On a peu de détails précis sur sa vie : infaustam, ac infame monstrum novem artubus com­ les auteurs rapportent, à la suite l’un de l’autre, qu’il pactum expugnatur, écrit en 1531 avant sa mort qui avait entrepris plusieurs fois le pèlerinage de Terre arriva le 24 septembre de cette année; 7° Examen vani­ Sainte et que le général Jean Calvi (1541-1547) l'envoya tatis duodecim articulorum Martini Luthert. Ces ouvra­ commissaire dans la province de l’Allemagne du ges se conservent dans les bibliothèques de VintiNord. Scs livres nous apprennent qu’il fut gardien mille, de Mantoue et de Parme. du grand couvent de son ordre ù Toulouse, péniten­ cier et prédicateur apostolique sous saint Pie V, Panfilo, Chronb-a ordinis eremitarum sancti Augustini, prédicateur du roi Henri II. A l’époque de l’avène­ Rome, 1381, p. 109; Tafuri, Istoria degll scriltort naff nel ment au trône de Charles IX, il lui dédiait un Dis­ regna dl Napoli, Naples, 1750, t. in. p. 251-255; Osatnger· cours sur la vraie religion, dans lequel il promettait Bibliotheca augustintana, Ingolstadt, 1763, p. 341-343; de lui offrir un travail plus important, qui parut Tlmbvschl. Storla della letteratura italbma, Milan, 1833, sous le titre de Liber de regno Del, de quo Christus L XU, p 413. 470; Lanterl, Postrema sacula sex religionis loquutus est per dies quadraginta, ...complectitur Epi­ augustlnlana, lolentin. 1859. t n, p. 23, 24; Hurter, No­ tome omnium mysteriorum Christi et Summam totius menclator, t. Π, col 1271.1283 sq. saerte Scripturae, ln-8% Paris, 1566. Lc P. Melchior A. Palmieri. publia encore : Enarratio catholica canttcl graduum FLATTERIE. La flatterie est une louange exagérée ou déraisonnable. Considérée au point de vue de sa mo­ per demegorias seu sectiones, in-8°, Parts, 1568; De and Relchbtuhlrerrirungen, nach dcm ItaUantxhen, Stutt­ gart. 1834; Stumpf, Historia flagellantium praecipue in Thuringia. dans Mitthcil. histor antiq. Thurlng. Sachs., 1S36^ rhncrgans, Die grosse Gcissclfahrt nach Strassburg tm Jan /J/^LdpzJg. 1840; Dôlhngcr. Dcr Wcissagungspbiube In dcr ehristl Zeit, dans Raumershlstor Taschcnbuch, 187!, Lechner, Die grosse Geisselfahrt des lahrcs 1349, clans Gorrcs Ges Histor. lahrb , 1884; Migno. Dictionnaire des hérésies, Paris, 1847, t i; Ersch et Gruber· Encykhpddie; Kirchentcxikon, t. xv; Realcncyktopudic; U. Chevalier, R/perfoire des sources historiques. Topo-bibliographie, col. 1104-1105. 21 FLAVIUS restat des âmes après le trespas et comment elles vivent estons du corps séparées et des purgatoires qu'elles soufjrenl en cc monde, et en l'autre après Icelle sépa­ ration, in-8®, Paris, 1570, 1584; Douai, 1606. Le protestant Dlthmar Bleflkcnus publia contre cc livre: Refrigerium ex fontibus Israelis desumptum adversus purgatorium Melchioris Flavini monachi, In-8®, Arn­ hem, 1610. On a encore du P. de Flavin un opuscule : De la préparation A la mort en trois traictez..., Paris, 1581. C’est une réédition, car à cette date l’auteur était mort, et déjà un de scs disciples avait publié les Resolutiones in IV libros Sententiarum Joannts Duns sive Scoti, sub R. P. Mdchiore Flavio, ordinis minorum gardlano magni conventus Tholosanl... per Joannem Forsanum ejusdem ordin/s,in-8°, Paris, 1579; elles furent encore rééditées par le conventuel Salva­ tor Bartoluccl, à la ün de chaque volume des Quastiones scripti Ozonlcnsis super Sententiarum libros de Scot, 4 in-8®, Venise, 1580. Dans ses Resolutiones, le P. Flavin fait mention d’un ouvrage De orbis terra concordia qu’il publia à Bâle en 1570, et qui parut aussi traduit en italien. Le second livre de cet ou­ vrage était consacré à la réfutation de ΓAlcoran qu’il avait traduit de l’arabe. On vantait en cflct sa connaissance des langues, pour laquelle il était fort estimé, ainsi que pour sa science et la sainteté de sa vie. Aussi quand le P. Melchior mourut au couvent de Saintc-Maric-des-Angcs, dans les environs de Tou­ louse, on l'ensevelit près du fameux Olivier Maillard et la cour du parlement assista à scs obsèques. Scs contemporains lui attribuaient le don de pro­ phétie pendant sa vie et celui des miracles après sa mort. Gonzague, De origine seraphtcæ religionis, Rome, 1537, p.725; Goussaincourt, Martyrologe des chevaliers de S. Jean de Jérusalem, Paris, 16-18. p. 339; Wadding, Scriptores ordinis minorum, Rome, 1650; Arthur du Mousticr. Martyrologlum /randscan uni, Paris, 1653, au 17 mars ; Sbaralca, Supplementum tl castigatio ad scriptores ord. minorum, Rome, 1805. P. Édouard d’Alençon. FLEURY Claude, historien ecclésiastique, né à Paris en 1640, mort dans la même ville, en 1723. Fils d’un avocat au conseil, Claude Fleurv, qui avait fait ses études au collège de Clermont, entra d’abord au barreau et exerça une dizaine d’années. Durant cette période de sa vie, il étudia non seulement le droit français et le droit canonique, mais encore l’his­ toire religieuse et profane, les belles-lettres et les institutions de l’antiquité; il se lia aussi avec Bossuet qu'il rencontrait chez le premier président Guillaume de Lamoignon, dans la société que les contemporains appelaient Γ Académie de M. de Lamoignon; enfin il commença à écrire : c’est alors qu’il écrivit V Histoire du droit français et l’Institution au droit ecclésiastique, qu'il publiera seulement quelques années plus tard, et un Discours sur Platon qu’il lut à ΓAcadémie do M. de Lamoignon, où il établissait les rapports de la morale socratique et de la morale évangélique. Vers 1672, en des circonstances mal connues, il reçut la prêtrise et cette année même Bossuet le faisait entrer à la cour. Fleury devait y demeurer presque Jusqu’à sa mort, sauf deux interruptions, l’une très brève de 1684 à 1689, l’autre do 1706 à 1715. En 1672, Bossuet l’avait fait accepter de Louis XIV comme pré­ cepteur des jeunes princes de Conti, dont l'éducation se mêlait fort à celle du Grand Dauphin, pour l'ému­ lation de celui-ci; Fleury remplaçait le Janséniste Lan­ celot qui avait démissionné alln de n’avoir pas à conduire scs élèves à la comédie. En 1680, cette tâche terminée, il devenait, toujours sur la recom­ mandation de Bossuet, précepteur du comte de Vermandois, fils légitimé de Mu· de la Vallièrc. Cc jeune ■ FLEURY 22 prince mourait trois ans après et Louis XIV nommait Fleury abbé de Ix>c-Dicu au diocèse de Rodez. De 1684 à 1689, il aida Bossuet dans l’administration de son diocèse, et c’est alors qu’il se lia avec Fénelon; puis après la révocation de l’édit de Nantes, il fut un des missionnaires qui évangélisèrent à la suite de Féne­ lon la Saintongc et le Poitou. En 1689, Fénelon, devenu précepteur du duc de Bourgogne, fit nommer Fleury sous-précepteur, il exerça ccs fondions auprès des trois enfants de France, les ducs de Bourgogne, d’An­ jou et du Berry, jusqu’en 1706; les deux derniers lui avalent été successivement confiés, ainsi qu’à Fénelon, en octobre 1690 et en août 1693. En 1698,11 avait failli être compris dans la même disgrâce que Fénelon; U fallut l'intervention de Bossuet pour le sauver; Bos­ suet répondit de lui. Voir une Lettre de Bossuet à son neveu du 30 juin 1698. En 1706, l’instruction des princes terminée, Louis XIVdonna le prieuré de NotreDame d'Argenteuil à Fleury qui l’accepta, mais résigna son abbaye de Loc-Dicu.pour ne pas cumuler. Le régent le rappela à la cour en 1715 comme confes­ seur de Louis XV;« il eut peine à consentir, > si l’on en croit Saint-Simon. Mémoires, édit Chéruel, L xiv, p. 107. Deux années plus tard, il mourait Depuis 1696, il était de ΓAcadémie; il avait remplacé La Bruyère; cc fut lui qui reçut Massillon en 1719. Fleury a laissé de nombreux ouvrages. Son Histoire du droit frcmçais parut sans nom d’auteur en 1674, in-12, Paris, Dupin en donna une nouvelle édition, et la continua jusqu’en 1789 dans son Précis ht storique du droit français, in-12, Paris, 1826. En 1677, Fleury donna son Institution au droit ecclésiastique, sous ce titre : Institution ...par feu M. Charta Bond, doc­ teur en droit canon d Lan gros, revue avec soin par M. de Massac, ancien avocat au Parlement, in-12, Parts. 11 en publia, sous son nom cette fois, une édi­ tion augmentée en 1687. Il y eut deux traductions espagnoles au début du xvni· siècle. Puis parurent les ouvrages composés par Fleury pour l'instruction de scs élèves, mais qui restèrent Jusqu’au milieu du xix· siècle entre les mains de tous : Les moeurs des Israélites, in-12, Paris, 1681, dont hL Chère! a publié des extraits, in-12, Paris» 1912, en faisant à Fleury le mérite d’avoir eu le premier une conception pro­ fondément originale et d’aNolr, avant Voltaire, traité, non des faits, mats des mœurs; Les moeurs des chré­ tiens, in-12,1682, tableaux des traits édifiants répandus dans la Bible, dans l’Évangile et dans l’histoire des origines chrétiennes; ccs deux ouvrages ont été réunis sous cc titre : Les moeurs des Israélites et des chrétiens, 3 in-12, an XI; enfin le Grand catéchisme historique, in-12, 1683, qui raconte la suite de la religion, de la création à la paix de l'Église. H en parut une traduc­ tion latine en 1705 et une traduction espagnole en 1722. Enfin, en 1675, il exposait « par l’ordre d’une personne à laquelle il devait l’obéissance, > Bossuet probablement, scs vues sur l’enseignement et des cri­ tiques assez hardies sur les programmes et les procédés de son temps dans un Traité du choix et de la méthode des études, in-12, mais il ne le publia qu’en 1686. Ce livre fut bientôt traduit en italien et en espagnol Dans la même période Fleury traduisit en latin, sous la direc­ tion de Bossuet. V Exposition de la fol catholique*, cette traduction parut en 1678,in-12, Anvers; elle fut réim­ primée en 1680,avec un Avertissement de Bossuet, éga­ lement en latin. I) composa encore un traité Intitulé : Devoirs des maîtres et des domestiques, in-12, qui ne pa­ rut qu’en 1688 et où se trouve le reglement que le père de scs premiers élèves, le prince de Conti, janséniste zélé, avait donné aux gens de sa maison. Après sa pre­ mière retraite, il écrivit une Vle de Marguerited'Arbouze, abbesse et réformatrice de l'abbaye du Val-de- Grâce, in-8°, Paris, 1685. livre très utile, au Jugement de Bossuet, 23 FLEURY — FLORENCE (CONCILE DE) 24 pour h direction des religieuses. Enfin, on a publié de tion revue par Mgr Fèvre, Paris, 1880, Considérations lui un certain nombre d’ouvrages posthumes plus ou générales, t. i, p. 186. Juger a également fait une cri­ moins étendus On les trouve, ainsi que les précé­ tique de l’Histoire ecclesiastique, dans sa Notice sur dents dans les Opuscules de Fabbê Fleury, publiés , Claude Fleury, considéré comme historien de ΓÉglise, par Rondet, 5 in-8°, Nîmes, 1780, dans les Œuvres in-8°, Strasbourg, 1847. de Cabbé Fleury, publiées par A. Martin, gr. in-8°, Saint-Simon, .Mémoires, t. xx, p. 2, fait de Ficury, Paris, 1837 : ce sont des Extraits de Platon, des le plus bel éloge : < Il était respectable, dit-il, par sa Réflexions sur Machiavel, des lettres, des discours modestie, par sa piété sincère, éclairée, toujours sou­ académiques, des vers latins et des ouvrages égale­ tenue, une douceur et une conversation charmantes ment publiés à part : Discours sur la prédication, in-12, et un désintéressement peu commun. » 1783; Le soldat chrétien, ln-12, 1772; Traité du droit En dehors des Mémoires du temps, des Mémoires do public en France, 4 in-12, 1769; un Portrait de Louis Saint.Shnon, par exemple, qui renseignent surtout sur les de France, due de Bourgogne et des Avis au duc de séjours de Fleury à lu cour, de la Correspondance de Bossuet, Bourgogne, in-12, 1714. En 1807, l’abbé Émery pu­ des ousTiigcs déjà Cités, Morérl. Dictionnaire, t. v; Rondet, blia encore sous ce titre : Nouveaux opuscules de Notice sur Vabbê Fleury, en tète de son édition des Opus­ cules; A. .Martini, Essai sur la vie et les œuvres de Fleury, en l'abbé Fleury, in-12, Paris, des oeuvres de Fleury, tête de son édition des (Enures; Sainte-Beuve, Port-Royal, inédites ou inexactement publiées, entre autres, passim; Druon. Histoire de l'éducation des princes dans la un Discours sur les libertés de Γ Église gallicane, maison des Bourbons de France, 2 in-8·, Paris, 1897 ; Vu ne!, que Fleury avait écrit en 1690, mais qu'il n’avait pas L'abbé Fleury à Γindex et la diplomatie du cardinal de publié. Une première édition en avait été donnée en Tencin, dans le Bulletin du diocèse de Lyon, 1902, t. ni, 1724, mais avec des notes d'une telle violence con­ p. 143-149; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1910, t. iv, tre les papes qu’elles ne sauraient guère être de Fleury. col. 1173-1179. C. Constantin. PluKieors éditions avaient suivi plus ou moins modi­ FLORENCE (Concile DE). Le concile de Flo­ fiées Émery donna l’édition authentique, d’après le rence, suitei et continuation régulière de celui de Bâle, manuscrit autographe. Le jurisconsulte Boucher d’Ar­ voir t. i, col. 113 sq., compte comme XVI· ou XVII· gis a donné également une ou deux éditions de plu­ concile œcuménique, suivant que l’on admet ou pas sieurs œuvres de Fleury. l’œcuménlcité du concile de Constance. Il se divise en Mais Fleury est connu surtout par son Histoire trois périodes dont chacune porte le nom de la ville ecclésiastique, 20 ln-4°, Paris, dont le Ier volume où successivement il se trouva transporté : Ferrarc, parut en 1691 et dont les autres se succédèrent jus­ Florence, Rome (Latran). Officiellement ouvert le qu'en 1723. Rondet en a donné une 2e édition en 8 janvier 1438, il ne se termina que le 4 août 1415. 1740, en y ajoutant une Table générale, in-4°. Le Ces trois phases du concile de V Union, comme on P. Fabre de l’Orutoire continua le travail de Ficury qui l’appelle souvent, forment aussi tout naturellement s’arrêtait à 1411 et Jo conduisit jusqu’en 1594, y ajou­ les trois grandes parties de cet article. — I. Ferrarc. tant, à partir de 1726, 16 in-4®. Voir t. v, col. 2051. II. Florence. HI. Rome. Dans la première partie du xix· siècle, l’abbé Vidal I. Ferkabe (8 janvier 1438 au 10 janvier 1139) — découvrit Λ la Bibliothèque royale le manuscrit de 1° Causes du concile. — Tandis qu’à Bâle, le corn *le» trois livres inédits de V Histoire de Ficury, publia, en d’une part entravé par les légitimes difficultés que ne 1836, une Histoire du christianisme connue sous le nom cessait de lui créer le pape et de l’autre poussé par (Tecclésiastique, par l'abbé Fleury, augmentée de quatre l’esprit des docteurs parisiens, se jetait de plus en plus livres, comprenant Γhistoire du iv· siècle publiée pour dans des voies schismatiques et révolutionnaires, la première /ois d'après le manuscrit de Fleury, appar· se laissait cnvaliir par l'élément démocratique qui tenant à la Bibliothèque royale et continuée jusqu'au l’entraînait à commettre fautes sur fautes et, de ce xvni· siècle par une société d'ecclésiastiques, 6 gr. in-8°, fait, depuis sa pénible ouverture, le 23 juillet 1431, Paris. Voir Revue des questions historiques, t. iv, semblait comme frappé de stérilité, Eugène IV, lui, p.566. Les Discours préliminaires, mis par Fleury à son malgré les innombrables difficultés politiques et reli­ Histoire, ont été publiés à part, dès 1702. gieuses contre lesquelles 11 se débattait, n’était pas L'Histoire de Fleury fut, jusqu’à Kohrbacher, con­ sans agir. Les Pères de Bâle avaient surtout commo sultée par tous. Pendant La Révolution, constitu­ objectifs de leurs tumultueuses séances la réforme tionnels et réfractaires no cessèrent de lui demander de l’Églisc et l’hérésie hussitc. Sans, certes, fermer des arguments. Une traduction allemande en parut à l’oreille aux ouvertures que les grecs leur faisaient Gattingue, 17 in-4°, 1746 sq Sainte-Beuve, qui lo en vue de l’union des Églises, ils ne suivaient pas, ce­ compare à TUlcmont, son contemporain, Port-Royal, t. iv, p. 31, proclame Ficury < supérieur par la com­ pendant, avec une attention particulière, cette affaire, oubliaient d’envoyer des instructions à leurs ambas­ position, par l’étendue du point de vue qu'il embrasse dans ses discours généraux, par l’honorable indépen­ sadeurs à Constantinople, puis, par trop visiblement, dance du Jugement..., par le mélange de solidité et de clierchaicnt Λ attirer les grecs à eux, moins pour douceur... · Mais la critique de Ficury n’est pas trouver un terrain d’entente en faveur de l'union exempte d’erreurs; de plus, il est gallican et plus près désirée que pour être par là plus forts dans leur lutte du gallicanisme parlementaire que son protecteur contre le pape. Ce fut, au contraire, le grand mérite Bossuet; son Histoire, son Institution au droit ecclé­ d'Eugène IV de saisir avec clarté La situation du siastique, son Discours sur les libertés de t'Éqlhe galli­ moment et de chercher, avant même le sien propre, cane sont à l’index. Au xvm· siècle, le Jésuite Lanl’intérêt de l’Églisc. Ce fut aussi la cause de son succès taiumc faisait paraître des Observations théologiques, religieux qui fut, par surcroît, celle de son triomphe personnel. historiques, critiques,,., sur Γ Histoire ecclésiastique de Il avait, en effet, surgi cnlrc 1431 et 1437, à côté *eu M l'abbé Fleury, 2 in-4°, Avignon, 1756, 1757; de la question qui passionnait toujours les esprits : la en 1802, l ex-jésuitc Rossignol publiait des Réflexions réforme de l’Églisc, une nouvelle question non moins sur ΓHistoire, etc. ln-8·, Paris, 1802, etc.; mais importante, celle des grecs. Sous la menace des Turcs Rohrbechcr dépasse tous ces critiques par la violence qui campaient déjà aux portes de la capitale, les By­ de ses attaques; pour lui, Fleury ne comprend rien zantins comprirent qu'ils n’avaient plus chance de aux origines chrétiennes, au mnven ûge, sollicite les vaincre que s'ils se tournaient une fois encore vers textes, en un mot, apporte de l'inintelligence et met Rome et lui demandaient secours et argent. L'union de la mauvaise foi. Histoire universelle, nouvelle édi­ 25 FLORENCE (CONCILE DE) sister au concile et, peu après, le 20décembre,quit­ tèrent la ville. Pendant ce temps, après avoir signé avec les ambassadeurs du pape un traité réglant tous les points du voyage et du séjour en Europe, les grecs s’embarquèrent au mois de novembre pour Venise. C’est alors que, le ltf janvier 1438, Eugène IV pro­ nonça définitivement la translation du concile à Ferrare et désigna comme jour d’ouverture le 8 jan­ vier, par la bulle Pridem ex fustis. 2° Personnages présents. — Lorsque, le 1er janvier 1438, le pape lança les lettres de convocation pour le concile de Ferrare, il était à Bologne. Dès le lende­ main, 2 janvier, il envoya à Ferrare Nicolas Albcrgati, évêque de Bologne, cardinal de Sainte-Croix de Jérusalem, comme légat, pour y ouvrir et présider le synode en attendant sa venue et celle des grecs. Lui-même, du reste, ne tarda pas à arriver. Le 24 jan­ vier, il était à Ferrare et tout de suite se mit à l’œuvre pour préparer les séances. Bientôt, de divers points, surtout d’Italie — car la France et l’Allemagne s’abs­ tinrent — évêques, abbés, moines, prêtres et laïcs ailluèrent. Le 9 janvier, le cardinal Cesarini partit de Bâle et peu de temps après fit, à son lour, son entrée au concile, venant directement de Bâle d’où il appor­ tait, avec les nouvelles les plus déplorables sur les Pères révoltés, l’appui de sa haute autorité scientifique et morale. Enfin, le 8 février, les grecs mettaient pieds à Venise et bientôt, après la solennelle réception du doge, se dirigèrent sur Ferrare où l’empereur arriva le 4 mars et le patriarche le 7. Jamais le monde n’avait vu pareille et plus magni­ fique assemblée dans une ville d’Occidcnt. 11 faut avoir contemplé les merveilleuses fresques de Benozzo Gozzoli au palais Ricardi à Florence pour se rendre compte de l’impression que firent sur les contem­ porains ces assises de la chrétienté latine et grecque. Les latins étaient représentés par le pape Eugène IV, entouré d’une foule d’évêques, de prêtres et de biïcs parmi lesquels il en était de célèbres et qui prirent une part active au concile. C’était tout d’abord le car­ dinal Julien Cesarini dont La situation était hors de pair A cause de son passé, de son savoir et des situa­ tions qu’il avait occupées. Agé seulement de quaranteneuf ans environ, il était cardinal depuis 1426. Tour A tour, en attendant qu’il allât mourir à Varna, le 10 novembre 1444, il avait été envoyé par Martin V prêcher la croisade en Pologne, en Hongrie et en Bohème, puis par Eugène IV comme légat en Alle­ magne pour lutter contre les hussiles. ?\près le dou­ loureux cl retentissant échec des troupes pontificales A la bataille de Taus, il s’en était allé présider le con­ cile de Bâle et avait fait les plus nobles efforts pour amener entre le souverain pontife et les Pères un rapprochement nécessaire. De toutes ses forces, avec toute sa science et tout son cœur, il avait travaillé à éviter le schisme quand il fut obligé de quitter Bâle pour Ferrare. ÏA comme Λ Florence il fut constam­ ment A la peine et ne ménagea ni son temps, ni sa science, ni son argent pour faire œuvre utile, paci­ fique et féconde. A scs côtés, Albergati, cardinal de Sainte-Croix, n’avait guère une situation moindre. Ce chartreux était déjà un vieillard de soixante-trois ans dont le passé n’était pas sans gloire et dont la sainteté était si réputée (ju’il fut béatifié. 11 avait autrefois rem­ pli plusieurs missions diplomatiques en France, en Angleterre, en Italie et. en 1433, avait été nommé légat-président du concile de Bâle. Quand Eugène IV Je choisit comme président du concile, il venait de remporter un important triomphe diplomatique en réconciliant Charles VII et le duc de Bourgogne. Voir Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques ! t. i, col. 1396. Les autres cardinaux latins ne prirent de leur Église A l’Églisc latine était la seule condition d’une entente durable et féconde. Et c’est pourquoi, dans les classes élevées, il existait, A cette date, chez les grecs, tout un courant favorable à un rappro­ chement. Si pour les empereurs c’était pure alîairc politique, si, incontestablement, beaucoup, dans l’Églisc et dans l’Élat, étaient franchement hostiles à tout projet d’union avec les latins, et, au fond de leur cœur, n’étaient pas loin de préférer le « turban A la tiare, » il y avait cependant des esprits élevés, des patriotes sincères qui trouvaient assez insignifiantes les raisons qui séparaient les deux Églises et souve­ rainement fortes les raisons qui militaient en faveur de l’union. Jusque dans les couvents de Γ Athos, on comptait des partisans déterminés de cette orienta­ tion nouvelle qui applaudissaient aux efforts tentés pour sauver par cette politique l'empire et sa civili­ sation. En 1133, les négociations qui traînaient depuis 1117 furent activement reprises et ne contribuèrent pas peu à jeter au sein du concile de Bâle la désunion la plus complète. Chacun se mil à envoyer et à rece­ voir des ambassadeurs : les Pères, le pape et l’empe­ reur. Isidore de Kiev arriva à Bâle en juillet 1434, tandis qu’Eugène IV expédiait à Constantinople Christophe Garatoni. Très habilement, le souverain pontife olïrit de tenir le concile à Sainte-Sophie même et demanda qu’on invitât à ces solennelles assises l’empereur de Tréblzondc. Cette ambassade, admi­ rablement reçue, fit sur l’empereur une excellente impression et revint à Florence où le pape avait été forcé par les événements romains de se réfugier, accompagnée de Georges et d’Emmanuel Dishypatos. Les pourparlers auraient sans doute abouti sans les Pères de Bâle qui, à aucun prix, ne voulaient de Con­ stantinople comme lieu de réunion et intriguaient en faveur de Bide, d’Avignon ou d’une ville quelconque de Savoie comme siège du futur concile. Sur cette question, les intérêts d’Eugène IV et de Jean Paléologue étaient identiques. Ni l’un ni l’autre ne vou­ laient de ces pays excentriques, lis réclamaient au moins une ville maritime et en Italie. Pendant ce temps, A Bâle, au cours des xxiv· et xxvr sessions, des luttes ardentes se livraient sur la question de sa­ voir où aurait lieu le concile des grecs. La majorité tint ferme et maintint scs décisions antérieures; mais une minorité, bientôt soutenue et approuvée par le pape, se détacha et se rallia au désir exprimé par Eugène IV et par Jean. Ces luttes, naturellement, ne firent que rapprocher de pins en plus le pape et l’empereur. Finalement Ferrare fut la ville désignée par Eugène IV et acceptée par les grecs. C’est alors que, devant les menaces du concile qui osa citer A sa barre le souverain pontife, celui-ci, se sentant de plus en plus fort, assuré d’une minorée A Bâle et de l’appui bienveillant du marquis de Ferrare. publia le 18 seprembre 1437 la bulle Docloris gentium dans laquelle Il mettait en garde le concile contre ses audacieuses doctrines et menaçait de transférer fasse m Née à Ferrare. Ce n’était IA, du reste, de la part du pape, qu’une mesure de déférence et une manifestation pla­ tonique A l’égard du concile, car déjà l’accord était fait A cette date entre Eugène IV et l’empereur et les navires pontificaux faisaient voile vers Byzance depuis le mois de Juillet 1 137 pour aller chercher les grecs, leur apportant en même temps des soldats, de l’argent et des assurances positives. Dès que la bulle du 18 septembre fut connue A Bâle, les fureurs contre Eugène IV redoublèrent naturellement. La bulle fut déclarée nulle et le pape fut menacé de suspense et de déposition. Seulement les Pères voyaient plusieurs des leurs, et des plus grands, les abandonner. Cesarini, Nicolas de Cusc, les légats s’abstinrent, dès le 1er octobre 1437, d’as­ 2u FLORENCE (CONCILE DE) aucune part active aux délibérations. Ils ne firent qu'assister le pape et signer les protocoles. C’étaient le vieux Branda Castiglione, cardinal de Plaisance» âgé de quatre-vingt-huit ans; le neveu d’Eugène IV, François Condolmario, cardinal de Saint-Clément, d'abord vicc-camérier, puis cardinal, camerlingue de la sainte Église; /\nge!olto de’ Foschi,évêque d’Anagni, puis de Cava, cardinal de Saint-Marc; Giordano Orsini, cardinal-évêque de Sabine; Prosper Colonna, cardinal de Saint-Georges in Velabro, neveu do .Martin V ; Antoine Correr, cardinal de Bologne, puis de Porto et enfin d’Ostie, ami de jeunesse du pape. Mais, à côté d’eux,quelques personnages de second ordre ont joué un rôle important. Ce fut Ambroise Traversai·!, ami d’Eugène IV, général des carnaldulcs, qui alla, au nom du pape, saluer les grecs Λ Venise; Jean de Haguse ou de Monténégro, provin­ cial des dominicains de Lombardie; Jean Caffarelli, évêque de Forli; Nicolas Sagundino, de Négrepont, secrétaire durai à Venise, célèbre |>olyglotte qui fut Γinterprète habituel des délibérations; enfin et sur­ tout, André de Constantinople, archevêque de Hhodes, et Jean de Torquemada. Le premier, un domini­ cain, maître du sacré palais, tout nouvellement fait archevêque, avait été un des nonces envoyés par Eugène IV, au lendemain de l'affichage des placards À Borne, le 6 juin 1432, pour porter au concile de Bâle les propositions du pape. Dès cette épocpie, il s'était montré ardent partisan de l’union grecque et tout dévoué A la réforme de l’Église. Théologien de grand renom, versé dans la connaissance des Pères grecs et latins, il allait être une des lumières du concile et un des ardents défenseurs des latins. Quant nu domini­ cain espagnol Jean de Torquemada, il est assez connu pour que nous n'ayons pas A insister sur sa personne. Né à Valladolid en 1388, il avait été ambassadeur du roi de Castille au concile de Bâle. Devenu maître du sacré palais, il fut, lors de la translation du concilo à Ferraro, accrédité auprès du même roi. Dès 1439 il allait devenir cardinal. Parmi les laïcs, le nom d’André de Santa Croco, avocat du consistoire apos­ tolique, est demeuré connu grâce à l’histoire du con­ cile, auquel il assista personnellement, qu’il a racon­ tée sous la forme d’un dialogue avec un sien ami. Du côté des grecs, l’assemblée était plus magni­ fique encore. Tandis qu’aucun souverain européen ne siégeait à côté d’Eugène IV, l'empereur était là avec son fils Démétrius. Malheureusement, entre tous ccs représentants de l’Église byzantine, les dissen­ sions étaient profondes Les uns voulaient l’union.les autres la rejetaient avant toute discussion; les uns venaient en Italie pour des motifs purement poli­ tiques, quelques-uns par conviction, les autres forcés par le pouvoir suprême et attirés seulement par l’es­ pérance d'un profit pécuniaire. Jean VIII Paléologuc, qui régnait depuis 1423, était tout dévoué à l’union pourvu que ΓOccident lui offrit les secours dont il avait besoin. Sachant par expérience que les discus­ sions théologiques n’amèneraient aucun résultat, il chercha longtemps à esquiver la lutte. Il aurait voulu que l’union fût votée en bloc, sans examen théolo­ gique préalable, et repartir ensuite au plus vite pour Byzance Son fils Démétrius, au contraire, était vio­ lemment antiunioniste; du reste, par ailleurs, assez peu intelligent et très ambitieux; sa conduite n’alla pus tans encourager les partisans de l'opposition à Γ union et, certainement, sa politique religieuse eut, â l’encontre de celle de son père, les plus fâcheux résultats. A Ferrare comme à Florence il se tint par calcul en dehors de toutes les discussions religieuses et ce îr fut qu’à wn retour à Constantinople qu’il se dMettra chef d un parti politique et religieux au fond tout dévoué au Turc. C’était une belle figure que celle 28 du vieux patriarche Joseph II. Depuis 1416 sur le trône de Byzance, il avait toujours désiré l’union et avait travaillé constamment à la réaliser. Sans doute, il y avait peut-être chez lui une arrière-pensée poli­ tique, et cette pensée, c’était l’espoir que l’union libé­ rerait un peu l'Église grecque de la contrainte impé­ riale; mais ce n'était là pour lui qu’un argument secondaire. 11 semble bien qu’il voulut l’union pour des motifs avant tout religieux. Quand il se mit en route, Joseph était déjà très malade. 11 put pressentir qu’il ne reviendrait pas mourir à Byzance. Le voyage l’acheva en effet. Il mourut à Florence en 1439. Les deux grandes figures grecques du concile sont assurément du côté unioniste Bcssarion, du côté antiunioniste Marc d’Éphèsc. Né vers 1395, arche­ vêque de Nicée, ami personnel de l'empereur, l’un des plus savants théologiens de son temps, Bcssarion fut, durant tout le concile, le grand défenseur de l’union comme le grand docteur de son Église. Chez cet intellectuel, l’union était avant tout affaire reli­ gieuse et conviction raisonnée. Aussi, quand il eut signé l’acte d’union, y conforma-t-il pratiquement sa conduite. Obligé pour sa foi d'abandonner l’Orient, il vint résider en Italie et mourut cardinal. Voir t. Π, col. 801. Marc Eugenikos, métropolitain d’Éphèsc, moine comme Bcssarion, ne semble pas avoir eu la grande âme de son illustre contradicteur. Dès avant le concile 11 s'était toujours montré très hostile aux latins. Aussi ne vint-il en Italie que par contrainte et très décidé à lutter de tout son pouvoir contre l’union. Avec une fougue et une activité extraordinaires, il prit la tête du mouvement d’opposition et fut le seul évêque qui refusa de signer le décret d'union. Lui aussi était grand théologien et excellent canoniste. L’histo­ rien Ducas l’appelle < une règle et une coupe inamo­ vible dans la science et les décrets du concile. » Très populaire à Byzance, il devint, après le concile, le centre de toute l'agitation anticonciliaire, fut enfermé en prison par ordre de l’empereur et mourut vers 1443 en anathématisant les unionistes, · transgresseurs des lois des ancêtres, gens très scélérats, dignes de la mort éternelle. » Parmi les autres membres de l’Église grecque qui prirent une part active au concile, il faut citer, après Bcssarion et Marc d’Éphèsc, un prêtre de talent, secré­ taire de l’empereur et grand-custode de Sainte-Sophie, Théodore Xanthopulos; Balsamon; Dorothée, arche­ vêque de Mytilènc, qui nous a laissé une histoire du concile écrite dans le sens unioniste; Antoine, ar­ chevêque d’Héracléc, antiunioniste; Dosithéc, évêque de Moncmbasie; Georges Scholarios, alors simple laïc, mais déjà l’ami et le disciple de Marc d’Éphèsc dont plus tard il sera l’héritier et le continuateur. A Flo­ rence, il signa le décret d’union, mais il faut lire les deux discours qu’il prononça, chef-d’œuvre d’oppor­ tunisme, pour se rendre compte que l’acceptation par Scholarios du fait accompli n’était, pour lui comme pour beaucoup d’autres, qu’affaire d’un moment, simple concession au pouvoir pour avoir de l’argent et rentrer chez sol. Enfin deux unionistes de grand mérite ont droit à une mention spéciale : c’est le futur patriarche de Constantinople, alors protosyncelle de Joseph, Grégoire Mammas, et le fameux Isidore de Kiev. Grégoire était bien placé pour connaître les deux mondes auxquels il s’adressait. Né en Calabre, il avait appris de bonne heure sur cette terre gréco-latine à comprendre l’Église romaine et les bienfaits de l’union, et il est bien probable que.durant les longues années qu’il passa dans son monastère, c'est en vue de l’union rêvée qu’il étudia les Pères grecs et latins. En tout cas, il suivit le parti de Bcssarion et d'Isidore de Bussie et mourut dans la fol romaine, à Borne, en 1459, pa­ triarche de Constantinople depuis 1443. Quant à 20 FLORENCE (CONCILE DE) Isidore de Russie ou de Kiev, il fut élevé par l'empe­ reur sur le siège de Kiev pour attirer au concile et à l’union la Russie. Déjà Jean VIII l’avait envoyé comme ambassadeur à Bâle et c’est à même fin qu’il l’envoya à Moscou. Comme Bcssarion, c’était un lettré, un humaniste; c’était, en outre, un homme d’action. Pendant tout le concile, il fut l’intermédiaire constant entre le pape et l’empereur; il fut aussi, parmi les grecs, un des ouvriers les plus habiles de la réconciliation. Après le retour de ceux-ci à Byzance, il devint conseiller habituel de l’empereur, le chef du parti opposé à Marc d’Éphèsc et le grand promoteur de l’union qui, grâce à lui et par lui, fut enfin solen­ nellement proclamée à Sainte-Sophie en 1152. Il alla mourir à Rome après avoir héroïquement défendu, le 30 mai 1453, la pointe du Séraï. 3°<)uesffons traitées.—Par la bulle du 2janvierl438, Eugène IV ordonnait au cardinal Albergati d’aller à Ferrure pour présider le concile, qui aurait à s’occuper de trois choses : l’union, la réforme de l’Église et le ré­ tablissement de la paix parmi les peuples chrétiens. C’étaient les trois points déjà soumis au conci le de Bâle. En réalité, à Ferrarc, on ne s’occupa que du premier. Comme le pape l’avait ordonné, le concile s’ouvrit, le 8 janvier 1438, par une cérémonie religieuse et la Ir· session eut lieu le 10 du même mois. La période de Ferrare devait compter seize sessions. Malgré cette pre­ mière ouverture solennelle, on peut dire cependant que le concile ne commença véritablement qu’à l’arrivée des grecs et aux cérémonies qui curent lieu à cette occasion, le 9 avril 1438. Durant les trois premiers mois de l’année, les Pères ne s’occupèrent que de préparer le travail du concile et de régler certaines affaires de procédure. Le 10 janvier, on lut le décret de transla­ tion du synode de Bâle à Ferrarc, on déclara nul tout ce que pourraient faire les Pères, sauf dans la question bussite, enfin on déclara que toutes les peines fulmi­ nées contre les Pères de Ferrare par ceux de Bâle étaient et seraient déclarées nullcs, sans valeur légale. C’est sur ces entrefaites que, le 24 janvier, en môme temps qu’il entrait à Ferrarc, Eugène IV fut suspendu par la faction de Bâle dans la |xxxi· session. Le gant était ainsi jeté par les évêques schismatiques; c’était, à cette heure, sans conséquence aucune. Les 8 et 10 janvier, le pape put, sans trop s’occuper de ce qui se passait à Bâle, tenir deux congrégations pour régler les questions de préséance et le mode de délibération. On décida de partager tous les membres du synode en trois classes (status) : les cardinaux, les archevêques et évêques; les abbés et prélats; les docteurs et autres théologiens. Pour qu’une décision fût valable, clic devait recueillir les deux tiers des voix de chaque classe. Enfin, le 15 février, eut lieu, sous la présidence même du pape, la II· session officielle, qui compta soixante-douze évêques. Les Pères de Bâle furent excommuniés, privés de leurs bénéfices et inhabiles à en acquérir d’autres. Les magistrats de la ville étaient menacés de la même peine et Bâle serait mise en interdit si, dans les trente jours, ils n’avaient pas dissous le concile et renvoyé les Pères chez eux. Dé­ fense était faite à ennls d’insérer un seul mot nou­ veau au symbole? » Bessarion, plus logique, aurait, >u contraire, voulu qu'on discutât tout simplement si, oui ou non, l’addition du Filioquc était dogma­ tiquement exacte. Néanmoins, ce fui l’avis de Marc d’Ephésc qui l’emporta. En secret, il espérait bien qu’en répondant négativement à la première ques­ tion. on arrêterait du coup tous les pourparlers et on éviterait ainsi toute autre discussion. La session du 8 octobre se tint dans la chapelle du pape dors malade et fut uniquement occupée par un FLORENCE (CONCILE DE) sc pou: suivit le 8 décembre dans la XV· session. Comme l'avait prévu, dès le début, Marc d’Éphésc» on bataillait au fond d’une impasse sans issue, les uns, les latins, affirnumt qu'une addition nu symbole était permise et ne pouvait pas ne pas l’être; les autres, les grecs, maintenant qu'en aucun cas, pour le plus grand bien de ΓÉglise, même pour combattre une hérésie, il n'était pennis d'ajouter quoi que ce soit au crédo, fût-ce la vérité la plus universellement acceptée. Déjà beaucoup de grecs, voyant l’inutilité de tout effort sérieux, parlaient ostensiblement de retourner à Constantinople. Ils étaient très probable­ ment poussés par Marc d’Éphésc. Mais l’empereur, lui, n’entendait pas les choses de la Forte. H voulait aboutir à un résultat quelconque et c’est pourquoi il se décida à faire droit à la demande et des latins et des unionistes et à laisser discuter la première question vraiment importanto, celle de la procession du SaintEsprit, celle par laquelle on aurait dû tout de suite débuter. Mais, au moment où l’on pouvait espérer que les choses allaient prendre une meilleure tournure, de nouvelles difficultés surgirent. D’une part, la peste sévissait à Ferrarc; de l’autre, le pape ne pouvait plus payer les frais du concile. Les biens pontificaux étalent la proie de bandes d’aventuriers conduits par Niccolo Piccinino qui venaient rôder jusque sous les murs de Forrarc. Les grecs réclamaient cinq mois d’arriéré pour leur pension. Tout allait au plus mal. C’est alors que les Florentins firent à Eugène IV de ma­ gnifiques propositions pour qu’il transportât le concile dans leur ville. C’était bien aussi le désir du pape qui aimait Florence; mais les grecs s’y opposaient. Ils ne se souciaient point d’être retenus longtemps en Italie et d'aller habiter une ville aussi, éloignée de la mer. Seulement ils étaient dans la misère. Aussi, quand Eugène IV leur eut dit que, grâce à Florence, ils pour­ raient toucher, l’union votée, 12000 écus d’or cl tout de suite leur arriéré, ils se laissèrent faire. Ix* 2 jan­ vier 1439, ils acceptèrent, après de longues discussions, d’accéder à la volonté du pape et de l'empereur, à con­ dition qu’on leur donnerait de l’argent et que les négo­ ciations ne dureraient pas plus de quatre mots. C’est ce qui fut promis. Dans la xvi· et dernière session qui eut lieu à Ferraro, le 10 janvier 1439, l'archevêque de Grado pour les latins. Dorothée do Mitylène pour les grecs lurent chacun en leur langue le décret de trans­ lation; on paya les grecs et on envoya de fortes sommes — 19 000 florins — ù Constantinople. Puis le concile de Ferrarc fut déclaré clos. Ce premier et considérable effort aval! été sans aucun résultat. II. FtoiiENCK (26 février 1439-26 avril 1442). — Le concile de Florence se divise tout naturellement en deux grandes périodes. La première s'étend de l'ou­ verture du concile à la proclamation de l’union et au départ des grecs, du 26 février 1439 au 26 août de la même, année; la seconde va jusqu'au moment où Eugène IV peut rentrer à Home et y transporter le concile, c’est-à-dire jusqu’en 1 142. 1° Le concile de Florence du 26 février au 26 août 1439, — Eugène IV, après avoir gagné les grecs à l'idée de la translation du concile à Florence et, avec l’argent de la république, payé la pension des Pères, quitta solennellement Ferrarc le 16 janvier. Quelques jours plus tard, Jean Dishypalhos, le 22 Janvier, ar­ riva à Florence, examiner les logements réservés aux grecs. Le pape fit son entrée dans la ville, le 27 janvier, bientôt suivi du patriarche, le 13 février, cl de l’empereur, le 16. Une fois de plus, mais tou­ jours en vain, Eugène IV annonça aux princes d'Occident le transfert du concile et les engagea ù y envoyer ambassadeurs et évêques. Il semble qu'à Florence les grecs arrivèrent avec DICT. DE TIIÉOL. CATIIOL. de meilleures dispositions qu'ils n'étalent arrivés à Ferrarc Au fond cependant, la situation était toujours la même. Seulement chacun se rendait compte qu’il était impossible de reculer, impossible même de repar­ tir sans les secours du pape. Il n’y avait dès lors qu’une solution pratique, en finir au plus vite, signer tout ce que l’on voudrait et retourner chez soi. Après quoi, on aurait tout loisir pour renier sa signature en recou­ vrant la liberté. Ce fut, par ailleurs, une profonde désillusion pour l’empereur, cheville ouvrière de toute cette politique religieuse, de voir qu'aucun souverain ne voulait venir au concile. Il avait compté intéresser rOeddent à sa détresse, obtenir un appui et, en fait, au lieu de discuter une affaire d’État, il se trouvait uniquement en présence de prêtres occupés à discuter affaire de théologie. C'est cette situation de l’empereur et du clergé grec qui explique d’une part la rapidité avec laquelle on se mit à l’œuvre pour trouver un terrain d'entente, et de l'autre l’influence croissante des unionistes au sein des délibérations. Désormais l’autorité de Marc d’Éphèse va décimer jusqu'au jour où l'empereur lui interdira la parole; désormais aussi, par un coup d’autorité, l’empereur suspend le droit de vote de quelques-uns des plus irréductibles antiunionistes jusqu’au moment où il faudra signer l’acte d’union. Alors, de nouveau, l’empereur inter­ viendra pour obliger ce même parti à signer. Du reste, comme nous le verrons, on adopta à Florence, après quelques séances publiques, une nouvelle méthode de discussion infiniment plus expéditive : celle des commissions. Plus de longs discours et d’interminables controverses, dans ces réunions privées chez l’empe­ reur et le pape. Des délégués, savamment choisis parmi les plus favorables à l'union, font un travail précis, discutent entre eux, étudient, puis rapportent et votent. La ιΓ· session du concile de Florence, la xvn· du concile général, eut lieu dès le 26 février dans le palais du pape. Quatre-vingts personnes y furent convoquées. Le cardinal Cesarini prononça le discours d'ouverture, après quoi, on décida que les séances publiques au­ raient lieu trois fois par semaine et dureraient en tous cas trois heures. Les autres jours, les commissions tra­ vailleraient. Enfin, l’empereur déclara qu’il fallait aborder tout de suite la question dogmatique et qu’on devait laisser de côté, en public, l’irritante et insoluble question de l’addition du Filiaque. Ceci décidé, et c'était un premier pas de fait, les grecs nommèrent une commission composée d’Antoine d’Héraclée» Grégoire Mammas, Isidore de Russie» Marc d’Éphèse, Dosithée de Monembasie, Bessarion et Dorothée de Mitylène. pour préparer l’union sur la question du Saint-Esprit. La composition de celte commission était déjà un indice de la tournure qu’al­ laient prendre les débats. 11 n'y avait qu’un irréduc­ tible opposant d’élu, Marc d’Éphèse, et deux évêques antiunionistes· Antoine et Dosithée. I-a xviii· session se tint en présence du pape, le 2 mars, et tout de suite on aborda la question dog matique de la procession du Saint-Esprit. Les deux orateurs désignés furent Marc d’Éphèse et Jean de Raguse, provincial des dominicains de Lombardie. On sait quel était le fond de ce second débat. Pour les latins, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils; pour les grecs, il ne procède que du Père. Voir L v, col. 762. Pendant trois mois, c’est-à-dire jusqu'au début de juin, cette question fut la seule discutée, d’abord dans les sept séances publiques qui se tinrent jus­ qu'au 24 mars (xviiiMcxrv· sessions, tenues les 2, 5, 7, 10, 14, 21 mars); puis dans les commissions qui firent place aux séances publiques à partir du 30 mars, jusqu’au 8 juin, date où, solennellement, les grecs adhérèrent ù la formule d'union sur ce premier point. VI. - 2 FLORENCE (CONCILE DE) 36 Jean de Raguse, tout d’abord, chercha à prouver que pations scientifiques. Marc d’Éphésc comptait sur le Saint-Esprit procède bien du Fils,car il tire son être un grand succès. Dans la xx· session, 1 arciievequc de lui. Trois grands théologiens furent particuliére­ d’Éphésc affirma donc tout a coup que le texte do ment appelés A déposer pour ou contre le doctrine saint Basile contre Eunomius avait été interpolé latine et grecque : saint Épiphane, saint Basile et pour défendre le Filioque. Jean de Raguse n’eut pas saint Cyrille d'Alexandrie. C’est par le premier que de peine à lui faire remarquer que tout d’abord, s’il commença le combat. Saint Épiphane, dés 374,dans y avait des textes altérés, c’étaient les grecs qui son Άγχυοωτό:, avait écrit : Filium illum dico qui étaient coutumiers de semblables faits, mais qu’en ex Ipso est ; Spiritum oero Sanctum qui solus ex ambobus l’espèce, il ne pouvait y avoir d’interpolation, car le est; ex hoc igitur dicto si Spiritus ex ambobus est, ergo codex rapporte de Constantinople par Nicolas do esse ellam accipit ex ambobus/ Puis ceci : Et quemad- ; Cusc, et qui datait d’une époque antérieure aux dis­ modum nemo vidit Patrem nisi Filius, neque Filium cussions, contenait le texte incriminé, ce qui était pro­ nisi Paler; ita dicere audeo, neque Spiritum Sanctum bant. Mais il y eut mieux. A ce moment, tandis quo novit quisquam nisi Paler et Filius a quo accipit et pro­ Marc continuait a soutenir la non-auincnlicité de la cedit ; nec Filium et Palrcm nisi Spiritus Sanctus qui phrase de saint Basile, le cardinal Ccsarlni demanda vere clarificat, qui docet omnia, qui est a Patre et Filio. ù voir le manuscrit que Dorothée de Mitylènc avait Ces textes étaient embarrassants pour Marc d’Éphésc. en mains. 11 le trouva semblable au manuscrit discuté, Il s’en tira en discutant les termes de saint Épiphane. portant le texte en question, tout différent au sur­ Jean de Raguse avait, en effet, cité son auteur d’après plus du texte cite par Marc d’Éphésc, et toujours la traduction de saint Ambroise. Marc ergota donc allégué par lui. Cette découverte fut l’occasion d'un sur le sens des mots καο ’ου Ιχχοριύιται xai παρ’ου λαμ­ indescriptible tumulte. Évidemment, La bonne foi βάνω et prétendit que le premier verbe ne se rapporte grecque n’était pas entière et si l’histoire que raconte qu’au Père, que le second se rapporte exclusivement au Bessarion est authentique, comme cela est très pro­ Saint-Esprit. Afin de fortifier sa prouve,l’archevêque bable, elle illustre la façon dont Marc et scs adhé­ d’Éphésc cita un texte de saint Basile prouvant, rents comorenaicnt la discussion. « On trouva dans ce d’après lui, que le Saint-Esprit ne procède que de la concile, dit Bessarion, d’abord cinq exemplaires, puis substance du Père. En réalité, le théologien grec était six. Quatre étaient écrits sur parchemin et fort an­ ciens, deux autres sur soie. Des quatre, trois appar­ acculé. Pour sortir de l’impasse où saint Épiphane tenaient à l’archcvêque de Mitylènc, le quatrième l’enfermait, force lui fut de trouver une distinction aux latins. Des deux écrits sur soie, l’un était ia pro­ et c’est cette distinction que lui fournissait saint priété de notre puissant empereur, l’autre du pa­ Basile. Dans le texte discuté, l’évêque de Salamine, triarche sacré. De ces six exemplaires cinq avaient le au dire de Marc, n’avait pas en vue les personnes di­ texte tel que je l’ai cité, c’est-à-dire qu’ils affirmaient vines comme origine du Saint-Esprit, mais bien la que l’Esprit tient l’être du Fils et qu’il dépend de cctle substance divine commune à l’une et à l’autre per­ même cause, c’est-à-dire du Fils. Mais un seu, sonne. C’est alors que les textes de saint Basile entrèrent l’exemplaire du patriarche, était autre : quelqu’un en discussion et devinrent le pivot de toutes les argu­ avait coupé le texte et avait ensuite ajouté et rctran mentations postérieures. La preuve qu’il fallait, en ché certaines choses. Plus tard, après le concile, saint Épiphane, faire la distinction proposée était, m’étant proposé d’examiner presque tous les livres affirmait Marc d’Éphésc, ce texte de saint Basile de ces monastères, j’a’· trouvé que dans les plus ré­ tiré du L V· Contre Eunomius, c. xni : ye/i 6 θεός, cents, c'cst-à-dirc dans ceux qui ont été écrits après ούγ ώς άνθρωπος, γι<α ce άλτΟώς* xal τ'ο γεγινημίνον cette grande querelle, ce passage était coupé, 'lous ίξ αυτού έχπέμζη ζνιύμα 5ck στόματός, ού·/ otov το ceux, au contraire, qui étaient d’une main plus an­ δρώπινον, inet μηδε σ:όμα θεού σωματιχώς έννοούμεν* εξ cienne et qui ont été composés avant la querelle des αύτοΟ U το πνεύμα, χαΐ ούχ Ιτέρωδεν. La discussion grecs entre eux, tous ceux-là sont restes sains et en­ porta tout do suite sur ce dernier membre de phrase : tiers et ils sont cependant en aussi grana nombre que L'esprit est de lui et non (Tailleurs, Avec beaucoup de les textes corrompus... Sur ces entrefaites, j’ai trouvé présence d’esprit Jean de Raguse fit remarquer que ce passage visait les ariens et qu’il signifiait simple­ entre autres livre J, au monastère du Christ-Sauveur de Pantcpoptos, deux exemplaires de saint Basile, l’un, ment que le Saint-Esprit procède de la substance sur parchemin très ancien, à en juger par la vue..., divine et non d’une substance créée, qu’il n’est pas une créature. Le texte était donc non avenu pour l’autre, sur papier, qui datait d’au moins trois cents prouver que saint Basile avait enseigné que le Saintans, air la date était inscrite à la tin. Ces deux exem­ Esprit ne procède que du Père. Mais U y avait plus. plaires ont le passage de saint Basile; seulement ces Dans un autre passage du même ouvrage, au 1. Ill, hommes audacieux, et d’une main plus audacieuse saint Basile écrit ceci: Τίς γαρ ανάγκη, cl τώ άξιώματι encore, ont coupé le passage. Mais ia place est restée χαΐ τη τάξει τρίτον υπάρχει το πνεύμα, τρίτον είναι αύτδ vide et la moitié des syllabes subsiste, ce qui ne fait χαι τη φύσει; αξιώματι μεν γαρ δεύτερον τού υΙού, παρ’ que trahir la supercherie et démontrer encore mieux αυτού το είναι ίχον, χα\ παρ’αύτού λαμόανον, χα\ άναρ· la vérité. Dans un autre livre, une rature a été placée sur la phrase : « recevant l’être de lui et dépendant γέλϊον ήμΤν. JCc texte fameux, qui joua un rôle considérable « un loue ment de lui comme de sa cause. · Lettre de dans toutes les discussions et sur lequel on revint Bessarion à Alexis Lascaris, P. G., t. clxi, col. 319 sq., sans cesse, était sans réplique dans sa clarté même. dtêe par Vast, p. 81-82. C’est pourquoi Marc d’Ephésc se rejeta sur un tout Ces discussions de critique externe n’empêchèrent pas Marc d’Éphésc et Jean de Raguse de continuer leur nouvel et très curieux argument : l’argument critique. 11 attaqua la tradition manuscrite et prétendit que le tournoi dialectieue en apportant de nouveaux textes texte allégué n’était pas authentique, qu’il était in­ de saint Basile, de saint Athanase et de saint Cyrille. La xxi· session, tenue le 10 mars, et la xxn·, terpolé. D’une discussion infiniment subtile, roulant sur le sens précis des mots et leurs rapports gramma­ tenue le 14. furent consacrées entièrement à reprendre ticaux ou logiques dans la phrase et avec le contexte, les textes allégués pour en tirer une synthèse de l’ensei­ on abordait, dans la xx· session, une question de gnement patristique. Mais, visiblement, chacun était pure critique, une question de faits. Le procédé était fatigué de ces débats. L’empereur se plaignait de la habile. Les manuscrits étaient nombreux, venaient longueur des discours; Jean le fit de son côté et certes de diverses sources, avaient été écrits sans préoccu­ 11 le pouvait. Mais incontestablement, le succès final 37 FLORENCE (CONCILE DEI allait aux latins. Cependant personne ne pouvait en­ trevoir comment on arriverait A mettre un terme à ces fastidieuses polémiques, quand, dans la xxin· ses­ sion, le 17 mars, tandis que chacun ressassait les mêmes textes et les mêmes Interprétations, et s'accusait ré­ ciproquement de ne pas répondre aux objections scripturaires et patrlstiqucs, Jean de Raguse (11, une fois de plus, la déclaration Que ΓEglise romaine no reconnaissait qu'un seul principe et qu'une seule cause de la Droccssion du Saint-Esprit, le Père, et non deux causes, comme l'affirmaient les grecs. Il n’y a dans la divinité qu'un principe, qu’une cause, le Père. Celui-ci produit de lui éternellement le Fils et le Saint-Esprit. Ainsi le Fils reçoit du Père deux choses, son être et son pouvoir de produire le SaintEsprit et producti Spiritum non ex se ipso, sed ex tllo, a quo et ipse suum esse habet. Les partisans do l'union, voyant que bon nombre de grecs approu­ vaient cette déclaration, s’en emparèrent pour arri­ ver A faire l’accord sur ce principe admis de tous et obtenir de l’empereur que les séances publiques fussent suspendues. Pour confirmer la déclaration •raie de Jean de Raguse, les unionistes invoquèrent un texte très heureux, une lettre de saint Maximo disant à propos des latins : ...Per quos demonstra· runt sese nequaquam asserere Filium esse causam Spiritus; unam quippe norunt causam Filii ac Spi­ ritus Patrem, illius quidem secundum generalionem, hujus autem secundum processionem : sed significare quod per ipsum etiam procedat eaque ratione ostendere ejusdem essent ire nulla cum varietate communionem. Sur ces affirmat ions< les grecs décidèrent de faire l'union et l’empereur demanda la suspense des sessions publiques. Mais Jean de Raguse, assez peu généreusement, cl les latins, assez maladroitement, réclamèrent une nouvelle réunion pour réfuter les arguments avancés par Marc d’Éphésc. Il fallut y consentir. Les 21 et 24 mars, Jean de Raguse recom­ mença ses discours, apportant une foule de textes grecs et latins. Mais il fut seul à parler. L’empereur avait interdit à Marc d’Éphésc de paraître aux réu­ nions et d’y prendre la parole. L’archevêque préten­ dit, lui, qu’il ne put y assister, étant malade. En tout cas, le résultat était le meme. Le latin seul parla, ce qui fit dire plaisamment à Isidore de Kiev : < S’il n’y a qu'un combattant, naturellement il restera vainqueur. · Ces discours de Jean de Raguse furent les derniers prononcés. De concert avec l'empereur, le pape suspendit les séances publiques et avec elles le rôle de Marc d’Éphésc était terminé. L’union pouvait donc se faire sur un point : sur l'unité de principe. Ceci, du reste, n’empêcha pas plus tard Marc d’Éphésc d’écrire que les latins attri­ buaient l'existence du Saint-Esprit à deux principes. Cet homme intelligent, cultivé, éloquent,était malheu­ reusement peu loyal. Si les résultats du concile ne furent pas ceux que de part et d'autre on escomptait, la faute en fut pour beaucoup Λ son intransigeance et A sa mauvaise foi. La première réunion privée qui suivit la session publique du 24 mars eut lieu le 30 chez le patriarche, en présence de tous les dignitaires grecs. La décision de supprimer les séances générales fut communiquée A chacun, ainsi que l’ordre de l’empereur et du pape d'en finir. 11 fallait, A Pâques (et l’on était au lundi saint), ou avoir trouvé un terrain d'entente définitif ou s'apprêter A dissoudre le concile. C'est alors que parmi les grecs se manifestèrent dans toute leur force les deux courants contraires qui les dirigeaient. Les uns, une minorité, ne voulaient A aucun prix l’union; les autres, la majorité, la désiraient pour des motifs divers : d’un côté, c’étaient Marc d’Ephésc et Dosithéc de Moncmbasic, de l’autre, c'étaient Bessarion 38 Isidore, Grégoire. Pour la première fois, les adver­ saires de l'union parlèrent de capitulation et cher­ chèrent A créer à ce sujet de l’agitation; mais U était trop tard. L’empereur veillait et enfin allait nette­ ment imposer sa volonté. Bessanon fil remarquer dans cette réunion, en réponse à Marc d’Éphèse qui traitait les latins d’hérétiques, qu'à ce taux tout le monde l'était, puisque Pères grecs et Pères latins en­ seignaient la même doctrine. Quant aux écrits falsi­ fiés. c'était un argument trop commode · Si le doute est poussé jusque-4A, dit Bessarion. qu'est-ce qui subsistera? Qu’rst-ce restera dans les livres en dehors du papier blanc? » C’était l’évidence même. Les jours qui suivirent furent employés à de nou­ velles démarches et à préparer h discussion qui devait avoir lieu le samedi suivant pour en finir avec la question du Filioque, trouver une formule accep­ table et commencer les négociations qui devaient amener l’union. Malheureusement, le patriarche Jo­ seph tomba si gravement malade qu’on dut renoncer A cette réunion et administrer le vieillard. Certains ir­ réductibles auraient voulu profiler de la circonstance pour arrêter tous les pourparlers et partir; mais l’em­ pereur ne l’entendait pas de la sorte. Il fallut rester et reprendre les réunions. Le 10 avril, les grecs envoyè­ rent au pape une délégation pour lui demander de fixer lui-même les moyens qu’il estimait propres A amener l’union. Quatre propositions leur furent rap­ portées; il fallait : Ie que les grecs disent s’ils étaient d’accord avec les latins sur la procession du Père par le Fils ou, s'ils avaient des doutes, qu’ils les for­ mulassent; 2° qu’ils apportent des textes d'Écriture sainte infirmant b croyance btine; 3· qu’ils dé­ montrent par l’Écriture que leur enseignement est meilleur que l’autre; 4e dans le cas où ces proposi­ tions ne seraient pas acceptées, il restait un dernier moyen, se réunir en assemblée générale, déclarer sous serment et ouvertement ce que chacun croit et adop­ ter ce que b majorité des grecs aura approuvé. Ces propositions embarrassèrent singulièrement les grecs. On les discuta néanmoins. L’empereur aurait voulu qu’on choisit tout d’abord une proposition pour la présenter; mais là non plus on ne put s’entendre. Les grecs donnèrent aux questions du pape des rêjxjnses évasives, sauf sur le dernier point qu'ils rejetèrent nettement comme une « nouveauté » et les négocia­ tions reprirent entre l’empereur et Eugène IV. C’est dans une de ces réunions privées, tenue le 13 avril et qui se continua le lendemain, que Bessarion prononça son fameux discours sur l’union, discours qu’il tra­ duisit plus lard en latin, qui porte le titre de discours dogmatique, P. G., t. crxi, coL 543 sq., et que l’au­ teur a divisé en dix chapitres. Après avoir montré les bienfaits et les beautés de l'union, Bessarion cherche A prouver qu'au sujet de b procession du SaintEsprit les Pères grecs et btins sont d’accord et ensei­ gnent la même vérité, quoique avec phis ou moins de clarté. 11 faut donc non pas séparer les auteurs qui, du reste, ne peuvent se contredire sur une vérité dog­ matique, mais les éebirvr les uns par les autres, les rapprocher et les concilier, car une chose est hors de doute,c'est qu'aucun Pére grec n'a jamais dit que le Saint-Esprit ne procède nas du Fils. (En effet, pour que b thèse de Marc d’Ephèse fût vraiment solide, il aurait dû apporter des textes indiscutables montrant que l'Église grecque avait formellement enseigné que le Saint-Esprit ne procède que du Père et avait refusé toute coopération directe au Fils, au lieu de se borner A épiloguer sur des textes pouvant s’entendre dans l'un et l'autre sens.) Au fond de toute cette contro­ verse, il y avait en réalité surtout un malentendu venant des expressions dont s'étalent servis les Pères. C’est pourquoi Bessarion s'efforça de démontrer, au FLORENCE (CONCILE DE) 40 e. V, centre de tout Je discours, que le vrai sens de ble-t-il, aurait dû les satisfaire : Credimus in unum Li préposition δια» per en latin, indique une cause Deum Patrem et in unum Filium umgcniluni ex Paire «méchante», «coopérante». Pnepositionem igitur · per· natum et in unum Spiritum Sanctum, habentem quidem in omnibus in quibus accipitur, causam significare ex Patre suam substantiam sicut ct Filius sed ellam nur.quamque dici, nisi aliquam mediantem subostendat ex Filio procedentem. UNAM quippe dici mus PlLll ET causam, nemo est qui ignoret. Semper emmet in omniSPIRITUS CAUBAM NEMPE PA THEM ; UltUS quidem per bus quibus hoc ab hoc per hoc esse aut fieri dicitur, illud generationem, hujus vero per processionem. Sed neidenti­ • per » tanquam communicans aut coopérons primo tatem unilatemque (subslantIta separemus cl ut substan­ agenti accipitur. D'où il résulte que per Filium veut tiam) ab hypostasibus non re differentem, sed ratione dire exclusivement ceci, c’est que le Fils coopère ac­ tantum ct actu intclligendi asseveremus, et nulla su­ tivement à la procession du Saint-Esprit, parce qu'en spicio sil, Spiritum Sanctum esse ex solo Patre, Dieu il n’y a qu’une potentia productiva et pas de cause TRIUMQUE SUBSTANTIA, QU.K UNICA EST, in 1res partes instrumentale. Comme il y a dans le Père et dans le dissecta cuipiam videatur, vocem illam ex Filio proFils une seule et même puissance productive, on dit nunciamus in symbolo; et proplerea dicimus Spiritum que le Saint-Esprit procède également de tous deux Sanctum procedere ex Paire ei Filio, ut ab unico (c< en grec, ex en latin). Dire donc que le Saintprincipio. Labbc, Concit., t. xnr, coi. 463. 11 y avait Esprit procède du Père par le Fils ou procède du Père là, ce semble, de quoi satisfaire les grecs. L’unité de et du Fils, c’est, affirme Bessarion, deux expressions principe était nettement affirmée comme expliquée synonymes. < Ce sont quatre locutions équivalentes la formule ex Paire cl Filio qui choquait les adver­ de dire que l’Esprit est du Fils, qu’il est manifesté saires. Néanmoins ils ne le furent point ct, deux jours par le Fils, qu’il procède par le Fils ou qu’il procède durant, discutèrent entre eux la déclaration latine, du Fils. » En somme, conclut Bessarion, en s’ap­ puis, à leur tour, présentèrent la formule suivante, puyant sur les textes maintes fois allégués, on peut beaucoup plus vague, qui ne satisfit point les latins et dire sans altérer le dogme, avec les Occidentaux, de que meme certains grecs, comme Marc d’Éphèse, et pur le Fils. Les uns comme les autres enseignent refusèrent de souscrire : όμολογούμεν πηγην χαι ρίζαν que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils comme υΐοϋ τε καί πνεύματος τον πατέρα, καί άνθη Οεδφυτα τον d’un unique principe, n’ayant tous deux qu’une seule υΙον χαΐ το πνεύμα τού πατρδς, κατά τον άγιον Κύριλλον, et même substance. Après avoir ainsi parlé, Bessarion χαι την πρώτην σύνοδον, χαι τον μέγαν βασίλειον χαΐ λεtermina ce grand discours par une émouvante péro­ γομεν, δτι άναβλύζει ό υΙος το πνεύμα, πηγάζει, προχεϊ, raison dans laquelle il montra les malheurs de la pa­ χαι το πνεύμα το άγιον πρδεισι χαι έκ τού υΙού, καί ένίεtrie et affirma qu’il s’unissait aux latins pour ne pas ται καί προχείται. Ibid. On voit la différence des deux perdre son corps et son âme. formules. L'une précise, ne laissant — surtout après Tandis que Bessarion parlait théologie, un laïc de les innombrables explications données dès les débuts l'entourage de l’empereur, Georges Scholarios, com­ du concile — aucun point dans l’ombre, ct l'autre mença le 14 avril une série de trois discours dont le vague à souhait. Que voulait-on dire par ces mots à dernier fut lu le 30 mai. L’orateur se contenta d’étu­ image πρόεισι, ένίεται, προχείται ? Que de discussions dier la situation présente des choses en Orient et en ne pouvaient-ils faire naître? Finalement, cependant, au début de juin, après Occident pour conclure à l’union. Chose remarquable : il semble bien que les arguments de Scholarios eurent un mois ct demi de disputes, la commission, par l’in­ plus de poids que tous les raisonnements scolastiques termédiaire de Bessarion ct grâce à l’active énergie de Bessarion et de Marc d’Éphèse, car ce dernier en d’Isidore de Kiev, finit par trouver une formule faisait la remarque : · Le latinisme nous envahissait d’entente. 11 est vrai que, le 1er juin, le pape venait de faire à l’empereur les promesses suivantes pour le cas peu à peu, » c’est-à-dire que, sous la pression et des où l’union sc réaliserait : il supporterait les frais de événements et de l’empereur, beaucoup se détachaient de l’opposition et se rapprochaient des latins. retour des grecs à Constantinople, il entretiendrait à ses frais à Constantinople trois cents soldats ct deux la suite de ces faits, le 15 avril, en présence des galères; la croisade‘destinée à Jérusalem passerait par cardinaux Condohnieri, Ccsarini, Albergati, il fut dé­ Constantinople; en cas de besoin, le pape enverrait cidé qu’on allait nommer une commission, composée de dix membres pour chacune des deux Églises, qui à l’empereur vingt grands vaisseaux pour six mois ou dix pour un an; enfin, si l’empereur avait besoin aurait mission de s’entendre pour arriver à la paix. Les commissaires grecs furent directement désignés d’une armée, le pape solliciterait des princes chré­ par l’empereur. C’étaient dix métropolitains. Tout de tiens l’envoi de soldats. suite la commission sc mit au travail. Des déclarations Cet engagement favorisa incontestablement le vote furent péniblement élaborées, discutées, refusées sur de la formule préparée par Bessarion. Sauf Marc la question du Saint-Esprit. On essaya de rédiger d’Éphèse qui protesta verbalement, les grecs, le des professions de foi qui ne contentaient aucun des 3 juin, après s’être mis d’accord sur les termes dis­ deux partis; on disputa de nouveau les textes maintes cutés ex Patre ct Filio; ex Patre per Filium, ainsi que fois cités des Pères orientaux; on demanda un supplé­ sur le sens de la proposition per, διά, adhérèrent à la ment d’explications et de précisions sur les termes déclaration du patriarche Joseph : < Je ne veux rien de cause,de par,de principe unique qui ne satisfaisaient changer aux dogmes que nous ont transmis les saints Pères..., mais comme les latins nous montrent, non point. Bref, l’empereur lui-même, malgré sa volonté par eux-mêmes, mais par les saints écrits, que la pro­ d’aboutir, son autorité et son optimisme, dut avouer au pape, le 24 mai. qu’il rencontrait dans la majorité cession du Saint-Esprit s’opère aussi par le Fils, je beaucoup de mauvaise volonté. Pour gagner les récal­ me rallie à eux cl je déclare que la préposition διά citrant'», Eugène IV. le 27 mai. essaya d'aller à l’as­ désigne le Fils comme cause (αϊτια) de l’Esprit et semblée des grecs y prêcher l’union et y amener les en conséquence je m’unis aux latins. » Labbc. ibid., irrésolus. Ce fut sans grand succès. col. 489. Ils précisèrent encore qu’il était bien entendu Et cependant, si tous ces efforts n'aboutissaient que le < Saint-Esprit procède du Père et du Fils à aucun résultat, ce n'était pas la faute des latins. comme d’une même ά;χή et ούσία; qu’il procède Sur in demande des grecs et pour couper court à du Père par le Fils en tant que semblable en nature toutes 1rs insinuations répandues contre leur doctrine, I cl en essence et qu’il procède du Père ct du Fils comme le l*r mal, h uns avalent envoyé à leurs frères i d’une seule spiratio et productio. » Le 4 juin, Ils d’Orient une longue et précise déclaration qui, sem­ I signèrent enfin trois exemplaires de la formule qui 41 'LORENCE (CONCILE DE) fut solennellement adopt -e h 8 Juin en séance pu­ blique présidée ptu le pape : Consentimus vobis et quod additum sacro symbolo recitatis, e sanclts desumptum est; et approbamus illud et vobiscum unimur; dicimusque Spiritum Sanctum ex Patre et Filio procedere, tamquam ab uno principio et causa. I^abbe, coi. 487. Par cet acte un grand pas venait d’être fait vers l'union· Néanmoins, toutes les questions en litige n’étalent point résolues Go nu ne le temps pressait, on décida de sc remettre au travail dès le lendemain et d'examiner immédiatement les trois points : du pain azyme ct des paroles de la consécration, du purga­ toire ct du primat de l’Église romaine. Pour hâter la discussion, Eugène IV fit remettre aux grecs des pro­ jets de déclarations (ccdulœ), sortes de · schémas » où le pape indiquait ce qui devait être adopté. Les négociations qui allaient être ainsi reprises furent un instant arrêtées de nouveau par la mort du patriarche, le 10 juin 1439. Cette mort aurait pu avoir de graves conséquences pour la fin du concile ct faci­ lement les Marc d’Éphèse et autres opposants au­ raient pu trouver motifs à attaquer en nullité tout ce qui s’allait décider si, heureusement, Joseph n’eût laissé un écrit exprimant sa foi et scs dernières vo­ lontés ct daté du Jour de sa mort. Voir, pour la dis­ cussion concernant la date ct l'authenticité de cet écrit appelé Extrema sententia, Ilcfele, Histoire des conciles, trad. Dclarc, t. xi, p. 415 sq. Par cet acte solennel, le patriarche reconnaissait ct enseignait tout ce que reconnaît ct enseigne l'Éghsc catholique ct apostolique ct y adhérait « Je reconnais également le saint Père des Pères, le plus grand pontife et repré­ sentant de Notrc-Scigneur Jésus-Christ, le pape de l'ancienne Home. Je reconnais aussi le purgatoire. » Si ce testament est véritablement authentique, il est sûr qu'il dut beaucoup gêner les antiunionistcs, car, quoique vague sur la question du purgatoire, quoique toute la question du Saint-Esprit fût implicitement tranchée par le fait que Joseph adhérait sans restric­ tion à l’enseignement catholique, il y avait néanmoins dans cette déclaration un passage essentiel, c'était la reconnaissance du souverain pontife, il est vrai que le patriarche ne disait pas si cette reconnaissance était celle d’une prééminence d’honneur ou d'un pou­ voir de juridiction. 11 mourut, en tout cas, assez tôt pour ne pas assister aux discussions qui s'élevèrent sur la primauté du pape et ce fut sans doute pour sa mémoire un grand bien, car il fut enterré à Santa Ma­ ria Novella avec tous les honneurs dus à son rang ct sa pensée inspira plus d’une fois les négociations de l'union jusqu’à l’acte final· La première question qui fut résolue après la mort du patriarche fut celle du purgatoire. Elle le fut assez rapidement. Les latins présentèrent un mémoire pour prouver que les fîmes des fidèles qui quittent le monde avec des fautes légères doivent subir avant leur entrée au ciel une purification par l’épreuve du feu. Les théologiens appuyaient leurs affirmations sur des textes patristiques et sur les trois textes bien connus des Macchabées, de saint Marc ct de saint Paul. Les grecs, eux, soutenaient que jusqu'au juge­ ment dernier les âmes des défunts restent dans une sorte d’attente et quo peines ct châtiments ne seront distribués qu’à la fin des temps. Au fond, c’était la négation du purgatoire. Néanmoins les grecs cédèrent. 11 (ut entendu, selon les mots de la bulle d'union, que les âmes qui n'ont pas entièrement satisfait sur cette terre « sont purifiées après la mort par des peines purgatives » qu’on ne spécifia pas. Dans la cédule définitivement adoptée, on avait divisé les morts en trois classes : les saints qui vont immédiatement jouir de la vision béati tique; les pécheurs qui vont en en­ fer où ils sou firent des peines diverses; les pécheurs 42 pardonné» qui vont au purgatoire. Or déjà, au début de la discussion, avant même toute officielle réunion, le pape avait dit à ce sujet : ...medias (animas) autern esse in loco tormentorum : sed give ignis sit, sive caligo ac turbo, sioe quid aliud, non contendimus. Labbe, col. 491. C'était là le résultat dri discussions de Ferrare. On n'y revint donc pas, et sur ce point l'union fut conclue. Voir Feu du purgatoire, t- v,col· 2246 sq. La seconde question à résoudre fut,elle aussi .assez vite vidée. C’était la question du pain azyme et des pa­ roles de la consécration. Les 15 et 20 juin, Torquemada ou Traversari (les deux seules sources qu·· nous ayons, André de la ban ta Croce et les Acta, donnent l’un le nom de Torquemada, l’autre celui de Traversari) prononça à ce sujet un discours où il défendit les usages des latins. 11 fut convenu presque tout de suite que le pain pourrait être azyme ou levé. Quant aux paroles de la consécration, le débat portait sur la prière qui suit les paroles de la consécration et qu’on appelle êpiclése. Voir t. v, c 1. 17-199. Pour satisfaire les grecs, il fut décidé qu'on ne dirait nen de ce dis­ sentiment dans la bulle d’union, mais que Bessarion ferait, à ce sujet, au nom des grecs, une déclaration publique avant La lecture de ta bulle. C’est ce qu’il fit le 5 juillet 1439. Voir t. v, col 198. 11 reconnais­ sait que La consécration est achevée par les paroles sacramentelles ct que par les paroles de Jésus-Christ le pain et le vin sont transsubstantiès en son corps et en son sang. La doctrine de l'Église latine fut, par contre, expressément enseignée par Eugène IV dans sa Lettre aux Arméniens. Restait la question autrement brûlante de la pri­ mauté du pape. Là allaient se retrouver aux prises les adversaires acharnés de l’union et les théologiens romains. Il faudra toute la souplesse de Bessanon ct d’Isidore de Kiev pour arriver à sceller l’entente. La dispute commença aux environs du 16 juin, par un discours de Jean de Raguse dans lequel il s’efforçait de montrer que les données théologiques inscrites en la ccdulc sur la primauté pontificale étaient fondées sur l’antiquité, à savoir que le souverain pontife était chef de toute l'Église et de l’ordre des patriarches· Cette prétention était naturellement contraire à la tradition grecque qui ne voulait reconnaître au pape qu’une primauté d’honneur. Bessarion lui-même in­ clinait du côté de l'empereur. Jean, le 20 juin, dut reprendre par le détail les preuves de h primauté de juridiction ct donner à Bessarion les explications qu’il réclamait. Les preuves de Jean étaient les suivantes : honneur avec lequel des conciles ont reçu les lettres des papes, entre autres, le concile de Chalcédome, voir Chalcédoïne (Concile de), t. n, col· 2193 sq., ces lettres ont souvent servi de base aux discussions des conciles. Elles ont donc plus de valeur et d’autorité que les canons conciliaires, et aim essenl epistolæ synodiae erant majoris auctoritatis quam canones qui fiebant in synodis, quia Spiritus Sanctus operatur in Ecclesia romana ut in aliis conciliis. Quant à l’expres­ sion Komanus poni i/ex dicitur successor Petri et vica­ rius Christi et pater et doctor et magister Christianorum, elle affirme véritablement une primauté de juridiction ct non seulement d'honneur, hac prarcminentia non solum denotat reverentiam, sed potestatem quamdam cujusdam obedienlite, et elle est prouvée par Γ Écriture sainte ct par les textes grecs eux-mêmes. Ces textes sont évidemment ceux qui sont toujours cités à ce sujet : Pasce oves meas, libi dabo claves, etc. Mais une question plus importante pour les grecs était celle des limites de cette juridiction, cnr ils ne vou­ laient ni sacrifier les prérogatives de leur patriarche» ni placer l’empereur dans l'absolue puissance du pape. Cependant Jean de Raguse n'hésite pas. Ha c potestas quæ est in Petro et in successoribus, vocatur potestas 4θ FLORENCE (CONCILE DE) p'dtualis furididionis qua est ordinata in salutem am maruni omnium Christianorum. Et circa hanc po­ testatem d derid d laid sunt subjedi... Donc pas de doute, tous les chrétiens sont soumis au pouvoir pontifical, dans les choses qui concernent le salut. D’où les papes peuvent recevoir les recours du mé­ tropolitain contre les souverains qui les persécutent, comme ce fut le cas au sujet de saint Athanasc et de saint Jean Clirysoslomc. Mais là Jean eut grand soin de faire remarquer que cotte prétention n’entrave pas le pouvoir impérial, quod hoc non præjudicat po­ testati imperatoris, quia illa ut in ciuilibus d tempora­ libus, hæc est ecclesiastica d spiritualis. Il y a deux grands luminaires, le soleil et la lune, de meme deux pouvoirs qui doivent s’unir pour le bien de tous. C’est toujours la grande doctrine romaine. Allant plus loin, et pour répondre à deux questions de Bcssarlon, Jean de Kagusc montra que le pouvoir des papes s’étend à la convocation des conciles et que, tandis qu’un patriarche et un métropolitain n’ont qu'une au­ torité limitée au territoire qu’ils administrent, l’auto­ rité du souverain pontife va bien au delà : successor Pdri habet immediate potestatem superioris in om­ nes, sed ita habd, ut cum ordine hæc omnia flant. Labbc, coi 1146. En résumé, le Christ a donné à son Église la forme d’une monarchie; mats l'Égüse ro­ maine n’a nullement pour cela l’intention de détruire les droits et privilèges des autres Églises. Ce discours, comme il fallait s’y attendre, amena de grandes con­ troverses parmi les grecs. Évidemment Jean de Ra­ guse n avait pas oublié qu’à l’heure où il pariait les Pères de Bàle faisaient schisme et la France prépa­ rait une pragmatique sanction. Il fallait publique­ ment réagir contre tous les essais d'Église nationale cl c’est pourquoi, vis-à-vis des grecs, le pape ne con­ sentit sur ce chapitre de la primauté qu’à une chose : à reconnaître le siège de Constantinople comme le premier après le sien et à confirmer l’ancienne hiérar­ chie des patriarcats. Le discours du provincial des dominicains portait juste cependant. La preuve en est que, le 22 juin, les grecs répondirent qu’ils reconnaissaient la primauté du souverain pontife sauf sur deux points : un concile ne peut être œcuménique sans la présence de l’em­ pereur et du patriarche; un recours adressé à Rome contre un patriarche doit être jugé par les légats du pape dans la province et en présence des parties. Le 23 juin, Eugène IV refusa de ratifier ces deux exceptions à la primauté et un instant tout sembla rompu. Cependant, grâce à l'énergie des unionistes grecs, une formule de conciliation fut trouvée pro­ bablement par Bcssarion et présentée aux latins le 2b juin : llcpï τής άρχής τοΟ πάπα όμολογοΰμιν αυτόν αχρον άρχιε?/α χαϊ έπίτροπον, χαΐ τοποτηρητήν χαΐ βιχά· ριον του Χρίστου, ποιμένα τι χαΐ διδάσχαλον πάντων χρισ­ τιανών, lOvytiv χαΐ χυβερνχν την έχκλησίαν του θεόν, σωζομίνων των προνομίων χαϊ τών £ιχα:ων τών πατριάρ­ χων τής άνατοΧής^. Labbe, col. 504. Cette formule était incontestablement vague; mais comme l’avouaient les unionistes, c’était le dernier terme des concessions qu’ih pouvaient faire. Eugène IV, dont on a tant cri­ tiqué la rigueur dogmatique, accepta cependant cette formule. Avec elle l’union était faite. Il ne restait plus qu’à rédiger l’acte d'union. Par ordre du pape, on choisit dans chaque ordre des commissaires qui eurent pour mission de fondre les cédules adoptées isolément en un seul décret qui serait écrit en deux langues. Douze commissaires furent choisis. Ils curent à leur tête le cardinal Ccsarini. Bcs­ sarion et Traversait furent spécialement chargés de la rédaction. Traversari écrivit en latin le préam­ bule; puis on traduisit le décret en grec. Bcssarion le corrigea pour lui donner sa forme définitive et, le 4 juillet, après huit jours de difficultés de réduction soulevées par l’empereur, le décret fui enfin lu devant la commission grecque et latine et signé le 5 juillet. Les latins signèrent l’acte à Santa Maria Novella. Ils étaient au nombre de cent quinze. Les grecs signèrent chez l’empereur. Il y cul trente-trois signa­ tures. Marc d’Éphèse refusa de signer; Ésaïe de Sta­ vropol, Jean Eugenikos, frère de Marc d'Éphèse, et Georges, représentant des Églises de Géorgie et d’Ibérie, s’étaient enfuis de Florence avant la Un des délibérations. On sait que Denys de Sardes était mort à Fcrrarc. Par contre, les stavrophorcs de SainteSophie, hostiles à l'union et auxquels le patriarche et l’empereur avaient, dès le 24 mars, retiré le droit de vote, durent signer par ordre. Enfin, le topotérète de Moldo-Valachie, deux moines représentant les couvents de 1’Athos et quatre moines représentant di­ vers couvents signèrent les derniers. Toutes ces si­ gnatures, tant grecques que latines, furent données en présence des commissaires de la partie jusque-là ad­ verse. Ceci fait, le 6 juillet, dans la cathédrale de Florence, le décret fut lu solennellement pendant la grand’messc chantée par le pape. Ccsarini lut le texte latin, Bcssarion le texte grec. /Xprès quoi, les deux ecclésiastiques s’embrassèrent et tous les grecs, empereur en tête, vinrent fléchir le genou devant le pape et lui baiser la main. la; décrc< d'union ou Definitio sanctæ acumenicæ synodi Florentina, comme on l'appelle parfois, bien que ce titre ne sc trouve pas dans l’acte original,commence par ces mots : Lætentur cæli et exultet terra. Voir Hefclc, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. xi, p. 46 sq.; Denzingcr-Bannwart, n. 691. Après le préambule, vient tout de suite la question de la procession du Saint-Esprit. Les prin­ cipes sont affirmés, après quoi suit la définition : < En conséquence, au nom de la sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, avec l’approbation de ce saint concile œcuménique de Florence, nous définissons quo tous les chrétiens doivent croire et professer cette vérité de foi, savoir que le Saint-Esprit est éternel­ lement du Père et du Fils, qu’il tient son essence ainsi que son être subsistant du Père et du Fils, qu’il pro­ cède éternellement de l’un et de l’autre, ainsi que d’un seul principe et d’une meme spiratio... Nous définis­ sons, en outre, que l’addition du Filioque a été licite­ ment et raisonnablement insérée dans le symbole, dans le but de déclarer la vérité et cela étant alors néces­ saire. » Voir Filioque, t. v, col. 2320. Pour la question du pain avec ou sans levain, le décret définit qu’on peut indifféremment se servir de l’un ou l’autre, sui­ vant le rite de Γ Église à laquelle on appartient. Voir Azymes, t. i, col. 2664. Pour le purgatoire, le décret ne spécifie pas les peines infligées à ceux qui s’y trouvent, mais dé Unit que les âmes peuvent être soulagées par les suffrages des vivants. Les âmes ar­ rivées au ciel voient Dieu intuitivement, tel qu’il est, plus ou moins parfaitement suivant leurs mérites. Les damnés descendent aux enfers où ils sont punis suivant leur degré de culpabilité. Enfin pour la pri­ mauté, le décret s’exprime ainsi : « Nous définissons que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain ont la primauté sur l’univers entier et que ce même pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres, le vrai vicaire du Christ, le chef de toute Γ Église, le pasteur et le docteur de tous les chrétiens, et que c'est à lui qu’a été confié en la personne du bienheureux Pierre, par le Seigneur, le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle, ainsi qu on peut le voir dans les actes des conciles œcuméniques et dans les sacres canons. · Ce membre de phrase, en latin quemadmo­ dum diam..., a été attaque au xix· siècle par Dollin­ ger lors des discussions relatives à l’infaillibilité. Il a FLORENCE (CONCILE DE) IG voulu voir là, bien à tort, une falsification de la conciliaire qui se tint à Florence après le départ de$ cour romaine Voir, à ce sujets Ilefclc, Histoire des grecs, le pape publia la constitution Moyses pour flétrir « l'impiété bâloise » et réfuter les trois pré­ conciles, trad. Delarc, t. xi, p. 473 sq.; Tunnel, His­ toire de la théologie positive depuis l'origine jusqu'au tendues verliâtes fldei catholicse votées le 16 mai. concile de Trente, t. n, p. 377. La bulle se termine Nettement il condamnait la théorie du concile supé­ par la confirmation du rang cl des privilèges des pa­ rieur au pape et s’élevait avec vigueur contre la · vio­ triarches. lence diabolique qui avait poussé quelques évêques a Après la proclamation de l'acte d'union, les grecs déposer le souverain pontife. » Tous les participants ne songèrent plus qu’à quitter Florence le plus rapi­ au · nouveau brigandage d'Éphèse » étaient déc Lan dement possible. L'empereur et sa suite partirent hérétiques et excommuniés. Malgré tout, cependant, le 26 août par Venise. Beaucoup l’avaient précède. et jusqu’à Floicncc en la personne du cardinal Dans l'espace de temps qui sépara la proclamation Ccsarini, la théorie de la suprématie du concile sur du départ, les latins essayèrent de reprendre sur des le pape avait des adhérents. z\ussi Eugène IV, points secondaires la discussion avec les grecs. Outre avant de condamner formellement la phrase : < La quelques questions d'ordre liturgique sans importance, supériorité du concile sur le pape, déclarée à Con­ ils demandèrent la raison pour laquelle les grecs stance et à Bâle, est une vérité de fol, » phrase que acceptaient le divorce et la raison pour laquelle ils contenait le décret de Bâle du 16 mai 1439, voulut-il n'élisaient pas leur patriarche à Florence, la* pape instituer à ce sujet une conférence contradictoire. aurait voulu, en réalité, obtenir un triple résultat : Celte conférence eut lieu en septembre ou octobre. 1° l'abolition du divorce; 2° la punition de Marc Ccsarini représenta et défendit la thèse théologique d’Éphèse; 3° l’élection sous ses yeux du futur pa­ qui lui était chère. Comme les Bâlois, il affirma que triarche. Ce fut en vain. Les évêques répondirent au la proposition discutée et le décret de Constance de pape que les mariages n’étaient dissous que pour des 1415 étaient connexes, que condamner l’un, c’était raisons sérieuses; que Marc d’Éphèse devait unique­ condamner l’autre. Le coup allait directement contre ment se justi 11er; que c’était La coutume que le patriar­ la bulle Moyses qui avait expliqué que ces fameux che fût élu par tout le patriarcat et fût sacré à Saintedécrets du 30 mars et du 6 avril 1415, postérieurs à Sophie. L'empereur, du reste, Ht défense aux évêques l’évasion de Jean XXIII, œuvre au surplus d’une seule des trois obédiences, n’ayant pas de sanction te discuter ces questions, ce qui fit qu’Eugène IV pontificale, étaient de valeur contestable. Voir Con­ * les latins ne revinrent pas Λ la charge. Enfin on stance (Concile de), t. ni, coL 1205, 1220. Torquese quitta après avoir, à l'amiable, tranché la ques­ mada. dans sa réponse, se borna à développer cet tion des évêques grecs et latins dans les diocèses argument que la constitution Moyses lui fournissait grecs. Il y avait, en cfïct, en divers pays des diocèses pour en arriver à cette conclusion : la théorie concide langue, de tradition, de rite grecs, qui cependant avaient, outre l'évêquc grec, un évêque latin. C’était, ! linire formulée dans 1rs décrets de Constance peut être vraie dans les cas de schisme, lorsqu’il y a plusieurs entre autres, le cas pour Venise qui avait sous sa domi­ papes et qu’ils sont douteux; la théorie de Bâle, au nation de ces évêchés-là. Les grecs auraient voulu contraire, est fausse et impie dans sa forme générale l’abolition pure et simple de l'évêché latin, ce que le comme « vérité de fol ». Le pape régulièrement élu pape refusa; il fut décidé que, dans ces diocèses et regardé comme pape indubitable est au-dessus du gréco-latins, si l’évêque latin mourut le premier, le concile. Quelques mois après cette dispute, le 20 avril siège passerait à Constantinople; si c’était le grec, le 1441, Eugène IV adressait aux universités, aux rois siège passerait à Rome. (2e fut La dernière affaire qui et aux princes sa fameuse bulle Etsi non dubitemus, se discuta avant le départ des grecs. dans laquelle il défendait la primauté du pape sur 2° Le concile de Florence du 26 août 1139 au 26 avril les conciles et expliquait que les décrets de 1415 1642. — Le concile, avec le départ des grecs, n’était étaient l'œuvre des partisans de Jean XXIII, qu’ils pas pour cela terminé. On se rappelle que la bulle de avaient soulevé de violentes récriminations même translation du concile de BAlc A Ferraro indiquait dans le parti et qu’ils avaient été votés quand le que trois questions devaient être traitées en Italie : synode n’était point encore œcuménique. N. Valois, l’union, la réforme de l’Église, le rétablissement de Le pape et le concile, t. n, p. 208-210. Cette reprise la paix parmi les peuples chrétiens. 11 en résultait énergique et cette défense véhémente de la thèse donc, d'abord, que le concile n’avait point achevé sa romaine sous la plume d’Eugène IV était, à n’en pas tâche, la question grecque tranchée, ensuite que, douter, un des effets les plus certains des triomphes même après le départ de 1'einpercur, le concile de que le souverain pontife avait remportés par l’acte Florence représentait toujours la continuation de d’union des Églises. Ces triomphes, du reste, se pour­ celui de Bâle et de Ferrare, tous n’en faisant qu’un. suivaient et se fortifiaient par l’union qui se scellait C’est pourquoi, aussi, il faut maintenir à la seconde à la même époque entre le pape et les autres Eglises partie du concile de Florence son caractère d'œcuorientales. ménlclté, malgré l'avis contraire de quelques théo­ 2. Les Églises orientales. — a) L'Église arménienne. logiens Deux affaires importantes occupèrent le — Invité à se rendre au concile par Eugène IV concile durant les deux ans et demi qu’il résida sur dès 1434, le patriarche arménien Constantin V avait les bords de l'Amo : le schisme de Bâle et l'union avec envoyé à Florence en 1438 quatre députés pour qu’il les autres Églises orientales. y scellassent en son nom l’union telle qu’elle avait 1. Le schisme de Hàle. — Depuis l’ouverture du autrefois existé. Malheureusement ils arrivèrent en concile de Florence, le concile de Bftlc avait rapide­ Italie au moment où les grecs allaient en partir. Ce ment marché dans la vole du schisme. Le 25 juin 1439, il avait déposé Eugène IV et l'avait déclaré hérétique I ne fut donc que le 22 novembre 1439 que les Pères purent lire et solennellement adopter en séance obstiné. Voir Bale (Concile de), t. it. col. 123 sq. publique le décret spécial qui consacrait l'union des Le 5 novembre, il allait faire un pas de plus en élisant Arméniens avec Rome. Ce décret, après un préambule Amédéc de Savoie, qui fut reconnu le 17 novembre où le pape dit «a joie du retour des Arméniens à dans la xxxix· session Débarrassé du souci grec, l’Église et comment il s’est enquis, par l’intermé­ Eugène IV se décida alors à agir énergiquement. Le 23 août 1439, il annula toutes les décisions prises diaire du concile, de la fol des Orientaux, reproduit à Bâle depuis la publication de la bulle Docloris dans scs grandes lignes un opuscule de saint Thomas gentium et le 4 septembre, dans la première réunion arrangé à l’usage des Arméniens, le De fidei articulis FLORENCE (CONCILE DE) et septem sacramentis. Tour Λ tour le pape donne aux .Arméniens le symbole de Nicée-Conslant inople avec le Filiaque. symbole qu’ils devront dire à la messe les dimanches et jours de fête; un enseignement fondé sar s conciles ayant pour objet les deux natures et les deux volontés en Jésus-Christ, l’explication de la conduite de Léon le Grand dans les affaires théolo­ giques de son temps et par là la nécessité d’accepter le concile de Chalcldoine comme IV· concile œcumé­ nique et l’obligation de recevoir avec vénération les décisions des conciles célébrés sous l’autorité du pape; la doctrine catholique sur les sacrements, Dcnzinger-Bannwarl, n. 695-704; le symbole dit de saint Alhanasc; enfin le décret du concile de Florence et une liste de certaines fêtes que désormais les Armé­ niens devront célébrer A la façon des latins. Ce décret, appelé Exultatc Deo, n’eut en scs appli­ cations pratiques aucun lendemain. Quand les délé­ gués rentrèrent chez eux, le patriarche Constantin était mort, l’Arménie livrée A ses conquérants et l’unité hiérarchique pour longtemps détruite. Voir Arménie, t. n, col. 1904. C’en était fait de l’union. b) 7zs jacobites. — Le 26 avril 1441, Eugène IV annonça au concile qu’un nouveau succès allait s’ajouter h ceux qu’il avait remportés avec les grecs et les Arméniens. Des envoyés du roi d’Éthiopie arrivaient à Florence pour y recevoir la foi romaine. Eugène IV, en effet, avait envoyé, le 28 août 1439» Albert de Sarziano (voir Dictionnaire d'histoire cl de géographie ecclésiastiques, t. I, col. 1554) à « l'empereur des Indes » Thomas et à < l’empereur d’Éthiopie > le prêtre Jean, pour les amener à l’union. Albert était chargé d’un semblable message pour les coptes. Après s’être rendu à Jérusalem, il passa en Égypte et ramena à la fol les Jacobites, tandis que d’autres religieux mineurs allaient dans le même but aux Indes et en | Éthiopie. Ce fut par l’intermédiaire d’Albert de Sarziano qu’André, abbé du monastère de SaintAntoine en Égypte, accompagné du diacre Pierre, se présenta au concile de Florence, le 31 août 1441, où j il lut, en séance publique, la lettre de soumission de son patriarche, Jean d’Alexandrie, qui reconnaissait sans discussion la primauté de juridiction du pape. Le 2 septembre, ce fut le tour de l’envoyé de l’abbé de Jérusalem, Nlcodèmo, chef des Jacobites de Pales­ tine, d’être solennellement reçu. Il se présenta comme délégué de Nlcodème et du roi d’Éthiopie, lut, au nom de son souverain, un discours, remit, au nom de l’abbé do Jérusalem, une lettre pour le pape et, le 4 février 1442, l’union fut solennellement conclue à Santa Maria Novella avec les jacobites. Le décret Cantate Domino, destiné û sceller cette union, est, lui aussi, un véritable traité de théologie auquel on a ajouté les décrets d’union avec les grecs et les Arméniens, puis un paragraphe sur les paroles de la consécration achevée avec les paroles de Jésus-Christ qu’on inséra, parce que, « dans le décret pour les Arméniens, on ne parle pas de la forme de la consé­ cration.» Voir ErtcLÉSK, t.v,col. 258-260. Enfin le pape déclare que les quatrièmes noces ne sont pas interdites. Dcnzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 703-715. Le dé­ cret fut lu en latin et en arabc et signé d’Eugène IV et de douze cardinaux. Voir t. v, col. 941-942. .1 Translation du concile à Home, — Indépen­ damment de ces grands événements qui l’occupèrent, • ■ concile avait assisté, le 18 décembre 1439, à la créa­ tion ‘ dix-sept cardinaux, parmi lesquels Bcssarion, 1 1 <■ de Kiev et Torquemada, et vu avec effroi !’él-c<»on de Félix V nu souverain pontificat. Moins que jittwis 11 ne pouvait être question A cette heure, en présence d'actes schismatiques aussi graves, d’une aration. Il (allait de toute nécessité que le concile continuât à siéger. Il le fallait d’autant plus que les 48 souverains occidentaux se montraient très froids A l’égard de l’antipape, se rapprochaient d’Eugène IV et demandaient un nouveau concile qui se tiendrait soit en Allemagne, soit en France. Or, de cela Eugène IV ne voulait pas entendre parler cl le meilleur moyen d’éviter une nouvelle reprise du concile de Bille était incontestablement de maintenir le synode de Florence. Avec raison il pensait qu’il n’y avait aucune question de droit ou de fait, aucune affaire doctrinale que le concile ne pût résoudre. Il était A même de répondre à tous les doutes, à tous les désirs de la chrétienté. C'est probablement pour donner plus d’autorité au concile et étouffer dans l’œuf le < concile-arbitre > qu’on voulait lui imposer que, profitant des circon­ stances, libre de retourner A Home et d'y jouir des revenus de l’Église, Eugène IV annonça dès le 26 avril 1441, en session générale, qu’il allait, avec le consen­ tement des Pères, transférer le concile au Latran. Parmi les raisons qu’il alléguait, la première était la dignité du lieu. Iz pape avait, en outre, l’intention de lancer un solennel appel A tous les évêques et à tous les princes de la catholicité. III.Romb(26 avril 1443-7 août 1145). —Eugène IV quitta Florence, le 7 janvier 1443, pour Rome, suivi des Pères assemblés en concile. Nous sommes très mal renseignés sur ce qui se passa durant les deux années pendant lesquelles le concile continua à siéger. Nous ne connaissons, en effet, que deux sessions solennelles, l’une du 30 septembre 1444, l’autre du 7 août 1445; nous ignorons comment le concile fut dissous et tout ce que les documents nous apprennent c’est que les Pères reçurent encore dans l’union quelques communautés orientales qui, un peu par esprit d'imitalion, beaucoup par nécessité devant l’imminence du péril turc, vinrent faire leur sou­ mission. 1 ° Les Bosniens. — La Bosnie était depuis long­ temps travaillée en tous sens par le schisme oriental et l’hérésie manichéenne des paulieiens ou bogomilcs. Voir t. n, col. 1043. En 1443, le roi Étienne envoya A Rome un ambassadeur annoncer au souverain ponlife qu’avec sa famille et nombre de magnats il se rangeait sous l’obédience romaine et demandait pour lui et son peuple l’union. LA, du reste, comme ailleurs, l'union fut sans durée. Les Turcs envahirent le pays et dispersèrent les chrétiens. Au surplus, nous ne savons rien des détails qui marquèrent cet événe­ ment. Le fait seul de l’arrivée d’un ambassadeur nous est attesté par une lettre datée du 1er octobre 1442 (1443), écrite A Rome par le secrétaire du roi de Chypre, le chancelier Benoit dcgli Ovrtarli de Vicencc, que Martène nous a conservée, et par la mention que fait des Bosniens Eugène en avril 1444, dans sa lettre encyclique A la chrétienté, quand il dit : Post graves exspensas diulinosque labores a nobis perpessos, in Græcorum unione primum, cl postea tn Armenortun, Jacobitarum, Maronilarum, Ethtopum, Bos^bb^ium cl aliorum... 2° Les Afésopotamiens. — Dans une autre lettre datée du 30 septembre 1444, Eugène IV rapporte que l’archevêque d’Édcssc, Abdaln, vint A Rome comme légat du patriarche syrien Ignace, pour sceller l’union au nom des peuples habitant entre le Tigre et l’Euphrate. Cce Orientaux erraient sur trois points : ils avaient la même doctrine que les grecs louchant la procession du Saint-Esprit; ils étalent, en outre, monophysitc.s et monothélltcs. Abdaln, en présence d’une congrégation de cardinaux et de théologiens, accepta la fol romaine cl adhéra aux décrets con­ cernant les grecs, les Arméniens et les jacobites. L’union fut ensuite proclamée solennellement en séance conciliaire. C’est A l’occasion de cette nouvelle victoire qu’Eugène IV publia la lettre Λ/η//α et 49 FLORENCE (CONCILE DE) admirabilia dans laquelle il ûxa ce (pic devaient croire et professer les Mésupotuinivns. 3* Las CMdccns cl les Maronites.— Le dernier acte de ces laborieuses négociations unionistes fut la rentrée desClnddécns et des Maronites dans le giron de l’Église romaine. La bulle Benedictus d'Eugène IV', datée du 7 août 1445, nous fait connaître comment l'archevêque de Rhodes, André, fut envoyé par le pape en Orient et dans file de Chypre pour annoncer partout l’union et expliquer aux populations les divers décrets qui en furent la suite,comme pour amener ù la foi romaine les quelques Églises nestoriennes et inonothélites non encore unies. Le résultat des efforts de l’archevêque ne fut pas vain. Timothée de Tarse, métropolitain des Chaldéens, et Éiie, évê tout court. Les textes de cette caté­ gorie ont souvent un contexte explicatif qui révèle le complément sous-entendu. Ceux-là sont clairs, et chose remarquable, ils sont en notre faveur. Élisa­ beth dit à Marie : · Bienheureuse d’avoir cru! car elles s’accompliront, les choses dites de la part du Sei­ gneur. » Luc., i, 15. Le contexte Indique le complément sous-entendu : d’avoir cru ces choses dites, etc. Il s’agit donc, non pas de la confiance du pardon, mais de la croyance à une révélation où du reste il n'était pas question de pardon promis à Marie. Ailleurs, dans les Evangiles, c’est, d’après le contexte, la croyance à la puissance de Jésus comme thaumaturge. < Qu’il te soit fait suivant que tu as cru. » Matth., vm, 13; com­ parez 8, 9, et notez le mot « foi » outre le mot · croire », et le magnifique éloge que fait Jésus de cette foi, 10. Cf. Matth., îx, 28, 29; Marc., v, 36; ix, 22, 23; Luc., vm, 50; Joa., xi, 40. En saint Jean, · croire » tout I court est souvent expliqué par le contexte dans le sens d’une ferme et simple croyance aux révélations de Jésus, quel que soit leur objet.«Nous attestons ce que nous avons vu, dit le Christ à Nicodème, mais vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous si je viens à vous parler de celles qui sont au ciel? · Joa., ni, 11, 12. Nous voyons ici que le mot < croire » équivaut à « recevoir un témoi­ gnage », et un témoignage Joa., x, 24-26; cf. v, 44; ix, 37; xvi, 30; xix, 35; Luc., xxn, 66, 67. Γ4 Cette mission de Jésus était intellectuellement recon­ nue à l’aide de ses miracles. Joa., m, 2. Aussi * croit e > tout court est souvent uni, dans le contexte, à 1 idée d’un miracle qui serve de raison de croire, qui fasse admettre Jésus comme docteur surnaturel, ou commo Messie : · Que le Christ, le roi d'Israël, descende main­ tenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions. » Marc., xv, 32. « Nathanael lui répondit : Rabbi, vous êtes le fils de Dieu, le roi d'Israël. Jésus lui répartit : Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois. » Joa., i, 49, 50; cf. xv» 4, 8; xi, 14. Dans les récits des apparitions du Christ après sa mort « croire » tout court, c’est admettre le fait de sa résurrection, abstraction faite de la confiance du pardon. « Comme ils hésitaient encore à croire..., il leur dit : Avez-vous quelque chose à manger? » Luc., xxiv, 41. Cf. Marc., xvi, 11. « Parce que tu m’as vu, tu as cru, » etc. Joa., xx, 29; cf. 8, 25. Dans les Actes et les Épîtres, « croire » équivaut souvent,d’après Je contexte, à admettre comme parole de Dieu les diver­ ses vérités prêchécs par les apôtres. « Afin que, par ma bouche, les gentils entendent la parole de l’Évangile, et qu’ils croient. > Act., xv, 7. « Ayant reçu la divine parole que nous avons fait entendre, vous l’avez reçue non comme parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est véritablement, comme une parole de Dieu. C'est elle qui déploie sa puissance en vous qui croyez. » I Thess., h, 13. Cf. Rom., i, 16; I Cor., i, 21; xv, 11; Luc., vm, 12; Joa., i. 7. A côté de ces textes si nombreux où le contexto nous donne raison, il en est qui se trouvent n’avoir pas de contexte explicatif, et, dans cette obscurité du « croire > tout court, les protestants triomphent, mais à bon marché : car alors, sans qu’objcctivcmcnt il en résulte rien, chacun est libre de voir subjectivement ce qu’il veut sous des expressions vagues comme « les croyants », ol πιστεύοντες. Act., ii, 44; iv, 32; xi, 21; xv, 5; xvin, 27; xix, 18; 1 Thess., i, 7, etc. Et même là, notre sens est bien plus naturel. Ces « croyants », en effet, comme nous le voyons dans les Actes, sont con­ nus et comptés par les autres hommes : « beaucoup de ceux qui avaient entendu ce discours crurent, et le nombre des hommes s'éleva à environ cinq mille. » Comment expliquer un pareil dénombrement des croyants, si « croire » consistait dans des sentiments intérieurs, difficiles à constater, de confiance du pardon avec humilité et défiance do soi, etc.? Tout s’ex­ plique très bien, au contraire, si « croire » est une simple croyance dont on fait facilement profession extérieure, en se soumettant au magistère des apôtres, comme nous le voyons d’ailleurs exprimé : « Ceux qui reçurent la parole de Pierre furent baptises; et ce jour-là, le nombre des disciples s'augmenta de trois mille personnes environ. » Act., il, 41. Après tout cela, on s’étonne que le dictionnaire biblique de Hastings ait bien pu dire de ce « croire » tout court on n’en­ tendait qu<* Γ amour de Dieu! «Mais grâce à la ten­ dance nature [le du cœur humain, le libéralisme (protes­ tant) n’arrive que trop facilement à négliger la doc­ trine de l’amour de Dieu, pour n’enseigner que le salut par les œuvres de charité A l’égard du prochain, et à échapper ainsi, aussi bien que l’orthodoxisme, au dou­ loureux renoncement A soi-même et à la consécration du moi tout entier à Dieu (par la seule foi-confiance). » ' Op. ci!., p. 32, 33. Du reste, il y a peu de sincérité à i prétendre que Ton suit Luther, et À faire entrer dans sa formule des ingrédients qu’il en a formellement exclus. Dès le premier siècle de la Déforme, des pro­ testants, tout en détendant contre les catholiques la formule luthérienne de < la foi seule » suffisant au salut, introduisaient sous le nom de « foi » la charité et tout ce que nous’demandons de dispositions pour la justification: et le B. Pierre Canisius s’élevait contre cette dangereuse manière d'équivoquer : < Pourquoi donc alon tant ! lier p· H formule sola fide, pourquoi ces déclamations tragiques contre nous? d’autant phis qu’ils n’ignorent pas, et les faits le disent assez haut, combien cette formule, la loi seule, choque les pieux fld ·» combien elle pousse les âmes vulgaires n lâcher la bride à leurs passions et à négliger tu ο te recherche de la vertu. » Commentarius de oerbi 72 Dei corruptelis, c. xn, Ingolstadt, 1583, t. i, p. 183. Sur quelques protestants de nos jours, qui identifient entre elles les vertus théologales, voir EspÆhance, t. v, col. 615· b. Réponse directe. — Saint Paul dit que nous som­ mes « justifiés par la foi, » Rom., v, 1, etc., et non « par la foi seule, » comme le lui faisait dire Luther dans sa version allemande et comme le croient beaucoup de pro­ testants. Voir Feinc,cité par le P. Prat, op.cil., II· par­ tie, p. 359. Cf. Prat, Ir· partie, 4· édit., p. 237, 238. Rien ne prouve qu’en prononçant le mot « foi » l’apô­ tre s’écarte du sens de loi-croyance dont il a donné tant d’exemples, voir col. 58-60; rien ne prouve qu’il entende par « foi » l’ensemble de tous les sentiments religieux, de tous les actes intérieurs conduisant A la Justifica­ tion, y compris la charité. L'Écriture, n’étant pas un traité didactique, ne fait nulle part une énuméra­ tion complète des conditions du salut, mais en donne une ici, une autre là, en sorte que la doctrine inté­ grale ne peut résulter que de l’ensemble des textes recueillis çà et là. Ainsi l’apôtre : si dans les textes objectés il attribue la justification ou le salut à la foi, sans rien ajouter, il s'en explique d'ailleurs, quand il ajoute à la foi, pour qu’elle soit vraiment efficace, la < charité », Gai., v, G, remplacée dans un texte paral­ lèle par « l’observation des commandements de Dieu. » I Cor., vu, 19. Ailleurs encore, il représente la charité comme tellement nécessaire que sans elle tout le reste n’est rien, ne sert à rien. 1 Cor., xm, 1-3. Ailleurs, c’est la grâce qui justifie, Rom., m, 24; c’est le bap­ tême. Eph., v, 26; Tit., in, 5. Complétez ces textes les uns par les autres, vous y trouverez toutes les con­ ditions de justification et de salut; et dans ceux où il parle seulement de la foi, vous ne serez pas obliges d’enfler indûment le sens de ce mot. De même dans les Évangiles, tantôt le Christ ne mentionne, comme con­ dition de salut, que la foi, paraissant négliger le reste, Joa., m, 16; tantôt l’observation du décaloguc, parais­ sant négliger la foi, Matth., xix, 16 sq.; tantôt le secours de la grâce, Joa., vi, 44; xv, 5; tantôt la péni­ tence, Matth., iv, 17, la pénitence avec la foi, Marc., i, 15; tantôt le baptême, Joa., m, 5, le baptême avec la foi, Marc., xvi, 16; tantôt la persévérance finale. Matth., x, 22. Dans un passage où le salut est promis d’une manière générale ù une espèce d’actes, il faut toujours sous-entendre les autres conditions de salut indiquées ailleurs. Telle est la solution clas­ sique, donnée très nettement déjà par saint Augustin, De fide et operibus, c. xm, P. L,, L xl, col. 210; cL c. xxiii, puis par les exégètes et controvcrsistcs catholiques : < Les promesses ne doivent être prises qu’avec cette limitation et cette condition : si les autres conditions requises se rencontrent, si rien ne fait obstacle; ainsi le salut éternel est promis à la fol, à l’espérance, à l’invocation de Dieu. Rom., x, 13. » Bonfrère, In Script, sacram prieloguia, c. xxi, rcg. xn, pour l’explication de ΓÉcriture, dans Mignc, Cursus Scripturœ sacra, L i, col. 290.« Ces promesses universelles (comme Joa., m, 16) doivent toujours être entendues sous les conditions exprimées dans un autre endroit de l’Écriture...Nous lisons; Tous ceux qui demandent reçoivent Matth., vu, 8. Entendez ; si leur prière s'accompagne des conditions nécessaires... Vous de­ mandez et vous ne recevez pas, parce que vous de­ mandez mat Jac., iv, 3. » Les frères de XValcnburch, De justificatione, c. lxxv, n. 27, Tractatus de contro­ versiis fidei, Cologne, 1671, t. n, p. 475. « Lorsque plu­ sieurs causes concourent à la production d’un cilet, l’Écriture attribue cet effet tantôt à l'une, tantôt à l’autre, et ne veut pas dire par là qu’une de ces causes puisse suffire sans les autres. » Bcllarmin, De justifica­ tione, L I, c. xx. Opéra, Paris, 1878, t. vi, p. 196. CL 1 c. xxii. Ainsi, dans la phrase paulinlenne « justifiés par 73 FOI 74 la foi, »la « foi » ne change pas de signification; elle ne que Dieu appelle son ami, Is., xm, 8, mot bien remar­ signifie pas les autres dispositions, mais elle les laisse qué dans la suite. Judith, vin, 22; Jac., n, 23. Or, si sous-entendre; de même que le « baptême », quand la nous lisons la vie d’Abraliam dans la Genèse, le seul justification d’un adulte lui est attribuée par saint de ses actes auquel il arrive d’être rapproché de l'idée Pau), ne change pas de sens, ne prend pas un sens de justice, de justification, c’est le fait d’avoir cru : prégnant, mais nous savons par ailleurs qu'il faut sous< Abraham crut à (la parole de) Dieu, et Dieu le hn entendre dans cet adulte, à côté du baptême, les dis­ Imputa à justice. » Gen., xv, G. D’apres le contexte, il positions nécessaires. s’agit ici de la foi-croyance, de la croyance d Abraham Objections. — Même avec ces sous-entendus, pour à la révélation qui lui est faite de sa nombreuse posté* pouvoir attribuer la justification à la foi-croyance, il rité future. C’en était assez pour que l'apôtre citât et faudrait au moins qu'elle eût une valeur morale, une commentât au long cet exemple et ce texte; fl te vertu salutaire initiale; or, elle ne l’a pas. · La croyance trouva ainsi amené, quand il traitait de la justifica­ ù un dogme ou à un fait, quelque vrais qu’ils soient, ne tion, â mentionner le plus souvent la foi de préférence saurait avoir de vertu salutaire, pas plus qu’une à toute autre disposition de l’âme, quoiqu'elle ne soit erreur de pensée ne saurait, en bonne morale, être un pas la seule requise pour la justification. motif de condamnation. Le salut doit dépendre, non Autre solution : la · foi > serait la foi vive, qui ren­ d’un acte intellectuel, mais d’un mouvement plus pro­ ferme la charité, laquelle renferme la résolution d’ob&r fond, plus intime de l'âme. » Ménégoz, Le fidéisme, â tout ce que Dieu veuL Ne pourrait-on pas dire p. 31. — Réponse. — Vous supposez à tort que nous que chez saint Paul, sans parler d’acceptions rare* entendons par croyance un acte purement intellec­ et exceptionnelles, on trouve deux sens du mot à peu tuel; nous en tendons, avec la plupart des philosophes près également usités! — Souvent, il prend la foi dans même modernes, un acte où la volonté influe sur l’in­ un sens stnei, soit en la distinguant de l'espérance et telligence; et en ce sens il peut y avoir des erreurs de la charité, I Cor., xin, 13, ce sont trois eho A post. / thers, part. II, St. /gnatius, 2· édit., Londres, 1889, p. 67. Si la fol exclut l'erreur comme l’amour exclut la haine, c’est donc la connaissance infaillible qui caractérise la foi. Ce sens intellectualiste revient encore, plus bas, quand il oppose la « foi » et l'hérésie comme un bon et un mauvais enseignement : « Si quelqu'un corrompt la foi de Dieu par une impure doctrine, il ira au feu inextinguible, et scs disciples aussi, » c. xvi, p. 226. Pi ssous aux Pères du n· siècle ou du commence­ ment du ni·. Pour Clément d’Alexandrie, la « foi > n'est pas tout ce qui justifie et qui sauve, mais seule­ ment la première orientation vers le salut. Après elle, la crainte, l'espérance, le repentir, progressant par la continence et la patience, nous conduisent à la charité et à la gnose (vie parfaite, avec une connais­ sance supérieure des choses de Dieu). » Strom., II, c. vi, p. G., t. vin, col. 965. Il explique comment la foi engendre non seulement l'espérance, mais aussi la crainte en const; tant les menaces divines. Ibid. C'est dire que la foi n’est pas la confiance, autrement elle ne pourrait engendrer la crainte; mais qu'elle est h croyance à toute parole de Dieu, soit consolante, soit terrible. Il définit la · foi » une admission anti­ cipée» de ce que l'on comprendra un jour ip ir b gnose ou connaissance des parfaits, ou mieux, dans Je del), col. 964 ; admission influencée par la volonté, πρύλη/ΐς Ιχούσιος, col. 940, 941, comine nous 80 le disons de la « croyance ». Enfin, à un singulier emploi du mot πίστις par l’hérétique Basilidc il oppose cet autre concept de la foi qui fait bien la part de l'intel­ ligence : · un assentiment raisonnable », λογικήν συγκα­ τάθεσή, V, c. i, P. G., t. ix, col. 12. Voir Clément d’Alexandrie, t. ni, col. 189. Saint Irénée, avec saint Justin qu'il cite, distingue la foi de la charité comme deux dons différents. Cont. hær., 1. IV, c. vi, n. 2, P. G., L vu, col. 987. Puis rap­ pelant la promesse de vie éternelle faite à la foi, Joa., in, 15, etc., de peur qu'on ne l'entende mal et contre les bonnes œuvres, il ajoute cette glose : Credere autem ci est facere qus voluntatem, n. 5, col. 989. Mais ce serait trop presser cette phrase explicative Jetée en passant, que d'y voir une véritable définition du mot credere : Irénéc n’a pas coutume de définir; ce qu’il veut simplement ici, c'est que la foi, pour mener do fait à la vie étemelle, sous-entende (et non pas signifie) l’ob­ servation des préceptes, l'accomplissement des vo­ lontés de Dieu. Du reste, il emploie couramment les mots « foi, croire » pour la croyance aux dogmes. Exemples : < L'Église, disséminée dans le monde entier...,a reçu des apôtres et de leurs disciples la foi en un seul Dieu* Père tout-puissant, » etc. 11 récite le symbole, et continue : « Ayant reçu cette prédication et cette fol, l’Église partout disséminée la garde avec soin... et croit unanimement à ces vérités... Ni les Églises qui sont chez les Germains n’enseignent et ne croient autrement, ni celles qui sont chez les Ibères ou les Celtes, ou en Orient, ou en Afrique, · etc., 1. I, c. x, n. 1, 2, col. 549, 552. Les hérétiques « boivent une eau boueuse et corrompue, éloignés qu'ils sont do la fol de l’Église, » 1. III, c. xxiv, col. 967. Tcrtullicn, comme Irénéc, récite une formule du symbole des apôtres, et l’appelle regula fidei. La · foi » y est contenue, fides in regula posita est. Præscripl., c. xiii, xiv, P. L., t. n, col. 26, 27. Devenu montanistc, il continuera à appeler ce symbole regula fidei, lex fidei. De virgin, velandis, c. i, coi. 889. Admettre ces dogmes, c'est < croire ». A Marcion, qui, donnant au Christ la seule apparence de la chair, supprimait par là sa naissance, sa mort, sa résurrection, il dit : Si Christianus es, crede quod traditum est. De carne Christi, c. π, col. 755. Plus bas, col. 759, il rappelle le mot de saint Paul : · Ce que le monde tient pour insensé, Dieu l'a choisi pour confondre les sages, » I Cor., i, 27; et il part de là pour célébrer, comme un signe do vérité, le déshonneur qui s'attache à notre · foi », c'est-à-dire à notre croyance, aux yeux d'un vain monde, la belle impopularité do nos dogmes : · Pour­ quoi supprimes-tu le déshonneur nécessaire de la foil... Je suis sauvé, si je. n'ai pas rougi du Maître. Luc., ix, 26. Ici l'effronterie est un devoir, la folie est un bonheur. Le Fils de Dieu est né : je n'en rougis point, parce que c’est honteux. Le Fils de Dieu est mort : c'est tout à fait croyable, parce que c’est inepte. Ensevcli.il est ressuscité: c'est certain, parce que c’est impossible. » Op. cit., c. v, col. 761. On voit le vrai sens de ces phrases paradoxales, d'où l’on a fabriqué do nos jours le credo gula absurdum, si souvent re­ proché au rudcAfricain : comme s’il bravait la raison elle-même, et non pas le faux honneur et les fausses opinions du monde. Voir A. d'Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 33-36. Enfin Tcrtullicn oppose perpétuellement la « foi » à l'hérésie, c'est donc la folcroyance. Exemples : « Les hérésies, nées pour étouffer et tuer la fol..., ne peuvent rien, si elles rencontrent une fol saine et robuste. » Prescript., c. n, col. 13, 14. Π rappelle < le futur jugement où il nous faudra tous comparaître devant le tribunal du Christ pour rendre compte en premier lieu de notre fol. Que diront-ils, les corrupteurs hérétiques de la vierge que le Christ leur avait confiée? » Op. cit., c. xuv, col. 59. 81 FOI Origènc distinguo très réellement la · foi » des autres vertus auxquelles il donne tout nutant do part dans la Justification et lo salut : « Le premier commen­ cement du salut et son fondement, c'est la fol; lo progrès de l’édifice, c’est l’espérance; le sommet et l’accomplissement de l’ouvrage, c’est la charité. · In Epist. ad Rom., iv, n. 6, P. G., t. xiv,col. 981. « Ce quo Γ Écriture dit do la fol, qu’elle a été comptée à Abraham pour la justice, ne peut-on pas lo dire de la charité, ou des autres vertus, piété, miséricorde,..? » Ibid., col. 982. Pour lui, < croire au Christ », c’cst admettre les vérités qu’il a révélées et que son Église conserve : • Comme plusieurs de ceux qui font profession de croire au Christ sont en désaccord, même sur des points importants..., il faut fixer d’abord une régie sûre. On devra croire comme vraie cette doctnne-là seule­ ment qui ne s’écartera en rien de la tradition ecclé­ siastique et apostolique. > Periarchon, 1. I, n. 1, 2, P. G., t. xi, col. 115, 116. Non seulement la foi est un acte intellectuel, mais plus clic s’enrichit de connais­ sance, plus elle est parfaite d'après lui : · Crise a prêté aux chrétiens ce principe : la sagesse ici-bas est un mal, la sottise est un bien. Mais c’est une calomnie, et une infidèle citation de Paul, qui ne dit pas, tout court: la sagesse est sottise devant Dieu, mais : la sagesse de ce monde. I Cor., ni, 18, 19. La sagesse de ce monde, c’est la fausse philosophie... De plus, notre doctrine elle-même reconnaît qu’il est bien préférable d’adhé­ rer aux dogmes en sc servant du raisonnement et de la sagesse, qu’en se servant de la simple foi, » ucrà ψιλής πίστεως. Sans doute, Dieu sc contente de celle-ci, car il a voulu ne laisser personne dénué de tout se­ cours. Mais on peut voir d’après saint Paul, 1 Cor., i, 21, « que le plan divin était que l’on connût Dieu dans la sagesse de Dieu ; et c’est parce que les hommes ne l’ont pas réalisé, que Dieu a voulu conséquemment sauver les croyants, non pas simplement par la sot­ tise, mais par la sottise de la prédication,... laquelle prêche Jésus crucifié,... sottise pour les grecs. » Cont. Celsum, L I, n. 13, P. G., L xi, col. 680. Cette étude des Pères sc complétera de tout ce que nous en citerons sur le motif spécifique de la foi chez les Pères, col. 98 sq. ?\près cela, on s’étonne de rencontrer l’assertion suivante d’un auteur catholique : « Cette même con­ ception d’une foi qui est la tradition totale do l’homme à Dieu, nous la retrouvons partout, dans saint Paul, dans les Pères qui n’y voient point une simple adhé­ sion intellectuelle à une connaissance testimoniale, mais le don de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu pour le temps et l'éternité. » F. Mallet, Qu'esl-ce que la foi? 2· édit., Paris, 1907, p. 39. Et pour cette con­ ception plutôt protestante de la foi, on nous apporte, en fait de textes de Pères, un seul texte de Clément d’Alexandrie, dans lequel ne figure pas même le mot πίστις, et où il est question avant tout de la charité, αγάπη. Ce qui confirme nos témoignages des Pères, c’est que les protestants contemporains, plus soucieux et mieux informés de l’antiquité chrétienne que leurs frères d’autrefois, n’essaient pas de nous les disputer. D’aucuns cherchent à en éluder la force en disant que, « dès le temps des Pères apostoliques, l'enseignement de saint Paul sur la fol a été bientôt obscurci dans l’Église chrétienne : enfin Luther vint, » etc. Ainsi la Realcncyclopadie déjà citée, L vi, p. 676. Bornonsnous à observer que, même en prenant la tradition en dehors de toute assistance divine, humainement, his­ toriquement, il est mille fois plus vraisemblable que la doctrine do Paul ait été obscurcie par Luther, un moine qui vivait quinze siècles après lui, et adaptait les textes à ?cs anxiétés de conscience et à un système de son invention, que par les témoins les plus rap­ 82 prochés des apôtres, qui avalent conversé avec eux ou vivaient peu après, donc bien mieux informés de leur langage et de leur pensée; d’autant plus que ces pre­ mières générations chrétiennes ne faisaient pas de systèmes, et s’attachaient simplement à bien conser­ ver ce que les apôtres leur avalent transmis. ///. lbs documents BCCLèsusTiQuts. — L’Église catholique est fidèle au langage comme à la pensée des Pères : 1° Le concile de Trente. — 1. Ce qu’il appelle « foi n’est pas l’ensemble des actes requis pour la justifier tion, mais seulement la première des « dispositions » qu’il énumère, et « croire » a pour objet le vrai, cre­ dentes ocra esse, etc. Sess. VI, c. vi, Denzinger, n. 798. « La foi, si l’espérance et la charité ne viennent s’y joindre, n’unit point parfaitement au Christ et ne rend point membre vivant de son corps, » c. vn, n. 800. Cependant « c’est une vraie foi, bien qu’elle ne soit pas la foi vive; et celui qui a la foi sans la cha­ rité, est chrétien, » can. 28, n. 838. — 2. Explication authentique de saint Paul : · Quand l’apôtre dit que l’homme est Justifié par la foi..., il faut l’entendre en ce sens... que la foi est le commencement du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justifi­ cation, » c. vin, n. 801. Donc « anathème à qui prétend que l’impie est justifié par la foi seule,entendant par là que rien d’autre n’est requis et ne coopère pour obtenir la grâce de la justification, » can. 9, n. 819. — 3. La foi qui sert à la justification ne doit pas être con­ fondue avec la confiance du pardon, laquelle d'ailleurs ne suffit pas : « Anathème à qui prétend que la foi jus­ tifiante n'est pas autre chose que la confiance en la divine miséricorde pardonnant les péchés à cause du Christ; ou que cette confiance est la seule chose par laquelle nous soyons justifiés, » can. 12, n. 822. 2° Le concile du Vatican. — 1. Sa définition du mot foi : « Par cette foi qui est le commencement du salut de l’homme, l’Église catholique entend une vertu sur­ naturelle par laquelle ...nous croyons que le contenu de la révélation divine est vrai,» a(Deo) revelata vera esse credimus, etc. Scss. Ill, c. in, Denzinger, n. 1789. C’est la foi-croyance, qui a pour objet le vrai et s’ap­ puie sur un témoignage véridique, celui de Dieu, qui nec falli nec fallere potest. Ibid. Elle est séparable de la charité : « La foi prise en soi, même quand elle n’est pas animée par la charité, est un don de Dieu, et son acte est utile pour le salut. » Ibid., n. 1791. — 2. Dans cette session du Vatican, la nature intellectuelle de l’acte de foi apparaît encore de bien des manières : soit par son objet, qui consiste en des dogmes à admet­ tre, c. in, n. 1792; soit par son antagoniste, le doute (phénomène intellectuel, bien qu’influencé par la volonté), n. 1794, 1814; soit par le genre connais­ sance, auquel la « foi » appartient, et dans lequel elle constitue une espèce, un ordre ù part, c. iv, n. 1795; soit par les rapports de la foi avec la raison naturelle ou science, n. 1798, 1799; rapports qui impliquent manifestement que la foi rencontre la science dans lo même plan, sur le même terrain intellectuel» Enfin le concile nous parle d’une · doctrine de foi », c. iv, n. 1800; d’un « assentiment de foi chrétienne », can. 5, De fide, n. 1814 ; des « dogmes de la foi », can. 1, De fide et ratione, n. 1816. 3° Les documents de Pie X sur le modernisme. — 1. L*encyclique Pascendi, 1907. La conception catho­ lique de la foi, nous le verrons plus bas, suppose essen­ tiellement le fait d’une révélation s’adressant du de­ hors à l’intelligence, et certains motifs de crédibilité qui, en prouvant ce fait, rendent raisonnable cet assentiment aux vérités révélées, qui est la < foi ». Or, les modernistes, en vertu de leur agnosticisme, écartent tous ces éléments essentiels : «Qu’advient-il, après cela, de la théologie naturelle, des motifs do 83 FOI 84 esse cæcum sensum religio­ crédibilité, de In révélation extérieure?... Ils les sup­ ment que la fol n'est pas un nis..., sed verum assensum aveugle sentiment de reli­ priment purement ct simplement et les renvoient à intellectus veritati extrin­ gion..·, mais un véritable as­ rtnlellectualismc, système, disent-ils, qui fait sourire secus acceptæ ex auditu, sentiment de l’intelligence de pitié, ct des longtemps périmé. Rien ne les arrête, quo nempe, qUJB a Deo per­ à une vérité reçue du dehors pas meme les condamnations dont l'Église a frappé sonali, creatore ne domino ct par ouï-dire, assentiment ces erreurs monstrueuses (suivent des citations du nostro dicta, testata ct re­ par lequel nous croyons concile du Vatican). » Trad, franç. officielle, avec velata sunt, vera esse credi­ vrai ce qu'un Dieu person­ mus, propter Dei auctorita­ nel, notre créateur et Sei­ texte latin, dans Questions actuelles, p. 7; texte latin tem summe veracis. Pie X, gneur, a dit, témoigné et (avec suppressions) dans Denzinger-Bannwart, n.2072. Motu proprio Sacrorum anrévélé, ct nous le croyons à D’après les modernistes, < la /oi, principe et fonde­ Ustum, dims les Acta apostocause de l'autorité de ce ment de toute religion, réside dans un certain senti­ lica sedis, Rome, 1910,p.670; Dieu souverainement véri­ ment intime, engendré lui-même par le besoin du dans Denzinger-Bannwart, dique. divin... qui gît... dans la subconscience.,. En face de n. 2145. cet inconnaissable..,, sans nul jugement préalable (ce qui est du pur fidéisme), le besoin du divin suscite II. Rapports de la foi avec les autres vertus; dans l’âme portée à la religion un sentiment particu­ sa fermeté. — 1° Rôle général de la foi dans la vie lier. Ce sentiment a ceci de propre, qu’il enveloppe chrétienne. — Si la foi est un assentiment intellectuel, Dieu ct comme objet ct comme cause intime, et qu’il une croyance, comme il ressort de tout ce qui précède, unit en quelque façon l'homme avec Dieu. Telle est, elle doit avoir une influence sur tous les actes de pour les modernistes, la foi, ct, dans la foi ainsi enten­ vertu qui préparent le pécheur à la justification et le due, le commencement de toute religion... Notre sainte juste à la récompense étemelle. La croyance n'est-cllc religion n'est autre chose qu'un fruit propre et spon­ pas à la base de l’action? l’intelligence ne dirige-t-elle tané de la nature. Y a-t-il rien, en vérité, qui détruise pas la volonté? la conviction n’est-clle pas sans cesse plus radicalement l’ordre surnaturel? » Trad, franç., I nécessaire à la force du caractère ct au bon emploi de p. 9, 11, 15; Denzinger, n. 2074. Avec une pareille i la vie? La foi n’a donc pas seulement un rapport de différence (déjà prouvé) avec l’espérance, la cha­ conception de la foi, il est bien clair qu'elle ne peut rité, etc.; elle a encore sur elles un rapport d'influence. jamais se rencontrer sur le même terrain avec la Chaque vertu a un ressort spécial, qui fait comme science, ce qui est contraire au concile du Vatican, déclencher chacun de scs actes propres : c’est son comme nous venons de le voir : < Leurs objets sont motif. Et comme en général les vertus, à part la foi, totalement étrangers entre eux, l’un en dehors de sont purement affectives ct volontaires, ct tendent l’autre. Celui de la foi est justement ce que la science non pas au vrai, mais au bien, le motif de chacune est déclare lui être à elle-même Inconnaissable. De là, une certaine sorte de bien, une specialis honestas, un champ tout divers : la science est toute aux phé­ comme disent les scolastiques, un idéal particulier de nomènes, la foi n'a rien à y voir; la foi est toute au bonté morale : ainsi en pratiquant la vertu de misé­ divin, cela est au-dessus de la science. D’où l’on con­ ricorde, notre volonté est attirée par l'idéal du sou­ clut enfin qu’entre la science ct la foi il n'y a point de lagement des misères; en pratiquant la justice, par conflit possible; qu'elles restent chacune chez elle, ct l’idéal du respect des droits. Voir Espérance, t. v, elles ne pourront jamais sc rencontrer, ni, partant, sc col. 632. Mais le motif d’une vertu, son idéal aimé, contredire. > Trad, franç., p. 23; Denzinger, n. 2084. n'agit pas mécaniquement,brutalement, comme le res­ Ce qui d’ailleurs n'empêche pas les modernistes de sort d’une machine : c’est en passant par l’intelligence subordonner en réalité la fol à la science et absolu­ qu’il sollicite l’affection ct la volonté libre; ce sont les ment. Denzinger, n. 2085. Enfin leur foi-sentiment est convaincus qui deviennent les vaillants. Puisque la fol une des plus dangereuses inventions : < Toute issue fermée vers Dieu du côté de l’intelligence, ils sc font est une conviction, une vertu-lumière, n'est-ce pas à elle que doit revenir le rôle de diriger, d'exciter toute forts d'en ouvrir une autre du côté du sentiment et de vertu-amour? A toutes les autres vertus, elle présen­ l’action. Tentative vainc I Car qu'est-ce, après tout, tera leur motif spécial, leur idéal, pour qu'elles l’aiment que le sentiment, sinon une réaction de l’âme à l’ac­ et qu’elles y tendent par les voies et moyens qui y tion de l’intelligence ou des sens? Otez l’intelligence : conduisent; son acte servira de préliminaire ct de base l’homme, déjà si enclin à suivre les sens, en deviendra l’esclave... Pour donner quelque assiette au sentiment, à leurs actes. A ce titre, on pourra dire de toute espèce de bien qu’il sc fait par la fol. I^c martyr supporte les les modernistes recourent à Γexpérience. Mais l’expé­ rience, qu'y ajoute-t-elle? Absolument rien, sinon une tourments par la vertu de force, mais on peut dire certaine intensité qui entraîne une conviction propor­ aussi, par la foi, puisque c’est dans les vues de la foi tionnée de la réalité de l'objet. Or, ces deux choses ne qu’il puise le motif de sa force, de son courage; il font pas que le sentiment ne soit sentiment, ils ne lui combat donc directement par la force, mais indirecte­ ôtent pas son caractère qui est de décevoir, si l’intel­ ment par la foi, dont saint Paul nous recommande ligence ne le guide; au contraire, ce caractère, ils le l’armure, Eph., vi, 13, 16; il résiste « ferme dans la confirment ct l'aggravent, car plus le sentiment est foi, > comme dit saint Pierre. I Pet., v, 9. Le chrétien Intense ct plus il est sentiment. En matière de senti­ aspire au ciel par la vertu d'espérance, mais c’est la ment religieux ct d’expérience religieuse, vous n’igno­ foi qui montre à l’espérance le ciel; il se confie joyeu­ rez pas. vénérables frères, quelle prudence est néces­ sement à la puissance ct à la bonté de Dieu d’où il saire, quelle science aussi qui dirige la prudence. attend les moyens promis de parvenir au ciel, mais Vous le savez de votre usage des âmes, de celles sur­ c’est la foi qui lui montre cette toute-puissance ct tout où le sentiment domine. > Trad, franç., p. 61,63; ο ttc bonté, ct qui lui certifie les divines promesses. Denzinger, n. 2106, 2107. Pour les considérations Voir Espérance, t. v, col. 612 sq. rationnelles, qu’à l’exemple de Ple X on invoquera 1 Voilà pourquoi l’Église, bien qu'elle fasse dépen­ utilement contre la foi-sentiment, voir Expérience dre la justification non seulement de la foi. mais encore religieuse, t. v, col. 1828, 1829. d’autres actes de vertu dont tel ou tel, comme la 2. Le serment contre les rrcurs du modernisme con­ charité, est plus excellent ct plus efficace, appelle tient ce passage sur le sens du mot < fol > ct la nature cependant la foi < le fondement ct la racine de toute de cet acte : justification, » concile de Trente, sess. VI, c. vm, OrtiMÎme tcn.ro ac ilnJe tiens pour très ccrparce qu’elle est non seulement la première dans eere profiteor, fidem non tain et je professe slncêrel’ordre chronologique, mais aussi la coopératricc des 85 FOI antres vertus. Il y n des actions qui sont un premier commencement nécessaire, mais qui ne doivent pas sc continuer ensuite: telle l'action de la main qui, au moyen de l’aiguille, introduit le fil; la main ct l’ai­ guille s’en vont, le (11 reste, ct n'a plus besoin de leur aide; ainsi la charité parfaite peut mettre de côté la crainte qui a servi à l’introduire. 1 Joa., il, 18. Tel n’est pas l’acte de fol, remarque BclJarmIn : « c’est un commencement qui reste et sc développe (en renou­ velant son action); on a raison de le comparer aux racines, qui ne sèchent pas, mais sc développent ct se forti dent avec la croissance de l’arbre, et aux fonda­ tions, qu’on ne retire pas quand la maison est bâtie, mais qui atteignent alors leur perfection et leur but, en soutenant les murs et le toit, cl n’en sont que plus durables. La foi commence la justification, ensuite, prenant avec elle l’espérance ct la charité, elle l'achèveQuand elle commence, elle est seule; quand elle achève, elle n’est plus seule; ou, ce qui revient au même, seule elle commence l’ouvrage, mais elle n’est pas seule à 1'accomplir. » De justificatione, 1. I, c. xx, Paris, 1878. t. vi, p. 197. Que la foi soit la coopératrice des vertus qui vien­ nent la perfectionner, comme la racine est la coopé­ ratrice des branches pour produire le fruit, l’Écriture elle-même l'affirme. Jac., n, 22. Et nous voyons mieux comment saint Paul a pu dire : « Justifiés par la foi,» en sous-entendant les actes qui suivent. Voir plus haut, col. 72. Malgré ce grand rôle de la foi. obser­ vons avec saint Thomas que son genre d'influence sur les autres vertus ne la rend pas nécessairement supérieure à chacune, même à la charité : car elle n'est pas â l’égard des autres causa perficiens (rôle général qui revient à la charité), mais seulement causa disponens, ct ne fait que montrer à chacune son objet, son motif spécial, solum ostendit objectum. Sum. iheol., Il· II», q. lxvi, a. 6. Et par là nous pourrons harmoniser saint Paul avec lui-même; concilier, d’une part, l'influence si vaste qu’il donne à la foi, le rôle qu'il lui attribue dans la justification et le salut, et de l’autre, la supériorité qu’il reconnaît à la charité. I Cor., xm, 1, 2, 13. C’est surtout l’Épftre aux Hébreux, xi, qui décrit le rôle général de la fol, en la montrant à la base de toutes les grandes œuvres des justes antiques, Abel, Abraham, Moïse, etc., puis les chefs des guerres saintes, les prophètes persécutés, 1rs martyrs. Faut-il conclure de ces exemples que la « foi » est la vertu universelle, ou qu’elle sc confond avec l’obéissance à tous les pré­ ceptes divins, comme l’ont voulu certains protestants d'autrefois? Le luthérien Gerhard leur répond : · Les exemples de ce chapitre décrivent sans doute la foi justifiante, mais surtout dans ses effets, dans ses exercices, tels (pie la confiance en général. la patience, la force, la constance, l’humilité, etc. Car le but de l’apôtre est d’exhorter à la persévérance, comme on le voit au chapitre précédent, x, 36 sq.; en conséquence, au c. xi, il propose des exemples de fidèles qui ont subi diverses épreuves, pour montrer que la vraie fol (la foi parfaite) donne la force de résister à toutes les calamités. » Loci theologici, Berlin, 1864. Lu, p. 357. Mais faut-il conclure de ces exemples, que la · fol » qui y est nommée consiste essentiellement dans la • confiance pratique et non dans la croyance, » comme le dit Dictionnary nf the Bible de l Listings, t. i, p. 836? Non : car seule l.i fol-croyance, ct non pas la con­ fiance, répond au rôle général de la « fol · dans tous les versets de ce c. xi où elle est nommée. Parmi ces ver­ sets, Il en est : 1. où la < confiance pratique » n’a rien à faire, parce qu’il s’agit d’une croyance toute spécula­ tive : · C’est par la /oi que nous reconnaissons que le monde n été formé par la parole de Dieu, » 3; cf. 6. Il en est : 2. où la croyance excite bien un mouvement I 86 affectif et pratique, mah très différent de la confiance : ainsi, nu ♦. 7, la foi fait admettre â Noé le déluge an­ noncé · qu’on ne voyait pas encore » ct cette croyonce excite en lui la crainte, sentiment opposé à l’espé­ rance et û la confiance, et c’est par cette crainte que la foi le pousse à travailler au moyen de sauver sa vie et celle de enfants. Happelons-nous enfin que, dans le système du dictionnaire de Hastings et des protes­ tants en général, la foi consiste essentiellement, non pas dans une confiance quelconque en Dieu, mats dans la confiance spéciale du pardon à cause drs mérites du Christ. Or, cette confiance toute spéciale n’est jamais mentionnée dans ce chapitre sur la foi : ce simple fait n‘est-il pas la condamnation du système? Il est vrai que, dans ce long passage de l’Épitrr aux Hébreux, la foi est souvent représentée comme ayant pour effet l’espérance : les circonstances particulières, parmi tous les effets de la fol, demandaient une place privi­ légiée pour l’espérance, puisqu’elle est un puissant moteur dans l’exercice des autres vertus, surtout de la force et de la patience, qui sont le but de toute cette exhortation; l'espérance des biens étemels soutient l’âme dans la perte des biens de la terre et dans toutes les peines. Heb., x, 34, 35. Voir Espérance, t. v, col. 611, 612. Au reste, 1rs protestants ne gagneraient rien à nous objecter cette fréquente mention de l’es­ pérance du ciel aux c. x et xi : car pour eux la foi justifiante n'est pas l’espérance d’un bien futur, mais la confiance du pardon déjà reçu; de plus,ils ne veulent considérer le ciel que comme une grâce, et non commt une rémunération, ce qui supposerait lr mérite dont ils ont horreur, voir Mérite; or. dans ces chapitres, non seulement il est beaucoup question de I espérance, mais l’idée d’un Dieu rémunérateur et d’une rémuné­ ration leur est servie plusieurs fois, x, 35; xi, 6. *26. Ce que nous venons de dire explique aussi pourquoi, dans le verset bien connu qui a tout l’aspect d’une définition, Hcb.,xi, 1, la foi est décrite nu début par cet effet particulier, mais si important à la circon­ stance du moment et à la préoccupation de l’écrivain sacré, à savoir qu’elle sont.ont l'espérance. S’ensuit-il que la foi soit ici confondue avec l’espérance? Non : le soutien n’est pas la chose soutenue; et cette con­ fusion des deux vertus contredirait d’autres textes, comme 1 Cor., xm, 13. S'ensuit-il que la foi soit d’une nature affective et émotionnelle comme l’cspérance ? Non. .i elle soutient les vertus affectives, c’est en leur montrant intellectuellement leur objet; ct d’ailleurs, dans cette définition même, la foi est appelée d’un nom tout intellectuel, ΐλιγχος· Ce mot signifie argument, preuve, soit dans le grec plus ancien, puisqu'A ristoto a fait un livre De sophisticis elenchis, « qui ont l’apparence des preuves, έλέγχων, mais qui ne sont que des paralogismes. » Opéra, édit. F. Didot, Paris, 1862, t. i. p. 276, soit meme dans le grec du temps des apôtres, puisque, par exemple, l’historien Josèphedit que « Herode se teignait les cheveux pour dissimuler la preuve, ϊλβγχον» de son âge avancé. » Λ ni. jud., I. XVI, c. vm, η. 1, Opera, édit. F. Didot, 1865, p. 637; sans compter que la Vulgate traduit : argumentum. Heb., xi, 1. Saint Augustin traduit : convictio, Serm., cxxvi, c. n, P. L„ t. xxxvm, col.699, mais peu importe ce détail : que la foi soit une con­ viction, ou une preuve qui produit la conviction, c’est toujours quelque chose d’intellectuel, c’est une croyance. D’ailleurs, cette traduction par « conviction parait moins exacte. F. Prat, La théologie de S. Ραικ P’ partir, 4· édit., p. 543. Examinons de plus près cette célèbre définition. La fol, c’est c/πιζομίνων ύπόστχσι; πρπνμάτων όιχχος ού βλιπομίνων. La virgule peut se mettre avant ou après πραγμάτων. Bien des éditeurs la placent avant; la Vulgate (dans sa forme actuelle) la met après FOI et prenant έλπιζοα/νων au passif (ce qui est plus naturel, et conforme aux Pères grecs), traduit sperandarum reru/n. Parmi ceux qui placent la virgule avant, quelques-uns prennent έλπιζομίνων au moyen, avec un sens actif, suivant une traduction de saint Augustin (moms autorisé que les Pères grecs pour décider ici entre le passif et le moyen) : Fides est sperantium substantia. Loc. cil. Certains protestants anciens tenaient à ce sperantium, et ils remplaçaient substantia par exspectatio, attente (ce qui est un des sens possibles du grec υπόστχσκ). Même ainsi, on ne nous enlève pas le sens de simple croyance : attendre est un mot ou une idée vague, qui peut exprimer un fait intellectuel aussi bien qu’un phénomène affectif. « je l’attends pour demain, · c’est-à-dire je crois qu’il viendra demain; et ces mots du symbole de Constantinople, Et exspecto resurrectionem mortuorum, disent-ils au fond autre chose qu’une croyance? Mais de plus, cette traduction exspectatio ne s'impose pas. On nous apporte tel exemple du mot υποστασις dans les Septante, où il répond assez bien, d’après le contexte, à l’idée d’attente. Soit; mais ce mot grec se prete également et mieux à phr leurs autres sens. ■ Employé 18 (ois par les Sentante (en ne considérant quo les livres protocanoniques), il représente 15 difTérents mots hébreux. · Hatch, Essays in biblical greet:, Oxford, 1889, p. 88. On trouverait difficilement un mot plus élastique et plus imprécis. D’où nous sommes en droit de tircr deux conclusions : 1. Dans Heb., xi, 1, nous sommes en face de deux membres de phrase qui se balancent, sc répondent, de deux titres de la foi, νπόσ?«<πς·.·, Γ/αγχος... L'un doit être à peu près l’écho de l’autre: nous le voyons,soit par la cor­ respondance des mots très durs d’un côté, ui βλίτ.ομΖνων de l’autre, cf. Rom., vin, 21, 25, soit parce que les deux membres sont une double définition de la mémo chose, sans parler des habi­ tudes du par llélisme hébraïque. Westcott l’a re­ marqué : · L'interprétation de ces deux mots doit être coordonnée; ils doivent décrire la foi sous le même aspect général. » Epistle to the Hebrews, 3· édit,, Londres, 1906, p. 352. Ceci posé, ύπ*στασις, très obscur, devra être expliqué par son correspondant ίΧιγχο:, d’un sens par alternent défini et incontesté; il devra donc être ramené, d'une manière ou d'une autre,au sens intellectuel de conviction et de croyance; > moins d’expliquer, comme font ici plusieurs, le clair par l’obscur! 2. Dans cette obscurité du mot ζιτύττασις, il est raisonnable de préférer l’explication des Pères grecs, excellents interprètes qui ont bien une certaine autorité dans leur langue maternelle. Saint Jean Chrysostomc donne à ce mot le sens très conforme à son étymologie, de subsistance : I la fol-croyance fait subsister « les choses que nous espérons » et qui ne sont pas encore, notre future béatitude, etc.; elle leur donne déjà, dans notre esprit, une réalité subsistante, elle en est aussi certaine que si clic les voyait; sens qui va rejoindre celui du second membre. Homil., xxî, in Heb., n. 2, P. G., t. lxiii, col. 151. Meme sens dans Théodorct, In Heb., P. G„ t. lxxxîi, col. 758; et dans l'évêque africain Primas lus. In Heb. commentaria, P. L., L Lxvin, coL 758. Saint Grégoire de Nysse explique ici ύπόστχΊΐς par Ιρκσμα, soutien, appui : la cité céleste qui attire notre espérance et nos vœux, et qui n’est évidente ni aux sens ni à la raison naturelle, flotterait en l’air comme un vain fantôme, si la foi-croyance ne lui donnait un solide appui. De anima (i rtsn one, P i, , t. χι.ν roi. 95. On le voit, ces interprétations des Pères, quoique prenant le mot i-ro τζσκ en deux sens différents, rendent au fond la même pensée, qu'pn peut retrouver aussi sous le mot vague substuntla de la Vulgate (de sub- 88 stare), en le rattachant soit ù l'idée de subsister, soit à celle do sustenter. La plus ancienne des versions, la syriaque, dit à peu près de même : · La foi est la persuasion des choses qu’on espère, comme si elles existaient déjà réellement. » Voir Corluy, Spicile­ gium dogmatico-biblicum, Gand, 1881, l. n, p. 210. A cela revient l'interprétation quo préfère le P. Prat : < La foi... est la réalité des choses que nous espérons, en tant qu'elle... empêche nos espérances d'être vaines ou fantastiques. » Op. clt„ p. 543. La version officielle anglicane (révisée) ne s'écarte pas du sens intellectuel que nous défendons, quand elle traduit • l'assurance des choses espérées. » Le dictionnaire de Hastings,art.Hope, remarque qu'au mot assurance on pourrait presque substituer le mot fondement, t. il, col. 412. L'un ou l’autre rend la pensée des Pères, et répond assez à l’autre membre ίλιγχος..., que la version anglicane rend par proving, preuve, et Hastings par conviction. 2° Fermeté de la foi chrétienne. — Ce mot rappelle à l'imagination l’aldtudc d’un homme qui ne chancelle pas. qui pose sur le sol un pied ferme. Dans l'ordre intellectuel où nous sommes, chanceler, vaciller, c'est douter : dire que la foi est « ferino », c’est donc dire qu’elle exclut le doute, la fluctuation de l'esprit, qu’elle a cette lixlté requise pour la certitude. Fixité au moins pour le moment : car nous ne prenons pas Ici le mot ■ ferme », comme on le prend souvent, pour indiquer la constance, la persévérance; nous ne parlons pas encore de la fermeté habituelle de la foi, mais seulement de sa fermeté actuelle. — Dans notre étude sur la foi ferme, nous verrons : 1. sa preuve positive; 2. sa raison d'être; 3. son contraire, l'opi­ nion, mêlée d'un certain doute; 4. l'explication de quelques difficultés. 1. Sa preuve positive. — a) L'Ecriture. — Revenons à Heb., xi, 1, où la foi est appelée «λεγχος. Le verbe έλέγγω, d'où vient ce substantif, signifie, non pas avancer une preuve quelconque, mais une preuve décisive, qui ne permette pas de douter, d’échapper. Les Juifs alléguaient contre le Christ des griefs quelconques, mais ils ne pouvaient le convaincre de péché, »λ γχ·ι·. Joa., vin, 46. · Le Paraclct... convaincra le monde, » έλ/γξιι, Joa., xvi, 8, évidem­ ment par une preuve complète, de manière à produire la conviction. < *Ε)£γχοζ, affirme saint Chrysos tome, se dit de ce qui est tout à fait manifeste. » Loc. cit. ■ C'est, dit l'auteur de la Hhétorique à Alexandre, une espèce d'argument ou de réfutation qui prouve que la chose ne peut pas être autrement que nous le disons, » c. xni, dans Aristotelis opera, édit. F. Didot, t. i, p. 429. Sous ce mot qui caractérise la foi, tout concourt donc à montrer la conviction, l’absence du doute. Abraham nous est présenté comme modèle de la fol qui dispose à la justification. Rom., xv, surtout 18-24. Or le trait distinctif de sa fol, celui sur lequel saint Paul appuie dans ce long passage, c’est la fermeté. Il y insiste, tantôt sous forme négative : < (Abraham) ne fut pas infirme dans la fol; il ne considéra pas » les apparences contraires au miracle promis qui auraient pu lui donner des doutes Impru­ dent*: il ne sc laissa pas allci au doute, à l'incrédulité. Voir plus haut. col. 68. Tantôt sous forme positive : • 11 fut fort dans la foi » ou « par la foi. » Il fut • pleinement convaincu, πΙ.ηροφορηΟβίς, que Dieu a la puissance d’accomplir sa promesse, » 19-21. Remarquons la force de cette dernière expression. ΙΓ/τροφορία, dit Snnday en commentant ce verset, < c’est une pleine assurance, une ferme conviction, cf. I Thés., i, 5; CoL. n, 2; mot spécialement en usage chez les stoïciens. Le verbe πληροφοριΐσΟαι, appliqué à une personne, équivaut à être pleinement «9 FOI assuré ou convaincu. Cf. Rom., xiv, 5;Col., iv, 12. » Comment, sur l'Épttre aux Romains, 4· édit., Îûlim­ bourg, 1900, p. 116. Co terme, dont l'étymologie donne l’idée de plénitude, · a été employé par les Pères grecs,et ligure dans leurs définitions do h foi; c’est l'expression qui caractérise le mieux mi parfaite solidité. » Scheeben, La dogmatique, § 46, trad, franç., Paris, 1877» t. i, p. 538. Exemples : · Quel est le propre de In foi? Une ferme conviction, π/ηροφορια, do la vérité des paroles inspirées, opposée au douto et inébranlable aux objections de la nature ou de la fausse piété. Quel est le propre du fidèle? Etre établi dans une telle conviction par l'influence de la parole divine. » S. Basile, Moralia, reg. lxxx, c. xxii, P. G., t. xxxr, col. 867. « La foi, d’après l’apôtre, est donc la vue des choses Invisibles; et de ces choses que l’on ne voit pas, elle donne la même conviction, πληροφορίαν, que l’on a communément de celles que l’on voit... Si l’on n’est pas plus convaincu encore des choses invisibles que des visibles, ce ne peut pas être la foi. · S. J. Chrysostoinc» In Heb., homil. xxî, n. 2, P. G., t. i.xiiï, col. 151. b) Les Pères. — Nous venons de citer les grands docteurs de l’Église grecque; on pourrait remonter A Clément d’Alexandrie; parlant de cette croyance amoindrie qu’on appelle opinion ou conjecture : • Elle imite la foi, dit-il, comme le flatteur imite l’ami, comme le loup imite le chien.» Strom., II, c. iv, P. G., t. vni, col. 943. Parmi les latins, saint Augustin dit que notre foi ne peut souffrir le peutêtre : · Quelle ligure avait Marie, la révélation s’abs­ tient d’en parler; aussi nous pouvons dire, sans blesser la foi : Peut-être avait-elle ce visage que je me représente, peut-être ne l'avait-elle pas. Mais la foi chrétienne n'est pas sauve si l'on dit : Le Christ est peut-être né d'une vierge. » De Trinitate, 1. VIII, c. v, P.L., t. xi.n, col. 952. Enfin quand Abélard’ le premier, voulut se contenter, en guise de foi chré­ tienne, d’une opinion, icstimatio, saint Bernard réclama énergiquement. Il vit même dans cette fausse idée de la fol l’origine do toutes les erreurs théologiques d'Abélard. < Laisse cette icstimatio, s'écrio-t-il, laisse-la aux académiciens qui font pro­ fession de douter de tout et de ne rien savoir. » Et citant l’apôtre, il conclut : Non est fides a-stimatio, sed certitudo. Tract, ou Epist., cxc, ad Innocentium II, c. iv, P. L., t. cLxxxn, col. 1061 sq. Et ailleurs : • La foi n'a pas d'incertitude, ambiguum : ou si elle en a, ce n'est plus la foi, c’est l’opinion. » De consi­ deratione, 1. V, c. ni, col. 790. c) Les documents de Γ Eglise. — Dans les professions de foi, firmiter credo, firma fide credo sont des locutions usuelles. Voir les derniers mots du symbole liturgique dit d’Athnnase, récité A prime, Denzingcr, n. 40 (136); le début du symbole de saint Léon IX, usité dans les consécrations épiscopales, Denzinger, n. 313 (292); le début du IV· concile do Latran, n. 428 (355); le début de la professio fidei tridenti na, n. 994 (863). 2. Sa raison d'être. — Il ne faudrait pas s’imaginer dit Bossuet. Connaissance de Dieu et de soi-même. c. i, n. 16. DéjA au moyen âge, un des scolastiques qui a le plus insisté sur la fermeté de la loi et la soumission absolue de l’esprit A Dieu qui i 90 parle, Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, savait faire aussi l’éloge du doute, qui, pour éviter l’erreur» suspend son jugement quand ü ne peut arriver A la vérité, et il ajoutait : « Il suffit au sage, quand il ne peut saisir la vérité, de n’étre pas le jouet de l’erreur..., de meme qu’il suffit au guerrier, quand il ne peut vain­ cre l’ennemi, de n’en être pas vaincu, et au né; xûant, quand il ne peut faire un gain, d'éviter un désastre. » De fide, c. i, Optra, Paris, 1674, L i, p. 3. Pas d’exagé­ ration, cependant; un esprit qui, par crainte de tom­ ber dans quelque erreur même de peu d’importance, passerait son temps A douter, ressemblerait fort A ces gens qui sc rendent malades A force de craindre toutes les maladies. Voir Croyance, L ni, col. 2380. Quelle est donc la raison intime de la fermeté de la foi chrétienne? — Une réponse très simple, c’est que cette fol s'appuie essentiellement sur la parole de Dieu comme sur son motif (voir plus loin, coL 180), et que la parole de Dieu est digne de la plus ferme croyance. « Si un homme grave et recommandable te promettait quelque chose, dit saint Cyprien, tu aurais foi A ses promesses, et tu ne croirais pas être trompé par celui dont tu saurais la droiture et la loyauté de paroles et d'action. Et maintenant Dieu te parle, et manquant de foi tu cèdes aux fluctuations d’un esprit incrédule? C’est tout à fait méconnaître Dieu. » De mortalitate, n. 6, P. L., L iv, col. 586. Voilà pourquoi la fol chrétienne devait être ferme. Réponse très juste en soi, et devenue très commune parmi les théologiens, mais incomplète : elle revient à dire : Le motif de l’autorité d’un Dieu qui parle, s'il est dûment appliqué a tel sujet et à telle matière, exige une foi ferme; saint Cyprien n’envisage qu’un seul cas» celui où l’on sait avec certitude que le témoin a parlé; mais il en est un autre, celui où l’on a une probabilité que Dieu a parlé, que telle doctrine vient de lui, sans le savoir encore, et où l’on penche déjà pour ce motif vers cette doctrine. La parole de Dieu, l'autorité de Dieu, dans ce cas, faute d'application suffisante A cette doctrine, ne peut produire une adhésion ferme. Et pourtant cette demi-croyance, avec son peut-être, n’est pas une Insulte faite A Dieu, comme dans le cas dont parle saint Cyprion; au contraire, de l’aveu de tous les théologiens, elle est permise pour le moment présent et n'est pas inutile comme acheminement vers la pleine lumière; elle peut avoir le même motif spécifique : « Mon Dieu, Je crois cela sur votre auto­ rité; » pour prendre une comparaison, ne peut-on faire un ade d’obéissance méritoire, quand même on n’a que In probabilité de la volonté du supérieur? Pour­ quoi donc cette demi-croyance, motivée par le respect de l'autorité de Dieu, ne suffirait-elle pas A la justifi­ cation de l’infidèle qui a commencé ù croire ainsi,en sorte qu’on puisse le baptiser aussitôt? Pourquoi les documents de la révélation demandent-ils pour ki foi salutaire plus que cette simple · opinion >» et exigentils comme condition de la justification et du baptême une foi ferme? Pourquoi ne suffit-il pas de croire d une manière quelconque A cause de l’autorité de Dieu, mais faut-il que ce motif soit appliqué d’une manière certaine A telle matière? Il nous faut donc arriver à une autre raison de cette fermeté, qui vaille pour tous les cas. Nous la trouve­ rons dans le rôle général de la fol. VolrcoL 84 sq. La fol, disions-nous d’après la révélation elle-même, doit exciter les autres dispositions A la justification, et les actes des autres vertus qui,après la justification,men tent le ciel : actes d'espérance, de crainte, de repentir» de charité, etc., et ce rôle s'explique rationnellement par la nature intellectuelle do la foi, qui éclaire le chemin et montre à chaque vertu effective l’objet, le motif propre qui lui correspond et l'excite. Mais si elle montrait ces objets comme entièrement dou- 91 FOI Ü2 tcux, si elle disait, par exemple : « Il y a peut-être une clusion commune à Pascal et à Kant a une vraie va­ autre vie, un étemel bonheur, » comment exciteraitleur; mais si on en fait la prévision de ce qui doit na­ elle puissamment l’espérance? C'est déjà bien assez turellement arriver (en tenant compte de la nature que le fait de notre salut personnel reste ordinaire­ humaine telle qu'elle est), l’argument est fort défec­ ment en dehors de la certitude et du domaine de la foi. tueux. Voici pourquoi. Ce n'est que sous l’influence 11 faut du moins que les grandes vérités, base de notre d’une conviction très ferme de la réalité du monde à vie spirituelle, dont le souvenir doit nous faire espérer venir et de la justice éternelle, que la satisfaction des craindre, aimer, pleurer nos fautes, soient fermement intérêts et des passions peut revêtir le caractère d'une quantité insignifiante. Les passions projettent sur saisies par la foi. Sur les fondations branlantes d'une les joies présentes une lumière vive dont l'éclat fait dcml-crovancc pourrait-on construire l'édifice des pâlir, presque jusqu'à la faire disparaître, la perspec­ vertus? N’est-ce pas en partie la fermeté des convic­ tive d’un bonheur futur. ■ Les philosophies négatives, tions qui fait la solidité de la vertu et la force du carac­ Paris, 1900, p. 35. Et lors même que l’argument du tère? Pour remplir son rôle providentiel, la foi devait pan exercerait une Influence fortement moralisatrice, donc être ferme, et une foi chancelante ne pouvait en de cette demi-croyance ne sortiraient pas toutes les aucune hypothèse être acceptée de Dieu comme base vertus chrétiennes dont la plus excellente est l'amour de la conversion au christianisme, ou de la vie chré­ de Dieu. Avec un Dieu hypothétique, qui nous aime tienne. peut-être, qui nous a peut-être donné ce que nous Mais, dira-t-on, une croyance mêlée de doute à des sommes, comment établir ces rapports intimes sanctions possibles dans une autre vie suffirait encore d'amour que nous avons avec un Dieu certain, invi­ à exciter l'espérance et la crainte, qui de leur nature sible, que par la foi nous voyons presque, 1 ieb., xi, 27, ne réclament pas la certitude de leur objet : une telle notre créateur, notre protecteur, noire père, qui a croyance pourrait donc obtenir pratiquement l’exer­ élevé les justes à sôn amitié par une communication cice de la religion et les sacrifices que demandent les certaine de biens surnaturels et d'ineffable amour? vertus chrétiennes. C'est le célèbre argument du part Dès là que Dieu a ainsi demandé notre amour, il a dû de Pascal : « Dieu est, ou il n'est pas. Maia de quel côté pourvoir à une foi ferme nécessaire à le fonder. pencherons-nous?... Il se joue un jeu, où il arrivera 3. L'opinion et son doute (formido) contraire à la croix ou pile. Que gagerez-vous?... Pesons le gain et la foi divine. — a) La fermeté de la foi exclut donc le doute perte (de celui qui parie pour Dieu et la religion)... Si — soit qu’on entende par « doute » une attitude néga­ vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous no tive de l'esprit, la suspension du jugement par crainte perdez rien (en comparaison de l'infini). Gagez donc de se tromper— soit qu’on entende une crainte de se qu'il est, sans hésiter... Il y a ici une infinité de vie tromper qui ne va pas jusqu'à arrêter l'acte positif infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous I d'affirmer,mais qui4’accompagne. le modifie et l’affai­ Jouez est fini... 11 n'y a point à balancer, il faut tout I blit; une telle affirmation prend le nom d’opinion, et nous venons de voir par des témoignages patristiques donner... Car il no sert do rien de dire qu’il est incer­ que l'opinion, Vexisttmatio est opposée à la foi. Voici tain si on gagnera, et qu'il est certain qu’on hasarde... comment saint Thomas décrit ces deux états d'esprit: Tout joueur hasarde avec certitude pour gagner • Tantôt l'intelligence n'est pas Inclinée d'un côté avec incertitude... Combien de choses fait-on pour plutôt que de l’autre; ou bien faute de motif, comme l'incertain, les voyages sur mer, les batailles I » Pensées, il arrive dans ces problèmes où n'apparaft aucun édit, des Grands écrivains, t. n, p. 146 sq. Kant dit à élément de solution, ou bien à cause de l'égalité appa­ son tour : · L’homme ne peut s'empêcher de craindre rente des motifs en faveur de deux thèses opposées. un Ctrc divin et une vie future : il suffit, en effet, qu’il Telle est l’attitude du doute (au sens le plus strict du ne puisse alléguer la certitude qu’il n'y a pas de Dieu et mot), qui flotte entre deux propositions contradic­ pas devie future,certitude qui exigerait... qu'il démon­ toires. » Quasi. disp., De veritate, q. xiv, a. 1. C'est trât l'impossibilité de l’un et de l'autre, ce qu’aucun comme une balance qui, faute de poids, ou par l’égalité homme raisonnable ne peut assurément entreprendre.· des poids entre eux, reste en équilibre. Dans l'autre Critique de la raison pure, trad. Bami, t. il, p. 387. état d'esprit, l'équilibre se rompt : « Tantôt, con­ Ces considérations peuvent servir ά remuer l’incré­ tinue-t-il, l'intelligence est plus inclinée d'un côté que dule, à le faire sortir de son repos malsain dans les né­ de l'autre; mais le motif qui l'incline n'étant pas assez gations, et à le rapprocher ainsi de la foi chrétienne, fort pour la déterminer totalement d’un côté, elle mais sans l’y faire parvenir : Dieu l'a mise plus haut s'attache à l'une des deux thèses contradictoires, et comme fermeté, nous le savons par la révélation et la pourtant conserve un certain doute à l'égard de l'autre. doctrine de l'Église. Aux yeux mêmes de la raison na­ Telle est l'attitude de Vopinion, qui admet une des turelle, l’argument du pari ne peut remplacer, comme deux contradictoires tout en gardant une certaine excitation à la vertu et à la religion, La foi robuste crainte de l’autre, cum formidine alterius. ■ Ibid. On et éclairée qui croit à Dieu, à scs promesses et à scs définit aujourd'hui semblablement 1' « opinion », même menaces comme à quelque chose d’objectif et de cer­ dans La philosophie qui n'est pas scolastique. · L'opi­ tain, et qui donne à notre âme un point fixe, une base nion est une adhésion mêlée de doute, et par consé­ de vénté. Il est vrai que dans les affaires du monde quent plus ou moins chancelante et inconstante. » on expose volontiers une très fifiblc valeur pour l’ac­ Boirai, Cours élémentaire de philosophie, Logique, quisition possible d’une valeur énorme. Mais ces va­ c. v, Paris, 1900, p. 287. leurs sont du même ordre, elles parlent toutes les deux L'élément caractéristique de l'opinion, c’est cette aux sens, dont l’homme est si fort touché; elles sont crainte, formido, dont parle saint Thomas, et que, estimées du commun des hommes. Au contraire, l’audans le passage cité, il appelle aussi «doute », dubitat delà ne parle pas aux sens, n'est pas estime de la mufi itude dont les Jugements impressionnent tant l’indi­ de altéra; le mot formido est plus généralement usité vidu: et si ù ces désavantages il ajoute encore celui de chez les scolastiques, le mot doute chez les modernes, paraître incertain à l'esprit, de ne lui nen montrer que qui parlent pourtant aussi d'« affirmer sans crainte ·. de nébuleux et de llotlant. la vie future ne réussit pas Mais qu'est-ce que cette crainte, formidoî Une émo­ alors (c'est un fait d’expérience) â rejeter dans l’ombre tion? Nous n'entendons pas exclure l'élément émotion­ ks biens présents n· à les faire pratiquement appa­ nel, plus ou moins perceptible;mais il est d’importance raître comme le rien dont parle Pascal. « Au point très secondaire. Une crainte à objet rationnel, comme de vue de U logique pure, dit Ernest Naville, la concelle qui nous occupe et qui a évidemment pour objet 93 FOI la vérité et l'erreur, n'est pas une passion animale; elle dérive done d'un jugement : c'est ce jugement, source de l'émotion craintive, qu'il nous faut arriver à saisir, c'est à lui que les scolastiques ont par méto­ nymie transféré le nom de formido, qu'il soit suivi d'une émotion perceptible, ou non. 11 doit donc y avoir dans 1* « opinion » un double jugement : le principal, qui, comme dit suint Thomas, accipit unam partem, admet une des deux thèses contradictoires : Je secon­ daire, qui affaiblit l'adhésion du premier, et que nous appelons formido. En quoi consiste ce jugement secondaire? Serait-ce à nier faiblement, à nier tout bas ce que le principal affirme tout haut et avec plus de force? Mais un seul et même esprit ne peut proférer en même temps deux propositions contradictoires : et si cela était possible dans une perturbation, dans une situation □normale de l'âme, cela ne peut être dans l'opinion, état d’esprit essentiellement pacifique et régulier. Aussi, quand saint Thomas dit de l’opinion : Opinans habet allquid assensus, inquantum adhæret uni magis quam alii, il faut traduire ce magis par « plutôt », et ne pas prêter au grand docteur l’idée bizarre de faire adhérer en même temps à deux contradictoires, bien que plus fortement à l'une des deux. In IV Sent., 1. III, dist. XXIII, q. u, a. L, sol. 1»; voir Gardeil, dans la Revue des sciences philos, et théol. du 20 juillet 1911, p. 451, 452, ou dans La certitude probable, 1911, p. 48, 49. Sans doute, après l'adhésion que j'aurai. donnée à l'une des thèses contradictoires, par exemple, à l’exis­ tence doûLellc obligation pour mon pénitent, je pourrai réfléchir sur la valeur comparative des motifs qui m'ont poussé à incliner du côté de cette obligation, et des motifs contraires, et reconnaître avec certitude dans ceux-ci une valeur sérieuse, les miens n'étant pas décisifs, voir Revue thomiste, mai 1902, p. 162; et voyant do bons théologiens préférer la thèse opposée qui nie l'existence de cette obligation, je pourrai par une défiance légitime de mes propres lumières, dans une question qui n’est pas claire, baser sur l’opi­ nion des autres une solution toute pratique, et m'abs­ tenir d'imposer au pénitent la thèse à laquelle j'adhère avec crainte, et tel est le procédé du probabilisme en morale, que le P. Gardeil ne parait pas avoir bien saisi. La certitude probable, p. 35, 36. Mais il n’en est pas moins vrai que, dans le jugement primitif et plus direct qui est proprement « l’opinion », je n'adhère qu'à l’une des deux thèses opposées. De là aussi une véritable erreur en moi, si j’ai pris celle qui en soi est fausse : tandis que dans l'état de doute, qui flotte entre deux contradictoires sans s'arrêter à aucune, il n’y a pas d'erreur possible. En quoi donc consistera ce jugement secondaire qui dans l'opinion produit la crainte? Nous pouvons raisonner ainsi. Le jugement qui, dans l’être raison­ nable, produit la crainte en général, c'est toujours ce jugement qu'il y n pour lui un mal qui menace, un danger. Quel danger peut-il y avoir dans toute opi­ nion, c'est-à-dire dans le fait même que l'intelligence, sans avoir la certitude, incline vers une des deux thèses contradictoires? Le mal qui menace alors l'in­ telligence, c'est l'erreur. Danger d'ernur, voilà donc ce que doit affirmer dans l’opinion le jugement secon­ daire, appelé formido. Et l’ensemble pourra se repré­ senter par cet exemple : · Cette maladie mène à la mort, mais en affirmant cela, je suis en danger de me tromper. » Le premier jugement, le principal, est di­ rect, et va droit à l’objet : le second est réflexe; le premier affirme un fait, le second ne nie pas ce fait, mais affirme le danger que j'ai de me tromper en l’affirmant : ils ne sont donc pas contradictoires entre eux, et une même intelligence peut les porter en même temps. Telle est en résumé l'analyse que font, de 94 l'opinion et de sa form Ido. Hnunold, Theol. speculativa, Ingolstadt, 1670, p. 377 sq.; de Benedictis, Philos, peripatetica, Venise, 1722. t. 1. p. 513 sq. On a donné une autre explication. « Le mot formido. dit le P. Gardeil, si on l'entend d'une crainte intrin­ sèque à l'opinion ne signifie pas autre chose que la contingence de l'acte d'opmion^omme le remarque D. Soto dans son pénétrant commentaire des Ana­ lytiques. » La certitude probable, p. 46. Le contingent étant par définition · ce qui peut ne pas être, » qu'en­ tend-on ici par « contingence de l'acte d'opinion? · • Λ la contingence de la vérité probable, correspond la contingence de l’assentiment d'opinion.Nous avons exposé plus haut les trois modes de la contingence du probable : matière contingente, incapable d'être l'ob­ jet d’une connaissance absolument certaine; matière nécessaire en soi, mais appréhendée à l'aide de signes qui n'atteignent pas le fond des choses, leur pourquoi profond et décisif; matière nécessaire, mais saisie im­ parfaitement par suite de l’imperfection de l'esprit. Dans les trois cas, au moment où il actionne l'esprit, l’intelligible n'a pas la détermination absolue qui ré­ duit la puissance intellectuelle et entraîne l’adhé­ sion. » Op. ci/., p. 40,41. Les deux derniers cas peuvent se résumer en un seul : la connaissance est si impar­ faite (soit imperfection des signes ou intermédiaires employés, soit imperfection du sujet lui-même) que h chose affirmée pourrait ne pas être en réalité. J’affirme qu'il fera beau demain, à cause de certains signes; cependant j’rstime que la chose affirmée pourrait être autrement. C'est par là que l’opinion se distingue de la science et do la foi, d'après saint Thomas : De ratione scientist est, quod id quod scitur existime­ tur esse impossibile aliter se habere; de ratione autem opinionis est quod Id quod quis existimat, existimet possibile aliter se habere. Sed id quod fide tenetur, propter fidei certitudinem, existimatur etiam impossibile aliter se habere. Sum. theol., IB II·, q. 1, n. 5, ad 4··. Saint Thomas exprimo ici que l'opinion est composée d'un double Jugement : existimat, existimet ; et le second est précisément ce Jugement secondaire dont nous avons parlé avec Haunold et de Benedictis, dans lequel, saisissant l'iniDcrfection de notre connaissance, nous disons : « Je suis en danger de mo tromper. » Car enfln, n’est-cc pas la même chose de dire suivant la formule de saint Thomas : « La chose que j’affirme pourrait être autrement dans la réalité, »ou suivant notre for­ mule : « En affirmant cela,je suis en danger d’erreur?» Le P. Gardeil dit lui-même : · La contingence en matière de vérité n’est pas autre chose qu’une pos­ sibilité d’erreur. » Op. cil., p. 42. Reste le premier cas : < matière contingente, dit-il, incapable d’être l’objet d'une connaissance absolument certaine. > Cependant toute matière contingente ne doit pas être condamnée à l’incertitude. Ma propre existence, qui est pour moi d'une évidence irrésistible et d’une certitude absolue, est pourtant une « matière contingente ». Et il ne parait pas fondé de dire : · Les objets qui nous touchent de plus près, parce qu'ils sont en quelque sorte nous-mêmes, sont très spécialement justiciables de la seule probabilité.» Op.cit., p. 19. L’auteur, il est vrai, tâche de sauver la certitude de quelques vérités contingentes, en recourant à la nécessité hypothétique d'expérimenter ce que nous expérimentons : < Si So­ crate est assis, il est nécessaire qu’il soit assis, pen­ dant qu'il est assis. » Op. cil.,p 21. Mais il est com­ mun à tout être contingent d’avoir cette nécessité hypothétique. Ce n'est donc pas elle qui fera une diflcrence entre les cas où nous connaîtrons le contin­ gent avec certitude, et ceux où nous le connaîtrons avec incertitude; ce sera uniquement la perfection ou l'imperfection do nos moyens de connaître, la pos­ sibilité ou l’impossibilité d'une expérience immé­ 95 FOI 96 diate, etc, ce qui nous fait retomber dans les doux subjective ct morbide, s’il existe des doutes impru­ cas examinés d'abord. Il faut donc supprimer ce pre­ dents ct sophistiques, la volonté a certainement le mier cas, et ne pas faire dépendre de la contingence droit d’intervcûtt pour supprimer tout cela. Voir de la matière l’incertitude du jugement comme une I Croyance, t. m, col. 2383 sq. Cet appel à la volonté suite nécessaire : la matière contingente reste de soi du malade, que la médecine elle-même sait employer indifférente à la certitude ou à la probabilité. Et contre la neurasthénie, est spécialement opportun certes, en Dieu, la connaissance des contingents est dans l'épidémie du doute qui, à la suite du kantisme parfaitement certaine ct métaphysiquement néces­ et d'autres causes, affaiblit aujourd'hui les esprits. saire De Benedictis, /oc. cit., p. 514. Nous préférons « Nous sommes en présence, non seulement d’une donc notre explication de la formido comme plus conception d'école, mais d’un fait biologique, d'une simple ct plus juste. sorte de faiblesse ou de déformation pathologique de Ajoutons une autre considération. La volonté libre la vie religieuse, que je quali lierais volontiers de psy­ ne peut changer ou supprimer la contingence d'une chasthénie spirituelle, dit un protestant. Les raffine­ matière, ni dans la réalité, c'est clair, ni même dans ments morbides et la complaisance au doute intellec­ notre esprit, parce que cette contingence est de toute tuel, que pratique l’agnosticisme,me paraissent révé­ évidence, et que la volonté ne peut rien dans notre ler je no sais quelle névrose nouvelle et constitutive esprit contre l'évidence proprement dite. D'autre part, de la conscience religieuse. » Frommel, dans la Revue la volonté peut supprimer dans notre esprit ce qu'on (protestante) de théologie et de philosophie, novembre appelle formido, et transformer une pure opinion 1904, p. 37, 38. Voir Snell, Essai sur la foi..., 1911, en jugement absolument ferme : on voit ce phénomène p. 103. dans les esprits entêtés de leurs idées, et Soto en fait Quant à la théorie de Soto sur la contingence, elle sc lui-même la remarque : « Du côté du sujet il peut y termine par une explication assez faible de la formido·. avoir la même certitude quand la chose est fausse. Qui Formido non potest melius explicari quam si dicas quod doute que les anabaptistes adhèrent à leurs doctrines est privatio certitudinis. Unde hoc est assentiri uni parti avec autant de force ct de fermeté, tam firmo assensu cum formidine alterius, quod est intellectum non ita roborati, que les sacramental res, etc., et ceux-ci que esse determinatum ad hanc pariem,quin fluctuet quodam· modo circa aliam. D.Soto, in libros posteriorum Aristo­ nous (les catholiques)? Et pourtant 11 est évident telis absolutissima commentaria, Venise, 1574, q. vm, qu’il y a quelqu'un qui se trompe, ccs thèse* opposées ne pouvant être toutes vraies. » De natura ct gratia, p. 416. b) Différence entre la foi humaine ci l'opinion. — H 1. Ill, c. x, Salamanque, 1561, p. 215. La formido sur y a dans celte même q. vin de Soto une autre théorie laquelle la volonté a prise ne peut donc être une suite acceptée par le P. Gardeil, ct qui consiste à dire nécessaire de la contingence de la matière,sur laquelle qu’entre l’opinion et la foi humaine 11 n’y a pas diffé­ la volonté n'a pas de prise. De plus, la suppression du rence d’espèce, différence essentielle. Nous préférons doute ou formido par la volonté — suppression blâ­ la doctrine do saint Thomas, (pii, dans le passage mable dans les gens entêtés, parce qu'alors elle porte cité tout à l’heure, dit : « Il est de l’essence de sur un doute prudent et que, à un certain moment du l’opinion d’estimer que la chose affirmée pourrait être moins, ils ont reconnu comme tel — devient légitime autrement; tandis que dans la foi, à cause de sa certi­ dans certains cas où le doute est imprudent, déraison­ tude, on estime que la chose affirmée ne peut pas être nable; les théologiens admettent communément ccttc autrement. » Sum. theol., Il* II», q. i, a. 5, ad 4··. suppression des doutes imprudents dans la foi divine. Voilà bien une différence profonde, atteignant la na­ Or la contingence de la matière, étant évidente ct ture même de l’assentiment; et c’est par là que saint n'ayant rien d'illégitime, ne peut en aucun sens être Thomas, dans la même phrase, différencie la science supprimée par notre volonté. Ce n'est donc pas ce et l’opinion, entre lesquelles on avoue une différence qu'on appelle formido, ni ce qui produit la formido. d’espèce. S’il n'y en a pas entre la foi et l’opinion, Notre théorie, au contraire, explique très bien la pourquoi saint Thomas nous donne-t-il ccttc célèbre différence des doutes prudents ct des doutes impru­ division ternaire entre ccs trois espèces d’assentiment, dents, formidines imprudentes. Le mot formido signi­ la science, l’opinion ct la foi? pourquoi met-il cette fie, d'après nous, ce jugement réflexe : « En affirmant troisième sur la même ligne que les deux autres? cela, je suis en danger de me tromper. » Ce jugement Sum. theol.. Il* II·, q. i, a. 4; De veritate, q. xiv, a. 1. craintif, comme tout jugement, doit avoir un motif, C’est dans ces textes, où saint Thomas traite la ques­ car l'intelligence ne juge pas sans quelque raison au tion ex professo.qu’il faut étudier sa pensée, ct non pas moins apparente de juger ainsi. Voir Croyance, L ni, dans des endroits où il prend en passant le mot fides col. 2372. Ce motif sera parfois l’évidence du danger dans un sens large, de même qu’en français nous ap­ de me tromper, et alors le jugement craintif ne sera pas libre, l’évidence s'impose. .Mais souvent, la réalité pelons « croyance » non seulement une conviction du danger étant moins claire, la volonté aura prise sur ferme, mais souvent, au sens plus large, une opinion. ce jugement craintif, ct pourra ou le supprimer, ou, Voir Croyance, t. ni, col. 2364. Dlra-t-οη, pour échap­ au contraire, le faire naître sans motif sérieux, en per à saint Thomas, que dans celte division ternaire il embrouillant l'esprit dans des sophismes, ou tout au ne parle que de la fol divinel Mais il est clair qu’il fait moins le favoriser; ct scion qu'ello suit alors les con­ là une théorie générale ct philosophique des divers seils de la prudence ou qu'elle ne les suit pas, le Juge­ états d’esprit, ct que la fldes dont il parle ici ne peut ment craintif, en tant que plus ou moins dépendant pas être la seule foi divine, qui dépasse la philosophie, de la volonté, sera dit prudent ou imprudent, légitime mais que c’est aussi la foi humaine, du moins quand ou coupable. Parfois dans l’affirmation d’une vérité, elle atteint sa perfection. La foi au témoignage divin surtout si elle déplaît aux passions, s'élèvent des est toujours infaillible, a priori; la foi au témoignage doutes, des craintes, sans motif sérieux du côté de humain varie suivant la valeur et le nombre des témoi­ 1 objet suffisamment perçu; Soto en (ait la remarque : gnages et souvent ne donne pas la certitude : de là • Qu’il s'élève dans i’espnt humain un doute, une une différence incontestable, qui empêche que la foi crainte c’est une chose naturelle... Parfois cela ré­ humaine prise en général soit une vertu, Sum. theol.. sulte du tempérament. 11 y en a qui ont peu de sang, Il* 11», q. IV, a. 5, ad 2e®, mais qui n’empêche pas quo et cela les rend craintifs dans l'affirmation, comme les actes par/aits de foi humaine soient vraiment cer­ d Ls toute autre chose. »Op. cil, p. 214. S’il existe des tains, ce qu'il serait sceptique de nier. Au fond, Soto ct antes *ans danger réel, ayant une origine purement veut à tout prix défendre Aristote du reproche d’avoir FOI Incomplètement titille les états d'esprit ou les es­ pèces d'assentiment, en ne parlant que de la science et de l'opinion. Il vaudrait mieux avouer quAiilole. dans sa psychologie et sa crftérlologie, a des lacunes évidentes, cl (pie saint Thomas l’a ici heureusement complété. Voici le raisonnement de Soto. Croire qu’il existe en Italie une ville nommée Home, c’est un acte de foi humaine, mais ce n’est qu'un assentiment contingent, qui de sa nature peut être faux, donc une opinion. Or c je crois à I existence de Home sans lo moindre doute, fc^mido. » Donc a. < la foi no dlilérc pas spéci­ fiquement de l’opinion, > p. 416,117. Done b. le doute, formido, n'appartient pas intrinsèquement à l’opinion, on peut la concevoir sans cela. Nam judicium quo assentio nunc Hornam esse, est opinio, cl (amen proprie loquendo non est cum formidine, p. 121, 425. Ce raison­ nement trouble la clarté du langage usuel sur l’opi­ nion, ébranle la valeur du témoignage humain ct détruit la doctrine de saint Thomas, qui, toutes les fois qu’il définit l’opinion, la définit par le mélange de doute ou de crainte, formido. Sum. theol., b II·, q. lxvii, a. 3; II· II·, q. i, a. 4; q.n, a. De veritate, q. xiv, a. 1, etc. Soto interprète mal les textes de son maître : S. Thomas..., licet opinionem dicat esse assen­ sum cum formidine, tamen nomine formidinis forsan comprehendit quamcumquc fidem humanam, propterca quod non repugnet illi esse falsam, et ideo quando ponit fidem esse medium Inter scientiam et opinionem, solum tntelllgtt de fide catholica, p. 425. Ccs explica­ tions sont inadmissibles; ct le langage de saint Thomas est assez clair. Soto s’écarte volontairement du consentement des théologiens ct des philosophes catholiques surtout depuis saint Thomas : « Puisqu il est passé en usage, dit-il, de mettre une dis­ tinction essentielle entre la foi humaine et l’opinion, accordons ceci à l’usage des dialecticiens, qu’un assen­ timent mélangé de crainte est de l’essence de l’opi­ nion... Néanmoins, tout en parlant ave*' la multitude, qu’il soit permis aux sages de penser avec le petit nombre, ct de parler à la manière d’Aristote. » 4. Explication de quelques difficultés sur la fermeté de la fol. — En quel sens les théologiens disent-ils sou­ vent qu’un doute, formido, s’il est involontaire, ou à demi délibéré, ne détruit pas la foi? Il s’agit alors de la foi-vertu, du principe Infus des actes de foi, habitus fidei : Dieu retire ce don pour un doute formel et mor­ tel contre une vérité révélée, mais non pas pour un péché véniel contre la foi, à plus forte raison pour un doute involontaire qui n’est nullement coupable. Mais quant à l’acte de foi, seule chose que nous ayons considérée jusqu’à présent, son essentielle fermeté ne comporte aucun doute, même involontaire. Il peut cependant succéder rapidement au doute, ou récipro­ quement, ct par 1Λ avoir avec lui une sorte de simul­ tanéité au sens large du mot < Les doutes involontaires que les fidèles s’imaginent avoir au moment même de l’acte de foi, succèdent seulement Λ cet acte, ct ne coexistent pas avec lui; mais comme le doute et la fol se succèdent alors sans intervalle sensible, Ils semblent coexister. Ce (pii peut réellement coexister avec 1 acte de foi. ce sont les simples idées qui appartiennent aux jugements craintifs (qui leur servent comme de maté­ riaux. ainsi l’idée de danger, l’idée d’erreur), idées qui répondent dans l’intelligence à certaines images (species) excitées dans l’imagination (phantasia) par une cause naturelle ou par le démon, ct que Ton con­ fond avec les doutes ct les jugements craintif (Do même des kigements d autrui contre la foi, dont nous nous souvenons, sans les faire nôtres.) Mais jamais ne coexistent avee 1 acte de foi ccs logements dans les­ quels notre intelligence, bien qu’in volontairement, juge que la chose révélée est peut-être fausse, jugeDICT. DK THÉOL. CATH0L. 98 men U Op. cil., p. 22. Voilà bien l’idée d’une faculté spéciale pour la foi, idée déjà ancienne parmi les protestants : • La foi, dit Eschenmaycr, est un organe spécial pour atteindre cc qui est étemel ct saint; elle diffère de la pensée, du sentiment ct de la volonté. » Die einfachste Dogmatik,Tubingue, 1826,p. 376. Ces conceptions dé­ truisent le vrai motif de la foi chrétienne, telle que nous allons l’exposer d’après l’Écriture ct les Pères; elles ont encore l’inconvénient, nu point do vue rationnel ct psychologique, de multiplier, sans nécessité ct sans preuve expérimentale, les organes ou les facultés; au point de vue scripturaire ct théologique, do limiter arbitrairement l’objet de la foi chrétienne à notre « dépendance ou filiation envers Dieu, » ou bien aux ■ choses étemelles, » tandis que la foi qui sauve, d’après l’Écriture, atteint aussi d'autres objets : ainsi celle d’Abraham, donnée comme modèle par saint Paul, a pour objet la naissance promise d'un fils ct sa nom­ breuse postérité future. Horn., iv. Voir plus haut les exemples des mots · fol, croire » dans le Nouveau Tes­ tament. La foi comme faculté distincte n'en est pas moins une conception chère à certains protestants du jour. Voir la citation de M. Crafer, à l'art Dieu, t. iv, col. 793. 3. Sont encore partisans do la connaissance immé­ diate ceux qui, sans demander une faculté spéciale ni un acte primitif et fondamental d'intuition, con­ çoivent la fol comme une · expérience ». Laissons Ici de côté ceux qui par « expérience » entendent une pure émotion, comme certains protestants ct modernistes réfutés plus haut. Ne prenons que ceux qui entendent 102 une connaissance, ct prennent le mot « expérience » à peu près comme on le prend en physique et dans les autres sciences expérimentales, avec cette différence que l'objet expérimenté estid surnaturel ou mystique. Et notons que l'expérience religieuse a été utilisée par les protestants de deux manières bien diffé­ rentes : o) D'abord on lui a souvent donné un rôle purement secondaire, qui laissait subsister le véritable motif de la foi. Ainsi Calvin veut, comme nous, que l’on croie les vérités révélées dans l’Écriture, parce que c'est Dieu qui les a révélées; sans doute, parmi ces vérités il met au premier rang la volonté que Dieu a de sauver ceux à qui il inspire h foi, et c'est ainsi qu'il définit la foi · une ferme ct certaine connaissance de la bonne volonté de Dieu envers nous, » mais il ajoute : • Nous ne nions pas cependant que l'office de la foi ne soit de donner consentement à h vérité de Dieu... quoi qu'il dise, et en quelque manière que ce soit. » Institutions, 1. III, c. n, n. 7, Genève, 1562, p. 328. Mais un acte préalable à la fol, c'est de sc convaincre que dans l’Écriture c’est bien Dieu qui parle, c'est de reconnaître l’Écriture comme divine : et c’est seule­ ment dans cet acte préalable que Calvin fait appel à l'expérience, à je ne sais quelle expérience du divin : • L’Écriture, dit-il, a de quoi se faire connaître, voire d’un sentiment aussi notoire et infaillible comme ont les choses blanches et noires de montrer leur couleur, et les choses douces ct amères de montrer leur saveur. » Op. cil., 1. I, c. vu, n. 2, p, 25. Il y a là une erreur, con­ traire même à l'expérience, ct quand on admettrait ce « sentiment », il ne serait pas un critère suffisant de la divinité des Écritures. Voir Expérience reli­ gieuse, t. v, coL 1835. Mais enfin avec cette erreur secondaire le motif de h foi peut subsister. — b) Le protestantisme est arrivé à s'écarter encore plus de la doctrine traditionnelle, en assimilant la foi elle-même à une expérience. Cette manière d'invoquer l'expé­ rience détruit le motif propre ct la vraie nature de la foi. C’est Schlcicrmacber qui paraît être le véritable auteur de cette évolution du protestantisme, au com­ mencement du xix* siècle. Sur lui et sur les auteurs d’autres systèmes, protestants ct modernistes, qui confondent la foi avec une expérience, soit qu’ils con­ servent encore ou no conservent pas de dogmes, voir Expérience religieuse, L v, col. 1798-1804. Une tentative des plus curieuses en cc genre, parce que, cherchant à concilier la foi-expérience avec la conservation orthodoxe de quelques dogmes fonda­ mentaux, elle essaie cc tour de force, de les tirer de l'expérience même, et de l'expérience morale ordinaire, c’est le système de la certitude chrétienne do Frank, 2· édit, révisée, Erlangen, 1884; trad, anglaise, Édim­ bourg, 1886. Voir Expérience religieuse, t. v, coL 1799,1800.Cf.,parmi les critiques protestants, H.Dois, De la certitude chrétienne. Essai sur la théologie de Frank, Paris, 1887. Ce · système * est présenté par son auteur comme une forteresse où peut sc réfugier le chrétien soucieux de sauver quelques dogmes : fondé sur une expérience certaine, il n'a pas besoin de documents historiques, de philosophie, et resterait debout, quand même les critiques arriveraient à démolir toute histo­ ricité des origines chrétiennes, quand même les scep­ tiques renverseraient toute philosophie ct réduiraient à néant ce qu’on appelle la raison naturelle. Op. cil., trad, anglaise, p. 108. Nous en donnerons l’analyse substantielle, qu'on ne trouverait pas ailleurs. Voici d’abord le fait d’expérience. Dans sa conver­ sion, le chrétien a conscience d’une transformation morale : un nouveau moi a succédé à l'ancien; le vieil homme, caractérisé par la concupiscence, a cédé l'em­ pire à l’homme nouveau de tendance contraire; tout péché est un retour agressif de l’ancien moi.Op. cil., p. 117, 118. Puisque nous sentons le moi naturel com- 103 FOI battre encore pour la suprématie perdue, il est clair que la nature ne peut par elle-même changer de vo­ lonté, qu’elle est rivée à la concupiscence et au mal : donc le moi nouveau avec sa volonté nouvelle n'est pas un produit de la nature, un fruit de révo­ lution; il vient du dehors, par le fait du christianisme. Il y a toutefois dans la nature meme un vague besoin de cette transformation, une aspiration à sortir du mal; mais dans le christianisme seul on peut trouver une pleine satisfaction de ce besoin moral; la conscience chrétienne saisit en même temps ce besoin et sa parfai­ te satisfaction. Et puisque cette transformation morale répond au vœu de la nature, le chrétien constate que ce n’est pas en lui un phénomène morbide, accidentel, mais normal, p. 122-127. L'expérience fondamentale étant ainsi posée et comprise, il va suffire d'en déve­ lopper le contenu, pour retrouver tous les objets de foi dont se compose le christianisme, immanents ou transcendants : a) Objcis immanents de la foi. — L'expérience cidessus renferme une condamnation du moi naturel, p. 192, une connaissance de la mauvaise nature comme péché habituel, p. 194; la nature humaine n’a pu être ainsi à l’origine : donc elle a dû être faussée, voilà le dogme du péché originel, p. 196 sq. Le nouveau mol, qui suppose la délivrance de la servitude du péché, n'est pas le produit du moi naturel : on entrevoit donc le dogme de la grâce et de la justification, p. 203, 205, 210. Λ l’expérience de cette délivrance,de cette régé­ nération, l’acte de foi, en tant que justi fiant, ajoute une réaction de la personne qui l’accepte comme nou­ vel état, qui s'y abandonne avec confiance et y trouve l’absolue satisfaction Jusqu’alors cherchée en vain : acte moral primordial, par lequel le mol spirituel atteint son empire : continué, cet acte caractérise le chrétien, et fixe la régénération à l'état habituel : voilà Je dogme de la justification par la foi, p. 212 sq. Frank ne veut fonder ni la foi ni l'espérance sur une révélation extérieure à laquelle la critique demanderait ses titres, et dont il veut à tout prix éviter la difhicle preuve : il va donc s’efforcer d'étendre rexpérience au delà des limites du présent, jusqu'à l’avenir que le chrétien doit espérer, p. 219, 220. Mais comment peut-on expérimenter l'avenir? Voici. Le bienheureux achèvement du ciel est déjà en germe dans ce commen­ cement do notre régénération : car elle nous apparaît non seulement comme quelque chose d'actuel, qui est, mais comme quelque chose de normal, qui doit être-, et la satisfaction absolue que nous en éprouvons ne se conçoit pas sans la certitude d'avoir rencontré le but suprême de la vie, et de posséder dans ce com­ mencement un gage certain d'achèvement, puisque, sans l’achèvement, le commencement serait inutile. Voilà donc le dogme de la oie future, p. 221 sq. Les révélations de l'Écriturc viennent ensuite utilement confirmer, compléter cette expérience personnelle, mais elles ont besoin de s'y appuyer, et ne sont pas le dernier fondement de notre foi et de notre espérance, p, 229, 293. b) Objets transcendants de la foi. — D'abord, l'ex/stence et la personnalité de Dieu. Le chrétien expéri­ mente que sa régénération n'est pas le fait d'une évo­ lution interne et personnelle, mais d'un pouvoir exté­ rieur. « Vous avez été plus fort que moi, et vous l'avez emporté, tel est l’aveu du converti, » p. 307. Quel est ce pouvoir extérieur? Ce ne peut être ni la nature brute et sans raison, étrangère à l’ordre moral, ni la faible humanité, le monde qui nous tenait captif dans scs chaînes, qui ait pu nous délivrer, p. 309,311. L’absolue satisfaction que nous trouvons dans la régénération fait voir que le pouvoir régénérateur est l’Absolu, c’est-à-dire Dieu; au surplus, l’infini seul peut nous s disfaire. Nous avons d’ailleurs conscience d’une 104 obligation absolue (Impératif catégorique de Kant), p. 314. Que cet Absolu soit une personne morale, cela ressort de ce qu’il produit en nous des effets moraux, de ce qu’il a une influence morale, p. 317. Le deuxième objet transcendant, c’est la Trinité. Frank fait de longs et pénibles efforts pour distinguer dans le fait de notre régénération trois éléments attribuables à trois différentes personnes, toujours cependant dans l’unité de 1*Absolu, p. 324 sq. Il avoue du reste que notre expérience n’atteint pas tout le dogme ecclésias­ tique de la Trinité, p. 346. Le troisième objet est la rédemption par un Dieu fait homme. Le converti sent que Dieu lui pardonne, donc une expiation a eu Heu; et une longue série de raisonnements tâche de montrer que cette expiation ne peut venir que d’un Dieuhomme, qui a satisfait pour nous à la justice divine, p. 3-19 sq. Voilà donc les principaux dogmes sortis spontanément du germe de l’expérience morale du chrétien. Critique du système. — Nous reconnaissons volon­ tiers dans cet essai d’apologétique nouvelle de l’origlnahté et de la puissance constructive; et quelquesuns des raisonnements sont justes. Mais l’auteur luimême a prévu que « beaucoup de personnes » lui diraient : « C’est là une dangereuse méthode subjec­ tive de se convaincre de la vérité chrétienne; et si, partant de l’expérience, vous avez la chance de ren­ contrer la révélation objective telle que Dieu l’a don­ née, c’est parce que, sans le dire, vous en gardez devant vos yeux les principaux articles, qui déterminent d’avance les résultats de votre expérience prétendue. La vraie méthode pour ces vérités transcendantes, c’est de les tirer seulement de la révélation divine, de la sainte Écriture, ou de la tradition de l’Églisc et de recevoir avec foi ce qui a été ainsi obtenu, » p. 297. L’objection a du bon, et Frank n’y donne qu’une réponse évasive. Les théologiens catholiques, que les protestants accusent souvent de partir d’idées précon­ çues, ne sc laisseraient pas, certes, influencer par les dogmes de leur Église jusqu’à truquer l'expérience pour les rejoindre, ou jusqu’à accepter en faveur de leur thèse des apparences de preuve aussi faibles que les accepte ce célèbre professeur de théologie protes­ tante dans une grande université d’Allemagne. En prenant le système à sa base même, à ce qu’on appelle « l’expérience fondamentale », un théologien catholique, de prime abord, sc méfiera de cette con­ damnation si sommaire du mol naturel. Est-ce réelle­ ment l’expérience qui montre à Frank ce pauvre moi comme si foncièrement mauvais? N’est-ce pas plutôt le système préconçu de Luther sur les suites du péché originel, sur la nature humaine absolument corrom­ pue et dégradée? Voir Péché ohiginel. Après avoir ainsi malheureusement identifié notre nature avec la concupiscence, avec la tendance foncièrement mau­ vaise, n’y a-t-il pas ensuite contradiction à lui sup­ poser une aspiration nu bien, un besoin moral? Que voulez-vous? L’auteur a besoin de ce besoin pour que la régénération chrétienne, en le satisfaisant, soit re­ connue comme un phénomène normal, parce qu’elle répond au vœu de la nature (mauvaise ou bonne ?). Le chrétien, ajoutc-t-on, éprouve en soi une transfor­ mation morale. Oui; mais, les grands saints mis Λ part, cette transformation sensible n’est-ellc pas exa­ gérée ici? La vie de la grande multitude des chrétiens n’cst-elle pas perçue par eux-mêmes comme très impar­ faite? Ils ont conscience, dites-vous, que le christia­ nisme donne au besoin moral une satisfaction abso­ lue. Pour constater cet absolu, ils devraient mesurer ce besoin moral, mesurer aussi la satisfaction, variable d’ailleurs, qu’ils éprouvent, et comparer. Le font-ils? Le peuvent-ils? Qu’en estimant tout cela par approxi­ mation, ils aient une preuve assez probable de la 105 FOI vérité du christianisme, soit : est-ce la « certitude » dont on nous parle? Pour renforcer cette transfor­ mation, on imagine la production d'un « nouveau moi » qui, à vrai dire, n'est pas une donnée d’expérience» mais une phrase de rhétorique. Cas moi se compose, en fait, de quelques sentiments moraux; si vifs soient-ils, ils passent, et n'empêchent pas même le retour de sen­ timents contraires; H n’y a là que de l'accidentel, et non pas une nouvelle personnalité. Vous personnifiez un sentiment passager, comme le poète personnifie ΓAmour ou Γ Envie; et ensuite, prenant la prosopopée au sérieux, vous prêtez Λ cette prétendue personne une conscience propre. Ce n’est pas Je mol ancien, dites-vous, qui expérimente en lui une modification : c’est le moi « n'existant pas auparavant, qui est con­ scient et certain de lui-même, de sa production, »p. 138. Ailleurs vous avouez pourtant qu’il y a dans cette dua­ lité, Duplicitât,une grave difficulté non encore résolue, d'autant plus que ces deux moi ont des actes com­ muns de connaissance et de volonté, p. 276. Ces deux moi prétendus ne démontrent donc sérieusement ni une chute originelle, ni une régénération surnaturelle; même dans · l’état de nature pure » comme disent les théologiens catholiques, dans un ordre de choses où il n’y aurait eu ni péché originel ni régénération par la grâce, la nature si complexe de l’homme offrirait encore des luttes de sentiments, des batailles de pas­ sions, des conflits entre les tendances animales et la volonté raisonnable, et l’on pourrait encore dire avec le poète : « Je sens deux hommes en moi. * Quant aux objets transcendants de la foi, si nous admettons volontiers que l'infini seul peut rassasier pleinement le cœur humain, nous observons que cette « pleine et absolue satisfaction » est réservée à la vie future parce qu’elle implique la vision béatitique, loin de pouvoir sc confondre avec la joie d’un converti quelconque. Et si nous concédons une certaine valeur à la preuve de l'existence et de la personnalité de Dieu tirée de notre conscience morale, nous ne pou­ vons que nous étonner des extraordinaires déductions par lesquelles l’ingénieux docteur veut aboutir aux dogmes de la trinité, de l’incarnation et de la rédemp­ tion. Les scolastiques, accusés d'abuser de la déduc­ tion, sont ici grandement dépassés. < Le converti a l’expérience certaine du pardon divin. Donc il y a eu expiation offerte à Dieu par quelqu’un. » Le fait dont on part est contestable; mais même en l’admettant, la conclusion qu’on en tire n'est pas solide : Dieu, s’il le voulait, pourrait pardonner sans expiation aucune, on ne prouvera jamais le contraire. Mais c’est surtout la prétendue « expérience de la vie future » qui est étonnante I L'auteur confond constamment l’expé­ rience avec ce que l’on peut en tirer par vole de déduc­ tion. Au reste, la déduction elle-même n’est pas juste : le commencement de la vie morale et chrétienne, si excellent soit-ll, ne garantit pas l’achèvement, qui peut être arrêté et supprimé par la faute de l’homme ; ainsi en cst-ll de ceux « qui reçoivent avec joie la parole de Dieu..., et croient pendant quelque temps, puis succombent à l’heure de la tentation. » Luc., vin, 13. Concluons : on n’atteindra jamais les dogmes chré­ tiens par une voie raisonnable et sérieuse, tant qu’on n’aura pas recours ù la révélation extérieure, tant qu’enfermé en soi-même par un individualisme féroce on s’acharnera à vouloir tirer ces dogmes d’uno expé­ rience psycho logique ou d’une courco immanente en général, comme l’aralgnéo tire d'cllc-mêmc son fit Enfin tout le système de ce protestant conservateur, en ramenant la foi chrétienne à une expérience, dé­ truit sa vraie nature, comme nous allons le voir. Les protestants libéraux font aussi de la foi une expérience» et, dans son élément intellectuel, une connaissance immédiate : mais ils n’entendent pas, 106 comme Frank, que cette expérience leur fournisse des dogmes, dont Us ne reconnaissent pas la valeur abso­ lue et divine, et dont ils cherchent à sc passer. Sur l’évolution du concept de la foi chez les protestants libéraux et sur l'histoire des systèmes contemporains qui sont appelés par eux «fidéisme, symbolisme, sym­ bolo-fidéisme» » voir l’ouvrage très documenté de M. l’abbé Sncll, Essai sur la foi dans le catholicisme cl le protestantisme, Paris, 1911. Parmi les modernistes, d’aucuns expliquent leur foi comme sortant d’une faculté intuitive, distincte de la raison, mais d’ailleurs ne dépassant nullement dans ses effets les phénomènes moraux ordinaires : « Les modernistes, disait M. Loisy, n’entendent point par sentiment l’émotion, m par action un mouvement quelconque. Quand ils parlent du subconscient et quand ils parlent de sentiment, ils entendent cette espèce de réserve où sont accumulées, au fond de notre être, des notions vagues et implicites qui sont comme en attendant l’occasion de sc déterminer et de s’affir­ mer; des aspirations indécises, qui sont comme prêtes à se dessiner et à s’élancer sur leur objet dès qu’il sera présenté; tout un trésor secret d’activité, qui s’épan­ chera plus ou moins selon les occasions et le dévelop­ pement de l’initiative personnelle; je ne sais quel sens qui n’est pas une puissance de raisonnement ni d’in­ duction, mais une sorte de jugement intuitif sur la valeur des choses, faculté que secondera et guidera la raison, mais que la raison ne crée pas, car elle ne procède pas de la raison et sort comme elle du fond de notre nature. C’est ce sentiment-là, non l'émotion dont les théologiens de Sa Sainteté marquent à bon droit les insuffisances, qui est en Jeu dans l’expérience morale, soutenant l’intelligence dans ses jugements, et la volonté dans ses opérations, jugements et opé­ rations qui explicitent, pour ainsi parler, ce qui est, dans le sentiment, intelligence et volonté implicites... Cette expérience n’est pas autre chose que la vie morale. » Simples ré flexions... sur l'encyclique, 1908, p. 215, 2-16. D’autres modernistes, au contraire, font de la révélation et de la foi une émotion avant tout, et une émotion extraordinaire, qu’ensuite l’intelligence humaine traduit à sa façon par des affirma bons sans valeur objective; ainsi G. Tyrrel. Voir Études du 20 avril 1908, p. 166 sq. En somme, avec les memes mots d’ · expérience religieuse » et même de · senti­ ment «, il y a un modernisme froid et critique, et un modernisme échauflé et mystique. Sous le nom d’ « expérience religieuse », d’autres auteurs contemporains, catholiques ou protestants, ont entendu cette expérience qui naît de la pratique quoti­ dienne de la religion pendant un temps assez long : c’est de cette expériencc-lù qu’ils attendent la « foi ·. C’est prendre l’augmentation de La foi, la vie de foi, les eflets de la foi, pour la foi elle-même, qui a dû précéder. D’après eux, quand on n’a pas encore pra­ tiqué sa religion, on n’aurait pas encore h « foi » : et pourtant nous voyons dans l’Ëcriture un homme qui, non seulement n’avait pas pratiqué la religion chré­ tienne mais l’ignorait, un prosélyte, après un catéchisme qu’on lui fait pendant une course en voiture, · croire », faire dans toute la force du terme un « acte de foi », condition nécessaire du baptême qu’il reçoit aussitôt. Act., vin, 27 sq. Et la · foi » nous est présentée dans l’Écriturc, les Pères et les conciles, non pas comme l’aboutissant de la pratique religieuse, mais comme l’introduction ù cette pratique, et la première base des autres vertus et de toute la vie chrétienne. Voir col. 84-85. C’est ù ces documents de la révélation, ce n’est pas à notre fantaisie de déterminer ce que c’est que la « foi », et ce que Dieu a voulu mettre au début de notre religion. Le bon sens lui-même, du reste, voit assez clairement que,si l’on n’a pas tout d’abord 107 FOI anc croyance Λ telle religion plutôt qu'à telle autre, il n’y aura pas de raison pour se mettre à pratiquer celle-ci plutôt que toutes les autres; qu'une expéri­ mentation Λ l’aventure n'est pas licite en un sujet si débeat; que les ministres d'une religion (et c’est spé­ cialement le cas pour l’Église de Jésus-Christ) ne livrent pas ainsi leurs choses saintes au profane qui ne sait pas encore si elles sont sam tes, par exemple» l’eucharistie; cf. Matth., vu, 6; que la prièrect le culte commun supposent la croyance de tous, et que, si l’on ouvrait sciemment la porte ô l'incroyance, on ne pourrait maintenir dans une société religieuse l’unité sans Laquelle elle périt. Voir Expérience religieuse, L v.col. 1842-1846. Cf. Dieu, t. iv, col. 813 sq. 3· Le molli de la foi dans l'Écriture. — C’est toujours FautonU du témoignage divin, quel que soit l’envoyé qui transmet ce témoignage, que ce soit le Christ luimême, ou un prophète, un apôtre. 1. La foi par l'intermédiaire de la prédication du Christ. — I{disons cc dialogue de nuit entre Jésus et Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. » Joa.,111,3. L'interlocuteur prend cette naissance nou­ velle en un sens matériel; Jésus reprend son affirma­ tion en la précisant, et lui explique qu’il s'agit d’une naissance toute spirituelle, invisible comme l'air, accomplie en nous par l'Esprit-Saint, 5-8. Il importe, en effet, que le chrétien, sans les pénétrer, ait une idée juste des mystères, tel qu'est ici celui de la régé­ nération : ce ne sont pas de vaincs formules, indiffé­ rentes à la vérité ou à l’erreur de l'âme. « Nicodème lui répondit : Comment cela se peut-il faire? » 9. Il y a dans ce mot une surprise en face de l’inconnu, un étonnement dont Jésus s'étonne à son tour, car l’ignorance de Nicodème semble porter sur le fait même de notre régénération, et un docteur en Israël n'aurait pas dû ignorer le fait de cette transfor­ mation des âmes, qui renaissent par la puissance de Dieu à la vie spirituelle, 10. H y a dans cc mot encore autre chose, la tendance de l’esprit raisonneur à la connaissance intrinsèque et profonde, le désir d'ap­ prendre le mécanisme intime de cette régénération simplement affirmée par le Christ, et de comprendre à fond le mystère avant do l’admettre. Ici Jésus sc redresse, et au lieu de fournir l’expérience, l'intuition ou du moins la science que voudrait cc docteur, il se plaint qu’on ne reçoive pas son témoignage, si compé­ tent. si autorisé; par cette plainte, il proclame que ce témoignage est à lui seul le moti/ qui doit suffire à croire : · En vérité, en vérité je te le dis, nous disons ce que nous savons, et nous attestons ce que nous avons vu, mais vous ne recevez point notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous si je viens à vous parler de celles qui sont dans le ciel? · 11, 12. Paroles qui nous font voir aussi l’équivalence entre ccs deux expressions du Christ · croire » et · recevoir son témoignage ». Et le témoignage de Jésus sc ramène pour son interlocuteur au témoignage de Dieu, car dès le début Nicodème a dit : · Maître, nous savons que vous êtes venu de la part de Dieu pour nous enseigner, car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui, » 2. C'est donc Dieu luimême qui, par le miracle, comme par sa signature, garantit l’enseignement de son envoyé; le témoi­ gnage de Jésus est donc le témoignage de Dieu, même pour un juif qui ne connaît pas encore le mystère plus relevé de l’incarnation. Concluons que le témoi­ gnage de Dieu est présenté ici comme motif suffisant et nécessaire de la foi : et 11 s’agit bien de la foi qui sauve, de la foi exigée pour le salut, et exigée non seu­ lement de Nicodème mais do tous les hommes, 15, 16, 18. 108 La fin du même chapitre contient une explication doctrinale des plus importantes. Le témoignage du Christ y est avec une nouvelle insistance Identifié au témoignage divin. Il « vient d'en haut » et · est au-des­ sus de tous; et ce qu'il a vu et entendu, il l’atteste, » 31, 32. « Celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que Dieu ne (lui) donne pas l'Esprit avec mesure; le Père aime le I ds et il lui a tout remis entre les mains, » 34, 35. Mais pourquoi tant insister sur ce fait que c’est Dieu qui parle? Parce que Dieu est le témoin véridique par excellence : ce que nous recon­ naissons en pratique par le fait même de recevoir purement et simplement son témoignage, cjui sc con­ fond avec celui du céleste envoyé : · Celui qui reçoit son témoignage, certifie que Dieu est véridique,» quia Drus utrax est, 33; cf. vin, 26. Et · recevoir son témoi­ gnage * est La même chose que « croire en lui ». Com­ parez 32, 33 avec 36. · Et celte foi est salutaire et obligatoire, * 36. C'est donc la véracité divine, l’auto­ rité de Dieu comme témoin, couvrant le témoignage de son envoyé, qui nous attire intellectuellement à croire, qui est le motif de la foi. Et comme le fait de croire honore la véracité divine, ainsi le fait de ne pas croire fait injure à cette véracité, en traitant Dieu de menteur. I Joa., v, 9, 10. 2. La foi par Γ intermédiaire de la prédication des apôtres. — Cc n'est point par la seule prédication du Christ que les hommes doivent « croire », doivent faire l’acte de foi, mais par celle de son précurseur, Joa., r, 7, et surtout par celle de scs apôtres, xvn, 20. Les apôtres ont une mission divine, dérivée de celle de Jésus et semblable à la sienne, xx, 21. Ils sont envoyés comme des · témoins ». Luc., xxiv, 48; Act., i, 8, 32; x, 41, 42. Pour que leur témoignage se ramène au témoignage divin, pour que Dieu soit entendu en eux, ils sont inspirés et assistés par l’Esprit-Saint, suivant la promesse du Christ. Joa., xiv, 26; xvi, 12, 13; cf. Matthx, 20. Paul lui-même, quoique tardivement agrégé au collège apostolique, n’a pas reçu ni appris son Evan­ gile d'un homme, d’un autre apôtre, mais du Christ ressuscité et glorifié, par révélation. Gal., i, 11. Cette parole divine par lui transmise, les fidèles ont raison de la recevoir « non comme parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l’est véritablement, comme parole de Dieu. ■ I Thés., n, 13. Sur cc texte, voir Prat, La théologie de S. Paul, II· partie, 2· édit., 1912, p. 338. Pour que la croyance des fidèles garde cc caractère de foi à la parole de Dieu, l'apôtre évitera les raisons philosophiques, si persuasives soient-elles, dont l’abus pourrait changer en eux la foi divine en science hu­ maine. En dépit du · sage », du « docteur », du · disputcur de ce siècle », en dépit des Grecs qui · cherchent la sagesse », les démonstrations philosophiques, I Cor.» i, 20, 22, l'apôtre n’apporte point « les raffinements de la raison ou de la sagesse, » mais simplement pro­ mulgue « le témoignage de Dieu. · I Cor., il, 1. Sa pré­ dication ne s'appuie pas « sur les discours persuasifs de la sagesse (ou philosophie), mais sur la démonstration de l’Esprit-Saint et de la puissance divine, afin que votre foi repose, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu, » 4, 5. Ici sont indiquées les œuvres de la toute-puissance, les miracles moraux et physiques qui sont comme la signature du témoignage divin, qui font reconnaître Paul comme envoyé, et sa parole comme parole de Dieu; c'est ce qu’il appelle ici la démonstration de la puissance et de l'Esprit (auteur du surnaturel), et ailleurs · les signes (ou preuves) de son apostolat..., les prodiges et les mira­ cles ». II Cor., xn, 12. Ces preuves extrinsèques, qui senent à faire reconnaître le témoignage de Dieu, sont à l’opposé de toute preuve intrinsèque et philoso­ phique des vérités révélées, comme aussi de toute in· 109 EOI tuition immédiate de ces vérités. De là une certaine captivité de l’esprit, car la pente naturelle de l'intel­ ligence humaine est vers l’intuition autant que pos­ sible, ou du moins vers les raisons intrinsèques des choses, et elle n’aime pas à être emprisonnée dans la seule affirmation d’un maître, fût-ce Dieu. H Cor.,x, 5, Pourquoi Dieu a-t-il voulu exiger de nous une telle foi? L'apôtre, aux endroits cités, en suggère trois rai­ sons principales, qui achèvent de montrer clairement sa pensée sur le motif de la foi chrétienne : a) 11 y a dans une telle fol une sorte d’« obéissance», de l’esprit, un hommage rendu au maître divin. I! Cor., x, 5; cf. Rom., i, 5; xvi, 25. Quand nous croyons sur la seule parole de quelqu’un, surtout une chose difficile à croire, nous honorons d’un hommage très spécial sa science et sa véracité. Aussi l'apôtre, comparant la foi chrétienne aux anciens sacrifices, parle-t-il du « sacri­ fice et de la liturgie de la foi, » rr Ουσία ζα·. Ηιτονργία *rfjç πίσττως. Phil., n, 17. Ce culte spécial, où l’intel­ ligence s'immole sous l’in fluence de la volonté, était bien dû à la raison suprême, au créateur de toutes nos facultés. Cf. concile du Vatican, sess. Ill, c. ni, Denzinger, n. 1789.— b) Λ cette raison fondamentale, saint Paul joint une raison contingente et d'ordre historique. Par leur faute, les sages du monde, les philosophes païens, si célèbres qu'ils soient, n'ont pas su trouver Dieu. Cette banqueroute de la philosophie a été pour Dieu l’occasion de mépriser une science orgueilleuse et dévoyée, et de fonder le salut des âmes sur une autre espèce de connaissance, plus humble. 1 Cor., t, 21 ; m, 18 sq.; cf. Rom., i, 18-22. — c) Si la foi chrétienne a pour objet des mystères, dont h rai­ son philosophique ne peut ni démontrer l'existence, ni comprendre l'essence (même après révélation), la foi chrétienne ne peut être ni une intuition ni une démons­ tration philosophique, cc qui enlèverait à ces vérités leur caractère mystérieux : elle ne peut être qu'une connaissance extrinsèque, appuyée sur le témoignage de Dieu, qui nous livre le fait (par exemple, l'incarna­ tion) sans nous en expliquer le mode Intime, et en laissant ainsi la vérité enveloppée d’ombre. Or, la foi chrétienne a pour objet des mystères : · Nous prêchons, dit saint Paul, une sagesse de Dieu qui est dans le mystère, qui est cachée... qu'aucun des princes de cc monde n'a connue, » etc. I Cor., n, 7-9. Ccs secrets de Dieu, appartenant aux profondeurs de sa vie Intime ou de ses décrets miséricordieux, échappaient à notre raison beaucoup plus que ne lui échappent les secrets des autres hommes. Pour les faire connaître à l’hu­ manité, il fallait donc que Dieu les communiquât luimême, ce qu'il n bien voulu faire : « Dieu nous a révélé (ccs mystères) par son Esprit; car l'Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu... Nous en par­ lons, non avec les paroles qu’enseigne la sagesse hu­ maine, mais avec celles qu’enseigne l'Esprit, > 10-13. Cf. Matth., xi, 27; Joa., i, 18. En vertu de cc raison­ nement, on peut dire que le motif essentiel de la foi est implicitement Indiqué dans la définition que donne VÉpttre aux Hébreux, xr, l,par le fait que la foi y est appelée ■ une conviction des choses que l'on ne voit pas, · c'est-à-dire des choses que l'on ne peut voir, comme l’entendent plusieurs Pères. Enfin, quand saint Paul veut donner un grand exemple de la foi qui justifie, il choisit Abraham et nous le montre croyant à Dieu, sur la parole de Dieu, credidit Abraham Deo, voilà donc bien le motif essen­ tiel de la foi. 4° Le motif de la fol chez les Pères. — Il est à regretter que les Pctau et les Thomassin n'aient pas poussé jusqu'à la question do la foi leurs magistrales études de théologie positive sur les Pères. Nous avons essayé d'y suppléer soit par l'étude directe des sources, soit en glanant çà et là chez les théologiens et dans plu­ HO sieurs ouvrages modernes, comme nous l'avons déjà fait, col. 7ô sq. Les citations des Pères ont en outre l'avantage de nous familiariser avec leur style, de nous montrer en quel sens ils opposaient la foi et la · rai­ son », etc. 1. L'idée que les Pères se faisaient du motif de h fol apparaît déjà dans le rapprochement qu'ils établis­ sent entre la foi divine et ce que l’on a souvent appelé la foi humaine, c’est-à-dire le fait indispensable de s’en rapporter à autrui sur quantité de choses que l'on ne peut vérifier soi-même. On peut dire que ce rapprochement est un lieu commun de l'enseignement patristque. Dès le n· siècle nous le trouvons, par exemple, dans saint Théophile d'Antioche; il y fait ressortir cet élé­ ment de confiance présupposé par h croyance sur parole, voir plus haut, col 109 : « Tu ne crois pas à la résurrection des morts... Ignores-tu que la foi marche avant toutes choses?... Quel malade pourra guérir, si d'abord il ne se confie pas à un médecin? Quel art, quelle science pourra-t-on apprendre, si d'abord on ne se confie pas à un enseignement, si l'on ne croit pas à un maître?... Et tu ne veux pas te fier à la parole de Dieu, qui t’a donné tant de gages? » Ad AutoL·, L I, n. 8, P. G., L vi, col. 1036. Clément d'Alexandrie dit que la foi est un assenti­ ment à un témoignage imposant; que la voix de Dieu, auteur des Écritures, y sert de démonstration. Voir les textes à l’art. Clément d'Alexandrie, L ni, col. 189. Il dit qu'à la parole de Dieu, jetée aux hom­ mes par les apôtres, doit répondre en nous la foi, pour que cette parole produise son effet utile : » De même que le jeu de paume ne dépend pas seulement de celui qui jette la balle avec art, mais encore de celui qui la reçoit avec eurythmie. » Strom., II, c. vi, P. G.t L vin, col 960. Enfin il rapproche la foi chrétienne de la croyance des pythagoriciens à la parole du maî­ tre : « Tandis que les disciples de Pythagore, sans réclamer les démonstrations philosophiques de ses doctrines, basaient leur croyance sur cc seul mot : Lo maître l’a dit, αυτός Ιφα, et regardaient cc mot comme une preuve suffisante de l'enseignement reçu, pour des amis de la vérité ne serait-il pas absurde de se méfier d'un maître bien autrement digne de foi, le Sauveur notre Dieu, et d'exiger qu’il prouve cc qu'il aflirme? » Strom., II, c. v, P. G., L vni, col 957. Cette compa­ raison avec les pythagoriciens sera reprise par saint Jean Chrysos tome. In I Tim., homil i, n. 3, P. G., t. lxii, col. 507, et par Théodorct, Grarc. affect, cura· tio, homil. i. De fide, P. G., L lxxxiii, col. 805. Encore au n· siècle, le païen Cclse témoigne à sa façon du concept de la foi chez les chrétiens d'alors : « 11 en est parmi eux qui, ne voulant pas appliquer la raison aux choses qu'ils croient, ont ccttc maxime à la bouche : N'examine pas, mais crois; la foi te sauvera. » Origènc, Cont. Cels., 1. I, n. 9, P. G.» t. xi, col 672. Origènc, qui nous a conservé ce passage de Celse, montre ensuite que cette foi simple est seule raison­ nable, puisqu'il est impossible à la grande majorité des hommes « de laisser les affaires de la vie pour s’adon­ ner aux loisirs de la philosophie. » C'est, dit-il, la méthode donnée par Jésus à tous les peuples, et la seule qui soit pratique. · Demandez à cette multitude de croyants, sortis du crime et do la bouc, s'ils n'ont pas mieux fait de transformer leur vie par la foi aux châtiments de Dieu et aux récompenses divines, sans chercher les raisons des choses — plutôt quo d'avoir méprisé la foi simple et retardé indéfiniment le changement de leurs mœurs, sous prétexte de se livrer à de savantes recherches sur ces questions, méthode qui sans doute les aurait laissés presque tous dans une détestable vie. » Et après avoir donné celte merveilleuse transformation des mœurs païennes 111 FOI commo une preuve do h divinité du christianisme, il observe que les savants du paganisme, eux aussi, quoique sans l’avouer, partent de la foi simple pour décider de toute leur philosophie : « S’ils s’attachent à telle ou telle doctrine philosophique, c'est qu’ils ont rencontré d’abord un maître qui leur a plu et auquel ils se fient... Ne vous imaginez, pas qu’ils aient étudié à fond les doctrines de toutes les écoles, leurs preuves, leurs réponses aux objections, avant de se décider à cire plutôt platonicien que péripatéticicn, plutôt stoï­ cien qu’épicurien, > col. 673. Au ni* siècle, outre Origène que noirs venons d’en­ tendre, saint Cyprion compare la foi chrétienne à celle que nous donnons aux promesses d'un homme grave et honnête. Voir plus haut, col. 90. Amobe reproche aux savants du paganisme de bafouer l’acte de foi des chrétiens, tandis qu’eux-mèmes font des actes sembla­ bles, et bien moins fondés : < Qui de vous ne croit pas sur l’autorité de tcJ ou tel? Ceux d’entre vous qui expli­ quent l’origine du monde par le feu ou par l’eau n’en croient-ils pas Thalès ou Héraclite? » Et après de nom­ breux exemples : « Vous croyez sur la parole de Platon, de Cronius, de Numénius, ou de tout autre : nous croyons, nous,sur la parole du Christ... Et s’il faut éta­ blir un parallèle, il nous est plus facile de montrer ce qui nous a décidé à croire sur parole le Christ, qu’à vous de montrer ce qui vous a portés à croire ainsi tel phi­ losophe. Ce qui nous a frappé en lui, ce sont ces œuvres magnifiques, ces énergies puissantes, qu’il a mon­ trées par divers miracles bien capables d’amener tout homme à se sentir obligé à croire, en reconnaissant que OM œuvres ne viennent pas de l’homme, mais d’une puissance mystérieuse et divine... Mais qui de vos philosophes a Jamais pu, d’un seul mot, guérir un furoncle, ou tirer une épine d’un pied? » Adversus gentes, 1. Il, η. 9-11, P. £., t. v, col. 821 sq. Au iv· siècle, c’étaient les manichéens qui, à leur tour, attaquaient La foi et vantaient la science, mémo en matière religieuse. Augustin, entraîné par leurs fallacieuses promesses de science, avait d’abord mé­ prisé l'acte de foi; il en revint, nous dit-il dans ses Confessions, lorsqu’il se mit à réfléchir au grand rôle que joue dans le monde h croyance au témoignage d’autrui, histoire, géographie, etc. Conf., 1. VI, c. v, P. L·, t. xxxii, col. 722. Saint Augustin conçoit donc la fol chrétienne comme une croyance au témoignage; de même que le public à peine initié à l’immensité des sciences naturelles s’en rapporte aux affirmations de quelques savants, de même, dépaysés que nous som­ mes tous en face de l'au-delà et de tant d’autres mys­ tères, nous nous en rapportons à l’affirmation de Dieu qui est là dans son propre élément. « Le Seigneur, dit-il, voit d’avance (le Jugement dernier), et vous ne le voyez pas... Mais celui qui en a la science ne vous l’a pas caché. C’est avoir part à la science, que d’appro­ cher celui qui sait. Dieu a les yeux de la science : ayez ceux de la croyance. Ce qu’il voit, croyez-lc. » Enarr., il, tn ps. xxxvi, n. 2, P. L., t. xxxvi, col. 364. Saint Hilaire avait déjà dit : < Quand il s’agit des choses de Dieu, accordons à Dieu de se connaître lui-même, et soumettons notre esprit à scs paroles avec une pieuse vénération; il est un témoin compétent sur soi, celui qui ne peut nous être connu autrement que par soi. » De Trinitate, I. I, n. 18, P. L., t. x, col. 38. Le rappro­ chement entre la foi divine et la foi humaine passe jusque dans les catéchèses, jusqu’à l’explication du mot credo dans le symbole; ainsi S. Cyrille de Jérusa­ lem, Cat., v, P. G., t. xxxm. col. 508; Bu fin, Com­ ment. in symbol. apost., n. 3, P. L., L xxi, col. 340. 2. Le motif de h foi chrétienne ressort encore de Vopposltion, fréquente chez les Pères, entre la foi et !a raison. Sans doute, il ne faut pas exagérer cette opposition. Les Pères, comme nous l’avons déjà vu 112 chez Clément d’Alexandrie, Origène, Arnobo, et comme nous le verrons chez d’autres, n'entendent pas exclure lu preuve de ce fait, que Du a a parlé', au contraire, ils allèguent pour cela les miracles du Christ, la transformation du> mœurs produite par le chris­ tianisme, et tout ce qui, derrière le Christ, montre Dieu qui l'envoio : ce qu’ils éliminent du motif de la foi, sous le nom de · raison », ce ne sont pas ces rai­ sons de croire, c’est seulement la démonstration intrin­ sèque du dogme; cc qu’ils attaquent, c’est une criti­ que, qui ne se contenterait pas de l’ailinnation de Dieu, même reconnue comme telle,et qui mettrait l’en­ voyé divin en demeure de démontrer cc qu’il affirme, comme on le demande ù un professeur de mathé­ matiques ou de philosophie. Mais enfin les Pères veu­ lent une certaine opposition entre la foi et la raison, et en cela ils contredisent nos présents adversaires, qui, au moins pour la plupart, n’en peuvent admettre aucune ; car si la foi était une simple expérience psychologique, ou un raisonnement philosophique, ainsi que l’ont pensé les protestants rationalistes et les semi-rationalistes comme Gûnther et Hermes, où trouver en elle une opposition quelconque avec la raison, avec les procèdes rationnels? Donnons quel­ ques exemples do cette opposition, où les Pères ex­ pliquent d'ailleurs le motif de la fol. Saint Ambroise se demande pourquoi la foi d’Abraham a servi à sa justification et à son salut. C’est, répond-il, « parce qu’il n’a point demandé de raison, mais a cru d’une foi très prompte. Il est bon que la foi prévienne la raison : n’ayons pas l’air d’exiger de Dieu des raisons, comme nous le ferions pour un homme. Quelle indignité, de croire les témoignages humains sur d’autres hommes, et de ne pas croire les oracles de Dieu sur lui-même ! · De A braham, 1. I, n. 21, P. L., t. xiv, col. 428. Cf. De excessu Satyri, 1. II, η. 89, P. L., L xvi, col. 1340. ■ C’est supprimer les disputes, dit saint Éphrem, que d’interposcr l'autorité de Dieu. Entre l’homme et Dieu, ce n’est pas la spéculation rationnelle, c’est la foi qui est exigée. Tu honores Dieu, si tu crois à son témoignage, tu l’oficnses, si tu discutes se paroles; quand tu veux traiter avec Dieu, à toi s’ofïre la simple foi, pour croire sa parole véridique, et puis l’humble prière, pour te rendre propice sa divinité. · Adversus scrutatores sermones tres, serin, i, Opera, Borne, 1743, L ni (syriace et lat.), p. 179. La foi est ailairc d’autorité, d’après saint Augustin : Quod inteltigimus, debemus rationi : quod credimus, auctoritati. De utilitate credendi, c. xi, P. L., t. xi.n, coL 83. Parmi les moyens de preuve, on distinguo parfois les autorités et les raisons : c’est la mémo dis­ tinction qui règne ici. Patio, quand ce mot est opposé à auctoritas, signifle une raison intrinsèque et philo­ sophique; et intelligere, quand il s’oppose à credere, signifie approfondir philosophiquement une question, ne pas seulement admettre l’existence d’une chose, mais en scruter l’essence et le mode intime; bien que ces mots, dans un sens plus large mais fréquent, puis­ sent s'étendre jusqu'à la foi, à cause de sa certitude et de son caractère intellectuel et raisonnable. Cf. S. Au­ gustin, Retract., 1. I, c. xiv, P. L., L xxxn, col. 607. Du reste, Augustin s'explique ici lui-même, quand il oppose la méthode catholique à celles des manichéens : < Ils disaient que, sans efirayer les esprits par uno religion d'autorité, ils conduiraient à Dieu leurs audi­ teurs par la simple raison, et les délivreraient de toute erreur. Qu'cst-cc qui m’a poussé à mépriser, ûgé de neuf ans, la religion que mes parents m'avaient don­ née, pour suivre ces hommes en disciple attentif? C'est qu’ils disaient qu'on nous effrayait par la super­ stition, qu’on nous commandait la foi avant la rai! son, tandis qu’ils ne forçaient, eux, personne à croire 113 FOI avant d’avoir discuté la vérité, et de l'avoir dégagée de toute dtflicullé. · De utilitate credendi, c. i, col. 66. • Λ ceux qu’ils séduisent, ils promettent de rendre raison des choses les plus obscures : et cc qu’ils repro­ chent surtout à l'Église catholique, c’est do dire à ceux qui viennent â elle qu’il faut croire... Cc n’est pas qu’ils aient pour eux nen de solide; mais ils cher­ chent ù attirer les gens par le grand mot de raison. > Op. cit., c. ix, col. 79. Le Christ ne faisait pas comme eux : il demandait la foi, non toutefois sans avoir prouvé sa mission divine : · A quoi tendaient ces miracles si grands et si nombreux, smon, comme il le disait hn-même, à faire croire en lui? C’est par la sot­ tise de la /oi qu’il conduisait les âmes; vous, c’est par la raison... 11 louait les croyants, vous les blâmez... Par des miracles il s’est concilié l'autorité, par l’auto­ rité il a mérité la foi, par la foi il a réuni la multi­ tude. » Op. cit., c. xiv, col. 88. On voit qu’en face de celui qui se donne comme envoyé divin, saint Augus­ tin veut l’enquête extérieure par les miracles qui prou­ vent sa mission, mais non l’enquête intérieure par la discussion des vérités qu’il prêche. Saint Pierre Chrysologuc résume l’antithèse en deux mots : Qui (idem (puent, rationem non qua-rit. Scrm., Lviii, P. L., t. LU, col. 360. De même pour les textes où les Pères*opposent la foi ù la vision ou Λ Vintuition, à Vexpéricnce, à la démons­ tration ou science. Nos adversaires, qui font de la foi une intuition, ou une expérience, ou une science, ne peuvent s’accorder avec ces textes, dont voici quelques exemples. a) Opposition de la foi à Vintuition. —« Si la foi est la conviction des choses que I on ne voit pas, pourquoi voulez-vous voir son objet, et perdre ainsi la foi, et par suite l’ctat de justice, puisque le juste vit dr la foi? » S. Chrysostomc, In lleb., homil. xxi, P. G., t. lxiii, col. 151. Quid est (ides, nisi credere quod non vides ? dit saint Augustin, In Joa., tr. XL, n. 9, P. L., t. xxxv, col. 1690. Ailleurs, il donne toute sa pensée: «La diffé­ rence entre voir et noire est-elle suffisamment expri­ mée par cette formule : ce qui est présent est vu. cc qui est absent est cru? Oui, peut-être, si nous enten­ dons ici, par présent, ce qui est à la portée de nos sens extérieurs ou de notre sens intime, quit pnrsto su ni sensibus sive animi sive corporis... C’est ainsi que Je vols cette lumière et ma volonté : l’une tombe sous le sens extérieur, l'autre sous le sens de l’âme, elle m’est intérieurement présente. Au contraire, si quel­ qu’un, dont la figure et la voix me sont présentes, me signifie sa volonté, cette volonté qu’il me signifie est cachée à mes sens extérieurs et Λ mon sens intime, aussi je ne la vois pas, j’y crois : ou bien, si je pense qu’il ment, Je n’y crois pas, quand bien même elle est peut-être comme il le dit. On croit donc cc In Heb., xi, P. L., t. i.xvm. col. 758. Ce passage a été verbalement repro­ duit par saint Grégoire le Grand, In Eoang., homil. xxvi, n. 8, P. L., t. lxxvi, col. 1202. 1) y ajou e ce trait : Fides non habet meritum, si humana ratio prabet experimentum. c) Opposition de la foi à h démonstration et à fa science. — On la trouve fréquemment dans Clément d’Alexandrie : « Celui qui croit 1rs divines Écritures avec un jugement ferme reçoit, en guise d’incontes­ table démonstration, la parole même de Dieu, auteur des Écritures. Ainsi par la démonstration (proprement dite, philosophique) la loi ne pourrait acquérir plus de fermeté qu’elle en a. » Strom., Il, c. n, P. G., L vin, col. 941. La /oi est donc plus excellente que la science, et doit lui servir de critérium. II. c. rv, col. 948. « Qui donc serait ennemi de Dieu Jusqu’à refuser de le croire sur parole, et à réclamer de lui des démonstrations comme on en demande aux hommes? » V, c. i, P. G., t. ix, col. 16. « L’apôtre veut que notre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes qui se font forts de convaincre, mais sur la puissance de Dieu, qui seule et sans démonstrations peut sauver pas la simple /ni, · eel. 21. Les Pères disent qu’on peut avoir la foi sans la science : iis ne sauraient donc confondre ces deux choses. — Exemples : « Il vaut mieux croire ù Dieu en ne radiant rien du tout, et persévéït r dans son amour, que tomber dans l’impiété par le raffinement de ques­ tions subtiles. » S. irénée, Cont. hœr., L 11, c. xxvi, P. G., t. vn, cok 800. « 11 est non seulement excusable, mais méritoire d’ignorer l’objet que l’on croit. > S. Hilaire, De Trinitate. I. VIII, n. 10, P. L., t. x, col. 242. · Il vaut beaucoup mieux posséder par une foi simple une parcelle de vérité, si petite soit-elle, que de perdre le tout en de savantes discussions; acquérir avec ignorance la vie éternelle, que de tomber avec science dans la mort étemelle. Quand vous avez soif, il est plus important de boire, que de mesurer la fon­ taine. » S. Éphrem, Adv. scrutatores, serin. Lxvn, Opera, t. ni, p. 129. Turbam non inlclligendi vivacitas, std credendi simplicitas tutissimam /acit. S. Augustin, Contra epist. /undam., c. iv, P. L., t. xui, col. 175. Cf. S. Zénon de Vérone, tr. 1, De fide, P. L., L xi, col. 256. 3. Les Pères rejettent de la loi la curiosité, cette propriété de la science ou de l’intuition, la curiosité qui cherche le comment et le pourquoi; et c’est encore une occasion pour eux d'afllnner le motif spécifique de la foi. · L’objet de foi, dit saint Atbanase. s'adresse à la connaissance, mais non Λ la curiosité. Quand les disciples entendirent ces mots : Baptiscz-lcs au nom du Pérc et du b ils et du Saint-Esprit, ils ne se deman­ dèrent pas avec curiosité pourquoi le FIE en second lieu et ΓEsprit en troisième, ou en général, pourquoi une Trinité ; mais ils crurent selon cc qu’ils avaient entendu. » Epist.. iv, ad Serapionem, n. 5, P. G., t. xxvi, col. 643. Saint Chrysostomc, expliquant Rom., i, 5. dit : Quand le Seigneur affirme, les audi­ teurs ne doivent pas scruter curieusement la chose affirmée, mais seulement la recevoir. Les apôtres ont FOI 115 été envoyés poor dire ce qu'ils ont entendu, non pour ajouter du leur; et nous, nous n’avons qu’à croire. » In Episl. ad Rom., homiL x, n. 3, P. G., t. lx, col. 398· C’est ce que répète sans cesse saint Éphrcm dans ses discours contre les scrutateurs des mystères, par exem­ ple : · Ne te jette pas témérairement dans les mystères ·* tu te noierais dans l’océan. Prends pour barque la fol et la doctrine que Dieu a donnée, consignée dans les Livres saints; La navigation sera sûre comme dans un port. » Ado. scrutai., serm. i.xtx, Opéra, t. ni, p. 132 Ce mot des Juifs : · Comment sc peut-il faire qu’il nous donne sa chair à manger, » Joa., vi, 52, est ainsi jugé par saint Cyrille d’Alexandrie : « Eux qui auraient dû recevoir aussitôt les paroles du Sauveur, dont ils avaient connu par les miracles précédents la divine vertu et l’invincible puissance... les voilà qui pro­ noncent ce comment, insensé quand il s’agit de Dieu; comme s'ils ignoraient qu'il y a là un grand blas­ phème !... Pour nous, en recevant les divins mystères, nous devons avoir une foi sans curieuse recherche, âCiirqtov, et ne pas jeter sur les paroles divines ce comment, mot judaïque et digne des peines futures. » in Joa., 1. IV, c. n, P. G., t. i.xxin, col. 573. De ccttc étude des Pères, couchions que l’autorité suréminente du témoignage divin est le motif suffi­ sant et nécessaire de la fol chrétienne, ce que saint Léon a exprimé d’un mot : < C’est à l’autorité divine que nous croyons. » Serm., vu, de nativit., c. i, P. L., t. mv, col. 216. 5° De motif de la foi dans les documents ecclésias­ tiques. — 1. Définition de la foi, d'après le concile du Vatican : liane vrro fldcni, qcæ humnnn' saluth inlllum Cit. Ecclesia catholica pro­ fitetur virtutem esse super­ na tu rai cm, qua. Del aspi­ rante et adjuvante gratia, ai» eo revelata vera esse credimus, non propter in­ trinsecam rerum veritatem naturali rationis lumine pcnj»ecUim, sed propter auctoritatem Ipsius Dei re­ velantis qui nec failli nec fallere potest. Sess. Il I. c. Π1, Denzinger, n. 1789 (1638). Cette foi. qui est le com­ mencement du salut de l’homme. l’Église catholi­ que professe que c’cst une vertu surnntuielle. par la­ quelle, prévenus et aidés de la grâce de Dieu, nous croyons vraies les choses qu’il a révélées (les admet­ tant) non pas à cause de leur vérité Intrinsèque (qui serait) pénétrée au moyen de la lumière naturelle de la raison, mais à cause de l’autorité de Dieu même qui les a révélées et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. I-a première partie de cette définition sc tient dans l’élément générique de la foi. Surnaturalité, et secours de la grâce, élément commun à toutes les vertus Infuses. Croire qu’une chose est vraie, élément très général dans la connaissance humaine. La seconde > partie arrive à l’élément différentiel et spécifique, et c’est ce qui nous intéresse actuellement. Dès que le concile a parlé de croyance, vera esse credimus, vient naturellement la question : A cause de quoi tenonsnous ces choses pour vraies? C’est la question du motif intellectui 1 : c’est à cause de lui, propter, que nous affirmons, nous ne pourrions affirmer sans un motif intellectuel, il met en mouvement l’esprit, il cause la connaissance, l’assentiment. Or, ici, le concile oppose deux motifs entre eux, celui de la connaissance intrin­ sèque, et celui de la connaissance extrinsèque ou d’au­ torité. Voir ci-dessus, coL 99 sq. Et comme il emploie h mot b clinique lui-même, intrinsèque, on peut dire qu il consacre la distinction des deux modes de con­ naître donnée en ces termes par les théologiens mo­ dernes; les conciles emploient à l'occasion le style théologique de leur temps. D’autant plus que la con­ naissance « intrinsèque ·, comme l’entendent les théo­ logiens modernes d’une connaissance soit d'intuition 110 et d'expérience, soit de démonstration philosophique par les causes et les effets, est encore désignée Ici par le mot perspectam, qui n'indique pas une vue quelcon­ que de la vérité, mais une vue à fond, une vue qui pénètre (per, à travers); et aussi par les mots naturali rationis lumine, qui sc disent de l’évidence naturelle, ou de la raison philosophique et de scs preuves (comme au chapitre précédent, Denzinger, n. 1785). Λ tout cela le concile oppose 1’ « autorité de Dieu » comme seul motif de la foi qui conduit au salut : motif extérieur à l’essence des choses, et qui nous les fait connaître par le dehors, en sorte qu'en croyant sur la parole de Dieu qu’elles existent, nous ne les pénétrons pas, et qu'elles peuvent nous rester mystérieuses. Mais quel est, dans ccttc définition du Vatican, le sens précis du mot auctoritatem! L' « autorité », dans sa notion la plus vague et la plus générale, est une cer­ taine excellence qui appartient à une personne, ou â un groupe de personnes, et qui consiste à pouvoir Influer sur les autres pour s'en faire suivre. Deux espèces d'autorité, celle du supérieur et celle du té­ moin. L’autorité du supérieur, Λ travers l’intelligence, s'adresse à la volonté et à l’action; c’cst un pouvoir d'influencer la volonté libre par l'obligation morale et par les sanctions, afin qu’ensuite la volonté actionne les membres et les diverses énergies de l'homme : qu'il s'agisse du commandement donné à un particulier, ou de la loi donnée à toute une société. A cette auto­ rité répond l’obéissance.L’autorité du témoin s’adresse à l’intelligence, et consiste en certaines qualités du témoin qui influencent les esprits de manière à leur faire recevoir son témoignage, tenant pour vrai ce qu’il atteste. A cette autorité répond la croyance. De même que l’inférieur, à cause de l’autorité de celui qu’il reconnaît comme supérieur, conforme sa volonté à la sienne, ce qui est l'obéissance proprement dite, de même celui qui entend un témoin, s’il est convaincu de la compétence et de la véracité de ce témoin, con­ forme son jugement au sien. La foi, en ce qu’elle tient pour vrai ce que Dieu a attesté, a donc une véritable analogie avec l’obéissance, ce qui explique le mot do saint Paul, obedientia fidei, mais elle n’est pas l’obéis­ sance proprement dite, parce (pie le concept de témoin ne se confond pas avec celui de supérieur : un témoin, qui par scs qualités influence notre esprit, peut être hiérarchiquement notre égal et même notre inférieur. Il peut aussi être notre supérieur et ainsi en est-il de Dieu quand il témoigne : mais il reste alors vrai que, si je considère Dieu précisément comme témoin, je fais abstraction de sa puissance de commander. Cette puissance par son commandement pourra influencer ma volonté, voire même dans l’acte de foi pour que la volonté y fasse bien sa partie; mais si l’acte de foi est pris dans son seul élément intellectuel, comme nous l’avons pris jusqu'ici, l'intelligence ne peut évidem­ ment être influencée que par un motif intellectuel, tel que l’affirmation de celui qui est la vérité même, Prima Veritas, comme dit saint Thomas. Le concile lui-même prend soin de nous indiquer ce qu'il entend Ici par · autorité de Dieu ». 11 ne dit pas : propter auctoritatem Dei imperantis, mais revelantis, mot qui signifie une communication de vérité à l'intelligence. Et pour mieux expliquer le motif de la foi, il développe cette auctoritas en Indiquant les quaI lltés de Dieu qui font alors Impression sur nous : qui nec falli nec lallere potest. Science parfaite, ennemie do toute erreur, nec /alii·, véracité parfaite, ennemie do tout mensonge, nec fallere. Or la science et la véracité sont regardées par tous les logiciens et les critiques, et même par le simple bon sens, comme les deux qualités essentielles d’un bon témoin : il faut qu’il sache ce dont il parle, et qu’il le transmette comme il le sait, avec ‘ sincérité. En énumérant ces deux qualités, le concile 117 FOI 418 montre donc qu’il entend k· mot uuc(oritas non pas do • celle-ci : Hanc fidem, qua: humante salutts inittum Γ autorité du supérieur, mais de l'autorité du témoin. est..., formule plus nette que celle du canon, et qui 2. Canon corresuondant, dans le concile du Vatican : sert à l'expliquer. 3. Serment imposé par Pie X contre le modernisme. Si quh dixerit fldem Anathème à qui dirait —Voir tout le passage sur la nature de la foi, cité plus divinam a naturali de Dec que la foi divine ne sc dis­ haut, col. 83-84. et rebus moralibus scientia tingue pas dr la science na­ I-c moli/ de l’acte de foi y est ainsi exprimé : propter non distingui, ac prop terra turelle de Dieu et des cho­ nd fldem divinam non re­ Dei auctoritatem, summe veracis. O demier mot expli­ ses mondes, et par consé­ quiri ut revelata veritas quent qu’il n'est pas besoin que bien dr quelle autorité il s’agit : c’cst l’autorité qui propter auctoritatem Dei pour la fol divine qu'une procédé de la véracité, donc de l’autorité du témoin. revelantis credatur, ana­ vérité révélée soit crue ù Ce qui est confirmé par le contexte : Qua: a Deo... dicta, thema sit. De fide, can. 2, cause de l'autorité de Dieu testata et revelata sunt, vera esse credimus, propter Dei qui révèle. Denzinger, n. 1811 (1058). auctoritatem summe veracis. 11 s’agit d’un témoin, Quelles erreurs sont ici condamnées? Une note qui testata. Aussi Γ « autorité · en question aboutit finale­ accompagnait le schema de la commission prosynodale» ment à une croyance, à une adhésion à la vérité, vera voir Vacant, Éludes... sur le concile du Vatican, t. n, esse credimus. p. 30, 31, nomme le rationalisme, et le semi-rationa­ Ces documents de l’Église écartent définitivement lisme d'Hermès et de Gunther. Ils confondaient la foi les opinions, déjà surannées et communément rejetées chrétienne avec la ■ science naturelle de Dieu, » que en théologie, de quelques rares auteurs du moyen nous appelons théodicée, et avec « la science naturelle âge : par exemple, celle de Guillaume d’Auvergne, des choses morales, » que nous appelons éthique ou évêque de Paris, d’ailleurs intéressante comme étant philosophie morale. Pour eux, un argument d'éthique le premier essai d’un fidéisme ou d’un « volontarisme » ou de théodicée, s’il produisait la conviction, produi­ qui a reparu de nos jours sous des formes plus adou­ sait un véritable acte de foi et en était le motif. Par cies. Il part de cette idée : « Si l’on croit Dieu à cause une conséquence logique, signalée par le concile, ils de sa véracité, parce qu’on sait qu’il ne ment pas..., niaient que l’autorité du témoignage divin, de la révé­ on le croit avec une espèce de preuve..., on le croit lation divine, fût le motif nécessaire de notre foi. Or, comme on croirait un honnête homme quelconque..., l’Église condamne ici et la confusion foi-science, qui on ne lui fait pas honneur. » De fide, c. i. Opéra, Paris, est le point de départ, et l’erreur sur le motif de la foi, 1074, t. t, p. 4. Les Pères, nous l’avons vu, n’ont pas qui est la conséquence et le point d’arrivée, l’une à eu le même scrupule que Guillaume : ils n’ont pas cause de l’autre et dans sa liaison avec l'autre. D’où rejeté toute « espèce de preuve »; ils ont éliminé du l’on peut inférer que ccttc sévère condamnation ne motif de la foi la preuve intrinsèque des dogmes, mais tomberait pas sur une doctrine qui soutiendrait seule­ non pas la preuve extrinsèque par la véracité du ment l’une de ces deux erreurs, sans liaison avec témoin. Ils n’ont pas cru déroger en assimilant la foi l’autre; ce qui se rencontre, par exemple, dans tel ou chrétienne à la croyance donnée à un homme grave et tel ancien scolastique assignant mal le motif de la foi honnête, avec cette différence que le témoignage de sans pourtant confondre la foi avec la science natu­ Dieu est revêtu de qualités plus hautes : Si testimo­ relle. Telle est l’interprétation de Vacant, Zoc.cïZ.,p. 31, nium hominum accipimus, testimonium Dei majus est. 32. Notons cependant que toute doctrine inexacte sur I Joa., v, 9. La formule de Pic X exprime bien cette le motif de la foi, tel qu'il est exigé par le concile, véracité « souveraine » de Dieu, summe veracis, qui a est indirectement atteinte et périmée, en admettant droit à une fol proportionnée, à une foi souveraine­ même qu’elle ne soit pas anathéinatlséc, c’est-à-dire ment ferme : foi vraiment honorable pour Dieu, et rangée parmi les hérésies. suffisant à le mettre à part, à le distinguer de tous les témoins inférieurs. Le point de départ étant faux dans Sur l’épithète « divine », donnée ici à la foi suivant la théorie de Guillaume d’Auvergne, est-il étonnant l'usage des théologiens, il faut remarquer avec Suarez qu’il aboutisse à une conclusion fausse? « Il s’ensuit, qu’elle a deux sens : a) elle peut signifier une foi fondée dit-il, que la seule foi digne de Dieu, c’est celle qui sur l’autorité de Dieu, de même que · foi humaine » croit à sa parole sans aucune garantie, sine omni dans le langage scolastique signifie assez ordinaire­ pignore et cautione, gratuitement et par obéissance, ment une croyance fondée sur l'autorité des hommes; non pas à cause de sa véracité, ou parce que ses paroles M elle peut signifier une foi surnaturelle, et par consé­ impliquent la vérité, car on croirait ainsi un homme, quent salutaire; car Dieu étant tout spécialement mais parce qu’il nous fait un précepte de croire. Ainsi l'auteur du surnaturel, le surnaturel est souvent l’on croit par la vertu d’obéissance. »Loc. cïLGuillaume appelé < divin», de même que l’on confond en nous le conserve une partie de la doctrine traditionnelle, « naturel » et Γ · humain ». De fide, dlst. IV, sect, v, l'autorité de Dieu comme motif de la foi; mais c'est la n. 3, Opéra, Paris, 1858, t. xn, p. 132. Cf. Salmon li­ pure autorité du supérieur, qu’il veut substituer à censes, De fide, dlst. I, n. 201, Paris, 1879, t. χι,ρ.93. celle du témoin; et sa foi n’est plus qu’une obéissance Si dans le canon du Vatican vous preniez finem divi­ au sens strict du mot. La volonté, pour obéir, poussera nam au premier sens, vous auriez une ridicule tauto­ violemment l’intelligence à risquer contre nature une logie : < Pour avoir la fol où l'on croit à cause de l'au­ affirmation sans aucune garantie de vérité. Peut-elle torité de Dieu, il faut que l'on croie à cause de l’auto­ réaliser ce tour de force? C'est très douteux : ou bien la rité de Dieu. » Force est donc de prendre le mot divi­ volonté n’obtiendra qu’une formule des lèvres sans nam au second sens : « Pour avoir la foi surnaturelle, acte intérieur de l’esprit, ou bien le motif intellectuel, la seule qui mène au salut, il faut que l’on croie à vainement chassé, agira en dessous sur l’intelligence. cause de l’autorité de Dieu. » Ceci n’est pas une tau­ Voir Croyance, t. ni, col. 2371, 2372. Mais quand tologie, et était très nécessaire à définir en un temps même la volonté pourrait physiquement exécuter ce où,dans les milieux protestants.rationalistcs, plétistes, modernistes, on appelle · foi, fol chrétienne, fol qui coup de force, elle ne le pourrait pas d’une manière suave » un acte qui n’a nullement pour motif l'au­ légitime et morale. Si elle commande toutes les éner­ gies de l’homme, l’intelligence comme les autres, elle torité du Dieu, ni meme une autorité ou un témoignage ne peut commander que dans l’ordre, et conformé­ en général.—C’cst probablement pour éviter jusqu'à l’apparence d’une tautologie, que le concile du Vati­ ment à la nature de chacune. Inutile d'invoquer ici can, dans le premier document cité plus haut, a évité le surnaturel : il ne détruit pas la nature, mais la per­ l’expression ambiguë · foi divine > et l’a remplacée par fectionne; l’activité de la grâce sc mêle invisihh ment 119 FOI à celle de nos facultés sans les violenter. Ainsi les principes de la raison comme ceux de la révélation s’opposent Λ la théorie de Guillaume. En vain com­ pare-t-il toute garantie de vérité aux béquilles d’un estropié, qui prouvent en lui une maladie sans la guérir : mauvaise comparaison, puisque la garantie de vérité appartient à la santé même de l’esprit, à sa tendance essentielle. En vain sc plaint-il qu'alors il n’y aura « plus de bataille de l’intelligence, plus de victoire, plus de couronne. » Ix; mérita de la foi ne consiste pas à faire un saut périlleux dans le vide, mais à recevoir la vérité mystérieuse que nous présente le divin témoin connu de nous comme souveraine­ ment véridique, sans toutefois pénétrer le mystère comme on le souhaiterait, sans preuve intrinsèque, en dépit des passions qui sc sentent gênées par la parole divine, et du monde qui s’en moque. Il restera donc toujours assez d’obstacles à la foi pour qu’il y ait bataille ■ l victoire. Enfin cette foi de Guillaume d’Auvergne, où le souci de la vérité n’aurait aucune place, serait un mouvement aveugle >, ce que le con­ cile du Vatican a rejeté. Scss. Ill, c. in, Denzinger, n. 1791 (1640). Peut-être Guillaume réscrvc-t-il son c»up de force pour le moment précis de l’acte de foi, c t suit-il d'ailleurs le grand courant de la tradition, en exigeant avant la foi la connaissance de la véra­ cité divine et les preuves du fait de la révélation : on peut le conclure de textes cités par le P. Gardell. Voir Crédibilité, t m, col. 2266. Toujours est-il qu’il exige de l'esprit, au moment de l’acte de fol, une gymnastique impossible, et veut à tort exclure de cet acte toute vue de la véracité divine, qui en est l’objet formel et le motif spécifique. 6° motif de la foi chrétienne devant la raison natu­ relle ; raisons de convenance pour ce motif, et objections. — Peut-on prouver a priori, en partant de principes purement philosophiques, que la connaissance reli­ gieuse devait être fondée sur le témoignage de Dieu? Non. La raison peut connaître avec certitude, sans passer par l'autorité du témoignage divin, sans se préoccuper de cette autorité ni de ce témoignage, un certain nombre de vérités religieuses. Voir là-dessus b définition du concile du Vatican et son commentaire à l’art. Dieu, L iv, col. 824 sq.; et l’exposé des preuves de l’existence de Dieu, au point de vue soit pratique, soit scientifique, col. 935 sq., 938 sq. Cela étant, pour­ quoi cette connaissance rationnelle et naturelle ne pourrait-elle pas servir de base à un culte, à une reli­ gion? Dieu n’était pas tenu de nous donner davan­ tage. On dira que la raison naturelle, telle qu’elle fonc­ tionne en pratique dans les circonstances de l’ordre actuel des choses, sc trompe aisément, et que, sans un secours surnaturel, il est presque impossible de ne pas tomber dans quelque erreur sur un sujet aussi ardu que la nature de Dieu et les devoirs de la religion, comme le montrent l’cxpérlcncc et l’histoire des anciens peuples allant presque tous au polythéisme, et trans­ formant la religion en idolâtrie. Mais d’abord, dans cette dégradation païenne, il faut faire la part de la liberté humaine qui aurait pu égarer moins la raison, si elle l'avait voulu. Ensuite, Dieu ne peut-il tolérer des erreurs dans le genre humain? Toute erreur sur Dieu est-elle de nature à supprimer toute religion et toute vie morale? Enfin, si Dieu veut aider notre rai­ son dans cette grande difficulté, s’il veut bien lui don­ ner un secours gratuit, pas n'est besoin qu’il témoigne, comme il l’a fait : il aurait pu fortifier les énergies natu­ relles de la raison, il aurait pu lui donner une science infuse, qui n’eût pas été son témoignage, comme nous l’expliquerons en traitant de la révélation. La faiblesse d· notre raison sur les choses divines ne prouve donc pas avec certitude que Dieu ait dû nous donner la 120 lumière de son témoignage, ni que croire Dieu sur parole soit la base nécessaire de toute religion. Mais où manque la démonstration rationnelle, les raisons de convenance ne manquent pas; et elles suf­ fisent à justifier, aux yeux de la raison même, la sagesse du plan divin. Voici les principales : 1. Il convient à la bonté de Dieu de se communiquer à nous. Saint Thomas, étudiant les convenances de l’incarnation, ne craint pas d’invoquer cette naturelle expansion de la bonté divine; et pourtant l'incarna­ tion de Dieu est un don bien plus extraordinaire, bien autrement au-dessus de nos aspirations et do nos besoins, que le don de son simple témoignage. · Par nature, dit le grand docteur, Dieu est l'essence de la bonté, tout ce qui convient à celle-ci convient à Dieu. Or, sc communiquer aux autres, tel est le propre de la bonté. Dès lors, il appartient à la souveraine bonté qui est Dieu de sc communiquer d’une manière sou­ veraine à ses créatures. » Sum. theol., Ill·, q. i, a. 1. « Cette maxime, ajoute le P. .Janvier, me permet de penser que,par un mouvement tout spontané, Dieu se sentira porté à sc révéler à l’homme, à sc donner à son esprit. Sa vérité qui est bonne, ou pour mieux dire cpii est la bonté même, aura une tendance à fran­ chir les frontières du temps, à sc manifester à ceux qui ne le connaissent pas. Nous affectons parfois de nous étonner qu’elle nous ait parlé, nous serions plus étonnés encore si clic avait gardé le silence. > Confé­ rences de Notre-Dame de Paris, carême 1911, La loi, 2· édit., p. 63. Le silence, Dieu n'était ni physique­ ment forcé ni moralement obligé de le rompre, même dans l'hypothèse de notre création;et cela suffit pour que sa parole, son témoignage, soit un don gratuit et surnaturel. Mais comme il convenait qu’il nous par­ lât, venant ainsi avec plus de bonté au secours de nos ignorances et de nos misères 1 2. 11 convenait que l’homme rendît à son créateur toute espèce d’hommages; or, il est un hommage spé­ cial, qui consiste à croire Dieu sur parole, et pour que cet hommage fût rendu de fait, et par l'intelligence en même temps «pic par la volonté, il fallait que Dieu parlât et témoignât; il convenait donc qu’il le fît. Saint Paul fait allusion à ce culte et à ce sacrifice de l’intelligence par la foi. Voir col. 68. 3. La foi au témoignage d’autrui joue un grand rôle social : elle supplée aux insuffisances de l’individu isolé, elle tend à rapprocher les personnes, et devient ainsi un fondement des sociétés humaines, comme le remarquaient déjà les Pères, voir col. 110, et saint Thomas. Opusc., LXI1I, In lib. lioclii de Trinitate, q. m, a. 1, Opéra, Parme, 1864, t. xvn, p. 366. Dr même, si Dieu témoigne, si à ce témoignage répond notre fol, ce sera le fondement d’une société entre Dieu et nous; nulle espèce de connaissance ou de croyance ne peut donc servir de base meilleure à une religion ici-bas. 4. La religion, la société avec Dieu, deviendra sin­ gulièrement intime, si Dieu nous communique scs pro­ pres secrets, de même que d’homme à homme la com­ munication des secrets est un signe ou une cause d’in­ timité; et puis, il est de ces secrets divins qui sont pour nous de la plus grande importance et de la plus haute valeur religieuse : comme de savoir si Dieu veut nous I pardonner de graves fautes, et combien de fols, et à quelles conditions; dans quelle mesure et à quelles con­ ditions il exauce nos prières; quelles récompenses et quelles peines il prépare aux âmes dans l’autre vie. Or, le témoignage de Dieu est la seule voie par laquelle nous puissions connaître avec certitude ces décrets de sa libre volonté, ces mystérieuses déterminations de l’avenir; de même que d’homme à homme le témoi­ gnage est le seul canal des secrets. La foi à un témoi­ gnage divin était donc nécessaire à une religion intime 121 FOI et profonde; et nous donner une telle religion conve­ nait à la bonté de Dieu. Λ ces convenances bien remarquables nous pour­ rons en ajouter d’un autre ordre, si nous partons, non plus seulement des expériences et des principes de la raison naturelle, mais encore du donné révélé. Ce seront alors des · raisons théolognpics » en faveur de la foi au témoignage divin; et l’avantage de ces rai­ sons-là est de montrer l’harmonie de nos dogmes. Ainsi, partant du dogme de la vision béatiilquc, à laquelle Dieu a bien voulu nous élever dans l'ordre de choses actuel, saint Thomas nous dit : · La béatitude finale consiste dans une vision surnaturelle de Dieu; l’homme ne peut y parvenir qu’en se mettant à l’école de Dieu, Joa., vi, 45; et cet enseignement, pour s’adapter à la nature humaine, ne doit pas se faire tout d’un coup, mais par degrés. Or, tous ceux qui suivent cet enseignement graduel doivent commencer par croire le maître, pour arriver ensuite à la science par­ faite. Aristote, De sophisticis elenchis, c. n. Donc, pour parvenir un jour à la parfaite vision de la béatitude, il nous faut d’abord croire sur la parole de Dieu, comme un disciple croit sur la parole de celui qui l’enseigne. » Sum. theol., II* II», q. n, a. 3. Pour mieux com­ prendre ce raisonnement de saint Thomas, observons que, dans tout enseignement, on peut concevoir deux procédés très différents : a) I^c maître peut donner à scs disciples la conclu­ sion d’un raisonnement sans le raisonnement luimême, interposant alors son autorité en guise de preuve, ou l’autorité des savants dont il se fait l’inter­ prète. Il donnera, par exemple, la distance du soleil à la terre, sans les calculs qui ont servi à la déterminer; une loi physique ou biologique, sans les nombreuses et délicates expériences qui ont fondé une induction valable; le dessin schématique d’une machine, sans la faire fonctionner sous leurs yeux. Le temps limité dont il dispose, une démonstration qui dépasserait la portée des commençants qu’il instruit, d’autres raisons encore justifient ce procédé sommaire, sans lequel les sciences ne pourraient être vulgarisées. L’exagéra­ tion des disciples de Pythagorc était seulement de trop généraliser ce procédé, même lorsque la démons­ tration eût été relativement facile et qu’ils n’étaient plus des débutants, et de trop accorder à la simple affirmation d’un maître faillible. Il n’y a qu’un maître infaillible dont l’anirmation suffise toujours, en atten­ dant qu’il nous fasse pénétrer, au ciel, les vérités mys­ térieuses à l’égard desquelles nous ne sommes jamais ici-bas que de simples commençants. b) Le maître peut procéder autrement, et faire pas­ ser les disciples, déjà exercés et habiles, par tous les raisonnements, par tous les calculs, par toutes les expériences qui amènent à la conclusion : alors le dis­ ciple n’aura pas besoin de s’appuyer sur la véracité du maître; sur le point en question, il en saura autant que lui, et son intelligence personnelle, excitée et diri­ gée par lui, aura vraiment fait elle-même la démons­ tration; il aura acquis une connaissance non pas seu­ lement extrinsèque, mais Intrinsèque, et intellectuel­ lement bien plus parfaite. Mais ce n’est pas le cas qui nous Intéresse directement, quand il s’agit de la foi. Ainsi la vision intuitive étant l’achèvement en pleine lumière d’un enseignement ébauché ici-bas pour des commençants, il convenait que dans ce pre­ mier enseignement Dieu interposât l’autorité de son témoignage, comme le savant qui fait de la vulgari­ sation. On peut même dire qu’une fols supposé l’élévation de l’homme à la vision de Dieu dans la vie future, élévation que notre nature ne peut ni réaliser par scs forces ou ses exigences, ni constater par ses facultés de connaître, il y avait plus qu’une raison do convenance, il y avait une absolue nécessité que Dieu 122 nous donnât par son témoignage le seul moyen de connaître cette surnaturelle destinée. Car la nature raisonnable doit pouvoir librement diriger ses actes vers sa fin, vers sa réelle destinée, elle doit donc la connaître. Aussi le concile du Vatican recnnnait-il comme « absolument nécessaire » la révélation ou témoignage de Dieu dans l’ordre actuel · parce que Dieu, dans son infinie bonté, a ordonné l’homme à la fin surnaturelle, c’est-à-dire à la participation de biens tout divins, qui dépassent totalement l’intelli­ gence humaine. » Scss. 1II, c. n, Denzinger, n. 1786 (1635). Objection. — Le témoignage divin, comme tout témoignage que nous recevons, vient du dehors, ab extnnseco. Objectera-t-on les inconvénients de « l’ex· trinsécisme », une certaine manière de concevoir • l’autonomie, l’immanence » ? Réponse. — a. Il y a avantage et non inconvénient à enrichir nos connaissances par le témoignage des autres; ce n’est pas là un asservissement, mais une conquête; le développement de notre vie mentale et sociale est à ce prix. Il en sera donc de même du témoignage de Dieu, qui n’est pas plus extrinsèque que celui des hommes. b. Tout ce que l’on peut raisonnablement deman­ der Ici, en fait d’immanence et d’autonomie (au sens large du mot), c’est d’abord : a. qu’à l’égard de l’en­ seignement de l’homme par la divinité, il y ait dans la nature humaine une aspiration, un désir condi­ tionnel : si Dieu veut bien le lui donner. Or, cette aspi­ ration ne manque pas. Puisque la raison naturelle, ainsi que nous l’avons montré, voit elle-même la con­ venance et l’utilité d'un témoignage divin, et d'une religion plus parfaite fondée sur ce témoignage, il est naturel à la volonté de le désirer du moins condition­ nellement; tout objet qui apparaît à l’homme comme ! convenable ou utile est de nature à exciter son désir. Bien que surnaturel, le témoignage divin ne peut donc se comparer à une pierre qui tomberait dans l’orga­ nisme vivant comme quelque chose d’indésirable et d’absolument étranger. — Ce que l’on peut encore raisonnablement demander, c'est 6. que toute vérité, pour devenir notre vérité, soit vérifiée et contrôlée par notre raison individuelle, Mais c’est précisément ce qui sc passe avant la foi chrétienne; car nous n’ad­ mettons pas les vérités de foi sans aucune garantie, comme le voulait Guillaume de Paris, et simplement parce que le plus puissant des rois nous les impose, mais nous les admettons sur la garantie intellectuelle de sa science et de sa véracité, et après avoir constaté par des preuves suffisantes qu’il a parlé, que telle doc­ trine transmise par un intermédiaire humain est bien sa doctrine, sa pensée, son témoignage. Voir plus loin, VI. Dans ces conditions, personne ne peut sc plaindre qu’il y ait en nous une · importation » du dehors, comme dit M. Wehrlé, lequel ajoute fort bien : « De donner à entendre que cette nouveauté ne nous apporte rien de nouveau... ou que» n’étant pas de nous, elle ne peut être pour nous et réclamer droit de cité chez nous, c'est ce qu’on ne pourra jamais laisser dire sans protester, c’est ce qui dépasserait certainement la limite que la raison et la foi interdisent également de franchir. » Revue biblique, juillet 1905, p. 332. Voir Immanence. IV. Quelle révélation la foi suppose. — Le concept de la révélation est tellement lié à celui de la foi que le second ne peut être expliqué sans le pre­ mier, et d’autre part vient restreindre et limiter le premier. Dans une question aussi difficile et aussi embrouillée de systèmes hétérodoxes, nous suivrons l’ordre qui nous paraît le plus méthodique : 1° con­ cept chrétien de cette révélation qui est à la base de l’acte de fc4; 2° exposé des systèmes qui ont donné pour base à la fol chrétienne la « révélation naturelle a 123 ΓΟΙ sous diverses formes; 3* insuffisance de cette base; 4· suffisance de la révélation « médiate ■ ; 5° rapport des révélations · privées » avec la foi chrétienne. 1· Concept chrétien de cette révélation qui est à la base de Vacle de fol : la révélation-témoignage. — Des preuves nombreuses, scripturaires ct pr.tristiques, que nous venons de donner, il résulte incontestablement que tout acte de foi chrétienne doit être basé sur un témoignage de Dieu, témoignage dont Vautorité infail­ lible est le moti/ de notre foi. Mais nu mot < témoignage » les théologiens scolas­ tiques ont presque substitué celui de < révélation ». Saint Thomas emploie les deux. Pour dire que Dieu sc révéle surtout lui-même, bien que révélant aussi des objets accessoires, il dira ; /pse (Veritas Prima) prin­ cipaliter de se testificatur. Quast, disp., De veritate, q. xiv, a. 8,ad 9··. · Aux objets qui dépassent notre intelligence, dira-t-il encore, nous ne pouvons donner notre assentiment e concile du Vatican emploie toujours le mot • révélation », car les conciles suivent le style (pii a prévahi en théologie, mats il a soin de l’expliquer dans le sens d un témoignage de Dieu, lorsque, développant I autorité de cette révélation, auctoritas Det revelantis, II I rxpUque par 1rs deux qualités classiques d’un bon témoin : qui nec falli nec /attere potest. Voir col. 116. Depuis k concile, les modernistes, à la suite des pro­ 124 testants libéraux, ont fait grand abus du mot « révé­ lation » dans ses rapports avec la foi : aussi l’Église a-t-elle vu la nécessité d’expliquer ce mut encore davantage. Dans la définition de la fol, à l’endroit où le Vatican avait dit brièvement : a (Deo) revelata, vera esse credimus..., la profession de fei de Pic N contre le modernisme insiste en ces termes: Quit a Deo personali creatore ac domino nostro, dicta, testata ct revelata sunt, vera esse credimus... Ici Je mut revelata, plus en usage aujourd’hui, mais plus vague, est précisé par les mots explicatifs dicta, testata, qui le ramènent à l’idée de « chose attestée », objet d’un · témoignage ». Comme une nappe d’eau sc resserre pour entrer dans un canal, ainsi ce concept large ct flottant de révélation ne peut donc entrer dans l’acte de fol sans sc restreindre, sans se ramener au concept très net de témoignage. C’est là une vérité féconde en importantes conséquences, dont nous signalerons les principales. On y verra que les erreurs du modernisme viennent de ce qu’on n’a pas compris cette vérité. Mats l’erreur une fols admise sur un point aussi capital conduit aux abîmes. Avant meme sa séparation extérieure de l’Église, Tyrrcl écrivait à son confident : < Ce n’est pas, comme (ces théologiens) le supposent, sur un ou deux articles du symbole que nous différons; les articles, nous les ac­ ceptons tous; mais ce qui est en jeu. c’est le mot credo, c’est le sens du mot vrai quand on l'applique au dogme, c'est toute la valeur de la révélation. ■ Lettre au baron F. von Ilùgcl, 30 septembre 1901, Miss Petre, Life of G. Tyrrel, Londres, 1912, t. n, p. 197. P· conséquence : la révélation corrélative à l’acte de foi ne doit pas nécessairement contenir du nouveau, de l'imprévu. C’est un témoignage : or, la même chose peut être utilement attestée par plusieurs témoins; ainsi une même vérité aura été attestée par un pro­ phète, puis par le Christ; elle n’était plus nouvelle à la seconde révélation, peut-être pas même à la pre­ mière, s’il s’agit d’une vérité accessible à la raison naturelle, Denzinger, n. 1786; on pouvait cependant faire alors un acte de foi sur la parole du Christ, c’està-dire sur une révélation qui n’apportait pas du nou­ veau. La nouveauté, l’inédit, n’est pas un élément essentiel du témoignage; et quand même cet élément serait suggéré par l’étymologie du mot « révéler », dévoiler, l’usage d’un mot s’écarte souvent de son étymologie; et quoi qu’il en soit de la révélation dans certains sens de ce mot, nous ne nous occupons ici que de la révélation-témoignage. Certaines défini­ tions de la révélation ne valent donc rien sur le terrain de la fol, qui peuvent être bonnes sur un autre terrain, par exemple, sur celui de l’inspiration de l’Écrlture, où l’on a coutume d’opposer, dans l’hagiographc, Γ ■ ins­ piration » et la · révélation », prise dans un sens parti­ culier. Telle cette définition d’un exégète ancien : Ea proprie dicta videtur revelatio, qua res absIrusœ omninoque velatir patefiunt ct revelantur. Serarius, Prolegomena biblica, Mayence, 1612, c. iv, q. iv. Et celle-ci d’un exégète moderne : « La révélation, dans le sens propre, est la manifestation surnaturelle d’une vérité jusqu’alors inconnue à celui à (jui elle est mani­ festée. Ainsi, c’est par révélation que les prophètes ont connu l’avenir, · etc. Vigouroux, Manuel biblique, Ancien Testament, 11· édit., Paris, 1904, t. i, n. 11, p. 44. Quant à nous, comme notre sujet l’exige, nous nous en tenons exclusivement à la théorie de la révé­ lation en tant que corrélative à la fol, ct nous ren­ voyons, pour les autres sens du mot. comme aussi pour la possibilité, la nécessité morale ct les critères de la révélation, pour le développement historique de la révélation dans le monde, à l’arL Révélation. Ix préjugé, assez répandu, que toute révélation divine, pour être telle, doit apporter au monde de l’inconnu, du neuf, sc retrouve, par exemple, dans ces 125 FOI 12G lignes d’un moderniste : « Le fait que dix siècles • sensibles et frappantes que Dieu n’a pas toujours peut-être avant Moïse.., un souverain oriental, choisi le mode de révélation qui parait à premiere vue Hammourabi, ait donné Λ son peuple une loi présen­ le plus simple, et qui consiste à produire directement tant des analogies avec le vieux code juif, ct meme I la révélation dans l’âme de ses prophètes, mais qu’il supérieure en quelques points, diminuait aux yeux a souvent préféré l’emploi de causes intermédiaires des croyants la certitude d’une révélation divine sur pour accentuer le caractère extrinsèque de la révéla­ le Sinaï. » Hou tin, Question biblique au xx* siècle, tion, en leur faisant arriver son message par le monde Paris, 1906, p. 27. Pourquoi voit-on un antagonisme extérieur. Dans la Bible, parfois le prophète, comme entre ce fait ct la certitude d’une révélation sur le Jeanne d’Arc,entend «des voix ». Ainsi Samuel enfant, Sinaï, sinon parce qu’on imagine dans tou te révélation et n’ayant pas reçu encore de révélations, est réveillé une note essentielle de nouveauté, parce qu’on sup­ par un appel qu’il prend pour celui du grand-prêtre, pose faussement qu’une législation révélée, pour être le seul être humain qui fût à sa portée; désabusé par révélée, doit être entièrement originale et n’avoir rien le Krand-prêtre lui-même, il ne peut s’empêcher de re­ de commun avec aucune législation humaine préexis­ venir versdui quand le phénomène sc reproduit; en fin tante, même la plus sage; conception bizarre, qui la voix en dit davantage, et il reçoit d’elle la terrible condamnerait par avance le divin législateur à se prophétie sur Héli ct scs fils. I Reg.,in,4 sq.Unc voix priver des plus pratiques et des plus utiles mesures, miraculeuse apporte aussi le témoignage de Dieu dans pour faire de l’inédit à tout prix ! le Nouveau Testament. Marc., i, 11 ; Matth., xvn, 5; 2· conséquence : la révélation corrélative ù la foi Joa., xn. 28; Act., ix, 4. Les apparitions d’anges, qui vient de l’extérieur. C’est un témoignage, et tout conversent avec les hommes, sont dans l’Écriture la témoignage, même celui dcDleu, nous vient du dehors, voie la plus ordinaire des révélations divines. Admet­ comme nous l’avons montré, col. 122. De là ces expres­ tre que la forme visible prise par ces anges était vrai­ sions de Pic X, externa revelatio, dans l’encyclique ment située dans le monde extérieur et tombait sous Pascendi, Denzinger, n. 2072, 2074; irritas extrin­ les sens, que leurs paroles étalent vraiment prononcées, secus accepta ex auditu, dans le serment. Voir ct que tout ne se réduisait pas à une sorte d’hallucina­ col. 81. M. Loisy y a trouvé Λ redire : « Quant à tion surnaturelle, c’est admettre une chose très pos­ la révélation extérieure que l’on accuse aussi les moder­ sible en soi. très convenable à la nature de l'homme, nistes de supprimer, c’est peut-être la première fois ct qui ressort du récit des Livres saints qu’il n’y a pas que, dans un document officiel de l’Église, on en pro­ à torturer. Le rationalisme est dans son rôle, quand il clame l’existence et la nécessité. Le concile du Vati­ regarde a priori ces explications de la révélation can parle des preuves extérieures de la révélation, mais comme absurdes, et l’existence même des anges il ne dit pas que la révélation elle-même soit exté­ comme impossible, sans pouvoir d'ailleurs aucune­ rieure. » Simples réflexions,., sur l'encyclique, Paris, ment prouver cette impossibilité; la raison philoso­ 1908, p. 149. Que le mot soit nouveau ou non, la chose phique elle-même ne voit-elle pas la convenance qu’il a été de tout temps dans la tradition catholhpie; le y ait. entre Dieu ct notre pauvre intelligence liée à la concile du Vatican n’a pas eu ù la proclamer distincte­ chair, ce degré angélique dans l’échelle des êtres, ct ment, pour la bonne raison que de son temps le moder­ la négation des esprits n’cst-cllc pas plutôt le fait nisme n’existait pas; à de nouvelles hérésies il faut d’un matérialisme grossier, qui n’est même plus à la opposer de nouvelles précisions et de nouvelles for­ mode? Et puis, qu’cst-cc que cette méthode a priori! mules. La révélation, lors même qu’elle sc fait au Mais du moins, que le rationalisme ne vienne pas avec dedans, est extérieure, mais seulement dans son ori­ M. Loisy nous parler du « Dieu anthropomorphe » de gine : c’est ce qu’explique le mot veritas extrinsecus l’encyclique, ni tourner en ridicule · les conversations accepta. Λ moins d’être panthéiste, il faut bien recon­ de Γ Etemel avec Abraham. » Simples réflexions, p. 56, naître que Dieu est distinct de nous, ct que ce qui 149. Ce n’est en aucune façon admettre un Dieu vient uniquement de lui (par exemple,son témoignage, anthropomorphe, que d’admettre un ange apparais­ revêtu de sa divine autorité) ne vient nui ement de sant visiblement Λ Abraham, seul ou avec deux com­ nous, d’une poussée du dedans, ct donc vient du pagnons, ct représentant « le Seigneur », dont il prend dehors. Du reste, la révélation n’est pas dite « exté­ parfois le nom dans la Bible parce qu’il le représente. rieure » en ce sens qu’elle apporterait absolument Mais ce qui est plus regrettable, c’est que des catho­ tout du dehors. Comme l’architecte qui vient bâtir liques, effrayés par ce vain épouvantail d* «anthropo­ près d’une carrière trouve sur place les matériaux, morphisme », étourdis par ce grand mot grec, aban­ mais apporte du dehors son idée, son plan, scs ou­ donnent le sens naturel ct l’exégèse traditionnelle des vriers, en sorte que l’édifice lui-même est pour le Livres saints. Ne voient-ils pas qu’ils diminuent pays chose nouvelle ct qui vient du dehors : ainsi le la révélation? Ce n’est pas sans motif que Dieu lui a témoignage divin, pour entrer dans notre esprit, y donné un appareil extérieur fortunent marqué, pour prend des concepts préexistants, détachés les uns des faire mieux saisir à tous qu’elle vient du dehors, autres, qui ne sont pas une vérité, car la vérité pour qu’elle n’est pas une simple évolution de notre nature l’homme n’est pas dans des concepts disjoints, mais dans intellectuelle, mais un don transcendant, un témoi­ leur synthèse constructive, dans un énoncé. Par exem­ gnage divin s’adressant Λ la foi. Ne voient-ils pas qu'ils ple, ces idées éparses : « Dieu, voir, destinée » ne for­ font le jeu du modernisme, qui ne ramène la révélation maient pas une vérité. Quand nous recevons cet Λ l'intérieur de l’âme que pour arriver plus facilement énoncé : · Voir Dieu est notre destinée, » quand nous à tout expliquer par l’immanence, par la poussée du le recevons appuyé sur la garantie divine qui fait toute dedans, ct qui aime â pêcher, dans l’eau trouble du la force de cette construction, nous avons une vérité subconscient, des faits anormaux ct des phénomènes nouvelle, ct qui nous vient du dehors comme cette mystiques? garantie elle-même : veritas extrinsecus accepta. Il en 3* conséquence : la révélation corrélative à la foi, serait de même dans le témoignage humain. Voir quand elle sc passe tout entière à l’intérieur de l’âme, Études du 20 avril 1908, p. 176 sq. ne consiste pas seulement en ce que Dieu, par une Ainsi la révélation n’est pas, comme le voudraient opération surnaturelle, fait produire à l’intelligence les protestants libéraux ct les modernistes, un simple un énoncé ct lui montre une vérité : il faut qu’il fasse produit de l’esprit qui en est favorisé, mais elle lui voir en même temps par la même action surnaturelle arrive du dehors. C’est sans doute pour mieux incul­ (ce qui d’ailleurs ne lui coûte pas davantage) que cet quer aux hommes cette vérité capitale sous des formes énoncé exprime sa pensée à lui, qu’il s’en porte garant ; 127 FOI il faut que la vérité de cet énoncé apparaisse comme reposant sur le témoignage divin. Sans cela, 1’fimc ne recevrait pas le témoignage de Dieu, ct, tout en admet­ tant le vrai, ne l’admettrait pas par un acte de foi; Dieu lui ferait voir une chose, mais ne lui ferait pas voir sa pensée sur cette chose, ct par conséquent ne lui parlerait même pas, puisque la parole consiste essen­ tiellement à exprimer la pensée, comme dit saint Thomas : Nihil est aliud loqui ad alterum, quam con­ ceptum mentis alteri manifestare. Sum. tlicol., I·, q. evu, a. 1. Et quand même la parole pourrait consister parfois à montrer des objets sans montrer sa pensée, en tout cas, le témoignage ne le pourrait certainement pas; or, la révélation qui est à la base de la fol n’est pas seulement une parole, mais un témoignage. Mais J Dieu, par son opération surnaturelle dans l’ànie, en lui faisant porter un jugement sur un objet, lui donne l'assurance (pic ce jugement représente la pensée de Dieu même sur cet objet, ct. lui rappelant l’infailli­ bilité de la pensée divine, fait ainsi appel à sa foi, alors, bien que l'oreille du corps ne perçoive aucun son, la vérité reçue peut encore être dite accepta ex auditu, ct. S. Thomas, Sum. theol., Il*il*, q. v, a. 1, ad 3·®; l’âme entend à sa manière Dieu parler, témoi­ gner, et c'est grâce à la parole et au témoignage de Dieu qu’elle accepte celle conception des choses comme vraie, si elle l’accepte; ct ainsi peut se faire un acte de foi divine. — Sur ces conditions requises pour qu'une action surnaturelle de Dieu dans l’âme soit au sens propre une parole de Dieu, un témoignage de Dieu,voir l.ugo, De fide, dist. I,n. 197, p. 101. 11 y fait observer, par exemple, que la science infuse peut bien être regardée en quoique sorte comme une · révé­ lation >, à cause du sens très ample de ce mot : Quæ cognosceret per scientiam infusam, aliquo modo diceretur scire per revelationem·, mais ce n’est pas la révélation corrélative à la foi, suffisante A l’acte de foi; et pour­ quoi? parce que ce n’est pas une parole de Dieu. Pour qu il y ait parole, il faut que l’on tende directement à manifester sa pensée; or Dieu, en opérant sumaturcllement dans l’intelligence d’Adam, par exemple, dès lo premier instant de sa création, en lui donnant un ensemble de connaissances qui convenait à sa situa­ tion, en mettant dans son âme et dans son cerveau les modifications cpic, suivant les lois du développement psychologique ordinaire, il aurait mis bien du temps à acquérir, en lui donnant ainsi une science infuse, avait simplement l'intention de l'empêcher de traîner une misérable existence, contraire à son heureuse des­ tinée, ct non pas l’intention de lui manifester par ces connaissances sa propre pensée, l’intention de lui parler. Voir Adam, L ï, col. 370, 371. Dès lors que ce n’était pas là une parole de Dieu, la question de véra­ cité divine ne se posait même pas, non est veracitas nisi in locutione, la véracité n’est-cllc pas une confor­ mité de la parole avec la pensée? Ce n’est donc pas sur la véracité divine qu’Adam appuyait alors sa cer­ titude ;il admettait simplement les objets de sa science infuse parce qu’il les voyait ainsi; il n’y avait alors ni témoignage du côté de Dieu ni foi du côté de l’homme : ad objectum fidei requiritur locutio Dei, quia fundatur in veracitate Dei. Lugo, loc. cit. Qu’Il y alt eu par ail­ leurs de véritables témoignages de Dieu donnés au premier homme, nous n’avons garde de le nier, mais c’était alors quelque chose de très différent de la science infuse. 11 ne suffit donc pas, pour expliquer la révélation corrélative à la foi, de décrire les opérations surnatu­ relles par lesquelles Dieu peut amener intérieurement un prophète à former un jugement, comme les a décri­ tes, d'après saint Thomas, le P. Gardeil, Iz donné révélé ct la théologie, leçon u, La révélation, n 3, Parb, 1910, p. 57 sq. Il faut encore, si l’on veut que 128 Dieu parle à ce prophète, ou nous parle par son inter­ médiaire, ct que ce prophète puisse affirmer comme dans Γ Écriture . Hac dicil Dominus, il faut que Dieu lui fasse connaître son intention de manifester sa pensée sur les choses, qu'il interpose son témoignage et sa véracité divine, qu’il fasse appel à la foi ou du prophète ou du moins do ceux à qui il l’envole. Si saint Thomas lui-même ne met pas ce point délicat plus en relief dans ses questions sur la prophétie, c’est qu’alors il ne restreint pas son élude, comme nous, à cette révélation cjul est à la base de l’acte de foi divine,ct qu’il traite du charisme prophétique dans toute son ampleur. « La révélation prophêthpie» dit-il, s'étend soit aux futurs événements humains, soit aux choses divines; ct non seulement aux. choses divines qui sont l'objet de notre foi, mais encore à d’autres mystères plus relevés communiqués aux parfaits » (dans les phénomènes de la mystique). li ajoute que cette révé­ lation dont il parle renferme lo discernement des esprits, ce don surnaturel qui, dans les pensées sc pré­ sentant aux âmes pieuses, leur fait distinguer (sinon avec certitude, du moins avec probabilité, et sans pouvoir faire là-dessus un acte de foi) ce qui est inspiration des bons anges ct illusion du démon. Sum. theot., 11*11·, q. cxxxi, préface avant l’art. 1. On voit que plusieurs des formes de la · révélation prophétique » dont parle saint Thomas sont, par défaut de certitude, insuffisantes à fonder un acte de foi divine. Lui-même le fait remarquer à propos de cette forme qu’il appelle Γ < instinct · prophétique. Avec ce don, le prophète « parfois ne peut pas pleinement dis­ cerner si sa pensée vient d’un instinct divin, ou de son esprit propre. » Au contraire, quand par le canal d’une révélation prophétique Dieu veut adresser la parole aux hommes et faire appel à leur foi, alors < le prophète a une très grande certitude qu’il se passe en lui une révélation divine..., autrement, s’il n’en avait pas lui-même la certitude, la foi (chrétienne), qui s'ap­ puie sur les paroles des prophètes, ne serait pas cer­ taine, » a. 5. Si elle n’était pas certaine, elle ne serait pas la fol; Dieu sc contredirait voulant la foi et n’en donnant pas les moyens. Du reste, Dieu, par ces révélations dont parie saint Thomas ct qui sont de toute sorte, souvent ne sc propose pas d’obtenir l'acte de foi, mais seulement d’étlnircr l’âme d’une demilumière, de la consoler ou de l’éprouver, comme il arrive dans les voies extraordinaires des mysticpics. El même quand la révélation prophétique est destinée à amener les autres à la foi, il n’est pas toujours néces­ saire que le prophète puisse faire lui-même un acte do fol sur ce qu’il annonce; peut-être la connaissance pro­ phétique, intellectuellement plus parfaite, remplacerat-elle pour lui sur ce point la connaissance de foi. Nous voyons une chose semblable dans les anges, quand Dieu les envoie et par eux fait appel à la foi des hommes; l’ange Gabriel fait appui à la fol de Marie, mais lui-même ne peut faire un acte de foi; n’est-il pas dans l’état de béatitude où la fol n’existe plus, ct ce qu’il annonce, ne le voit-il pas dans la suprême révélation de la vision intuitive de Dieu, ct non dans l'obscurité d’un témoignage dlvlu et d’un acte de foi? Cette supposition de Tyrrel n'est donc pas vraie dans sa généralité : · Je présume que ceux qui reçoi­ vent les premiers une révélation divine sont capables de fol dans toute l’acception du mot, bien qu’ils aient pu acquérir la vérité sine prædicante, par une vision intérieure. » Dans la Revue pratique d'apologétique, 15 juillet 1907, p. 501. Tyrrel ne dit cela que. pour arri­ ver à baser toujours la foi sur une vision intérieure, sur une expérience mystique, ct finalement à la con­ fondre avec cette expérience. Aussi ajoute-t-Π (alin d’écartcr toute révélation autre qu'une vision inté- 1’2.) 13O EOI ricure) qu'il ne faut pas imaginer ce don de la révé­ C'est pourquoi le verbe < croire » dans l Écriture a lation · comme venant d'un dehors local ou spatial, ù souvent pour complément grammatical une proposi­ la manière d’un message qui nous arriverait par les sens tion, bien que cette proposition puisse ailleurs être externes, » et il sc moque de la révélation « qui sc fait brièvement rendue par des équivalents plus vagues. entendre du haut des nuages. » Loc. cil. Puis il ajoute Voir col. 63. Dieu témoigne : c’est un jugement tout sans aucune preuve : < La révélation vient du dedans; fait qui nous arrive, un énoncé sur les choses de ce elle est individuelle ct incommunicable. » Recevoir par monde ou celles de l’autre vie; à cc jugement nous l’intermédiaire de l’Église la doctrine, que Dieu a ré­ conformons le nôtre, nous acceptons les vues de Dieu, vélée autrefois,ce n’est donc pas recevoir la révélation nous croyons cc qu'il dit parce que c’est lui qui le dit, corrélative à la foi; pour lui, cette révélation est exclu­ voilà la foi. Les protestants antidogmatiques ct agnos­ tiques, ct après eux les modernistes, ont donc tort de sivement intérieure ct incommunicable : · On peut admettre intellectuellement toute la doctrine apolo­ dire que la foi chrétienne a pour objet la chose en soi gétique ct théologique de l’Église, < t néanmoins par ct non la formule, laquelle ne serait qu’un produit de manque de cette révélation intérieure, n’avoir pas plus de notre esprit, un pur symbole de l’inconnaissable; cfest foi qu’un chien. » Loc. cil., p. 502. Ces aberrations à cet inconnaissable seul que tendrait notre foi, c’est montrent le danger qu’il y a à ramener la révélation à lui seul qui serait vaguement révélé. < C’est des choses un prophétisme tout intérieur et à une communica­ qu’il y a révélation, dit Tyrrel, et non de mots ou de tion de Dieu à l’ànie sans aucun intermédiaire, ce que symboles de choses. » Loc. cil., p. 501. Non, la formule n'a pas fait saint Thomas dans scs questions sur la même, que vous appelez « symbole de chose », appar­ prophétie, puisqu’il a un article pour aflirmer que la tient au donné révélé; c'est bien sur la formule, sur révélation prophétique sc fait par les anges, q. clxxii, l’énoncé, que portent et la révélation divine ct notre a. 2. Elles montrent aussi le danger qu’il y a à ne pas foi. Quant à la chose en soi,elle aussi est objet de révé­ prendre la révélation corrélative à la foi pour ce qu’elle lation ct de foi, mais moins directement, ct par 1 inter­ est, c'est-à-dire pour un témoignage de Dieu. Si médiaire de l’énoncé que Dieu nous a donné; c’est à Tyrrel avait compris qu'elle est un témoignage, il elle comme à un dernier terme que la formule nous n’aurait pas dit qu’elle « vient du dedans », ni qu’elle conduit, mais en nous la faisant connaître, ct non pas est « incommunicable ». Un témoignage est si bien en nous donnant un pur symbole d’une chose incon­ communicable par la parole ou l'écriture que toute naissable. « Si nous formons des énoncés, enunliabtlia, l'histoire est fondée sur d’anciens témoignages, trans­ dit saint Thomas, cc n’est que pour connaître par eux mis par l'historien qui les a recueillis. Si la révélation les choses cllcs-mcmcs, qu’il s’agisse de la science ou corrélative à la foi est un témoignage de Dieu, je puis, de la fol. » Sum. theol., H*ll«,q. i,a. 2, ad 2«.L’énoncé grâce à une transmission historique, la recevoir i n’étant qu’un moyen d’atteindre la chose en soi, der­ aujourd’hui, sans aucune « vision intérieure » et faire nier terme de l’intellect, on peut réserver à cclle-ci le sur cette révélation un acte de foi. Mais, dit Tyrrel, nom d’« objet de la foi » à un titre spécial. Mais il ne vous ne pouvez faire un acte de foi, d’après les Pères, faudrait pas avoir l’air d'exclure les énoncés,en disant, sans un pius credulitatis affectus, sans une < illumi­ par exemple : · Les propositions de la foi ne sont pas nation surnaturelle ». Loc. cil., p. 503. C’est vrai : il l’objet de la foi, » dom A. Lefebvre, L'acte de /oi d'a­ faut la grâce de Dieu pour faire un acte de foi; mais près la doctrine de S. Thomas, 2· édit, 1904. p. 276, cette grâce n'est nullement une révélation, comme ce qui ne pourrait sc justifier que par une figure de vous le dites; cette grâce est invisible, indiscernable, style, une antonomase, dont le sens serait : Les pro­ du moins ordinairement; ce n’est donc pas une « vision positions de la foi ne sont pas l’objet par excellence de intérieure », encore moins un témoignage de Dieu. la foi. Or, il est à craindre, surtout à une époque de modernisme, que ce style figuré ne soit mal compris, J’y trouve un secours pour agir, ct non pas une raison ct ne donne lieu à une exclusion erronée. Et saint de croire ni surtout un motif où intervienne la véra­ Thomas dit formellement : Objectum fidei dupliciter cité de Dieu. La révélation sur laquelle est basée la foi, considerari potest. Uno modo...est aliquid tncomplexum, étant un témoignage où la véracité de Dieu est enga­ scilicet res ipsa de qua fides habetur. Alio modo... gée, ne peut donc aucunement consister dans le pius objectum fidei est aliquid complexum per modum enun­ credulitatis allectus ou désir de croire, ni dans cette illuminatio Spiritus Sancti ou inspiratio qui doit pré­ tiabitis. Sum. theol., 11*11·, q. i, a. 2. Et ailleurs : Alii dixerunt quod... fides non est de cnunhabili, sed céder non seulement l’acte de fol, mais encore tous de re... Sed hoc /alsum apparet : quia cum credere les actes salutaires, tous les actes méritoires des fidè­ les, d’après le concile d’Orangc, can. 7, Benzinger» dicat assensum, non potest esse nisi de compositione η. 180, et celui de Trente, sess. VI, can. 3. Denzinger, in qua verum et /alsum invenitur. Quæst. disp., De n. 813. Nous n’avons pourtant pas une révélation, ver Haie, q. xiv, a. 12. Croire ne peut porter que sur un chaque fois que nous faisons une bonne action, méri­ énoncé, sur cette synthèse du sujet et de l’attribut toire devant Dieu I Reste donc que cette révélation que saint Thomas appelle compositio. 11 n’est d’ail­ sur laquelle est basée notre foi consiste uniquement leurs pas exact de donner seulement < les choses » dans cet ancien témoignage de Dieu, historiquement comme objet aux sciences : les sciences physiques et mathématiques n’ont-elles pas pour objet direct 1rs transmis jusqu’à nous, lequel nous recevons par la fol lois qui sont des énoncés, les théorème s. les formules sans aucune < vision », sans aucun phénomène extraor­ algébriques, etc.? Tout cela a une vraie valeur objec­ dinaire comme ceux des prophètes et des mystiques. tive, en restant mêlé de subjectif, car l’énoncé plus Cf. Études du 5 avril 1908, p. 39-41. ou moins complexe, comme le remarque saint Tho­ ί· conséquence : la révélation corrélative à la foi con­ mas, est pour l’homme sa manière subjective ct néces­ tient des énoncés, des affirmations divines, ct ces saire de connaître les réalités, meme la réalité divine énonces sont l’objet direct de notre foi. Dans tout parfaitement simple. Loc. cil. La révélation d’ici-bas témoignage, l’objet attesté, l’objet que l’on croit sur s’adapte à cette manière de connaître; la vision intui­ la parole du témoin ou des témoins, c’est nécessaire­ tive de Dieu n’aura plus besoin de cet Intermédiaire ment un énoncé, une formule, une proposition : « J’ai de la formule. · Dans la vision de la patrie, ajoute-t-il, vu commettre tel meurtre. Les sources du Nil sont à nous verrons Dieu comme il est en lui-même. I Joa., tel endroit. » Donc la révélation qui s’adresse à notre foi, et notre fol eIle-même, ces deux choses corréla­ ni, 2. Aussi cette vision ne se fera point par manière tives, doivent avoir pour objet direct un énoncé d'énoncé, niais par manière de simple intelligence. comme : «JJésus nous a rachetés; nous ressusciterons. Mais la foi ne saisit pas Dieu, Vérité première, cumme DICT. DE TIIÊ0L. CATHOL, VL - 5 131 FOI 132 il est en lui-même; on ne peut donc, de ce qui sc passe sable, sinon un bon vouloir, un acte d'adoration, la dans la vision, conclure à ce qui sc passe dans la foi. » • consécration à Dieu » de M. Ménégoz et de scs ■ fldéisSum. iheo!., 11*11·, q. i, a. 2, ad 3·». Ainsi la révélation tes », ce vague sentiment par où le modernisme rejoint céleste diffère de la révélation terrestre objet de notre ; le protestantisme libéral, et qui, nous l'avons vu, foi; la première, du reste, n’est pas un témoignage ( n’est la · foi » ni d’après l’Écriture et les Pères, ni comme la seconde. Ces lignes écrites, nous avons : même d’après M. Loisy, qui défend les modernistes retrouvé une semblable critique de ce passage de dom I d’avoir dit que la foi est purement une émotion, une affection. Voir col. 106. Ix'fcbvre chez le professeur Bartmann.de Paderborn, 3· conséquence : les énoncés de la révélation n’ont Ishrbuch der Dogmatik, Fribourg-cn-Brisgau, 1911, pas pour caractère essentiel de se réduire à des règles introduction, c. n, 5 1θ> n. 2, p. 56. lui foi chrétienne ne traite donc pas toute formule ■ de conduite (comme l’a pensé M. Le Boy, voir Dogme, L iv, col. 1586). La révélation est un témoignage de en simple accessoire plus ou moins utile, mais elle Dieu. Parmi les objets que Dieu peut nous attester, il adhère à certains énoncés, comme à son objet propre y a sans doute scs volontés souveraines, les préceptes et direct, parce qu’ils sont révélés; et Pic X a con­ qu’il nous impose, et dans ce cas l'énoncé révélé damné cette théorie symboliste et moderniste : · Le croyant ne doit point adhérer précisément à la for- I prend le caractère d’une règle pratique. Mais le témoi­ gnage, de sa nature, ne consiste pas à n’attester que des mule, en tant que formule, mais en user purement volontés et des préceptes; le témoignage humain |M)ur atteindre à la vérité absolue, que la formule... fait effort pour exprimer, sans y parvenir jamais... | porte même le plus souvent sur des faits qui n’ont rien de commun avec un précepte, ou sur des doctrines Le croyant doit employer ces formules dans la mesure où elles peuvent lui servir, » etc. Encyclique Pascendi, f spéculatives dont témoignent les savants, et que le public accepte sur leur parole; de même la révélation édit, des Questions actuelles, p. 27; Denzinger, n. 2087. Erreur des plus graves, soit en elle-même, soit 1 chrétienne, outre les préceptes, contient des faits et à cause de ses conséquences, qui sont la fausse évolu- , des doctrines qu’on ne peut, sans la violence d’une exégèse intolérable, transformer en règles pratiques. tion et le mépris des dogmes : < Ainsi est ouverte la Par exemple, l’énoncé catégorique : « Jésus est réel­ voie à la variation substantielle des dogmes. Étant lement présent dans l’eucharistie » ne peut se réduire à donné le caractère si précaire et si instable des formules cette règle : < Agissez comme si Jésus était réellement dogmatiques, on comprend Λ merveille que les moder­ présent dans l’eucharistie. » D’ailleurs \'auctoritas Dei nistes les aient en si mince estime, s’ils ne les méprisent revelantis, motif de la foi, ne signifie pas l’autorité du ouvertement*Op. cil.,p.V1; Denzinger,n.2079, 2080. supérieur qui donne des ordres, mais l’autorité du (Scs passages de l’encyclique visent spécialement témoin, et par suite la foi n’est pas une simple obéis­ M. l.oisy, qui avait écrit : · Le fidèle adhère d’inten­ sance de volonté et d’action, mais une croyance. Voir tion à la vérité pleine et absolue que figure Informulé Imparfaite et relative. Adhérer à la formule comme col. 116. Aussi l’Église a-t-elle condamné la propo­ telle, d’un assentiment de foi divine, serait adhérer sition suivante : < Les dogmes de la fol sont à retenir à scs imperfections inévitables, la proclamer imper­ seulement dans leur sens pratique, c’est-à-dire comme fectible et adéquate, bien qu’cllo soit inadéquate et règle obligatoire de conduite, non comme règle de imparfaite. » Autour d'un petit Hure, 1904, p. 206. croyance. » Décret Lamentabili, prop. 26, Denzinger11 ajoute, après l’encyclique : « Va-t-on maintenant Bannwart, n. 2026. enseigner que l’on doit croire à la formule comme Le caractère abstrait de certains énoncés révélés, telle, en la tenant pour la perfection de la vérité des formules dogmatiques de l’Église qui viennent les meme, en sorte que celui qui en entend la signi­ préciser et de l’étude théologique qui semble encore les fication verbale participe directement et pleine­ refroidir et les dessécher, ne les empêchent pas d’avoir ment à la science de Dieu? » Simples réflexions sur une influence salutaire et nécessaire sur la vie reli­ Γencyclique, 1908, p. 177. On voit Ici que M. Loisy gieuse du chrétien. « La science théologique, dit n'avait pas l’idée de ce qu’est < l’assentiment de fol Newman, étant i’cxcrcicc de l’intellect sur les credivine », dont il parlait. S’il avait compris ce terme denda de la révélation, est dans la nature, est excel­ théologique, s’il avait réfléchi que c’est pour les catho­ lente et nécessaire, bien qu'elle ne tende pas directe­ liques un assentiment intellectuel basé sur un témoi­ ment à la dévotion. Elle est dans la nature, parce que gnage de Dieu, il aurait vu que, tout témoignage se l’intelligence est une de nos plus hautes facultés; faisant par manière d’énoncé, c’est h cet énoncé excellente, parce que c’est notre devoir de développer comme tel qu’adhèrent ceux qui croient sur la parole nos facultés avec plénitude; nécessaire, parce que, si du témoin; ils y adhèrent, c’est-à-dire Ils le tiennent nous n’appliquons pas à la vérité révélée notre intel­ pour vrai, sans pour cela prétendre · participer direc­ lect avec justesse, d’autres y exerceront U leur de tement et pleinement à la science de Dieu. » Quand on travers, » etc. Grammar o/ assent, Londres, 1895, ne connaît que par témoignage, on ne participe jamais 1Γ· partie, c. v, § 3, p. 147. La valeur des énoncés que partiellement et indirectement à la science et à dogmatiques abstraits pour atteindre le réel, leur uti­ l’expérience personnelle du témoin Un savant célèbre lité même pour la vie chrétienne et la dévotion, est bien développée contre le modernisme par le P. Chosatteste qu’il a fait telle expérience, répétée dans diffé­ rentes conditions, et qu’il est arrivé à une loi physique sat, voir Dieu, t. iv, col. 815 sq.; par le P. de Poulplexprimée par telle formule; le public adhère à la for­ quet. Le dogme, Paris, 1912, c. i, p. 27 sq. Diverses objections modernistes contre la part que fait l’Église mule sans prétendre par là < participer directement et aux énoncés et aux dogmes ont été réfutées à l’art. pleinement à la science » de celui dont l’autorité, Dogme, t. iv,col. 1591-1596. sans autre preuve, lui fait admettre cette formule, cet énoncé; et il sait bien que la science humaine est per­ 6· conséquence : les énoncés de la révélation sont Immuables; ils ne peuvent, par l’effet du développe­ fectible, que là même où elle est sans erreur elle n’est ment des idées ou par l’action des savants, subir pas sans lacunes, que scs formules les plus vraies sont « inadéquates » parce qu’elles ne disent pas tout sur la une telle évolution qu’ils arrivent à nier ce qu’ils réalité; et nous en disons autant des énoncés de la affirmaient La révélation est un témoignage de Dieu. révélation, tout en adhérant à leur vérité. Qu*cst-cc Or personne ne peut faire varier le témoignage même enfin que cette « adhésion d'intention » donnée par faillible d’un autre, ni surtout le faire passer de M. Loisy · à la vérité pleine et absolue que figure la for­ 1 affirmative à la négative. Que dirait-on d’un greffier mule^ » à la « réalité de l’objet » qui reste inconnais­ do tribunal, qui changerait le contenu d’une dépo- 133 FOI 134 «HIon, sous prétexte de la rapprocher do la vérité même surnaturels, qui pourraient à la rigueur recevoir telle qu’il l'entend lui-même? En histoire, le témoi­ le nom de révélation, il faut distinguer et séparer du gnage d'un chroniqueur ou d’un savant d’autrefois reste la révélation corrélative Λ la foi, celle qui peut doit rester ce qu'il est; nul n’a le droit de faire dire suffire d'objet à un acte de foi chrétienne et salutaire; au témoin autre chose que ce qu’il a dit; pas même e'est la seule que le concile du Vatican entende sous au nom du développement des idées et du progrès des le nom de révélation; Il prend toujours · la révélation · sciences, on n'a le droit de remanier son témoignage, en fonction de la foi. Ne nous noyons donc pas, avec de toucher à son texte authentique et certain. Il se certains modernistes, dans des phénomènes mystiques peut parfois qu’une mauvaise copie ou une mau­ qui ne peuvent servir de bas* à la foi, parce qu’ih vaise version en ait été adoptée, et que la critique ra­ sont ou purement émotionnels, ou d'un caractère mène au texte authentique; il sc peut que la pensée intellectuel trop vague, sans aucun énoncé, sans au­ .soit exprimée d’une manière obscure, et que beaucoup cune certitude, ou enfin d'une origine problématique, l’aient prise à contre sens; alors il peut y avoir pro­ et douteusement divine, quoiqu'ils puissent provenir grès dans l'intelligence du texte, mais la pensée de l'opération surnaturelle de Dieu, qui par eux se était dès le commencement telle qu'on la découvre en­ propose d’atteindre diverses fins, mais non pas cell· fin, clic n'a pas changé en elle-même. Si le modernisme de baser un acte de foi. avait compris que la révélation est un témoignage, b) Cette révélation corrélative à la foi, il faut établir comme le Christ l'a dit lui-même, l’Église n'aurait pns qu'elle n'est pas autre chose qu’un témoignage de eu besoin de condamner cette proposition : « Le Christ Dieu et tirer de cette vérité les conséquences prin­ n'a pas enseigné un corps déterminé de doctrine, appbcipales. Voir plus haut, col. 123 sq. cablo à tous les temps et à tous les hommes, mais il a c) Puisqu'un témoignage est communicable et plutôt inauguré un certain mouvement religieux transmissible, puisque Dieu a voulu que Je sien fût adapté ou qui doit être adapté à la diversité des temps communiqué à toutes les générations, puisqu’il a et des lieux. > Décret Lamentabili, prop. 59, édit, a exigé de tous les chrétiens l’acte de foi basé sur rr des Questions actuelles, p. xni; Denzinger-Bannwart, témoignage même, et ayant pour motif l'autorité n. 2059. Un témoignage n'est pas un mouvement du témoin qui ne peut ni se tromper ni nous tromper qu’on lance, c'est un monument qu'on pose; aussi l'on nous-mêmes nous recevons aujourd'hui une vraie dit : les < monuments » de l'histoire. Lorsque cer­ révélation, c’est-à-dire cette révélation-témoignage taines paroles de Dieu sont obscures, l'Église peut en faite aussi pour nous, et qui nous parvient soit par définir le sens; et quand clic l’a fait, il n'y a pas à lui I la vole historique ordinaire, soit surtout par l'Église demander d'adopter ensuite le sens contraire : étant qui en a la garde. Il parait donc raisonnable, quand infaillible, elle n'a pu sc tromper sur le vrai sens. De on étudie la révélation corrélative à la foi, de com­ là l’immutabilité du Confèrences de Notre-Dame de d< Paris, La foi, carême 1911, 2· édit, note 2 de la n· conférence, p. 383. On dira peut-être que remonter des prophètes aux anges qui leur parlaient ou des apôtres au Christ qui les instruisait, ce n’est que déplacer la difficulté : ne retrouvons-nous pas alors dans le Christ et dans les anges ces phénomènes intérieurs du prophétisme dont nous voulions éviter l’explication, en sorte que touto révélation en dépend nécessairement? Je réponds que nous ne les y retrouvons pas. et que cette dépendance nécessaire n'existe pas. Comment, en effet, le Christ en tant qu’homme puisait-il la révélation aux sources de la divinité? Non point par les complications du pro­ phétisme et sa demi-lumière condamnée à disparaître au ciel. I Cor., xtn, 8-11; mais par la vision intuitive de Dieu, dont son Ame jouissait déjà dans sa vie mor­ telle, d'après le sentiment unanime des théologiens. Cf S. Thomas, Sum. IheoL, Ill·, q. ix, a. 2; q. x. De même pour les anges, qui ont La vision intuitive. Matth., xvm, 10. On volt qu’un des modes (et le prin­ cipal) de la transmission du témoignage divin a con­ sisté en ceci,que la vision intuitive» cette surémtnento • révélation · possédée par le Christ et les anges, a dé­ versé de sa plénitude sur des hommes qui n'en jouis­ saient pas encore pour leur fa’· nvpartagei*quelque chose deson objet par la voie monts parfaite du témoignage, mais d'un témoignage divin,car Dieu témoignait avec son envoyé et parlait par sa bouche. 2° Exposé des systèmes qui ont donné pour base ά la foi chrétienne la < révélation naturelle » sous diverses (ormes. — Dès le xviu· siècle, des protestants gagnés au rationalisme, ennemis du miracle et du surnaturel, cherchèrent à rester malgré cela dans les Églises pro­ testantes, et à garder à leur manière les concepts chré­ tiens de foi et de révélation, en honneur dans ces Églises, et chers aux protestants conservateurs avec lesquels ils voulaient rester en communion, à peu près comme 1<4 modernistes de nos jours ont cherché à rester dans l'Êglise et en ont gardé le langage avec un sens tout différent. Ces protestants donnaient pour toute base a La foi du chrétien ce qu'on peut appeler la < révélation naturelle ». Mais comme on peut entendre sous ce terme un peu vague divers phénomènes mo­ raux ou religieux, les uns s'attachèrent à tel de ces 13G phénomènes, les autres à un autre. Énumérons ces di­ verses formes do la révélation naturelle, avec les sys­ tèmes qui s'y sont rattachés. 1. L*idéal moral. — Kant, en ennemi déchiré du surnaturel, rejette a priori · une triple foi erronée > : la foi aux miracles, la foi aux mystères, la foi à l’effi­ cacité surnaturelle des sacrements. Seule, la foi au Fils de Dieu comme idéal moral de l'humanité a une valeur religieuse : croire ainsi au Christ, c'est vouloir, à son exemple, réaliser en soi l'idéal moral : foi utile et pratique, parce qu'elle contient le principe d’une vie morale et heureuse. Kant, La religion dans les limites de la raison, trad. Lortet, 1812. Cf. Songer, Kant's Lehre vom Glaubcn, 1903, p. 87 sq. Ainsi le bonheur de l’homme est pris arbitrairement pour l'unique lin qui décide de ce qui a une valeur reli­ gieuse et de ce qui n'en a pas; et la foi est confondue avec la volonté postérieure à La foi, avec la volonté d'observer toute la loi morale, de réaliser en soi l’idéal moral; voir au début de cet article le sens du mot • fol ». Dans l'homme-Dicu, poursuit Kant ce qu’atteint la foi, ce n'est pas le phénomène qui tombe sous l'expé­ rience, c'est le prototype qui réside dans notre raison et qu'elle introduit sous ce phénomène; l'objet de la révélation et de h foi qui sauve, c'est ce prototype, cet idéal. Ainsi le Christ historique, d’après Kant, n’est qu'une occasion pour notre raison d’atteindre son propre idéal, et pour notre volonté, de le vouloir; La foi chrétienne ne porte que sur cet idéal rationnel, et le christianisme devient le rationalisme. Dans le même ouvrage de Kant, un autre point fon­ damental est la distinction entre cette « foi de la raison » ou « foi morale > — c'est elle qui constitue la religion pure, c'est-à-dire débarrassée de tout élé­ ment historique et empirique, et elle est sa démons­ tration à elle-même parco qu'elle rend l'homme moral et heureux — et la « foi ecclésiastique » ou < histo­ rique », qui est une fol réglementée, dirigée par une Église et fondée sur des Livres saints, donc fol de sa­ vants et d'exégètes, sans valeur morale par elle-même, plutôt déprimante et gênante, elle n'a qu'une valeur relative (voilà qui est bien arbitraire). Kant accorde pourtant que la · foi de la raison » pour se soutenir a besoin d’être reliée à une · foi historique » et aidée par une Église. Cf. Songer, op. cil., p. 100 sq. De ce concept kantisto de la foi au Christ — non pas au Christ réel, mais à un idéal que nous concevons à propos du Christ — paraît dériver l'usago singulier qu’ont fait les modernistes du mot « foi «pour signifier l’idéalisation d’un fait historique l'auto-suggcstion d'une multitude enthousiaste créant peu à peu une légende autour d'un grand nom, et dénaturant par l’idéal le réel de l’histoire. C'est là ce qu’il faut com­ prendre sous ces expressions onctueuses que lft> mo­ dernistes répétèrent si souvent : « sentiment chrétien, conscience chrétienne, fol des premières générations chrétiennes, » etc. On a pu s’y méprendre pendant longtemps, mais à la fin on y n vu clair avec des expli­ cations commo celles-ci : · Tous les dogmes et ensei­ gnements de l’Église au suj» t de la Vierge Mario pro­ cèdent du sentiment chrétien, non de témoignages historiques.·. Suggestions de la /oi, qui tendent au développement d un ideal religieux et moral. » A. Loisy, Quelques lettres, 1908, p. 77. ■ Je crois en particulier quo les récits de la naissance miraculeuse, dans les Évan­ giles dits de Matthieu et de Luc, sont purement légendaires et que ceux de la résurrection prouvent seulement la foi de l'église apostolique. > Op. cit., p. 252. « Tel est, selon les hétérodoxes, le dévelop­ pement de l'esprit légendaire, ou, comme disent les mystiques de la conscience chrétienne. · Houtin, La question biblique au xx· siède, 190ü, p. 258. Ainsi 137 FOI le modernisme explique-t-il, pour la plus large part, l’évolution des dogmes, ainsi distingue-t-il un Christ de l’histoire et un Christ de la · fol ■. Cf, encyclique Pascendi, édit, des Questions actuelles, p. 13-45; Donzingcr, n. 2076, 2096. 11 peut y avoir aussi en cela une influence de Ritschl. Voir Expérience reli­ gieuse, t. v, col. 1801. 2. La voix de la conscience; la vie morale. — Qtte forme de la révélation naturelle est très voisine de la précédente, puisque l’acte de concevoir un idéal moral est très voisin des actes plus détaillés de la conscience, par lesquels nous jugeons telle ou telle de nos actions, avant de la faire ou après l'avoir faite, moralement bonne ou moralement mauvaise, obli­ gatoire ou prohibée, quelle que soit la théorie psycho­ logique que l'on adopte sur ce fonctionnement de la conscience morale. On peut concéder, en un sens large, que Dieu nous parle par cette · voix » et que par elle il sr révéle à nous comme être souverainement moral et comme auteur de la loi naturelle. — C'est à cet oracle de la conscience que certains protestants ratio­ nalistes ont réduit la < révélation » et ils ont appelé « foi » l’attention et la libre acceptation qu'on hn donne. De même, M. Loisy; pour lui l'expéncncc religieuse, qui est la « révélation » du modernisme, parait se réduire à < l'expérience morale > dont les pro­ grès successifs sont < une véritable illumination de l'intelligence et un affermissement de la conscience. Cette expérience n'est pas autre chose que la vie morale. » Simples ré/lexlons, p. 246. 3. L’idée d'éire, ou d'infini. — Le rationalisme car­ tésien et ontologiste de l’école de Cousin aimait à em­ ployer en philosophie les mots de « révélation > et de • foi » et à présenter la raison humaine, qu'il exaltait outre mesure» comme une parole descendue du ciel, probablement pour suggérer aux catholiques « éclai­ rés » une transformation de leur rcngion, qu'on pour­ rait débarrasser de tout « mysticisme > et ramener à la « religion naturelle > do Jules Simon. · La vie intellec­ tuelle écrit Cousin» est une suite continuelle de croyances, d'ur/rs de foi à l'invisible révélé par le vi­ sible· n i interne révélé par l'externe. Toute pensée, toute parole est un acte de foi un hymne» une reli­ gion tout entière. » Fragments philosophiques,3· édit, 1865, t. i, p. 225. « Nous croyons fermement, même avec le doute philosophique sur les lèvres, à l'existence réelle de tous les objets que (la raison) nous repré­ sente, de la substance dans les phénomènes, de la cause dans les effets, de l’unité dans la variété, de l’identité dans les changements successifs. Chaque idée de la raison est en même temps un acte de foi. et au delà de toutes ces idées..., nous sommes forcés d’admettre encore rexistcnccdcrincomprchcnsible.de l’inconnu..., do l'infini en un mot, regardé à tort tomme une idée distincte de la raison, tandis qu'il en est le fonds commun, et l'objet immédiat do la foi... C'est ainsi que la foi se trouve au fond même de La raison qui lui doit son unité, son sublime commerce avec l'infini, son autorité irrésistible. Elle fait de la raison une parole vivante descendant du ciel dans l’Amo humaine... un véritable médiateur cuire Dieu et l’homme. » Ad. Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, 2· édit., 1875 art Foi p. 545. De cet ontologisme qui n'avait de chrétien que l'apparence on peut raoprochcr I'OTttflogisme n'un véritable chrétien et d'un saint homme.mais mal servi par sa philosophie, Rosmini : « L'être indéterminé, indéniablement connu de toute intelligence, est ce quelque chose do divin qui est manifesté à l’homme dans la nature. » Prop. 4· condamnée par Léon XIII. Dcnzingcr-Bannwart, n. 1894. « L'ordre surnaturel est constitué par la manifestation de l'être, » etc. Prop. 36·, n. 1926. «SR 4. La connaissance naturelle de Dieu ; renseignement d’hommes providentiels. — Un professeur de théolo­ gie protestante à l'université de Halle, grand ennemi du < surnaturalisme », Wegrchefder, voulut appli­ quer méthodiquement à toute In théologie le » ratio­ nalisme chrétien », inauguré en Allemagne A la fin du xvin· siècle par Reimar et Lessing, comme il le re­ marque lui-même. Institutiones theologia Christiana dogmatica, 8· édiL, Leipzig, 1844, p. 39. Son rationa­ lisme « simple et sobre », dit-il, qu'on a voulu ridicu­ liser « en l'appelant vulgaire, maigre, rustique, se met sous le patronage du sens commun... et diffère de cr rationalisme mystique de Schlcicrmacher et de son école, qui restreint l’usage de la raison et prend pour guide un certain sens immédiaL II diffère aussi du rationalisme contemplatif que les adeptes de Schelling et de Hegel habillent diversement, à l'aide de la philo­ sophie spéculative dont ils ont plein La bouche, et surtout de leur théorie de Dieu arrivant à prendre conscience de lui-même dans les ûmes des hommes. Divisés entre eux, ils s'accordent pour attaquer notre rationalisme et prédire sa mort précoce. » Op. cit., p. 53. Et de fait le pauvre Wegschrider, qui manquait de métaphysique nébuleuse, n'est pas arrivé A la célé­ brité de ces gcns-là; mais il faut lui reconnaître h clarté un peu terre à terrr dont il fait profession. D’après lui, il n'y a de solidement prouvée que In ■ révélation naturelle ». Elle se divise en · universelle et particulière». La première, qui éclaire tout homme suffisamment développé, se fait subjectivement par les facultés naturelles de l ame, objectivement par les œuvres de Dieu dans h nature, dont le spectacle amène nos facultés à la connaissance et au culte de Dieu. La révélation particulière « consiste en ce que la providence de Dieu, mais toujours par le cours naturel des événements, suscite de loin en loin des hommes mieux doués que le commun de l'humanité A l’effet de pénétrer les principes de la vraie religion» et de les répandre autour d’eux avec un singulier succès. » Ce sont les envoyés divins, leurs noms sont dans l'histoire, ils ont fait l'éducation religieuse du monde. Et comme le plus parfait de tous est le Christ : • voilà, conclut-il, l'intime et éternelle alliance du christianisme avec le rationalisme · Up. cil., p. 58. 59. I a révélation « universelle » de Wegscheider pourrait aussi s’appeler une révélation par les choses. In révé­ lation « particulière » une révélation par les hommes. M. Harnack, de nos jours, n rejeté la première et retenu la seconde. « 11 n'y a pas, écrit-il, de révélation par les choses. Ce sont des personnes, et avant tout les grands hommes, qui sont les révélateurs de Dieu à l’huma­ nité. » Dans un article de revue, à propos d'une lettre de Guillaume II sur la révélation (février 1903); cité par Houtln, La question biblique au XX· siècle, p. 17. 3°La révélation naturelle, sous scs diverses formes, ne peut suffire à la foi chrétienne. — Pour le montrer, nous n’irons pas chercher d’autre preuve que celle-ci : la révélation nécessaire A lu foi chrétienne, c’est la révéhition-témoignage de Dieu, nous l’avons déjà prouvé : là seulement peut intervenir le motif spé­ cifique de la foi. la véracité divine. Or par ces diverses formes de la révélation naturelle. Dieu ne témoigne pas : elles ne peuvent donc suffire. Cette preuve a l’avan­ tage de rattacher toute cette question difficile à un seul et même concept, déjà solidement établi. Appliquons-la successivement aux diverses formes do la révélation naturelle que l'on n exploitées contre nous en nous servant de la division assez commode de Wegschcidcr. 1. Révélation universelle, prise plutôt du côté subjectif : la raison, la voix de la conscience, les fa­ cultés de l'homme. — Dieu,par le fait qu'il crée et con­ serve ces facultés, nous fait concevoir leurs objets, on 139 FOI peut le dire, mais non pas sa pensée ni son témoi­ gnage sur ces objets; et quand nous concevons natu­ rellement ces objets, par exemple, un idéal moral, ce n’est pas en passant par l'intermédiaire de la véra­ cité divine cl du témoignage divin, auquel nous no pensons même pas. On peut appliquer ù cette con­ naissance naturelle (et à plus forte raison) ce que nous avons dit de la science infuse : elle n’est pas une pa­ role de Dieu et ne donne pas heu à la foi. Voir coi. 127. Si le cartésianisme a prétendu expliquer par le motif de la véracité divine la certitude fondamentale que nous avons delà valeur de notre raison.c'est un cercle vicieux, comme on s'accorde assez à le reconnaître; et quand meme on pourrait sans illogisme faire appel ici à la véracité divine, clic n'est pas le motif qui in­ tervient pratiquement dans la certitude, comme on peut en faire l'expérience. Si saint Augustin, et après lui saint Thomas, Qwest, disp., De veritate, q. xi; De magistro, a. 1, ont dit que Dieu, par le fait qu'il crée notre raison avec sa tendance à former les premiers principes, est un maître qui nous parle et nous en­ seigne, ce n'est IA une « parole » qu'au sens Large et figuré, puisqu'elle n'a pas pour objet direct de nous faire connaître la pensée de Dieu, et que,d'après saint Thomas lui-même, < parler à un autre, ce n'est pas autre chose que manifester le concept do son esprit à cct autre. » Sum. theol., I·, q. cvn, a. 1. Et quand ce serait une parole au sens propre, en tout cas ce ne serait pas un témoignage, où la véracité divine nous apparaisse et nous offre le motif de la foi ; et quand cc serait un enseignement proprement dit, en tout cas cc serait l’enseignement du maître qui amène l'élève â faire lui-même la démonstration intrinsèque et ainsi lui communique la science, et non pas l’enseignement du maître qui témoigne et fait purement appel à la foi. Voir col. 121. Pour la « voix de la conscience », c'est, d'après l'explication scolastique, une conclusion par voie intrinsèque, spontanément et rapidement déduite de principes rationnels et de faits d'expérience, et non pas le résultat d'un témoignage. Que si vous préfériez l’expliquer par l’impératif catégorique de Kant, ce no serait pas non plus le motif du témoignage divin qui lui donnerait sa force, puisque cet impératif fait abstrac­ tion de Dieu, et que l’existence de Dieu ne peut en être conclue que postérieurement, par un raisonne­ ment de la · raison pratique ». Ainsi en serait-il de toute autre explication intuitionniste de la conscience morale : une intuition est l’opposé d’une croyance au témoignage. 2. Révélation universelle prise plutôt du côté objeclif : l’être, l’absolu, l’infini qui apparaît à notre raison; le spectacle de l'univers, qui conduit à son au­ teur. — Avoir l’idée de l’être en général, cc n’est pas avoir l’idée de Dieu ni connaître son existence et sa nature. Voir Ontologisme. Et quand cc serait con­ naître sa nature, ce serait la connaître immédiate­ ment et Intrinsèquement dans l'idée d’être ou d’infini, comme le veulent les ontologistes et non pas par la vole du témoignage, qui est médiate et extrinsèque. — Dans le spectacle de la nature sc révèlent, avec l’exis­ tence de Dieu, ses attributs de sagesse, de grandeur, etc. Cf. Ps. xvm, 2. Mais ces œuvres de Dieu ne sont pas une parole proprement dite, qui puisse nous té­ moigner de sa pensée intime sur lui-même et scs attributs, en sorte qu’il y ait Heu à cette question : Ix témoignage de Dieu est-il ici conforme à sa pensée? (piestion résolue par La véracité divine, motif de notre fol. Et pourquoi les étoiles, les plantes et autres œuvres de Dieu ne sont-elles pas proprement une parole? Parce que leur fin principale n’est pas d’être un langage, de signifier la pensée de quelqu’un; chacune a sa fin propre, très différente de cela. Et quoiqu’on puisse les prendre secondairement comme signes nous condui­ 140 sant à Dieu, ce sont ΙΛ signes naturels, qui condui­ sent à une chose et non ù une pensée, et où la question de véracité ne peut sc poser; elle ne se pose réelle­ ment que dans les signes conventionnels tels que nos langues humaines, systèmes de signes destinés avant tout â signifier, dont la fin objective et normale est de faire connaître notre pensée, et qu’il arrive à l’être libre d’employer soit pour atteindre cette fin nor­ male, soit au contraire pour tromper les autres sur sa propre pensée et indirectement sur les choses. · La vé­ racité, qui est une vertu de la volonté, consiste en cc qu’on a l’intention d’employer des signes qui mani­ festent ce qu’on a dans l’esprit, comme le mensonge consiste dans l'intention d’employer des signes qui ne soient pas conformes â la pensée du menteur; bref, la véracité et le mensonge supposent l’intention de choisir des signes pour manifester le vrai ou le faux; enlevez cette intention de la volonté, vous détruisez h notion de véracité ou de mensonge. Voir S. 'Ihomas, Sum. theol., II· II·, q. ex, a. 1. Or les seuls signes conventionnels, et non pas les signes naturels, ont la propriété de pouvoir être appliqués à volonté et par intention ù signifier ou le vrai ou le faux... Si les signes naturels ne sont pas aptes par eux-mêmes â faire inter­ venir la véracité de Dieu ou auctoritas Dei revelantis, concluons que l’assentiment qui s’y appuie n’est pas un assentiment de foi. » Wilmers, De fide divina, Ratisbonne, 1902, p. 77. 3. Révélation particulière : grands hommes, révé­ lateurs de Dieu à l’humanité. — Ici, grâce à cct intermédiaire humain, nous avons des signes conven­ tionnels, une parole, un enseignement, et nous pou­ vons avoir un témoignage : mais encore faut-il que ce témoignage soit divin et nous soit connu comme tel, puisque le motif spécifique de la foi n’est pas l’autorité d’un homme, mais celle de Dieu qui révèle. Pour que le témoignage sorti des lèvres de l’homme nous arrive comme divin, il faut donc plusieurs conditions : que l’homme soit ici un simple agent de transmission;que, par une intervention spéciale, Dieu lui fasse savoir cc qu'il doit promulguer en son nom, et veille ensuite ù ce que la transmission soit fidèle; enfin, quo nous soyons avertis et assurés de cette intervention divine par des preuves certaines, de manière à pouvoir baser notre fol ferme sur la science et la véracité de Dieu même, sans cela pas de foi divine. Le Christ, d’ail­ leurs, prend soin de signaler toutes ces conditions dans renseignement qui sort de scs lèvres humaines. On entend l’homme, mais c’est Dieu qui parle par sa bouche, Dieu qui a déterminé cc qu’il fallait dire au genre humain : · Ma doctrine n'est pas do moi, mais de celui qui m’a envoyé. » Joa., vu, 16. < Celui qui croit en mol, croit non pas en mol, mais en celui qui m’a envoyé... Car je n'ai point parlé de moi-même; mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et cc que je dois enseigner. » Joa., xii, 44, 49, 50. Et comment pouvons-nous savoir qu’il n’y a pas erreur dans la transmission? A cause de l’as­ sistance spéciale que Dieu donne à son envoyé pour cela : < Comme mon Père m’a enseigné, ainsi je parle. Et celui qui m’a envoyé est avec moi,et il ne m’a pas laissé seul. » Joa., vin, 28, 29; cf. 16. « Dieu est avec quelqu’un, » locution biblique pour exprimer une assis­ tance divine spéciale et suivie d’un heureux succès. Enfin le Christ ne sc contente pas d’affirmer tout cela, H le prouve par scs miracles, sans oublier le miracle moral de sa doctrine splendide et de sa sainteté. Joa., in, 2; v, 36; x, 37; xi, 42; Matth., xi, 2 sq. Venons maintenant à ces grands hommes, dont le rationalisme a fait < les révélateurs de Dieu Λ l’huinaI nité. » Les uns, comme Socrate ou Platon, ont eu sur ’ la divinité un enseignement plus pur que leurs devan­ ciers, et ont pu exercer sur la philosophie une heureuse 141 FOI in fluence ; mais Ils ne sc sont pas même donnés comme envoyés de Dieu, parlant en son nom; la · révélation · qu’ils ont fournie ne pouvait donc être un témoignage de Dieu, ni l'adhésion à leur enseignement ne pou­ vait être la foi diuine que nous cherchons. Les autres, comme Moïse ou Mahomet, ont afllrmé une mission surnaturelle et prophétique : mais a· n’est pas tout d'afllnner cc fait mystérieux, il faut le prouver,autre­ ment nous serions à la merci du premier venu, illu­ sionné ou trompeur, et, sous couleur d’obéir à Dieu (pii parle, nous ferlons même injure à Dieu, en nous exposant à confondre avec une parole purement hu­ maine sa parole sacrée, à dégrader La majesté infinie de son témoignage, et à lui faire patronner l'erreur comme un faux témoin. Or le rationalisme, en rejetant tout miracle, supprime la seule preuve qui pourrait nous garantir la mission surnaturelle prétendue. En effet, le miracle supprimé, , on eut une autre espèce de révélation im­ pourrait-il passer celle-là sous silence? Et puis nous médiate ct intérieure, où le fait miraculeux était demanderons à chacun d'eux ce qu’ü entend par ces termes de révélation immédiate ou personnelle. Si c’est remplacé par un phénomène absolument ordinaire et normal : idéal conçu par notre raison, voix de la la révélation naturelle de la raison,de la conscience, conscience,etc. Voir col. 136 sq. De tels phénomènes sc nous avons déjà montré qu’elle ne peut suffire à la fol passent aujourd’hui mime, et sont évidemment per­ chrétienne. Si c’est une extraordinaire commotion sonnels à cluuun de nous. Ceux-là seuls, parmi les (psychique ou miraculeuse) sans aucune affirmation rationalistes, qui parlent de «révélation par les grands divine, ct que l’homme interprète à sa façon par des hommes, » conçoivent encore la révélation comme un affirmations sans valeur objective (Tyrrel), nous fait ancien dont bénéficient, à leur manière, les âges avons déjà répondu en prouvant que le motif de la suivants, comme un fait particulier à quelques-uns et foi chrétienne est le témoignage de Dieu, l’affirmation dont profitent tous les autres. D’autres exigent qu’à de Dieu,et que la «révélation » qui s’adresse à notre foi ce fait ancien vienne sc joindre un fait nouveau du n’est autre chose que cette affirmation ct ce témoi­ meme ordre : « Ne crois pas, ô mon frère, s’écrie gnage. Si c’est une affirmation de Dieu lui-même, Aug. Sabatier, que les prophètes ct les initiateurs communiquée sumaturcllement ct directement au t’aient transmis leurs expériences pour te dispenser de fidèle, comme l’entendent les sectes illuminées du faire les tiennes... Les révélations du passé ne sc dé­ protestantisme, nous ferons remarquer combien montrent efficaces et réelles que si elles te rendent ca­ dangereux serait un état de choses où tous les chré­ pable de recevoir la révélation personnelle que Dieu tiens, à toute époque de l’histoire, même les plus gros­ te réserve··. Ainsi la révélation divine qui ne sc réalise siers ct les plus ignorants, auraient le droit de se consi­ pas en nous et n’y devient pas immédiate, n’existe dérer comme des prophètes infaillibles ct inspirés : point pour nous. » Esquisse, p. 58, 59. Ce mot de de Là ces horreurs du fanatisme, que nous lisons dans « révélation ■ et le terme encore plus vague d’« expé­ l’histoire des sectes. 11 y aurait aussi là une excessive rience religieuse » servent par leur ambiguité aux pro­ et inutile multiplication de miracles intérieurs; l’huma­ testants modernes, pour établir, dans une nu me secte, nité peut avoir la révélation surnaturelle à meilleur une sorte d’unité apparente. Qu’il s’agisse de « révé­ compte, en la recevant simplement par intermédiaires. lation » faite immédiatement au Christ ou aux pro- i D’autant plus qu’il faudrait encore des miracles pbètes ou à nous-mêmes, les uns, surnaturalistes et extérieurs, pour prouver ce charisme intérieur à ceux conservateurs, entendent par là un phénomène vrai­ qui.au nom de la raison, refuseraient de l’admettre; ment miraculeux, inexplicable par les causes natu- ! Luther lui-même, et à juste titre, demandait aux ana­ relies; les autres, natui.ilistcs et libéraux, entendent baptistes des miracles, pour prouver la mission qu’ils sous le même mut un phénomène franchement naturel s’arrogeaient en vertu de prétendues révélations per­ ct ordinaire à tous les hommes, comme la voix de sonnelles : ct cela sc retournait contre lui. Voir Dela conscience;d’autres enfin, un fait indécis,situé sur nlilc, Luther et le luthéranisme, trad. Paqulcr, 1912, les confins du surnaturel, un phénomène psychique L ni, p. 257-261. Non, la sagesse divine n’a pu établir et anormal, comme ces faits de commotion ct de con­ une espèce de christianisme aussi funeste:des révé­ version subite chers à beaucoup de protestants et ra­ lations que chacun ait le droit de supposer en soi sans contés par \V. James, qui les explique naturellement, en fournir aux autres la preuve; des états anormaux sans décourager pourtant les bonnes âmes préférant devenant la fol normale; l’exaltation ct le trouble jetés y voir du ‘urnatureL Voir Expérience hcuoieuse, dans une foule d’âmes faibles ct maladives; tant de t. v, col. 1803, 1804. portes ouvertes sur la folle et sur le crime I Voir Expe­ La qui stion de la révélation immédiate ct person­ rience religieuse, t. v, col. 1831. Enfin de (piclque nelle, dans ses rapports avec la foi, vaut donc qu’on façon naturelle ou surnaturelle que l’on conçoive cette s’y arrête. Distinguons d abord entre connaissance révélation immédiatement donnée à chacun, elle immédiate et révélation Immédiate. La foi, puisqu’elle aurait peine à coexister en pratique avec une société n’afilrmc une vérité qu’en passant par l’intermédiaire religieuse, une autorité, une hiérarchie, des Institu­ du témoignage divin, ne peut être une connaissance tions liturgiques. Voir Ibid., col. 1830. ,Or, ces institu­ Immédiat». Voir col. 107 eq· Mais elle peut s’appuyer tions, ces liens sociaux sont nécessaires à l'homme sur une révélation immédiate ct personnelle; elle sc et voulus de Dieu; leur nécessité est reconnue même prête également aux diverses présentations du témoi­ par des penseurs étrangers au catholicisme. « læs gnage divin. Abraham n’est-il pas donné par l’apôtre choses communes, actes, croyances, symboles, insti­ comme le prototype de h foi qui sert à la justification tutions, sont une partie essentielle de la religion, même et au salut. Boni., iv, 4, sq.? Or l’acte de foi loué ici sous sa forme personnelle... Si le sentiment est l’âme par 1 apôtre portait sur une révélation faite Immé­ de la religion, les croyances ct les institutions en sont diatement tt |«rsonnclkmcnt à Abraham, 18-22. le corps; ct il n’y a de vie en cc monde que pour des Cf. Gcn., xv, I 6. Vue tille révélation, avec les condi­ âmes unies à des corps. »E. Boutroux, dans la Revue 14Γ FOI de métaphysique cl de morale, janvier 1908, p. 27. ■ La re­ ligion est-elle ou un tait Individuel, ou un fait social?... Le Christ a-t-il voulu fonder une religion individua­ liste? A cette double question, j’ai toujours répondu : La religion est un fait social; la religion chrétienne est une société universelle, qui tient du Christ le prin­ cipe de son institution et de sa foi. » A. Misy, Simples réflexions, p. 115. C'est une conception très forte de la religion conum société qui a rapproché Urunetièrc du catholicisme. — L Individualisme religieux, si par Impossible II venait à triompher partout, s’il produi­ sait le grand naufrage de s dogmes et des institutions ecclésiastiques, serait condamné à disparaître bientôt lui-même, dernière écume de la vague où sombrerait la religion. Les sectaires antireligieux le sentent fort bien, et ne craignent guère cet individualisme protes­ tant ou moderniste quI, à la manière d’un dissolvant, travaille pour eux. 5° Les révélations privées ct la foi chrétienne. — Appuyer la foi de tout chrétien sur une prétendue révé­ lation personnelle ct privée; confondre la révéla­ tion, base nécessaire de notre foi ct lien social de l’Égiisc, avec les voies extraordinaires de la mys­ tique ct les illuminations de luxe, c’est un trait carao téristlque du modernisme, et cette erreur nouvelle donne une nouvelle Importance à la vieille question théologique des « révélations privées », dans leur rapport avec la loi. La révélation « immédiate >, c’cst-à-dirc faite sans intermédiaire humain, n’est pas toujours c privée >· Tout dépend ici de l’intention divine, suffisamment manifestée. Si Dieu parle directement à un seul, mais pour tous, c’est-ù-dire avec l’intention que cette ré­ vélation soit communiquée à tous ct fasse partie de l’ensemble de vérités que tous les chrétiens devront croire, explicitement ou implicitement, une telle révé­ lation immédiate ne devrait pas être dite < privée », mais · publique » ù raison de sa destination. Ainsi, des révélations successives faites aux envoyés divins, à Abraham, à Moïse, aux prophètes, aux apôtres, sont venues grossir le « dépôt de la foi », le patrimoine futur de la religion chrétienne. A côté, il y a place pour d’autres révélations immédiates, faites non pas seule­ ment à un seul, mais pour lui seul, et sans intention de les introduire dans le dépôt de la foi : cc sont les révélations privées. Le concile de Trente les suppose possibles même aujourd’hui, quand il dit que per­ sonne ne peut savoir avr c une absolue certitude qu’il aura le don de la persévérance Anale « à moins de l’avoir appris par une révélation spéciale. * Scss. VI, can. 16, Denzinger, n. 826. A quoi reconnaître qu’une révélation est < privée »? Dans le cas précédent, où quelqu’un reçoit du ciel l’as­ surance de sa persévérance et de son salut, on voit assez par la nature même de l’objet révélé qu’il s’agit, dans l’intention divine, d’un bien purement personne et non d’un bien général, (pie la révélation Ici n’est pas pour tous. Toutefois ce critère interne n’est pas Λ lui seul ct pour tous les temps un suffisant Indice. Car des révélations (pii seraient privées, ù ne considérer que la nature de leur objet, mais (pii ont été consi­ gnées ensuite dans la sainte Écriture, sont entrées par là même dans le dépôt de la foi, que Dieu destine à tous. Dominique Gravinn. dans un bon ouvrage sur les révélations privées, en fait la remarque : · Nous croyons maintenant de fol catholique beaucoup de faits particuliers racontés dans les Écritures, parce qu’ils ont revêtu la forme publique de la foi, in publicam formam transierunt crcdcndi, étant écrits dans les livres inspirés, bien qu’ils n’appartiennent que secondairement à la foi catholique, d’après saint Thomas; les nicr blesserait la foi, car une telle négation tendrait à conclure que l’Écriture est fausse. Voir Sum. 14G theol., II·II·, q. Π, a. 5. » Gravlna, Ad discernendas ve­ ras a falsis visionibus et revelationibus... lapis /ydius, Naples, 1638, part. 1,1. I, p. 84. Mais nous avons un autre critère des plus simples, qui nous permet de ranger en bloc parmi les révéla­ tions privées toutes les révélations Immédiates à partir du moment où fut close l'ère de la composition des livres Inspires. Il est fondé sur ce principe, que le patri­ moine de la révélation commune à tous 1rs chrétiens, le < dépôt de la foi », ne s’iaugmente plus depuis la mort des apôtres. A la suite du concile de Trente, le condle du \atican déclare que la révélation surnaturelle, base de notre foi, < est contenue dans les Écritures, ct dans les traditions non écrites, reçues par les apôtres de la bouche du Christ, ou dictées aux apôtres par le Saint-Esprit » Scss. 111, c. n, Denzinger, n. 1787. Ainsi le dépôt de la révélation est clos en même temps que l’ère apostolique. Cette vérité a été attaquée par des modernistes qui voulaient fonder notre fol religieuse sur une révélation personnelle, et dont on a condamné la proposition suivante : · La révélation qui constitue l’objet de la foi catholique n’a pas été terminée avec les apôtres, non fuit cum apostolis completa. > Décret Lamentabili, prop. 21, Denzinger, η. 2021. En vain, M. Loisy proteste : « L’idée de marquer un terme à la révélation divine est toute mécanique ct artificielle. Inutile d’observer qu’elle est étrangère aux apôtres; mais elle est en rap­ port avec l’idée, non moins mécanique et toute mythologique, disons enfantine, qu’on se forme de la révélation elle-même. » Simples réflexions, p. 58. L’idée d’une révélation purement médiate, avec trans­ mission historique, est au contraire très simple, très rationnelle, et n’a rien de mécanique ni d’enfantin. Quant au terme de cette révélation, cc n’est pas nous qui le marquons artificiellement, ct cc n’est pas une idée étrangère aux apôtres. Voir Franzclin, De tradi­ tione, thés, xxn, 2· édit., Rome, 1875, p. 268 sq.; Pal­ mieri, De romano pontifier, 2· édit- Prato, 1891, p. 187189. Quand les Pères disent que notre fol est » aposto­ lique ». ils expriment ce fait même : tout nous vient des apôtres en fait de révélation ct de fol, rien après eux; ù eux il faut sans cesse remonter. Voir Dogme, t. iv, col. 1600 sq. Enfin, il serait facile de montrer que nos grands mystiques ont toujours reconnu cette vérité : ce n’est pas sur leurs révélations personnelles qu’ils basaient leur fol chrétienne, c’cst sur l’Écriture ct l’ancienne tradition, interprétées par l’Égiisc; et le modernisme a tort de sc réclamer parfois de ces saints ct de ces saintes, quand il cherche ù fonder la fol ct la religion sur une révélation immédiate faite à chaque fidèle. Entre la révélation publique, objet de notre foi, ct une simple révélation privée, il y a une autre différence du côté de la transmission ct de l’assistance divine qui la protège. Quand Dieu donnait à un envoyé la mission de parler en son nom ct par lù faisait appel à la foi de • tous, il l’empêchait d’y mêler des erreurs, il l’assistait sumaturcllement pour que scs paroles, écrites ou non, fussent vraiment la parole de Dieu. Voir col. 128. 11 n’en est pas ainsi, quand un mystique raconte ou écrit les révélations privées qu’il a cru recevoir à divers mo­ ments de sa vie; même dans l’hypothèse où cc furent de vraies révélations, la transmission exacte n’est pas garantie, et des erreurs peuvent s’y mêler, soit défaut de mémoire, soit difficulté de distinguer entre le mo­ ment précis de la révélation ct le moment suivant où l’homme a pu ajouter du sien. Voir AqrÉda (Marie d"), 1.1, col. 629. Et en général, l’expérience des mystiques est souvent difficile à communiquer aux autres; il suffit qu’elle leur serve Λ eux, c’est ordinairement son but principal. Aussi l’émotion, l’aÎTrction y jouent souvent un plus grand rôle (pie l’affirmation. Au Benoit XIV, op. cil., 1. II, c. xxxn, n. 11, 12, trad, franç., 5· édit., 1897, c. x, p. 117. Cf. p. 114. p. 300, 301. Cf. Dogme, t. iv, col. 1577. Et Pic X, vers D’autre part, l’Église, après avoir longuement examiné la fin de son encyclique contre le modernisme, après et suffisamment vérifié certaines révélations privées, avoir rappelé que l’autorité ecclésiastique ne permet de Jeter ccs révélations dans le public qu’avec beau­ s'en est servie pour la direction de quelques-uns de us actes, ad humanorum actuum directionem, comme coup de précautions, ajoute : · Encore l’Église ne sc portc-t-cllc pas garante, même dans cc cas, de la vé­ d’institut r une fetr ou des dévotions, dont l’objet sc juslifir d'ailleurs indépendamment de la révélation rité du fait; simplement clic n'empêche pas de croire privée, par d< s principes tirés de la révélation publique des choses auxquelles les motifs de fol humaine ne font pas défauL > Encyclique Pascendi, édit, des Questions et de la fol chrétienne (Institution de la fête du Saintactuelles, p. 85. Lors même que l’Église concède à Sacrement, de la dévotion au Sacré-Cœur. etc.). Voir Can h tACRf de Jf.svs, Lin, col. 293. Cette Influence quelque apparition une fête, un office liturgique, elle reconnue exceptionnellement par la hiérarchie à de J ne couvre pas de son Infaillibilité le fait en question ; simples Iniques, à des femmes, rappelle à tous que I se trouvftt-ü faux, le culte qu’elle autorise atteindrait U toute-puissance de Ditu brille dans les faibles ins­ I toujours un objet réel, c’est-à-dire la personne à qui il 149 FOI est principalement adressé; car cc culte n'honoré le fait particulier (soit une apparition de la Vierge) que relativement et conditionnellement; la personne seule (la Vierge) est honorée inconditionnellement et abso­ lument. Ce culte, « en tant qu'absolu, ne peut jamais s’appuyer que sur la vérité, attendu qu’il s’adresse à la personne même des saints que l’on veut honorer. Il en faut dire autant des reliques. · Encyclique, loc. eit. Si la probabilité même venait û manquer, tout culte, même relatif,devrait cesser; ainsi arrive-t-il que des reliques, reconnues fausses, soient soustraites par l’autorité ecclésiastique à la vénération des fidèles. Λ ces principes communément admis sur les révé­ lations privées, les théologiens, dans le traité de la foi, ont ajouté une controverse un peu confuse, qui roule sur la possibilité de croire par un véritable acte de foi théologale Λ une révélation privée. L’école thomiste, assez généralement, nie cette possibilité; beaucoup d’autres théologiens l'affirment, avec plus de raison, cc semble. Comme exemple de la première opinion, écoutons les carmes de Salamanque. Saint Thomas, disent-ils, n’a-t-il pas ces paroles : « Notre fol s'appuie sur la révélation faite aux prophètes et aux apôtres, qui ont écrit les livres canoniques, et non sur la révé­ lation qui a pu être faite à d'autres docteurs? » Sum. theol., I·, q. i, a. 8, ad 2UO». Oui, après la mort des apôtres, il n'y a plus de révélation publique, voir col. 146, et la révélation publique, à l’exclusion de la révélation privée, est la condition normale et ordinaire de la fol. Mais cela empêche-t-il qu'en des cas excep­ tionnels on puisse faire un acte de foi théologale sur un objet de révélation privée? N'a-t-on pas alors le motif spécifique de cette foi, tel que le donne le concile du Vatican : auctoritas Dei revelantis? La vertu infuse de fol s’étendrait donc accidentellement à cet objet secon­ daire, et on ne peut prouver l’impossibilité de cette hypothèse simple et commode. Prenons ccs cas excep­ tionnels, disent les Salmanticcnses. C’est en somme le cas du prophète : or c'est par la connaissance prophé­ tique, essentiellement différente de la foi, que le pro­ phète voit et donne son assentiment à cc qu’il volt; dès lors il n'est pas tenu d’y donner en même temps une autre espèce d’assentiment, à moins d’un pré­ cepte spécial que l'on ne peut supposer toujours. Cursus theol., De fide, disp. I, n. 110 sq., Paris, 1879, t. xi, p. 52, 53. D’abord, répondons-nous, ces cas ex­ ceptionnels ne sc réduisent pas tous au cas du pro­ phète; il y a aussi le cas d’une personne qui, par des motifs de crédibilité relativement suffisants, est arrivée à sc convaincre de la vérité d'une révélation, d’une apparition faite à une autre; elle n'était pas tenue de s'en occuper, mais elle a pu s’en occuper, et y croire. Ensuite, le prophète lui-même, c’est-à-dire celui qui a une révélation immédiate, peut, sinon au moment même de la connaissance prophétique, du moins après, faire l’acte de fol divine; autrement, comment saint Paul nous parlerait-il de la foi d’Abraham, modèle de la nôtre? Qu’il y ait des révé­ lations privées où manque quelqu’une des conditions de l’acte de fol théologale, obscurité, liberté ou rapport de l’objet révélé avec Dieu, nous l’accordons volontiers aux théologiens de Salamanque : mais ne peut-il y en avoir une autre où rien ne manque des conditions exi­ gées? — Oui, finissent-ils par dire. Dieu peut, s’il le veut, donner une semblable révélation privée; et alors elle pourra être l’objet d'un acte de fol théologale; les thomistes, déicnscurs de notre opinion, le concèdent. Loc. cil., n. 115. Nous voilé donc tous d’accord; et j’ajoute que saint Thomas, qu’on nous objecte, admet une pareille révélation, suivie de l’acte de foi théolo­ gale, dans le cas d’un païen honnête et non évangélisé, qui Ignore, sans faute de sa part, la révélation publique, les prophètes, les apôtres et l’Église. Quæst. disp., De 150 veritate, q. xiv, a. 11, ad 1 ··. Ainsi encore aujourd’hui un moyen extraordinaire de fol et de salut peut se trou­ ver, d’après le saint docteur, dans une révélation im­ médiate et personnelle, laquelle doit être rangée dans les révélations privées, puisque l’ère des révélations publiques est close. Quant aux textes s Tipturaires invoqués par les défenseurs de notre opinion, ils ne la prouvent pas; il y est question de révélations immé­ diates, mais non privées. Schifflni, De virtutibus infu­ sis, η. 85, p. 135. V. Rôle de l'Église dans la foi. — La révélation sur laquelle est basée normalement la fol chrétienne est une révélation ancienne, dont les diverses étayas se sont terminées à la mort des apôtres et qui nous arrive par intermédiaires. Voilà un point déjà prouvé, qui précise le rôle de l’Église dans cette révélation pu­ blique, base de la foi. Cc rôle ne consistera pas à prophétiser, à écrire de nouveaux livres inspirés, à ajouter aux anciennes révélations d’autres documents qui aient la même valeur de témoignage divin : il ne pourra consister qu’à conserver les anciennes révé­ lations, le « dépôt de la foi », à les interpréter, à les appliquer aux besoins des temps nouveaux. Ce rôle est très grand, et nous devrons le défendre contre ceux qui ont tenté de le supprimer ou de l'amoindrit : mais il a, comme on le voit, scs limites et ses restrictions nécessaires, que nous devrons ensuite établir contre certaines exagérations. De là deux parties dans notre travail, l’une positive, l’autre négative. /. GHANOBUn DU HÔLE DE L'ÉGUSÉ DABS LA FOI.— Pour nous en rendre compte, nous devons considérer l’Église : 1° comme une grande société humaine; 2° comme infaillible ; 3® nous conclurons en expliquant comment l’Église est la régie de foi. 1° L* Église comme société humaine, son infaillibilité mise à part. — C’est ainsi qu’elle se présente d’abord à l'observateur, et qu’on doit d’abord la considérer en apologétique, pour éviter le cercle vicieux qui prouverait la valeur des Livres saints par l’infaillibilité de l’Église qui les transmet, et l’infaillibilité de l'Église par la valeur des mêmes Livres saints qui l’attestent, a par b et b par a, ce qui reviendrait à prouver a par a, c’cst-à-dirc à l'affirmer sans preuve. Quand donc, pour prouver l’authenticité de nos Évangiles, sources de la foi, nous faisons appel à l'Église de la seconde moitié du il® siècle, qui l’affirme par b voix de ses princi­ paux docteurs en Orient et en Occident, alors nous prenons l’Église comme une grande société religieuse et traditionnelle, gardienne fidèle de scs livres sacrés, ainsi que nous prendrions la société musulmane comme témoin de l’authenticité du Coran. Pour prouver cette authenticité, dit le cardinal de b Luzerne,nous argu­ mentons · du témoignage de l’Église, non pas de l’Église comme juge infaillible, mais de l’Église comme témoin constant cl perpétuel depuis b publication de ccs livres, et comme les ayant toujours regardés comme sa loi. C’est ainsi que nous sommes sûrs que 1'Alcoran est véritablement de Mahomet, c’est ainsi que nous connaissons l’authenticité de tous les livres quelconques. » Dissertation sur les Églises, c. x, n. 35, Œuvres, édit. Aligne, 1855, t. n, p. 491. Partant de ces livres dont l’authenticité ou b valeur historique nous est ainsi connue, et de quelques-uns de leurs passages assez clairs par eux-mêmes sans en demander à l’Église une infaillible Interprétation, nous pouvons arriver légitimement à l’infaillibilité ecclésiastique, à l’Église considérée plus profondément et sous un autre aspect, et faisant comme un personnage diffé­ rent, ce qui n’est pas prouver a par a. Voir Franzclin, De traditione, 2· édit., Rome, 1875, p. 61-63. Déjà les Pères invoquaient ainsi l’autorité humaine de l'Eglise pour prouver l’authenticité, ainsi que l’état suffisant de conservation, des livres qui contiennent 131 FOI 152 testants, après avoir rejeté d’abord radicalement la k dépôt Je b Mi : · Qui pourrait, sinon aveuglé par un< étrange fureur, prétendre que l’Églisc des apôtres tradition ct les Pères pour exalter lu seule Écriture, ont n’a pu obtenir un accord assc z sûr et asse z nombreux peu à peu accepté l'ancienne tradition ecclésiastique entre Ils frères pour transmettre fidèlement kurs au point de vue purement historique, et île nos Jours toits à la postérité, quand elle conservait par une plusieurs d'entre eux en font l’objet du remarquables succession très certaine leurs chaires jusqu'aux travaux. Mais il faut aller plus loin et prendre encore évêques d'aujourd'hui, et quand cette fidèle transmis­ la tradition de l’Églisc ou point de vue théologique, sion des écrits est si facile pour les œuvres de toute c’est-à-dire avec l’autorité nouvelle que lui donne l’in fail libilitc surnaturelle de l’Églisc. sorte d'écrivains, soit dans l’Églisc, soit hors de Cette infaillibilité,avec sa cause qui est l’assistance l’Égli c? » S. Augustin, Contra Faustum, i. XXX111, du Saint-Esprit, nous venons de la voir mentionnée c. \r, /’■ L., t. xi.n, epL 511; cf. I. XI, c. n, col. 2*15. à la lin du u* siècle par Tertullien. Déjà saint irénée En ce sens il écrit ailleurs : « Sans l’autorité de l’Églisc catholique je ne croirais pas à l‘Évangile. > Cont. avait dit du collège des évêques : « Avec la succession eptd. tundam., c. v, P. L, t. xui, col. 176. Ce n’est de l'épiscopat ils ont reçu un charisme qui donne la pas seulement les Livres saints que celte société nous certitude de la vérité, » charisma veritatis certum. Coni, garantit, mais aussi scs institutions fondamentales, la hier., 1. IV, c. xxvi, n. 2, P. G., t. vu, col. 1053. Pour pratique ancienne et constante de scs rites sacrés. de plus amples preuves, tant scripturaires < pie pat risCe qui augmente beaucoup la valeur de ce témoi­ tiques, de l’infaillibilité de l’Églisc, voir Église, gnage humain de ΓÉglise des premiers siècles, ce sont t. iv, col. 2175 sq. Pour comprendre combien cette scs qualités ct les conditions historiques où elle vivait : institution divine est sage ct raisonnable, il faut se d'une part, son caractère si traditionnel, son respect reporter aux diverses circonstances de l’ordre pré­ si grand pour les apôtres et la fol apostolique; de sent qui l’ont rendue nécessaire. Nous allons les ex­ l'autre, ce fait que les apôtres avalent fondé diverses poser; ce sera aussi la meilleure manière de montrer Églises, très éloignées entre elles et diverses de carac­ en quoi consiste, dans le détail, le grand rôle de tère ct de nationalité, dont chacune gardait pieuse­ l’Églisc pour conserver les vérités de foi. ment ct jalousement scs propres traditions, ses propres 1. Les circonstances historiques de la révélation exemplaires des saints Livres, prête à rejeter toute chrétienne rendaient l'infaillibilité nécessaire à la conser­ altération venue d’ailleurs. Une innovation locale, vation de la loi. — Cette révélation a été faite il y a pour s’établir partout, aurait eu autant de batailles ù fort longtemps, et elle suppose et englobe les livres de gagner qu’il y avait d'Égliscs particulières; elle n’au­ la Bible encore bien plus anciens. De là une obscurité rait pu s’étendre sans bruit ct sans réclamation à parfois fâcheuse et meme dangereuse, qui trouve son l’insu de l’histoire. Ce que l’on trouve alors communé­ remède dans l'infaillible interprétation de l’Églisc. ment et pacifiquement admis doit donc remonter à Si de nombreux passages de nos Livres saints sont l'unité première de la doctrine du Christ, implantée clairs par eux-mêmes, ou peuvent le devenir par en tant de lieux divers par une prédication concor­ l’inspection du contexte ct des textes parallèles, dante des apôtres : ni le hasard, ni une conspiration par l’étude des usages anciens ct de la philologie, etc., muette de toutes hs Églises pour innover, ni un con­ beaucoup d'autres ne le sont pas du tout. Les premiers cile généial qui d'existait pas encore, ne peut expli­ protestants, parce qu'ils voulaient se passer de quer une pareille uniformité. Déjà Tertullien voyait l’Églisc ct faire de chaque fidèle, même le plus ignorant, Là une preuve certaine de la vraie doctrine du Christ, un docteur, ont prétendu qu’avec la grûce de Dieu en dehors même de l’assistance de Γ Esprit-Saint pro­ l'Écriture est partout d'une grande clarté. Qui pense­ mise à ΓÉglise |>our la rendre gardienne Infaillible de rait aujourd’hui à soutenir ce paradoxe o'un opti­ cette doctrine: « Supposons, si vous le voulez...,que misme naïf, surtout après la longue histoire de leurs le Saint-Esprit n’ait pas eu soin de diriger les Églises controverses et de h urs discussions cxégétlques? Seule dans le sens de la vérité, lui qui a été envoyé par le l'interprétation autorisée de l’Église peut garder au Christ ct demandé au Père pour devenir précisément peuple chrétien les vérités de foi contenues dans ccs livres, ct les tirer de dangereuses erreurs.Voir Écri­ le docteur de la vérité; ... cst-il vraisemblable que tant d’Églises se soient rencontrées dans la même ture sainte t. IV, coi. 209.8 sq. 2. La nature de certains points de la révélation, des­ erreur? Au mllku de beaucoup d'éventualités pos­ sibles, on ne saurait se rencontrer dans un résultat quels dépend un qrand nombre nombre de vérités de /of, unique; si les Églises avalent erré sur la doctrine, il y rendait l'inJaitlibilé nécessaire. — Exemple : l’inspi­ aurait eu nécessairement de la variété dans ccs erreurs. ration des Livres saints. qui fait toute leur valeur comme parole de Dieu; scion que l’on pensera bien ou Non, ce qui se trouve le même parmi un si grand nombre n'est point erreur, mais tradition. » De præmal de ccttc inspiration, de son étendue, etc., on sau­ vegardera plus ou moins les témoignages divins les script., c. xxvm, P.L., t. n, col. 40. C’est en vertu du révélations divines. Or, ccttc question est obscure et mènu principe que la critique compare les affirmations difficile, de l'aveu des experts. Si l’Églisc, considérée de nombreux témoins, ou collationne les nombreux seulement comme société humaine, peut suffire a nous manuscrits d’un même ouvrage et tire de leur concor­ attester l’authenticité de ses Livres saints (surtout du dance une preuve certaine de vérité ou d’authenticité. Nouveau Testament), elle ne peut suffire de meme à Après les persécutions, quand les évêques du inonde en attester l'inspiration. L’authenticité d’un ou­ entier purent plus facilement correspondre lésons avec vrage est un fait extérieur ct simple, qu’une société les autres, se réunir entre eux ct prendre des mesures purement humaine, ayant reçu et gardé un livre, générale* sous la direction de l’évêque de Borne, on les volt employer cette action commune à garder la fol peut facilement connaître ct garantir; l’inspiration apostolique· à s’envoyer mutuellement leurs profes­ cst un fait Intérieur et d'une nature mystérieuse, que l’on ne peut connaître que par le témoignage de sions de fol, à se rendre compte, nar divers moyens, de tnulc Innovation apparaissant sur un point du Dieu qui Insplrcjait qui s’est transmis, pour nos Livres monde chrétien, pour l'arrêter et l'empêcher de se saints d’une manière assez Implicite ct cachée; ccttc propager. Sur cet différentes institutions conserva­ tradition resterait obscure ct douteuse en bien des trices. qui à leur leur sont venues contribuer à la points, si ne us n'avlons l'infaillibilité de l’Églisc pour valeur humaine ct historique de la tradition, voir nous rassurer. C'est elle qui pourra nous donner avec FranseUn, De tradit., thes. ix, p. 80 sq. certitude le catalogue et mplct des livres Inspirés, qui 2· L'ÉgUse considérée comme injailliblc.— Les pro­ pourra nous dire jusqu’où s’étendent l'inspiration ct I 1Γ3 FOI l'incrrancc qu’elle comporte, etc. Voir t. n, col. 15671Ô69. Autre exemple : la nature de la foi. Comnient faire cet acte, présenté par le Nouveau Testament comme fondamental, ct qui a la révélation pour objet? Dans quelle mesure est-ce un acte intellectuel ou affectif? Quel est son motif propre? Quelle révéblion y suffit? etc. Sur cette question de la fol, si difficile ct si complexe comme on l’a déjà vu, qu’il si i ait facile de s’égarer sans renseignement de l’Églisc Infaillible 1 Les protestants, pour s’être privés d’uno telle ressource, ne peuvent s’entendre sur la foi : cha­ cun parmi eux conçoit aujourd’hui l’acte de foi à sa manière, l’un comme un sentiment, l'autre comme une connaissance, un autre comme un don de soi à Dieu sans croire A aucun dogme, celui-ci comme une science, celui-là comme une expérience, 1 un comme un phénomène anormal, l’autre comme le développe­ ment naturel de la conscience humaine, quelques-uns selon la tradition, beaucoup contre elle. Et pourtant quelle question plus vitale pour la conservation de la foi elle-même, de la révélation, de la religion? Pour l’impossibilité de trouver en dehors de l’Églisc infail­ lible un critérium de l’inspiration, voir Franzelin* op. ci/., De div. Scripturis, tins, v-viu, p. 377 sq.; Schccbon, Lu dogmatique, § 17, trad, franç., 1877,1. 1, p. 192 s cl même au sein de l’Églisc. Mais qûcl sera l’eflet na­ turel d’une pareille controverse? La multitude des hdèles, voyant que les plus doctes dans l’Églisc dis­ putent sur tel point ct ne s’accordent pas, viendra à in douter, ou se divisera elle-même; ainsi une vérité salutaire restera, du moins pour beaucoup de fidèles, obscurcie comme croyance, paralysée comme idée •notrice, tant que la controverse durera; ct la contro­ verse ternira A s’éterniser : les écoles antagonistes qui s< sont formées coucheront sur leurs positions, étant donnée la difficulté de la matière ct la facilité pour les meilleurs esprits de se faire illusion et de prolonger un différend; peu d'espoir que l’une cède A l’autre. Ce quo nous venons de décrire pour une vérité se reproduira ensuite pour une autre, et pour une autre encore. loi Autant de vérités révélées, autant de petites flammes a qui entreprennent aujourd’hui de réduire le vaste ensem­ ble de vérités apportées par le Christ et par saint Paul à tel ou tel résidu minuscule qui leur plaît. Voir la formule de conciliation proposée à Genève : « Jésus sauveur des hommes, > dans Snell, op. cit., p. 106-108. En face de cette banqueroute de la fol protestante, l’autorité doctrinale Infaillible, si nettement reven­ diquée et si utilement exercée par l’Églisc catholique, loin d’eflrayer ceux des protestants qui cherchent la vérité de toute leur âme, a été le principal attrait qui nous en a amené plusieurs, fatigués qu’ils étalent de l’anarchie intellectuelle à laquelle leurs Églises ne trouvaient pas de remède. La dernière position essayée par le protestantisme — et celle-là en dehors de toute orthodoxie — c'est l'antidogmatisme des libéraux. « Les dogmes vont se perdre les uns après )cs autres dans le doute et la né­ gation, disent-ils, et nous n’avons pas de remède au mal : mais ce mal cst-il un mal? Nous n’avons plus de doctrine commune, c’est vrai : mais le christianisme primitif n’était pas une doctrine ; la foi n’est pas l’adhé­ sion à une doctrine. » Et l'on vit sc précipiter dans ce paradoxe inouï, mais commode, une cohue d’esprits d’ailleurs fort divers : les plétistcs, à qui suffisait une vague sentimentalité, voir Expérience religieuse, t. v, col. 1797, 1798; les protestants rationalistes, que gênaient la plupart des doctrines de 1*Évangile,révéla­ tions et miracles, anges et démons, ascétisme et con­ seils évangéliques, eschatologie, etc.; les protestants snbjectivistes et sceptiques qui, n’admettant nulle part de vérité objective et absolue, n’en pouvaient recon­ naître dans Γ Évangile; le modernisme enfin, qui relève et des piétistes et des rationalistes et des sceptiques. Ce paradoxe, nous l’avons déjà réfuté au commence­ ment de cet article, en montrant le sens du mot · fol » dans le Nouveau Testament, en établissant l'idée pre­ mière et fondamentale de la fol. Considérons les sour­ ces historiques par où nous pouvons connaître les ori­ gines chrétiennes : nous y voyons que Jésus tenait essentiellement à la doctrine, et saint Paul aussi. Voir Études du 20 avril 1908, p. 170-173. M. Hiynâck avoue lui-même que Paul comptait parmi les conditions du salut une certaine science du Christ et de sa rédemp* tion. L'essence du christianisme, trad, franç., 1902, р. 115. Iæ même souci de la doctrine, avec l’horreur de l'hérésie, sc retrouve chez les premiers Pères, voir S. Ignace d'Antioche, S. Irénéc, Tcrlullicn, col. 79-80. Cf. S. Justin, Dial, cum Tryphone, n. 80, P. G., L vi, col. 666; S. Polycarpc dans Irénéc, Cont. hter., 1. III, с. m, n. 4, P. G., t. vu, col. 853; Clément d’Alexan­ drie, Strom., VII, c. xv, P. G., L ix, col. 531. Puisque toutes ces positions successives du protes­ tantisme sont intenables, il faut donc revenir à l’infail­ libilité de l’Églisc, moralement nécessaire à la conser­ vation de la fol et prouvée par des textes positifs. On peut même, comme nous l’avons dit, tirer de celte lt>8 nécessité un nouvel argument pour l’infaillibilité : non pas que Dieu soit obligé a priori de nous donner tout ce qui est moralement nécessaire au bien de la religion, ou qu'il ne puisse jamais donner à l’homme une révélation quelconque sans pourvoir, par une institution spéciale, à sa conservation; non : mais la révélation chrétienne, seule ici en question, nous est montrée dans l’Écriture et la tradition comme l’abou­ tissant de toutes les autres, et d’une perfection telle qu’on ne peut douter que Dieu l’ait accompagnée de tous les compléments nécessaires à sa conservation. S’il a voulu, même par des moyens surnaturels et sûre­ ment efficaces, conserver la foi chez le peuple Juif jusqu’au Christ, comment s’imaginer qu'il n'a pas eu la même bonne volonté pour le peuple chrétien, et dans le Nouveau Testament, de tout point si supé­ rieur à Γ Ancien? Et puisque, l’ère des révélations publiques étant close, il n'envole plus, comme dans ΓAncien Testament, des prophètes dont l’influence servait aussi à conserver la foi chez les Juifs, cf. Franzelin, De traditione, thés, xx, p. 251, il ne restait que I cette institution de l'infaillibilité de l’Églisc pour assurer pendant des siècles nombreux, et jusqu’à la fin des temps, la conservation de la foi chrétienne. 4. Le développement futur du dogme et celui de la théologie rendaient l'infaillibilité de Γ Église encore plus nécessaire à la conservation de la foi. — I-e dévelop­ pement, le progrès du dogme découle inévitablement des circonstances de la révélation chrétienne. Et d’abord, des faits que nous avons rappelés tout à l’heure : bien des vérités révélées sont restées phis ou moins dans l’ombre, au début du christianisme, con­ tenues et enveloppées soit dans d'autres vérités phis générales que Ton sc contentait d'énoncer, soit dans la simple pratique des sacrements et autres divines ins­ titutions; quand plus tard on a commencé à les en dégager et à les énoncer explicitement, la controverse a souvent surgi dans l’Églisc même à leur sujet, et ces vérités, ainsi révoquées en doute par plusieurs, en ont souffert plus ou moins longtemps; enfin le juge­ ment de la controverse par 1 autorité doctrinale a rétabli dans toute l’Églisc le premier accord, le consen­ tement unanime, mais cette fois perfectionné par le fait que h vérité était désormais explicitement reconnue de tous, et, grâce aux explications de l’Églisc, mieux comprise qu’aux premiers siècles; voilà un progrès. La profondeur même et la fécondité des vérités révélées, leur harmonie avec les besoins des dliTérents temps, leur opposition aux innombrables erreurs de l’avenir, tout cela ne pouvait être compris des premiers chrétiens; ils ne pouvaient recevoir que des principes dont l’avenir sc chargeait de dérouler toutes hs conséquences. Voir Franzclin, De tradi­ tione, thés, xxiii, p. 283 sq. I^c développement de la pensée, en dehors meme de )'Église, est un autre sti­ mulant du progrès, soit en fournissant aux défenseurs de la révélation des méthodes plus exactes, et des vérités rationnelles qui, rapprochées des vérités do la foi, en feront jaillir des conclusions dont s’accroîtra la I théologie, soit en produisant des formes plus raffinées d’erreur, qui forceront les théologiens au travail, et que l’Églisc jugera par une application plus détaillée et plus savante des principes de la révélation, læ développement, le progrès du dogme est affirmé par le concile du Vatican, dans les tonnes de Vincent de Lérins. Denzinger, n. 1800, 1818. Voir Dogme, t. iv, col. 1603-1637. Or un dogme qui sc développe en passant de l’implicite à l’explicite, et qui, en se déve­ loppant, ne doit jamais sc changer en son contraire et doit garder son Immutabilité substantielle, voir Dogme, col. 1599-1603, est bien plus difficile à conserver qu'un recueil fixe de formules anciennes qui n’aurait jamais à s'enrichir de nouvelles formules plus préd- i5V FOI ses, oppose, s j de nouvelles erreurs. SI l’autorité doc­ trinale n’était pas infaillible, ne serait-il pas à craindre çur ers précisions nouvelles, adoptées par elle avec la meilleure toi du monde, n’aboutissent parfois à faire dévier le dogme, à changer substantiellement La révé­ lation? La science humaine des juges ecclésiastiques ne sufllrait pas à nous rassurer; et Ton pourrait dis­ cuter, par exemple, celle des Pères do Nlcée, quand ils ont jugé la controverse soulevée par les ariens, et imposé h nouvelle formule du « consubstantiel ·. Seule, l’infaillibilité du concile œcuménique peut, dans des questions si subtiles et si délicates, nous ras­ surer pleinement; et déjà au v· siècle l’historien Socrate répondait à un hérétique que les Pères de ce concile,< malgré leur simplicité et leur peu de science, éclairés qu'ils étalent par La grâce de l'Esprit-Saint, n’ont pu en aucune façon dévier de La vérité. » //. £., L L c. rx, P. G., L Lxvn, col. 87. « Si le Seigneur n’habitait pas l’Église d’aujourd’hui, dit saint Augus­ tin, la spéculation la plus studieuse aboutirait à Teneur. * L'narr. in ps. /X, n. 12, P. £., L xxxvi, coL 122. Cett· considération avait frappé Brunctière. Il cite ce mot de Newman : < Si le christianisme est à la fois social et dogmatique, et qu'il soit destiné à tous les siècles, il doit, humainement parlant, avoir un organe Infaillible, » et le commente en ces termes : < Si Je dogme ne vivait pas d’une vie intérieure et intense, mais surtout ininterrompue; si, do l’étude appro­ fondie que les théologiens en font, il ne s'engendrait pas tous les jours, pour ainsi parler, des conséquences si nombreuses, et quelquefois si contradictoires, qu’aucune autorité particulière ou individuelle, ni même collective, n’en saurait absolument garantir l'orthodoxie; si son immutabilité ne courait pas enfin le risque d’etre mise en péril par la richesse de son développement, c’cst alors, vous le voyez bien, que le christianisme n’aurait pas besoin d’un organe infailli­ ble! Mais, comme U faut qu’il soit toujours, à moins de cesser d’être lui, < contemporain à l’humanité, » et comme il ne peut l'être qu’en adaptant à des besoins nouveaux des vérités étemelles, il lui faut donc une autorité dont le rôle soit de démêler ou de décider, parmi les développements du dogme, lesquels sont légitimes et lesquels ne le sont pas; lesquels étalent contenus implicitement dans sa formule, et lesquels ne l'étaient point; lesquels enfin élargissent, sans le dénaturer, renseignement de l’Église, et lesquels, comme au xvi· siècle, en prétendant l’épurer, le déforment » Le progrès religieux dans le catholicisme, discours prononcé à Florence en 1902, dans le Corres­ pondant du 10 novembre 1902, p. 403. Voilà pourquoi les schismatiques orientaux, ne reconnaissant pas plus que les protestants une infailli­ bilité vivante à laquelle on puisse recourir, mais tenant plus qu'eux à la conservation du dogme, proclament que les premiers conciles œcuméniques, ceux qui ont précédé leur séparation, étaient infaillibles, en quoi ils n’ont pas tort, mais ajoutent qu’il faut s'en tenir exclu­ sivement aux définitions de ces conciles : soit que, d’après eux, il ne puisse plus y avoir de nouvelles controverses à décider, soit que la simple répétition des antiques formules doive suffire à trancher toute nouvelle ciztroverse. On aurait donc pu se passer d’un organe vivant de l’infaillibilité, et de tout concile œcuménique nouveau, pendant près de mille ans jusqu'à nos jours, et l’on pourrait continuer à s’en p.us Dans Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad, franç., Bruxelles, 1911, t. il b, p. 286. Cf. le texte allemand de Dollinger dans les Acta du concile, Collectio lacensis, t. vu, col. 1473. Un pareil sophisme aurait pu être opposé à toute défini­ tion des anciens conciles rétablissant l'unité parmi les catholiques sur un point de fol, et rendant ce point désormais obligatoire. D’ailleurs Dollinger ne tient pas compte de la période de fol unanime qui a pré­ cédé l’époque d’obscurcissement et de controverse; car tous ont d'abord cm, au moins pratiquement et implicitement, à l'infaillibilité du pape, avant l’ori­ gine de la controverse, qui a eu pour occasion le grand schisme d’Occident et le désir d’y mettre fin. Mais de plus, comme lui répondit alors la Civiltâ, « le chrétien I peut croire tout ce qu’il reconnaît comme révélé de 165 FOI Dieu, même quand l’Église ne l’a pas encore proposé . ù sa croyance en condamnant le contraire comme une hérésie. U le croit fide divina, et non comme le pré­ tend Dôllingrr, fide humana. » Ciuiltd callollea,V11·série, I t. ix, p. 386 sq. Cf. Granderath, loc. cit., p. 297. ! 4. On admet communément que les hérétiques ou schismatiques de bonne foi peuvent faire l’acte de fol divine et salutaire. — a) Rien en cela d’impossible ou d'invraisemblable. Si Dieu leur a accordé (c’est un dogme de l'Église) de pouvoir être baptisés dans leur secte du vrai baptême de Jésus-Christ, et de recevoir ainsi la vertu infuse de foi, pourquoi ne leur donnerat-il pas de l’exercer, s’ils reçoivent une éducation chré­ tienne, si, persuadés de la valeur historique de Γ Evan­ gile. ils acceptent les preuves que Jésus y donne de sa mission divine, s’ils retiennent de l’enseignement du Maître au moins quelques passages dont le sens est facile, quelques vérités à croire? Ils en perdront un certain nombre, privés qu'ils sont de l’influence directe de l’Église infaillible : mais après tout, pour faire un véritable acte du fol, il sulfit, avec la grâce de Dieu qui étend son action même en dehors de l’Église, d'adhé­ rer fermement même à une seule vérité révélée, avec la bonne volonté générale de croire toutes les autres. — b) Si nous l’admettons, le problème de leur salut s’explique bien mieux. D’une part, les vérités qu’il faut croire, de nécessité de moyen pour le salut, sont peu nombreuses, on le sait, et parmi elles on ne compte pas l’infaillibilité de l’Église, ni l’obligation de se soumettre à son autorité comme règle de fol; il peut donc arriver facilement qu’ils croient explicite­ ment toutes les vérités qui sont de nécessité de moyen, excusés par leur bonne foi de ce qu’ils ne croient pas toutes celles qui sont seulement de nécessité de pré­ cepte. D’autre part, la grâce de Dieu peut facilement les amener ù ajouter à cette fol salutaire l’amour de Dieu et la contrition surnaturelle qui les purifiera des péchés graves et assurera leur salut. Si l'on n’admet­ tait pas pour eux cc moyen de salut, il faudrait dire, ou que Dieu n’a pas la volonté sérieuse de sauver tous les hommes, ou qu’il n établi une providence spéciale pour faire arriver infailliblement, s’ils vivent bien, tous les hérétiques et schismatiques de bonne fol â se convertir à la véritable Église et à être enfin unis à son corps avant leur mort : mais supposer une telle loi providentielle est très arbitraire, et même en quelque façon contre l’expérience, puisque nous voyons mourir, dans les Églises séparées, des personnes qui, selon toute apparence, étaient de bonne fol et ont vécu aussi bien qu’elles le pouvaient; faudra-t-il désespérer do leur salut parce qu’elles ne sont pas entrées dans la véritable Église avant leur mort? Voir Bonne foi, t. n, col. 1011-1014. 5. Par une conséquence théologique du principe que Dieu veut sauver tous les hommes, saint Thomas affirme qu’un païen de bonne foi, que l'Église n'a pu atteindre par ses missionnaires, s’il observe de son mieux cc qu’il connaît de la loi naturelle, aura infail­ liblement, avant sa mort, une révélation immédiate sur laquelle il pourra, avec la grâce de Dieu, faire un acte de foi et les autres actes nécessaires au salut. In IV Sent., 1. Il, dist. XXVIII, q. i. a. 4, ad 4··, et ailleurs. On volt que dans cet acte de foi divine l’au­ torité de l’Église n’intervient en aucune façon. Voir Église, t. iv, col. 2166, 2169. Voilà pourquoi les théologiens ont eu soin de ne pas exagérer le rôle de l’Église dans la fol, si grand soit-il, et do l’exprimer par des formules modérées et adoucies. Donnons deux exemples : « L’autorité de l’Église, dit Adam Tanner, avec sa proposition publique de la fol, est, selon la loi ordinaire de Dieu, moralemen/nécessaire soit Λ l'égard de toute la communauté soit aussi d'une certaine manière à l’égard de chacun 166 des croyants, pour qu’en eux la fol soit pleinement conservée sans la corruption de l’erreur et sans l’ébran­ lement du doute; mais non pas en ce sens que sans celle proposition on ne puisse famais faire un acte de foi divine. > Theologiæ scholastic., Ingolstadt, 1627, t. lit» De fide, q. ni, n. 42, col. 131· ■ Λ considérer la seule nature de la foi, dit le cardinal Mazzefia, il n'est pas nécessaire que l’objet à croire soit proposé par l’Église; mais par le fait de l’institution du Christ, le magistère vivant de l'Église avec son autorité doctrinale est le moyen ordinaire qui fait connaître la révélation chré­ tienne comme croyable; et même l’autorité de l’Église est un moyen très efficace de sa nature, et nécessaire dans l'ordre actuel de providence où nous sommes pour produire et conserver l'unité et l'universalité de la foi. » De virtutibus infusis, 6e édit., Naples, 1909, n. 931, p. 493. On ne saurait donc approuver les quelques théo­ logiens qui, dans leur ardeur à défendre la règle de fol catholique, ont semblé refuser à tout protestant, même de bonne fol, la possibilité de faire aucun acte de fol divine, faute de recourir à la règle vivante et infaillible. Salmanticcnses, Cursus theol., Paris, 1879, L xi, disp. VII], tu 41, p. 406, contrairement à ce qu’ils avalent dit, disp. I, n. 158, p. 74; Perrone, Praelectiones theol., 31« édit., Turin, 1865,1.1, De vera religione, part. II. prop. 7; voir cependant une res­ triction, n. 173, p. 179; De virtutibus fidei, etc., 2· édit, Turin, 1867» De fide, prop. 4, surtout, n. 81, p. 25. Sur deux théologiens américains plus récents, voir Église, t. iv, col. 2168. C’est grâce à la thèse phis large, au­ jourd’hui généralement reçue, que les théologiens peuvent donner une explication modérée de l'adage : • Hors de l’Église point de salut. > Voir Église, t. v, col. 2166-2170. Sur les diverses formes que prend celte explication modérée et leur valeur relative, voir J. V. Bainvel, dans les Éludes du 5 août 1912, p. 289 sq. 2® L'autorité de V Église, son infaillibilité, n'entre pas dans le motif essentiel et spécifique de la foi salutaire ou théologale. — Raisons de cette assertion : 1. Si la proposition de l’objet par l’Église, comme nous venons de le voir, n’est pas même une condition absolument nécessaire de l'acte de foi, a fortiori elle ne peut faire partie de son motif essentiel. — 2. Le concile du Vati­ can. définissant la foi avec beaucoup de précision, n’y signale pas d’autre motif propre et spécifique que l’au­ torité de Dieu qui révèle, propter auctoritatem Dei reve­ lantis. Voir col. 117. Il ne fait ΙΛ aucune allusion à l’Église· Quand nous nommons l’Église dans nos for­ mules de l’acte de foi. nous la nommons comme règle et non comme motif de la foi. La règle de foi fournit la matière ù croire, ou objet matériel. Voir coL 161. « Mon Dieu, je crois tout ce que votre Église m’en­ seigne, i toute la matière qu’elle me propose commo révélée par vous. L'objet formel, le motif, est indiqué par le propter, le parce que : « Parce que c’est vous qui l’avez révélé, et que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper. » La règle de fol précède, prépare l’acte de foi. elle se tient dans le vestibule; le motif spécifique influe directement, essentiellement sur l’acte lui-même, lui donne son caractère propre, lo « spécifie ». — 3. I-e motif qui donne à la toi salutaire son essence et son unité doit être le même pour nous que pour Abmharn, autrement la foi d’Abraham serait d’essence différente, et ne pourrait être prise par saint Paul comme le prototype de notre fol 1) faut donc que l’autorité de l'Église, qui n’infiun t pas du temps d’Abraham. reste en dehors du motif essen­ tiel et spécifique de la foL La question est bien traitée par Wilmers, De fide divina, Ratisbonne, 1902, p. 57-64. Les limites qu’avec la théologie catholique nous 167 FOI venons de tracer an rôle de l’Église dans la fol doivent aussi servir A rectifier le compte rendu inexact ct fantaisiste que font souvent les protestants de notre théologie sur ce point, nous prêtant des erreurs pour nous réfuter plus facilement. · Pour le catholique, dit .h an Monod, la fol suppose entre l'âme ct lu vérité un intermédiaire nécessaire qui est l’Église. (Nous avons montré que cet intermédiaire n’est pas toujours né­ cessaire A Pacte de foi; mais passons.) La foi (pour le catholique) est un acte de soumission à l’Église; elle consisti A la considérer comme la gardienne ct la dis­ pensatrice de la vérité ct à accepter sa direction. » Dans Encyclopédie des sciences religieuses de Lichten­ berger, art Foi, L v, p. 7. Ce n’est pas ainsi que nos conciles de Trente ct du Vatican définissent la fol; U n’est pas même question de l’Église dans leur défini­ tion. Si la foi sc définissait < un acte de soumission à l’Église, » elle pc droit sa qualité de vertu théologale, puisque nos théologiens appellent < théologale » celle qui s’appuie immédiatement sur Dieu, sur un attribut divin, comme est ici l’autorité divine, résultant de sa science ct de sa véracité souveraine. Il est vrai Esquisse, p. 252. Malheu­ reusement saint Paul n’a pas ces mots, et parle Ici d’une tout autre question : de deux espèces de corps humain qui doivent apparaître successivement dans !a série des temps, le corps animal comme le nôtre, puis le corps glorieux ct spiritualisé, que nous aurons à la résurrection, et dont celui du Christ ressuscité est le type. Sabatier cite aussi l’Epltre aux Galates, iv, 1-5. Mais saint Paul n’y parle pas des futures desti­ nées de l’Église, il parle du passé, de l’état servile des Juifs sous la ol mosaïque, ct au Christ qui est venu alfranchlr les hommes de cette oi ae crainte. Décidé­ ment ce professeur de théologie protestante n’est pas heureux dans scs citations de l’Écriturc. Il y a pour­ tant un endroit où saint Paul parle non plus du passé, mais de l’avenir, ct non plus des corps, mais de la vie intellectuelle ct monde, et annonce une transforma­ tion de cette vie, en se servant précisément de la com­ paraison de l'enfant qui devient homme et aban­ donne les choses de l’enfance. Mais cette transfor­ mation, c’est seulement dans la vie future qu’il l'at­ tend, quand nous ne verrons plus Dieu obscurément ct par la foi, mais face à face. 1 Cor., xn, 9-12. Il faut donc nous résigner à rester, au point de vue de la connaissance religieuse, plus ou moins enfants ici-bas; ct notre robuste fierté n'a pas à s'ofiusquer de la tutelle de l’Église enseignante qui d’ailleurs, par son infaillibilité.nous domine davantage qu’une mère son enfant. Enfin le Christ n’a pas dit aux apôtres ou ù leurs successeurs, quand il les envoyait enseigner les nations: « Je suis avec vous jusqu’au xvi· siècle, » mais : · Jusqu’il la fin du monde. » Alors, mais alors seulement, l’Église finira d’exister sous sa forme mili­ tante, avec sa hiérarchie, son enseignement ct scs lois; alors chacun des élus, rendu par la vision béatifique personnellement infaillible et même impeccable à Jamais, parviendra au plein développement de son être ct à l’âge de sa majorité; alors le Christ, comme homme ct chef de l’Église, · remettra le royaume ù Dieu ct au Père... afin qu’en tous Dieu soit tout. > I Cor., xv, 24, 28. 2e corollaire. — Puisque la foi divine, en s’appuyant sur sa règle vivante, l’autorité de l’Église, acquiert un état de perfection supérieure, ct un caractère social, ct sert à réunir tous les croyants en une société uni­ verselle ou · catholique »,nos théologiens ont eu raison de la considérer parfois précisément dans cet état, et de l’appclci* alors, non seulement · foi divine » à cause de son motif spécifique qui est l’autorité du témoi­ gnage divin, mais « foi divine ct catholique. > Ainsi la considère le concile du Vatican en cet endroit : < On doit croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui sont contenues dans la parole do Dieu écrite ou transmise en dehors de l’Écriturc, ct qui sont proposées ù notre foi par Γ Église comme divinement révélées. · Scss. Ill, c. m, Denzinger, n. 1792. Naturellement, quand il est question de fol « divine et catholique », la proposition par l’Église devient un élément essentiel de la définition ct ne peut être omise. Et même on peut dire qu’une perfection accidentelle très notable,comme celle qu’ajoute à la foi divine la proposition ecclé­ siastique, une perfection accidentelle qui d’ailleurs n’est pas un fait individuel ou exceptionnel, mais le fait normal depuis l’institution de l’Eglise destinée au monde entier, pourra dans notre esprit constituer comme une nouvelle essence composée ct une nou­ velle espèce do fol. L’acte de foi, non plus que la vertu infuse qui le produit, ne sera pas changé physi­ 170 quement dans sa substance; mais, acquérant dans un nouveau cadre providentiel une nouvelle valeur morale, il sera changé moralement, et mis dans un état meilleur. On ne pourra donc considérer dans la fol qu'une seule espèce physique, unam speciem natura comme dirait saint Thomas; ct c’est en ce sens que Schceben a dit : · La fol catholique se distingue en quelque sorte formellement de la simple fol divine, non pas sans doute que ce soit une nouvelle espèce de foi : ce n'est qu’une forme particulière de la réalisation con­ crète de la foi divine..., une condition de son parfait développement. » Zx>c. cit., p. 497. Si haute que soit sa conception de la foi divine et catholique, Schecbcn ne veut admettre qu’une seule espèce de foi. Mais on pourra considérer deux espèces morales, ce que saint Thomas appelle duas species secundum condiciones mo­ rales supervenientes ou secundum speciem moris. Sum. theol., I» II®, q. xvni, a. 7, ad lQm; q. i, a. 3, ad 3°m. Et cette remarque suffit à concilier les manières si difiérentes dont saint Thomas présente la définition de la foi, son « objet formel », sa nature. Traitant ex pro/esso de l’objet formel de la fol, il ne parle pas de l'Église, ni même de l’Écriture, mais seulement de la révélation, parce qu’il ne considère alors que ce qui est physiquement essentiel à la foi salutaire, et par suite omet toute condition physiquement accidentelle. Sum. theol.. Il» II*, q. I. a. 1. Mais ailleurs, amené par son sillet (U est question de l’hérétique) à considérer la fol comme proposée par l’Eglise, comme catho­ lique, il donne une autre définition : · L’objet formel de la foi est la Vérité première, en tant qu’elle sc manifeste dans les saintes Écritures et la doctrine de l’Église, qui procède de la première Vérité, » q. v, a. 3. Schifiini aurait pu sc contenter de cette remarque pour expliquer cette dernière définition de saint Thomas, d’autant plus que lui-même, pressé par une objection, finit par distinguer deux difiérentes spéci­ fications de la foi. De virtutibus infusis, 1904, p. 151. Mais U a préféré expliquer saint Thomas par une opinion singulière de Lugo, qui, pour résoudre une difficulté gênante dans l’analyse de la foi, s’oublie jusqu’à faire entrer la proposition par l’Église, ct jusqu’à la parole du catéchiste,dans la révélation ellemême. C’est une exagération du rôle de l’Église dans la foL lai « foi divine ct catholique » dont parle le concile est appelée par abréviation « fol catholique ». Et l’autre espèce morale, c’est-à-dire la foi divine non appuyée sur la proposition de l’Église infaillible (par exemple, celle d’un protestant de bonne foi, ou d’un païen à qui Dieu révèle immédiatement les vérités nécessaires au salut), est dite simplement « fol divine » quand on la distingue de la première. Le péché formel d’hérésie, le plus grave que l’on puisse commettre con­ tre la fol, suppose que l’on nie une vérité de < fol catho­ lique », une vérité non seulement révélée de Dieu, mais encore proposée par l’Église comme telle : la qualification odieuse d’ «hérétique »ct les peines cano­ niques contre ce péché autorisent cette restriction,cette stricte interprétation, qui est présentée par une multitude d’auteurs. Si donc il arrive à un catholique de nier, ct même par sa faute,une vérité révélée, mais que l’Église ne propose pas distinctement ct certaine­ ment à notre fol comme révélée, il ne doit pas être traité d’hérétique. Si, au contraire, il nie en pleine connaissance de cause une vérité de foi catholique, averti par sa conscience qu’il fait mal et s’obstinant à le faire, pertinaciter, il est hérétique au sens propre ct formel, ct alors, quoiqu’il ne nie qu’un seul dogme directement, il perd la vertu Infuse de foi par cet acte; si d’ailleurs il rejette un dogme qu’il sait garanti par l’autorité de l’Église, base de la foi catholique, com­ ment ne perdrait-il pas, avec cette base qu’il méprise. 171 FOI 172 la foi c lîidlque tout entière? Voir S. Thomas, Sum. . force physique de la volonté ne vn pas jusqu’à faire admettre quelque chose à l'intelligence sans aucun theol. Il· H·, q. v, a. 3. Mais s’il s’agit d’un homme qui ignora l’autorité infaillible de l’Église, l’ignorance I motif intellectuel, voir Croyance, t. m, col. 2371; 2. quand elle aurait cette force physique démesurée, empêche en lui ce double caractère de mépris ct d’obs­ elle ne pourrait moralement ct légitimement en faire tination, sans lequel il n’est pas d’hérétique formel; usage. La volonté n’est pas une puissance despotique quand bien même 11 nie l’autorité de l’Église ou par suite quelque autre point de la foi catholique, comme ct sans règle dans la nature. Pour qu’elle agisse licite­ il arrive aux protestants de bonne foi. Cf. Lugo, De ment sur une autre faculté, il faut qu’elle respecte la nature de cette faculté; surtout, si cette autre faculté fide, dbt. XX. n. 197, Opera, Paris, 1891, t. I, p. 55. est l'intelligence, dont la nature est d'atteindre non Voir Hérétique. pas seulement quelque intéiêt subjectif, mais la vérité Pour qu’il y ait « proposition de l’Église », Il n’est objective, qui ne dépend pas de nous ct a droit à pas nécessaire qu’il y ait toujours « définition ». C’est notre respect. Quand elle agit sans sortir d’elle-même, assez qu’une vérité soit proposée parce que le concile simplement, par un acte immanent, la volonté présup­ du Vatican appelle « magistère ordinaire ct universel ». pose seulement comme motif un bien convenable qui Loc. cil. Voir Magistère. Est de foi catholique, par l’attire; mais quand elle influe sur une autre faculté, exemple, ce qui est contenu explicitement dans les elle doit présupposer en outre que cette intervention professions de fol usitées dans l’Eglise entière, quand se fasse dans les conditions normales de cette faculté même elles ne sont pas à proprement parler des déflct pour son bien : ct cela doit être constaté avant nllions. C’est ainsi que beaucoup de théologiens subdi­ qu’elle intervienne. · Quand 11 s’agit de mouvoir la visent la foi catholique en « fol définie · ct foi catholique volonté à son acte immanent, actus elicitus, écrivait le non définie, ou « fol catholicpie · tout court. P. Jean Semeria, il suffit d’un motif proportionné à la VI. Préparation rationnelle de la foi; le volonté elle-même. Mais il en est autrement, quand il fidéisme. — Un motif ne peut agir sur nous qu’à la s’agit d’un acte commandé par la volonté (actus impecondition d’être d’abord connu de nous. Pour être ratus) : celui-ci suppose un acte double, le mouvement connu de nous, le motif de la fol, qui est complexe, de la volonté qui commande ct le mouvement de la suppose que notre esprit sc rend compte de la vérité faculté qui exécute. Aussi faut-il alors et un motif de plusieurs énoncés. · Dieu existe; il ne peut ni sc tromper ni nous tromper (science infaillible ct véra­ proportionné à la volonté, ct un motif proportionné à la faculté dont la volonté doit commander l’acte (un cité); il a révélé telle doctrine ct s’en porte garant » motif Intellectuel, s’il s’agit de l’intelligence). Car la Tout cela étant d'abord connu ct affirmé, je puis croire volonté, qui gouverne toutes nos facultés comme un celte doctrine par le motif de la foi, propter auctorita­ père de famille tous les membres de la société domes­ tem Del revelantis, qui nec falli nec fallere potest. Cc tique, la volonté ne pourrait commander l’acte, par qui complique encore ccs énoncés qui sont appelés les exemple, de l’intelligence, s’il n’était constaté par un « préambules de la foi », c’est que leur affirmation ne se fait pas du premier coup à la lumière de l’évidence jugement préalable qu’un objet propoitionné à cette faculté ne fait pas défaut, sur lequel puisse s’exercer immédiate· Pour notre esprit humain, il n’y a de vérité immédiatement évidente ni dans le fait de l’acte que la volonté est sur le point de lui commander.» Analysis actus fidei juxta S. Thornam et recent tores l’existence de Dieu, voir Dieu,U iv,col. 887 sq.,923 sq., theologos, Plaisance, 1891, p. 43-45. Quand il s’agit ni dans les attributs divins de science ct de véracité, ni surtout dans le fait de la révélation, comprenant le de commander la fol de l'intelligence à tel dogme, il fait général que Dieu ait parlé par le Christ ct le fait faut constater d'abord que cc dogme est croyable particulier que tel dogme fasse réellement partie du comme parole de Dieu : ct le Jugement préalable qui montre ainsi à la volonté la légitimité de son Interven­ contenu de la révélation chrétienne. Or, quand un énoncé n’est pas immédiatement évident, nous ne pou­ tion s’appelle alors « jugement de crédibilité ». Avec ries motifs intellectuels très solides, quoique vons l’affirmer que moyennant d’autres vérités qui laissant place ù un doute imprudent, nous admettons constituent son motif, sa preuve. Voir col. 125. 11 en un certain coup d« force de la volonté pour chasser cc sera donc ainsi dans chacun des actes intellectuels par doute de l’esprit. Voir Croyance, t. ni, col. 2384lesquels nous affirmons les préambules de la fol. Sur 2387. Mais de c» tte concession on ne saurait conclure ccs actes,les théories et les difficultés qu’ils soulèvent, que,sans aucun motif intellectuel, à l’aveugle, la volonté nous poserons les questions suivantes : 1° Ccs actes puisse commander à l'intelligence d’adhérer. La con­ pcuvcnt-Us sc faire sans aucun motif intellectuel, par clusion serait boiteuse. « C’est comme si l’on raison­ un coup de volonté? Quels sont-ils, dans le détail? nait ainsi : Sans une lumière intense, l'œil*peut voir; 2° Qu*e$t-cc que le fidéisme? Sa position est-clic rai­ donc il peut voir sans aucune lumière. » Ulloa, Theo­ sonnable? 3° Quelles sont ses orl ducs et ses objec­ logia scholastica, Augsbourg, 1719, t. m, p. 85. tions? 4n L’Écriture est-elle favorable au fidéisme? Quels sont, dans le détail, ces actes Intellectuels qui 5· Les Pères lui sont-ils favorables? 6° Documents ecclésiastiques sur le lidéisme. 7® Ccs actes qui pré- I préparent l’acte de fol? — Ccs actes, qui, tendant au même but. ont entre eux une certaine unité morale,ont parent rationnellement la fol doivent-ils avoir la fer­ été sommairement groupés sous un seul nom : « juge­ meté de la certitude? Lo send-fidéisme. 8° Objection ment de crédibilité »; par eux la vérité révélée nous llréc de la 4‘ proposition condamnée par Innocent XI; est présentée comme croyable, credibilis. Examinant xplkation do la condamnation. 9e Aperçu sur la cer­ de plus près cc groupement, les théologiens y ont tout titude en général, ses éléments, ses espèces; l’évidence. d’abord distingué deux choses : 10* Prut-on exiger, avant de croire, d’avoir l’évidence 1. Un jugement pratique de crédibilité, qui éclaire parfaite des préambules, par exemple, du fait de la révé­ plus immédiatement la volonté de croire; car avant lation? Il® Qu’cntend-on par «évidence de crédibilité»? 12· La certitude relative des enfants et des Ignorants que la volonté puisse commander la foi, il faut, comme dans tous scs autres actes libres, un jugement (dictasur k fait de la révélation existe-t-elle, ct peut-elle men) de la conscience sur l’honnêteté ou licéité de suffire? On entrevoit déjà l’extrême complication de l’acte considéré au concret, hic et nunc, avec toutes h question, d’ailleurs très pratique, que nous abordons. 1® Les acta intellectuels qui préparent la fol peuvent- scs circonstances : donc un jugement essentiellement ils se faire sans aucun motif Intellectuel, par un coup de pratique. Ce qu’on appelle · jugement de crédibilité » volonté? — Nous ne nions pas le rôle de la volonté dans est principalement le jugement pratique. Voir Crédi­ bilité, t. m, col. 2203. le * croyances; mais 11 doit être limité et réglé, car : 1.1· 173 FOI 2. Plusieurs Jugements spéculatifs doivent préparer ce Jugement pratique· En effet (nous l’avons vu plus haut) pour que le motif spécifique de la foi entre en Jeu, 11 faut que l’intelligence adhère d’abord à l’exis­ tence du vrai Dieu, à sa science ct à sa véracité, puis au fait de la révélation chrétienne; ct, pour avoir le dogme chrétien dans le détail,il faudra qu’elle adhère à l’Église infaillible,ou qu’elle remplace par autre chose cette adhésion qui n'est pas nécessaire dans tous les cas. Voir col. 150 sq. Cette pluralité de Jugements spé­ culatifs préalables vient de cc que le témoignage est un procédé intellectuel bien plus compliqué que la simple intuition : à plus forte raison quand il s'agit du témoignage divin donné autrefois, ct appliqué par un autre témoignage, par exemple, celui de l’Église. Et puis ccs Jugements préparatoires à b fol ne sont pas immédiats, ni ne peuvent sc faire par un simple coup de volonté, nous l'avons vu : il leur faut donc d'autres jugements,qui leur fournissent à eux-mêmes leurs preuves, leurs motifs intellectuels. Laissant de côté pour le moment cc grand appareil des jugements spéculatifs de crédibilité, revenons à leur aboutissant, le jugement pratique. Lui aussi, soumis à l’analyse, s’est montré plus complexe qu'on ne l’avait cru peut-être : il a été d’abord dédoublé : « Je peux prudemment croire ; je dois croire. » Ix: pre­ mier de ccs deux jugements garde à un titre spécial le nom de « jugement de crédibilité », vu l'étymologie de cc mot. Pour le second, un théologien d’une subtilité excessive ct aventureuse, Caramucl, lui a fabriqué un nom. · Il ne s’est pas contenté du terme de crédi­ bilité, mais il a ajouté la credendité ou nécessité de croire, » dit de lui Cardenas, Crisis theologica, Venise, 1700, p. 188. En effet, nous trouvons dans Caramucl « qu’on doit démontrer la crédibilité de la fol ortho­ doxe, ct même sa crédendité, · et pour s’excuser de la nouveauté du terme, il ajoute que, · bien que les au­ teurs classiques n’aient pas tiré du participe en dus des noms abstraits, c'est maintenant nécessaire. » Theologia moralis fundamentalis, Lyon, 1676, 1. II, η. 2339, p. 688. A partir du xvn· siècle, plusieurs théo­ logiens ont adopté cc terme nouveau, ct quelques-uns l’ont rendu un peu plus barbare, en disant, je ne sais pourquoi,· crédcntité ». 11 y en a même qui exigent ce jugement avant tout acte de foi. Mais le précepte posi­ tif de la fol n’obligeant pas pour chaque Instant, pro semper, l’acte de fol est souvent de surérogation ct non pas d’obligation; alors il suffit bien de voir que cet acte que je vais faire est licite, permis par la prudence, honnête, louable, sans voir qu'il soit d'obligation. Caramucl lui-même dit qu’il faut démontrer · la crédendité de la foi orthodoxe, » prenant évidemment la foi au sens objectif, pour la vraie religion, la vraic révélation; il ne dit pas qu’avant tout acte de fol il faut sc démontrer l'obligation, la nécessité de cet acte. On comprend donc pourquoi beaucoup de théo­ logiens, quand Us énumèrent les actes absolument nécessaires comme préparation à tout acte de fol, omettent cc jugement de crédendité. Les jugements pratiques, préparatoires à la foi, peuvent encore sc multiplier par un autre côté. D’après les principes posés plus haut, l'intelligence doit diriger la volonté tant dans cc premier acte, où la volonté se propose une fin à at teindre par l’acte de fol, que dans le second, où clic intervient de fait dans le domaine de l'intelligence ct la pousse à croire. Voir col. 172. C’est à la direction du second acte qu’appartiennent les Jugements de crédibilité dont nous avons parlé. Λ la direction du premier répond un jugement préalable sur l'honnêteté de la fln que poursuit la volonté, et sur l’utilité de l’acte de fol considéré comme moyen pour atteindre cette fin; mais nous n'insisterons pas sur cette catégorie de jugements, soit parce qu’elle corn- 174 pllqucrait une question déjà bien complexe, soit parce qu’elle ressemble à cc qui se passe dans tous les • actes humains · et n’offre pas de difficulté qui soit spéciale à notre sujcL I-c P. Gardeil, au contraire, a cru devoir surtout insister, dans son résumé de la genèse de l’acte de foi, sur cette partie commune A tous les actes humains. Voir Crédibilité, col. 2205, 2206, ct La crédibilité et Γapologétique, 2· édit., 1912, p. 327 sq. Et comme d’ailleurs, sur ce terrain de la genèse de l'acte humain, il tend à multiplier des actes (fui ne sont pas tous communément admis comme nécessaires à cette genèse, ct dont quelques-uns répondent à des vues systématiques seulement, son énumération a quelque chose d’un peu effrayant, et la clarté des tableaux synoptiques ne semble pas suffire à dissiper cette Impression. 2e Qu*est-ce que le fidéisme? Sa position est-elle rai­ sonnable? — 1. Sens du mol chez les protestants con­ temporains. — Chez eux, le mot « fidéisme » a pris un sens spécial, sous la plume de M. Ménégoz. En 1379, dans un opuscule Intitulé: Réflexions sur Γ Évangile du salut, il disait leur fait aux deux grandes écoles du protestantisme, les orthodoxes et les libéraux. La fol luthérienne, c’est la confiance, · le don du cœur à Dieu. » Qu’en ont fait les orthodoxes? · Tout en ensei­ gnant la justification par la fol, ccs docteurs confon­ dent, sous le nom de fol, deux choses bien distinctes; le don du cœur à Dieu, et l’adhésion de l’esprit à la vérité révélée; ils confondent la foi et la croyance, ct ils arrivent ainsi à substituer au dogme du salut par la fol seule le dogme du salut par ta foi et par tes croyances. · Ménégoz, Publications diverses sur le fidéisme, Paris, 1900, p. 30. Il aurait pu sc souvenir que Luther lui-même avait déjà équivoqué pareille­ ment sur le mot « foi », comme le remarque M. Har­ nack. Voir col. 77. Quant aux libéraux, M. Ménégoz leur reproche d’avoir remplacé la foi luthérienne par la charité, et de défendre « la doctrine du salut par l’amour de Dieu et du prochain. » Voir col. 71. 11 con­ clut : · En face de cette double erreur, nous posons le dogme du salut par la foi, indépendamment des croyan­ ces... Nous affirmons le sola fide dans toute sa teneur. Le so/α, nous l’opposons aux orthodoxistes; le fide, nous l’opposons aux libéraux. » Op. cit., p. 33-34. • Celui qui consacre son âme à Dieu est sauvé, indé­ pendamment de scs croyances. Voilà l’Évangile, la bonne nouvelle, qu’il faut annoncer à ces masses... rongées par le doute que la science moderne a jeté dans leur esprit... Qu’on leur prêche le sola fide, le fidéisme, si l’on veut l’appeler ainsi, dans sa divine ampleur, ct l’on verra que cette doctrine trouvera un écho dans leur âme. » Op. cil., p. 36. Doctrine com­ mode, en effet : « La foi n’implique pas d’une manière absolue la croyance consciente à l’existence de Dieu, » p. 49. Mais alors à qui se consacre-t-on? A ce christia­ nisme-là, ne semble pas non plus nécessaire la croyance à l’existence de Jésus. Voir Expérience rkuoieusb, col. 1832, une citation de Ménégoz. Mais nous avons déjà suffisamment réfuté ces fausses définitions de la foi et cet antidogmatisme. Cc qu’il Importait de noter ici. c’est le mot · fidéisme » employé pour la première fols en cc sens, emploi qui depuis a fait fortune. M. Ménégoz ne pouvait s’arrêter en si bon chemin, ct il devait lancer un autre mot, en 1897, à 1’apparition du livre d’Aug. Sabatier, Esquisse... « Profondé­ ment ému, » il signale sa rencontre avec M. Sabatier, son ami et collègue. Ils étalent partis de points de vue différents, ct ainsi l’un était arrivé au « fidéisme » l’autre à cc qu’il appelle le « symbolisme critique ». Mais, au fond, c’est la même chose, est une Intuition, ou même un sentiment Ils ne sont donc pas fldélslcs, à proprement parler, bien qu’ils aient des assertions semblables à celles du fidéisme, par exemple, Schlelcrmâcher quand il dit : « Nous renonçons absolument à toute preuve de la vérité et de la nécessité de la reli­ gion chrétienne. · Cité par les théologiens du Vatican, Collectio lacensis, t. vu, col. 528. Écartons donc tous ces piétlstcs, sentimcntalistes, protestants libéraux, et enfin les modernistes, et ne considérons, dans la question du fidéisme, que des protestants conserva­ teurs, des Jansénistes, et des catholiques appartenant à l’école vaguement appelée · traditionaliste >. Et demandons-nous quels courants d'idées ont donné naissance à l’erreur que nous combattons chez eux. 1. principal de ces courants est un certain scep­ ticisme, une défiance de la valeur de la raison et des preuves qu'elle peut fournir. Tandis que ce doute malsain est pour plusieurs « un oreiller commode », d’autres qui en soutirent tâchent d’en sortir en se jetant tête baissée dans la foi, ils sont fldéistes. Mais comment des protestants conservateurs et des catho­ liques ont-ils pu arriver à douter de la valeur de la raison, sinon dans tous les domaines, arts, sciences, etc., du moins dans celui de la morale et de la religion? Par la fausse conception qu’ils se sont faite d’une doc­ trine révélée, celle du péché originel, dont ils se sont exagéré les ravages. Si nous suivons dans l’histoire des idées les principales apparitions du fidéisme, nous verrons qu’elles sc rattachent le plus souvent à cette exagération. 11 en est ainsi des chefs de la Réforme. « Je dis que, soit dans l’homme, soit dans les démons, les forces spi­ rituelles ont été non seulement corrompues par le péché, mais complètement détruites, en sorte qu'il ne reste plus en eux qu'une raison dépravée, etc. Tout cc qui est dans notre volonté est mal, tout ce qui est dans notre Intelligence est erreur.» Luther, Commentaire sur rÉpltre aux Galales, i, 55, voir Denifle, Luther et le luthéranisme, trad. Paquicr, 1912,L ni, p. 65. De là,chez beaucoup de protestants, la conviction que la raison est impuissante à prouver même l'existence de Dieu, cc premier préambule de la foi. cette vérité si accessible au genre humain. Voir Dieu (Connaissance naturelle de), t. iv, col. 765-767. De là, dans la doctrine de Luther, h « pure passivité » avec laquelle doit être reçue la grâce de Dieu en général et en particulier la fol « sans produire aucun acte d’intelligence ou de volonté. » Voir Denifle, loc. cil., p. 261-266. Cf. Expé­ rience religieuse, col. 1787, 1788. De là, chez Cal­ vin, la défiance de tous les arguments apologétiques quand U s’agit de prouver le fait de la révélation : • Nos esprits ne font que flotter en doutes et scrupules, jutqu'â ce qu’ils soient Illuminés. » Institution, 1. I, с. vu, n. 4, Genève, 1562, p. 27. · Ceux qui veulent prouver par arguments aux incrédules que ΓÉcriture est de Dieu, sont Inconsidérés. Or cela ne se connaît que par foL » Loc. cil.t c. vin, n. 12, p. 35. Il fait cepen­ dant aux arguments une certaine place, mais après la /ol. Le jansénisme, tout en mitigeant la doctrine pro­ testante sur les suites du péché originel, gardait encore U-dctsus des Idées fort exagérées. De là le fidéisme qui apparaît çà et là dans Pascal : « Qui blâmera donc 180 les chrétiens de ne pouvoir rendre raison de leur créance, eux qui professent une religion dont ils ne peuvent rendre raison? » etc. Pensées, édit, des Grands écri­ vains, t. π, p. 145. Voir Dieu, t. iv, col. 803-806. On trouve cependant chez Pascal des assertions apolo­ gétiques qui ne sont pas d’un fldélstc. Sous l'influence du jansénisme, certaines exagérations de la doctrine de la chute apparaissent souvent dans notre littérature religieuse du xvn· siècle et du xvin· siècle. Elles ont passé de là dans l'école traditionaliste, qui ne voyait rien de mieux à opposer au rationalisme moderne. Elles y ont produit chez plusieurs le fidéisme. Lamennais, par exemple, conclut de scs recherches « que la raison individuelle, abandonnée à elle-même, va nécessairement s’éteindre dans le scepticisme ab­ solu... D'où il suit que la vole de raisonnement ou de discussion... n’est pas le moyen général offert aux hommes pour discerner avec certitude la vraie reli­ gion. » Essai sur l'indifférence, t. n, c. xix, dans Œuvres, 1836, t. n, p. 183 sq. « Il faut, dit-il ailleurs, que la vérité sc donne elle-même à l’homme... Quand clic sc donne, il la reçoit, voilà tout ce qu’il peut : encore faut-il qu’il la reçoive de confiance, sans exi­ ger qu’elle montre scs titres; car il n’est pas même en état de les vérifier. » Pensées diverses, dans Œuvres, t. vx, p. 111. Il sera question de Bautain et de Bonnetty à propos des documents de l’Églisc. Nous n’avons pas à répondre Ici aux exagérations du dogme de la chute, ni aux objections qu’elles peu­ vent fournir aux fldéistes. Voir Péché originel; Révélation. Est-elle nécessaire depuis la chute, pour connaître les vérités morales et religieuses accessibles à la raison, et dans quel sens? Notons enfin que cette grande cause de fidéisme, le mépris sccpticpie de la raison, peut aujourd’hui pro­ venir, chez un protestant ou même chez un catho­ lique, non pas d’une exagération sur le péché originel, mais d'une philosophie subjectiviste malheureusement adoptée ou insuffisamment abandonnée, par exemple, du kantisme ou de l'agnosticisme. Voir J.-V. Bainvel, et l’exemple de Brunetlérc qu’il donne, dans le Dic­ tionnaire apologétique de la fol catholique, 1911, art. Foi, fidéisme, L n, p. 61, 62. 2. On arrive au fidéisme par un autre chemin : par exagération du principe d'autorité. On craindra de ne pas assez soumettre l’individu à Dieu ou à l’Église, de donner à la raison individuelle trop de contrôle et d'autonomie, enfin de rabaisser la foi en la faisant dépendre d’une raison faillible. C’est par cette vole que Gerbet est arrivé au fidéisme. Dans l’opuscule où il le défend, il n’est pas question du péché originel. Voir Des doctrines philosophiques sur la certitude, dans leurs rapports avec les fondements de la théologie, Gand, 1830. Nous critiquerons ses principaux arguments, soit parce que cette classe d'objections fldéistes n’est pas assez connue, soit parce que les explications qu’elle provoque sont importantes non seulement pour la controverse fldélstc, mais encore pour la con­ troverse protestante. 1Γ· objection. — Si l’acte de fol dépend d'actes préa­ lables de la raison individuelle, par lesquels les préam­ bules de la foi sont vérifiés et constatés, nous retom­ bons dans le système protestant du jugement privé, du libre examen. Gerbet, op. cil., c. vin, p. 119 sq. — Réponse. — Qu'est-ce que le libre examen des protes­ tants? Il consiste à rejeter le magistère infaillible de l’Églisc, destiné à nous garder et à nous expliquer le contenu de la révélation ; en le rejetant, la raison Indi­ viduelle assume la tâche immense de contrôler par elle-même quels sont les livres Inspirés, dans quelle mesure Ils le sont, quel est le sens exact même des passages difllciles, quel catalogue d’énoncés doit en être tiré pour être cru comme parole de Dieu. Nous 481 FOI 182 avons réfuté ce système en montrant le rôle qu’a dans pas au uns juridique; cc jugement n’est autre chose Ja fol l’Églisc comme infaillible. Voir col. 151 sq. Mais que cc qu'Aristote appelle « la seconde opération de le « libre examen » ne consiste pas du tout à se prouver l’esprit. » C’est d'ailleurs pour elle seule qu’elle juge; par sa raison Individuelle les préambules de la fol; cette c'est par une enquête de caractère privé, qu’elle vérifie preuve cet nécessaire pour que la foi soit raisonnable, le pouvoir infaillible de l’Église, la véracité même de d’ailleurs elle peut sc faire d'une manière proportion­ Dieu et le fait de sa révélation ; non parce qu elle domine née au degré de culture de chacun, et n'implique pas en souveraine Dieu et l’Église, mais parce qu’une des la tâche immense dont nous parlions tout à l'heure. lois de sa nature, que Dieu lui a donnée, lui demande Mais, dira le fldélstc, si l'on doit recevoir du témoi­ absolument cette vérification avant qu’elle puisse gnage de l’Églisc infaillible le contenu des Livres saints croire. et tous les dogmes, pourquoi ne doit-on pas de même 3· objection. — A quoi servira une règle de foi Infail­ en recevoir les préambules de la foi? — Réponse. — lible comme l’Église, si c’cst à la raison Individuelle Parmi ces préambules figure rinfaillibllité de l’Églisc qu'il revient d’en examiner et d’en vérifier l'exis­ cllc-mcmc; quand je ne la connais pas encore, je ne puis tence, si â l’origine tout dépend du jugement de cette pas la recevoir de l'affirmation de l’Église sans aucune raison? < Comme ce jugement est essentielle ment preuve; ce ne serait pas raisonnable. Voilà pourquoi faillible, la foi elle-même devient incertaine. » Gerbet, je dois, dans les préambules où je ne le connais pas loc. cil., p. 120. Le résultat final, dépendant solidaire­ encore, faire abstraction du magistère infaillible, cc ment de deux facteurs dont l’un peut-être se trompe, qui n’est pas la même chose que le rejeter. Voir ne pourra jamais être que douteux. — Réponse. — col. 150. Les Juifs de Béréc, après avoir, dans leur La · faillibilité » de la raison humaine, mal comprise synagogue, entendu saint Paul prouver par les pro­ des fidélités, est un défaut en dépit duquel notre rai­ phètes que Jésus était le Messie promis, vérifiaient son conserve une rectitude foncière, une légitime assu­ dans leur bible scs citations et les Interprétations rance contre l’erreur dans un cas donné, et un crité­ qu’il avait données; et l’écrivain sacré, en rapportant rium certain de la vérité : le nier, cc serait nier la v «leur cct examen, ne le blâme pas. Act., xvn, 11. C’est qu’il de la raison, cc serait le scepticisme. Notre raison indi­ ne faut pas confondre deux phases très différentes, viduelle produit donc des actes qu’on peut appeler dans la genèse de la foi : Jr· phase : on ne connaît en­ « Infaillibles »; elle se rend compte alors que les motifs core l’infaillibilité ni de l’Églisc, ni meme du Christ; sur lesquels ccs actes s’appuient ne laissent pas de alors on no peut raisonnablement s’y appuyer; c’est place à l’erreur. Seulement, cette infaillibilité natu­ le cas des Juifs de Béréc; ils en sont aux · préambules » relle ne tire pas à conséquence pour d’autres actes de la même raison, où les motifs ne seront pas si bien con­ de la fol chrétienne. — 2· phase : on a reconnu un trôlés, et où la raison, par une précipitation dont elle magistère infaillible; alors saint Paul ne permettra ne sc rend pas bien compte ou par quelque autre acci­ plus d’examiner avec doute la prédication apostolique, dent, pourra se tromper. Des philosophes catholiques de lui préférer de nouvelles recherches scripturaires et ont résumé cette situation complexe en disant que la de nouveaux docteurs, mais il dira comme aux Galatcs raison humaine est normalement infaillible, faillible inconstants : « Si quelqu’un, fût-ce un ange du ciel, par accident: infallibilis per se, fallibilis per accidens. vous prêche un Évangile différent de celui que nous L’infaillibilité surnaturelle va plus loin : l’Église. dans vous avons prêché, qu’il soit anathème ! » Gai., i, 8, 9. scs définitions, par exemple, est préservée même de De même, Jésus donnait aux non-croyants des preuves ccs accidents, en sorte que le seul fait de la définition de sa mission, des miracles à examiner par leur raison nous r assure pleinement contre l’erreur. Quoique Individuelle : mais une fois qu’ils avaient, comme dénuée de cc diarisme, quoique sujette à des erreurs Nicodème, reconnu par là sa mission, il exigeait la sou­ mission et la foi à son enseignement infaillible. Voir i éventu elles, il n’en reste pas moins vrai que la raison, dans de nombreux cas particuliers, portera sur les col. 63. préambules de la foi un jugement qui, par la valeur Mais, disent les protestants, l’examen que l’on a bien constatée de scs motifs,aura une certaine infail­ permis à l’incroyant en vole de sc convertir à la fol, libilité de fait. C’est assez pour que cct acte préalable pourquoi l’interdire ensuite au croyant? La soumis­ de la raison ne vienne pas alors vider le résultat final, sion dont le premier a été dispensé, pourquoi l'impo­ priver rinfaillibllité de l’Église de son utilité, et la ser au second? — Parce que le premier ne peut rai­ fol de sa certitude. Le cardinal Newman, bien qu’il sonnablement se passer d’examen, et que son igno­ réserve le nom d’infaillibilité à celle-là seule (pli pro­ rance (qui n’est pas coupable) l’excuse de la soumission vient d’une assistance surnaturelle (pure différence à un enseignement infaillible : tandis que le second, de mot), donne la même doctrine, qui répond non renseigné déjà sur cette infaillibilité, n’est plus excusé seulement à l’objection fldéiste contre notre raison, par l’ignorance, et doit tenir ferme à cette vérité capi­ mais encore à des objections protestantes contre tale, et employer cette ressource unique pour con­ rinfaillibllité de l’Églisc : « Très souvent, remarque-t-il, naître vite et sûrement tous les dogmes à croire, qui dans la controverse religieuse surtout, on confond mal resteront la lumière de sa vie. Voir Tcrtulllcn, De à propos l'infaillibilité (avec toute l'ampleur qu’elle a prescript., c. vin sq., P. £., t. n, col. 21 sq. Cf. Frcpdans le don surnaturel) et la simple certitude... J'ai pel, Tertullien, 1864, t. π. xxvii· leçon, p. 191 sq. 2· objection. — Ainsi la raison individuelle, avant un souvenir certain de ce que j’ai fait hier, et pourtant ma mémoire n’est pas Infaillible; je suis très sûr que la foi, fera comparaître à son tribunal et l’Églisc deux et deux font quatre, mais je me trompe souvent Infaillible, et la révélation infaillible de Dieu même, et dans les longues additions... La certitude tombe sur les jugera ! < C’est la déclarer souveraine, puisqu'on matière de croyance la souveraineté consiste précisé­ telle ou telle proposition particulière; ce n’est pas une ment dans cc droit de juger. » Gerbet, loc. cil., p. 150. faculté ou un don, mais une disposition de l'esprit par Réponse. — N’équivoquons pas sur le mot · juger ». rapport à un cas bien défini que j’ai devant mot L’Églisc, en vertu d’une institution divine qui lui L’infaillibilité, au contraire, est une faculté ou un délègue quelque chose de l’autorité et de l'infailli­ don, et s’étend, non pas seulement à une vérité en bilité de Dieu, a un tribunal doctrinal, où elle « juge > particulier, mais à toutes les propositions possibles à la façon d’une cour suprême, dont la sentence juri­ dans une matière déterminée. » Grammar of assent, dique oblige, et oblige sans appel, cc qui lui donne une Londres, 1895, Π· part., c. vu, § 2, p. 224. Ft plus vraie · souveraineté ». La raison individuelle, au con­ loin : « Je puis être certain que l’Église est infaillible, traire, · juge · au sens psychologique du mot, et non tout en étant moi-même un faillible mortel : autre- 183 FOI 184 nécessaire pour qu’il y ait obligation de croire en lui. Il ment, je ne pourrais pas être certain que Dieu est infaillible, sans cire infaillible moi-même. C'est donc parle ainsi des Juifs Incrédules : « Si je n’avais pas fait une singulière objection qu’on fait parfois contre les au milieu d’eux des œuvres que nul autre n’a faites, catholiques, qu’ils ne peuvent prouver ni admettre ils seraient sans péché, » Joa., xv, 24 sans péché dans l’infaillibilité de l'Églisc sans croire d’abord â la leur leur incrédulité, donc sans obligation de croire : donc propre. La certitude, comme je l’ai dit, tombe sur telle cette obligation n’a commencé qu’anrès avoir examiné proposition déterminée. Je suis certain des proposi­ les œuvres extraordinaires, preuves de sa mission. • .Maintenant ils ont vu.» Lac. cit. C’est pourquoi main­ tions 1, 2, 3» 4, 5, une par une, chacune pour soi. il tenant ils sont coupables de ne pas croire. « Ils ont peut se faire que je sois certain de l’une d'entre elles, vu · : il ne leur demande pas de croire en lui, sans avoir sans être certain du reste. Que je sois certain de la pre­ vu d’abord: la fol présuppose d’autres actes intellec­ mière ne fait pas que je sois certain de la seconde. tuels qui la préparent. · Ils ont vu · : évidemment par Mais si j’étais infaillible, alors je serais certain, non leurs facultés naturelles, c’est-à-dire les sens exté­ pas d’une de celles-ci,mais de toutes, et de beaucoup rieurs, et la raison oui utilise les données des sens. d’autres qui ne se sont jamais encore présentées à • Us ont vu ■ : donc nos facultés naturelles au moins mol Nous pouvons être certains de l’infaillibilité de avec une certaine aide de la grâce, ne sont Das inca­ l'Églisc, tout en admettant qu’en bien des choses nous pables de vérifier le fait de la révélation et l’obligation ne sommes pas et ne pouvons pas être certains. » de croire. Vous avez, leur dit-il ailleurs, la permis­ Lor. d/., p. 225, 226. sion de ne nas me croire si les preuves de ma mission Par ces principes, on réfutera cette objection d’un ne vous sont pas fourmes. Joa.. x, 37. Mais si vous rationaliste : « L'infaillibilité est nécessaire partout, avez vu des miracles, avec lesquels des Datons même ou elle ne l’est nulle part... Vous n'avez rien gagné auraient cru, alors malheur a vous! Matth., xi si l'évêque n'est pas infaillible en expliquant les con­ ciles à mon curé, si mon curé ne l'est pas en me trans­ 21.22. mettant les explications de son évêque, si moi-même Jésus ne contredit pas cette méthode, quand, pour enfin je ne le suis pas pour comprendre les paroles de divers motifs, il ordonne temporairement de ne pas mon curé. » E. Scherer, Mélanges (Γhistoire religieuse, divulguer certains de ses miracles. Voir S. Thomas, Paris, 1864, p. 115. Il y aura ileu toutefois d’ajouter Sum. theol., IIIa. q. xlv, a. 3, ad 4«m. S’il demande plus loin d’autres explications, quand il s’agit de la (parfois seulement) un acte de foi à sn puissance avant certitude des préambules non pas chez un homme con­ de faire le miracle, Matth., ix, 28, c’est qu’il s’adresse à des gens qui, sur d'autres motifs de crédibilité, par naissant suffisamment l'apologétique, mais chez un enfant ou un ignorant. exemple, sur le récit de scs miracles antérieurs, pou­ 4° L'Écriture est-clic favorable au fidéisme? — Les vaient déjà croire en lui; la foi chrétienne reste posté­ fidélités, faisant ordinairement peu de cas de la rai­ rieure aux preuves de ses préambules. Sans doute la • fol des miracles » précédé le miracle lui-même : mais son humaine, et grand cas de la révélation, sont moins touchés des considérations qui prouvent que leur posi­ cette espèce de foi n’est qu’un charisme donné à quel­ ques-uns, et surajouté à la foi chrél tenue, qu’ils avaient tion n’est pas raisonnable, que des arguments tirés des déjà conséquemment à d'autres motifs de crédibilité. sources de la révélation. Voilà pourquoi nous devons Voir col. 69. Cf. Le Bachelet, dans le Dictionnaire en venir à ceux-ci apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, ait. Apo­ 1. En fait de préambules de la foi, les prophètes et logétique, 1.1, coi. 191, 192, le Christ lui-même, comme ils parlaient à un audi­ toire juif, déjà profondément imbu de monothéisme, 2. Les apôtres ne font pas appel à la seule bonne n’avaient à prouver ni l'existence de Dieu, ni sa volonté de croire, ils se préoccupent d’expliquer et de science, ni sa véracité. Mais il leur restait à prouver prouver les vérités qui sont les préambules de la fol. une autre classe de préambules, le fait de leur mission, Sur la première classe de préambules, qui contient de la révélation divine qu’ils apportaient, et à le prou­ certaines vérités de théodicée, les apôtres Insistent ver par la seule preuve proportionnée à un pareil fait, quand ils parlent, non pas aux Juils, mais aux païens, par le miracle. Voir col. 108. Or, nous voyons celte dont le polythéisme effaçait la conception du vrai preuve soigneusement donnée par les envoyés divins. Dieu, créateur et législateur, présent à nos Ames et Pour les textes de ΓAncien Testament et des Évan­ opérant en elles. D’ailleurs, l’épicurisme, alors très giles, voir Crédibilité, t. ni, col. 2236-2238. répandu, niait la providence, qui s’occupe de nous, D’ailleurs, le Christ ne suppose pas que sa mission tandis que le stoïcisme, l’autre philosophie à la mode, et ses miracles doivent être reçus les veux fermés, ou se noyait dans un vague panthéisme. De pareilles comme un objet de pure fol et non d’examen. Il fait philosophies rendent impossible la foi nu témoignage appel aux procédés ordinaires de la raison. Il renvoie divin : il y faut un Dieu personnel, s’occupant de nous ses auditeurs à l’étude approfondie qu’ils font des pour nous sauver, pouvant nous parler et nous don­ Écritures, auxquelles ils croient déjà, et où ils pour­ ner des signes de sa révélation. Deux endroits seule­ ront trouver ce qui est prophétisé sur lui. Joa., v, 39, ment des /\ctcs nous montrent un auditoire païen : 46. Il discute avec eux l’origine divine de ses miracles. dans les deux occasions, les apôtres ne manquent pas Quand les Pharisien; essaient de la nier, disant qu’il de présenter tout d’abord une doctrine rationnelle sur chasse les démons par la vertu du prince des démons, Dieu. Act., xïv, 14-16; xvn, 24-29. Dans les deux pasJésus raisonne avec eux, et leur montre combien il est sages, ils mènent au vrai Dieu créateur, et ù sa provi­ invraisemblable que Satan se chasse lui-même, et que dence, par le spectacle de l’univers bien ordonné; dans son royaume soit ainsi divisé. Matth., xn, 24 sq. le second, Paul insiste sur la réfutation du polythéisme Quand ils objectent qu’une guérison faite le jour du et sur la présence et l’action bienfaisante de Dieu, citant même un de leurs poètes. Ce n’est qu'après ce sabbat, étant une violation de la loi et un acte maulong prélude, qu’il en vient au fait de la révélation, à vais, ne peut avoir une origine divine, il leur montre la mission du Christ et au signe qu’en donne sa résur­ qu’ils supposent faussement dans un tel acte une vio­ rection, xvn, 30, 31. Sa méthode ne sent en rien le lation de la loi. Marc., m, Γ. Luc., xiv, 5; cf. xni, 15. fidéisme. Quand its cherchent à déprécier scs miracles en le Sur la seconde classe de préambules, le fait de la traitant de pécheur, Joa., vin. 48; ix, 16, 24, il les révélation et ses signes, la méthode des apôtres nous met au défi de prouver leurs calomnies, ix. 46, 49. apparaît en de nombreux passages des Actes et dos Cette constatation préalable de scs miracles, de scs Épltrcs. On trouvera les principaux à l’art. Chêdidivertus, des preuves de sa mission, le Chnst la déclare I i I I . ’ ' I 185 FOI LiTé, t. ht, col. 2238, 2239. CL Le Bachelet, loc. clL, col. 192. Observons comment nu besoin les apôtres raisonnent avec les Juifs, pour maintenir aux yeux de lu raison le caractère miraculeux des signes, et les défendre d'une fausse intcqjrétation. Le jour de la Pentecôte, quand une partie des assistants attribue à une grossière ivresse l'cnthousiasmcctles charismes des apôtres, Pierre rappelle que l’ivresse n’est pas vrai­ semblable ù cette heure du jour, et les renvoie à leurs prophètes. AcL, n, 13, 15. Après un autre miracle, Pierre en explique au peuple la véritable portée : ce n'est pas par leur propre puissance, c'est par celle de Jésus, par la foi en son nom,que le miracle a été fait : c’est donc la foi en Jésus que ce miracle confirme. Act., ni, 12, 16. Dans la synagogue de Thcssaloniquc, Paul, la Bible en main, établit la mcsslanlté de Jésus, xvn, 2, 3. Il s'attache à l'argument des prophéties, spécia­ lement adapté aux Juifs, puisqu'ils admettaient déjà la divine inspiration des prophètes. Nous avons déjà vu à quel examen critique des Écritures il provoque les Juifs de Béréc, xvn, 11, 12. Aux fidèles, il donne scs miracles comme signes de sa mission apostolique, que l’on avait contestée. II Cor., xn, 12. 5° Les Pères sont-ils favorables au fidéisme? — Nous avons vu qu'en expliquant la nature de la foi, ils oppo­ sent la foi à la « démonstration », à la « raison », enten­ dant par ces mots la preuve intrinsèque et philoso­ phique, qui est la démonstration par excellence. Voir col. 114. Si c’était là être fldélstc, nous le serions avec eux. Mais de ce que la foi n'est pas une connaissance intrinsèque, il ne s’ensuit pas que les préambules de la foi, eux, ne puissent être atteints par une connaissance intrinsèque; et certes les Pères ont donné des preuves philosophiques do V existence et de la nature de Dieu. Voir Dieu (.S’a nature d'après les Pères), L iv, col. 1029 (Aristide), 1032 (Athénagorc), 1034 (S. Théophile d'Antioche), 1036 (S. Irénée), 1040 (Clément d'Alexan­ drie), 1046 (Orlgène), 1055 (Minucius Félix), 1056 (Tertullien), 1063 (Arnobc et Lactance), etc. Quant au fait de la révélation, ils l’ont prouvé par l’argument qui lui est proportionné, les miracles et les prophéties, transmis jusqu’à nous par le témoi­ gnage historique. Ils ont même parfois étendu à cette preuve historique le nom de «démonstration», comme nous le faisons souvent. Et ils regardent cette preuve préalable comme nécessaire à la foi. Sur toute cette question, voir Le Bachelet, loc. cit., col. 192-197, et sa bibliographie des ouvrages sur l’apologétique des Pères, col. 198, 199. Nous nous contenterons d'insis­ ter sur quelques textes, à notre point de vue do la con­ troverse fldéiste. 1. Pères grecs. — Saint Justin, après avoir donné l’argument des prophéties messianiques : « En voilà assez, conclut-il, pour persuader ceux qui peuvent écouter et comprendre, et pour leur montrer que nous n'apportons pas des affirmations Indémontrables, comme ces fables fabriquées sur les prétendus fils do Jupiter. Comment croirions-nous à un crucifié qui se déclare le Fits premier-né d’un Dieu non engendré et nous dit qu'il jugera le genre humain, si nous ne trou­ vions pas des prophéties faites sur lui bien avant sa venue, et si nous ne les voyions pas réalisées par l’évé­ nement? si nous no voyions pas nous-mêmes la Judée devenue déserte, des hommes de toute nation con­ vertis par les apôtres renonçant à leurs vieilles erreurs et transformant leurs mœurs ? » A pot., i, n. 53, P. G., t. vi, col. 405. Comment croire au Christ, si l’on ne voit d’abord quelque preuve do sa mission? C’est déjà le mot de saint Thomas : Non enim crederet, nisi videret ea esse credenda vel propter evidentiam signorum, vel propter aliquid hufusmodi. Sum. theol., IPII·, q. j, a. 4, ad 2’". Saint Justin ajoute que de telles preuves sont do force à produire une foi raison­ 186 nable, « la fol avec la raison, > πίσην... μετ« col. 408. Au contraire, · ceux qui enseignent la mythologie imaginée par les poètes n’ont absolument aucune démonstration à donner aux jeunes gens qu'ils instrui­ sent, » ce qu'ils racontent n’ayant aucune valeur his­ torique. Loc. cil., n. 54. Aussi les chrétiens, en face du paganisme, ont seuls le privilège de h « démonstra­ tion », μόνοι μετά αποοείξεω;. Loc. e it., η. 20, col. 357. Voir d’autres textes de Justin dans Crédibilité, L ni, col. 2240, 2241. Pour saint Théophile d'Antioche, saint Irénée, les Récognitions clémentines. Clément d’Alexandrie, Ori gène, Eusèbe, saint J. Chrysostome, voir Crédibilité, col. 2241-2247. On a produit contre quelques-uns de ces Pères, sur­ tout Clément d'Alexandrie, les accusations les plus contradictoires. Tantôt on leur a reproché de donner trop à h raison et même à h philosophie païenne comme préparation à la fol, voir Clément d’Alexan­ drie, L m, col. 169-170, tantôt, ce qui vient à notre sujet, on a voulu en faire des fldéistes, parce qu’ils disent que la foi, πισης, précède la connaissance, γνόσιτ. Or, par là, Ils ne veulent pas mettre la foi divine au début m à la base de toute connaissance religieuse, comme les fldéistes, mais seulement à la base d'une certaine connaissance religieuse, d une con­ naissance de luxe qui n'est pas à la portée de tout Je monde, et que l’on acquerra ensuite si l’on en a le loisir, après avoir commencé par le plus pressé, par le plus nécessaire au salut, par h foi. On sait que chez Clément le mot · gnose > est souvent réservé à une con­ naissance spéciale aux plus avancés, de même que le corrélatif · gnostique », pris en bonne part, est réservé au chrétien parfait qui est en meme temps un savant. Il est donc tout simple qu’il fasse passer La foi avant la « gnose » et qu'il en fasse le fondement de la « gnose-. Strom., VII, c. x, P. G., t. ix, col. 48 L Cf. Freppcl, Clément d'Alexandrie, p. 333 sq. Voir surtout Clé­ ment d'Alexandrie, t. ni, col. 188-191. Origène a le même fond' d'idées. 11 montre qu’il est impossible à la grande majorité de laisser les affaires de la vie pour s'adonner aux loisirs de la philosophie, aussi le Christ leur a-t-il donné par la révélation et la foi une voie plus courte pour arriver aux grandes vérités dont ils ont besoin; voie qui suppose d’ailleurs des motifs de crédibd té, comme les miracles du Christ, la transformation admirable des mœurs. Voir l’endroit cité, col. 110. D'autre part, Origène loue le chrétien qui peut à cette foi première ajouter la science. Voir col. 81. Sur les objections que les fldéistes ont tirées des Pères grecs, surtout de Clément d'Alexandrie et d'Ongène, voir aussi d’Alès, Dictionnaire apologé­ tique de la foi catholique, t. n. col. 58-60. Nous retrou­ vons plus tard cette même formule, dont abusent les fldéistes, dans d’autres Pères, comme saint Cyrille d’Alexandrie, et avec plus d'explications encore : • 1 n science vient après la foi. Sur le fondement de la foi simple on bâtit ensuite la γνώσις, qui peu à peu nous élève à la mesure de la stature parfaite du Christ (Eph., iv, 13), et fait de nous des hommes parfaits et spirituels. » in Joa., 1. IV, c. iv, P. G., t. lxxiii, col. 629. Par cette « foi simplo », mise à la base, Cyrille n’entend pas d’ailleurs une foi sans aucun exercice préalable de la raison : il vient do dire des apôtres, modèles de notre foi : < Ils n’ont pas été entraînés dans la foi par légèreté ni trop facilement : mais ils s’étaient convaincus tout d'abord que leur maître et initiateur était... l’introducteur de célestes doctrines. •Luc. cit., col. 628. Quant à la gnose qui suit la foi, il la veut modérée, turptav. Loc. cit. Cette double assertion, que la foi doit précéder, et que la gnose qui la suit doit être modérée, Cyrille l’oppose aux hérétiques gnostiques et manichéens, qui voulaient supprimer la foi, et promettaient une science religieuse sans limit* s iô7 FUI et sans mystères. Le concile du Vatican a très bien exprimé h meme pensée : « La raison, déjà éclairée par la foi, si elle cherche avec confiance, piété et sobriété» obtient, avec le secours de Dieu, une certaine intel­ ligence très fructueuse des mystères, · etc. Sess. Ill, c. rv, Denzinger, n. 1796. En somme, la γνώσις des Pères répond assez bien à notre théologie dogmatique, qui suppose la foi, et cherche soit une analyse plus exacte et une synthèse plus harmonieuse du donné révélé, soit les conclusions que l’on peut en tirer : fides quærens intellectum, comme disaient les scolas­ tiques. 2. Pères latins. —Sur Tcrtullicn, saint Cypricn, Lactance, Arnobe, saint Hilaire, saint .Ambroise, saint Jérôme» prouvant le fait de La révélation par divers motifs de crédibilité, voir Crédiditité, L m, col. 2249-2257. Nous ajouterons quelques textes qui mon­ trent bien comment ils se séparent du fidéisme, com­ ment ils exigent l’exercice de la raison individuelle avant la foi. Tcrtullicn, après avoir blâmé les procédés arbi­ traires de Marcion, qui rejetait certains livres du Nou­ veau Testament et en conservait d'autres, remarque que cet hérétique n'a d'autre critère que sa fantaisie, qui n’est pas une preuve d’origine divine pour ceux qu’il conserve, et qu'il les croit ainsi sans raison; et il pose cc principe : < Il ne faut rien croire téméraire­ ment; or on croit témérairement tout ce que l’on croit, sans en avoir reconnu l'origine.· Adversus Marcionem, 1. V, c, I, P. L., L n, col. 468. Voir cc que nous avons cité de lui sur le sens de < foi », col. 80; sur le rôle de l’Église, col. 151. Lactance pose un principe semblable : Neque religio ulla sine sapientia suscipienda est. Institut., I. I, c. i, P. L., t vr, col. 119. Par sapientia, il entend l'exercice individuel de la raison naturelle; car attaquant les païens qui s'attachaient à leur religion uniquement parce qu'elle venait de leurs ancêtres : « Il faut, dit-il, dans une affaire qui intéresse toute la vie, sc fier cha­ cun à soi-même, et sc servir de son jugement propre pour examiner et peser la vérité, et non pas croire aveuglément aux erreurs des autres, comme si l'on n’avait pas soi-même la raison. Dieu a donné à tous dans une certaine mesure la sagesse, pour chercher la vérité quand iis ne l’ont pas entendue, et l’examiner quand ils l'entendent... Puisque la sagesse, c’est-àdire la recherche de la vérité, est innée dans tous, ceux-là sc l'enlèvent à eux-mêmes qui, sans aucun jugement préalable, approuvent les inventions de leurs ancêtres, et se laissent mener par d’autres à la façon des animaux. » Op. cil., 1. II, c. vin, col. 287. Saint Augustin proclamo la nécessité d'un juge­ ment de crédibilité ou de crédcndité avant la fol : Nullus credit aliquid, nisi prias cogitaverit esse ere· dendum. De praedestinatione sanctorum, c. n, n. 5, P.L., L xuv, col. 962. Ce jugement suppose que Dieu nous a donné aes preuves de son existence, et du fait de sa révélation, en un mot des préambules do la foi · • Dieu t’a ordonné de croire cc que ’ u ne peux pas voir: mais il n'a pas laissé do te faire voir quelque chose par où tu puisses croire co quo tu ne vois pas. Les créatures elles-mêmes, n'cst-ce rien comme signe, comme indice du créateur? De plus, il est venu sur b terre, il a fait des miracles. > Serm., cxxvr, n. 5, P. L.. L xxxvni. col. 700. Ces constatations préala­ bles sc font à la lumière naturelle de la raison indivi­ duelle, se servant des sens extérieurs : « Dieu a donné des veux à votre corps et la raison à votre âmr : éveillez cette raison,... servez-vous de vos yeux comme un homme doit s’en servir, considérez le ciel et la terre, h force vitale des semences, la succession des saisons; considérez ces œuvres, et chcrchcz-cn l’au­ teur. » Lac. ciL, n. 3, coL 699. < Tout homme a des 188 yeux au moyen desquels il peut voir les morts ressus­ citer. » Serm., xcvm, n. 1, ibid., col. 591. ■ C'est à nous de considérer à quels hommes ou à quels livres (qui sc disent inspirés)il faut croire,pour avoir le vrai cultcdo Dieu, qui conduit au saluL > De vera religione, c. xxv, n. 46, P. L., t. xxxiv, col. 142. L'Église, prise comme société humaine, nous atteste l’authenticité do scs livres, procédé ordinaire de critique. Voir col. 151. Pour arriver à la foi, nous partons toujours de quelque chose de visible et de perçu, témoins, documents : hstibus movemur ad fidem... Dantur signa vcl in vocibus, vel in litteris, vel in quibuscumque documentis, quibus visis non visa credantur. Epist., cxuni, n. 8, P. L., t. xxxiii, col. 600. Quand Augustin dit que < la foi précède la raison > ou l’intelligence, il suit les Pères grecs que nous venons d'expliquer. Il donne deux raisons de cette méthode : a) La brièveté de la vie ne permet pas de retarder la foi salutaire jusqu'à ce qu'on ait épuisé toutes les questions de théologie ou d’exégèse : Sunt enim innu· merabiles : quæ non sunl finiendie ante fidem, ne finia­ tur vita sine fide. Epist., en, n. 38, P. L., t. xxxni, col. 386.— b) Le mérite de la foi simplest son influence pour exciter les autres vertus, purifie le cœur et ainsi nous prépare aux sentiers ardus de l’exégèse, de la théo­ logie, ou même de la contemplation mystique qui essaie à sa manière aussi de pénétrer les mystères. Credendo subjugentur Deo, subjugali recte vivant, recte vivendo cor mundent, corde mundato quod credunt intelligant. De fide et symbolo, n. 25, P. L., L xl, coL 196. Parlant à Consensus de l’étude de la Trinité, il dit : < Cc que tu tiens déjà par la fermeté de la foi, regarde-lo aussi à la lumière de la raison. Non, Dieu ne hait pas en nous cette faculté par laquelle il nous a mis au-dessus des animaux... Sur certains points de la doctrine du salut, que nous pourrons un jour péné­ trer (au ciel), mais pas encore avec notre raison, il est juste que la foi précède la raison pour purifier le cœur afin qu'on puisse obtenir et soutenir la lumière d’un plus grand développement de la raison, » magnæ rationis. Epist. ad Cons., n. 23, P. L., t. xxxm, col. 453. Ainsi Augustin prend la foi pour base non pas de tout usage de la raison, mais d'un usage très relevé de b raison, dans le chrétien qui en est capable. Et il a soin de distinguer cc très haut degré d'un degré bien inférieur qui doit précéder et accompagner la foi (cc qui est l'opposé du fidéisme) : « Sans comprendre quelque chose, personne ne peut croire en Dieu; mais cette foi même, quand il l'a, le guérit, lui donne de comprendre des choses plus grandes (ut intelligat ampliora). Il y a des objets que nous devons com­ prendre pour arriver à la foi : il y en a d'autres que sans la foi nous ne comprendrons pas. · Enarr. in ps. CIViii, serm. xvm, n. 3, P. L., t. xxxvu, col. 1552. L'exercice de la raison avant et après la foi porto donc sur des objets différents; ce qui concilie l’anti­ nomie apparente : la raison avant la foi et la foi avant la raison : tntellige ut credas, crede ut intelligas. Serm., xliii, n. 9, P. L., t. xxxvm, col. 258. Sur sa critique de la méthode des manichéens, voir col. 111. Cf. d'Alès, loc. eit., col. 60. Voir aussi, pour plus de détails sur cette pensée de saint Augustin et son influence après lui, Krebs, Théologie und Wissenscha/t. etc., dans Büumkcr, Beitrâge, Munster, 1912, t. xi, p. 15 sq A la suite des Pères, saint Thomas exige avant la foi les actes intellectuels qui la conditionnent, et en­ tend bien qu'on les fasse à la lumière de la raison naturelle. Voir Crédibilité, t. ni, col. 2271-2276. 6° Documents ecclésiastiques sur le fidéisme. — 1. Propositions que l’on fit souscrire à des fidéistes. — a) Propositions de Bautain. — Qu'il suffise de citer la 5·, qui s'oppose au fidéisme d'une manière générale et 189 FOI précise. Nous la prenons sous la forme où elle fut pré­ sentée la seconde fois A sa signature, en 1810, souscrip­ tion qui termina la question de son livre déféré A Home. Les quatre propositions précédentes traitent de la possibilité pour la raison de constater les préam­ bules de la foi, existence de Dieu, scs perfections, fait de la révélation, preuve de ce fait par les miracles. Puis vient la 5· : Quoad ha* quæstloncs varias, ratio fldcm precedlt dcbctque ad corn nos conducere. Denzinger-Bannwort, n. 1026. Sur ce* questions diver­ ses (des préambule») la rai­ son précédé In foi et doit nous y conduire (texte ori­ ginal). Denzinger, loc, cil., en note. b) Propositions présentées à Bonnettg par la S. C. de l’index, en 1855. Qu'il suffise do citer la 3·. C’est la 5· proposition de Bautain sous sa première forme, signée en 1835 : Hationis usus fldcm p ποcedit et nd eam hominem ope revelationis et gratiæ conducit. L'usage de la raison pré­ cède la fol, et y conduit l’homme par la révélation et la grâce. Voir Bautain, t. n, coi. 482; Bonnetty, coi. 1024. 2. Pie IX, encyclique Qui pluribus, en 1846. — Cc document dirigé principalement contrc le rationalisme, mais atteignant par endroits le fidéisme, affirme aussi que la raison individuelle peut et doit constater les vérités qui servent de préambules A la foi. a) Sur la première classe de préambules, science et véracité de Dieu : Quis enim Ignorat vel Ignorare potest, omnem Deo loqucntl fidem esse habendam, nlhilquc rationi Ipsi mngis consentaneum esse, quam iis acquiescere flrmiterquc adlucrcre, quæ n Deo, qui nec falli nec fal­ lere potest, revelata esso constiterit? DenzingerBonnwart, n. 1637 (1498). Quel homme ignore ou peut ignorer que la parole de Dieu est digne de toute notre fol, et que rien n’est plus conforme A la raison elle-même que d’acquiescer et d’adhérer fermement A ce qui est reconnu comme révélé de Dieu, lequel ne peut ni sc tromper ni nous tromper? b) Sur la deuxième classe de préambules, fait de la révélation et ses preuves : Humana quidem ratio, ne in tan II momenti negotio decipiatur et end, divin® revelationis factum dili­ genter Inquirat oportet, ut certo sibi constet Deum esse locutum... Sed quam multa, quam mira, quam splendida pnesto sunt argumenta, quibus humana ratio lucu­ lentissime evinci omnino debet, divinam esse Christi religionem I etc. Denzin­ ger. n. 1637, 1638. Iji raison humaine, pour ne pas sc tromper dans une affaire si importante, doit s’enquérir soigneusement du fait de la révélation divine, afin de reconnaître avec cer­ titude que Dieu a parié... Mais combien de preuves, et combien splendides, s’of­ frent A nous, capables de convaincre pleinement la raison humaine que In reli­ gion du Christ est divine I etc. c) Sur la troisième classe de préambules (conclusion pratique des précédents), l'obligation de croire : Itaque humana ratio ex splendidissimis hisce irquo ne firmissimis argumentis clare npertrquc cognoscens Deum ejusdem fidei aucto­ rem existere, ulterius pro­ gredi nequit, sed quavis difficultate ne dubitatione penitus abjecta atque re­ mota, omne eidem fidei ob­ sequium preheat oportet. Denzinger. n. 1639. Ainsi la raison humaine, parvenue par ces argu­ ments aussi lumineux que solides A constater claire­ ment que Dieu est l’auteur do la fol chrétienne, ne peut aller plus loin; écar­ tant absolument toute diffi­ culté et toute hésitation. Il faut qu’elle rende plei­ nement A Dieu l’hommage de la fol. 3. Le concile du Vatican, sess. Ill, c. nx-iv, et canons correspondants. a) Sur la première classe de préambules : possibilité de les connaître par la raison naturelle : Si qui* dixerit Deum unum et verum, creatorem et dominum nostrum, per ea. qu» facta sunt. naturali rationis human® lumine certo cognosci non posse, anathema sit. Can. 1, De reoelalione, Denzinger, n. 1806. Si quelqu'un dit que le Dieu unique et véritable, notre créateur et seigneur, ne peut pas être connu avec certitude par le moyen de* chose* créée*. A In lumière naturelle de In raison hu­ maine, ou*il soit anathème. Voir aussi le c. n, qui correspond h cc canon, n. 1785. Pour l'interprétation complète de ccs textes, voir Dieu, L iv, coL 825 sq. b) Sur la deuxième classe de préambules : possi­ bilité de les connaître par la raison naturelle, et nécessité de le faire pour que la foi soit d'accord avec la raison, comme Dieu le veut : Ut ...fidei nostre obse­ quium rationi consenta­ neum esset, voluit Deus cum internis Spiritus Sancti auxilii* externa jungi reve­ lationis suar argumenta... quse... divins revelationis signa *unt certissima et om­ nium intelligent!® accom­ modata, c. ni. Denzinger. n. 1790. Eides et ratio... opem quoque sibi mutuam ferunt, cum recta ratio fidei fun­ damenta demonstret..., c. iv. Denzinger, n. 1799. Pour que l’hommage de notre foi fût d’accord avec la raison. Dieu a voulu ajouter aux secours inté­ rieurs de i’Espnt-Saint de* arguments extérieurs de sa révélation..., qui en sont des signes très certains, et appropriés A l'intelligence de tous. La foi et la raison se prê­ tent un mutuel secours, puisque la droite raison dé­ montre les fondements de la foi, etc. Sur la possibilité de connaître certains miracles avec certitude et de prouver par eux l’origine divine de la religion chrétienne, voir les canons 3 et 4, De fide. Denzinger, n. 1812, 1813. Sur la possibilité de recon­ naître la véritable Église par des « signes manifestes de son institution, » voir c. ni. Denzinger, n. 1793. c) Sur la troisième classe de préambules : on peut conclure que l’obligation de croire est reconnaissable A la lumière de la raison naturelle, puisque le concile la prouve par un argument purement philosophique, ainsi brièvement donné : Cum homo a Dec tanquam creatore et domino suo totus dependeat, et ratio errata incrcnlæ veri­ tati penitus subjecta sit, plenum revelanti Deo intel­ lectus et voluntatis obse­ quium fide prestarc tene­ mur, c. in. Denzinger, n. 1789. L’homme dépend tout entier de Dieu comme do son créateur et seigneur, et la raison créée est absolu­ ment subordonnée A la vérité incréée; nous sommes donc obligés, si Dieu révéle, A lui rendre par In foi l'hom­ mage total de notre intel­ ligence et de notre volonté. Sur hs passages du concile opposés au fidéisme, voir Crédibilité, t. m, col. 2334-2336. 4. Léon XI H, encyclique Æterni Patris, en 1879, met en relief le rôle de la raison dans la connaissance de tous les préambules de la foi : ïgitur primo loco magnus hic cl preclarus ex humana ratione fructus capitur,quod illa Deum esse demonstret... Deinde Deum ostendit om­ nium perfectionum cumulo singulantcr excellere,infini­ ta In primis sapientia, quam nulla usquam res latere, et summa justllla, quarn pra­ vus nunquam vincere pos­ sit affectus, idcoquc Deum non solum verarem esse, sed ipsam etiam veritatem falli et fallere nesciam. Ex quo consequi perspicuum En premier lieu, un excellent fruit de la raison humaine, c’est qu’elle dé­ montre l’existence de Dieu. Ensuite, elle /ail voir que Dieu surpasse tous le* êtres par une réunion de toutes les perfections, particuliè­ rement d’une science in Unie A laquelle rien ne peut échapper, et d’une souve­ raine sainteté dont nulle affection désordonnée ne peut triompher; que par conséquent Dieu n’est pas seulement véridique, mais 191 at, ut humana ruito pfcnlsrimani vrrbn Dei fidem at­ que auctoritatem conciliet. Simili modo ratio doctorat evwngeficnm doctrinam mi­ rabilibus quibusdam signis, tanquam certis certe ve­ ritatis argumentis, vel ab Ipsa ongine emicuisse : at­ que ideo omnes, qui Evangeîio fidem adjungunt... rationabili prorsus obse­ quio Inteiligenttam ct judi­ cium suum divina subji­ cere auctoritati. Illud nu­ tem non minoris pretii esse intrillgitur, quod ratio in perspicuo ponat, Eccle­ siam a Chris to institutam (ut statuit Vaticana synodus) • ob suam admirabilem pro­ pagationem. eximiam san­ ctitatem ct inexhaustam in omnibus locis facundi­ tatem, ob catholicam uni­ tatem invictamque stabili­ tatem. magnum quoddam ct perpetuum esse motivum credibllitatis ct divina suæ legationis testimonium Ir­ refragabile. · Acta fronts XIII, Rome, 1881, t. i, p. j268; cf. t· xix, P· 168- FOI la vérité mémo, qui ne mi li­ mit s’égarer ni tromper. D’où il résulte clairement que la raison humaine concilie à la parole de Dieu la plus grande autorité et le plus grand crédit. De même, la raison fait voir que la doctrine évangélique, dés son origine, n brillé par des signes merveilleux, com­ me par des arguments cer­ tains d’une vérité certaine; que par suite tous ceux qui ajoutent foi Λ l'Évungilc sont tout A fait raisonna­ bles de soumettre à l’auto­ rité divine leur Jugement et leur intelligence. Enfin. ce quin'est pas moins précieux, la raison met en pleine lu· mière cc fait constaté par le concile du Vatican, que Γ Église du Christ, · par son admirable propagation, son éminente sainteté et la fé­ condité inépuisable qu’elle montre en tout lieu, par son unité catholique ct sa stabilité invincible, est ellemême un grand ct perpé­ tuel motif de crédibilité, ct un témoignage irréfragable de la divinité de sa mis­ sion. » 192 t. n, col. 2165.— b) Ils lo disent ailleurs équivalemment: soit en attribuant A la raison de •démontrer les fondements de la foi ■ (Vatican), or une démonstra­ tion est une preuve certaine, qui produit un juge­ ment ferme chez ceux qui peuvent la saisir, les seuls dont nous nous occupons en ce moment; soit cn disant â peu près de même que · la raison montre > (ostcndi()lcs perfections de Dieu, et surtout sa science et sa véra­ cité; que « la raison met en pleine lumière » (in per­ spicuo ponit) la divine mission do l’Égiisc (encyclique Ælerni Patris), soit enfin en présentant les preuves de la révélation divine ou do la mission de l’Égiisc comme des signes très certains, des notes manifestes, un témoignage irréfragable (\ratican), des · arguments admirables, splendides qui doivent porter dans la raison humaine une conviction entière et lumineuse » (encyclique Qui pluribus). Tout cela doit sc vérifier au moins dans ceux qui peuvent pénétrer ces arguments, ces notes, ces signes; or ceux-là nous suffisent, car cc sont les seuls que nous considérions cn cc moment 2. Un second argument peut sc tirer d’autres docu­ ments ecclésiastiques que nous n’avons pas encore cités : a) Innocent XI a condamné cn 1679 cette proposi­ tion 21· : tude, Assensus fidei supematurnlis et utilis nd salutem stat cum notitia solum probabili revelationis, imo cum formidine, qua quis formidet ne non sit locutus Deus. Denzinger, n. 1171 (1038). L’assentiment do fol sur­ naturelle ct utile au salut est conciliable avec une connaissance seulement prébablc de la révélation, ct même avec la crainte que Dieu n’ait pas parlé. 7° Ces actes qui préparent rationnellement la foi doi­ vent-ils avoir la fermeté de la certitude? Le semi-fidéisme, a. Occasion de la condamnation. — Un contempo­ — Nous avons vu, parmi les catholiques ou les héré­ tiques, des écrivains qui ont refusé à la raison humaine rain, le carme Raymond Lumbier (f 1684), atteste que ct individuelle toute intervention antérieure à la foi, cette proposition a été condamnée à cause de certains théologiens du temps qu’il ne nomme pas, d'après les­ toute preuve des fondements de la foi divine. Est-il quels,pour faire un acte de foi sur un objet particulier, juste do confondre avec eux, quand même ils s’en approchent, d’autres auteurs qui, pourtant, recon­ il suffisait que cet objet fût probablement contenu dans naissent à la raison le droit ct le devoir d'intervenir un objet général ou vague, certainement révélé, de sorte quo le fait de ta révélation de l’objet particu­ ct de prouver les préambules ou fondements de la foi? lier ne serait que probable. Summa, t. ni, n. 1773. Si les premiers ont reçu le nom de fidéistes, aux seconds, Exemple : proposition générale certainement révélée : pour mettre une différence et une atténuation, on « La grace est nécessaire au salut. » Or, je conçois 1a pourrait donner le nom de « semi-fidéistes ·. Par · semi-fidéisme*, nous entendons le système qui grâce de telle façon systématique et seulement pro­ refuse à la raison, dans la preuve des préambules de la bable, mettons, comme une prédétermination phy­ foi, la possibilité d’arriver ή un Jugement ferme ou,du sique; cette prédétermination probablement s’iden­ moins, qui n'cxige pas cc jugement ferme comme une tifie avec 1a grâce, et par suite est probablement révé­ condition de l’acte de foi. Pour bien délimiter la ques­ lée comme nécessaire au salut : cela suffirait pour que je puisse croire de foi divine l'existence ct la néces­ tion présente, bien plus délicate que la précédente, nous ne considérons encore dans la certitude qu’un sité de cotte prédétermination. Autre exemple : voici seul élément, la fermeté de l’assentiment; nous ne un texte de l’Écriture susceptible de plusieurs sens. nous occupons que de ceux qui peuvent étudier sérieu­ J’ai des raisons probables, plus probables, de préférer sement et pénétrer suffisamment les preuves des préam­ tel sens : c’en serait assez, d’apres cette opinion, pour bules, résonant à plus tard la question de la « foi des que Je puisse identifier cc sens avec l’Écriture inspirée simples ·; nous no nions pas que les motifs do crédibi­ dont Dieu est l’auteur, ct faire un acte do fol divine lité étudiés par la raison ne puissent laisser des doutes sur ta doctrine qui résulte de cette interprétation seu­ imprudents, ct que la volonté n’ait de cc chef une lement probable. part légitime dans la production du jugement ferme b. Sens de la condamnation, — Il est bien suffisam­ sur les préambules. Voir Croyance, t. ni, col. 2384ment déterminé soit par cette origine de la condam­ 2387. Dans ces limites, les théologiens scolastiques nation au rapport de Lumbier, soit par le sentiment s’accordent tous à exiger un Jugement certain sur les commun des auteurs de l’époque qui ont fait dès préambules, comme condition de l’acte de foi. Voici ouvrages spéciaux sur les propositions censurées par les principales raisons que l’on peut donner pour leur Innocent XI, soit surtout par l’examen direct du thèse, et contre le semi-fidéisme : texte lui-même. La « probabilité » pas plus que 1a cer­ 1. Un premier argument peut se tirer de quclqucs- titude, ne pouvant se trouver dans cet acte incom­ un* des documents ecclésiastiques que nous venons plet de l'esprit, que les scolastiques nomment « sim­ de citer contre le fidéisme, quand ils disent que la rai­ ple appréhension >, mais seulement dans l'actc com­ son peut, et même doit, constater avec certitude, avant plet qui est le «jugement·, il s’ensuit que les mots noti­ la foi,les divers préambules, a) Ils ont parfois le mot tia revelationis, avec l'épithète probabilis, signifient mime de ccrtitude.de connaissance certaine : Drum,,, un jugement sur le fait de 1a révélation, ct un juge­ certo cognosci posse (Vatican); certo siLi constet, beiun ment distinct de l’acte de foi, puisqu’on énumère ici esse locutum (encyclique Qui pluribus). CL Ceiuxdeux actes, dont l’un est appelé assensus fidei, l’autre 193 194 FOI nolitia revelationis, et que Ton cherche dans quelles conditions le premier Lient debout (stat), est compa­ tible avec le second. Et comme nous savons par ailleurs qu'un jugement sur le fait de la révélation doit nécessairement précéder l’acte de foi, nous voyons que le point dont il s’agit ici, c’est de savoir si cc juge­ ment, pour donner lieu à la fol, peut être seulement probable, peut être mêlé de doute, de crainte (/ormido). Le pontife, par sa condamnation, prononce que ce jugement préalable doit être plus que probable, donc doit être certain. Cf. Laurent Pisani, O. P., Gedconis gladius propositiones a SS. D. N. Innocentio XI damnatas angelici docturis ope penitus profligans, Palermo, 1683, p. 117, 118; Jean de Cardenas, S. J., Crisis theologica... ex regula morum posita a SS. D. N. innocentio XI, etc., 5· édit., Venise, 1700, p. 258 sq.; Viva, S. J., DamnaUc theses ab Alexandro VU, Innocent io XI, etc., 10r édit., Padouc, 1723, p. 230 sq. Mais, demandera-t-on, qu'ajoute dans la proposi­ tion le second membre de phrase» imo cum formidine, etc.? — Réponse. — 11 précise les mots notitia probabilis. Les théologiens ont parfois rangé, dans la ■ connaissance probable », un Jugement dont les motifs estimés selon leur valeur probante par un connais­ seur, ne dépassent pas La probabilité, lors même que nul doute ne sc produit actuellement dans l’esprit de celui qui juge sous l'influence de ces motifs, comme il arrive aux esprits peu exigeants cn fait de preuves. H y a alors du doute cn puissance, à l’état potentiel, mais non pas en acte. Par ces mots imo cum formi­ dine, l'auteur de la proposition a voulu affirmer que non seulement alors, mais même s’il y a doute actuel dans cc jugement sur le fait de La révélation, on peut encore faire l’acte de foi sur cet objet douteusement révélé. C'est là qu’est le point nettement condam­ nable : aussi nous souscrivons volontiers à cette inter­ prétation modérée de la condamnation, que pour la mériter il faut affirmer à la fois les deux membres de la proposition, parce qu'elle est complexe ct copula­ tive; les deux membres, ne tendant qu’à une seule affirmation précise, sont inséparables, ct le second fait corps avec le premier dans la condamnation. Cc serait donc exagérer la sévérité de la condamnation que de la faire tomber aussi sur ces très nombreux théolo­ giens qui, traitant du jugement préalable sur la révé­ lation tel qu'il sc passe chez les enfants et les ignorants, ont admis (nous le verrons) qu’il peut reposer sur des preuves seulement probables aux yeux d'un connais­ seur, pourvu qu'nlors chez ces ignorants La conviction du fait de la révélation soit ferme, cc qui arrive facile­ ment, soit parce qu'ils sont naturellement peu diffi­ ciles cn fait de preuves, soit à cause de suppléances surnaturelles. Voir CnéoiBiUTÊ, t. in, col. 2233. Cf. Cardenas, loc. cil., n. 33-38, p. 263, 264. D’autre part, sous prétexte de proposition copulative, il serait illégitime de réduire cc document ecclésiastique à dire ceci seulement, que l’acte de foi lui-même (quoi qu’il cn soit des jugements préalables) doit être ferme, ct ne peut renfermer aucun doute sur son objet ct son motif. Une pareille interprétation n’est pas fondée : nous avons montré par l’analyse du premier membre que dans ccttc proposition il n’est pas question de savoir si l'acte de foi est lui-même un jugement pro­ bable et douteux, mais s’il est compatible avec un jugement préalable qui ne constaterait le fait de La révélation qu’avec probabilité ct doute. Et il faut tenir compte de cette analyse du premier membre pour bien entendre le second : autrement, pourquoi le pre­ mier aurait-il été inséré dans La condamnation? Du reste, ccttc interprétation fait faire à l’Égiisc une con­ damnation très inutile : aucun théologien, aucun héré­ tique même, n’attaquait alors la fermeté de l'acte de foi, pris indépendamment des jugements qui le con­ DICT. DK 1IIEOL. CATII. ditionnent; Innocent XI, dans cc décret, se proposait de condamner les erreurs réellement existantes de quelques théologiens laxistes; et s’il avait voulu sim­ plement affirmer en lui-même le dogme bien connu de la fermeté de la foi, il pouvait le dire beaucoup plus simplement qu’en condamnant cette proposition 21*. Enfin, les théologiens ont tous rapporté cette con­ damnation, quand elle a paru, à la question des juge­ ments préaLablcs; ct aucun n’a, depuis, osé d. fendre que ces jugements puissent être seulement probables ou douteux (du moms si l’on tient à l’écart la ques­ tion particulière de ccs jugements chez les simples). MazzclLa s’appuie sur cc dernier fait ct remarque que • l'observation de la loi est un excellent interprete de la loi elle-même. » De virtutibus infusis, Home, 1S79, η. 810, p. 421, 422; 6· édit-, Naples, 1909, η. 742, p. 376. Quant à la 19· des propositions condamnées par Innocent XI : Voluntas non potest efficere, etc., elle ne regarde pas l’action de la volonté sur les jugements qui précèdent la foi, mais sur l'acte de foi lui-même, comme il y est dit clairement : aussi est-elle en dehors de la question présente et sera-t-elle expliquée plus tard. b) Pic X a condamné, sous forme de décret du SamtOfficc, la proposition suivante, 25· parmi les erreurs des modernistes : Ascensus fidei ultimo innititur In congerie proba­ bilitatum. Décret Lamenta· bili, Denzinger, n. 2025. L'assentiment de fhl se (onde en définitive sur un amas de probabilités. Les modernistes supposent que les preuves philo­ sophiques les plus fortes pour l’existence de Dieu et scs perfections, ct les motifs de crédibilité les plus forts pour la divinité de h religion chrétienne ct catho­ lique, soit pris séparément, soit pris dans leur ensem­ ble, ne peuvent fournir un argument certain, même à l’intelligence qui les pénètre le mieux. En effet, ils méprisent tout cc que peuvent fournir la philosophie scolastique et l’apologétique traditionnelle; et quant à leur nouvelle apologétique fondée exclusivement sur l'immanence, s’ils lui reconnaissent une pleine valeur subjective pour satisfaire l’individu qui l’emploie, ils n’y cherchent pas des preuves rationnelles, communi­ cable^ à d'autres esprits ct capables de donner à d’au­ tres la certitude. Aussi Γ encyclique Ihiscendi leur reproche-1-elle de détruire, par leur agnosticisme et leur subjectivisme, soit la · théologie naturelle · ou théodicée, qui fournit à la foi chrétienne certains préambules comme nous l’avons vu, soit aussi » les motifs de crédibilité » qui prouvent le fait de la révé­ lation. Denzinger, n. 2072. De là. chez eux. mépris de Γ » assentiment de foi » lui-même, c’est-à-dire de la foi intellectuelle à des dogmes; ils sc réfugient dans la foi-senti ment, qui n’a pas besoin de toutes ccs preuves préalables dont nous parlons. Contre eux, l’Égiisc prend La défense de l’assentiment de foi tel qu’elle l'entend, ct des préambules ou vérités philosophiques ct historiques sur lesquels il s’appuie. Ces vérités ne sont pas de simples « probabilités », elles peuvent apparaître avec une vraie certitude au moyen des preuves de notre philosophie ct de notre apologé­ tique; les fondements de la foi peuvent être démon­ trés par la raison ct, du nions chez ceux qui compren­ nent ccs démonstrations, produire les jugements fer­ mes que la foi présuppose. Cc document ecclesias­ tique confirme donc la thèse commune que nous défendons. a. Explication fausse de celle condamnation; Xeu*· man est-il visé?— Ainsi, la brève condamnation de ccttc proposition 25 parmi les autres « erreurs des moderuistes » a été ensuite clairement expliquée par VI. - 7 1Q5 FOI b grande encyclique sur le modernisme; et, pour en donner une explication satisfaisante, il n'est nulle­ ment besom de supposer (comme d'aucuns l’ont fait) que cette proposition 25 du décret Lamentabili repro­ duise une théorie de Newman sur la preuve du fait de Lt révélation par des < probabilités convergentes ». Quelle apparence, d’ailleurs, que le cardinal Newman, et pour une théorie très défendable comme nous le verrons tout A l’heure, ait été mis au nombre des par­ tisans de· ce rendez-vous de toutes les hérésies,» comme Pie X nomme Je modernisme, Denzinger, n. 2105? La différence entre la position du cardinal et la leur est d’ailleurs manifeste et multiple. Les modernistes méprisent l’assentiment de foi dogmatique lui-même, et c’est pourquoi ils déprécient sa valeur intellectuelle, en disant qu'il n'est étayé que par des probabil tés; Newman, dans la Grammar of assent où il expose cette théorie, vénéré la foi nu sens théologique, avec ses dogmes et son motif spécifique, et scs préambules, et scs motifs de crédibilité. La proposition moderniste dit d’une manière universelle : « L'assentiment de fol est fondé sur des probabilités; » Newman dit : Le fait de la révélation, comme les autres faits historiques, peut être démontré par un ensemble de probabilités; mais il n'a jamais dit qu’on pût démontrer de la sorte tous les autres préambules de la foi, par exemple, la science de Dieu, sa véracité; h proposition condamnée est donc trop universelle pour exprimer sa pensée. Newman ne parle que de probabilités « convergentes »; la proposition 25 ne reproduit pas ce mot, capital dans sa théorie; et les modernistes ne veulent rien savoir de celte théorie qui sert à prouver contre eux la certitude morale du fait d'une révélation surnaturelle dont ils ne veulent pas. Ils disent que toute notre foi intellectuelle ne s'appuie que sur des probabilités qui restent tou­ jours des probabilités; Newman dit que le fait de la révélation peut être prouvé par un tel ensemble de probabilités que la raison arrive à en dégager une certitude légitime. Les modernistes entendent que, même pour ceux qui saisissent le mieux les arguments les meilleurs de notre théodicée et de notre apolo­ gétique, ces arguments ne peuvent élever personne au-dessus des probabilités; Newman, quand il lui arrive d’appeler « probable · toute la preuve préala­ ble dont il sc contente pour la foi, se préoccupe alors de h fol des simples, question, comme nous l’avons dit, que nous ne devons pas encore considérer ici, pour éviter une extrême confusion. Voir Croyance, t. in, col.2392. Depuis le décret Lamentabili,de graves théo­ logiens ont pris, au sujet de cette proposition, la défense de Newman; tel le P. Christian Pcsch : « Si (les modernistes), dit-il» avaient seulement voulu dire que la certitude morale est souvent produite par des arguments qui, pris séparément, sont seulement pro­ bables, et qu’une telle certitude suffit à la connais­ sance des préambules de la foi, ils n’auraient rien dit que de vrai. C'est ce qu’enseigne le cardinal Ncw’man, souvent cité. Grammar of assent, 4· édit., Londres, 1874, p. 410 sq. Voir ce que j'ai écrit dans les Theologische Zeitfragen, t. v, p. 104 sq. » Pcsch, Praelectiones dogmatica·, 3· édit., 1910, t. vni, p. 131. De même le P. Le Bachelet, dans le Dictionnaire apologétique de la loi catholique de M. d'Alès, L î, col. 238. CL Chossat, Le décret Lamentabili, Paris, 1907, p. 71. b. Théorie des probabilités convergentes, — Ceci nous amène à examiner rapidement cette théorie, non seu­ lement à cause de h justice à rendre à Newman, mais encore à cause du grand intérêt qu'elle présente dans 11 question du fait de la révélation, et de la manière de prouver avec certitude ce préambule de la foi. Notons d’abord que des preuves ou indices, qui, sé­ parément, sont seulement probable-, peuvent s'accu­ muler de deux manières très différentes : en dépendant 196 ou en ne dépendant pas les uns des autres. — Exem­ ples de la première sorte d'accumulation. Plusieurs historiens s’accordent pour attester un fait : mais le premier, dont le témoignage n'a qu'une valeur pro­ bable, a été simplement copié par Je second, le second par le troisième et ainsi de suite; c’est une chaîne qui dépend tout entière du premier témoignage, et ne peut en dépasser la valeur. Souvent meme le dernier anneau de la chalno est beaucoup moins solide que le premier : d’une conjecture je conclus à un fait pro bablc;sur ce seul fait .je ’base l'induction d’une loi physique hypothétique; enfin, ’au moyen de cette loi, je prédis que tel nouveau fait va se produire. Ou bien: cet homme a été peut-être assassiné; s’ilTa été, c'est vraisemblablement par quelqu'un que l’on a vu se promener avec lui, avant qu'il disparaisse; ce quel­ qu'un ressemblait assez à tel homme que voici; c'est donc probablement un assassin. Dans ces exemples, la conclusion court bien plus de risques que le point de départ, et vaut beaucoup moins; les chances d'er­ reur sc sont accumulées; c’est à ces chaînes de proba­ bilités dépendantes les unes des autres, que s'applique le mot de saint Thomas : Parvus error in principio magnus est in fine. Cf. Clarke, S. J., Logic, Londres, 1889, p. 430, 431. Exemples de la seconde sorte d'accu­ mulation. On a pris la photographie et le signalement très exact d’un criminel; échappé de prison, on le recherche; on arrête quelqu’un qui ressemble à cette photographie; on n’a encore que des probabilités insuffisantes, il y a des ressemblances si extraordi­ naires 1 Mais voici qu’un sérieux examen du corps entier, des mensurations qui concordent, des signes particuliers que l’on reconnaît, des empreintes de doigts, le son de la voix et la manière de parler, etc., fournissent nombre d'indices, qui, indépendants les uns des autres, apportant chacun de son côté sa pro­ babilité nouvelle, convergent tous vers le signale­ ment donné; d’autre part, rien ne s'oppose sérieuse­ ment à l'identification. Dans ces conditions, une cer­ titude légitime sc produit, beaucoup même n'auront pas l'idée de douter. Ce qui s'est fait là scientifique­ ment, méthodiquement, sc fait instinctivement cha­ que jour : nous ne doutons pas que nous parlions à Pierre, ou à Paul : et comment les reconnaissons-nous, sinon par un ensemble de signes rapidement aperçus, traits du visage, son de la voix, etc., qui tous conver­ gent avec l'image de Pierre ou de Paul, imprimée dans notre mémoire? C'est aussi de la sorte que nos sens extérieurs, indépendants les uns des autres, sc prêtent à chaque instant un mutuel secours : mes yeux aper­ çoivent un objet qui par sa forme et sa couleur semble être une vraie fleur; mais ce pourrait être une fleur artificielle; le toucher vient aussitôt attester la sou­ plesse des pétales, l'odorat de son côté atteint le par­ fum; la certitude naît de ces impressions concordan­ tes. Cf. Allies, The throne of the fisherman, Londres, 1887, p. 17. L’existence d’une ville que nous n’avons jamais vue ne fait pas, pour nous, l’ombre d’un doute, et d'où vient cette certitude? D’une foule de témoi­ gnages accumulés de divers côtés, dont nous avons un souvenir confus ; ici un journal, là un autre journal, un livre, un voyageur. Chacun de ces témoignages était-il en lui-même digne de foi? Nous ne savons même plus ceux qui en parlaient. Mais la concordance de tous ces témoignages indépendants les uns des autres est à elle seule un ^phénomène à part, qui réI clame une raison suffisante, une cause spéciale et proportionnée : et toute conspiration et dépendance mutuelle étant hors de cause, nous ne trouvons à ce phénomène qu’une explication, la vérité du fait, l’existence réelle de cette ville, qui a pareillement exercé son influence sur tous ces témoins, pour les amener à l’uniformité du témoignage. Une erreur 197 FOI commune n’a pu les faire ainsi converger : car si la vérité est une et constante, l’erreur est multiple et inconstante; si dans le cercle il n’y a qu’un centre et une seule manière de l’atteindre, il y a (remarque Aristote) d'inlinies manières de s’écarter du centre et de le manquer; nous avons vu Tcrtullicn argumenter semblablement de la concordance des Églises aposto­ liques sur un point quelconque du dogme chrétien. Voir col. 151. On ne peut pas non plus expliquer une semblable concordance par le hasard : nous discer­ nons, par une estimation morale 1res juste, certaines coïncidences que pratiquement le hasard ne peut atteindre; nous sommes certains, par exemple, qu’en jetant les dés cent fois de suite, nous n’amènerons pas toujours le meme nombre; pareille combinaison est impossible, non pas métaphysiquement, par impos­ sibilité de la concevoir et contradiction dans les ter­ mes, mais physiquement, par manque d’une cause spéciale et proportionnée pour la réaliser. — On trou­ vera d’autres exemples de probabilités convergentes, dans Newman, Grammar o/ assent, Londres, 1895, Informal inference, p. 316-329. On voit comment peut se faire le passage de proba­ bilités convergentes à une légitime certitude. Non seu­ lement leur accumulation, à mesure qu’elle croit, fait croître par une progression extrêmement forte les chances de vérité, d’après le calcul des probabilités, lesquelles en pareil cas ne s’additionnent pas seule­ ment mais sc multiplient les unes par les autres : mais encore, en réfléchissant sur le fait certain de cette convergence remarquable, et en lui appliquant le principe certain de raison sufllsantc ou de causalité, on obtient, à l'occasion de ces probabilités accumulées, des prémisses certaines d’où l’on peut conclure avec certitude. Ce ne sont donc pas les probabilités ellesmêmes qui produisent directement la certitude, ce n’est pas le moins qui donne le plus, comme disent ceux qui n’ont pas compris cette théorie. Mais peut-on appliquer cette théorie à la preuve du fait de la révélation? Oui, et voici pourquoi. Puisque cette méthode de l’accumulation des indices divers, ou des probabilités convergentes, est celle que suit spon­ tanément tout homme pour arriver à la certitude quand il s’agit d’identifier une personne, ou de recon­ naître un objet, par exemple, un vêtement à notre usage, voir encore Chalmers, dans les Démonstrations évangéliques de Migne, 1843, t. xv, col. 545-548, il s’ensuit que Dieu n’exige pas de nous une autre méthode pour reconnaître le Christ comme envoyé divin, pour identifier l’Églisc aujourd’hui vivante avec celle dont le Christ a esquissé les principaux traits. En effet, quand Dieu révèle, Il s'accommode ù nos manières de penser et d’acquérir la certitude, et jusqu’à nos manières de parler,comme nous le voyons dans la sainte Écriture. La grandeur des choses révé­ lées, ou celle des envoyés divins, ne fait donc pas que dans notre collaboration Intellectuelle nous devions changer les procédés naturels et nécessaires de notre raison, pas plus que ceux de nos sens, dont notre raison se sert.Voir Gladstone et Newman cités Λ l’art. Croyance, t. ni. col. 2394, 2395. Et si cette certi­ tude d’usage ordinaire ne nous paraît pas d’espèce assez haute pour constater le fait de la révélation, rien ne nous empêche d’ailleurs, quand nous l’avons acquise, de la faire monter encore par la réflexion suivante sur la providence divine · Dieu, qui dirige les âmes vers la vérité, n’aurait pas pu permettre en faveur d’une imposture, d’une fausse révélation, d’une fausse mission, un tel éclat de vérité, un tel ensemble d’indices; ce serait tromper le genre humain, étant donné sa manière naturelle de reconnaître ce qu’il cherche. De lâ le mot célèbre de Bichard de SaintVictor : < Seigneur, si ce que nous croyons est l’erreur, 198 c’est vous-même qui nous avez trompés. » De Trini­ tate, 1. I, c. n, P. L., t. exevi, col. 891. Cf. Suarez, De fide, disL IV, sect, in, η. 12, Opera, Par s, 1858, L xil, p. 125. Un théologien allemand du χντιι· siècle, Eusebc Amort, a soutenu, dans un ouvrage dédié Λ benoit XIV, qu’il sulht d’avoir reconnu la rebgion catholique comme plus croyable que les autres reli­ gions, pour passer de là, en invoquant ce principe de la providence divine, à une certitude légitime de son origine divine, certitude qui rend possible et obliga­ toire l’acte de foi. Demonstratio critica religionis eatho­ lior, nova, modesta, facilis, etc., Venise, 174 I, surtout p. 261-2G3. Newman cite cet ouvrage d’Amort avec éloge, parce qu’il reconnaît comme lui un passage des probabilités à la certitude, et s’appuie sur la provi dencc : toutefois à la place de ce point de départ : · plus grande probabilité de la religion catholique par rap port aux autres religions, » il préfère substituer celui-ci’ • accumulation de probabilités diverses > en faveur de la religion chrétienne et catholique. Grammar of assent. Revealed religion, p. 411, 412. La formule de Newman est, en effet, plus satisfaisante, plus pro­ fonde, et d’autre part n'exige pas une comparaison avec les autres religions, comparaison qui, pour être complète et sérieuse, complique beaucoup l’enquête, et qui, bien qu’utile, n’est pas pour la preuve du fait de la révélation et de l’Églisc un élément indispen­ sable. Saint Thomas admet le principe des indices accumulés. Sum. theol., III·, q. lv, a. 6, ad 1··. 3. Un dernier argument contre le scml-fldéismc découle, par voir de raisonnement, de divers points que nous avons établis plus haut. Voici un infidèle en train de sc convertir à la foi, mais qui n’a encore qu'une probabilité en faveur de la divine mission du Christ, et par suite un jugement flottant sur le fait de la révélation chrétienne. Nous disons qu’il ne pourra pas encore faire l’acte de foi salutaire à n’importe lequel des dogmes révélés par le Christ. Car de deux choses l’une : ou bien son adhésion au dogme, s’il veut la donner, sera flottante comme son jugement préalable sur la révélation de ce dogme, les deux juge­ ments consécutifs étant bien proportionnés l’un à l’autre; ou bien le second jugement (l’acte de toi) ne sera pas proportionné au premier, et malgré une opi­ nion vacillante sur le fait de la révélation de ce dogme, l’adhésion de foi nu dogme lui-même sera posée avec autant de fermeté que s'il avait été reconnu comme certainement révélé. Dans les deux cas, l’adhésion au dogme ne saurait être Parte de fol chrétienne et salu­ taire que nous cherchons : dans le premier cas, parco que cette adhésion sera chancelante, et que Pacte de foi chrétienne et salutaire est essentiellement ferme, voir col. 88; dans le second cas, parce qu’en n’étant pas proportionnée au jugement sur les préambules, l’adhésion au dogme blessera les exigences logiques et la nature même de l'intelligence ; seule lu volonté pourrait peut-être opérer ci* coup de force, et, sans aucune nouvelle lumière intellectuelle, faire passer de la probabilité Λ la certitude : mais cette volonté serait imprudente et désordonnée, voir ce que nous avons dit d’un tel coup de force de la volonté, col. 171 ; et, par suite, on ne pourrait faire Pacte de foi salutaire, qui a pour condition nécessaire un acte de volonté com­ plètement ordonné et honnête, ce que les Pères appe­ laient pius credulitatis affectus. Voir plus loin. Sup­ primer consciemment un doute prudent, la volonté ne le peut pas en restant dans l'ordre et l’honnêteté; or la prudence dépend des circonstances subjectives et des apparences; et il y a doute prudent contre la révé­ lation (même objectivement vraie) lorsqu'à un homme de bonne foi le parti contraire apparaît comme pro­ bable, bien qu'à la réflexion il reconnaisse, en faveur de cette révélation, une probabilité égale ou mémo FOI plus grande, et tant que, par de nouvelles considéra­ tion*, il n’aura point passé de cette probabilité de la révélation à sa certitude morale, Cf. Schiffini, De vir­ tutibus infusis, p. 268. C'est ce qu’exprime ainsi le P. Gardeil : < Aux volon­ taristes nous disons : La volonté, sous la motion divine et l illuînination de la Vérité première, détermine l’assentiment de la fol : c'est chose entendue. Mais pour que l’acte de la volonté soit un acte moral, il doit être prudent Or. un acte de la volonté, suscitant un assent i ment intellectuel à une assertion déterminée, ne saurait être prudent que si, à défaut de l’évidence intrinsèque de l’objet de cet assentiment, on a la connaissance certaine (c’est moi qui souligne)de l’auto­ rité de celui qui la présente... C’est à la raison naturelle que le sujet devra s'adresser pour avoir cc renseigne­ ment Avant tout il faut être homme, c’est-à-dire consciencieux, et Ici, conscience égale : lumière ration­ nelle. » Zxi crédibilité et Γapologétique, 2· édit, 1912, p. 71. Cf. CiulDiBiuré, t. ni, col. 2203. Pourquoi fautil que le P. Gardai, plus bas, semble devenu « volon­ tariste » dans cette 2‘ édition, et qu’il admette, main­ tenant qu’en présence d'une simple « probabiliori té », d’une proposition qui apparaît comme plus probable­ ment vraie, la volonté puisse, en vertu du principe: Verisimilius est sequendum, * supprimer la crainte » et faire que l’intelligence ■ donne désormais sans réti­ cence son approbation au probable, » de manière à passer de l’opinion à la < certitude »? Op. cit., p. 173, 174. « Le probable, dit-il, s’il ne représente pas le bien absolu de l'intelligence. la vérité démontrée, représente cc qui y achemine normalement. » Loc. cit. Disons : « cc qui a plus de chances d’y acheminer : » car il a toujours des chances, d’autre part, d’acheminer à l’erreur. Nous en avons vu, de ces opinions « plus pro­ bables » en théologie ou en exégèse, et même assez communément estimées ensuite comme telles, rejetées comme fausses par l’ensemble des théologiens ou des exégètes, ou même par l’Église 1 Et l’on voudrait, sur une opinion plus probable, faire légitimement un jugement certain, à coup de volonté ! Et pour quelle raison? le voici : ■ Si, sous l’empire de la crainte, (l’homme) se refusait à adhérer, il devrait renoncer au bénéfice de la prépondérance de vérité manifestée dans le probable. Il demeurerait à zéro... Est-ce là le bien de son espritf Évidemment non.» Mais personne ne lui demande de rester à zéro, de suspendre tout jugement*. qu’il juge, mats par cet acte d’op/nfon, que saint Thomas définit, accipere unam partem contradi­ ctionis cum formidine alterius. Quant. disp.. De veritate, q. xiv, a. 1. Le « bénéfice de la prépondérance » est sauvé par là. Cum formidine! et non pas en · comblant l’hiatus... pour que le probable devienne un moteur efficace d’assentiment ferme. » Op. cil., p. 169, 170. Cum formidine! et non pas en « supprimant par le fait même, dans sa source, la crainte qui aurait pu s’élever du fait du manque partiel de lumière, » p. 174. L’opi­ nion, cum formidine, suffit alors nu · bien de l'esprit » Le P. Gardeil n’est pas de cet avis, particuliérement dans les matières scientifiques. «L’assentiment au vrai­ semblable, ·! t- I, est un point d’appui, et comme un tremplin d’où l’on peut s’élancer vers le mieux, vers de nouveaux progrès. Mais un tremplin ne remplit son office que s’il est solidement fixé. Le bien de l’esprit demande donc que l’on tienne pour vrai le probable, que l’on se fixe dans l’adhésion au probable par un assentiment pratiquement ferme. » A. Gardeil, La • certitude probable », 1911, p. 75. L'hypothèse, bien que non encore vérifiée, joue sans doute un grand rôle dans les sciences; mais nous ne voyons pas l’avan­ tage qu’il peut y avoir alors à se faire illusion à soimême. et à prendre son hypothèse pour une vérité. C’est parce que les hommes de génie ne se faisaient 200 pas Illusion qu’ils cherchaient, sans s’arrêter jamais, la vérification de leur hypothèse, et s'élançaient ainsi vers le mieux, soit qu'il leur arrivât de rencontrer la vérification qu'ils cherchaient, ou de rencontrer... autre chose. L'élan de l'esprit vers la vérité s'accom­ mode d’un autre genre de · tremplin » que celui qui fait bondir les jambes. Au contraire, si un penseur se • fixe solidement » dans une probabilité par un · assen­ timent pratiquement formé, » s'il détourne volontaire­ ment et toujours les yeux des points faibles de son système, s'il le classe désormais parmi les vérités cer­ taines, c'est l'opiniâtreté substituée à l'amour de la vérité, c’est le piétinement sur place, c'est la mort de la recherche scientifique et du progrès. En théologie surtout, il est désastreux de confondre, sous un assen­ timent ferme, les vues systématiques d’une école ou d’un individu, de les confondre, je ne dis pas seule­ ment avec les dogmes, mais encore avec les doctrines communément reçues de toutes les écoles et de tous les théologiens. Quant ù l’axiome : Verisimilius est sequendum, d’abord, il ne dit rien d'un assentiment ferme. Et puis, que veut-il dire? Ou bien il exprime un innocent encouragement à nous contenter de la probabilité et de l’opinion dans les matières où la cer­ titude est impossible, ou bien il est la sceptique devise de la secte philosophique des académiciens, qui renon­ çaient Λ trouver jamais la vérité et lui substituaient la vraisemblance. En tout cas, je ne le trouve pas dans saint Thomas, auquel le P. Gardeil semble renvoyer, La crédibilité et Γapologétique, 2e édit., p. 174; ni â la q. rv, ni à la q. xiv. Mais je le trouve dans Huet, évêque d'Avranchcs, que l'on a appelé · le père du fidéisme » : « Encore que nous n’ayons pas une con­ naissance certaine de la vérité, dit-il, nous avons au moins des vraisemblances... Or cc sont ces vraisem­ blances et ces probabilités que nous devons suivre dans l’usage de la vie au défaut de la vérité. » Traité philo­ sophique de la faiblesse de Γesprit humain, 1. II, c. iv, Amsterdam, 1723, p. 204, 205. Enfin, pour cc qui est du mot < probable », nous comprenons que de son temps saint Thomas l'ait employé parfois en un sens différent du sens qui a prévalu partout depuis des siècles et que l’on trouve même dans les documents ecclésiastiques, par exemple, ceux que nous avons cités : mais si l'on veut se faire comprendre et ne pas embrouiller encore la question de chose par une ques­ tion de mots, il parait plus sage de s’en tenir à l’usage général du langage, qui oppose le probable nu certain, et n'admet pas plus de · certitude probable » que de cercle carré. La question du probabilisme n’a rien à faire dans celte terminologie, qui est celle de tout le monde. Voir le P. de Poulpiquet, O. P., dans la Revue des sciences philos, et (héol., octobre 1912, p. 799. 8° Objection tirée de la 4* proposition condamnée par Innocent XI; explication de la condamnation. — Le semi-fidéisme pourrait se servir du sens quo plusieurs théologiens, faute d’en trouver un meilleur, ont donné à celte condamnation pontificale : 4. Ab infidelitate excusa· bltur infidelis non credens, ductus opinione minus pro­ babili. Dcnzingcr, η. 1154 (1021). Sera excusé du péché d’infidélité l’infidèle qui s’abstient de croire, en se laissant conduire par l’opi­ nion ln moins probable (des deux). Voici le cas de conscience sur lequel roule cette pro­ position, que le style technique de la théologie morale rend indéchiffrable aux profanes; le cas est typique» et très important pour approfondir la question du semi-fidéisme. l’n « infidèle », païen ou hérétique, est parvenu à reconnaître que la religion chrétienne et catholique a pour elle plus de probabilité et que sa secte est relativement moins probable, opinio minus proba­ bilis. Que doit-il faire alors, s'il veut être excusé du 201 FOI péché contre ki foi, infidelitate! Deux solutions.—Solu­ tion favorable au semi-fidéisme.— Cet infidèle doit aus­ sitôt faire un acte de foi divine aux dogmes catho­ liques, bien qu’ils ne lui paraissent pas comme certai­ nement révélés, mais plus probablement révélés. Le pontife ne dit-il pas qu'il sera inexcusable s'il ne croit pas, non credens! On peut en conclure qu'un jugement certain sur le fait de la révélation n'est pas une condi­ tion nécessaire à l’acte de foi (thèse du scmi-ildéisrne). — Autre solution. — Remarquons tout d'abord que cette proposition est obscure, surtout Λ cause du dou­ ble sens du mot non credens, comme nous le verrons. Sa dangereuse ambiguité était déjà une raison sufllsante de la condamner. En tout cas, ce n'est pas dans la condamnation d’une proposition obscure qu’il faut chercher la pensée du pontife, quand on a sur le même sujet un autre document de lui, dont le sens est clair : la condamnation de la proposition 21·. Voir coL 192. Ayant déjà par là la pensée d’innocent XI, il ne reste plus, en bonne méthode, qu'à expliquer la condamna­ tion de la 4· d'une manière plausible, qui puisse se concilier avec cette pensée déjà connue. Mais cette explication demande d’assez longs développements. 1. L’explication que nous soutenons est fondée sur Γhistoire de cette proposition 4·. Son auteur est Jean Sanchez, théologien et jurisconsulte espagnol, et voici la phrase d’où la proposition est extraite : Sicut in aliis materiis, ubi offensa mortalis intercedere posset, /(dentur ipsi (les probabilistes) eam non committi ab operante ex opinione minus probabili..., sic quoque ab in fidetitate excusabitur infidelis, non credens, ductus opinione minus probabili. Selecta et practices disputa­ tiones, Lyon, 1636, disp. XIX, η. 7 (à l’index donec corrigatur). On sait qu’entre deux solutions contra­ dictoires, dont l’une après examen nous parait plus probable, l'autre moins, les probabilistes permettent de suivre en pratique celle qui parait moins probable théoriquement, pourvu qu’elle soit assez sérieuse­ ment fondée, ou en raisons, ou en autorités; mais qu'ils ne permettent pas cela en toute espèce de matière; qu’ils exceptent, par exemple, le cas où par là on s’ex­ poserait à négliger cc qui est de nécessité de moyen pour la fin dernière, comme peut l’être la foi à cer­ tains dogmes, la recherche et l’acceptation de la véri­ table religion; qu'alors, dans la pratique, ils exigent que l’on aille au plus sûr, dans la mesure du possible. Sanchez, auteur laxiste, voudrait supprimer cette exception, et entraîner les probabilistes plus loin qu'ils ne veulent aller; il voudrait qu’on appliquât la permis­ sion du moins probable à cette matière même du choix d’une religion, sicut in aliis materiis. Dans sa phrase (qui est la proposition condamnée) il entend donc ceci : De même que, dans certaines questions de resti­ tution, par exemple, les probabilistes permettent de suivre le moins probable, et de se former tellement la conscience qu’on se tienne pour définitivement quitte de la restitution, et qu’on laisse là toute inquiétude ultérieure à ce sujet : ainsi, dans notre cas, n’étant arrivé, après une enquête soignée, qu’à voir la reli­ gion catholique comme « plus probable >, l'infidèle pourra, en vertu des mêmes principes, s'attacher à sa religion paternelle comme encore probable malgré tout, renoncer définitivement au catholicisme, et ne plus penser à la foi catholique, et c’est là chez lui le sens du mot ambigu non credens. Cette idée de J. San­ chez n’a pas d'ailleurs germé dans son cerveau seule­ ment. Christophe Basslcr, S. J., qui s’occupa beau­ coup de controverse avec les protestants d’Allemagne, nous apprend que certains d’entre eux, connaissant, mais comprenant mal le système du probabilisme soutenu parmi les catholiques, cherchaient ainsi à en tirer parti pour se tranquilliser dans leurs doutes : < Bien qu'il soit peut-être plus probable que la religion 202 catholique est la vraie, toutefois nous pouvons nous en tenir à la religion luthérienne ou calviniste, parce qu'elle nous paraît garder au moins une certaine pro­ babilité, quoique moindre, et qu’il est permis de suivre une opinion moins probable. · Controversia theologica de ultima resolution* fidet divlnæ, Dillingen, 1696, p. 39 I. Voilà cc qu’innocent Xia voulu condamner, à la suite de trois autres propositions laxistes où l’on abu­ sait également du probabilisme (prop. 1-3). Le ponbfc a voulu condamner J. Sanchez, et non pas ceux qui, comme nous, dispensent cet infidèle de faire pour le moment l’acte de foi, mais qui en cela diffèrent dou­ blement de la doctrine de Sanchez . a) parce qu’ils ne dispensent pas cet infidèle de continuer à cherche i la vérité et à prier, mais veulent qu’il ne se tranquil­ lise pas dans le statu quo, qu’il ne renonce pas défini­ tivement à la conversion commencée, qu’il ne regarde pas l'incident comme clos, l’enquête comme désormais superflue; qu'il ne désespère pas des lumières nou­ velles que la divine providence pourra lut ménager, prêt à croire si à la probabilité plus grande, qu’il a déjà, succède une suffisante certitude; b) parce que la raison pour laquelle J. Sanchez dispense cet infi­ dèle de croire, c’est une mauvaise application du pro­ babilisme; la laison pour laquelle nous le dispensons ae croire dès Γinstant, c'est l’impossibilité où il est de le faire prudemment, n’ayant pas encore la certitude préalable qui est,quoi qu'en dise le semi-Ûdéisme, une condition nécessaire de l'acte de foi : raison qui n'a rien à faire avec le probabilisme, ni ne le suppose ni ne l’applique. On conçoit donc que la solution laxiste de J. Sanchez soit condamnée, et que la nôtre ne le soit pas, qui tient un juste miUeu entre le laxisme et le scmi-fldéisme, et qui reste en dehors des mauvaises applications du probabilisme que poursuivait inno­ cent XI dans cet endroit de son décret. 2. Notre solution est celle de nombreux et graves théologiens, soit avant, soit après la condamnation prononcée par Innocent XL Nous ne craindrons pas de a ter, parce qu’aujourd'hui quelques-uns ont l’air de ne pas se douter que cette solution ait été très autorisée. a) Avant la condamnation. — Maldcrus, docteur de Louvain et évêque d’Anvers, dit : « Pour que l’in fi­ dèle soit tenu de croire... il ne suffit pas que La foi lui apparaisse déjà comme aussi probable, ou même plus probable que sa secte. » De virtutibus theologicis. Comment, in II*· II·, Anvers, 1616, q. n, a. 7, p. 96. Le célèbre Thomas Sanchez. S. J. (qu’il uc faut pas confondre avec Jean Sanchez), soutient que cet infi­ dèle n’est pas obligé de croire tout de suite (du moins s’il n’est pas à l’article de la mort), · parce que, dit-il, cet homme estime encore avec prudence pouvoir demeurer dans sa secte, et qu il lui reste le temps de mieux examiner la question, et parce qu’il n’a pas, dans ces conditions, l’évidence de crédibilité que saint Thomas demande. » De præceptis decalogi (1613), Viterbe, 1738, 1. Il, c. i, n. 6, L i, p. 71. Coninck n’oblige l'infidèle, qui doute de sa rebgion, qu’à faire une enquête sérieuse; plus forte est sa conjecture en faveur de la vraie religion, plus grande est la peine qu’il est tenu de se donner pour arriver au vrai. De moralitatc et effectibus actuum supernaturatium, etc., disp. XIV, n. 230, Anvers, 1623, p.278. Castropalao, si célèbre en théologie morale, expose nettement que notre infidèle ne peut encore faire l'acte de foi aux dogmes catholiques. Tr. IV, De fide, dist. I, p. xn, n. 13, Opera omnia, Lyon, 1669,1.1, p. 258. Bafiez, qui est souvent cité à l’encontre, en réalité no pose pas précisément le même cas, mais celui où l'on aurait montré à un païen l’Évangile comme plus croyable que toute autre religion (et non pas seulement 203 FOI que sa religion) et il affirme ccttc règle : Tenetur homo sequi quod probabilissimum est omnium dogmatum. C’est la règle pratique que nous avons déjà rencontrée dans Amort, et qui, peut-être, sc justifie théorique­ ment par une réflexion sur la providence. Voir col. 198. Puis, comme s'il voulait répondre d'avance à la théorie que devait faire plus tard Jean Sanchez, le meme Battez, probabiliste, mais avec les restrictions voulues, dit fort bien : Non esi universaliter verum quod possit homo sequi opinionem minus probabilem. Commentaria in q. x, a. 1, dub. ni, 4· conclu­ sio, Douai, 1615, p. 252. b) Après la condamnation. — Cardenas, que saint Alphonse regarde comme un auteur classique en théo­ logie morale, démontre contre Lnmbicr que l’opinion commune des théologiens, sur l'évidence de crédibi­ lité requise avant la foi, n'est nullement atteinte par la condamnation .-sans doute Innocent XI suppose que notre infidèle peut commettre alors un péché contre h foi, mais le péché contre la foi ne sc commet pas seulement par défaut d'acte de foi, il peut sc commettre aussi par défaut d'enquête, quand on est dans 1’igno­ rantia vincibilis, comme l'infidèle en question, et | qu'on ne cherche pas à en sortir. Crisis theologica, | 5· édit de Venise 1700, dissert. sur la .4· prop. I condamnée, n. 31, p. 188,189. Lacroix, dont l'ouvrage si connu a paru en 1707, expliquant cette 4· propo- I sftion, cite Cardenas et l’approuve. Theologia moralis, 1. II, η. 48, Paris, 1866, t. i, p. 492. Le controversiste Bassler oblige notre infidèle à incliner déjà comme il | peut son esprit du côté de la religion qui lui paraît plus probable, « à demander à Dieu plus de lumière, et à chercher encore la vérité, jusqu'à ce qu'il arrive à . une certitude morale. · Op. cit., p. 392. Un fidèle dis­ ciple de Suarez, l’Espagnol Gormaz, dit que cet infl- I dêle est tenu à chercher; que < non credens, dans la ■ 4· proposition, équivaut à discredens, et s'applique bien à un homme qui ne veut ni abandonner sa secte ni chercher la vér té. » Cursus theologicus, Augsbourg, 1707, t i, p. 777. Antoine Mayr cite Gormaz et l’ap­ prouve. Throloqia scholastica. De virtutibus theologi­ cis, η. 506, Ingolstadt, 1732, 1. 1, p. 151. Kilber, dont le traité de La fol est si estimé : « L'infidèle, dit-il, dans ce cas ni ne doit ni ne peut croire; mais parce qu’il a une certaine lumière sur la mie foi qui est un moyen de salut absolument nécessaire, il est tenu de chercher avec soin, etc. » Theologia Wirccburgensts, Paris, 1852, t. TV, n. 68, 59; ou dans Migne, Thcologiæ cursus, L vi, col. 450, 451. L'Espagnol Gener, qui dans sa théologie a préludé à l'érudition contemporaine, dit très bien de notre infidèle : · Pourvu qu’il cherche, il sera certainement excusé du péché d'infidélité : non parce qu’il est conduit par son opinion (ductus opinione minus probabili, et par une mauvaise appli­ cation du probabilisme) : mais parce qu’il manque d’une crédibilité suffisante. » Theologia dogmaticoscholastica. Home, 1777, t. vr, p. 30. Au xix· siècle, même solut’on dans Müller, Theologia moralis, 3· édit., Vienne, 1878, t. i, § 80, p. 302; dans Mazzella, De virtutibus infusis, Rome, 1879, η. 811, p. 442; Naples, 1909, η. 743, p. 377; dans Ballcrini-Palmicri : < Cet infidèle... demeure prudemment dans sa secte, non qu’il puisse h considérer comme vraie ou plus vraie, nuis pendant qu'il cherche la vérité, comme certai­ nement il est tenu de la chercher... Et c’cst là le point condamné dans ccttc proposition 4·, qu'il puisse drmeurer tranquillement dans sa secte. > Opus theolo­ gicum morale, Prato, 1890, t. n, p. 18. Citons encore Schtffini, De virtutibus infusis, p. 269; Chr. Pesch, Protectiones. tr. VIII, 3· édit., 1910, n. 294, p. 132. Ce qui a contribué à soulever des nuages autour de r*ttc condamnation de la 4· proposition par Innocent XI, c’est l'explication obscure et confuse qu'en donne 204 I un spécialiste ordinairement plus heureux, Viva, Damnate theses, 16· édit., Padoue, 1723, t. i, p. 199203; et dans Migne, Cursus thcologiir, t. vr, col. 13291335. Son article, bien court pour une pareille diffi­ culté, ne touchant que la question du probabilisme et non pas celle des exigences de la crédibilité, est encore surchargé d’éléments étrangers qui l'embrouillent. De plus, Il semble mettre saint Thomas du côté de la pro­ position condamnée; le P. Gardeil a grandement rai­ son de l'cn reprendre, mais lui-même, à son tour, donne une idée peu exacte de la doctrine de Thomas San­ chez, soit confiance trop grande dans ce qu'en dit confusément Viva, soit influence du rigoriste Patuzzl. Voir Crédibilité, t. m, col. 2232. Dans une note de sa belle édition de la théologie monde de saint Alphonse, le P. Gaudé prétend que notre solution a été con­ damnée par Innocent XI, et que l'infidèle qui con­ naît la religion catholique comme plus probable est obligé, d’après le pontife, à faire tout de suite l’acte de foi : mais : a) saint Alphonse, lui, ne dit pas cela dans son texte; b) le P. Gardeil ne discute pas la ques­ tion, et n'apporte aucune prcuve de son dire. S. A tphonsl theologia moralis, Rome, 1905, t. i, p. 303 en note. 3. Mais voici que, sur cette controverse, vient s'en greffer une autre. On suppose le même infidèle avec la même connaissance de la vraie religion, mais placé cette fois d l'article de la mort : cette circonstance nouvelle changera-t-elle la solution du cas, tel qu'il était d'abord posé? Oui, répond Thomas Sanchez. . Le mot lui-même dit plus que inerrantia, le simple fait de ne pas se tromper : par sa désinence, infaUl-bllis, il dit une impossibilité de se tromper, en d’autres termes, une exclusion de tout risque, de tout péril d'erreur. Un jugement infaillible est donc un jugement vrai et quelque chose de plus. Pour qu'un jugement soit « vrai ·,11 suffit qu’il se rencontre, même fortuitement, avec h réalité des choses, avec b vérité objective. Quelqu’un dit sans motif sérieux,au hasard : Demain il fera beau;et de Lût, il se trouve qu’il fait beau;son jugement, quoique niai fondé, a été vrai d’après b définition de b vérité : adiequatio intellectus et rel. Pour qu’un jugement soit «infaillible »,il ne suffit pas qu’il se rencontre avec b vérité, il faut qu'il ait dans scs principes, par exemple, dans les motifs qui le spécifient, quelque chose qui exclut l'erreur, qui en détruit le risque. \m$i l'infaillibilité < ajoute à b vérité de l’acte une impossibilité d'erreur qui dérive de 1a propre perfection de l’acte » ou des principes d'où il tire cette perfection. Muniessa, Disput. scho­ lastica de providentia, fide, baptismo, Saragossc, 1700, p. 316. < impossibilité d'erreur > équivaut du reste à « connexion nécessaire avec b vérité, b expression dont se sert Lugo pour désigner le second élément de h certitude, dans cette définition : Certitudo est flrma adhaesio intellectus assentientis, ct necessaria connexio ipsius assensus cum veritate. Disputationes, etc., disp. IV, η. 78, Paris» 1891, t. i, p. 353. L'explication de ce second élément sera complétée plus loin à propos de b division de b certitude en métaphysique, physique et morale, voir col. 211. 2. Différentes espèces de certitude. — a) Division de b certitude en évidente ct tnévtdente. — La première espèce de certitude, intellectuellement b plus excel­ lente, est b certitude évidente, ou plutôt, qui procède de l'évidence stricte ct parfaite, c'est-à-dire d'une ebrté irrésistible, qui emporte par elle-même l’entière adhé­ sion de l'esprit. Voir Évidence, L v, col. 1725-1726. Quand l’objet de notre jugement a ccttc évidence (immédiatement ou médiatement), alors, comme dit saint Thomas, intellectus (ad assentiendum) movetur ab ipso objecto... Illa ulderi dicuntur, quæ per seipsa movent Intellectum ...ad sui cognitionem. Sum. theol., II·II·, q. i, a. L Videri, d’où evidentia. Les scolas­ tiques ne donnaient ordinairement ce nom « d’évi­ dence » qu’à cette clarté irrésistible, nécessitante, où, sans intervention de b volonté, l’objet produit l'as­ sentiment; ainsi Lugo : Evidentia (consistit) In hoc quod intellectus convincatur ab objecto Ipso et necesst(dur ad assentiendum. Op. cit., disp. II, n. 10, p. 178. Aujourd’hui on donne souvent au mot « évidence » un sens plus large. Voir Évidence, loc. cil. Une seconde espèce de certitude, bien qu’ · inévi­ dente », c'est-à-dire ne procédant pas de l'évidence stricte et nécessitante, peut encore être une certi­ tude proprement dite ct digne de ce nom, car elle peut avoir les deux éléments essentiels, fermeté ct mfj 11‘bilitê. Fermeté r à cause de l'obstacle des pas­ sions, et d’un certain manque de ebrté, l’objet tout 208 seul ne suffirait pas à b produire : mais il peut être aidé par de bonnes dispositions qui écartent l'obs­ tacle ou même par une intervention plus directe, mais légitime, de b volonté libre arrêtant les doutes impru­ dents ct sophistiques et produisant ainsi l’adhésion ferme. Quand l'intelligence, dit saint Thomas, « est déterminée à adhérer totalement à l'une des deux (contradictoires), cela vient tantôt de l'objet de l'intelligence (ab intelligibili), tantôt de la volonté. · De veritate, q. xiv, a. 1. Voir Croyance, t. ni, col. 2384-2386. Infaillibilité. Cette seconde qualité essen­ tielle de b vraie certitude est-elle attachée exclusi­ vement à b stricte évidence? Durand de Saint-Pourçain semble l'avoir pensé. Λ scs yeux, la « certitude d’évidence » mérite seule le nom de certitude. In IV Sent., 1. Ill, dist. XXIII, q. vu, n. 7 sq., Paris, 1550, fol. 220. Mais les autres scolastiques ont rejeté sa théorie. · Ce n'est point par l’évidence, mais par l'in­ faillibilité, qu'il faut expliquer ct caractériser b cer­ titude parfaite, »conclut Suarez, cité à l’art. Croyance, col. 2390; ct, ajoute-t-il, il peut y avoir infaillibilité sans évidence. Les deux choses, en effet, sont dis­ tinctes ct séparables : 1’ « évidence » n'est autre chose qu'une spéciale clarté dans le motif de l'affirmation; 1' « infaillibilité », une spéciale sûreté de ce motif, une liaison nécessaire de ce motif avec b vérité. Voir Salmanticenscs, De fide, disp. II, n. 114, Cursus theolo­ gicus, Paris, 1879, L xi, p. 158. Dans la stricte évidence « ce qui détermine ct nécessite I'intclligcnce, dit pareil­ lement Lugo, ce n’est pas seulement le poids du motif, mais encore b plus grande clarté avec laquelle il est présenté : ccttc clarté empêche le doute ct b crainte plus que ne le fait le poids seul du motif connu sans ccttc clarté. » Loc. cil., n. 42, p. 191. Ainsi, prenons deux raisonnements qui aient au fond la même valeur, b même infaillibilité, deux raisonnements mathé­ matiques, par exemple. L'un est très court, ct par là peut être présent à l'esprit tout entier du même coup; de cette proportion de l'objet à notre vue naîtra une clarté irrésistible. L'autre est très long, ct arrivé au bout on ne peut le concentrer tout entier sous son regard; il faut se fier à sa mémoire, qui atteste que chaque partie a été séparément bien prouvée: de là un amoindrissement de clarté, qui pourra donner occasion à b crainte, à un doute imprudent. Λ plus forte raison, quand on compare des connaissances de divers ordres, on trouvent ccttc différence. La stricte évidence est rare en histoire, par exemple. A notre esprit humain, uni étroitement à b matière, mais pro­ cédant par abstraction, le plus exactement propor­ tionné de tous les objets, le plus irrésistiblement clair» est cet objet des mathématiques, qui est de la matière, mais de 1a matière extrêmement simplifiée par l’ab­ straction, dégagée de l’infinie complexité du réel, des variations fuyantes du mouvement ct du devenir, comme l'explique saint Thomas. Opuscule sur Boèce, q. vi, a. 1, q. n. Cf. Billot, De virtutibus Infusis, Koine, 1901, De evidentia, etc., p. 195. Cette seconde espèce de vraic certitude, de ce qu'elle n'est pas arrachée à l'esprit par l’évidence stricte de l’objet, de ce qu'elle dépend de la volonté, peut s’appeler < certitude volontaire, libre » : non pas que 1a certitude soit un acte ou une qualité de b volonté, mais parce qu'un acte de la volonté sert ici à amener l'intelligence à la fermeté de b certitude. Intellectuellement moins parfaite, parce que l’intel­ ligence aspire toujours à plus de clarté, ccttc seconde espèce a plus de valeur morale, en tant qu’elle dépend ! de la liberté; ce qui la rend plus convenable dans le I domaine religieux ct dans une vie d’épreuve comme b nôtre. Voir Croyance, t. in, col. 2394, 2395. — I D’autre part, « le fait que la volonté intervient dans cette certitude, disent les Salmanticenscs, ne lui 209 FOI enlève pas le caractère de certitude proprement dite ct rigoureuse, quand l’intervention de la volonté ne dépasse pas le mérite du motif, mais plutôt lui est duc. Il peut se faire que le motif soit infaillible, et cependant sans (stricte) évidence : alors la volonté supplée ce qui manque en évidence pour affermir l’intelligence, sans faire tort Λ la certitude du motif ct de l’assentiment. » Loc. cil., n. 105, p. 153. Voir pour la réponse aux objections, Croyance, col. 2397, 2388. Sur cette double certitude, ct d'autres questions plus approfondies qu'on ne le fait d'ordinaire en logique, voir Jeannière, Criteriologla, Pans, 1912. b) Qu'entend-on par certitude morale? — Ιλι seconde espèce de certitude dont nous venons de parler prend souvent aujourd'hui le nom de certitude morale. Et par suite, l’évidence imparfaite qui lui répond du côté de l'objet prend le nom d'évidence morale. Voir Évidence, col. 1726. Newman dit A ce sujet : · Cette certitude ct ccttc évidence sont souvent appelées morales, mot que j'évite comme ayant un sens très vague. » Grammar of assent, c. vin, /n/orrnal infe­ rence, Londres, 1895, p. 318. En tout cas, il faut avoir soin de le bien définir quand on l'emploie. On parle souvent d'une · certitude morale » qui n'est pas une vraie certitude, mais seulement une grande proba­ bilité; · elle s'appuie sur des motifs assez solides pour nous permettre d'agir prudemment dans le cours ordinaire de la vie... Le consommateur qui va Λ l’hôtel est moralement sûr que les mets ne sont pas empoisonnés. » P. Hugon, La lumière ct la foi, 1903, p. 68. S'il n'y a pas doute alors, c’est qu’on ne réfléchit pas; si l'on réfléchissait, on verrait que l’empoisonnement n'est pas impossible; on peut donc alors sans imprudence et sans déraison conserver un doute dans l’esprit; mais on n'en tient pas compte dans la pratique: on agit comme si on ne doutait pas, et l’action est prudente. Une pareille « certitude morale ·, quand elle est ainsi accompagnée de doute ct n’a pas plus de fermeté que d’infaillibilité, ne peut suillre à personne pour les préambules de la foi; A plus forte raison ne peut-elle suillre aux esprits plus cultivés ct plus exi­ geants, les seuls dont nous nous occupons en ce mo­ ment. Nous n’admettons donc ici, sous le nom « de certitude morale », qu’une vraie certitude, infaillible par scs motifs, ct ferme au moins A l’aide de la volonté qui, A défaut d’évidence stricte, exclut le doute de l’es­ prit. Et nous allons examiner les diverses définitions ou explications que l’on a données de ce mot « mo­ ral ». Une première définition, que l’on rencontre sou­ vent, est tirée de la matière du Jugement certain : « la certitude morale est celle qu’on a dans l’ordre des choses morales, » en faisant entrer assezeonfusémont dans cet ordre de choses les principes moraux, les réglcs de l’éthique ct de la prudence, les mœurs et instincts qui guident l'action humaine, la pratique de la vie, l’histoire, etc. Mais d'abord, on devrait définir une certitude par son élément formel, par scs notes carac­ téristiques, et non par la matière,si vague du reste, sur laquelle elle tombe. Ensuite ccttc définition, malgré une certaine valeur approximative, prête A une double erreur : a) à confondre avec la vraie certitude cette grande probabilité dont nous parlions tout à l'heure, car elle aussi appartient à l'ordre de la pratique ct des mœurs; b) A faire croire que la vraie certitude Inévi­ dente, celle dont nous parlions tout A l’heure,n'appar­ tient qu’A cet ordre des · choses mondes », ce qui est faux car : elle se rencontre souvent dans l’ordre phy­ sique, dans les sciences naturelles; telle est, comme le remarque Newman, la certitude de la rotation de la terre, mémo chez un savant; la certitude de plusieurs lois physiques obtenues par une induction contre la­ quelle on peut avoir des doutes imprudents. Loc. cil., I I I I | 210 p. 322, 323. Plusieurs vérités d'ordre métaphysique n’échappent pas non plus A de pareils doutes, et ne s'imposent pas avec l'évidence stnete ct irrésistible; de même plusieurs véntés philosophiques de sens commun, A cause de leur évidence confuse. Voir Croyance, t. ni, coL 2369; Évidence, t. v, col. 1729. Une seconde définition part plutôt de la différence des procédés que suit l'esprit humain pour arriver à la certitude. Il y a le procédé analytique-, ainsi en est-il dans ccs véntés immédiatement évidentes où l’ana­ lyse des termes nous montre du premier coup que l'attribut est contenu dans le sujet, et dans les con­ clusions tirées de ccs vérités, 11 y a un certa n procédé synthétique, où l'historien, par exemple, ou bien le juge dans un tribunal, après avoir recueilli une foule d'indices, de < probabilités convergentes », apprécie, tout cet ensemble, et peut arriver parfois à un juge­ ment vraiment certain. Voir plus haut, col. 196. C'est ce que Newman appelle raisonnement non-formel. Informai, c'est-A-dire qu'on ne peut mettre en forme, dont on ne peut rendre compte par une série d'ana­ lyses ct de syllogismes. En effet, si nous voulions aligner sur le papier tous les raisonnements que nous avons faits, tout ce qui nous a amenés à cette conclu­ sion, tout ce qui a défllé rapidement dans notre esprit habitué A grouper tout cela A sa façon, à l’aide de cer­ taines simplifications instinctives ct de certa ns sché­ matismes, nous omettrions des points qui nous ont touchés, nous nous perdrions dans nos analyses; écrasés par leur complication, ou bornant notre vue A une partie seulement, nous n’aurions qu’une fausse appré­ ciation de l'ensemble. Parce qu’il faut donc renoncer A l’analyse, ce procédé, si sûr qu’il soit, déroute les esprits habitués A la seule analyse, et dans le» cas mêmes où il donne uno vraie certitude, occasionne facilement des doutes déraisonnables. Voir Croyance, col. 2387. Comme les scolastiques appellent ce pro­ cédé xstimatio prudentium, æstimatio moralis, ne pour­ rait-on pas définir la certitude morale · celle qu» s'ap­ puie sur une estimation morale? » On l’opposerait à la certitude mathématique, où l'on peut, par dos ana­ lyses détaillées, rendre raison du processus et de tou­ tes ses parties. Cette définition est meilleure que la précédente : toutefois elle ne répond qu'incomplètement à ce que l’on entend aujourd’hui par » certitude morale ». Pourquoi? Parce que les doutes déraison­ nables, dont la possibilité correspond à ce qu’on entend par · certitude morale », ne naissent pas seulement de ce procédé synthétique, ma s d’autres causes encore, et qu'ils peuvent s'élever même dans les procédés ana­ lytiques, par exemple,s’ils ont une certaine longueur, comme nous l'avons remarqué plus haut. Une troisième définition part de ce fuit, que les doutes déraisonnables viennent beaucoup du cœur, de l'influence des passions ct des mauvaises disposi­ tions morales du sujet pensant, et qu’ils attaquent facilement les vérités morales et religieuses, parce qu'elles gênent les passions et les vices.Voir Croyance, col. 2368; Évidence, col. 1726. Le changement du cœur, au moins commencé, les bonnes dispositions morales, sont donc nécessaires A la certitude de eus vérités. De là des définitions comme celles-ci : « Lu certitude morale, A proprement parler, est celle où l'adhésion de l'esprit est donnée sous l'influence des dispositions morales. La certitude morale, telle qu'on l’entend aujourd'hui, a pour objet les vérités histo­ riques ou métaphysiques qui influent vraiment sur la vie morale, comme La résurrection du Christ, l’immortalité de l’âme. Ua certitude morale, au sens propre, est celte qu'on ne peut avoir sans certaines dis­ positions morales. C'est celle dont nous nous servons surtout en apologétique. » Tanquerey, Synopsis Iheologix fundamentalis, 13* édit., 1910, p. 16. Cette de il- 211 FOI nitfon .1 l’avantage de mettre en relief le caractère libre et moral de la certitude dont nous parlons, et de h considérer dans la plus importante partie de son domaine, les grandes vérités morales ct religieuses. Cependant elle est incomplète, elle aussi, soit parce que les doutes imprudents ne viennent pas seulement des mauvaises dispositions du sujet, mais supposent toujours du côté de l'objet, tel qu’il nous apparait dans le processus mental, un défaut de clarté, une manifestation moindre qu’on appelle 1’ · évidence Imparfaite »; soit parce que, parmi les dispositions défectueuses du sujet, origine de ces doutes, il ne faut pas considérer seulement les mauvaises dispositions morales, les vices du cœur, mais aussi les défauts de l'esprit, qui suffiraient à eux seuls à empêcher sou­ vent l'adhésion de l'intelligence, même avec une moralité parfaite. L’esprit a, lui aussi, ses dispositions maladives, et peut facilement contracter des habi­ tudes funestes; la bonne éducation de l’esprit, l’hy­ giène de l’esprit, est ici aussi nécessaire, proportion gardée, que l’éducation du cœur et l’hygiène morale. VoirCnovANCE, t.Hi, col.2383,2384.Si Augustin,dans sa jeunesse, a été poussé à l’hérésie ct à l’incrédulité par scs passions, il l’a été aussi par la confusion des méthodes des diverses sciences, et les exigences dérai­ sonnables d’un esprit mal formé : · Je voulais être certain des choses que je ne voyais pas comme j’étais certain que sept et trois font dix. » Confessions, 1. VI, c. iv, P. L., L ΧΧΧΠ, col. 722. Brugère caractérise donc plus complètement l'évidence ou la certitude morale, quand il remarque que l’évidence stricte, celle que l’on considère ordinairement, détermine également tous les esprits, parce qu’elle ne demande aucune dis­ position spéciale de Cesprit et du coeur; que Γ « évi­ dence morale * au contraire, parce qu’elle dépend de ces dispositions, n’en traîne pas également tout le monde. De ocra religione, Paris, 1878, p. 268. Suarez avait déjà parlé d’une « évidence morale · qui dépend des d spositlons du sujet : « Durand, dit-il, prétend que les miracles faits en témoignage de la vérité ne peuvent en donner l’évidence. Son opinion est peut-être vraie de l’évidence mathématique, mais non pas de l’évidence morale, suffisante à convaincre un esprit qui ne soit pas trop mal disposé. · In ///·· D. T/iomr, q. xliv, disp. XXXI, sect, n, n. 7, Opéra, Paris, 1860, t. xix, p. 486. Pour la manière dont les dispo­ sitions morales peuvent influer sur l’assentiment cten particulier sur l’assentiment aux préambules de la foi, voir CnèoiniuTf:, t. ni, col. 2220-2222. i De ces recherches, concluons que, si l’on voulait avoir une définition plus complète de Vévidence morale, on pourrait dire, par exemple : c’est une manifestation de l’objet (ou des motifs d’assentiment) suffisante à rendre l’assentiment infaillible, mais d’autre part, à cause d’un certain manque de clarté, insuffisante à rendre l’assentiment ferme ct à empêcher les doutes imprudents, si elle n’est aidée par les bonnes disposi­ tions du sujet ou sa libre volonté. La certitude morale, qui correspond à cette évidence morale, pourra se définir : une certitude qui doit à scs motifs une vraie infaillibilité, mais non pas toute sa fermeté d’adhésion, dont elle est redevable, en outre, aux bonnes dispo­ sitions du sujet ou à la volonté libre. c) Division ternaire de la certitude en métaphysique, physique et morale. — Que dire de cette division, qui ne se rencontre pas dans les premiers temps de la scolas­ tique, mais à une époque plutôt tardive? Quel qu’ait été son succès dans les manuels de philosophie, elle nous semble obscurcir plutôt qu’éclairer la question de La certitude, et en plusieurs endroits, celle de la foi divine. Et d’abord, on ne s’accorde pas pour la manière de l’entendre. Pour plusieurs, la certitude dite métaphysique a 212 pour caractéristique · l’impossibilité absolue de se tromper, » ce que nous avons appelé · l’infaillibilité et les deux autres ne sont de vraies certitudes qu’autant qu’on peut « les ramener à la certitude méta­ physique. » Mais alors, dites qu’il n'y a qu’une seule vraie certitude; ne divisez pas la vraie certitude en trois espèces qui n’en sont pas, qui ne peuvent avoir que des différences matérielles insignifiantes pour h question. Et puis, par ccs noms, vous donnez occa­ sion de croire faussement qu’il n’y a de certitude vraie que dans l’ordre métaphysique, jamais dans l’ordre physique ou moral. Sylvestre Maurus, un des premiers scolastiques chez qui nous trouvons exposée cette division ternaire, mentionne cette explication ct la combat. Opus theologicum, q. cxxvn, n. 6, Home, 1687, t. n, p. 404. Pour les autres partisans de cette division, la cer­ titude physique et la certitude monde sont de vraies certitudes, mais d’un degré inférieur. — Afin de prouver la division ternaire ainsi comprise, on part de la considération d’une certitude qui est dans les choses elles-mêmes. Cette certitude n’est que la détermination d'une chose à être ou ά agir. Plus une chose est néces­ sairement ce qu’elle est, ou plus elle produit néces­ sairement son effet, plus elle a cette certitude. Ainsi l’être nécessaire est plus < certain · que l’être contin­ gent, qui n’a qu’une nécessité hypothétique; la causa­ lité nécessaire est plus · infaillible », atteint plus « in­ failliblement » son effet, que la causalité contingente ct libre. De ccs divers degrés de nécessité ou d’infail­ libilité dans les choses, doivent naître divers degrés de certitude dans nos jugements. « Suivant que le lien entre l’attribut ct le sujet est plus ou moins nécessaire, dit le P. de Mandato, il faut qu’il y ait différentes espèces de certitude. Car ou bien l’attribut appartient au sujet absolument, c’est-à-dire en toute hypothèse, ainsi appartiennent à une chose ses attributs essen­ tiels, à l’homme d’être un animal raisonnable; ou bien l’attribut ne lui appartient qu’en vertu d’une suppo­ sition (hypothétiquement) : ct alors cette supposition est fondée ou sur une loi physique universelle, qui sans détriment de Γ essence peut être suspendue par Dieu, comme la loi de l’attraction des corps; ou sur une loi morale universelle qui, en général, ne trompe pas, car elle résulte de la direction naturelle de la nature humaine vers le bien, mais qui peut manquer dans un cas particulier par l’intervention de la liberté hu­ maine : par exemple, que les mères ne tuent pas leurs enfants. Dans le premier cas, nous avons la certitude métaphysique, dans le second cas, la certitude phy­ sique, clans le troisième, la certitude morale. » In­ stitutiones philosophica:, Borne, 1894, n. 257, p. 149. Critique. — Nous voyons bien cfu’il y a là trois de­ grés de nécessité dans les choses, ou d'impossibilité du contraire : le premier qui n’admet pas d’exception, le second qui admet l’exception du miracle, le troi­ sième qui admet des exceptions du côté même de la liberté humaine. Ou bien trois sortes de lois : les lois essentielles ct absolument nécessaires des êtres; les lois physiques, contingentes au moins dans leurs effets; les lois morales qui ne sont que des manières ordinaires d’agir, basées sur des instincts que la liberté fait parfois fléchir. Mais nous ne voyons pas là une division exacte et adéquate de la Vraie certitude. Posons le cas particulier ct pratique, que ces lois générales servent à prévoir : < l'effet de cette loi phy­ sique, de cette loi morale, να-t-il sc produire dans tel cas? · Puisque nous savons qu’il y a toujours des exceptions possibles, de deux choses l’une : ou bien nous n’aurons la vraie certitude dans aucun de ccs cas particuliers, cc qui a fait dire que la certitude physique ct la certitude morale, ainsi définies, ne sont pas de vraies certitudes; ou bien nous tâcherons 213 FOI d’exclure l'hypothèse d’une exception pour le cas présent, ct nous y arriverons peut-être par un ensem­ ble de probabilités convergentes, de manière à avoir une vraie certitude, voir col. 195 : ainsi, insuffisam­ ment renseignés sur la vérité d’un témoignage collec­ tif par cette loi morale, que les hommes ont un ins­ tinct de véracité, nous recourrons à la convergence des témoins. Mais voilà une nouvelle espèce de cer­ titude, en dehors de la division ternaire, telle qu’on l’a expliquée : celle-ci n’est donc pas adéquate. De plus, ccs mots de · certitude physique ·, de « certi­ tude morale ■, par eux-mêmes disent plus que ccs lois physiques et ccs lois morales auxquelles vous li­ mitez votre attention on ne sait pourquoi. < J’existe » : cst-cc là une vérité métaphysique? Non, je suis un être contingent. Une vérité morale? Évidemment non. Reste donc que ce soit une vérité de certitude phy­ sique, si voire division de la certitude est adéquate. Et cependant mon existence n’est pas une loi phy­ sique, ni un fait que mon esprit déduise d'une loi phy­ sique. Vous voilà obligés d’agrandir vos cadres, de faire entrer dans la certitude physique tous les faits d’ordre physique, dans la certitude morale tous les faits plus ou moins d’ordre moral. Et c’est ixi que va apparaître plus complètement le faible du système. Vous partez de la certitude qui est dans les choses, ct vous supposez avec une apparence de logique qu’il doit y avoir une exacte proportion entre cette certi­ tude et celle qui est dans notre esprit : à une vérité plus nécessaire nous devons plus adhérer, et c’est ce qui met la certitude métaphysique au-dessus des autres. Mais cette certitude que l’on attribue aux cho­ ses pour exprimer leur plus ou moins de nécessité, de détermination, ou le fait qu’elles sont connues de nous avec certitude, n’est qu’une figure de rhétorique ct un terme impropre. < Je n’aime pas, dit avec raison Arriaga, que l’on mette une certitude du côté de Vobjet, puisque la certitude sc tient tout entière du côté de l'acte : une pierre connue n’est pas certaine, mais la connaissance de cette pierre peut être dite certaine ou incertaine. » De même pour l’infaillibi­ lité, que l’on sc figure parfois dans l’objet, dans la vérité perçue, dans les motifs : « Une pierre n’est ni Infaillible ni faillible. Il y a deux éléments de la cer­ titude (infaillibilité et fermeté) : mais tous deux doi­ vent être mis dans le sujet pensant. » Disputationes lheologicæ, Anvers, 1649, t. v, p. 58. C’est la pure doc­ trine de saint Thomas; d’après lui la certitude, l’injaiilibililé ne sont dans les choses que par une méta­ phore ou quelque autre trope, transferuntur : Nomina quæ ad cognitionem perlinent, ad naturales operationes transferuntur ; sicut dicitur quod natura sagaciter ope­ ratur, et infaliibilUer; et sic etiam dicitur certitudo in natura tendente in finem. In IV Sent., I. Ill, q. xxvi, n. 4. Aussi ajoute-t-il que la certitude n’est dans les œuvres de la nature qu'analogiquement, per similitu­ dinem et participative, ad lem. De ce que la certitude, improprement considérée dans les choses comme une nécessité d'être, est plus grande dans l’ordre méta­ physique, où la nécessité est absolue et souveraine, vous concluez que les vérités métaphysiques donne­ ront à mon esprit une souveraine certitude, en pre­ nant ici la certitude au sens propre : vous ne concluez pas du même au même, mais de l’analogue à l’ana­ logue, raisonnement trompeur. Et l’expérience vient montrer la fausseté de la conclusion. « Il arrive, obser­ vait déjà Maurus, que notre certitude soit, non pas moins grande, mais nu contraire plus grande à l’égard de certains objets d’évidence morale ou physique, qu’à l’égard de beaucoup d’autres qui sont d’évidenx* métaphysique : par exemple, je n’ai pas une moindre certitude de ma propre existence, ou de l’existence d’un pays étranger, que de certaines propositions 214 métaphysiquement évidentes. > Loc. cil., n. 11, p. 405. Et cela sc comprend : notre certitude, soit comme ma­ nifeste impossibilité d’erreur (infaillibilité), soit comme exclusion de crainte ct de doute (fermeté), dépend beaucoup de la manière dont l’objet est saisi par notre esprit; ma propre existence, si contingente qu’elle soit, m’est intimement et concrètement présente à moi-même, c’est un objet que je saisis d’une emprise plus sûre ct plus ferme que bien des vérités méta­ physiques très ardues, ou que la conclusion d’un calcul mathématique un peu long. D’ailleurs, la cer­ titude métaphysique en nous peut d’autant moins surpasser les autres qu’elle dépend du fait physique de la conscience (pic nous en avons, de la certitude physique . P. I^igae, dans la Revue thomiste, 1910, p. 640, 641. Il n’est conclusion qui ne dépende de quelque principe métaphysique de premier ordre, quand cc ne serait que de celui de contradiction. Un tel principe, associé à une prémisse moralement certaine, ne relèvera jamais la conclusion au-dessus de la certitude morale, quelque idée qu’on ait de celle-ci; c’est la remarque du P. Hugueny : « l Joa., iv, 48. Que veut-il précisément leur reprocher? Est-ce de demander quelque motif de crédibilité avant de croire à sa mission, de demander en particulier le miracle? Il ne pourrait les en blâmer, puisque lui-même leur recommande de croire à cause de ses œuvres extraor­ dinaires, voir col. 69; puisqu’il dit à leur sujet : < Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres que nul autre n’a faites·ils seraient sans péché, » donc sans reproche. Joa., xv, 2-1. Dans leur désir du mirade, on ne peut concevoir qu’une chose qui attire des repro­ ches : c’est qu’ils exigent trop en ce genre avant de croire : ce qu’exprime d’ailleurs la phrase du Sauveur par cette accumulation emphatique : « des signes et des prodiges, » ct aussi par le mot < voir » : ils veulent voir tout cela de leurs yeux, tandis qu’un miracle, Attesté par des témoins dignes de foi, devrait leur sullire. C’est dire, équivalcmment, qu’il ne faut pas exiger, avant h fol, une évidence de preuves qui saute aux yeux ct force à croire; qu'il faut savoir se con­ tenter de moins, par conséquent d’une évidence im­ parfaite, d’une certitude morale. Mém< excès d’exigence chez l’apôtre Thomas : · Si je ne vols dans scs mains la marque des clous, etc., je ne croirai point. » Joa., xx, 25. 11 aurait dû se con­ tenter de la grave attestation de témoins nombreux ct qu’il savait dignes de foi, sans exiger pour lui-même une apparition du Christ ressuscité, avant de croire ce grand mystère. Jésus le lui fait sentir en louant devant lui < ceux qui n’ont pas vu ct qui croient. » Le P. Félix montre très bien la déraison de pareilles prétentions» renouvelées par quelques incrédules de son temps : · Que de faits dans l’histoire, admis par vous comme certains, ct que vous n’avez pas vus, ct que vous ne pourrez Jamais voir!... Vous voulez voir le miracle, le voir de vos yeux et le toucher de votre main? Mais apparemment tous les autres simples mor­ tels comme vous ont le même droit que vous. Il fau­ dra donc que chacun, pour croire, soit admis au moins une fois dans sa vie à la faveur de voir et de toucher lui-même le tait miraculeux. Que dis-je, une fois? ce ne sera pas assez... Etes-vous bien sûr que le miracle qui a convaincu le Jeune homme de vingt ans suffira encore pour convaincre le vieillard de soixante ans? Il faudra donc que, pour railcrrnir votre conviction. Dieu fasse de nouveau pour vous seul un miracle, puis un autre, puis un autre encore... Est-ce que vous ne voyez pas qu’avec cette exigence, en apparence si simple, vous aboutirez à multiplier le miracle Λ l’infini, à substituer l’exception à la règle, et, comme consé­ quence dernière, à jeter dans la création cette pertur­ bation que vous objectiez tout à l’heure comme la conséquence du fait miraculeux? » Conférence de Notre-Dame. 1864, xv· conférence, p. 216. 2. Indicationi fournies par les documents ecelé s ias­ ti ques. — Détail assez remarquable : quand ils men­ tionnent en passant le degré de lumière *u de convie- 210 tlon avec lequel les préambules de la foi doivent être connus par la raison naturelle, ils parlent toujours de < certitude », mais jamais d* < évidence », ce dernier terme étant réservé dans l’usage théologique à l'évi­ dence stricte ou nécessitante. Pour le préambule de l’existence de Dieu ct de scs attributs, le concile du Vatican dit : certo cognosci posse. Pour les miracles, preuves du fait de h révélation, il anathématise celui qui dirait qu’ils ne peuvent jamais certo cognosci. Et Léon XIII, encyclique Alterni Patris, les appelle certa argumenta. Pour le fait de la révélation. Pie IX, encyclique Qui pluribus, dit que la raison humaine doit s’en enquérir, ut certo sibi constet Deum esse locu­ tum. Ia»s arguments en faveur de ce fait sont appelés mira, splendida, etc., mais jamais evidentia : ce terme est toujours évité. Le concile du Vatican parle de 1’evidentia credibilitatis, mais cette alliance de mots a un sens particulier qui sera expliqué tout à l’heure. Le mot demonstrare est quelquefois employé, mais ne dit pas nécessairement un argument absolument irré­ sistible. Pour les textes, voir plus haut. col. 189 sq. Le concile de Cologne, en I860, a formulé explici­ tement la doctrine que nous défendons · < On donnerait trop à In raison, dit-il» si, quand il s’agit de prouver le fait de la révélation, on exigeait des arguments qui non seulement excluraient tout doute prudent, mais encore par leur évidence enlèveraient à l'homme toute possibilité de concevoir un doute quelconque, même imprudent. » Part. 1, c. vi, dans Collectio laccnsis, L v, col. 279. 3. Raisonnement théologique. — Puisque la foi est nécessaire au salut, qu elle est le fondement de toute la vie chrétienne, voir col. 84, et que · le juste vit de la foi » elle doit être oossible à l'infidèle en train de se convertir, facile au chrétien pour qu'il en fasse, s’il le veut, des actes fréquents; d’où il suit que nul théo­ logien, nul philosophe, n’a le droit, sans une preuve convaincante, de surcharger l’acte de foi de conditions restrictives qui le rendraient beaucoup plus difficile et même impossible à un grand nombre, même de ceux qui sont le mieux doués pour l'intelligence ct l’instruction apologétique, ct que nous considérons en ce moment. Or, si vous exigez, comme condition de l’acte de foi, que le fait de la révélation soit prouvé avec une évidence parfaite ct nécessitante, vous le rendez bien plus difficile ct plus rare: vous le rendez même impossible, peut-être à tout le monde (car, d’après plusieurs théologiens, pareille évidence de ce fait est impossible en cette vie. c’est une question sur laquelle nous reviendrons), en tout cas au plus grand nombre. Pour avoir le droit de poser une condition aussi restrictive de la fol, quelle preuve convaincante apportez-vous? Que, sans l'évidence nécessitante, il n’est pas d'adhésion ferme, ni de certitude digne de ce nom? Mais nous avons prouvé le contraire, à propos des diverses espèces de certitude. Voir col. 207. Que les influences affectives ct volontaires qui caracté­ risent la certitude morale, avec leur caractère subjec­ tif, ne peuvent que jeter dans l’erreur? Mais dans un cas comme le nôtre elles sont « légitimes ouvrières de vérité. » Voir Credibility, t. ni, col. 2220-2222. Qu’à l’importance suprême de la question religieuse doit répondre l’évidence suprême dès arguments? Mais nous avons prouvé le contraire avec Newman ct Gladstone. Voir Croyance, t. ni, col. 2394, 2395. Que la preuve des préambules étant l’unique fondement de l’acte de fol, cet acte, qui doit être de la plus haute certitude, exige que ce fondement ait la plus haute perfection intellectuelle? Mais nous montrerons que la preuve des préambules n’est pas l'unique ni le prin­ cipal fondement de la certitude singulière de l'acte de foi. Voir plus loin ce qui sera dit de la certitude et de I l'analyse de la foi. D'ailleurs, pour certain qu'il soit, 217 FOI Pacte de foi cet obscur, voir plus loin ce qu! sera dit de l’obscurité de la foi : donc rien d'étonnant à ce qu’il n’exige pas dans ses préambules la plus lumi­ neuse évidence. 11° Qu* entend-on par · évidence de crédibilité·? — Cette expression théologique a été consacrée par le concile du Vatican : evidentem fldei christianæ créât· bilitatenu Sess. ill, c. m, Denzinger, n. 1791. Elle a son origine dans la formule : « Les mystères de notre foi ne sont pas évidemment vrais, mais ils sont évi­ demment croyables, · evidenter credibilia, formule de venue commune chez les scolastiques, mais entendue différemment par eux; de là une obscurité à dissiper. 1. læ sens originel de la formule parait être : Les mystères n’ont pas et ne peuvent avoir d’évidence intrinsèque, mais ils sont connaissables par le témoi­ gnage ct la foi; si l’évidence intrinsèque (à laquelle ces anciens scolastiques réservaient le nom d'évi­ dence) ne peut tomber sur les mystères, sur leur vérité, elle peut du moins tomber sur la vérité des préam­ bules qui les rendent croyables : je puis démontrer intrinsèquement l’existence de Dieu, sa science, sa véracité, l'obligation de la croire s’il révèle; je puis voir son envoyé, scs miracles, ou du moins voir les documents, les témoins ecclésiastiques qui attestent tout cela; à la base de toute connaissance par le témoi­ gnage se trouvent des principes ct des faits, intrinsè­ quement connus par la raison et l’expérience. Nous voyons d’abord (juelque chose, pour croire ensuite autre chose que nous ne voyons pas, suivant la pensée de saint Augustin. Voir col. 189 sq. Sur la nature de l’évidence intrinsèque, ct sa différence de l’extrin­ sèque, voir Évidence, t. v, col. 1727, 1728. Entendue ainsi, la formule en question s’oppose, par son pre­ mier membre, au rationalisme qui veut pénétrer et démontrer philosophiquement les mystères; par son second membre, au fidéisme qui s’arrête au témoi­ gnage, à l’extrinsèque, sans remonter, comme il est nécessaire, à une première connaissance intrinsèque ct rationnelle qui montre la crédibilité des mystères. C’est ainsi que la formule est entendue parCajctan; il sc plaint que les gens peu perspicaces ne discernent pas entre la connaissance qui est certaine ex evidentia rei cognitæ, ct celle qui est certaine ex evidentia testi­ moniorum. Comment, in //·· 11*, q. i, a. 4, n. 3, dans l’édit. romaine de saint Thomas, t. vm, p. 14. Et parlant de l'ange à sa création, en face des révélations divines : Angelus... de revelatis, primariis saltem, ut Trinitate et beatitudinc supcrnaturali, fidem habebat· Evidentia enim suæ cognitionis terminabatur ad Deum ut revelantem (les préambules de la foi) el non ultra procedebat... Ex hoc enim non videbat Deum esse tri­ num, etc., q. v, a. 1, n. 5, p. 56. S’il admet la possi­ bilité d’une évidence parfaite et nécessitante du té­ moignage divin, au moins dans l'ange dont il parle, il ne fait pas d’une telle évidence la condition néces­ saire de la fol. Au contraire, au premier endroit cité, il va jusqu’à admettre qu’une chose fausse peut par des témoignages devenir croyable pour quelqu'un, ct qu'il peut avoir l’évidence de l’obligation d’y donner son assentiment, ce qui regarde la certitude relative, dont nous parlerons plus bas. Pour 1rs textes et la pensée de Cajelan, voir Crédibilité, t. m, col. 2283, 2284. 2. La formule a été prise plus tard dans un sens diffé­ rent. Sans plus s’occuper de distinguer entre l’évi­ dence de la vérité en cllc-mcinc et l'évidence du té­ moignage ou des préambules de la foi, on a appliqué la formule à dire que l’évidence de ces préambules, en particulier du fait de la révélation, n’est point par­ faite. Les mystères seraient evidenter vera, d’après cette nouvelle explication, si les motifs de crédibilité avaient une évidence nécessitante; ils ne sont qu’ewdenter credibilia, parce que les motifs de crédibilité 218 n’ont qu’une évidence morale. C< s motifs, ne forçant pas à admettre le fait de la révélation, ne forcent pas non plus à admettre 1rs dogmes, mais seulement montrent qu'ils sont croyables, que la volonté peut et doit commander l'acte de foi. Citons quelques théo­ logiens qui entendent ainsi la formule.· Ces notes (ces motifs de crédibilité) rendent nos mystères évidem­ ment croyables; car pour cela il suffit qu'elles prou­ vent l’obligation de les croire à cause du témoignage divin, ct qu’elles la prouvent d’une manière qui soit jugée moralement évidente ct certaine, ct qui engage tout homme prudent ù les croire ainsi. De là il ne suit nullement que les mystères soient rendus pour nous évidemment vrais, ce Granderath, Histoire du con­ cile du Vatican, trad, franç., Bruxelles, 1911, t. H b, p. 112,113. L’historien ajoute que les Pères, là-dessus, décrétèrent presque à l’unanimité le maintien du mot evidens. On peut donc dire que le mot evidentem, quand même on le prendrait au sens strict, ne tombe ici que sur la crédibilité pratique, sur l’obligation de croire qui nous apparaît· Le jugement spiculati/ sur le fait de la révélation peut n’avoir qu’une certitude morale, basée sur une évidence impaifaite. Mais in­ voquant le principe réflexe parfaitement évident 219 FOI qu'indique ici Mgr Meurin : « Nous devons croire une assertion dès que nous avons la certitude morale qu'elle a été révélée, » principe que nous avons prouvé plus haut, voir col. 215, nous pouvons, sans aucune faute de logique, en déduire cotte conclusion parfaite­ ment évidente, que nous avons la possibilité et l’obli­ gation de croire : c’est Γ · évidence de crédibilité ». Notons, en terminant, que, lorsqu’il s’agit de déter­ miner quelle est la valeur de notre apologétique, ou rn général de notre démonstration dos préambules spéculatifs de la foi, il convient d'écarter d’abord cer­ tains termes vagues, certaines questions secondaires, qui ne peuvent qu’embrouiller la question princi- ! pale. Exemple : < Peut-on faire une démonstration 1 rigoureuse, scientifique, du fait de la révélation? » Question vaguement posée. SI les termes < rigoureuse, $cicntlfi»pe » signifient une démonstration mathéma­ tique et d’une évidence qui arrache l'adhésion, on répondra non. S'ils s'étendent à signifier aussi une démonstration donnant l’évidence morale, et pou­ vant produire une certitude légitime et infaillible, bien que dépendante des dispositions du sujet et de sa volonté libre, on pourra répondre oui. Voir art. Apologétique, dans d’Alès, Dictionnaire apologétique de la /οι catholique, t. i, col. 246 sq. Sur la question semblable de la « connaissance scientifique » et de la « démonstration » de l'existence de Dieu, voir Dieu, t. iv, col. 923 sq. Autre exemple. 11 est une contro­ verse célébré dans la scolastique sur la question de savoir si quelques privilégiés peuvent avoir exception­ nellement l’évidence parfaite et nécessitante du fait de la révélation, ou evidentia attestantes (Dei) : question bien secondaire ici, soit parce que l’évidence et la cer­ titude morale, que l’on peut bien plus facilement avoir, a au fond la meme valeur d’infaillibilité que la certi­ tude qui procède de l’évidence nécessitante, voir col. 207; soit parce que de rares exceptions impor­ tent peu à l'apologétique générale; cette question reviendra du reste à propos de l’obscurité de la fol. Voir les justes remarques de M. Bainvel, dans la Revue pratique d'apologétique, 1908, t. vi, p. 17G. 12· La certitude relative des enfants el des ignorants à Γégard du fait de la révélation existe-t-elle, et peutelle suffire avant la foi? — Par certitude relative (les théologiens disent certitudo respective), nous enten­ dons l’état d’un esprit qui ne doute pas, fondé sur des motifs qui, tels qu’ils lui apparaissent, suffisent relativement à lui, mais non pas à tout autre, c’est-àdire qui, analysés par un esprit plus perspicace, seraient rangés parmi les motifs seulement probables et insuffisants à donner la certitude, mais qui, appa­ raissant à cet esprit peu développé et moins exigeant, suffisent à le convaincre : non pas qu’il réfléchisse lui-même sur la valeur de ces motifs ou qu’il les dé­ clare absolument valables, suffisants pour donner la certitude à tous les esprits, cc qui serait une erreur, qu'il n’a pas du reste la tentation ni l’occasion de commettre, car une semblable réflexion le dépasse : mais, sans cette réflexion et cette analyse, sous la simple influence de ces motifs qui suffisent à son esprit, peu exigeant en fait d»· preuves, il va d’emblée à la ferme adhésion, ou il l'obtient à l’aide d’une volonté qu'il croit prudente et qui l’est en effet, la prudence dépendant des circonstances subjectives. Des deux éléments essentiels de la vraie certitude, celk-ci n’en a qu’un, la fermeté d'adhésion. Vinfailllbilitè lui manque, parce que les motifs tels qu’ils appa­ raissant à l’esprit ne sont pas nécessairement liés avec U vérité» ou n'excluent pas la possibilité d’une erreur. Voir col. 218. Si l’on sc rencontre de fait avec le vrai, on pourrait, à la rigueur, avec la même manifestation de motifs, se rencontrer avec le faux : c’est donc en partie par une heureuse chance qu’on est alors dans 220 le vrai, et non pas en vertu de la seule valeur des motifs et de la seule perfection de l'acte qu'ils spéci­ fient. Par là ce qu’on appelle « certitude relative » n’est pas une certitude proprement dite; et elle diffère essentiellement de la certitude « morale » et •d évidence» imparfaite, analysée par nous, col. 207 sq.; et de ce que celle-ci suffit dans la preuve des préam­ bules de la foi, il ne s’ensuit pas encore que la certi­ tude relative su dise. Nous sommes donc en face d’une question nouvelle, et non moins difficile, pour la solution de laquelle nous présupposerons cc que nous en avons déjà dit à l’art. Croyance. Nous avons montré que, même dans l’ordre naturel et sur des matières (pii n’ont rien de religieux, diverses causes sc réunissent pour amener les enfants, et beaucoup de gens qui plus ou moins leur ressemblent, à une croyance ferme, non pas sans aucun motif intellectuel, mais pour des motifs intellectuels qui, examinés par un esprit plus péné­ trant, ne méritent pus cette fermeté d’adhésion. Parmi ces causes, on doit citer en premier lieu le penchant naturel ά croire, d affirmer sans crainte, la tendance naturelle à la possession de la certitude : de là ces certitudes spontanées qui sont par la suite révoquées en doute, et alors, ou définitivement rejetées ou transformées en certitudes contrôlées. Voir Certitude, t. n, col. 2155, 2156; Croyance, t. m, col. 2371, 2372. S’il montre toute sa fraîcheur et sa force dans l’enfant, ce germe inné du penchant à croire n'est pas toujours détruit dans l’adulte par l’expérience des erreurs ainsi commises et le développement de la cri­ tique, tant s’en faut : témoin l'institution de la ré­ clame, si bien implantée dans notre civilisation moderne, et qui atteint souvent aux proportions étonnantes d’un bluff gigantesque. · Sa puissance, remarque le vicomte d’Avcnel, repose sur cc qu’il est naturel à l’homme de croire ce qu'ü lit, ce qu'il entend. La défiance, l’esprit ciilique, n’agit qu’en seconde ligne, et chez la plupart des êtres il n’agit pas. » Revue des deux inondes, 1er janvier 1908, p. 129. Parmi les causes qui facilitent cette certitude relative et la fermeté de son assentiment, il faut citer encore l’ignorance des difficultés, voir Croyance, col. 2372; l’imagination saisie, qui rend la croyance plus con­ crète et plus vivante, et par là, au moins accidentel­ lement plus forte, col. 2373; l’action, qui fortifie do même la croyance par le seul fait de la mettre en pra­ tique, col. 2374; l’affection et le sentiment, col. 2375; l’influence d’autrui, non seulement sous la forme rai­ sonnée de témoignage, mais encore sous la forme non raisonnée de suggestion, d’entrainement des foules, de mode, de contagion du milieu, col. 2376, 2377; l’habitude, qui sert à maintenir l’esprit dans les con­ victions une fois établies, col. 2370. Passant de cette description psychologique des faits à la question critique de la valeur d’une telle cer­ titude, nous avons vu que, malgré sa grande fermeté, elle manque souvent d’infaillibilité dans scs motifs, qui ne suffiraient pas à un esprit plus averti : quand* par exemple, pour l’enfant, toute la raison d’admettre une chose est l’autorité du témoignage de scs parents, col. 2380. Mais si, à cause de cc défaut d'infaillibilité, cc n’est pas une certitude proprement dite, d’autre part on ne doit pas la confondre avec la persuasion de pur entêtement, avec la croyance illégitime, mal formée sous l'influence des passions déréglées, avec le sentiment de son imprudence, et malgré la réclama­ tion plus ou moins étouffée de la conscience, col. 2378, 2379. De cette illégitime persuasion, la ferme adhé­ sion de l’enfant, telle que nous l’avons décrite, se distingue par son entière sincérité, par sa prudence suffisante lors même qu’il y aurait erreur fortuite, par sa formation qui appartient au développement natu- 221 FOI rcl de l’esprit humain, pnr sa nécessité pour l’éduca­ tion en général, et en particulier pour l'éducation de l’esprit lui-même, qu'une critique prématurée ren­ drait Impossible, col. 2380, 2381. En rés.imé, la certi­ tude relative dont nous parlons diffère de la certitude absolue et proprement dite par son manque d’infailli­ bilité, de Vopinion par sa fermeté, de la persuasion d'entêtement par sa légitimité et sa prudence. Elle reçoit de plus une nouvelle valeur, sinon comme cer­ titude, du moins comme connaissance, quand elle se trouve avoir la vérité pour elle, et par là elle s’oppose alors à la certitude erronée, à la connaissance fausse. Ces notions générales étant supposées, reste à les appliquer sur le terrain théologique de la certitude des préambules de la foi chez les enfants et les simples. Et d’abord, une question préalable sc pose. 1. Question de fait. — La certitude improprement dite que nous venons de décrire sous le nom de « cer­ titude relative » existe-t-elle, au sujet de quelque préam­ bule de la foi, chez un certain nombre de fidèles de l’Église catholique elle-même? Le problème doit être bien posé pour éviter les équivoques. Le préambule dont il est question surtout, c’est le fait de la révé­ lation, soit qu’on le prenne en général, comme : < Dieu a parlé par le Christ, par les apôtres, > soit qu’on le prenne en particulier, comme : « La trinité, ou l’incarnation, etc., est un des dogmes révélés. > Les preuves du fait de la révélation. comme elles appa­ raissent à tel esprit, sont appelées les motifs (intel­ lectuels) qu’il a d’admettre ce fait. Quand on com­ pare la certitude avec ses motifs, comme dans la ques­ tion présente, les « motifs » ne sont pas des arguments in abstracto, tels que la raison humaine la plus par­ faite les produirait, ou tels qu’ils existent imprimés dans un traité d’apologétique. Non : le motif, on ne saurait trop sc le rappeler, c’est cc qui, étant connu d'une intelligence concrète, et dans la mesure où il en est connu, prout apprehenditur, suffit à la mouvoir et la meut de fait à admettre telle chose. Il faut donc, sous le nom de « motif », prendre cc qui apparaît de fait à cette intelligence, à cet enfant, photographier (pour ainsi dire) cc qui sc passe dans son esprit; c’est cela, et non pas cc qui est dans les livres qu’il faut juger, dont il faut estimer la valeur quand on veut savoir si sa certitude est infaillible « par ses motifs », si c’est une certitude proprement dite et non pas seu­ lement l’adhésion ferme de la certitude relative. La question présente n’est pas de savoir si l’argument des miracles ou de la résurrection du Christ, in abstracto, est de nature à donner une certitude infaillible, cela regarde l’apologétique; ni de savoir si l’on peut accom­ moder, adapter cc genre de preuves même aux sim­ ples, ce qui est certain : la question est de savoir si ce qui apparaît de l’argument des miracles à l’esprit des enfants ordinaires vaudrait pour les meilleurs esprits, si de soi cette apparence est tellement liée avec la vérité du fait de la révélation qu’on ne pour­ rait Jamais, sous la même apparence, faire passer une fausse révélation : en un mot, si cet argument, ainsi adapté et ainsi perçu, est de nature à donner une cer­ titude infaillible. Une preuve qui, in abstracto, a une valeur absolue, peut se trouver si mutilée, en passant par l’esprit des simples, qu'elle n'ait plus in concreto qu’une valeur relative, suffisante à rassurer cet esprit parce qu’il est peu exigeant, mais insuffisante à en rassurer d’autres. De plus, on peut concevoir une preuve faillible par sa nature, même in abstracto, et ne pouvant jamais suffire que relativement, de quel­ que façon qu’on la développe : telle l’autorité du té­ moignage des parents, lorsqu'ils attestent à l’enfant, cpii les croit sur parole, que Dieu a parlé, qu'il a révélé la trinité, etc. Quel esprit cultivé pourrait sc contenter du témoignage de ces deux personnes, elles-mêmes 222 peu Instruites? On dira que de nos jours les enfants ont plus que l’affirmation de leurs parents, ou de leur curé, pour admettre le fait de la révélation, qu’on a soin ordinairement d’ajouter quelque meilleur motif de crédibilité : oui, dans bien des cas, mais le cas contraire subsiste; et puis il ne faut pas regarder seulement notre temps, où l’instruction est plus répandue et plus soignée, mais tous les siècles anté­ rieurs de l’Église où déjà les simples croyaient; or les anciens théologiens, témoins de leurs temps, nous affirment, comme nous le verrons, que beaucoup de gens peu instruits n’admettaient alors le fait de la révélation que sur cette autorité, que l’on reconnaît insuffisante à fonder une certitude Infaillible. Sur la question de fait, que nous venons de préciser, nous pouvons partager les théologiens, anciens et modernes, en trois catégories : a) Beaucoup ne l’ont pas traitée, ou en termes si courts et si vagues, qu’on ne peut distinguer nettement leur pe nsée ; commençons par les mettre de côté. — b) Quelques-uns ont soutenu que tous les simples, avant la foi, tiennent le fait de la révélation en vertu de motifs d’une valeur absolue, et par une certitude infaillible. On peut subdiviser ces théologiens en deux classes différentes et même oppo­ sées. Les premiers ont reconnu la faiblesse des preuves extérieures d’apologétique telles qu’elles entrent dans ces humbles esprits; mais pour y suppléer, ils leur ont donné à tous quelque chose comme une révélation immédiate, ou un miracle Intérieur. On pourrait, en effet, par ccttc nouvelle espèce de « motif ·, arriver à une certitude rationnelle et infaillible du fait de la ré­ vélation, et le cas n’est nullement impossible : n.^j> il y a de graves inconvénients à généraliser ce diarisme de manière à le donner à tous les simples; nous en traite­ rons en parlant du rôle de la grâce. Les seconds, lais­ sant de côté cette explication mystique,s’efforcent de prouver (en négligeant trop les précisions et les distinc­ tions que nous avons données tout à l’heure sur la po­ sition du problème) que dans l’Église catholique les simples ont tous à leur portée, pour admettre le fait de la révélation, des motifs réellement valables pour tous les esprits, et qui leur donnent, bien que sous une en­ veloppe vulgaire qui rebuterait les délicats,une certi­ tude vraiment infaillible; qu’ils ont donc V essentiel de la certitude proprement dite, avec des imperfec­ tions purement accidentelles. De ce nombre sont sur­ tout quelques théologiens contemporains, dont nous examinerons tout à l’heure les assertions et les objec­ tions. — c) Enfin, la grande majorité des théologiens qui ont traité le sujet admet,chez un certain nombre de fidèles, d’enfants surtout, l'existence d’une certitude « respective » dans toute la force du mot, c’est-à-dire ferme,mais manquant d’infaillibilité par les motifs qui apparaissent à l’esprit, même en les prenant dans leur ensemble quand il y en a plusieurs, même en tenant compte du motif supérieur qui pourrait s'ajouter (mais dans quelques individus seulement) par le pri­ vilège d’une grâce extraordinaire. Nous citerons quel­ ques-uns de ces théologiens, surtout à cause des expli­ cations utiles qu’ils ajoutent à leur affirmation, et qui seront le complément des nôtres. Au xvii· siècle, où la question commence à se dis­ cuter avec ampleur, voici d’abord Lu go : « 11 parait incroyable, dit-il, que, toutes les fois que les fidèles rustiques et ignorants font l’acte de fol divine et sur­ naturelle, on leur ait auparavant présenté les articles de foi non seulement dans une mesure relative à leur capacité, mais de telle manière qu’à égalité de motifs de crédibilité, à égal degré de preuves, il eût été impos­ sible de leur proposer des articles faux. » Disputa­ tiones, disp. IV, n. 84. Paris, 1891, t. i, p. 294. Dire qu'à égalité de motifs de crédibilité on aurait pu leur présenter lo faux, c’est dire que ces motifs, tels qu'ils 223 FOI 224 duquel · les fidèles même Ignorants peuvent avoir, et ^pporainent A leur esprit, ne sont pas nécessairement liés au vrai, et ne leur donnent pas une certitude In­ ont d’ordinaire un jugement pratique, soit évident soit moralement certain, · sur la prudence ou meme l'obli­ faillible, et proprement dite, du fait de la révélation gation de croire : « La raison dernière, c'est que qui­ de ces articles. Ailleurs, il montre que cette « évidence conque a conscience de son ignorance d’un art agit de crédibilité ·, demandée par les théologiens avant prudemment s'il cherche un maître sage et au cou­ la foi, est à la portée des enfants eux-mêmes, à la rant de cet art et s'en rapporte à sa parole, tant qu’il condition toutefois de n’entendre par là que Vévi· n’a pas une raison prudente de douter : ...suivant b dente de ce jugement pratique:· Je peux, je dois croire.· parole de saint Augustin, De utilitate credendi, c. xjn : Et à cette objection, que l’enfant arrivé à l’âge de Nihil nobis restat, quamdiu stulti sumus, si uita reli­ discrétion Ignore nos motifs de crédibilité, et n’en a giosa et optima nobis cordi est, quam ut quwramus guère d’autre que l’autorité de scs parents, il répond : sapientes, quorum dictis obtemperemus. » Conlrov. theol. « Quoique cc motif qui influence l’enfant ne sufliso de ultima resolutione fidei divina, Dillingen, 1696, pas à produire l'évidence de crédibilité dans tous les p. 333, 355. esprits, il suffit cependant à lui donner à lui l’évi Au xvni· siècle, cette même doctrine est bien expli­ dcnce que les mystères sont prudemment croyables; car il est évident qu’un enfant, incapable do rien vé­ quée par nombre de théologiens. Gabriel Antoine distingue des motifs absolus les motifs relatifs ou rifier par lui-même, agit prudemment en croyant ce respectifs de crédibilité : < telle est, par exemple, l'au­ que lui enseignent scs parents, que la nature lui a donnés pour maîtres. » Ôp. ci/., disp. V, n. 25, p. 322. torité du curé à l’égard de ceux qui reconnaissent sa probité et sa science. » Theologia universa, De fide, Logo distingue donc entre préambule et préambule, sect, n, a. 6, Paris, 1736,1.i, p. 143. Antoine Mayr nous entre le fait de la révélation, et la prudence et l’obli­ fait cc tableau de la foi des enfants et des simples : gation qu’il y a de croire. I-c fait de la révélation, « Ordinairement leur jugement de crédibilité est fondé préambule spéculatif, n’est pas prouvé à l’enfant de sur le témoignage du curé, du prédicateur, du caté­ manière à lui en donner une infaillible certitude; chiste, des parents, des voisins : en somme, d’un petit mais ensuite la prudence et l’obligation de croire, nombre de personnes, qui leur disent que tels arti­ préambule pratique, grâce à un principe réflexe indi­ cles ont été révélés et doivent être crus d’une foi très qué par Lugo comme évident, seront affirmées avec une ferme. Si leurs instructeurs sont soigneux, ils ajoutent vraie et infaillible certitude. Mais si, pour cc dernier que la religion catholique est seule infaillible et dirigée jugement, le jugement pratique de crédibilité, les par l’assistance du Saint-Esprit, et ils proposent l’un simples ont la meme certitude que les autres, il n’en est pas de meme du jugement spiculati/ précédem­ ou l’autre motif de crédibilité, comme les miracles... Mais cet ensemble proposé, n’étant garanti que par ment porté sur le fait de la révélation. l’autorité d’un seul prêtre ou de quelques personnes, Jean de Saint-Thomas, vers le meme temps, témoi­ souvent peu doctes, ne serait pas de nature à persua­ gne d’une doctrine semblable dans l’école thomiste : der des gens instruits, ni à les amener au jugement « Nous voyons, dit-il, beaucoup de fidèles très peu de crédibilité. » Theologia scholastica. De fide, η. 492, développés, valde rudes, qui n’ont rien perçu des motifs Ingolstadt, 1732, t. ι, p. 117. Enfin on trouvera un de crédibilité de la foi, bien loin de les avoir perçus avec substantiel résumé de la doctrine chez Kilber, Theo­ évidence, mais qui seulement ont été instruits par logia Wirceburgcnsis, t. iv, n. 172 sq., ou dans Migne, leurs parents ou leur curé, et croient en s’appuyant Theologia cursus, t. vi, col. 543-551. sur la fol de ceux-ci; et pourtant il est très dur de les Au κιχ® et au xx· siècle, la meme doctrine sc re­ priver tous de l’acte de fol infuse, cc qui serait les trouve chez beaucoup de théologiens. Patrice Murray, priver de la vraie pénitence et de la justification. » dans son remarquable traité de l’Église, parmi les Cursus theologicus, De fide, q. i, dist. 11, a. 3, n. 4, conversions de protestants au catholicisme, n’omet Paris, 1886, t. vu, p. 46. · L’évidence de crédibilité, pas d’étudier celles des gens peu instruits : il observe ajoute-t-il, n’est pas l'évidence de la chose : ce n’est que les motifs de crédibilité, qui en général agissent que l’évidence de l’aptitude qu’a telle matière à être alors, sont empruntés aux motifs de valeur absolue crue... Un énoncé peut très bien être réellement faux, que l’on étudie en apologétique, « mais sont pro­ et en même temps très croyable à cause de la vraisem­ posés différemment, et accommodés à ccs esprits, et blance avec laquelle il est présenté, et des raisons par considérés Imparfaitement et partiellement, espèces lesquelles on le persuade. · Loc. ciL·, n. 6, p. 47. Si les d’ébauches qui, en se complétant, arriveraient à la va­ preuves du fait de la révélation, données aux simples, leur de motifs absolus... Ainsi, l’origine de quelquesn’ont pas assez de valeur pour engendrer une certi­ unes de ces conversions a été la considération de la vie tude Infaillible, il pourra arriver qu’avec de telles sainte de quelques catholiques; pour d’autres, l'exa­ preuves ils croient quelque chose de faux qui n’a pas men des heureux f ni Its de la confession chez des se r­ été révélé, et qu’ils le croient prudemment. · La faus­ seté même peut devenir prudemment croyable : » 1 viteurs ou des parents; ici, le spectacle do la dévo­ tion des pieux fidèles dans les églises; là, la lecture de c’est l'affirmation du fait de la certitude relative, que livres de piété catholiques. D’autres ont été frappés nous avons déjà rencontrée chez Cajctan.Voir col. 217 ; des dissensions irrémédiables en matière d’articles de Crédibilitî·, t. ni, col. 2283. foi, qui agitaient leurs sectes, etc., etc. Tout cela doit Haunold, qui a spécialement approfondi cette ques­ se ramener aux notes de l’Église, unité, sainteté, etc. : tion au xvn· siècle, dit : · Pour que les simples soient obligés à faire un acte de fol, il suflit de motifs de cré­ ce sont, en effet, des manières plus ou moins claires de dibilité qui ne suffiraient pas à obliger un esprit plus les entrevoir, ou des détails et des linéaments, qui leur sagace. Les modernes appellent ccs motifs respec­ appartiennent. La relativité de ces motifs ne vient pas tifs, c’est-à-dire qui suffisent seulement aux simples, des preuves telles qu'elles sont en cllcs-invmes (les lesquels ne peuvent pénétrer les motifs de crédibilité notes de l’Église), mais du degré et de la manière dont universels (valant pour tout le monde). Cette conclu­ on les saisit. » Tractatus de Ecclesia, disk XI, n. 264, sion est très commune parmi les théologiens..., si Dublin, 1862, t. π, p. 324. Mazzella établit très bien commune qu’il faudrait un long catalogue pour en cc fait de la certitude purement relative des enfants énumérer les défenseurs. » Theologia speculativa, 1.111, et des simples. De virtutibus in/usis. Borne, 1879, η. 229, Ingolstadt. 1670, p. 373. η. 813-828; Naples, 1909, η. 745 sq., p. 377 sq. SchifA la fin du xvn· siècle, le célèbre controversis te • fini donne cette doctrine comme plus commune vt Hassler exprime ainsi le principe réflexe au moyen * très préférable : « L opinion la plus commune ensei- 225 FOI gnr qu’â ccs hommes simples, pour qu’ils puissent et doivent croire do fol divine et Infuse, su (lit, comme certitude du fait de la révélation, celle qui, suivant l’ordre de la nature, est accommodée â leur capacité; qu’il n’est pas nécessaire que cette certitude s’appuie sur un motif tout ù fait infaillible, pourvu qu’elle rende impossible en eux un doute prudent; si quelque erreur invincible venait à en résulter, cllo ne leur nui­ rait pas davantage que les erreurs semblables en d’au­ tres matières de précepte divin... Cette explication paraît absolument préférable à toute autre, comme plus sûre et répondant seule à cc qui se passe en pra­ tique chez les fidèles, et à l’ordre naturel des choses. > De virtutibus, n. 148, 149, p. 265. Enfin le cardinal Billot ajoute une lumineuse justi­ fication de cette doctrine de la certitude relative, en réfutant ceux qui la confondraient avec l'erreur scep­ tique de la vérité relative : « On appelle cette certitude respective, dit-ll, en tenant compte de l’état d’imper­ fection intellectuelle dans laquelle se trouve quelqu’un. Non pas, certes, que les principes de la certitude varient suivant la diversité des personnes, comme si la vérité était autre pour moi que pour vous. Mais quand il s’agit de prudence dans les jugements, il y a une règle qui s’applique ù l’un et non pas à l’autre, suivant les conditions différentes où se trouve cha­ cun... Cette règle de prudence, c’est que dans les cho­ ses nécessaires où l’on ne peut voir par soi-même, on s’en rapporte à l’autorité de ceux que le cours naturel des choses a désignés comme instructeurs, pourvu que rien ne vienne soustraire la conscience à la direction de ccs guides. De lù vient que les enfants et les sim­ ples croient prudemment de foi humaine cc qu’ils apprennent de leurs parents ou du curé ou d’autres maîtres touchant l’histoire de la révélation, et se for­ ment ainsi, d’après leur portée, un jugement certain sur la crédibilité de la doctrine chrétienne comme étant d’origine divine, et sur l’obligation de la foi. » De virtutibus infusis, thés, xvn, n. 3, Borne, 1901, p. 300, 301. Citons encore, parmi les auteurs récents, dom Lefebvre, L'acte de foi d'après la doctrine de S. Tho­ rnas, 2e édit., Paris, 1904, p. 378-382; le P. Gardeil, voir Crédibilité, t. ni, col. 2212, et dans la Revue pratique d'apologétique, 1908, t. vu, p. 187 sq. En somme, d’après la constatation faite par do nombreux et graves théologiens depuis plusieurs siè­ cles, et ? Oui, au point de vue de l’observateur étranger, du critique qui en pèse la valeur, et le classe suivant l’effet pro­ duit sur les esprits cultivés, bons juges de ce qu’on appelle une preuve probable ou certaine. Non, au point de vue des simples eux-mêmes, qui n’examinent ni ne classent ce motif, mais simplement en subissent l’impression suffisante à les convaincre. Si donc on entend par · probable · le motif qui produit · l’opinion», c'est-à-diro qui, présenté^ l'esprit, l’incline à croire tout en lui laissant un doute dont il reconnaît la prudence (voir col. 98), on doit dire que le motif de la certitude respective ne se présente pas aux simples comme proOICT. DE TUÉOU CATH0L. ! ι i i 226 bable, n'agît pas sur eux comme probable. Somme toute, pour ne pas éveiller Vidée qu’un doute prudent subsisterait chez les simples, ou que leur certitude relative manquerait de fermeté, mieux vaut ne pas appeler leurs motifs «probables», mais · relativement suffisants », comme le remarque M. Bainvel, dans la Revue pratique d'apologétique, 1908, L vi, p. 169. Mais peut-on dire avec le même auteur que de tels motifs, comme l’autorité des parents, ne sont pas simplement probables, mais « valables en sot, objectivement va­ lables, réellement volatiles, » /oc. ciL, p. 170,174, 178? et il semble bien qu'on entend : valables pour une vraie certitude. Cela parait excessif. I-a raison qu’on en donne — l’ordre providentiel qui rend les enfants do­ ciles et les fait dépendre de l'enseignement des pa­ rents, intéressés eux-mêmes à cc que cet enseignement soit vrai et, malgré de fréquentes exceptions, attei­ gnant la vérité en bonne régie et en principe — cette raison fournit bien aux simples une maxime de pru­ dence dont tout le monde doit reconnaître la valeur pratique et, en ce sens, h légitimité : mais elle ne fait pas, au point de vue spéculatif, que le seul témoignage d'une autorité aussi faillible soit un motif valable en soi pour la vraie et infaillible certitude. Amicus disait mieux au xvn· siècle : « Une telle présentation de la révélation n’est pas suffisante en soi, normale­ ment, per se, à obliger les simples à la foi, mais seule­ ment par rencontre, per accidens. La proposition de la révélation est suffisante perse, quand elle implique des motifs capables de produire en toute intelligence l’évi­ dence de crédibilité; per accidens, quand elle la pro­ duit à cause de la disposition d’esprit de celui auquel elle est appliquée, et de son manque de capacité. · Cursus theologicus. De fide, disp. III, n. 38, Anvers» 1650, t. IV, p. 59. Et les autres théologiens que nous avons cités indiquent assez que la fermeté d'adhésion au fait attesté par cc genre de témoignage dépend de circonstances subjectives, d'un état d’imperfection intellectuelle, et non pas de la valeur objective et réelle de ce témoignage. La pensée de M. Bainvel s'accentua encore dans l’article suivant, où l’on voit qu’il veut donner aux simples plus qu’une certitude relative : « Comment, dit-il, produire cette évidence (de cré­ dibilité) avec des arguments probables ? » Loc. ciL, p. 327. Rappelons qu’aux simples ils n'apparaissent pas comme probables, comme laissant un doute pru­ dent sur la chose qu’ils prouvent « Avec des proba­ bilités, ajoute-t-il, on ne fait pas la certitude. » Avec des probabilités connues connue telles (et en dehors de certains cas de convergence), oui, mais avec des probabilités non connues comme telles, et certaines circonstances subjectives étant données, on peut obte­ nir une certitude non pas absolue et infaillible, mais relative et ferme. Et même, d’une certitude relative sur le. fait de la révélation, on peut passer à une certitude absolue sur la prudence qu’il y a de croire, en quoi consiste proprement l’évidence de crédibilité; et il n’y pas, dans cc passage, d’infraction à la règle logique pejorem sequitur conclusio partem, par la bonne raison que le jugement spéculatif sur le fait de la révélation, jugement qui est ici ferme mais non Infaillible, n’est pas une prémisse d’où sc déduise comme une conclusion le jugement pratique de crédibilité; c’est un simple présupposé, à la suite duquel, invoquant un principe de prudence, on raisonne ainsi : « Dans les choses né­ cessaires où l’on ne peut voir par soi-même, il est pru­ dent de s’en rapporter au témoignage de ceux qui nous sont donnés pour guides. Or c'est un fait que je ne puis voir par moi-même si Dieu a révélé ce mys­ tère. et que ceux qui m'ont été donnés pour guides me témoignent qu’il l’a révélé. Donc il est prudent pour moi de tenir ce mystère pour révélé de Dieu, et de le croire parce quo Dieu l’a dit. » Dans cc syilo VI. - 8 FOI 228 mentale. C’est dans les doctes seuls que la société gisme, h majeure et la mineure ayant une certitude des croyants prend conscience de la valeur objective absolue, l’une comme principe, l’autre comme fait de son apologétique; c’est en eux seuls qu’apparalt d'expérience, W n’y a Pas a s’étonner que la conclusion pleinement celte harmonie de la foi et de la raison, qui ait une certitude absolue, elle aussi. On peut donc pas­ répond aux accusations de la libre-pensée, et qui pro­ ser d’une certitude relative et improprement dite du fite au bon renom de l’Église entière. fait de la révélation à une certitude absolue et infail­ Cependant quelques théologiens de nos jours, au lible de la prudence de croire. sujet des préambules de la foi, s’efforcent de minimiser En face de la certitude purement relative qu’ont la différence entre le docte et le simple, et de relever beaucoup de fidèles du fait de la révélation, nous con­ celui-ci en lui accordant la certitude infaillible et statons chez d’autres catholiques une certitude abso­ proprement dite. S’ils gardent le nom de « certitude lue du même fait : non pas sans doute une certitude respective », en le restreignant à une infériorité pure­ mathématique mais une certitude morale vraiment ment accidentelle et sans importance, ils changent infaillible, si l’on contrôle attentivement la valeur des motifs. Telle est la certitude à laquelle un catho­ I le sens que donnaient à ce mot les scolastiques qui l’ont employé les premiers; ce qui ne contribue pas à lique arrive par l’étude approfondie et consciencieuse la clarté. S’il s’agissait de l’acte de foi lui-même de l’apologétique et de la théologie. L’apologétique chez les simples, ils auraient raison de lui attribuer lui donne le fait général de la révélation chrétienne une valeur infaillible; de même, s’il s’agissait du juge­ et le fait général de ΓÉglise catholique infaillible. La ment pratique de crédibilité. Mais il est question main­ théologie dogmatique lui donne le contenu détaillé de tenant des jugements spéculatifs*\\ù sont à l’origine. la révélation, les dogmes définis par Γ Église avec leur Et même sur ce terrain, s’il ne s’agissait que de ces vrai sens, et ceux qui sans être définis appartiennent à la fol catholique. Qu’à l’aide de ces sciences nous premiers préambules de la foi, l’existence de Dieu, puissions arriver à une certitude infaillible et absolue sa science, sa véracité, on pourrait plus facilement de la révélation de nos dogmes, cela résulte non seu­ s’entendre. La connaissance spontanée de l’existence lement du contrôle des arguments eux-mêmes, mais de Dieu, telle qu’elle se rencontre même chez l’igno­ encore, par voie d’autorité, de mainte parole du con­ rant, parait basée sur une preuve rudimentaire et cile du Vatican : divinœ revelationis signa certissima... très simple, dont on peut toutefois défendre la valeur Deus Ecclesiam manifest is notis instruxit... testimonium : absolue, et qui est au fond quelqu’une des preuves irrefragabile... Recta rotio fidei fundamenta demon- i de la théodicée, aperçue en dehors de tout appareil tirai, etc. Denzinger, n. 1790, 1793, 1791, 1799. scientifique.Voir Dieu (.Son existence), L iv, col. 912 sq. Ainsi, bien que le jugement pratique de crédibilité, L’argument étant par lui-même court et simple, son comme nous l’avons montré tout à l’heure, ait la mémo moyen terme peut se trouver le même chez l’igno­ certitude absolue chez les ignorants que chez les sa­ rant que chez le savant : alors entre eux la différence vants; bien que l’acte de foi qui vient après, et qui ne serait pas essentielle, elle consisterait dans une con­ tire sa certitude suprême, non pas seulement de la naissance plus ou moins réfléchie, dans une forme certitude préalable qu’on a de ses préambules, mais plus ou moins méthodique de la preuve, dans la d’autres sources encore, ait la même certitude spéci­ réfutation des objections qui sera le fait du seul sa­ fique chez les Ignorants que chez les savants, comme vant, mais qui d’ailleurs n’est pas nécessaire à la valeur absolue de l’argument en soi. Tout reviendrait nous l’établirons par la suite : il n’en est pas moins donc ici à la différence purement accidentelle qu’on ad­ vrai qu’au moins sur un des préambules, le fait de la met en philosophie entre la certitude < scientifique » révélation, il y a dans l’Église deux classes de fidèles, et la certitude · vulgaire » pour plusieurs vérités pre­ dont l’une a une certitude essentiellement inférieure, mières, soit immédiatement évidentes, soit prouvées quoique ferme. Si dans cette classe on peut l’emporter, par un raisonnement court et facile. Le vulgaire en a et on l’emporte souvent du côté de la volonté et du mérite, l’autre l’emporte toujours du côté intellectuel, une certitude qu’on peut dire « infaillible, absolue >, et à ce point de vue possède une réelle supériorité, et non pas seulement « relative »; son moyen de preuve, son motif est objectivement valable, suffisant en soi comme l’Église primitive l’affirmait déjà au témoi­ à donner la certitude à tous les esprits. C’est dans ce gnage d’Origène : < Notre doctrine elle-même recon­ cas que valent les considérations présentées par naît qu’il est bien préférable d’adhérer aux dogmes M. Bain vcl dans la Revue pratique d'apologétique, 1908, en se servant du raisonnement et de la sagesse qu’en t»vi, p. 180.Encorc faudrait-il remarquer qu’un enfant w servant de la simple foi. » Cont. Celsum, 1. I, n. 13, P. G., t. xi. col. 680. Voir plus haut, col. 81. n’a parfois d’autre raison d’admettre l’existence de La certitude absolue d’un certain nombre de chré­ Dieu et scs infinies perfections, que parce que scs pa­ tiens, au sujet du fait général de la révélation et de son rents ou son curé les lui ont affirmées. Quand saint contenu, était d’ailleurs nécessaire aux autres, soit Thomas, à propos de ces vérités : Deum esse, et Deum pour les instruire et les diriger, soit pour défendre leur esse unum, etc., répond : Pneexiguntur ad ea quæ surit fol contre les hérétiques et les Incrédules; car si les fldci, et oportet ea saltem per /idem priesupponi a b his fidèles doivent être prêts à rendre raison de leur espé­ qui eorum demonstrationem non habent. Sum. theol.. rance et par conséquent de leur fol qui la fonde, 1 Pet., Il· Ll·, q. i, a. 5, ad 3’", ccs mots per [idem pnrsupm, 15, les enfants et les simples ne peuvent accomplir pont nous semblent ne pouvoir être entendus que de ce devoir que par l’intermédiaire d’autrui. De là aussi celte foi humaine qui peut remplacer la preuve de la division scolasthpie des croyants en majores et l’existence ou de l’unité de Dieu chez l’enfant qui n’a minores, au point de vue de la perfection Intellec­ pas cette preuve intrinsèque, demonstratio. tuelle de leur foi, les minores s’appuyant sur la classe Mais quand il s'agit du fait de ta révélation, celui des dirigeante des majores. Voir S. Thomas, Sum. theol., préambules de la foi qui est le plus difficile à connaître II· II·, q. Il, a. 6. De là enfin les services que non avec une vraie certitude, alors la différence entre l’en­ fant ignorant et l'homme qui a approfondi l’apologé­ seulement la théologie et l’apologétique, mais les sciences purement naturelles et tout particulièrement tique devient forcément plus qu’accidentelle. Un fait les sciences philosophiques rendent à la foL λ olr l’cnhistorique se prouve par des témoins; un fait divin comme la révélation et la révélation faite à un autre cyclique Æternt Palets de Léon XIII en 1879. Ces se prouve par des signes divins, dos miracles destinés principes de l’Église sont à rappeler dans un temps à la confirmer, et arrivant jusqu'à nous, eux aussi par de nivellement démocratique comme aussi d’anti­ in tellcctualismc en religion, et de foi purement senti­ le témoignage des hommes : au témoignage humain 229 FOI tout sc ramène donc en définitive. Or le témoignage humain est d’une valeur essentiellement différente, selon qu’il s’agit de deux ou trois témoins, ou d'un grand nombre; selon qu’il s’agit de témoins séparés par des milliers d’années de l'événement qu’ils ra­ content, ou de témoins contemporains ou peu éloi­ gnés de l'événement, et dont on peut lire les témoi­ gnages dans des sources historiques dûment exami­ nées. Sur un même fait, la preuve par témoignage n’a donc pas, comme la preuve mathématique ou métaphysique, un moyen terme simple, indivisible et essentiellement identique chez tous ceux à Loc. cil., n. 301, p. 135. Soit : mais ceci est en dehors de la question. Quand nous avons divisé les croyants en deux classes, ceux qui ont la certitude Infaillible de tous les préambules de la fol, et ceux qui ne l’ont pas (au moins pour un préambule, le fait delà révélation), nous n’avons jamais prétendu détvnidner le nombre des uns et des autres, ni rejeter à la seconde catégorie tous les simples fidèles, ni tous ceux qui ne sont pas théologiens et apologistes de profession. Des laïques intelligents, même sans ces études spéciales, que d’ailleurs quelques-uns d’entre eux entreprennent avec succès, des laïques soucieux de s’instruire de leur religion, ft quelque classe de la société qu’ils appar­ tiennent, formés par l’expérience de la vie, par des conversations, des lectures, des réflexions personnelles, peuvent bien arriver ft une vraie et absolue certitudo du fait de la révélation en général, et de la révélation de tels dogmes en particulier; sans parler des privi­ légiés qui, ayant vu de leurs yeux le miracle extérieur confirmer leur religion, ou constaté le miracle intérieur 231 FOI 232 dans leur âme, ont un motif de crédibilité très bon, qui Ignorance de la véritable Église n’est pas à cela un obs­ les dispense d’autres motifs plus éloignés de leur vue, tacle; telle est la pensée aujourd’hui commune des théo­ et de b critique historique d’un passé lointain. Mettons logiens. Voir col. 165. Cette bonne foi se trouve prin­ donc « en première classe «beaucoup de simples fidèles; cipalement chez les enfants élevés dans ces sectes. Or, il en restera toujours assez pour la seconde, soit parmi sur la parole de leurs éducateurs, ce qui suffit à l’en­ les enfants, soit parmi ces adultes des deux sexes qui fance, ils tiennent pour certain Je fait de la révélation pour une raison ou pour une autre ne dépassent guère du Christ, et passent de là à croire fermement comme la mentalité des enfants; surtout si nous considérons, paroles de Dieu les enseignements du Christ dans l’Évanglle; et la certitude qu’ont ainsi ces enfants et comme nous devons le faire, non seulement les pays les plus instruits et les plus civilisés du monde, où ces simples au sujet du fait de la révélation ne peut le vulgaire même est phis affiné, mais tous les autres être que relative et sans Infaillibilité. Car en accordant pays où il y a des catholiques, toutes les missions étran­ même à nos adversaires, pour le moment, que les en­ fants et les simples, dans l’Église catholique, aient gères, toutes les races même les plus sauvages, quand elles arrivent à h foi. On ne peut donc nier l’existence une certitude infaillible et absolue, grâce au grand apport de crédibilité qu’ajoute la véritable Église à d’une certitude improprement dite dans un certain ceux qui reçoivent d’elle la fol, toujours est-il que nombre de fidèles. 2. Questions de droit. — La certitude relative du fait ces autres, qui ne la connaissent pas, n’ont pas à leur sendee les notes et les miracles moraux de l’Églisc du de la révélation, entendant par là une certitude non in­ faillible de par scs motifs, est donc un fait Ce fait peut-il Christ, ni l’appui de son infaillibilité. Et pareillement, légitimement suffire comme préparation rationnelle à quand nous accorderions qu’un curé catholique no l’acte de foi? Telle est la nouvelle question qui se pose, peut jamais proposer à des enfants un faux mystère et à laquelle nous répondons encore affirmativement, à croire, avec la même crédibilité qui lui sert à pro­ d’accord avec les nombreux théologiens que nous poser des mystères vraiment révélés, toujours est-il avons cités pour la question de fait, et qui affirment qu’un ministre hérétique, avec la même autorité et les en même temps le fait et le droit Voici nos raisons : mêmes motifs de crédibilité pour les simples, enseigne a) Les enfants, surtout ceux qui ne dépassent guère tour à tour la vérité chrétienne et l’erreur; les motifs l’âge de raison, ne peuvent en général avoir qu’une de crédibilité qu’ils ont pour la révélation chrétienne certitude relative du fait de la révélation : c’est ce ne sont donc pas de valeur infaillible et absolue, que nous venons de prouver. Malgré cela, l’Église sup­ puisqu’ils sc prêtent également à prouver le vrai et pose manifestement qu’ils peuvent déjà faire l’acte de | le faux. Voilà donc bien un exemple très sûr, où une foi, ce que nous montrons ainsi. Cet acte est la pre- ' certitude purement relative et non infaillible suffit mière et h plus fondamentale des dispositions positives comme préparation rationnelle à l’acte de fol divine et surnaturelles, présupposées à la réception des sacre­ et surnaturelle. ments dans tous ceux qui ont atteint l’âge de raison. I d) Ces petits et ces simples que Jésus appelait Or l’Église admet de très bonne heure, surtout au- I à lui, et dont les Pères louent la foi ignorante, voir jourd’hui, les enfants au sacrement d’eucharistie, et co!.112-113,un théologien n’a pas le droit, sans preuves même plus tôt au sacrement de pénitence, lequel peut , décisives, de leur rendre par scs exigences l’acte de encore moins que l’eucharistie se concevoir sans les foi beaucoup plus difficile, et souvent impossible. — actes surnaturels de celui qui le reçoit, et ne peut Or il est bien clair qu’on leur rend l’acte de fol beau­ jamais sc donner à personne, sans que ces actes aient coup plus difficile et souvent impossible, si, comme précédé l’absolution du prêtre. Donc l’Église suppose | préparation rationnelle, on exige d’eux une certitude l’acte de foi divine et surnaturelle chez de très jeunes proprement dite, au lieu d’une certitude improprement enfants qui, en général, ne peuvent avoir qu’une certi­ dite et relative; à moins qu’on ne prétende faire pro­ tude relative du fait de la révélation ; donc cette certi­ duire cette certitude proprement dite, sans travail tude suffit comme préparation rationnelle à l’acte de difficile de leur part, par une illumination de la grâce ; foi. mais nous montrerons qu’une pareille i lumination ô) L’histoire ecclésiastique nous montre des peuples n’est pas admissible pour l’ensemble des cas, et par primitifs et barbares convertis par des hommes apos­ conséquent n’est pas une solution adéquate du pro­ toliques, et baptisés en masse, après une évangélisa­ blème. Voir le rôle de la grâce dans la crédibilité. — tion sommaire. La pratique de l’Église n’a certai­ D’autre part, pour exiger chez tous la certitude propre­ nement pas été de faire une enquête minutieuse sur ment dite du fait de la révélation, avant la foi, on les motifs de crédibilité de chacun, et d’examiner n’apporte aucune preuve décisive. s’ils avaient une valeur absolue; mais, comme dit Sua­ Invoqucra-t-on celte certitude des préambules, que rez, les prédicateurs de Γ Évangile, en pareil cas, nous avons exigée nous-méme, à l’encontre du scmldoivent suivre ce principe : « Si tu crois de tout cœur, fidéisme? Mais quand nous l’avons établie, nous U est permis de te baptiser. > Act, vin, 36, 37. Après avons fait observer que ce qui force logiquement à avoir instruit les nouveaux convertis et les avoir l'exiger, ce qui autrement rendrait l’acte de fol im­ excités à demander le secours divin, « ils peuvent et possible ou imprudent, c’est le manque préalable de doivent s’en rapporter à ceux qui répondent qu’ils fermeté, le doute prudent que la volonté n’a pas le droit croient ainsi, et puis les baptiser, comme a fait le de supprimer. Voir col. 219. Il n’y a pas d’autre raison diacre Philippe. · Suarez, De fide, disp. IV, sect v, intrinsèque, pour demander la certitude. Or la certi­ n. 10, Opera, 1858, L xîi, p. 135. Or l’acte de foi est tude relative, elle aussi, a toute la fermeté voulue; nécessaire pour le baptême des adultes; et d’autre I et quand on a cette espèce de certitude, l’on n’a ou part, on peut seulement présumer, dans beaucoup de l’on ne croit avoir (ce qui revient au même, quand il ce» barbares rapidement instruits, une certitude rela­ s’agit de prudence) aucune possibilité de douter pru­ tive du fait de la révélation, et non pas infaillible de demment du fait de la révélation. Si la certitude rela­ par ses motifs. Donc l’Églisc suppose, dans sa pra­ tive n’est pas une certitude proprement dite, c’est tique, qu’une telle certitude est une préparation ra­ par manque d’infaillibilité, et non pas de fermeté. tionnelle suffisante à l’acte de foL La certitude de certains préambules peut donc sans e) Le» protestants ou les schismatiques de bonne fol inconvénient être seulement relative. peuvent faire un acte de fol chrétienne et salutaire Dira-t-on que la certitude improprement dite de l’un Mir les vérités qu’ils admettent cnmme révélées dans (au moins) des jugements qui préparent la foi est un les Livre» saints,et qui sont vraiment révélées, et leur ! fondement bien débile pour la foi surnaturelle? Mais 233 FOI ccs jugements ne sont pas, à proprement parler, le fon­ dement de la foi. comme es premisses d’un syllo­ gisme sont le fondement de la conclusion. Ils sont nécessaires pour permettre de procéder avec prudence ù l'acte de foi, et pour le rendre suffisamment rai­ sonnable; mais Ils ne dosent pas sa certitude. Ils res­ tent toujours d’une certitude inférieure, Chez les sa­ vants comme chez les ignorants. Ce n'est pas à eux que l'acte de foi emprunte sa certitude suprême C’est ù d'autres causes, qui d’ailleurs ne font nas défaut chez les enfants et les simples. Voir plus bas ce quo nous dirons de La certitude propre do la fol. Dit a-t-on que la certitude relative avec sa fermeté sans infaillibilité, est un désordre, et qu’/f ne con­ vient pas qu*un désordre introduise la loi? Mais on no peut appeler « désordre » ce que la nature, ou plutôt son auteur, utilise pour l'éducation normale de l'en­ fant et de l'ignorant. Voir Croyance, t. ni, col. 2380, 2381. Dites que c'est une imperfection de l'intelli­ gence : mais souvenez-vous que la foi surnaturelle, elle aussi, est essentiellement imparfaite, et comme telle cessera dans la patrie; une Imperfection peut bien introduire à quelque chose d’imparfait ! Et puis, il y a ici-bas des imperfections nécessaires, et même harmonieuses par rapport à tel être. L’abstraction, le raisonnement sont des imperfections de l’intelli­ gence, et seraient un désordre en Dieu, la destruction même de Dieu : ce n’est pas un désordre dans l’homme. On objecte saint Thomas ; Quandocumque intellectus movetur ab aliquo fallibili signo, est aliqua inordinatio in ipso, sive perfecte (certitude relative) sive imper­ fecte (opinion) moveatur. De veritate, q. xvm a. 6. Mais il entend un « désordre · par rapport à l’intelli­ gence idéale, ou plutôt par rapport ù l'intelligence d’Adam au paradis terrestre, qui est le sujet qu’il traite. L’intelligence d’Adam aurait été, d’après lui, si parfaite qu’elle n’aurait même jamais produit l’acte d’opinion ; Nunquam intellectus hominis incli­ natus fuisset magis in unam pariem quam in aliam nisi ab infallibili aliquo motivo. Ex quo patet quod... penitus nulla opinio in eo fuisset. Loc. cil. Mettons quo Vopinion eût été un désordre dans Adam avant la chute» et qu’il en était préservé par une extraordi­ naire providence : en tout cas, elle n’est pas un dé­ sordre dans saint Thomas, qui avoue lui-même sou­ tenir ici, ù propos d’Adam, une simple opinion : Hespondeo dicendo quod circa hoc est duplex opinio. Loc. cil. Et ce qui est vrai de l’opinion, qui n’est pas un désordre dans saint Thomas, l'est également de la certitude relative, qui n’est pas un désordre chez ceux qui en ont besoin. Reste une objection Importante, que nous ne pou­ vons traiter en ce moment : si un enfant n’a sur le fait de la révélation qu’une certitude relative, plus tard avec le développement de son Intelligence deve­ nue plus exigeante, viendra un moment où les motifs anciens de crédibilité ne lui suffiront plus : il sera donc obligé d’abandonner la foi? Mais nous entrons ici dans une question différente, celle do la persévé­ rance dans les jugements de crédibilité et dans la foi. sans aucune interruption; nous l'examinerons plus tard avec le soin qu’elle mérite. — La solution d’autres objections est indiquée par les théologiens que nous avons cités; et les questions qui vont suivre achèveront d'éclaircir certaines difficultés. 3. Corollaire. — Dans l’Église catholique comme ail­ leurs, il peut arriver que plusieurs soient obligés do faire, autant qu’il est en eux, le même acte do fol sur un article faux qu'ils feraient sur un article vrai. Ceci résulte : a) du principe que nous avons établi sur l'obligation qu’ont les enfants de croire ceux cful les instruisent, Λ moins que leur conscience ne soit par ailleurs spécialement avertie ;ô)du fait que le curé, 234 dans la présentation des dogmes à croire, ne jouit pas du charisme de l'infaillibilité, comme le magistère suprême de l’Église, et peut errer. Sans doute U y a entre l’Églisc et les sectes séoarées cette différence, que dans la première cet accident sera bien plus rare, soit â cause du choix et de la préparation des mi­ nistres du culte, soit ù cause de la surveillance exercée par les supérieurs hiérarchiques, particulièrement pour la conservation de la foi : mais enfin le cas n’y est pas impossible soit excessive négligence et manque d’instruction dans un prêtre, soit malice et hérésie occulte. L'enfant qui ne pourrait s apercevoir d'un cas si exceptionnel quand il arriverait, qui ne le soup­ çonnerait meme pas, se rait tenu alors de croire comme dans les cas ordinaires. SI Ton objecte qu’il est ab­ surde d'être obligé n croire fermement :omme parole de Dieu un faux article de foi, nous répondrons que cette solution n'est qu’une application de ce principe universellement reconnu en tnéologie morale, que l'on est tenu de suivre sa conscience même dans les cas où elle est invinciblement erronée. — Nous avons dit : « Ils sont obligés alors de faire, autant qu’il est en eux, le même acte de foi qu’ils feraient sur un article vrai. » Mais nous ne disons pas qu’ils réussissent alors à faire un véritable acte surnaturel de foi : la vertu infuse n’y pourra pas coopérer, comme nous l’expli­ querons ailleurs. Au contraire, quand ce qu’ils tâchent de croire est vraiment révélé, l’acte pourra être surna­ turel, sans que cette différence soit aperçue par le sujet lui-même. · Ils ne sont pas tenus de croire d’une véritable foi théologale, disent les Salmanticenses, mais d’une foi qui soit théologale en apparence seule­ ment. Nous admettons donc qu’une chose non révé­ lée de Dieu peut parfois être proposée comme révélée et comme évidemment croyable. » Cursus theologicus. De fide, disp. II, n. 96. Paris, 1879, L xi, p. 147. En­ fin, leur foi naturelle des vrais mystères n’est point empêchée par l’erreur qu’ils y ajoutent de bonne foi, en croyant un faux article sur l’autorité de ceux qui les Instruisent Voir S. Thomas, Sum. lheol., II· II·, q. n, a. 6, ad 3U·. Suarez reconnaît que la solution donnée est presque unanimement acceptée, fere communis est. De fide, disp. Ill, sect. xm, n. 7, Opéra, Paris, 1853, t. xu, p. 109. Cependant il hasarde comme « probable > une théorie contraire qui n’a pas eu de succès quoiqu’elle ait trouvé de nos jours un apologiste. Voir C. Pvsch, Pnrlectiones, t. vin, n. 305, 307, p. 137, 138. Partant d’une distinction bien connue entre la proposition publique et infaillible faite à tous les fidèles par l’Églisc, voir col. 161, et la proposition privée fallo par le curé ou le catéchiste, qui distribue la pre­ mière au détail, si l’on peut dire, et à quelques fidèles seulement, Suarez dit que la seconde · n’est pas suffi­ sante pour croire d’un assentiment de foi infuse, si ce n’est quand on peut sc rendre compte, avec certi­ tude et sans aucun doute, que cette proposition privée est conforme à la doctrine infaillible de l’Église. Dans le cas proposé (du curé qui enseignerait un faux article de foi) quiconque est trompé pourrait, s’il voulait ré­ fléchir, douter si cette doctrine est conforme ou non ù celle de l’Églisc... Obligé peut-être à ne pas nier (ad non discredendum) avant d'avoir examiné davantage, ou tout au plus ù donner à ce qu’on lui enseigne uno certaine croyance, il n’est pas tenu de croire d’une fol qui n’admette aucune hésitation, jusqu’il ce qu’il soit certain de la doctrine de l’Église. » Loc. cil., n. 9, p. 110. Voici donc un enfant simple et candide ύ qui lo prêtre, qui pour lui représente la religion et l’Église, enseigne un faux mystère. Si cet enfant voulait ré­ fléchir, nous dit-on, il pourrait douter. Quelle possi­ bilité en a-t-il? Qui l'avertira? L’insuffisance de l’au­ torité du curé? Mais cette autorité suffit à un enfanta 235 FOI Et $i elle ne lui suffit pas» fl ne pourra pas davantage croire ks vrais mystères, puisqu’ils ne lui sont pro­ posés que par h même autorité; les enfants devront donc répondre à tous leurs curés, dans tous les caté­ chismes : · Attendez que nous ayons vérifié si ce que vous dites est conforme A la doctrine de l'Église; nous voyagerons hors de notre village, de paroisse en paroisse, pour voir si Ton enseigne cela partout ; ou bien, comme notre évêque pourrait encore se trom­ per, nous écrirons au pape. En attendant, nous doutons 1 » En première ligne, le doute sur ce qu’on leur enseigne; voilà une belle formation de l’enfance I Recourra-t-on à une grâce extraordinaire de Dieu, qui en pareil cas les avertisse de ne pas croire ce faux article? C’est la solution imaginée au moyen âge par Guillaume d’Auxerre, qui regardait comme gra­ vement coupables tous les ignorants élevés par des pasteurs hérétiques, parce que, s’ils priaient comme ils le doivent et s’ils faisaient pour le mieux, ils seraient surnaturellement illuminés de Dieu pour ne pas admettre d’erreur. Summa, 1. III, tr. III, c. n, I q. m. Mais Suarez ne peut recourir à cette solution de Guillaume : un peu auparavant U la traitait d’ « in­ croyable » en notant qu’elle est rejetée par tous les théologiens. « Elle est contre l’expérience, ajoutait-il, et contre la condition humaine, et sans aucun fonde­ ment solide; rien ne prouve, en effet, une telle pormesse (d'illuminaton extraordinaire) de la part de Dieu, car une erreur matérielle contre la foi n’est pas contre le salut étemel, il n'est donc pas nécessaire que Dieu, par une providence spéciale, illumine qui que ce soit pour le préserver d’une erreur de cette sorte, fût-il d’ailleurs un saint » Loc. cil., n. 5, p. 109. Et Ici il a raison. Concluons que cette opinion, émise en passant, dans un moment d’oubli, et non sans hésitation, par un grand homme, est insoutenable, et demande aux simples beaucoup trop de critique. C’est pourquoi elle a été aussitôt blâmée par de célèbres théologiens. Adam Tanner dit que « la principale raison pour la­ quelle Suarez l’a enseignée à Rome en 1583 (son traité De fide n’a été publié qu’après sa mort, en 1621), c'était la crainte d’ébranler la certitude de la fol, si jamais une doctrine fausse pouvait être suffisamment proposée comine devant être cnie de fol divine. · Theologia scholastica, (list. I, q. if, n. ill, Ingolstadt, 1627, t. in, cot 106. A l’encontre, Tanner établit que, pour être obligé de croire de fol divine, pas n'est besoin d'avoir une proposition extérieure telle qu’elle ne puisse tomber sur un objet faux, loc. cit., n. 132, col. 113, et que la certitude de la foi surnaturelle, quand elle a lieu, n’en est nullement affaiblie, n. 137, roi. 114. Arrlaga dit de cette opinion de Suarez : Htcc sententia, salva reverentia tanto viro debita, mihi videtur omnino improbabilis. D’après lui, · elle prive du Véritable acte de foi la plus grande partie des fi­ dèles et elle est contre le sentiment commun des théo­ logiens, comme son auteur l’avoue. > Cursus theolo­ gicus, De fide, dlst. IV, n. 5-1, Anvers, 1649, t. v, p. 78. Il montre ensuite combien il est peu pratique de tant exi 'er des enfants et des ignorants; et à cette objec­ tion qu’on leur donne un catéchisme imprimé, par où Ils constatent la doctrine de l’Église, il répond : «C’est un fait accidentel qui ne résout pas la question, car ceux qui ne savent pas lire ne sont pas incapables de l’acte de fol (et avant l’invention de l’imprimerie ?); et puis, même dans un livre de cc genre peut sc rencon­ trer Γerreur, si dans un diocèse on corrompait la doc­ trine; enfin, lorsqu'il ne s’y trouve de fait aucune er­ reur, r^la ne donne pas aux enfants l’évidence (ou la certitude Infaillible) qu'il n'y en a pas, et ils ne peuvent t’en faire une démonstration si forte (qu’elle 236 suffise .à tous les esprits); et cependant ils peuvent croire indubitablement, » n. 55, p. 79. Il conclut : « J’ai longuement insisté, parce que cette opinion est tout à fait nouvelle, et comme il s’agit d’une chose très pratique» clic pourrait causer de grands scrupules et empêcher beaucoup d’actes de foi, parce qu’elle ferait dire aux gens qu’ils n’ont pas encore l’évidence voulue, et qu’lis ne sont pas tenus de croire, » n. 68, p. 82. Lu go dit que l’opinion de Suarez tombe presque dans le même défaut que celle de Guillaume d’Auxerre qu’il rejette. Disputationes, De fide, disp. IV, n. 84, Paris, 1891, t. i, p. 294. Parmi les théologiens de nos jours, Schlffini dit que le système du discerniculum experimentale (que nous rejetterons tout ù l’heure avec tous les théologiens) n’est qu’un simple dévelop­ pement de l’opinion de Suarez. De virtutibus infusis, n. 148, p. 264. Et Mcndive, malgré son affection pour le doctor eximius, son compatriote et son guide ordi­ naire, écrit : < Dire avec Suarez que jamais de fait un article faux n’est proposé de manière ù obliger à le croire comme on croit les articles vrais, c’est sou­ tenir une chose tout à fait inadmissible. » Institu­ tiones theologian dogmatico-scholastiae, Valladolid, 1895, t. IV, p. 402. Suarez lui-même, du reste, et dans le même traité, semble parfois abandonner cette malheureuse opinion pour parler comme tous les autres. Il admet que l’évidence de crédibilité peut tomber sur l’impossible (done sur le faux) : Aliquid impossibile polcst fieri credibile, dlsp.IV.sccL π,η.9,p. 119. Plus loin, parlant de l’ignorance invincible chez les fidèles, il dit : Sape forte accidit ut homo rusticus, audiens explicationem ali­ enjus articuli fidei,loco veritatis errorem concipiat, a quo sine dubio per ignorantiam seu per quamdam incapacitalem excusatur, disp. XV, sect, il, n.5,p. 405. La même incapacité doit a fortiori excuser cc meme homme dans le cas où ce n'est pas lui qui entendrait de travers, mais le curé qui lui enseignerait lin article faux; si l’on admet pour le premier cas qu’en tâchant de croire de foi divine une erreur, il serait dans son devoir, il parait logique de l’admettre aussi pour le second; cl dans le second l’inconvénient n est pas plus grand pour lui ou pour la certitude de la foi en général. Sans doute, si les enfants et les simples faisaient eux-mêmes cette réflexion, que, sous la même appa­ rence de crédibilité, on pourrait à la rigueur leur pro­ poser un article faux, Il pourrait leur devenir impos­ sible de donner une ferme adhésion même aux ar­ ticles vrais, et la certitude de leur fol serait ébranlée; c’est une des objections faites contre la certitude res­ pective. Mais l’expérience prouve qu’ils ne la font pas, cette réflexion. ■ I^cs théologiens qui nous ob­ jectent cela, dit Bassler, s’illusionnent en s’imaginant que les simples font à propos des objets de notre foi, de leur crédibilité, et de la manière dont on les leur propose, les réflexions que font ccs théologiens eux-mêmes» hommes ingénieux et subtils, avec leur longue habitude de philosopher. Bien de plus faux.· Controv. theol. de ult. resolutione fidei, 1696, η. 273, p. 362, 363. 11 en est de même de cette réflexion : «Moi je ne vois nas de difficulté à admettre cc que dit le curé, mais un savant pourrait en voir; et les mo­ tifs que l’ai de croire pourraient ne pas lui suffire. » I^cs enfants et les simples n’ont pas coutume de faire de telles réflexions : « Si quelqu’un d’eux les faisait, dit Lugo. s’il comparait scs motifs avec cc qu'il faut aux savants, s’il pensait que ces motifs ne suffiraient pas à les obliger à croire, dès lors ils ne lui suffiraient plus à lui-même, et l’on sortirait du cas que nous examinerons à présent, » disp. V, n. 37, p. 326. C’està-dire qu’on entrerait dans le cas plus difficile où l'intelligence des simples sc développe et devient plus exigeante; nous le traiterons plus loin, en par- 237 FOI tnnLwdc la possibilité de la persévérance clans la foL (y II/ KÔLE DK LA GRÂCE DANS LA PIlé.PARATION HAfToNNElXE DE LA FOI. — Cette dlillcllc question, liée A la précédente, et où l'on a été souvent tenté de chercher la solution de la précédente, a donné lieu A plu­ sieurs λ l. m s, soit am b n·. ■ ni · mporalns, on i peut mémo dire qu'elle est A l'ordre du Jour. On en trouverait difficilement un exposé détaillé et précis; c'est cc que nous allons essayer. Quelques notions préliminaires prépareront utilement l'exposé et la cri­ tique des systèmes. /. notions pnèUMlNAtties. —1° S’il s'agissait ici de la grâce extérieure de la révélation, tout serait déjà dit : nous avons suffisamment montré qu'elle est absolument nécessaire ù l’acte de foi et comment, aidée des motifs de crédibilité· clic le prépare. Voir ccl. 122 sq., 172 sq. Mais quand saint Augustin, et avec lui l'Église, a contre les pélagiens défendu et expliqué « la grâce », il ne s'agissait pas de la grâce de la révéla­ tion, admise par les adversaires cux-mêmcs: c'est sur autre chose que portait la lutte, c’est Λ autre chose qu’Augustin a réservé par excellence, le nom de « grâce ». C'est parfois une providence spéciale, qui a sa part dans le mystère de la prédestination, rejeté des pélagiens;c’est surtout la grâce intérieure,qui com­ prend, avec les vertus infuses, ces principes perma­ nents d’action surnaturelle, les secours passagers de la grâce actuelle, destinés soit à exciter soit A aider, soit à suppléer les vertus infuses. Voir Grace. Nous n'examinerons pas encore le rôle de la grâce dans l'acte de fol lui-même (voir cc qui sera dit de la fol, vertu surnaturelle), mais seulement dans la pré­ paration rationnelle dont nous venons de parler. Aussi nous ne limitons pas notre regard A ces opérations les plus sublimes qui sont dites surnaturelles quoad sub· stantiam.ct qui appartiennent Λ la déification du chré­ tien; nous considérons aussi, suivant un sens plus ample du mot « grâce », tout l'ensemble des secours spéciaux que Dieu nous donne, soit qu’il s’agisse d’une providence spéciale ou d'une grâce Interne, et dans le second cas, soit qu'il s’agisse de la grâce qui élève la nature A des opérations absolument au-dessus de ses forces, ou simplement d'une grâce qui facilite l’action que la nature ferait difficilement toute seule, d’une grâce qui réponde A une impuissance non pas physique, mais seulement monde. Voir Grâce. La connaissance de Dieu est un des préambules de la foi, et peut, elle aussi, être parfois facilitée par un secours de la grâce. Voir Dieu, t. iv, col. 860, 861, 864. Mais la connaissance du fait de ta révélation ofTrc généralement â l’homme beaucoup plus de difficulté que la connaissance de Dieu, laquelle est. en un sens, spontanée dans la raison humaine. Elle demande donc bien davantage A être aidée, dès avant la foi. de quel­ que secours de la grâce. Aussi le concile du Vatican mentionne-il les ■ secours do l’Esprit-Saint · en même temps que les preuves du fait do la révélation, c. lîi, Denzinger, n. 1790 (1639); et il ajoute plus loin : Benignissimus Dominus errantes gratia sua excitat atque adjuvat, ut ad agnitionem veritatis venire possint, η. 1791; à qui les pèse, ccs mots errantes, possint font sentir qu’il ne s’agit encore que de In préparation plus ou moins éloignée A la vérité que saisira l’acte de fol, et que la grâce travaille déjà, d’après le concile, A mieux recevoir les motifs de crédibilité. Elle est encore plus nécessaire, dans le développement successif de l’esprit et au milieu des objections et des tentations contre la foi qui surviennent, A maintenir perpétuelle­ ment la crédibilité indispensable Λ la foi, mais c’est IA un point que nous traiterons A part. Voir cc qui sera dit de la persévérance dans la foi. La grâce vient donc au secours de la raison pour préparer la fui : mais comment doit-on expliquer son 238 action? On peut la concevoir de deux manières fort dlftércntcs. qu'indiquera une comparaison. Pour arri­ ver A voir un objet extérieur, A s'en rendre compte, on peut employer deux espèces de moyens ou intermé­ diaires. le visible ou l’invisible. L’n verre dans un téles­ cope, c’est un moyen de voir qui ne doit pas être vu : plus cet intermédiaire est invisible, plus 11 sert A bien voir; il manquerait son but, s'il avait le moindre défaut capable d'intercepter ou de réfléchir la lumière comme un objet ou s'il était irisé : l'œil trompé par ce qu’il veit projetterait cet accident très rapproché de lui dans le royaume, lointain des objets qu’il cherche à découvrir. Au contraire, il y a des moyens de voir qui doivent être vus, qui ne servent cni’à la condition d'être vus : ainsi l'aurore esi un moyen d’aper­ cevoir déjà dans son reflet le soleil, de sc rendre compte de sa position et de prévoir h jour. Λ l’cïpêce invisible appartiennent certains moyens dt connaître, certains secours qui se tiennent plutôt du côté du sujet, comme la puissance native de l’organe, la facilité acquise par l’éducation et l’habitude, la détermination et comme le déclenchement produit par l'objet extérieur dans le sujet pensant, ce que Ils sco­ lastiques dans leur théorie de la connaissance appel­ lent la species impressa; tout cela rentre dans les moyens de voir qui n’ont pas besoin d'etre vus ou qui ne peuvent pas l’être, medium quo videtur et non pas quod videtur. A l'espèce cisible appartiennent, par exemple, les symboles et les signes, qui doivent être connus les premiers pour nous faire par IA connaître la chose signifiée; les prémisses, qui, manifestées dans leur liaison, nous déterminent A la conclusion; les motifs de crédibilité qui. présentés A l’esprit, rendent prudente l'intervention de la volonté et peuvent nous amener à croire; tout cela rentre dans le medium quod videtur, medium cognitum. xXinsi l’action de cette grâce, qui vient au secours de l’intelligence, pourra se concevoir de deux façons : soit comme un moyen par lequel on est aidé A connaître sans le remarquer, medium quo; soit comme un moyen que l’on connaît, sur lequel on doit même réfléchir pour s en aider, medium quod. Les théologiens, pour abréger encore les formules, disent, dans le premier cas, où la grâce agit comme medium quo, qu'elle agit ut quo; dans le second, qu'elle agit ut quod. A la première caté­ gorie de secours appartient, comme grâce extérieure, la providence spéciale qui, sous l’apparence du hasard et sans avoir besoin d’etre reconnue, procure A ce païen un missionnaire juste A temps pour l’instruire de la fol avant sa mort, A cet hérétique en train de se convertir, mais embarrassé de préjugés et de difficul­ tés. ce livre, cette conversation qui les résoudra; comme grâce intérieure, l’opération cachée par laquelle Dieu applique les facultés indormies ou distraites, surtout celles de l’enfant, de l’ignorant, à bien écouter le catéchisme ou la prédication, A bien saisir les motifs de crédibilité proportionnés A leur esprit; ainsi · le Seigneur ouvrit le cœur de Lydia pour qu’elle fût attentive A cc que disait Paul. » Act., xvî, 14. Les secours de cette première espèce aident les motifs de crédibilité, mais ne peuvent les remplacer. A la seconde catégorie de secours appartiennent les visions, les • miracles internes », qui bien examinés peuvent appa­ raître, A la réflexion, avec plus ou moins de certitude, comme de vrais motifs de crédibilité. Car de même que nous appelons « miracle » un phénomène qui déroge nu cours ordinaire des lois physiques ou biologiques, ainsi pouvons-nous appeler · miracle » un effet qui dépasse le cours ordinaire des lois psychologiques, comme sont les lois de l'association des idées. Suarez nous en donne les exemples suivants. 1. Action miraculeuse sur l'intelligence · Par exemple, si un païen, qui n’a jamais pensé au créateur, voit tout A 239 FOI 240 surnaturelle; rencontre extérieure ménagée par une f coup et comme sans raisonnement cette vérité» qu'il providence spéciale en vue de préparer la foi. Mais il y j/ faut admettre un suprême auteur de toutes choses» et a une grâce de foi qui n en nous un caractère habituel 1 s’aperçoit que cette pensée est tellement Imprimée et permanent, c’est la vertu Infuse de fol, habitus fidel. dans son âme qu’il ne peut l’écarter; et beaucoup de Cette espèce de grâce (tous les théologiens sont Ici considérations» qui rendent cette vérité croyable» vien­ d’accord) sert avant tout à produire l’acte surna­ nent aussitôt s’oflrir à lui» auxquelles il n’avait jamais turel de fol; mais, en outre, ne peut-elle, déjà avant pensé» et dépassent de beaucoup sa puissance ordil’acte de fol, servir à lui préparer les voies en influant nairc d’invention : c’est alors un signe presque évident sur notre connaissance de la crédibilité des dogmes? que Dieu opère immédiatement dans son intelligence. Puisque l’enfant reçoit au baptême cette vertu infuse, De même, proportion gardée, s’ofirira soudainement à plus tard, quand on lui présentera au catéchisme les un simple fidèle la connaissance du mystère de la Tri­ dogmes comme croyables à cause d’une révélation nité ...Cela peut surtout arriver dans ces jugements pratiques, qu’il faut aimer Dieu, faire pénitence, ou divine qui en a été faite, la vertu infuse no pourra-t-elle l’aider à en saisir la crédibilité? Beaucoup de théolo­ entrer dans la voie de la perfection : parfois ces énonc és sont proposés à l’esprit si subitement, si puissam- | giens l'ont pensé, à la suite de saint Thomas quand il dit : Lumen fidei facit videre ca quæ creduntur. Sum. ment, qu’il est presque manifeste que l’origine de ces theol., II» II», q. i, a. 4, ad 3U®. Comme la foi ne fuit jugements n’est pas dans des objets extérieurs présents pas voir les mystères intrinsèquement en eux-mêmes, à nos sens, ni dans les traces qu’ils ont pu laisser dans il ne peut être question ici que de les voir extrinsè­ notre mémoire. » 2. Action miraculeuse sur la partie affective. « Sur un objet déjà vu, déjà connu, on ressen­ quement dans leur crédibilité, sub communi ratione cre­ dibilis, comme le saint docteur l’a dit lui-même trois tira une émotion beaucoup plus forte que cet objet ne pourrait par lui-même la produire, ou qu’il n’a cou­ lignes plus haut; d*ailleu»-s, un peu plus loin il rappelle tume de le faire... La volonté se sentira entraînée par en ces tenues plus clairs ce qu’il a dit : Per lumen fidt. videntur esse credenda, ut dictum est, loc. cit., a. 5, at un élan presque irrésistible, elle goûtera une sua­ lum; esse credenda, c'est la crédibilité ou la < crédcn· vité inconnue. » Suarez, De religione, tr. X, 1. IX, c. v, n. 40, Opera, Paris, 1860, t. xvi, p. 1032. Le miracle dilé ». Mais, qu’entvnd-il par lumen fidei*! Précisé­ ment Y habitus fidei, comme on peut le voir par le con­ interne ou ■ spirituel» est défini par Monsabré· un chan­ gement merveilleux que Dieu lui-même opère dans texte du premier passage cité. Cf. q. n, a. 3, ad 2°®. Les scolastiques entendent métaphoriquement par lumen l’âme humaine, afin de suppléer à l’impuissance rela­ non pas seulement une lumière objective, comme celle tive des preuves extérieures qu’il donne de la vérité, de la révélation, mais souvent un principe qui est dans ou à l'insufllsancc des préparation rationnelles qui dis­ posent l’homme à la fol... Transformations admira­ le sujet et qui lui sert à connaître : c’est ainsi qu’ils bles, qui deviennent, pour certains individus, le prin­ disent lumen rationis; et dans le ciel cet habitus qui, cipal motif de leurs croyances. » Confèrences du cou­ d’après eux, aide notre intelligence à voir Dieu, ils vent de S. Thomas d'Aquin, Introduction au dogme l'appellent lumen gloriœ; de la même manière ils ont catholique, Paris, 1866, t. n, xxx· conf., p. 306, 307. employé souvent ces mots : lumen fidei. Voir les exemples qu’il en donne dans diverses conver­ Mais si la vertu infuse de foi sert à reconnaître la crédibilité des dogmes, ce ne peut être en remplaçant sions célèbres. « Le miracle spirituel peut remplacer totalement les motifs rationnels de crédibilité : ce tous les autres miracles... Un homme transformé mira­ serait le fidéisme, déjà réfuté plus haut. Cc ne peut culeusement a toute espèce de droit de s’en tenir à la démonstration mystique. > Loc. cit., p. 329,332. donc être qu’en les supposant et en les aidant. Or, Oui, le miracle interne ou spirituel, suffisamment l’aide qu’elle leur donnera ne peut pas être un secours constaté, peut remplacer tout autre motif de crédibi­ objectif. Sans doute, si nous pouvions prendre sur le lité; et cette assertion ne favorise pas le fidéisme, et fait l’intervention de cette vertu infuse en faveur de ne détruit pas la prépara tloaYationnc lie à la foi,pourvu la crédibilité de telle ou telle proposition, nous aurions que nous supposions le contrôle de la raison s’exer­ là une excellente preuve de la vérité de cette propo­ çant sur ce miracle même. Mais ce miracle ne peut être sition et du fait qu’elle a été révélée, parce que la vertu qu’exceptionnel et l’on ne peut s’en servir pour l'ex­ infuse ne peut coopérer en faveur de l’erreur, ni pour plication générale de la crédibilité des enfants et des faire admettre comme révélé ce qui ne l’est pas. Voir simples. Généraliser ainsi un cas particulier, ce serait plus bas ce qui sera dit de la fol, vertu surnaturelle. d’abord contredire l’expérience. Nous avons tous eu Mais l’expérience ne peut atteindre en nous ces ver­ la foi dans notre enfance, et en général nous n’avons tus infuses ni leur intervention active; elles restent pas constaté en nous un pareil phénomène, qui par sa mystérieusement cachées. Leur entrée en jeu ne peut nature merveilleuse aurait dû fortement attirer notre donc se transformer pour nous en nouveau motif de attention et se graver dans notre mémoire, s’il avait crédibilité à ajouter aux autres; elle ne peut nous ai­ eu lieu. Cc serait ensuite tomber dans les inconvé­ der ut quod, mais seulement ut quo. · Il n'est pas nients et les dangers que nous avons reprochés aux besoin, dit Tanner que Vhabilus fidel concoure a la sectes illuminées, à propos des révélations privées, crédibilité par manière d'objet connu; il suffit qu’il voir col. 147; et le danger est d’autant plus grand qu'il contribue à la facilité de croire, et à la fermeté do s’agit des ignorants, plus prompts à s’égarer par man­ la fol. par manière de cause inclinant et tortillant la que de discernement, si on leur ouvre à tous la voir du faculté et du côté du sujet. Il n’en est pas de même prophétisme ou des phénomènes extraordinaires de la d<’s Inspirations, qui peuvent agir aussi nnr manière mystique. Cc serait enfin, pour la masse des chrétiens, d’objet connu, plus ou moins (suivant qu'elles sont remplacer par la · seule expérience interne de chacun » plus ou moins reconnues dans leur caractère mira­ les motifs de crédibilité qui préparent la fol. contraire­ culeux), et qui peuvent concourir même à la pre­ ment au concile du Vatican, can. 3, De fide, Denzmger, mière acceptation de la foi; et encore n’est-h pas n. 1812- Il faut donc recourir nécessairement, dans la toujours nécessaire que l’esprit du croyant réflé­ chisse sur la nature de ces inspirations. · Theologia plupart des cas, à une autre espèce de grâce, plus ca­ scholastica, Ingolstadt 1627, t. in, rot 88. Ceci étant chée, qui agisse seulement ut quo, et qui ne remplace assez communément admis, cherchons à voir plus pas les motifs de crédibilité, mais qui les aide. positivement et plus clairement en quoi pourra con­ 2· Jusqu’Ici nous n’avons considéré la grâce que sous sister le rôle de la vertu infuse dans la crédibilité, dans sa forme actuelle et passagère : Inspiration intérieure, la préparation rationnelle de la foi. Les nombreux théoreconnaissable ou non avec certitude dans son origine S41 FOI logions qui admettent ce rôle l’ont entendu de deux manières différentes, qui, d'ailleurs, no s'excluent pas, cl que nous allons successivement examiner : P· manière : production directe du jugement de cré­ dibilité (pratique) par la vertu de foi. — De même que Vhabi'us fidei, d’après la théorie commune, élevant notre intelligence, produit avec elle l’acte de foi, ce qui est sa fonction principale, de même ne pourrait-on pas supposer qu’il a pour fonction secondaire de pro­ duire (clicerc) avec la même Intelligence, avant l’acte de foi, le jugement de crédibilité pratique, acte surna­ turel lui aussi comme nous le verrons plus bas, au sujet de la foi, vertu surnaturelle? Ainsi expliqueraitun avec aisance et comment la surnaturahlé nécessaire ù ce jugement de crédibilité est réalisée, et comment par la vertu infuse de foi on voit que les mystères doivent être crus, esse crederida, d’après saint Thomas cité plus haut. Aussi, dans l’école thomiste, plusieurs ont-ils admis cette hypothèse, tandis que d’auLrvs tho­ mistes la rejettent, comme les théologiens de Sala­ manque, pour cette triple raison: la vertu infuse de foi a un caractère d’obscurité, donc clic ne peut produire un acte évident comme cc jugement de crédibilité; elle a pour objet formel la révélation, donc clic ne peut pro­ duire un acte qui ne s’appuie pas sur la révélation mais simplement sur la raison, laquelle montre qu’il est rai­ sonnable et obligatoire, si Dieu a parlé, de lui donner un très ferme assentiment; enfin Vhabilus fldci est fait pour l’acte de fol, et ce jugement de crédibilité n’est pas l’acte de foi, mais le précède. Cursus theologiæ, 1879, L xi, disk I, n. 202, p. 93. Suarez avant eux avait déjà rejeté l'hypothèse pour cette même raison principale, qu’un habitus ne peut pas agir en dehors de son objet formel qui spécifie son action. Opera, 1858, t. ΧΠ, dist. IV, sect, vi, n. 2, p. 136. D’autres théologiens de la Compagnie de Jésus notent que la preuve de Suarez n’est pas décisive. Arriaga observe que cette limitation de la vertu infuse à une seule es­ pèce d’actes reste incertaine : < Et comment savonsnous que notre vertu infuse n’a pas une double fonc­ tion? Puisque cette évidence de crédibilité est de soi une disposition à l’acte de foi, on peut dire très pro­ bablement qu’elle procède de la meme cause que ect acte : dans l’ordre physique, la cause qui a la fonction principale de produire la forme peut d’ordinaire pro­ duire aussi les dispositions à la forme... La question reste sans solution certaine. » Disputationes theologica?, Anvers, 1649, t. v, disp. V, sect, v, p. 93, 94. Lugo, bien que suivant ici l’opinion de Suarez, est obligé pourtant de convenir qu’il ne faut pas trop argumen­ ter des axiomes philosophiques sur la nature des habitus, axiomes tirés uniquement de l'expérience des habitudes acquises; que · es vertus infuses ont une sphère plus étendue que les habitudes acquises. ■ Di­ sputationes scholasticae, 1891, t. i, disp. V, n. 40, p. 328. Et ailleurs, il dit que la vertu Infuse, participant de la nature d'une faculté, peut s’étendre à plusieurs es­ pèces d’actes, et en quelque sorte avoir plusieurs objets formels subordonnés. Op. cit., disp. I, n. 236, 237, p. 115, 116. De nos jours, le cardinal Billot est de ceux qui attribuent à la vertu infuse de foi la production de cc jugement de crédibilité. De virtutibus in/nsis,2*édit., Home, 1905, thés, xvn, § 1, p. 301. Sans doute, commo ce jugement a un objet présenté par la raison naturelle, on aura peine à l’attribuer à la vertu infuse, si l’on admet celle autre théorie do Suarez et d’un bon nom­ bre de théologiens de son ordre cl de l'école tho­ miste, que la surnaturalité d’un acte est toujours com­ mandée par son objet, en d’autres termes, qu’une vertu infuse no peut Jamais agir que sur un objet abso­ lument inaccessible à la simple nature; et le cardinal note bien, à propos de la question présente, loc. cit., l’embarras des théologiens attachés à ccttc théorie, 212 laquelle complique bien gratuitement et d’une manière parfois insoluble, une fouie de questions sur les vertus et les actes surnaturels; lui-même l’a réfutée. Op. cil., Prolégornènc, p. 64 sq. 2e manière : influence indirecte, ou dispositive, de la vertu de foi sur les jugements de crédibilité. — C’est plu­ tôt ainsi, semble-t-il, que saint Thomas entend l'in­ fluence de la vertu infuse, je ne dis pas sur l’acte de foi, mais sur le jugement de crédibilité. Pour cc qui est de l’acte de foi lui-même, il entend sans aucun doute que Vhabilus fidei le produira directement : parlant de la foi non pas comme acte, mais comme habitus cognoscitiuus, il dit : fides assenfit, Sum. theol., II· II·, q. i, a. 1 ; elle a son acte propre : fides, eum sit habitus qui­ dam, debet definiri per proprium actum, actus autem fidei est credere, q. iv, a. 1 ; aussi est-elle dans l’intel­ ligence : credere au tern immediate est actus intellectus, quia objectum hujus actus est verum... et (deo necesse est quod fides, quæ est proprium principium hujus artus, sit in intellectu tanquam in subjecto, a. 2. Ce n’est donc pas en traitant directement de la production de l’acte de foi, mais en considérant les actes qu’il présuppose, que saint Thomas dit ailleurs : hic (amen habitus non movet per viam intellectus, sed magis per viam volunta­ tis; ccttc vertu de foi ne vise pas à produire une évi­ dence qui force l’assentiment, ce qui serait la perfec­ tion au point de vue intellectuel, mais à produire l’as­ sentiment, avec l’intervention de la volonté : non facit videre Hla quæ creduntur nec cogit ad assensum, sed facit voluntarie assentiri. Opusc. in Boethium, q. ni, a. 1,ad 4»«»· Nous comprendrons mieux tout ceto,si nous nous rappelons qu’il y a des assentiments de l’intelli­ gence qui dépendent des bonm-s dispositions morales; que tels sont, entre autres, le s jugements de crédibilité et l’acte de foi; qu’à l'accomplissement de tels actes intellectuels correspondent, en fait de principes per­ manents qui aident à les produire, non pas seule­ ment une sorte de faculté infuse complétant notre in­ telligence pour les produire directement, cc qui est Vhabilus fidei au sens strict, mais encore une bonne disposition morale, surnaturelle, un habitus de la volonté, infus lui aussi, accompagnement nécessaire du premier : ideo oportet quod tam in voluntate sit ali­ quis habitus, quam in intellectu, si debeat actus fidei esse perfectus. II· II», q. rv, a. 2; enfin, que le nom ά'habitus fidei peut s’étendre au groupe de ces deux habitus, ramenés à une véritable unité non pas phy­ sique mais morale, parce que subordonnés l'un à l’autre et tendant à une même fin. C’est en prenant l’habitus fidei dans ce sens plus large etpluscomprébcnsif, que saint Thomas, pour expliquer l’influence de la vertu infuse de foi sur la crédibilité, sur le discerne­ ment des vérités révélées et des erreurs qui leur sont contrains, a pu l’assimiler aux autres vertus qui ne sont pas dans l’intelligence mais dans la volonté tpar exemple, la chasteté) et à l’in fluence qu’elles ont pour repousser les objets qui leur sont contrain s : · L'habi­ tus fidei a aussi ccttc puissance de retenir l’intelligence du fidèle et d'empêcher qu’elle ne donne son assenti­ ment aux choses contraires à la fol, de même que la cil a s te tè sert de frein pour empêcher d'aller à cc qui est contraire à la chasteté. » Quæst. disp,. De veritate, q. xiv, a. 10, ad lO^”. C'est la vertu infuse de foi dans ccsens plus large et pluscompréhcnsif.qui inspirait aux barbares convertis celle haine ver tueuse de l’erreur, oette répugnance instinctive aux hérésies, que loue en eux saint Irénée : · Si quelqu’un, sachant leur langue, vient à leur annoncer les inventions des hérétiques, aussitôt, se bouchant 1rs oreilles, ils s’enfuient, ne pouvant pas même supporter d’entendre ces paroles blasphématoires. » Cont. hær., 1. 1Π, c. rv, P. G., t. vix, col. 855. Cependant, entre la vertu de fol, qui suppose lu révélation et qui, comme elle, pourrait ne pas exis- FOI 244 donnée à tous les fidèles, ct n’a pas même été accordé ter, et une vertu momie comme la tempérance, la Λ de grands docteurs «le l’Égiisc qui se sont trompés une chasteté, qui existerait (quoique moins parfaite) fois ou l’autre sur la vérité révélée.— Disons-cn autant sans aucum révélation ct en toute hypothèse, parce d'un autre passage de saint Thomas, invoqué par Pérez quïlk tient davantage au fond de la nature humaine, dont nous examinerons tout à l’heure le système. In il y a cette différence, que seuls les objets contraires à //■* et III** partem D. Thomœ tractatus VI, Lyon. celles i sont déterminés nécessairement et par la nature 1669, p. 201. A cette objection, que les simples, si l’on même des choses : telle action, telle parole est néces­ exige d’eux la foi explicite de peu d’articles seulement, sairement et naturellement opposée à la chasteté, telle sont très exposés à sc tromper sur les autres qu’ils autre lui est nécessairement conforme; aussi com­ ignorent, le saint docteur répond : Ille qui non crédit prend-on que l’homme chaste discerne dans le détail, explicite omnes articulos, potest omnes errores vitare : rien que par un jeu nécessaire d’attraits et de répu­ quia ex habitu fidei retardatur ne consentiat contrariis gnances vertueuses, que telle action est honnête, que articulorum quos sotum implicite noviL ut scilicet cum telle autre, qui froisse la délicatesse de la vertu, ne sibi proponuntur, quasi insolita suspecta abeat et assen­ l’est pas. La vertu de fol n’a pas une détermination sum differat, etc. Quasi. disp.* De veritate, q. xiv, a. 11, pareille, elle n'est pas liée par la nature des choses à ad 2«®. C'est évidemment dans un sens lérgc suffisant tel ou tel dogme en particulier; c'est pour elle un fait à réfuter l’objection qu’il propose, que saint Thomas contingent ct accidentel, de croire dans l'ordre actuel entend cc potest omnes errores vitare : · le fidèle igno­ tel nombre ct telle collection de dogmes; Dieu aurait rant, veut-il dire, a un moyen général d'éviter les pu n'en révéler qu'un seul, et donner, pour le croire, erreurs, » ce qui n’implique pas que cc mown sera Jn meme vertu infuse, qui n’a donc pas ex natura ret efficace dans tous les cas et dans tous les détails, cc d'exigence pour tels ou tels dogmes en particulier, serait alors dans le simple fidèle un charisme d'infail­ qui, par suite, ne peut discerner les énoncés croyables libilité qui ne lui est pas nécessaire, ct qui rendrait ou non croyables de foi divine de la meme manière que inutile celui de ΓÉglise. Et remarquez cc retaraatur, cet la chasteté discerne 1rs objets qui lui sont conformes assensum différât. D’après le docteur angélique, le et ceux qui lui sont contraires. Ce n'est donc pas la rôle de Vhabitus fidei n'est donc pas de discerner du vertu intérieure de foi, mais l’enseignement reçu du premier coup et avec une infaillibilité absolue le donné dehors, qui pouvait donner aux barbares de saint révélé ct croyable de foi divine, mais seulement de Irénée le détail du credo et les avertir des hérésies con­ « retarder l’assentiment aux énoncés contraires, ·— à traires ; aussi insiste-t-il lui-même sur la tradition apos­ quoi contribue, d’autre part, l'enseignement reçu, tolique ct sur le symbole transmis. Néanmoins la retenu ct passé cn accoutumance, cn sorte que les comparaison de saint Thomas vaut, nous semble-t-il, assertions · insolites », nouvelles, mettent en défiance cn ce sens que la vertu infuse de foi, prise dans son cct esprit à demi instruit mais bien disposé, ct qu’il sens large ct compréhensif, a une connexion nécessaire « diffère d'y donner son adhésion » jusqu’à cc qu’il ait avec les dispositions morales requises par la nature consulté ceux que l’Égiisc a chargés de lui donner au même des choses pour l'acquisition ou la conservation besoin un supplément d’enseignement religieux. C’est du Jugement de crédibilité en général, ct une opposi­ à peu près dans le même sens qu’il faut entendre saint tion nécessaire aux dispositions contraires qui lui sont Jean, quand, voulant préserver les premiers chrétiens un naturel obstacle. Quelles sont ccs dispositions mo­ de la séduction des hérétiques, il fait appel non seule­ rales requises pour la crédibilité, par la nature même ment à · l’enseignement reçu dès le commencement, » des choses? Par exemple, l’humble docilité, la sobriété 1 Joa., ii, 24, mais encore Λ un principe surnaturel qui dans les investigations curieuses, l’amour de h simple est cn eux ct qu’il appelle une onction permanente vérité, la fidélité et vérité reconnue, la vénération (maneat) et venant du Saint-Esprit, 26, 27. Quand il pour la parole de Dieu, le soin de l’orthodoxie. Exem­ dit : Vos unctionem habetis a Sancto, et nostis omnia, ple de dispositions contraires : l’orgueil indocile, la 20, ce nostis omnia, en apparence si universel, demande curiosité exagérée de l’esprit, l’amour du brillant ct du évidemment à être atténué. Ainsi comprise avec les paradoxal, la passion des nouveautés ct des change­ restrictions nécessaires, cette influence protectrice ments, l'engouement pour les nouveaux docteurs ct de la vertu infuse sera d’autant plus efficace que le les systèmes â la mode, peu de délicatesse pour la pu­ fidèle aura été mieux Instruit de sa religion dès le début reté de la fol. La vérité infuse de foi tendra ù écarter ct dans la suite, comme ceux à qui parle saint Jean, ccs mauvaises dispositions ct par suite les jugements qu'il aura exercé plus longtemps ccttc vertu infuse de qui cn résultent, elle inclinera aux bonnes dispositions foi sous la direction de l’Égiisc, ct développé cn lui par morales et par suite aux assentiments qui cn pro­ cct exercice un certain sens catholique, bien remar­ cèdent· Voilà dans quel sens il faut entendre la comparaison quable dans nombre de fidèles, qui du premier coup flairent l’erreur ou « suspectent certaines propositions que fait saint Thomas entre foi et chasteté, ct cet autre texte semblable : Sicut enim per alios habitus Insolites, » comme dit le texte objecté. Au reste, saint Thomas lui-même admet ailleurs expressément que virtutum homo videt quod est sibi conveniens secundum habitum illum, ita etiam per habitum fidei inclinatur | les simples peuvent être parfois invinciblement induits mens hominis ad asscnliendum his quæ conveniunt cn quelque erreur de détail par ceux qui les instruisent, recta: fidci, et non aliis, 1ΙΙ·, q. i, a. 4, ad 3’«. ct que cela ne nuira pas à leur fol, pourvu qu’ils ne s’opiniâtrent pas dans la suite s’ils sont avertis de Μ. Pierre Boussclot l'a bien remarqué : « Arrachée de son contexte, et prise cn un sens absolu ct universel, leur erreur par l’enseignement de l'autorité supé­ II-, q. n, a. 6, ad 2U®. 3«®. ccttc affirmation aboutit ft la théorie du discerniculum i rieure. Sum. (heol., experimentale, soutenue par /Kntoinc Pérez, et PallaL'explication que nous avons donnée de la théorie vfcini, et carrément contredite par l'expérience... Ce de saint Thomas sur l’influence de vertu de fol cn qui est vu sympathiquement dans la fol, cc n’est pas, matière de crédibilité sc trouve déjà chez les anciens per se loquendo, la détermination des différents dog­ théologiens; nous citerons deux graves autorités. « Cc que veut dire saint Thomas, c'est que la vertu de fol mes. » Dans ks Recherches de science religieuse, Paris, a un rôle impulsif ou dispositif ft l'égard du jugement 1910, L I, p. 460. Et il ajoute qu’un don surnaturel de crédibilité: non pas cn cc sens, qu'il ne puisse abso­ de discerner absolument et universellement, dans le lument sc produire sans l’impulsion de celte vertu; détail, les vérités révélées ct celles qui ne le sont pas, mais parce que In fol dispose l'homme ft porter ce juge­ appartiendrait à l’ordre des charismes; un don si ex­ ment plus facilement ct plus promptement. De même traordinaire n'entre pas dans la vertu infuse de fol, 2*45 FOi ce jugement évident, qu'il faut vivre avec tempérance (exemple dont se sert saint Thomas), c’est la prudence qui k· porte, niais c’est la tempérance qui a donné l’impulsion; par manière de disposition, elle fait que son objet nous paraisse facilement convenir. » Adam Tanner, 7heologta scholastica. Ingolstadt, 1627, t. iri, col. 81. Plus tard, les Sulmanticenscs, avec un peu plus de développement, distinguent deux influences de tout habitus : l'une directe, qu'ils appellent · élicitive 9 et que l'habitus exerce sur son acte propre; l’autre · indirecte et dispositive · exercée par Vhabi­ tus sur le jugement prudentiel qui dirige son acte, tel le jugement pratique de crédibilité dirigeant la volonté de croire et préparant l’acte de foi. Cette influence dispositive s’exerce, disent-ils, · cn écartant les obstacles, ou cn introduisant quelque chose de po­ sitif qui faillie cc jugement... Par le fait qu’on est bien affectionné à la matière d'une vertu, on voit très facilement la convenance d’agir selon ccttc vertu, et même (dans le détail) les actes qu’elle demande. Inversement, si l'on est mal disposé à l'égard d’une vertu, il est difficile d’en avoir des idées justes; le débauché a bien de la peine à voir qu'il convient d’observer la chasteté; car l’affection désordonnée corrompt le jugement de la prudence... Ainsi, par le fait même qu’on a la vertu de fol et ccttc pieuse dis­ position de la partie affective qui lui est annexée, on est porté à voir facilement qu'il est convenable de croire. » Cursus theologicus, t. xi, disp. 1, n. 203, p. 94. Ces auteurs, ainsi que beaucoup d’autres, citent à cc propos un mot que l’on a contumc d'attribuer à Aris­ tote : Qualiscumquc unusquisque est, talis cl finis vide­ tur ei. Notons toutefois que cet adage, dangereux dans son imprécision, est tiré d’une objection que réfute Aristote, Éthique d Nicomaque, 1. III, c. v, n. 17, dans Opera, édit. Didot, t. n, p. 28; trad, de Barthélemy Saint-Hilaire, Morale d'Aristote, t. n, p. 33; pour la forme même de l’adage dans l’ancienne traduction latine, voir S. Thomas, Opera, Panne, 1867, t. iv, Commentaires sur Γ Éthique d'Aristote, I. III, lect. xiîi, р. 93. Pourquoi a-t-on attribué cc propos à Aris­ tote qui le réfute? Probablement parce que le philo­ sophe affirme, peu auparavant, quelque chose d’ana­ logue. mais mieux précisé. Opéra, toc. cil., c. iv, p. 29. Cf. S.Thomas, toc. cil., lect. x, p. 87. Il dit que le bien, objet de la volonté humaine, ■ pour l'homme ver­ tueux ct honnête, c’est le bien véritable;pour le mé­ chant, c’est au hasa ni ce qui sc présente à lui... L’homme vertueux sait toujours juger les choses comme il faut les juger, ct le vrai lui apparait dans chacune d’elles; parce que, suivant les dispositions morales de l'homme, les choses varient, » etc. Trad, de Barthélemy SaintI iilaire, loc. cit., p, 26, 27. n. systèmes. — Ccs notions préliminaires étant supposées, venons maintenant aux divers systèmes que l’on a imaginés, autrefois ou de notre temps,pour expliquer la nature de cette grâce qui aide les motifs de crédibilité, spécialement cn vue de résoudre le problème de la foi des enfants ct des simples. 1° Système de Guillaume d'Auxerre, xni* siècle : une illumination est donnée, mais seulement dans le cas où le catéchiste leur présente <1 croire une chose fausse ou non révélée; elle les préservera d'y croire comme ή une chose révélée, au moins s’ils ont eu auparavant les dispositions morales convenables, désir ct soin de la vérité religieuse, prière, etc. Summa, 1. Ill, tr. Ill, с. n, q. in. Critique du système. — Π ne favorise pas le fidéisme, ni beaucoup l'illuminisme, puisque ccttc espèce de grâce n’interviendrait que dans des cas exceptionnels ct très rares (si on la suppose donnée seulement dans l’Égiisc catholique), et qu’elle laisserait à la crédibi­ lité naturelle tout son jeu. Mais 1. ce no serait pas une 246 solution adéquate du problème, puisqu'on n'expliqu® pas comment la grâce vient aider dans la difficulté d’admettre les préambules de la fol. même quand le catéchiste ne propose aucun article faux, ce qui est le cas ordinaire; 2. l'inconvénient auquel on veut remé­ dier n'est pas de grande importance, ct le remède sur­ naturel cn question est promis sans aucun fondement solide d'une telle promesse, comme le montre Suarez cité plus haut, col. 235; il y revient. Op. cit., disp. XV, sect, ii, n. 4, 5, p. 404. 2° Système du discerniculum experimentale, xvn· siècle : un phénomène miraculeux, donnant Λ l'esprit la certitude, se passe dans l'esprit des simples toutes les fols qu'ils ont à admettre un dogme vraiment révélé, et n'a pas Heu si on les trompe; ils ont par lù la possibi­ lité de n'adhérer jamais ά l'erreur comme a la vérité. — Cc système a été expliqué de diverses manières par trois célèbres théologiens, professeurs au Collège ro­ main : Antoine Pérez, d'une subtilité extraordinaire, surnommé de son temps theologus mirabilis; Palla vi­ cini, collègue et successeur de Pérez, très connu par son Histoire du concile de Trente, ct depuis cardinal; Esparza, disciple de Pérez ct successeur de Palbvicinl. Nous donnerons en détail l'explication de cha­ cun, parce qu’aujourd'hui, tout cn les rejetant som­ mairement d'un mot, ct cn croyant dire du nouveau, on ne fait parfois que reprendre tantôt l'une, tantôt l’autre de ccs théories, au moins cn partie. L'histoire des idées, elle aussi, est faite de recommencements. L Exposé du système de Pérez, premier auteur du discerniculum. — Sa théorie est Intéressante pour la question de la certitude. Abordant le problème de la croyance au fait de la révélation chez les simples, il commence par repousser la suffisance de la certitude relative et non infaillible (telle que nous l’avons prou­ vée, col. 219 sq.). ct cela par cette simple affirmation a priori, qu'il doit y avoir dans leur esprit quelque chose qui les amène suffisamment À la volonté de croire, et qui ait « une connexion infaillible avec la vérité du mys­ tère à croire. ■ In //*· et ///·■ partem D. Thomx tracta­ tus VI, Lyon, 1669, tr. IV, disp. Il, c. ni, n. 1, p. 201. Cette connexion infaillible, Pérez voit très bien qu’on ne peut la trouver dans la valeur intellectuelle du mo­ tif de crédibilité qui agit presque uniquement sur les enfants, le témoignage de leurs parents ou du curé sur le fait de la révélation, ni dans les miracles de ΓÉvan­ gile, etc., tels qu'ils sont dans leur esprit, c’est-à-dire garantis seulement par l’affirmation des parents ou du curé. Voir col. 222. Ccttc connexion infaillible, il ira donc la chercher ailleurs, dans le fait même de leur volonté de croire sans aucune hésitation et de leur fol très /rrme.fait expérimentalement certain ct que Pérez transforme cn un miracle; ct comme Dieu ne peut faire un miracle en faveur de l’erreur» il y a donc connexion infaillible entre ce miracle ct la vérité du dogme que l’on croit. D’après lui, la fermeté, la sécurité que nous observons dans la croyance des simples au fait de la révélation, peut bien provenir en partie des motifs de crédibilité, mais elle provient surtout de ce que · Dieu a une vertu surnaturelle de mouvoir l’esprit et de l’a­ mener Λ un jugement évident sur l’obligation de croire, ct de croire fermement et sans aucun doute. » Loc. cit., n. 20, p. 205. i C'est, dit-il, une prérogative de Dieu seul quand il révèle, ou quand il applique (par scs mi­ nistres) sa révélation à quelqu'un, de pouvoir la pro­ poser sans évidence métaphysique, ct toutefois de pou­ voir rendre l’âme aussi sûre du vrai, aussi ferme, que si elle recevait une démonstration métaphysique. Il n'y a peut-être pas de plus grand miracle, parmi ceux qui nous portent à la fol. que cette sécurité et crtte absolue fermeté d’une intelligence sans démonstration méta­ physique. » Loc. cit., n. 4, p. 202. Mais comment prouve-t-il ccttc assertion fondamentale de son sys- 247 FOI 248 tème, que cette ferme conviction des simples est un profane aussi bien qu'en matière sacrée : II n’y a donc miracle, qu'elle ne peut procéder de causes purement pas lieu de trouver lâ aucun miracle avec Pérez. Voir naturelles? < C'est une contradiction dans les termes l'énumération de ces causes naturelles à l’art. Croyan­ dit-il. qu’on puisse croire sans aucun doute par un acte ce, t. ni, col. 2370-2378. Quand l’explication par les causes naturelles suffit amplement, on n'a pas le droit purement naturel une chose fausse, ou même une d'affirmer un miracle ni surtout · le plus grand des chose vraie mais obscure... Un tel acte ne peut être qu’une opinion : or ii est de l’essence de l’opinion de miracles, » ni surtout un miracle tellement généralisé, qu'il sc renouvellerait tous les jours dans un nombre craindre, de douter; et si quelques-uns disent de leurs immense d’enfants et d’adultes, aussi souvent qu'ils opinions qu’elles sont certaines, qu’ils n'en éprouvent croient fermement- Les mêmes considérations montre­ aucun doute, il ne faut pas les croire... Do plus, celui raient que la grâce, miraculeuse ou non. n'est pas. qui admet une erreur, ou en général celui qui a une pure opinion (vraie ou fausse), ne voit ricn d’infailllcomme sc le figure aujourd'hui tel ou tel auteur catho­ lique, absolument nécessaire pour donner la ferme con­ blrinent lié avec la vérité : or, quand nous ne voyons viction du fait de la révélation en sorte qu'on ne puisse rien d'infailliblement lié avec la vérité, il en résulte jamais l’avoir simplement par la nature; ce qui est naturellement un jugement sur l’incertitude de la vrai, c’est que la grâce est parfois nécessaire à la cré­ 'hose. > Loc. cil., n. 3, p. 201. Quant au cas du curé pro­ dibilité, à cause des circonstances, par exempte, si l'en­ posant à croire un faux mystère comme révélé, la con­ clusion logique de ce qui précède, c'est que tous les fant est placé entre l'autorité religieuse qui l’instruit auditeurs, par manque de miracle divin, sc sentiraient ct des influences contraires, cc qui se rencontre, hélas I souvent aujourd'hui, bien moins autrefois. Λ un autre dans l’impossibilité d’y croire fermement* quand même une autorité que d'habitude ils vénèrent leur titre, la grâce est toujours et absolument nécessaire dirait qu’ils y sont obligés. < Un simple pourrait, sur comme préparation à l'acte de foi : non pas que la con­ la parole du curé, croire (par manière d’opinion spécu­ viction des préambules soit toujours impossible sans lative ct de conscience erronée) qu’il lui est possible et elle, mais parce que l'acte de fol est un acte salutaire même obligatoire de faire un acte de foi, sans aucun comme le disent les conciles et par conséquent surna­ doute, sur l’incarnation du Saint-Esprit, comme étant turel ; dans quelle mesure ce titre nouveau réclamc-t-ll révélée de Dieu; ct cette persuasion pourrait bien le que les actes précédents aient toujours été eux aussi, porter à essayer de croire cette fausse révélation sans surnaturels ou l’ouvrage de la grâce, c est cc que nous aucun doute, mais sa tentative n’aboutirait jamais. » examinerons plus loin au sujet de la foi vertu surnatu­ De même que, *.l le curé lui avait persuadé que Dieu lui relle. · En face du vrai, s'il est obscur, > c est-â-dlre s’il ordonne de voler dans les airs, < il n'y pourrait croire n'est pas appuyé de motifs infaillibles, dit Pérez pour pratiquement et efficacement, parce qu'en essayant de prouver son miracle, « on ne peut avoir qu 'une opinion, voler il n’aurait pas de peine Λ constater l’impossibi­ dont le caractère essentiel est de craindre, de douter. » lité de la chose, la bonne foi ne sufllsant pas à soutenir Oui, si l'on a la force d'esprit nécessaire pour réfléchir quelqu’un dans les airs. » Loc. cit., n. 2, p. 201. sur scs motifs, les critiquer à fond, et reconnaître qu'ils Critique du système. — Il ne favorise ni le fidéisme ne sont pas infaillibles : mais les simples ne l'ont pas, et proprement dit, puisqu’il laisse aux simples une pré­ leurs motifs, qui ne donneraient à d'autres que l’opi­ paration rationnelle à la foi, et les motifs de crédibi­ nion, leur donnent, ά eux, la certitude relative, pleine lité qui leur sont propres, surtout l’autorité du curé; m de sécurité, du moins pour le moment. Voir col. 225. Si quelqu’un, entêté d'une doctrine qui serait pour l’illuminisme, puisqu'il ne suppose pas en eux de révé­ lation nouvelle, mais seulement interprète comme un d’autres une simple opinion, atteste qu’il n'en doute miracle le phénomène de ferme conviction qui est un aucunement, il faut, dit encore Pérez, « refuser de le fait notoire; ct encore Pérez ne dit-il pas que les sim­ croire. » Mais cc refus est dur; ct la certitude d’entête­ ple s eux-mêmes réfléchissent sur ce phénomène et ment est un fait, reconnu par saint Thomas, que Pérez cherche à suivre fidèlement. Voir Croyance, col. 2379. l'interprètent comme un miracle, s’en servant commo d'un nouveau motif de crédibilité : cette grâce semble Plus singulières encore ct plus dures sont les consé­ donc, d'après lui, opérer en eux, sans qu’ils s'en aper­ quences du système à propos de la conviction que peu­ vent avoir les hérétiques. S'il s’agit d'hérétiques inex­ çoivent, ut quo, ct non pas ut quod. Tout au plus dans le cas très rare d'un faux article proposé â leur fol, leur cusables, « ils ont certainement quelque doute sur leur attention serait-elle éveillée par la situation nouvelle religion, dlt-ll : ils pèchent, par hypothèse: or ils ne de leur esprit, qui ne pourrait croire fermement comme pécheraient pas, s'ils ne doutaient pas. > Loc. cit., n. 6, à l'ordinaire. Mais nous ne pouvons admettre la psy­ p. 202. Inexact, cela : pour qu'ils soient responsables chologie simpliste par laquelle cc profond métaphy­ i de leur état, il suffit qu'ils aient douté autrefois et sicien. qui n’est pas assez psychologue, prétend prou­ qu'ils aient résisté â la grâce qui les pressait alors de ver son assertion fondamentale. Comme beaucoup faire une sérieuse enquête : depuis, ils ont pu s'entêter d’idéalistes ou d’optimistes même de nos Jours et memo I dans leur erreur, avec une véritable fermeté d’adhé­ dans le camp de la libre pensée, Pérez bâtit a priori sion. On ne peut donc conclure d'une manière générale une raison humaine très parfaite dans tous les hommes avec Pérez que « les hérétiques de notre temps, qui ont ct à tout âge, laquelle, mise en présence d'une propo­ coutume d'attester qu’ils croient leurcrrcursans aucun sition fausse quelle qu'elle soit, ou même d’une propo­ doute, mentent évidemment. » Loc. cit., n. 17, p. 204. sition vraie mais seulement probable (pour qui en sait S’il s'agit « d'enfants ct de femmes de la campagne, critiquer le·» motifs) signalera fatalement le voisinage croyant simplement comme articles de fol cc que leur enseigne un pasteur hérétique, · le faux avec le vrai, ou le danger de l'erreur par l’oscillation de la crainte ou • ils n’éprouvent pas, dlt-ll, la certitude qu'éprouvent du doute, par une oscillation que ni les circonstances lesenfantscatholiques....lesquels volent très bien qu’ils ni b liberté ne pourront jamais empêcher ni maîtriser. ne peuvent sans péché se laisser écarter de leur fol par Mais un tel instrument de précision dont l'aiguille aucune persuasion humaine, même venant des hom­ serait si sensible, et en même temps si intangible dans mes les plus savants... Ceci n'arrive à aucun de ceux se* oscillations, l'expérience montre qu’il n’existe pas, qui sont élevés dans l’hérésie : car dès qu'ils entendent surtout dans les esprits peu cultivés. Un ensemble de les catholiques dire le contraire de cc qu’ils croient, ils causes naturelles, vérifiées par des faits innombrables, chancellent. Us commencent à douter... On objectera explique très suffisamment la ferme conviction qu’ont que des convertis ont affirmé qu’ils avalent d'abord kl simples la où les autres douteraient, qu’il s’agisse cru de bonne fol les hérétiques qui les «instruisaient. en réalité d'une vérité ou d'une erreur, ct en matière 249 FOI et aussi fermement, qu'ils adhèrent maintenant à la religion catholique... On peut leur concéder qu’ils n’ont pas péché par cette croyance,mais non pas qu’ils aient été alors sans aucun doute, au moins habituel et en germe. Car ils n’avalent alors ni l’évidence méta­ physique, puisqu'elle est liée â la seule vérité, ni une certitude surnaturelle, puisque Dieu ne peut inspirer comme certaine une chose fausse, ni faire un mira­ cle pour délivrer alors entièrement du doute. » Ils avaient donc au moins un germe de crainte,qui se serait développé s’ils avalent réfléchi. « Et même on peut ajouter comme plus probable que dans celui qui croit une erreur, il intervient nécessairement un doute actuel, nu moins léger. » Loc, cit., n. 8-10, p. 202, 203. Toujours l’instrument de précision ch< r encore au­ jourd’hui à plus d’un philosophe catholique ! Et no­ tons la théorie faussement supposée, que « l’évidi ncc métaphysique » est indispensable pour avoir la fer­ meté d'adhésion, à moins de recourir au surnatnn 1 ct au miracle. Voir col 217 sq. Pérez conclut qu'il ne faut pas facilement les excuser de péché. η. 14, p. 204, et qu'il ne faut pas ajouter foi à ces convertis, quand ils disent qu'ils ont cru aux hérétiques avec une adhé­ sion aussi ferme, du côté de l'intelligence, que celle qu'ils éprouvent maintenant. Loc. cit.. n. 11. p. 203. A tout cela voici la réponse d’un autre théologien espa­ gnol. mais celui-ci connaissant mieux les hérétiques, parce qu'il enseignait à Prague, à la même époque : « Je réponds que ect auteur (Pérez, sans le nommer), qui. peut-être, n'a jamais traité avec un hérétique, montre bien peu d'expérience sur ce point... Les héré­ tiques sont aussi attachés à leur croyance, avec une erreur parfois invincible, ils chancellent aussi peu, souvent même ils doutent moins de leurs erreurs que les catholiques de la vérité. Dire que les convertis, quand ils attestent avoir cru jadis à l'hérésie avec la même fermeté, mentent ou s'illusionnent, c'est une affirmation bien hardie et qui étonne : quel meilleur témoignage pouvons-nous avoir que le leur sur l’état d’âme où ils étaient?... Et quand même, ù la première discussion avec des catholiques, les hérétiques vacil­ leraient dans leur croyance, il ne s'ensuivrait pas qu’ils n'aient pas eu auparavant un acte de croyance ferme, mais seulement qu'ils n'y ont pas persévéré » (la per­ sévérance étant une autre question, Λ traiter ailleurs). Arriaga, Disput. theologiae, Anvers, 1649, t. v, dist. I, n. 41, p. 12. Ajoutons que le système de Pérez, s’il était généralement admis, pourrait servir Λ garantir toutes les erreurs. Puisque c'est un fait, que dans toute religion les enfants ct les simples croient fermement sur la parole de leurs éducateurs, des ministres héré­ tiques, mahométans ou païens pourraient leur dire, en abusant de cc fait même : « Vous croyez nos mysté­ rieuses doctrines sans aucun doute, c'est un miracle et Dieu ne peut faire le miracle qu'en faveur de la vérité. » Objections de Pérez. — < Si vous supposez que (les hérétiques de bonne foi) adhèrent Λ leurs erreurs tout comme nous aux articles vraiment révélés, ils feront un péché en allant écouter le prédicateur catholique ct m doutant de leur secte. · Loc. cit., n. 11, p. 203. — Réponse. — Oui, il peut se faire que d’abord ils pè­ chent en cela, surtout si ceux qui les instruisent (ce qui n’arrive pas toujours dans le protestantisme, à"causc du libre examen) leur ont défendu d’écouter les catho­ liques, et de douter : on pèche en résistant à sa con­ science invinciblement erronée. — < Mais alors, ils doivent confesser qu'ils ont péché en sc convertissant, qu’ils ont mal fait dose convertir : ct pourtant ils voient clairement le contraire. » Loc. cit. — Réponse. — En étudiant davantage la question religieuse, et la grâce aidant, vient un moment où leur erreur n’est plus in­ vincible, où ils reconnaissent qu’il est permis ct même 250 commandé d’en sortir. On en dirait autant du catho­ lique à qui son curé aurait enseigné un faux article de fol, fl finirait par voir que la doctrine de l’Église est différente, ct qu'après tout le témoignage de son curé n'a de valeur qu’autant qu’il représente l’Église. Il faut donc, pour le converti, distinguer deux temps : ses premiers doutes ont pu être une faute contre la conscience, mais des doutes ultérieurs, et la conver­ sion qui s'en est suivie, ont été des actes de vertu et de prudence ct leur apparaissent définitivement comme tels. — · Vous voulez donc accorder à un igno­ rant, persuadé par un ministre hérétique, la meme sé­ curité, La même fermeté que saint Paul admire et loue dans Abraham. » Loc. cit., n. 23, p. 205. — Ré­ ponse. — L'ignorant, même catholique, n'a pas un degré très haut de perfection dans la fermeté; sa sécu­ rité n’a pas autant de mérite (bien qu'elle suffise à l'acte de foi), parce qu’il ne voit pas les difficultés, que d'autres verraient. Ce que saint Paul fait ressortir dans la fermeté extraordinaire de la fol d'Abraham, c’est précisément qu’il a résisté aux difficultés ct aux rai­ sons de douter qui s'ofTraicnt à lui très vivement, puis­ qu’il s'agissait d’un fait personnel, absolument op­ posé aux lois de la nature, fait qu’il était depuis long­ temps habitué à considerer comme impossible, et que tout ù coup Dieu lui annonçait- Horn., iv, 18-21. — Enfin, une objection philosophique se devine au fond de la pensée de Pérez, quoiqu’il ne l'exprime pas clai­ rement : c'est que l’on compromet la valeur de la rai­ son humaine pour atteindre le vrai, la valeur de la cer­ titude humaine en général, si l'on admet que notre rai­ son peut sc comporter de même, avoir la même adhé­ sion ferme, en face du vrai et en face du faux : ct cette Idée, on la retrouverait encore aujourd’hui chez plu­ sieurs. — Réponse. — De ce que la raison, dans cer­ taines conditions défectueuses ct dans des jugements dont les motifs ne sont pas contrôlés (comme c’est le cas des simples), adhère au faux comme au vrai, cela ne l'empêche pas de pouvoir, dans de meilleures condi­ tions, atteindre le vrai avec une évidence contrôlée, avec des motifs que l’on examine ct dont on reconnaît la valeur infaillible. De ce que h raison humaine est faillible per accidens, comme disent nos philosophes, cela ne l'empêche pas d’avoir normalement, per se, une certaine infaillibilité dans h possession du vrai. La certitude humaine n'est donc pas en danger d’une manière générale, quoique la raison éprouve des acci­ dents ct des imperfections que Pérez ne voulait pas reconnaître, de peur de tout ébranler. 2. Système de Pallavicinl. — 11 réfute d'abord son prédécesseur Pérez, par cette raison entre autres : La crédibilité doit préc&lcr la volonté de croire, ct la foi. Or, la grâce dont parle Pérez ne les précède pas, elle ne s'exerce qu’au moment précis de l’acte de fol, au mo­ ment où l'on arrive ù croira fermement le mystère pro­ posé; c'est alors seulement que se ferait le discerne­ ment du vrai ct du faux article, que l'enfant a tous deux essayé de croire, sur la parole du curé qui les a dits tous deux révélés. Cette grâce miraculeuse ne peut donc servir comme motif do crédibilité, comme prouve du fait de la révélation, avant la foi : elle arrive trop tard. — Λ quoi Pérez aurait pu répondre qu’il n'en­ tendait pas faire de cette grâce miraculeuse un nou­ veau motif de crédibilité : que par elle il voulait seu­ lement obtenir de fait l'adhésion infaillible et ferme que ne pouvaient obtenir des motifs de crédibilité purement relatifs, et manquant d’infaillibilité; ct qu’il expliquait ainsi la différence d’adhésion au vrai ct au faux article, différence qui lui semblait néces­ saire pour sauver la valeur de la raison ct de la certi­ tude en général· — Mais cet argument de Pallavicinl nous fait bien voir son idée à lui : il veut, lui, par uno grâce miraculeuse, ajouter aux preuves du fuit de la FOI révélation, trop Imparfaites, qu’ont naturellement les enfants et les simples, et leur donner ainsi, avant la foi, un jugement infaillible sur ce fait; il veut que la grâce intervienne ut quod, et non pas seulement ut quo, H met donc dans l'esprit, avant la toi, un phénomène surhumain, reconnaissable comme un miracle, et comme une voix intérieure dont nn peut dire : Nec vox hominem sonat. Pallavicini, Assertiones theologica, Home, 1649, t. m. De fide, spe et cantate, c. iv, n. 64 sq. Des drciples de Pallavicini expliquaient de la manière suivante la pensée du maître, au rapport de Haunold : une illumination intérieure sc fait dans l'âme de l’en­ fant ou de l’ignorant; attirant l'attention sur ellemême, elle sc présente ainsi : « Je suis la voix de Dieu, inimitable à la nature, et je te certifie que celui qui t'instruit te dit maintenant la vérité. » Ce miracle Interne leur servirait de preuve et les amènerait avant la foi à la certitude absolue et infaillible du fait de la révélation. Voir Haunold, Theologia speculativa, Ingolstadt, 1670, 1. HI, η. 194, p. 361. Critique. — Donnant à tous les simples, comme motif de crédibilité, un miracle interne qui attire leur ré­ flexion et sur lequel s'exerce leur raison, et qui est bien de nature Λ produire la certitude du fait de la révéla­ tion, ce système évite absolument le fidéisme. Mais a) il imagine un miracle qui, ainsi généralisé, est con­ traire A l'expérience : car la multitude des fidèles ne s’en aperçoit pas, et ne recourt jamais A ce motif de crédibilité quand on leur demande pourquoi ils croient, comment ils savent avec certitude que Dieu a révélé. Dira-t-on qu'ils ont oublié ce phénomène extraordi­ naire qui s'est passé en eux? Mais alors à quoi leur sert-il pour appuyer leur foi. pour discerner la vraie de la fausse révélation? Comment peut-il fonder pour eux l'obligation permanente de croire? D’ailleurs on n’ou­ blie pas ainsi le merveilleux; et quand quelques-uns pourraient l’oublier, comment sc fait-il qu’ici, sur un si grand nombre, tous aient perdu la mémoire même confuse du miracle constaté par eux? — b) Malgré son j désir, Pallavicini ne s'éloigne pas assez de V illumi­ nisme de certaines sectes protestantes, et du funeste individualisme qui en est la conséquence. Son discer­ niculum est une sorte de révélation immédiate donnée à tous les simples. Si cette expérience religieuse suffit A discerner infailliblement et surnaturellcment la vraie révélation, elle tend à rendre inutile le magistère exté­ rieur de l’Église. Direz-vous par hasard que les enfants et les simples ne doivent pas ajouter foi à cette voix i Intérieure, mais la mettre en quarantaine tant qu’ils ne l’ont pas fait contrôler par les supérieurs ecclésias­ tiques. Mais vous devez avouer qu’ils ne le font pas; et puis cela leur ferait perdre les avantages que vous cherchez pour eux, les priverait de la foi pour un cer­ tain temps, et ne ferait que compliquer le problème nu fieu de le simplifier. Direz-vous plutôt qu’ils croient et doivent croire sur-le-champ ù cette voix, la reconnais­ sant comme la voix infaillible de Dieu? Mais alors à quoi sert l'infaillibilité de l’Église, puisqu’ils ont un charisme bien plus à leur portée, et au moins égal en valeur, l’Église enseignante n’ayant pas une · voix Intérieure » comme eux, mais une assistance divine qui ne la dispense pas d’un pénible travail théologique pour arriver A sc convaincre qu’une proposition est vraiment révélée ? On ne voit même pas pourquoi ils foraient besoin de catéchiste; n’cst-cc pas assez qu’ils I·mt rÉcrltw·, la parole de Dieu qui vaut bien celle du curé, et qu’ils soient illuminés intérieurement sur •on vrai sens qui est l’objet de notre fol, comme le voulaient les premiers protestants? — e) Ce système ne s'accorde pas avec la pratique de l’Église. S’il était vrai, pourquoi ne leur permettrait-on pas de corriger leur curé s’il sc trompe? Pourquoi, dans les conciles, au lieu de discuter longuement pour savoir si 252 telle proposition est révélée ou non, ne fcralt-on pas venir un enfant ou un fidèle ignorant, qui trancherait immédiatement la question avec son discerniculum! Pourquoi promouvoir et propager la science théolo­ gique, funeste puisqu’elle ferait perdre à qui l’étudie le charisme précieux jqu'il avait dans son ignorance première? 3. Système d*Esparza. — Π réfute la conception de Pallavicini, montrant surtout combien elle se rap­ proche des erreurs de l'illuminisme protestant, et tend A rendre inutile le magistère de l’Église et A rabaisser le pasteur au-dessous des simples fidèles et des enfants mêmes. Il cherchera donc, lui, un « discerniculum de la vraie et de la fausse révélation » qui soit plutôt dans le curé que dans ses simples auditeurs et où les seconds soient complètement dépendants du premier. Dans l’ordre naturel, dit-il, la parole de quelqu’un nous fait connaître sa pensée, dont elle est comme le substitut et l'équivalent, et ainsi nous pénétrons dans cette pensée, du moins si nous sommes suffisamment dis­ posés par ’la nature. Dans l’ordre surnaturel, qui ré­ pond harmonieusement ù l'ordre naturel, il doit se passer quelque chose de semblable : une parole sur­ naturelle doit nous faire pénétrer dans la pensée sur­ naturelle dont elle émane, du moins si nous sommes suffisamment préparés A cela par l'action intérieure de la grâce. Or le prêtre qui croit intérieurement une vé­ rité révélée a par lui-même une pensée surnaturelle, c'est cet acte de foi; quand il communique cette vérité à ses fidèles, alors de sa pensée surnaturelle émane une parole que l’on peut appeler surnaturelle aussi : en effet, quand un ministre de l’Église a mission de Dieu pour transmettre la révélation, sa parole a, du fait do cette mission, une sorte de surnaturalité extrinsèque et quoad modum, comme disent les théologiens, et peut ainsi nous introduire dans sa pensée, dans sa foi surnaturelle dont elle est comme l'équivalent et le véhicule. Et puisque toute foi surnaturelle, en tant que surnaturelle,est infaillible (voir plus loin, au sujet de la foi, vertu surnaturelle),en conséquence, si l’on salsitsur le vif une âme de prêtre croyant surnaturellcment A telle proposition comme A un article révélé, on a un cri­ tère infaillible de la vérité de cet article, et du fait qu’il est révélé. Le contraire se passerait dans le cas exceptionnel où le curé enseignerait comme révélé un article faux : alors ni sa foi intérieure A cet article, ni la proposition extérieure qu’il en fait sans véritable mission sur ce point, ne peuvent être surnaturelles; l’ûmc disposée par la grâce percevra cette différence, sentira qu’ici manque le surna­ turel et par conséquent l'infaillible, et sera ainsi aver­ tie de ne pas croire l’article faux. Ccttc explication, conclut son auteur, concilie tout : elle fait une large part à ΓInterior instinctus dont parle saint Thomas et qu’invoquait Pallavicini; d’un autre côté, elle ferme la porte à cet instinct purement intérieur et personnel des hérétiques, trop indépendant de la proposition extérieure des mystères et de l’Église règle de foi. Cursus theologicus, Lyon, 1685, L i, 1. VI, q. xxn, a. 13, 14, p. 622. Critique. — S’il évite le fidéisme et diminue un peu les dangers de l’illuminisme, ce système, bien plus com­ pliqué dans son échafaudage qu’il ne paraît A pre­ mière vue, suppose, sans chercher A l’établir, plus d’un fondement ruineux. 11 part de l’ordre naturel et pro­ clame, non sans exagération, qu’il est de l’essence de la parole de nous faire pénétrer dans la pensée de celui qui parle, qu’elle en est l’équivalent. Or la parole ne manifeste pas essentiellement par elle-même les déter­ minations concrètes les plus importantes de la pensée : par exemple, si l’affirmation exprimée existe réclle1 ment dans celui qui parle, ou s'il feint de l’avoir, en I un mot, s'il est véridique ou monteur; et dans le cas 253 FOI où il dit ce qu’il pense, si ccttc affirmation est chez lui certaine ou accompagnée d’un certain doute. Puisqu’il en est ainsi, comment prouver que la parole doit manifester cette autre détermination bien plus mys­ térieuse de la pensée à savoir, si elle est ou non pro­ duite avec la coopération de la grâce invisible, si elle est surnaturelle ou naturelle? Comment prouver que la parole du prêtre, enseignant tour à tour un mystère vraiment révélé et un mystère qui ne l’est pas, doit par elle-même faire connaître à scs auditeurs que, dans le premier cas, il accomplit sa mission, et que, dans le second, il ne l'accomplit pas ? Comment prouver que sa parole leur apparaîtra, dans le premier cas comme extrinsèquement surnaturelle et rattachée a un acte de fol intrinsèquement surnaturel et infaillible, dans le second cas comme purement naturelle et rattachée A une pensée purement naturelle et faillible? Du reste, la fol est surnaturelle quoad substantiam : le surnatu­ rel quoad rnodu/n des charismes, et le surnaturel quoad substantiam, lié par essence avec h grâce sanctifiante et la déification, sont d'ordre essentiellement différent; donc une parole qui n’est surnaturelle que quoad modum n’est pas apte à nous révéler une pensée surna­ turelle quoad substantiam : elle ne répond pas à l'acte de foi dans le même ordre, comme la parole répond à la pensée dans l’ordre naturel qui a send de point de départ. La même erreur est fréquente aujourd'hui : on parle beaucoup de surnaturel, mais on abuse du vague de ce mot très général, et sous ce nom on traite sem­ blablement des choses fort différentes, appliquant à toutes les espèces de surnaturel certaines propriétés qui ne conviennent qu'à une seule. — Ainsi le système croule par la base ; mais de plus, l’expérience le dément: les fidèles, même avec la grâce qui les aide, n’attei­ gnent pas la foi intime de leur pasteur. Il peut faire exactement le catéchisme en n’ayant pas la foi; regar­ dent-ils alors les vrais dogmes comme faussement ré­ vélés? Non; tout se passe dans leur instruction comme s’il avait la foi; ils n’ont donc pas le don de découvrir immédiatement et infailliblement dans sa parole même s’il a ou s’il n'a pas la foi; on ne pénètre pas ainsi dans la vie intime des autres. Ils seraient d'ailIcurs bien embarrassés de saisir, même dans la plus vague des conceptions, la différence qu’il y a entre un acte naturel et un acte surnaturel, entre un acte fait par la nature laissée à sa seule activité, et un acte fait par la nature élevée; ces questions trop ardues les dépassent. Enfin, si le curé présentait de bonne foi comme révélée une vérité qui ne l’est pas, il ne s'aper­ cevrait pas lui-même qu’il agit autrement que dans les cas ordinaires, il penserait agir en vertu de sa mis­ sion. et il croirait pouvoir faire là-dessus un acte de fol divine, et rien no lui indiquerait que son acte de foi n'est pas alors intrinsèquement surnaturel : et vous voulez qu’un enfant, qu'une bonne femme en voient plus long que lui sur ses actes ù lui? Vous voulez leur donner un esprit prophétique qui pénètre le secret des coeurs? Que d'inconvénients à répandre d’uno manière générale ce don miraculeux sur les ignorants et les simples ! Aussi Dieu ne l’a-t-il pas fait Conclusion. — Trois théologiens, d’une grande Ingé­ niosité, sc sont mis l’esprit à la torture pour trouver une suppléance surnaturelle qui puisse donner un ca­ ractère d’infaillibilité et d'infaillibilité reconnaissable expérimcnüilcmcnt, à la connaissance que les simples ont du fait de la révélation, antérieurement à la foi. Chacun d'eux a détruit par de bonnes raisons l'oeuvre de son prédécesseur, mais nul d’entre eux n'est arrivé à proposer quelque chose d'acceptable. Aussi la masse des théologiens ne les a pas suivis, et. Instruite par l’insuccès de leurs tentatives, s'est attachée de plus en plus à ces deux principes : a) une certitude relative et non infaillible de certains préambules de la foi suf­ | 1 i I 254 fit aux simples, en sorte que ni leurs motifs naturels de crédibilité, ni même la suppléance de la grâce ne doi­ vent leur en donner avant la foi une certitude meil­ leure; b) la grâce qui aide la crédibilité n’est pas en général une révélation proprement dite, ni un miracle que l’on puisse constater; elle ne tombe pas sous l’ex­ périence, du moins en tant que surnaturelle, et certainement surnaturelle ; elle n'agit pas ut quod, à la façon d’un objet, dont la sumaturalile perçue fournirait un nouveau motif de crédibilité, infaillible celui-là. I-a réfutation la plus détaillée de ces systèmes se trouve chez Haunold, loc. cil. Muniessa l'abrège» De provi· dentia Dei, de fide divina, Sara gosse, 1700, disp. V, n. 109 sq.» p. 489 sq. Kilber est encore plus bref, dans Theol. Wirceburgensis, L rv, n. 178» 179, ou dans Migne, Thcologiæ cursus, t. vi, col. 545, 548-551. 3° Système de la suggestion divine. — Les anciens théologiens qui le soutiennent appellent cette grâce species suasivæ, ou illustratio suasiva, ou apprehensio suasiva. Voir, par exemple, Gormaz. qui en cite plu­ sieurs autres, et discute amplement la question. Cursus theologicus, Augsbourg, 1707, L I, De fide. n. IC I sq., p. 743 sq. Nous traduisons leurs appellation*; un peu vagues par le mot de < suggestion », parce qu'il nous parait rendre assez bien leur pensée, si l’on prend ce mot au sens précis et très connu qu’il a acquis de nos jours, depuis la découverte de l'hypnotisme et l'étude des phénomènes qui s’y rattachent de près ou de loin. Celui qui en · suggestionne » un autre lui fait faire à son gré des jugements et des actes divers; nous ne nous occupons ici que des jugements. Disons tout d’abord qu'il ne peut pas être Ici ques­ tion d'une « suggestion » telle que, sans aucun motif intellectuel, sans aucune preuve, par un entraînement purement aveugle et purement instinctif, l’homme arrive à affirmer une proposition qui a besoin de preuve, comme le fait de La révélation. Une telle inter­ vention divine supprimerait l’exercice de la raison conduisant à la foi, c'est-à-dire qu'elle introduirait le fidéisme déjà rejeté. Voir col. 174 sq. Le concile du Vatican écarte une fol aussi déraisonnable : Dieu, dit-il, n donné des preuves du fait de la révélation, ut fidei nostrœ obsequium rationi consentaneum esset. Licet fidei assensus nequaquam sit motus animi aecus, dit-il encore. Sess. III, c. m, Denzinger, n. 1790, 1791. Enfin Dieu dans sa sagesse conduit les êtres confor­ mément à leur nature, que le surnaturel ne détruit pas, mais perfectionne : or la nature et l’état normal de notre intelligence est de ne pouvoir affirmer sans aucun motif intellectuel. Voir Croyance, L ni, col. 2371, 2372. Il faut donc supposer d’abord un motif de crédibilité, sur lequel s'exerce la raison, mais un motif qui n’obtienne pas une ferme et complète con­ viction. soit défaut réel de valeur intrinsèque, soit Inhabileté du sujet à saisir pleinement cette preuve, soit concours de circonstances difficiles et trou­ blantes. La grâce viendrait alors non pas ajouter un nouveau motif, mais simplement ajouter à celui-ci une force persuasive (d'où le mot cïllluslratio suasiva); elle agirait ut quo, sans même que l’on s'en rendit compte, de manière à provoquer l’assentiment ferme, au moins avec une coopération de la volonté bien dis­ posée. Quand même un homme ne pourrait pas en persua­ der un autre de cetto manière, disent les défenseurs du système, s'ensuit-il que Dieu ne le puisse, lui dont la puissance atteint à fond les facultés qu’il a créées? D’ailleurs, l'homme lui-même sans ajouter un nou­ vel argument pour l'esprit, en faisant appel aux sensa­ tions, au sentiment, à l'âme tout entière, peut ren­ forcer la preuve rationnelle. « La même preuve, dit Mayr, qui, proposée languissamment par un mauvais avocat, no fait pas d'impression, en fera une très 255 roi 250 grande, si elle est présentée par un Cicéron ou un actc”intcllcctucl de l’homme, l'acte de fol, quoique Démosthène avec art et passion; l’art de la parole surnaturel, reste imparfait; aussi la foi cesseru-t-t*lle excelle à proposer les motifs d’une manière persua­ au ciel pour faire place à la claire vue. Pourquoi donc sive. » Theologia scholastica, Ingolstadt, 1732, t. i, s’étonner de trouver, dans le vestibule de la foi, une tr. VII, n. 501. p. 150. Et très souvent, au barreau, à préparation rationnelle qui se ressente de l'imperfec­ la tribune, les orateurs n’ont qu’un argument pro­ tion de notre intelligence? Enfin, parmi tous les actes de foi, ceux dont la préparation rationnelle est néces­ bable à faire valoir. La grâce ne pourra-t-cllc pas a sairement la plus médiocre se rencontrent chez les fortiori ce que peut l'éloquence naturelle; surtout, si en simples, chez les enfants; faut-il se scandaliser si même temps elle détourne l'esprit des difficultés ct Dieu adapte son action bienfaisante à la faiblesse de des arguments contraires, ce qui évidemment ne dé­ leur esprit, et ks traite dans l’ordre surnaturel comme passe pas son pouvoir? Dira-t-on que cette habileté est malséante à l’action divine? Non, si elle a une lin | ceux qui les instruisent, qui les élèvent, qui les inté­ ressent, qui les émeuvent, les traitent dans l'ordre digne de Dieu, s’il s’agit par exemple de venir au se­ cours d’un faible qui ne peut se défendre contre d'o- i naturel? Voir Croyance, t. ni, col. 2376. b) Quant à l'existence et à T universalité d’une telle dieux sophismes, de l’amener malgré tout Λ la foi qui grâce, on ne doit pas la supposer dans tous les chré­ sauve, ou de lui maintenir la sécurité ct le bonheur de sa foi. Cf. Mayr, loc. cil., n. 500. Un autre théologien i tiens et dans tous leurs ne tes de fol, en sorte qu’il y ait toujours insuffisance des motifs rationnels â pro­ du même temps, Ulloa, allègue pareillement en fa­ duire un assentiment ferme, ct toujours suppléance veur du système la puissance d’un orateur humain, surnaturelle au moyen de cette suggestion divine. — Theologia scholastica, Augsbourg, 1719, t. m, n. 107, Ce serait faire tort à la valeur de l’apologétique chré­ p. 119. « Bien des gens, ajoute-t-il, s’imaginent que tienne ct catholique, chez ceux à qui elle est fami­ toute manière possible d'amener l’intelligence Λ l’as­ lière; personne alors ne pourrait plus rendre raison de sentiment doit se réduire aux seuls arguments, au seul notre foi. Ce serait contredire le concile du Vatican, tapage des raisons objectives. 11 n'en est rien. Sans qui nous parle de « signes très certains de la révéla­ apporter d’arguments distincts de la vérité qui a be­ soin de preuve, on peut la persuader simplement, par , tion, » de · notes manifestes de l’institution divine de l’Églisc, » c. ni, Denzinger, n. 1790, 1793 : il faut donc exemple, en l’expliquant... On apportera de bonnes bien que ces signes soient manifestes au moins pour comparaisons (qui ne sont pas des raisons, mais) qui quelques-uns, et suffisent à les faire adhérer ferme­ la feront comprendre : souvent, parce que nous com­ ment au fait de la révélation, du moins en supposant mençons à comprendre ce qu’on veut nous dire, 11 chez eux des bonnes dispositions morales qui peuvent nous arrive de l’admettre comme vrai. » Le sentiment agit aussi : < Parce qu’un événement nous est odieux demander, elles aussi, la grâce, mais une autre espèce de grâce qui aide la volonté. Même chez les enfants et ou agréable, nous en avons parfois le pressentiment. » les simples, souvent les causes naturelles, comme nous Loc. cil., n. 109, p. 120. Pourquoi donc ne pas recon l'avons dit à propos du système de Pérez, voir col. naître une semblable influence à la grâce? Pendant 248, suffisent amplement à expliquer la fermeté de que le catéchiste, le prédicateur, ou le bon livre agit nu dehors, · Dieu renforce au dedans ccs moyens exté­ leur assentiment aux préambules de la foi, ct alors pourquoi demander inutilement cette suppléance sur­ rieurs, en imprimant dans l'âme une vive lumière, naturelle? Ils croient fermement au fait de la révé­ ou une tendre dévotion, ou les deux à la fois, ou une lation, comme ils croient fermement aux autres faits haute estime, même sans douceur spéciale, ou une historiques qu'on leur enseigne; et qu’on ne dise pas grande horreur de toute contradiction. » Loc. ciL Critique du système. — a) La possibilité d’une telle que les faits miraculeux ou les mystères sont pour eux plus difficiles à admettre : l'enfance va d'instinct au grâce ne parait pas niable. Si un grand orateur — non pas peut-être quand il s'adresse à des esprits critiques merveilleux, et admet aisément, sur le témoignage de scs éducateurs, même Tin vraisemblable. Réservons et déliants, habitués à disséquer l’éloquence ct qui ne sont pas pour elle de < bons sujets » à expérimenta­ donc cette suggestion divine, comme une explication tion — mais quand il agit sur les foules, a la puissance plausible, aux cas difficiles ct critiques où elle est en quelque sorte nécessaire, ou du moins utile. — Quel­ de les persuader malgré l’imperfection de scs preuves, ques-uns des défenseurs de ccttc « illustration suaet d’ajouter du poids à scs raisons par des forces prises slve », trop soucieux d’agrandir son rôle, l’idcntllient en dehors de la sphère de la raison, par la vibration avec la grâce prévenante sans laquelle nul ne peut d’une voix sympathique et l’énergie du geste, par la fascination du regard, par la force d’afllrmation qui, faire l'acte de fol salutaire, d’après les Pères ct le con­ éveillant l'instinct d’imitation, devient contagieuse, en ( cile de Trente. Sess. VI, can. 3, Denzinger, n. 813. un mot par un véritable phénomène de · suggestion », Ainsi fait Ulloa, loc. cit„ n. 86, p. 111; n. 87, p. 112; cf. p. 114,117, 118. Si cette identification était juste, Dieu ne doit-il pas avoir dans les trésors de sa toutepuissance, sous une forme 1res supérieure, des moyens le rôle de cette suggestion divine serait universel analogues d’influencer l’âme ct de la persuader? On comme celui de la grâce prévenante. Mais ils ont ne peut nier par ailleurs la convenance de leur emploi. tort : cette suggestion de la grâce, qui vient renforcer Il est vrai qu’on a attaqué l’éloquence elle-même en des motifs Insuffisants au lieu de laisser les causes disant qu'il serait plus digne, plus sincère d’exposer secondes suivre leur cours ordinaire, appartient par là sèchement ses misons : mais tant que les hommes, et même à ce que les théologiens appellent le surnaturel surtout les simples, seront des êtres de passion ct non quoad modum; l’assentiment ferme qu'avec son appui pas de purs cerveaux, c’est faire tort à la vérité que donnera l’esprit au fait de la révélation, ne différera pas de ne pas se servir, pour la défendre, de sensations ct en lui-même, quoad substantiam, d’uno croyance ferme de sentiments bons en eux-mêmes, de n’opposer aucun quelconque, il aura seulement été produit, en partie, entrainement instinctif, aucune impulsion du cœur, d’une manière extraordinaire et en quelque sorte mira­ aux entraînements multiples qui, si souvent, favo­ culeuse. Au contraire, la grâce prévenante demandée risent le faux, et de ne pas savoir les combattre sur par les conciles avant toutjacte de foi salutaire implique Leur propre terrain. Ne soyons pas trop fters, d'ail­ un acte essentiellement différent des actes naturels, leurs. de la dignité de notre raison, si singulièrement appartenant à l’ordre des vertus infuses, de la grâce liée Λ la matière: · Parmi les substances Intellectuelles, sanctifiante, de la déification; c’est une autre espèce de dit saint Thomas, les âmes humaines sont les plus surnaturel, le surnaturel quoad substantium, le surna­ Inümcs. » Sum. theoL, 1·, q. lxxxix, a. 1. Et comme turel délformc. Il n’y a donc pas d'identification pos- 257 258 siblc. Voir Grâce, Surnaturel ct ce que nous dirons de la foi comme vertu surnaturelle. 4° Système de la double crédibilité. — 1. Exposé. — Quelques théologiens de nos Jours sc sont posé à leur tour le problème de la grâce dans la crédibilité : ainsi le P. Gardeil. Partant de la distinction fondamentale que nous avons déjà signalée, il décrit bien les deux manières d'agir de la grâce, ut quo, ct ut quod. Tantôt les « suppléances surnaturelles » n'ont qu'une sorte d’influence « motrice » écartant les obstacles, favori­ sant l’adhésion, clics n’agissent pas comme des objets présentés h l’esprit : tantôt, au contraire, clics peuvent être remarquées ct par la réflexion « transformées en arguments à l'appui de l'existence du témoignage divin, » ct devenir ainsi motifs de crédibilité. Voir Crédibilité, L ni, col. 2202; ct pour plus de déve­ loppement, La crédibilité ct l'apologétique, 2· édlL, 1912, Appendice B, p. 318-320. L'auteur admet en termes équivalents la possibilité de ccs suppléances que nous avons nommées la suggestion divine et le miracle interne servant de motif de crédibilité; il affirme · que nous ne pouvons ni ne devons limiter l’ac­ tion divine; que Dieu peut incliner une intelligence à adhérer en toute vérité à une proposition qui ne lui est que très insuffisamment justifiée, rationnellement par­ lant; que, par la lumière et l’inspiration de sa grâce, il peut même suppléer totalement la crédibilité ration­ nelle. » La crédibilité et l'apologétique, p. 325. Notons que, dans ce dernier cas, c'cst plutôt la crédibilité « ordinaire » que la crédibilité · rationnelle » qui est suppléée, car la raison sc retrouve toujours, avant la fol, dans l'examen de cc miracle interne qui lui sert de motif. Le P. Gardeil reconnaît que cc cas du miracle interne n'est pas le cas normal; mais < pourvu que l'on n'érige pas en critère normal ct universel de la révé­ lation ccs suppléances totales, cc qui serait tomber dans les erreurs protestantes, rien no défend à ceux en qui Dieu intervient de ccttc façon de sc servir des convictions que Dieu leur met au cœur pour leur usage individuel. » Ecvue pratique d'apologétique, 1908, t. vu, p. 199. De ccs principes incontestables, le P. Gardeil passe à une théorie qu’il regarde comme génératrice de tout le reste de son livre, /tenue pratique d'apologétique, loc. cil., p. 272. ct qu’il est d'autant plus important d'examiner, qu’elle sc réfère au cas normal, à la cré­ dibilité de tout le monde, ignorants ct même savants. Prenons un homme h qui l’on vient de démontrer le fait du témoignage divin par les meilleurs motifs de crédibilité, qu’il est tout â fait capable de saisir : convaincu, du reste, ct non moins raisonnablement, de la véracité divine, et de l’obligation qu’il y a de croire très fermement quand Dieu témoigne, même en des matières obscures et mystérieuses, il conclut, en face de tous ces préambules, non seulement : cre­ dibile est, mais encore : credendum est. Toutefois, affirme notre auteur, il ne peut prononcer le creden­ dum que d’une manière conditionnelle : si possibile est (credere), credendum esl. Voir La credibililé et Γ apo­ logétique, 2" édit.. Appendice C, p. 329. Pourquoi ccttc condition, si possibile est? J-a première édition l’ex­ pliquait davantage : < S'il s’agissait d'un acte de fol humaine, procédant des seules forces de la nature, il serait exigible aussitôt, les garanties morales ayant la certitude nécessaire pour autoriser le passage du credibile nu credendum. ♦ Mais comme il s'agit d’un acte de fol divine, c'est-à-dire surnaturelle, produit de la nature élevée pnr la grâce, tout reste subordonné à la possibilité de ccttc élévation, « à la possibilité pour une nature humaine d'émettre l’acte de fol divine, » possibilité sur laquelle la simple raison n'est pas suffi­ samment renseignée, parce qu’il s'agit là d’un mys­ tère do la grâce. « Il y a donc do l’inachevé dans lo DICT. DE THÉOL. CATH0L. jugement pratique... Je ne saurais dire, sans restric­ tion du moins, credendum est... Pour que l’homme puisse prononcer catégoriquement le credendum esL.. l'intervention surnatun-llc de la cause divine est nécessaire. » La crédibilité, P· édit., p. 20, 21. Il faut donc nécessairement distinguer du premier credendum, qui ne peut que rester en suspens, un second credendum, qui seul est catégorique; ct il faut une grâce spéciale pour faire passer du premier au second. Le premier de ces jugements pratiques exprime la « crédibilité rationnelle », celle qui regarde l'intelligence laissée Λ elle-même; le second exprime la < crédibilité surna­ turelle », celle qui regarde l'intelligence élevée, · l'in­ telligence enrichie, ou en voie d'être enrichie, de la vertu de foi surnaturelle. » Voir Crédibilité, vol. 2210. On volt que le P. Gardeil ne se propose pas d'ex­ pliquer en détail le secours que la grâce donne ou peut donner aux jugements spéculatifs qui précédent la foi, et particulièrement au jugement sur le fait de La révélation, surtout quand il s'agit des simples. Il con­ centre sa principale attention sur le jugement pratique, credendum est : c'est seulement celui-ci qu'il croit né­ cessaire de dédoubler; ct c'est en ce point que consisto l'originalité du système, ct qu’il diflêrc de tous ceux que nous avons précédemment exposés. 2. Critique. — a) Ce dédoublement de la crédibilité paraît Introduire une complication qui contredit la sim­ plicité des faits. Voyons ce qui se passe. Quand un infidèle, aidé par la grâce, est convaincu rationnelle­ ment des préambules de la foi et que sa volonté ne fait pas d'obstacle, il dit catégoriquement du premier coup : credendum est, sans aucune restriction ni condi­ tion. Il Ignore la vertu infuse ou la surnaturalité quoad substantiam de l'acte de foi, ct les missionnaires ou catéchistes n'ont pas coutume de l’en instruire : il lui suffît de savoir vaguement, comme aux premiers siècles de l’Églisc, qu’il faut un secours de la grâce pour arriver à l’acte de foi, ct que ce secours ne lui est pas refusé. Il n’a pas in moindre Idée de deux Jugements pratiques de crédibilité b faire l’un après l’autre, l’un rationnel, l’autre surnaturel, l’un conditionnel, l’autre catégorique. — b) Les Pères n'expliqunknt pas davan­ tage aux fidèles de leur temps l’élévation de la nature à faire un acte surnaturel, ce mystère de la grâce dont La raison ne voit pas l’impossibilité, mais ne volt pas non plus la possibilité, ct qui doit la faire hésiter au moment de dire : credendum est. Au contraire, ils se contentaient de comparer l’acte de foi divine à l’acto naturel par lequel nous croyons tous un grave té­ moignage humain, sauf le surplus de fermeté quo mérite naturellement le témoin hors ligne qu’est Dieu. Voir col. 110 sq. Ils supposent donc que Dieu mettra dans l’acte la surnaturahté nécessaire sans que l’homme ait besoin de s’en préoccuper, ni d’en être averti parune Illumination spéciale, ni d’y proportion­ ner son Jugement de crédibilité. — c) Saint Thomas suppose que les motifs rationnels de crédibilité font voir le credendum du premier coup, et sans aucune condition ni réserve, quand il dit : Non crederet nisi videret ea esse credenda, vrl propter evidentiam signo­ rum vel propter aliquid hujusmodi. Sum. theol., II* I lr, q. i, n. 4, nd 2··. Le P. Gardeil cherche à expliquer ce credenda au sens impropre d'une aptitude seulement éloignée de la chose à être cnic : ct cela sous prétexte que les mystères de la fol sont, dans le contexte, con­ sidérés seulement in generali, scilicet sub communica­ tione credibilis. La crédibilité el l'apologétique, 2· édit., p. 55. Mais c’est une propriété commune à tout Juge­ ment de « crédibilité », qu’il ne pénètre pas dans le fond de la vérité du mystère ni dans sa démonstration in­ trinsèque et particulière, ct qu’il so contente de l'at­ teindre par le dehors ct par un moyen général, lo témoignage constaté par des signes, in generali, sci· VL - 9 259 FOI licet sub communi ratione credibilis. Voir CrédibtutI., coi. 2203. Si donc ces dernières paroles de saint Thomas signifiaient une aptitude « seulement éloi­ gnée », elles éloigneraient, elles repousseraient égale­ ment le second jugement de crédibilité qu'imagine le P. GanleU il en faudrait un troisième plus rapproché de la foi, ou plutôt, comme ces paroles tombent sur tout jugement de crédibilité, nous demeurerions éternelle­ ment privés du jugement plus rapproché qu'il exige. Son exégèse de saint Thomas, si elle était probante, prouverait donc trop pour le système lui-même. — d) Comment se fera le passage du premier jugement do crédibilité au second, du conditionnel au catégori­ que? Par quoi sera-t-il légitimé? Par une illumination de h grâce, répond l’auteur. Mais cette illumination de h grâce sera-t-elle reconnue comme telle ct agirat-elle objectivement sur l’esprit (ut quodyi Ou bien aura-t-elle une influence purement invisible, élévatricc ou motrice (ut quo)*l II faut choisir entre ces deux explications, ct toutes deux sont insoutenables, ce qui montre l'impossibilité de ce rôle de transition que l'on veut ici faire jouer à la grâce. Voyons succes­ sivement les deux explications : a. L'auteur semble préférer la première, lorsque, du fait même de l’existence d'un jugement de crédibi­ lité catégorique, il déduit l'existence d'une grâce pour le faire, en ces termes : « Le caractère conditionnel du jugement antérieur de crédibilité a disparu. C'est donc que la condition a été remplie, c'est donc, tout Juge­ ment ne sc légitimant que par des motifs objectifs, que la possibilité pour mol de réaliser l'acte de foi sur­ naturelle m’est apparue. Comment cela? Ce ne peut être en vertu de motifs rationnels, Impuissants à four­ nir la preuve de cette possibilité effective. C'est certai­ nement par l'cfïct d’un secours actuel, d'une illumi­ nation de mon intelligence qui me représente actuel­ lement les vérités de foi comme bonnes à croire, effec­ tivement ct sans la moindre réserve. » La crédibilité, lr· édit., p. 23,24. Port bien : mais si je suis certain de la présence d’une grâce qui m’incline à croire, si par elle Je vois ce que lout moti/ rationnel était impuissant d me faire voir, j’ai en mol une révélation, ou du moins un miracle interne constaté avec certitude; ct comme il ne s’agit pas *ci d'un cas exceptionnel, mais du cas normal, de I explication générale de la crédibilité chez tous les fidèles, nous retombons dans un discer­ niculum experimentale analogue à celui de Pallavicinl ou d’Esparza. — b. Si l’auteur préférait donner ici à la grâce un rôle inaperçu, en sorte qu’elle ne pourrait sc changer en motif objectif, nouvel inconvénient : comment alors Justiflera-t-ellc à nos yeux le passage que nous ferons à un nouveau jugement jusque-là Impossible faute de motif, à un jugement non plus conditionnel mais catégorique? L'auteur vient de dire lui-même avec beaucoup de raison que « tout jugement ne sc légitime que par des motifs objec­ tifs. » Disons donc, pour éviter tous ces inconvénients, qu’il n’y a qu’un seul credendum es/, catégorique du pre­ mier coup, légitimé objectivement par les motifs de crédibilité rationnelle sur lesquels il s’appuie; ct d’autre part, aidé par une grâce inaperçue s'il en est besoin. Il peut en être besoin à deux titres, pour deux buts : Loc. cit., p. 244. C'est expri­ mer élégamment que la grâce, dans la foi, agit non pas objectivement, ut quod, mais subjectivement, ut quo. M. Rousselot rejette le discerniculum experimentale. Voir ce que nous avons cité de lui, col. 243. Pour ex­ pliquer cette sorte d’influence qui sc tient du côté du sujet ct complète celle de l’objet, il cherche dans l’or­ dre naturel des exemples de cette illumination des données objectives par une perfection subjective, science acquise, habitude, génie, p. 251-253. Et com­ bien plus efllcacc sera le principe surnaturel ! Comme nous l’avons dit en admettant h possibilité d’une • suggestion divine », voir col. 255, la grâce peut faire joindre avec certitude .à l’esprit humain deux tenues dont par lui-même il ne saisit que très imparfaite­ ment la liaison. « Il suffit pour cela que ladite liaison soit réelle, » p. 258. En fait de grâce, l’auteur met en relief (peut-être trop exclusivement) la vertu infuse de foi : il a été frappé de ce fait que saint Thomas, quand il veut montrer l’influence de la grâce sur la crédibilité, prend pour exemple V habitus fidei, et ex­ plique son influence par des résonances de sympa­ thie ou d’antipathie dans la partie affective, telles qu’elles se passent dans une vertu, non pas intellec­ tuelle, mais purement affective ct volontaire, par exemple, la chasteté, en face des choses qui lui sont convenables ou qui lui répugnent; appelons cela le • rôle sympathique » de la vertu, que nous avons essayé d'expliquer plus haut. Voir col. 239 sq. Où l'auteur arrive à des explications plus originales sur le rôle sympathique de la vertu infuse de foi, c’est lorsque : a) nu lieu de l'entendre, avec les anciens théologiens que nous avons cités col. 24 1 sq., d’une in­ fluence seulement indirecte ct dispositive, soit que ce principe surnaturel · retarde » l’assentiment qu’on don­ nerait à l'erreur, comme s’exprime saint Thomas luimême, soit qu'il écarte les obstacles, les mauvaises dispositions qui empêchent de reconnaître la vérité, soit qu’il en Introduise de bonnes, M. Rousselot ex­ plique ce rôle sympathique par la nature même de l'intelligence qui ne serait qu'une sympathie, qu'un amour; en sorte que Vhabitus fidei, en tant qu’il réside dans l’intelligence et la perfectionne en coopérant avec elle, agirait aussi par manière d’amour. L’in­ fluence sympathique, d’après notre auteur, · ne doit pas être restreinte à certains cas particuliers d’intel­ lection, mais est la suite nécessaire d’une loi générale de l’intelligence. » Loc. cil., p. 461. Et comme on pour­ rait lui objecter que l'expérience psychologique no nous montre nullement que connaître soit aimer, il so 262 réfugie dans l’inconscient : « L’Inconscience de la sym­ pathie n'empcchc pas sa réalité. L'affirmation de l'ê­ tre, qui parait parfois imposée du dehors, par les objets, est, en réalité, l’expression de notre désir le plus intense, l’expression du charme irrésistible par lequel Dieu crée ct conserve l'âme intelligente en l’at­ tirant, en l’ordonnant à sol. » Loc. cil. Si nous ne nous apercevons pas de ce < moment sympathie », c'est qu’il est « immergé dans l’inconscient, ct c'est pourquoi l'affirmation de l’être semble, à la conscience superfi­ cielle, sc faire simplement per modum rationis, » p. 462. (Bien commodes pour les systèmes qui contredisent l'expérience, ccs suppositions gratuites d' « Incon­ scient » ! Malheureusement, elles ouvrent la porte à la négation sceptique de toute expérience psychologi­ que, qui pourra toujours, être traitée de « conscience superficielle. ») Continuons à écouter notre auteur : « Toute vision est vision d'amour, et est définie, dans l'être potentiel, par un habitus appétitif, conscient ou inconscient. La raison enchantée, pour ainsi dire, charmée, fascinée par le Dieu qui l'a faite capable de lui, n’est pas autre chose qu’un pur amour de l'Être, » p. 453, 454. · Concluons donc que, comme pour voir 11 faut des yeux, comme pour percevoir les choses sous la raison d'être, il faut cette sympathie naturelle avec Vêtre total, (sympathie) qui s'appelle l’intelligence, ainsi, pour croire, il faut avoir avec l’objet de la croyance cette sympathie spirituelle qui s'appelle la grâce surnaturelle de la foi. » p. 469. Mais sur quelle philosophie repose tout l’édifice de ces assertions? L’auteur lui-même prend la peine de nous le faire re­ marquer : · Une grande vérité se cache dans le prag­ matisme. » Il faut savoir · l'en extraire ■ en le poussant jusqu’à scs dernières conséquences. Si l'on a « pour­ suivi jusqu'au bout l’application du principe pragma­ tiste (que toute connaissance exprime un appé­ tit), on a reconnu dans l’intelligence elle-même l'ex­ pression d’une appétit ion naturelle de la suprême et subsistante Vérité. » Loc. cit. Nous ne croyons pas que saint Thomas admette le principe pragmatiste, ni cette identification de la raison et de l'amour, lui qui distingue si rigoureusement et si réellement la faculté de connaître ct celle de vouloir ou d'aimer; lui qui donne sans doute à la volonté une puissance d’agir sur Γintelligence, de commander l’assentiment, mais cela non pas parce que h volonté voit, mais parce qu'elle fait voir : ct encore, non pas par < une loi générale de l’intelligence, » qui aurait toujours besoin de volonté, mais seulement comme · un cas particulier d’intellection ». Car pour lui cette adhésion totale qu'est la certitude vient seulement quelquefois de la volonté, d’autres fols purement de l'objet : quod totaliter adhxreat uni parti..., hoc est quandoque a b tntelligibiti, quandoque a voluntate... Quandoque intellectus non potest determinari ad alleram pariem contradictionis..., determinatur autem per voluntatem..., et (sta est dispo­ sitio credentis. Quæsl. disp., De veritate, q. xrv, a. 1. En sorte que, d’après lui, cet élément d’amour, de vo­ lonté, bien qu’essentiel à la foi, qui présuppose tou­ jours l’intervention de la volonté, n’est pas essentiel à I*intelligence en général : accidentale intellectui..., essen­ tiale fidei. Loc. cil., a. 3, ad 10··. Évidemment, si nous voulons comprendre et classer avec exactitude la pensée de M. Rousselot, force nous est de reconnaître qu’lci il fausse compagnie à son guide, qu’ici il lui pré­ fère une philosophie plus moderne, tout en cherchant à orienter celle-ci vers Dieu, ce qui n’est peut-être pas pour elle un suffisant baptême; mais nous n’avons pas â réfuter dans cet article le pragmatisme. b) Ce système englobe dans l’assentiment intellec­ tuel de fol non seulement l’amour, qui, d'apres ce que nous venons de voir, serait au fond de toute intellec­ tion, mais encore cette forme spéciale d’amour qu’est 263 FOI h libre volonté de croire. Les théologiens en font un acte qui précédé et cause l’acte de fol, sans être causé par lui, bien entendu. Scion M. Roussclot, cet élé­ ment de volonté libre est purement simultané A l'acte de foi : non seulement il n’a aucune priorité de temps, mais encore « il servirait peu d’affirmer la simulta­ néité temporelle si l’on maintenait la priorité cau% de et exclusive de i un des deux éléments. » Loc. cit., p. 448· « 11 y n causalité réciproque entre l'hommage qu'on choisit de rendre à Dieu... pius affectus cre­ dendi, et la perception de la vérité surnaturelle. Du même coup, l’amour suscite la faculté de connaître et h connaissance légitime l’amour, » p. 150. Nous devrons renvoyer h critique de cette partie du système à la question de la liberté de la foi, que l’auteur, en effet, touche ici, p. 444 sq. c) Les théologiens font marcher, avant cette pré­ paration volontaire à la foi, une préparation ration­ nelle que nous avons défendue tout au long contre le fidéisme : A savoir, un jugement pratique de crédibi­ I lité, éclairant et dirigeant l’acte de volonté libre dont nous venons de parler, et présupposant lui-même, comm< une condition nécessaire pour s'éclairer, plu­ sieurs jugements spéculatifs sur les préambules de la fol. Notre auteur englobe encore dans l'assentiment de foi tous ccs jugements de crédibilité : « Dans les connaissances surnaturelles dont nous parlons, il ne faut point imaginer de · jugement de crédibilité » qui constitue un acte distinct C'est un acte identique, que la perception de la crédibilité et h confession de la vérité. Que si la perception de la crédibilité ne fait qu'un avec l’acte de foi..., il est clair qu’il n’y a plus aucune difficulté à dire, avec saint Thomas, que c'est la lumière de la foi qui montre qu'il faut croire, » p. 254. (On pourrait pourtant expliquer cc mot de saint Tho­ mas autrement, et sans aucune difficulté, voir col. 212 sq.) < Nous prétendons concentrer dans un acte unique, dit-il ailleurs, l’équivalent des jugements même « spéculatifs » de · crédibilité », jugements qu'on représente d'ordinaire comme précédant l'acte de foi, » p. 451. d) Une conséquence de cette dernière « concentra­ tion », c'est que la même grâce qui, d’après la doctrine révélée, est absolument nécessaire A l’acte de foi. est aussi, d’après M. Roussclot, absolument nécessaire pour être convaincu des préambules de la fol, au moins du fait de la révélation, du fait de l'Église et de l'obligation de croire; absolument nécessaire pour esti­ mer certaine·» les preuves de tout cola, pour avoir avec certitude les motifs de crédibilité. Et comme la grâce, absolument nécessaire a la foi, est ramenée par une autre simplification à la vertu infuse, il s’ensuit que sans ce s nouveaux « yeux · on ne peut, même avec les meilleures dispositions d'esprit et de cœur, percevoir avec certitude les preuves de la religion. ■ De ce quo les preuves historiques et extérieures de la religion pi-uv» nt être exprimées par le langage, réduites en un ensemble logiquement cohérent, et, sous cette forme, proposées à tous, l’on n’a nullement le droit de con­ clure qu’un homme puisse, sans l’illumination de la grâce, h s percevoir synthétiquement comme preuves, leur donner un assentiment vraiment certain. Que 1« s pn uves de la religion soient individuelles ou communicables, deux conditions sont nécessairement requises à leur perception : la présentation de l’objet, la possession d’une faculté spirituelle qui le puisse saisir. Dans l'un et l'autre cas, le premier élément ne sert de rien sans l’autre... Le second élément, dans k cas des preuves de la foi, est nécessairement une lumière surnaturelle... On ne peut porter sur le Christ, l’Église, les Écritures, un jugement vraiment raisonnable, qu'avec l’aide de la grâce de Dieu. » Loc. cif., p. 466. < La raison naturelle est inhabile à 264 percevoir certainement les preuves de la fol, » p. 473. • Mais, nous dira-t-on peut-être..., supposons qu'un prophète ressuscite un mort pour prouver que ses dires sont divinement garantis; l'intelligence des spectateurs ne serait-elle pas naturellement convain­ cue qu'ils sont en présence d’une attestation du Dieu infaillible? Voir Gardeil, op. cit., p. 73-96 et Crédibi­ lité, col. 2275 sq. L'exemple est clair, et fort propre A mettre en lumière ce qui nous sépare ues théologiens que nous nous permettons de contredire... C'est dans le caractère surnaturel de la vérité annoncée que nous trouvons notre motif de nier la possibilité d’un légi­ time assentiment. Mais rien ne manque A l'assenti­ ment, ni l’intelligence des termes, ni la certitude de la connexion ! Il manque un sujet apte A voir, une faculté capable d'opérer la synthèse, et tout manouc par IA... Une voie est fermée (A l'esprit), celle de l'affirmation légitime, » p. 474. Il pourra être subjectivement con­ vaincu du fait de la révélation, mais illégitimement, p. 4G7, en note. Toutes ccs assertions de M. Roussc­ lot découlent de cc principe : · L’homme ne peut voir les choses sous la raison formelle d'etre surnaturel que par une faculté surnaturelle, > p. 468. Et il expli­ que ainsi en note cette raison formelle d'être surna­ turel : < On conçoit bien qu’il s'agit ici non de la con­ naissance réflexe de l'être surnaturel comme tel (qui est une notion technique), mais de sa connaissance spontanée... A laquelle H faut comparer, dans l’intclIcction naturelle, non l'idée d'être que considèrent les philosophes, mais celles dont usent tous les hom­ mes, capables ou non de savante abstraction. » Loc. cit. 2. Critique du système. — Elle se bomera donc ici aux deux derniers points, d'ailleurs étroitement liés ensem­ ble. Ils sont inadmissibles pour les raisons suivantes : a) Si la perception de la crédibilité des dogmes est la même chose que l'acte de foi, comment le concile du Vatican peut-il parler de « l'évidente crédibilité de la foi chrétienne? » c. ni, Denzinger, n. 1794. La fol, d'après tous les théologiens, d'après saint Thomas et son disciple aussi, je pense, est une connaissance es­ sentiellement inévidentc, obscure : la crédibilité, d’après les théologiens et le concile qui sanctionne leur for­ mule, est évidente, peut être perçue avec évidence; La connaissance de la crédibilité n'est donc pas la con­ naissance de fol; une même connaissance d'un même objet, par la même lumière, ne peut être en même temps évidente et inévidentc. b) Aussi bien la vue de la crédibilité a un autre objet que la foi, et la précède d'après saint Augustin : Vides aliquid, ut credas aliquid. Quid est fides, nisi credere quod non vides? Nullus credit aliquid, nisi prius cogi­ taverit esse credendum. Voir col. 187. Et saint Tho­ mas : FIdes consistit media inter duas cogitationes, quarum una voluntatem inclinat ad credendum, et hæc præcedit fidem ; illa vero tendit ad intellectum eorum quæ jam credit. In IV Sent., 1. Ill, dlsL XXIII, a. 2, q. i, ad 2α·. Pie IX, encycl. Qui pluribus : Humana ratio ex splendidissimis hisce ac firmissimis argumentis (les motifs de crédibilité de la religion chrétienne) clare aperteque cognoscens, Deum ejusdem fidei aucto­ rem extstere, ulterius progredi nequit, sed, quavis diffi­ cultate ac dubitatione penitus abjecta atque remota omne eidem fidei obsequium præbeat oportet. Denzin­ ger, η. 1 639. La raison ne doit pas Illégitimement re­ tarder l’acte de fol : mais 11 y a cependant une prio­ rité et un Intervalle entre la claire perception du fait de la révélation par scs preuves, clare aperteque cogno­ scens,^ Vobsequtum fidet,Vucte de fol, qu'elle doit exé­ cuter A la fin. c) Avant l'acte de foi, il faut admettre la possibilité et l’existence de jugements spéculatifs de crédibilité, doués d’une légitime certitude. Soit un païen Intclli- 265 FOI gcnt et Instruit, qui, nvcc de bonnes dispositions de l’esprit et du coeur fait une séricurc enquête sur la reli­ gion. Supposons qu’il soit d'abord frappé du fait de l'Église catholique : la supposition est légitime, puis­ que, nous dit le concile, (Ecclesia) velati signum levatum in nationes ad se invitai gui nondum crediderunt. Loe. cit. Il volt dans cette Église même un vrai miracle moral, et un grand et irréfragable motif de crédibi­ lité, ob sut ni nempe admirabilem propagationem, ext· miam sanctitatem, de. Loc. cil. Pourra-t-il admettre cc motif de crédibilité avec une légitime certitude? une certitude « morale » si vous voulez, dépendante de scs bonnes dispositions, mais infaillible pourtant, et abso­ lument légitime? S'il ne le peut pas, comment l’Église est-elle vraiment « un signe de ralliement apparais­ sant aux nations, invitant à elle ceux gui ne croient pas encore! » S'il le peut, voilà un miracle, un signe de la mission divine de l’Église, perçu avec une certitude légitime par quelqu’un < qui ne croit pas encore, · donc avant la foi. Mais, objecte M. Roussclot, il ne peut per­ cevoir un signe comme signe, sans percevoir en même temps la chose signifiée; cc sont deux termes corrélatifs et inséparables dans la pensée môme. « L’indice ne peut être perçu comme indice sans qu’on perçoive en même temps, par une corrélation nécessaire..., la chose indiquée. » Très bien : mais qu’en concluez-vous? Qu’ ■ il ne faut point imaginer de jugement de crédibi­ lité qui constitue un acte distinct...,que la perception de la crédibilité ne fait qu’un avec l’acte de foi, » p.254. Un peu prompte, cette conclusion. Ce que nous pouvons légitimement conclure du principe invoqué, c’est que notre païen ne peut percevoir les signes de la divine mission de l’Église comme signes sans perce­ voir cette mission elle-même d’une manière générale. Mais percevoir cette mission d’une manière générale, cc n’est pas l’acte de foi î L’Église pourrait avoir une mission divine qui ne sc rapporterait pas à la foi divine, à la foi fondée sur la révélation surnaturelle, mais à autre chose : par exemple, à enseigner avec autorité ou même avec infaillibilité les vérités naturelles, mo­ ndes et religieuses. Notre païen doit donc encore de­ mander à cette Église, divinement garantie, en quoi précisément consiste sa mission. Et quand elle lui aura fait comprendre qu’elle est gardienne et inter­ prète d’une révélation surnaturelle, que Dieu a parlé, alors seulement notre homme, et après avoir réfléchi sur la science et la véracité divine, pourra faire le véri­ table acte de fol propter auctoritatem Dei revelantis. Donc, quand il n perçu avec certitude le fait d’une mission divine de l’Église, c’était bien un jugement spéculatif de crédibilité constituant un acte distinct de l’acte de foi, préparant celui-ci, mais d’une prépa­ ration encore éloignée. „ d) Sans la vertu infuse de foi, sans cette sorte de • faculté », on peut porter sur des miracles, sur le fait surnaturel de la mission de l’Église, ou sur celui de la révélation, un jugement de crédibilité légitimement certain. — Témoin le jugement que nous venons do considérer dans ce païen, qui est encore à une certaine distance de son premier acte de foi. Il ne peut encore avoir la vertu infuse. Car d’après l’opinion de beau­ coup la meilleure, et la plus conforme au sens obvie du concile de Trente, c’est dans la justification que l’hom­ me reçoit V habitus fidei : In ipsa justificatione... hæc omnia simul infusa accipit homo..., fidem, spem et cari­ tatem. Scss. VI, c. vu, Denzinger, n. 800. Or notre homme n’en est certainement pas encore à la justi­ fication, qui demande d’abord des dispositions, c’està-dire l’acte de fol, et puis d’autres actes qui peuvent sc faire attendre plus ou moins longtemps, comme la pénitence de scs péchés. Loc. cit.,c. vi, Denzinger, n. 798. Mais lors meme que nous suivrions l’autre opinion, qui place l’infusion de la vertu de fol avant la justifi­ 266 cation, au moment précis où se produit le premier acte de fol (en sorte que, par une causalité réciproque, d’après l’école thomiste, la vertu sert de cause efficiente pour l’acte <*t l’acte de cause dispositive pour la vertu), encore est-il que notre païen, dans ce jugement sur la mission divine de l’Église, n’en est pas même à son premier acte de foi. n’en est pas encore au moment où, d’après cette opinion, sc fait l’infusion de la vertu. Il faut donc renoncer à toute influence de la vertu infuse sur ce jugement de crédibilité; notre homme n’a pas cette vertu, il ne l’a Jamais eue, elle ne peut donc servir à expliquer la genèse de son jugement. Aussi Adam Tanner a-t-il bien limité le rôle de \ habitus en cette matière : · Quand on dit quo V habitus fidet sert à la cré­ dibilité, il ne faut pas entendre cela de la première acceptation de la foi dans un homme auparavant in­ fidèle... Mais il s’agit d’un homme déjà fidèle, par rapport aux actes qu’il fait après l’acquisition de l’habitus. · Theologia scholastica, 1627, t. in, col. 88. e) Non seulement on doit admettre des Jugements de crédibilité spéculatifs qui précèdent l’acte et la vertu de foi, comme nous venons de le montrer : mais le ju­ gement pratique de crédibilité ou de « crédtndité », quoique plus rapproché de la volonté de croire et de l’assentiment de fol, les précède aussi cependant, et même par une priorité de nature, en sorte que nous devons absolument concevoir d’abord la perception de la crédibilité, de l’obligation de croire, et ensuite la volonté délibérant sur cette obligation perçue, s’y soumettant ou ne s’y soumettant pas, arrivant par là au mérite ou au démérite; et enfin l’assentiment intellectuel arrivant à l’existence ou n’y arrivant pas. En dehors de cette succession d’actes, on ne peut expli­ quer ni l’obéissance de la volonté libre à l'obligation reconnue de croire, obedientia fidei, ni sa désobéis­ sance qui est le péché d’infidélité positive et formelle, dont l'existence est affirmée par tous les théologien avec saint Thomas. Sum. theol., II· H·, q. x, a. 1, 2. Cc péché ne pourrait jamais avoir lieu dans le système que nous critiquons. Car enfin, « ou bien l’intelligence (à qui on prêche la religion avec scs motifs de crédibi­ lité) n’est pas arrivée encore à former un jugement de crédibilité convenable, et alors la volonté n’a pas pu commander prudemment à l’intelligence l’assentiment de foi, et le manque de fol ne sera pas imputable; ou bien l’intelligence réussit de fait à former ce jugement (suffisant de crédibilité) et alors, suivant la théorie de l’auteur (identifiant cc jugement avec l’acte de foi), par là même existe déjà l’acte de foi, et l’on ne peut plus parler d’infidélité positive et tonnelle, c’est-à-dire de contradiction volontaire à la divine vérité connue » et de refus de foi. Civiltâ cattolica, 1911, L m. p. 331. Donc, le péché d’infidélité formelle ne pourrait exister en aucun cas. Cc que nous avons dit de la précédence nécessaire des jugements de crédibilité, spéculatifs et pratiques, n’n pas à souffrir de cette remarque de notre auteur : « Il semble que dans le premier acte de foi... la vérité surnaturelle est directement affirmée. Cette vérité est crue, et la · crédendité » est vue, mais comme est vu le « Je pense » dans 1’intellection naturelle. La · créden­ dité ■ est une condition de la représentation (ratio sub qua); comme l’âme qui s’éveille à la vie de l'intelligence ne prononce pas explicitement cogito, ni video, ni fidendum intellectui, ainsi l’âme qui s’éveille à la vie de foi ne prononce pas explicitement credo, ni Deus dixit, ni credendum est. Mais dans l’un comme dans l’autre cas, les trois affirmations sont réellement et implicite ment contenues dans l’assertion qui porte directement sur l’être... Ensuite, la réflexion peut les extraire, » p. 462, 463. Le rapprochement n’est pas heureux entre le premier exercice Intellectuel et le premier exercice de la fol. D’abord, parce que les premiers actes do la 267 FOI raison sont nécessairement fort imparfaits et fort confus tandis que le premier acte de foi d’une vie humaine peut être fait par un adulte très perspicace et très accoutumé à la réflexion, comme notre païen de tout â l'heure. Ensuite et surtout, parce que les pre­ miers jugements directs de la raison sur les données des sens ont pour motif l’évidence intrinsèque, sans que h question de la valeur de la raison humaine sc pose aucunement ù l’enfant, qui ne pourrait pas meme la concevoir; cc n’est pas d’ailleurs du principe géné­ ral fidendum intellectui, qu’il doit déduire chaque cer­ titude particulière, ni les adultes non plus; cela suppo­ serait un raisonnement qui détruirait toute évidence immédiate. Au contraire, la foi est une connaissance essentiellement médiate et extrinsèque, voir col. 99sq., où le témoignage, avec sa valeur, n’arrive pas après, par manière de réflexion sur la connaissance directe, mais doit être explicitement connu avant l’acte de foi, puisqu'il en est le motif. Et comme l’enfant lui-même, pours’en rapporter au témoignage de ses parents, doit d'abord les entendre parler et en avoir une grande idée, ainsi, pour s'en rapporter au témoignage de Dieu, il doit d'abord savoir que Dieu a parlé et attacher un sens et une grande idée au mot ■ Dieu · : le fidendum Deo est donc nécessaire explicitement avant le pre­ mier acte de foi, quoique plus tard, dans les actes de fol répétés par habitude, il puisse être plus ou moins implicite et confus; le fidendum intellectui, au con­ traire, n'est pas nécessaire explicitement avant le pre­ mier acte de la raison, ni même avant les autres; et, comme dit l’auteur, il est « ensuite extrait » par la • réflexion », si l’attention est éveillée par les négations du scepticisme et si l’on fait la critique de la connais­ sance. /) Dire avec M. Rousselot qu* < on ne peut porter sur le Christ, l’Église, les Écritures, un jugement vrai­ ment raisonnable qu’avec l’aide de la grâce de Dieu, » c’est déprécier singulièrement l'apologétique chré­ tienne et catholique et h valeur objective de scs preu- . vos, contrairement à cc qu’en disent les documents ecclésiastiques. Rappelons-nous qu’il est possible, d’après lui, p. 258 (et l’on ne peut nier cette possibilité, voir notre critique du système de la suggestion divine, col. 255) que h grûce, opérant sur l’esprit humain, lui fasse joindre par un jugement certain deux termes dont, laissé à lui-même, il ne voit que très imparfai­ tement la liaison, par de faibles arguments, de maigres probabilités. Ceci posé, si nos meilleurs arguments ! apologétiques, nos plus forts motifs de crédibilité peuvent sans doute nous convaincre légitimement à l’aide de la grâce de Dieu, mais sans elle ne peuvent donner a personne une certitude légitime et « vraiment raisonnable »,cn quoi diffèrent-ils, alors, des plus faibles arguments, que la grâce saurait tout aussi bien faire valoir? Comment peuvent-ils mériter les éloges que leur décerne le concile du Vatican, en les appelant divinæ reveiauonis signa certissima, c. in. Dcnzinger, n. 1790, divina institutionis (Ecclesiix) manifestas notas, n. 1793, tam multa et (am mira, testimonium irrefragabile, η. 1794? D’autant plus que h concile n· tire pas leur légitime valeur de la grâce comme si seule elle h leur donnait, mais au contraire, après avoir parlé de ccs excellentes preuves, traite de la grâce comme d’un autre secours qui vient s't/ ajouter, accedit : Cul quidem testimonio cfllcax subsidium accedit ex superna virtute, etc. Musset fait dire à un incrédule qu’un prêtre Lâche d'amener Λ h religion : « Quittons ce sujet-ci..., Je vois que vous avez le crâne autrement fait que mol. » Si de fait le cerveau d’un incrédule éLait organisé à l’opposé de celui d’un croyant, si l'objet variait du tout au tout suivant h faculté du sujet, en vain pré« nierait on des motifs de crédibilité, en vain mémo 268 tâcherait-on d’amener l'incroyant à de bonnes dlspo’’ sitions morales pour le préparer à voir. N'en serait-il pas de même s'il manquait û l'incroyant une « faculté surnaturelle » nécessaire pour être légitimement cer­ tain du fait de la révélation, et qu'il ne peut recevoir qu’après avoir reconnu ce fait? Et s'il connaissait cette théorie, ne pourrait-il pas dire : · Commencez par me fournir dans mon incroyance même cette faculté qui me manque d’après vous, et alors nous pourrons causer utilement. » Et pense-t-on l’attirer par l'espoir de recevoir (et quand?) une vertu infuse qu'on reconnaît ne pouvoir lui prouver? L'auteur, à l'appui de cette assertion que la grâce (que la vertu infuse en particulier) est absolument nécessaire pour former un jugement < vraiment rai­ sonnable et légitimement certain » sur le fait de la révé­ lation ou de l’Église, établit, comme nous l'avons vu, ce principe que c'est seulement par une faculté sur· naturelle que l'on peut connaître un objet surnaturel, du moins comme tel. Ce principe est déjà compro­ mis par les conséquences inadmissibles qui en décou­ lent et que nous venons de signaler. 11 doit donc être faux ou du moins trop généralisé, ou exagéré. Pour le défendre, M. Rousselot en invoque un autre plus vaste dont celui-ci n'est que l'application : « C'est une loi générale de toute connaissance, dit-il, qu’il faut une communauté de nature entre le sujet et l’objet, » p. 468. Qu'elle est vague, cette communauté de nature exigée entre le sujet et l’objet ! Y a-t-il « commu­ nauté de nature » entre le fini e t l’infini, entre l’homme et Dieu? Ils ne sont ni dans la même espèce ni dans le même genre, il n’y a qu'analogie entre eux. Et ccpendans nous sommes bien obligés d'admettre que l’hom­ me a une connaissance naturelle de l’infini, de Dieu, qu’il n'a pas besoin pour cela d’etre élevé par une vertu infuse. Vous repondrez qu’il y a communauté de nature en ce sens que l’homme est un esprit et que Dieu aussi est un esprit, bien qu’in Animent supé­ rieur. .Mais, dans le même sens et avec le même vague, n'y a-t-il pas communauté de nature entre l’esprit humain d’une part, et l’Églisc, le Christ, le miracle, la révélation, de l’autre? Mais le surnaturel, objectera-t-on, est au-dessus de nos forces, de notre puissance naturelle. C'est-à-dire que nous ne pouvons pas le produire : cela veut-il dire que nous ne pouvons en aucun cas le connaître, une fois que Dieu lui-même l’a produit sous nos yeux ou qu’il nous en a, par des témoins oculaires et d'autres intermédiaires humains, fait connaître la production? tout cela, sans doute, gratuitement de sa part, car nous ne pouvons Vexiger. 11 y a cette différence entre produire et connaître, que la cause efficiente (si elle est adéquate ou principale, et non pas purement secondaire instrumentale) doit au moins égaler l’ex­ cellence de son effet, le « précontenir » comme disent les scolastiques: en d'autres termes, le moins ne peut produire le plus, ou nemo dat quoa non habet. Au con­ traire, le sujet connaissant ne tire pas son objet de lui-même, il ne le contient pas, il ne le fait pas, il le suppose î c'est le principe scolastique (principe de simple bon sens; opposé au subjectivisme, l.'objet, te­ nant sa perfection d'ailleurs, peut donc être infiniment supérieur nu sujet pensant auquel il s'adapte; et l’acte du sujet reçoit son caractère spécifique de l'cxccllcnce de l’objet en lui-même, mais combinée avec la manière imparfaite dont il est perçu, il faut tenir compte des deux éléments. N'appliquons donc pas à la connais­ sance un principe qui ne regarde que la cause produc­ trice; ne nous laissons pas tromper par la forme gram­ maticale, verbe actif avec régime direct : « connaître un objet; » il semble à première vue que l’objet soit passif, que nous le produisions par notre connais­ sance, ou qu’il dépende de nous; et pourtant c’est le 269 FOI contraire : c’est la faculté qui, bien que produisant son acte d’une activité immanente» dépend de son objet, qui est passive par rapport à lui, qui dans son acte est déterminée par lui. Le cardinal d'Aguirre, après avoir rappelé ce rapport inverse qu’a l’homme avec l'objet extérieur, quand il s’agit de le produire ou de le connaître, conclut : « Puisque la nature, considérée en soi, ne contient pas l’effet surnaturel ou miraculeux, il s’ensuit qu’elle ne peut le produire par scs propres forces; mais cela ne l'empêche pas d'en tirer une connaissance évidente, une fols qu'existe cct effet. Car l’intuition naturelle peut dépendre d’un objet miracu­ leux ou surnaturel existant, comme de sa cause formelle extrinsèque, ou qui termine la connaissance : il n’y a, on effet, aucune contradiction à cc qu’un être inférieur en ordre ou en dignité dépende d'un être su­ périeur, et le suppose existant; tandis qu’il y a con­ tradiction à cc qu'une cause cfllcicnte produise un effet qu’elle ne contient pas du tout. » S. Anselmt theologia commentariis illustrata, Rome, 1688, L I, disp. VIII, η. 25, p. 179. Sans doute, il est une espèce d'· objet surnaturel » qui échapperait absolument à notre intelligence, si celle-ci n'était élevée par une grâce intérieure, par un habitus infus. C’est Dieu perçu en lui-même par la vision intuitive. Sans même parler de sa transcen­ dance par rapport à toute créature, un tel objet échappe spécialement à la nature humaine, parce que, dans l'homme, la connaissance naturelle des choses suprasensibles est abstractive, c'est-à-dire tout l’op­ posé d’une intuition. Voilà donc un · objet surnaturel » auquel doit répondre une « faculté surnaturelle », un habitus élevant l'intelligence, le lumen gloriæ des théo­ logiens. Mais il y a un abîme entre Dieu lui-même vu face à face, et un simple signe donné par lui ou un ensemble de signes, comme le miracle ou la révéla­ tion par laquelle il témoigne : signes adaptés à nos yeux de chair ou à nos oreilles, à nos concepts abstraits et à notre raisonnement naturel sur les données des sens ou sur les causes des phénomènes : en un mot, adaptés à notre nature. Que des théologiens, par une synthèse tardive, aient étendu à ces signes (parce que nous ne pouvons ni les produire ni les exiger) le grand nom de · surnaturel », tandis que d’autres auteurs, craignant quelque dangereuse confusion, préfèrent les classer dans un ordre à part, le · préternaturel », aussi éloigné de l’ordre surnaturel de la vision intuitive que de l'ordre même de la nature, cc sont là des classi­ fications qui, comme celles de la botanique, par exem­ ple, n'ont de valeur qu’autant qu'elles sc rapprochent le plus possible de la réalité des faits, et qu’on ne doit jamais prendre naïve ment comme une vérité première, comme un principe évident, devant lequel les faits eux-mêmes soient obligés de plier. On ne doit Jamais raisonner ainsi : < Je range sous la même étiquette • d'objet surnaturel » non seulement Dieu vu en luimême, mais le miracle, la révélation, l’Églisc et scs charismes, etc. Donc, en vertu de cette classification, de meme qu'il faut une « faculté surnaturelle » pour voir Dieu, il en faudra également une pour voir les signes qu'il donne de la révélation, de la mission de Jésus ou de celle de l’Églisc, en un mot, pour faire de l’apologétique raisonnable et légitimement certaine. » Argumenter de la sorte serait subordonner le réel à l'arbitraire, la chose à l’étiquette. Non, c’est chacun des objets dénommés · surnaturels » qu’il faudra étu­ dier soigneusement et séparément, pour découvrir, d’après leur nature ou d’après la révélation, quelles sont à l’égard de chacun d’eux les conditions do notre connaissance. — Si l'objet est visible de sa nature, comme le miracle présent sous nos yeux, ou raconté par une histoire authentique, la nature intelligente, qui n'a pu le prévoir, ni le faire, ni l’exiger, pourra 270 cependant suffire à le constater quand il est donné. S'il est invisible, comme l’est pour nous actuellement le fait cschatologlque de la vision intuitive de Dieu, alors, pour qu’il soit connu de nous comme certain dans l’avenir, entrevu de loin, sous nos concepts abs­ traits de · Dieu · et de · voir », il y faut la grâce exté­ rieure de la révélation, mais rien ne prouve, en outre, l’absolue nécessité d’une sorte de faculté nouvelle pour le saisir ainsi. De tels objets, dit le cardinal Billot, • étant une fois supposée la grâce extérieure de la révé­ lation, peuvent être atteints par un acte naturel, c'est-à-dire produit par les seules forces de la nature... La vie éternelle elle-même, nous pouvons la connaître et la désirer par un acte purement naturel, sans aucun don intrinsèque élevant nos facultés. En effet, la béa­ titude surnaturelle consistant dans la vision de Dieu peut naturellement être représentée par un concept analogique, et être connue dans la réalité de son exis­ tence par le témoignage de la révélation confirmée par des signes sufllsants. Elle peut semblablement être désirée de cc désir qu’on appelle appetitus elicitus, car cc désir naturel se porte sur tout cc qui est connu comme perfectionnant le sujet qui désire : serait-il sensé d’en excepter le bien de la vie étemelle? » De virtutibus infusis, 2· édit, Rome, 1905, L i, p. 68-70. Si donc nous savons par ailleurs, par la tradition des Pères ou des docteurs basée sur les données de la révélation, qu'une grâce intérieure et surnaturelle doit d’une absolue nécessité coopérer aux actes de fol ou d'espérance par lesquels nous tendons méritolrcment à cette béatitude surnaturelle, et qu'à cette grâce nécessaire appartien­ nent les vertus infuses, cette nécessité absolue de la grâce intérieure ne provient pas de ce qu'avec le seul secours extérieur de la révélation tout « objet surna­ turel · échapperait absolument à notre faculté de con naissance naturelle, mais de cc que la faculté doit être élevée pour que l'acte ait dans son essence cette per­ fection intrinsèque spéciale qui le met en proportion avec la tin à atteindre, et le rend salutaire pour la justi­ fication, méritoire pour le ciel.· Aussi les conciles, con­ tinue Son Éminence, ont parlé avec une grande pré­ caution, quand ils parlent de h nécessité absolue de la grâce pour faire les actes mêmes de fol, d’espérance et de charité; ils ajoutent toujours cette limitation : pour faire ccs actes sicut oportet, sicut congruit ad ju­ stificationem et vitam æternam consequendam. »Loc. cit., p. 70. Enfin, si nous nous transportons dans la patrie, s'il s'agit de notre vision intuitive non pas entrevue dès à présent et en énigme, mais un jour vraiment réa­ lisée, c’est là qu’il faut absolument, pour atteindre Dieu en lui-même, pour cet « objet surnaturel » au sens le plus élevé du mot, que la faculté solt/lcvée par un habitus infus, le lumen gloriæ; et jamais un tel objet ne pourrait être atteint d'une manière quelconque, par les forces de la nature. Il serait surtout arbitraire d’établir une corrélation nécessaire et absolue entre cotte grâce extérieure du miracle et de lu révélation, que les pélagiens admet­ taient, que saint .Augustin consentait à peine à appeler du nom de grâce, et la grâce intérieure et proprement dite à laquelle appartient la vertu infuse de foi, liée intrinsèquement à h justification, à la grâce sanctifiante, Λ la déification du chrétien. Pour établir une pareille corrélation, il n'y a pas entre ccs deux termes la proportion voulue; Ils ne sont pas au même sens la « grâce », le « surnaturel ». Il y a là deux ordres différents de dons, qu'on peut appeler « l'ordre préternaturel » et « l'ordre sur­ naturel ». En sorte que le principe même de pro­ portion qu’on invoque en le pressant trop : « Il faut une communauté de nature entre le sujet et l'objet, » sc retournerait plutôt contre cette thèse nouvelle qui, lorsqu'il s’agit do constater simplement le fait FOI 272 clés qui authentiquent pour nous celte révélation. préternaturel du miracle ou de h révélation, exige du Elle suppose nu besoin une grâce intérieure qui nous côté du sujet une vertu infuse appartenant Λ un ordre facilite l'examen de la révélation et des miracles, surnaturel très supérieur à ce préternaturel. — Les grâce qui peut être seulement préternaturelle ou sur­ théologiens qui les premiers ont commencé à faire naturelle quoad modum. Elle suppose de bonnes dis­ une synthèse générale du » surnaturel » ont bien re­ positions morales,nécessaires pour le genre d’évidence marqué quelle renferme des groupes différents, qui ne doivent pas être assimilés pour ce qui est de l’impos­ morale des préambules de la fol; et l'acquisition, le développement, la conservation de ces bonne s dispo­ sibilité naturelle de connaître le surnaturel. Molina, par sitions morales a pu exiger, dans la partie affective, exemple, distingue différents genres de surnaturel, et dans la volonté, des grâces surnaturelles, ou préter­ ajoute : - Ce sont les choses surnaturelles du premier naturelles. Voilà déjà bien du surnaturel préalable genre que saint Thomas déclare ne pouvoir être natu­ pour cette « fol naturelle ». Tous ces secours étant sup­ rellement connues par aucune créature intelligente, posés, l'infidèle en marche vers la foi, s'étant ainsi meme après qu'elles sont données..., et par suite ne prouvé par des preuves rationnelles tous les préam­ pou\oir être connues intuitivement ni par nous ni par bules, l'existence, la science et la véracité de Dieu, le les anges, si ce n est surnatur llcment. » Il n'en est pas fait multiple de la révélation chrétienne en général, de de meme d’une autre catégorie de choses » surna­ l'Église et de la révélation de telle vérité en particu­ turelles ». Les démons, privés, comme on le sait, de lier, peut arriver, selon beaucoup de théologiens, à don­ toute vertu infuse et de toute grâce intérieure, ont ner un assentiment certain, basé sur le témoignage de pourtant, continue Molina, < pu voir intuitivement la Dieu, à cette vérité, par exemple : < Nous devons nous résurrection du Christ et celle de Lazare, et les autres aimer les uns les autres; Dieu nous jugera; Dieu s'est miracles de Notre-Scigneur, et savoir que tout cela fait homme pour nous sauver, » et cela sans que son était surnaturel. » Commentaria in D* D. Thomæ, intelligence soit en outre élevée soit par la vertu Lyon, 1593, q. lvii, a. 5, disp. I, p. 631, 632. Suarez, infuse de foi, soit par une grâce actuelle équivalente bien qu’il diffère de Molina par sa théorie qu'un acte et du meme ordre; du reste, cet assentiment n'est pas naturel, soit dans l'homme, soit dans l'ange, ne peut l'acte de foi théologale proprement dit, parce que, atteindre en aucune façon un objet surnaturel du faute d’élévation intérieure de la faculté, ce n’est pas genre te plus élevé — aussi M. Itousselot dans cette un acte intrinsèquement surnaturel : voilà dans quel question sc réclamc-t-ll souvent de Suarez — admet sens on l’appelle · foi naturelle ». Scot l'appelle · foi pourtant sans l'ombre d’un doute qu’on peut natu­ acquise », par opposition à la « foi infuse > qui est le rellement atteindre le surnaturel quoad modum, le produit de la faculté élevée par Vhabitus fidci\ et des miracle, une fols que Dieu a bien voulu l'accomplir : documents cités par M. Rousselot pour < l’histoire de les hommes pouvaient naturellement voir Lazare res­ la notion de fui naturelle,» il résulte que c’est à Scot suscité, l'eau changée en vin, le Christ marchant sur les que revient l'honneur d’avoir le premier établi nette­ eaux, etc. Suarez, De angelis, 1. II, c. xxx, n. 2, dans ment cette importante distinction de concepts. Voir les Opera, Paris, 1856, t. n, p. 302. Et non seulement voir Recherches de janvier 1913, p. 2-1 L Quant à l'exis­ h chose matérielle, qui était naturelle en elle-même, tence d’une pareille foi, non seulement Scot l’a admise, comme le corps vivant de Lazare ressuscité; mais en­ mais encore il semble avoir admis la nécessité de com­ core connaître le mode surnaturel par lequel ce corps mencer par faire un acte de « foi acquise » toutes les avait reçu la vie : le connaître, non pas intuitivement fois qu’on va faire un acte de « foi infuse ·; et quelques ou distinctement, mais du moins d’une manière abs­ théologiens de nos jours, en dehors de l’école scotistc, traite et générale, comme une Intervention divine en semblent no mettre que les choses se passent ainsi en dehors de l’action des causes secondes. Quoad modum réalité. D’autres ne veulent pas de ces deux actes de supernaturalem... non est dubium quin abstracte el gene­ foi, l'un naturel, l’autre surnaturel, s’appuyant tous rating cognosci possit, /actas esse (has res) pricier natu­ deux sur l'autorité divine et ayant un même objet à ram. Loe. cil., η. 4. croire; c'est une complication qui n’est pas d'nccôrd Nous avons insisté sur ce dernier point, Λ cause de avec l'expérience générale, les actes surnaturels tom­ la difficulté de la question et de son importance de nos bant eux-mêmes sous l’expéricnéc par un certain jours, où l’on parle beaucoup et un peu confusément côté; déjà Lugo a réfuté une semblable opinion. Dis­ du surnaturel. Nous n’avons rien dit de la pensée de putationes, Paris, 1891, t. I, De fide, disp. I, sect. ix, notre auteur \ur la certitude relative et non infaillible p. 95 sq. Ceux-là sc contentent de dire que la * fol natu­ qu’ont les entants et les simples du fait de la révélation, relle », si elle n’est pas une condition de la fol surna­ certitude qu’il estime insuffisante à préparer la fol, turelle, est un acte possible, au cas où la faculté n’est sans alléguer d ailleurs rien de nouveau contre la pas encore élevée, ou ne peut dans le moment présent thèse dv la suffisance : nous avons largement débattu être aidée par Vhabitus fidei. Ainsi le cas où un enfant la question et nous n'y reviendrons pas. Voir col. baptisé, à qui on aurait proposé un faux mystère 231 sq. commc révélé, ferait là-dessus un acte de foi à cause Dans un article postérieur, M. Boussclot s'efforce de confirmer son système. Voir les Recherches de science | du témoignage de Dieu; en ce qui tombe sous la con­ religieuse, Paris, janvier-février 1913. 11 s’en prend I science,son assentiment à un faux et à un vrai mystère serait le même et également certain, cl appuyé sur surtout à une certaine « fol naturelle », admise par beaucoup de théologiens; déjà dans les articles précé­ les mêmes motifs de crédibilité, et il ne percevrait la différence par aucun discerniculum, voir col. 2IG sq.; dents il l’avait attaquée et avait signalé, parmi les mais il y aurait une différence, Invisible à ses yeux, en défenseurs contemporains de cette « foi naturelle », ce que Vhabitus fidei, qui ne tombe pas sous la con­ M. Vacant, M. Bainvel. le P. Gnrdcil, le P. Hilaire de science, coopérerait à l’assentiment quand il s’agit du Barenton, te cardinal Billot. Voir Recherches, t. i, vrai, et non quand II s'agit du faux : voir plus loin, la 1910, p. 215. 11 faudrait d'abord la bien définir. Cette toi est dite · naturelle », non que la nature puisse la Ifol vertu surnaturelle; cette coopération rendrait la tirer d’eUe-mémr par le simple jeu de ses principes fol au vrai mystère un acte intrinsèquement surnaturel, immanente, sans un secours venant du dehors, surna­ tandis que la foi au faux mystère serait la « fol natu­ relle » dont nous parlons. Ainsi Lugo, op. cil., disp. IV, turel ou préternaturel. Au contraire, elle suppose d’abord et nécessairement pour chacun de scs actes n. 92, 93, p. 298, 299; Salmantlccnses, De fide, disp. 11, le s* cours préternaturel de la révélation transmise du n. 96, p. 147, 148; Kilbcr, dans Theologia W irce bu rdehors par des intermédiaires. Elle suppose les mlragensts, Paris, 1852, t. iv, De virtutibus theologicis, η.18, 273 FOI 274 p. 15; n. 196, p. 168, 169, etc. Un autre exemple, qu'ils mas · requiert rigoureusement la grâce (entendez la donnent, est celui où un infidèle, n'ayant pas encore grâce de Vhabitus fidet, ou du moins une grâce actuelle Vhabitus fidei, est arrivé par les motifs de crédibilité équivalente qui Htue la faculté) soit pour croire, soit Λ croire les articles de la fol catholique, mais quelque pour voir qu’il faut croire. » Lac. cit., p. 25. Pour croire, obstacle du côté de la volonté l’empêche de vouloir oui; pour voir qu'il faut croire, en comprenant là-de­ universellement et sincèrement sc soumettre Λ la foi; dans tous les jugements de crédibilité, tant spéculatifs son acte de foi ne serait pas surnaturel. Gentilis edo­ que pratiques, et chez les infidèles qui se convertis­ ctus fidem, nolens esse chi istianus, cum hoc posset cre­ sent à 1a foi aussi bien que chez les fidèles, non, et les dere totam fidem esse neram, ut Lcctrsia tenet : constat... textes allégués ne le disent pas. Le premier conclut quod talis nulla supernatandi gratia adjutus crederet. que, < puisque l’homme, dans son assentiment aux articles de foi, est élevé au-dessus de sa nature, il faut Cajctan, In Z·* /Z»,q. cix, a.l; dans l'édition léonine de S. Thomas, Home, 1892. t. vu, p. 298. Cf. Snlmantique cela lui vienne d’un principe surnaturel » Sum. censes. De gratia, disp. 111, n. 43, 44, dans Opéra, Paris, thtol., Il· II·, q. vi, a. 1. Il s'agit là de l’assentiment 1878, t. IX, p. 356; De fide, disp. I, n. 201, t. xi, de foi théologale, et non pas des jugements de crédibi­ p. 93. lité. De meme pour le second texte : in fide qua in Au milieu de ces opinions, notre auteur est parfaite­ Deum credimus... est aliquid quod inclinat ad assensum, ment dans son droit de blâmt r cette théorie « qu'un cl hoc est lumen quoddam, quod est habitus fidei, etc., acte distinct de foi acquise précède toujours tempoIn Roetium, De Trinitate, q. in, a. 1, ad 4··, édit. rcllemcnt l'acte de foi infuse, · Recherches, 1913, p. 12; Vivès, t. xxviii, p. 508; du reste, ce second texte sera de blâmer « le dédoublement de la foi vivante en un expliqué plus bas. Voir la foi vertu surnaturelle, sa acte de raison et un acte surnaturel, · p. 30, ou le pro­ certitude particulière. Comme M. Housse lot confond cédé qui consiste ù · appliquer sur l’acte naturel la dans un seul acte les jugements préalables sur le fait dorure du surnaturel, » p. 35, d’autant plus qu'il serait de la révélation, de l’Églisc, etc., avec l’acte de fol absurde de considérer un acte naturel qui fût ensuite lui-même, il applique naturellement dans sa pensée, à la perception de la crédibilité, ce que saint Thomas « élevé », l’élévation ne pouvant tomber que sur une faculté pour lui faire produire un acte essentiellement dit de l’assentiment de foi. Mais il ne prouve pas que saint Thomas ait fait la même confusion que lui et nous différent de l’acte naturel, et c’est ainsi que les théolo­ giens cités entendent les choses. Libre à lui de rejeter avons le droit, nous, de distinguer,avec tous les théo­ les conclusions de Cajctnn ou des Sahnanticcnses, de logiens disciples de saint Thomas, ces actes très dis­ Lugo ou de Kilber, que nous venons de citer. Mais tincts, et, quand le saint docteur parle de l* · assenti­ ment de foi, · de ne pas entendre autre chose. En face a-t-il la même liberté de rejeter l’existence de tout jugement de crédibilité antérieur A l’acte de foi surna­ de ccs deux textes qui ont une certaine apparence en turel, et de ■ concentrer » tous les jugements de crédi­ sa faveur, M. Kousselot en cite un autre que nous bilité dans cet acte? Ce n'est plus la même question : regardons comme très clairement en notre faveur, car quoi qu'on pense de la ■ foi naturelle », il faut bien il s’agit des démons qui, sans avoir Vhabitus fidei ni admettre, comme nous l'avons montré, à cause de la aucune grâce élevant leur faculté, ont la crédibilité succession des actes dans l'esprit humain, et des preu­ suffisante des révélations divines, par exemple, sur ves différentes de chaque préambule de la foi, il faut leur sort futur, Sum. theol., II· U·, q. v, a. 2; le grand bien admettre des jugements de crédibilité portant principe métaphysique sur la nécessité d’une · faculté sur tel ou tel préambule isolément, qui ne permettent surnaturelle » pour connaître la révélation ne vaut pas de faire encore aucun acte de foi ù la parole de I donc pas; autrement il devrait s'appliquer partout, Dieu, ni naturel, ni surnaturel, et qui précèdent l’in­ même aux démons. L’auteur reconnaît loyalement que fusion de la vertu de foi. En supprimant cette prépa­ ce texte « peut sembler constituer une sérieuse objec­ ration de Varie de foi par des jugements de crédibilité tion à l'interprétation » qu'il propose de la doctrine de distincts et successifs, M. Kousselot a contre lui toutes saint Thomas. Loc. cil., p. 22. Les efforts qu'il fait les écoles réunies, thomistes, scotistes, théologiens de pour sc concilier cc texte ne semblent pas heureux; la Compagnie de Jésus et tous les autres; tous depuis en fin de compte, il se contente d'affirmer simple­ des siècles ont admis ces jugements de crédibilité ment son principe métaphysique, p. 23, note 3. préalables. Un tel accord entre des écoles si facilement Ainsi, tout au plus pourrait-on dire que la pensée divisées est déjà bien remarquable au point de vue de saint Thomas reste un peu obscure, peut-être hési­ purement humain; mais de plus, un consentement si tante. D'ailleurs, dans scs aperçus souvent très brefs unanime et si durable a sa valeur au point de vue sur un sujet très compliqué, U n’a pas distingué aussi théologique de la tradition; n’est-Jl pas téméraire de nettement qu’on l'a fait après lui le rôle de la grâce s'en écarter pour introduire du nouveau? Ne laissons dans la perception première de h crédibilité, et le rôle donc pas ici la · notion de fol naturelle » et son his­ de la grâce dans la foi; l’espèce de grâce différente qui toire nous donner le change. Il s'agit, avant tout, des peut intervenir pour l’un ou l'autre de ccs buts; la jugements de crédibilité avant la fol, et il faut les nécessité de la grâce plus rigoureuse pour l’un que admettre; si, Λ les admettre, on devait arriver logique­ pour l’autre. Il passe parfois de l’un à l'autre sans ment à reconnaître aussi la « foi naturelle », tant mieux avertir. Ces considérations, à elles seules, suffiraient à pour elle; mais cette conséquence logique n’csl pas nous dispenser d’entrer dans une fastidieuse discus­ prouvée, et la fol naturelle reste une question contro­ sion de textes. Et M. Roussclot ne dit-il pas, de son versée et secondaire, qu’il ne faut pas substituer à la côté, que la théorie du rôle que Jouent dans la fol lu grâce et les dispositions du sujet « chez saint Thomas question décidée et principale. lui-même, malgré des points d’attache nombreux, Pour montrer que saint Thomas n’a admis ni l’exis­ symétriques et très remarquables, < st encore trop peu tence ni In possibilité d'une < fol naturelle », ce qui est développée. » Ici nous sommes d’accord. La différence possible après tout et demanderait une très longue vient ensuite, quand il s'agit de · développer · les discussion dont nous n’avons pas le loisir, l’auteur cite brèves indications du docteur angélique. Quelle mé­ differents textes de lui. Recherches, 1913, p. 16-21.Nous ne retiendrons que les deux premiers, parce qu’ils ■ thode suivre? M. Kousselot pense que, pour obtenir un progrès dans la théorie de l’acte de foi, il faut puiser touchent à une autre question déjà traitée tout à aux sources de la philosophie pragmatiste, nous l’heure, voir col. 210, beaucoup plus Importante que l’avons vu. « J’ai essayé d'utilber, ajoute-t-il en 1913, celle de la · fol naturelle ». Car on voudrait nous prou­ ver aussi par ccs textes que la doc trine de saint Tho­ certaines notions précieuses que la philosophie mo- deme a mises nu jour touchant la potentialité, l'appélégendcs et des mythes. Voir col. 141-142. Nous n'avons tivité, l.i volontariété de toute connaissance concep­ pas Λ réfuter ici ce pur rationalisme ou naturalisme, tuelle. > Loc. cit., p. 36. 11 tient surtout A ce que con­ cette négation a priori du miracle et de sa possibi­ lité. Voir Mikaclr. naître soit vouloir, soit aimer : « L’immanence de la volition dans I'intcllcction est, A cet égard, une des 3. Le système de M. Édouard Le Roy est plus com­ pliqué : il exige la fol A un double titre pour le mira­ notions les plus nécessaires A éclaircir. » Il voudrait utiliser < l'explication kantienne de la perception du cle, d'abord pour le produire, ensuite pour le discerner. beau, · connaître nu moyen d'un plaisir, p. 32; comme — a) Pour prouver que la fol produit le miracle, II cite les textes de l’Évanglle qui, sous le nom de « fol », si d’ailleurs toute perception du vrai pouvait sc rame­ font allusion A ce charisme particulier que l’on a ner Λ h perception du beau ! Pour nous, la méthode appelé, chez les catholiques aussi bien que chez les qui nous parait préférable sur le terrain théologique protestants, la « fol des miracles ». Voir col. 69 sq. consiste à utiliser l'immense travail qu’ont fait sur les Et 11 conclut : « Toujours la fol précède, accompagne, données de saint Thomas les grands théologiens sus­ explique l'œuvre merveilleuse... Il n'y a de miracle cités à leur tour par la providence, mieux éclairés que que par la fol... Le miracle manifeste le pouvoir cau­ lui sur certains points par de nouvelles recherches, de sal de la fol. Par lui, la foi montre qu'elle est une force nouvelles hérésies et de nouvelles définitions de efficace et réelle capable de vaincre les forces physi­ l’Église ; surtout quand on peut avoir le consentement ques... Sans doute, on peut croire sans être pour cela unanime de leurs diverses écoles. thaumaturge. Mais c’est que l'on croit d'une fol chan­ 6° Autres systèmes qui exigent, pour discerner le celante. » Annales de philosophie chrétienne, 1906-1907, miracle, non pas une grâce quelconque, mais spécifiquet. cun, p. 248, 249. On volt l'inconvénient de confon­ ment ta grâce de la joi. — Nous les indiquerons briève­ dre la fol théologale exigée de tous les fidèles avec la ment; ils diffèrent du précédent en ce que,par · grâce fol-charisme donnée aux apôtres et A certains fidèles : de foi », ils n'entendent pas la vertu infuse de foi, dont c'est de mettre tous les chrétiens dans l'alternative ils sc soucient peu, mais l'acte même de foi. Leur prin­ d'être des thaumaturges ou de n'avoir qu' < une fol cipal Inconvénient est d'enlever au miracle son rôle chancelante; » c'est d'empêcher la foi de venir jamais apologétique si nécessaire, voir col. 142, et si marqué après le miracle, ce qui est admissible de la fol-cha­ dans l’Écriture et les Pères, voir CnfiDiBiUTÊ, col. risme, mais non de la fol ordinaire des fidèles; c'est 2236-2257; car s'il n'est reconnu comme miracle de supprimer le miracle comme motif de crédibilité, qu'après l’acte de fol et en vertu de cet acte, il ne peut puisqu'il n'est plus présenté comme signe de l’origine lui servir de préparation rationnelle, et n'a pas do divine de la révélation chrétienne, mais comme signe valeur apologétique. de la foi-charisme, signe de la puissance et de l'effica­ 1. Parmi les protestants conserva tours qui ont gardé cité de la fol personnelle de tel individu; signification une conception assez exacte de l'acte de foi, plusieurs bien moins utile, et même décevante, parce que le ne veulent pas du miracle comme motif de crédibi­ miracle ne suppose pas nécessairement cette fol comme lité. Soit défiance générale de la raison humaine gâtée sa cause, et il est inexact que cette foi · le précède tou­ par le péché originel, soit craint· exagérée de la diffi­ jours » ou qu'elle soit toujours exigée dans l’Évanglle culté qu’il peut y avoir A manier le critère du miracle, comme une condition du miracle. Voir col. 69. Du soit désir de fonder la fol uniquement sur l'cxpéricncc reste, l'auteur semble réduire la < fol des miracles » A Intérieure, Ils disent que le miracle n’est pas une preu­ ce qu'on appelle vulgairement « la foi qui guérit, » ve de la fol, mais un objet de fol; que les miracles de c’est-A-dire la confiance du malade, ce qui supprimerait Jésus, par exemple, ne servent pas h prouver sa mis­ arbitrairement de l’Évanglle et de la vie de l’Église sion (quoi qu’il ait dit le contraire, voir col. 69), mais tous les miracles autres que les guérisons, tous ceux doivent être crus comme les autres faits ou enseigne­ qui sont faits sur des êtres Incapables de confiance, ments qui appartiennent nu contenu de l’Évangile. comme la multiplication des pains, la marche sur les On pourrait leur montrer que ces doux points de vue eaux, l'arrêt subit de la tempête, etc., ou même les sont conciliables entre eux, que les miracles du Christ guérisons d’hommes Inconscients ou placés A distance, peuvent être preuve de foi ou objet de foi, suivant que et les résurrections. La fausse hypothèse de la foil’on considère les Évangiles tantôt apologétlqucment confiance précédant toujours le miracle, et le condition­ comme livres historiques et humains, tantôt théologi­ nant, permet A l'auteur d’expliquer que < le miracle quement comme livres inspirés et parole de Dieu. est surnaturel...,parce que la foi » dont 11 dérive néces­ Mais enfin, selon eux, ces miracles, ne devant figurer sairement « l’est elle-même, » loc. cit., p. 250, et d'ex­ que de la seconde manière, sont seulement une des clure ainsi le sens vrai dans lequel on doit admettre choses que nous croyons, et encore no sont-ils pas que le miracle est préternaturel, c’est-à-dire : a. parce une des principales : de sorte qu’avant de les croire, on qu’il dépasse la puissance des causes secondes, au a déjà la fol et on a fait un premier acte de foi, peutêtre même beaucoup d’autres. Les miracles qu'ils rc- , moins de celles qui ont pu agir dans la circonstance donnée, et montre ainsi une Intervention positive et tiennent viennent donc toujours après la fol, jamais immédiate de toute la puissance de Dieu, approu­ avant. Notons que leur théorie, fausse dans sa généra­ vant une doctrine, garantissant la mission d’un en­ lité, est vraie de certains miracles racontés dans l'Évoyé; b. parce que nous ne pouvons pas l'exiger, parce vangilr, qui n’ont pas été faits devant un grand nom­ que nous n'y avons pas droit. Pour M. Le Roy, le bre de témoins, et dont la preuve historique est insuf­ miracle perd cette caractéristique essentielle; il de­ fisante pour nous, en sorte qu’ils n’ont pas de valeur vient, au contraire, l'œuvre propre et naturelle d'une apologétique, mais restent simplement objet de notre fol. Telle est la conception virginale du Christ, qui, i cause seconde qui est l’activité humaine, l’activité A laquelle l'homme a droit : < Un miracle, c’est l’acte pour sa mère,a été un motif de crédibilité, et même de toute première valeur,et ne l’est pas pour nous,d’après i d’un esprit individuel..., agissant comme esprit A un saint Thomas lul-mêmc. Sum. theoL, III·, q. xxix, a. 1, degré plus haut que d’habitude, retrouvant en fait» et ad 2··· comme dans un éclair, sa puissance de droit. ...On 2. Certains modernistes, et les protestants libé­ peut dire que le miracle n'est pas autre chose que raux, en disant aussi que « le miracle suppose la foi, l'acte libre porté A sa plus haute puissance, » loc. cil., que sa conception vient de la fol, » etc., entendent p. 212, ce qui est la négation du miracle tel que l’Église tout autre chose par le mot · fol », c’est-à-dire la ■ l’entend, « montrant la toute-puissance de Dieu » et naïve crédulité l’esprit légendaire, générateur des par là devenant < un signe très certain de la révélation 277 FOI divine. · Concile du Vatican, c. ni, Denzinger, n. 1700. Aussi, M. Brunschwlcg a-t-il bien noté que la concep­ tion du mlraclo chez M. I^e Boy, quoi qu'en dise cclul-cl, diffère radicalement de la conception tradi­ tionnelle. Bulletin de la Société française de philoso­ phie, mars 1012, p. 108 sq. Et M. Blondel, « que le système de M. Le Boy combine ensemble des thèses confuses et inexactes..., incompatibles les unes avec les autres au point de s'entre-détruire, délétères au point de détruire cela meme qu’elles prétendent expli­ quer et maintenir (le miracle). » Ibid., p. 153. b) Après avoir donné à la foi le rôle de · généra­ trice du miracle » le nouveau système lui donne encore celui de reconnaître le miracle, de le discerner. Ici revient, et plus man liés te ment, l’équivoque du mot « fol » : tellement que M. Le Boy, pressé par les objec­ tions du P. Laberlhonnlèrc, finit par déclarer qu'il parle de deux espèces de foi. En présentant la fol comme génératrice du miracle, « je prends, dit-il, le mol [ol dans l’acception la plus large : ce n’est... ni forcément la fol chrétienne ou, en général, la foi reli­ gieuse, ni mémo une fol légitime et fondée... Mon attention ne sc porte que sur son intensité, et sur l'éclair d'exaltation qui peut résulter pour elle de cer­ taines circonstances... C’est un fait que ht /ni guérit... Ce n'est pas (de la foi chrétienne) particulièrement que je parle, mais de la foi-confiance en général... Quelle que soit la manière dont, ultérieurement et pour d’autres motifs, on qualifiera la fol génératrice, c’est toujours comme fol-confiance qu’elle engendre la matérialité du miracle, ou plus précisément du fait qui peut être miracle (car au point de vue de la pure matérialité, miracle et prestige ne font qu’un); et c’est pourquoi les faits extraordinaires dont nous parlons peuvent être acceptés par le savant... Venons main­ tenant au discernement du miracle. Cette fols, Il s’agit bien de la fol chrétienne, puisque c'est du point de vue de celte fol que j’ai voulu Indiquer comment peut sc faire la discrimination du miracle et du prestige... Ne confondons pas fol-confiance et foi-croyance, foi psychologique et fol surnaturelle. » Bulletin, p. 151, 152. Mais alors, si la foi généiatrlcc n'a pas besoin d'être religieuse, ni même « légitime et fondée. » si c’est une foi-confiance quelconque pourvu qu’elle ait « un éclair d'exaltation, » s'il ne faut pas « la confondre avec la loi surnaturelle, » comment a-t-on pu dire ail­ leurs que le miracle est surnaturel, parce que cette foi qui le produit « l’est elle-même? » Annales.··, loc, rit., p. 250. Comment a-t-on pu dire plus haut que cette foi est « une participation vécue A des réalités divines, grâce vivifiante et libératrice? » Bulletin, p. 105. El si l’autre · fol », celle qui doit discerner le miracle, est • la fol chrétienne, » alors le miracle n’est pas fait pour persuader ceux qui ne l’ont pas, les infidèles : ce <|ul est contraire A la tradition des Pères et A saint Paul. 1 Cor., xiv, 22. M. Le Boy cherche à éviter ce dernier inconvénient : < En disant que le miracle est un signe qui s'adresse A la fol et n'est entendu que de la foi, je parle d'une fol naissante, non parfaite, qui se cherche encore, qui travaille Λ s'éprouver et à s'accroître. Voilà pourquoi le miracle peut jouer son rôle apologétique, peut concourir A la genèse de la fol qu'â un autre point de vue il suppose. Il serait indiscernable, il serait lettre moite pour qui ne posséderait aucun commencement de fol. » Bulletin, p. 107, 108. Cet adoucissement n'en­ lève pas la conti adiction avec l'Écriturc cl la tradi­ tion. « Ce n’est jamais que d’une croissance cl d’un progtès, dit M. Le Boy, non point d'une création ex nihilo, qu'il s'agit au sujet de In fol et de la grâce. » Loc. cil. Saint Paul, lui, y volt une création : < Dieu qui a dit : Que la lumière brille du sein des ténèbres, c’est lui qui a fait luire sa clarté dans nos cœurs. · il Cor., iv, 6. · Nous sommes son ouvrage, ayant été créés en 278 Jésus-Christ dans les bonnes œuvres. » Eph., n, 10. Aussi parle-t-il d'une · nouvelle création ». 11 Cor., ■'*, 17, I-cs infidèles n’ont pas une fol chrétienne « qui tra­ vaille à s'accroître : » ils n'ont pas un atome de foi chiéllcnne. Tout ce qu’ils ont, c’est la loi naturelle • écrite dans leurs cœurs, » Boni., n, 15, c’est la raison qui. aidée au besoin d'une grâce facilitante, peut et doit leur donner certains préambules de la fol, néces­ saires à la conception et au discernement du miracle, comme l'existence et la providence de Dieu, sa toutepuissance et la possibilité du miracle. Mais ne confon­ dons pas lu fol cl scs préambules : de ce que certains de scs préambules sont nécessaires au discernement du miracle, ne concluons pas que la foi chrétienne elle-même lui soit nécessaire, et qu’il ne s'agisse pour l’incroyant que d'augmenter cette fob Quant au cercle vicieux que M. Le Roy se propose d’éviter, volontler nous reconnaissons qu'il l'évite, en n’exigeant qu’une fol · naissante » pour discerner le miracle, et en réduisant le rôle apologétique du miracle A « accroître » la foi. On l’éviterait encore mieux, c'està-dire sans tomber dans d’autres inconvénients que nous avons signalés, si l’on disait que la fol proprement dite n’est requise à aucun degré pour reconnaître et discerner le miracle. A propos de cercle vicieux, nous devons signaler une autre objection de ce genre contre notre apologétique traditionnelle, contre la preuve de nos mystères par le miracle . « C’est un cercle vicieux, de prouver le surnaturel par le sumalurcL » Des erreurs opposées à l’extrême, le rationalisme allemand et le fidéisme de Bautain, ont fraternisé en nous faisant celte objection. Voir Hettinger, Théologie fondamen­ tale, L i, } 20, trad, franç., Paris, 1888, p. 282. — Béponse. — Le cercle vicieux revient â prouver une chose (qui a besoin de preuve) par elle-même : a par b et b par a, donc en définitive a par a. Mais dans notre cas, il n’y a que le mot de surnaturel qui soit identique des deux côtés, et qui donne une apparence de péti­ tion de principe ou de cercle vicieux : ce mot couvre en réalité deux choses fort différentes. La prendère, le mystère, est Inaccessible à notre expérience naturelle cl à notre raison philosophique, mais peut se prouver par le témoignage divin, dont le fait sc constate au moyen de signes miraculeux, si Dieu veut nous donner révélation et miracle, ce qui est pour nous une grâce extérieure; et la preuve est valable, car Je témoignage bien constaté d’un Infaillible témoin est une source extrinsèque de certitude. La seconde chose, le miracle, avec la fait de la révélation dont il est le signe, pour • surnaturel » qu’il soit appelé, tombe cependant sous l'expérience humaine et sous la raison naturelle, et est transmissible par le témoignage humain : c’est donc comme un pont jeté entre les mystères Invi­ sibles cl nos facultés humaines; pont de fabrication toute divine, mais ouvert A notre connaissance natu­ relle pour qu'elle y entre de plaln-picd quand il est gratuitement donné. Ainsi le surnaturel le plus caché sc trouve relié A la connaissance rationnelle par un procédé logiquement cohérent. Lorsqu'elle aborde ce procédé, la raison humaine, d’une part, n’est pas laissée entièrement A scs seuls moyens naturels, puisqu’elle dépend alors de la grâce extérieure de la révélation; mais, d’autre part, elle n’a pas besoin d’être élevée par une vertu infuse ni de recevoir ainsi de nouvelles forces intérieures, tant qu'elle ne fait encore que constater avec une certitude morale et naturelle le fait de cette révélation, avant la certitude surnaturelle de l'acte de foi, lequel peut d'ailleurs être dilléré ou même refusé. Voir ce que nous avons dit du surnaturel et du préternaturel, coL 276. — Bien des erreurs contempo­ raines sur la révélation cl la fol viennent de ce que l’on n’a pas exactement saisi l’ensemble de ce processus,qui fuit comme l'ossature de l'apologétique traditionnelle. 279 FOI VIII. Persévérance dans la foi; résolution de persévérer. — Nous abordons des questions nou­ velles et fort pratiques. En traitant de la fermeté de la foi, élément de sa certitude, jusqu’ici nous n’avons con­ sidéré qu’une fermeté d’adhésion actuelle, une fermeté de conviction pour le moment présent, et qui suffit à la certitude d’un acte de foi. Mais souvent en étend le mot « fermeté » Λ signifier une certitude habituelle, une force de conviction qui dure, ce que nous appellerons en termes plus clairs constance, persévérance dans la fol. Nous entendons une persévérance vraiment com­ plète, perpétuelle, c’est-à-dire allant jusqu’à la fin do la vie, et sans interruption soit par l’apostasie soit par un doute librement accepté. Et la première ques­ tion qui sc pose, c’est de savoir si une telle persévé­ rance est possible à tous les fidèles. Π y a contre cette possibilité deux classes bien distinctes d’obstacles. La première vient des passions et de la mauvaise volonté, puisque la certitude des préambules, condition de la possibilité et de l’obligation pratique de croire, n’est ordinairement qu’une certitude morale, laquelle dépend de bonnes dispositions morales. Voir col. 210. Ces bonnes dispositions venant à céder devant l’orgueil ou d’autres passions mauvaises, la certitude des préam­ bules de la foi peut succomber, et avec elle la possi­ bilité de croire, comme elle peut revenir par le seul fait du changement du cœur. Nous n’entrerons pas dans l’étude de cogenrc d’obstacles affectifs, soit parce que cette étude est relativement facile, soit surtout parce qu’elle ne regarde pas directement notre sujet. La seconde classe d’obstacles provient de notre intelli­ gence elle-même, de ses faiblesses et de ses besoins; leur étude est tout à fait propre à notre sujet, et com­ prend plusieurs questions intéressantes et difficiles. D’abord, question de méthode scientifique. Si l'on veut transformer la foi naïve de l’enfance en une foi par­ faitement raisonnable pour un homme instruit, ne conviendrait-il pas de l’interrompre soi-même à un certain point de la vie et de douter volontairement de toute sa religion, jusqu’à cc qu’on en ait fait une dé­ monstration rigoureuse et complète? Hermès l’a pensé. Ensuite, question de crise imprévue et soudaine où peut se trouver un croyant. Sans interrompre de sa propre initiative, à la façon d’Hermès, la foi de son enfance, ne pcut-il y être forcé, au moins pour un temps, par des circonstances telles que la crédibilité, condition nécessaire de sa foi, vienne à lui manquer sans qu’il y ait de sa faute? Cette question sc compli­ que d’une question d'équité et de droit commun à tous les hommes : nous approuvons les membres des autres Églises, quand ils doutent de la religion de leur enfance et la quittent pour entrer dans l’Église catholique : n’est-il pas équitable d’approuver aussi les catho­ liques, s’ils disent que leur conscience les force à quit­ ter leur religion, ou à entrer dans une autre? Enfin, à la persévérance dans la foi, si elle est voulue de Dieu, correspond dans le fidèle une résolution de persévérer. Cette résolution est-elle prudente, et quelle doit être sa portée? Voilà les questions qui s’oilrent à nous. Donc : 1° documents généraux de la révélation sur la persévérance dans la foi; 2° méthode d’Hermès; 3° différence entre 1’ Église et les sectes quant au doute et au changement de religion; possibilité pour tout catholique d’avoir toujours la crédibilité nécessaire et de persévérer dans la fol; 4e résolution de persévérer, et de préférer la révélation divine à tout cc qui la con­ tredit. 1* Documents généraux de la révélation sur la persé­ vérance dans la foi, sa possibilité et son obligation. — 1. Écriture sainte. — Elle montre la persévérance dans la foi comme une condition nécessaire de salut, comme une obligation. L’obligation suppose la possibilité, ad tmpsssibitc nemo tenetur ; d’ailleurs la parole de Dieu 280 qui ne peut exhorter à une chose impossible, exhorte les fidèles à persévérer dans la fol. Voir Col., i, 22, 23; n, 6-8; Hcb., x, 22, 23, 38; I Joa., n, 21; H Joa., 9. 2. Pères. — Tertulllcn, à l’encontre des hérétiques qui cherchaient toujours sans s’arrêter à rien, affirme que, quand on a trouvé la fol, il n'y a plus qu’à la gar­ der : Quærendum est donec inventas, cl credendum ubt inveneris, et nihil nisi amplius custodiendum quod credi­ disti. De prescript., c. ix, P. L., t. n, coi. 23. Saint Jean Chrysostomc commente ainsi les paroles de l’Évangilc, Estote prudentes sicut serpentes : « Comme le ser­ pent livre son corps aux coups, pourvu qu’il sauve sa tête : ainsi, nous dit le Christ, vous devez tout sacrifier pour garder la fol : les richesses, les membres, la vie même. C’est que la fol est comme la tfitc et la racine : si vous la gardez, la perte du reste sera ensuite sura­ bondamment réparée. > In Matth., homil. χχχιπ,η. 2, P. G., t. lvii, col. 390. « Que de langues contredisent la vraie doctrine ! dit saint Augustin. Pour toi, cours au tabernacle de Dieu, attache-toi à l’Église catho­ lique, ne t’écarte pas de la règle de vérité. · Enarr. in ps. jxj, senn. m, n. 8, P. L., t. xxxvi, col. 253. « Per­ sévère dans ce que tu as appris, suivant la parole de l’apôtre, ajoute saint Cyrille d’Alexandrie; dans ton Ame simple conserve la fol; et plaçant la tradition de l’Église comme une base dans le sanctuaire de ton cœur, garde la doctrine qui plaît à Dieu. > Homil. pasc., viu, n. 1, P. G., t. lxxvii, col. 558. Saint An­ selme ait du chrétien : « Qu'aucune difficulté ou impos­ sibilité de comprendre ne puisse l’arracher à la vérité, à laquelle il a adhéré par la foi. » De fide Trinitatis, c. π, P. L·., t. clviii, col. 2G3. Résumant renseigne­ ment des Pères, saint Thomas dit de tous les fidèles, même de ceux qui comprennent le moins les dogmes qu’on leur enseigne : Inlelligunt tamen ea esse credenda, et quod ab eis nullo modo est deviandum. Sum. theol., II* II», q. vni, a. 4, ad 2um. Que l’on ne doive jamais dévier de la foi reçue, voilà bien la persévérance obli­ gatoire dans la foL 3. Documents ecclésiastiques. — Le concile de Trente, après avoir dit que la justice, qui nous renouvelle intérieurement et que nous recevons dans la justifi­ cation, sess. VI, c. vu, Denzinger, n. 799, comprend les dons infus de loi, d’espérance et de charité, n. 800; après avoir rappelé les cérémonies du baptême, et comment les catéchumènes. candidats du baptême, demandent à celui qui va les baptiser - la foi, qui donne la vie éternelle, » ajoute : « Recevant donc cette jus­ tice chrétienne et véritable (qui comprend la fol), à la place de celle qu’Adam par sa désobéissance a jurdjie pour lui et pour nous comme une parure donnée par le Christ, ils reçoivent i’ordre de la conserver, après leur nouvelle naissance (leur baptême), toujours blan­ che et immaculée, pour l’apporter ainsi au tribunal de Notre-Scigiicur Jésus-Christ et obtenir la vie éter­ nelle. · Loc. cit. La profession de fol de Ple IV, ou du concile de Trente, sc termine par un serment solennel de « garder et de cqnfesser cette fol catholique... entière et immaculée jusqu’au dernier soupir très cons­ tamment, avec l’aide de Dieu, · Denzinger, n. 1000 : commentaire parfaitement clair de la phrase un peu plus enveloppée que nous venons de citer du concile de Trente. Le concile du Vatican dit à son tour : · Per­ sonne n’obtiendra la vie étemelle s’il n’a persévéré (dans la foi) Jusqu’à la fin. Or, pour que nous puis­ sions remplir notre devoir d’embrasser la foi véri­ table et d’y persévérer constamment, Dieu par son Fils unique a institué l’Église, et l’a revêtue de signes manifestes de son Institution, » etc. Denzinger, n. 1793. Tout cc passage sera expliqué plus bas. 2° Méthode c est là · douter » d’après l’ori­ surtout après la mort du maître (1831), la condam­ gine même du mot dubius : qui hscret inter duas vias. Il nation par Grégoire XVI (1835). Op. cil., p. 142-146, y aurait donc doute réel, si, par crainte de sc tromper 166-169. La bibliographie de l’hcrmésianisme est don­ dans plusieurs des convictions de son enfance, on s’ef­ née par ces deux auteurs, surtout par le P. Hurtcr, forçait à un moment donné de faire table rase de toute op. cit., col. 903-904. Nous n’avons pas non plus à certitude antérieure, de soulever des doutes contre tout exposer ici toutes les théories de Georges Hermès, mais ce qu’on tenait jusqu’à présent comme assuré, en atten­ seulement sa méthode, étroitement liée à notre sujet. dant de reconquérir scientifiquement la certitude dans Destinée par son auteur non pas à tout le monde, la mesure du possible. Le fait d'espérer reconquérir la heureusement» mais seulement à ceux qui veulent se certitude perdue, ou le lait d’appeler cc doute « mé­ préparer solidement à enseigner la religion, cette mé­ thodique » parce qu’il fait partie d’une méthode no thode part d’un doute général sur les convictions anté­ l'empêcherait pas d'être réel; c'est donc à tort que plu­ rieures portant sur les vérités de la fol elles-mêmes, y sieurs prennent comme équivalentes ccs deux épi­ compris leurs préambules. thètes : doute méthodique, doute fictif. Cette espèce On a beaucoup discuté pour savoir si le doute de de doute réel est appelée parfois « doute positif », Descartes était un doute réel ou fictif : la chose est bien sans doute à cause de l’effort positif et même violent plus claire pour celui d’Hermès, plus blâmable d’ailleurs qu’il implique contre une conviction déjà enracinée, à en cc qu’il s’attaque directement aux vérités de la foi, laquelle on tâche d’enlever cc règne paisible cl incon­ que Descartes avait tâché d’épargner. Voici comment testé qu’on appelle la certitude habituelle. Du reste, le Hennés, dans son Introduction à la théologie, expose les nom de « doute positif » ayant un autre sens en théo­ principes oe sa méthode et l’usage qu’il en a fait luilogie morale, il vaut peut-être mieux s’en tenir à même : · Au milieu de tous ces travaux, j’ai été fidèle, l’expression moins ambiguë de · doute réel ». de la manière la plus consciencieuse, à la résolution à) Le doute fidiI ne fait pas cet effort violent contre prise de douter tant que cela était possible et de ne une conviction antérieure, et ne la remet pas réelle­ rien décider définitivement, à moins de pouvoir con­ ment en question. Il sc contente de ne pas regarder stater, pour une telle décision, une absolue nécessité la preuve sur laquelle a été basée la certitude habituelle de la raison (eine absolute Nôligung der Vcrnunff). de l’objet, de ne pas l’évoquer à l'état actuel, de faire Il m’a fallu pour cela traverser, avec beaucoup d’ef­ abstraction temporairement de cette preuve et de cette forts, le labyrinthe du doute, où refuserait de s’enga­ certitude déjà conquise. Soit un mathématicien qui ger celui qui n’est jamais parvenu à un doute sérieux essaye une nouvelle démonstration d’un théorème. 11 (ernslichen Ztveifel), parce qu’il regarderait celte entre­ n’a pas besoin pour cela de douter réellement de la prise comme une peine inutile et comme une perte de valeur de l'ancienne preuve qu’il a depuis longtemps, i temps. » Puis il exprime ainsi les résultats acquis : ni de rétracter ou d’attaquer la certitude habituelle • Je suis devenu certain de l’existence de Dieu, de qu’elle a produite dans son esprit : c’est assez qu’il l’immortalité de mon âme; je suis certain mainte­ laisse de côté cette preuve ancienne, qu’il s’abstienne nant que le christianisme est une révélation divine, et d’en ranimer le souvenir au moment même où il en que le catholicisme est le vrai christianisme. » Einleicherche une autre, qu’il fasse comme si elle n’existait tung in die chrislkatholische Théologie, part. I, Philopas, comme si l’énoncé du théorème s’offrait à lui pour sophische Einleilung, 2· édit.. Munster, 1831, préface, la première fois, sans appui antérieur, sans garantie de p. x, xi. Cc · doute sérieux », enfin suivi d’une acqui- 283 EOI 284 sition <îc la certitude qui auparavant n’existait pas, 960. Π y ajoutait cependant une exigence rationnelle tout en un mot dans ce passage montre assez qu’Ù ne exagérée : au lieu de sc contenter de la preuve positive extrinsèque, U exigeait encore, avant de croire, que s’agit pas d’un doute Actif. D’après Hermès encore, le l’on eût directement résolu toutes les objections de b futur théologien ne doit «reculer devant aucun doute, · raison scientifique contre les dogmes, cc qui retarde­ mois au contraire doit les « rechercher ^au/suchen. Loc. rait extraordinairement la foi : il fait de cela une « con­ cit., p. xxvii. Il exhorte scs disciples à s’affranchir dition de notre foi » dans un passage cité par Perrone. théoriquement de tous les systèmes de théologie ct de Prælectiones, 31· édit., Turin, 1865, De locis theolo­ religion, ct à les regarder tous comme d’égale valeur. gicis, part. Ill, n. 243, p. 322. « Cet affranchissement, dit-il, n’est pas opposé, comme 3. Critique de la méthode d'Hermès. — Nous la cri­ on pourrait le croire, au doute réel, comme s’il ne con­ tiquerons au point de vue de la révélation, ct à celui stituait qu’un doute méthodique (fictif)» niais seule­ de la raison, en rappcbnt les principes de l'une et de ment à l’abandon pratique des devoirs religieux ou A l’autre qui s'opposent à une pareille méthode; puis l’apostasie proprement dite de la religion. » Loc. cit. nous montrerons les illusions ct les inconséquences do Ainsi Hermès entend que, sans abandonner la pra­ l’auteur. tique religieuse ct sans sc poser en apostat, on doute a) Les principes do la révélation exigent la persé­ réellement. Comparez les citations d’Hermès faites vérance dans la fol que l’on a reçue par renseignement par les théologiens du concile du Vatican, Collectio apostolique ct ecclésiastique; qu’on reste enraciné lacensis, t. vit, col. 530, 531 (en note). dans cette foi, que l’on ne s’en écarte pas, même sous On a vu dans notre première citation d’Hermès, que prétexte de philosophie. Voir col. 279 sq. Or le doute la seule porte par laquelle il permet de sortir du doute, réel, tel que celui d’Hermès, écarte de la foi, déracine le seul moyen légitime de décider (pour soi) définiti­ de la foi, puisque la foi est un assentiment intellec­ vement un point quelconque, c’est quand on y est tuel essentiellement ferme, excluant le doute. Voir forcé par < une absolue nécessité de h raison. > En­ col. 88 sq. Et comment observer ait-il le précepte divin tend-il par là l’évidence des scolastiques, qui déter­ de garder sa fol, celui qui volontairement « recherche­ mine l’intelligence par une réduction aux premiers rait les doutes » suivant la méthode d’Hermès? Cette principes, ou celle de Descartes qui y ressemble? Oui, méthode est donc ouvertement ^opposée aux docu­ mais pas uniquement. « Imprégné de kantisme..., ments de l’Écriturc ct de la tradition que nous avons cette raison par laquelle il sc laissait conduire du doute à la foi, dit M. Goyau, était beaucoup moins la rai­ cités. b) Les principes de la raison ct même du bon sens son spéculative que la raison pratique de Kant. Car vulgaire ainsi que les faits d’expérience condamnent la vérité ct la réalité de l’histoire évangélique ne peu­ cette méthode. — Le développement naturel ct légi­ vent, d’après lui, être admises de telle façon que time de l’esprit humain, tout le monde peut l’observer, tout doute spéculatif soit exclu; et il ne serait pas se fait comme il suit. La vérité, non sans mélange d’er­ absurde, pour la raison spéculative, d’admettre que reur, vient à l’enfant par scs parents ct scs maîtres; Jésus, en se disant Dieu, ait été trompeur ou trompé; sur leur simple parole, il acquiert beaucoup de fermes c’est à la raison pratique de suppléer. Hermès, après convictions, grâce à une docilité naturelle ct, tout bien avoir discuté si le Nouveau Testament ct la tradition considéré, bienfaisante ct nécessaire. Voir Croyance, orale sont historiquement vrais d’une façon extérieure, t. ht, col. 2380,2381,2393. Plus d’un adulte ne dépasse remet à cette raison pratique le soin de décider si la guère cette mentalité de l’enfant, ct s’en tient simple­ doctrine do Jésus, telle qu’elle est proposée dans cc ment à cc qu’on lui a jadis enseigné. Chez d’autres il sc livre ct dans cette tradition, est intérieurement vraie; ct fait, grâce à des circonstances qui le favorisent, un c’en est assez pour deviner avec quelle force lui pou­ notable développement de l’esprit. Mais cc développe­ vait être adressé le reproche de subjectivisme... A scs ment ne sera bon qu'à la condition de sc faire par de­ yeux, les commandements de Dieu n’acquéraient grés, sans à-coup, comme la croissance normale d’un force obligatoire qu’en tant qu’ils étaient intérieure­ organisme vivant; si des erreurs sc sont glissées dans ment, après examen de leur objet, reconnus conformes l’éducation, elles sont éliminées peu à peu par la ré­ aux exigences de b raison pratique. »G. Goyau, op. cit., flexion, chacune en son temps ct comme insensible­ p. 9,10. Perrone avait déjà signalé le grand rôle de la ment, ainsi que beaucoup de toxines sont éliminées par « raison pratique » dans le système d’Hermès, ct mon­ notre organisme; Il y a ainsi évolution de l’esprit, et tré l’insuffisance de cette raison pour la vraie certi­ non pas révolution. Au contraire, c’est une révolution tude ct scs autres Inconvénients. Réflexions sur la que veut Hermès. Un beau jour, abordant l’étude si méthode introduite par G. Hermès dans la théologie ardue de la philosophie ct de la théologie, le jeune chré­ catholique, traduit de l’Italien dans Migne, Démonstra­ tien qui sc destine à l'enseignement de la religion tions évangéliques, 1843, t. xiv, col. 959 sq. Qu’elle soit « s’affranchira de tous les systèmes de religion, •c'est-àspécubtivc ou pratique, Hermès fait passer du doute dire du catholicisme aussi bien que du protestantisme, à la foi par une raison · absolument nécessitante » du christianisme aussi bien que du mahométisme, du pour l'esprit. 11 ne connaît ni l’évidence « morale », ni bouddhisme, etc., ct « les regardera tous comme d’égale i*espèce de certitude vraie qui, bien qu’infaillible par valeur. » Les vérités les plus fondamentales de la vie scs motifs, dépend des dispositions morales et de la morale ct religieuse, l’existence de Dieu, l'immortalité volonté libre. Voir coL 207 sq. La « fol de connaissance » de l’âme, les premiers principes de la moralité, tom­ est pour lui sans aucune liberté, simple produit de beront d'après Hermès sous cc doute d’ensemble. raisons nécessitantes, ce qui a été condamné par le con­ Voilà donc un arbre que l’on ne sc contente pas d’é­ cile du Vatican. Voir cc que nous airons de la liberté monder, mais que l’on déracine; un champ de blé où de h foL Enfin U ne faudrait pas confondre absolu­ l'on arrache les épis avec l'ivraie. Dans cc terrible ra­ ment b méthode d’Hermès avec celle de Günther qui vint peu après lui, ct qui, bissant de côté le témoi­ vage, dans cet effrondrement de toutes ses fermes gnage divin, prétendait démontrer intrinsèquement et croyances, que va devenir cette âme, à peine sortie de philosophiquement tous les dogmes, meme la Trinité. b mentalité de l’enfant? Ne sera-t-elle pas jetée dans Voir coL 100. Hermès admet davantage b voie extrin­ des angoisses atroces, comme Jouffroy un jour, avant sèque. « Hermès, dit le P. Perrone, déclare que dans sa vingtième année. · Grâce à ccs croyances, dit-il, la h dogmatique spéciale catholique il faut puiser aux vie présente m’était claire, ct par delà, je voyais sc sources qui lui sont propres, c’est-à-dire l’Ecriture, la dérouler sans nuage l’avenir qui doit le suivre... J'étais tradition et l’enseignement de l’Église. » Loc. cil., coL heureux de ce bonheur que donne une foi vive et ccr- 285 FOI tainc en une doctrine qui résout toutes les grandes questions qui peuvent Intéresser l'homme... Je n’ou­ blierai jamais la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré. Les heures de la nuit s’écoulaient et je ne m’en apercevais pas... En vain je m’attachais à ces croyan­ ces dernières comme un naufragé aux débris de son na­ vire : en vain épouvanté du vide inconnu dans lequel j’allais flotter, je me rejetais pour la dernière fols vers mon enfance, ma famille, mon pays, tout cc qui m’était cher ct sacré... Je sus alors qu’au fond de moi-même 11 n’y avait plus rien qui fût debout. Cc moment fut aflrcux... Les jours qui suivirent furent les plus tristes de ma vie, · etc. Nouveaux mélanges, 3· édit, Paris, 1872, De l'organisation des sciences philosophiques, part. II, p. 81-84. Hermès, c’est vrai, ne veut pas qu’on reste dans ce vide; il faut « traverser, avec beaucoup d’eflorts, le labyrinthe du doute. » Mais comment se ressaisir, puisque l’esprit n’a point gardé de principes incon­ testés, à l’aide desquels il puisse reconquérir ce qu’il y aura perdu? Et en attendant ce ressaisissement dou­ teux, que restera-t-il pour soutenir la vie morale? L’imagination ct les passions, si vives â cet âge, ne pourraient-elles pas gagner la partie, surtout en face du long ct fastidieux travail intellectuel de recon­ struction difllcilc, disons impossible, qu’on impose au jeune homme? c) Illusions cl Inconséquences d'Hermès. — a. Il méprise la certitude que l’on appelle spontanée ou vulgaire, puisqu’il la traite à l’égal d’un préjugé qu’on rejette. 11 la méprise à tort, puisque sur cer­ tains points elle a une valeur absolue, sur d’autres une valeur relative qui n’est pas méprisable. Et toutefois, c’est à un esprit élevé depuis peu ct de bien peu audessus de cette certitude vulgaire, qu’il demande un miracle de construction et de démonstration : comme si une méthode purement négative, qui consiste à démolir tout son acquis, allait devenir entre des mains novices une baguette magique pour accomplir des prodiges. — b. Hermès, comme les rationalistes ct les libéraux en général, sc figure dans chaque individu une raison idéale, d’une puissance extraordinaire, que l’on peut sans danger bousculer ct mettre à toute épreuve. Qu’il l’appelle spécula ivc ou pratique, il la regarde comme capable de prouver jusqu’aux faits historiques do l’apologétique avec une force nécessi­ tante qui ne permet pas ù l’assentiment de sc dérober. Mais quand une telle démonstration serait possible chez un grand génie, parfaitement outillé pour cela, rappelons-nous que les grands génies n’abondent pas, que le temps ou les livres nécessaires à bien traiter les questions historiques font souvent défaut, cl surtout que beaucoup d’esprits ne manquent pas do tendances morbides qui les font facilement dévier, ct leur per­ mettent do so dérober Λ l’évidence morale, quelque valable qu’elle soit en elle-même; enfin, que la certi­ tude purement relative des simples, avec laquelle notre novice entre Λ l’école d’Hermès, demande ù être traitée d’une main délicate ct avec beaucoup de ména­ gements. — c. Hermès veut que son disciple, auquel il a fait faire table rase ct perdre la foi, conserve la pratique de la religion catholique. Mais sans la fol on ne peut recevoir les sacrements : une pareille fré­ quentation des sacrements sans la disposition fon­ damentale pour es recevoir, serait, d’après la doc­ trine de l’Église, non seulement infructueuse ct Inu­ tile, mais hypocrite, sacrilège ct mortellement cou­ pable : quelle préparation pour un futur ministre du culte I Déjà au xvin· siècle, Λ un savant de Genève qui voulait faire passer tout enfant baptisé « par un état de suspension ct de doute sur la vérité du chris­ tianisme, » Mgr Lefranc do Pomplgnan demandait : 286 < Partidpera-t-ll au culte publie, aux assemblées ct aux prières communes des fidèles pendant tout le temps que durera son examen des motifs de crédibilité, et son indétermination sur ce qu’il doit croire? Il faut bien l’en exclure, puisque la foi actuelle et formée est la première ct la plus essentielle disposition qu’on a toujours exigée, non seulement des fidèles Initiés aux mystères, mais des catéchumènes qui n’assistaient qu'aux instructions et à un partie de la liturgie. Est-ce t éanmoins cc qui se pratique, je ne dis pas dans l’Église ca holique, mais dans toutes les com­ munions chrétiennes? A-t-on jamais connu un Inter­ valle de temps où un enfant baptisé ne fût pas en état d’entrer dans les temples du Seigneur..., d’y prendre part aux cérémonies de son culte; un temps, en un mot, où la condition de cc néophyte fût pire que celle d’un catéchumène? » Conlrov. pacifique sur la foi da enfants, etc. Réponse à la 2· lettre, n. 8, dans Migne, Theologiie cursus, L vi, col. 1130. Hermès, en faisant continuer la pratique du culte, se conforme à la traoltion, mais en faisant suspendre la fol il s’en écarte; la tradition est que l’on n’interrompe jamais ni la pra­ tique, ni la foi sans laquelle la pratique ne serait pas permise. — d. Enfin le travail d’enquête que veut Hermès sur notre religion, comparée aux autres, sur nos motifs de crédibilité, sur les d es et la solution de toutes les objections, en un mot le travail de recon­ struction savante, menace d’être long, en concédant qu’il aboutisse. Hermès nous dit en 1819 qu’il vient d’y consacrer vingt-trois ans sans aucune distraction, ct y passant souvent les nuits, aux dépens de sa santé; bientôt il languissait, et après douze ans de fol recon­ quise il mourait Voir Hurter, loc. cit. Eh bien. Dieu n’a pu rendre si difficile à un catholique l’acquisition de la foi, dont il a fait la première base de toute la vie chrétienne. Il l’a mieux proportionnée à la brièveté de notre vie. « S’il nous faut des bibliothèques et des musées pour conduire un homme à la morale et ù la religion, disait Newman, soyons conséquents, ct prenons des dümistes pour cuisiniers ct des minéra­ logistes pour maçons. » Grammar of assent. 1895, part. 1Γ·, c. τν, p. 95. 96. Et si la mort surprend cet homme au cours de scs doutes? Celui qui, victime de sa méthode, meurt sans la foi, peut-il prétendre au sa­ lut? — e. Et tout cela sous quel prétexte? Arriver à la vraie certitude par cc doute réel, comme par un moyen nécessaire. Mais il ne l’est pas : l’attention, le con­ sciencieux amour de la vérité, le doute fictif qui ne suspend pas la fol habituelle, suffisent au bon emploi des méthodes scientifiques, ct par lâ à une certitude digne du savant Le mathématicien qui chcrdie une nouvelle démonstration n’est pas obligé, pour réussir, de douter réellement du théorème ù démontrer; le phi­ losophe qui chcrdie ù prouver sdentlflqucmcnt une vérité de sens commun, n’est pas obligé de renoncer au sens commun. 4. Documents ecclésiastiques sur la méthode Collectio lacensis, t. vil, col. 531. La note se termine par une nouvelle citation de la proposition 15· du Syllabus. Pourquoi ces théologiens ont-ils réuni dans une seule formule de condamnation ces deux erreurs? Le point de ressemblance entre les deux qui semble les avoir frappés, c’est la violation du précepte divin do la foi, lequel oblige ceux qui sont dans la vraie foi à la con­ stance dans leur religion, et leur interdit non seu­ lement toute apostasie, mais encore tout doute réel, un tel doute étant contraire à la foi; mais pour I ceux qui n’ont pas encore la vraie foi, ce précepte divin, atteignant tous les hommes, les oblige à la cher­ cher, et pour cela, à douter de leurs sectes, et à en sor­ tir après enquête suffisante. Ces théologiens insistent 2S9 FOI sur le précepte divin. Voir la note déjà citée, col. 531 a. Granderath a donc raison de conclure : < La défini­ tion ne porte pas seulement contre la doctrine d’Her­ mès, mais encore contre une autre erreur que les mêmes théologiens présentent comme très répandue en cer­ tains pays, etc. · Constitutiones dogmaticae condiit Vati· cani ex ipsis ejus actis explicata atque illustrate Frlbourg-cn-Brlsgau, 1892, part. I, diss. IV, p. 63. Ccttc conclusion nous semble confirmée absolument par l’examen du texte conciliaire lui-même. Si ce ca­ non ne condamnait que la doctrine d’Hermès, il n’at­ taquerait pas directement dès le début, comme il le fait, la théorie qui établit une parité entre les catho­ liques et les autres : car on ne voit pas qu* Hermès nlt défendu pareille théorie, ni fondé là-dessus sii méthode. Son doute réel, il ne le destine pas à tous les catholi­ ques, mais seulement à ceux qui, destinés A enseigner la religion, abordent l’étude do la philosophie et de la théologie; et la raison qu'il donne de sa méthode, ce n’est pas que tous les hommes ont un droit égal à changer de religion, c’cst simplement que. sans sa méthode de douter, les futurs théologiens n’acquerront jamais de connaissance vraiment scientifique. Ce qu’il poursuit, c’cst le bien de l’apologétique et de la théologie catholique; ce n’est pas ccttc sorte d’impar­ tialité et de respect égal de toutes les convictions, qui est le fait du libéralisme. Nous irons plus loin. Si dans ce canon on n’avait voulu que rejeter la méthode d’Hermès, on aurait dû éviter ce début, qui met l’ac­ cent sur une disparité entre catholiques et hétéro­ doxes; ce serait sans nécessité donner occasion à une erreur, et laisser entendre que la méthode d’Hermès, mauvaise pour les catholiques, est bonne pour les pro­ testants, pour les schismatiques orientaux, etc. En réalité, elle n’est bonne pour personne. Si A un certain moment de son développement intellectuel il est pro­ fitable A un hétérodoxe de douter réellement de la légi­ timité et des idées particulières de sa secte par compa­ raison avec l’Église catholique, il n’est jamais bon pour lui de douter réellement de l’existence de Dieu, de l’existence du devoir et des principes de la loi morale, enfin des autres vérités qui servent également de bases A la raison et de préambules A la foi. Or le doute d’Hermès s’étend A toutes ces vérités première, et qui plus est, les ébranle toutes A la fois, mettant ainsi l’esprit et le cœur de l’homme dans un état fort dan­ gereux, nous l’avons montré. Le doute que nous pou­ vons conseiller aux hétérodoxes sur les croyances de leur enfance et de leur éducation n’est donc nullement le doute universel d’Hermès, mais un doute partiel, strictement limité, et saint Augustin a fort bien expli­ qué cette limitation : « Si un juif, dit-il, vient A nous pour sc faire chrétien, nous détruisons le mal qui est en lui, mais non le bien qui vient de Dieu Quand 11 s'égare en ne croyant pas la venue du Messie, sa nais­ sance, sa passion, sa résurrection, nous corrigeons son erreur, et nous le préparons A croire ces articles de foi... Mais quand il croit qu’on ne doit adorer qu’un seul Dieu qui a fait le ciel et la terre, quand il déteste toutes les idoles et les sacrilèges des païens, quand il attend le jugement A venir, espère la vie éternelle, ne doute pas de la résurrection de la chair, en tout cela nous le louons, nous l’approuvons,nous l’assurons qu’il doit croire comme il croj'alt. tenir ferme comme 11 tenait ferme. » De unico baptismo contra PetiUanum, c. în, P. Z.., t. xliii, col. 596. Le saint docteur appli­ que ensuite la même règle A notre conduite envers les schismatiques, les hérétiques et même les païens. b) Le c. ni : Ut autem officio veram fidem amplectendi, incoque constanter perseverandi sal is ia cero possemus, Deus Pour quo nous puissions satisfaire nu devoir d’em­ brasser la vraie fui et d’y persévérer avec constance, PICT. DI THÉOL. CAT110L. per Filium wium unigeni­ tum Ecclesiam Instituit •uæquc Institutionis mani­ festis notis instruxit, ut ea tanqunm custos et magi­ stra verbi revelati ab omni­ bus posset agnosci... Quo fit, ut Ipsa veluU signum levatum in nationes ( Is-. XI, 12) et ad se Invitet qui non­ dum crediderunt. et nilos suos certiores furiat firmis­ simo niti fundamento fidem quam profitentur. Cui qui­ dem testimonio efficax sub­ sidium accedit ex superna virtute. Etenim benignissi­ mus Dominus et errantes gratin sua excitat atque ad­ juvat ut ad ngniliourm ve­ ritatis venire possint, et cos, quos de tenebris trans­ tulit in admirabile lumen suum, in hoc eodem lumine ut perseverent gratia sua confirmat, non deserens nlsl deseratur. Quocirca minime par est conditio eorum qui per carlcste fidei donum catholicae veritati adhaeserunt, atque eorum qui durtiuplnlonibus huma­ nis faltam religionem se­ ctantur: illi enim, qui fidem sub l-xclcsla* magisterio sus­ ceperunt, nullam unquam habere possunt justam cau­ sam mutandi aut in du­ bium fidem camdem revo­ candi Denzinger, n. 1793, 1704. 290 Dieu par son Fils unique a Institué l'Église et l’a pour­ vue de marques visibles do son Institution, afin qu'elle puisse être reconnue do tous comme la gardienne et ΓInterprète de la parole ré­ vélée... De là vient que, dressée comme un étendard au milieu des nations, elle Invite & venir à elle ceux qui n’ont pas cru encore, et qu’elle assure ses enfants de la base très solide sur la­ quelle repose la fol qu'ils professent. A ce témoi­ gnage a ajoute le secours efficace de la puissance divi­ ne En eflet, ceux qui sont égarés (hors de l’Église), le Seigneur les excite et les aide par su grâce pour qu’ils puissent venir A la connais­ sance de la vérité; et ceux qu’l) a fait passer des ténè­ bres A son admirable lu­ mière, par sa grâce encore il les alïcrmit pour qu’ils per­ sévèrent dans cette même lumière n'abnndonnnnt ja­ mais s’il n’est lui-même abandonné. En conséquen­ ce, tout autre est la condi­ tion de ceux qui par le don céleste de la foi ont adhéré A la vérité catholique, et de ceux qui. conduits par des opinions humaines, suivent une fausse religion; car ceux qui ont embrassé La foi sous le magistère de l’Égllse ne peuvent jamais □voir aucune juste cause de changer cette foi ou de la révoquer en doute. Quelles sont les erreurs ici condamnées? Ιλ méthode d'Hermès n'apparaît pas aussi clairement que dans le canon ci-dessus, mais elle est comprise dans ccttc as­ sertion générale, que · jamais on ne peut avoir une juste cause de révoquer en doute In foi reçue sous le magistère de l’Église. » La thèse indiflérentlste et libérale du droit commun qu’ont tous les hommes de changer de religion est aussi nettement condamnée que dans le canon. Mais la grande «fuestion qui se pose ici, c’est de savoir si une troisième erreur n’est pas rejetée. Ce document n’irait-il pas plus loin que* le pré­ cédent. et ne contiendrait-il pas une troisième thèse, bien distincte des deux autres? Notons d’abord que cela n’a rien d'impossible. Le passage cité du c. ni est plus long, plus développé que le canon 6 : il peut n’en être pas une simple amplification verbale, mais con­ tenir un autre point de doctrine en plus. Les chapitres du concile sont destinés A donner aux fidèles bon nom­ bre de vérités utiles; les canons leur indiquent ensuite non pas les erreurs opposées A toutes ces vérités, mais seulement les principales erreurs, celles que leur diffu­ sion assez générale au temps du concile rendait alors plus spécialement dangereuses. La question présente, que nous traiterons au long A cause de son importance et do quelques nuages qui sont venus l’obscurcir, est donc celle-ci : le dernier document cité ne contient-il pas cette assertion que • tout catholique formé à la foi sous le magistère de l’Église n toujours ensuite, A moins qu’il n’y alt de sa faute, la crédibilité suffisante pour persévérer dons sa foi? · Quoi qu'il y ait des définitions même dans les chapitres et non pas seulement dans les canons nous ne prétendons pas que ce point-IA uil été defini. Uu VL — 10 291 FOI condic, quand il propose In doctrine catholique, peut être amené à affirmer suffisamment un point lié à i’cnscmble, sans qu’on puisse dire toujours qu’il ait eu l’intention de le définir. Odiosa sunt stnclæ interpre­ tationis : la définition est un acte Juridique, emportant comme conséquence le crime d’hérésie et les peines des hérétiques pour ceux qui nient scienter et contu­ maciter la vérité définie : elle doit être conçue cn ter­ mes très clairs, clarté que parfois les conciles évitent A dessein pour qu’on ne puisse pas dire que la chose est définie, Ixs fait d’une controverse entre de graves théologiens sur le sens ct la portée de certains termes d’un document ecclésiastique pourrait déjà à lui seul être un indice que tel sens contesté n’a pas été défini. Mats observons qu'il est dans l'usage des théologiens de tirer d’un concile un solide argument pour une thèse, tout cn reconnaissant qu’elle n’a pas été défi­ nie; exemple, la thèse de la suffisance de l'attrition, prouvée par le concile de Trente. Scss. XIV, c. iv, Denzinger, n. 898. Le concile a montré suffisamment la vérité à un esprit attentif ct qui sait raisonner; il ne l’a pas définie. — Avec la question de définition, écartons encore la question de savoir si le concile a dit d’une manière quelconque, ct même cn dehors de toute définition, qu’un catholique ne peut jamais changer de religion ni douter d’un dogme, sans com­ mettre cc que les théologiens appellent le péché d'in­ fidélité, le péché formel ct direct contre la fol, qui détruit la vertu infuse d’après Je concile de Trente. Sess. VI, c. XV, Denzinger. n. 808. Autre chose est de préciser o’une manière si rigoriste la culpabilité sub­ jective de tout abandon du catholicisme, autre chose est de dire que, si l’apostat avait fait à un moment donné de sa vie ce qu’il voyait être son devoir par rap­ port à la foi, Dieu lui aurait donné les moyens, ct même au besoin, des moyens extraordinaires de persé­ vérer dans sa religion, en sorte que c’est par sa faute qu’il est tombé dans l’illusion de conscience dont on le dit victime : assertion plus modérée, laquelle au moins est contenue dans le texte du concile d’après nous, quoi qu’il en soit de l’assertion plus rigide, que nous examinerons plus tard. Pour voir clair cn une matière si complexe, il faut absolument sérier les questions, distinguer les thèses différentes bien que voisines, et les traiter à part On peut reprocher à deux théologiens très estima­ bles, Granderath et Vacant, de n’avoir pas agi de la sorte dans leur explication de cc document conci­ liaire, qu’ils ont d’ailleurs le mérite d'avoir étudié de près, ct non pas seulement salué de loin comme l'ont fait taut d’ouvrages sur le concile du Vatican ou sur la foi cn général. Granderath pose ainsi la question, c’est le titre de sa IV· dissertation : Sitnc a concilio definitum, eos qui fidem sub Ecclesiæ magisterio suscepe­ rint, sine peccato /armati eamdem fidem mutare vel in dubium vocare non posse? Constitutiones concilii Vati­ cani... explicate, 1892, p. 61. Vacant le suit, et pose la question de même. Éludes théologiques sur les con­ stitutions du concile du Vatican, la constitution Del Filius, 1895, L il, p. 165. A la question ainsi posée ils répondent négativement, ct nous croyons leur réponse bonne, en cc sens que le concile n’a pas défini. Mais les arguments qu'ils emploient pour la prouver sont moins bons que la réponse elle-même; ccs arguments vont plus loin, trop loin, ct tendent à exclure non seu­ lement une définition, ct une définition de la position la plus rigide contre les apostats, mais encore le fait que le concile, sans la définir, ait laissé suffisamment entendre la thèse plus modérée que nous énoncions tout à l’heure. Enregistrons ici leurs arguments, ct les répliques que l’on peut y faire en serrant de près le texte du concile. a. La phrase principale, disent-ils, nullam unquam 292 habere possunt /ustam causam mutandi, etc., s’entend très bien ainsi : les catholiques ne peuvent jamais avoir une cause objectivement juste, une raison objectivement valable d’abandonner leur religion ou d'en douter, puisqu’elle est objectivement la vraie religion, puisque Dieu a réellement commandé, par le précepte de la fol, d’y rester toujours fidèle : précepte méconnu par les théories d’Hermès et des indifférentistes. Or l’asser­ tion du concile ainsi entendue n’empêche pas qu'un catholique ne puisse, dans certaines difficultés extraor­ dinaires où se trouve sa foi, se figurer, sans aucune faute de sa part, par une erreur invincible dont il n'est pas responsable, par une persuasion purement subjec­ tive, qu'il est en droit de douter de sa religion, ou même de la quitter; auquel cas il serait excusé de la transgression du précepte de la fol, ct aurait une rai­ son subjectivement valable d’agir ainsi, à savoir sa conscience erronée qu’il peut et doit suivre. Un détail des Acta prouve même, ajoutent-ils, que le concile a voulu sc renfermer dans le sens purement objectif. I^e projet de canon proposé avait gardé ccttc formule du schéma primitif : Si quis dixerit, parem esse conditio­ nem fidelium, etc..., ita ut fideles catholici licite pos­ sint, etc. Collectio lacensis, t. vn, coi. 77; cf. coi. 512. Au lieu de ce licite possint, un amendement proposa : veram et justam causam habere possint, coi. 164. Cet amendement fut accepté par la commission sous cette forme simplifiée : justam causam habere possint, voir le discours du rapporteur, Martin de Paderborn, coL 189, 190, enfin accepté avec ccttc simplification par les Pères. Or, si licite possint Indique bien le point de vue meme subjectif, justam causam habere possint a un sens purement objectif, cc que Granderath prouve do la manière suivante: < Si quelqu’un par erreur se croit offensé par son ami, et rompt avec lui, on ne dira pas qu’il a un juste moti/ de rompre : on ne le dirait quo s’il avait été réellement (objectivement) offensé. » Zx>c. cil., p. 65, 66. Donc le concile veut simplement dire contre Hermès ct les indifférentistes que les catholi­ ques n’ont jamais un motif objectivement valable do douter ou d’apostaslcr : il n’affirme rien de plus. Réponse. — Pour quelle raison l’auteur de l’amen­ dement l’avait-il proposé, les Actes Imprimés ne lo disent pas; c’était souvent affaire de style; cn tout cas, on ne peut rien tirer de cct amendement accepté en partie par le concile. Car la formule première du sché­ ma ct la formule substituée s’équivalent ; la · licéité » de la première formule a elle-même son double point de vue, objectif ct subjectif : ainsi le mensonge est tou­ jours · illicite > objectivement : il devient subjective­ ment « licite · à qui de bonne foi croit le mensonge permis pour sauver un ami. Et de même pour le ju­ stam causam de la seconde formule. Si l’on ne dit pas qu’un homme, qui par erreur rompt avec un ami, a un · juste motif » de le faire, c’est que l’on considère la question d’homme à homme seulement. Si l’on con­ sidère l’acte au point de vue de la conscience et de Dieu (comme nous devons le considérer dans la ques­ tion présente), on peut fort bien dire que celui qui, sur une fausse supposition, mais de bonne foi, croit cn conscience devoir rompre avec un indigne ami, a devant Dieu un juste motif de le faire. Les mots ju­ stam causam de la nouvelle formule n’excluent donc nullement le point de vue subjectif. D’ailleurs Martin de Paderborn lui-même, avec la commission de la foi, ne mettait pas de différence entre les deux formules, pulsqu’avant l’amendement, dans le schéma réformé dont il était l'auteur ct qu'il proposa au nom de la com­ mission, les deux formules sc trouvaient indifférem­ ment employées pour dire la même chose à divers en­ droits, le justam causam dans le c. ni, Collectio lacen­ sis, col. 74, ct le licite possint dans le canon G, col. 77. Donc ccttc phrase du concile au c. ni : nullam un- 293 FOI 294 quam habere possunt /ustam causam mutandi..,, Den­ prétention â garder scs fidèles reste objectivement le zinger, n. 1791, peut très bien signifier,dans sa géné­ droit, quand bien même ses enfants seraient dans l'impossibilité de h reconnaître ct d’y persévérer, ralité absolue, que ccs catholiques, quand le doute ou l'apostasie s'offre â eux, non seulement n'ont pas de quand bien même la grâce ne 1« y aiderait pas. Que raison objectivement valable pour y céder, mais encore vient donc faire ici cette considération du concile sur qu'il ne peut jamais leur arriver, par la grâce de Dieu, les opérations différentes de la grâce dans les différents (l’avoir une persuasion subjective qu'ils peuvent y sujets, s'il ne s'agit de prouver qu'une différence de céder, fondée sur une erreur vraiment invincible ct valeur objective ct de droit object ij entre les religions? dont ils ne soient pas responsables. Que le sens de la Au contraire, cette considération vient à point, s'il phrase ait ccttc plénitude, les mots nullam unquam s'agit de prouver une différence subjective entre les l'insinuent. Car si l'on voulait s'en tenir au seul sens adeptes de la vraie cl de la fausse religion, quant à La objecti/, il faudrait dire, contre la fausse égalité possibilité pratique de tenir toujours ferme dans la introduite par l’indifférentisme : · Les catholiques, religion de leur enfance, et d’avoir toujours les motifs étant dans la religion seule véritablc/n’ont pas de juste de crédibilité suffisants. A cc point de vue, peu importe cause d'en douter ou d'en changer, * sans les mots que la grâce leur soit visible ou non, qu’elle soit nu nullam unquam. Ainsi procède le canon 6, qui semble non une source de preuve cn elle-même, pourvu qu'efie affirmer moins que le c. ni : il n'a pas les mots nullam obtienne le double résultat qu'elle poursuit : fournir unquam. Denzinger, n. 1815. au catholique, dans une crise quelconque, à l'aide des Mais, même en négligeant ces mots, ct cn admettant ressources infinies de la puissance divine, le nécessaire que celte phrase du chapitre ni sc prête également par pour persévérer dans sa foi première; au contraire, lais­ elle-même soit au sens purement objectif de Grande­ ser parfois sentir à l’hétérodoxe, à mesure que son es­ rath ct de Vacant, soit au sens plein et complet, À la prit sc développe, l'impossibilité de rester prudem­ fols objectif et subjectif, c’est alors au contexte, ct sur­ ment dans sa religion en face d’une autre qui est la tout au contexte immédiat, à déterminer la vraie vraie, cl l'aider a se tourner vers celle-ci; en d’autres signification. Or ce contexte détermine le second sens. termes, maintenir jusqu’à la mort chez les catholiques, Examinons la phrase qui précède immédiatement, ct et ébranler chez leurs frères égarés, la persuasion sub­ qui dans la série des idées est plus étroitement liée avec jective de leur confession religieuse, persuasion par laquelle tous avaient également débuté a l'aurore de celle que nous voulons expliquer, puisque de la pre­ leur vie intellectuelle. C’est sur l'état subjectif du mière on conclut la seconde; ce n'est donc pas une catholique, comme étant plus intéressant pour nous, « parenthèse », comme le suppose Vacant sans cn don­ que le condlc insiste davantage. Puisque la grâce le ner aucune preuve, Études théologiques, p. 171; ct un pousse à persévérer toujours, il ne sera jamais apos­ concile, toujours soucieux de la clarté, n'intercale pas tat, s'il est fidèle à la grâce. Ce que le concile fait encore une immense parenthèse de vingt-cinq lignes comme ressortir en disant de Dieu, à propos de cette grâce celle qu’on voudrait voir ici. Voici donc les deux phra­ qu’il lui donne : non deserens nisi deseratur. Dieu n’est ses avec leur enchaînement, telles qu'elles sont dans jamais le premier â abandonner : si donc ce catholique le concile ; · Les égarés, le Seigneur si bon les excite ct sc trouvait un jour comme abandonné â une impossi­ les aide par sa grâce, pour qu'ils puissent venir à la bilité subjective de croire, â cause du milieu, des objec­ connaissance de la vérité; cl ceux qu’il a fait passer des ténèbres A son admirable lumière, par sa grâce tions qu’il entend, du manque de recours humain et encore il les affermit pour qu'ils persévèrent dans cette de crédibilité nécessaire ct marchait ainsi fatalement à même lumière, n’abandonnant jamais s'il n’est luil’apostasie, Dieu n'aurait pu permettre cette situation pour qui aurait cherché sérieusement à garder la foi. même abandonné. En conséquence, quocirca, tout au­ pour qui l’aurait Invoqué dans la tempête, pour qui tre est la condition de ceux qui ont adhéré à la vérité n’aurait pas le premier « abandonné ». catholique, et de ceux qui... suivent une fausse reli­ b. Celte déclaration faite par le concile, non deserens gion, etc. » Si dans cette dernière phrase il était ques­ nisi deseratur, « affirme seulement qu’ils ne perdront tion d’une différence purement objective entre catho­ la grâce sanctifiante et les vertus surnaturelles qu'auliques ct hétérodoxes, comment de la phrase précé­ tant qu’ils auront commis un péché formel... Celte dente conclurait-on ccttc dilfércnce-lâ? Vous voulez déclaration est tirée, cn effet, du concile de Trente, prouver contre une certaine théorie indifférenliste ct libérale que la religion catholique a objectivement sm­ scss. VI, c. xi, qui, parlant de la possibilité d’observer tous les commandements, enseigne, des hommes cn ses fidèles un droit que n'a pas une autre religion sur les siens, ct que scs enfants n’ont pas le droit d'apos­ étal de grâce, que Dieu ne les abandonne que s’il en est tasie. Dites que, le droit venant de Dieu, il n’y a pas abandonné, justificatos non deserit nisi ab eis prius deseratur.· Vacant, Études thèol. sur te concile du Vati­ objectivement de droit Λ l’erreur, ni nu mal; qu'on a tort de reconnaître les mêmes droits A l’erreur qu’à la can, L π, p. 172, 173. Cf. Granderath, loc. cit., p. 67, vérité; que la religion catholique est la seule vraie, ce 68. qui sc prouve par l’apologétique; que seule elle a donc Réponse. — La persévérance dans Célat de grâce le droit de garder ses enfants, et que seuls ils ont objec­ regarde les seuls justes, justificatos; mais la persévé­ tivement le devoir de persévérer dans leur religion, soit rance dans la foi regarde tous les membres de l’Egiisc, qu’ils connaissent ce devoir ou ne le connaissent pas. justes ct pécheurs : car cn perdant la charité et la Voilà d’où l’on peut tirer la différence purement ob­ grâce .sanctifiante par un péché mortel autre que le jective. Mais comment la tirer d’une différente opé­ péché contre la foi, infidelitas, on gardc néanmoins la ration de la grâce que nous ne voyons pas, ct qui n'est foi ct on est encore chrétien et membre de Γ Église. donc pas une source de preuve? C'est très vrai, théo­ Voir le concile de Trente, scss. VI, c. xv, et can. '27,28, logiquement, que Dieu par sa grâce aide les catholi­ Denzinger, n. 808, 837, 838. Or le concile du Vatican ques Λ persévérer dans leur religion, cl leur en facilite ne traite pas, comme le concile de Trente, de la justi­ le devoir, tandis qu'il aide les autres à sortir d’une fication cl de l’état de grâce, mais seulement de la foi, religion fausse. Mais cc travail de la providence sur­ disposition éloignée â la grâce sanctifiante, ct don naturelle et de la grâce est ordinairement invisible, ct moins sublime. 11 ne parle pas ici des seuls justes, ne peut donc servir de preuve pour discerner où est la mais de tous les enfanta de l’Égiisc, filios suos certio­ res facit (Ecclesia) firmissimo nili fundamento fidem Véritable religion, où est objectivement le droit; ct quam profitentur; de tous ceux qui font profession de d’autre part, une religion reste objectivement vraie entre toutes les autres par son origine divine, ct sa la foi catholique, fidem... profitentur, qui lui donnent 295 FOI leur adhésion, qui per creleste fidet donum catholica veritati adturserunt. Il ne dit pas un mot de la persé­ vérance dans la grâce sanctifiante, il parle dès le dé­ but de la persévérance dans la fol : · Pour que nous puissions satisfaire au devoir d’embrasser la vraie /of, ct d’y persévérer avec constance... » Et à l’endroit meme que nous discutons : « 11 les affermit par sa grâce (actuelle) pour qu'ils persévèrent dans celte même lumière (de la foi), n’abandonnant jamais s’il n’est lui-même abandonné. » Donc, d’après tout le contexte, ccs derniers mots ne signifient pas : Dieu ne retire jamais à un juste son amitié, sa grâce sanctifiante, s’il n’est lui-même abandonné par un péché mortel — chose très vraie, mais qui n’a rien â faire ici — mais : Dieu ne permet jamais qu’un catholique tombe dans l’impossibilité de croire, pourvu que de son côté ce catholique ne fasse pas défaut. Rien, du reste, ne for­ çait le concile du Vatican d’appliquer l’axiome très général Deus non deserit nisi deseratur Λ la même ma­ tière que le concile de Trente, et dans le même sens. L’auteur de cet axiome n’est pas le concile de Trente, mais saint Augustin; ct ce Père ne l’a nullement res­ treint aux justes ct à la grâce sanctifiante, pas plus que les théologiens qui après lui l’ont répété. Par exemple, on l’applique après saint Augustin à cc* pécheurs en­ durcis, auxquels Dieu refuse l’abondance de ses grâces actuelles (ou meme toute grâce actuelle d’après cer­ tains thomistes), et qu’il < abandonne » ainsi au sens plus ou moins strict, mais non point toutefois avant que ccs pécheurs n’aient les premiers abandonné Dieu par une extraordinaire malice ct un spécial abus de ses grâces, cc qui est plus qu’un péché mortel ordinaire. c. On objecte encore contre l’explication que nous venons de donner du c. iîi : « Est-ce que les catholiques et les hétérodoxes sont d’une condition différente, au point de vue des preuoes de la vraie foi ct des grâces qu’ils reçoivent pour croire? Non, puisque le concile j a, au contraire, fait ressortir que ces preuves ct ccs grâces sont données non seulement aux catholiques, mais encore à ceux qui ne le sont pas. » Vacant, loc. cil.. p. 172. Réponse. — Sans doute, « les preuves de la orale foi » sont les mêmes ct pour le catholique ct pour le protestant en vole de conversion, qui tous deux les étudient ; la différence de condition signalée par le con­ cile n’est pas de cc côté-ΙΛ. Elle est entre les preuves de la vraie religion et celles de la fausse. L’Église ca­ tholique a pour elle ■ des notes manifestes », Denzinger, n. 1793, · un grand motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa mission divine, » n. 1794. Les sectes ont pour clics des ombres de preuves, des apparences, qui peuvent dans un simple produire la certitude rela­ tive, nuis qui, bien examinées, ne donneront jamais qu’une probabilité, même prises toutes ensemble ; ainsi la prospérité des nations protestantes, regardée comme une bénédiction de Dieu sur le protestantisme; les missions protestantes, marque de fécondité; les saints dont se vante l’Église russe. Ce sont des preu­ ves de ce genre que le concile vise en disant : minime par est conditio... eorum qui ducti opinionibus humanis religionem sectantur. Elles sont très bien caractérisées par le mot opiniones, qui suppose un motif Insuffltant à la certitude. Voilà pour In différence des preu­ ves entre catholiques ct hétérodoxes. Quant Λ la grâce, sans doute elle est donnée des deux côtés, mais elle travaille différemment chez les uns ct chez les autres : · elle excite les errants à venir» Λ la vraie reli­ gion, donc à sortir de la leur, puisqu’ils ne peuvent être à la fois dans les deux; elle · eonfirme » les catho­ liques pour qu’ils « persévèrent · dans la leur. Quocirca minime par est conditio... d. Les théologiens romains, auteurs du schéma pri­ mitif. dans leurs notes explicatives de cc schéma, ne 296 parlent pas de ccttc doctrine que l’on dit affirmée ici. Vacant, op. cil., p. 168. Martin de Paderborn n’en dit rien dans son rapport sur le nouveau schéma. Ibid., p. I7d. Réponse. — Ces théologiens, qui aiment à synthé­ tiser, parlent souvent comme s’il n’y avait qu’une seule erreur visée par leur schéma. Ailleurs pourtant, ils la dédoublent en deux, celle d’Hermès et celle des Indifférentlstcs. Ailleurs encore, quand ils énumèrent les vérités catholiques opposées à cette < unique erreur », leur énumération devient plus longue : · L’erreur dont il s’agit ici, disent-ils, s’oppose à la doctrine catholique ct révélée : a. sur la nécessité et le précepte divin de la vraie foi; 0. sur la crédibilité de toute la révélation, en tant que proposée par l’Églisc catholique, ct sur la certitude immuable même pour les simples, en dehors de toute enquête scientifique et philosophique; γ. sur la lumière de foi ct la fermeté surnaturelle de la fol. » Collectio lacensis, cot 532. Remarquons ccs mots : la crédibilité, la certitude immuable du fait de la révé­ lation etiam pro rudibus; voilà oui nous tirc des consi­ dérations Durement objectives, ct qui ocscenu dans les circonstances subjectives où se trouvent certains individus, pour montrer qu’ils pourront · immuable­ ment » avoir la « certitude » des préambules de la loi à moins évidemment qu’il n y ait de leur faute. Or le con­ cile, dans scs chapitres, sc propose non oas seulement de condamner des erreurs comme aans ses canons, mais de déclarer aux fidèles les vérités opposées; parmi ces vérités est celle à laquelle ccs théologiens font ici allusion. Ailleurs aussi ils sc plaignent de « l’erreur très répandue dans certaines régions, » qui ne veut pas considérer les apostats «du catholicisme comme criminels, criminis reos, parce que ccs apostats · disent presque toujours qu’en cela ils ont suivi leur con­ science » loc. cil. col. 531 ; ce criminis reos, ccttc con­ science qu’on dit avoir suivie voilà bien qui nous fait sortir du point de vue purement objectif pour descendre dans le vif de i âme, dans la culpabilité subjective oc l’individu 1 Le P. Pesch conclut de ce passage : Ergo non de objectiva tantum certitudine sermo est sed etiam de subjectiva. Pnelectiones 3· édit., Fribourg, 1910, t. vin, p. 173 174. Notons enfin que le sens naturel du texte conciliaire, analyse plus haut vaudra toujours mieux, comme source d’information sur son contenu, que les notes annexées par de simples théologiens à un schéma primitif rejeté par les Pères ct puis large, ment remanié et éclairci. Quant à révéouc de Pader­ born, il continue à parler comme s’il n’y avait d’attaquée ici ou une erreur : mais à ccttc erreur sont opposcés plusieurs vérités, dont d’afffcurs il ne îaut pas at­ tendre l’énumération complète dans un résumé de dix lignes pour toute cette partie du c. ni. Il ne s agit chez lui que d’un coup d’œil ranlde par manière d’exorde sur l’ensemble ct l'enchaînement de cc cha­ pitre. Collectio tacensts col. 165. e. Bien plus les mêmes théologiens romains disent positivement que leur schéma ne touche pas à cette question subjective qu'il ne prétend pas empêcher d'admettre en certains cas un abandon de la religion catholique sans péché formel, Grandcrath, op. cit. p. 68, 69- Vacant op. cit., p. 169 170. Voici le passage des théologiens romains ou’on invoque : freque etiam in proposita declaratione doctrtniv et condemnatione erroris illud attlnaltur. quod aliqui veteres theologi con­ cedere non dubitant, posse per accidens et in certis qui­ busdam adlunctts conscientiam rudis cujusdam hominis catholici tta induet tn errorem invincibilem, ut sectam aliquam helerodoxam amplectatur sine peccato formali I contra fidem; qua in hgpothesi is fidem non amitteret, I nec formalis sea materiatis /urreticus torel. Tanner, I De fide, q. n, dub. v, n. 139; Platchus, De fide, n. 61. Hac quidem, nisi cautissime explicentur, periculose dis~ 297 FOI putantur; sed ab hirrest, quæ sacro concilio cxamtnanaa proponitur, sunt alienissima. Collectio lacensis, col. 53*1, 535. Réponse. — L’opinion que ne veulent pas toucher ces théologiens, qu’ils regardent comme très éloignée de l'hérésie proposée à l’examen du concile, c’est une opinion de Tanner, auquel ils renvoient. Voyons donc ce que dit Tanner. Soutenant la thèse si commune de la certitude relative qu’ont les simples du fait de la révélation, avant la foi, voir col. 219 sq., il rapporte ccttc objection contre la thèse : Si l’on admet ccttc certitude purement relative, · il peut arriver à un fidèle, dans la suite des temps, qu’une religion fausse hd soit proposée comme plus croyable que la vraie, et par conséquent... qu'il abandonne prudemment la fol, pour embrasser quelque secte erronée... Car si par hypothèse il n’a eu pour la foi catholique que des mo­ tifs de crédibilité humains et défectueux, sous le cou­ vert desquels on aurait pu aussi bien faire passer une foi fausse, rien n'empêche qu’ensuite une foi fausse lui soit rendue croyable par des motifs de même caté­ gorie, mais encore plus Impressionnants; en sorte qu’à l’arrivée de ccs motifs nouveaux ct contraires, il puisse ct doive juger prudemment qu’il ne peut plus, avec prudence, se laisser influencer par les premiers motifs qui l’avaient amené à la foi catholique, ct qu’il ne doit plus croire. » Ihîlsque ccttc conséquence est Inadmissible ct contraire au devoir de la persévé­ rance dans la fol, conclut l’objection, la thèse de la certitude relative des simples, qui mène à de pareilles conséquences, est fausse elle-même. Adam Tanner, Theologia scholastica, Ingolstadt, 1627, L in, De fide, disp. I, q. π, η. 113, col. 108. Pour résoudre la diffi­ culté, Tanner observe qu’on peut considérer la crédi­ bilité de la foi catholique sous deux aspects : en tant qu’elle résulte des seuls motifs de crédibilité, extérieu­ rement proposés, ct en tant qu’on tient compte de tous les facteurs de la crédibilité, parmi lesquels sont les divers secours de la grâce; credibililas fidei præcise quantum est ex parte propositionis exterme, et credibili· tas fidei undequaque spectata. Loc. cit., n. 137, col. 114. Ixi première considération est fragmentaire, la seconde est adéquate. Partant de ccttc distinction capitale, il répond que la fâcheuse conséquence imputée à la cer­ titude relative des simples serait en effet un accident possible, si l’on ne considérait la crédibilité que dans sa proposition extérieure ct ses motifs, si imparfaits chez les simples; mais que cet accident apparaît im­ possible, dès qu’on prend la crédibilité adéquatement comme on doit le faire, dès qu’on tient compte des secours surnaturels qui aident le catholique soudeux de sa foi à avoir toujours des motifs de crédibilité suffisants. Loc. cit., n. 137, col. 114. Or ccttc réponse est précisément cc que nous avons soutenu : tout ca­ tholique, du moins s’il fait son devoir en matière de fol, aura toujours ct dans les moments les plus dlffidlcs la crédibilité nécessaire à la conservation de sa foi, fait général et perpétuel qui ne peut s’expliquer, surtout chez les simples, sans l’aide de la grâce, en comprenant sous cc nom, avec des dons intérieurs, une providence surnaturelle de Dieu qui veille sans cesse à la conservation de notre fol. Tanner, il est vrai, est amené par ccttc objection à parler incidemment d’une question plus technique, c’est-à-dire de la perte de 1’habitus fidei ou vertu Infuse de foi, qu’il appelle sim­ plement « perte de la fol » ; ct û propos des catholiques qui apostaslcnt, 11 dit que généralement ils perdront ccttc vertu, communiter amissuros fidem, mais pour­ tant que « dans un cas extraordinaire » un catholique pourrait la conserver tout en adhérant à l’hérésie; « de même qu’au sentiment commun des théologiens un enfant baptisé, élevé par les hérétiques ct qui de bonne fol adhère à une secte fausse, ne perd pas pour cela la 298 vertu infuse de fol reçue au baptême, parce qu’il n’a jamais péché formellement contre la fol. · Loc. cit., n. 139, col. 115. Cet endroit de Tanner, dans sa briè­ veté, n'a pas tous les développements désirables; c’est justement celui que citent les théologiens romains comme n’étant pas touché ni condamné par le schéma qu’ils proposent, tout en reconnaissant qu’on est là sur un terrain dangereux et où il faut marcher pru­ demment. Mais G ran dera th et Vacant ne peuvent ar­ guer de leur concession contre notre exégèse du con­ cile, car ccttc concession, nous la faisons nous-même; nous défendrons plus loin cette dernière assertion de Tanner, d’une Importance d’ailleurs plutôt secon­ daire, ct nous ferons voir qu’elle ne contredit nulle­ ment cc que nous avons affirmé jusqu ici de la véri­ table pensée du condle. Quant a Plâtel, subsidiaire­ ment cité par les théologiens romains, il ne fait que rapporter l'opinion de Tanner, que du reste il condense dans une formule assez peu exacte. Synopsis cursus theol., Douai, 1706, De fide, n. 61, p. 236. /. Enfin Vacant Invoque contre notre explication du concile l’autorité de plusieurs théologiens; ct il ne voit en notre faveur que Schmid, Erkenntnlsslehre, 1890,1.1, p. 99. Réponse. — A part Grandcrath, les théologiens in­ voqués n’entrent pas dans la discussion de la ques­ tion. D’ailleurs ils ne sont pas exclusifs : ils se con­ tentent d'énumérer sommairement les erreurs prin­ cipales ici condamnées, sans prétendre que le condle, en rejetant ccs erreurs avec plus de développement au c. in, n’y ait pas énoncé la vérité que nous croyons y voir. Enfin ils traitent seulement de ce que le concile a défini : ct nous ne prétendons pas que le condle soit allé jusqu’à définir ccttc vérité. Leur témoignage reste donc en dehors de la question présente. On peut en dire autant de Schiffini. De virtutibus infusis, p. 274. De notre côté, outre le Dr Schmid, nous pouvons dter de graves autorités que Vacant ne mentionne pas : elles disent nettement que la vérité en question a été sinon définie, du moins affirmée par le condle, cc qui nous suffit Kleutgcn d’abord : son autorité est d’autant plus grande id qu’il est précisément le théologien, et le seul théologien, qui travailla pour l’évêque de Pader­ born ct mit au point le schéma primitif. Voir Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad, franç., Bruxelles, 1911, t. n b, p. 12, 13. Mieux que les théo­ logiens du schéma primitif, dont on aime à dter les notes, Kleutgcn est à meme de nous rcnsdgner sur le sens du schéma nouveau, c’est-à-dire du texte tel qu’il a été en définitive adopté par le condle; écoutons-le. « Cette question, dit-il, dépend surtout de l’assistance de Dieu ct de la lumière de la grâce. Puisque c’cst Dieu qui donne la persévérance dans la foi, puisqu’il a fait de ccttc persévérance la condition du salut éter­ nel, il ne refuse certainement pas son secours à celui qui le demande, ct ne prive pas de la grâce de la foi celui qui par sa résistance ne s’en est pas rendu indi­ gne. » (Voilà notre thèse.) < C'est ce que dit le concile du Vatican : Benignissimus Dominus... in hoc eodem lumine ut perseverant, gratia sua confirmat, non dese­ rens nisi deseratur. » Die Théologie der Vorzeit, 2· édit. Munster, 1874, t. v, n. 642, p. 464. Et plus loin : « Per­ sonne ne perd la fol sans une faute contre la foi. » Loc. cit., p. 465. Et à cette objection, qu’un catholique pourrait être amené par la redicrchc scientifique à changer d’avis sur la crédibilité de sa religion, il ré­ pond entre autres choses : < L’Église avait toujours supposé cc qu’elle a formellement expliqué (au con­ cile), que le croyant ne peut Jamais avoir un juste motif de quitter la foL Pour les hétérodoxes, restés en dehors de la vraie religion, bien qu’ils aient pu sans aucune faute adhérer aux croyances reçues dans leur 299 FOI enfance, être obligés mime Λ suivre leur conscience erronée, toutefois, quand ensuite ils rencontrent des raisons à rencontre de leurs convictions, ils doivent d‘.d>ord. comme les outres, prier ct chercher à s’ins­ truire, et s’ils le font, il leur arrivera le contraire de ce qui arrive aux fidèles de la vraie religion. Tandis epic dans ceux-ci la persuasion première durera, se torti­ llera, dans ceux-là elle s'évanouira pour faire place Λ une ctû\ mire meilleure. Car la meme lumière d’en haut qui, dans celui qui adhère à la vérité, consolide la vraie certitude, détruit la fausse dans l’égaré qui cherche la vérité. En conséquence, comme l'a déclaré le concile du Vatican, on ne peut pas assimiler la condi­ tion des orthodoxes à celle des hétérodoxes ou des incrédules. · Loc. c/L, n. 6-13, p. 466, 467. On voit par cette citation, que nous aurions pu allonger, com­ ment Kleutgen entre en plein dans le point de vue subjecti!, ct explique en ce sens les paroles du concile, sans dire toutefois que ce point ait été defini. Schceben va même plus loin : · C’est toujours un crime de rétracter la foi catholique, quand on l’a for­ mellement acceptée comme telle ct possédée... Il y a toujours, soit du côté de l'objet, soit du côté du sujet, devoir impérieux en même temps que possibilité ra­ tionnelle d'y rester immuablement attaché. » Et il ajoute que ce point « a été défini par le concile du Vatican. » La dogmatique, trad, franç., Paris, 1877, t. r, § 46, p. 517, 518. Lahousse explique le meme endroit du concile par la différence d'état subjectif où arri­ veront les orthodoxes et les hétérodoxes s’ils sont fidèles à la grâce. Orthodoxes : « A cause du milieu où l’on sc trouve, il peut arriver que la persévérance dans h vraie foi devienne moralement impossible sans un secours spécial de Dieu. Ce secours, Dieu ne le refuse à personne qui le demande ct sc conduit bien. Mais on peut par une mauvaise conduite s'en rendre indigne, et, parce qu’on a le premier abandonné Dieu, en être abandonné â son tour. Il peut donc arriver qu’étant privé de la lumière divine on ne voie plus la nécessité d'adhérer à la religion catholique, qu'on sc persuade même qu’il faut en sortir. » Hétérodoxes : « L'hérétique de bonne fol, quand il est pris de doutes sur sa secte, n’est pas tenu d'abjurer immédiatement l'hérésie, mais d’implorer la lumière de l'Esprit-Saint ct d’étu­ dier sa religion. Comme il n’y a en faveur de la secte ct de ses erreurs aucun véritable motif de crédit ilité, plus il avancera dans l’étude de la question religieuse, plus scs doutes prendront de force, si sa volonté est bien disposée ct s'il demande humblement la grâce de Dieu. Par tout cela s'explique et se vérifie l'afllrmation du concile du Vatican : Minime par est conditio eo­ rum, De virtutibus theologicis, Bruges, 1900, n.231, p. 296, 297. Wilmers, après avoir cité le texte du con­ cile, explique les mots justam causam dans un sens non pas seulement objectif mais subjectif : « L’homme qui a reçu la foi sous le magistère de l’Église, ct qui de plus est continuellement poussé par la grâce à y persévérer, ne peut jamais avoir aucune cause d'apostasicr ou de douter, laquelle il puisse regarder sincèrement comme étant juste. S'il ne peut avoir aucune juste raison, il s’ensuit qu’tï ne peut être excusé, quand, malgré tout, il change sa fol ou la révoque en doute, tandis que l’in­ fidèle peut (souvent) être excusé, quand il ne reçoit pas h foi ou doute de la révélation. La révélation en elle-même, ou objectivement considérée, est absolu­ ment indubitable; mais il ne s'agit pas ici de la révé­ lation objectivement considérée, il s’agit plutôt de la connaissance qu’on en a, certaine ou incertaine. » De fide divina, édité par le P. Lehmkuhl, Batisbonne ct New York, 1902, n. 181, p. 189, 190. Plus loin il re­ marque que dans le texte du concile non comparatur religio cum religione, sed · conditio· credentis catholici . cum conditione · infidelis vel heterodoxi, n. 188, p. 195, 300 Lc cardinal Billot paraphrase ainsi le texte du con­ cile : Henignissimus Deus injallibHitcr providet ut H omnes quos de tenebris transtulit, etc., habeant semper unde... absque dejectione rationabiliter perseverare pos~ sini, non deserens, etc. Devirlutibus in/usis, Home, 1905, 1.1, thes. xvn, coroll., p. 311. 11 y a donc une spéciale • providence » qui pourvoit â ce que tout catholique ait · toujours, infailliblement · les moyens, la < possi­ bilité de persévérer raisonnablement · dans la foi, · a moins qu’il n'abandonne le premier. · La grâce de la foi exige, dit-il plus loin, · que jamais le fidèle ne soit mis dans une circonstance où malgré lui il lui deviendrait impossible de garder raisonnablement sa foi; or il serait mis dans une semblable circonstance, s'il était amené invinciblement à un état où il manquerait de crédibilité suflisante. > Loc. cil., p. 315. Au contraire, pour les non-catholiques, « la crédibilité purement res­ pective qu’ils ont eue d’abord en faveur de leurs articles faux peut venir à manquer totalement, ct cela non seu­ lement avec la permission de Dieu mais par l'action positive de sa grâce. > Loc. cit., p. 316. Le P. Pesch résout ainsi le cas le plus difficile, celui d’un jeune catholique vivant au milieu d'ennemis acharnés de sa fol, entendant mille objections sans que personne puisse l’aider : « S'il se jette volontairement, dit-il, dans le danger de perdre la foi, ou s’il y demeure vo­ lontairement, c’est une faute, ct il doit s’en prendre à lui-même des conséquences de cette faute. Mais s'il est forcé de vivre en un tel milieu, ct s 11 fait ce qu’il peut, continuant surtout â prier, une grâce meme extraordinaire ne lui fera pas défaut... cl suppléera ce qui lui manque du côté des secours extérieurs, ct ainsi sa foi ne succombera pas. C'est ce qu'enseigne le concile du Vatican : Deus non deserit, nisi deseratur. · Priclecliones dogmaticæ, 3e édit., 1910, t. vm, n. 381, p. 173. Et rapportant l’opinion de Granderath · qui soutient qu’on reste dans la pensée du concile, en admettant une apostasie dans laquelle il ne soit pas nécessaire de supposer aucun péché, » le P. Pcsch estime que cela parait dépasser les bornes, nimium videtur. Loc. cil., n. 385, p. 175. 2. La question en elle-même, en dehors de la déclara­ tion du concile et d'après d'autres sources. — II importe de bien distinguer ce point du précédent. Granderath lui-même a eu soin de le faire : · Je ne veux nullement soutenir ni prouver, dit-il, qu’il puisse arriver à quel­ qu'un, par une erreur invincible et sans faute de sa part, de sc séparer de l’Église; je veux seulement mon­ trer que le concile n'a porté aucun jugement lâ-dessus. » Constitui. dogmatico:, Fribourg, 1892, p. 62. Autre chose, en cfTct, est de savoir si un concile s’est prononcé sur un sujet donné, autre chose est de trai­ ter par ailleurs ce sujet lui-même. Indépendamment de la preuve que nous avons tirée de l’autorité du con­ cile, notre thèse sc soutient par une autre démonstra­ tion théologique qu’il faut maintenant donner. Une première partie regardera les catholiques : une seconde partie, les hétérodoxes. a) Première partie : catholiques. — Il faut ici dis­ tinguer deux cas possibles : le défaut de persévérance dans la fol (doute volontaire ou apostasie, suspension seulement temporaire â la façon d’Hermès ou rejet qui veut être définitif, cf. Wilmers, loc. cil., p. 189), le défaut de persévérance dans la foi peut figurer de deux manières dans une vie humaine. La première, c’est qu’on soit surpris parla mort dans ce défaut de fol; la seconde, c’est qu’on ne le soit pas. Dans le premier cas, un homme formé par l’Église dans la fol. ct vrai croyant d'abord, vit et meurt ensuite dans le doute ou l'apostasie. Dans le second cas, le doute ou l'apostasie ne sont qu’une triste parenthèse dans sa vie; il en revient, et finit comme H avait commencé. Or, disonsnous, si le catholique fait, comme il le peut, son devoir 301 FOI en matière de fol, la providence empêchera Infaillible­ ment l’un ct l’autre cas de sc produire : mais comme nous en avons plus de preuves quand il s’agit du pre­ mier cas que du second, Il convient de les traiter sépa­ rément. Premier cas. — La foi n’est pas seulement de néces­ sité de précepte, mais encore de nécessité de moyen : voir Nécessité de la fol. C’est pour le chrétien non pas seulement une obligation comme une autre, dont peut excuser l’erreur invincible, mais une condition indis­ pensable de salut; il faut, comme condition nécessaire pour êtic sauvé, être fidèle A sa profession de foi jus­ qu’au dernier soupir. Voir Professio fidei tridentina, Denzinger, n. 1000. Or Dieu veut le salut de tous les hommes, et d’une manière plus spéciale le salut des fidèles. I Tim., iv, 11). Cette volonté ne serait pas sé­ rieuse si le Tout-Puissant, qui a mille moyens d’aider A persévérer, permettait qu’un fidèle, qui a fait ce qu’il a pu pour garder sa foi, soit forcé de l’interrom­ pre malgré lui, de la rétracter, faute de ccttc condi­ tion nécessaire de persévérance qu'est la crédibilité, et enfin soit ainsi suq)ris par la mort, ct privé de son salut étemel. C’est l’argument de Kleutgcn. Voir col. 298. C'est aussi la pensée des théologiens du schéma primitif, quand, A l’erreur qui permet au catholique de douter, ct de changer de religion, ils opposent ccs trois choses : « la nécessité de moyen qui est dans la vraie foi, Heb., xi, 6; le précepte du Christ, de croire toute la doctrine qu’il a ordonné à scs envoyés de prêcher A toute créature; enfin, comme consé­ quence, la gravité du péché de ceux qui, ayant été une fois illuminés par la vraie foi, l’ont abandonnée par une triste chute. 1 Icb., vi, I. 6. » Note 19 du sché­ ma, dans la Collectio lacensis, col. 532. On volt déjà la réponse à cette objection : « Quoique l’accomplisse­ ment des préceptes qui obligent sub gravi soit objec­ tivement’nécessaire au salut. Dieu n’est pas tenu de pourvoir A ce que tous les fidèles aient subjectivement la possibilité de les accomplir : par exemple, de faire que tous puissent jeûner, entendre la messe, restituer malgré leur pauvreté une somme qu'ils n’ont plus; qu'ils n'aient Jamais d'erreur Invincible qui leur fasse faire, meme en matière grave, un péché matériel dans lequel la mort pourra les surprendre. Donc, Dieu ne sera pas tenu de rendre toujours possible l’accomplis­ sement du précepte de la persévérance dans la foi, ni d'cmpêchcr l’erreur invincible qui forcerait un catho­ lique A apostaslcr pour suivre sa conscience erronée, même quand la mort devrait le surprendre en cet état. > La réponse est contenue dans notre démonstra­ tion elle-même. Quand une chose est seulement de nécessité de précepte, comme dans les exemples cités, alors l’ignorance Invincible, ou toute autre cause qui met dans l’impossibilité d’accomplir le précepte, suf­ fit A en excuser et A faire disparaître l’obstacle au salut. Mais quand pour le salut une chose est de nécessité de moyen comme la fol, alors l’ignorance invincible ou toute autre cause d’impuissance peut bien excuser d'une faute nouvelle, mais elle n’enlève pas l’obstacle qui résulte par ailleurs du défaut de moyen : le salut reste inaccessible, si l’on n’est pas muni A l’heure de la mort du moyen nécessaire. Dans ces conditions, comme Dieu veut sérieusement le salut de tous les adultes, et des fidèles surtout, de manière que leur salut dépende de leur volonté personnelle, et qu’ils ne puissent s’en prendre qu'A eux-mêmes de leur perte, cette volonté de leur salut l’engage logiquement A leur donner le nécessaire pour pouvoir mourir dans la fol, du moins si leur volonté personnelle a fait son devoir de ce côté1A; autrement leur perte ne viendrait pas d'eux, mais de lui, ct sa volonté de leur salut no serait pas sérieuse. Cf. Schceben, loc. cil., p. 519. Second cas. — Si l’homme ne doit pas être surpris 302 par la mort dans le manque de foi, si ce moment déci­ sif n'est pas en jeu, nous ne pouvons plus invoquer les conséquences de la nécessité de moyen, ni le salut rendu impossible au fidèle indépendamment de sa volonté personnelle» contre la promesse de Dieu; l'ar­ gument précédent n’est plus applicable. Aussi Gran­ derath ne voit-il pas comment on peut prouver que Dieu doive empêcher pareil cas : « Si (le catholique qui, faute de crédibilité, aurait douté de sa religion par une Impuissance dont il ne serait pas responsable) revient bientôt A la vérité, dit-il, on ne voit pas quel plus grand malheur il peut y avoir A cela, qu'A com­ mettre par erreur (invincible) une autre sorte de péché grave. » Loc. cit.. coL 69. C’est ce < plus grand malheur » que nous allons montrer avec un peu d'in­ sistance, parce que la plupart des théologiens n'ont guère considéré ce cas, ct qu’on ne semble pas avoir assez approfondi une vérité de cette importance. — o. La foi est le fondement de toutes les vertus chré­ tiennes. Voir col. M sq. Sans elle, de quelque façon qu’on en soit privé, pas d’espérance de notre fin sur­ naturelle et ineffable, pas de crainte de l'enfer éter­ nel, pas de contrition surnaturelle de ses fautes avec confiance du pardon, pas d’amour de Dieu comme ami, uni A nous par la communication familière des biens surnaturels, de son Fils qui nous a rachetés et sc donne A nous en nourriture, de son Esprit qui habite en nous, de son adoption et de son propre bonheur un jour : tout cela ne peut sc connaître que par la révélation ct la foi. Sans la foi, pas d’amour pour nos frères, comme membres d’une même famille divine ct représentant pour nous Jésus lui-même, pas de charité s’étendant Jusqu’A nos ennemis, pas d’ardeur A con­ server la pureté, pas de culte divin tel qu’il a plu A Dieu de l’instituer avec son sacrifice et ses sacrements, pas de soumission A l’Église infaillible, pas de zèle pour la conversion de ceux qui sont restés dans les ténèbres en dehors de ccttc admirable lumière, pas de vertus héroïques, pas de sublime dévouement allant parfois jusqu’au martyre. Sans elle, plus de communication Intime avec la grande société qui Jusque-là nous avait soutenus, plus de Mère au ciel et de saints à invoquer, plus d’habitudes religieuses ct de dévotions qui conso­ lent et fortifient. Être privé de la foi, même sans faute de sa part, et ne fût-ce que pour quelques années ou quelques semaines, c’est être pendant ce temps-IA privé de tous ccs biens, de tous ccs divins éléments qui élèvent l'âme; c’est être rejeté, sinon dans le scepti­ cisme, du moins dans les idées vagues et abstraites de la raison naturelle ct de la philosophie, peu acces­ sibles ct peu vivantes; c’est être rejeté dans le vide du cœur, ct par suite dans le matérialisme des intérêts d’ici-bas, ou dans la folle exaltation des passions hu­ maines : et cela d’autant plus dangereusement qu’en perdant les convictions fermes de la fol, par une transition soudaine, on tombe d’un monde dans un autre, on change brusquement tout son horizon, tout son avenir et toute sa vie, on voit s'écrouler tout un passé dont on a vécu, sans savoir si jamais on pourra relever tant de mines. Au contraire, qu’un fidèle par inadvertance manque la messe un jour d’obligation, qu’il aille par une erreur invincible jusqu'A sc croire permise une action gravement immorale ct la com­ mette, ou se croie mal A propos dispensé de restituer, tout cela est plus ou moins regrettable, mais n’a au­ cunement pour lui les conséquences que nous venons d’indiquer. Il y avait donc une raison très forte pour que Dieu, bien qu’il n’ait pas promis d’empêcher, dans des fidèles même très pieux, tout péché matériel con­ tre les autres préceptes, empêchât en eux l’abandon de la foi même par une erreur invincible ct un péché seu­ lement matériel, du moins si auparavant iis ont fait de leur côté leur devoir pour la conserver. * La diflé- 303 FOI 304 rente essentielle qui existe sur cc point entre le devoir In confusion publique de leur foi comme obligatoire de In foi catholique et plusieurs autres devoirs, dit en général et objectivement, mais encore l'apostasie comme subjectivement criminelle et dans tous 1rs cas: Schechen, vient de ce que la possession de la fol di­ c’était un des crimes principaux qu’elle soumettait vine est la condition fondamentale de l’accomplisse­ dans tous tes cas il la pénitence publique, et la plus ri­ ment de tous les autres préceptes. ■ Loc. cil., n. 818, p. 549. — b. Dans l’Église tout comme dans la société goureuse, supposant par conséquent que le fidèle en est toujours responsable. Or si la thèse de nos adver­ dvile, il y a un fonds commun d'idées et de vérités, saires était vraie, parmi ces chrétiens interrogés par regardé comme une base sociale et supposé par la les magistrats païens plusieurs auraient pu se trouver législation, les jugements et les peines. Supposons à cc moment de leur vie, par un défaut de crédibilité qu’un criminel réponde aux assises : < Ma conscience a nécessaire et une erreur invincible, dans l’impossibi­ autorisé cc que vous appelez le vol et l’homicide » ou lité de croire, sans aucune responsabilité de leur part bien : · Pour moi il n’est pas de devoirs, je suis con­ • Et celui qui a cessé de croire, observe Wilmers, ne vaincu que le plaisir seul est la règle de la vie; en peut pas déclarer qu’il croit : un chrétien pourrait donc tuant pour avoir de l’argent, j’ai voulu vivre ma alors (légitimement d'après nos adversaires) vouloir vie. · S'il est déclaré Irresponsable par l’examen médi­ déclarer au juge qu’il ne croit plus, qu’il n’a plus la fol cal, on ne le punira pas, on le mettra dans une maison chrétienne, ce qui le mettrait au rang des apostats. » de santé, parce qu’on reconnaît cc principe, que la Loc. cil., p. 199. Et de ccttc apostasie il ne serait pas peine (du moins la peine grave) suppose un délit vo­ responsable, d’après les théologiens, nos adversaires; lontaire dont le délinquant soit vraiment responsable. d’où il suit que l’Église, qui est infaillible dans sa dis­ Si au contraire il est reconnu que cet homme est dans cipline générale, au lieu de soumettre tous les apos­ l’état normal de ses facultés, on le punira, même de tats en bloc aux peines les plus rigoureuses, aurait dû mort. Mais puisque cet homme vous dit qu’il n’a les interroger sur l’état d’âme qu’ils avaient au mo­ point vu de mal dans l’homicide, qu’il a suivi sa con­ ment de l’apostasie et sur la responsabilité qu'ils pou­ science, son idée de la moralité, pourquoi ne le faitesvaient y avoir; et qu’elle devrait le faire encore de nos vous pas bénéficier d'un cas d’irresponsabilité pour jours, quand elle excommunie les apostats. Donc la cause de conscience invinciblement erronée? Comment thèse adverse, qui admet des cas de légitime apostasie, conciliez-vous votre conduite si dure à son égard avec votre principe que l’on ne doit punir que les responsa­ est opposée à la pensée et â la pratique de l’Église. On pourrait tirer une conclusion semblable, soit des pro­ bles? Ah ! c’est que vous supposez avec raison que les fessions publiques de foi que l’Église exige de certaines vraies notions sur le bien et le mal moral, sur la règle catégories de fidèles, par exemple, des professeurs et de la vie, sont accessibles à tout homme qui ne per­ des étudiants des universités catholiques, sans deman­ vertit pas lui-même son esprit par sa faute; que cet der à chacun cù en sont pour le moment ses motifs de homme a vu. ou du moins a dû voir le contraire de cc crédibilité, soit des peines dont elle punit quiconque, qu'il dit; que s’il est arrivé réellement à détruire en parmi ses membres, manque à la foi qu'il a professée lui les principes qui sont la base de toute société, cc n’est point par une erreur invincible et innocente à et nie publiquement les vérités qui servent de base à cette société tout entière. Voir Kleutgen, loc. cit., p. 466. son origine, c’est par sa faute, en corrompant volon­ Enfin, si la thèse opposée était vraie, si les bons et tairement sa conscience: il est donc responsable, d’une pieux fidèles, qui prient et font cc qu’ils peuvent pour manière ou d une autre, des crimes commis. Démar­ garder leur fol catholique, étaient parfois dans la quons maintenant que la société ecclésiastique ne nécessité de l'abandonner, l’Église devrait avertir au repose pas seulement sur des données de bon sens ou de raison philosophique, mais encore sur des données moins ceux-là de lu possibilité d’un si triste accident, révélées. Sa liturgie, les définitions de son magistère, et, pour les empêcher de se livrer en pareil cas au déses­ sa législation supposent communément admis par ses poir, les informer de son caractère purement tempo­ membres que le Christ lui a donné une mission surna­ raire, parce que la bonté de Dieu qui veut sérieuse­ turelle a remplir, lui a confié des vérités révélées et des ment leur salut leur donnera les moyens de recom­ Institutions divines à conserver. Aussi exige-t-elle de mencer à croire avant leur mort. Voir premier cas, col. ses néophytes une profession de foi, un ensemble de 301. De plus, elle devrait leur donner, à eux ou aux vérités que tous doivent croire pour entrer dans la so­ prêtres qui peuvent les conseiller dans cette terrible ciété. Partant de cette profession qu'ils ont faite, elle crise, des instructions pour ce temps-là, par exemple, a le droit de supposer qu’ils ont cm intérieurement cc qu’ils seront dispensés du précepte de la communion qu’ils professaient extérieurement, et donc qu’ils ont pascale et qu’ils devront même éviter d'en approcher eu la crédibilité sutllsantc; elle sait qu’avec la grâce jusqu’à cc qu’ils aient retrouvé la foi à l'eucharistie et de Dieu, s’ils font leur devoir, ils peuvent continuer à à tout l’ensemble des vérités catholiques. Or non seu­ 1 avoir toujours. Que deviendrait cette société, que lement l'Église n’a jamais donné semblables instruc­ Dieu a rendue obligatoire, si û chaque instant scs mem­ tions, mais elle a urgé pour tous les fidèles le précepte bres pouvaient en conscience échapper à sa légis­ de la communion annuelle. Elle suppose donc impos­ lation, à son action sociale, parce qu’ils auraient mal­ sible le cas admis par nos adversaires comme possible. gré eux perdu leur crédibilité, cette condition essen­ Concluons donc avec saint Thomas que le fidèle a, avec tielle pour reconnaître l'Église? Il fallait donc que la le secours de la grâce, la possibilité de ne pas abandon­ providence veillât à empêcher de pareils accidents, ner sa fol. à moins qu’il n’y ait de sa faute : Homo lu­ non pas à empêcher toute apostasie, mais à empêcher men fidei habens non consentit hi s ipur s uni contra fidem, toute apostasie fégih/ne cl du côté des meilleurs enfants nisi inclinationem field derelimpud ex sua culpa. In IV de l’Église; il fallait que Dieu conservât dans les Sent., 1. Ill, disL XXIV, q. i, a. 3, sol. 2*. ad 3U". Ici fidèles (au moins s’il n'y a pas de leur faute) ccttc base saint Thomas, suivant son habitude, groupe autour de sociale de vérités révélées, comme il conserve dans le Vhabilus fidei, que possède le fidèle, toutes les grâces genre humain un patrimoine de vérités morales sur qui servent à l’exercice de la fui et à In persévérance lesquelles reposent toutes les sociétés. — c· Mais la rai­ dans la fol, révélation, grâces actuelles intérieures et providence spéciale extérieure, et résume tout cela son décisive pour nous, c’est la pratique générale de Γ Église. dès tes premiers siècles. Quand à l'époque des sous le nom de lumen fidei. C’est que la vertu infuse, persécutions les chrétiens étaient traînés devant les qu’il appelle souvent lumen fidei, est comme le centre prétoires, et des aient choisir entre l'apostasie ou le des grâces de fol. centre auquel se rattache tout le martyre, l Églhe a toujours considéré non seulement reste et qui exige tout le reste, (.'est la remarque du 305 FOI cardlnn) Billot : < De même que la grâce habituelle appelle tous les secours (fui sont necessaires au juste pour persévérer (dans la justice), de même Vhabitus fidei exige cc qui est requis du côté de la grâce (actu­ elle) ou de la providence divine,pour que l'homme ne soit jamais mis dans une situation ou, malgré sa vo­ lonté, il lui serait impossible de garder raisonnable­ ment la foi; cc qui lui arriverait, s’il était amené Invin­ ciblement ù un état où lui manquerait la crédibilité suffisante. · De oirtutibus in/usis, 2· édit., Home, 1905, thés, xvii, corolL, p. 315. b) Seconde partie : les hétérodoxes : ils ont commencé, eux aussi, par croire fermement dès leur enfance avec une crédibilité purement relative cc qu'on leur a ensei­ gné. — a. Dans cet ensemble religieux qu'en leur a enseigné, établissons d'abord une grande différence entre les vérités révélées, les vrais articles de foi qu’a gardés leur secte, et les erreurs qu'elle y a ajoutées. Articles vrais. — Nous devons admettre une certaine possibilité de les perdre, même pour des hétérodoxes pieux et faisant cc qu'ils peuvent pour les conserver; parce que cette promesse de Dieu dont nous avons parlé, de fournir aux fidèles de bonne volonté, à tout moment de leur vie même le plus critique, la crédibi­ lité sulllsantc pour qu'ils n'abandonnent jamais la fol, cette promesse, g is-je, est faite â la seule véritable Église, qui est l’Église des promesses; les preuves que nous avons apportées de cette providence spéciale se rapportent à la seule Église catholique, et rien ne garantit qu'elles s’étendent plus loin. Ajoutons les dangers bien plus grands que court la foi dans des milieux qui n'ont pas d’Égllse infaillible pour retenir dans la vérité, dans des milieux où circulent librement sur la nature de la révélation ou de la fol, sur la nature de l'inspiration des Écritures, etc., des erreurs capa­ bles de couper par la racine toute fol â des dogmes quelconques. Cependant il faut appliquer ici la dis­ tinction que nous avons faite tout à l’heure entre la perte des vérités révélées qui serait seulement tempo­ raire, et celle qui durerait /uiçu'd la mort. S’il s’agit de la seconde, la volonté qu'a Dieu du salut de tous les hommes ne peut permettre qu'une âme de bonne volonté, qui prie et fait cc qu'elle peut suivant les lumières qu’elle a, arrive au moment qui décide de l’éternité, avec une erreur invincible qui la priverait de la foi nécessaire Λ la rémission de ses péchés. Une providence spéciale de Dieu lui procurera donc avant la mort, non pas nécessairement cl toujours la possi­ bilité d’entrer dans l'Église, de faire partie de son • corps », mais le moyen de retrouver la crédibilité des dogmes, nu moins de ceux qui sont de nécessité de moyen pour la Justification et le salut. Voir Salut. Erreurs des sectes. — Ici surtout apparaît la diffé­ rence entre catholiques cl hétérodoxes. Ces erreurs, qui renferment en premier lieu ridenti fient ion de leur secte avec la véritable Église instituée par JésusChrist (ou bien, s'il s’agit du paganisme, la vérité des faux dieux),n'ont pas objectivement de preuves soli­ des, et prêtent le liane Λ de terribles difficultés; Dieu, qui a pu parfois tolérer quelques apparences en leur faveur, n'a pu leur donner des notes convaincantes comme â la véritable religion, ce qui serait positive­ ment Induire en erreur le genre humain. Le dévelop­ pement naturel de l’esprit et l'étude rie la religion amèneront donc uq certain nombre d’hétérodoxes sin­ cères et intelligents â douter sérieusement et prudem­ ment de leur secte, et ù pouvoir la quitter. Mais sur­ tout le travail surnaturel de la grâce doit par moments les pousser â sortir de ces crirurs. Car la grâce n'est pas un principe indiflcrc.nl au bien ou au mal, au vrai ou au faux, à la façon du concours général que Dieu donne â toutes nos actions bonnes ou mauvaises. Voir Concours divin, t. ni, col. 781 sq. La grâce est essen­ 306 tiellement un principe d’action plus limité et plus spécial, déterminé par lui-même au vrai, nu bien, n’ai­ dant que dans la direction du salut, ne donnant que la lumière du vrai dans 1 Intelligence ou l’amour du bien dans la volonté. Voir Ghàcf.. Un semblable prin­ cipe ne peut se comporter delà meme manière en face de V» vénté salutaire ou de l’erreur dangereuse, en face de la véritable Église, ou d'une secte qui lui fait la guerre. Et comme la grâce traite d’une manière oppo­ sée l’âme endormie dans le péché mortel et l’âme pieuse et toute à Dieu, comme elle trouble In première dans sa fausse quiétude, l'agite, l’attriste par le re­ mords de la conscience, et au contraire tranquillise la seconde dans ses troubles, lui donne la consolation et la joie (S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels, Régies du discernement des esprits pour la première semaine, règle 1 et 2) : ainsi la grâce traitera d’une manière opposée l’âme attachée par une erreur même inconsciente Λ une fausse religion, et l’âme qui se trouve dans la véritable Église, dans la voie du salut; elle inquiétera ordinairement la première dans un repos qui malgré sa bonne fol lui est plus ou moins funeste, et nu contraire tranquillisera la seconde et la fixera où elle est. On voit ici la raison profonde, et fondée sur la nature même de la grâce, de celte diffé­ rence que le concile du Vatican affirme entre catho­ lic pics et non catholiques, du côté de la grâce de Dieu. On peut même en faire une sorte de contre-épreuve par un certain emploi de l’expérience, autant qu’on peut du dehors appliquer l’observation ù cc qui s’est passé dans les Ames, à l'aide des autobiographies, des signes et des faits extérieurs qui encadrent un chan­ gement de religion. Muni d’un bon nombre de cas, si l’on compare, par exemple, les passages bien connus du catholicisme au protestantisme et les convenions célèbres du protestantisme au catholicisme, on verra que les catholiques devenus protestants paraissent avoir cédé d’une manière générale â des motifs hu­ mains, â la légèreté ou à l’orgueil froissé, au désir de secouer un Joug pénible aux sens, à des passions où la grâce n'a point de part, et qu’ils étaient peu coutu­ miers de la prière, qui obtient la grâce : tandis que les protestants convertis étalent des âmes sérieuses, éle­ vées, soucieuses de la question religieuse et de l'union avec Dieu, cherchant la vérité, priant, et se mettant ainsi sous l'influence de la grâce. On peut donc con­ clure que la grâce les a poussés dans la direction où Os ont abouti, tandis qu'elle n'a pas aidé au changement des autres, cl le combattait plutôt; ce qui peut, par ailleurs, fournir un Indice nouveau pour le discerne­ ment de la véritable Église. Voir Klcutgen, loc. cit., p. 465. b. Conséquence. — Au sujet des hétérodoxes, nous devons tenir un juste milieu, et éviter deux excès opposés. — Le premier excès est de supposer gratuite­ ment, et même contre d’excellents témoignages, qu’il y en a très peu qui soient de bonne foi, et d'ajouter que ceux mêmes qui le sont ne peuvent jamais faire un véritable acte de foi divine et salutaire sur les articles de la révélation chrétienne que leur secte a conservés : cc que nous avons réfuté à propos des limites du rôle de l'Église dans la fol, col. 165. Ailleurs nous avons montré qu'en fait de certitude rationnelle exigée comme condition préalable de l’acte de foi, une certitude purement relative peut suffire, et (pfune telle certitude se trouve couramment dans les fausses religions elles-mêmes chez les enfants et les simples, qui tiennent avec fermeté et prudence, par exemple,les préambules de la foi chrétienne sur la parole de ceux qui les instruisent. Voir col. 231, 23'2. Ce genre de cer­ titude tombe d'ailleurs aussi bien sur les erreurs de la secte cl les articles faux qu’on leur enseigne que sur les articles vrais et les véritables préambules de la fol 307 FOI 308 dans la véritable Église, parce qu'il y en a beaucoup de bonne foi, même jusqu’à la mort, et que ceux-là, par un acte de foi surnaturelle et un acte de contrition parfaite, avec le secours do Dieu, peuvent mourir en état de grâce, leurs péchés pardonnés — elle n’au­ rait pas été condamnée. Mais elle fait · bien espérer » du salut de tous les hétérodoxes : cet espoir suppose qu’ils sont tous de bonne foi dans leur secte, et de plus, qu’ils ont tous la notion juste de l’acte de foi, qu’ils ont tous la certitude suffisante des préambules pour pou­ voir faire un acte de foi très ferme, qu’ils ont tous gardé les vérités révélées qui sont de nécessité de moyen, enfin qu’aucune erreur (comme celles de Lu­ ther sur la justification et la pénitence) ne les empêche de faire un acte de contrition de leurs péchés; et tout cet ensemble de suppositions, démenti en partie par l’expérience, est nécessaire pour que cette proposition soit juste. Si elle l’était, il n’y aurait en outre aucun< différence de condition subjective entre catholiques cl hétérodoxes, ce que nous venons de réfuter. c. Objections. — Mais, dira-t-on, nous devons laisser à Dieu, qui seul scrute les cœurs, le jugement sur la bonne ou la mauvaise fol des hétérodoxes. — Oui, quand il s’agit de désigner d’une manière déterminée, nommément, ceux qui sont dans la mauvaise fol; non, quand il s'agit de juger d’une manière indéterminée, sans désigner personne : or, c'est ainsi que nous avons conclu, en vertu de preuves solides, sans désigner per­ sonne, que dans l'ensemble des hétérodoxes il doit y en avoir un certain nombre forcés de soupçonner ou même de reconnaître l’insuffisance de leur secte et le devoir de chercher ailleurs, bien qu'ils tâchent de s’étourdir ou de faire illusion à eux-mêmes, par une grave impru­ dence dont ils ne sont pas toujours inconscients. — Mais, dit-on encore, si nous Interrogeons les membres des diverses religions, tous paraissent également per­ suadés d'etre dans la vraie. — Leur assertion peut être exacte, s’il s'agit de gens médiocrement instruits, peu difficiles en fait de preuves; tous ceux-là, dans les di­ verses religions, peuvent ne pas différer beaucoup par la conviction subjective. Voir ce que nous avons dit de la certitude relative. Mais s’il s’agit de tous les autres, répondons avec le cardinal Gerdii : < Tous ceux qui engagent un procès semblent également persuadés de la bonté de leur cause : et pourtant un juriste perspi­ cace distingue aisément, parmi scs clients, ceux qui sont sérieusement et solidement persuadés et ceux qui se bercent d’une vaine espérance. ■ Introduzione allo sludto delta religione, discours préliminaire, dans Opere, Florence, 1845, t. ni, p. 157. — Enfin il y a une objection de sentiment et de courtoisie, fréquente au­ jourd'hui : on répugne, par délicatesse, à accuser les autres de < mauvaise foi »; on craint de passer pour un fanatique mal élevé qui dit des injures, pour un esprit étroit, sans équité naturelle et sans impartialité. Cette impression se dissiperait, si l'on savait que nous ne prenons pas ici le mot de · mauvaise fol » au sens vulgaire, mais au sens thèologique. Nous entendons par là que l’adhésion est donnée ou continuée à une secte malgré la réclamation de la conscience; et encore cette réclamation a-t-elle pu être étouffée peu à peu et oubliée, tellement que peut-être maintenant ccs gens sont tranquilles dans leur religion et ne volent en eux que sincérité; néanmoins cette réclamation a existé, et les a rendus alors coupables devant Dieu, en sorte qu’ils sont devant lui responsables de leur Du moins 11 faut avoir 17. Saltem bene speran­ bon espoir du salut éter­ situation actuelle. Aussi leur ignorance de la vraie reli­ dum est de ootema illorum nel de tous ceux qui ne sont omnium salute, qui in vera gion n’est point par les théologiens qualifiée d'< invin­ pas dans la véritable Église Chris U Ecclesia nequaquam cible », parce qu’autrefois elle n pu être vaincue; et du Christ. venantur. Denzinger, η. même dans l'état actuel, quand parfois la grâce vient 1717. les troubler dans leur tranquillité, s’ils voulaient l'écou­ ter, ils pourraient encore vaincre l'erreur. Cc n'est Si la proposition s’étalt bornée à dire qu’on peut espérer le salut de plusieurs de ceux qui ne sont pas I donc pas nécessairement la « mauvaise fol » au sens chrétienne. Voir col. 233,234. L·*! différence de condition subjective qui sur la crédibilité oppose les hétérodoxes aux catholiques n'existe donc pas ordinairement à l'origine pendant leur éducation religieuse et les pre­ miers temps qui la suivent. Voir cc que nous avons dit contre Pérez, col.248,249. Cette dllTércnce ne sc dessine que plus tard, quand l’esprit ne sc contente plus, pour la crédibilité» du simple témoignage des éducateurs, et commence à juger par lui-même de la valeur des preu­ ves en faveur de la religion qu’il a suivie jusqu’alors. Alors 1’hétérodoxc arrive souvent à sc sentir suspendu dans le vide, tandis que le catholique éprouve de plus en plus la solidité des bases de sa religion, ce qui est la raison pour laquelle il ne lui est jamais permis d’en douter, comme le remarque Amort, Demonstratio cri­ tica retigionis catholica, Venise, 1744, part. IV, n. 39, p.281. Encore faut-il, pour que cette différence subjec­ tive sc dessine, que la mentalité de l’hétérodoxe soit assez développée pour le rendre capable de cc jugement personnel sur les preuves de sa religion, et que les pré­ jugés, souvent si tenaces, ne l’arrêtent pas. La grâce n’est pas obligée non plus, quelles que soient ses bonnes i dispositions et scs prières, de lui faire obtenir vite et de bonne heure toute la vérité, ni même (rigoureusement parlant) de le faire ici-bas parvenir à la véritable Égli- | se, s’il a par ailleurs, avec la bonne foi, un moyen de sa­ lut dans la fol surnaturelle suivie de l’espérance et de la charité avec la contrition de ses fautes. 11 s'ensuit I que, pour une personne qui nous paraissait bien dis­ posée, mourir dans sa secte n’est pas un signe qui doive nous faire désespérer de son salut. Le second excès, opposé au premier, est de nier toute différence quant à l’état subjectif soit de doute ou de certitude, soit de prudence ou d’imprudence, soit de bonne ou de mauvaise foi, entre l'ensemble des catho­ liques et l’ensemble des hétérodoxes; je dis V ensemble, ce qui suppose qu’on prend les uns et les autres éga­ lement à tous les âges, dans toutes les classes de la société, et dans toutes les phases du développement de l’esprit humain. — On ne peut aller jusque-là. Cc serait nier qu’il y ait une différence de valeur et d’efficacité entre les signes et les notes que Dieu a donnés à la vraie religion pour la faire reconnaître, et les apparences qu’on peut tâcher de faire valoir pour une fausse religion; cc serait croire tous les esprits si obtus, si emprisonnés dans leurs préjugés, qu’ils ne puissent jamais saisir, entre de bonnes et de mauvaises preuves, une différence de valeur, ce qui est faire peu d’honneur à la raison, et à Dieu qui aurait agi sans but et sans sagesse, en donnant à la vraie religion des signes et des notes qui ne serviraient jamais de rien; ce serait, en somme, une forme de fidéisme ou de scepticisme. Nier ainsi toute différence subjective, cc serait encore nier tout travail de la grâce dans les âmes, soit pour tranquilliser et affermir les unes dans la religion véritable, soit pour inquiéter les autres dans leurs fausses religions; cc serait enlln nicr en pra­ tique toute obligation de chercher la véritable reli­ gion, et d’y entrer, puisqu’elle serait pratiquement indiscernable. Λ l’excès dont nous parlons se rattache la 17· proposition du Syllabus, condamnée malgré son apparente modération. Elle sc garde bien, en effet, de dire, comme la proposition précédente, que toutes les religions sont bonnes et mènent au saluL Elle dit avec un indifférentisme plus mitigé : 30ί) FOI vulgaire du mot, la mauvaise fol à l'égard des hommes, qu'ils tâcheraient de tromper par l’hypocrisie ou le mensonge; ni même d l'égard d'eux-mêmes, en cc sens qu'ils chercheraient constamment Λ sc tromper, et manqueraient absolument de droiture et de sincérité. On voit que cette distinction théologique des hétéro­ doxes · de bonne fol » et des hétérodoxes · de mau­ vaise foi · n’a pas, pour ccs derniers, le sens injurieux qu’on lui prête; sans compter qu'on ne caractérise ainsi aucune personne déterminée, bans un sujet pareil, A propos des athées, Ollé-Laprunc, tout en soutenant qu’lb n'ont pu le devenir que par leur faute, fait une semblable remarque : < Assurément, dit-il, il peut y avoir une certaine honnêteté dans l'erreur même coupable, une certaine candeur d'âme, qui inspire la sympathie et une sorte de respect : je puis, A la con­ dition de ne point donner aux mots leur sens plein et complet, honorer la sincérité et rendre hommage A la bonne fol de tel et tel homme dont je condamne éner­ giquement les négations. Ce n'est pas pure conve­ nance mondaine, pure politesse : c'est justice. Cet homme ne se sert-il pas avec loyauté des armes de l'argumentation? N'a-t-il pas vers la vérité de beaux et généreux élans? N'a-t-il pas eu le courage sur tel point de surmonter un préjugé, d'avouer une erreur? Que sais-je?... bien des choses décélent la noblesse de son âme, et voila cc que je loue, ce que j’aime en lui. Mais le même esprit de justice m’empêche de voir là cette absolue sincérité, celte parfaite bonne fol qui, dans le for intérieur, devant la conscience, excuse com­ plètement l'erreur. On n’a pas le droit d’exiger de moi que j'aille jusque-là, car je ne puis, pour absoudre un homme qui sc trompe, accuser la vérité morale de se dérober, en cc qu’elle a de plus essentiel, à la bonne volonté qui la cherche et l'appelle. » De la certitude morale, c. vn. Paris, 1880, p. 374. 3. Les concessions que l'on peut ou que l'on doit faire â l'opinion la plus large. — Elles serviront A bien déli­ miter la doctrine que nous venons d’exposer, qu'un catholique ne peut, sans qu’il y ait de sa faute, perdre la possibilité de croire sa religion, en quoi il diffère des hétérodoxes. a) Il n'est question que d'un catholique bien formé. — Quand on dit, pour abréger, qu* « un catholique » ne saurait changer de religion sans qu’il y ait de sa faute, il faut toujours sous-entendre cette condition, que le concile du Vatican indique par ces mots : qui fidem sub Ecelés tΛ magisterio susceperunt. Voir col. 290. Il faut donc entendre un catholique dûment catéchisé, comme on a coutume de le faire normalement dans l’Église, et parvenu ainsi A faire un véritable acte de foi avec toutes les conditions exigées, enfin ayant appris qu’il doit évllei les dangers et résister aux atta­ ques contre la foi, et y persévérer toujours. Sans cela il ne partirait pas pour la vie avec le bagage que doit emporter tout fidèle, d’après saint Thomas : Etsi non omnes habentes fidem plene intclligunt ea qua propo­ nuntur credenda, intrlligunt tamen ea esse credenda, et quod ab cis nullo modo est deviandum. Sum. theol., II· II·, q. vin, a. I, ad 2··. Il ne serait donc pas étonnant qu'il quittât sa religion sans qu’il y eût de sa faute, croyant que c'est permis, et ignorant ce que c’est que fermeté et constance dans la fol; et Bleu ne serait pas obligé de faire des miracles pour suppléer au caté­ chisme qui hil a manqué; toutefois il veillerait A lui oilrir avant sa mort des moyens de salut. De même notre thèse ne s’étend pas A un enfant baptisé dans l’Église catholique, et puis emmené par des parents indifférents dans un milieu hétérodoxe où sans aucune faute de sa part il passerait A une secte. Le baptême ne su fill pas, il faut encore le catéchisme; et non pas un demi-catéchisme, ni un catéchisme donné dans des conditions où l’enfant ne pouvait rien saisir. Bien des 310 apostasies aujourd'hui pourraient s'expliquer ainsi, sans la faute de l'incroyant. b) Il n'est question que de ta foi « catholique ». — Cette • foi reçue sous le magistère de l’Église, » qu'on n'a jamais ensuite un Juste motif de révoquer en doute, ou d'abandonner, et qui par une protection spéciale de Dieu gardera toujours pour le catholique sa crédibi­ lité, c'est l'ensemble des vérités révélées que l'Église propose comme devant être crues explicitement pur tous les fideles, c'est la foi · catholique ». On ne peut pas prouver que la protection providentielle doive s’étendre A une vérité révélée qui n'est pas ainsi pro­ posée par l'Église, et qui est de foi « divine · sans être en même temps de fol · catholique ». Voir coi. 169 sq. Une telle vérité ne serait pas sub magisterio Eeriest* suscepta. Exemple : un fidèle fait un acte de fol divine et surnaturelle sur une vérité que l'Église n’a pas pro­ posée comme devant être crue explicitement par tou> les fidèles, mais qu’il tient pour révélée dans tel pas­ sage de ΓÉcriture, et qui l’est en effet. Mais void que des exégetes catholiques lui disent par erreur que tel n'est pas le sens de cc passage et que celte doctrine ou ce fait n’apparUent pas au donné révélé; devant leur autorité, il cesse de croire ce point comme révélé, et même le révoque en doute : peut-il arriver qu’il le fasse prudemment, et sans aucune faute de sa part, et la providence peut-elle permettre dans un homme bien disposé cette perte d'une vérité révélée? De même, avant la définition de l’immaculée conception, un fidele qui la croyait fermement comme révélée, l'en­ tendant nier par des théologiens catholiques, a-t-il pu sans faute la révoquer en doute et perdre cette vérité pour le reste de scs jours? Bien ne prouve que tout cela soit impossible; les preuves données plus haut ne valent pas pour C4.*s cas, où malgré un inconvénient de détail l’ensemble de la fol « catholique · serait sauf. « Il est possible moralement (c’est-a-dire licitement), dit Scheeben, de rétracter dans certaines circonstances la foi vraiment divine et surnaturelle en tant qu elle n’est pas la fol catholique réelle et formelle. Car il est toujours possible en soi que sur certains points de doctrine l’évidence de la crédibilité disparaisse plus tard de l’esprit ou soit obscurcie par des raisons con­ traires... Mais la fol catholique, sans être physique­ ment indestructible, est cependant irrévocable et In­ délébile en ce sens, qu’elle ne peut être rétractée que par une conduite déraisonnable et immorale. 11 y a toujours devoir impérieux en même temps que possi­ bilité rationnelle d’y rester immuablement attaché. · La dogmatique, trad, franç., Paris, 1877, § 46, p. 547. Eusèbe Amort avait déjà au xvin· siècle une remar­ que semblable : « Il y a une grande différence entre un point de religion non encore défini, et la religion tout entière; car la providence divine est tenue d’empêcher que nous ne soyons induits en erreur sur le choix même de notre religion... Mais elle n’est pas tenue d’avoir la même sollicitude sur chaque article en particulier. » Loc. cil., n. 15, p. 265, 266. Et il indique la raison pro­ fonde de cette différence : c’est que, si un fidèle a le malheur de perdre un article, il peut facilement le retrouver tant qu’il conserve par ailleurs la vraie reli­ gion, tant qu’il peut recourir à renseignement infail­ lible de l’Église; mais s’il perd l’Église elle-même, com­ ment réparer celte perte immense? Dans le premier cas, mais non pas dans le second, il peut trouver A sa portée un remède au mal. c) Il n'est pas question d'un dogme particulier dont la perle ne compromettrait pas l'ensemble de la fai ca­ tholique. — La raison que donne Amort s’étend aussi bien au cas d’une vérité de foi catholique, si de sa perte ne doit pas résulter la pertc de la foi catholique tout entière; Dieu ne serait pas obligé, semble-t-il, d’empê­ cher par une providence spéciale le fait de se produire. 311 FOI —Il pourrait arriver, par exemple, qu’ayant été ins­ truit autrefois d’un dogme et l’ayant cru de fol surna­ turelle, un bon catholique oublie que cette doctrine est un dogme de foi et qu’il l’a crue lui-même jadis; et que voyant des gens quila révoquent en doute, H sc croie permis d’en faire autant. Bassler, op. cit., p. 373, 371. Suarez lui-même Incline déjà à l'admettre : « Sur les vérités, dit-il, qui lui ont été suffisamment proposées par l’autorité de l’Églisc et qu’il a crues d’une vraie foi, le chrétien ne peut errer ou douter délibérément sans qu’il y ait dosa faute, à moins peut-être qu’il n'atl oublié sa connaissance première absolument comme s’il ne l’avait jamais eue. · De fide, disp. XV, sect, n, n. 6, dans Opéra, Paris, 1858, t. xn, p. 405. Mais, de cc qu’on peut supposer un tel oubli comme possible à l’égard d’un dogme moins usuel, moins souvent prêché aux fidèle*, on ne peut en dire autant à l’égard de la fol catholique tout entière, comme le remarque Wilmers. De fide divina, Batlsbonnc, 1902, p. 193. Hors le cas d’une infirmité physique où l’on perdrait la mémoire (et la doctrine que nous avons développée d'après le concile ne regarde que ceux qui ont conservé l’usage de leurs facultés), il n’y a aucune parité à établir entre l’oubli d’un détail et l’oubli de la fol catholique en cc qu’elle a de principal et de plus connu : soit du côté de la possibilité naturelle d’oubli, soit du côté de l’aide surnaturelle que Dieu a promise pour maintenir la crédibilité du dogme, soit du côté du danger qu’il y a pour le salut. Voir Pesch, Pralectiones dogmatica, 3· édit., 1910, t. vni, n. 382, p. 174. Ce que nous venons de dire nous donne l’occasion d'expli­ quer un document ecclésiastique sur l’assentiment de foi. d) Explication de la 20· proposition condamnée par Innocent XI. — Voici cette proposition, avec celle qui la précède et qui fait corps avec elle : 312 10*édit., Pfldouc, 1723, prop. 1«, n. 3, p. 223; prop. 19 et 20, η. 1, p. 226. Nous avons l’énoncé des thèses, mais sans aucun contexte : nous ne savons pas comment clics étaient entendues et prouvées. Autant qu’on peut le conjecturer par le simple énoncé et l'enchaînement des deux thèses, l’auteur rejetait le rôle spécial de la volonté dans la fol, et mesurait la fermeté de la fol au poids des motifs de crédibilité (rationum), à la force des arguments, un peu à la façon d’Hermès; aussi, quand une difficulté auparavant inconnue venait affaiblir ccs preuves au moins en apparence, quand un doute quelconque surgissait contre ces motifs, In volonté n’avait rien à faire pour conserver la fol forme, et pouvait prudemment laisser l'intelligence céder à ce doute, et « répudier » ainsi un assentiment même surnaturel. Une pareille théorie était fausse et con­ damnable. Condamnable d’abord dans son principe, énoncé par la proposition 19 : la volonté, en effet, doit jouer un rôle spécial dans la foi, voir cc qui sera dit de la liberté de la foi; en particulier, clic doit éli­ miner les doutes imprudents et déraisonnables, don­ nant ainsi une fermeté d’assentiment que les motifs de crédibilité n’auraient pas obtenue tout seuls; la crédibilité elle-même, dont l’évidence préalable est nécessaire à l’acte de foi, n’a qu’une évidence morale qui dépend des bonnes dispositions morales de la vo­ lonté, et non pas uniquement des motifs intellectuels. Voir col. 210 sq. Condamnable aussi dans la consé­ quence, énoncée par la proposition 20 : quand même ccttc proposition, bien expliquée et strictement limi­ tée, pourrait avoir un sens vrai, elle devient dange­ reuse non seulement parce qu'elle ne s’accompagne d’aucune distinction, d’aucune restriction, mais encore parce que le principe faux d’où on la tire lui communique nécessairement une généralité exces­ sive; elle met donc semblablement en péril toute espèce d’« assentiment surnaturel », même celui qui porterait La volonté ne peut faire 19. Voluntas non potest sur la foi catholique tout entière. Elle mérite donc efficere ut assensus fid ri in que Γassentiment de fol soit au moins les qualifications de · scandaleuse, de perni­ plus ferme en lui-même que sc ipso slt mugis fil mus, cieuse en pratique · Indiquées comme un minimum par ne le mérite le poids des quam mercatur pondus ra­ raisons inclinant à Γassen­ tionum ad assensum Impel­ le décret Dcnzingcr, n. 1215. Or s’il en est ainsi, si timent. lentium. c’est la généralité scandaleuse et pernicieuse qui est 20. Hinc potest quis pru­ En conséquence, quel­ condamnée dans la proposition 20, ccttc condamna­ qu’un peut rétracter pru­ denter repudiare assensum, tion ne tombe nullement sur ceux qui sc bornent à demment l'assentiment sur­ quem habebat, supernatuadmettre un cas particulier et exceptionnel, où, sans ralcm. Dcnzlngcr, n. 1109. naturel qu’il avait aupa­ compromettre en sol l'ensemble de la fol catholique, ravant. 1170. on abandonnerait par suite d’une erreur invincible un assentiment de fol, « surnaturel » en lui-même sans On pourrait tirer de là une objection contre les deux qu’on puisse le discerner comme tel; où on l’abandon­ dernières concessions (b et c) que nous avons faites. nerait « prudemment », la prudence dépendant des Innocent XI, en condamnant la proposition 20, ne circonstances subjectives telles que l’erreur Invincible, semble-t-il pas dire que l’on ne peut /amais rétracter et Dieu n’étant pas obligé d’empêcher cette erreur de prudemment un assentiment de foi surnaturelle? Il détail, même dans le fidèle qui fait tout son devoir. n’y a donc pas de distinction à faire ici entre foi catho­ Ajoutons que le terme employé dans la proposition lique et foi divine (non catholique), celle-ci étant un « assentiment surnaturel · tout comme celle-là, et ne condamnée, repudiare assensum, ne s’applique pas différant que du côté de la « proposition » de la vérité bien nu cas exceptionnel dont nous parlons. Le mot repudiare indique une action faite en pleine liberté, par l’Église. De même, l’assentiment à un dogme est surnaturel comme l’assentiment à plusieurs. — Ré­ avec pleine possibilité d’agir nu de ne pas agir, comme lorsqu'on divorce avec une femme, lorsqu'on la · répu­ ponse. — Il ne faut pas ici, pour avoir la pensée du die ». On ne dirait ni en latin ni en français qu’un pontife qui condamne, considérer isolément la propo­ sition 20, et en prendre la contradictoire. Cette pro­ ! homme · répudie » la faveur d’un prince, pour exprimer qu’il est dans Vimpossibilité de l’obtenir. Or, dans le position, en effet, a été condamnée en connexion avec cas exceptionnel que nous admettons, le fidèle manque la précédente, ce qu’indique le mot hinc qui les lie. Cc qui est condamné, c’est donc tout cct ensemble et de crédibilité à l’égard d’une vérité révélée, sans qu'il cette déduction que faisait l’auteur (qui a mis lui- I y ait de sa faute : Il est donc mis malgré lui dans Vimpossibilité de la croire, et l'on ne peut pas dire qu’il même le mot hfnr); c’est le sens qu’il y attachait. Or la · répudie », ni qu’il « répudie » ou rétracte l’assenti­ malheureusement La pensée de cct auteur, même au ment surnaturel qu’il lui avait donné. — Enfin, plusens objectif, reste obscure pour nous, comme le re­ marquait déjà Cardenas. Crisis theologica, 5· édit., I sieurs théologiens interprètent rt restreignent ainsi Venise. 1700. diss. XI H, c. τν, p. 25«. Ccs deux pro­ ! la condamnation de cette proposition 20. Tels sont positions condamnées sont textuellement des thèses ι K liber, dans Theologia Wtrceburgensis, t. tv, n. 176, du franciscain Arnaud Marchant, soutenues en 1674 à . ou dans Mlgne, Theologia cursus, t. vr, col. 546, 547; Anvers. Voir Viva, Damnata theses ab Innocenlto XI, I Pisani, O. P., Gedeonis gladius propositiones a SS, 313 FOI 314 D. JV. Innocenllo damnalat, etc, Pnlerme, 1683, I sera pas détruite par cette négligence ou cette impru­ p. 158, 159; Bassler, Controversia theol. de ultime reso­ dence, d'après le sentiment presque unanime des théo­ lutione /utri, Dillingcn, 1696» p. 367 sq., où 11 Imite au logiens. « Celui qui s’expose par sa faute au danger long la question. Et de nos jours, Mendlve, S. J., moral (prochain) de perdre la fol, perd-il par là même Institutiones théologien, Valladolid, 1895, t. îv, p. l'habitus fidet Ί · Non, répond Logo, parce qu* « il est 403, 404; Schiffini, De virtutibus In/usls, Fril>ourg, encore dans la disposition de ne pas rejeter la foi, de 1901, p. 273, 274. En tout cas, la condamnation res­ croire tout ce qui lui est suffisamment proposé. » Dis­ tant obscure aujourd'hui pour nous, on ne peut légi­ putationes, Paris, 1891, t. i, disp. XVII, n. 82, p. 784, timement la faire tomber sur la concession susdite. 785. Suarez, nu sujet de celui « qui se constitue dans c) Dernière concession : on n'est pus obligé d'admettre, un danger moral de tomber dans l'hérésie, · admet dans tout abandon de ta religion catholique, le péché qu’on puisse dire < qu’il veut l'hérésie indirectement d'hérésie, ou d'apostasie, qui est appelé · péché formet ou virtuellement : ■ mais il maintient « qu’il n'est pas contre la foi. » — Les théologiens ont appelé « péché hérétique à proprement parler, parce que cette quali­ formel contre la foi » — non pas un péché quelconque fication est tirée d'un acte (nier le dogme) qui ne sc nuisant à la fol, même mortel — mais le péché prin­ trouve pas encore dans cet homme. » Op. ciL, disp. cipal et plus directement opposé à lu foi, celui qui XIX, sect. îv, n. 18, p. 485. A propos du Adèle qui né­ non seulement, comme tout péché morte), détruit la glige de continuer à s’instruire de sa religion, et qui charité et la grâce sanctifiante si elle est dans le sujet, l’oublie, Biffiez dit : · Nous ne nions pas que cet homme mais qui détruit encore la vertu Infuse de ici, ccttc puisse pécher mortellement, si son ignorance est cou­ dernière racine du surnaturel si l’on peut dire, laquelle pable; son péché sera contre la vertu nommée studiosisubsiste dans les autres chrétiens pécheurs, et leur tas, qui nous oblige à savoir et à chercher ce qui appar­ sert à ressaisir la grâce perdue, et â rendre leur con­ tient à notre état... Mais il ne viole pas le précepte de version moins difficile. Voir le concile de Trente, la fol, qui nous oblige a recevoir (les dogmes) et à ne sess. VI, c. xv, Denzingcr, n. 808, cf. n. 838. Cc péché jamais les nier. » Commentaria in II** II·, Douai» principal est appelé d'un nom général, infidelitas, dans 1615, q. xi, a. 2. conci. 1·. p. 272. D’autres sou­ cct endroit du concile de Trente, et prend divers au­ tiennent que cc genre de péché» bien que très diffé­ tres noms suivant les circonstances particulières : par rent du péché d’hérésie, peut être appelé encore péché exemple, < hérésie » s’il ne nie qu’un seul dogme ou contre la foi », qu’il attaque indirectement; ainsi quelques-uns, ■ apostasie · s’il rejette en bloc toute la Oviédo, De fide, spe et caritate, Lyon, 1651, cont. X. foi catholiauc; au reste, le péché d’hérésie détruit aussi part. V, n. 64, 65, p. 159, 160. Cette divergence sur la bien la venu de fol que s’il niait explicitement tous les question de dénomination et de classification des dogmes, et 1 on ne ucut rejeter sciemment la fol ca­ péchés est chose secondaire : on s’accorde pour le prin­ tholique sur un point sans la rejeter implicitement cipal, c'est-à-dire que ce n’est pas là le péché par excel­ sur tous les autres, voir S. Thomas Sum. theol. 11· 11·, lence · contre la foi », l’hérésie, qui seule détruit la q. v, a. 3; cc qui fait qu’on peut prendre le « péché vertu infuse. Voir Hérésie» Hérétique. d'hérésie » comme type au oéché dont nous parlons, Ccs notions étant supposées, considérons mainte­ péché oui par la mine qu’il cause en nous est le plus nant le Adèle qui, sans avoir jamais douté d’un dogme, grand de tousics péchés (dans son genre,et toutes choses s’est rendu gravement coupable de négligence ou d im­ égales d’ailleurs;. S, Thomas roc. cil. q. x, a. 3, 6. prudence en matière de fol. On ne peut certes pas dire Le pèche d'hérésie, d'après saint Thomas suivi par que de son côté il ait été fidèle au devoir de bien garder tous les théologiens suppose qu on nie (e aogme, qu’on sa foi, d’en procurer la persévérance, ni qu il ait droit le · corrompt » et qu on s'écarte ainsi de la fol sciem­ à cette providence spéciale de Dieu, promise comme ment librement · par élection · suivant fctyniologic nous l’avons vu au Adèle qui fait son devoir. Il peut du mot tucrcsis, q. xi a. 1. CL Suarez Opera Paris, donc arriver qu’ayant abandonné Dieu par un péché 1858, t. xix De fide disp. Vif sccL îv, p. 214 sq.; mortel se rapportant à la foi, il soit abandonné à son dlso. XVI, sect, n n. 2, p. 409; sect, v p. 485 sq. On tour; que dans une circonstance critique il ne trouve appelle souvent contumacia ou pertinacia, ccttc Injure pas, pour la conservation de la crédibilité, le secours faite à Dieu sciemment et librement par l’hérétique extraordinaire qui lui serait actuellement nécessaire, proprement dit — En dehors du péché d’hérésie, on et qu’une providence surnaturelle eût mis Infaillible­ peut considerer d'autres Péchés qui seulement prépa­ ment à sa disposition, s’il avait préalablement accom­ rent la perle de la fol, et par conséquent l’attaquent pli son devoir. N’ayant plus la crédibilité qui réponde ce plus loin et plus indirectement. En effet, le devoir à son état d’esprit actuel, il ne peut réellement pas général de persévérer dans la foi, affirmé par les docu­ faire l’acte de foi, et il peut facilement sc persuader ments ac la révélation, voir col. 280. s’appuie de cer­ que, la fo. lui étant impossible, il doit y renoncer. S'il tains graves devoirs auxiliaires, qui lui servent pour le fait, on ne peut pas dire, du moins avec certitude, ainsi dire de contreforts : par exemple, de continuer Λ qu’en rejetant le dogme dans ces conditions il com­ s’instruire de sa religion et d’entretenir ce qu’on a mette le péché d'hérésie. Ce péché consiste à rejeter appris; d'éviter les occasions dangereuses à la fol, le dogme en voyant (malgré les sophismes dont ou comme sont les faux prophètes, Matth., vu, 15, les cherche à s’obscurcir la vue) qu’il est sufllsanuncnt faux docteurs qui veulent changer l’évangile qu’on a proposé par l’Églisc, sufhsammcnt croyable comme reçu des apôtres. Gai., i 7-9, ceux qui créent des divi­ révélé de Dieu; or l’homme dont nou* parlons n’a pa$ sions et des scandales en s'écartant (le la doctrine ensei­ cette condition essentielle, de voir que le dogme lui est gnée aux fidèles, Horn., xvi 17 ceux qui cherchent suffisamment proposé comme révélé, puisque, par hypothèse, il manque maintenant des motifs de crédi­ à les tromper par la philosophie et les sophismes. bilité nécessaires. En d’autres termes, son ignorance Col., i, 8, les hérétiques 'l it., m, 10, les antechrisls, les séducteurs, I Joa.. n 18, 22, 26; îv, 1-3; Il Joa., actuelle de la crédibilité du dogme, bien que coupable 7-11, les livres dangereux, qu’il ne faut pas garder· dans son origine et pouvant ainsi se rattacher à l’igno­ Act., xix, 19. Manquer gravement et délibérément à rance que les théologiens appellent vincibilis, suffit cependant à excuser du péché d’hérésie, d’autant plus quelqu’un de ccs devoirs auxiliaires de la fol sera un que pour le moment elle est invincible et forcée, ce qui péché mortel de négligence ou d’imprudence, mais cc empêche la contumacia, une note essentielle du péché ne sera pas le péché d’hérésie, qui, nous l’avons vu, d’hérésie. Dans ccs conditions, on n’abandonne pas la suppose essentiellement la négation d’un dogme, négOr vérité sciemment et librement. De là vient que plutlon qui alors n’a pas lieu, et la vertu infuse de foi ne 315 FUI 316 qu'on peut leur accorder, c’est la dernière concession rieurs apostats» sous le coup de cette ignorance que nous venons de faire, avec Tanner et les théolo­ actuelle, de cette sorte d’aveuglement, disent sans giens romains bien compris. Cette même concession manquer de sincérité qu’ils sc voient forcés d’aban­ est faite de nos jours en termes très précis par le donner leur religion, et qu’ils suivent leur conscience. P. Desch.Pnelectiones dogmatica:, 3* édit., 1910, t. vm, Alois ils ne sont pas pour cela excusés de la faute n. 383-385, p. 171, 175; et par le P. Lahousse, De grave de négligence ou d’imprudence commise aupa­ virtutibus theologicis, Bruges, 1900, n. 231, p. 296. ravant par eux, et qui les rend responsables de leur 4. Comment se peut-il que le catholique, en avançant apostasie; de même que, si Ton s’expose volontaire­ dans la vie, ait toujours des motifs de crédibilité qui lui ment à une occasion prochaine de péché, à un grand suffisent? Explication psychologique cl rationnelle. — danger pour les mœurs, il peut arriver qu’en face de Nous connaissons déjà, par diverses preuves tirées la tentation le jugement sc trouble, et qu’on fasse le de la tradition, des documents et de la pratique de mal dans une sorte de folie momentanée : on en est l’Église, cette volonté divine, que tout catholique responsable cependant parce qu’on s’y est librement dûment catéchisé, au moins s’il n'est pas ensuite gra­ exposé, et c'est ce qu’on appelle en théologie morale vement infidèle aux devoirs que lui impose la persé­ un acte qui n’est pas volontaire en sol, mais volontaire vérance dans la fol, ait toujours la crédibilité ration­ dans sa cause, voluntarium in causa. L’exemple classi­ nelle nécessaire à la fol, la providence dût-elle recourir, que est celui de l’homme qui s'est mis librement en pour la lui donner, à des moyens extraordinaires. Mais état d'h cesse, prévoyant plus ou moins confusément l’extraordinaire est plutôt rare; et pour qu'on ne nous les actes mauvais qu’il peut faire en cet état, et qui lui accuse pas de multiplier incroyablement les miracles, seront imputables. En ce sens nous disons que jamais il importe de montrer comment cette volonté divine catholique formé par l’Église n’abandonne sa religion pourra très souvent sc réaliser pratiquement par le sans qu'il y ait de sa faute et qu’il en soit responsable. simple jeu des forces naturelles et des lois psycholo­ Mais il peut sc faire qu’il n'ait jamais commis le péché giques. par excellence « contre la foi », et n'alt pas perdu la Tout catholique a acquis des motifs de crédibilité, vertu infuse. Car au temps où il voyait suffisamment qui sc trouvent être ou d'une valeur absolue* valables la crédibilité des dogmes, il ne les a pas niés de fait, pour donner la certitude ù tous les esprits, même les malgré les péchés de négligence ou d'imprudence qui plus perspicaces et les plus exercés à la critique, ou préparaient sa chute et attaquaient la foi indirecte­ d’une valeur seulement relative. De là deux cas très dif­ ment : faute de négation, il n'y a pas eu péché d'héré­ férents à examiner, au point de vue de la possibilité sie. Et au temps où il commence à les nier, il peut arri­ rationnelle de croire. Le premier cas (valeur absolue) est ver qu’il n'en reconnaisse plus suffisamment la crédi­ facile. De tels motifs donnent une certitude infaillible; bilité : faute de cette connaissance, il n'y a pas non ils valent pour toute intelligence possible, par consé­ plus maintenant péché d'hérésie. quent pour tout développement possible d'une même C'est cette théorie que Tanner a brièvement indi­ intelligence, ce qui doit les rendre toujours suffisants. quée, voir col. 297; c'est cette théorie que les théolo­ Comme cette certitude infaillible peut dépendre cepen­ giens romains du concile, citant Tanner, ont voulu dant des bonnes dispositions morales, nous ne préten. mettre à l’abri de toute condamnation dans une note dons pas qu’elle soit physiquement indestructible; de leur schéma. Voir col. 296. Pour eux comme pour nous disons seulement que la volonté ne peut jamais Tanner, on voit que l'expression qu'ils emploient, la détruire prudemment et légitimement, ce qui suffit peccatum formale contra fidem, signifie uniquement le à la question actuelle. — Objection. — Les plus excel­ péché d’hérésie, qui seul fait « perdre la foi », c’est-àlents motifs de crédibilité, supposant en général des dire perdre la vertu Infuse de foi. Les autres péchés raisonnements historiques assez longs et assez com­ qui attaquent à leur façon la vertu de fol (négligence» pliqués, peuvent, après un certain temps, sans qu’il y imprudence), ne l’attaquent qu'lndirectcment, vir­ ait de la faute de celui qui a passé par tous ces raison­ tuellement, et ne la font pas perdre quand on les com­ nements, ne lui apparaître plus que d'une façon con­ met; si on les appelle contra fidem, ce qui ne plaît pas à fuse, ce qui leur ôte de leur valeur à scs yeux : son quelques théologiens, il faut du moins reconnaître avenir n'est donc pas assuré en matière de crédibi­ qu’ils ne sont que virtualiter contra fidem, et non pas lité. — Réponse. — Il lui sera souvent possible et facile formaliler. Tanner oppose donc /armate à virtualc, ce de les repasser, et de leur rendre l'éclat primitif. Mais qui sc fait parfois chez les théologiens; et son peccatum même en dehors de cela, le souvenir certain qu’a un /ormal? contra fidem veut dire le péché direct contre la homme d'avoir vu distinctement une démonstration fol, c’est-à-dire l’hérésie qui la détruit. Grandcrath, au dont il a oublié le détail, et d'en avoir alors reconnu contraire, et Vacant à sa suite, n’ont pas saisi le sens de cette expression technique, peccatum formate contra la valeur absolue, est un fait suffisant à lu! donner fidem, et n'y ont pas vu l’hérésie exclusivement dési­ encore une infaillible certitude de la vérité autrefois gnée. Ils ont pris le mot formate dans un tout autre démontrée. C'est à cette certitude d'avoir vu In vérité sens, plus souvent usité en théologie morale, c'est-àen des temps où nous étions mieux en état de la voir, dire en tant qu'on l’oppose non pas à vicinale, mais à que le bon sens lui-même nous dit de recourir dans les materiate. Et cette méprise les empêchant de compren­ moments où nos facultés sont affaiblies soit par l’flgc, dre la note des théologiens romains qui les a surtout soit par la maladie, soit par ces crises intellectuelles impressionnés, Ils ont prétendu d’après cette note que d’origine morbide où l’esprit est comme saisi d'une le concile laissait parfaitement libre de soutenir qu’un sorte de vertige, soit dans ce qu’on appelle en langage catholique formé par l’Église puisse dans certains cas ascétique des « tentations conbrc la fol ·. Ne rien chan­ passer à une secte sans aucune faute de sa part se ger, ne rien innover dans ces bourrasques de la tentarapportant d’une maniéré quelconque à la fol, ni au ! tion ou de la « désolation », où l’on peut être sous l’inmoment de son apostasie ni auparavant, sans aucun I fluence de l’esprit de ténèbres, c’est le conseil très autre péché que le péché materiel qui. n'étant pas libre, raisonnable de saint Ignace, Exercices, Règles du disne comporte aucune culpabilité, aucune responsabi­ I cernement des esprits pour la première semaine, règle 6. lité; en quittant la vraie religion il ferait une chose Tcnons-nous-en à ce que notre Ame n vu cl décidé en un objectivement mauvaise, mais, au point de vue subjec­ temps calme et lucide où notre jugement naturel avait tif, il n'aurait, de ce chef, sur la conscience aucun pé­ toute sa valeur, où les influences mauvaises cédaient ché, il n’y aurait pas vraiment de sa faute dans son la place à celles de la grâce de Dieu. Chose curieuse, apostasie; ce que nous avons déjà réfuté. Tout ce dans une lettre signalée par M. Jules Lemaître, Jean- 317 FOI 318 Jacques Rousseau lui-même dit quelque chose de sem- I qu’il monte m développement, monte aussi ces degrés bluble A propos de ses croyances A la providence de ’ de preuve, de manière A rencontrer toujours sur son Dieu et A lu vie future : « J’ai cru dans mon enfance chemin ce qui correspond A ses exigences grandies. A par autorité, dans ma Jeunesse par sentiment, dans l’enfant, content d'abord du témoignage de ses parents mon Age mûr par raison, maintenant Je crois parce que ou de son curé, il faudra plus tard un petit raisonne­ j’ai toujours cru. l’midis que ma mémoire éteinte ne ment simple et facile pour confirmer les préambules me remet plus sur la trace de mes raisonnements, de la fol ; peu A peu ce raisonnement prendra des allures tandis que ma Judiciaire affaiblie ne me permet qui le rapprocheront de certaines conférences popu­ plus de les recommencer, les opinions qui en ont laires ou de nos manuels d’apologétique les plus rudi­ résulté me restent dans toute leur force; et sans que mentaires, et ainsi de suite, d’après la marche du pro­ j’aie la volonté ni le courage de les mettre dere­ grès intellectuel, qui est d’ailleurs bien loin d’aller chef en délibération, je m’y tiens en confiance et en chez tous du même pas, et d’arriver au même ternie* conscience, certain d’avoir apporté dans la vigueur de — Partons encore d’une autre vérité d’expérience; mon jugement A leurs discussions toute l’attention et c’est que la providence, dans cette vie d’épreuve, ne la bonne fol dont j'étais capable... Je n’ai rien de plus donne aux hommes rien de grand, ni meme ordinaire­ aujourd’hui; j’ai beaucoup de moins. Sur quel fon­ ment le nécessaire, sans un sérieux travail de leur part. dement reçu mm en ce rais-je donc A délibérer? Le mo­ Seul le dur travail arrache A la terre le blé qui conser­ ment presse; le départ approche. Je n’aurais jamais vera la vie, aux entrailles du sol le charbon et le métal, le temps ni la force d’achever le grand travail d'une A la mer le chemin des navigateurs, A l’air celui des refonte. · Œuvres, Paris, 1820, t. xx, lettre du 15 Jan­ aviateurs, A l’étude de la nature les secrets de la science, vier 1769, p. 162. aux luttes de l’âme la grandeur morale. La provi­ Le second cas est le seul difficile : c’est lorsque l’en­ dence n’est donc pas davantage obligée de pourvoir A semble des motifs acquis n’a pas une valeur absolue, et la conservation de notre foi sans que nous ayons A ne suffirait pas A un esprit plus développé. Ces motifs nous donner de la peine pour cela. La grandeur et ont d’abord suffi relativement; mais voici que l’esprit l’importance d’un objet qui dépasse les limites du auquel ils suffisaient sc développe par la culture géné­ temps, d’un objet pour nous le plus nécessaire, rend rale, devient sur tous les terrains plus exigeant en fait même notre effort gravement obligatoire : car l’ef­ de preuves» entend contre la religion des difficultés fort doit être proportionné à l’importance et A la né­ jusqu’alors inconnues; les anciens motifs ne lui suffi­ cessité de son objet. De IA le péché grave de négligence sent plus, même en supposant que l’homme conserve que nous pouvons commettre en ce genre, et qui peut parfaitement ses bonnes dispositions morales, et qu’il nous amener dans une impasse où Dieu ne sera pas ne puisse sc reprocher ni négligence de sa religion, ni obligé de faire des miracles pour nous conserver la imprudence. Comment, sans un miracle qu’on ne possibilité de croire. Voir coL 315. Si le fidèle tient à peut supposer si fréquent, aura-t-il encore la crédi­ sa foi, vraiment résolu à faire son devoir pour la con­ bilité nécessaire et la possibilité rationnelle de croire? soner. il sentira bien qu’il ne peut se contenter d’avoir — C’est surtout pour tourner cette grave difficulté été autrefois au catéchisme, formation qui s’oublie si que certains théologiens contemporains attaquent le facilement dans le tourbillon de la vie; et de fait · tout fait d’une certitude de crédibilité purement relative et catholique, soit par des prédications qu'il écoute, soit non infaillible chez les enfants et une partie des adul­ par des lectures, doit demeurer sous l'influence de tes catholiques, et préfèrent supposer chez tous la l’enseignement de l’Église, afin que le progrès de sa valeur absolue de leurs «motifs ·, c’est-à-dire des preu­ faculté de connaître soit accompagné d’un progrès ves qu’ils voient et comme ils les voient. Le second cas semblable dans sa connaissance de la fol; car de même est ainsi ramené par eux au premier. Nous ne deman­ que l’intelligence est capable de développement, ainsi derions pas mieux que de résoudre d’une manière la preuve de la foi l’est aussi, et peut s'adapter A tous aussi simple la difficulté, si c’était possible; mais les les esprits et A toutes les nécessités; d’autant plus que faits sont les faits, et nous empêchent d’avoir une l’Église n'est pas un document mort, mais un magis­ aussi haute opinion qu’eux sur l’apologétique réelle tère vivant, auquel on peut s’adresser, et proposer ses des enfants et des simples. Voir col. 221 sq. Force nous üiflicultés. » C. Pesch, Praelectiones dogmaticae, 3· écit., est donc de chercher une autre solution, moins som­ 1910, t. vin, n. 380, p. 172. Que dire doue de ces catho­ maire et plus longue A exposer. Elle consistera en liques qui trouvent du temps pour tout, et même pour deux assertions principales qu’il faudra mettre en une demi-culture intellectuelle, mais n’en trouvent lumière, a) Dans une Ame soucieuse de sa foi et con­ pas pour s’occuper de leur religion? Chez eux. dit servant scs bonnes dispositions morales, à côté du Hettinger, · l’instruction religieuse n’avance point; développement général de l’esprit sc fera un déivfopelle reste ce qu’elle était dans l’enfance, ensevelie, pemenl parallèle cl correspondant des motifs de crédibi­ oubliée sous la poussière de la vie quotidienne, do ses lité, en sorte que l’esprit ait toujours ce qu’il lui faut soucis et de scs peines, de scs dissipations et de ses de ce côté-ΙΛ. b) Malgré les objections, l'esprit pourra jouissances. Toutes les facultés et les forces de l’homme garder sa certitude sans subir un doute réel, sans sus­ sc sont développées et affermies : seul le sens religieux, pendre sa foi; ni la force des choses ne l’y contraint, qui est cependant le premier de nos attributs natu­ ni la prudence ne l’y oblige. rels s’étiole et dépérit. On cultive toutes les réglons de a) Le développement des motifs de crédibilité corres­ l’Amc, excepté la plus profonde, la plus intime, la plus pond au développement de l'esprit, — Partons d’un fait essentielle qui reste déserte, stérile et désolée com­ me une une terre en friche. > Apologie du christia­ évident, c’est que l’intelligence humaine sc développe nisme, c. i, 3· édit., trad, franç., Paris, s. d., t. i. p. 22. lentement et par degrés, qu’elle ne saute pas des lan­ D’autres, après quelques démarches superficielles par ges de son berceau A la mentalité d’un profond pen­ manière d’acquit, ont vite fait de conclure qu’ils ont seur. Natura non procedit per saltus, disaient les scolas­ cherché et n'ont pas trouvé. « Ils croient avoir fait tiques. La question n’est donc pas de faire d’un bond de grands efforts pour s’instruire, dit Pascal, lors­ passer quelqu’un des motifs relatifs qui lui ont suffi qu’ils ont employé quelques heures A la lecture de dans son enfance A des motifs de crédibilité d’une quelque livre de Γ Écriture, et qu’ils ont interrogé valeur absolue. Puisque les motifs capables de donner quelque ecclésiastique sur les vérités de la fol. Après la certitude relative, A l’instar des probabilités, sont cela, ils se vantent d’avoir cherché sans succès dans plus forts les uns que les autres et forment une échelle les livres et parmi les hommes. .Mais, en vérité, je ascendante, U suffit que l’esprit humain, A mesure 319 FOI 320 bar dirai ce que J’ai dit souvent, que cette négligence des raisons sans valeur; mais cela n’ébranlera pas la n’est pas supportable. Il ne s’agit pas ici de l’intérêt confiance qu'il n hri-même dons sn prédiction. Son esprit ne procède point pas à pas, nuits il sent tout d'un léger de quelque personne étrangère, pour en user de coup la force de plusieurs phénomènes combinés, bien celte façon; il s’agit de nous-mêmes, et de notre tout. > qu’il n’en ait pas conscii nce. Autre exemple. Il y a des Pouces, 2· édit. Hrunschwicg, Paris, 1900, sect, ni, médecins qui excellent dans le diagnostic des mala­ n. 191, p. -116. L’n exemple nous est donné par saint dies, mais il ne s'ensuit pas qu’ils puissent soutenir Augustin dans sa propre personne. Rappelant ft 1 lonoleur décision, dans un cas donné, contre un confrère rat, son ancien ami d’enfance, comment ils avaient qui la combat. Ils sont guidés par la sagacité naturelle tous deux ensemble, miserrimi pueri, perdu la fol en et par l’expérience acquise, ils ont leur manière A eux fréquentant les manichéens, et « arbitrairement con­ d'observer, de généraliser et de raisonner. > Loc. cil., damne la religion très sainte répandue sur toute la p. 332. Telle est aussi la sagacité des policiers pour terre, * il attribue cette chute à leur imprudence et ft percer certains mystères. Tels ces enfants-prodiges leur négligence personnelle. Ils auraient dû, dit-il, ne qui font si vite de longs calculs par des chemins do pas lire les Livres saints sans un guide, consulter un article de foi. < Je suis trompée dans cet article,c’est évident, sc hâta de con­ clure M ■· Roland : ne le suis-je pas sur quelque autre? Examinons. Du moment où tout catholique a fait cc raisonnement, l’Église peut le regarder comme perdu pour clic, » etc. Mémoires, édit. Dauban, Paris. 1864, II· partie, p. 65. Enfin l’expérience de la vie, qui ren­ force les motifs de crédibilité cher les catholiques dont nous parlons, voir col. 321, lui fait aussi mieux can­ na lire les ennemis de sa religion tels qu’ils sont le plus souvent, les sectaires haineux et passionnés qui font flèche de tout bois, et recourent À toutes les falsifica­ tions et à tous les sophismes, les Homais de l'anticléri­ calisme et de la maçonnerie, les rhéteurs aux grands mots sonores et vides, etc. Par le fait même de leur provenance, leurs objections sont mises en quaran­ taine; elles sont bien loin de faire sur lui l’effet fou­ droyant que d’aucuns se figurent, mais sont plutôt méprisées. b. Objections qu'un simple fidèle ne peut résoudre par lui-même. — Quand on a déjà la preuve d’une thèse ou d’un fait, il est raisonnable et logique de rejeter une objection contre cette thèse ou cc fait. Lors même qu’on ne pourrait directement la résoudre, on voit indirectement qu’il doit y avoir lù quelque chose de faux, le vrai ne pouvant contredire le vrai que l’on tient déjà. Notre catholique est convaincu de la vérité de sa religion par des motifs suffisants pour lui; dès lors la prudence même l’invite à repousser cc qui contredit sa conviction. J.-J. Rousseau lui-même re­ connaît cc principe; il n’est pas. dit-il, de ceux qui rejettent · une vérité claire ou suffisamment prouvée, pour les difficultés qui l’accompagnent et qu’on ne saurait lever. » Loc. cit., p. 163. « Mais les objections ! dit-il encore... Donnez-moi un système où il n’y en ail pas... Pourvu que mes preuves directes soient bien établies, les difficultés ne doivent pas m’arrêter, » p. 171. Et qu’on ne dise pas que par la force des choses une objection non résolue ébranle notre certitude, et nous fait douter : il y aurait lâ une étrange erreur psycho­ logique. Quand nous sommes convaincus d’une chose, notre premier mouvement, en face d’une objection qui vient l’attaquer, n’est pas de douter ni par conséquent de lâcher notre certitude acquise, mais au contraire de la maintenir, soit que nous cherchions une solution quelconque de la difficulté nouvelle, soit même que nous n’ayons pas le loisir d’en chercher. Un jour, un étudiant qui se trouvait sur ie passage d'Arago attira l’attention du savant professeur sur une boule métallique, fixée comme ornement à la balustrade de l’escalier. Chose étrange ! tandis que le soleil donnait sur cette sphère, l’hémisphère exposé à ses rayons était relativement froide, et c’était l’autre, où le so­ leil ne donnait pas, qui était chauffée. Quoique ce fait semblât contredire les lois du rayonnement telles qu’l! les avait admises toute sa vie, le savant cnt-il sur ces 327 FOI 328 lob le moindre doute? Non ; mais 11 sc mit Λ chercher nions qu’il ne partage pns; on est libre de dire cela, une cause, une explication savante qui conciliât cc si l’on y tient. Mais en fait, si cet homme est vraiment fait singulier avec la vérité Intangible de ccs lots. convaincu, s’il est sûr que l’Irlande est Λ l’ouest de L’étudiant aurait pu lui en épargner la peine par l’aveu l’Angleterre ou que le pape est le vicaire du Christ, il de sa supercherie : s’apercevant que la boule pouvait ne lui reste, s'il est conséquent avec lui-même, qu’à tourner sur elle-même, il avait, un instant avant le pousser sa conviction jusqu'à cette magistrale into­ passage d’Arago, fait faire demi-tour ά la partie échauf­ lérance de toute assertion contraire. S'il était, à l’égard des objections comme telles, tolérant au fond de son fée par le soleil. Comme il y a de mauvais plaisants, il âme (je ne dis point patient, car la patience ct la dou­ y a aussi des sophistes, et des gens <[ui truquent l’his­ toire; ct le catholique peu instruit, entendant allé­ ceur sont des devoirs moraux, mais j’entends une tolé­ guer contre sa religion des raisonnements ct de pré­ rance intellectuelle), il approuverait virtuellement les vues que ccs objections représentent... Quand on tâche­ tendus faits, n'est pas obligé de les prendre aussitôt rait de me persuader que la trahison, la cruauté ou comme argent comptant. Il peut bien, sans faire tort à l'ingratitude sont aussi estimables que la tempérance personne, prendre le temps d’examiner, de consulter. Et notons que cet examen, cette consultation, n’im­ ct la probité, ct qu’un homme qui a vécu la vie d’un gredin ct qui est mort de la mort d'une brute n’a rien plique pas forcément de sa part le doute réel. S’il à craindre de la rétribution future, on ne me ferait existe un « examen dubitatif », il y a aussi un « exa­ pas écouter de tels arguments, à moins qu’il n’y eût men confirmatif », où l’on se propose simplement de espoir de convertir celui qui les fait, dût-on me trai­ mettre dans tout son jour une vérité dont on est per­ ter de fanatique ct de poltron pour refuser de m'oc­ suadé, de bien réfuter ceux qui l’attaquent ct que cuper d’élucubrations pareilles. > Grammar of assent, Ton regarde comme des gens qui se trompent; où l’on c. vi, § 2, η. 1, p. 197-199. Par nos temps de dilettan­ est prêt à garder en toute hypothèse sa certitude pre­ tisme ct de scepticisme, de cc scepticisme qui n’a pas mière, soit qu’on réussisse ou qu’on ne réussisse pas à de peine à sourire poliment à toutes les thèses, n’y trouver la solution directe et triomphante. Sur ccs a-t-il pas des âmes énervées qui n’ont plus sur rien la deux sortes d’attitudes de l’esprit dans l’examen ct la vigoureuse · intolérance » de la certitude? Quoi qu’il recherche, voir Franzelin, De traditione, 2· édit., en soit, c’est surtout chez les simples que l’on trou­ Rome, 1875, th. xvni, coroll. 2, en note, p. 229; vera les fortes convictions; et si leur certitude man­ Mazzella, De virtutibus infusis, Rome, 1879, n. 1064, que d’infaillibilité, elle ne manque nullement de fer­ 1076, p. 599, 609. Donc, en face de l’objection qu’il meté. Elle exprimera même souvent au dehors cette ne peut résoudre directement, le catholique peu ins­ Intolérance caractéristique dont parle Newman; ct truit, mais convaincu ct bien disposé, sc dira : Ce n’est saint Irénéc nous en a donné un exemple saisissant pas étonnant de ma part : d’autres plus savants ré­ dans ces barbares initiés au christianisme,qui fuyaient pondraient sans peine; et s’il consulte pour savoir la en sc bouchant les oreilles, s’ils entendaient les néga­ réponse à donner, cc sera sans aucun ébranlement de tions des hérétiques. Voir col. 242. su certitude acquise. — Ceux qui s’imaginent que tout La fermeté d’adhésion peut encore s'augmenter de homme, ù la première objection qu’il rencontre, vient bien des manières dans leur esprit, à mesure qu’ils à douter de cc qu’il croyait, confondent deux états avancent dans la vie. Car si l’absence de doute, élé­ d’esprit fort différents : l’opinion chancelante, ct la ment négatif de la certitude, n’a pas de degrés (ou elle fame conviction. Dans le premier état, comme l’ex­ est, ou elle n’est pas), l’adhésion positive de l’activité plique bien le carme Dominique de la Sainte-Trinité, vitale à son objet peut devenir physiquement de plus • nous inclinons dans un sens, mais non sans garder en plus forte; ct si cette énergie croissante n’augmente une certaine crainte de la vérité du contraire (cc sont pas la valeur objective de la certitude, elle permet du les paroles mêmes de saint Thomas); ct cette crainte moins à la certitude subjective de mieux résister, de nous dispose ù écouter les preuves qui peuvent nous braver plus facilement les attaques. Λ celte augmen­ faire revenir de notre premier jugement ct nous retour­ tation de fermeté peuvent contribuer — indépendam­ ner dans l’autre sens. C’est comme quelqu’un qui a ment de tout nouveau motif de crédibilité ct de choisi un des deux chemins qui s’offraient à lui, mais toute nouvelle solution de difficultés — les causes en gardant sur cc chemin un certain doute : il s'avance timide, prêt ù s’arrêter ou à changer de route au pre­ purement subjectives qui, en général, fortifient les mier cri, au premier avertissement sérieux... Au con­ croyances, ct qui ont leur utilité, quand il s’agit de résister Λ l’erreur ct nu sophisme. Telles sont : traire, qui est certain d'être en bonne vole continue l’habitude de croire, fortifiée de tous les actes joyeux et sûr, ct ne veut pas même écouter le rappel longtemps répétés ct accumulés; les éléments ima­ qui tenterait de l'en faire revenir. » Bibliotheca theo­ ginatifs qui, aux croyances abstraites, donnent logica, Rome, 1666, t. τ, p. 143. On peut comparer pour ainsi dire un corps ct de la vie, ct par suite les l’état d’opinion à celui d’un homme suspendu par les unissent à nous plus fortement, comme sont l'art chré­ bras à une corde qui pend; la moindre impulsion suf­ tien, les images qui représentent la vie du Christ, les fit à le mettre en mouvement. Au contraire l’état de cantiques sur les principaux sujets de la religion, les certitude, c’est la situation d’un homme adhérant nu cérémonies liturgiques avec leur symbolisme; le sen­ sol. bien campé sur ses deux pieds, attendant l’ennemi timent, car nous adhérons davantage aux vérités qui de pied ferme, ct difficile à déplacer. Aussi Newman font vibrer notre cœur, ct comme un fils repousse avec affirme t il qu'une certaine < Intolérance · caractérise la certitude, intolérance non pas toujours envers les I horreur les accusations que des ennemis lancent contre adv offres de nos convictions, mais envers les asser­ son père, contre l’honneur de sa mère, ainsi le catho­ lique, toujours plus attaché à son Dieu, à son Église, tion’ contraires. Celui-là, dit-il, n’est pas vraiment certain, dont l’esprit, à la première suggestion, ne est toujours plus prompt à repousser les accusations lancées contre cc qu’il aime; l’action ct la pratique repousse pas spontanément ct vite, comme vainc, Impertinente ct sophistique, toute objection à l'encon­ même de la religion, les sacrifices qu’elle exige, le res­ tre de cc qu’il tient pour vrai. Celui-là n’est pas cer­ pect de la présence de Dieu, la prière et les œuvres par tain, qui peut endurer la pensée de l'affirmation con­ lesquelles on « vit ■ sa croyance; tout cela donne plus de force à l’adhésion même intellectuelle. Voir Croyan­ tradictoire... Qu’on dise, si l’on veut, qu'un homme ne devrait pas en tel cas particulier, ou même en géné­ ce, t. in, col. 2373-2377. Vouloir proportionner la force subjective d'adhésion de toute certitude ù la ral. avoir une conviction si profonde; qu’il a tort de trader avec cc mépris, m* me involontaire, des opi­ seule perfection objective des motifs intellectuels, par 329 FOI une froide et mathématique équation, c'est ce faux système de Locke, qu’à la suite de Newman, W. G Ward a combattu sous le nom d’ · équationnlsmo >. Voir Ckoyanck, t. ni, col. 2390, 2391. Ces causes sub­ jectives comme l'habitude ct le sentiment, venant for­ tifier l’adhésion de la certitude, ne donnent pas plus de lumière, plus de preuve, soit; mais elles rendent la persévérance plus facile ct plus sûre. Inutiles à une raison idéalement parfaite, elles servent beaucoup â une intelligence imparfaite, guettée par les mauvaises passions du dedans ct les sophismes au dehors, inca pable de lutter à armes égales avec des esprits plus déliés et plus habiles, ct ne conservant qu’à travers bien des dangers le trésor de vérité reçu par un bien­ fait de la providence. Autre remarque : on ne peut pas exiger l’impossible d’un esprit peu exercé à la criti­ que, par exemple, qu’il sache toujours faire un discer­ nement exact entre un doute sérieux, reposant sur un motif vraiment probable, ct un doute déraison­ nable ct sophistique. S'il lui arrive de mépriser et de supprimer par un coup de volonté un doute de la pre­ mière espèce, en le prenant pour un doute de la se­ conde, et de traiter comme n’ayant absolument aucune valeur une difficulté qui ne serait pas sans valeur pour des yeux plus perspicaces, il agit même alors en toute sincérité ct avec une suffisante prudence, puisque la prudence est relative aux conditions du sujet Rien donc n'empêchera sa persévérance dans la foi d’etre même alors prudente ct légitime. L’acte de foi est indépendant d’un accident semblable, ct peut conti­ nuer à procéder de la vertu Infuse de foi, puisque la prudence a été observée, que l’intention est droite, ct que le fidèle croit très fermement, à cause du témoi­ gnage de Dieu, une vérité qu’il a vraiment révélée. Enfin une dernière cause qui facilitera à tous la per­ sévérance dans la foi, c’est la résolution de persévérer, dont il nous reste à parler. 4° Résolution de persévérer dans la foi et, pour cela, de préférer la révélation divine à tout ce qui la contredit. — Puisque la persévérance dans la foi est un grave devoir, ct que le fidèle, dans scs actes de charité, s’il veut aimer Dieu sérieusement, dans scs actes de con­ trition ct même d’altritlon, s’il veut obtenir le pardon de scs fautes, doit avoir le « ferme propos » d'accom­ plir tous scs graves devoirs, il s’ensuit que la résolu­ tion de persévérer dans la foi doit être assez souvent renouvelée, au moins d’une manière implicite comme faisant partie de cette résolution plus générale. Mais le rôle si fondamental de la fol ct les attaques si spé­ ciales auxquelles elle est en butte demandent un renou­ vellement explicite ct fréquent de cette résolution de persévérer. Et comme Vobstacle à cette persévérance, du côté de l’esprit, provient soit des autorités humai­ nes, soit des raisonnements que l’on est tenté de pré­ férer à l’autorité de la révélation divine, la résolution de persévérer dans la foi implique celle de préférer la révélation divine telle que l’Église nous l’enseigne d tout ce qui contredit cette révélation, c’est-à-dire de sa­ crifier tout ce qui la contredit plutôt que de l’abandonner elle-même. — Sur cette résolution, ou ferme disposition de la volonté, nous traiterons les points suivants : 1. Documents qui la concernent. 2. Cette résolution est-elle prudente ct raisonnable? 3. Doitelle descendre dans le détail, ct dans quelle mesure? 4. Formes qu'elle prend en pratique parmi les fidèles; la « fol implicite ». 1. Documents scripturaires et traditionnels sur celle résolution ou disposition. — a) Écriture. — Saint Paul blâme sévèrement l'inconstance des Gâtâtes, qui, trou­ blés ct séduits par quelques docteurs judaïsants, au lieu de repousser ces discours contraires à la fol, avalent plutôt abandonné leur foi première, quelquesuns des dogmes reçus par l'enseignement de l’apôtre, 330 f. 6-7. Et pour leur inculquer la disposition d »mr où doit être un véritable fidèle, de rejeter avec horreur toute doctrine contraire aux dogmes qu il a reçus, quelle que soit l'autorité apparente de cette doctrine nouvelle, li ne craint pas de dire, sous la (orme la plus énergique : · Quand un ange descendu du ciel vous annoncerait un autro évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu il soit anathème ! · i 8 Cette vigou­ reuse détermination qui leur a fait défaut IJ la leur avait apprise déjà dans leur instruction premiere : • ^ous l avons dit précédemment, et je le répète à cette heure * Si queiqu un vous annonce un autre êvangik que celui que vous avez reçu, qu II soit anathème | » 9. à) Pères qrecs. — Saint Irênée donne un exempt* de cette énergique disposition de la volonté dans ccs bar­ bares si attachés à h foi reçue, ct si ennemis de Vhéré­ sie. \'oir col. 242. Saint Rasile pose cette règle pratique, qu’un fidèle doit être résolu à suivre : « Il ne faut pas douter de cc que dit le Seigneur, mais, en dépit des résistances de la nature, avoir une terme conviction que toute parole de Dieu est vraie, et d’une réalisa­ tion possible » (quand c’est h promesse d’un miracle). « C’est la qu est le combat de la foi... Il ne faut pas s’appuyer sur scs propres raisonnements pour rejeter ce que le Seigneur a dit, mais partir de ce principe, que les paroles du Seigneur sont plus dignes de foi que notre propre persuasion. » Moralia, reg. vin, P. G., t. xxxi. col. 712-713. Voilà bien la résolution de pré­ férer pratiquement la révélation divine à nos vues per­ sonnelles, ce qui ne se fait pas sans * combat » Sa t Cyrille de Jérusalem veut que nous soyons disposés préïércr le témoignage divin au témoignage même de nos sens : · Ne regarde pas (1 eucnaristler comme un pain et un vin ordinaire : c est le corps et le sang du Christ, sa parole en est garant. Si les sens te suggérer.· (le contraire), que la toi te rassure. Ne juge pas d aprvù le goût; mais par la toi sois convaincu sans aucun doute que le Christ t’n donné son corps et son sang. » Cal., xxn, n. 6, P. G.. t- xxxin. eel. 1101 Voir Cvatixe de Jérusalem t. m, col. 2534 2538. 2569 2570 Saint Cyrille d’Alexandrie veut que le tidele établis'·* la doctrine de l’Église comme une base dans le sanc­ tuaire de son cœur. Voir col. 280. Que peut exprimer celte image, sinon ta résolution de persévérer dans cette doctrine révélée, ct de la préférer inébranla­ blement dans son cœur A tout ce qui la contredirait ’ c) Pères latins. — Saint Augustin prêche cette dis position de l’âme, quand il dit : « Si les infidèles tlreni de leur littérature quelque chose de contraire à nos Livres saints, c’est-à-dire à la foi catholique, mettons en la fausseté en lumière $1 nous en sommes capables ou du moins, croyons sans aucun doute que c est abso tument faux. » De Genesi ad tuleram. I 1. a. 41 P L.. t. xxxiv, coi. 262. Saint Vincent de Lérlns commente avec force le texte cité de saint Paul aux Gâtâtes suc la < ténacité avec laquelle nous devons garder notre fol première » et conclut · que l'apôtre ordonne (cette ténacité) à toutes les générations; qu’il a toujours fallu, qu’il faudra toujours atialhématlscr ceux qui affirment quelque chose de contradictoire au dogme une fois reçu. » Commonitorium. c vin i.x. P L.. t. l, col. 649. Le meme Père donne celte belle définition du « vrai catholique » : « C’est celui qui ne préféré rien à la religion divine, à la foi catholique, ni 1 autorité de quelque homme que cc soit ni l’omitié ni le génie, ni l’éloquence, ni la philosophie : restant, au mépris de tout cela, fixe et solide dans la toi, il prend la décision (decernit) de garder ct de croire tous les anciens dog­ mes de l’Église catholique, cl lien d’autre (d’opposé). · Op. cit., c. xx, col. 665. En 852. l’Église de Lyon, ou en son nom le diacre Florus, fait une déclaration sem­ blable sur la méthode et l’état dime du vrai croyant : « Tout fidèle doit commencer par apprendre Ucù exae- 331 FOI 332 terrien t la vérité do la foi (la vérité révélée) en partant plus célèbres historiens, ct do persévérer sans aucun de l’autorité des Écritures divines : en sorte que, s’il doute dans la fol divine qu’ils attaqueraient? Si testi­ faut ensuite lire ou connaître quelque chose des livres monium hominum accipimus, testimonium Dei majus humains, tout cela soit discerné ct jugé (difudicctur) I Jon., v, 9. Et s’il s’agit, non pas du témoignage des d’après l’autorité divine ct la vérité de la foi, en vue autres hommes, mais de nos spéculations personnelles, philosophiques ou scientifiques, notre propre raison ne d’admettre sans danger cc qui n’est pas trouvé en désaccord avec cette voix qui sert de régie, ct de reje­ nous a-t-elle point parfois trompés, et même, sous l’in­ fluence de passions déréglées, ne cherche-t-elle point ter comme donnant la mort (mortiferum) tout cc qui rend une note dissonante. » Adoersus Joan, Scotum, parfois ù se tromper elle-même, ù se faire illusion? Quoi donc de plus juste que de préférer à nos vues c. xvnî, A £., L exix, col. 231. Saint Anselme exprime personnelles le témoignage de Dieu, ct de persévérer en deux mots très nets ccttc disposition d’esprit ct de à croire ce qu’il dit, en dépit de nos idées contraires? volonté : · S’ii m’arrive de dire quelque chose qui soit Mais est-il juste, dira-t-on peut-être, de préférer la en contradiction indubitable avec la sainte Écriture, connaissance extrinsèque, basée sur un témoignage, à je suis certain d’avance que c’cst faux ; ct dés que je me la connaissance Intrinsèque, qui pénètre les choses serai aperçu (de cette contradiction), je veux ne plus plus personnellement, plus directement, ct qui satis­ le maintenir. » Cur Deus homo, I. I, c. xvnî, P. £., fait davantage l’esprit? La réponse à ccttc question t. clvih, col. 388. dépend de la compétence relative du témoin par rap­ A cc docteur de l’Églisc, ajoutons-cn deux autres. port à celui qui l'écoute. ■ Toutes choses égales d’ail­ Saint Thomas : < Il est de l’essence de la foi que la leurs, dit saint Thomas, voir est plus certain qu’enVérité première soit préférée A tout. » Sum, theol., Il» tendre dire. Mais si le témoin qu’on entend surpasse de II», q. v, a. 4, ad 2nB. Les fidèles « comprennent qu’il beaucoup les vues qu’on peut avoir par soi-même, ne faut en aucune manière dévier (des vérités de foi alors entendre est plus certain que voir (la connais­ qu'on leur a proposées),» q. vin, a. 4, ad 2Bm. Saint sance indirecte, par ouï-dire, est plus sûre que la con­ François de Sales fait ainsi parler la foi, la foi au sens naissance directe). Ainsi, un homme de peu de science objectif, c’est-à-dire la révélation divine : « Ne faut-il est plus certain de cc qu’il entend dire ù un savant, pas qu’en efTct je sois infiniment aimable, puisque les que de cc qui lui semble vrai d'après sa propre raison. » sombres ténèbres ct les épais brouillards entre les­ Sum. theol., II· IIe, q. rv, a. 8, ad 2,,m. Que de gens, quels je suis, non pas vue, mais seulement entrevue, d’après leurs propres lumières, jugeraient immobile la ne me peuvent empêcher d’être si agréable, que l’es­ terre où ils sont paisiblement assis, lesquels admet­ prit, me chérissant sur tout, fendant la presse de tou­ tes autres connaissances, il me fait faire place et me tent, sur la simple autorité des savants, que cette reçoit comme sa reine, dans le trône le plus relevé qui terre fend les espaces avec une vitesse bien plus grande soit en son palais, d’où Je donne la loi à toute science ct que celle d’un boulet de canon ! Et ils n’ont pas tort de préférer l'autorité des savants à leurs vues contraires. assujettis tout discours et tout sentiment humain? Or, qui pourrait refuser à Dieu de se connaître luiOui vraiment, Théotimc, tout ainsi que les chefs de meme, ct ses divines volontés, ct toutes les autres cho­ l’année d’Israël, se dépouillant de leurs vêtements,les ses qu’il nous révèle, in Animent mieux que nous ne pou­ mirent ensemble ct en firent comme un trône royal sur vons connaître tout cela avec nos vues personnelles? lequel ils assirent Jéhu, criant *.Jéhu est roi, de même,à Saint Thomas a donc raison de conclure : « L’homme l’arrivée de la fol, l’esprit sc dépouille de tous discours est beaucoup plus certain de cc qu’il apprend de Dieu, ct arguments, ct les soumettant ù la foi, il La fait qui ne peut sc tromper, que de ce qu'il voit par sa pro­ asseoir sur iceux, la reconnaissant comme reine, ct pre raison, qui peut sc tromper. » Loc. cit. Cf. q. i, n. 3. crie avec une grande joie : Vive la foi! » Traité de Telle est la considération fondamentale et classique, Γamour de Dieu, 1. II, c. xiv, Œuvres, Annecy, 1894, qui justi île objectivement la résolution de persévérer t, iv, p. 134. toujours dans la fol, ct de préférer la révélation divine d) Documents ecclésiastiques. — L’Églisc, dans des à tout cc qui pourra la contredire. On la trouve dans professions de foi, a imposé cette résolution explicite les documents ecclésiastiques : de persévérer dans < une foi entière ct immaculée Jusqu’au dernier soupir, » cc qui revient à rejeter L’esprit^ humain, circon­ Cum humnna mens cer­ toute opinion qui entamerait l’intégrité de ccttc fol, scrit dansldes llmltcsriêlcrtis finibus lisque satis an­ minées ct même assez étroi­ gustis conclusa teneatur, qui ferait une tache à ccttc virginale blancheur. Voir tes, est exposé ù de nom­ pluribus erroribus ct mul­ la conclusion de la Professio fidei tridentina, Denzin­ breuses erreurs ct à Igno­ tarum rerum ignorationi est ger, n. 1000. rer bien des choses. Au con­ Contra fides Chri­ 2. Celte résolution est-elle subjectivement prudente et |1 obnoxia. traire, la fol chrétienne, stiana. cum Del auctoritate objectivement raisonnable? — Elle est subjectivement . nitatur, certissima est veri­ appuyée qu’elle est sur prudente : puisque le catholique, s’il fait son devoir pour | tatis magistra. Léon XIII, l’autorité de Dieu, est une garder sa foi, aura toujours les moyens d’y persévérer, maîtresse très sûredovérité. encyclique Ælcrnl Patris, Op. cit., p. 55. par exemple, les motifs de crédibilité nécessaires pour 1879, dans Lettres aposto­ liques de I^on XIII, édit. constater le témoignage divin, il peut donc prudem­ ment, au point de vue subjectif, prendre la résolution Ide la Bonne Presse avec trad franç., Paris, s. d., 1.1, d’y persévérer toujours, ct, pour cela, de rejeter tout p. 54. ce qui sera contraire. Elle est objectivement raison­ nable. Le témoignage divin est de tous nos moyens de Par notre résolution de préférer la fol chrétienne à tout ce qui peut In contredire, nous nous attachons connaître le plus intimement et le plus infailliblement donc pour toujours à l’infaillible, à la Vérité même; lié au vrai. Dieu est la Vérité même, « la première Vérité, » comme dit saint Thomas. 11 est métaphysi­ et comme le vrai ne peut contredire le vrai, tout ce qui quement impossible que la science infinie ignore quel­ contredira la révélation divine sera jugé et condamné que chose ou se trompe, que la sainteté ct La véracité par le fait même, et cela raisonnablement. Nous som­ infinie profère Jamais un mensonge. Au contraire, les mes donc décidés à le rejeter aussitôt, lors même que autorités purement humaines sont faillibles, l’homme nous n’avons pas la capacité de le réfuter directement, peut errer, il peut mentir : témoignage pour témoi­ ou que nous n’en avons pas encore le loisir. Mais ici de gnage, quoi de plus raisonnable que de préférer,en cas graves difficultés se présentent, qui demandent un de conflit, le témoignage de Dieu à celui d’un homme examen approfondi; leur solution, nécessairement un quelconque, et même des plus grands savants, des peu longue pour être vraiment complète, achèvera 333 FOI 334 de justifier» aux yeux de la raison même, la résolution I Denzinger. n. 1637. Étant faillible, elle peut se trom­ per dans celte enquête comme dans toute autre en­ en question. quête, Donc, en cas de conflit entre notre foi et nos /'· objection. — « Théoriquement, la supériorité du vues personnelles, nous n'avons pas, comme vous semtémoignage divin sur Je témoignage humain est écra­ blez le supposer, d’un côté, de l'infaillible tout pur, de sante. .Mais pratiquement, nous ne pouvons nous ser­ l’autre, du faillible : mais en réalité, notre raison fail­ vir de cc moyen supérieur d’arriver au vrai qu'nprès avoir constaté par l’apologétique que Dieu a vrai­ lible intervient des deux côtés; ct par sa coopération nécessaire avec ce qu’elle déclare être le témoignage ment témoigné : cc que nous ne pouvons savoir que divin, elle rabaisse les données mêmes de la foi. Donc, par des témoignages humains, qui nous affirment le il ne reste plus de motif raisonnable de préférer ces fait d’un homme sc donnant comme envoyé de Dieu, données à tout ce qui pourra les contredire, a priori, le fait de sa sainteté ct de ses miracles, le fait de ct |H>ur tout l’avenir. Du moment que la même raison l’Églisc, le fait de la définition ecclésiastique de tel (nous n’en avons pas deux) agit des deux côtés, avec dogme, etc. Pourquoi ccs témoignages humains, d’où les mêmes risques, on ne voit pas pourquoi un des tout dépend, seraient-ils raisonnablement préférables côtés, celui de la foi, deviendrait la régie d'après la­ aux témoignages humains des savants, des penseurs quelle on devrait juger l’autre, pourquoi toute doctrine qui nous parlent contre tel ou tel dogme? Pourquoi faudrait-il rejeter plutôt l’autorité de ccux-d? > philosophique, par exemple, si elle se trouve en oppo­ Réponse. — Le témoignage humain est un moyen de sition avec ce que nous croyons, h révélation, serait d'avance ct sans autre examen jugée fausse. A cause connaître, qui aux yeux de la raison meme vaut prin­ de cette valeur foncière de la raison humaine, que seuls cipalement sur le terrain des /ails; les faits, ct surtout peuvent nier les sceptiques, il faut avouer que si, d'une les faits publics, sont de leur nature plus faciles ct à part, la voie de la révélation, contrôlée par cette rai­ bien constater, ct ù bien transmettre; aussi l'histoire, basée sur des témoignages de faits, est généralement son, a sa valeur, d'autre part, nous sommes également sûrs d’arriver au vrai, en appliquant bien les méthodes appréciée comme un moyen de légitime ct absolue cer­ titude, quand ses conditions sont bien remplies. Le de la philosophie. Ainsi, lorsqu'il y aura conflit entre les données de la foi et celles de la philosophie, exa­ témoignage humain vaut beaucoup moins pour auto­ minons soigneusement dans chaque cas particulier riser des doctrines, surtout en matière subtile ct ardue : lequel des deux éléments paraît avoir été le plus sûre­ aussi blûme-t-on la méthode des disciples de Pythament manié et mérite de l’emporter sur l'autre; mais gorc, qui, dans les difficiles controverses de la philoso­ phie, s’en rapportaient au témoignage de leur maître ne prenons pas d'avance une résolution et une mé­ thode de préférer toujours les données de la foi, et sur la valeur de ses propres théories, et, n’étant pas d’en faire la règle d’après laquelle nous jugerons tout des enfants, résolvaient les questions les plus délicates le reste. » Cette grave difficulté n’a pas complètement par la seule autorité du maître : ipse dixit. Sur un sem­ échappé aux anciens théologiens;si lesSalmanticenscs, blable terrain, il faut sc défier même d’un ensemble par exemple, n’y donnent pas une solution bien claire, de savants, de cc qu’on appelle la science, la philoso­ ils indiquent l’objection en ccs termes : « Bien que le phie du jour : dans ses jugements sur la valeur des doc­ motif de notre foi soit le témoignage surnaturel de trines, elle cède souvent à la vogue, à la mode, à l’au­ torité exagérée d’un chef d’école, à un courant d’idées Dieu, cc motif pourtant dans son application dépend de In lumière naturelle qui juge de la véracité du té­ créées par des circonstances étrangères à la recherche moignage divin, de son existence, de la crédibilité des de la vérité. Voilà cc que veulent dire nos manuels de mystères, l^a valeur éminente de ce témoignage est logique, quand, à propos du témoignage humain con­ sidéré comme moyen de certitude,ils distinguent entre donc par là déprimée pour nous, en sorte qu'il ne peut communiquer tout entière à notre foi cette suprême le testimonium historicum ct le testimonium scienticertitude qu’il tend par lui-même à fonder. > Cursus ficum : le témoignage sur la réalité des faits et le témoi­ theologicus, Paris, 1879, t. xi, De fide, disp. II, n. 120, gnage sur la valeur des théories. Cette distinction sup­ p. 162. posée, notons que notre apologétique ne s’aide du té­ moignage humain que sur le terrain où il est incontes­ Réponse. — Nous avons prouvé contre les fidéistes tablement le plus fort, sur le terrain historique des (pic la raison humaine, « faillible par accident » malgré sa valeur foncière, doit intervenir pour constater le /ails. Cc qu’elle emprunte au témoignage humain, cc témoignage divin. Nous admettons donc qu'à cause d« sont des jaits, l'authenticité d’un livre, le fait maté­ son intervention, dans la suprême certitude que le riel d’un miracle que l’examen rationnel reconnaîtra témoignage divin mérite de fonder, il y a un déchet ensuite comme un véritable miracle, le fait d’une défi­ pour nous, et que pratiquement cette suprême cer­ nition ecclésiastique, etc. Par l'intermédiaire de ccs titude ne peut nous être appliquée dans toute sa per­ faits, susceptibles d’être prouvés avec une vraie cer­ fection, à cause de l’imperfection de l'instrument qui titude, on entre en contact avec l’enseignement divin, l'applique. Toutefois, même en tenant compte de ce autrement sûr que celui des savants ct des pliilosophcs, ct qui peut sans aucun péril d’erreur nous enseigner déchet, nous maintenons la justesse de notre mé­ les questions les plus mystérieuses ct la valeur des doc­ thode, de préférer le donné révélé à tout cc qui peut le contredire; et nous allons le prouver, en partant des trines. Donc, en cas de conflit, l’autorité révélatrice de Dieu, bien que nous arrivant par des témoignages his­ principes qu’approuve la raison elle-même en cas de conflit entre deux moyens de connaître, dons l’ordre toriques, reste plus sûre, meme pratiquement pour même naturel et humain. Souvent, en effet, une même nous, que l’autorité des philosophes ct des savants question peut se décider par l’une ou par l'autre de prononçant sur la valeur des théories : sans compter deux voies différentes. Si on les emploie toutes que bien des hommes n’ont aussi cc verdict des savants deux, on arrive parfois à des résultats opposés; que de seconde main, ct à travers d’autres témoigna­ pour sortir d'un tel conflit, le bon sens, la droite ges. raison estime qu’il faut alors entre les deux préférer la 2· objection. — · Vous opposez l'infaillibilité de Dieu voie qui offre par sa nature ct d'une manière générale ct la faillibilité de la raison humaine, de nos vues per­ le plus de garanties, sur un terrain donné. /Mnsi, dans sonnelles. Mais la raison humaine doit, par une enquête l'exemple allégué plus haut : malgré la vive Impres­ préalable, intervenir pour constater avec certitude le sion personnelle qui le ferait croire à l’immobilité de h fait du témoignage divin, humana ratio... dipinæ reve­ terre, l’homme peu instruit, voyant l’unanimité des lationis (actum diligenter inquirat oportet, ut certo sibi savants, et tant d’autres qui les suivent, admettre le constet Deum esse locutum. Pic IX, encyclique de 1846, 335 FOI 330 mouvement de notre planète, finira, s’il suit la direc­ particuliers ct difficiles à résoudre; ct 11 ne faudrait tion du bon sens, par préférer dans cc conflit l’autopas croire que la « voix de la conscience », sans aucun hté de ceux qui ont étudié à fond la question, à ses travail de notre part, rende immédiatement un « ora­ vues personnelles ct directes, moyen de connaître qui, cle » sur chacun de ces cas; ce serait une figure de rhé­ étant donnée son ignorance sur ce terrain-Ιά, oiTre de torique, ou un beau rêve contraire à l’expérience. On sa nature moins de garanties; ct il pourra raisonnable­ connaît la sonore invocation de Jean-Jacques : · Con­ ment sc tracer cette ligne de conduite générale, de science! Conscience ! instinct divin, immortelle ct céleste s en rapporter toujours au témoignage des savants sur voix, guide assuré d’un être ignorant et borné mais ccs matières scientifiques qu’il no peut étudier sérieu­ intelligent et libre, juge infaillible du bien ct du mal, sement par lui-même; quand meme il ne voudrait pas qui rend l'homme semblable ù Dieu I » Sur cc passage s’en rapporter à eux sur un autre terrain, par exemple, de l'Émile, M. Jules Lemaître dit lort bien : < La conscience, guide assuré? La conscience, juge infaillible? sur celui de l'agriculture pratique où il croit que sa compétence, basée sur l’expérience, dépasse la leur. Infaillible toujours?*et jamais abusé par « l’entcndeAntre exemple. Un sait comment Le Verrier découvrit « ment sans règle »? Hélas, quel guide et quel juge étaitelle à Rousseau lorsque, ayant abandonné son troi­ la planète Neptune. Partant de ce raisonnement, que sième enfant, ct cela, nous raconte-t-il, « après un les perturbations dans la marche d’Uranus ne pou­ «sérieux examen de conscience, » Confessions, LV111,11 vaient provenir que de l’attraction d’une autre pla­ écrivait : « Si je me trompai dans nies résultats, rien nète plus lointaine ct invisible à l’œil nu, il arriva, par « n’est plus étonnant que la sécurité d'ûme avec laquelle les lois de la mécanique céleste ct le calcul. Λ fixer la < je m’y livrai. > Et un peu plus loin: « Cet arrangement position que devrait avoir dans le ciel la planète per­ • (le dépôt aux Enfants-Trouvés) me parut si bon, si turbatrice Λ tel moment déterminé; ct à cc moment-là, «sensé, si légitime I >Oh ! que Julie, régénérécct devenue un fort télescope la trouva de fait à l’endroit fixé dévote, avait raison d’écrire : « Je ne veux plus être d’avance. Supposons un autre astronome, qui, cher­ «juge cn ma propre cause ! »La conscience, non appuyée chant à déterminer de la même manière la position sur une règle fixe, une tradition, une religion dogma­ d’une autre planète hypothétique, n’ait pas la même tique, ou simplement le Décalogue, risque tant, dans réussite. Où ils devraient découvrir, les puissants téles­ certains cas, de se confondre avec l’orgueil ou l’inté­ copes d’aujourd’hui ne découvrent rien. Dans cc con­ rêt secret I » J. Lemaître, J.-J. Rousseau, Paris, s. d., flit de deux moyens différents de connaître, auquel 3e édit., vin· conférence, p. 27G, 277. Dans ces ques­ devra-t-on croire? Aux télescopes. Et pourquoi? tions délicates de la vie pratique, les passions, qui ne Parce que La vision directe par le télescope, bien qu’elle veulent pas être enchaînées, ont une terrible influence puisse avoir quelquefois scs accidents, scs hallucina­ pour corrompre jusqu’au jugement de la conscience ct tions, est pourtant, par sa nature même ct tout de la raison. Ajoutez que, par les discussions philoso­ compte fait, un moyen plus sûr que de longs ct diffi­ phiques, on ébranle de nos jours jusqu’aux premiers ciles calculs où une erreur est facile; on peut du reste, fondements de la moralité; l’idée même du devoir est en employant les instruments avec soin, cn multipliant attaquée; et lorsqu’on sent trop vivement la nécessité et en comparant les observations, écarter l’hypothèse d’une morale pour le salut de la société, alors on en d’un défaut dans le verre, ou d’une hallucination. fabrique plusieurs également discutables. En face de Comme on le voit par ccs exemples, c’est bien une seule ces déficits de la raison laissée à elle-même, la lumière et même raison qui travaille des deux côtés ct, pour de la révélation possède, pour éclairer sûrement la connaître, nous ne pouvons jamais sortir de notre conscience ct la soutenir, deux avantages considé­ raison individuelle; mais ccttc raison emploie deux rables que nous allons expliquer. moyens de connaissance dont l’un est de sa nature /•r avantage.— M. Jules Lemaître y faisait allusion plus sûr que l’autre sur un terrain donné; ct la raison tout à l’heure, en citant cc mot de la « Nouvelle Hé­ elle-même approuve que, si ccs deux moyens de con­ loïse > : · Je ne veux plus être juge en ma propre cause.» naître ne concordent pas dans leurs résultats, on puisse Si c’était par notre seule raison individuelle et par de alors s’en rapporter au plus sûr des deux, rejetant par subtils raisonnements philosophiques qu’il nous fallût le fait même les données de l’autre. Il nous reste à établir les principes de la vie pratique et la règle même montrer comment la voie de la révélation, même cn des mœurs, et puis résoudre les cas de conscience qui tenant compte du déchet que nous avons concédé, nous concernent personnellement, alors sur ce ter­ demeure encore par sa nature, je ne dis pas seulement rain brûlant, étant « juges dans notre propre cause, · plus noble, mais plus sûre que les moyens de connaître notre jugement serait trop facilement troublé par nos qui peuvent entrer cn conflit avec elle. Pour cela nous passions ou nos Intérêts. 11 n’en est pas de même, considérons successivement les deux ordres d’idées sur quand, ayant une fols reconnu spéculativement le fait lesquels porte principalement la révélation chrétienne : les mystères ct la conduite de la vie. de la révélation ct le fait de l’Égiisc, ct habitués à les a) La mystères. — Sur cc terrain, la raison laissée à regarder avec vénération, nous recevons de ccs sour­ elle-même, h philosophie ne volt clair ni pour ni ces plus hautes, étrangères à nos petits intérêts et Λ contre : donc elle ne peut donner un résultat ferme qui nos petites passions, cc qu’il faut penser sur quantité contredise la révélation. Voir Mystère. Et dans le cas de points de morale ct de cas de conscience, nettement même où l’on croirait apercevoir dans le mystère enseignés ct définis, avec condamnation des erreurs révélé une contradiction, il n’en reste pas moins vrai contraires. Il n’y a plus alors à tergiverser, à chercher que, pour juger les profondeurs des mystères divins, nos des raisons pour nous justifier à nous-mêmes telle investigations rationnelles ct philosophiques vont à action qui nous plaît : la condamnation est trop nette. l’aveugle, ct que La révélation divine, par sa nature En même temps, une autorité suprême ct reconnue même, est un moyen bien plus sûr; cn cas de conflit infaillible vient donner un point d’appui à notre rai­ entre ces deux moyens de connaître, il serait donc rai­ son vacillante ct à notre fragile volonté contre les sonnable de préférer la révélation. appétits, les passions qui séduisent ct les répugnances b) Les matières qui regardent la conduite de la vie qui arrêtent. Maine de Blran a bien montré que tout sont encore un objet principal de la révélation; car homme a besoin d’appuyer sa conscience à quelque notre fol a un but pratique cn définitive, elle est des­ chose d’extérieur ct de supérieur. Objectera-t-on que tinée à être le fondement de toute la vie chrétienne, la raison à elle seule peut obtenir cet avantage, pou­ en soutenant toutes les vertus. Voir col. 84 sq. Or la vant atteindre Dieu et la loi naturelle comme un prin­ vie morale est chose complexe : U y a beaucoup de cas cipe supérieur auquel elle s’appuie? Nous répondrons 337 KOI quo coito révélation naturelle ct Improprement dite, plu . \ « ne, plus livrée aux subtilités de la raison Indi­ viduelle qui est son seul interprête, ne sert» jamais aussi nettement opposée a nos mauvaises tendances, aussi rigoureusement Inflexible. Les Jugements publies et solennels de Dieu par la révélation surnaturelle du Décalogue et de Γ Évangile, ceux de ΓÉglise qui explique ct applique ccttc révélation et tranche certains cas de conscience, ne peuvent être déformés ni transformés aussi facilement que nos vues privées, si brumeuses ct si ondoyantes, si souvent mises û la réforme sous un prétexte ou sous un autre. A ces grandes autorités nous pouvons ct nous devons nous cn rapporter tout à fait, sans examiner les raisons intrinsèques, sans en­ trer cn discussion avec la passion qui nous tente, ct avec laquelle il faut couper court si l’on ne veut pas être vaincu. Cf. Nici emberg, Le prix de la grâce, trad, franç., Paris, 1880, t. n, paît. V, c. x, p. 399 sq. Dirat-on encore que ce quelque chose d’extérieur ct de supérieur, auquel notre conscience a besoin de s’ap­ puyer, peut sc trouver suffisamment dans les principes moraux généralement reçus, dans le verdict de l’opi­ nion, de la coutume, de la société dont nous faisons partie? Mais souvent l'opinion et la coutume ont leurs variations ou leurs préjugés : le duel, par exemple, largement approuvé cn certains pays ct depuis des siècles cn vertu d’une conception spéciale de l’honneur est-il également approuvé par la saine raison? D’autre part, le monde n'a pas un fondement solide de sa morale, ni des solutions bien nettes ct atteignant une foule de cas. Et l’opinion de nos égaux peut-elle s’im­ poser à nous avec autant d’autorité que les Juge­ ments de Dieu et de l’Égiisc? M. Paul Bourget a exprimé d’une manière très vi­ vante le peu de secours qu’une Ame, dans une crise terrible de conscience, trouve cn dehors de la révé­ lation, soit dans l'opinion générale et la coutume, soit dans les principes abstraits d'une morale toute philo­ sophique, soit dans l’cxcrcicc personnel de sa raison. Il met cn scène une Jeune fille qui, malgré sa conscience, envisage le crime d'avortement comme moyen de cacher sa faute. « Une obligation? Mais, pour s'y sou­ mettre, il s'agit d'y croire. Au nom de quoi Julie au­ rait-elle cru A celle-ci, A cc devoir d’une femme qui va être mère, de préserver A tout prix la vie de son enfant? · Sans doute, c'est une idée universellement «reçue. Et après, si elle ne l'est pas par moi? «Elle avait trop entendu son père exalter l’esprit critique, le libre examen... autant dire le caprice ct l’anarchie... La fille du Jacobin y avait contracté cette habitude de sc prouver l’indépendance de sa pensée par un mépris systématique des conventions. Dans ccs Instants d’une crise tragique de conscience, c’était cette fatale manie de révolte contre les préjugés qu'elle retrouvait A son service, ct tout n'cst-il pas préjugé quand on veut tout réduire A sa propre logique? Comme éléments de ré­ sistance, en dehors de l’indestructible instinct qui veut que l’amour maternel s'éveille dans le cœur de la femme avant même qu'elle ait conçu, que rencontraitelle? Bien que ces vides et Inefficaces principes sans Justification supérieure, par lesquels les laïdsatcurs Insensés d'aujourd'hui prétendent remplacer le Dieu vivant ct aimant, le Père céleste, auteur de tout ordre et de toute loi, dont les commandements révélés n'ad­ mettent pas la discussion, qui récompense ct qui punit, que l’on prie ct qui soutient, envers qui l'on sc repent et qui pardonne. Pour Julie, qu'était ce Dieu, dont son père ne lui avait Jamais prononcé le nom durant son enfance, par scrupule? Et. quand il lui en avait parlé, ç'avalt été dans le style de Kant... Le Dieu qu'il avait offert au besoin religieux de sa fille et de scs fils, ç’avalt été le < postulat de la Raison pratique, » le • substratum mental de b Justice immanente, » la 338 < Catégorie de l'idéal, » toutes conceptions émi.icm ment philosophiques, admirablement dégagées de la souillure des superstitions. Que valent ccs quintes­ sences et ces fumées, quand il faut agir et se décider, quand le cœur en détresse n besoin d'un secours qui vienne d'en haut, d’une certitude A laquelle on veut s attacher pour n’en plus bouger? * L'étape, c. x.dans la liroue des deux mondes du 15 avril 1902, p. 845. 2· avantage. — I^a voie extrinsèque d’une révélation proposée infailliblement par l’Égiise réduit à un mi Imum l’enquete nécessaire de h raison faillible, ce crut diminue d’autant les chances d’erreurs. Il est évidem­ ment plus facile de faire sans erreur une seule enquête que cent enquêtes différentes. Or il suffit d'avoir con­ staté une fois pour toute la mission du Christ ct celle de l’Égiisc, pour avoir ensuite par l’Égiise, sans longues recherches, h liste exacte des nombreux dogmes pro­ posés ensemble A notre foi. Chacon des dogmes n’a pas besoin d’une preuve spéciale tirée du fond de b ques­ tion : c’est assez qu’il soit inclus, comme tous les au­ tres, dans b preuve générale que nous venons de rap­ peler. Par le canal d'une Église infaillible une fols re­ connue, nous pouvons presque aussi facilement rece­ voir cent dogmes qu’un seut Sans doute, il y aura A saisir le sens des cent énoncés, c'est plus long que pour un seul; mais quant à b preuve, elle est la même pour cent que pour un ; ct si l'on sc fait une fois *< soi-même ccttc preuvc.dc manière A arriver À une certitude ferme ct bien contrôlée, on tiendra avec la même cer­ titude les cent dogmes ayant tous la meme origine et la même garantie. Au contraire, la vole de b démons­ tration intrinsèque, b vole de b philosophie cl des sciences, b vole des vues personnelles ct quasi scien­ tifiques suppose pour chaque théorème un raisonne­ ment tout spécial; la preuve est entièrement à recom­ mencer pour chaque point ;ct Ton sait si, dans l'ordre moral et religieux, les questions sont nombreuse» et difficiles; que de chances d’erreurs compensent donc les chances de vérité I De plus, la vole de b révélation proposée par l’Égiise nous donne un catalogue exact de vérités prin­ cipales ct certainement révélées, ayant toutes b même origine sûre; on peut aussi dresser b liste de beaucoup d’autres vérités liées A celles-là comnir des conclusions certaines, ou que 1 Église nous propose infailliblement parce qu'elles sont nécessaire* à b garde du dépôt de b révélation, ou qu'elle bisse en­ seigner communément par les théologiens placés sous sa surveillance; tout ccb est sûr, et nettement dis­ tingué des thèses controversées dans l’Égiise, des pro­ babilités, des hypothèses théologiques qui gardent des chances d’erreur. On sait ce qui est certain, ct cc qui ne l’est pas. Au contraire, l’ensemble des vues person­ nelles d’un homme est loin d’avoir ccttc précision dans le discernement ct la cbssiûcation des divers éléments au point de vue de leur valeur. Laissant meme de côté cc qu'il considère lui-même comme douteux, comme seulement probable, si nous prenons exclusive­ ment cc qu'il regarde comme certain, ce qui a acquis droit de cité parmi ses convictions, cc qui est devenu pour lui principe dirigeant, sans doute dans cct ensem­ ble, Il y a des points d'une évidence assez facile A con­ stater, mais combien d’autres auraient de b peine A Justifier leurs titres ! Chacun, cn avançant dans b vie, se fait son trésor personnel de principes, de jugements sur les hommes ct les choses, de méthodes de penser, de règles de conduite morale comme de règles d’hy­ giène. Mais qui peut vérifier l'origine première de cha­ cun de ccs jugements dès longtemps acceptés, cl for­ tifiés par l’habitude? L’origine cn est très diverse cl de valeur très Inégale. Tantôt cc sera une expérience, mais peut-être incomplètement faite, ou trop généra­ lisée; tantôt un passage d’un livre, d’un journal, qui 33C FOI 340 nous aura frappés dans l’état d’âme où nous étions par fércncc a une certaine universalité, qui par son vague hasard; tantôt les restes encore subsistants d’une in­ même échappe A toute difficulté, La difficulté ne com­ fluence extérieure, d’une autorité qui aura jadis trôné mence que lorsqu’on veut préciser ct descendre dans dans notre esprit; tantôt une âpre discussion, qui par le détail des choses qu’on doit sacrifier d’avance à b révélation divine. Eaut-il prendre ccttc résolution pré­ esprit de contradiction nous aura enracinés davan­ cise ct explicite, de nier jusqu'aux vérités premières tage dans le parti que nous avons soutenu sans en être de la raison, ou les autres dont l'évidence est parfaite, pleinement convaincus d’abord; tantôt une tournure comme ma propre existence, ou 2 ct 2 font 4, plutôt de caractère qui a influencé nos jugements, des évé­ que de nier une vérité de la foi? Sur ce point nous trou­ nements qui nous ont affectés. « Depuis que nous avons vons parmi les théologiens deux opinions diamétra­ commencé à observer, à penser ct à raisonner, dit lement opposées, entre lesquelles il sera possible de Newman, jusqu’à la décadence finale de nos facultés, tenir une position moyenne. L’étude de ccttc question nou-> acquérons sans cesse de nouvelles informations est d'ailleurs utile pour mettre au point cc que nous par le moyen de nos sens, ct plus encore par autrui et avons dit tout à l’heure, et y apporter les restrictions par les livres. Amis ct étrangers que nous rencontrons, convenables. conversations ct discussions auxquelles nous prenons Jr· opinion. — Elle affirme Vobligation pour tout part, journaux, livres du jour, récréations ct voyages, fidèle d'être résolu à nier l'évidence même, par exemple, autant d’apports de matériaux intellectuels dans les les premiers principes de la raison, plutôt que les véri­ dépôts de notre mémoire. Ccs renseignements, spon­ tés de la foi. Guillaume d’Auvergne semble être de cet tanément acceptés, distinguent l'homme civilisé du avis : « Vous ne trouverez pas de fidèle, dit-il, qui ne sauvage, constituent le mobilier de l’esprit,... son soit prêt plutôt à sacrifier le principe de contradiction éducation; sans cela, il ne sc formerait pas, il n'aurait (qui prius non concederet affirmationem et negationem pas de stimulant ù son activité ni à son progrès... de eodem diet posse) qu'a nier la vérité d’un article de C'est par ces assentiments, donnés vite ct sans mar­ foi. » De fide, c. i, dans Opéra, Paris, 1674, t. i, p. 6. chander à ce qui s'oflre à nous avec tant d'abondance, Viva explique en ces termes la disposition nécessaire c’est par là que nous entrons en possession de princi­ du fidèle à l'égard des vérités de foi : paratum potius pes. de doctrines, d’appréciations, de faits qui sont dubitare de veritate primorum principiorum, quam de notre trésor de connaissances utiles ct libérales. Par veritate mysterii revelati. Cursus theologicus, Padoue, là nous sommes au courant de la littérature, de 1 his­ 1755, part. IV, De fide, dlsp. Ill, q. iv, n. 6, p. 102. toire, des arts, des affaires publiques. Nous puisons Critique. — Les fidèles, pour être séiicusemcnt prêts là pour une bonne part nos idées morales, politiques à persévérer dans la foi comme c’est leur devoir, doi­ et sociales, notre art de la vie... Même les meilleurs es­ vent assurément être prêts à rejeter tout ce qui serait prits, cl les plus sérieux, sont forcés d’être un peu su­ contraire aux vérités de la foi. Mais, en plus de cette perficiels dans la plus grande partie de leurs acquisi­ disposition générale ct implicite, on vient ici exiger tions. » Gramma/* o/ assent, 1895, c. iv, § 1, n. 2. Cre­ dence, p. 53-55. 11 y a donc dans notre trésor, collec­ d’eux une résolution explicite et particulière de rejeter jusqu'aux premiers principes de la raison plutôt que tionné au hasard des circonstances, un singulier mé­ les vérités de la foi. L'obligation de prendre ccttc réso­ lange d’éléments plus ou moins solides, un résidu de lution particulière est inadmissible pour les raisons toutes les phases de notre vie, de toute espèce d'in­ suivantes. — a) Un théologien n’a pas le droit d’appe­ fluences, bonnes ou mauvaises, utiles ou nuisibles à la santir le fardeau de l’obligation, sans apporter des conquête de la vérité. Ce qui est certain, c’est que l’ori­ raisons solides. Or les auteurs cités sc dispensent d'ap­ gine particulière de chacune de ccs acquisitions nous porter des raisons. Ils ne peuvent pas (lire (pic cette est actuellement invérifiable. On ne peut d'ailleurs disposition particulière, qu’ils exigent, soit nécessaire faire table rase de l'ensemble, suivant la méthode à la persévérance dans la foi : les premiers principes de d’Hermès. Voir col. 232. Que faire? En pratique, per­ la raison ne constitueront jamais un obstacle à ccttc sonne ne se donne la peine d’établir un inventaire, de persévérance, étant impossible qu'ils contredisent dresser le catalogue de ce qui est légitimement certain jamais la révélation, comme le déclare le concile du ct de ce qui est suspect, ou même, d’aborder cet im­ Vatican : · Bien que la foi soit au-dessus de la raison, mense travail de révision; séparer le bon grain de la il ne saurait pourtant jamais y avoir de véritable désac­ paille est id pratiquement Impossible. On sc résigne cord entre la fol ct la raison, attendu que le Dieu donc à une vague promiscuité qui fatalement dépréde qui révèle les mystères ct donne la grâce de la foi est la valeur de diacune de ccs certitudes, excepté celles le même qui a mis la raison dans l'homme, ct qu’il est peu nombreuses qui sont d’évidence immédiate, ou impossible que Dieu sc contredise lui-même, ou que le qui dérivent d’un court raisonnement très obvie, ct vrai soit jamais contraire au vrai. » Scss. Ill, c. iv, dont les prémisses sont immédiatement évidentes. Denzinger, n. 1797. Ici le mot « raison » doit signifier De tout cela il résulte que, tout bien compté, la avant tout les premiers principes, les données les plus voie de la révélation divine proposée par l'Église est parfaitement évidentes de la raison. On dira peut-être dans l’ordre des clioscs momies et religieuses une voie que cette affirmation du concile est théoriquement plus sûre vers la vérité. C’est la conclusion de saint vraie, mais qu’en pratique il peut y avoir entre la foi Thomas : Investigationi rationis humana plerumque et la raison désaccord ct conflit, apparent ct imagi­ /abitas admiscetur,.. Inter multa etiam vera quic demon­ strantur, immiscetur aliquando aliquid /alsum quod non naire sans doute, mais néanmoins troublant ct dan­ demonstratur sed aliqua probabili vel sophistica ra­ gereux parce qu'il semble réel, ct auquel il convient de tione assentur, qua interdum demonstratio reputatur. Et sc préparer par une forte résolution : qu’on peut être ideo oportuit per viam fidei, fixa certitudine, ipsam influencé par des autorités considérables qui disent à fcnlatem de rebus diuinis hominibus exhiberi. Contra tort : < La science a démontré, » etc., ou bien accepter gr/i/e , L l, c. iv. Nous avons donc le droit ct le devoir une prétendue démonstration, sans en remarquer le dt !.. préférer, en cas de conflit, à b voie ordinaire ct défaut. Nous répondons que tous ccs accidents sont, naturelle par bquelle l’homme acquiert l’ensemble de en effet, pratiquement possibles, mais non pas quand m» idées. Notre « résolution de préférence » est donc il s’agit des premiers principes ct autres vérités sem­ blables, que chacun vérifie par sol-mêmc ct qui sont justi fiée. 3 Cette résolution doit-elle descendre dans le détail, garantis par leur évidence immédiate ou presque im­ et dans quelle maure? — Tant qu’elle reste dans sa médiate, en dehors de toute démonstration. — b) Non tonne générale et abstraite, cette résolution de préseulement le rejet des premiers principes no sera 341 FOI jamais nécessaire A la persévérance dans la foi; mais s’il était fait d'une manière catégorique ct non pas hypothétique» ou même si l’hypothèse d'un tel con­ flit était considérée comme possible, ce serait du scep­ ticisme nuisible à la fol elle-même, puisque les misons de croire ct les motifs de crédibilité dont elle a besoin s'appuient objectivement sur ces premiers principes. Ces principes de la raison nous sont même néces­ saires pour saisir le vrai sens d'un mystère, comme la Trinité. Voir Franzelin, De Deo trino, 3· édit., Home, 1881, thés, xx, p. 329, 330. — c) Non seule­ ment cette résolution de nier les premiers principes plutôt que la foi n'est pas prouvée nécessaire, mais pour tel ou tel sujet à qui on la proposerait même comme une hypothèse impossible; elle serait fu­ neste, ct ce serait tenter bien des fidèles contre la foi, que de leur demander au nom de la foi un acte qui leur paraîtrait rebutant et sans but. En théologie morale, on est d'accord qu’il suffit de demander au pénitent, en restant dans le vague ct l’abstrait, qu’il soit prêt A tout souffrir, à tout sacrifier, plutôt que de retomber dans le péché mortel, qu’il soit résolu A le fuir plus que tout autre mal, ct formules semblables; on admet que Dieu veut bien se contenter d’une aussi vague disposition, ct qu'il serait dangereux d’en vou­ loir faire saisir au vif le contenu, d'entrer dans le détail : « Êtes-vous prêt à accepter la mort de votre enfant, telle torture épouvantable, etc., plutôt que d’offenser Dieu? » Quamvis talis debeat esse contriti dispositio, dit saint Thomas, non (amen de his lentan­ dus est. In IV Sent,, 1. IV, (list. XVII, q. n, a. 3, sol. 1», ad 4°«. C'est-à-dire, bien que le pénitent doive être disposé à tout souffrir plutôt que de pécher mortel­ lement, par conséquent même ces douleurs s’il le fal­ lait, il n'est pas A propos de lui présenter ces exemples concrets ct qui surexcitent l'imagination : car ce serait peut-être le tenter et lui donner occasion de rétracter le ferme propos général qu’il avait, et qui suffisait. Voilà un acte religieux où il ne faut pas trop «réaliser», comme dit Newman, ct où l’idée abstraite, trop dé­ daignée aujourd'hui de plusieurs dans la religion, rend beaucoup de services. Cf. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XVI. a. 2, q. i, dans Opéra, Qunracchl, 1889, t. iv, p. 388, où il appelle ccttc manière d’inter­ roger le pénitent periculum et stultitia; S. Alphonse, Theol. moralis. De pivnitentia, n. 433, dans Opera, Rome, 1909, t. m, p. 431. Or, notre cas de la fol, étant semblable à celui-là, doit recevoir la même solution. Et meme a fortiori : car après tout, il n’est pas impossible qu’un pénitent soit réellement appelé par la provi­ dence à accepter tel sacrifice qui le fait frémir : tandis qu'il est absolument Impossible que pour garder la fol on soit jamais mis en demeure de nier un premier principe de la raison, ou une vérité mathématique. La résolution obligatoire de rejeter tout ce qui peut être en conflit avec la révélation ne s'étend donc point à des conflits chimériques, ct nous pouvons conclure avec Schceben : « La fermeté souveraine de la certitude de foi n'exige pas qu’on tienne toute autre certitude pour chancelante, qu’il faille la révoquer en doute, ou être prêt à sacrifier à la fol la certitude rationnelle la plus évidente. » Dogmatique, § 46, trad, franç., 1877, t. 1, p. 542 2· opinion. — Non seulement elle nie que les fidèles soient obligés à ccttc résolution particulière et con­ crète, mais elle la condamne comme absurde dans tous les cas ct sous quelque forme, même hypothétique, qu'elle puisse prendre. Ainsi Lugo ne dit pas seulement • qu’une telle préférence n'est pas exigée des fidèles, » mais il ajoute : « Ce serait une disposition sotte ct chi­ mérique; » ct il la compare à celle d'un dévot qui pous­ serait l’amour de Dieu jusqu’à être « disposé à haïr Dieu, si par impossible cela lui faisait plaisir. » Di­ 342 sputat. scholastic*, Paris, 1891, t. r, De fide, disp. Vif, n. 53, p. 357, 358. Π est suivi par ses disciples, qui appellent ccttc résolution, même sous forme hypothé­ tique, « un acte Imprudent, » Hnunold, Theol. specula­ tiva, Ingolstadt, 1670, 1. Ill, η. 282. p. 386. une dispo­ sition qui n’est «ni nécessaire ni utile.t Kilber.De flde, n.205,dans Migne, Theologi* cursus, t.vi,col.576,577. Critique. — Cette opinion, en tant qu’elle réfute la première, est parfaitement fondée. Mais, à sa réfutation elle ajoute une exagération. — a) D’abord, la compa­ raison de Lugo ne semble pas juste. Le dévot qui. pour mieux aimer Dlcu.se dirait prêt à le haïr si par impos­ sible cela lui plaisait, ferait un acte absurde, mais pourquoi? Parce que, la disposition à la haine détrui­ sant directement l’amour, on aurait alors un acte d’amour qui, à force de raffinement,se détruirait luimême, ct l'homme en serait conscient. On ne volt pas, dans notre cas, que la tendance énergique à sacrifier à la fol jusqu'à l'évidence la plus irrésistible, si par Impossible il y avait conflit, se détruise directement elle-même, ct que l’homme doive être conscient d’une telle destruction quand H fait cet acte. — b) Saint Augustin ne craint pas d’exprimer une semblable dis­ position d'àme, quand, parlant de la certitude souve­ raine qu’il a des vérités de la fol, il dit qu’il douterait plutôt de sa propre existence : Facilius dubitarem vivere me. Confess., 1. Vil, c. x. P. L., t. xxxii, col. 742. Lugo tâche d’expliquer ce texte ct de le concilier avec son opinion; mais son exégèse plus subtile que naturelle est bien réfutée par Ripalda. De fide. disp. XI, n. 64, dans Opera, Paris, 1873, t. vit, p. 214. Saint Paul lui-même, pour réagir contre l’inconstance des Gelâtes, les Invite à une telle disposition d’àme que, si un ange du ciel venait leur prêcher le contraire de la foi reçue de l’apôtre, ils voudraient rejeter sa doc­ trine ct l’anathématlser, i, 8. « Ce n'est pas, observe Vincent de Lérlns, que les anges bienheureux qui sont dans le ciel puissent jamais errer ou pécher; mais l’apôtre veut dire : « En supposant mime que l'impos­ sible arrive, anathème à quiconque essaierait de chan­ ger la fol transmise ct reçue. » Commonitorium, 1, c. vin, P. L., t. e, col. 649. — c) Ces vœux condition­ nels qui partent d’une hypothèse chimérique n’ont rien en eux-mêmes d’absurde ni d’imprudent, ct. comme le remarque Ripalda, « ils servent même aux théologiens pour expliquer la force ct l'efficacité des actes de la volonté. C'est ainsi que nous exprimons l'efficacité de la contrition par ce vœu conditionnel, tombant en réalité sur un objet impossible, d’effacer un passé mauvais, de faire qu’il n’ait pas existé, de faire que le passé ne soit pas le passé. » Loc. cit., n. 66. Et ce n’est pas là une subtilité d’école, puisque la nature même pousse tous les hommes à concevoir ct à exprimer ainsi leur repentir : « Je voudrais ne l’avoir pas fait. Oh! si c’était à refaire! » Hypothèse chimé­ rique : vous ne pouvez ni retourner en arrière pour recommencer dans le même cadre de circonstances le choix malheureux que vous déplorez A présent, ni arracher ce feuillet de l'hlstnlre de votre vie : la faute d’un instant restera éternellement vraie. Et pourtant cet acte de repentir, qui tend vainement à anéantir le passé, est très utile dans l’ordre surnaturel pour puri­ fier l'âme des conséquences de ce passé et de ce qu’on appelle 1' < état de péché, le péché habituel; » et c'est un acte sage et raisonnable, comme l'explique saint Thomas : Voluntas condilionata... esse potesl de impos­ sibilibus : qua etiam sapiens vellet quod impossibile est, si possibile foret. In IV Sent., 1. IV, dist. XVII, q. n, a. 1, sol. 1·, ad 3“·. — d) Enfin, à cet acte, qui exprime sous forme hypothétique un souverain attachement à la fol, on ne peut reprocher une tendance au fidéisme, au scepticisme qui doute de l'évidence même. « Ce qui ne devrait sc faire que dans une hypothèse impos- 34» FOI s. Ne, dit May*, n'est pis do nature à fonder un doute récL » Et il ajoute cette comparaison : « On ne pourrait pas accuser un père de vouloir la mort de son fils aîné, s’il disait : Supposé que Je dusse perdre un de mes fils, j’aimerais mieux perdre l’aîné que le cadet. » Theol. sebolas! ica, Ingolstadt, 1732, L I, De fide, n. 661, p. 188. A plus forte raison,ce n’est pas vouloir douter réelle­ ment de l’évidence, que de dire : Si par impossible il naissait un conflit entre une vérité immédiatement évidente cl la vérité révélée, j’aimerais mieux nier la première que La seconde. Concluons que nous ne pou­ vons empêcher ceux qui le veulent d’exprimer ainsi I ardent amour de préférence qu’ils ont pour la parole de Dieu et la foi, ni mépriser leur acte comme absurde. lx?ur amour de préférence acquiert ainsi un plus haut degré de perfection accidentelle. Oxea, Tract. De spe et cantate, Sarngosse, 1662, p. 216, 217. J· opinion, moyenne et préférable. Elle nie l'obliga­ tion d’envisager celte hypothèse impossible, et recon­ naît même que souvent la prudence interdit de l’envi­ sager. .Niais elle reconnaît que ccttc forme hardie de la résolution de préférer la foi n'a rien d'absurde, que par elle de grands saints ont exprimé leur souverain atta­ chement A h parole de Dieu, et qu’elle a son utilité en certains cas. La preuve de celle opinion a été don­ née en critiquant les deux autres. 4. Quelles /ormes cette résolution prend-elle parmi les fideles? — A cette occasion, nous parlerons de la · foi implicite », cl de la « foi du charbonnier ». a) Diverses formes de celte « résolution de préférence ». — En pratique, elle peut s’exprimer de bien des ma­ nières, que l’on rencontre chez les fidèles, par exemple : • Je veux résister A toutes les tentations contre la foi. » Ou bien, comme disent les catholiques quand ils crai­ gnent de proférer ou d’écrire quelque chose de con­ traire A la révélation, dont l’Église est la gardienne et l’interprète autorisé : « Je suis prêt A me soumettre au jugement de l’Église. » C’est en effet A l’Église de décider ce qui contredit ou ne contredit pas le donné révélé, et ce que l’on peut avancer sans danger de le contredire tuto. Être prêt d’avance A accepter tou­ jours ce jugement de l’Église sur les doctrines, c’est pratiquement être disposé A préférer toujours la révé­ lation A ce qui peut la contredire. A cela revient aussi la formule générale qu’em­ ploient si souvent les fidèles dans leurs actes de fol : • Mon Dieu, Je crois tout ce que vous avez révélé » ou bien — formule qui comprend la précédente, puisque l’Église est chargée de nous enseigner la révélation divine — : « Je crois tout ce que votre Église nous enseigne. » Analysons cet acte. Y a-t-il IA quelque chose d'intellectuelΊ Oui, au moins indirectement : cet acte suppose comme certain que Dieu a fait une révé­ lation, ou même encore qu’il a fondé une Église et lui a donné mission de nous proposer ccttc révélation, pour que nous puissions l’avoir dans son intégrité. Ces faits généraux, voilà l’objet que l’on atteint par Tintelligcncc. Indirectement. Mats d'autre part, en disant : · Je croit tout ce que vous avez révélé, tout ce que votre Église enseigne, »on cherche A entrer en rela­ tion avec toutes les vérités qui forment le contenu de la révélation divine, sans rien retrancher, sans rien excep­ ter. Cette relation-là ne peut pas être une relation de connaissance : un fidèle ne connaît pas, ne peut pas connaître tout ce qui est proposé par l’Église, ni sur­ tout tout ce qui est révélé dans les Livres saints; et quand il l'aurait connu, il ne peut avoir tout cela pré­ sent à l’esprit dans cet acte rapide; de plus, cet acte peut être fait par un enfant que l’on commence A instruire de la foL qui ignore encore une partie des vérités que l’Église oblige tous les fidèles A connaître et A croire explicitement. Reste donc qu’il y ait IA une relation de volonté, de désir : < Je veux croire tout le 341 contenu do ccttc révélation, je désirerais le croire explicitement si c’était possible, et de mon côté je ne mettrais aucun obstacle par la mauvaise volonté. · C’est ce que saint Thomas appelle credere implicite, vel in préparai tone animi, inquantum paratus est cre­ dere quidquid divina Scriptura continet. Sum. theol., Il· II», q. n, a. 5. Je suis prêt A croire, en particulier, tout ce que l’Église dans la suite pourra proposer aux fidèles, prêt A accueillir le dogme, prêt A rejeter ce qui lui est contraire. C’est donc encore une manière d’ex­ primer la résolution générale dont nous parlons. El si ce n’est pas « croire » les dogmes au sens propre du mot, c’est · vouloir les croire ». b) La foi implicite. — C’est l’acte dont nous venons de parler; et l’analyse que nous en avons faite nous permet de répondre aux objections dont Calvin a voulu l’accabler. « ils (les théologiens catholiques) ont bâti une fantaisie de foi, qu'ils appellent implicite» ou en­ veloppée... Cette fantaisie non seulement ensevelit la vraie foi, mais la détruit du tout. Est-ce IA croire, de ne rien entendre moyennant qu’on soumette son sens A l’Église?Certes,la fol ne gît point en ignorance, mais en connaissance... C’est par cette connaissance et non point en soumettant notre esprit aux choses in­ connues que nous obtenons entrée au royaume céleste. » Institut, chrétienne, 1. 111, c. u, n. 2, dans le Corpus reformatorum, Calvini opera, Hrunswlck, 1866, t. iv, col. 11. Et plus loin : « Ils déterminent que ceux qui s’abstiennent (al. s’abrutissent) en ne sachant rien, et même sc flattent en leur bêtise, croient dû­ ment et comme il est requis, moyennant qu’ils s'ac­ cordent A l’autorité et jugement de l’Église sans rien savoir; comme si l’Écriturc n’enseignait point par­ tout que l'intelligence est conjointe avec la foi. » Loc. cit., n. 3, col. 12.— Iléponse.—o. Calvin calomnie nos théologiens. Ils n’ont jamais dit qu’ « en ne sachant rien » on croit « comme il est requis. » Au contraire, ils ont affirmé, et tous nos manuels de théologie mo­ rale leur font écho, que les plus ignorants des fidèles ont le précepte rigoureux de croire « explicitement · et donc de connaître un certain nombre de vérités révélées, spéculatives ou pratiques, le symbole, le Déca­ logue, etc. Personne ne peut se contenter de la « fol implicite », mais doit y ajouter d’autres actes de foi, explicites ceux-là et où l’on attache aux formules un sens déterminé. De IA les catéchismes, et la peine que sc donnent ceux qui les font pour mettre les principales vérités de la foi à la portée des enfants et des simples. — b. La foi implicite elle-même, nous l’avons montré, n’est pas sans aucun élément de connaissance : elle rappelle d’une manière générale une vérité essentielle A la fol comme les premiers principes le sont A la rai­ son, c’est-à-dire que Dieu nous a fait une révélation; elle y joint une autre vérité importante, c’est que cette révélation nous est enseignée par l’Église ayant mis­ sion pour cela. — c. Mais surtout il y a dans cet acte de foi implicite l’expression de la volonté de croire, et de la seule bonne volonté de croire, celle qui s’étend A tout ce que Dieu a révélé, sans rien excepter, préférant ainsi l'intégrité du témoignage divin A tout ce qui pourrait le mutiler, c’est-à-dire le contredire en un point quelconque. La fol demande essentiellement la bonne volonté; aussi l’importance de ccttc volonté docile, de celte pieuse affection envers la révélation divine est si manifeste qu’un peu plus loin Calvin lui-même est obligé de l’avouer : « Nous pouvons ορρο­ ί 1er foi (l’édition latine à recevoir tous les éléments de la révélation, toute la • doctrine de l'Évanglle. » Celte < affection » n’est pas encore la fol, mais c'est « une préparation » nécessaire Λ la foi. Du reste, s’ils croient que Jésus cst« le rédemp­ teur promis, » n’cst-cc pas déjà un article de fol? Et la · foi implicite » n'est-elle pas, par ce côté-là, explicite sinon complète, et acte de fol nu sens propre? Somme toute, Calvin nous accorde ici l'essentiel de ce que nous demandons pour la foi Implicite. Comme s'il s’apercevait qu’il a beaucoup accordé : « Au reste, ajoutc-t-Π aussitôt, une telle docilité avec désir d’ap­ prendre est bien diverse de ccttc lourde Ignorance, en laquelle croupissent et sont endormis ceux qui sc con­ tentent de leur foi implicite, telle que les papistes ima­ ginent; ceux qui, de propos délibéré appâtent de ne rien savoir. » Loc. cit. Mauvaise querelle : les papistes enseignent au contraire qu'il faut venir au catéchisme, connaître sa religion en détail, et même entretenir ensuite et perfectionner ce que l'on en sait, dans la mesure du possible; le tout sous peine de négligence grave. Sur la foi implicite, voir Didiot, Logique surnaturelle objective, Paris, 1892, p. G37-641; Bainvel, art. Foi, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1911, col. 42-41. c) Les protestants modernes et la foi implicite. — Cer­ tains protestants semblent avoir voulu se contenter de la foi implicite, d’après ce passage d’un protestant conservateur, Hodge, qui les réfute : < On a prétendu que croire simplement que la Bible est la parole de Dieu, c'est croire tout ce que la Bible enseigne, au sens propre du mot croire, lors même qu’on ignore beau­ coup de scs enseignements. Mais ce n'est pas exact. L'homme qui croit ainsi Λ la Bible est prêt d croire sur son autorité tout ce qu’elle déclare vrai : mais, à pro­ prement parler, 11 ne croit de son contenu que ce qu’il connaît... Ccttc disposition Λ croire tout ce que la Bible enseigne, dès que nous saurons qu’elle l'enseigne, peut s'appeler une fol implicite, mais ce n'est pas une fol réelle. Elle n'en a ni les traits caractéristiques ni le pouvoir. » Systematic theology, Londres, 1874, t. m, c. xvi, p. 85. Ces idées sont justes. Mais il fallait bien terminer par le couplet obligé contre nous; aussi l'au­ teur ajoute-t-il. dans la meilleure manière de Calvin, qu’au dire de l’Église de Borne, « un homme qui n'a aucune idée de ce que signifie le mot sacrement » a sufllsammcnt la fol pourvu qu'il croie qu’il y a sept sacrements; que « la vraie foi est regardée comme com­ patible avec une ignorance absolue; qu'un homme peut être un vrai chrétien, s’il so soumet à l’Église, bien que, dans ses convictions Intérieures, Il soit un panthéiste ou un païen. » A celte apothéose de l’igno­ rance religieuse 1 lodge attribue des pratiques de l'Égilse ayant une tout autre origine : la Bible qui n'est pas mise entre les mains de tout le monde; la liturgie en latin; le symbolisme des cérémonies; la < réserve » des prédicateurs. · C'est assez de frapper l'imagina­ tion... La vérité doit être cachée (par le prédicateur). On montre une croix nu peuple, mais 11 n'est pas nécessaire de lui enseigner la doctrine du sacrifice pour le péché... On convertit 1rs païens non par la vérité, non par un cours d’instructions, mais par le baptême. On les fait chrétiens par milliers... en n'exigeant que la simple soumission Λ l’Église et à ses rites. De là vient que les missions catholiques, bien que continuées parfois plus de cent ans, n'ont pas d'emprise sur les peuples, mais presque toujours disparaissent dès 346 qu'on empêche l’arrivée des prédicateurs étrangers. · Loc. cit., p. 86-88. Voilà un tableau fidèle de la doc­ trine et de la pratique de l’Église! L'auteur a oublié de nous dire si les enfants et la plupart des adultes, chez les protestants, connaissent beaucoup de vérités révélées et comprennent bien les formules du caté­ chisme protestant, ou les obscurités de leur bible; si, pour enfler la statistique des conversions, dans les missions protestantes, on ne porte pas comme · agré­ gés » des gens qui ont simplement accepté le don ma­ tériel d’une bible; si les nègres baptisés par les minis­ tres sont de grands clercs; si les missions protestantes où les indigènes sont persécutés et ne reçoivent pas dr secours du dehors, ne disparaissent pas, et un peu plu* vite que les nôtres. Que l'orthodoxisme protestant se fasse, contre les catholiques, le champion de l'intellectualisme dans la fol, cela sc comprend encore. Mais que des protestants anti-intellectualistes continuent les mêmes attaques, c’est plus piquant. Il faut vraiment que le protestan­ tisme soit tenace dans scs préjugés et dans ses vieilles traditions de polémique, pour que l'on voie de nos jours jusqu'à des protestants libéraux et · symbolofidélstes » nous reprocher celte malheureuse · fui im­ plicite » des simples, comme ne donnant pas assez a la connaissance des dogmes et à la foi en tant qu’intel­ lectuelle. Voici comment Aug. Sabatier présente au public notre notion de la foi et du dogme : « La foi ca­ tholique, par la force même des choses, tend à devenir une foi implicite. Sans aucun doute, on demande aux fidèles d’apprendre les principales doctrines de la reli­ gion, c’est-à-dire de mettre quelque chose sous l’auto­ rité à laquelle ils se soumettent sans condition ni réserve; mais la foi Implicite a toujours la vertu de suppléer ce qui manque à la foi expresse et pleine. » Esquisse d'une philosophie de la religion, 1897, p. 283. C'est le contraire de la vérité : d’après les théologiens catholiques, la fol implicite n'a pas la vertu de suppléer la croyance distincte des vérités principales, dont la connaissance et la fol explicite sont nécessaires de nécessité de précepte ou de nécessité de moyen. Par exemple, d’après une déclaration d'Innocent XI, on n’apaslcdroitderegarder quelqu'un comme capable de recevoir l'absolution, quelque grande que soit son igno­ rance des mystères de la foi, et dans le cas meme où, par sa négligence, même coupable, il irait jusqu'à ignorer les mystères de la trlnité et de l'incarnation. 64· proposition condamnée, Denzinger, n. 1214. Mais revenons à Sabatier : « On a donc, conclut-il, juste­ ment nommé la foi catholique, en ce qui regarde la doctrine, un blanc-seing donné par le fidèle à la hié­ rarchie. Ce que je dois croire, je l'ignore par moi-même; mats mon curé, mon évêque et le pape le savent pour mot Cela sufilt. Malheureusement, le caractère d’un blanc-seing, c’cst d’être une page blanche. Cette ma­ nière de croire ressemble dès lors beaucoup à l'udsence même d’une fol personnelle. C’est une façon de pro­ clamer que le fond de la doctrine est Indifférent à la vie religieuse. · Loc. cit. Le beau zèle pour la doctrine / Sabatier, nu lieu d’attaquer les catholiques, aurait pu faire ici son mea culpa, lui qui a écrit : « Qu'est-co que la fol? Est-ce une adhésion intellectuelle à des dogmes?... Non. » Voir col. 61 ; ci. col. 77. Il aurait pu aussi re­ tourner son zèle contre son ami Ménégoz, qui établit comme principe fondamental « le salut par la foi (en­ tendez, le don du cœur à Dieu, sans savoir ce qu'on entend par le mot Dieu) indépendamment des croyan­ ces. » Voir col. 174. Voilà certes · des pages blanches ! » Voilà qui est proclamer que « le fond de la doctrine est indifférent à la vie religieuse 1 » Et une foi aussi « implicite », ce n’est pas seulement aux esprits les plus lents et les plus bornés qu’on la permet, on la vante aux plus perspicaces. 347 FOI 34ύ sions trop grandes à l’ignorance du peuple et du bas Les protestants, en combattant la fol Implicite des clergé, concessions que le malheur des temps faisait catholiques · à tout cc que l’Église enseigne, » n’ouaccepter à certains canonistes comme pratiquement bllrnt p is d’y mêler un peu confusément des atta­ inévitables, mais que l’autorité doctrinale de l’Église ques contre le rôle de l’Église et notre règle de foi. n’a jamais sanctionnées. M. Hoffmann aurait tort sur­ Nous v avons déjà répondu, col. 152 sq., 160 sq. Le procédé de polémique qui consiste à embrouiller les I tout de chercher dans ccs abus un point d’appui pour l’antidogmatismc et la · foi sans croyances » du pro­ questions ne favorise pas la recherche de la vérité. lui testantisme libéral. question spéciale de la « foi implicite », roulant sur la d) La foi du charbonnier. — Cette locution, encore connaissance ou l’ignorance des principales vérités en usage de nos jours pour exprimer en général « la révélées, n’est pas liée par cllc-mcmc au concept de fol des simples » ou parfois plus spécialement « la fol l’Église : on pourrait aussi bien avoir la « foi implicite », implicite », a eu primitivement un sens un peu diffé­ en ignorant le donné révélé et en disant : « Je crois rent. Elle dérive d’un récit que l'on rencontre pres­ tout ce que la Bible enseigne. » Voilà pourquoi nous que en même temps sous la plume de Luther en 1533, traitons à part la question de la foi Implicite, et celle Avertissement aux gens de Francfort, et sous celle d’un de la régie de foi. théologien catholique, Albert Pighius, dans un ou­ Un protestant libéral, le Dr Georges Hoffmann, vrage imprimé pour la première fois en 1538, où il dit prioaldocent et pasteur à Breslau, a fait une collection 1’avoir entendu dans son enfance. Nous citerons ce de textes, depuis les anciens Pères jusqu’à nos jours, second récit comme plus détaillé, et sc rapportant, se rapportant plus ou moins à la foi implicite et, on d’après Hoffmann lui-même, à une tradition plus an­ pourrait dire aussi, à l'histoire de l’enseignement caté­ cienne. « Un savant professeur de théologie rencontra chistique dans l’Église, à la question du minimum de un charbonnier; curieux de s’amuser de sa simplicité connaissance religieuse exigé des plus Ignorants aux et d’en faire un sujet d’expérience, il l’interrogea sur diverses époques de l’histoire de l’Église, et chez les ce qu’il croyait comme articles de foi. Notre homme protestants. D/e Lehre von der Fides implicita, 3 vol., commença par lui réciter les principaux articles sur Leipzig, 1903-1909. Quelques-uns de ces documents Dieu, que souvent il avait entendus à l’église, et con­ font voir qu’à certaines périodes du moyen âge, l’igno­ fiés à sa mémoire. » Remarquons donc en passant que rance religieuse était grande parmi les laïques, et que la foi du charbonnier n’était pas purement implicite. la difficulté de la combattre était pour plusieurs un « Comme le théologien continuait à l’interroger sur prétexte à interpréter trop largement le précepte de la ce qu’il croyait en outre, il se contenta de répondre foi implicite. Si l’Église a toléré cet abus par impossi­ qu’il croyait ce que croyait l’Église, ne pouvant rien bilité d’y porter un prompt remède, elle ne l’a pæ. con­ préciser d’ailleurs quand on poussait la question : Mais sacré. Elle ne le consacre nullement au concile œcu­ que croit l’Église sur telle ou telle matière? Il éludait ménique de Latran sous Innocent III, quoi qu’en ccs interrogations par une sorte de cercle : L’Église pense M. Hoffmann, t. t, p. 63 sq. Après avoir con­ croit ce que je crois; je crois ce que croit l’Église. » damné comme une hérésie la doctrine de l’abbé Joa­ chim sur la Trinité : Si quis igitur sententiam vel do­ Qui ne voit là une simple fin de non-recevoir, une façon de sc débarrasser de questions que l’on consi­ ctrinam priefati Joachim in hac parte defendere vel approdère comme importunes et peut-être comme dange­ bare præsumpserit, tanquam lueret i eus ab omnibus reuses et déplacées, une manière de faire sentir au confutetur, le concile n’applique pas la qualification d’ « hérétique » à la personne même de l’abbé, et ne I savant qu’il n’avait pas le droit de les poser, ni d’abu­ ser de sa science pour troubler une âme simple? Mais veut pas qu’on porte préjudice au monastère très régu­ reprenons le récit de Pighius : « Il arriva ensuite que lier qu’il a fondé, surtout parce qu’il s’est soumis au ce théologien, malade et en danger de mort, fut gra­ jugement de l’Église : maxime,cum ipse Joachim omnia vement tenté contre la fol par les suggestions insi­ scripta sua nobis assignari mandaverit, apostolicee sedis dieuses de Satan; et il ne put s’en tirer que par le sou­ judicio approbanda seu etiam corrigenda, dictans epi­ venir de la foi simple et assurée du charbonnier. Dans stolam, quam propria manu subscripsit, in qua firmiter cette tempête, il dut s’y réfugier comme en un port; confitetur, se illam fidem tenere, quam romana tenet on l’entendait crier : Comme le charbonnier î Surprise Ecclesia, etc. Dcnzlngcr, n. 433 (358). Oui, lors même des assistants : on le crut en délire. Il guérit, et on lui que quelqu’un s’est trompé dans l’explication subtile demanda quelle idée il avait eue de cricr ainsi. 11 leur d’un mystère de la fol, sa soumission au jugement de dit son histoire..., remerciant la divine miséricorde l’Église l’empêche d’être qualifié personnellement de ccttc rencontre avec un pauvre homme dont d* · hérétique » et traité comme coupable du péché l’exemple l’avait tiré d’un grand péril... Ccs sugges­ d’hérésie, parce qu’il est de bonne fol et que la con­ tions du démon triompheraient de la faiblesse hu­ troverse n’a pas été tranchée encore, parce qu’on n’est maine, si l’on acceptait de les écouter, si, les yeux et les pas hérétique, au point de vue canonique, sans cette oreilles fermés, on ne sc cachait pas dans la foi de obstination, contumacia, qui est une disposition d'âme l’Église, comme en un asile très sûr. » Hiérarchisé absolument opposée à celle du pauvre abbé Joachim. ecclesiasticæ assertio, Cologne, 1551, 1. I, c. v, fol. 26, Mais voilà encore une question qu’il ne faudrait pas embrouiller avec celle du minimum exigé des simples. 27. En somme, par cc récit, historique ou légendaire, on a voulu montrer la conduite à tenir quand notre ici De cc principe que la soumission d’un savant, sur un est troublée par un plus habile que nous, homme ou point difficile, à la décision de l’Église lui évite en cas d’erreur la qualification d’hérétique, il ne s’ensuit pas démon : la consigne est de ne pas discuter alors avec qu’une soumission semblable, sans aucune foi explicite, lui, cc qui serait un danger pour un homme troublé, suffise à un Ignorant pour accomplir le précepte de la obsédé, surtout dans l’épuisement de la maladie. Voir col. 327. Il s’agit donc d’un cas très spécial; et le refus fol. A qui pose le principe, on ne peut donc imputer de discuter et de répondre dans ccs conditions n’im­ cette absurde conséquence. Quant à la · décision du pape Innocent IV, » citée par M. Hoffmann, t. t, p. plique pas le moins du monde la recherche habituelle 73 sq., cc n’est qu’un passage d’un livre fait avant son de l’ignorance, ni la suffisance de la foi implicite, dont ce charbonnier même ne sc contentait pas. Et si ccttc élévation au pontificat, travail de canoniste qukne fait pas loi. La dignité papale, plus tard reçue, n’a pu con­ ritournelle bizarre : « Je crois cc que croit l’Église, et férer, je ne dis pas seulement l'infaillibilité, mais une II* Église croit ce que je crois » n’était pas un acte de valeur officielle quelconque à cette élucubration anté­ foi, c’était au moins un bon moyen d’échapper au rieure; peu importe donc qu’il y ait fait des conces­ trouble et à la tentation. Aussi Luther aurait-il pu 349 FOI l'apprécier plus équitablement qu’il ne l’a fait, peutêtre mémo en profiler, lui qui combattait tant avec le diable. Voir ses paroles, avec d'autres renseigne­ ments dans Bainvel, toc. cit., col. 42. Sur la fol du charbonnier, voir Hofimunn, Fides implicita, t. i, p. 212-220; t. m, p. 1 i 63. IX. Rappohts de la foi et de science chez le savant qui est un CHOYANT. — Ce problème a été beaucoup agité au xix· siècle, et souvent mal résolu. Pour diminuer la longueur de cet article, nous ren­ voyons à plus tard la question dans toute son am­ pleur avec les documents ecclesiastiques qui la con­ cernent, et la critique des divers systèmes. Voir Science. On peut consulter, entre autres études sur la question : Vacant, Études théologiques sur les constitut tons du concile du Vatican, Paris, 1895, t. n, p. 234281 ; Dldiot, Logique surnaturelle subjective, Paris, 1891, p. 275-318; et plus récemment Bainvel, art. Foi, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catho­ lique, 1911, col. 84-93, avec scs utiles indications bibliographiques. Nous nous bornerons ici ù répondre le plus complètement possible à une objection cou­ rante et sans cesse renouvelée, qui so rattache d’ail­ leurs à la méthode d’Hermès et à la résolution de pré­ férence précédemment traitées. Objection des « idées préconçues ·. — Si tout catho­ lique doit croire fermement les dogmes de son Église, dont plusieurs peuvent s’opposer à des philosophies en vogue, à des thèses historiques qui tendent à pré­ valoir, à de grands courants de la pensée moderne; s’il doit être prêt à persévérer dans ccttc foi jusqu’à la mort, et conséquemment à rejeter tout ce qui se trouve contredire les données de la révélation telles que l’Églisc les propose, il abordera les sciences, la philoso­ phie, l’histoire, etc., avec des idées préconçues, cc qui enlèvera toute valeur à ses recherches et à ses conclu­ sions. II faut donc, ou bien condamner l’attachement définitif à un credo, les dogmes absolus et immuables, et s’en affranchir comme l’ont fait les protestants libéraux, et à leur exemple les modernistes, ou bien faire perdre toute valeur à la science des catholiques. Ccttc objection est très fréquente aujourd'hui dans les milieux libéraux, surtout en Allemagne. Voir Bainvcl, loc. cit., col. 86. C’est sous l’impression déjà très vive de ccttc objection que Hermès imaginait sa méthode, et qu’en vue de faire de bonne besogne philosophique et théologique, il faisait table rase de toute idée précédemment acquise. Voir col. 282. C’est sous l’impression de la même objection que certabis esprits, bien peu sensibles au besoin d’unité dans une seule cl même intelligence, ont recouru au bizarre sys­ tème de la · cloison étanche · entre leur science et leur foi, du < maître Jacques », qui, tantôt savant sans tenir compte de sa fol, tantôt croyant sans tenir compte de sa science, contredit comme savant cc qu’il affirme comme croyant. Voir la note 22 des théologiens du concile du Vatican, dans la Collectio laccnsis, t. vu, col. 536. L’objection des idées préconçues embar­ rasse encore aujourd'hui (bien à tort 1) plus d'un catholique : elle mérite donc qu’on y réponde avec soin. Réponse. — Nous montrerons : 1® que ceux mêmes qui nous font cette objection,et qui s’honorent, eux, de suivre le drapeau de la « critique indépendante » en histoire, en exégèse, en philosophie, etc., ont aussi des idées préconçues, dont dépend leur critique, et qu’ils ont donc mauvaise grâce de faire aux catholiques un reproche qui retombe sur eux-mêmes; 2® que les idées préconçues, si d’ailleurs on suit en général les métho­ des scientifiques, ne détruisent pas la valeur d’un tra­ vail; 3® que le travail scientifique exige même à sa base certaines Idées préconçues; 4® que les vérités révélées sont des idées préconçues de la plus haute valeur, qui, 330 lieu de nuire au travail scientifique, doivent lui rendre de signalés services. 1® Ceux qui nous ford cette objection ont eux-mêmes des Idées préconçues. — Ou cc sont des protestants, ou des modernistes, ou des rationalistes non croyants. — 1. Zzs protestants. — Son Vils < orthodoxes », tenant aux dogmes, du moins à quelques-uns, admettant que cette croyance doit être ferme et immuable, et anathématisant avec saint Paul quiconque viendrait l’ébranler? Ceux-là ont évidemment des idées pré­ conçues du même genre que celles des catholiques. Sont-ils de l’espèce · libérale » et antidogxnatique? Renan leur disait que, si les catholiques sont l’oiseau en cage, les protestants libéraux sont l'oiseau avec un fil à la patte, plus libre en apparence qu'en réalité. Car ils veulent encore pouvoir se dire chrétiens, ils veulent garder un lien de fidélité qui les rattache au Christ plutôt qu'a tout autre qui viendrait fonder a sa place une religion nouvelle; alors, avec Auguste Saba­ tier par exemple, « ils affirment, sans le moindre doute. que le christianisme est la religion idéale et parfaite, la religion définitive de l’humanité. » Esquisse..., p. 177. Nous catholiques, nous n’avons pas de peine à l'affiriner sans le moindre doute, et raisonnablement, nous qui savons par la révélation surnaturelle, bien prou­ vée d'ailleurs, qu'il n‘y aura plus jusqu’à la fin des temps d’autre religion révélée, que le Verbe incarné et rédempteur est le point culminant de l’humanité. Mais eux, qui rejettent la révélation surnaturelle et scs preuves, eux qui ne voient en Jésus qu’un homme plus pieux qu’un autre et d’une conscience plus unie à Dieu, ayant eu d’ailleurs, selon eux, de uombreuses erreurs, comme de croire aux miracles, aux anges et aux démons, à son second avènement ou « parousie >, à l'enfer et à la résurrection des morts, aux conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté, etc., sur quoi peuvent-ils baser leur alfirmation péremptoire, que sa religion est la religion « idéale, parfaite et définitive de l’humanité. » Un homme ne peut-il être dépassé par un autre homme, qui, grâce à des qualités d’esprit et de cœur encore plus exceptionnelles, grâce au progrès des idées et de l'éducation (ccs libéraux sont pour le progrès en tout) arrive à fonder une religion plus par­ faite et plus adaptée aux temps nouveaux? Leur affir­ mation, ils La basent, disent-ils, sur leur expérience religieuse : < Ils sentent que leur besoin religieux est entièrement satisfait, que (par le contact avec l’expé­ rience religieuse de Jésus) Dieu est entré avec eux et qu’ils sont entrés avec lui en une relation si intime et si heureuse, qu'au-dessus d’elle et au delà, en fait de religion pratique, non seulement ils n’imaginent rien, mais encore ils ne désirent rien. » Loc. cit.. p. 176. Fort bien; mais l'expérience ne porte que sur le présent. Qui donc leur dit, à eux qui ne reconnaissent pas de dogme absolu, que dans Vanenir un autre homme ne viendra pas, et une autre religion, qui satisfera mieux la conscience religieuse de l’humanité? C’est l'objection de Strauss : · L'idée ne verse pas toute sa richesse dans un seul Individu. L’absolu ne tombe pas dans l’histoire. 11 est contre toutes les analogies, que la plé­ nitude de la perfection se rencontre au début d’une évolution quelconque; ceux qui la mettent à l’origine du christianisme sont victimes de la même illusion que les anciens, qui plaçaient l’âge d’or au début de 1'histoire humaine. · L'objection est insoluble en dehors du surnaturel. Que répond Sabatier à Strauss? « Il importe, dit-il, de faire ici une distinction essen­ tielle. Il faut distinguer entre la quantité et la qua­ lité, ou mieux, l’intensité de l’être... C’est le propre de tout ce qui se compte ou sc mesure (la quantité), de ne pouvoir être conçu, sans qu’aussitôt l’esprit con­ çoive quelque chose de plus grand. · Loc. cit., p. 181. Mais pour « la qualité ou l'intensité, > n’cst-cc pas la ûu 351 FOI 352 bien être radicalement faux... Les opinions philoso­ mime chose qui arrive? Une qualité humaine et finie phiques que j’ai émises dans mes petits livres n’ont ne peut-elle pas croître? Ne peut-on la concevoir plus pas influencé ma critique. · Quelques lettres, 1908, grande? Vous ne gagnez donc rien, en vous retran­ p. 198-200. Et toutefois, quinze jours auparavant, il chant dans la · qualité > de Inexpérience religieuse de avait écrit à un curé : < Ce n'est pas l’origine de tel Jésus : vous ne prouvez pas que cette qualité ne puisse dogme particulier qui est en cause maintenant (dans être dépassée. Le distinguo de Sabatier n’est donc pas h mouvement moderniste), c’est la philosophie géune réponse sérieuse à l’objection de Strauss, qui reste néiale de la connaissance religieuse. · Op. cit., p. 157. Insoluble pour les protestants libéraux. S’ils conti­ Voilà un aveu à retenir; et il est difficile de supposer nuent à ne pas tenir compte de cette objection, s’ils que cette philosophie, en cause dans le modernisme, • feignent de ne pas l'entendre, » comme dit Sabatier n’ait pas influencé la critique de M. Loisy, surtout lui-même, p. 180, c’est qu’alors, démentant leur anti­ dogmatisme, ils partent, eux aussi, d’une idée pré­ dans ses derniers ouvrages d’exégèse, ni qu’il ait pu établir une cloison étanche entre scs opinions philo­ conçue et même d’un dogme absolu, pour rejeter tout sophiques et sa besogne d'historien et de critique des ce qui contredit ce dogme, et le rejeter même sans au­ textes : ce serait un miracle aussi grand que ceux qu'il cune solution directe et satisfaisante d’une difficulté rejette. pour eux insoluble. 3. Les rationalistes incroyants. — Le révérend HeadMais une autre classe d’idées préconçues chez les lam, cité plus haut, observe que Renan part d’une protestants, soit orthodoxes, soit libéraux, ce sont idée préconçue, quand il part de ce principe, affirmé leurs préjugés contre le catholicisme. Un anglican, sans aucune preuve du reste, que l’essence même de la le révérend Headlam, rite lui-même comme exemple critique est la négation du surnaturel. Renan n’a donc d’idées préconçues un article de VEncyclopêdie bri­ pas le droit d’ajouter que le seul légitime usage du tannique sur l’histoire de l’Église, où il est écrit : · Per­ mot « rationaliste », c’est de désigner celui qui étudié sonne n’attendra d’un catholique romain une histoire la littérature juive ou chrétienne sans aucun préjugé. de l’Église vraiment scientifique. » Il ajoute avec une Il croit en être là, et ce n’est pas exact. Loc. cit. Le louable impartialité : « Si un catholique romain avait comble du préjugé, c’est bien de faire cc qu’il fait : écrit : Personne n’attendra d’un protestant une his­ non seulement de partir, dans sa critique, d’un pré­ toire scientifique — il serait traité de fanatique» d’en­ tendu principe tout à fait arbitraire, mais encore do croûté dans scs préjugés; et pourtant les deux asser­ vouloir l’imposer comme la condition même de toute tions seraient exactement d’égale valeur. » M. Hcadcritique et de toute science. < La condition même de la lam montre ensuite qu'en histoire ecclésiastique bien science, dit Renan, est de croire que tout est expli­ dos protestants sc sont égarés grâce à des idées pré­ cable naturellement... Tout calcul est une imperti­ conçues : · Combien de protestants ont attaqué l’aunence, s’il y a une force changeante qui peut modi­ thentidté des lettres de saint Ignace d’Antioche par fier à son gré les lois de l’univers... Les sciences his­ préjugé contre l’épiscopat I Les résultats définitifs de la critique leur ont donné tort. L’opposition aux re­ toriques ne dlflèient en rien, par la méthode, des sciences physiques et mathématiques : elles supposent vendications papales a fait mettre en doute le fait do qu’aucun agent surnaturel ne vient troubler la mar­ la venue de saint Pierre à Home : doute mal fondé, che de l’humanité; que cette marche est la résultante comme on le reconnaît aujourd’hui. Bunsen était un immédiate de la liberté qui est dans l’homme et de la champion très militant du protestantisme; pourtant fatalité qui est dans la nature; qû’Ü h’y a pas d’être scs opinions sur Hippolyte étaient certainement moins libre supérieur à l’homme, auquel on puisse attribuer scientifiques que celles de son adversaire catholique. une part appréciable dans la conduite morale non plus Les conclusions de centaines de critiques qui aimaient à sc réclamer de la science ont été prouvées fausses, et que dans la conduite matérielle de l’univers. De là cette règle inflexible, base de toute critique, qu’un souvent absurdes, tandis que Dupin, Tillemont, événement donné pour miraculeux est nécessairement Hcfele et Duchesne sont nu premier rang des histo­ légendaire. » Questions contemporaines, 2e édit., Paris, riens scientifiques, Il n’est pas nécessaire d’accepter 1868, La chaire d'hébreu, p. 223, 224. On trouvera les vues de ccs écrivains en tout point... Cc que l’on chez les incroyants d’autres exemples d’idées précon­ soutient, c’est qu’ils ont autant de droit qu’aucun çues. L’un partira d’un système philosophique très «auteur d’histoire de l’Église à être appelés des histo­ contestable; l’autre n’aura que de l'enthousiasme riens scientifiques... Le seul vrai sens de ce mot est pour une époque de l’histoire (la Réforme, la Révo­ celui d’une méthode scientifique. Cc n’est pas par les lution, etc.), Rapport à ta commission d'organisation du congrès scientifique des catholiques, le 15 juin 1886; brochure non reproduite dans cc qui a paru de scs Ql livres. 2° Les idées préconçues, si d'ailleurs on suit en géné­ ral les méthodes scientifiques, ne détruisent pas la valeur d'un travail, — Nous venons de voir que tout le monde a des idées préconçues, et qu'un catholique serait bien naïf de s'imaginer que les adversaires de sa religion n'en ont pas, parce qu’ils se vantent tapageusement de n’en pas avoir. Faut-il conclure qu’il ne reste plus au monde de recherche philosophique, cxégétlque» historique, ayant quelque valeur? Un savant de bon sens rejettera une conclusion aussi pessimiste, et saura très bien distinguer, meme parmi les adversaires d’une cause qui lui est chère, des travaux sérieux, utiles généralement consciencieux, tout en se méfiant des préjugés d’éducation, de religion, d’école et de rnce, et en relevant çft et Ift des assertions gratuites ou des preuves sans solidité, dues ft ces préjugés. Après tout, des ouvrages très diversement inspirés, s’ils suivent ordinairement les méthodes scientifiques avec soin, s’accorderont en bien des points; et dans ceux où ils ne s’accorderont pas, leurs auteurs, s’ils n’y mettent pas trop d’amour-propre et d’entêtement, pourront de part et d’autre gagner quelque chose au choc des Idées, corriger du moins une erreur de détail, une asser­ tion sans preuve, un raisonnement faible. Ainsi les préjugés opposés, source partielle de ccs erreurs et de ces déficits, pourront sc rendre un mutuel service de correction et d’amendement, loin d’être au progrès de la science un obstacle absolu et sans remède. C’est en cc sens que saint Augustin considérait les hérésies comme une occasion de développement pour le dogme catholique. Voir Dogme, t. rv, col. 1611 sq. De même qu’un protestant, ou un rationaliste, malgré scs pré­ jugés, peut faire des travaux scientifiques de valeur, ainsi le savant catholique, bien qu’il tienne compte de sa fol et n'avance rien qui la contredise, n'est point par 1À empêché de suivre les méthodes de la science et de faire des travaux vraiment scientifiques. Quel­ ques-uns s'imaginent qu’un catholique, par attache­ ment pour sa fol, fait flèche de tout bols pour la dé­ fendre, accueille d’enthousiasme et les yeux fermés tout argument philosophique ou historique en faveur des vérités de sa religion, surtout les plus fondamen­ tales, et que la connaissance anticipée de la conclusion, de la fin à atteindre, lui fait nécessairement accepter des moyens pitoyables pour y arriver. Même nu moyen âge, que l'on accuse tant, il n’en était pas ainsi. Citons un fait. La conviction profonde qu’avait saint Thomas de l’existence de Dieu, ce préambule néces­ saire de la foi, cette vérité fondamentale entre tou­ tes, ne lui a pas fait admettre d'emblée l’argument de saint Anselme pour prouver l'existence de Dieu, si génial qu'il paraisse dans sa simplicité, si concluant qu’il ait paru ft un Descartes, ft un Leibnitz et à tant d autres, si grande enfin que fût alors l'autorité d’An­ selme parmi les scolastiques. Mais Thomas a critiqué l’argument d*Anselme avec perspicacité et indépen­ dance, et l’a rejeté. Voir Anselme, t. î, col. 1353. On connaît peu nos grands théologiens catholiques; bien des gens seraient étonnés de la liberté avec laquelle Us examinent les preuves de notre religion et les objections que Ton peut faire Λ nos dogmes, de la conscience avec laquelle Ils éliminent beaucoup do réponses ft ccs objections et d’explications théolo­ giques qui leur semblent insuffisantes, soit défaut do logique, soit opposition avec des faits bien constatés, ou avec les règles les plus rationnelles de l’exégèse DICT, DE TIIÉOL. CATHOL. d’un texte. Il ne faut pas d’ailleurs s'imaginer, avec plusieurs protestants, que les scolastiques se soient crus obligés de démontrer chacun des dogmes par la philosophie, ce qui sans doute leur eût Imposé de détestables arguments, et de très mauvaise besogne philosophique. Au contraire ils ont déclaré, tons ou presque tous, que les mystères ne peuvent être dé­ montrés par h raison et la philosophie; et le concile du Vatican le déclare aussi, comme un point de notre fol. De même, les théologiens ne prétendent pas dé­ montrer tous les dogmes catholiques par i’Écrlturc, et ne sont donc pas obligés de solliciter pour cela les textes; ils reconnaissent que pour bien des dogmes l’argument d’Écrilure n’est pas décisif si l’on ne tient ( compte en meme temps de la tradition, et parfois uni­ quement de la tradition; c'est un des pobits que nos anciens controvcrsistcs ont défendus contre les pre­ miers protestants, partisans de Γ « Écriture toute seule. · Voir Tradition. De même, pour ceux de nos dogmes qui sont des faits appartenant aux origines dirétiennes, nous ne prétendons pas pouvoir prouver chacun d’eux directement par l’histoire, c’est-à-dire par un ensemble de témoignages portant sur ce fait particulier, et capable d’en fournir une certitude morale suivant les règles de la critique. Pour plusieurs de ccs faits qui sont des dogmes, il nous suffit qu’ils soient prouvés indirectement. au même titre que tout le reste du contenu de la révélation chrétienne, c’està-dire par les témoignages historiques qui prouvent le fait général de la révélation, et par ceux qui prou­ vent que le dogme en question a fait partie de sou contenu, en s’aidant au besoin pour cela de l'infaillibllité de l’Église déjà prouvée. « Nous ne prétendons aucunement, dit M. Lebreton. justifier directement par l'histoire toutes les vérités que nous atteignons par la fol... Soit par exemple le dogme de b conception virginale de Notre-Seigneur. Notre foi le professe, notre recherche historique devra donc le respecter, mais d’ailleurs elle pourra se reconnaître impuissante à l’établir. Il est vrai que plusieurs écrits inspirés nous l’enseignent expressément : ce sera pour nous un nou­ veau motif d’y adhérer par la fol, cc pourra n’êtrc pas un argument efficace pour le prouver par ( histoire. · L'étude des origines chrétiennes, leçon d’ouverture du cours d’histoire des origines dirétiennes, professé à 1’ Institut catholique de Paris, dans la Revue pratique d'apologétique du 1·Γ décembre 1907, t. v, p. 311, 312. Voir col. 275. 3° Le travail scientifique exige même certaines idées préconçues, — Avant de s’appliquer à l’histoire» no faut-il pas avoir une certaine conception du monde et de la vie, certaines idées philosophiques, morales et sociales? Un enfant, qui n’en a pas, est-il capable d’écrire l’histoire? L’exégète n’interprétera-t-il pas I’Écrlturc d’une façon extrêmement différente, sui­ vant qu’il admet le surnaturel ou qu’il le regarde comme inqiossible? Et ne conviendrait-il pas de régler d’abord cette question de principe le mieux possible, et en l’étudiant ft fond? Le philosophe, pour se livrer utilement aux spéculations abstraites et subtiles, doit-il renoncer à ccs vérités de sens commun, dont l’évidence un peu confuse, mais sûre, s’impose à l’esprit humain? Doit-il renoncer à la sagesse qu’en­ seigne la pratique de la vie? Malheur à lui, s’il le fait, sous prétexte de suivre 1rs méthodes philosophiques sans idée préconçue I Ce sont ccs vérités bannies, s’il les prenait comme règle, qui l’empêcheraient de tom­ ber dans les absurdités où s’est trop souvent empêtrée la philosophie, et de bannir la raison ft force de rai­ sonnement. La philosophie ne peut donc, comme Her­ mès, faire table rase de toute conviction antérieure. A propos de la nécessité de certaines Idées précon­ çues, Mgr d’Hulst disait fort bien : « Est-ce que ce VI. - 12 355 FOI 35G disent les théologiens du concile dans leurs notes au n’est pas U, après tout, la loi même de l’esprit hu­ premier schéma, que l’Église juge de renseignement main? L’homme pcut-ll dépouiller sa conception des sciences humaines, et en tant que les assertions générale des choses, chaque fois qu’il s’occupe d’un lancées au nom de la science s’opposent ou ne s’oppo­ objet particulier? Cc serait dire que les nyrrhoniens sent pas à la doctrine de la fol et des mœurs... Dans sont seuls â pouvoir faire de la science, Etrange pré­ l’étude de presque toutes les sciences, on peut arriver, vention! Mais non, Messieurs, il n’est pas vrai que par la faiblesse ou l'abus de la raison, à des jugements toute opinion faite, toute croyance établie infirme contraires à la vérité révélée. Étant supposées l’in­ d’avance, chez celui qui la possède, l’autorité du faillibilité de l’Églisc et l’absolue certitude de la foi savoir. Pour que ccttc autorité demeure intacte, il catholique, tout jugement contraire est d’avance re­ suffit que, dans sa façon de traiter chaque question, gardé comme faux, et donc comme n’étant pas dérivé le savant demeure rigoureusement fidèle à la méthode des lois de la vraie science, mais de faux principes ou scientifique... Autrement, pour avoir un bon renom de raisonnements défectueux, bien que peut-être l'ori­ scientifique, il faudrait ne rien penser, n’avoir rien gine et le mode de celte erreur n’aient pas encore été pensé sur l’ensemble des choses, ou du moins, si l’on constatés scientifiquement. » Collectio laccnsis, t. vu, a fait quelque réflexion générale, avoir eu ccttc bonne col. 535, 536. Ils ajoutent que c’est là tout cc qu’on fortune de n’arriver à aucune conclusion. Le brevet demande, quand on dit avec Pie IX que « les savants d’homme de science serait alors le privilège des cer­ catholiques doivent avoir devant les yeux la révéla­ veaux vides ou des cerveaux faibles 1 > Loc. cil. tion divine comme une étoile directrice, dont la lumière 4° Les vérités révélées sont des idées préconçues de servira à les avertir des écueils à éviter. > Lettre d la plus haute Dateur, qui, au lieu de nuire au travail l'archevêque de Munich, du 21 décembre 1863, Den­ scientifique, doivent lui rendre de signalés services. — zingcr, n. 1681. Cf. Dldiot, loc. cil., p. 288-296. Si les vérités de sens commun rendent grand service 2. Si le savant catholique acceptait sans preuve le au philosophe, s’il doit les prendre comme règle, fait de la révélation chrétienne, comme beaucoup de j’allais dire comme garde-fou, on peut en dire autant protestants modernes qui disent eux-mêmes renoncer des vérités révélées, une fois que le fait de leur révé­ à le prouver, ou s'il sc le prouvait par une expérience lation a été solidement démontré. Recevant alors le religieuse vague et insuffisante, alors il serait dérai­ jugement de Dieu mêmesur telle question mixte qui re­ sonnable de prendre une révélation si problématique lève en mémo temps de la révélation et de la science comme < étoile directrice » dans les travaux scienti­ humaine, le croyant ne peut rien avoir de plus sûr ; il est fiques. Mais on suppose toujours que le savant catho­ donc juste et raisonnable qu’il tienne compte de cette lique dont on parle s’est prouvé solidement le fait infaillible direction qui à un moment donné l'empêche de la révélation et celui de l’Églisc, et qu’il ne cède de tomber dans une fondrière. < N'est-ce pas un pré­ en rien au fidéisme rejeté par l’Églisc elle-même. cieux service rendu à la science ou à la philosophie, Voir col. 175 sq. Ainsi la raison du savant reconnaît dit M. Bainvel, de l’avertir que de ce côté il n’y a rien et approuve le rôle supérieur que possède la révéla­ à gagner pour la vérité? En des circonstances ana­ tion, de lui signaler parfois l'erreur à éviter. Alnsljl logues, on accepte avec reconnaissance les lumières y a parfaite unité dans sa pensée, et il n’est pas obligé d’une science supérieure, qui empêche de faire fausse de sc dédoubler contre nature en deux hommes étran­ route dans le domaine où l'on s'est cantonné. * Loc. gers l’un à l’autre, le penseur et le croyant. « Nous som­ cit., col. 87. Un naturaliste s’est renfermé dans l'étude mes les seuls, dit M. Bainvel,... pour qui la critique d’un animal ou d’une plante : cc spécialiste pourrait garde tous scs droits en matière religieuse. Je ne crols arriver à quelque fausse conclusion, s’il ne prenait que là où je vois que je dois croire. » Dictionnaire contact avec les maîtres de la biologie, qui volent de apologétique, art. Foi, col. 86. Et plus loin : « Quand plus haut les phénomènes de la vie, si sur un point il une donnée est de fol, nous n’avons plus à la mettre ne tenait pas compte de leur avis contraire. Voir ce en question. Mais c’est que pour nous elle est acquise, » que nous avons dit pour montrer combien raisonnable col. 90. La raison même approuve que l’on ne remette est la résolution de préférer, en cas de conflit, les don­ pas en question les vérités légitimement acquises : nées de la foi, bien constatées, à ce qui nous parait la autrement le tissu de notre pensée ne serait qu’une science, col. 329 sq. Ajoutons quelques observations. 1. La révélation ne vient pas ici remplacer les mé­ toile de Pénélope. 3. Pour mieux répondre à l’objection des idées pré­ thodes scientifiques, ni leur enlever leur raison d’être; conçues, quelques-uns ont avancé que le savant elle ne joue pas le rôle positi/ d’cnscigner les diffé­ catholique n'a point, pendant scs recherches, à s’occu­ rentes sciences, de fixer leurs méthodes, etc., mais seu­ per de sa foi, mais qu’il lui suffit alors de bien appli­ lement le rôle né gat i/ de faire rejeter comme erreurs, quer les méthodes propres de la science; qu'après scs parce qu'opposées au témoignage divin, plusieurs pro­ recherches, et lorsqu’il croit avoir abouti à une solu­ positions particulières que le savant, le philosophe, tion, il doit, avant de la proposer, examiner si elle pourrait être tenté de prendre ou comme des vérités n’est pas contredite par quelque vérité certaine dé­ scientifiques, ou du moins comme des hypothèses montrée dans les sciences limitrophes, y compris les d’avenir, en voie de se vérifier un jour. Le concile du sciences sacrées, ce qui est parfaitement raisonnable. Vatican n’attribue pas à la révélation, en face des sciences, un rôle directeur plus grand que cc rôle néga- I Voir Revue pratique d'apologétique, t. v, 15 décembre 1907, p. 411. Que les choses puissent parfois sc passer tif. La foi, dit-il, délivre et protège la raison de bien des erreurs... L’Églisc, assurément, n’interdit pas dans cet ordre, quand un savant ignore de bonne fol, aux sciences de se servir de leurs propres principes et pendant son travail, certaines vérités révélées, cer­ taines décisions de l’Église, nous ne le nions pas; et de leur propre méthode, chacune dans son domaine; mais, tout en reconnaissant cette juste liberté, elle pourvu qu'avant de proposer la solution au publie, il la n’entend pas que, par opposition à la révélation divine, soumette, au point de vue de l'orthodoxie, à de plus elles se jettent dans l'erreur, ou qu'en sortant de compétents que lui, l’essentiel paraît sauvé. L’Églisc leurs frontières elles envahissent et bouleversent le a prévu cc cas en instituant la revision des livres <|ui domaine de la foi. » Sess. Ill, c. îv, Denzingcr, n. 1799. touchent aux matières religieuses et en exigeant l’im­ L’Église, gardienne de la révélation, ne s’occupe des primatur· Encore est-il que cc savant, qui n’a sur la systèmes philosophiques et autres qu’au point de révélation que les connaissances ordinaires des fidèles, vue du conflit qui peut en résulter avec la doctrine doit profiter, pendant son travail, des données de la résélée. » Ce n’est qu’en partant des principes révélée, foi qu’il connaît; et qu’il n’y a pas à lui recommander 357 FOI de les laisser nu vestibule. Que le concile du Vatican nit tracé aux savants catholiques cette méthode qui réserverait pour la fin de leur travail le contrôle de la fol, on ne peut en apporter aucune preuve. Quant à Pie IX, en disant que « les savants catholiques doivent avoir devant les yeux la révélation divine comme une étoile directrice, » il montre par ccttc comparaison qu’il ne faut pas faire abstraction de la fol au cours des recherches cl du voyage scientifique : l’étoile direc­ trice sert aux navigateurs pendant la traversée, et non quand elle est Unie. L’idéal serait donc, pour un savant catholique, d’avoir déjà les données de la fol, et meme les données de la science sacrée (J’entends celles qui sont bien certaines) opanf d’aborder son travail. Ne vaut-il pas mieux prévenir les erreurs que de les corriger après coup? Ne vaut-il pas mieux s’éviter ù soi-même de longues et inutiles recherches de certains côtés, ou de malheureuses solutions péni­ blement échafaudées, que l’on devra abandonner en­ suite? N’y aurait-il pas à craindre, comme dit Μ. Ire­ breton, « que le contrôle que (le savant) sc réserverait de faire à la fin de ses travaux ne devint alors parfois plus difficile et plus douloureux que s’il l’avait fait au fur et à mesure du développement de sa pensée? > Revue pratique d'apologétique, t. v, p. 500, 501 sq. Cf. t. vi, p. 629. Enfin cette réponse nouvelle à la vieille objection des idées préconçues présente, comme réponse, un double inconvénient signalé par M. Bain­ vel. « Elle déplace la difficulté » — cc qui n’est pas la résoudre;même, en faisant leplus tardivement possible intervenir la foi, elle lui suppose encore sur les résul­ tats du travail scientifique un droit de contrôle qui est précisément cc que nient nos adversaires, et ce qu’il s’agit d’expliquer et de concilier avec la juste liberté de la science. De plus · elle laisse subsister ccttc idée fausse, qu’il faut faire abstraction de sa foi pour produire de bonne besogne scientifique. » Loc. cit.9 col. 89. C’est donc une demi-mesure qui ne satisfera pej^mne. 6x7la foi, vertu surnaturelle et théologale; son objet matériel et son objet d’attribution; sa certitude particulière. — Nous connaissons les vertus par leurs actes; elles existent pour leurs actes; voilà pourquoi c’est l’acte de foi surtout qui a jusqu’à présent attiré notre attention, et qui meme ici va beaucoup la retenir encore. Pour comprendre la fol comme vertu surnaturelle, il faut d’abord la compren­ dre comme acte surnaturel. Nous expliquerons donc les points suivants : 1° l’acte de foi en tant que sur­ naturel; 2° la vertu Infuse de foi; son infaillibilité; 3° la fol comme vertu théologale; son objet matériel et son objet d’attribution; 4° la certitude particulière de la foi. /. L’ACTB DR FOI ILV TANT QÜK SURNATUREL, — On sait que les théologiens entendent par « surnaturel > dans le sens le plus général du mot ce qui dépasse les forces et les exigences de la nature. — L’acte de foi sera surnaturel, si d’une part cc n’est pas un simple déve­ loppement de mes forces innées et de mon activité naturelle, mais un don do Dieu, sans exclure toute­ fois ma coopération, et si d’autre part ce don de Dieu n’est à aucun titre exigé par ma nature. D’un don aussi transcendant, la raison ne peut prouver l’imposslbllité. Voir Surnaturel. L’Eglise en affirme la possi­ bilité : < SI quelqu’un dit que l'homme ne peut pas être élevé, par l’action de Dieu, à une connaissance et à une perfection qui dépasse celle qui lui est naturelle, mais qu’il peut et doit parvenir de hil-mèmc, par un continuel progrès, à la possession de toute vérité et de tout bien, qu’il soit anathème. · Concile du Vati­ can, sess. Ill, can. 3, De revelatione, Denzingcr, n. 1808. Voilà pour la possibilité d’un don surnaturel nous donnant la vérité. Quant à Vexistcncc d’un tel don 358 dans l’ordre de choses actuel, et spécialement dans l’acte de foi qui est l’objet de cet article, nous en con­ naissons déjà quelque élément. 1 · Surnaluralitê objective de la fol. — Le motif de la foi est · l'autorité de Dieu qui révèle. » Voir col. 107119. Or cette « révélation > est un moyen surnaturel de connaître, une · vole surnaturelle > par laquelle nous arrive la vérité, d’après le même concile : Ecrlc&la tenrt et docet, Deum.,, naturali humaine rationi* lumine e rebus crea­ tis, certo cognosci posse... : attamen placuisse ejus sa­ pientia*, et bonitati alta, caque supernatural!, via sc Ipsum.., revelare, dicente apostolo ; Ollm Deus !oquens patribus in prophetis, novissime diebus istis locu­ tus est nobis in Filio. Sess­ ili, c. h. Denzingcr, d. 1785. L'Église tient et enseigne que la lumière naturelle de la raison humaine peut con­ naître Dieu avec certitude au moyen des choses créées ; que cependant il a plu Λ la sagesse et A la bonté de Dieu de se révéler lui-même par une vole différente et surnaturelle, celle qu'indique Γapôtre en disant · Dieu, qui a parlé A nos pè­ res par les prophètes, nous n parlé en ces derniers temps par son Fils. Et, en effet, cette vole de la révélation implique dans les envoyés divins, Christ ou prophètes, une com­ munication divine de vérité qui dépasse le jeu naturel de la raison et ses exigences ; et déjà de cc chef elle est surnaturelle. Elle implique aussi, pour que le témoi­ gnage de Dieu même nous soit reconnaissable sur les lèvres de son envoyé, des signes miraculeux qui n’ont cc pouvoir de nous certifier la révélation que parce qu’ils dépassent les forces de la nature, comme ils en dépassent les exigences. Voir coL 140-142. Cette « vole surnaturelle » de la révélation, avec ses signes miraculeux, n’est pourtant qu’une espèce inférieure de surnaturel. Voir coL 269-271, 278. Par cette voie surnaturelle de la révélation nous sont arrivées des vérités religieuses accessibles à la raison, comme dit ensuite le concile. Denzinger, n. 1786. Mais par la même voie nous sont arrivées aussi des vérités qui dépassent la raison, par exemple, que « Dieu a destiné l’homme à une fin surnaturelle. > Loc. ciL· Prêter ea. ad quæ natu­ rali* ratio pertingere potest, credenda nobis proponun­ tur mysteria In Deo abs­ condita. quæ, nisi revelata divinitus, innotescere non possunt... Divina enim my­ steria sunple natura intel­ lectum erratum sic exce­ dunt, ut, etiam revelatione tradita et fide suscepta. ip­ sius tamen fidei velamine contr« tn et quadnin quasi caligine obvoluta numeant, qunmdi i in hac mortali vita peregrinamur α Domlno. tbld, c. rv, Denzingcr, n. 1795, 1796. Outre les vérités aux­ quelles la raison naturelle peut atteindre, on nous pro­ pose A croire des mystères cachés en Dieu qui ne peu­ vent être connus que par révélation divine... Les mys­ tères divins. par leur nature même dépassent tellement i'uitcllcct créé que, même uprv? qu’lis ont etc commu­ niqués per la révélation et reçus par h loi, ils demeu­ rent pourtant enveloppés d’une sorte de ténèbres, tant que nous vovagcv’is loin du Seigneur dan·» cette vie mor­ telle. Ainsi, à la surnaturalité générale que possède la révé­ lation comme voie et moyen de connaître, vient ici s’en ajouter une autre. Les mystères, ccttc partir Importante du contenu de la révélation, dépassent b perspicacité naturelle de la raison meme après qu’ils ont été révélés, cl dépassent d’autant plus scs exi­ gences que Dieu est moins tenu de révéler de pareils secrets. Par 1Λ ils ont une surnaturalité particulière, qui ne vient pas de b voie par laquelle ils arrivent a nous, mais de la nature même de ces vérités, suapte natura. La révélation des mystères est donc surnaturelle A la deuxième puissance, si l’on peut dire. 2° Surnaturahtê subjective de la foi. — De cc qui pré­ cède résulte pour l’acte de fol une certaine surnatu­ 359 FOI ralité objective. qui affecte son objet. Mais ce n’est pas celle qu’entendent les théologiens, au moins directe­ ment, quand ils disent que « l’acte de fol est surna­ turel. · Ils entendent ce qu'entendait saint Augustin et avec lui les catholiques de son temps, quand Ils disaient à l’encontre des pélagiens que l’acte de toi est un produit de la grâce, est fait à l'aide de la grâce, La « grâce » qu’ils défendaient contre les pélagiens, ce n’était pas la révélation, qu’admettaient ces « enne­ mis de la grâce : » c’était une opération de Dieu dans le sujet, une grâce intérieure qui prévient et aide nos facultés, même quand nous ne la remarquons pas comme telle; non point, par conséquent, quelque chose d'objectif, mais un principe d’action qui sc tient du côté du sujet. C’est cette sumaturalité du côté subjectif de l’acte, que nous avons à établir mainte­ nant. Mais ce qui vient ici compliquer la question, c’est que, sous le nom d’« acte de foi », souvent on n’entend pas strictement l’assentiment donné à une vérité révélée. Dans un sens plus large, on associe à l’assentiment intellectuel l'acte de volonté qui le précédé et le commande. Ces deux actes ne tendent-ils pas au mémo but, qui est de mettre cet assentiment dans l’intelligence? L’unité du but leur donne entre eux une véritable unité morale, qui permet de les ranger ensemble sous le même nom d’c acte de foi ». Bien plus, les jugements de crédibilité qui précédent et préparent cet ensemble, tendant, eux aussi, au même but, peuvent être compris dans 1’ · acte de foi », en prenant ce mot dans un sens encore plus large et avec moins de propriété. Non pas que tous ces actes se confondent réellement et physiquement avec l’assenti­ ment de fol, et n’aient pas de précédcncc réelle. Voir col. 263-266. Mais plusieurs actes réellement distincts et successifs peuvent avoir entre eux une certaine unité morale qui permette d’étendre à tout cet ensemble le nom qui, au sens propre, n’appartient qu’à l’acte prin­ cipal, vers lequel tous les autres convergent comme vers leur but; or,dans la fol, les divers jugements de crédibilité, puis la volonté de croire, tout en un mot coBverge vers l’assentiment final de l’intelligence aux vérités révélées, qui est au sens le plus strict l’acte de foi. De là plusieurs questions à démêler : 1. L' < acte de foi » pris vaguement, c’est-à-dire sans déterminer si l'on parle au sens strict ou plus large, ni quel élé­ ment spécial on vise, est-il surnaturel? 2. L’acte de volonté qui commande la fol cst-il surnaturel? 3. L’as­ sentiment de foi esl-il surnaturel? 4. Que penser des jugements préalables de crédibilité? 1. L’ < acte de foi », pris vaguement, est-il surnaturel? — Oui, et cela résulte de tous les textes qui demandent • la grâce » comme facteur essentiel de l’acte de foi, •ans préciser davantage. On a coutume de les donner à propos de la grâce, soit en parlant des actes salu­ taires dont la foi est le premier, soit en disputant avec les semipélaglens sur V inilium fidei. Voir GiiAœ. Plu­ sieurs des textes d’Écriture, de Pères ou de conciles, que l’on y cite ordinairement, font mention spéciale de l'acte de foi; et de plus, on prouve qu’il est un acte salutaire, c’est-à-dire conduisant positivement au salut, lorsqu’on traite des dispositions positives à la justification, dont la première est la foi. Voir Justi­ fication. Nous nous bornerons ici aux deux docu­ ments suivants. SI quii dixerit, sine pnr▼miente Spiritus Sancti Inspiratione al que ejus ad­ jutorio, hominem crrdrre, sperare, diligere aut psrnitere posse sicut oportet ut ei justificationis gratia con­ feratur nnathema sit. Con­ cile de Trente, sess. VI, osn 3, Dcnzinger, n. 813. st quelqu’un dit que, inns l'inspiration prévenante du Saint-Esprit et sam son aide, l’homme peut faire les actes de foi, d* espérance, d’amour ou de contrition de la manière qu'il faut pour que la grâce de In justifica­ tion lui soit conférée, qu'U soit anathème. 360 C'est au Saint-Esprit que sont attribués tous les charismes et toutes les œuvres surnaturelles. Voir, par exemple, I Cor., xn, 1-13. En conséquence, les mots inspiratio Spiritus Sancti, adjutorium Spiritus Sancti sont les termes consacrés par les Pères pour signifier l'opération divine, intérieure à notre âme, et surna­ turelle, que supposent les actes salutaires, la grâce qui nous prévient et nous aide à les faire. Voir le II· concile d’Orangc, can. 5, 6, 7, Dcnzinger, n. 178-180, et sa conclusion, n. 200. Cf. l'explication détaillée que donne le concile de Trente, ibid., c. v, Dcnzinger, n. 797. Cette « inspiration » ou · Illumination » du SaintEsprit, nécessaire à tout acte de foi salutaire, ne doit pas être confondue avec une « révélation » person­ nelle qui nous serait faite, confusion que nous avons réfutée dans Tyrrcl. Voir col. 129. Fides ipsa In sc, etiamsi per caritatem non operetur, donum Del est; et actus ejus est opus ad salutem pertinens, quo homo li­ beram pnestat Ipsi Deo obedientiam, gratine ejus, cul resistere posset, consen­ tiendo et cooperando. Con­ cile du Vatican, sess III, c. m, Dcnzinger, n. 1791. La fol, en elle-même, est un don de Dieu, alors même qu'elle n'opère point par la charité (ou. qu’elle n’est pas actionnée, perfectionnée par la charité. Gai , v, 6); et son acte est une auure ten­ dant au salut, par laquelle l’homme sc soumet libre­ ment à Dieu, en consentant et en coopérant à sa grâce, à laquelle il pourrait résis­ ter. Le concile vise une erreur d’Hermès, lequel n’attri­ buait aucunement à l’action de la grâce la « foi de connaissance », comme il appelait la* foi prise en ellemême en dehors de la charité, mais seulement la « foi du cœur », comme il appelait la fol perfectionnée par la charité : ce qui revenait à ne demander l'intervention de la grâce qu’à raison de la charité jointe à la foi. A l'encontre de cette erreur, le concile reconnaît déjà comme donum Dei (c’est-à-dire comme œuvre de la grâce, dans le style de saint Augustin d'après Eph., n, 8) la fol en elle-même, fùt-cllc d’ailleurs séparée de la cliarlté, ce que les théologiens appellent la foi • morte », Jac., n, 17; à la condition touteïols que ce qu’on appelle · foi morte » ait du reste tous les élé­ ments essentiels pour être acte de foi disposant à la justification, ou vertu de foi; c’est pour qu’il n’y ait pas d'erreur sur cette condition nécessaire que le con­ cile préfère à l'expression de « foi morte », un peu vague et susceptible d’un sens plus large, l’expression plus déterminée et plus complète : fides tpsa in sc. La fol, en effet, est déjà foi dans toute la force du terme, avant que la charité la perfectionne en s'y ajoutant; quelle que soit d’ailleurs l’immense supériorité du groupe fol-charité sur la fol toute seule. En dehors de toute addition de la cliarlté, la fol a donc son essence propre, fides ipsa in se; et son acte est un acte salu­ taire, ad salutem pertinens, ainsi que l’avait affirmé le concile de Trente en disant : · La fol est le commen­ cement du salut de l'homme, le fondement et la racine de toute justification. » Sess. VI, c. vin, Dcnzinger, n. 801. Comme acte salutaire, la foi, bien que n’étant encore qu'un « commencement » de l'œuvre entière de la justlftcatlon ou du salut, doit avoir pour facteur un secours intérieur de la grâce. I fermés avait tort de refuser à cet acte la qualité de < salutaire »; c'est de là qu'il concluait que la grâce n’était pas nécessaire à sa production. Et il lui refusait la qualité de · salutaire » parce qu’il se représentait cet acte comme n’étant pas libre, ce qui est une fausse conception de l’acte de fol, comme nous le verrons plus bas; c’est pourquoi les Pères du concile du Vatican, poursuivant l’erreur d’Hermès jusque dans son origine première, afllrment ici la liberté de l’acte en même temps que sa pro· I duction par la grâce; et, pour bien expliquer cctt· 361 FOI liberté, ils disent que l’homme < pourrait résister » à cette grâce, avec laquelle de fait il « coopère ». Que ce passage du concile vise Hermès, nous le savons : a) par le discours du rapporteur du nouveau schéma, Simor, primat de Hongrie, Collectio lacensls, t. vu, col. 87; b) par le discours du rapporteur des amendements proposés, l’évêque de Paderborn, loc· cit., col. 166; c) par la note 17· que les théologiens romains avaient ajoutée au schéma primitif et où ils expliquent en détail, avec textes à l’appui, cette erreur d’Hermès et de ses disciples, loc. cit., col. 529, 530. Cf. Vacant, Études théotogiques sur le concile du Vatican, t. n, p. 67-73. L'Église a donc défini que la grâce est nécessaire â l’acte de fol, en tant que distinct de la charité; mats la définition garde une certaine généra­ lité; le concile ne précise pas, avec lu clarté absolue d’une définition, par lequel de ses éléments cet acte est surnaturel, quoiqu’il indique plutôt la volonté libre et son consentement à la grâce. 2. L'aclc de volonté, qui commande la foi, est-il sur­ naturel?— Il nous faut maintenant prendre en détail les éléments surnaturels qui figurent dans l'acte de fol largement compris. Nous commençons par la volonté de croire, le pius credulitatis affectus, comme disent les Pères, parce que sa surnaturalité est plus manifeste, et fait l'objet d’une célèbre définition du concile d’Orange, dont les canons, comme on sait, ont une valeur œcuménique : SI quis... initium fidcl Ipsumquc credulitatis affe­ ctum, quo in cum credimus qui justificat impium... non per gratiæ donum, id est, per inspirationem Spi­ ritus Sancti corrigentem voluntatem nostram..., sed naturaliter nobis Inessc di­ cit, apostolicis dogmatibus adversarius approbatur... Can. 5, Dcnzinger, η. 178. SI quelqu’un dit que le commencement de la fol et le désir même de centre, en vertu duquel nous croyons en celui qui justifie l'impie, ne vient pus d’un don de la grâce, d'une inspiration du Saint-Esprit corrigeant no­ tre volonté, mais que c'est en nous l'œuvre de la na­ ture. en disant cela il sc montre en opposition avec les dogmes apostoliques. Quant au concile du Vatican, nous venons de le voir, pour prouver contre Hermès que l’acte de fol en géné­ ral est un produit de la grâce, il affirme tout d’abord que c’est un acte salutaire. Ceci renferme implicite­ ment la sumaturalité de l’acte de volonté dans la fol. Qu’cst-cc, en efTct, qu’un acte salutaire? C'est essen­ tiellement un acte libre, qui conduit soit à la justifi­ cation (salut commencé Ici-bas) sous forme de dispo­ sition morale qui la prépare, soit ù la vie étemelle (salut consommé au ciel) sous forme d’acte méritoire de la céleste récompense. Or un acte libre ne peut pro­ prement résider que dans la volonté; c'est en nous la seule faculté libre, la seule capable de mériter. On peut, il est vrai, appeler libre et méritoire le mouvement de Sa main qui donne l’aumône, mais par une sorte d'anabgie et de participation, et ù la condition de ne pas le séparer, même par la pensée, de l’acte de volonté libre qui commande ce mouvement, et qui seul est foncièrement libre et méritoire; de même on peut donner la dénomination de libre et de méritoire à l’acte Intellectuel de foi, mais seulement en tant qu’il est influencé par la volonté libre de croire, qu’il fait moralement un seul tout avec elle, et participe ainsi comme il peut Λ cette liberté dont il n’a pas la source en lui-même. Concluons que, dans ce groupe de deux actes auquel on étend le nom de < foi », c’est l’acte volontaire qui est proprement « l’acte salutaire »; s’il reçoit de l’acte Intellectuel la dénomination de « foi », Il lui prête Λ son tour celle de libre et de méritoire; c’est donc lui qui a besoin de la grâce nécessaire aux actes salutaires, et qui à ce titre doit être surnaturel. Voir GrAce. 362 3. L*assentiment de fol est-il surnaturel? — Consi» dérons maintenant l’acte intellectuel en lui-même, et en faisant abstraction de la volonté qui le commande. Ainsi considéré, il ne peut être libre ni salutaire» comme nous l'avons dit; mais il peut être surnaturel. Car la qualité d’acte libre et salutaire n’est pas, comme se l’imaginent quelques-uns (ainsi déjà Her­ mès), le seul titre à la sumaturallté. Il y a des actes qui ne sont ni libres, ni salutaires, et qui toutefois sont surnaturels : par exemple, une illumination pro­ phétique; ou mieux encore, dans le del, la vislow intuitive et l’amour béatifique, qui ne sont pas des actes libres, qui ne sont pas des actes salutaires, c'està-dire conduisant au salut, mais le salut même auquel nous tendons. Il n’y a donc pas d’impossibilité en ce que l’acte intellectuel de fol soit surnaturel en luimême, et non pas seulement commandé par un acte surnaturel de volonté. L’est-il? L’Église ne l’a pas défini. Saint Augustin et les autres défenseurs de la grâce ne se sont pas occupés de ce côté de la question. La controverse, en effet, portait directement sur le • libre arbitre », dont les pélagiens se constituaient les défenseurs exagérés; craignant pour le libre arbitre» ils attaquaient surtout une grâce intérieure de la volonté : et par suite, c’est surtout une grâce intérieure de la volonté, un acte surnaturel de volonté, que défen­ daient contre eux saint Augustin et les Pères et les con­ dies d'alors. Aussi ces Pères, quand ils viennent à préciser, considèrent distinctement dans h foi la volonté de croire et la grâce qu’il faut à cette volonté. Voir notre dtation du concile d'Orange. Pareillement le condie du Vatican est amené par l'erreur d’Hermès à Indiquer plutôt la grâce de b volonté. Cependant on peut donner des preuves très solides pour la thèse que saint Thomas exprime ainsi : Fides quantum ad assensum, qui est principalis actus fidei, est a Deo interius movente per gratiam. Sum. theol., II* II·, q. vi, a. 1. Π appelle l'assentiment le « prindpal acte de fol » pour indiquer que l’acte préalable ' de volonté peut aussi être considéré comme une partie dans l’ensemble, mais secondaire, étant donné le sens propre du mot « fol ». D’autres endroits de saint Tho­ mas qui renferment cette même doctrine, c’est quand il met la vertu surnaturelle de fol dans l’intelligence» ou du moins principalement dans l’intelligence, loc. cil., q. iv, a. 2; quand il appelle cette vertu une lu­ mière, lumen fidei. Voir col. 240. Les théologiens ad­ mettent communément cette thèse, bien que plusieurs la supposent plutôt qu’ils ne la prouvent. Nous la prouverons par le concile du Vatican, l’Écriture et des considérations théologiques. a) Le concile du Vatican, sans définir ce point, nous permet de le conclure de ses paroles. Il dit que la foi est une « vertu surnaturelle », dont U assigne l’acte propre. Voir col. 115. Or cet acte qu’il assigne est l’acte intellectuel de fol, puisqu'il a pour objet le vrai : vir­ tutem supernaturalem qua, Det aspirante et adjuvante gratia, ab eo revelata vera esse credimus. L’acte intel­ lectuel de fol, l’assentiment aux vérités révélées, s. donc pour facteur une grâce, une vertu surnaturelle : il est donc surnaturel. fr) La sainte Écriture nous représente l'homme comme entièrement régénéré par la rédemption du Christ, recevant une nouvelle vie spirituelle qui s’étend â toutes ses facultés spirituelles, à {'intelli­ gence comme à la volonté. Si le péché, détruisant l'œu­ vre première du créateur, a mis l'ignorance et l'erreur dans l’intelligence, comme la faiblesse et l’impuissance dans la volonté, la grâce a partout surabondé. Voir, par exemple, Rom., v, 17, 20; vi» 4. Nous avons reçu en nous l’Esprit-Salnt « pour connaître les choses que Dieu nous a données par la grâce, » 1 Cor., h, 12; < l’homme animal », qui n’a que la vie naturelle, « ne 363 FOI peut connaître · ccs choses; il n'cn est pas ainsi de « l'homme spirituel » : il a « le sens du Christ. » Ibid., H-16. Ainsi I apôtre arrive A montrer explicitement dans l’intelligence du chrétien comme une faculté nouvelle, .oCv Χριστού, Il demande pour les Éphésiens « un esprit de sagesse · pour connaître Dieu et les · richesses de l’héritage réservé aux saints. » Eph., i, 17, 18. Il veut que les fidèles · soient enrichis d’une pleine conviction de l'intelligence, et connaissent le mystère de Dieu, du Christ. · Col., n, 2. Saint Jean parle de même : < Nous savons que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné une Intelligence, διάνοιαν, pour connaître le vrai Dieu. » I Joa., v, 20. Ces mots n’indiquent pas seulement le don d’une révélation extérieure et objective, mais comme une faculté nou­ velle dans le sujet, une faculté de connaissance. C'est ce meme don que saint Jean a décrit plus haut comme « une onction permanente » qu'ont en eux les chrétiens, qu’ils ont reçue de Dieu, qui leur fait · con­ naître tout », tout cc qui est nécessaire à leur connais­ sance religieuse; « qui enseigne les fidèles sur toute chose, d’un enseignement véridique et qui ne peut tromper, * ibid., n, 20, 27, sans les dispenser pourtant de l’enseignement extérieur des apôtres, dans lequel on doit demeurer, 24, et cela malgré les séducteurs, 26. Or il s’agit de la foi dans ces textes, dans ceux mêmes où elle n’est pas nommée dans le contexte. Cc don de connaissance, nous élevant au-dcssus^lc l'homme natu­ rel, ce don qui est l’apanage de tous les chrétiens grâce à la rédemption du Christ, cc don qui se rapporte à 1 habitation de l’Esprit-Saint en nous, c'est-à-dire à la justification, qui nous fait connaître les mystères, les grâces que Dieu nous a faites, cette grâce intérieure qui nous aide à atteindre toute la vérité religieuse dont nous avons besoin et à en avoir la pleine conviction, ne peut être qu’une grâce nous aidant directement à l’assentiment intellectuel de foi. Car on ne volt aucun autre acte intellectuel qui soit ainsi dans tous les chrétiens, qui atteigne les mystères et toutes les vérités religieuses dont ils ont besoin, enfin qui soit lié ù la justification : seul l’acte intellectuel de foi réalise toutes ccs conditions ensemble, cc que ne font pas d’autres actes de connaissance appartenant à la mys­ tique. D'ailleurs aucune autre connaissance religieuse ne caractérise davantage la vie présente que l'assen­ timent de foi; l’apôtre le décrit comme la lumière propre qui sur la terre guide nos pas : Per fidem ani ba­ lamus , el non per speciem, II Cor., v, 7; cf. I Cor., xni, 12, 13, où il oppose encore lu foi d’lcl-bas â la claire vision du ciel. L’acte intellectuel de fol est donc le produit direct d’une grâce spéciale, il est surna­ turel en lui-même. c) Non seulement l'assentiment de fol éclaire et caractérise la vie présente du chrétien, comme un autre acte intellectuel· la vision de Dieu face â face, éclaire et caractérise sa vie future, d’après saint Paul que nous venons de citer, mais, si différentes que soient ccs deux attitudes de l’Intelligence, l’une par son peu de durée et son mélange de ténèbres, l’autre par son éternité et sa splendide clarté, il y a entre elles une relation Intime, une ressemblance, une con­ tinuité essentielle, d’après de nombreux Pères et doc­ teurs des divers âges de l'Église. Ainsi Clément d’A­ lexandrie définit la foi une anticipation, «ρόληψις, et comme il cite immédiatement la définition célèbre, Heb , XJ, 1, on peut conclure qu’il entend une anticipa­ tion de Véternelle contemplation de Dieu que nous espérons. Sfrom., Π, c. il, P. G., t. vm, col. 939. Saint Augustin. dUnl II Cor., v, 7, explique ainsi le mot species « Cette pleine vision qui est le souverain bonheur,* et il ajoute : «Vous me demandiez quel est le premier et le dernier terme; les voici : inchoari fide, perfici specie. · Il établit ainsi la corrélation, et dans 364 la foi ce caractère de commencement, d'ébauche qui sera un jour achevée. Enchiridion de fide, etc., c. v, P. L., t. XL, col. 233. Suint Pierre Chrysologue com­ pare la foi Λ la fleur et la future vision au fruit; le fruit est le développement de la fleur, mais il met fin à la fleur. Grati fiorcs,scd usque dum veniatur ad poma... Flores consumuntur a pomis. Serm., lxxi, P. L., t. Lit, col. 372. Saint Bernard définit la foi « un avant-goût certain de la vérité non encore mise au grand jour. » De consideratione, 1. V, c. m, P. L., t. clxxxii, col. 791. Saint Thomas, employant le même mot de prælibatio, avant-goût, essai d’une liqueur, dit : Fides prælibatio qiurdam est illius cognitionis quæ in futuro beatos faciet. Opusc., I, Compendium theologiæ ad Reginaldum, c. i, dans Opera, Paris, 1S95, t. xxvn, p. 2. 11 dit encore : (Fide) inchoatur vita ælerna in nobis. Sum. theol., 11· 11·, q. iv, a. 1. Cf. Quæst. disp.. De veritate, q. xiv, a. 2. Et Jésus lui-même n’a-t-il pas dit : · C’est (déjà) la vie éternelle de vous connaître, ô vous seul vrai Dieu, et le Christ que vous avez envoyé, » Joa., xvn, 3, connaissance qui se fait par la foi. Cela explique mieux encore pourquoi l’Epltre aux Hébreux fait entrer la béatitude future, res sperandæ, dans la défi­ nition même de la foi, xi, 1. Mais comment la foi obscure peut-elle être consi­ dérée comme un avant-goût, une anticipation, un commencement de la claire vue, puisque le clair est opposé à l’obscur, puisque la vision mettra fin à la foi? De la même manière que l’aube matinale est le com­ mencement du grand jour, et qu’une première idée confuse est souvent un acheminement à l’idée dis­ tincte. Tandis que notre raison laissée à elle-même n’atteint tout au plus de Dieu que ce qui nous est naturellement connaissable, quod notum est Dei, Rom., i, 19, la foi, dépassant la nature, commence à décou­ vrir avec certitude les profondeurs de Dieu, profunda Dei, I Cor., it, 10, bien que dans l’obscurité du mys­ tère; par là elle se rattache à la vision éternelle où ces profondeurs apparaîtront à découvert. Malgré toutes les différences, il y a donc ressemblance et continuité entre ce faible commencement et cette consommation admirable. Donc, puisque le dernier terme appartient intrinsèquement au monde surnaturel, il devait en être de même du premier, afin de ne pas dissocier comme dans des sphères différentes l’ébauche et sa perfection, la fleur et le fruit, l'aurore et le jour. La volonté de croire, dont nous parlions tout à l’heure, tend à la vision intuitive comme l'intention à la fin dernière, ou (dans le juste) le mérite à la récom­ pense; à ce titre elle devait être surnaturelle, car le mérite doit être proportionné à la rémunération, et dans le même ordre. L'acte intellectuel de croire tend à la vision intuitive d’une autre façon, à titre d’antici­ pation, d’ébauche, d’aurore, et c’est cc qui motive sa sumaturalité. Mgr Bcrteaud, évêque de Tulle, a bien rendu ce dernier point, moins généralement connu que le premier. Parlant du passage de la fol à la vision céleste : « Les ombres s'en iront, dit-il; sans changer d’objet, sans recherche nouvelle, nous trouverons sous notre œil l’essence divine. 11 sera démontré que nous avions Dieu pour terme de notre connaissance par la foi. Cc petit germe contenait l’infini. Quelques-uns sc plaignaient du peu de beauté et d'éclat des formules de la foi : on les disait minces et ternes. Cependant les splendeurs sans bornes y étalent contenues, non gênées, non amoindries. Une graine d’arbre est fort médiocre. Qui oserait dire, si l'expérience ne l'attes­ tait, que là-dedans sont rangés à l’aise, selon une par­ faite règle, le tronc, les rameaux, les feuilles, les fleurs, les fruits? Tout y est néanmoins; c'est de cet écrin obscur que l’arbre s’élance. L’objet Infini s’est mis en son intégrité dans de faibles syllabi's. Il en jaillira 1 un jour à nos yeux, étincelant. » Lettre pastorale sur 365 FOI la loi, dans Œuvres pastorales, Paris, 1872, part. I, p. 161, 162. 4. Les jugements de crédibilité, qui précédent la volonté de croire, sont-ils surnaturels? — Cette question est moins importante et moins claire que les précé­ dentes; elle est controversée entre théologiens. Un grand nombre pensent (à bon droit, ce semble) qu’il faut distinguer ici entre les jugements spéculatifs de crédibilité» et les jugements pratiques qui viennent après (voir l'énumération de ces Jugements, col. 172, 173); que le dernier jugement pratique, celui qui pré­ cède immédiatement la volonté de croire, doit être surnaturel, quoi qu’il en soit des autres jugements de crédibilité; Lugo dit de celle opinion : Verior est et communis jam inter nostros recent iores. Disput., 1891, I. I, disp. XI, n. 3, p. 463. C'est, en efTcl, un corollaire assez manifeste de la thèse générale de la grâce exci­ tante ou prévenante. Avant tout acte salutaire, il faut une grâce excitante, qui pour l'intelligence con­ siste dans une bonne pensée surnaturelle, pia cogitatio, comme disent les Pères, c’est-à-dire un jugement éclairant la volonté libre, l’excitant à faire cet acte. Voir Grâce. Or la volonté de croire, en tant que libre et surnaturelle, est un acte salutaire; et le jugement éclairant et excitant cette volonté, c’est précisément et surtout le dernier jugement pratique de crédibilité dont nous parlons. C’est donc ce jugement qui jouera le rôle de grâce excitante, et comme tel sera surna­ turel· Sans doute, il ne sera pas toute la grâce exci­ tante, puisque, sans parler des autres jugements de crédibilité qui l’ont préparé et qui peut-être font par­ tie de la grâce excitante, celle-ci comporte aussi un mouvement indélibéré de la volonté, du cœur, une « délectation céleste », comme dit saint Augustin; mais nous ne considérons en cc moment que la part de l’intelligence dans la grâce excitante. Ajoutons enfin ce mot du docteur de la grâce : Quis non videat, prius esse cogitare quam credere? Nullus quippe credit aliquid, nisi prius cogitaverit esse credendum. De pnrdestin, sanctorum, c. n, n. 5, P. L., t. xuv, coi. 962. Cogitaverit esse credendum, c’est exactement le dernier jugement pratique tde crédibilité; et cette cogitatio qui précède la foi divine, cet initium fidei doit être en nous l’œuvre de la grâce, saint Augustin le prouve immédiatement après, dans cc passage. Si l’on de­ mande quel principe surnaturel produit en nous cc jugement, les uns pensent que cc peut être l'habitus fidei (en celui qui le possède), d’autres recourent à une autre vertu infuse comme la prudence, ou à une grâce actuelle. Voir col. 241. Quant aux jugements qui précèdent celui-là, et surtout à ceux qu’on nomme « les jugements spécu­ latifs de crédibilité » en commençant par le jugement sur l’existence de Dieu, sur le fait de la révélation, etc., rien ne prouve qu’ils doivent être surnaturels, a for­ tiori, tous surnaturels. Cc sont de simples conditions présupposées, ou du moins ils n’ont qu'une influence éloignée sur la volonté de croire et l’acte de foi; ils n’en sont pas le moteur immédiat, à la façon du der­ nier jugement pratique. C’est une forte exagération, que de dire avec quelques auteurs : « La nature, un acte naturel, ne peut jamais d'une façon quelconque in finer sur un acte surnaturel, l’occasionner, l’exciter. » Un tel principe part d’une idée arbitraire du surnaturel, et créerait des difficultés énormes quand il s’agit d’expliquer la coopération de notre faculté naturelle à l’acte surnaturel, ou de montrer le point d’insertion du surnaturel dans la nature, de l’acte sur­ naturel dans la série de nos actes psychologiques. Et puis, Il est démenti par des faits certains. Exemple : un prêtre en état de péché mortel a l’intention sacri­ lège de consacrer; cette intention est un acte purement naturel puisque mauvais; et pourtant elle a une part 36G d’in fluence sur la consécration de l’hostie, opération surnaturelle s’il en fût. Concluons que, s’il n’y a pas d’arguments efficaces pour prouver la surnaturalité de ccs jugements spéculatifs, Il vaut mieux la nier, car on ne doit pas multiplier le surnaturel sans nécessité; et en remontant la chaîne des artes qui précèdent un acte surnaturel. Il faut bien finir par s’arrêter à quel­ que chose de naturel. Du reste l’opinion qui nie la sur­ naturalité de ccs actes a beaucoup de partisans, elle est même appelée communis apud auctores par Mendive, S. J., Institutiones theol. dogmatico-scholasticee, Valladolid, 1895, t. iv, De fide, n. 165, p. 417. Notons cependant que, lorsqu’on nie la sumaluralité de ces actes, on nie seulement leur sumaturalité Intrinsèque, quoad substantiam, laquelle rendrait physiquement et absolument nécessaire, pour les produire en un cas quelconque, une grâce qui élèverait nos facultés. On ne nie pas qu’une grâce facilitante, surnaturelle au moins quoad modum, les aide souvent, et qu'en cer­ tains cas elle devienne moralement nécessaire, à cause des difficultés toutes spéciales que l’on rencontre à établir ccs jugements de crédibilité. Nous n’insisterons pas ici sur ce rôle de la grâce dans la crédibilité, l'ayant déjà longuement développé. Voir coL 237 sq. //. LA VERTU INFUSE DE FOI; SON INFAILLIBILITÉ. — Nous parlerons uniquement de cc qui lui est spé­ cial, supposant expliquée ailleurs la théorie générale des vertus infuses. Voir Vertu. Nous traiterons les points suivants : 1° son existence, d'après les preuves spéciales à celte vertu; 2° sa nature et son activité; comment l’acte de fol lui doit sa sumaturalité intrin­ sèque; 3e son Infaillibilité, communiquée à son acte. 1° Preuves spéciales de son existence. — 1. Dans Γ Écriture. — Cc principe surnaturel, intérieur et per­ manent des actes surnaturels de foi, cette espèce de faculté nouvelle que Dieu donne nu chrétien est déjà indiquée dans quelques-uns des textes qui prouvent que l’assentiment de foi est surnaturel. Voir col. 362 sq. Saint Paul 1‘appclle spiritum sapientiæ et revelationis, Eph., t, 17; spiritum qui ex Deo est, ut sciamus, 1 Cor., n, 12; sensum Christi, 16; divitias plenitudinis intelle­ ctus, in agnitionem mysterii. CoL, n, 2. Saint Jean l’appelle une intelligence, ^άνοιαν, dedit nobis sensum ut cognoscamus, I Joa., v, 20; unctionem quam habetis a Sancto; ...maneat;... docet vos de omnibus, n, 20, 27. 2. Dans l'ancienne tradition. — Le nom de · fidèle », qui vient de fides, désigne dans la langue sacrée ceux qui ont la fol, comme le nom d’ « infidèle » désigne ceux qui ne l’ont pas. Or c’est le baptême qui rend fidèle, d’après les Pères et les liturgies. L’adulte ins­ truit par l’Église, mais qui n’a pas encore reçu le bap­ tême, le · catéchumène », est constamment opposé au ■ fidèle ». Aux catéchumènes qui, suivant un grave abus de l’époque, retardaient indéfiniment leur bap­ tême, saint Grégoire de Nazianze dit : « Ne dédaignez pas l’avantage d’être faits et d’être nommés fidèles. » Homil., XL, n. 16, P. G., t. xxxvî, col. 379. Les caté­ chumènes ne pouvaient, en règle générale, être sup­ posés déjà justifiés (et à ce litre possesseurs des vertus infuses), mais seulement par exception : d’autre part, ils avaient fait profession de la foi chrétienne, ils réci­ taient le symbole, ils avaient accompli en règle générale l’acfe de foi. Quelle fol pouvaient donc avoir en vue les Pères, quand ils disaient d’eux que le baptême leur donnerait · la foi», les rendrait fidèles? Ils ne pouvaient avoir en vue que la vertu de fol, un principe perma­ nent qui n’a pas besoin d’être en acte pour exister. Ceci devient encore plus clair, quand nous voyons que même les tout petits, les infantes, baptisés avant l’âge de raison, sont appelés « fidèles » : ce ne peut être ici l'acte de foi, dont ils sont incapables, qui leur vaut ce titre. Dans les catacombes, on volt des inscriptions comme celle-ci : Hic requiescit tn pace Filippus infans 367 FOI fiddis. Urda Fiorentina meurt « fidèle > à l'âge d’un an. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chré­ tiennes, 3· édit,, Paris, 1839, art. Fidèle, p. 321. Celte tradition de la foi donnée au baptême s’est conservée dans le rituel romain. Quand le prêtre interroge l’en­ fant nouveau-né : « Que viens-tu demander à l’Églisc de Dieu?· le parrain répond pour l'enfant : « La fol. » Il ne peut être id question que d’un principe perma­ nent de fol, donné par le baptême et qui peut exister dans un nouveau-né sans aucun acte. Le concile de Trente, parlant de la fol « infuse », fait allusion à celte cérémonie du baptême, qu’il fait remonter aux apô­ tres ; Hanc fidem ante baptismi sacramentum, ex aposto­ lorum traditione, catechumeni ab Ecclesia petunt, cum pelant fidem, etc. Sess. VI, c. vu, Denzinger, n. 300. Et il maintient aux enfants qu’on vient de baptiser le titre de «fidèles », malgré leur impuissance à faire des actes de foi : Si quis dixerit parvulos, co quod actum credendi non habent, suscepto baptismo inter fideles computandos non esse..., anathema sit. Sess. VII, can. 13, De baptismo, Denzinger, n. 869. 3. Dans les conciles. — Le même concile dit explici­ tement que la foi, l’espérance et la charité sont «infuses dans la justification » baptismale. Sess. VI, c. vu, n. 800. Nous avons déjà fait l’interprétation de cc texte. Voir Espérance, t. v, col. 608. Le concile du Vatican définit la foi comme une « vertu surnaturelle ». Voir col. 115. Opposant plus loin «la foi » et «son acte », il montre assez clairement qu’il n’admet pas seule­ ment l’existence d'un acte de foi, mais encore d’un principe permanent auquel appartient cet acte pas­ sager. Sess. 1IL c. m, Denzinger, n. 1791. Voir le pas­ sage, col. 360. L'histoire du concile vient encore en éclairer Je sens. Le sdiérna portait : Fides ipsa in se, etiamsi nondum per caritatem operetur, donum Dei esi, et actus ejus opus est ad salutem pertinens, etc. Collectio lacensis, L vu, coi. 73. La commission de la foi, révisant cc sdiérna, préféra au mot nondum le mot non, comme le rapporteur de la commission l’exposa devant le concile; et pourquoi? Ut scilicet nobis non possit attribui opinio, ac si habitus fidei possit esse in animo ante justificationem. Ibid., col. 175. Si l’on eût dit, en effet, que la fol (distinguée de son acte) était un don de Dieu lors même qu’elle n’était pas encore (nondum) complétée par la charité, on aurait pu attri­ buer au concile l’opinion de plusieurs théologiens qui, chez les adultes, ont admis l'infusion de la vertu de foi avant (et même longtemps avant) la justification, en sorte que 1’infidèle converti au christianisme aurait déjà la vertu de fol, quoique n’ayant pas encore celle de charité, inséparable de la justification. Or cette opinion n’est pas la meilleure, et se concilie difficile­ ment avec les paroles du concile de Trente : In ipsa justificatione... lute omnia simul injusa accipit homo..., fidem, spem et caritatem. Sess. VI, c. vix, Denzinger, n. 800. Il s’agit ici de ia justification baptismale, dont « la cause Instrumentale est le sacrement de baptême. » Loc. cit., Denzinger, n. 799. Au contraire, en rempla­ çant nondum par non, dans le schéma, on évitait d’approuver la susdite opinion. On admettait sans doute que Vhabitus fidei peut se rencontrer séparé de Vhabitus caritatis : mais tout le monde doit admettre cela dans le fidèle en état de péché mortel qui n’a pas perdu Vhabitus fidei (voir le concile de Trente, sess. VI, cam 28, Denzinger, n. 838), et qui pourra retrou­ ver Vhabitus caritatis dans une autre justification, mais alors il n’est plus question de la première, de la justi­ fication baptismale. En somme, il était bien entendu, d’après l'exposition même du rapporteur citée plus haut, que. dans le texte soumis à la délibération du concile, l'expression : fides Ipsa in se équivalait à habi­ tus fidei, la vertu infuse de loi. El le concile, qui accepta ce texte sur-le-champ, l'accepta dans le sens 368 exposé par le rapporteur. Tl a donc reconnu l’existence d’un habitus fidei. 2° Nature cl activité de cette vertu. — Elle est traitée dans la théorie générale des vertus Infuses. Voir Vertu. Nous nous bornerons à montrer comment, en partant de l’existence et de l'activité de cc principe surna­ turel, on arrive à mieux comprendre et à mieux pré­ ciser la surnaturalité de son acte; c’est un point sou­ vent mal compris. Voici un acte de fol qui n’est pas le résultat de la seule faculté naturelle, mais qui est produit par In faculté élevée, c’est-à-dire par un double principe, la faculté et la vertu infuse, et même surtout par la vertu infuse, considérée à bon droit comme la cause principale dans un tel ordre d’opération. produit peut-il être le même que si la nature seule avait travaillé? L’acte unique qui émane des deux principes, et qui n’est pas autre chose que leur mise en œuvre, ne diffère-t-il pas essentiellement d’un acte de la nature seule sur le même objet, que cet acte soit réellement possible ou non? Et ne rcçolt-il pas son caractère propre de la cause principale qui, en éle­ vant la faculté naturelle, l’a subordonnée à son acti­ vité comme une cause secondaire et instrumentale? C’est bien le cas de sc rappeler le principe de saint Thomas, basé sur l'expérience : Efjcctus non assimilatur instrumento sed principali agenti. Sum. thcol., Ill·, q. Lxii, a. 1. L’acte de fol, procédant de la vertu infuse comme de sa cause principale (nous ne séparons pas de cette vertu la grâce actuelle nécessaire à la met­ tre en action, ni Dieu qui agit par sa grâce et dirige tout), reçoit donc par le fait même une perfection spécifique assimilée à celle de la vertu Infuse. Or qui pourrait dire l’ineffable perfection de cette vertu? Elle appartient à l'ordre de la déification du chrétien. Elle est, en effet, du même ordre que la vision béallilque, qu’elle ébauche et commence comme nous l’avons vu, col. 363. 11 fallait cc principe, cette vertu théologale, pour nous ordonner et nous proportionner à cette béa­ titude surnaturelle, d’après saint Thomas. Sum. thcol., II· II·, q. LXii, a. 1. Elle est du même ordre que.la grâce sanctifiante ou « justice reçue en nous par la jus­ tification, » comme parle le concile de Trente, sess. VI, c. vu, Denzinger, n. 799; elle fait même partie de cette «justice», puisque,d’après le même concile, « la sainte Église demande l’augmentation de cette jus­ tice, quand elle prie ainsi : Augmentez en nous, Sei­ gneur, la joi, l’espérance et la charité. » Sess. VI, c. x, Denzinger, n. 803. 11 est vrai que la vertu infuse nous demeure expérimentalement inconnaissable, et que son Influence sur l’acte reste Invisible comme elle; que nous ne voyons pas Vesscnce intime de nos actes, ce qu’ils sont du côté du sujet, mais que nous décou­ vrons seulement Vobjet auquel ils tendent, et de plus leurs qualités accidentelles de facilité et d’intensité dans l'effort, enfin certains résultats ultérieurs ou effets de ces actes, comme l’explique saint Thomas. In IV Sent., 1. I, dist. XVII, q. i, n. 4. Mais pour Invi­ sible que nous soit, dans notre acte de fol, la perfec­ tion délformc qu’il reçoit de sa cause principale, la vertu infuse, cette perfection caractéristique n'en existe pas moins en lui, et aux yeux de Dieu le rend essentiellement différent d’un acte naturel de croire, et le rattache à la vision béatlfique comme l’aurore au grand jour. Voilà comment, après avoir prouvé ci-dessus que l'acte de fol salutaire doit être sumaI turel, sans expliquer de quelle espèce de surnatura­ lité, nous montrons en lui, maintenant, une surnaturallté foncière, Intrinsèque, quoad substantiam, sui­ vant le langage des théologiens; et non pas la surna­ turalité quoad modum d’une chose miraculeuse, par exemple, de l’œil guéri par miracle, œil qui ne diffère pas essentiellement de l’organe naturel commun à tous; sans comptcrkque le miracle tombe sous l’cxpé- 369 FOI rlcncc, et qu’il serait contre l'expérience de supposer du miraculeux dans chacun des actes salutaires de foi qui doivent se faire couramment parmi les fidèles. Ainsi arrivons-nous à préciser cc que nous entendons, quand nous disons que l'acte de foi est surnaturel On objectera peut-être : Vous suivez ici une marche inverse a l’ordre légitime de la connaissance humaine, qui est de connaître les facultés et les vertus par leurs actes, et non pas réciproquement. — Réponse. — Cet ordre est légitime en ellct et s'impose, mais dans la connaissance expérimentale. Dans la connaissance théologique qui s’appuie sur la révélation et les docu­ ments positifs, on peut avoir de plus riches données sur les vertus surnaturelles que sur les actes surnatu­ rels, et aller ainsi de la vertu à l’acte comme du plus connu au moins connu, à certains égards; et c’est ce que nous venons de faire. D’autres détails sur le fonctionnement et l’activité de la vertu de foi ont été donnés plus haut, a) Si son rôle actif est avant tout de produire l'acte de foi, elle peut avoir aussi un rôle secondaire par rapport à la crédibilité dont la constatation est exigée avant l’acte de fol; et saint Thomas admet ce rôle additionnel. Nous avons expliqué son opinion, col. 240-245, et critiqué une certaine manière de la concevoir, col. 261 sq, Λ cette opinion se rapporte encore cc texte du saint docteur : Fides (La vertu), quantum in se est, ad omnia quæ fidem (l’acte) concomitanlur, vel sequun­ tur, vel præcedunl, sufficienter inclinat. In IV Seni., 1. Ill, dlst. XXIV, q. j, a. 2, sol. 2». Quantum in se est, parce qu’il y a pour ccs actes précédents et suivants d’autres conditions, qui peuvent manquer et faire obstacle. — b) La destruction de cette vertu sc fait par le péché direct et formel contre la fol, le péché d’hérésie, et noy par d’autres péchés qui n'attaquent la fol qu’indirectcmcnt, bien qu’ils puissent être mor­ tels (imprudence, négligence, etc.). Voir col. 313-316. 3° Infaillibilité propre de la vertu infuse de foi et de son acte. — Celle propriété est de la plus haute impor­ tance, pour ce qui doit suivre, et c’est un point trop laissé de côté par les manuels. Nous verrons : 1. l’in­ faillibilité de la vertu; 2. son invisibilité; 3. l'infailli­ bilité de son acte. 1. Infaillibilité de la vertu de foi. — Cette vertu infuse, en tant qu’elle produit l’assentiment de fol, est une « vertu intellectuelle », un perfectionnement de l'intelligence. A ce titre elle doit être infaillible, c’està-dire exclure l’erreur, comme le remarque saint Tho­ mas d’après Aristote. Sum. thcol.. Il· II», q. i, a. 3, sed contra, et ad lum. Mais si Aristote a dit cela, avec une vérité approximative, à propos des vertus intel­ lectuelles (ou bonnes habitudes de l’esprit) qui appar­ tiennent à 1’ordrc naturel, qu’aurait-il dit d’une vertu intellectuelle produite immédiatement par Dieu et appartenant à l’ordre surnaturel, s’il l’avait connue? Les vertus infuses, appartenant à la nouvelle nature reçue dans la justification, ont une incomparable excel leiicc. Celles qui, comme la charité, perfectionnent la volonté, sont impeccables, comme on peut le dé­ duire de ce texte de saint Jean : « Quiconque est né de Dieu ne commet point le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui; et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu. » I Joa., ni, 9. Saint Jean veut-il dire que le Juste, (Ils de Dieu, est absolument Impec­ cable? Non : il lui reconnaît lui-même des péchés, triste fruit de la nature humaine. Ibid., i, 8 *q.; n, 1 sq. 11 veut donc dire que le juste est impeccable par sa nou­ velle nature qui le rend (Ils de Dieu, par cette < semence divine » qui demeure en lui, et qui comprend les vertus infuses, principes surnaturels de ses nouvelles opéra­ tions. C’est l’interprétation de saint Augustin : Per quod filii sumus, per hoc peccare omnino non possumus... Inquantum similes Deo (par les dons surnaturels qui 370 nous assimilent à Dieu), Illine peccare non possumus. De peccatorum meritis et remissione, I. IT, c. vit, νπτ, P. L., L xliv, col. 157. Cum ergo peccai homo, non secundum caritatem, sed secundum cupiditatem peccat, secundum quam non est natus ex Deo. De gratia Christi, c. xxi, ibid., col. 371. Cf. Epist. ad Innocent., η. 17, P. L., t. xxxiii, col. 771. Or de même que les vertus Infuses de la volonté sont ainsi impeccables, de même la foi, vertu infuse de V intelligence, doit être infaillible : car si le péché est le mal de La volonté, l’erreur est le mal de l'intelligence; et si la vertu infuse exclut le mal qui lui est opposé, celle de l'intelligence doit exclure le mal qui lut est opposé, c’est-à-dire l’erreur, ainsi que le remarque saint Thomas. Loc. cit. Aussi saint Jean lui-même dit-il explicitement de la vertu de fol, qu’il compare à une onction permanente, reçue de Dieu : Unctio ejus docet vos de omnibus, et vtrum est, et non est mendacium. Pas de mensonge, pas d’erreur possible, sur un point quelconque, de omnibus. I Joa., n, 27. Citons encore cette définition de h vertu Infuse, que les scolastiques ont tirée de divers endroits de saint Augustin : Est bona qualitas mentis, qua recte vivitur, qua nullus male utitur, quam Deus (n nobis sine nobis operatur. Saint Thomas l’explique, Sum. theol., I» II», q. lv, a. 4. Qua nullus male utitur : pour une vertu de la volonté, s’en mal servir, cc serait pécher par elle : pour une vertu de l’intelligence comme est la fol, s'en mal servir, ce serait se tromper par elle. Elle ne peut donc jamais concourir à l’erreur, pas plus que la cha­ rité ne peut concourir au péché. C’est du reste le mini­ mum d’infaillibilité à lui donner, pour qu’elle dépasse la raison naturelle. Celle-ci doit avoir une certaine infaillibilité, ùmoinsd’aller au scepticisme; elle se sent infaillible dans scs actes parfaitement certains et bien contrôlés : infallibilis per se, faltibilis per accidens. Qu’aura de plus la vertu Intellectuelle de foi, sinon d’éviter pour elle-même ces accidents, en sorte que,la raison se trompant, Vhabitus fidei la Laissera sc trom­ per toute seule, et par son excellence même ne pourra coopérer ù l’acte erroné? C’est là le minimum qu’il faut bien lui accorder, disons-nous : car on pourrait concevoir une infaillibilité plus parfaite, un don sur­ naturel, qui non seulement ne coopérerait jamais luimême à l’erreur, mais encore, par sa présence et son action, bannirait absolument de l’intelligence toute erreur de quelque source qu’elle pût venir; mais un tel don est réservé Λ la vie future. Les preuves que nous venons de donner étaient supposées par anticipation, quand nous avons dit que, si l’on propose à un enfant un faux article de foi, son adhésion sera purement naturelle, la vertu infuse de foi n’y pouvant concourir. Voir col. 234. Les théologiens sont d’accord sur l’infaillibilité de la vertu infuse de foL Contentons-nous de quelques grands noms, en commençant par le plus grand de tous, saint Thomas, déjà cité dans sa Somme. Dans un opuscule, il parle de cc lumen quoddam, quod est habitus fidei, divinitus menti humante in/usum; et il fait cette déclaration très nette sur l'infaillibilité que possède cet habitus, par assimilation à l’infaillibilité de Dieu même : Lumen autan fidei, quod est quasi sigillatlo quædam Primæ Veritatis in mente, non potest fallere, sicut Deus non potest decipere vel mentiri. In Boetium, de Trinitate, q. m, a. 1, ad 4«·, édit. Vlvès, t. xxviii, p. 508. Et pour faire ressortir par compa­ raison cette prérogative surnaturelle de Vhabitus, il tranche admirablement cette délicate question de l'infaillibilité ou de la faillibilité de la science hu­ maine, en admettant, d’une part, que la démonstra­ tion vraiment scientifique est infaillible, mais en ob­ servant, d’autre part, que nous prenons souvent pour démonstration ce qui ne l’est pas : (Demonstratione) etsi nunquam falsum concludatur, tamen frequenter in 371 EOI boe homo fallitur, quod putat esse demonstrativum quod non est. Loc. cit. Méprise qui est duc soit à la subtilité ou à h complexité extrême de certains rai­ sonnements d’ordre scientifique, où l’erreur peut faci­ lement se glisser, soit & l'influence d’autorités en vogue, humaines ct faillibles, qui nous disent à tort : « La science a démontré, » etc., soit à cc que nous avons Introduit jadis dans le trésor de nos certitudes ct accepté comme démontrées certaines propositions qui, en réalité, ne le sont pas, ct que l’inventaire ct le triage de nos nombreuses acquisitions d’origine diverse n'est plus possible, soit enfin au manque de secours surnaturel dans l’ordre des sciences naturelles ct pro­ fanes. Voir col. 339, 365. Scot en cc point ne s’écarte pas de saint Thomas : rides infusa, dit-il, non potest inclinare ad aliquod /alsum, inclinat autem virtute luminis divini, cujus est participatio, et ita nonnisi ad illud quod est conforme illi lumini divino; actus igitur credendi, inquantum innititur isti fidei, non potest tendere in aliquod falsum. Quasi. quodlibctales, q. xiv, n. 7, dans Opera, Paris, 1895, t. xxvi, p. 11. Suarez étend avec raison cette prérogative d'infaillibilité non seulement à la vertu infuse, mais à la grâce actuelle qui la remplace dans celui qui n’a pas encore ou qui n’a plus cette vertu ct sc dispose à la recevoir — et même à toute motion positive de l’Esprit-Saint dans les dia­ rismes où l’on affirme quelque diose, comme le don de prophétie, de discernement des esprits, etc. Comme la grâce ne peut jamais pousser au péché, ainsi ne peut-elle jamais pousser à l’erreur. · Ce jugement (de discernement des esprits), dit-il, quand il procède du mouvement de la grâce, est infaillible matériellement, pour ainsi parler. Car l’Esprit-Saint ne pousse jamais par un instinct spécial, sinon â ce qui est réellement vrai ou bon,ou meilleur, ou plus convenable à l’homme selon l’ordre de sa providence. En conséquence, toutes les fols qu’en réalité le discernement des esprits se fait par une grâce, le jugement, en vertu de son prin­ cipe moteur, est Infaillible, donc matériellement cer­ tain; quoiqu’il ne rende pas l’homme absolument certain, parce qu’en général, l’homme ne constate jamais avec une entière certitudcque ce jugement vient de la direction ct de la motion du Saint-Esprit. » De gratia, t. i, proleg. in, c. v, n. 45, Paris, 1857, L vn, p. 165. 2. Invisibilité de la vertu Infuse, et de son acte en tant que surnaturel. — Cette remarque de Suarez montre comment la thèse commune, en admettant, dans la vertu infuse et dans son acte, cette Infaillibilité réelle, mais matérielle comme 11 dit, ne rend pas pour cela cette Infaillibilité reconnaissable avec certitude, ne fait pns que l'homme puisse constater formellement l Infaillibilité de son acte. Ainsi cette infaillibilité, bien qu'existant certainement dans l’acte, aux yeux de Dieu, ne peut servir à l’homme de discerniculum expe­ rimentale', ct l’on ne peut reprocher aux théologiens de retomber ici dans le faux système qu’ils rejettent ail­ leurs. Voir col. 246 sq. Scot avait déjà fait la meme remarque. « Si je percevais, dit-il, que j’agis en ce mo­ ment à l’aide de la foi infuse, sachant qu’elle ne peut coopérer qu'à un acte vrai, je constaterais par cela seul que mon acte ne peut être faux..., que son objet est infailliblement vrai. Mais personne, je crois, n’éprouve en lui-même cela (cette perception de l’intervention de la foi infuse). Nous nous bornons donc à croire en général (à cause des documents de la révélation) que celui qui affirme quelque chose par l’action de la fol infuse ne peut errer en cela; mais que telle personne déterminée, et à tel moment, agisse par la fol infuse, ni la personne elle-même ne le sait, ni une autre; per­ sonne n’en a une expérience certaine.» Loc. cit., n. 8,p. 12. 11 esL vrai qu’une parole de saint Augustin : Fidem Ipsam videl quisque in corde suo esse, citée par le Lom­ 372 bard dans scs Sentences, 1. III. dlst. XXIII, c. vn, a été pour plusieurs scolastiques l'occasion de croire, sur son autorité, que nous voyons en nous la vertu infuse de foi, ou l'acte de foi en tant que surnaturel. Mais saint Augustin ne songe guère ici à la vertu infuse, ou à la surnaturalité de l’acte. 11 se contente d'opposer sim­ plement la foi des mystères aux mystères eux-mêmes. Ceux-ci, dlt-ii, nous ne pouvons les voir en aucune façon ; ils restent non vus. I leb., xi, 1. Mais la croyance que nous en avons, ce n’est pns un mystère : nous la voyons en nous par une conscience certaine; nous voyons bien si nous croyons ou si nous ne croyons pas. De Trinitate, 1. XIII, c. i, n. 3, P. L., t. xlîî, col. 1014. C’est une antithèse entre Vobjet mystérieux de la fol, objet qui se dérobe totalement à notre expé­ rience, à notre intuition, et notre acte subjectif de fol, dont notre conscience saisit avec certitude Vexislence, sans pénétrer pour autant sa nature intime, s’il est surnaturel ou non. L’antithèse, en effet, ne demande pas que notre expérience pénètre à fond l’acte de foi. On a fait appel à une autre parole de saint Augustin, disant dans un sermon, à propos de la < justice », ou de la grâce sanctifiante comme nous dirions aujour­ d’hui : Nolo vos interrogare de justitia vestra; fortassis enim nemo vestrum mihi audeat respondere : Justus sum; sed interrogo vos de fide vestra. Sicut nemo ve­ strum audet dicere : Justus sum, sic nemo audet dicere : Fidelis non sum. Enarr. in ps. xxxtt, serm. i, n. 4, P. L., t. xxxvi, coi. 279. Ici encore, le mot fides doit faire absolument abstraction de la vertu infuse, de l’acte en tant que surnaturel, sujet d’ailleurs beaucoup trop subtil pour les auditeurs ordinaires de saint Augustin. · Si je vous interroge sur votre fol, dit-il, personne n’osera répondre : Je ne suis pas un fidèle. » Et pourquoi? Parce que le titre de « fidèle » si cher nu chrétien ne dépend que de deux conditions facilement reconnaissables et reconnues de tous, de deux faits extérieurs et publics, la solennelle profession de fol ct le baptême; à moins de rétracter librement sa pro­ fession de foi et de devenir apostat, un fidèle ne peut pas dire qu’il n’a pas la fol, qu’il n’est pas un fidèle. Au contraire, le titre de ■ juste » repose uniquement sur une condition que le juste lui-meme ne peut con­ naître avec certitude, la présence en lui de la grâce sanctifiante, qualité invisible ct surnaturelle; sur une condition qui n’est pas un fait extérieur ct public, qui n’est d’ailleurs pas requise pour être chrétien et membre de l’Église, comme saint Augustin l'a si sou­ vent soutenu contre les donatlstcs. Voilà pourquoi l’Église, qui parfois Interroge publiquement les fidèles sur leur foi et leur en fait renouveler la profession, ne leur demande jamais : « Êtes-vous un juste? Etes-vous en état de grâce? » Eux-mêmes n’oscraicnt répondre. Voilà évidemment ce que veut dire saint Augustin : or la vertu infuse, l’habitus fidei, n’a rien à faire ici; car, lorsqu’on demande aux fidèles une profession de foi, on leur demande s’ils adhèrent fermement aux articles de fol, on ne leur demande pas s’ils voient en eux-mêmes une vertu surnaturelle, ou si leur acte en est le produit. On a voulu aussi s’appuyer sur saint Thomas. Mais le saint docteur sait fort bien distinguer dans un acte surnaturel cc qui est perceptible à l’expérience, ct ce qui ne l’est pas. Prenons l’acte de charité. Nous per­ cevons en nous, sans doute, un acte de dllcction : mais est-ce la vraie charité, la charité surnaturelle? Nous ne pouvons le savoir avec certitude, ct pourquoi? Quia actus ille dilectionis, quem in nobis percipimus secun­ dum id de quo est perceptibile, non est sufficiens signum caritatis, propter similitudinem naturalis dilectionis ad gratuitum. Quarst. disp., De veritate, q. x, n. 10, ad 1·®. L’acte naturel d’aimer Dieu ressemble pour nous à l’acte surnaturel, produit de la grâce (gratuitum); si ΓΤμ- .‘Λ- EOI 374 notre expérience interne atteignait la surnaturalité, dit rien de plus. Notre interprétation de saint Augus­ nous verrions une immense différence entre les deux; tin ct de saint Thomas a été donnée par plusieurs mais elle ne l'atteint pas, ct c’cst pourquoi nous les graves théologiens, par exemple, les Salman licenses, confondons entre eux, ct nous n'avons pas de signe Cursus theologicus, Paris, 1879, L x, De gratta, disp. suffisant qui nous dise quand notre acte procède de la IX, n. 16, 17, p. 294-290. vertu infuse de charité. — Ne pourrait-on pas trouver Tout en reconnaissant que l'acte de foi ne tombe ce signe dans lo plaisir que nous éprouvons a aimer pas sous V expérience en tant que surnaturel, le cha­ Dieu, puisqu’un habitus, d'après Aristote, se trahit noine Didiot pense que nous pouvons du moins con­ par la délectation avec laquelle il nous fait agir? Non, clure par des raisonnements théologiques certains que répond encore saint Thomas. Delectatio illa qua tn tel acte de foi déterminé que nous faisons est surnaturel actu relinquitur cx caritate (la vertu infuse), potest ct par conséquent infaillible. Logique surnaturelle etiam ex habitu aliquo acquisito causari ; et ideo non est objective, Paris, 1892. p. 625-628. Voyons ccs raison­ sufficiens signum ad caritatem demonstrandam. Iac. nements. « Me refuser la grâce pour l’acte de fol serait cit., ad 2*·. Une habitude naturelle acquise par des me refuser l’accès au rédempteur, au moment même actes naturels d’amour de Dieu peut donner h meme où je Je réclamerais humblement et sincèrement. » Dieu facilité ct le même plaisir à l’aimer que la vertu Infuse ne peut faire cela. Loc. c//., p. 627 en note. Mais dif­ de charité. Mais quand nous avons une grande charité férer cette grâce Λ un autre moment, à un autre acte pour nos frères, nous le voyons bien ! Saint Thomas que je ferai plus tard, ce n’est pas me refuser l’accès répond toujours par la même distinction : Quamvis au rédempteur. Quant à la prière « humble ct sincère > mens certissime cognoscat dilectionem qua diligit fra­ que l'on suppose faite alors à l’effet d'obtenir la grâce, trem inquantum est dilectio, non tamen certissime novit elle n’a pas lieu dans tout acte de fol : ct quand elle eam esse caritatem, c’est-à-dire la vertu infuse de a lieu, suis-je certain d’avoir ces dispositions d’humi­ charité. Loc. cit„ ad 3ua. Mais, poursuit l’advei'saire, lité cl de sincérité, et toutes les conditions nécessaires /Xristole a dit qu’il nous est Impossible d’avoir de très de In prière, en particulier qu’elle soit surnaturelle? nobles habitus, et de les Ignorer. Aristote ne connais­ L’auteur lui-même nous dit ensuite, pour les actes de sait que les habitus naturels. Et encore, dit saint Tho­ la volonté : « Quand je fais ccs actes, suis-je dans les mas, parle-t-il des habitudes intellectuelles parfaites, conditions voulues pour recevoir la grâce et agir surcomme la science, qu'il est impossible d'ignorer quami naturcllemcnt? Je ne le sais pas certainement. » Loc. on l'a, quilibet sciens scit se scire; cela ne tire pas à cit., p. 628 en note. Eh bien ! la prière est un acte de conséquence pour tous les habitus. Loc. cit., ad 5e·. volonté. De plus, l’acte de foi suppose toujours, comme SI ailleurs saint Thomas met une différence entre la condition nécessaire, un acte de volonté, ct surnaturel. charité ct la foi, cc n’est pas qu’il veuille qu'on voie la \oir col. 361. Si l’on nous accorde que nous ne pou­ fol, en tant que surnaturelle, cc qui serait contraire à vons connaître avec certitude la surnaturalité de nos tous les principes qu’il vient d'établir. On lui fait cette actes de volonté, voilà donc l’acte de foi lui-même objection : « La grâce (sanctifiante) est un don de Dieu dont la surnaturalité retombe dans l’incertitude; la comme la science (Infuse). Or, quand on reçoit de Dieu théorie ne se tient pas. Mais, dit l’auteur, « ce serait la science, on sait qu’on l’a. Sap., vu, 17. On doit donc aussi me refuser la possibilité de croire (à la révélation) savoir aussi quand on a la grâce. · On aurait pu répon­ comme Dieu ordonne pourtant que j*y croie, surnatudre que la science infuse, dont parle ici le Sage, peut relterneni. Qui ne voit l’absurdité de telles supposi­ sc reconnaître même comme surnaturelle, parce que tions? » Loc. cit. — Réponse. — n) En admettant que le miracle, le surnaturel quoad modum, tombe sous la surnaturalité de l’acte tombe sous le précepte divin, l’expérience, ct qu'un ignorant soudain inondé de si Dieu ne me donnait pas la grâce à tel moment, c’cst lumière ct de science voit sc passer en lui un fait qui que son précepte de faire un acte de fol n’urgerail pas dépasse les lois psychologiques ct le cours naturel des pour cc moment-là : un précepte positif n'obllge pas choses; tandis que le surnaturel bien plus sublime, de fait Λ chaque instant, pro semper. — b) On peut mais plus mystérieux, qui est dans la grâce sanctid’ailleurs nier que la surnaturalité de l’acte tombe en liante, ne tombe pas sous l’expérience, Le saint docgénéral sous le précepte. Même pour les actes des vcrtus tour, suivant le goût du temps, préfère une autre ré­ théologales, Cajétan admet que le précepte divin peut ponse plus philosophique ct empruntée à Aristote, être accompli pur les actes de croire, d’espérer, d’aimer, comme nous venons de le voir : · Il est essentiel à la lors meme qu’ils sc feraient d’une manière naturelle* science, dit-il, qu’on la constate en sol-même avec cer­ ct non par l'activité des vertus infuses : Omnia prxtitude. » Il n’en est pas ainsi des dons qui ne sont pas cepta virtutum theologalium... credere, sperare, diligere intellectuels, comme la grâce sanctifiante, la charité : Deum... potest homo per sua naturalia quantum ad on peut donc les avoir sans savoir qu’on les a. Et en substantiam operum adimplere, et non inquantum im­ passant, il rapproche de la science la foi. comme étant plentur ex spe et fide et caritate. Comment, in /·· 11·, aussi d’ordre intellectuel : mais rien ne dit qu’il veuille q. cix. a. 4, n. 6, dans l’édition léonine de saint Tho­ qu’on la connaisse expérimentalement en tant que mas, Home, 1892, L vu. p. 298. La « substance de surnaturelle. Au contraire, le point de vue philoso­ l’œuvre » commandée, c’est de croire, d’espérer, d’ai­ phique où il sc maintient fait abstraction du surna­ mer Dieu, s.Ion les éléments qui tombent sous la turel; cl il dit simplement : De ratione scientur est conscience et i(uidépcndcnt de notre libre choix, quant quod homo certitudinem habeat de his quorum habet à croire, etc., par l’influence de la vertu infuse, cela scientiam; et similiter de ratione fidei est quod homo sit ne dépend pas de notre pouvoir et de notre choix, et certus de his quorum habet fidem. Sum. theol., U· II», n’est pas précisément l’objet du précepte. Un acte q. exn, a. 5, ad 2*·. De quoi l’homme est-il certain, même naturel suffit donc à nous mettre en règle avec notre devoir. Sans doute la fin du précepte, qui est de d’après lui? De his quorum habet (idem. Sa certitude nous faire produire des actes salutaires et surnatu­ porte donc, non pas sur la surnaturalité de l'aete, rels, ne serait pas alors obtenue pour le moment: mais mais sur les objets dont on a la foi. Seulement, on ne de notre côté nous aurions suffisamment observé le peut être certain d’un objet sans avoir conscience précepte : finis peacepti non cadit sub prxccpto. Pour qu’on en est certain : El ideo quicumque habet scientiam, une doctrine semblable à celle de Cajétan, nous avons vel fidem, certus est se habere. Loc. cit. L’existence en déjà cité les Salmanticenscs, col. 231, les Pères dans nous de Ia certitude, de la ferme adhésion â un objet, leur manière de proposer aux ffdèles le précepte de la voilà cc que nous constatons expérimentalement foi, col. 258, le cardinal de Lugo, col. 260. dans la foi comme dans la science. Le saint docteur ne 375 rOI 3. Infaillibilité de tacte de fol. — Pour qu’un assen­ timent soit vraiment < infaillible », il faut que ce soit positivement lui, ct non pas un pur hasard, qui exclue Terreur; il faut une impossibilité d’erreur qui dérive de la propre perfection de cet acte, ou, ce qui revient au même, de scs propres principes, d’où il tire sa perfection. Voir col. 207. — a) Parmi ccs principes, il y a d’abord ceux qui influent sur lui objectivement, 1« motifs ou preuve de l’assentiment : si ccttc preuve est d’une valeur absolue, elle communique A l’acte une véritable infaillibilité naturelle; ct voilà, pour un jugement, la seule source d'infaillibilité que l’on conUd ère dans l’ordre naturelct humain. C’est aussi la seule qu’en face du fidéisme nous ayons considérée dans les préambules de la fol, ct en traitant de la certitude en général ct de ses espèces, col. 206-211, ct de la cer­ titude relative des simples, col. 219-233. — b) Mais dans un assentiment surnaturel comme l'assentiment de foi, on peut distinguer un autre principe qui influe non pas objectivement ct comme preuve connue, mais plutôt subjectivement ct comme faculté connaissante : c’est la vertu infuse, qui en coopérant à la production de Pacte le rend infaillible, puisque l’infaillibilité surnaturelle, dont nous venons de parler, n'est dans l.i vertu de foi qu’en vue de scs actes. Que ccttc sorte d'infaillibilité ne puisse être discernée par nous expé­ rimentalement dans les actes où elle est, qu’elle ne puisse accroître notre fermeté d’adhésion, ni servir A l’apologétique, cela ne l’empêche pas d’exister réelle­ ment dans notre acte ct de le rendre plus parfaite­ ment lié au vrai en lui-même ct aux yeux de Dieu. Si nous comparons entre elles ccs deux infaillibi­ lités venues de sources différentes, ct qui peuvent sc rencontrer dans un même acte de fol, nous reconnaî­ trons, somme toute, la supériorité de la seconde. Ιλ première vient de l'excellence des preuves, et suppose d'assez grandes connaissances apologétiques, qui ne sont pas A la portée de tous les fidèles; la seconde vient de la vertu infuse, ou de la grâce actuelle remplaçant la vertu infuse, ct se trouve aussi bien chez les enfants et les simples que chez les fidèles les plus savants : c’est donc la seule qui soit essentielle à l’acte de foi salutaire ct surnaturel, A cet acte qui est le même essen­ tiellement dans tous. Ιλι première rapproche l’acte de fol des actes naturels certains, et fait reconnaître sa valeur par la raison humaine; la seconde n’a pas d’ana­ logue dans les certitudes purement naturelles, et donne A lu certitude de la fol un caractère spécial et transcendant. La première est liée A l’apologétique; (1 faut donc qu’au moins quelques-uns dans l’Église aient de par leurs motifs de crédibilité cette Infailllbllité-lù. ct la fassent valoir pour la défense et la jus­ tification de la foi commune A tous; la seconde, n’étant connue qu’en partant de la révélation, ne peut servir A la prouver; et n’étant connue qu’en général ct dans l'abstrait, elle échappe dans le concert ct pour tel acte déterminé A nos constatations humaines : elle ne peut donc servir comme discerniculum ou critère de la révélation pour soi-même, encore moins comme moyen d'apologétique pour les autres. Quand on s’occupe de l'acte de fol A un point de vue purement théologique et nullement apologétique (ce qui n’est pas d'ailleurs la tendance de notre temps), on peut considérer seulement la seconde infaillibilité et faire abstraction de la première. On est amené ainsi A prendre comme type l’acte de fol tel qu’il se pré­ sente chez les simples. Et telle est, pensons-nous, la position de saint Thomas dans tout le passage In Boetium dont nous avons cité quelque chose, col. 370; passage très riche, mats très bref parce qu’il traite beaucoup de choses incidemment, et par suite ne donne pas tous les éclaircissements désirables. Il y parle de motifs qui poussent A la foi, mais qui n'ont réellement 376 de valeur que pour donner une opinion plus ou moins forte : et tels sont bien les motifs de crédibilité tels qu’ils sont perçus par une multitude de fidèles, bien que ccs motifs leur donnent, à eux, une certitude relative ct une croyance ferme. Mais une croyance ainsi motivée n'est pus un « jugement parfait » : elle ne peut avoir sa fermeté que grâce A l’imperfection du développement de l'intelligence. Nec per hoc potest haberi perfectum judicium de his quibus assentitur. Opera, édit. Vivès, t. xxvni, n. 508. Elle peut suffire telle quelle dans un jugement spéculatif de crédibilité antérieur A l'acte de foi. Voir col. 231 sq. Mais l’acte de fol lui-même doit être un jugement parfait, un juge­ ment infaillible : il faudra donc qu'il puise son infail­ libilité A une autre source que ces motifs qui ne la donnent pas. Unde et in fide qua in Deum credimus, poursuit saint Thomas... est habitus fidei, diuinitus menti humanæ infusum,,. Non potest fallere... Unde hoc lumen sufficit ad judicandum. C’est ce principe surnaturel seul qui donne l'infaillibilité et la perfec­ tion A ce jugement de la foi tel qu'il est dans tous. Mais de ce que saint Thomas ne considère ici que Tinfaillibilité essentielle de l’acte de foi, il ne s’ensuit pas qu'il nie une autre infaillibilité secondaire, qui pro­ cède de la perfection des motifs de crédibilité ct ne sc trouve que dans une partie des fidèles : Il en fait seu­ lement abstraction. Ainsi peut très bien s’expliquer ce texte; et nous ne voyons pas qu’une interprétation toute différente s’impose A nous, celle qu'en donne M. Rousselot, conformément à son système exposé plus haut, col. 260 sq. Ce que nous avons dit fera aisément comprendre une preuve donnée par beaucoup de théologiens en faveur de l’infaillibilité surnaturelle de l’acte de foi. Cet acte est représenté comme certain, véritablement et abso­ lument certain, dans l’Écriturc et la tradition, par des expressions comme ϊλβγχος, Heb., xi, 1, πληροοορί», Heb., x, 22; Rom., iv, 21. Voir ci-dessus, col. 86, 88, 89. Donc il doit avoir les deux éléments essentiels de la certitude véritable ct absolue, voir col. 206 : non seulement la fermeté d’adhésion, mais encore Tinfaillibilité. Et le concile de Trente le déclare infaillible : • La certitude de fol, dit-il, où Terreur ne peut se glis­ ser, » certitudine fidei, cui non potest subesse falsum. Scss. VI, c. ix, Denzinger, n. 802. Or l'infaillibilité de cet acte manquerait dans une multitude de fidèles, s’ils devaient l’emprunter A la valeur des motifs de crédibilité qui les amènent A la foi, s’ils n’avaient pas une autre source d'infaillibilité pour leur acte, dnns le principe surnaturel qui le produit. 11 faut donc ad­ mettre (ce que nous savions déjà par ailleurs) que ce principe surnaturel est infaillible, qu’il ne peut jamais exercer son acte sur une proposition fausse ou une fausse révélation. Voir, par exemple, Lugo, De fide, disp. IV, n. 78, t. t, p. 29; Franzelin, De traditione, 2· édit., Appendix, c. i, sect, n, n. 5, p. 577-579. lit. LA FOI COMME VERTU TltÉOLOGALBt SOS OBJET matériel BT SON odjkt d*attribution.— 1° Notions préliminaires. — Il existe une vertu infuse de foi, nous l’avons prouvé. Mais toute vertu infuse n’est pas néces­ sairement théologale. Outre les vertus théologales, la grande majorité des théologiens admet avec saint Thomas contre Scot Vexistence de vertus morales infuses : prudence infuse, tempérance infuse, etc. Voir Vehtu. Quoi qu’il en soit de cette controverse, des vertus morales infuses étalent nu moins possibles, ct les concepts de vertu infuse ct de vertu théologale ne se confondent pas. Le premier fait abstraction de l'objet de la vertu, ct signifie seulement que Dieu est la seule cause efficiente de cette vertu, lui seul pou­ vant mettre en un instant une vertu dans notre Ame; c'est pour la vertu une question d'origine. Le second concept roule sur l'objet de la vertu : pour qu'elle soit 377 FOI « théologale », Il faut que Dieu en soit l’objet formel et immédiat. C'est du moins la caractéristique princi­ pale, donnée communément. La vertu morale, elle, n’a pas immédiatement Dieu pour objet, lors même qu'elle se rapporte à lui médiatement; nous avons dit ailleurs qu’elle n pour motif (objet formel) un certain idéal particulier de bonté morale, une specialis honestas, objet qui n’est pas Dieu, quoique dérivé de Dieu. Voir col. 84. Prouver que la foi est une vertu théologale revient donc ù prouver qu’elle a immédiatement Dieu pour « objet formel ». L'objet formel est l’objet qui « spécifie » une vertu, c’est-à-dire qui lui donne son caractère propre, sa physionomie, sa ■ forme », son unité et son être en quelque sorte. Opposé à l’objet • formel », 11 y a l’objet purement · matériel » que la vertu atteint, quod creditur, quod amatur, etc., mais qui ne spécifie en aucune façon. La fol divine atteint des objets de toute sorte, passés, présents et futurs, des biens à espérer, des maux à craindre, etc. Voir S. Augustin cité à l'art. Espérance, t. v, col. 606, 607. Si ces diverses catégories d'objets de la fol avalent le pouvoir de spécifier, il faudrait admettre plusieurs vertus de fol, la foi des choses passées, celle des choses futures, celle des biens, celle des maux, etc. Or, nous savons par les documents positifs qu’il n’y a qu’un seul acte de foi, qu’une seule vertu de fol. Ces multi­ ples objets seront donc regardés comme pur objet • matériel » de la fol, purc matière à croire, quod cre­ ditur. Mais l’objet formel doit ici se dédoubler. Pour em­ ployer la terminologie de plusieurs théologiens, il y a Vobjectum formalequo, et objectum formale quod. Le pre­ mier n’est pas autre chose que le motif de la vertu, auquel le nom d* « objet formel » est souvent réservé par excel­ lence. Quand, pour mieux le distinguer, les théologiens ajoutent quo, voici la raison de cet ablatif causal : c’est par le motif que l’on agit; le motif propre de la vertu est cause de tous les actes de la vertu; c’est un élément essentiellement actif. Voilà pour Vobjectum formate quo. L'objectum formale quod est tout autre chose : comparé au motif dont nous venons de parler, il n’est qu’un objet matériel, que la vertu atteint à l'aide de son motif, et de là ce mot de quod; ct 11 n’agit pas sur nous dans tous les actes de la vertu, comme le motif. Mais entre tous les objets matériels de la vertu, il sc distingue par une prééminence telle que tous les autres se subordonnent d lui : donc lui aussi, à sa ma­ nière, donne à la vertu son unité, sa physionomie ct son être, donc on peut aussi le regarder comme un objet « formel ». On lui donne le nom spécial d’« objet d'attribution ». Dans les sciences, dans les arts, dans les vertus, l’objet d’attribution, ou objectum formate quod, spécifie : nous en avons donné des exemples à l’art. Iapîhas· ! . n»l. 631, 632. 2° Preuve. — Une vertu sera · théologale », dans le sens le plus complet du mot, si elle trouve immédiate­ ment en Dieu ses deux objets formels, quo et quod; en d’autres termes, si quelque attribut divin lui sert immédiatement de motif (tout attribut divin s'iden­ tifiant avec Dieu meme), ct si Dieu est son objet d'attribution. Or la vertu de fol réunit ccs deux con­ ditions. — 1. Elle a pour motif « l'autorité de Dieu qui révèle », d’après le concile du Vatican; et ccttc « autorité » sc décompose en deux attributs divins : la science infinie « qui ne peut sc tromper » ct la véracité infinie · qui ne peut vouloir tromper. » Voir le motif spécifique do la foi, col. 98 sq., ct surtout col. 107-119. C’est donc sur l’autorité de la révélation divine, sur quelque chose de divin, que nous appuyons tout assentiment de foi salutaire. Et cet objet formel déter­ mine conséquemment le vaste domaine de la matière à croire, de l’objet matériel, qui sera toute vérité révé­ lée; à la condition, bien entendu, qu'elle nous appa- 378 raissc suffisamment comme révélée. — 2. Bien des théologiens s’en tiennent là, pour prouver que la foi est une vertu théologale; ct le motif de la fol est bien ce qu'il y a de principal à considérer dans cette preuve. Néanmoins, pour donner un concept plus complet ct une preuve adéquate, Il faut avec saint Thomas con­ sidérer encore Vobjet Sum. theol., I·, q. xxxn, a. 1. Le saint docteur affirme très nette­ ment la thèse que nous exposons ici, quand il dit : • Certaines vérités tombent sous la foi directement ct par elles-mêmes, per se directe : ce sont celles qui dépas­ sent la raison naturelle, comme la trinité, l’incarnation. D’autres tombent sous la foi en tant qu’elles sont subordonnées à celles-là, ordinata ad ista, ct qu’elles s’y rapportent d’une manière ou d'une autre : ainsi toutes les vérités révélées que contient l’Écriturc. » Sum. theol., 11· II·, q. vin, a. 2. Cf. q. i, a. 6. De là aussi très souvent, chez saint Thomas, les mots res fidei, ea quæ sunt fidei, pour indiquer les mystères, comme si c'était l’unique objet de la foi, parce que c’en est l’objet d’attribution. Sum. theol., I», q. xxxn, a. Γ, II· II», q. i, a. 5, ad 2“«; In Boetium, etc. En cela il imite les Pères, qui, réservant le nom de « foi » (pris ici objectivement) aux principaux mystères de la religion, ont écrit des « traites de la fol », des « expo­ sitions de la foi » qui ne sont pus autre chose qu'un exposé de la trinité, ou de la trinité ct de la rédemp­ tion. Ainsi saint Athanase a composé une Exposition de la joi, P. G., t. xxv, col. 199 sq., saint Grégoire de Nysse un Traité de la foi, P. G., t. xi.v, col. 135 sq., saint Ambroise le De fide ad Gratianum, P. L., t. xvi, col. 527. Outre les raisons déjà indiquées pour que le mystère soit l’objet principal de la foi, slgnalons-cn quelques autres. La fol est plus liée au mystère, parce qu’elle lui est plus nécessaire : sans elle il ne peut être connu en aucune façon, tandis que d’autres vérités révélées ne sont pas inaccessibles à la raison. Voir S. Thomas, Qwest. disp., De veritate, q. xiv, a. 9. La révélation des mystères est doublement surnaturelle. Voir col. 358. Elle montre la familiarité d’un Dieu qui communique scs secrets. Marc., iv, 11; Joa., xv, 15. En croyant le mystère, la foi a un mérite spécial, clic triomphe de plus d’obstacles, elle rend plus d'hon­ neur à Dieu : plus une chose est difficile à admettre, plus on honore le témoin sur la parole duquel on l’admet. En croyant le mystère, la foi fait briller davantage son efficacité, sa puissance. « Sa vertu, dit Scheebcn, consiste précisément A rendre ce qui est invisible aussi certain que cc qui est visible. Hcb., xi, 27. Plus un objet dépasse la sphère naturelle de l homme, plus 11 est caché à son regard naturel, plus il oflrc d’occasions à la foi de manifester sa vertu intime... La foi est donc une connaissance transcen­ dantale... Le mystère est son élément propre, et c’est 381 FOI 382 en lui qu'elle règne et qu'elle triomphe. » Dogmatique, theol., I· II·, q. lxii, a. 2. Il les rattache même plus trad, franç., Paris, 1877, t. i, $ 41, p. 467. Ci. Salman­ spécialement au mystère de la béatitude surnatu­ relle. Voir Espérance, L v, col. 645, 616. < C’est par ticenscs, Cursus theologicus, Paris, 1879, t. xi, De fide, là, dit-il, que la vertu infuse de fol se distingue de la disp. I, n. 33, p. 17; C. Pcsch, Praelectiones dogm., « foi » dans un sens plus général, qui ne serait pas 3· édit., Fribourg, 1910, L vin, n. 398, p. 183. Lee ordonnée à la béatitude que nous espérons mainte­ mystères spécifient donc la foi, ct lui communiquent nant. » II· II·, q. IV, x 1. les caractères particuliers que nous venons de signa­ Ixs auteurs n'ont point manqué qui. à la suite de ler, ct en outre celui d'obscurité. Voir cc qui sera dit de l'obscurité de la foi. saint Thomas, ont considéré la béatitude surnaturelle comme le suprêm< objet d’attribution de h fol. Ftdes Ainsi, l'objet d'attribution de la foi, en un sens plus primane respicit bcalitudinem, dit Louis de Torrez, précis, c’est Dieu dans ses mystères. On peut serrer S. J., cl aha in ordine ad illam; et ideo per objecta, encore la question, ct se demander si, parmi ces mys­ quorum est spes, definita est fides. Heb., xi, L Disput. tères eux-mêmes, il n’y a pas une hiérarchie et une ιη //·■ II", Lyon, 1617, coh 454. A cela revient b subordination, en sorte qu'un seul domine. Dieu met­ thèse de quelques anciens scolastiques : Objectun tant l'ordre dans tout ce qu'il veut ct ce qu'il fait, il attributionis fidei est Deus sub ratione glori ficutoris, est raisonnable de penser qu’il l’a poussé jusque-là ou celle de Lugo : Objectum ...est Deus secundum se. d dans sa révélation. Ce mystère suprême, au point de ut assequi bills a nobis. Dispul., L i, De fide, disp. III, vue spéculatif, pourrait être la Trinité; au point de n. 14, p. 236. Et de nos jours le cardinal Billot : Dicen­ vue pratique, la vision intuitive de Dieu, ou ûn sur­ dum, objectum attributionis (fidei) esse ipsum Deum ut naturelle qui commande toute notre vie. Il y a d'ail­ finem supernaturalem. De virtutibus infusis, 2· édit-, leurs une étroite liaison entre ccs deux mystères, Rome. 1905, thés. X, p. 233, 234. puisque la contemplation de Dieu dans sa vie intime, Quant aux objets matériels de h foi, en dehors de dans sa Trinité, fera l’objet de notre béatitude sur­ l'objet d'attiibution, le même cardinal les classe en naturelle. Saint Thomas désigne l’objet d’attribution, deux catégories. Il y a d’abord les vérités qui de Icui quand il dit des nombreux objets matériels de la fol : Tamen sub assensu fidei non cadunt, nisi secundum nature sc rapportent» d'une manière ou d’une autre, à l’acquisition de ccttc fln surnaturelle : soit qu'elles quod habent aliquem ordinem ad Deum. Il le précise, en indiquent les moyens, soit qu'elles signalent les en ajoutant*aussitôt : prout scilicet per aliquos divi­ obstacles à éviter, soit qu’elles proposent des modèles, nitatis e/lectus homo adjuvatur ad tendendum in divi­ nam fruitionem. Sum. theol., Il* II·, q. i, a. 1. In divi- j des s> mboles, des figures de ccttc acquisition, soit qu’elles cnticvoicnt les profondeurs que contemplera nam fruitionem, vers la béatitude surnaturelle : pour­ la vision celeste, etc. Cc sont les vérités qui appartien­ quoi la nommer ici à propos de l’objet d’attribution, nent par elles-mêmes à la foL II y a ensuite des vérités sinon parce qu’il la regarde comme la suprême déter­ qui n’ont pas par elles-mêmes ccttc valeur religieuse, mination de cet objet, comme le mystère suprême qui n’ont été révélées que par « pure concomitance >, auquel sc rapportent toutes les vérités révélées? Et comme sont bien des faits historiques révélés dans comme cette béatitude surnaturelle est en même l'Écriture ct à ce titre objets matériels de la foL temps l’objet d'attribution de notre espérance, voir Loc. cit., p. 235-238. Plusieurs donnent à ccttc der­ Espérance, col. 631, on aurait là une explication nière classe le nom de revelata per accidens. Ccs chosesplus profonde de la célèbre définition Fides est speran­ là n’ont pas été révélées pour elles-mêmes, mais seu­ darum substantia rerum, Heb., xi, 1 : la foi y serait lement pour aider à connaître les autres, ad mani/edéfinie par son objet d’attribution,la béatitude céleste qu’elle croit, res sperandæ. Et l’on*conçoit qu'en par­ stationcm aliorum, dit saint Thomas, Sum. theol.. Il· II», q. i, a. 6, ad 1»·; c’est un cadre qui fait ressortir lant aux convertis du judaïsme, ad Hcbrecos, il ait été plus opportun d’insister sur cet objet que sur le les autres vérités, celles dont la révélation a été direc­ tement voulue. In Scripturis, dit Bellarnün, plurima motif de la fol. Les juifs, en effet, habitués à s’enfer­ mer avec la loi mosaïque dans le cercle étroit des pro­ sunt, qua? ex se non pertinent ad fidem, id est, qua- non messes do biens temporels, avalent quelque peine à ideo scripta sunt quia necessario credenda erant, sed s’élever à la foi ct à l’espérance des biens de la vie necessario creduntur quia scripta sunt. Conlrov.. 1, future. Au contraire, le motif de la fol, l’autorité de la De verbo Dei, 1. IV, c. ΧΠ, dans Opera, Paris, 1870, parole de Dieu, ne leur offrait guère de difficulté, t. i, p. 229. Nous n’avons pas d’ailleurs à considérer accoutumés qu’ils étaient dès l’enfance, ct par l’esprit ici les phrases de l’Écriture qui contiennent un orne­ public de leur race, à vénérer l'Écriture, la révélation ment de parabole, ou line citation, ou une invoca­ divine. On n’avait donc pas, avec eux, à mettre en tion, etc., ct par conséquent point d'affirmation directe, relief le motif de la foi; il est d'ailleurs, dans ccttc point de témoignage de Dieu, point de vérité révélée, définition, indiqué imp tellement» puisque les mystères point d'objet matériel de la foi. Cet objet» d'après le cardinal Billot, peut sc partager finalement en trois ct les promesses divines ne peuvent être admis que classes : objectum primarium ou attributionis — secun­ sur le témoignage de Dieu. Si Dieu n’avait pas élevé l'homme à la fin surna­ darium — pure accidentarium. Loc. cit. turelle ni révélé de mystères, il n’aurait pas mis dans Nous ne traiterons pas davantage de l'objet maté­ les fîmes la vertu infuse de fol, qui correspond à ce riel de la foi. Sous cette rubrique, les anciens théolo­ haut objet; il aurait pu cependant révéler des vérités giens faisaient entrer l’étude des symboles de fol, moins éloignées de notre raison, ct l’homme aurait dû l’étude de toutes les « règles de foi », voir col. 160 sq., Écriture, tradition, conciles, pape; l’étude de l'Église, croire ccttc révélation : mais sa foi, quoique semblable à la nôtre par son motif ou objectum formale quo, aurait alors moins fouillée qu’aujourd’hui, l'infaillibilité ct son objet, etc. Aujourd’hui, ces vastes sujets ont quitté différé par Vobjectum formale quod, qui n’aurait pas le traité de la fol et constituent des traites à part. Voir été Dieu dans scs mystères. Elle aurait donc été d’une Conciles, Église, Pape, Symiioles. A propos de autre espèce que la nôtre; ct même, à proprement l’objet matériel de la foi, on abordait aussi l'histoire parler, n’aurait pas été un acte de vertu théologale, du moins dans le même sens. C’est l’opinion de saint de la révélation dans l’Ancien ct le Nouveau Testa­ Thomas : il rattache au mystère divin, comme à leur ment; comment la révélation s’est accrue peu à peu objet propre, nos trois vertus théologales : « L’objet avant Jésus-Christ, ct surtout par son enseignement des vertus théologales est Dieu lui-même ...en tant et celui de scs apôtres; comment au contraire, après la qu'il dépasse la connaissance de notre raison. » Sum. mort des apôtres, il n’y a plus de nouvelle révélation 383 FOI publique, voir col. 146, plus d’accroissement d’arti­ cles, cl ks articles de foi ne font plus que s’expliciter davantage. Voir Révélation· Une autre question préoccupait les scolastiques à propos de l'extension plus ou moins grande de l’objet matériel de la foi : c'était de savoir si, dans un syllogisme où seulement Vunc des deux prémisses est une vérité de fol divine, la conclusion est elle-même une vérité de fol, un objet matériel de la foi; si l’on peut dire que Dieu a eu l’in­ tention de la révéler en révélant les prémisses de fol. Ccttc question particulière, difficile ct controversée, ct qui demanderait des précisions ct des distinctions, n’est pas nécessaire pour l’cnscmblc de la théorie de la foi, ct c'cst pourquoi nous pouvons l’omettre, d'autant qu’elle sc rattache à la question du développement du dogme, que l’on a coutume de traiter à part aujour­ d’hui. Voir ccttc question dans Mazzclla, De virtu­ tibus infusis, Rome, 1879, prop, xx, p. 243-268; Billot, De virtutibus in/usis, 2· édit., Rome, 1905, thés, xii, xiii, p. 258-272; Pcsch, Prælectiones dogm., 3· édit., Fribourg-cn-BrIsgau, 1910, t. vin, prop, xv, p. 118-126. Voir ici Explicite et implicite, t. v, col. 1869, 1870; Dogme, t. iv, col. 1576, 1577, 1611-1647. Voir, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catho­ lique, l’art. Dogme, col. 1144,1145. 4° En quoi consiste, pour la foi, la souveraine appré­ ciation de son objet, — C’est une propriété commune aux vertus théologales d’apprécier leur objet par-des­ sus tout, comme il le mérite, cct objet étant Dieu. On dit de l'acte de ces vertus, qu’il est apprêtiative sum­ mus, qu’il adhère à Dieu super omnia, qu’il pré/ère Dieu A tout. 11 y a une certaine ambiguïté dans le mot • préférer » : la préférence de l’esprit, ct celle du cœur. Voir Espérance, t. v, col. 646; cf. col. 616. Il ne fau­ drait pas, sous prétexte que la foi est un acte intellec­ tuel, s’arrêter A une préférence de V es prit, à un juge­ ment qu’on pourrait appeler « d’exccllencc » ou de « préférence », par exemple : « L’autorité de Dieu comme témoin est plus infailliblement liée aq vrai que tout autre moyen de connaître; les vérités révélées sont plus sûres que toutes nos vues personnelles et toutes les autorités humaines. » Nous n'avons garde de contester la vérité d’un pareil jugement, que nous avons nous-même prouvée plus haut, col. 331 sq., ni sa nécessité pour préparer les voles à la volonté : il doit être considéré comme faisant partie des · jugements de crédibilité » requis pour diriger la marche de la volonté dans la fol. Mais si l’on se bornait à cc juge­ ment, l'acte de fol n'aurait pas tout cc qu'il lui faut pour être appreliative summus, pour préférer à toute chose le Dieu véridique, comme c’est de l’essence de la foi d'après saint Thomas : De ratione fidei est, ut Veritas Prima omnibus pneferatur, Sum. thcol., II* II·, q. v, a. 4, ad 2··. 11 faut y ajouter une préférence de la volonté, comme dans les autres vertus théologales. De meme que la charité préfère l'amitié divine A tout cc qui peut la détruire cn nous rendant ennemis de Dieu, c’est-à-dire est prête à sacrifier tout cc qui la détrui­ rait; de même que l’espérance préfère le bonheur ineffable, qu’au ciel on trouvera en Dieu, à tout autre bonheur qu'elle est prête A lui sacrifier, ne désespère pas d’y atteindre un jour ct compte pour cela sur le secours divin plus que sur les forces de l’homme dont elle sc dé île, voir Espérance, col. 6*17,648, de même, dans la fol, la volonté est prête à écarter l'intelligence de tout ce qui viendrait contredire la révélation divine, à le faire rejeter comme faux par le seul fait de l’op­ position à cette révélation bien constatée. C’est non seulement, par un jugement, reconnaître en principe l’excellence de la parole de Dieu, mais encore la choisir en pratique comme le critère qui tranchera tous les conflits avec la prétendue science, comme la norme qui dominera tout dans notre intelligence, la grâce 384 aidant. Ainsi le super omnia so précise, cl sc ramène, dans l'ordre de la volonté ct de la pratique, .A super omnia contraria. Qu'on doive l’entendre ainsi, c’est cc qu’il est facile de montrer par les raisons ct les auto­ rités suivantes. 1. Quand un théologien fait la théorie de l’acte de foi, il ne doit pas la tirera priori de son cerveau, mais il doit avant tout utiliser les éléments qui lui sont fournis par les documents positifs de la révélation ct de l’Égiisc. Or nous savons déjà, par ces documents, que tout fidèle doit avoir ccttc résolution générale, ce ferme propos, de préférer cn cas de conflit les vérités révélées A tout ce qui pourra les contredire. Voir col. 329 sq. Une résolution générale est une disposi­ tion de la volonté, qui se prépare d’avance A faire tou­ jours son devoir : et le devoir de la volonté, dans la foi, consiste A appliquer l'intelligence A ceci, A la dé­ tourner de cela, A supprimer les doutes imprudents en supprimant les sophismes déraisonnables, etc. Voilà donc un élément volontaire de la fol qui nous est fourni par les documents positifs; il sc rapporte évidemment, de sa nature, au super omnia, A la sou­ veraine préférence que nous devons donner A l’objet de la fol : il faut donc s'en servir pour expliquer le saper omnia. Si dans ccttc explication on le laissait de côté, on ferait œuvre, non pas de théologien, mais de constructeur de systèmes a priori, 2. Si l’on réduisait le super omnia, dans la foi, A un ■ jugement d’excellence », le super omnia sc rencontre­ rait même chez les hérétiques les plus coupables. Car, cn général, ils reconnaissent théoriquement cc prin­ cipe abstrait de l’excellence du témoignage divin, et des devoirs qui s’ensuivent. N’cst-cé pas un principe évident de la raison, ct que nul ne peut ignorer? Voir Pic IX, encyclique Qui pluribus, Denzinger, n. 1637. Leur faute n’est pas de nier cc principe, mais de priver pratiquement du culte qui lui est dû l’autorité du Dieu qui révèle» en cherchant à sc persuader que tel article qui leur déplaît (et qui, au fond, leur est suffisamment proposé comme révélé) n’est pas contenu de fait dans la révélation. Leur volonté mal disposée, influant A tort sur l’intelligence, ils préfèrent sur un point, à la parole de Dieu suffisamment constatée, leurs vues personnelles ou des autorités humaines ou des doutes imprudents et sophistiques. Et quand on cn est IA sur un point, comment dire sérieusement qu'on est prêt à sacri fler à la parole de Dieu tout cc qui lui est contraire? Dans la disposition d’Amc où ils sont, Il est donc im­ possible qu’ils aient sérieusement ccttc résolution générale, que nous avons prouvée nécessaire à tout fidèle; et par suite il est impossible de dire qu’ils pré­ fèrent, dans toute la force du terme, la parole de Dieu, comme ils sont tenus de le faire, qu'ils en ont une ap­ préciation souveraine, etc. Ccttc appréciation sou­ veraine renferme donc plus qu’un jugement d’exccllence. 3. Parmi les théologiens dont l’attention s’est portée sur cc super omnia et qui cn ont donné l’explication (beaucoup ne l’ont pas fait), nous n’en trouvons point qui aient été assez intellectualistes pour le réduire à un simple jugement de l’intelligence; et nous pouvons en citer plusieurs qui esquissent une explication con­ forme A celle que nous avons donnée. « Les vertus théo­ logales, dit Sylvestre Maurus, sont celles par les­ quelles l'intelligence et la volonté adhèrent à Dieu comme A la fin dernière et A la première règle... Mais adhérer ainsi A un motif, c’est le préférer à tous les motifs contraires. » Si, en effet, dans la fol, nous pre­ nons la révélation comme règle de notre Intelligence, par IA même nous rejetons tout cc qui serait contraire A cette règle. « Par l'acte de fol théologale, conclut-il, telle est donc notre adhésion A la Première Vérité qui I révèle, que nous la préférons A tous les motifs con- 385 386 FOI tralres, et c’est pourquoi saint Thomas dit : De ratione fidei est, ut Veritas Prima omnibus proferatur. » Opus theologicum, Rome, 1687, t. n, q. cxxxix, p. 413. • La fol divine, si clic est vraiment cc qu’elle doit être, dit Kilbcr, est appreliative super omnia divina aucto­ ritati ac revelationi graviter opposita... Son assenti­ ment présuppose une volonté efficace de captiver et de soumettre en tout l'intelligence â la divine autorité qui parle : soit parce que c’est nécessaire pour croire de tout coeur, Act., vrn, 37, soit parce qu'une véritable ct entière captivité de Γintelligence l'exige.! 1 Cor., x, 5.■ Dans la Theologia Wirccburgenxis, Dr fide, n. 221 ; ou dans le Theologize cursus de Mignc, t. vi, col. 594. • Tout acte de foi chrétienne, dit Platcl, implique du côté de la volonté un ferme propos de sc soumettre en lout à la divine autorité suffisamment proposée... De là vient que l'actc de foi chrétienne, commandé par cette pieuse affection dont la portée est universelle..., ne peut sc trouver chez un hérétique formel (hérétique de mauvaise fol) qui nie un article quelconque de la foL Bien qu’il ne nie pas l’infaillibilité de la révélation divine en général, mais seulement que tel article soit révélé..., il fait pourtant injure à la divine autorité : parce que sa négation ne sc produit pas dans des cir­ constances quelconques, mais dans le cas précis où cct article lui a été suffisamment proposé. Par là il fait une grave injure à la divine autorité (non pas cn la niant théoriquement elle-même, mais en éludant pra­ tiquement le culte qu’il lui doit), comme il ferait injure au roi, s’il ne voulait pas sc rendre au témoi­ gnage du roi absent (ou à son ordre), quand il lui serait suffisamment proposé (par un intermédiaire digne de fol, une pièce authentique, etc.). Aussi un tel acte (l’acte de fol d’un hérétique formel sur les articles qu’il lui a plu de conserver) ne peut procéder de ccttc pieuse volonté de rendre un culte suprême à la divine véracité, volonté requise pour l’assentiment surnaturel de foi chrétienne, ct qui donne à Cade de foi d’être ex loto corde ct super omnia. » Synopsis cursus theol., Douai, 1706, part. Ill, n. 267 sq., p. 277. « On ne peut faire un acte de foi divine (salutaire et surnaturelle), avait déjà dit Lugo, qu’en vertu de la volonté universelle de soumettre son intelligence à la foi. C’est faute de ccttc volonté qu’il ne peut y avoir un acte de foi divine dans l’hérétique (formel) même sur les autres articles de foi qu’il croit. » Disput., t. n. De fide, disp. XX, n. 186, p. 50. Et c’est la raison pour laquelle cct hérétique perd la vertu infuse de fol, désormais inutilisée par sa faute. 4. Conséquences. — Ainsi notre manière d'entendre le super omnia rend bien compte de ccttc thèse com­ munément admise cn théologie, que l’hérétique formel ne peut faire de véritables actes de fol sur les dogmes mêmes qu’il a conservés ct qu’il reconnaît comme révélés. Tant qu’il cherche à sc persuader, contre la réclamation intime de sa conscience, que tel dogme n’est pas révélé, il ne peut avoir sérieusement le ferme propos universel de soumettre son intelligence à la révélation comme à sa règle suprême; de même qu’un pécheur, attaché à un péché mortel, ne peut avoir sérieusement le repentir des autres ni le ferme propos universel d’éviter tout péché mortel. Cct élé­ ment de volonté défectueuse n’a pas échappé à saint Thomas, quand, traitant ccttc thèse, il dit de l'héré­ tique formel : Inhœret propriæ voluntali... Non est paratus sequi in omnibus doctrinam Ecclesiae, Sum. theol., IIe II», q. v, a. 3; et quand il distingue de ccttc mauvaise disposition la bonne volonté du fidèle, qui paratus est omnia credere. Loc. cil., a. 4, ad Ie·. Voilà la ligne de démarcation nettement tracée entre l'héré­ tique formel ct le vrai Adèle. « Seul, dit l’abbé Mérit, le vrai Adèle accepte avec un Allai empressement toute parole de Dieu, disposé toujours ...à faire de la blCT. »»r T||£oi, CATH. parole do Dieu l’unique règle de ses pensées, de set sentiments ct de toutes ses actions. » Cette vraie fol peut se trouver meme chez les hérétiques matériels, « mutilée, mais vivante dans les âmes invinciblement trompées; enfants ravis à l’Égiise, jetés et retenus de force hors de la maison de famille, mais que la bonne volonté tient unis, sans qu’ils le sachent, à la pensée, à l'amour de leur mère. > Si nous pouvions lire dans les cœurs, < partout ailleurs n'apparaîtraient que de vains simulacres de foi... La foi de tant d’hérétiques ct schismatiques fameux, de tant d’arrangeurs de reli­ gions!... Le monde entier atteste, eux-mêmes con­ fessent, que leur credo d'aujourd'hui n’engage pas celui de demain.. Prétendre que ces penseurs sans frein ni règle ont la foi, une fol comparable à celle des vrais chrétiens, c’est sc moquer ouvertement de Dieu, des hommes et de soi-meme. Pour croire cn chrétien, il faut soumettre entièrement et irrévocablement son intelligence à la parole de Dieu. » La foi, Paris, 1880, p« 44-46. C'est cct élément essentiel de La foi, si l’on n’y prend pas garde, qui peut manquer à la conversion de cer­ tains intellectuels de l’anglicanisme, habitués à décider de tout suivant leurs vues personnelles ou leur caprice, et qui n’ont jamais compris, dans leur milieu parti­ culier d’indépendance spéculative, cc que c’est qu’une règle de l'intelligence ct une autorité doctrinale, même cn Dieu. On cn a vu qui, dégoûtés de leur secte, pris un jour d’une sorte d'engouement pour l’Égiisc catho­ lique parce qu’ils la trouvaient seule logique, se sont convertis cn vertu d’une théorie personnelle, qui leur plaisait cn tant que personnelle. Plus tard, la même mobilité de pensée ct le même attachement à leurs idées du moment les a ramenés au protestantisme. Quelqu’un qui les connaissait bien, un illustre con­ verti de l’anglicanisme, Mgr Croke Robinson, anden fellow d’Oxford, écrit à leur sujet : « Ce ne sont pas des apostasies réelles... Ils n’avaient qu’une conviction intellectuelle. » C’est-à-dire qu’^l leur manquait ccttc humble, entière ct irrévocable disposition de la vo­ lonté, élément nécessaire de la foi. « Ccs gens ne sont pas des apostats, car ils n’ont jamais eu la foi. > Roads (o Rome, collection de souvenirs personnels de plu­ sieurs convertis, Londres, 1901, p. 221. C’est dans le même sens que nous partageons cette théorie du même auteur : « La conviction intellectuelle n’est pas la foi... Il y a des milliers de gens aujourd’hui qui sont Intellectuellement convaincus que, de toutes les sodétés sc prétendant chrétiennes, seule l’Égiise catholique est logique et Inattaquable dans scs articles de foi. Mais ils ne deviennent pas ct ne deviendront jamais catholiques, parce qu'ils n'ont pas La fol... Dieu seul peut donner la faculté de voir dans l’ordre de la grâce comme dans celui de la nature; et jusqu’à cc qu*U la donne, personne ne peut l’atteindre par aucun procédé de raisonnement scientiAque. > Loc. cit. Cc n’est pas que la grâce de la foi ne soit offerte à tous, mais l'orgueilleuse indépendance dont nous avons parlé lui oppose un obstacle absolu. 5. Remarques. — a) Quand nous disons que ccttc « résolution de préférence » est un élément de la fol, nous ne prétendons pas qu’elle doive être renouvelée d chacun des actes de foi. Ce serait mettre à l’acte de foi une condition onéreuse ct restrictive, qui dlml· nucralt forcément le nombre de ccs actes, appelés pourtant à être fréquents dans la vie du chrétien, comme nous le savons par la révélation. Un théologien n’a pas le droit do poser de telles conditions, à moins d’y être forcé par la révélation même ou scs consé­ quences logiques. Or ici, rien ne nous force à exiger, pour qu’il y ail vraiment acte de foi, un renouvelle­ ment actuel de cette disposition d’âme, loties quoties. Une disposition générale de la volonté ne peut-elle VL - 13 387 FOI pas demeurer et exercer une influence virtuelle sur tous les actes de foi, sans être aussi souvent renou­ velée par un acte réfléchi, distinct et pleinement con­ scient? Si ce renouvellement en règle était nécessaire, l’Église devrait en avertir les fidèles, qui n’y pensent pas, et, infaillible gardienne de la foi et de la morale, elle ne manquerait pas de le faire : or elle ne le fait pas. Du reste il y a, comme préludes nécessaires de l’acte de foi, d’autres actes qui n’ont pas besoin, eux non plus, d’etre ainsi renouvelés. Telle la preuve apo­ logétique du fait de la révélation; nous savons confu­ sément qu’elle existe, que nous l’avons vue, mais nous ne h repassons pas dans notre esprit à chaque nouvel acte de fol. il en sera de même de ccttc résolution, qui prélude à l’acte de foi du côté de la volonté. Et en général, tout acte de vertu que l’on ne fait pas pour la première fois, qui est passé plus ou moins en habi­ tude, peut être beaucoup plus rapide, confus et impli­ cite, parce qu’il s’appuie sur des actes précédents de la même vertu, faits plus distinctement, et trouve en eux son point de départ, son explication et sa justifi­ cation. Enfin il faut sc rappeler (pic les fidèles renou­ vellent assez souvent, sous une forme ou sous une autre, la résolution dont nous parlons, par exemple, dans les actes de · foi implicite », lesquels expriment directe­ ment et avant tout ccttc résolution meme. Voir col. 384. — b) La manière qu'avec de grands théologiens nous avons donnée d’entendre dans la foi le super omnia nous débarrasse de questions oiseuses intro­ duites par quelques auteurs qui ou bien ne l’avaient pas comprise ou bien l’avaient oubliée : par exemple, disent-ils, devons-nous préférer les vérités de foi, don­ nées par le témoignage divin, aux préambules mêmes de la fol, donnés par la raison humaine? — Si l’on a compris que le super omnia équivaut à super omnia contraria, la question tombe d’clle-même : car jamais les préambules de la foi, vérités certaines et présup­ posées à la foi, ne seront contraires à la foi ni à la révé­ lation. /v. cbetitude fartioüliêee de la foi. — 1° Élé­ ments caractéristiques de la certitude de foi. — Partant de ce principe que la certitude en général a deux élé­ ments, Γ infaillibilité et la fermeté, voir col. 206, 207, nous avons déjà montré séparément ce que la foi pos­ sède par rapport à chacun de ces éléments. 11 est temps d’en faire le résumé et la synthèse. 1. 1nfaillibilité particulière de la foi. — Nous avons vu que l’assentiment de foi divine doit être surna­ turel, voir col. 362 sq., et procède de ja vertu infuse de foi, quand elle existe déjà clans le sujet, voir col. 368 sq.; que cette vertu a une infaillibilité propre, qui ne lui manque jamais quand elle entre en acte. Voir coL 369 sq. Voilà donc la « certitude de foi » caracté­ risée par une infaillibilité spéciale, à laquelle le con­ cile de Trente fait allusion dans ces mots : certitudine fidei, cui non potest subesse /alsum, sess. VI, c. ix, Denzinger, n. 802. — Objection. — Dans notre acte, une telle infaillibilité nous est invisible, comme est invisible h sumaturalité d’où elle découle. Voir col. 371 sq. Pestant inaperçue, elle ne peut servir à la certitude de notre acte. — Réponse. — Elle ne peut servir à augmenter la fermeté d'adhésion, soit; mais elle n’en est pas moins, par elle-même, un élément de la certitude. Invisible pour nous, cette Infaillibilité venant du surnaturel n’en est pas moins, aux yeux de Dieu qui voit toute la réalité, une perfection de notre acte même, et une perfection qui l’éloigne du faux et le rattache au vrai, par suite, une perfection apparte­ nant à la certitude de cet acte. Dans un acte qui vaut surtout aux yeux de Dieu, comme la fol divine, il faut tenir compte d une perfection que Dieu volt, quand meme la faiblesse de notre vue nous empêche de la voir De plus, vouloir que les éléments de la certitude 388 tombent tous et nécessairement sous la réflexion psychologique, c’cst faire de cette réflexion parfaite un élément essentiel de la certitude, ce qui est faux. Sans doute, une certitude parfaitement réfléchie et contrôlée a de ce chef une perfection accidentelle plus grande. Mais la réflexion parfaite n’est pus un élé­ ment essentiel de la certitude. Autrement, ce qu’on appelle la · certitude directe » ne serait pas vraiment certain. Il faudrait refuser cette qualité, par exemple, à la foi des enfants et des simples, qui ont tant de peine à réfléchir sur leurs actes, ou les obliger à des réflexions qu’ils ne peuvent faire. 11 faudrait refuser le nom de certitude proprement dite à des actes dont tout le monde reconnaît la perfection en ce genre. Par exemple, dit Lugo, « un saint du ciel, qui voit Dieu, a l’acte de tous le plus certain, et cela sans réflexion sur l’infaillibilité de son acte. » Tout à son objet, il ne s’amuse pas à de pareilles réflexions. « Quand nous voyons la lumière, ajoute-t-il, nous sommes certains de son existence sans aucune réflexion sur notre assen­ timent. » Disput., Paris, 1891, t. i, disp. VI, n. 5, 20. Lugo réfute ici Coninck, qui exige comme élément essentiel de la certitude la réflexion sur l'infaillibilité de son acte. De moralitate... actuum supernaturahuin... et de fide, spe ac caritate, Anvers, 1623, disp. NIV, n. 45, p. 247. Ce n’est pas Lugo seul qui rejette cette exigence arbitraire; un peu plus tard, Borrull dit que « ccttc opinion du P. Coninck déplaît généralement, et à bon droit. » Tract, de essentia et attributis Dei, Lyon, 1664, disp. I, n. 65, p. 33. Répondant à une objection semblable à celle que nous avons citée plus haut, les Salmantlcenses disent : · Il n’est pas besoin d’un acte distinct, par lequel on réfléchisse sur son assentiment, quoique cela aussi puisse avoir lieu... Tout ce que prouve cette objection, c’est que la cer­ titude de l’assentiment de fol ne nous apparaît pas complètement; mais elle ne prouve pas que cette cer­ titude (en ce qu’elle a de caché) ne soit pas une pro­ priété de cet assentiment, en tant que dans la réalité il procède de la vertu de foi. » Cursus theologicus, Paris, 1879, t. xî. De fide, disp. II, n. 109, p. 155. 2. Fermeté particulière de la foi. — Nous savons déjà que l’assentiment de fol est ferme. Voir col. 88 sq. Mais en cela, la fol n’a rien de particulier : la science a aussi des adhésions fermes. Ce que la foi, en ce genre, peut ajouter de spécial, d’original, c’cst cette résolu­ tion de persévérance et de préférence, requise d’après les documents de la révélation et de l’Église. Voir coL 383 sq. Cette résolution, nous venons de le voir, est pour la fol un élément volontaire qui contribue essen­ tiellement à son caractère de vertu théologale, en donnant à son acte ce que les théologiens appellent le super omnia, la souveraine appréciation de son objet Cette résolution fortifie évidemment la volonté, et lui donne plus de fermeté contre les défaillances possibles. Mais la « fermeté · de la fol n’est pas seulement dans la volonté, elle doit être aussi dans l’assentiment intel­ lectuel, nous l’avons vu. Peut-on montrer que la réso­ lution dont 11 s’agit donne de la fermeté à cet assenti­ ment lui-même? Oui : mais pour le montrer, il faut distinguer d’abord, dans la fermeté d’un assentiment intellectuel quelconque, deux éléments qne nous n’avons pas eu l’occasion de distinguer encore. — a) Élément négatif : absence de doute. C est l'élé­ ment que nous nous sommes contentés de considérer, quand 11 s'agissait vaguement et en général de la fer­ meté d’adhésion : l’exclusion du doute suffisait à la faire reconnaître. Voir col. 88, 206. Nous n’avions pas alors à distinguer des degrés positifs dans la fermeté d’adhésion. Maintenant nous devons compléter la théorie de cette fermeté. — b} Élément positif. — 1 a simple absence de doute, élément purement négatif, ne suffit pas · autrement une pierre, qui ne doute pas, 889 FOI aurait la fermeté de la certitude; celui qui ignore com­ plètement une vérité n’est pus en doute a son sujet, il aurait donc la certitude; et autres conséquences ab­ surdes. 11 faut donc un acte positif qui exclue le doute, ou bien une · détermination totale » de l'intelligence par son objet, ou bien une · adhésion totale » donnée à l’objet, autre formule dont sc sert saint Thomas pour exprimer ce qu’il y a de positi/ dans la fermeté de l’as­ sentiment. Voir col. 92. Le doute est ou n’est pas : il n’y a pas là de degrés. Mais un acte positif, même une connaissance, peut avoir des degrés, au moins d'inten­ sité. En face d’une même vérité admise sans aucun doute, le sujet pensant peu tse comporter d’uncmanlérc tantôt plus énergique et plus vive, tantôt plus lan­ guissante et plus effacée, comme il arrive dans des mo­ ments de distraction ou de fatigue. Distrait, il y a des choses que nous voyons sans les voir, que nous enten­ dons sans les entendre : de même, il y a des jugements certains, mais languissants et comme paralysés, qui ont l’inconvénient de rester sans influence sur les passions, sur la volonté. 11 y a au contraire des assen­ timents de l’esprit vifs et dégourdis, qui ont une effi­ cacité prenante pour émouvoir le cœur. Niercmbcrg. De arte voluntatis, Paris, 1639,1.1 II, c.xxxvin, p. 235, 236. De plus, si une vérité est plus vraie qu'une autre (comme l’admettent saint Thomas, Quxst. disp., De virtutibus, q. n, De caritate, a. 9, ad Ie®; Suarez, Meta· phys., disp. IX, sect, i, n. 24), cela peut servir à expli­ quer pourquoi il est raisonnable d’adhérer davantage à des vérités plus vraies, en tout cas plus fondamen­ tales et plus importantes, comme sont les vérités de foi. Secundum quod contingit esse aliquid magis verum, sic etiam contingit aliquid magis credere, dit saint Tho­ mas. Loc, cit. Mais quand meme on ne voudrait pas admettre de degrés dans la vérité objective, on serait obligé d’en admettre au moins dans la certitude sub­ jective, et en particulier dans la fermeté d’adhésion. Voir Lugo, Disput., L i, De fide, disp. VI, n. 28, p. 349; Salmanticcnscs, Cursus theologicus, L xi, De fide, disp. II, n. 106, p. 153; et ce que nous avons dit de l’accroissement de la fermeté des croyances par l'ha­ bitude, voir Croyance, t. ni, col. 2370, par l’imagi­ nation et l’action, col. 2373, 2374, et la réfutation de Locke, col. 2390, 2391. Cela étant, quand un homme prend la résolution de persévérer dans la foi jusqu'à la mort, de rejeter tout ce qui viendra contredire son objet, de faire ainsi des vérités révélées la régie suprême de son intelli­ gence, il est impossible que par le fait meme il n’atta­ che pas davantage son intelligence aux vérités révé­ lées dont elle était déjà convaincue, et que ce ferme propos de la volonté n’ait pas un contre-coup dans la fermeté de l’esprit lui-même. N’y a-t-il pas harmonie, sympathie entre nos facultés? L'expérience ne mon­ tre-t-elle pas que, si quelqu’un, ayant grande idée d’une théorie philosophique ou scientifique, et la considérant comme la clef de la science, s’y affeo tienne particuliérement et veut en faire la base de scs travaux, alors son intelligence même arrive à y adhérer bien plus fortement? Le signe manifeste do celle adhésion spéciale, c'est qu’il est extrêmement difficile de lui enlever ccttc théorie de la tête. Dans la fol divine un phénomène semblable sc produira, et non pas comme un simple accident, comme le caprice d’un Individu, mais comme une condition nécessaire cl imposée à tous les vrais croyants. Il n’y a pas seule­ ment, alors, un accroissement purement accidentel et quantitatif de fermeté dans la certitude de la foi, comme celui que décrit si bien saint Thomas. Sum. theol., II· Π», q. v, a. 4. En vertu de cette · résolution de préférence » prise par le fidèle, un caractère spéci­ fique nouveau est donné à sa certitude de fol : elle devient souveraine, super omnia, et cela non pas scu- ô90 lement pour un acte passager, mats d’une manière générale et définitive. 11 en est un peu comme de cette valeur spécifique que les vœux perpétuels de religion ajoutent à l’observation des conseils évangéliques : la certitude des vérités révélées acquiert une valeur toute spéciale, si clic résulte non pas de bonnes dis­ positions morales quelconques, mais de celte réso­ lution générale par laquelle un chrétien sc consacre au culte de la parole divine, en lui donnant volontai­ rement la première place dans son esprit et en lui sacrifiant tout ce qui viendrait la contredire. C’est d’ailleurs la seule explication possible de ccttc souve­ raine adhésion, de cette fermeté super omnia, que les théologiens exigent dans l’assentiment de foi : on ne peut songer à une intensité vraiment suprême. Qu'cntendrait-on par là? Une intensité finie au-dessus de laquelle on ne pourrait rien concevoir? Absurdité. L’intensité la plus grande que dans les circonstances données puisse réaliser l’effort du sujet? Mais prati­ quement nous ne pouvons mesurer cet effort relative­ ment suprême, et Dieu n'aurait pu nous en faire un précepte sans nous jeter dans des anxiétés de con­ science; et puis une telle manière d’agir par un su­ prême effort, au milieu des difficultés et des obstacle' qui nous entourent, cl dans un acte destiné à être sou­ vent répété comme est la fol, une telle manière d'agir, même avec la grâce qui nous est offerte, ne serait pas humaine, ne serait pas proportionnée à notre condi­ tion ici-bas. Voir Esparza, Cursus theologicus, Lyon, 1685, t. i. De virtutibus theologicis, q. iv, a. 6, p. 582. Aussi tient-on communément, en théologie morale, que les actes de charité, de contrition, etc., doivent être super omnia appretiatioe, mais non pas super omnia intensive, 2° La loi est plus certaine que la science. — Cette thèse, commune parmi les théologiens, fait l’effet d’un paradoxe. Quoi ! La foi obscure, plus certaine que la science avec son évidence lumineuse! La foi, que l'on peut abandonner par apostasie, plus certaine que la science dont il est impossible de douter et de sc séparer l — Précisons le débaL On ne prétend pas que la foi soit plus évidente que la science, on prétend qu’elle est plus certaine. La certitude n’est pas l’évidence, et l’évidence (parfaite) n’est pas une condition essen­ tielle de la vraie certitude; il y a une certitude inévi­ dente, qui est pourtant une certitude digne de ce nom. Voir col. 207-209. Quand un jugement de la science brille d’une évidence parfaite, on est forcé de le reconnaître, on éprouve l'impossibilité de douter; et cette évidence parfaite, dans bien des cas, ne s'as­ sombrit jamais; de là, pour ces convictions scienti­ fiques, une persévérance qui va de sol, un avenir assuré. Dans la fol la persévérance ne va pas toute seule, par une sorte de mécanisme fatal; il y faut de bonnes dispositions morales qui sc continuent, et de libres efforts. Voir col. 279 sq. Ainsi la science aurait plus de fermeté que la foi, si par « fermeté » on enten­ dait la fermeté habituelle, que l’on nomme plutôt « constance, persévérance » : constance inébranlable dans la conviction, persévérance pour tout l’avenir. Mais il ne s’agit ici que de la fermeté actuelle, qul-exclut le doute pour le présent, quoi qu’il en soit de l'avenir. Notre thèse, en effet, no regarde que la certitude actuelle : comparant acte à acte, assentiment de foi à assentiment de science, elle prétend que le premier est plus certain. C’est ainsi qu’elle e^t comprise en géné­ ral par les théologiens. Pour la bien juger, il faut donc comparer entre eux ces deux assentiments, du double point de vue de Ylnlaillibllité et de la fermeté, éléments essentiels d’un acte vraiment certain. 1. Comparaison quant à l'infaillibilité. — Si l'on prenait dans son ensemble une science humaine, une science qui se fait, on y trouverait des hypothèses, 391 FOI 392 constatée, et, en plus, l’infaillibilité surnaturelle que des explications seulement probables, qui n’ont aucune nous avons développée plus haut. Ainsi la supériorité infaillibilité; 4 Ton prenait dans un individu l’ensemde la foi deviendra encore plus incontestable : deux bit des convictions naturelles qu’il est habitué à regar­ infaillibilités valent mieux qu’une. « Plus il y a de der comme certaines, on devrait en reconnaître a raisons qui déterminent l’acte à la vérité, dit Pierre prion un bon nombre comme suspectes dans leurs Hurtado, plus grande est la certitude. · Universa origines diverses et invérifiables : à cc titre on pour­ philosophia, Lyon, 1624, p. 573. rait prouver une supériorité du côté de l’ensemble des 2. Comparaison quant à la fermeté, — Dans l’acte vérités de foi. Voir col. 370. Mais nous sommes mainte­ de foi, comme dans l’assentiment de science, il y a une nant dans une autre question. Nous ne devons pas adhésion ferme de l’esprit. Voir col. 88 sq. Que dans comparer ensemble à ensemble, mais acte à acte; et, l’acte de fol cette fermeté soit due en partie à l’in­ laissant de côte les hypothèses et autres éléments de fluence de la volonté, c’est une pure question d'ori­ moindre valeur qui sont dans les sciences humaines, gine, qui n’atteint et n’atténue en rien la fermeté en nous entendons par « assentiment de science · un juge­ elle-même. Cf. Wilmers, De fide divina, Hatisbonne, ment scientifique parfaitement évident : car c’est là 1902, p. 179. Que, par la suite, des doutes puissent ce que les scolastiques, auteurs de la thèse, entendaient s élever plus facilement sur le terrain de la foi que par actus scientiir, c’est là cc qu’ils comparaient à sur celui de la science, cela ne diminue en rien, la l’acte de foi. Nous reconnaissons donc l'infaillibilité fermeté actuelle de la fol, la seule que nous ayons à con­ de cc véritable assentiment de science. Voyons main­ sidérer ici : de même qu’une rechute d’un pénitent tenant celle de l’acte de foi. Si c’est le véritable acte de dans l’avenir n’cmpêchc pas son ferme propos actuel, foi divine, comme le suppose ccttc thèse, a) il a pour « L’assentiment de foi, dit un célèbre docteur de Sor­ objet une vérité vraiment révélée, et s’appuie à bon bonne, Martin Gi andin, peut être triplement envi­ droit sur le témoignage de Dieu; or rien au monde sagé : avant sa production, pendant cl après. 11 peut n’est si lié à la vérité, si éloigné de l’erreur, si infaillible se faire qu’il y ait doute avant ou après la production en un mot que le témoignage de Dieu; la foi lient de l’acte, mais non pas au moment meme où il sc pro­ donc de son motif propre une infaillibilité plus par­ duit... Or le doute qui précède, ou qui suit, ne diminue faite que celle de la science; b) l’assentiment est sur­ pas la certitude, à proprement parler. » Opéra, Paris, naturel, donc infaillible; rien ne dépasse autant, en 1710, t. m, p. 100, 101. Quand on considère précisé­ ccttc vie, la faillibilité naturelle de la créature, rien ment la fermeté d’un acte, on n’a pas à considérer n’assimile mieux à 1 infaillibilité divine que la vertu l’état différent d’esprit qui a pu précéder, ou celui qui infuse de foi, préparation de la vision béallfiquc. Voir pourra survenir. L’absence de doute est donc égale col. 3G9 sq. L’acte de foi tient donc de son principe dans l’assentiment de foi et dans celui de science : elle surnaturel, de son entité surnaturelle, une infaillibilité n’a pas de degrés. Mais on peut considérer dans la transcendante, plus haute que celle de la science, et fermeté un élément positif qui a des degrés, nous l’a­ identifiée avec lui d’une manière plus intime. vons vu tout à l’heure. Et de cc côté-là, on peut sou­ Voilà comment, du côté de l’infaillibilité, la foi est tenir que la fol l’emporte sur la science. C’est l’avis de plus certaine que tout assentiment naturel; cc qui sc saint Thomas dans ce passage : « La fol, quant à la vérifie également bien dans la fol des simples. Si l’on fermeté d'adhésion, a une plus grande certitude que recommence à objecter que ccttc infaillibilité nous la science ou l’intelligence (intuition immédiate), reste Invisible, nous répondrons de nouveau que cc quoique, dans la science et l’intelligence, il y ait une n’en est pas moins une perfection de l’acte aux yeux évidence plus grande des choses auxquelles on adhère.» de Dieu, et une perfection appartenant à la certitude. In IV Sent., 1. Ill, dlst. NX 111, a. 2, sol. 3·. Cf. Quast, S’il s’agissait ici à'apologétique, un élément de certi­ disp., De veritate, q. xiv, a. 1, ad 7um. On peut justifier tude ne compterait qu’autant qu’il pourrait être con­ cette assertion, si l’on tient compte de la résolution staté par un autre moyen que par la révélation ellede préférence, acte de la volonté, mais qui a un contre­ même. Mais la thèse des théologiens que nous avons ici coup sur la fermeté même Intellectuelle de la foi. C’est à expliquer n’a pas la prétention d’être pratiquement ainsi que saint Bonaventure procède : « SI nous regar­ utilisée en apologétique : elle est purement spécula­ dons la certitude d'adhésion, dit-il, la certitude de la tive, déduite de la révélation, et ne sert qu’à donner à foi est plus grande que celle de la science : la vraie foi ceux qui croient déjà une plus haute et plus complète fait adhérer le croyant à la vérité qu’il croit, plus idée de leur acte de fol, en le prenant adéquatement qu’une science ne fait adhérer à son objet. Un signe avec tous scs éléments, visibles et invisibles. L’apolo­ gétique, elle, ne tiendra compte que d’une seule infail­ de cela, c’est que les vrais fidèles ne peuvent être ame­ nés ni par raisonnements, ni par tourments, ni par libilité, de celle qui peut sc constater par la critique promesses à nier, même extérieurement cl en appa­ des meilleurs motifs de crédibilité, reconnus d’une valeur infaillible comme preuves des préambules de la rence, la vérité qu’ils croient. Au contraire, un géo­ foi. Cette infaillibilité, quoique n’étant pas essentielle mètre serait insensé, qui souffrirait la mort pour un à l’acte de fol, puisqu’elle manque chez beaucoup de théorème de géométrie. Un vrai fidèle, qui posséde­ rait à fond la philosophie, aimerait mieux perdre toute fidèles, est nécessaire à l’apologétique et en cc sens est une propriété importante de la fol. Et nous avons sa science, qu’ignorer ou nier un seul article de foi, même le droit de la considérer dans la thèse présente, tant il adhère à la vérité qu’il croit. » In IV Sent., I. 111, qui est une comparaison de valeur entre la fol et la dlst. XX111, a. 1, q. iv, dans Opéra, Quaracchi, 1887 science. Une telle comparaison doit se faire d’une t. m, p. 481,482. Ajoutez que ccttc fermeté souveraine manière équitable. Nous prenons la < science » à son est aidée par la grûcc, secours qui manque à la science plus haut point de perfection Intellectuelle, dans son naturelle. Ainsi il y a au moins compensation, du côté résultat le plus parfait, qui est l’assentiment certain de la foi, pour h fermeté plus facile et toute spontanée sous la lumière de l’évidence. Il est donc juste de que donne l’évidence parfaite, dans la science. prendre ausJ la foi dans son acte le plus pariait Intel­ 3. Conclusion. — La supériorité de la foi est très lectuellement, c’est-à-dire dans le cas où ses motifs de claire du côté de rinfailllbilité; moins claire du côté crédibilité sont d’une valeur absolue, et bien saisis de la fermeté, mais au moins la foi de cc côté-là n’est dans toute leur valeur par la raison du croyant. Si l’on pas inférieure. La thèse commune des théologiens est prend cet acte-là comme terme de comparaison avec donc solide; car, pour la Justifier, il n’est pas nécessaire la science, il aura, comme l’assentiment de science, de prouver que la foi l’emporte sur la science pour une vraie Infaillibilité naturelle et rationnellement chacun des éléments de la certitude : il suffirait que 393 FOI pour rinfailllbilité clic remportât très notablement comme nous l’avons prouvé, et que pour la fermeté elle fût à peu près égale. C’est peut-être l’idée de saint Thomas dans la Somme théologique, il» H·, q. iv, a. 8. La distinction qu’il y lionne en disant que la foi a une certitude supé­ rieure, secundum causam suam, et non ex parte sub· fecti, n’est pas très claire : elle a été diversement Inter; rélée. B a fiez en fait la remarque : Ego tamen crediderim quod est maxima irqiiivocatio in eo quod dicitur, ex parte subfecli, et quoad nos. Commentaria in I/·« //*, Douai, 1615, q. iv, u. 8, conci. 2·, p. 220. Suarez dll aussi : Distinctio est obscura, et sano modo interpretanda, ne aliquid /alsum contineat. De fide, dlsp. VI, sect, v, n. 12, dans Opera, Paris, 1858, t. xn, p. 182. Cf. Snlinanticcnses, Cursus theologicus, L xi, disp. 11, n. 116, 117, p. 159, 160. (jCLz Liberté et obscurité de l\ foi. — Dans ccttc double question fort difficile, nous suivrons cet ordre : 1° documents positifs sur la liberté de la fol; 2° conclusion théologique certaine : Il faut admettre dans la foi une liberté spéciale qui n’existe pas dans la science; 3° l’évidence Irrésistible des oréambuics. evidentia attestants, est-elle contraire a ccttc liberté spéciale de la foi? 4° systèmes sur la liberté de la fol; 5° documents positifs sur l’obscurité de la fol; 6« con­ clusion théologique certaine : il faut admettre dans la foi une obscurité spéciale qui n’exlstc pas dans la science; 7° systèmes sur l’obscurité de ia fol; 8« con­ troverse célèbre : peut-on avoir simultanément sur un même objet la science et la fol? 1° Documents positifs sur la liberté de la foi. — SI nous prenons la liberté de la fol d’une manière géné­ rale et un peu vague, sans entrer encore dans aucune explication théologique, nous la trouvons affirmée : 1. par l'Écriturc: 2. les Pères; 3. les conciles, en sorte que nous pouvons la regarder comme une doctrine de foi, et de foi définie. 1. L* Écriture. — < Prêchez l’évangile à toute créa­ ture. Celui qui aura reçu la foi et le baptême sera sauvé; celui qui n’aura pas cru sera condamné. » Marc., xvi, 15, 16. · Celui qui croit en lui n’est pas Jugé; mais celui qui ne croit pas est déjà Jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Or voici le jugement : c’est que la lumière est venue dans le monde, et que les hommes ont mieux aimé les ténè­ bres que la lumière. ■ Joa., ni, 18, 19. < Repentez-vous, et croyez A l’évangile. » Marc., i, 15. « Son commande­ ment est que nous croyions en son Fils Jésus-Christ. » I Joa . m. 23. La liberté dont il peut être ici question n’est pas un droit de ne pas faire l’acte de foi salutaire; cc n’est pas ce qu’on appelle parfois liberté morale, plus claire­ ment, libertas ab obligatione. Au contraire, l'Écriturc atteste notre devoir de croire, et nous en fait le com­ mandement ; Croyez. Cc ne peut être qu’une liberté physique, une possibilité physique de ne pas faire cet acte, même quand nous nous déterminons ù le faire. Une telle liberté peut en effet sc déduire des textes cités, et de plusieurs manières, a) z\près la prédication évangélique, les auditeurs sont capables de deux partis opposés, · croire » ou « ne pas croire ». Ils auraient pu préférer la lumière aux ténèbres, « ils ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. » b) Aussi sont-ils rendus responsables, » jugés et condamnés » pour leur mau­ vais choix. Or la responsabilité, la condamnation sup­ posent dans le condamné un délit volontaire et libre, surtout lorsque, comme Ici, le juge est infaillible, c) Le commandement, le précepte divin de croire sup­ pose ccttc liberté de la foi. Les préceptes ne s’adres­ sent qu’aux êtres libres, et pour une chose où ils sont libres, c'est-à-dire pouvant faire ou ne pas faire cc qu’on leur ordonne. On no donne pas ù l’homme qui 391 tombe d’une maison dans la rue, l’ordre de ne pas tomber; à un boiteux, l’ordre de ne pas boiter, pas plus que celui de boiter; parce qu'il ne peut pas faire autrement 2. Les Pères. — a) Leur défense de la liberté de ta foi contre tes gnnstiques. — Ces hérétiques ont été les premiers â attaquer, au n· siècle, la liberté de la fol. par exemple, en disant avec Valentin, un de leurs chefs, qu’il y a parmi les chrétiens des natures supé­ rieures et des natures inférieures, les pneumatiques et les psychiques; les premiers aboutissant par la néces­ sité même de leur nature à la science ou gnose, les seconds à la foi. Ainsi la fol n’était d’après eux que le résultat fatal d’une organisation, d’une nature par­ ticulière. Les Pères de cc temps réclamèrent. · Ce n’est pas seulement dans les œuvres, dit saint Irénée, c'est aussi dans la foi que Dieu a conservé à l’homme son libre arbitre... A cause de (cette liberté de la fol), celui qui croit en lui a la vie étemelle. » Cont. hær., 1. IV, c. xxxvir, P. G., t. vu, col. 1102. Clément d’Alexandrie réfute aussi les gnostiques, et définit la fol « une anticipation volontaire, un assentiment pieux. » Strom., H, c. n, P. G., t. vin, col. 940; cf. col. 941, 961, 964. « Croire et obéir, dit-il encore, sont en notre pouvoir. » Strom., VII, c. ni, P. G., L ix, col. 419. Ce qui ne l’empêche pas de reconnaître en mime temos la nature intellectuelle de h foL Voir plus haut, col. 79. 80. b) Leurs définitions de la fol. énonçant parfois sa liberté. — Non seulement Clément que nous venons de citer, mais d’autres Pères encore font entrer le con­ cept de volontaire. c’est-à-dire de libre, dans la défi­ nition même de la fol. Ainsi Theodoret : « Suivant notre définition, la foi est un assentiment volontaire. » Græcarum affectionum curatio, scrm. i, P. G., L Lxxxiii. col. 815. D’après saint Bernard, la foi est • un avant-goût volontaire et certain de la vérité qui n'est pas encore manifestée (au ciel). » De considera­ tione, 1. V. c. nu P. L.. t. clxxxii. col. 791. Or on ne fait entrer dans une définition que des éléments essen­ tiels : ccs Pères regardent donc la liberté comme essen­ tielle à la foi. c) liberté de croire, donnée par eux comme condi­ tion ou élément de Pacte de foi. — On cite ordinaire­ ment ce mot de saint Augustin : Credere non potest, nisi volens. In Joa.. tr. XXVI, n. 2. P. L·, t. xxxv, col. 1607. Ce mot dit bien que l’acte de croire suppose comme condition un acte de la volonté, de la partie affective : mais cet acte a-t-il la liberté que nous vou­ lons ici, Ubertas a necessitated Le contexte montre qu’il est seulement question ici de la libertas a co­ actione. Voir Wilmers, De fide, 1902, p. 134. 135. Or, c’est la Ubertas a necessitate qui est requise pour un acte méritoire, d’après la condamnation de la 3* propo­ sition de Jansénius. Denzinger, n. 1094. Mais ailleurs, paraphrasant cette liberté par ces mots : « avoir un acte en notre puissance. » ou bien : < le faire ou ne pas le faire, Λ notre choix, » saint Augustin dit : Quarrel aliquis, utrum fides ipsa in nostra constituta sit pote­ state... Hoc quisque in potestate habere dicitur, quod st vult facit, si non vult non facit... Projecto fides in potestate est. De spiritu et littera, c. xxxi, P. L., t. xi.iv, coi. 235. Ceci rappelle la formule de saint Cyprien : credendi vel non (credendi) libertatem in arbitrio positam. Testimonia, 1. Ill, c. ui, P. L., t. iv, coi. 760. d) Leurs assertions sur le mérite de la fol (ce qui sup­ pose sa liberté). — Fides habet obedleniiæ meritum, dit saint Hilaire. In ps. ex vin, lit. x, n. 12, P. L., t. ix, col. 568. Neque enim nullum est meritum fidei. dit saint Augustin. Epist., exciv, ad Sixtum, n. 9, P. L., t. xxxm, col. 877. Il dit encore : Quis dicat eum, qui fam coepit credere, ab illo, in quem credidit, FOI 395 nihil mererl? De prsedest. sanctorum, c. n. P. L., L xuv, col. 962. 3. Les conciles. — a) Le concile de Trente, énumé­ rant les actes qui servent de dispositions aux pécheurs pour obtenir le pardon divin, assigne en premier lieu un acte de foi, qu'il décrit ainsi : Exdtntl divina gratin et adjuti, fidem ex auditu (Boni., x, 17) concipientes, libere moventur In Deum, credentes vera esse, quæ di­ vinitus revelata et promissa sunt. Sess. VI, c. vi, Den­ zinger» n. 798. Excités et aidés par in grâce divine, recevant en eux la foi par l'audition (du témoignage divin qui leur est transmis), ils ont un libre mouvement vers Dieu, et croient Λ la vérité de cc qu’il a révélé et promis. b) Le condic du Vatican, sess. HI, c. in. — A pro­ pos de la surnaturalité de l'acte de fol, nous l’avons dté, disant que cet ae*< «st une œuvre salutaire « par laquelle l’homme rend à Dieu une libre obéissance, en consentant et en coopérant à sa grâce, à laquelle il pourrait résister. » Voir col. 360. La « liberté » est expliquée très nettement par le consentement donné à l’inspiration de croire tandis qu’on pourrait lui résister. C’est le mot de saint Augustin : Suasionibus agit Deus, ul velimus et ut credamus... ; sed consentire vel dissentire proprise voluntatis est. De spiritu et littera, c. xxxiv. P. L., t. xuv, coi. 240. Comparez le concile de Ίrente, sess. Vf, c. v, Denzinger, n. 797, et can. 4, n. 814. c) Le concile du Vatican, can. 5. De fide. SI quis dixerit assensum fidei ch'istianre non esse Uberum, sed argumentis humnnæ rationis necessario produci..., anathema sit. Denzinger, n. 1814. Si quelqu'un dit que l'assentiment de la foi chré­ tienne n'est pas libre, mais qu'il est produit nécessai­ rement par les arguments de lu raison humaine..., qu'il soit anathème. Une erreur d’Hermès est ici visée. Nous le savons par le discours du rapporteur du nouveau schéma : Canon quintus contra scholam Hermesianam, Collectio lacensis, t. vu, col. 87; par le discours du rapporteur des amendements : Quintus canon vindicat libertatem fidei, et quidem contra Ilermesium... Primus error Ilcrmestl erat, quod fides producatur demonstratione scientifica et quidem necessariis, necessario cogentibus argumentis scientiae humanae; ita ut non liber sit actus fidei, sed ut sit actus necessarius. Op. cit., coi. 184. Dans la langue théologique, « nécessaire * est souvent opposé à · libre ». Nous avons cité Hermès, s'efforçant d’abord de douter de tout, et sur chaque point de la religion ne se rendant qu'à « une absolue nécessité de la raison. · Voir col. 282, 283. L’assentiment ainsi arraché par les arguments rationnels était nomme par les hcrméslens « la foi de connaissance » ou foi · pas­ sive ». Ils réservaient la liberté et la grâce pour ■ la foi du cœur », c'est-à-aire la foi vive ou jointe à la charité : seconde erreur,condamnée à la Un du canon 5. Voir la note des théologiens romains, Collectio lacensls, coL 529. 2° Conclusion théologique certaine : il faut admettre dans la foi une liberté spèciale, c'est-à-dire une influence spéciale de la volonté qui n'existe pas dans la science. — L’assentiment de foi est libre, c’est chose définie. Mais quelle est cette liberté? Avant d’en venir aux concep­ tions systématiques, plus précises, mais aussi plus dis­ cutables, il est un point certain sur lequel tous doi­ vent s’accorder, comme étant une conclusion rigou­ reuse des documents positifs. Pour l’établir, nous examinerons : L l’in fluence de la volonté dans la science même; 2. les preuves d’une influence plus grande et toute spéciale dans la fol. 1. Influence de la volonté libre dans la science même. — Nous ne considérons pas ici, sous le nom de «science». 396 les hypothèses scientifiques seulement probables, où Il est trop manifeste que la volonté peut jouer un rôle; nous prenons seulement les démonstrations évidentes, auxquelles les scolastiques réservent le nom de « science » et où il semble que la volonté n’ait rien à faire; et nous disons que, même dans l’étude de la géométrie, par exemple, il y a une influence légitime de la volonté sur l’intelligence. Elle consiste dans cc fait psychologique qu’on appelle Vattcntion : la vo­ lonté faisant effort pour appliquer l’intelligence Λ l’étude, et pour l’y retenir. Cette application soutenue est d’autant plus nécessaire que les questions sont plus dlfiiciles, les raisonnements plus longs et plus pénibles. Au milieu du torrent d'images et d’idées qui tend à nous envahir pnr le canal de nos sens extérieurs, au milieu des jeux fantastiques de l’imagination et de la rêverie, notre pensée s’égarerait vers des occupa­ tions plus faciles et plus agréables, si la volonté, attirée par une fin supérieure, ne retenait l’esprit dans la ligne droite de la démonstration commencée, dans les recherches entreprises, quelque fastidieuses qu’elles puissent paraître ù certains moments. Voir Certi­ tude, t. n, col. 2162, 2163. Eu égard à cette influence de la volonté, le travail scientifique, malgré la néces­ sité qui impose scs conclusions, peut justement être considéré comme libre, et par suite comme louable et méritoire, en supposant d’ailleurs les conditions voulues pour le mérite, par exemple, du côté de l’in­ tention. La certitude des résultats dépend elle-même, quant â son existence, de cette influence de la volonté, puisque la conclusion finale serait nulle, si l’on ne s'appliquait pas à la démonstration et si l’on n’allait pas Jusqu'au bout par l’effort de la volonté. Et lors même que l’on a fait autrefois In démonstration entière et qu’on la possède de façon habituelle, si l'on évite librement de la repasser actuellement dans sa mémoire, on peut arriver à douter des conclusions évidentes que l’on avait. Kleutgcn, Théologie der Vorzcil, 2· édit.. Munster, 1871, t. rv, n. 226, p. 432. On voit que cette liberté de considérer les preuves ou de ne pas les considérer influe vraiment sur la certi­ tude de fait qu’on a de la science même. On pourrait ajouter une autre influence de la volonté, quand la certitude d’une vérité est déjà acquise : se complaire dans cette vérité acquise comme en un bien de l’es­ prit, lui donner une place de choix dans nos connais­ sances, la prendre comme point de départ pour d’au­ tres acquisitions, etc. Voir Certitude, col. 2163, 2164. Mais cet attachement particulier de la volonté n’intervient pas dans toute certitude scientifique; c’est pour la science quelque chose de contingent et d’acci­ dentel. On peut donc réduire le rôle essentiel de la volonté dans la science à une influence qui applique l’esprit à considérer ou à ne pas considérer actuelle­ ment l’objet de science, comme le réduit saint Tho­ mas : Consideratio actualis rei scita· subjacet libero arbi­ trio ; est enim in potestate hominis considerare vel non considerare; et ideo consideratio scicntiie potest esse meritoria. Sum. theol., II· II*, q. n, n. 9, ad 2·®. Cette Influence de la volonté est commune à la science et à la foi, puisque la foi suppose elle-même une préparation rationnelle où l’attention est bien nécessaire. Voir col. 171 sq. Mais il faut admettre, de plus, une influence libre qui soit propre à la foi seule. Kleutgen, loc. cit. « lis sont loin de la vérité, dit le P. Pcscli. ccs philosophes qui n’admettent d'autre influence de la volonté sur l'intelligence que celle qui commande une attention persévérante de l’esprit. 1 Une telle attention peut appartenir même aux actes I de la science : mais l’acte de fol possède une liberté I intime qui ne sc trouve pas dans l’acte de science. » I Prirlectiones dogmatise, 3· édit., 1910, t. vm, n. 140, p. 62. en note. kf » 307 FOI 2. Preuves (Tune Influence spéciale de la volonté libre dans ta foi. — a) Ias définitions de Pacte de fol. — Plu­ sieurs Pères ont fait entrer l’élément volontaire dans les définitions mêmes qu’il donnaient de la fol. Voir col. 394. Le concile de Trente en fait autant dans sa description de l’acte de fol comme première dispo­ sition à la justification : libere moventur in Deum, credentes, etc. Voir col. 395. Comparons les définitions qu'en philosophie et ailleurs on donne de la science et de son assentiment : jamais on n’y mentionne cet élément volontaire, sans doute parce que le rôle qu’il peut jouer dans la science parfaite n’est pas aussi intime que celui qu’il joue dans la fol parfaite. b) L'interprétation historique de la condamnation de Hermès sur la liberté de la foi, nu concile du Vatican, canon 5, De fide. Voir col. 395 > Quelle était son erreur, d’après scs propres ouvrages? Niait-il la liberté de l’homme en général? Non. Niait-il la liberté commune à la foi et à la science, la volonté appliquant l'intelli­ gence à l'étude, le fait psychologique de l’attention volontaire? Non : il dit lui-même que, pour arriver aux conclusions de l’enquête philosophique, apolo­ gétique, dogmatique, qui lui a rendu la fol, « il n dû traverser avec beaucoup d'efforts le labyrinthe du doute » où d’autres · refuseraient de s'engager. > Voir col. 282. 11 suppose donc un rôle Important de l’cflort volontaire dans l’étude des préambules, et, en cc sens, dans la foi. Seulement, d’après lui, la volonté n'a pas autre chose à faire qu’à appliquer 1’intelligcncc, d'abord à douter malgré les convictions acquises, ensuite à étudier profondément les raisons de croire, jusqu'à cc que ces raisons produisent « une absolue nécessité (ou détermination) de l’intelligence. » Loc. cit. La foi, d’après lui, est · la persuasion forcée que l'on n d'une vérité démontrée. » Voir les théologiens romains qui le citent, Collectio lacensis. t. vu, col. 529. La foi, pour lui, est produite par des · arguments nécessitants », nôtigenden Grûnden. Voir sur le sens de cc mot l’expli­ cation de l’évêque de Paderborn dans son rapport au concile, ibid., col. 188. Cc que dit Hermès irait très bien à une définition de la science parfaite : mais, quand il s’agit de la foi, cc n’est pas lui donner asset de liberté; là était son erreur. Le concile a donc impli­ citement affirmé, dans cc canon, que la foi doit avoir une liberté spéciale que n’a pas la science. L’a-t-il définie ? On peut penser que non, la «définition » devant être une déclaration explicite. Mcndlvc dit que la doc­ trine · commune et vraie, » c’cst de reconnaître à la fol une liberté spéciale, que n'a pas la science, et qu'il appelle « immédiate » : mais que l'Église ne l’a jamais définie. Institutiones dogmatico-sc holast leæ, Valla­ dolid, 1895, t. iv, n. 66, p. 361. c) Le mérite spécial de la fol. — Il peut y avoir mérite meme dans la science : cc mérite consiste uni­ quement dans la considération que la question, dans l'attention persévérante qu'on lui donne, consideratio scientiæ potest esse meritoria. S. Thomas, loc. cit. Mais l'évidence parfaite met la conclusion scientifique à l'abri des doutes, même imprudents : aucun sophisme ne s’élève contre la conclusion d’un raisonnement mathématique bien vérifié. Dans la foi, outre le mérite de la · considération », il y en a un autre qui n’appar­ tient pas à la sclence,et qui tient nu défaut d’évidence nécessitante. Même après la plus sérieuse considération des motifs de crédibilité, des sophismes peuvent s'élever contre eux, grâce au procédé synthétique et complexe du raisonnement, à la nature des vérités morales et religieuses, qui gênent les passions, à une mauvaise formation ou à un défaut de l’esprit. Voir col. 210, 21L Rien que réprouvés par le bon sens, ces sophismes peuvent être utilisés par une volonté plus ou moins mal disposée. Il y n donc un mérite, bien caractéristique de la fol chrétienne, à combattre cette 3υ« mauvaise volonté, par une volonté droite et pure, qui, tendant Λ un bien supérieur, détourne l'intelligence de ccs vains sophismes, cl coupe ainsi par la racine les doutes qu’ils produisent ou qu’ils produiraient. Voir col. 95, 96. Tandis que la science évidente n’a pas d'autre mérite que de considérer tant qu'elle peut la question sous toutes scs faces, d’aborder 'directement toutes les difficultés, car plus elle voit, plus elle atteint son but, dans la fol, au contraire, l’esprit sous rinilucncc de In volonté ne considère pas certaines objec­ tions sophistiques, et il y a là un mérite que loue saint Paul dans Abraham : Nec considérait... Rom., rv, 19. En face de la toute-puissance divine, les impossi­ bilités physiques, si obsédantes qu’elles fussent pour l’esprit d’Abraham, n’étalent qu’un vain sophisme, qu’il n’y avait pas Heu de considérer, contre lequel la volonté mémo devait réagir, rendant ainsi gloire à Dieu. Voir col. 68, 88. La science, qui par sa nature meme tend louablement à voir le plus qu’elle peut, et qui peut sans Inconvénient laisser sa conclusion scien­ tifique en suspens, s'efforce de résoudre directement les difficultés. La fol, qui n’exige qu’une demi- lumière, et qui ne peut laisser le doute planer sur les vérités auxquelles elle adhère immuablement (voir col. 284286, 300-361), se contente d’une solution indirecte des objections. Voir col. 326. La science aborde la nature intime de son objet, son développement, l'enchaînement de ses causes et de ses effets, le com­ ment et le pourquoi des choses; son but est la con­ naissance intrinsèque, son mérite est d’y tendre. La foi reconnaît que son objet principal est le mystère, qu’elle ne peut voir ni pénétrer; la volonté arrête l’intelligence au seuil du mystère, la force à se con­ tenter de la connaissance extrinsèque, basée sur un simple témoignage. Voir col. 107 sq. De là un mérite spécial, célébré par le Maître : Beaii qui non viderunt et crediderunt. Joa., xx, 29. Et les Pères de l’Église célèbrent cette retenue de la foi, cette obéissance aveugle au témoignage divin : ils l’opposent à la vision, à l’intuition, à l’expérience, à la science, à la curiosité, à la recherche du comment et du pourquoi. Voir leurs textes, col. 112-115. Us disent avec saint Éphrein : · Comme les tempêtes agitent la mer, ainsi une curiosité vicieuse trouble l’âme (en face des mys­ tères).., Comprime l’avidité de savoir et tu sentiras h domination pacifique de la foi. » Tres sermones ex codice Vaticano, serin, u. dans Opera, Rome, 1743, t. ni, syrtace et latine, p. 192. Ils disent avec saint Augustin : « C'est le triomphe de la fol, si ce que l’on croit est invisible : quel grand mérite y a-t-il à croire cc que l’on voit? > In Joa.. tr. LXXIX, n. 1, P. L·, t. xxxv, col. 1837. Avec saint Grégoire le Grand : • La foi n'a pas de mérite, si la raison humaine fournit l’expérience. » Homil. in evangelia, homil. xxvi, n. 8, P. L.9 t. lxxvî, col. 1202. La vraie fol a donc un mérite spécial, qui n'est pas dans la science. Mais de même que le mérite suppose essentiellement la liberté, de meme un mérite spécial suppose une influence spèciale de la volonté libre : il faut donc admettre cette influence dans l’acte de foi. d) I* péché spècial contre la fol. — Il y a une faute commune qui attaque la foi comme la science : c’est la négligence à s’instruire comme on le devrait. 11 y a une faute spèciale contre la foi seule : quand l’objet a été suffisamment présenté à l’intelligence, ce qui ne comporte pas une évidence Irrésistible (voir col. 215217). la volonté libre peut faire refuser l'assentiment; c'est Γ « infidélité » ou « l’hérésie ·, le péché direct contre la fol, déjà étudié par les Pères. Saint Augustin décrit l'hérétique en ces termes : · La doctrine de la fol catholique lui étant manifestée, il a préféré résister, il a ainsi choisi l’opinion contraire qui lui plaisait. » De baptismo cont. donatistas, c. xvi. p. L., t. xun, col. FOI 169. De ce libre choix, αΓρισκ, vient le nom d* « héré­ sie ». On voit combien ce péché spécial contre la foi diffère de celui de négligence. Ci. col. 313, 314. Mais un péché spécial, qui n’existe pas dans l’ordre de la science, suppose, dans l’ordre de la foi, une influence spéciale de la volonté libre. e) Ajoutons l’autorité de saint Thomas, dont le texte est éclairé par ce que nous avons dit : Assensus scienti* non subjicitur libero arbitrio, quia sciens cogi­ tur ad as sentiendum per efficaciam demonstrationis... : sed consideratio actualis rei scitæ subjacet libero arbi­ trio... Sed in fide utrumque subjacet libero arbitrio; et ideo, quantum ad utrumque., actus fidei potest esse meri­ torius. Sum. theol., II· II·, q. n, a. 9, ad 2um. Les raisons scripturaires et patrlstiqucs que nous avons données suffisent à refuter la thèse contraire de plusieurs protestants anglais. Ils soutenaient, plutôt au siècle dernier qu'aujourd'hui, que la foi chrétienne, étant intellectuelle, est absolument involontaire : que personne n’est responsable de croire quand il croit, de douter quand il doute, puisqu'en tout cela 11 est déterminé par ce qui lui apparaît. Voir Croyance, t. nr, col 2379, 2380; et, pour la réponse aux objec­ tions philosophiques d’un tel intellectualisme, col. 2387, 238S. Murray attestait que cette thèse ultraintellcctuallstc était assez répandue parmi les pro­ testante plus ou moins libéraux de son temps, surtout les gens de lettres et les politiciens. De Ecclesia, Du­ blin. I860, t. i, n. 105, p. 51. « Dans la philosophie moderne, disait alors W. ilazlllt, c’est un axiome que la foi est absolument Involontaire. » Literary remains, Londres. 1836, t. i, p. 83. Lui-même combat cet axiome; quant Λ son origine, il note qu'il a été inventé pour combattre plus facilement l’intolérance en matiè­ re de religion et les lois portées contre les hérétiques. 3· L'évidence irrésistible des préambules est-elle con­ traire à cette liberté spéciale de la foi? —Il y a là un pro­ blème très discuté par les théologiens, qui fait serrer de plus près la difllcilc question de la liberté de la fol, et qu’il Importe de résoudre d’abord pour pouvoir comprendre et critiquer les divers systèmes. Par · évi­ dence irrésistible des préambules » nous entendons une clarté nécessitante pour notre esprit de ces deux vérités principales : l’autorité de Dieu, comme témoin, et le fait de son témoignage ou révélation. Ces deux vérités se rapportant au témoignage divin, cette évi­ dence a etc appelée par les théologiens euidentia attestantis ou testificantis (Del). Par rapport à l’objet révélé, on l’appelle euidentia in attestante : car alors le mys­ tère même devient en quelque sorte évident, non pas en lui-même, in se, mais dans celui qui l’atteste, in attestante*, on volt qu’il s’agit Ici, pour le mystère, d’une évidence extrinsèque. Voir col. 99, 100. Elle est pourtant Irrésistible, c’est-à-dire aussi parfaite qu’elle peut l’être dans son ordre d’évidence extrinsèque; elle force Γintelligence à admettre les préambules dont nous avons parlé, et ne laisse place là-dessus à aucun doute, même imprudent. Voir col. 207-209. Sur cette évidence, nous savons déjà qu’on ne peut Vexiger comme condition nécessaire de la foi, ni, parce qu’on ne l’a pas, différer de croire jusqu’à ce qu’on l’ait. Voir coL 215, 21G. Nous savons aussi que généralement elle n existe pas pour les fidèles : soit parce que le fait de b révélation n'est connu d’un grand nombre que d’une manière imparfaite et relative, voir col. 219 sq.; soit parce que chez ceux-là mêmes qui en ont une certitude abwlue et une sorte d’évidence, ce n’est, ordinaire­ ment du moins, qu’une évidence morale, laissant pbee à la résistance et au doute imprudent tant à cause de la nature des preuves de la religion qu'à cause des passions qui attaquent facilement les vérités morales et religieuses. Voir coL 210, 211. Sans doute on pourra dire en un vrai sens que b démonstration 400 apologétique est rigoureuse, scientifique; pourtant elle n’élimine pas absolument par elle-même le doute imprudent. Voir col. 219. De là peut-être, dans les documents ecclésiastiques, lors même qu'ils exaltent les preuves de notre religion, le soin d’éviter de dire qu’elles soient « évidentes », mot que l’usage scolastique réserve à l’évidence nécessitante et irrésistible. Voir col. 189-191, 21 G. Enfin, comme cette démonstration apologétique est un tout très complexe, celui qui l’a eue ne l’a pas toujours entière devant les yeux : donc, en supposant même que le doute imprudent soit impossible sous le foyer de lumière que donne la dé­ monstration complète, il deviendra possible dès qu’un oubli partiel viendra diminuer le faisceau de rayons lumineux. » C’est un fait d’expérience, dit Ulloa, que les théologiens mêmes, qui par profession s’occupent fréquemment de ces questions, souvent n’ont pas pré­ sentes à leur esprit, du moins avec vivacité, toutes les raisons dont l'ensemble constitue le fondement de cette évidence. » Theol. scholastica, Augsbourg, 1719, t. m, disp. III, n. 18, p. 87. Sans doute on peut alors s’en rapporter à ce qu’on a vu autrefois, on y est sufllsa minent autorisé par le bon sens. Voir col. 31G. Mais cette autorisation n'empêche pas un doute imprudent de s’élever parfois dans l’esprit, elle sert seulement alors à le juger déraisonnable et à justifier contre lui l’intervention de la volonté. Tous ces points étant supposés, il reste à examiner les questions suivantes : 1. l’évidence irrésistible des préambules, euidentia atteslantis, peut-elle être admise, au moins à titre d’exception, chez quelques privilégiés? 2. peut-elle sc concilier avec la foi et sa liberté esseâtiellc? 1. L'évidence irrésistible des préambules doit-elle être admise, au moins à titre de /ait exceptionnel?— La controverse à ce sujet s’engagea, au xiv· siècle, à propos de la foi des anges pendant leur état d’épreuve, in via. Durand de Saint-Pourçain avança qu'ils n’ont pas eu la fol proprement dite, parce qu'ils avaient certainement l’évidence des préambules de la fol, et que cette évidence, en forçant l’assentiment, ôte A la fol sa liberté et son mérite. Super Sententias, Paris, 1550, I. Ill, dist. XXIII, q. ix, n. 12, fol. 221. Cf. dlst. XXXI, q. iv, n. 10, fol. 232. La grande majorité des théologiens s’est prononcée contre lui en faveur de la fol des anges, libre et méritoire. Mais en répon­ dant à son objection sur l'évidence des préambules, ils sc sont divisés. Les uns ont nié cette évidence, même chez les anges; les autres l’ont admise, mais ont nié qu’elle fasse tort à la fol. /»· opinion. — Elle ne reconnaît aucun fait d'evidentia atteslantis, ni chez les anges, ni chez les prophètes, les apôtres, la sainte Vierge, les plus grands saints ou les plus savants en apologétique. A la suite du domi­ nicain Victoria, le plus célèbre défenseur de cette opi­ nion fut Battez. Pour mieux soutenir ce manque d’évi­ dence extrinsèque chez les anges, il prétendit que seule ta vision intuitive de Dieu, qu’ils n’avaient pas encore, peut donner l’évidence du fait de ta révélation. In Π*® //», Douai. 1615, q. iv, a. 1, dernière conclu­ sion, p. 224. Comme si le tout-puissant ne pouvait, sans se montrer par ta vision Intuitive, trouver un moyen de faire connaître à l’ange avec évidence qu’il lui parle 1 C’est restreindre arbitrairement ta toutepuissance divine. Aussi Battez n’a-t-ll été imité en ce point-là par personne. Lugo, tout en réfutant cette exagération, suit l’opinion de Battez. Pour lui, aucun miracle ne peut donner une évidence irrésistible au fait de ta révélation ; ta Vierge elle-même pouvait douter de sa conception virginale et de ta révélation liée à ce miracle, parce qu’à ta rigueur un prestige diabolique aurait pu opérer en elle cette merveille; elle aurait donc pu céder à un doute, d’ailleurs imprudent cl cou­ pable; son mérite est de ne l'avoir pas fait, et ainsi ta 401 FOI liberté de sa foi fut sauvée. Disput., t. i, disp. II, n. 22 р. 183. Lugo q entraîné dans cette opinion quelques théologiens de son ordre surtout au xvm· siècle, comme Kilbcr, De fide, n. 210, dans Mignc, Theologi» cursus, t. vi, col. 583; encore au xix·, Fninzelin, De divina traditione, 2· édit., Rome, 1875, Appendice. с. iv, sect, iv, p. 670-672. Bade/, a de même entraîné à sa suite quelques dominicains, comme Serry, qui commence l’étude de la question par ces mots: Mirum, quantum ea de re digladicnlur inter se thomistee no­ strates. iTælcclloncs, Venise. 1742, t. m, De fide,à\sp. 1, prælect. vi, p. 169. Jean de Saint-Thomas hésite et sc contente de donner les arguments des deux opi­ nions avec les réponses qu’on y fuit, Cunus theolo­ gicus, Paris, 1886, t. vu, De fide, disp. Il, a. 2, p. 38. 2· opinion. — Elle admet le fait de V euidentia atleslantis en certains cas, et le concilie avec la liberté et l’obscurité de la foi. Elle est soutenue par un bien plus grand nombre de théologiens. Citons quelques-uns d’entre eux avec les preuves qu’ils indiquent. Au xv· siècle, Dcnys le Chartreux, qui a si bien résumé les grands maîtres du xin·, dit entre autres choses : « Les apôtres n'ont-ils pas su avec la plus grande cer­ titude qu’ils avaient reçu !'Esprit-Saint le jour de la Pentecôte? Paul n'a-t-il pas su qu'il avait été ravi au troisième ciel, et qu’il avait entendu immédiatement de Dieu de secrètes paroles? Et cependant il a eu ensuite la foi. La glorieuse Vierge a su avec une certitude trans­ cendant^ supcrccrtissime, qu’un ange saint lui avait parlé, qu’elle avait conçu du Saint-Esprit et enfanté le Fils de Dieu, qu'elle avait entendu de la bouche de ce Fils les mystères de la fol; cependant elle a eu la foi. » In IV Sent., 1. Ill, dist. XXIV, q. i, dans Opera, Tournai, 1904, L xxm, p. 421. Dans l’école thomiste, Cajétan soutient que les anges in via avalait Vevidenlia atteslantis, et avec cela la foi de la Trinité. In I/·« //■, q. v, a. 1, n. 5, dans l’édition léonine de S. Thomas, t. vm. p. 56. Voir Crédibilité, t. m, col. 2283, 2284. Des prophètes, des apôtres, des évangélistes, il dit ailleurs : Est ex parte humani generis necessarium, necessitate suavis dispositionis qua divina sapientia cuncta ordinat, ut aliqui homines revelalionem de his qu» sunt a Deo sic habuerint, ut certi fuerint evidenter quod Deus hæc revelat, cl ab illis alii quasi discipuli a magistris in­ struerentur, q. clxxi, a. 5. n. 5, t. x, p. 374. Quand Cajétan dériverait cette évidence moins d'un raison­ nement naturel que d’une lumière prophétique, comme le pense le P. Ilugueny, Reçue thomiste, 1909, p. 276, 277, cela Importe peu Λ la question présente; que 1’evidentia atteslantis soit d’origine naturelle ou sur­ naturelle. le fait de l’évidence reste le même, ainsi que In difllculté de la concilier avec la foi libre au donné révélé. Gond donne des faits d'evidentia attestuntis. Clgpeus theologi» thomisticrv, 6· édiL, Lyon, 1681, t. iv, De fide, disp. I, n. 99, p. 231. Sur la question de compatibilité entre cette évidence et la foi.il répond : Afiirmativa sententia in schola D. Thom» communior est. Loc. cit., n. 201, p. 232. Les Salman licenses alllrment en même temps cette évidence et l’acte de fol dans l’ange in via, Cursus theologicus, Paris, 1879, t. xi, disp. III, n. 13. p. 192; dans le prophète, n. 20, p. 196. Ils posent cette thèse, evidentiam in attestante posse componi cum fide rei revelata. Imc. cit., n. 7, p. 189. « Cette conclusion, ajoutent-ils, bien qu’elle ne sc trouve pas chez saint Thomas, est cependant plus conforme ù sa doctrine et ô sa pensée. Aussi estelle plus commune chez les thomistes. ■ Et ils en ci­ tent un bon nombre. Contenson admet la fol avec Vevidenlia in aileslante, non seulement chez les anges in via, mais chez « les saints docteurs qui ont pénétré parfaitement les arguments de crédibilité de notre foi; ceux-là surtout, qui ont fait des miracles nu nom du 4G2 Christ, ou qui ont été témoins oculaires de miracles qui leur donnaient une pleine conviction de l'origine divine de notre fol. » Theologia mentis et cordis, Paris. 1875, t. n. I. VIH, Ik fide, diss. II, c. i, p. 501. Cf. Billuart, Summa, Arras, 1868, L n, De fide, diss. I. a. 5, p. 215. Dais..., dit Scot, potest sic causare notitiam certam absque omni dubitatione, ita quod habens talem noti­ tiam revelatam a Deo non possit dubitare de veritate illius cujusmodi notitiam creditur prophetas habuisse, et multos alios sanclos in Scriptura.., ita quod.., non potuerunt non asscnlire veritati. Il ajoute qu’ils n’a­ vaient pas pourtant « l'évidence de la chose, avec laquelle la fol ne peut subsister. » Ils avaient seulement l’évidence du témoignage. In IV Sent., 1. III, dist. XXIV, n. 17, dans Opéra, Paris, 1894, l. xv, p. 46, 48. Les scotistcs ont entendu leur docteur de l'evidentia in attestante compatible avec la foi. Voir Mastrius, In IV Sent., Venise, 1675, I. III, disp. VI, n. 86, p. 325. A cette objeelion de Lugo, que l’évi­ dence des préambules rendrait évident l'objet même de la foi, Mastrius répond que l'objet deviendrait évident, d’une évidence extrinsèque, mais non pas d’une évidence intrinsèque et ai lui-même. Loc. cil., n. 96, p. 327. Fra&sen parle de même. Scotiis academicus, Home, 1901, t. vin. De fide, disp. I, a. 1, q. vi, conci. 1», p. 479, 480. Gabriel Blcl représentera Ici h branche nominaliste du xiv* et du xv siècle : « On admet, dit-il, que les prophètes, les apôtres et les saints qui ont reçu immédiatement de Dieu la révé­ lation, en ont eu une connaissance d’une telle certi­ tude et d’une telle évidence que tout mouvement de doute était absolument exclu. C’est la thèse du doc­ teur subtil... Cette certitude... leur venait de la révélation divine, aussi n’était-ce pas une science. Il y avait cependant évidence, ce qui donne une cer­ titude égale à celle de la science. » In IV Sent., 1. HI. dist. XXIV, concl. 7·, Brescia, 1574, p. 240. Parmi les théologiens de la Compagnie de Jésus, Tolct cite les paroles de Cajétan rapportées plus haut sur la fol des anges, et dit : Et mihi ita videtur, et est doctrina S. Thomæ. In Summam theol. S. Thomæ enarratio, Rome, 1869, t. u, p. 95. · Nous affirmons deux choses, dit-il ailleurs : a, ordinairement, les fidèles n’ont pas une telle évidence du fait de la révé­ lation...; b, une telle lumière n’est pas impossible; elle a été accordée de fait à quelques-uns. » Op. cit., t. i, p. 23. Suarez admet le fait de revidentia attestantis, soit surnaturelle, soit naturelle. De fide, disp. Ill, sect, viu, n. 2, 3, Opera, Paris, 1858, L xn, p. 68-70. Quant à la conciliation de ce fait avec la foi, Il ne veut pas, sans doute, que « l’assentiment de foi soit fondé per se ac formatiler sur la connaissance évidente de la révélation · ni qu’on puisse le confondre avec la conclusion de ces deux prémisses : « Ce que Dieu révèle est vrai, car il a révélé ce mystère. » Loc. cit., n. 19, p. 76. Mais il admet que Vevidenlia testificantis est compatible avec l’acte de foi, pourvu qu’elle soit · concomitante · et non pas cause propre­ ment dite de l’assentiment, causa per se. Loc. cit., n. 26, p. 78. 11 admet que les anges ont eu cette évi­ dence avec l’acte de foi, disp. VI, sect, ix, n. 2. p. 198. S’il hésite en passant à propos de la foi de la sainte Vierge, disp. 111. sect. vin. n. 7, p. 71, ce n’est donc pas suffisant pour qu’on le cite en faveur de l’autre opi­ nion, comme on l'a fait parfois. Vasquez dit que l’acte de croire quelque chose sur un témoignage évident « n’exclut pas la fol, bien plus, que c’est la foi ellemême, puisqu’elle s’appuie sur le témoignage comme sur son propre moyen de connaître. » In /*■ S. Tho­ mæ, Ingolstadt, 1609, disp. CXXXV. c. ut, p. 157. Cf. In III™, dist. LUI, c. i, n. 5. Son disciple Louis Torrez atteste pour son époque que * le sentiment 403 FOI commun des théologiens est que l’ange a eu l’évidence du témoignage de Dieu. » Disput. (n ID* II·, Lyon, 1617, De fide, disp. IX, dub. n, col. 140. Il admet la même évidence chez Adam, les prophètes, les apôtres, col. 142. Il prouve ensuite que « l'assentiment de foi Infuse subsiste avec Vevidentia attestant is, » col. 147. Coninck en dit autant : « Comme (les apôtres ) devaient non seulement croire très fermement que Dieu leur avait révélé telles vérités, mais encore le témoigner très certainement au monde entier, il était de la plus haute convenance qu’ils eussent cette évidence (du fait de la révélation). » De actibus supernatur.., et fide, etc., Anvers, 1623, disp. XL n. 64, p. 208. Les apôtres lui semblent faire allusion à ce privilège. Joa., xix, 35; Act., îv, 20; I Joa., i, 1. < Les hommes pieux et doctes, tels que furent les docteurs de l’Église, ajoutet-il, en considérant par une longue étude les notes de la foi, en les pénétrant avec soin, reconnaissent par ccs signes la vérité de la révélation avec une si grande certitude et évidence, qu’ils en sont comme convaincus à n’en pouvoir douter. » Lac. cil., n. 68, p. 209. Tanner admet ce privilège comme indubitable pour la sainte Vierge, et très probable pour d’autres, et il ajoute : Actus fidei stare potest cum evidentia altestantis. Ita ex communi..., etsi contrarium dixerit Bannes. Theo­ logia scholastica, Ingolstadt, 1627, t. iit, De fide, disp. I, n. 167, coi. 53, 54. Au xvni· siècle, malgré l'influence de Lugo, on trouve toujours des défenseurs de cette opinion parmi les jésuites, comme Antoine, Mayr, cités pas Pesch, Prrrlectiones, 3· édit., t. vin, n. 150, p. 66. Les théologiens récents la défendent presque tous. Citons Mazzella, De virtutitus infusis, Borne, 1879, n. 720 sq., p. 375 sq.; Naples, 1909, n, 652 sq., p. 331; Mendive, Instil, theol., Valladolid, 1895, t. îv, p. 465, 466; Lahousse, De virtutibus theolo­ gicis, Bruges, 1900, n. 218, p. 280-282; Wilmers, De fide, Ratisbonnc, 1902, p. 216, 217; SchifilnL De vir­ tutibus infusis, Fribourg, 1904, n. 76, 77, p. 122, 124 ; Billot, De virtutibus infusis, 2· édit., Rome, 1905,1.1, thes. xviii, p. 318 sq.; Pesch, loc. cil., et n. 410-417, p. 189-192. Critique des deux opinions. — Les tenants de la première, pour exclure le fait de l’évidence irrésistible des préambules, n’avancent que leurs vues systéma­ tiques sur la liberté ou l’obscurité de la foi. Mais en bonne logique, on devrait d’abord s’assurer d’un fait, indépendamment des systèmes qu’il peut favoriser ou gêner, et non pas plier les faits aux systèmes. Les défenseurs de la seconde opinion, suivant une meil­ leure méthode, étudient la question de fait en ellemême; et parce qu’ils ont de bonnes raisons d'ad­ mettre certains cas d'évident la attestantis, ils les admettent, malgré la sérieuse difficulté qu’ils auront ensuite à les concilier avec la liberté de ia foi. Voici les principales raisons d’admettre le fait, quoi qu’il en soit ensuite des systèmes. — a. La sagesse divine fait tout avec ordre et convenance; or il convenait souverainement que les envoyés divins (prophètes, apôtres) connussent avec évidence que Dieu leur parlait, et fussent abisi dans les meilleures conditions pour rendre témoignage aux autres sur le fait de cette révélation, puisque de leur témoignage dépend toute h foi de l’Eglise; et d’autre part ils ont cru comme nous de fol divine et salutaire. C’est la raison donnée plus haut par Cajétan, Coninck, etc. — b. Il est indécent d’admettre en Marie un doute sur sa con­ ception virginale, comme pouvant être le fait d’une opération diabolique. Voir Pesch, loc. cit., n. 413, p. 190. — c. Les doutes imaginés pour détruire dans tous les cas possibles l’évidence nécessitante des préambules, par exemple, par Lugo et Kllber, toc. cit., mèneraient au scepticisme. Voir Pesch, loc. cit., n. 114, p. 191. Assurément ces théologiens, en imagi­ 404 nant de tels doutes, les considèrent comme impru­ dents, et supposent que les saints les ont bannis de leur esprit par le commandement de la volonté. Assu­ rément aussi, des tentations même de scepticisme peuvent sc présenter à bien des esprits. Voir Choyance, L in, col. 2383 sq. Mais de pareils phénomènes ne sc produisent dans l’esprit humain qu’en vertu d’un état anormal, d’une sorte de maladie passagère. Est-on autorisé à transférer cct état morbide en des Intelli­ gences aussi droites, aussi saines, aussi éclairées d’en haut que celle de la sainte Vierge, ou des apôtres après la Pentecôte? — d. L’apologétique chrétienne et catholique perdrait beaucoup de sa valeur tant célé­ brée par les Pères, les conciles et les papes, si l’on admettait avec la première opinion que jamais ni le plus savant et le plus saint des docteurs de l’Églisc, ni même les thaumaturges et les apôtres, familiers du Christ, n’ont reconnu avec évidence le fait de la révélation chrétienne, ou celui de la mission de l’Église. Voir les documents, col. 189 sq. — e. Outre l'excellence propre des arguments rationnels de l’apologétique aidés de la grâce ordinaire, il y a encore le phénomène mystique d’une lumière extraordinaire donnée à quelques grands saints, en sorte que les doutes, soit contre le fait de la révélation divine, soit contre les mystères les plus ardus, n’avaient aucune prise sur leur intelligence. C'est là un des traits caractéristiques de cette · foi héroïque » dont traite Benoît XIV à propos des vertus héroïques des saints canonisés; par exemple, dans les Actes de la canonisation de saint Pierre d’Alcantara, qu’il cite : « En lui, aucune des certitudes les plus évidentes et les plus claires ne pouvaient atteindre, même de loin, à la certitude qu’il avait de la vérité Infaillible de notre sainte foi, contre laquelle il n’eut jamais de tentation. · De canonlzallone sanctorum, 1. Ill, c. xxin, Opera, Prato, 1830, t. ni, p. 236. Une telle lumière empêche absolument de douter de l'origine divine de la religion : et pourtant l’assentiment est encore la foi, puisque c’est la < fol héroïque ». Dans des âmes mémo moins privilégiées, on rencontre une Impossibilité du moins morale de douter, comme le remarque Arriaga : « Chez beaucoup de catholiques, soit longue conviction des motifs de crédibilité, soit inspirations spéciales de Dieu, 1'aiTcction envers les choses de fol va si loin qu’il leur est moralement Impossible de nier ccs mystères; leur volonté n’est donc pas libre, au moins quant à l’es­ pèce de l’acte. > Disput. theol., Anvers, 1649, t v, disp. XVII, n. 15, p. 248. — /. Quant à l’ange in via, < s’il a eu la certitude du fait de la révélation, dit le cardinal Billot, il a dû en avoir aussi la pleine et par­ faite évidence : car H n’y a pas place dans l'intelligence angélique pour ccttc évidence imparfaite et mêlée d’obscurité (l'évidence morale) dont la cause en nous ne peut être que le mode discursif de l’intellect hu­ main, et l’imagination empêchant par de vaincs appa­ rences que les motifs n’illuminent l'esprit de toute leur lumière intelligible. Dans une intelligence Intui­ tive et séparée de toute matière, 11 n’en peut être ainsi. > Loc. cil., p. 320, 321. Somme toute, la seconde opinion, suivie par un plus grand nombre de théolo­ giens, justifie par de bonnes preuves les faits qu’elle afiirme, et ne part pas seulement, comme l’autre, de vues systématiques. Nous la préférons donc, et nous la supposerons en expliquant la liberté de la fol. Car, à moins de vouloir ensuite sc perdre dans une inextricable confusion, il faut prendre parti dans cette controverse fondamentale. 2. L1 évidence irrésistible des préambules peut-elle se concilier avec la foi et sa liberté essentielle? — Les défenseurs de la seconde opinion l'affirment, et le prouvent de deux manières : a) Indirectement, par les preuves données ci-dessus : les anges, la sainte 405 FOI Vierge, les apôtre*, rtc·, ont dû avoir en même temp* ccttc évidence et In foi : Il doit donc y avoir un moyen de les concilier. Et notez qu’il suffirait d’un seul fait semblable pour pouvoir ainsi conclure: les adversaires doivent donc les réfuter tous, s’ils veulent montrer que cette conciliation est impossible. — b} Directement, en expliquant le comment, en propo­ sant un moyen de conciliation. Mais comme plusieurs ont été proposés, nous renvoyons à l’examen que nous ferons des systèmes sur La liberté de la fol. Un autre fait bien constaté tend Λ montrer aussi la possibilité de ccttc conciliation. C’est cc qu’on peut appeler la foi confuse, ou, comme disent quelques-uns, • subjectivement implicite ». Voici le falL Les pieux fidèles, ignorants ou instruits, · vivent de la foi. » Heb., x, 38, et multiplient ccs actes de foi : souvent ce ne sont pas des actes à part, et nettement formulés, mais à l’état confus, à l’état implicite, contenus dans les actes d’autres vertus qui supposent la foi, par exemple, dans l’acte Intérieur d’adoration qui accom­ pagne une génuflexion devant le tabernacle, dans le regard jeté alors vers Jésus-Christ: comment adore­ rais-je l’hostie consacrée, si la révélation ne m’avait appris et la présence réelle et la divinité du Christ, et si je n’y avais foi? L’expérience montre que le fidèle» alors, n’a souvent pas la possibilité pratique de douter du fait de la révélation, ccttc possibilité que les adversaires de Veoidentia attestants exigent pour la liberté de la foi et vont chercher même dans la sainte Vierge et les anges, afin que l'intelligence reste en suspens jusqu’à cc que la volonté libre la détermine à affirmer plutôt qu’à douter. Pourquoi le fidèle n’a-t-il pas alors la possibilité de douter du fait de la révélation? Parce que, dans cct acte rapide» U ne considère distinctivement ni la révélation, ni à plus forte raison les motifs de crédibilité qui la prou­ vent : 11 prend la présence réelle comme un fait acquis, il sc souvient confusément de l’avoir toujours admise pour une excellente raison qu’il ne saurait préciser en ce moment, mais qui est en réalité le motif spéci­ fique de la foi. Cc motif, avec scs preuves qui rendent la foi raisonnable, est suffisamment visé par cc souve­ nir confus pour spécifier l’acte et en faire un acte de foi divine, et raisonnable en même temps. Voir col. 178. Mais comme il n’est visé (pie sous un concept très rapide et très vague — · l’excellente raison que j’ai eue d’admettre cela et qui me rend certain » — il ne donne pas au doute et à la crainte, formido, le temps ni l’occasion de surgir. Car enfin il faut une oc­ casion et au moins une apparence de preuve à cc juge­ ment qui exprime la formido : < Je suis en danger de me tromper. » Voir col. 95. Où manque tout motif même apparent, l’intelligence est dans l’impossibilité positive et absolue de juger ainsi du moins, hic ri nunc dans le concret : quelle que soit la possibilité abs­ traite qui reste, en supposant d'au/res circonstances que celles qui existent. Dans d’autres circonstances, C'est-à-dire si je considérais distinctement le motif que j’ai d’admettre ici la présence du Christ, si la révé­ lation de l’eucharistie, l’Écrlturc qui La contient, l’Églisc qui la propose, les miracles qui la prouvent, défilaient devant mon esprit, sans parler de la diffi­ culté intrinsèque du mystère qui pourrait me venir à la pensée, la crainte trouverait, ici ou là, l’occasion de s’élever. Mais dans les circonstances présentes l’occasion n’existe pas : j’adore une présence aimée, que je suis accoutumé à reconnaître, comme l’enfant sent la présence de sa mère dans la chambre voisine sans la voir. Ainsi le fidèle, sans même que sa volonté libre ait à intervenir de nouveau pour déterminer un esprit en suspens, va d’emblée à cct assentiment implicite de foi dont bien des actes précédents lui ont raccourci et facilité le chemin, sans oublier la 406 grâce qui l’aide. Dire qu’il ne fait pas alors un véri­ table acte de fol, cc serait rendre beaucoup plus rare l’exercice de ccs vertus théologales, destinées à h vie quotidienne des âmes; un théologien n’a pas le droit d’imposer arbitrairement des conditions aussi restric­ tives de la vie chrétienne. Le cas de la « fol confuse » que nous venons de voir est-il le même que celui de Veoidentla attestantM Pas précisément : celle-ci suppose l’intelligence parfai­ tement éclairée sur le motif de la foi et les preuves qui l’appliquent, au moment où elle va croire; et cc motif intellectuel rend alors toute crainte impossible par la perfection de sa manifestation, tandis que, dans la foi confuse, c’est par l'imperfection même de son apparition qu'il rend le doute impossible. Malgré cette différence, il y a un point commun dans les deux cas : c’est l’impossibilité réelle et pratique de douter dons la circonstance. Or ce point est le seul important dans la question présente de la liberté de la fol, le seul qui amène Baftez et Lu go à rejeter Vevidentia aitestant is. Concluons que. si la liberté essentielle de h foi peut sc concilier avec la foi confuse, elle peut aussi se concilier avec l’évidence parfaite des préambules. L’assimilation partielle entre les deux cas permet de comparer l'apparition du motif dans la foi confuse à une sorte d’évidence, mais plutôt à cette évidence apparente et provenant pour une bonne part d’un élé­ ment négatif, d’une imperfection intellectuelle qui ne saisit pas les difficultés et les raisons de douter, telle que nous la rencontrons surtout chez les simples. Voir Véga, Gormaz, Mayr cités à l’article Croyance, t. m, col. 2373. 4° Systèmes sur la liberté de la foi. — Non seulement il est intéressant de voir les efforts faits en tous sens pour résoudre un problème des plus ardus; mais la question exige d’autant plus une sérieuse étude que dans la plupart des traités et manuels elle se présente d’une manière bien incomplète et obscure. On s’est embrouillé souvent dans les mots; on a pris comme décision de l’Église cc qui n’en était pas. Nous vou­ drions faire le dépouillement des textes et des opinions théologiques sur la question, et fournir ainsi des ma­ tériaux à une étude plus approfondie et à une solution plus éclairée. 1. Système du despotisme de la volonté. — Nous le voyons apparaître dès le xiv· siècle. < Un homme qui n’a pas la fol entend dire à un prédicateur : Il y a un seul Dieu en trois personnes; qui l’aura cru, aura la vie étemelle. Peut-il aussitôt, sans aucune autre évi­ dence de la raison, donner un libre assentiment à cette proposition?... Peut-il, par le seul commandement de sa volonté, croire qu’elle est vraie ou qu’elle est fausse? » En posant cette question, et en soutenant la négative contre des théologiens qu’il ne nomme pas, un célèbre dominicain, professeur à Oxford, Robert Holcot (f 1349), nous apprend qu’il y avait dès lors des défenseurs de cc système qui attribue à la volonté une action absolument despotique sur l’intelligence; on a parfois cité Ockam, /n IV Sent., 1. II, dist. XXV. On voit dans quel sens Holcot nie que « croire soit en notre libre pouvoir. » Super 1V li­ bros Sent, qunstiones, Lyon, 1510, L I, q. i, a. L C (sans pagination). On l’a souvent accusé lui-même d’avoir nié la liberté spéciale de la foi, en cct endroit, mais surtout à l’art. 6, où il résout les difficultés qu’on lui fait. Voir CnéDiniUTé, t. ni, col. 2280, 2281. Il ne donne certainement pas sur cette liberté tous les éclaircissements désirables, et dans scs réponses aux adversaires il va parfois trop loin en sens opposé, comme il arrive dans les polémiques; mais on doit dire à sa décharge que cc qu’il se propose uniquement d'attaquer, c’est un système évidemment outrancier; aussi quelques-uns ont-ils pris sa défense, comme 4ό7 FOI 408 I-ouis de Torrès. Op. dt., disp. XXIX, düb. t, p. 370. droit h SI l’on demande A quelqu’un : Pourquoi croyezDan* Ιλ discussion du dominicain anglais, émaillée do vous A la religion chrétienne plutôt qu’A la religion juitn observationi psychologiques, on trouve, entre de Mahomet? — Il n’asslgncni pas précisément sa Mutrri, cet argument : « Nous ne sommes pas maîtres volonté pour motif, comme chacun peut en faire «le prendre Λ volonté tell·· ou telle opinion. L’expé­ l'expérience; et tous nos théologiens énumèrent rience le prouve : en face d’une proposition qui est pour la foi chrétienne divers motifs de crédibilité,.. Ce pour nous neutre ou douteuse — par exemple : Le n’est donc pas précisément (uniquement) l’acte de 11 volonté, merus acliir, voluntatis, qui l'incline A croire. rai rit assis en c«? moment — nous ne pouvons, sans Voici deux hommes qui ci oient des choses opposées : l'addition de quelque raison, assentir ou dissentir... s’ils n'y sont déterminés que par leur volonté, indifjt* Ajoutez l'autorité d* Vlstote et de son commentateur rente ad hoc omnino judicio vd suasione rationis, on (Averroès), quand Ils distinguent l'imagination rt ne peut dire que l’un soit plus raisonnable que l’autre l'opinion : nous pouvons imaginer à volonté, avec les dans sa foi... Comme dit Albert (le Grand) nu III· livre Images sensibles enregistrées dans notre mémoire; mais De anima, quand h volonté agit ainsi précisément nous ne pouvons opiner A volonté, l’opinion n’a parce qu’elle veut agir ainsi, elle ressemble A un tyran pour objet que cc qui nous npparatt comme vrai. » dans les actes duquel on ne cherche point de raison,.. Et la vérité objective, me me apparente, ne dépend Or tout le monde a coutume de dire de deux personnel pas arbitrairement de notre volonté, ce qui serait qui croient des choses opposées, par exemple, d’un du subjectivisme. Pour le texte d’Aristote, voir chrétien et d'un mahoméhin, que l’un agit raisonna­ CnoYANCi. t nt, col. '2372 Son principe, que In volonté blement et l’autre non. C'est donc que la seule volonté n'a pas un pouvoir despotique sur l’opinion, a été ne détermine pus l'acte de foi; autrement aucun des récemment développé par h P. de Poulpiquct, O. P., deux ne serait raisonnable, il n'y aurait plus dans les L'objet integral de Γ apologétique. Paris, 1912, part. Il, deux qu'un commandement tyrannique de la volonté.· c. r, p. 292 sq. Mais voyons cc qu’en conclut Holcot : Apologia quirstionum, q. vin, De libertate credendi, « Si l’on ne peut par In seule volonté causer en sol l'acte dans Opera, Venise, 1519, feuille i, 2 (sans pagination). d’opinion, dit 11, on ne peut v c iuscr l’acte de fol, et je Voilà qui est clair et orthodoxe. Aussi peut-il citer en­ le prouve. Qui ne peut exécutai le plus facile ne peut suite en sa faveur, non .seulement Holcot et Pierre exécuter le plus dlfticllc : or 11 est plus dllllcllc de d'Ailly, etc., mais presque tous les docteurs qu'il n mettre en sol l'assentiment ferme et sans aucun doute fréquentés A l'université do Paris, jere tota universitas qu'est la fol que l'assentiment chancelant qu’est Padsiensis. Un thomiste célèbre, Pierre d'Aragon, l'opinion · /x>c. dt. dit de cette thèse de Pic : Dane conclusionem acute Vets la fin du xv· siècle, le même argument, tiré probat Picus .\iirandulanus, loe. cit., d est sine dubio de l'opinion, fut repris par Pic de la Mlrandole contre ocra. In //·· II», Venise. 1625, Dr fide, q. ι, η. 1, de non veaux partisans du despotisme de la volonté; p. 17. Le savant Théophile Itaynaud cite avec éloge et lui aussi, comme Holcot, n été trop sévèrement Holcot et Pic de la Mlrandole comme ayant attaqué jugé A lire Denzinger, n. 736, 737 (619), on s’imagine le faux système du despotisme de la volonté. Morulis facilement qu'innocent VIII dans une bulle (exac­ disciplina, (list. H, n. 200, 201, dans Opéra, Lyon, tement, c’est un bref) a condamné distinctement et 1665, t m. p. 281. en particulier la double proposition citée, et mémo Au xvi· siècle, la question reparaît avec Cajétnn. que c’est le pontife qui n donné la note erronea d Scot avait dit : · Si la volonté était la cause (unique) h/rresim sapiens, La vérité est que cette note n'avait de l’acte de croire, et que l’on proposât A l’intelli­ été donnée A In proposition que par les consult curs; gence cet énoncé : Les astres sont en nombre pair que le pape dans son document ne fait pas siennes — sans rien pour le persuader, la volonté pourrait ces notes données par les consultcurs A certaines pro­ ordonner A l'intelligence de croire que les astres sont positions déterminées; qu’il ne cite même aucune en nombre pair ; cc qui est absurde. · In IV Sent., proposition en particulier, mais sc contente de con­ 1. HI, (list. XXV, q. n teiteralis, n. 2, dans Optra, damner en général l’opuscule qui contient le simple Paris, 1894, t. xv. p. 211. Cajétnn lui répond : < Il n'y énoncé des 900 thèses de la soutenance, et d'en Interdire n aucun Inconvénient A admettre qu’on puisse par sa la lecture. Bref Bld ex infundo, du 5 août 1487. n. 4, seule volonté croire (pie les astres sont en nombre dans le Hulladum romanum de C.ocqucllnes, Home, pair... Comme un médecin pnr la seule haine déter­ 1743. t. iu, p. 211. Abstraction fuite du préambule mine l'art de la médecine A tuer un malade, ainsi par malencontreux : 1)1co probabililrr, etc. (Denzinger» le seul amour d’un bien quelconque on sc détermine /or. c/L) qui n pu faire regarder Pic comme voulant A croire une chose sans aucune raison. » In /*■ //·, attaquer ici le sentiment commun des théologiens, q. Lxv, a 4, n. 2. dans l’édition léonine de S. Thomas, tandis qu'il ne vise que In manière de parler, sa thèse t. vi, p. 426. Théophile Raynaud retourne ainsi la dit assez qu'il n'attaque que le système outrnnclcr comparaison de Cajétnn contre lui :· Comme un méde­ du despotism· de la volonté : · De même. dlt-ll, que cin ne peut déterminer l’nrt de la médecine A guérir personne n’n l’opinion qu’une chose est telle, précisé ou A tuer un malade sans employer des drogues ap­ mrnt parte qu'il veut avoir cette opinion, ainsi personne propriées, ainsi la volonté ne peut appliquer l'intelli­ ne croit qu’une chose est vraie, précisément parte gence à donner un assentiment à un objet, sans qu'une qu it veut croire qu'elle est vraie. Corollaire : Il n'est pus raison convenable nppnndssc A l’esprit. » ï.oe. dl. au libre pouvoir de l’homme de croire qu'un article Au reste, s ms parler des scotlsles, qui défendirent leur <1r fol ♦ d vrai quand il lui platl, et de croire qu’il est docteur, cl de beaucoup d'autres, liafiez lui-même faux quand il lui ptatt. » Denzinger, foc. dt. Avoir le réfuta Cujétan par In thèse suivante : < Pour croire, pouvoir de prendre une même chose comme vraie ou pour donner quelque assentiment (pic ce soit, Il nu comme fausse d’après son bon plaisir, avoir le droit ou l’obllgntlnn de croire un article de fol préci­ faut nécessairement du côté de l'intelligence une persuasion soit vraiment raisonnable, soit nu moins sément par un coup de volonté, c’est-à-dire sans jugement de crédibilité, sons motif Intellectuel, apparente... L’objet de l'intelligence est le vrai, comme tout cela, bien loin d’être la commune et saine doc­ I celui de la volonté est le bien : de même que la vo­ trine, lui est opposé. Voir col 172-174, 180-191. Dans lonté ne peut tendre qu'à un bien, réel ou apparent, l’epolnglr où îAr fournit l’explication et 1rs preuves de même l'intelligence ne peut «tonner son assenti­ drt thêc. cil., p. 382. Hemarquons du reste (pie, dans la fol, le simple doute, plus facile que la né­ gation et demandant pour exister moins d'appa­ rences de raison, .suffit A la détruire, parce que la fol est essentiellement ferme. De là cet axiome : Dubius 411 FOI 412 in fide. Infidelis est. De Là aussi l'ambiguïté de ccs I où elle a son utilité, mais devenue obscure et ambiguë sur le terrain particulier de l’acte de foi; d autant plus mots employés par les théologiens, libertus dissen­ que cette « liberté de spécification · est prise par les tiendi, discredendi, qui parfois signifient la liberté uns pour la seule liberté de croire ou de douter, par de nia, mais souvent aussi celle de douter simple­ les autres pour la liberté de croire ou de douter ou de ment· nier, et ne peut que susciter des logomachies. Vblh 3· corollaire. — Une terminologie qui ne se trouve pas chez saint Thomas mais seulement plus tard, pour | pourquoi nous avons évité cc terme, quand il s'agis­ sait de désigner ce qui est communément admis pur désigner la liberté qui est dans la foi et non dans la les théologiens, ce qui doit être admis de tous, en nous science, c'est d’appeler la liberté spéciale de la foi bornant à dire : Il y a dans la foi une influence spé­ libertas quoad specificationem ou quoad speciem, tandis ciale de la volonté, qui n'est pas dans la science. Voir que la liberté commune aux deux est appelée libertas col. 395. quoad exercitium. · L’assentiment de science, dit Valen­ 2. Système qui explique la liberté de la fol par Γiné­ tia, dépend de la volonté seulement quant à son exer­ vidence de l'objet formel, ou au moins du fait de la révé­ cice, c'est-à-dire pour que l’acte sc produise et que la lation. — Cc système, très opposé au précédent, puissance ne reste pas inactive : l’assentiment de foi regarde l'assentiment de foi comme la conclusion de en dépend encore» quant à sa spécification, c’est-à-dire ccs deux prémisses : < Ce que Dieu a révélé est vrai : or que la libre motion de la volonté est nécessaire non seulement pour que sur l’objet de foi se produise un | il a révélé tel dogme ;■ prémisses qui sont, du moins pour acte, mais encore un acte de telle espèce, un assentiment ' les partisans du système, l'objet formel ou motif de la plutôt qu’un dissentiment. » Commentar, thcol., Lyon, foi. Seulement, d'après eux, la mineure de ce syllo­ 1603, t. in, disp. I, q. i, p. iv, § 1, p. 67. A d’autres , gisme n'apparaît jamais à l’esprit avec une évidence nécessitante, quoi qu’il en soit de la majeure. Il faut théologiens, cette expression déplaît, parce que la spé­ donc, pour l’affirmer, la coopération de la volonté cification des actes ne vient pas de la volonté, mais libre : par le fait même, la conclusion, qui est l’assenti­ de l’objet. Voir S. Thomas, Sum. thcol., I· II·, q. ix, a. 1. Les premiers répondent que la volonté, sans I ment de fol divine, dépend aussi de la volonté, puis­ usurper la causalité propre de l'objet, concourt du | qu’elle ne serait jamais affirmée avec certitude, si la côté du sujet à mettre et à conserver en lui telle espèce volonté n'intervenait dans la mineure pour affermir l’esprit. Et c’est bien là une influence spéciale de la d’acte ou d’état d’esprit. · L’objet formel, dit Ysainbert, est le principe spéciflcatif de l’acte, mais à la volonté, qui ne sc trouve pas dans l'assentiment de condition d’être suffisamment perçu tel qu’il est objec­ science proprement dit, où la conclusion résulte essen­ tivement et de fait... Si donc il a en lui quelque obs- | tiellement de prémisses toutes nécessitantes. Cc qui tacle à être saisi tel qu’il est, et qu’il puisse être dégagé ■ caractérise le système, c’est donc que l’acte libre de de cet obstacle par un mouvement de la libre volonté, i volonté, précédé du jugement pratique de crédibilité alors, bien que la spécification de l’acte au sens propre qui le déclare légitime et prudent, n’a pas lieu immé­ H formel vienne de cet objet, cependant la détermi- i diatement avant l’assentiment de foi (conclusion), mais nation de l’acte à telle espèce viendra proprement de est reporté un peu plus en arrière, avant l’affirmation la libre motion de la volonté... L’objet formel ou du fait de la révélation (mineure), où il y a toujours molli donne toujours à son acte d'être de telle espèce; pour la volonté des doutes imprudents à chasser. et de plus, quand il apparaît avec évidence..., il ! Ainsi pensent les théologiens qui, pour expliquer la détermine son acte à entrer dans celte espèce. Mais j liberté de la foi, rejettent absolument Vevidenlia allcquand il manque d’évidence.... comme l’intelligence· , stantis (voircol.400) et qui ne l’expliquent que par là: loin d'être convaincue par l’objet proposé, a plutôt Bafiez, et surtout Lugo, et, de nos jours, Eranzclln, par ailleurs des raisons qui peuvent l’en écarter et qui en donne un bon résumé. De traditione, 2· édit., l amener à un dissentiment, alors, pour que l’acte sur I Home, 1875, Append., c. iv, a. 4, p. G68-672. un tel objet soit plutôt assentiment que dissentiment, Critique. — a) Omettant ici certaines critiques qui il faut que l intclllgcncc soit déterminée par la volonté, | sc rapportent non pas à la liberté mais à l’analyse de qui est alors le principe de détermination quoad speci­ la fol. nous accordons que cc système donne à la ficationem actus.* Disput. in J/·■ //», Paris, 1648, De volonté libre une influence spéciale qui n’a pas lieu fide, disp. XXIH. a. 4, p. 157, 158. Le célèbre docteur | dans la science. On a dit, il est vrai, que, si le rôle de de Sorbonne rejette d’ailleurs l’opinion de Cajétan la volonté · consiste à expulser ». des doutes subsistant sur le despotisme de la volonté, et Indique certaines 1 dans l'intelligence, « Il n’y a plus aucune différence conséquences qui en découleraient, quæ sunt absurda entre la manière dont la volonté intervient dans la apud omnes philosopha. Loc. cit. — Ainsi la termino­ science et dans la foi. » P. de Poulpiquet, L'objet logie en question, suivie par beaucoup de théologiens intégral de l'apologétique, 1912, p. 313. Tout dépend et encore de nos jours, peut se Justifier. Elle a d’autre de la manière de concevoir cette expulsion des doutes part l’inconvénient d’être ambiguë. Cette formule. j imprudents. Si elle sc bornait, comme on l’a dit, à libertas quoad specificationem actus, a été employée « considérer avec plus d'attention la valeur des motifs aussi pour désigner précisément le système du des­ , de croire, la frivolité des raisons contraires, » et si potisme de la volonté. C’est en ce sens qu'elle est déjà cette considération nouvelle, commandée par la signalée cl rejetée par Pic de la Mlrandolc : Merus volonté, avait assez de force par elle-même pour faire actus voluntatis non potest se habere ut aclus primus cesser tous les doutes, pour déterminer l'intelligence, rctpeclu specificationis actuum intellectus... Patel ex alors oui, il n'y aurait pas là d’autre intervention de communi sententia omnium doctorum in hoc consentien­ la volonté que celle qui n lieu dans la science. Mais si tium. quod licet actus intellectus quoad exercitium la volonté applique l'intelligence à fermer les yeux, à dependeat a voluntate, non tamen quoad specificationem. ne pas considérer les objections obsédantes qui ne Loc. at. C’est dans le même sens qu'elle est rejetée par trouvent pas de solution directe, et à faire cesser ainsi Théophile Haynaud, loc. cil., cl par Élizaldc. Loc. les doutes imprudents comme le feu s'éteint faute al. Dans l'école scoliste, il y a toujours eu tendance d’aliments, c’est là un coup de force autorisé sans doute par le bon sens, mais enfin c’est un coup do a la rejeter, ce qui n’implique pas d’ailleurs un désac­ cord avec 1« autres théologiens catholiques sur la force, qui n'a pas lieu dans la science. L’idéal de la science n’est pas de fermer les yeux, mais d’examiner nécessité d'admettre une liberté spéciale dans la fol. la question le plus possible et sous toutes ses faces, les Il serait donc peut-être préférable d’éviter cette for­ objections comme le reste, enfin de chercher la solumule, empruntée a la théorie générale de la liberté, 413 FOI tlon directe et purement intellectuelle des difficultés. Voir cc que nous avons dit d'après ΓÉcriture et les Pères sur le mérite spécial de la foi, col. 398. On a aussi reproché à cc système de ne pas mettre l’assen­ timent de foi sous une dépendance assez immédiate de la volonté. Mais l’exigence d’une dépendance plus immédiate ne parait pas fondée : il y a une connexion si intime entre la mineure et la conclusion d’un syllo­ gisme que la volonté actionne vraiment celle-ci en actionnant celle-là. Bien ne prouve que l’Écrituie, la tradition ou l’Églisc exigent davantage pour que la foi soit suffisamment libre. Le P. Pcsch tâche de le prouver ainsi : « L'acte par lequel on admet librement le fait de la révélation précède la foi; du moment que cet acte est posé, avec l’autre qui affirme la véracité de Dieu, l'intelligence, suivant les adversaires, ne peut plus hésiter à admettre l’article révélé, lequel suit évidemment de ccs deux prémisses. La fol d'après cc système n’est donc pas un acte libre en lui-même, mais seulement dans scs causes. Or, l’assentiment de fol doit être libre en lui-même, in se, comme dit le concile du Vatican : Fides ipsa in se... est actus quo homo liberam pncslat ipsi Deo obedientiam. » Sess. Ill, C.IH, Denzinger, n. 1791 ; Pcsch, Prælectiones, 3· édit., 1910, t. vin, n. 416, p. 191, 192. Malheureusement pour ce raisonnement, la phrase du concile y est dé­ tournée de son véritable sens. D’abord le concile ne dit pas : Fides ipsa in se est actus, etc., mais : Fides ipsa in se, etiamsi per carUa'em non operetur, donum Dei est; et actus ejus est opus, etc. Ensuite fides ipsa in se signifie la fol sans la charité, c’est-à-dire la foi « morte », ou plus exactement la foi prise en elle-même, en faisant abstraction du fait d'avoir avec elle la cha­ rité ou de ne pas l’avoir, d’être « vive » ou d’être « morte » : prise ainsi, elle est déjà « un don de Dieu », elle Implique une grâce; voilà tout cc qu'affirme ici le concile, à l’encontre de Hermès, qui n’exigeait la grâce que pour la foi vive et à raison de la charité. Enfin, nous avons montré par le contexte et surtout par les Actes du concile, que ces mots fides ipsa in se, opposés à actus ejus, prennent la foi comme vertu infuse, et en tant que distincte de l’assentiment qui en procède. Voir col. 351. On ne peut donc en aucune façon traduire : « L'assentiment de fol doit être libre en lui-même, et non pas dans ses causes; » dans la phrase du concile il ne s'agit de cela ni de près ni de loin. b) Un reproche plus grave que l’on fait aux tenants du second système, c’est de nier absolument, pour le besoin de leur cause, tout exemple Revidentia atte­ stants dans la foi. Voir col. 403 sq. Ils ne reconnaissent d'acte de foi proprement dit dans les anges in via, dans la sainte Vierge, dans les apôtres, etc., qu’à la condition d’étendre jusqu’à eux le doute sophistique que la volonté aidée de la grâce vient éliminer; ils multiplient outre mesure ccs doutes imprudents. Ils ne peuvent expliquer non plus les actes de < foi con­ fuse » faits par habitude, où les fidèles n’ont pas même l’idée ni la possibilité de douter. Voir col. 405. Ou bien, ils regardent ccs actes comme n’étant pas des actes de foi salutaire, et diminuent ainsi considérable­ ment parmi les fidèles et les saints un acte si impor­ tant de vertu théologale. 3. Système qui explique la liberté de la foi par'Cinévldence ordinaire du jail de la révélation, sans exiger celte liberté spéciale absolument dans tous les acles de joi. — C’est une mitigation du système précédent. On admet encore que l'influence spéciale de la volonté dans la fol consiste à expulser les doutes imprudents; que ccs doutes viennent du manque Revidentia atte­ stants; qRavec celle évidence ils ne seraient pas pos­ sibles; que le manque de cette évidence caractérise la foi. Mais, si le manque d'évidence irrésistible des pré­ 41é ambules est la règle générale, voir col 210, 211, il peut y avoir par exception des actes particuliers de foi dérivant de cette évidence. 11 n’est pas néces­ saire que tous les actes de foi nient une aussi grande liberté les uns que les autres. Pareillement, dans la « foi confuse » : quand le fidèle renouvelle rapidement un acte de fol souvent répété, quelle nécessité y a-t-il d’exiger inutilement la même influence de volonté libre qui a dû intervenir dans les actes plus Laits et plus réfléchis, avant la formation de l’habitude? Ainsi ont pensé plusieurs théologiens de diverses écoles. — a) École thomiste. — « 11 faut un acte de volonté, dit Jean de Saint-Thomas, quand une vérité est cru< pour la première fols, de novo... Une fois qu’elle a été crue, il suflit que la volonté (de la croire) demeure virtuelle­ ment, cL un nouvel acte de volonté n’est pus requis expressément et formellement. » Cursiu tnc^ogicus, Paris, 1886, L vu, De fide, q. i, disp. Ill, a. 1, n. 8, p. 80. Un autre thomiste dit que l’intelligence est déterminée par la volonté, quoad specificationem le plus souvent, u! plurimum. · Il peut arriver, ajoute-t-il, qu’une vérité de foi lui apparaisse avec V evidentia in attestante, ce qui l’empêchera d’avoir pour cette vérité un dissentiment positif, quand même la volonté pour­ rait librement interrompre et susperdre l’assenti­ ment. » Labat, Theologia scholastica secundum illibatam D. Thomæ doctrinam, Toulouse, 1659, p. 176, 177. — b) Compagnie de Jésus. — Suarez admet que le fidèle habitué à croire n’a pas toujours besoin d une nou­ velle motion de la volonté: «parce qu’a lors il est déjà conduit par l’habitude, et les actes surnaturels de l’intelligence, qui ont lieu alors, ne sont pas produits dans leur espèce déterminée par la force du comman­ dement présent de la volonté, mais en vertu des actes précédents de la volonté actionnant surnaturellement l’intelligence et la soumet tint à la foi chrétienne. » De fide, disp. VI, sect vu, n. 6, dans Opéra, 1858, t. xn, p. 187. Ripalda traite largement La question : « Tout assentiment de foi, dit-il, s’il procède d’un espnt qui puisse dissentir, a besoin de la détermination et du commandement positif de la volonté; s’il procède d’un esprit incapable de dissentir, il n’en a pas besoin. Or on est capable de dissentir, quand on a une parfaite advertancc de l’objet sous toutes scs faces, c’est-à-dire avec des motifs pour et contre (l’assentiment). On en est incapable, quand l’advcrtancc ou connaissance de l’objet est imparfaite (du point de vue de la liberté), quand on voit seulement la vérité de l’objet sans aucun motif pour le dissentiment... Parce que l’Écriture, les conciles cl les Pères prennent généralement et com­ munément, comme type de l’acte de foi, cet assenti­ ment qui suit la complète advertancc de l’objet (la­ quelle comprend aussi la vue des objections, même sophistiques et de peu de valeur), on doit dire géné­ ralement et communément que l’acte de foi sc fait par le commandement positif de la volonté... J’afllrmc donc que l’assentiment de foi régulier et ordinaire... demande d’être déterminé par la volonté. » De fide, disp. XVI, n. 3, I. dans le De ente supernaturali, Paris, 1873, t. vil, p. 308. Il ajoute que « même dans cet assentiment de fol où l’on n’a pas le pouvoir de dis­ sentir, il y a une part de liberté et de mérite par le fait de la volonté qui applique l'intelligence à la con­ sidération des motifs; de plus, seuls les vrais fidèles ont un tel assentiment, air il suppose une résolution de considérer les seuls motifs de la foi (et non les rai­ sons sophistiques qui en détourneraient) et une habi­ tude d’agir ainsi résolution et habitude qui n’existent pas chez les hérétiques (formels et mal disposés), qui sont portés à l’erreur, à cc qui contredit la fol. » Loc. cil., n. 24, p 313. De nos Jours et meme après le con­ cile du Vatican, Schifllrii admet qu'avec Vevldentia in attestante on n’est plus libre de douter de la vérité du 415 FOI mystère ct qu’il n’y n plus de libertas specificaiionis, mais qu'il reste alors une liberté qui su flit à un mérite de h foi. la · liberté d’exercice ». De virtutibus in/usis, 1904. n. 77, p. 125. A part cette liberté, il admet avec Suarez qu’il n’y a pas de nouvelle motion de la volonté dans le cas du fidèle habitué à croire, ct croyant sous l’influence virtuelle d’actes de volonté faits autrefois. Op. cit., n. 144, p. 257. — c) École scotiste. — Plusieurs scotistcs Interprètent ainsi Scot, In IV Sent., I. III, dlst. XXV. q. n lateralis, n. 2, dans Opéra, 1894, t. xv, p. 211. < Chez les chrétiens accoutumés à faire des actes de foi. dit le cardinal Brancalus de Laurea, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir dans tout acte de fol un commandement formel de la volonté, pré­ cédant immédiatement l’assentiment, mais il suffit d’un commandement virtuel... Les pieux fidèles, accoutumés par la méditation des vérités révélées Λ l’exercice de la foi..., ont cette expérience que, sans un nouveau commandement, ils font plusieurs actes de foi consécutifs sur le même article ou sur plusieurs... L’intention virtuelle n’a-t-elle pas une véritable influence ct ne suffit-elle pas ά la validité des sacre­ ments et des contrats? · In lllaa lib. Sent. Scoti, Rome, 1673. t. m, part. I, disp. IX. n. 138 sq., p. 551. I Mastrlus fait une semblable remarque, In IV Sent., Venise, 1675, I. III, disp. VI, n. 247, p. 358. Dans le cas de Vevidentia in attestante, la volonté est incapable d’obtenir un dissentiment, ct son commandement n’est pas nécessaire ù l’acte de fol, d’après Krlspcr. Theologia schohc scotisticæ, Augsbourg, 1748, t. n, disL VII. p. 13i. Hcrincx, chargé d’écrire une somme théologique à l’usage des frères mineurs, dit qu’en face des motifs de crédibilité l’assentiment n’est pas tou­ jours libre quoad specificationem, mais seulement plerumque. Sam. theol., Anvers, 1663, t. ni, disp. VU, q. n, n. 13, p. 140. — d) École de la Sorbonne. — Λ cette difficulté : « La foi doit être libre : or elle ne le serait pas avec V evidentia attestant!*, » le célèbre doc­ teur Martin Grandin répond : « La fol doit être libre dispositive (par sa disposition, sa tendance géné­ rale): pour ce qui est d’être libre dans son acte, cela arrive ordinairement, communément : mais non pas absolument » dans tous les cas. Et il s’explique ainsi : La foi est libre par sa disposition, c’est-à-dire qu’elle est apte par elle-même A produire un acte libre, dans le cas où la divine révélation sera obscure. Elle est libre aussi dans son acte, mais, ordinairement..., il n’est pas absolument nécessaire qu’elle soit fibre ainsi, puisqu’il peut exister un acte de fol spontané, primo primas, qui n’ait pas cette liberté; de plus, i) n’y a rien d’absurde à ce que Dieu nécessite l'intelligence A un assentiment de fol. · De flde, disp. I, p. vi, dans Opéra, Paris, 1710, t. m, p. 42. Critique du système. — a) Il évite ces exagérations du précédent, de nier avec bien des inconvénients tout Lût Revidentia attestant!*, et de mettre arbitrai­ rement dans tout acte de foi un doute imprudent que chasse la volonté. — b) A l’encontre de ccs exagéra­ tions, il admet des exceptions qui ne détruisent pas la règle générale, et qui sc concilient suffisamment avec les documents positifs sur la liberté spéciale de la fol. Le cas normat pour la foi, c’cst celui où l'intelligence n’est pas déterminée par les preuves de l’objet formel, preuves solides mais laissant prise nu doute impru­ dent, ct où elle n besoin d’être déterminée par une intervention positive de la volonté. côté de ce cas normal, quod est per se et regulariter, comme disaient les scolastiques, il y n place pour d’autres éventualités par manière d’exception, quod est per accidens. Or, dit saint Thomas, non datur judicium de re aliqua se· eundum illud quod est per accidens, sed solum secun· tum (llud quod est per se. Sum. theol., I· II·, q. xx. û.5. Dans l’ordre des choses morales dont parle ici le saint 416 docteur, ordre auquel appartient la foi, c’est par le cas normal que nous jugeons, que nous caractérisons une chose : c’est de lui que la fol pourra tirer son carac­ tère propre, sa liberté spéciale. On objectera : un cas qui n’arrive pas toujours ct par essence n’est qu’un accident : vous ne pouvez vous servir d'un accident pour caractériser, pour juger le sujet où il sc rencontre. La réponse est qu’on doit distinguer des autres acci­ dents l’accident régulier et normal, accidens per se·, cette .sorte d’accident, dans les arts qui s'occupent du contingent, dans l’estimation des choses morales, sert A caractériser son sujet, A le spécifier, aussi bien qu’une propriété essentielle. Cette distinction est de saint Thomas : Accidentia qua· omnino per accidens se habent, relinquuntur ab omni arte propter eorum incertiludincm et infinitatem... Accidentia autem per se, cadunt subacte. Ibid., q. vn, a. 2, ad 2°®. Non omnia accidentia per accidens se habent ad sua subjecta; sed qtiædam sunt per se accidentia, quœ in unaquaque arte considerantur. Et per hunc modum considerantur circumstantia: actuum in doctrina morali. Ibid., q. xvni, a. 3, ad 2°". En morale, il faut donc éviter d’etre trop métaphysicien, de ne considérer jamais dans les choses que ces caractères essentiels qui con­ viennent A leur sujet sans aucune exception. Quand les conciles, les Pères ou saint Thomas, dans la descrip­ tion Loc. cit., difficiles de la fol, est resté volontiers dans les géné­ p. 209. La fol qui n* honore pas le témoin est amenée ralités, planant à une certaine hauteur, et ne s’est pas tantôt par des prémisses évidentes, tantôt par une proposé de descendre dans un système bien précis; intervention de la volonté, mais qui n’a rien pour lui qu’en tout cas il faut être bien prudent avant de d’honorifique : la fol qui honore le témoin relève tou­ mettre ses propres élucubrations sur le compte du jours d’une intervention de la volonté, soit qu’il y saint docteur sine ullo dubio. Sous le manteau de ait evidentia attestantes, mais purement concomitante» saint Thomas, le nouveau système à demi-suarézicn soit qu’il n’y cn ait pas. Loc. cit., p. 207-210. Étant de Mazzclla a cependant fait son chemin, quoique supposée comme condition préalable la connaissance manquant un peu de base psychologique ct ration­ de l’autorité du témoin, la volonté peut commander nelle. Il était réservé au cardinal Billot de lui cn don­ immédiatement l’assentiment propter ipsam auctori­ ner une, ct de présenter le système sous une forme tatem. Loc. cit., p. 212. C’est là une manière honorable nouvelle ct plus satisfaisante, qu'il nous reste à ex­ de croire quelqu'un ; la volonté est libre de la comman­ poser. der, pouvant cn commander une autre, ou ne pas Le cardinal Billot part de ce principe certain, que intervenir du tout : voluntas est semper libera appli­ l'assentiment de fol doit honorer l'autorité de Dieu candi vel non applicandi intellectum ad hujusmodi comme témoin, auctoritatem Dei revelantis : la foi obsequium. Loc. cit., p. 210. Un tel assentiment est théologale est un hommage, obsequium, rendu à donc libre et quoad exercitium et quoad specificationem. Dieu par l'intelligence ct la volonté. Concile du Vati­ Op. cit., thes. xvin, p. 324. Dans ce système « le com­ can, scss. m, c. m, Denzinger, n. 1789, 1790. De cc mandement du libre arbitre, appelé aussi pius volun­ point de vue, on peut diviser cn général toute croyance tatis affectus, est requis par la nature même de la fol, au témoignage d'autrui cn deux espèces fort diffé­ per se, requis parce que la foi est un acte de telle rentes : celle qui honore le témoin, ct celle qui ne espèce, atteignant son objet sous tel motif ct de telle l’honore pas. Je crois-quclqu’un sur parole à cause de façon vraiment formelle. Il n’est pas requis seulement sa compétence reconnue et de sa véracité constante : per accidens, comme pour enlever un obstacle (le je l’honore, cn reconnaissant cn lui ccs qualités doute), ou pour suppléer à un défaut accidentel du d’un bon témoin. Au contraire, voici un juge qui motif (manque d’évidence parfaite). » Loc. cit., p. 325. n’accorde aucune estime au malfaiteur qu’il inter­ M. Bainvel a contribué à populariser cn France, parmi roge, ct qui le connaît comme un menteur; il lui arri­ ceux qui s'occupent de ccs questions, ccttc conception vera pourtant de croire un aveu de ce malfaiteur, cn de la foi ct de sa liberté. Il appelle « fol scientifique » vertu de cc principe, que meme les menteurs n’ont la manière de croire où l’on n'honorc pas le témoin, ct pas coutume de mentir contre leur propre Intérêt; qui est le fruit d’un raisonnement, qui est « discur­ mais cette croyance n'a rien d’honorable pour celui sive »; par exemple, celle de l’historien qui contrôle qui en est l'objet· Loc. cit., § 2, p. 207, 208. Autre les témoignages les uns par les autres, ct ne sc rend exemple plus fréquent de ccttc foi qui n'honorc pas qu’à leur concordance. La foi et Cacte de foi, part. I, le témoin : j’admets un fait, soit l’existence d’une c. ni, p. 22-26; 2· édit., p. 33-35. Il appelle · fol de ville que je n’ai pas vue, à cause d'une multitude de simple autorité » la manière do croire où l’on honore témoignages venus de divers côtés ct cn divers temps, le témoin, ccttc manière « plus confiante ». Elle n’est un voyageur, un journal qui cn parle, etc. Quant à la pas discursive. Sans doute, pour être raisonnable, elle compétence ct à la véracité habituelle de chacun de suppose des motifs de crédibilité qui ont amené à ce ces témoins, je serais bien embarrassé pour m'en jugement, implicite ou explicite : Cc qu'il me dit est rendre compte aujourd’hui, ct cc n’est pas nécessaire. vrai. · Mais je n'appuie pas ma fol sur ce jugement La truie raison qui me fait admettre l’existence de évident. Mon seul motif est l’autorité de celui qui celte ville, c’est la concordance, la convergence de tous parle : je m’y arrête sans songer plus loin, je fais abs­ ces témoins, phénomène qui ne peut avoir de raison traction de mon évidence préalable : Il l'a dit, je le crois. » Loc. cit., p. 27; 2· édit., p. 37. On nous donne suffisante que dans la vérité du fait, qui les a tous réu­ comme exemple la fol de l’enfant qui croit scs parents, nis dans la même affirmation, quelle que soit d’ailleurs en toute certitude, sans songer à contrôler leur dire*. la valeur habituelle de chacun d’eux comme science Loc. cit., p. 29, 39. Nous-mêmes, · il est mainte occagéographique et comme véracité. Voir col. 196, 197. Le cardinal Billot n’a garde d'omettre cet exemple : I sion où nous croyons purement ct bonnement sur le 425 FOI dire d'autrui. Un homme qui, avant de croire, contrô­ lerait tons les dires ct qui ne dirait jamais oui sans avoir l’évidence du témoignage, un tel homme serait insupportable. Comme nous donnons notre confiance, nous voulons aussi qu’on nous la donne... Sans doute, il faut faire très large la part... de cc contrôle rapide et tacite d’un témoignage, qui précède en bien des cas notre adhésion. Mal* un observateur attentif ne saurait nier, semble-t-il, que la plupart des hommes ne fassent à chaque instant de ccs actes de foi sur le seul dire d’un autre, » p. 31, 32 (41. 42). Conclusion sur l'inllucncc de la volonté dans la fol divine : · Cc n’est pas pour suppléer la faiblesse des motifs, que la volonté est nécessaire. C’est au contraire parce que les motifs intellectuels sont suffisants que la volonté intervient pour commander A l’esprit non pas l’acte de science (ou de foi scientifique), mais un acte d’ordre tout différent, appuyé ontologiquement sur des bases scientifiques inébranlables, mais ne s’appuyant pas logiquement sur ccs bases... L'adhésion sur la parole d'un autre, l'adhésion que nous avons appelée de simple autorité, exige essentiellement l’intervention delà volonté. L’es­ prit, cn effet, n’est déterminé de lui-même à dire oui que par l’évidence de la vérité. Or notre foi, par hypo­ thèse, fait abstraction de toute évidence pour s’en rapporter uniquement à la parole du témoin, au point d’être impossible, je ne dis pas si j’ai ou l’évidence du vrai ou l’évidence du témoignage, mais si ccttc évi­ dence s’impose avec une clarté telle qu’il me soit impossible d'en faire abstraction. · Op. cit., 2· édit., part. H, c. iv, p. 128-130. Le P. Pcsch se rapproche de cc système dans sa 3· édit., Præteclioncs..., 1910, L vin, n. 144 sq., p. 64, 65. Critique du système. — a) Il donne certainement à la volonté libre une influence spéciale dans la foi, qui n’est pas dans la science : influence d’ailleurs très directe ct qui n’a rien d’accidentel, et avec laquelle on concilie Vevidenlia attestant is dans les cas exception­ nels où elle a lieu. — b) C’est, du reste, une louable préoccupation que celle de la · fol simple ». On a rai­ son de dire qu’elle nous est demandée par les Pères, d’après l’esprit de l’Évangile. Voir Bainvel, op. cil., part I, c. v, p. 54-56; 2· édit., p. 64-67. Seulement, ccttc « foi simple » reste une idée un peu vague, on la prend dans des sens divers. 11 y n d’abord une « fol simple » ainsi appelée parce qu’elle sc contente de la voie extrinsèque du témoignage, ct ne demande pas de preuves intrinsèques, de la chose affirmée, ni même d’explications du pourquoi ct du comment. M. Bainvol y fait allusion parfois : « La soumission qui honore le maître ou le savant, c'est celle du disciple qui s’en remet tout entier à sa parole..., ipse dixit... De 1Λ vient aussi le mérite ct la difficulté de la foi. Car pour se rendre ainsi sur la seule parole d’autrui, cette parole fût-elle celle de Dieu, il faut, comme a dit un de nos évêques..., H faut que la raison renonce A cette déli­ cate volupté de pénétrer son objet, de sc l’expliquer. » Loc. cit., p. 59, 60; 2· édit, p. 69. 11 y a une autre « fol fimplc » qui appartient cn propre A cc système, ct qui consisterait, non pas A n’avoir pas de motifs de cré­ dibilité ou de preuves du fait de la révélation avant la foi (cc serait le fidéisme le plus absolu, voir col. 175 sq.), Biais du moins A · faire abstraction » de ccs preuves au moment de l’acte de foi, pour appuyer celui-ci sur le seul témoignage de Dieu, seul A l'exclu· slon des preuves de la véracité divine ct des preuves que Dieu a parlé. Or, si nous examinons quelle est la « foi simple » que demandent les Pères, nous verrons que c'est la première, ct nullement la seconde. La fol simple des Pères, c’est celle qui « renonce A pénétrer son objet, » qui sc contente du témoignage de Dieu sans lui demander de démonstration philosophique ct intrinsèque des mystères qu’il affirme; qui applique 42Ô nu Maître divin Vipse dixil des disciples de Pvthngorc : voilÀ celle que louent Clément d’/\lcxandrie, saint Jean Chrysostome, ThéodorcL Voir col. 110. La fol simple des Pères, c’est celle qui ne demande pas aveccuriosité le pourquoi ct le comment des mystères : voilà celle que loient saint Athnnase, ou saint Cyrille d'Alexandrie, etc. Voir col. 115. Mais en même temps qu’ils louent cette fol. les Pères nous rappellent expres­ sément, pour la justifier, les motifs de crédibilité, les miracles du Christ· En même temps qu’il reproche aux manichéens de remplacer la fol par la science, leur disant que le Christ n’enseignait pas les sciences, mais conduisait les âmes par la fol, fide stultos ducebat (voilà bien la foi simple), saint Augustin rappelle toutefois que le Christ · par des miracles s’est concilié l’autorité, par l’autorité a mérité la fol. » Voir col. 113. Croyant Dieu sur parole, sans lui demander ni les preuves intrinsèques, ni le comment ni le pourquoi, fermant ainsi les yeux sur le mystère ct scs difficultés, en ce sens, la foi est aveugle. Mais il n’est jamais venu A la pensée des Pères qu’elle doive encore fermer les yeux sur les preuves de la véracité divine et du témoignage divin, ce qui donnerait la complète cécité que rejette le concile du Vatican : fidei assensus nequaquam est motus animi aecus, c. in, Denzinger, η. 1791. Il ne leur est jamais venu cn pensée que le fidèle, pour croire, doive · faire abstraction » de ccs motifs de cré­ dibilité, nécessaires pour appliquer A notre esprit la révélation divine, et qui font par conséquent boo ménage avec elle; qu’il ne doive pas « s’y appuyer logiquement » Jamais les Pères n’ont enseigné cette « abstraction », cette crainte ct ccttc fuite des motifs de crédibilité, comme si ceux-là pouvaient nuire A la fol qui les exige. Avec l’Écriture, ils louent Abraham de « n’avoir pas considéré » les difficultés Intrinsèques de la chose révélée, de n'avoir pas demandé des rai­ sons et des explications, ainsi saint Ambroise, voir col. 112; mais Ils ne le louent pas d’avoir mis de côté, nu moment de croire, les considérations qui lui mon­ traient que c'était vraiment Dieu qui lui parlait, ct non pas, par exemple, le démon se transformant en ange de lumière. La raison même nous fait distinguer cn deux groupes fort différents les motifs qui peuvent aider A admettre le dire d’un témoin. Il y cn a qui s'opposent à ce témoignage, qui cn sont indépendants. Vous m’attestez avoir vu tel fait, je ne suis pas con­ vaincu; je cherche un autre témoin, indépendant de vous et de votre récit, il me confirme le fait· ct je crois. J’ai peut-être usé de mon droit cn vous confrontant avec un autre et cn contrôlant ainsi votre récit; ce qui est certain, c’est que mon assentiment final n’est pas un honneur que je vous fais. Un savant mathé­ maticien me dit qu’on démontre tel théorème; j’attends, pour le croire, d’avoir vu moi-même la démonstration : je ne lui fais pas honneur. Si nous traitions Dieu ainsi, nous lui ferions injure; et nous ne pourrions jamais croire les mystères qu’il nous révèle, n’ayant rien pour contrôler son dire là-dessus, ni témoin indépendant de lui, ni démonstration intrin­ sèque du mystère. Mais il y a un autre groupe de motifs auxiliaires, qui n’ont pas ccs inconvénients, qui ne s'opposent pas nu témoignage, qui au contraire font corps avec lui, comme des signes nécessaires pour le faire connaître et l’appliquer. Vous m’écrivez pour m’attester un fait : votre écriture bien connue, votre signature, l'expérience de votre véracité sont pour mol des motifs d’admettre la chose que vous me dites. Mais ce ne sont pas là des motifs qui s'opposent A votre témoignage : au contraire, ils le servent; ils ne lui sont pas coordonnés, mais subordonnés. Les considérer ne diminue pas l'honneur qu’on rend au témoin. Surtout dans la foi divine, la considération de ccs motifs de crédibilité est nécessaire A l'honneur de Dieu même 427 FOI 428 prudent de ne pas s’en rapporter à autrui en des cho­ autrement nous nous exposerions au danger de porter au compte de Dieu les paroles d’un imposteur; par ses dont je n’ai pas l’évidence directe, · c’est-à-dire suite, nu danger de faire, servir la divine autorité à intrinsèque. Ainsi parle M. Balnvcl, loc. cil., p. 21-26. confirmer des erreurs, monstrueux et sacrilège abus. Or cette manière de croire peut sc trouver non seule­ C’est donc faire honneur à Dieu que d’examiner soi­ ment chez les savants, mais encore chez les ignorants; gneusement les motifs de crédibilité, par lesquels nous les simples basent sur ce principe de bon sens leur écartons un tel danger et un tel sacrilège. Les auteurs croyance aux préambules de la foi. d’après le cardinal du système nous diront qu’ils admettent tout cela : Billot, voir col. 225; ne peut-il arriver qu’ils basent aussi là-dessus l’acte de foi lui-même? Voilà donc bien mais ils semblent l’oublier quand ils parlent de leur «foi simple ·. Et si la considération attentive des preu­ des gens, savants ou ignorants, exposés à faire de li foi discursive au lieu de la foi simple, et en danger de ves et motifs de crédibilité, comme ils l’avouent, est manquer leur acte de fol divine, s’ils ne sont pas aver­ nécessaire avant la foi, quel mal pcut-il bien y avoir tis. L’Église, gardienne infaillible de la foi?l’Église qui à ce que cette attention se prolonge, plus ou moins veille à l'instruction des fidèles sur les moyens essen­ confusément, pendant l’acte de foi lui-même, et le tiels du salut, devrait donc, et aurait dû depuis long­ conditionne? Ce qui est nécessaire pour la prudence temps déclarer (si le système était vrai) qu’il y a deux de notre acte de foi et pour l’honneur de Dieu, ce qu’il manières de prendre le témoignage divin dans la fol exige lui-même, ne peut tout à coup lui déplaire. Ce des dogmes, l’une qui suffit devant Dieu, l’autre qui qui rend la fol raisonnable ne peut être rejeté sans la ne suffit pas; elle aurait dû le mettre dans les caté­ rendre déraisonnable. < Si l’on entendait, dit le P. chismes et le faire prêcher partout, vu l’importance de Pcsch lui-même, qu’a fin de pouvoir faire l’acte de fol, l’acte de foi pour la justification et le salut. Or l’Église nous devons par la volonté chasser le souvenir actuel n’a jamais donné une pareille instruction ; la prétendue des motifs de crédibilité, ce serait une étrange idée, condition essentielle, < faire abstraction de l’évidence, puisque tout ce qu’il y a de subjectivement raison­ ne pas s’appuyer logiquement sur les motifs de cré­ nable dans l’acte de fol s’appuie sur ces motifs. » Loc. dibilité, » n’en est donc pas une. On peut faire le même c//., n. 348. Et il déclare ailleurs que l’opinion d’après raisonnement contre l’explication de Suarez et toutes laquelle nous devrions, dans l’acte de fol, faire abstrac­ tion des motifs de crédibilité, lui parait fausse. Theoles autres formes possibles de ce système. d) Une observation du cardinal Billot demeure logischen Zeitfragen, 4· série, p. 35. Et quel tour de incontestable, c’est que, lorsqu’il s’agit de croire à la force on exigerait de la volonté, puisque souvent ces parole humaine, il y a deux procédés intellectuels dif­ motifs viennent d’etre considérés distinctement avant férents : l’un qui honore les témoins en s’appuyant la fol. et sont encore très nettement présents à la logiquement sur leur science et leur véracité habi­ mémoire! — Mais, dira-t-on peut-être, la volonté tuelles, en reconnaissant chez eux ces précieuses qua­ n’a pas a les faire oublier : seulement, en leur présence, elle fera affirmer le témoignage divin d’une nouvelle lités d’un témoin; l’autre qui ne les honore pas, parce que l’esprit en allant à la croyance ne passe en aucune manière, sans « s’appuyer logiquement > sur eux. — façon par ces qualités habituelles du bon témoin, mais Réponse. — Le fait que Dieu témoigne est de sa nature s’appuie sur un tout autre principe, par exemple, dans une vérité essentiellement médiate, qui a besoin d’être le cas de la concordance d’une multitude de témoins prouvée. Si on ne l’appuie pas logiquement sur ses preuves, au moins confusément perçues, la propo­ indépendants. Cette différence de procédé se rencontre pratiquement dans la croyance aux hommes. Mais on sition qui énonce ce fait devient une proposition n’a pas à s’en préoccuper dans la foi divine. En cflct. • neutre », comme disent les scolastiques. Or, admettre par le commandement de la volonté libre une propo- · nous n’avons pas d’autres témoins indépendants à sition neutre, c’cst le système du despotisme de la ! confronter avec Dieu; et, quand nouscn'aurions, nous sommes avertis par l'Église que le véritable acte de volonté, déjà amplement réfuté. Voir col. 406 sq. Cf. fol doit passer toujours par les qualités habituelles de Tepe, Institutiones theologlcx, Paris, 1896, t. in, Dieu comme témoin, auctoritas Dei revelantis, qui nec n. 682 sq., p. 379-381. — Reconnaissons toutefois que lalli nec /allere potest : c’est le motif essentiel de la fnl. ces auteurs ont été amenés aussi à ccttc position Voir col. 107 sq.» 115 sq. En dehors de ce procédé difficile par des considérations étrangères à la question de h liberté, et que nous aurons à apprécier dans intellectuel, il n'est pas de fol théologale. Nous n’avons donc jamais à craindre que l’acte de foi divine, tel Γanalyse de la fol. — c) En supposant même que la que le font les catholiques, manque d’honorcr Dieu volonté puisse accomplir le tour de force qu’on lui comme procédé intellectuel. Sans doute, dans V hon­ demande et l’accomplir prudemment, encore faut-Il qu’elle soit avertie de la nécessité de le faire : cela ne sc neur qu'on rend à Dieu, le procédé intellectuel n’est fait pas tout seul il est vrai, on cherche dans l’en­ qu’un élément : il doit être en lui-même capable d’ho­ fant un exemple naturel et spontané de ccttc manière norcr Dieu, comme la génuflexion est en elle-même un spéciale de croire. Mais l’exemple n’est guère probant, geste capable de l'honorcr; c’cst l’élément seulement soit parce qu’on ne devrait pas aller le chercher dans matériel de l'honneur à rendre : le formel vient de des actes aussi imparfaits et aussi rudimentaires que | l’intention de la volonté. Aussi, pour que l'acte soit ceux de l'enfant, soit parce qu'au moment même où vraiment et complètement honorifique, il faut faire Λ l’enfant croit sa mère sur parole, il voit qu’elle lui la volonté libre sa part, et choisir parmi les systèmes parle, et nous ne sommes pas sûrs que cette évidence celui qui paraîtra le meilleur, ou en grouper plusieurs n in flue pas logiquement sur sa croyance, et que · les ensemble. Mais encore faut-il (et c’cst de quoi il s'agit enfants, pour ne savoir pas arranger leurs raisonne­ maintenant) que le geste employé pour marquer sa ments, soient incapables de ressentir l’impression de vénération, ou le procédé intellectuel dans le cas d’un culte de l’intelligence, soit matériellement capable la vérité, » comme dit Bossuet. Voir col. 177. Nous ne d’honorcr Dieu, quoique ce soit à la volonté de donner pouvons pas lire dans cette âme déniant; et il y n le formel de l'honneur. Et sur ce terrain ainsi limité, gros à parier qu’elle ne fait pas · abstraction de l’évi­ l’assentiment de foi divine, parce qu’il s’appuie sur les dence » qu’elle a, opération plutôt difficile. .Mais enfin qualités de Dieu comme témoin, lui est honorable; et admettons qu’il y ait deux espèces de fol, la foi simple le procédé discursif, le jeu dialectique des motifs de et la foi scientifique ou discursive; on reconnaît que crédibilité, parce qu’il n’empêche pas l’esprit de passer la seconde aussi est naturelle et fréquente : « C’est elle par ces qualités divines, ne peut enlever à l’assenti­ que j d toutes les fois que je crois, parce que le bon sens et U saine raison me disent qu’il est absurde ou im­ ment de foi cette capacité honorifique, ce matériel de 429 FOI l’honneur à rendre à Dieu. — e) Enfin, la liberté de la foi, telle qu’elle est expliquée dans ce système par opposition à tous les autres, n’est pas une de contrariété (comme dit l’école) entre le bien et le ma·, entre la foi et le doute imprudent, entre la fol <*t l’in­ crédulité coupable. C’est essentiellement la liberté de choisir entre deux biens, entre deux assentiments fermes donnés au témoignage divin, la foi discursive et la foi non discursive. Assurément, la seconde est présentée comme très supérieure à la première, comme seule sur­ naturelle. seule satisfaisant au précepte de lu loi. Mais, en admettant mémo cela, nous ne sommes pas obligés d’agir surnaturellemenl h chaque Instant, ni de la manière la plus parfaite; le précepte positi/ de ta foi théologale n'oblige pas pro semper : il laisse donc place à des actes de foi discursive ou « scientifique * auxquels il n’y n aucune obligation d’ajouter un assentiment supérieur toties quoties. Quant au précepte négali/ de la foi, il n’est violé que par le doute volontaire ou la négation d’une vérité sutllsamment proposée comme révélée : il ne peut donc être violé par une ferme adhé­ sion h cette vérité, cette adhésion fût-elle sous une forme discursive ou scientifique qui n’a rien en soi d’immoral, et qui a son utilité au moins comme pré­ paration rationnelle à la foi proprement dite. Ainsi, et de l’aveu même des défenseurs du système, la liberté qui peut suffire à un acte de foi théologale consiste à choisir une foi plus parfaite au lieu d’une foi moins parfaite au témoignage de Dieu. Or. ccttc conception de la liberté essentielle de la foi ne semble pas répondre à celle que donnent les documents sacrés, qui doivent guider nos théories. D’après eux, la liberté de la foi ne consiste pas h choisir entre deux biens, mais entre la fol et le doute, entre la foi et l'incrédulité, ce que nous prouvons par les considérations suivantes. Le rôle de la volonté libre et son objet peut se déduire de celui de la grâce, puisque la volonté ne fait que con­ sentir et coopérer ù ce que la grâce lui Inspire et opère en elle, homo liberam pricstat ipsi Deo obedientiam (in fide), gratiæ ejus, cui resistere posset, consentiendo et cooperando. Concile du Vatican, c. ni, Denzinger, n. 1791. Voyons donc le rôle de la grâce sur la volonté dans la foi, décrit par le I I· concile d’Orange. Il dit que la volonté de croire, ipse credulitatis a//ectus, est en nous par un don de la grâce, id est, per inspirationem Spiritus Sancti corrigentem voluntatem nostram ab infidelitate ad fidem, ab impietate ad pietatem. Can. 5, Denzinger, η. 178. La volonté doit donc, sous l’in­ fluence de la grâce, choisir non pas entre deux biens, mais entre l’incrédulité et la fol, entre l'impiété et la piété. L’Écriture nous donne déjà la même conception, lui foi d’Abraham est donnée par saint Paul comme le prototype de la nôtre. Or en quoi consista son mérite, et par conséquent sa liberté, racine du mérite? Que loue saint Paul en lui? Est-ce d’avoir adhéré au té­ moignage divin de telle façon plutôt que de telle autre, ferme cependant? Non : mais d’avoir cru fer­ mement au lieu de sc laisser aller au doute et Λ l'incrédu­ lité : Non infirmatus est flde..., non hæsilavit diffi­ dentia, etc. Rom., IV. 19, 20. Est-ce d’avoir « fait abstraction » de 1'evidentia attestant!* qu’il avait? Non : mais d’avoir fait abstraction des raisons intrin­ sèques qu’il pouvait avoir de douter du miracle annoncé : nec consideravit, etc., 19. Voir, sur ce texte, col. 68, 88. Ajoutons que saint Thomas, quand il explique (sommairement) le rôle de la volonté libre dans la foi, représente toujours la volonté comme fixant et déterminant l'intelligence, qui autrement resterait dans le doute, dans la fluctuation entre les deux assertions opposées. Sum. theol., II· II·, q. î, a. 4; De veritate, q. xiv, a. 1. 6. Système qui explique la liberté spéciale de la foi par la « résolution de préférence ·, qui doit régner dans la 430 voloni/ du fidèle. — Cette résolution générale de croire tout ce que Dieu a révélé, de persévérer toufours dans la fol reçue et de la préférer d lout ce qui viendrait la contredire, est demandée par les documents positifs, voir col. 320 sq. — fondée en raison, voir col. 331 sq. Elle doit servir à expliquer l'appréciation souveraine, super omnia, qui est requise dans la foi comme dans les autres vertus théologales, et qui fait de ces vertus un suprême hommage rendu à Dieu. Voir col. 383 sq. Elle influe d’une manière spéciale sur l’adhésion aux vérités révélées, et concourt à donner à b certitude de la foi son caractère propre. Voir col. 387. 11 était donc naturel que cet acte de la volonté libre, cette disposition régnante, fût utilisée dors l’explication du pius affectus et de la liberté spéciale de la fol. Saint Thomas, si l’on rapproche plusieurs de scs paroles, semble avoir indiqué cette direction aux recherches des théologiens. Même les vérités révélées qu’on ignore, on doit avoir l’âme prête à les croire, credere in preparation? animi, · être prêt à croire tout ce que contient la divine Écriture. » Sum. theol.. Il· II·, q. n, a. 5. L’hérétique formel « est attaché à sa propre volonté...; il n’est pas prêt à suivre en tout b doc­ trine de l’Église, » q. v, a. 3; au contraire, les fidèles sont « prêts à croire tout, » q. v. a. 4, ad l»·. Ceux-là mêmes, parmi eux, qui ne connaissent que peu d’arti­ cles. · comprennent... qu’il ne faut en aucune façon s’en écarter et dévier, · q. vin, a. 1. ad 2··. Quand on a cette disposition générale, « cette promptitude de la volonté à croire, on aime b vérité que l’on croit, et l’on cherche des raisons (pour la défendre, ou se la rendre à soi-même plus croyable ) : ainsi employée, la raison humaine n’exclut pas le mérite de la foi, au contraire, elle est signe d’un plus grand mérite, »q. n, n. 10. · Les raisons démonstratives qui apparaissent à l’esprit pour prouver les préambules de la fol... ne diminuent pas cet amour, par lequel h volonté est prête à la foi quand bien même ces raisons n'apparaî­ traient pas : c’est pourquoi le mérite n’est pas alors diminué. » Loc. cit., ad 2··. Notons ici que, si les · preu­ ves des préambules » sont « démonstratives · — étant donné le sens que les scolastiques attachent au mot • démonstration » — c’est Vevideniia attestant!* : saint Thomas la juge donc compatible avec le mérite (et par conséquent la liberté) de la foi. et cela, à cause de la volonté générale de croire en toute hypothèse, qu’il y ait ou qu'il n’y ait pas cette évidence de luxe. Car nous ne devons pas exiger celte évidence et il suffit d’une crédibilité inférieure. Voir col. 215 sq. Au contraire, la « foi des démons » non seulement est dépourvue de cette volonté générale de rendre a Dieu le plein hommage de la foi. mais encore est accom­ pagnée d’un déplaisir, parce que leur foi, même forcée, est après tout un hommage matériel qu’ils lui rendent et qu’ils ne voudraient pas lui rendre, en sorte que. par cette opposition de leur volonté, leur hommage n’est pas formel. Voir système précédent, col. 428. « Ccb même déplaît aux démons, dit suint Thomas, que les preuves de la révélation soient si évidentes qu'elles les forcent à croire, ■ q. v, a. 2, ad 3··. Ce n’est donc pas précisément Vevideniia attestant!* qui détruit la liberté et le mérite de la foi : mais tout dépend de ia volonté et de la disposition générale qui y règne : dis­ position toute contraire dans le vrai fidèle qui aurait ccttc évidence, et dans le démon qui l’a. Le premier a la < pieuse a flection »; le second, la résistance impie de la volonté. Saint Bonaventure donne les mêmes indications. 11 faut (pie · l'intelligence adhère à la souveraine Vérité propice se et super omnia... Cette rectitude, on ne l’a pas sans la vouloir, mais en la vou­ lant. On veut captiver son intelligence pour rendre hommage au Christ. » In IV Sent.. I. 111. dist. XXIII, a. 1, q. i. Opéra. Quaracclii, 1887, I. ni 1. Et 431 FOI 432 louées par le scotlstc Mastrlus, Disput. theol, in 11 h* plus loin, après avoir dit que les démons ont l’évi­ dence des préambules, manifesta ratione coguntur Sent., Venise, 1675, dist. VI, n. 257, p. 360, et par credere, cc n’est pas précisément par leur procédé Kilbcr, De fidc, ή. 182, dans Mignc, Theologite cursus, intellectuel qu’il explique comment leur foi n’est pas t. vi, p. 552, 553. De nos jours, le docteur Schecbcn a h vraie fol. mais par le double déficit du surnaturel ct aussi indiqué cet élément. 11 dit que la liberté de la foi de la bonne disposition générale de la volonté : · La n’est pas « une imperfection née du défaut d’argu­ foi comme vertu... ne peut sc trouver chez eux, soit ments victorieux..., imperfection qui distinguerait la foi de la science évidente, et qui lui serait commune parce qu'ils ne sont pas susceptibles de vertus infuses, avec ce qu’on appelle opinion. » Non : · l'absence de soit parce que leur volonté est plus portée à attaquer la pieuse vérité qu’à lui faire donner assentiment. » force coercitive dans les arguments ne lui est qu’une Loc. cil., a. 2, q. ni, p. 493. « Ils croient par force, cl occasion de manifester pleinement la liberté qui est quasi cum quodam murmure, > ad 2e“, p. 494. Tolct dans sa nature. La base de ccttc conception a été suit ccs grands docteurs du moyen âge. Pour les anges posée par le concile du Vatican, où il est dit que par in via. il déduit la liberté de leur foi de cc que leur la fol plenum revelanti Deo intellectus et voluntatis volonté était bien affectionnée, quoiqu’elle n’eût pas à obsequium præstare tenemur (Denzinger, n. 1789),.. intervenir pour déterminer l’intelligence : « Pour eux La foi... est une adhésion à la vérité révélée, prove­ il était évident que Dieu avait révélé; à cause de ccttc nant d’une soumission respectueuse à l’autorité et évidence, ils ne pouvaient ne pas croire aux vérités d’un attachement étroit à la Vérité éternelle. » La révélées; ct pourtant leur foi n’était pas forcée, parce dogmatique, trad, franç., Paris, 1877, t. i, § 45, p. 525, qu’ils taisaient cela volontairement ct non pas avec 526. C’est le « caractère ct la perfection propre » de la répugnance de la volonté. · In ll*a //·, q. v, a. 1, t. n, foi, qui exige que l’assentiment de foi soit « suscité ct p. 95. Pour les démons, au contraire, · leur foi est forcée, soutenu par le libre arbitre... Cette énergie de la dit-il, parce qu'ils ne voudraient pas que ccs mystères liberté ou de l’affection liliale de la volonté se révèle en fussent vrais, ct qu’ils croient à contre-cœur : aussi cc que l'assentiment de l'intelligence qu'elle éveille ct leur foi n’a pas de mérite. > Loc. cil., a. 2. Quand Tolct supporte est essentiellement une adhésion transcen­ dit que la foi des démons est forcée, coacta, cc n’est dante, super omnia, conforme à l’in finie dignité de la donc pas l'intelligence nécessitée par Vevidentia atlenature divine. » Loc. cit., p. 527. stantis, qu’il regarde surtout : car cc même phénomène Critique du système. — a) 11 met en avant un élé­ se passait d’après lui chez les anges in via, « ct pour­ ment trop laissé dans l’ombre par beaucoup de théo­ tant leur fol n’était pas forcée : » cc qu'il regarde, c’cst logiens, une résolution ou disposition générale de la la disposition générale de la volonté, répugnant chez volonté qui, d’après les documents positifs, appartient les uns ct ne répugnant pas chez les autres à l'assenti­ certainement à la foi divine, ct par sa nature même ment intellectuel nécessairement donné par tous. Dans réside dans la volonté libre; élément qui doit donc le vrai croyant qui a Vevidentia atlestant is, il ne faut entrer, au moins pour une part, dans l’explication donc pas s’arrêter à son intelligence déterminée par distincte de la volonté de croire ct de la liberté spéciale cette évidence, mais tenir compte de sa volonté bien de la fol. — b) On peut même en faire comme l’élé­ disposée à l'égard de la foi en général, contente de ment principal et le centre de la liberté de la fol : car croire ct prête à faire son devoir s’il y avait quelque ccttc résolution domine l'acte de foi dans tous les cas doute à chasser, s’il y avait l'intelligence à déterminer. différents qui peuvent sc rencontrer. Si un doute sc D’autres théologiens font une part à cct élément, présente ct tient l’esprit en suspens, si la vogue ct bien qu'ils aient en même temps recours à quelqu'un l’autorité humaine d’une prétendue science vient con­ des autres systèmes précédents. Ainsi Lugo : « Et quand tredire l’autorité divine, ccttc résolution générale, bien même les motifs de la fol nous convaincraient in­ sérieuse comme nous la supposons, l’éliminera avec dépendamment de la volonté/dit-il — c'est Vevidentia I l’aide de la grâce; air de même qu’on ne peut garder altcstanlis — U faudrait encore la volonté pour avoir sérieusement le ferme propos de ne jamais commettre l'assentiment super omnia, à quoi l’intelligence n’est de péché mortel ct en même temps en commettre un, pas déterminée par elle-même. » De fide, disp. X, n. 10, de même, on ne peut garder sérieusement la résolu­ p. 427. Avec Vevidentia at testant is l’acte de foi est tion de rejeter tout cc qui viendra contredire la foi, la libre, d’après Rlpalda, à cause de ccttc affection de résolution de faire du témoignage divin la règle su­ la volonté, qui, évidence ou non, choisit en toute prême de son intelligence, ct en même temps sc laisser hypothèse l'hommage de la foi : eo affectu ut, seclusa aller librement au doute sur un point particulier de evidentia revelationis, etiam eum eligeret in obsequium la révélation. Dans le cas contraire où nul doute, nulle Dei. De ente supernaturali, Paris, 1873, L vu, disp. raison de douter ne sc présente — qu’il y ait evidentia XI1, n. 12, p. 219. D’après Gormaz, pour que 1’actc attestanlls, ou « foi confuse » — ccttc disposition de la de fol salutaire soit conciliable avec Vevidentia attevolonté, toujours régnante, n’en est pas moins méri­ stantis, on doit croire ex tali animi prieparatione..,, ut, toire devant Dieu : si elle ne bannit pas actuellement quamvis deficeret illa evidentia, et maneret sola obii· les doutes, c’cst qu’il n’y a pour le moment rien à gatio credendi, assensum illum imperarent. Cursus bannir; mais l’intention est réputée pour le fait. Et theologicus, Augsbourg, 1707, t. i, De fide, n. 711, l’assentiment intellectuel, alors donné d'emblée à la vérité révélée, reste « Informé » en quelque sorte par p. 802. Mayr reproduit la même doctrine, Theologia ccttc bonne résolution, soit qu’elle vienne d’être renou­ icholastica, Ingolstadt, 1732, t. i, De fide, n. 468, velée actuellement, soit qu’elle persévère virtuelle­ p. 142; et plus loin : « Dans ccttc préparation du cœur ment, cc qui suffit. Voir col. 430. Cc système a donc à vouloir croire, même sans Vevidentia in attestante, consiste alors la mise en captivité de l’intelligence ct l’avantage de faire intervenir la liberté spéciale de la fol, d’une manière plus ou moins prononcée, dans tous l’hommage qui est dû. » Loc. cil., n. 469. Avant eux, les actes de fol : cc qui est encore plus satisfaisant que Arriaga avait dit : < Quoique toutes les vérités de la foi ne soient pas mystérieuses en elles-mêmes, c’cst assez d’admettre, avec le 3· système, des exceptions où elle que l’une ou l’autre le soit pour qu’une pieuse affec­ n’intervient pas du tout. Ainsi l’on peut résumer tous les cas dans une seule formule : La liberté, spéciale tion doive intervenir même dans la fol des choses de la fol consiste essentiellement dans la libre ct ferme faciles : car même cclles-d doivent être crucs d’une foi résolution de préférer la parole divine, à cause de sa universelle, pour ainsi dire, et préparée à croire sembla­ valeur souveraine, à tout cc qui viendra la contredire; blement les choses les plus difficiles. » Disp, theol., L v, en vertu de cette résolution, la volonté, si des doutes disp. XVII, n. 13, p. 247. Paroles reproduites ct 433 FOI sont présents, les combat ct les exclut; s’ils sont absents, clic est prête ù les exclure. ■ Ainsi la liberté de la fol reste essentiellement une « liberté de contra­ riété » entre b fol ct l'incrédulité, comme il ressort des documents positifs. Voir cc que nous avons dit dans la critique du 5· système, col. 429. Ainsi le fidèle n'a pas à choisir entre deux procédés Intellectuels diffé­ rents, complication que nous avons réfutée au meme endroit. Sans qu’il ait à se préoccuper d’un tel choix, c’cst b disposition régnante de sa volonté qui dirige tout, déterminant l’intelligence où il faut b déter­ miner. ct en tout cas lui donnant cc super omnia, cette fermeté supérieure, cc caractère d’hommage suprême à la Vérité divine, qui est un élément essentiel de b fol théologale. Voir col. 383 sq. — c) Cc système pourtant ne semble pas suffire, s'il n'emprunte ù quelqu'un des autres telle remarque qui le complète. Par exemple, le 4· système insiste avec raison sur les libres efforts qui ont été faits précédemment pour croire promptement sur b simple affirmation de Dieu, malgré notre tendance naturelle à pénétrer l’objet affirmé, ù l’examiner intrinsèquement avant de nous rendre; c’cst à ccs efforts qu’est duc ensuite, pour une large part, b facilité avec laquelle le fidèle est entraîné à b foi, ct croit maintenant sans crainte, sans arrêt ct comme spontanément. Voir col. 416. Mais ccs efforts précédents, qui les a suscités et sou­ tenus, sinon la pieuse résolution (inspirée par b grâce) de rendre à Dieu constamment l’hommage de 1a fol, de captiver l’intelligence, ct de préférer b parole divine à tout cc qui lui est contraire? C'est ccttc résolution de préférence qui a fait contracter l’habitude de croire Dieu sur parole, sans entrer dans l’examen du mystère ù croire, sans sc bisser hypnotiser par les difficultés. La détermination spontanée de l'intelligence est donc ai quelque sorte son œuvre, et lui emprunte un élé­ ment de liberté. Par là nous voyons qu'un acte de foi, même enlevé spontanément dans certains cas, n’a pas ccttc résolution seulement pour compagne, mais encore pour cause : qu’il en procède; condition nécessaire pour qu’il puisse en recevoir de la liberté, ct pour qu’elle joue à son égard le rôle d'imperium voluntatis, d’après l’expression ordinaire de saint Thomas. Car suivant la remarque du cardinal Billot, b volonté dans l’acte de fol ne doit pas être « purement concomi­ tante ·, mais 11 faut croire par une influence de b vo­ lonté libre, ct cette préposition par, ou en latin < l’abla­ tif, libera voluntate, doit absolument signifier une re­ lation causale, en sorte que l’adhésion de l'intelligence dépende de 1a volonté libre comme l’effet de sa cause. » De virtutibus infusis, 2· édit., Rome, 1905, thés. xvnî, p. 325. Distinction Indiquée par saint Thomas, Sum. theol., I·, q. xi.t, a. 2. Objection. — Dans le cas de Vevidentia attestantis, l’assentiment nécessairement produit par les preuves des préambules pourra être l’acte de fol lui-même, d'après cc système, pourvu qu’il soit en même temps produit par b vertu infuse. Or, ccttc · production nécessaire par les arguments » est condamnée par le concile du Vatican. Cnn. 5, De fide, Denzinger, n. 1814. Réponse. — a) On pourrait dire : Le concile con­ damne b doctrine d’Hermès, ct fait abstraction du cas exceptionnel de Vevidentia attestantis. Voir 3· sys­ tème, col. 416. — Mais, en outre : b) dans cc cas excep­ tionnel, l’acte de fol, considéré précisément dans sa partie Intellectuelle, sera le produit nécessaire des preuves évidentes des préambules, soit : mais il ne sera pas que cela. 11 faut tenir compte de cette réso­ lution régnante, qui entre dans la composition de l’acte de fol, et qui ne dérive nullement des arguments évidents, mais qui en reste indépendante. Hermès, lui, ne tenait aucun compte de cet élément volontaire qu’il n'admettait pas, pas plus que 1a grâce. Pour lui, 434 l’acte de fol n'était que le produit nécessaire des argu­ ments, et c'est cc qu'on a voulu condamner. Le canon proposé aux Pères le disait explicitement : Si quis dixerit fldem... non ewe nisi persuasionem necessariis scientiee humana argumentis inductam.... anathema sit. Collectio lacensis, L vn, coi. 77. Non esse nisi : Il ne faut pas dire qu'elle n'est que cela. Or le système pré­ cédent ne le dit pas, puisqu'il réclame un élément volontaire inconnu à Hermès, ct lui attribue sur l’as­ sentiment une influence réelle, même dans le cas excep­ tionnel de Vevidentia atteslantis. — Si Ton objecte que cc canon proposé aux Pères a été modifié par suite des amendements, ct que les mots non esse nisi n’y figurent plus, la réponse sera que les amendements successifs d’où a fini par sortir la forme actuelle n’a­ valent pas pour but de changer le sens premier du canon proposé, qui reste toujours le même, mais ne visaient qu'une question de style : ct les Acta en font foL Ce terme, necessaria argumenta, est la seule cause des changements introduits. Destiné à traduire en bon latin les « arguments nécessitants » de Hermès (necessitantia, comme on l’a plusieurs fois remarqué au concile, serait d’une mauvaise latinité), le mot necessaria parut équivoque à plusieurs, et non sans raison. Loc. cil., col. 164. Chose étrange, c’est pour expliquer ce mot ambigu que la commission de la foi introduisit alors dans cc canon le passage qui nous parait maintenant le principal : Si quis dixerit assen­ sum fidei non esse liberum, et... Lac. cil., col. 165. Ainsi tombèrent les mots fidem non esse nisi, qui ne pou­ vaient plus cadrer avec la nouvelle forme de la phrase. La commission et son rapporteur pensaient avoir, par cette addition explicative, donné satisfaction complète : E contextu verborum jam etiam apparet, necessaria dici argumenta, quae vim intellectui inierunt, et ad assensum cogunt. Loc. cit.. coL 188. On n'en con­ tinua pas moins à attaquer la malheureuse expres­ sion necessaria argumenta. coL 191. Il fallut une nou­ velle délibération de la commission, qui proposa alors le texte actuel, adopté ensuite par les Pères, col. 192. 193. Cf. Grandcrath-Kirch, Histoire du concile du Vatican, trad, franç., Bruxelles, 1911, t. n b, p. 113115. En terminant, observons que tous les systèmes précédents, malgré leurs divergences, sont d'accord pour distinguer deux actes, l’un de volonté, qui pré­ cède, l’autre d'intelligence qui suit, en sorte que le premier soit au second dans b relation de cause à effet. ct non réciproquement. C’est 1*intellectus a I voluntate motus de saint Thomas. Sum. theol.. Il· II·, q. π. a. 2, l’aclus intellectus assentientis veritati divinae ex imperio voluntatis, loc. cit., a. 9. avec b théorie célèbre de l'ac/us imperans et de i’actus imperatus, actes différents quoique avec une certaine unité, quodam­ modo unus actus, Ι· 1Ι·, q. χνιι. a. 4; cf. a. 6. Ainsi pouvons-nous répondre à cette dlfilculté : L’assenti­ ment est un acte de l’intelligence; or l'intelligence n’est pas une faculté libre; comment donc le concile, dit-il, après les théologiens, que « l’assentiment de fol est libre? » L’assentiment, acte de l’intelligence, n’est pas libre formellement. Intrinsèquement, c’est vrai; mais il peut participer à h liberté de l’acte de volonté qui l’a commandé, et en recevoir b dénomina­ tion de volontaire, de libre, de méritoire. Quoique ces mots : « acte de volonté, acte volontaire » se disent pre­ mièrement de l'acte immanent de volonté, on peut les étendre secondairement Λ tout acte qui, n’étant pas dans b volonté, est commandé par elle, comme dit saint Thomas : Actus voluntatis dicitur esse, non solum quem voluntas elicit, sed quem voluntas imperat : unde in utroque meritum considerari potest. Quxst. disp., De veritate, q. xiv, a. 4, ad 6··. La volonté commande à toutes nos énergies, et les met en acte : prises par rap­ 135 FOI 436 le mystère, qu’on perd ainsi le mérite de In fol. Écou­ port A cc commandement, et en tant qu’elles agissent tons saint Athanase : « Une fol qui apparaît avec évi­ sous cette motion, leur acte peut être dit « volontaire » : dence (c’est-à-dire dont l’objet apparaît ainsi) ne peut un mouvement « volontaire » de la tête ou du bras. s’appeler foi. La foi croit l’impossible (comme devant Ainsi, dit Suarez, l’assentiment de foi < est a la volonté sc réaliser) dans la puissance (de Dieu), le faible de croire comme l'acte extérieur à l’acte Intérieur de h volonté. » De fide, dlst. VI, sect, vu, n. 9, Opéra, (comme devant être) dans la force, le souffrant dans t. xn, p. 188. II reçoit, de l'acte intérieur de la volonté, l’impassibilité, le corruptible dans l’incorruptibilité, le mortel dans 1’lmmortalité. » Contra Apollinarium, non pas une nouvelle et différente liberté, mais la même liberté, le même mérite, qu’il participe analo­ L II, n. 11, P. G., t. xxvi, col. 1150. On peut voir là des allusions à Luc., i, 37, 45; Boni., iv, 18-21; ICor., giquement et du dehors, suivant la meilleure théorie de Γ · acte extérieur » dans le traité De actibus huma­ i, 21-25; n, 3-5; xv, 53, 54. Sur Tertullien, voir coL nis. Voir Suarez, toc. cit.; Bllluart, Summa, etc., Paris, 80; sur S. Jean Chrysostomc, col. 113. Il ajoute à 1827, t- vu, De actibus humants, diss. IV, n. 8, p. 362 sq. l’endroit cité : « Si vous voulez voir, vous n'etes plus Cc serait donc sc séparer de saint Thomas et du grand fidèles. » Sur S. Éphrem, Prlmasius et S. Grégoire le courant théologique dans l’explication de la liberté de Grand, S. Irénéc, S. Hilare, etc., voir col. 113, 114. la fol que de rêver un assentiment de l’intelligence Voir aussi les textes sur le mérite sp clal de la foi, intrinsèquement libre; ou bien de faire de l’intelligence col. 398. Enfin, ils disent que, lorsque nous verrons au un amour, comme semble le faire M. Rousselot, voir ciel l'objet divin, la foi deviendra impossible et devra col. 262; ou encore, avec le même auteur, de supposer cesser. Voir col. 364. une · causalité réciproque » entre la volonté et l’intel­ 3. Les documents de I'Église. — Jamais l’obscurité ligence dans l'acte de foi, la volonté rendant libre l’as­ de la foi n’a ét définie, parce que jamais elle n’a été sentiment, qui à son tour rend ccttc volonté raison­ niée. C’est une vérité de foi catholique, mais non pas nable, de même qu’une passion violente, en altérant de foi définie; enseignée par le maglstè c ordinaire, le jugement, fait voir les choses d'une manière qui la mais non par un jugement solennel et exit aordinairo justifie elle-même (mats dans cc cercle vicieux bien de l’Église. Certaines définitions fournissent pourtant faible est la garantie I). Voir col. 263, avec les réfé­ des principes liés à cette obscurité, et qui servent à rences. l’expliquer comme nous le verrons. Telle est cette 5° Documents positifs sur l'obscurité de ta fol. — définition de Benoît XII, qu* u ciel les eux veitus 1. L*Écriture. — « La foi est... la preuve (ou la convic­ théologales de fol et d’espérance sont éliminées par la tion) des choses que l’on ne voit pas », ού βΕπομένων. claire vision et la jo issancc de leur objet divin, quod Heb,, xi, L Voir col. 86. « Bienheureux ceux qui n'ont visio hujusmodi divinæ Essentiæ ejusque fruitio actus pas vu et qui ont cru. > Joa., xx, 29. ·Ne pas voir, » c’est fidel et spei in els (an mabus) evacuant, prout fides et l’inévidence de l’objet, et par suite, l’obscurité de la spes proprlte theologica sunt virtutes. Const. Denedictus connaissance; la connaissance de foi est donc obscure- Deus, Denzinger, n. 530. Telles sont ccs définitions du Si ailleurs Je mot « voir · est employé pour l’acte de foi, concile du Vatican, que la foi n’est pas une connais­ au sens très large de connaître, c’est avec des restric­ sance « Intrinsèque >, c. ni, Denzinger, n. 1789; que la tions qui attestent l’obscurité de ccttc connaissance · fol n’est pas la science, can. 2, De fide, n. 1811; que • Nous voyons en ccttc vie d’une manière énigmatique, : dans la révélation, objet de notre fol, sont contenus ίν αίνίγματι» mais alors (nous verrons) face à face. » des mystères au sens proprement dit, que la révélation ICor., xiii, 12. Que ccttc connaissance énigmatique ou seule peut nous faire connaître, c. iv, n. 1795, et can. 1, obscure signifie la fol, nous le concluons soit du verset De fide et ratione, n. 1816; que, même connus par la suivant où il s’agit explicitement de la · foi » qui de­ révélation et la foi, ccs mystères, qui dépassent la rai­ meure ici-bas avec l'espérance et la charité, soit d'un son, restent couverts d’un voile et enveloppés d'obscu­ texte parallèle où la «foi » caractérise notre pèlerinage î rité pour ainsi dire, quadam quasi caligine obvoluta, en cette vie par opposition à la vision du ciel. II Cor., c. iv, n. 1796. v, 7. La révélation, objet de notre fol, est obscuré­ G0 Conclusion théologique certaine : il y a dans la foi ment saisie, puisqu’elle est comparée par saint Pierre à une obscurité spéciale qui n'est pas dans notre science. « une lampe qui luit dans un lieu obscur jusqu'à cc — Sans doute, à cause de l'imperfection de notre que le jour brille. · II Pet., i, 19. science, surtout de la science naturelle de Dieu ou 2. Les Pères. — a) Conformément à l'Épttre aux théodicée, on pourrait trouver une certaine obscurité Hébreux, xi, 1, ils font entrer souvent dans leurs dans la science même avec scs concepts vagues et définitions de la fol l’idée d'obscurité, sous une forme abstraits, et même purement analogiques quand il ou sous une autre : ils la considèrent donc comme s’agit de Dieu, avec les images empruntées nu monde caractéristique de la foi, puisqu’on ne met dans une corporel, sous lesquelles notre Intelligence cherche à sc définition que des éléments caractéristiques. Ainsi représenter les choses spirituelles. La révélation Cl ment d’Alexandrie : « La foi est un assentiment d’ailleurs offre cette même obscurité, puisque pour qui nous unit à une chose qui n'apparaît point. · s’exprimer elle emprunte ccs mêmes concepts à la Strom., II, c. il, P. G., t. vin. col. 939. I nature humaine, et parle un langage humain. On peut Théodorct, entre autres anciennes définition de la ( donc admettre une certaine obscurité commune à 1a foi qu’il a recueillies, cite celles-ci : « La foi est la con- i science et à ta fol. Mais les documents que nous avons temptation d’une chose cachée, » άφα,οΟς πράγματος 1 cités doivent nous faire conclure à une autre obscu­ fatpta. « La foi est une connaissance des choses Invisi­ rité, qui soit propre à ta foi seule. Car ils mettent l’obs­ bles· » τών αοράτων. Græcarum affect, curatio, scrm. i, curité dans la définition même de 1a foi, cc qui n’a d fide, P. G., L lxxxiii, col. 815. Saint Prosper dit : | jamais Heu pour la science. Ils déclarent l’obscurité Pida est, quod non vides, credere. Liber sentent, ex essentielle à ta foi, cc que l’on ne peut dire de la S. Augustino, n. 534, P. L., t. u. col. 484. Voir ta défi­ science, qui plutôt élimine l'obscurité tant qu’elle nition de saint/Augustin citée plus haut, col. 113; celle peut et, sur bien des objets proportionnés à notre de saint Bernard, prir libatio nondum propalatae veri­ intelligence, n'est pas obscure. Enfin, ils disent que 1a tatis, coL 364. CL S. Thomas. Sum. theol.. Π· 11·, q. IV, clarté détruit 1a fol, par exemple, au ciel : mais la clarté ne détruit pas ta science 1 Les scolastiques oppo­ a. L saient entre elles 1a science et la fol sous le rapport de à) Ils donnent l'obscurité comme si essentielle à ta la clarté ou évidence. El comme ta clarté est une per­ fol qu’on ne peut plus appeler fol la cl ire vision, fection, l'obscurité une imperfection, sous ce rapport qu’on n est plus fidèle si l’on veut nier ou comprendre 437 FOI Ils mettaient la fol nu-dcssous de la science dans cet axiome : Fldes est supra opinionem et mira scientium, Hugues de Saint-Victor. De sacramentis, I. 1. part. X, c. n, P. L.. t. ci.xxvi, col. 331; cité et expliqué par S. Thomas Sam. theol., 1I» 1l·, q. iv, a. 1 ; /n / V Sent., L ΠΙ, dlst. XXI11, q. n, a. 2, sol. 3, ad lu“. Au-dessus de l’opinion par sa certitude, elle est au-dessous de la science par son obscurité. Il faut donc admettre dans la foi une obscurité toute spéciale. Conséquence à tirer : dans l'explication théologique de cette obscu­ rité» il faudra chercher autre chose que les considéra­ tions qui vaudraient pour notre science humaine comme pour la foi : le caractère abstrait ou analo­ gique des concepts, le vague des métaphores, etc.; quoi qu’on doive aussi tenir compte de cet élément commun. Autre conséquence : l’obscurité de la foi par rapport à la science et à la vision n’est pas une question de simple différence accidentelle dans le degré de clarté, une différence secundum magis et minus;mûs il doit y avoir dans la science une espèce de lumière qui manque totalement dans la foi ; en d’autres termes, il doit y avoir dans la fol un élément d’obscurité exclu totalement par la science, et qui constitue ainsi une note spécifique, une différence essentielle. Car les documents sur l’obscurité de la foi ne parlent pas d’un moindre degré d’évidence, de vision; ils nient simplement la vision. Aussi a-t-on généralement rejeté la différence purement acciden­ telle que Durand de Saint-Pourçaln a exprimée en ccs termes : Actus visionis et scientist acquisitae et actus fidei non habent oppositionem nisi secundum magis evidens el minits evidens. In IV Sent., 1. HI. dlst. XXXI, q. iv, n. 11, Paris, 1550. fol. 232. 11 dit ensuite quo ccttc opposition est seulement < apparente », et il conclut logiquement : Actus scientia stat in patria cum actu visionis secundum doctores, ergo stmiliter actus fidei poterit stare in patria cum visione. Loc. cit. Sur Vhabilus fidei, il conclut aussi qu’il peut demeurer au ciel, et quant au fait, s’il ne demeure pas, il dit qu’on ne peut en avoir une pleine certitude. Ibid., q. ni, n. 13, fol. 331. Ccs conclusions, si peu conformes à l’cnscigncmcn de l’Écriturc et des Pères, et rejetées par Benoit XII peu après la mort de Durand (voir le document ci-dessus), suffiraient à montrer que cc théologien aventureux est parti d’une conception fausse de l’obscurité de la foi. A l’appui de sa thèse, il disait qu’un degré de perfection moindre pouvait bien être de l’essence de la fol, mais non pas une privation, parce qu’un être positif n’est constitué que par des éléments positifs. Ibid., q. v, fol. 233. Mais un élé­ ment négatif, une privation même, peut, comme con­ ditio essentielle, servir à caractériser une espèce, con­ courir à la spécification d’un acte ou d’un habitus, comme l’a bien remarqué contre lui Capréolus, ce « prince des thomistes », au xv· siècle: Privatio potest esse conditio objecti habitus positivi : non quidem ut principaliter motiva nec termination, sed concomitativa : sicut etiam incertitude et formido et titubatio sunt de ratione opinionis, quæ est habitus positivus; et irratio­ nale de ratione asini, qui est species substantiæ posi­ tive; et tamen irrationale dicit privationem. C’est ainsi qu’il fail de l’obscurité une condition ou raison for­ melle de l’objet de fol : Et hoc modo dicimus enigma esse formalem rationem objecti fidei... Non est ratio movens vel motiva, nec primo terminaliva, sed conco­ mitativa. Defensiones theologlæ D. Thome, I. Ill Sent., dlst. XXV, q. i, a. 3, § 1, Tours, 1904, t. v, p. 328, 329. Capréolus dit encore qu’une privation ou négation peut appartenir à l’essence d’une chose positive non lanquam partem ejus essentialem aut inlegralem, sed tanquam partem rationis, designatlvam et characterisali­ vam essentiae, ad modum dijjerenllæ extriniecæ. Ioc. cU., disk XXXI, q. i, a. 3, § 2, p. 388. II en ect de 438 l’obscurité dans l’objet que l’on croit comme de la difficulté dans l’objet qu’on espère. Voir Espérance, col. 632, 633. Comme la difficulté n’est pas un motif d’espérer, au contraire elle est souvent un motif de décou ni gement, ainsi l’obscurité n’est pas un motif de croire, cc n’est pas elle qui attire notre intelligence à une vérité. Nous espérons malgré la difficulté, nous croyons malgré l’obscurité. Mais l’une et l’autre caractérisent nos actes d’espérer et de croire. Cette remarque est commune chez les théologiens. 7° Systèmes sur l'obscurité de la foi. — 1. Système de Γobscurité totale, de la foi complètement aveugle. — Telle semble être la pensée de Guillaume d’Auvergne, quand il ne veut pas même considérer la véracité divine; celle des iidéistes. quand lis rejettent toute preuve des préambules et du motif de la fol. Critique du système. — Voir ce que nous avons dit sur la théorie de Guillaume, col. 118, 119; sur le fidéisme, col. 175 sq. D’ailleurs, la fol est un a te Intellectuel, col. 56 sq., 8 sq., ayant un motif intel­ lectuel, l’autorité du témoignage divin, col. 107 sq.; le fait de ce témoignage doit être prouvé à la lumière de la raison, col. 189 sq. Un coup de volonté ne peut remplacer cette lumière, col. 171 sq. Voir aussi ce qu’à propos de la liberté de la foi nous avons dit du despotisme de la volonté, coL 396. La grâce vient encore aider à voir la crédibilité avant la fni. roi. 237 sq. Enfin, nous venons d’entendre saint Paul décrire ainsi la fol : Videmus in «nigmate; s’il y avait obscurité complète, il ne pourrait dire : Videmus. Ailleurs il l’appelle comprendre, savoir. Eph., ni, 17-19. « La fol est une connaissance, dit saint Thomas, et à cause de cela elle peut être appelée science et vision. » Quæst. disp.. De veritate, q. xiv, a. 2, ad 15··. Et d’autant plus que c’est une connaissance certaine. « On emploie non sans quelque raison, non immerito, dit saint Au­ gustin, le mot savoir non seulement pour ce que l’on a vu ou ce que l’on voit, mais encore pour cc que l’on croit sur des témoignages ou des témoins sûrs. Après avoir pris de la sorte, et sans trop d’impropriété, non Incongruenler, le mot savoir pour une fol très certaine. 1 on est arrivé à dire aussi, des choses que nous croyons à bon droit bien qu’elles ne soient pas présentes, que par la pensée nous les voyons. · Liber de videndo Deo, ou Epist., cxLVii, c. ni, P. L., t. xxxm, col. 600. Sons doute, c’est au sens large et Impropre qu’on parle id de < savoir », de · voir ». Voir col. 113, 114. Au sens propre,l’obscurité de la foi nie absolument b «science», la « vision ». Mais elle ne nie pas pour autant la « con­ naissance », cc qui nous suffit en ce moment. La fol n’est pas absolument « aveugle », cc que réprouve le concile du Vatican : Fidei assensus nequaquam motus animi caecus, c. m. Denzinger, n. 1791. Cc premier système est donc insoutenable. 2. Système qui explique l'obscurilé de la foi par Cinèvidence de l'objet formel (quo, ou motif), en d’autres termes, par le manque d*evidentia attestant is. — C’est celui de Battez, de Lugo et autres ennemis intransi­ geants de cette évidence extrinsèque, qui, la croyant contraire aussi bien à l’obscurité qu’à la liberté de la foi, la bannissent de tout acte de cette vertu. D’autres mitigent ce système en admettant cette évidence à titre d’exception, comme nous l’avons vm pour la liberté. Voir col. 399 sq., 412 sq. Critique du système. — a) Sous sa forme intransi­ geante, il a tort de nier tout fait d'evtdenlia altestantis, et toute possibilité de concilier cette évidence avec l’acte de fol. — b) On peut, pour expliquer l’obscurité de la foi, recourir partiellement à ccttc Inévidence de l’objet formel, en admettant des exceptions. Car enfin, tout manque d’évidence constitue une espèce d’obscurité. Et le P. Pcsch semble aller trop loin quand il dit que · cc genre d'obscurité est commun à b fol 43, reçues en philosophie et en le découvrir aussi par les effets, par la fumée qu’on théologie, consacrée même par le concile du Vatican. commence à apercevoir; dans cet effet, dans cc signe Voir col. 115, 116. La connaissance « intrinsèque > naturel d'un feu qui commence, on voit aussi, en pénètre au dedans, intra, parce qu’elle a une sorte de quelque sorte, cc feu qui en est la cause propre. Exem­ ple dans l’ordre moral : je puis conclure ma responsa­ vision de la réalité concrète à travers les idées abs­ traites et les énoncés; la connaissance « extrinsèque · bilité de sa cause propre, de mon action libre : dans cette liberté dont j’ai conscience, je vois la responsa- j sc tient au dehors, extra, parce qu’elle prouve quelque chose sur cette réalité sans la voir. La vision même bil té qui en découle et qui se mesure à cette liberté. que l’on a du témoin, si fréquente dans la fol, n’est Je puis conclure la même responsabilité et comme la pas la vision de la chose qu’il atteste. De là vient que voir dans ses effets, dans cc remords qui m’agite, dans les scolasVqucs ont souvent réservé le nom <1* < évi­ le sentiment que j’ai d’avoir mérité une peine. Les dence » à la seule évidence intrinsèque, comme à l’évleffets.. tiennent à h cause, dit Ollé-Laprune. sans 441 FOI dcncc par excellence. Cela ne voulait pas dire, comme on l’a cru parfois, que le témoignage, de sa nature, ne puisse jamais forcer l’assentiment; qu’il laisse toujours place au doute ou Λ l’indétermination de l’intelligence. Voir col. 418 sq. Mais cela voulait dire que cc que nous appelons l’évidence extrinsèque, si Irrésistible soit-elle, n’est point par ailleurs l’évidence parfaite, puisqu’elle ne peut être ramenée à la Dision de la réalité concrète, et que le mot ■ évidence » vient de video. Quand ils ont étendu davantage le nom d’ · évidence », les sco­ lastiques ont pris soin de préciser leur pensée en y ajoutant le mot extrinsèque. Voir Évidence, col. 1727, 1728. Ou bien ils l’ont appelée evidentia dicti, évidence de l’énoncé, evidentia consecutionis, évidence de l’en­ chaînement logique, et l’ont opposée à l’évidence de la chose concrète, evidentia rei. Cc n’est donc pas l'enchaînement dialectique des énoncés qu’il faut prendre comme caractéristique de la science : il peut sc trouver même dans la preuve d’autorité, qui n’est pas de la science. La dialectique, naturelle ou artifi­ cielle, est un besoin général de l’intelligence humaine, toutes les fois qu'il n’y a pas évidence immédiate de la vérité. On la retrouve partout, soit qu’il s'agisse d’une science qui reste dans les abstractions pures, comme les mathématiques, ou d’une science qui, à travers les énoncés, atteint une réalité concrète (la science que nous considérions plus haut), ou enfin d’une connaissance de cette réalité par le seul témoi­ gnage. Cc qui est commun à toute connaissance médiate ne peut servir à caractériser le genre science. Et qu'on ne dise pas que, dans le cas du témoignage divin, la valeur incomparable du témoin fera voir la réalité. Non : la preuve par témoignage ne change pas de nature avec le changement de témoin. « Λ mesure que l’autorité du témoin augmente, dit Gran­ din, docteur de Sorbonne, l’objet attesté devient plus certain, mais non plus clair. Or 11 n’est pas question maintenant de certitude, mais de clarté et d’évidence.» Opera theologica, Paris, 1710, t. ni, p. 39. Voilà pour­ quoi l’usage traditionnel symbolise la foi divine, non par le sens de la vue, qui rappelle l’idée de parfaite évi­ dence, mais par celui du toucher, par la main qui saisit, qui tient ferme un objet, cc qui donne l’idée de certi­ tude sans celle d’évidence. C’est une remarque de Schecbcn : « Il est mieux de dire que la foi, à l’opposé de la science, est une appréhension de son objet (apprehendere, saisir). Le toucher d’un objet dans l’obscurité peut avoir autant de val ur (comme cer­ titude) que la vue meme de cet objet. » Dogmatique, trad, franç., 1877, § 38, t. i, p. 435. Fides, dit saint Thomas, est certa apprehensio eorum qum non videt. In Heb., xi, 1. Quant au mot « tenir ». tenere, 1 sc trouve dans les professions de foi et dans les conciles : Tenet et docet S. romana Ecclesia. Profession de foi de Michel Paléologuc au II· concile de Lyon, Denzinger, n. 465. Hanc... fidem... ver citer teneo. Profession de foi de Pic IV, Denzinger, n. 1000. Hoc... perpetuus Ecclesiæ consensus tenuit et tenet. Concile du Vatican, sess. ni, c. iv, Denzinger, n. 1795, etc. Cette théorie, qu’il a fallu développer parce qu’elle est souvent mal comprise, est indiquée par saint Tho­ mas : « L'argument, dit-il, qui est tiré des principes propres do la chose (c'est-à-dire des causes, et aussi des effets, qui la caractérisent) fait apparaître la chose (la fait voir). Mais l’argument qui est tiré de Vautorité divine ne fait pas apparaître la chose en elle-même. » Sum. theot., II· II·, q. xv, a. 1, ad 5··. Ailleurs, il parle d’une intelligence qui est convaincue, mais non pas par l'évidence de la chose, per eviden­ tiam rei. et il donne cet exemple : « Si tin prophète annonçait au nom de Dieu quelque événement futur, et ajoutait un signe miraculeux, en ressuscitant un mort, ce signe convaincrait l’intelligence des assis­ tants, et leur ferait connaître manifestement r ne les paroles de cc prophète sont le témoignage de Dieu, qui ne ment point : toutefois, l'événement prédit ne serait pas évident en lui-même. Aussi, l’acte de foi (avec son obscurité essentielle) pourrait-il subsister encore. » Loc. cit., q. v, a. 2. Voir le commentaire des Sa man li­ censes, De fide, disp. Ill, n. 11, 12. Cf. Quæst.disp., De veritate, q. xiv, a. 9, ad 4··. Citons encore ce texte : « Les arguments qui forcent à croire, comme les mira­ cles, ne prouvent pas la fol (la chose de foi) en ellemême, per se; ils prouvent seulement que celui qui l’annonce dit vrai : c’est pourquoi, sur les choses de fol, ils ne donnent pas la science. » In IV Sent., L III, dlst. XXIV, q. i, a. 2, sol. 2*, ad 4a·. C’est Γevidentia dicti, opposée à Vevidentia rei. Quand saint Thomas nie que la foi soit une · connaissance ». il ne veut pas dire autre chose, fi prend alors, comme parfois les Pères, le mot « connaissance » comme synonyme de < science ». Sum. theol., II· II», q. clxxi, a. 3, ad 2··. Beaucoup de théologiens célèbres de toutes les écoles utilisent cette théorie à propos de l’obscurité de la foi. Nous citerons les paroles de plusieurs d’entre eux, comme complément d'explication dans un sujet diffi­ cile. — a) École thomiste. — Cajétan dit que l’ange in via, malgré Vevidentia ai tes tant is. ne voyait pas la Trinité et pouvait h croire, parce que « l’évidence de sa connaissance... n'allait pas plus loin que les énon­ cés en tant que connus par le témoignage de Dieu, » enuntiata ut revelata; parce que « la conviction de son esprit par l’évidence d’un témoin véridique ne l'amenait pas à une vision des choses attestées, mais seulement à les croire, qu’il le voulût ou ne le voulût pas. » In II*· II·, q. v, a. 1, n. 5, dans l’édiL léonine de S. Thomas, L vm, p. 56. Voir coL 217. Sylvestre de Fcmire insiste sur cc que la preuve par le témoignage divin, avec les miracles pour signes, ne donne pas Vevidentia rei, ne montre pas les choses de foi in parti­ culari, c’est-à-dire par les causes particulières et les effets particuliers à chacune, mais seulement in uni­ versali, par le moyen général du témoignage qui de sa nature n’est pas lié plus particulièrement à une chose qu’à une autre. Commentaire sur le Contra gentes, 1. Ill, c. XL. Voir Crédibiuté, col. 2285. Les Salmantlccnscs développent la même théorie. Cursus theolo­ gicus, De fide, disp. III, n. 9 sq., Paris, 1879, t. xi, p. 190 sq. « Bien que la chose révélée soit vraie en elle-même, dit Contenson, on ne la connaît pas en elle-même, et on ne pénètre pas sa vérité objective, mais on la connaît par la seule lumière du témoignage extérieur... Quoique Dieu soit très digne de foi, la chose qu’il révèle n’est pas liée par elle-même à son témoignage... Il y a donc une connexion plus grande et plus intime entre l'effet et la cause, qu’entre le témoignage révélateur et la chose révélée : car l'effet est Vexpression de sa cause, dont il dépend essentiel­ lement; mais lo mystère révélé ne dépend pas de la révélation, et ne donne point par lui-même la révéla­ tion.·· Quand il est révélé, il ne produit donc pas en nous la science... Quand l'univers nous chante la gloire de Dieu, cette voix n’est pas libre, mais natu­ relle... Aussi les choses créées nous font nécessaire­ ment lire et connaître en elles l’existence de la cause dont elles dépendent essentiellement. Mais h révéla­ tion est une voix libre, et qui ne procède pas naturelle­ ment de la vérité révélée, mais qui seulement l’atteste. Bien que digne de fol, elle laisse donc la chose obscure en elle-même. » Theologia mentis et cordis, Paris, 1875, t. n. p. 502, 503. Voir col. 139, 140. De nos jours on peut citer, entre autres, le cardinal Zigliara, Propu:· deutica ad sacram theologiam, L I. c. xvi, Rome, 1884, p. 73, 74. 77; le P. Gardeil. voir Cnf πιηιυτή, col. 2203. — b) École scotlste. — Λ propos de Vevidentia ailestantis,nous avons entendu Scot dire qu’elle ne donne FOI 444 pas l'évidence de la chose, .Mastrlus et Frasscn soutenir suppose la perfection de sa cause, dont il participe et qu elle ne rend pas évident · l’objet même de la fol » du qu’il développe; cc témoignage ne la contient pas non moins « d’une évidence intrinsèque; » que « l'évidence plus comme une cause son effet; c’est un intermé­ extrinsèque laisse subsister l'obscurité de l’inévldencc diaire tout à fait extrinsèque. Il s’ensuit que, même de ta chose révélée, cc qui su Hit à la fol; » que « la connu avec évidence, cc témoignage ne peut découvrir science, au contraire, demande une évidence Intrin­ la convenance de l'attribut avec le sujet : mais cette sèque. · Voir col. 402. — c) Docteurs de Sorbonne. — convenance demeure cachée comme sous un voile, et Grandin, /oc. ci/., p. 38. Duplessis d'Argentré résume par suite l’objet demeure obscur et proportionné à la ainsi toute la théorie : Cum omnis evidentia sit dura et fol. Le l moignage de Dieu est donc extrinsèque a la perspicua cognitio rei, vel in seipsa proxime, vd in alio chose non sculeinentontologlquement, zn essendo, mais quod ipsi ex principiis intrinsecis et essentialibus encore logiquement, in cognoscendo; tandis que l’eilct annexum sit. sive tanquam causa, sive tanquam cfiepropre d'une chose ne lui est pas extrinsèque de celte ctus; fides autem non sit cognitio rei in seipsa proxime, seconde manière, comme l’explique le P. Amicus. » neque in ullo alio ex principiis intrinsecis et essentialibus Manuductio ad conversionem mahumetanorum, part. 1, illi annexo, sed in solo dicentis testimonio, rei ipsi 1. II, n. 81, Dilllngcn, 1689, p. 89. Amicus, en efiel, a omnino extrinseco, consequens igitur est omnem fidei bien défendu le système contre plusieurs objections. assensum, quacumque certitudine plenum, obscuritatem Cursus theoloaicus, De fide, disp. 11, n. 150, Anvers. aliquam involvere. Porro evidentia consecutionis, quic 1650, p. 33. Elizalde donne cct exemple typique : · Il nonnunquam rcperitur testimonium inter et veritatem nous est évident que les démonstrations d'Euclide rei tali testimonio confirmais:, con/undenda non est sont bonnes... Le monde entier, depuis tant de siècles, cum ipsa evidentia rei, cui fides adhibetur. Sirpius atteste la vérité de leurs conclusions... Qui les dirait enim res cui (qua·) creditur non cognoscitur evidenter in fausses serait, je crois, aussi fou que s'il niait l'exsseipsa, licet connexio sit evidens inter ejus veritatem et tence des Cicéron et des Pompée... Avons-nous pour testimonium quo nititur. Elementa theologica, etc., cela, nous autres ignorants en mathématiques, l’évi­ c. xvi, Paris, 1702, p. 316, 317. - d) Théologiens de la dence de ccs choses? Les savons-nous, les compre­ Compagnie de Jésus. — Le cardinal Tolct dit que « la nons-nous? Heureux êtes-vous, si en un jour, par ccttc vérité d’une chose peut être connue Contra gentes, 1. Ill, c. XL. Le bonheur comporte, dit-il, une parfaite opération de l'intelligence, une parfaite connaissance de Dieu; or la foi ne peut la donner. Jn cognitione fidei invenitur operatio intellectus imperfectissima. Ce qui fait surtout la valeur de la foi, ce n’est pas la perfection intellectuelle qu’elle donne, c’est son côté volontaire, méritoire : in cognitione fidei, principalitatem habet voluntas, loc. cit.; paroles qui, arrachées de leur contexte, ont été de nos jours sou­ vent mal entendues, tout comme cette autre phrase, qui dérive du même ordre d’idées : Hic habitus (fidei) non movet per viam intellectus sed magis per viam volun­ tatis : unde non facit videre ilia quæ creduntur, nec cogit assensum (deux choses que fera la vision de Dieu), sed facit voluntarie assentiri. In Boetium, de Trinitate, q. m, a. 1, ad 4e·, dans Opera, Paris, 1875, t. xxvin, p. 508. Cette connaissance très imparfaite de la foi nous fait paraître Dieu comme lointain et nous éloigne intellectuellement de lui, même quand nous sommes près de lui par l’amour et la volonté. S. Thomas, Conl. gentes, loc. cit. C’est la parole de saint Paul, comparant la fol et h vision intuitive de Dieu : ■ Tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur : car nous marchons par la foi, et non par la vue. > 11 Cor., v, 6, 7. Remarquons ce car. « Donc la fol, en conclut Capréolus, fait que l’homme soit loin de Dieu (intellec­ tuellement), qu’il tende à Dieu comme à un objet éloigné. » Defensiones D. Thomœ, 1. Ill Sent., dist. XXXI, q. i, n. 3, n. 1, Tours, 1904, L v, p. 381. Et Barth. Médina. O. P. : « Voyons dans ce texte quelles dispositions met en nous la fol. Elle nous rend éloignés et exilés de la patrie céleste... Il y a donc opposition absolue entre la vision béatifique et l’acte de fol. » Expositio in /·· 11·, q. lxvji, a. 3, 3· édit., Venise, 1590, p. 317. Corollaire. Explication théologique de la cessation de Caele et de la vertu de foi au ciel. — Elle découle de ce que nous venons de voir : car on ne peut en même temps être éloigné de Dieu (par la foi) et lui être présent (par la vision intuitive), le tout sous le même rapport intellectuel; on ne peut, en même temps, être dans la condition de l'épreuve et de la possibilité de pécher, et dans la condition de la récompense et de l’impossibi­ lité de pécher. Il y aurait contradiction. « Durand, DICT. DK THÉOL. CATHOL. 150 ajoute Capréolus, part d’une fausse théorie, c’est que l’acte de vision et l’acte de fol ne diffèrent que comme le plus évident et le moins évident, qu’ils n’ont pas entre eux d’opposition contraire ou contradictoire. » Loc. cit. Sans doute, on doit lui accorder qu’une con­ naissance moins parfaite pourrait subsister avec une connaissance plus parfaite du même objet : mais "a question n'est pas la. La foi divine, telle que Dieu nous l’a donnée, n'est pas seulement imparfaite au sens d’une moindre évidence; elle implique essentiellement une absence de vision concomitante de l’objet divin : elle n’est donc pas compatible avec la présence de la vision, et de Dieu par la vision. La vertu infuse de foi, adaptée aux conditions de cette vie d’épreuve, tend ainsi que son acte à Vénoncé du mystère essentielle­ ment obscur, comme à un objet principal qui la spé­ cifie : quand disparaîtra l’obscurité du mystère sans possibilité de retour à cause de la stabilité éternelle de la vision béatifique, alors cette vertu infuse, perdant pour jamais ce qui la spécifie, deviendra sans objet, sans but, et ne pourra subsister. Voir S. Thomas, Sum. theol., b II·, q. lxvh, n. 5, ad 3e*. Elle sera remplacée par une autre espèce de connaissance surnaturelle de Dieu, laquelle ne procédant pas par énoncé appuyé sur le témoignage divin, mais par intuition directe de la chose en sol, aura une manière essentiellement diffé­ rente d'atteindre la meme chose, et ne souffrira aucune obscurité. Nous ne pouvons donc admettre cette idée de Gratry : < Il y aura encore foi dans la vision : comme, dans la vue de ce monde par nos yeux, il y a une foi; comme, dans l’évidence des premiers principes, il y a une foi; et cela parce que nous ne voyons le tout de rien, » etc. De la connaissance de Dieu, part. II, c. in, 2e édit., Paris, 1854, t. ii, p. 2G6. Gratry allègue pour sa thèse l’article de saint Thomas que nous venons de citer; il y découpe ces mots : Eides partim tollitur, sci­ licet quantum ad ænigma, et parltm mancl, scilicet quantum ad substantiam cognitionis. Mais ces paroles sont mises par saint Thomas dans la bouche de gens qu’il critique : Quidam dixerunt quod... fides partira tollitur, etc. Et le saint docteur ne concède ce manet quoad substantiam qu’à la condition d’entendre sub­ stantia d’un élément seulement générique et abstrait, d’une simple classification qui réunit la foi et la vision sous la même étiquette générale de « connaissance · : fides enim cum visione patria convenit in genere, quod est cognitio. Mais rien de ce qui est spécifique ou indivi­ duel dans la fol ne peut rester, d’après lui : Nihil idem numero vel specie, quod est in fide, remand in patna, sed solum idem genere. Ceci ne favorise donc en rien la thèse de Gratry, qui voudrait faire continuer dans la vision du ciel une imperfection cjui appartient spécifi­ quement à la fol et à la vie présente, une sorte d'obscu­ rité. Pour cela, il recourt aussi à ce que · nous ne pour­ rons voir ni Dieu, ni le monde, ni les principes de la raison, autant que Dieu les voit, » loc. cil. ; à ce que notre vision intuitive, d'après la théologie, restera essentiel­ lement inférieure à la vision compréhensive que Dieu a de lui-même. Tout cela est vrai; mais la manière dont l’Écriturc et les Pères, comme nous l’avons vu, opposent la foi à la vision du ciel, ne nous autorise pas à mettre en celle-ci une obscurité véritable. L'obscu­ rité proprement dite, telle qu’elle est dans la foi, n’est pas seulement un degré inférieur de vision, comme sc l’est imaginé Durand de Saint-Pourçain; c’est une privation absolue de vision, credere quod non vides. Or, la vision des saints dans la patrie n’a rien de cette pri­ vation. On ne peut donc l’appeler · obscure » ni la rapprocher de la foi ni mettre en elle un peu de « foi · sous prétexte qu’il existe en Dieu une vision beaucoup plus parfaite. 8° Controverse célèbre : peut-on avoir simultanément sur un même objet la foi et ta science (ou la vision)? — Vf. - 15 •Γί FOI 452 lation les xérités philosophiques, ou démontrables par 1. Notions préliminaires. — a) Nous venons de résou­ la philosophie. Les théologiens qui nient la possibi­ dre négativement la question pour une part, c’est-àlité d’un acte de foi sur ces vérités ne la nient pas dire quand il s agit de l’objet principal de la révélation absolument et du côté de ccs vérités, comme si clics et de la fol. objet qui se compose des mystères divins. n’appartenaient pas à la révélation, mais du côté du C’est l’avoir résolue dans cc qu’elle a de plus impor­ tant, et sur un point où tous peuvent et doivent s’ac­ sujet et dans l’hypothèse de la science acquise, hypo­ thèse plutôt rare, puisqu'elle ne sc réalise pas pour h corder. C’est avoir rendu compte déjà des textes des multitude des fidèles. On voit aussi pourquoi la con­ Pères : < La foi est l'argument des choses qui ne peuvent troverse est exprimée par beaucoup d’auteurs sous pas apparaître, » des mystères. Voir col. 380. Si dans cette forme : « l«c philosoph chrétien peut-il faire un un de ccs mystères, par exemple, celui de l’incarna­ acte de foi sur les vérités révélées dont il possède la tion, il est un élément que l'on peut voir, du moins on démonstration? » Et il s'agit ordinairement des vérités ne peut voir le mystère lui-même; de là cette parole de la théodicée. Quæstio, dit le cardinal Billot, restrin­ des Pères qui nie alors la coexistence de la vision et de gitur ad eu sola quæ in rebus divinis humanie rationi la foi sur un mime objet : Aliud vidit, aliud credidit. per se non impervia, rtc. De virtutibus in/usis, 2· édit., L’apôtre Thomas voyait l’humanité du Christ présente thés, xi, p. 241. à scs yeux; il ne voyait pas le mystère de la divinité d) La question étant ainsi restreinte, nous pouvons du Christ, qu’il a cru en disant : Dominus meus et ne nous occuper que de la science, en négligeant la Deus meus. Joa., xx, 28. Vidit hominem, et Deum convision proprement dite, ou connaissance immédiate; fessus est. Voir Primasius et S. Grégoire le Grand qui d’autant plus que la simultanéité de la foi et de la le copie, col. 11 1. Et avant eux, S. Augustin, In Joa., vision n'est pas un cas pratique pour nous : les objets tr. LXXIX, n. 1, P. L., t. xxxv, col. 1837; tr. CXX1, que Dieu a révélés ne sont pas des choses que nous n. 5, col. 1958; S. Hilaire, De Trinitate,}. VII, n. 12, connaissions immédiatement, ou que nous voyions de P. L., t. x, col. 209. Sur le vrai sens du Deus meus, nos yeux. Une autre raison de ne pas faire porter h voir la condamnation de l’interprétation de Théodore controverse sur la vision proprement dite, c’est que de Mopsucstc par le V· concile œcuménique, can. 12, les plus célèbres défenseurs de la simultanéité de h De tribus capitulis, Denzinger, n. 224. La question foi avec la science concèdent de leur plein gré qu'il qui reste à résoudre doit donc déjà être ramenée à ne peut y avoir simultanéité de la foi, soit humaine, ceci : Sur un objet secondaire de la foi, c’est-à-dire sur soit divine, avec la vraie vision. Ainsi Lugo, Invoquant un objet révélé qui n’est pas un mystère proprement l’expérience. Disput., De fide, disp. II, n. 67, Paris, dit, peut-on avoir simultanément la foi et la science (ou la vision)? 1891, t. x. p. 201. Et il cite, pour une semblable con­ cession, Suarez, Vasqucz, Coninck et autres. On peut b) Les objets secondaires, que Dieu a révélés de donc regarder comme incontesté qu’il y a une sorte fait, peuvent sc partager en deux catégories. Les pre­ d’impossibilité à croire ce que l’on volt de scs yeux, miers, bien que n'étant pas proprement des mystères, ou en général avec une évidence immédiate et par­ ne peuvent être connus de nous que par révélation. faite; à admettre à cause d'un témoignage que le soleil Tels sont certains décrets libres de Dieu, qui n’ont pas brille, quand on le voit. Nous éprouvons alors une imprimé dans cet univers de trace ou d’effet par où impossibilité au moins morale d’appuyer notre con­ nous puissions les connaître et les démontrer, mais viction sur ce témoignage surajouté à l’expérience dont l'objet est d'ailleurs facile à comprendre; cer­ personnelle; et quand même à force de volonté notre tains faits qui n ont rien non plus en eux-mêmes d’im­ intelligence pourrait viser les deux motifs à la fols, pénétrable et de mystérieux, mais dont l'existence expérience et témoignage (comme le veut Arriaga), ne nous peut être connue que par le témoignage de l'amalgame est au moins contre l’inclination de la Dieu, »11 qu'ils appartiennent aux origines de l’huma­ nité, soit qu'ils sc rapportent à l'avenir, par exemple, nature, et cette inclination bien constatée suffit à éta­ blir une sorte d’incompatibilité entre les deux espèces qu'il y aura de grandes persécutions de la religion de connaissance. « Qui donc, voyant quelque chose de dans les derniers temps du monde, que l’Antéchrist ses yeux, dit Antoine Pérez, a jamais cru sur la parole sc fera adorer comme un dieu, etc. De tels objets, ne d’autrui qu’il le voit? ou bien sur la parole d’autrui relevant pas, pour nous, de la vision ou de la science, que le tout est plus grand que la partie? On rirait de doivent être omis dans la question présentc.La seconde celui qui en telle matière exigerait qu'on s’appuyât sur catégorie comprend les vérités révélées qui ne sont son témoignage. » In 1 et 11/a® partem D. Ίhonor pas inaccessibles à la raison naturelle et philoso­ phique. L· concile du Vatican n us en affirme l'exis­ tractatus sex. De virt. theot., disp. Ill, c. vin, n. 6, Lyon, 1669, p. 245. Il note ensuite que ce phénomène tence dans la révélation, et considère spécialement, à n’a pas été toujours bien expliqué; et voici l’explica­ cause de leur nature éminente et de leur valeur reli­ gieuse, celles de ccs vérités qui ont trait aux choses tion qu’il en donne : « Quand un mode de connaissance divines, in rebus divinis, sess. ni, c. n, Denzinger, est essentiellement destiné à n'étre que le supplément n. 1786. C’est le plus important terrain où il pourrait d’un autre qui manque (une sorte de pis-aller), Us ne y avoir rencontre et simultanéité entre la foi et la peuvent sans contradiction coexister dans le même science; c'est là que sc porte la discussion. intellect. » Il donne l’exemple des lunettes qui remé­ e) Ceux qui nient la possib llté de cette simultanéité dient à un défaut de l’œil : elles gêneront de ons yeux ne la nient que pour une seule et même Intelligence. et les empêcheront de voir. Loc. cit., n. 7. « Le témoi­ Ils accordent volontiers qu’une vérité révélée de cette gnage est un gage, une garantie pour rassurer contro seconde catégorie puisse être objet de foi chez l’un, le péril d’erreur (faute de vision) : Il serait ridicule de objet de science chez Vaut c. Qui n’en a pas la démons­ vous garantir ce que vous voyez de vos yeux, de vous tration rationnelle pourra faire là-dessus un acte de assurer par un gage que 2 et 3 feront toujours 5. » toi divine. C’est la doctrine expresse de saint Thomas : Lac. cit., n. 9. Par là on prouverait aussi que la vertu Potest contingere ut id quod est visum vet scitum ab uno Infuse de fol, modeste suppléance de la vision céleste, homine... sit ab alio creditum, qui hoc demonstrative non doit disparaître quand celle-ci régnera sans ffn. Un novit. Sum. theot., Il· II·, q. i, n. 5. On voit que ccs boiteux miraculeusement guéri ne continue pas de • minimistes », qui cherchent à diminuer dans la sainte marcher avec ses béquilles, quelque service qu'elles lui aient rendu. Écriture le nombre des vérités révélées, ne peuvent Hitorber de l'autorité de saint Thomas ou de la «) SI la fol. d’après une opinion, supporte la présence ditse thomiste pour retrancher du contenu de la révé­ de la .deuce sur le même objet, personne n’admet 453 FOI cpi’clle Vexi (je. Elle gagne plutôt en perfection à son absence; et le fidèle doit être dans la volonté de croire indépendamment de toute démonstration surajoutée. Les Pères demandent au fidèle à l’égard de Dieu la disposition des disciples de Pythagorc à l’égard de leur maître : être prêt à croire sur parole, sans exiger de démonstration philosophique, sans explication du pourquoi et du comment. Voir coL 110, 112, 114, 115. Si le fidèle, par la résolution de préférence et le super omnia, sait rejeter les plus séduisantes apparences j d'une science contraire, il sait à plus forte raison sc passer du concours de la science et n’en pas faire dépendre sa foi. Voir col. 329-331. D’ailleurs, ccs démonstrations scientifiques des vérités révélées qui en sont susceptibles varient avec chacune d’elles, et sont longues à acquérir : les exiger avant de croire serait donc retarder beaucoup et sans raison l'acte de foi salutaire et agréable à Dieu, déjà suffisamment rai­ sonnable grâce à la preuve extrinsèque. Voir col. 110, 338. f) La controverse qui nous reste à exposer peut se décomposer en trois. — fr· question. La fol habituelle, Vhabitus fidei, est-elle compatible dans le même sujet avec la science du même objet? — Cette question peut s’expédier tout de suite par une réponse affirmative, quoi qu’aient pu dire quelques outranclcrs. Les deux habitus ne peuvent sc faire tort l’un à l’autre. « Ils peuvent, dit Grandin, coexister dans la même intel­ ligence. On objecte : Les ténèbres excluent totalement la lumière. Cela est vrai, parce que les ténèbres sont une pure privation, et parce que la lumière ou les ténèbres occupent tout l’espace. Mais la foi n’est pas une pure privation de science, ni la science une priva­ tion de foi : elles sont toutes les deux quelque chose de positif; et h science n’occupe pas l’esprit tout entier, clic y laisse place à d’autres habitus » et de même la foi. Opéra, Paris, 1710, t. ni, p. 45. Que la vertu de foi bannisse de l’esprit toute science, c’est une absurdité démentie par l’expérience du savant qui sc convertit à la foi; démentie aussi par les principes de saint Tho­ mas, que le surnaturel, la grâce ne détruit pas la nature, mais la présuppose et la perfectionne. La science, de son côté, ne peut détruire la foi : nous savons que les vertus infuses ne peuvent être détruites par des causes naturelles autres que le péché, et la vertu de fol par le seul péché d’infidélité ou d’hérésie. Voir col. 313, 314. Si la vision céleste détruit Vhabitus fidei, c'est qu’elle le remplace supérieurement et pour toute l’étendue de son objet, et ainsi le rend inutile : cc que ne fait aucune science ici-bas, pas même la science naturelle de Dieu, soit parce qu’étant naturelle clic est d’ordre inférieur, soit « parce qu’elle ne peut s’étendre à tout l’objet do la fol, comme le remarquent les Sahnanticcnscs, ni atteindre l’objet principal (les mystères divins), mais tout au plus quelques objets matériels et secondaires de la foi, comme l'existence de Dieu, auteur et fin de la nature : il n’arrivera donc jamais que, par la seule science natu­ relle, quel que puisse être son développement et son étendue, Vhabitus fidei soit exclu. » Cursus theol., Paris, 1879, t. xi, De fide, disp. Ill, n. 12, p. 211. — 2* question. science habituelle d'un objet empêchet-elle tout acte de fol sur le même objet? En d’autres termes, le souvenir précis que j’ai de la démonstration de col objet, ou du moins de l'avoir démontré, ou la possibilité de reconstituer cette démonstration, m’cmpcche-t-cllc de le croire? — Il faut rappeler ici que nous parlons seulement de la science, et non de la vision proprement dite : s’il s'agissait de celle-ci, il semble incontestable que même à l’état habituel elle empêche de s’appuyer sur le témoignage, suivant la remarque de Jean de Saint-Thomas : Qui semel vidit Romam, non potest amplius credere Romam esse, licet 454 actu non videat Illam; quia memoria nufficlenler con vincit et quietat intellectum. Cursus theol., q. I, disp. II, a. 1, n. 19, Paris, 1886, t. vu, p. 31. On peut appliquer ici cc que nous avons dit de la vision actuelle. Voir col. 452. Mais si l’on restreint la question à la science, c’est une partie de la controverse que nous verrons tout â l’heure. — 3* question. Les deux actes, de foi et de science, peuvent-ils se faire en même temps sur le même objet? — C’est ainsi que la controv erse est le plus souvent présentée : mais alors il faut en limiter le terrain comme nous allons le faire. g) Le débat étant ainsi posé sur la simultanéité des actes, on évitera utilement certaines questions secon­ daires, subtiles, appartenant à la psychologie. qui sont venues souvent embrouiller une controverse déjà bien assez touffue, comme celles-ci : Peut-il y avoir simul­ tanéité absolue, et pour ainsi dire dans un seul instant mathématique, entre les deux actes? Peuvent-ils meme s’identifier en un acte unique et simple, nflir mant un seul objet pour les deux motifs réunis de 11 démonstration scientifique et du témoignage? Si cet acte pouvait exister, au moins dans l’ordre naturel de la science et de la foi humaine, devrait-il être classé dans la science ou dans la fol? Peut-on admettre un tel acte lorsqu’il s’agit de fol divine? D’ailleurs, sur ces questions moins importantes, on voit des défen­ seurs de la simultanéité faire des concessions, surtout ne pas admettre cet acte unique pour h fol divine; et même en admettant deux actes distincts, on en voit soutenir une simultanéité non pas mathématique, mais seulement morale, qui consiste dans la succession rapide de l’acte de science et de l’acte de foi sur le même objet. Voir Pesch, Prxlectioncs, 3· édit., 1910, t. vin. n. 403, p. 185, 186. Comme résultat de toutes ccs remarques, voici le point capital de la discussion, le seul qui ait pour la foi divine une certaine importance et une application pratique : Un philosophe qui vient de se démontrer une vérité de théodicée, par ailleurs révélée, ou qui en a du moins la science habituelle, peut-il faire un acte de foi divine sur cette vérité? 2. Les deux opinions en présence : leurs défenseurs. — L’opinion négative (qui nie h simultanéité) paraît être celle de saint Thomas; toutefois nous examinerons à part ce que pense le docteur angélique. Elle est su»vie par deux grandes écoles : l’école thomiste en général; la plupart des scotistrs avec Scot. Bien d’autres théo­ logiens s’y rallient; même parmi ceux de la Compagnie de Jésus, on peut citer Pérez. loc. cil.; Esparza, loc. cit., et de nos jours le cardinal Billot, loc. cit. L’opinion affirmative a néanmoins pour elle : a) de grands docteurs du moyen âge, et même de la meilleure époque. On peut citer : Albert le Grand, In 1V Sent., 1. Ill, dist. XXIV, a. 9, Opéra, Paris, 1894, t. xxvni, p. 468; Alexandre de Halés : In philosopho veniente ad fidem, idem est scitum et creditum, etc., Summa theo­ logica, part. Ill, q. lxviii, m. vu, a. 3, Venise, 1575, fol. 289; S. Bonaventure : Quando aliquis est simul sciens et credens, habitus fidei (enet in eo principa­ tum, etc.. In IV Sent., 1. Ill, dist. XXIV, a. 2, q. in, ad lu·,Opera, Quaracchi, 1887, t. nr, p. 523; loB. Pierre de Tarcntaise, O. P. (Innocent V) : Scientia vix de divinis (la théodicée) propter admixtam obscuritatem ex improportionalitate intellectus nostri ad objectum, et frequentem obnubilationem phantasmatum, non excludit fidem, etc. In IV Sent., i. Ill, dist. XXIV, q. unica, a. 4. Thomas de Strasbourg représentera les augustins dont il était général. In IV Sent., Venise, 1564, In prolog. Magistri, q. in, a. 2, foL 12. L’opinion opposée reconnaît elle-même que bon nombre d'an­ ciens et principaux docteurs sont contre elle; Serry concède Alexandre de Halés, Albert le Grand, saint Bonaventure. Durand, Gabriel « et beaucoup d’autres », 455 i?1 1 456 dit-11, Preelectiones, Venise, 1742, t. in, p. 165; les rance. Exposition of the Epistles of St. Paul, Dublin, Salmanticcnscs ajoutent les noms de Guillaume 1891, t. ii, p. 239. 11 ne s’agit donc pas de tout acte do d’Auxerre, Henri de Gand, Jean Bacon. Cursus theol., foi même fait sur un objet secundaiie, mais de lu fol en Paris, 1879, t. xi, disp. Ill, n. 51, p. 215. général, de la vertu de foi, laquelle peut sc définir par 5) Après le concile de Trente, l’opinion affirmative son objet principal, les mystères divins, non dppartn· est reprise par presque tous les théologiens de l’ordre tia, et tout spécialement par la béatitude surnaturelle, des jésuites. Avec eux, bien d’autres, par exemple, les res sperandæ : car l’objet d’attribution caractérise une docteurs de Louvain, commentateurs de saint Tho­ vertu, une science, et la spécifie. Voir col. 379-382. U question de l’objet secondaire, qui est notre contro­ mas, comme Maldcr, De virtutibus the logicis, Anvers, 1616, q. i, a. 5, dub. i, p. 13; Wiggers, De virtutibus verse actuelle, n’est donc pas touchée par ce texte, et theol., Ie édit., Louvain, 1689, q. i, a. 5, n. 102, p. 18; demeure intacte, suivant la réflexion de saint Bona­ venture ; Quod enim dicitur fides esse de non apparen­ les docteurs de Sorbonne, comme Grandin, loc. cit.; tibus et non visis..., ex hoc non excluditur quin, quasi Gamache, Summa theol., Pnris, 1627, De virtul. theol., per accidens et per concomitantium, possit dici quod c. i, p. 465, p. 7. Même parmi les théologiens d’ailleurs fides sit de aliquibus qua apparent. in IV Seni., 1. 111, thomistes, on peut citer Estlus : Contingit ct ea quæ dlst. XXIV, a. 2, q. i, ad2U®, dans Opera,Quaracchl, apparent, si testimonium habent divinum, a nobis t. ni, p. 519. C’est également la pensée du célèbre com­ credi, etc., In D. Pauli Epistolas, Paris, 1892, t. m, In mentateur Estlus, loc. cit. — b) La cessation de la foi Heb., xi, 1, p. 266; et une partie de l’école bénédictine, au ciel ne prouve pas autre chose qu’une incompati­ voir Wenzl, Controversia selecta ex universa theologia, bilité entre la foi ct la vision intuitive de Dieu, par Batisbonne, 1724, L in, p. 344, 345, où il cite entre laquelle l’objet principal de la foi est rendu visible. autres grands noms de bénédictins le célèbre thomiste Saint Thomas est formel : Illa sola manifestatio excluReding, prince-abbé d’Einsiedeln, ct le cardinal dit fidei rationem, per quam redditur apparens rd d’Aguirre, Theologia S. Ansclmi, Rome, 1688, L I, visum id de quo principaliter est fides. Principale autem p. 159 sq. objectum fidei csl veritas prima, cujus visio beatos facit, Parmi les scotlstcs, on trouve pour l’opinion affir­ ct fidei succedit. Sum. theol., Il» II·, q. v, a. 1. —c) Les mative non seulement jadis la branche nominaliste, Pères, dans les textes objectés, visent toujours l’objet représentée par Gabriel Biel, In IV S nt., I. Ill, principal, comme ne pouvant être vu ici-bas. Aliud dlst. XXIV, Brescia, 1574, p. 237, 238; mais plusieurs vidit, aliud credidit : il s’agit d’expliquer comment depuis le concile de Trente, comme Hcrinckx dans la l’apôtre Thomas, tout cn voyant l’humanité du Somme à l’usage de son ordre : Admitto simpliciter Chris , n’a pas vu l’objet principal, qui doit rester posse talem philosophum simul scire et credere existeninvisible ici-bas, c’est-à-dire la divinité, ct le mystère tiam Dei, sed scientia a posteriori et ex creaturis desum­ de l’in< arnation. L’expression familière à saint Au­ pta... Nam hac scientia non generat perfectam eviden­ gustin, credere quod non vides, sc restreint dans sa tiam de objecto, cujus propria natura per proprias spe­ pensée à l’objet principal de la foi, comme nous le cies non cognoscitur. Summa, part. Ill, disp. Ill, η. 38, voyons par cette phrase : Est autem fides credere quod Anvers, 1663, p. 4L Et il explique Scot comme ex­ nondum vides : cujus fidei merces est videre quod credis. cluant seulement une espèce d’évidence plus parfaite. Serm., xlui, n. 1, P. L., t. xxxvm, coi. 254. La De même Sporer, Theologia moralis, Cômc, 1742, t, i, récompense de la foi sera de voir dans scs profondeurs tr. il, c. I, sccL i, n. 6, p. 99. ce Dieu que maintenant nous croyons dans le mystère : Nous donnerons les preuves principales, soit théolo­ il s’agit donc précisément de l’objet principal, ct rien giques, soit rationnelles, de chaque opinion, avec les ne nous force d’étendre la formule de saint Augustin réponses qu’y fait la partie adverse à l’objet secondaire. 3. L'opinion négative, ses preuves théologiques. — Preuves rationnelles. — a) · Quand l’intelligence, Nous résumons les preuves généralement données, dit le cardinal Billot, a été amenée à son terme propre, telles que nous les trouvons chez le cardinal Billot, la vision d’un objet intelligible où elle trouve son par­ De virtutibus infusis, 2· édit., thés, xi, p. 243-245. — fait repos, elle ne peut avoir sur le même objet un acte o) Fides... est argumentum non apparentium. Heb., comme celui de la foi, où elle ne peut trouver son xi. 1. L’obscurité exigée ici est celle de l’objet maté­ repos : de même que dans le mouvement matériel il riel, qu’lia antérieurement à la fol: or une telle obscu­ serait contradictoire, étant parvenu au terme, d’être rité ne peut lui provenir que de cc qu’il n’est pas objet encore en dehors de lui ct cn mouvement vers lui. Et de vision ou de science. — b) La cessation de la foi au le sens commun semble admettre que nous ne pouvons ciel prouve une Incompatibilité entre la fol et la adhérer aux premiers principes à cause d’un témoi­ vision. — c) Les Pères : Aliud vidit, aliud credidit. Fides est credere quod non vides. Voir les références plus gnage extrinsèque. Or cc que nous venons de dire des haut, coL 451. Or la science sc ramène à la vision : premiers principes doit s’appliquer aussi aux conclu­ elle ne peut donc atteindre le même objet que la fol. sions scientifiques qui s’y ramènent avec une entière Réponse. — Omettant une réponse moins bonne évidence. » Loc. cit. — b) D’autres mettent en avant donnée par plusieurs adversaires, disons avec d’autres : l’obscurité de la fol, ou la liberté de la foi. a) 11 est vrai que non apparentium indique un objet Réponse. —a) Oui, il y a une sorte d’impossibilité à matériel, ct dont l’obscurité soit antérieure à la foi. s’appuyer sur un témoignage, quand on a In vision, M iis H ne s’agit que de l’objet matériel principal, les qui donne à l’esprit son parfait repos. Voir col. 449 sq. mystères. C’est ainsi que saint Grégoire limite le Mais cc que l’on nie, c’est que cette observation, très texte, en traduisant : quœ apparere non possunt; cc juste pour la vision, puisse s'appliquer ù la science, ou mot n’est vrai que des mystères, qui ne peuvent ni se du moins à tout assentiment de toute science. Ainsi, voir ni sc démontrer. C’est aussi l’interprétation de la conclusion scientifique d’un long ou d’un subtil raisonnement ne donne pas toujours ù l’esprit un saint Thomas. Voir les textes, col. 380. A première parfait repos, ct peut très bien sc fortifier d’un témoi­ vue, /ides pourrait paraître signifier tout acte de fol; gnage, de celui des savants, par exemple. Et dans le mats, comme le remarque l’archevêque Mac Evilly cas même où la science actuelle suffirait à rendre le dans son commentaire, saint Paul a déjà exclu ce sens témoignage hors de saison, la même science à l’état en disant : fides est sperandarum substantia rerum; cc habituel souvent n’y suffirait pas, comme le remarque, qui ne serait pas vrai de tout acte de foi, puisque beau­ entre autres bonnes réflexions, le docteur de Sorbonne coup d'actes de foi ne s’occupent pas dits choses que Louis Habert, Theologia dogmatica et moralis ad usum non* espérons, et ne servent pas de soutien λ l’cspé- 457 FOI seminariorum, Venise, 1789, t. in, De fide, c. i, J 2, p. 428. Quelle est d'ailleurs la science dont il est pra­ tiquement question dans ccttc controverse? C’est la théodicée. Or les vérités de ccttc science, si solide­ ment prouvées qu'elles soient, peuvent i\ l’occasion, per accidens, laisser place û un doute imprudent, et avoir besoin de V imperium voluntatis, d'après l'expé­ rience, ct d’après le cardinal Billot lui-même. Op. cit., p. 205 (1r· édiL, p. 202). Même dans le cas normal (per sc) où les démonstrations de la théodicée s'imposent ù l’esprit sans le concours de la volonté libre, l'intelli­ gence» bien que forcée d’admettre ces énoncés en vertu de l'évidence d’un principe abstrait, et cn allant de 1’eflct à la cause» ce qui appartient à la science, l’intelligence, dls-jc, n'a pourtant pas son parfait repos, parce que ces effets n’ont qu'une trop lointaine ressemblance avec la cause in Unie, pan e que Dieu n'est connu qu’à travers des concepts analogues ct extrêmement imparfaits. C’était déjà la remarque de Pierre de Tarcntaise, contemporain de saint Thomas. Voir col. 454. De cc que la science naturelle de Dieu, à l'instar des autres sciences, peut se ramener tant bien que mal à la vision, il ne faut pas cn conclure qu’elle lui équivaut, qu'aussi bien que la vision propre­ ment dite, elle donne à l’intelligence pleine satisfac­ tion ct parfait repos. Ainsi il n’y a pas une clarté telle dans les démonstrations de théodicée, qu’elles empê­ chent toujours de s’adresser au témoignage pour cn recevoir une nouvelle confirmation des mêmes vérités. Et de fait n’a-t-on pas coutume de recourir aussi à une preuve de l'existence de Dieu par le consentement du genre humain, par la croyance de tous les peuples, ou par les grands génies ct les grands savants qui ont admis son existence, ce qui n'est pas autre chose qu’une preuve extrinsèque par témoignage? Λ plus forte rai­ son, nous pourrons demander la connaissance des attri­ buts divins au témoignage même de Dieu qui se connaît lui-même mieux que personne, pour cn rece­ voir ccttc certitude spéciale ct supérieure même à celle de la science, que peut donner la foi divine. Voir col. 390 sq. Saint Thomas a montré que la raison hu­ maine a une faiblesse bien plus grande dans l’étude des choses divines, ct il cn conclut : Ut ergo esset indu· bilala ct certa cognitio apud homines de Deo, oportuit quod divina eis per modum fidei (raderentur, quasi a Deo dicta qui mentiri non potest. Sum. theol., 11· II·, q. n, a. 4. Rappelons-nous encore cette autre belle remarque qu’il fait : Si ille, a quo auditur, multum excedit visum videntis (c’cst le cas pour Dieu relative­ ment à l’homme), sic certior est auditus quam visus, i bid., q. iv, a. 8, ad 2“«. Voir col. 332. Cf. Schecbcn, 1m dogmatique, trad, franç.» Paris, 1877, ti, § 41, p. 468. b) L'obscurité requise par la vertu de foi n’est pas nécessairement la même dans tous scs actes. Les actes principaux, ceux qui affirment l’objet matériel prin­ cipal (les mystères divins), réalisent davantage l’obs­ curité de la foi : Us excluent toute science concomi­ tante, ct la tliéodicéc n’atteint pas leur objet. Les actes secondaires qui affirment les vérités sur Dieu accessibles à la raison humaine, réalisant moins l’obscurité de la fol, n'ont pas besoin d'exclure la pré­ sence de la science, du moins d’une science imparfaite ct demi-obscure comme la tliéodicéc. — c) Si l’on peut concilier la liberté de la foi avec Vevidenlia attestantis ou évidence de l’objet formel, on peut la conci­ lier aussi avec l’évidence de l’objet matériel : car la première amène aussi irrésistiblement que la seconde à admettre cct objet, ct semble par là devoir détruire tout autant la liberté de la foi. Voir Schifflni, De virtu· tibus infusis, 1904, thés, xn» p. 126. Or la grande majorité des théologiens, la majorité même de l'école thomiste, admet avec la foi une concomitance de Vevidenlia attcslantis, ct par divers systèmes explique 45S comment la liberté de la foi peut alors se maintenir. Voir col. 401 sq. Parmi ces systèmes, il en est qui con­ cilieraient tout aussi bien la liberté de la foi avec l’évidence intrinsèque de l’objet matériel; on n’a qu’à choisir. 4. L'opinion affirmative, sa preuve scripturaire. — « Sans la fol, il est impossible de plaire à Dieu : car il faut que celai qui s’approche de Dieu croie qu’il existe, ct qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » lieb., xi, 6. S'approcher de Dieu, c’est sc disposer à la Justification, à la réconciliation avec Dieu : le concile de Trente s'appuie sur ce texte j>our affirmer que l’acte de foi est la première disposition à la justification. Scss. VI, c. vi, Denzinger, n. 798. Cct acte de foi doit porter sur l’existence même de Dieu, d’après l'apôtre, credrre quia est. Or, parmi ceux qui sc disposent à la justification, il s'en trouve qui connaissent parfaitement les preuves de l’existence de Dieu, qui en ont la science : l'apôtre veut que ceux-lâ, comme tout le monde, en aient la foi. La coexistence de la science et de la foi sur le même énoncé n’est donc pas impossible. Réponse. — Elle est d’une variété étonnante. — a) Cajétan dit que saint Paul, en proclamant comme nécessaire la foi proprement dite à l’existence de Dieu, vise seulement la grande multitude qui n’a pas la science de cette vérité, ct non pas les rares philosophes qui en ont la science · ce qui vaut beaucoup mieux que la fol. » 1λ fol n’est donc nécessaire qu’en régie générale, in communi, avec des exceptions. Epistclæ Pauli... enarralx, Paris, 1542, Heb., xi, foL 401. Mais un autre thomiste non moins célèbre, Melchior Cano, dit que Cajétan s’est tout à fait écarté du sens de l’apôtre; et après avoir blâmé ccttc idée, qu’il est beaucoup mieux de savoir que de croire, ce que l’on peut admettre de la foi humaine, mais non de la foi divine dont il s’agit ici, il attaque cette interprétation» que l’apôtre a parlé in communi et ut plurimum : elle rendrait vain tout son raisonnement en cet endroit. De locis theologicis, 1. XII, c. m, dans Mignc, Theologia cursus, L i, col. 566, 567. Ajoutons que la masse des théologiens voit dans cet oportet credere quia est, dans cc sine fide impossibile est placere Deo, une absolue nécessité de moyen; or une telle nécessité n’admet ni exception ni excuse. Et les Pères, cn expliquant cc texte ou les symboles de foi, n’ont Jamais fait de diffé­ rence entre savants ct ignorants, ni dispensé les pre­ miers de croire quelqu’un des dogmes énumérés. — b) Cano cherche donc une autre solution : « Pour pou­ voir plaire à Dieu, dit-il, cc n’est pas assez de le con­ naître comme principe et auteur de la nature, mais il faut l’atteindre comme fin surnaturelle... Savoir ce qu’enseigne la raison naturelle ne suffit pas à cette sur­ naturelle approche de Dieu (qu’est la justification). » Loc. cit., col. 568. La réponse est juste en partie : l’apôtre parle ici de Dieu comme fin surnaturelle, soit ! Mais cela est déjà dit dans le mot remunerator : on no doit donc pas le mettre encore sous le mot est. qui signifie une autre vérité. Deus est ne dit pas autre chose que l’existence de Dieu; il signifie cc que Dieu est absolument et nécessairement cn lui-même, ct non pas cc qu’il devient librement par rapport à nous» comme dit le grec ytvcrai (cn latin fit, xéritable leçon à la place de sit, d’après la conjecture d’Estius : remu­ nerator fil). Que Dieu soit notre « fin surnaturelle », cela ne lui appartient pas nécessairement ct absolument, c’cst un décret libre ct gratuit de Dieu à notre égard; cela entre donc non pas dans έστι, mais dans γίνκται. On volt bien pourquoi Cano a voulu transformer Deus est cn Deus est finis supernaturalis : c’cst afin d’avoir un dogme que la science naturelle ne puisse atteindre. Mais on ne volt pas que celte transformation soit Jus­ tifiée. — c) Une exégèse analogue, ct qui a le mémo .109 FOI 4G0 but, volt dans le Deus est non pas h fin surnaturelle, Ensuite, un philosophe peut-il toujours faire abstrac­ mais les moyens surnaturels pour y arriver; dans la tion des preuves de l’existence de Dieu, qu’il j>cut première incise. Dieu serait présenté comme auteur de avoir eues devant les yeux Λ l’instant même, puisque la grâce, dans la seconde, comme auteur de la gloire. l’existence de Dieu naturellement prouvée est un Ainsi Billuart, Summa, etc., Paris, 1827, L ix, De fide, préambule de la foi? Et i’autorité de Dieu elle-même diss. Ill, a. 1, p. 57; Gotti, Theol. dogmatica. Venise, est une vérité naturelle dont il peut avoir la démons­ 1750, L n, q. i, dub. vin, n. 13, p. 12i. 425; Billot, De tration présente. Et quand il pourrait, pour l'instant, virtutibus infusis, thés, xi, § 3, p. 243. Mêmes remar­ appuyer ccs vérités naturelles sur autre chose que sur ques : « Dieu existe » ne veut pas dire : · Dieu est leurs preuves qu’il vient de voir, celles-ci n’en auraient l’auteur de la grâce. » Έστι, par opposition à γίνεται, pas moins avec l’acte de foi une simultanéité morult ne signifie que l’être nécessaire et étemel de Dieu, ct qui nous sufiit. Voir les notions préliminaires, col. 454. non ses dispensations temporelles ct contingentes Enfin reviennent ici d’autres inconvénients que nous pour nous faire arriver au salut; saint Thomas luiavons signalés à propos du 5e système sur la liberté de la fol. Voir col. 427 sq. — g) Une solution bien plus meme en fait l'observation. Sum. theol., II· II», q. i, hardie, c’est de remplacer au contraire la fol par la a. 7. — d) Une autre solution qui tend aussi à trans­ former Deus est en un dogme que la science ne puisse science en détournant le mot credere. Heb., xi, 6, atteindre, c’cst de dire qu’il signifie : Deus est unus de son sens propre et traditionnel. C'est la première et tnnus. C’cst la solution donnée par saint Thomas des réponses proposé* s par Serry : « Le mot credat, employé ici par l’apôtre, est équivoque; il peut signi­ dans son commentaire sur ce verset. In Epist. ad fier ici : rem certo tenere, affirmer une chose avec certi­ Heb., lect n, dans Opera, Paris, 1876, t. xxi, p. 692. Mais le saint docteur ne maintient pas ccttc exégèse tude, de quelque manière qu’on l'affirme, par la fol ou par la science. » Fnelectiones, Venise, 1742, t. m, dans scs autres ouvrages, sans doute parce qu’elle De fide, disp. I, prælect. vi, p. 167. Réponse dange­ est trop arbitraire. Cct énoncé : · Dieu existe » n’ex­ reuse : elle donne l’exemple d’interpréter ΓÉcriture prime pas le mystère de la trinlté. Et tous les théolo­ en s’écartant du sens propre, sans y être forcé autre­ giens, depuis des siècles, traitant des vérités qui sont ment que par un système seulement probable. Et l’on de nécessité de moyen, établissent avant tout les deux peut d’autant moins supposer ici un sens impropre de vérités exigées par ce verset de l’ÉpItre aux Hébreux, credere que tout le contexte du chapitre traite ex ct en distinguent tout à fait les mystères de la trinité professo de la foi proprement dite, de sa définition, de ct de l’incarnation, dont le genre de nécessité est sa nécessité, de son influence sur les autres vertus et l’objet d’une controverse entre eux. —e) Ailleurs, saint en particulier l’espérance, voir col. 85-88; que le con­ Thomas indique une autre solution : « L’unité de cile du Vatican, en établissant la définition de la foi Dieu, dit-il, telle qu’on la démontre (en théodicée), proprement dite et théologale, cite cc chapitre, sess. n'est pas appelée article de foi, mais vérité présup­ m, c. ni, Denzingcr, n. 1789; qu'en fin c’est précisé­ posée aux articles : car la connaissance de foi présup­ ment cc verset 6 qui sert de base à tous les théologiens pose la connaissance naturelle, comme la grâce présup­ ct au concile de Trente, sess. vi, c. vin, Dcnzingcr. pose la nature. Mais l’unité de l’essence divine telle n. 801, pour établir l’absolue nécessité de l’acte de foi iju’cllc est posée par les fidèles, c’est-à-diro avec la proprement ite. L’intcq)rétatlon de Serry amènerait toute-puissance, ct la providence de toutes choses, et à nier cette nécessité pour les privilégiés de la science. autres attributs semblables qui ne peuvent être prou­ vés, constitue un article. » Quast. disp., De veritate, Une fois cette exception admise et ccttc porte q. xiv, a. 9, ad 8«·. Que, pour constituer le premier ar­ ouverte, on aura tout autant de raison d’admettre ticle du symbole, on doive prendre l’unité de Dieu avec d’autres exceptions, par exemple, en faveur des infi­ sa toute-puissance, en joignant unum Deum à omnipo­ dèles de bonne foi qui n’ont ni révélation ni fol divine tentem, soit : mais malgré ce groupement plus ou moins parce que la révélation ne leur a Jamais été prêchée ni artificiel, il n’en restera pas moins vrai que je crois suffisamment proposée. Au nom de la doctrine tho­ cette vérité distincte, l’existence d’un Dieu unique, miste qui proclame l’impossibilité de croire cc qui est philosophiquement démontré, ct qui range l’existence en même temps que j’ai la science concomitante de celte même vérité, ce qui sufiit à prouver la thèse de de Dieu ct la rémunération future, telles que la raison les démontre,non point parmi les objets à croire, mais la simultanéité. Quant à l’autre assertion du saint docteur, que la raison ne peut pas prouver la touteparmi les simples préambules de la fol, le Dr Gutbcrlct, puissance de Dieu ni sa providence, on en voit bien le interprétant comme Serry le mot credere, Heb.. xi, 6, but : c’cst de constituer un article que la science ne a pensé que, chez ces infidèles, il pouvait signifier ce puisse atteindre. Mais l’assertion elle-même parait bien qu’on appelle fides late dicta*, il leur suffirait donc de extraordinaire. 11 est donc permis de ne pas suivre connaître l’existence de Dieu par le spectacle de l’uni­ saint Thomas dans ces réponses auxquelles l’a forcé vers créé (ct la vie future par notre tendance naturelle de recourir la position qu’il avait prise; ct un fait bien au bonheur ct à l’immortalité, ou toute autre preuve significatif, c’cst que bien des thomistes vont chercher de ce genre) pour pouvoir arriver à la justification. des solutions différentes de celles du maître, comme Voir la continuation de la Dogmatische Théologie du nous l’avons déjà vu. — /) Une de ccs solutions, indi­ Dr Heinrich, Mayence, 1897, t. vin, § 453, p. 496. quée par les Salmanticenscs comme efficace (facillime Pour mettre une différence entre sa doctrine ct la diluit...) bien qu’ils en préfèrent une autre, consiste proposition 23 condamnée par Innocent XI : Fides à empêcher momentanément l’acte de science dans late dicta ex testimonio creaturarum similioe motivo ad le philosophe qui va faire un acte de fol : < On ne peut fustiflcatlonem sufficit. Dcnzingcr, n. 1173. Gutbcrlct pas prouver que notre philosophe (au moment où II va I exige que ccttc fol Improprement dite, dans l'infidèle croire pour sc disposer à la justification) doive possé- I en question, procèdd’une grâce surnaturelle qui der la science actuelle de (l’existence de Dieu) : H peut I l’aide; ct il y ajoute le désir surnaturel de la révélation ne pas faire attention aux preuves de cette vérité, et de la fol proprement dite, ootum fidei, fides in voto, maû seulement à l’autorité de Dieu, et s’y appuyer I qu’il appelle assez fâcheusement < foi implicite >, cc pour croire. » Cursus theologicus, 1879, t. xi, disp. Ill, I mot ayant déjà dans la théologie catholique un sens n 51. p 215. Mais d’abord ccttc solution Laisse subsisdéterminé ct un peu différent. Voir col. 343 sq. Tout ter avec l’acte de foi la science habituelle, dont 11 i cela, d’après lui, serait compris sous le mot credere s’agit aussi dans ccttc controverse, et c'est pourquoi de l’apôtre. Mais pour cc qui est du votum fidei, c’cst les Salman ticcnscs préfèrent une autre réponse, i une simple volonté dt croire, un pius affectus, et il 461 FOI est Impossible do le voir dans le credere quia est, parce que aidere signi île un acte de l'intelligence ct surtout quand il a pour complément une proposition, comme dans le cas présent. Voir col. GO. Il est vrai que la fol [ suppose un acte de volonté : mais si cr dere signifie la fides Idle dicta, ou cct acte préalable de volonté n’a pas lieu, ou en tout cas cc n’est pas le vœu de la fol proprement dite. Ccttc exégèse de Heb., xi, 6, est donc insoutenable. On voit par là comment certains tho­ mistes, en voulant soutenir leur opinion très discu­ table, en sont venus à compromettre la thèse com­ mune de In nécessité de la fol. Mais nous ne prétendons pas rendre l’école thomiste solidaire de ces errements de quelques-uns. Elle admet généralement ct avec raison que, par le mot remunerator, l’apôtre entend une rémunération surnaturelle, qui dépasse par con­ séquent la portée de la fides late dicta. Elle prend géné­ ralement le mot credere au sens propre. Elle prouve l’absolue nécessité de la fol proprement dite par des textes bien clairs de saint Thomas. Voir la réfu­ tation du Dr Gutbcrlct par le P. Haymond Martin, O. P., De necessitate credendi et credendorum, Louvain, 1906. Après avoir parcouru toutes ccs solutions et ccs exégèses de Heb.. xï, 6, il semble qu’il reste encore à trouver une réponse satisfaisante à la preuve scriptu­ raire de l’opinion affirmative. Mais en passant, répon­ dons à une objection. — L’existence de Dieu, dira-t-on peut-être, du vrai Dieu distinct de tous les êtres con­ tingents et des fausse. divinités, est un préambule nécessaire de la foi, une vérité qu’il faut/avant la foi divine, connaître par la raison (ou au moins par la fol humaine) sous peine de tomber dans le fidéisme. Voir col. 176,184,190. Cela étant, que sert à un philosophe, qui en a la science, de croire cette même vérité parce que Dieu l’a révélée? D’abord, il est singulier que Dieu l’ait révélée; dans les témoignages humains, jamais un témoin ne nous dit : « Croyez-moi sur parole, j’existe. > Mais dmettons que Dieu ait révélé son existence dans i’Écriturc : Ego sum; il semble que cc soit tourner dans un cercle et n’avancer à rien, que de vouloir nous appuyer sur son témoignage pour admettre son exis­ tence, déjà connue de nous, et nécessairement connue pour pouvoir admettre son témoignage, car qui n’existe pas ne peut témoigner. — Réponse. — Un témoin que nous voyons ne nous dit pas : « Croyez-moi. j’existe » — parce que la vision proprement dite rend la vole du témoignage inutile ct moralement impos­ sible. Voir col. 452. Mais nous ne voyons pas Dieu : il a donc pu nous révéler son existe cc. Il est vrai qu’avant h fol nous devons déjà la connaître par une autre voie que celle de son témoignage. Mais il n’est pas inutile d’ajouter cc nouveau moyen de la connaître, le témoi­ gnage divin : car grftce à cc témoignage nous pouvons désormais tenir l’existence de Dieu non pas seulement avec une certitude ordinaire et humaine, mais avec la certitude supérieure de la foi surnaturelle. Voir col.390sq. Il fallait d’ailleurs que la vertu infuse de fol, qui a certainement pour objet la trlnlté, pût atteindre secondairement l’existence d’un Dieu unique, telle que la raison peut la démontrer. Car ccttc existence d’un Dieu unique est contenue comme un élément nécessaire dans le mystère même de la trinité : un seul Dieu en trois personnes; tout chrétien qui croit sumaturellcmcnt cc mystère doit croire surnaturellemcnt, au moins par concomitance, cette existence d’un Dieu unique* qui est par ailleurs un préambule de la fol, et dont i) peut sc faire qu’il possède la démons­ tration. Cette existence est contenue aussi dans tous les attributs divins considérés comme quelque chose de réellement existant, ct non pas de purement Idéal; en particulier, dans le « rémunérateur » surnaturel que saint Paul veut que nous croyions comme très réel; 462 c'est pourquoi il l’a spécialement mentionnée ; quia est, cl remunerator... Preuve nouvelle tirée du concile du Vatican. — « Ιλ sainte Église catholique apostolique romaine croit ct confesse qu’il y a un seul Dieu vrai et vivant, créa­ teur ct seigneur du ciel ct de la terre, tout-puissant, éternel, immense, incompréhensible, ♦ etc Sess. m, c. i. au début, Dcnzingcr. n. 1782. Ecclesia, c’est ici • l’Église enseignante »; car peu après on lit : « La même sainte Église notre mère (la même dont on parlait au début du c. !·*) tient et enseigne que Dieu, > etc. Ibid., c. n, Dcnzingcr, n. 1785. Or le pape et les évêques qui composent < l’Église enseignante » sont de ceux qui peuvent avoir, Etudes théol... sur le con­ cile du Vatican. Paris, 1895, t. I, p. 171, 172. Vacant semble croire qu’il suffit de présenter comme révélée (et, par suite, extrinsèquement surnaturelle) une vérité démontrée d’ailleurs par b science, pour que l’école thomiste soit satisfaite, ct permette de faire sur cette vérité un acte de foi. Mais non ; elle ne saurait le per­ mettre sans renoncer à sa théorie même, à savoir que b démonstration scientifique d’une vérité révélée est pour celui qui possède cette démonstration un obstacle infranchissable à b foi divine. Ce n’est donc pas l’école thomiste, c’est au contraire l’école opposée qui dit ici avec Vacant : Pourvu qu’une vérité soit présentée comme révélée, on peut toujours 1a croire de foi divine. Ainsi en voulant concilier l’opinion thomiste avec le concile, sans s’en apercevoir, il b jette tout simple­ ment par-dessus bord. Ailleurs Vacant, sans résoudre davantage b difficulté posée par l'argument de Didiot, qu’il nomme, défend d’une manière satisfaisante l’opinion thomiste contre d’autres arguments tirés du concile par Mazzclla. Voir op. cit., t. n, p. 201, 202; ct dans le même sens. Billot, De virtutibus in/usis, 1905, thés, xi, p. 245-247. Ces arguments de Mazzclla ne sortent donc pas indemnes de la critique qui en a été faite : mais quant à celui de Didiot, il ne lui a pas 4(53 FOI 4(H été répondu, que Je sache. Dans ce n· vol., Vacant va sc réfutent les uns les autres. — a) Pour Cajétnn, noui jusqu’à ajouter : « Le sentiment des thomistes me l’avons vu, il est bien mieux de savoir que de croire, longe melius : le philosophe chrétien, en ne pouvant semble néanmoins avoir reçu quelque atteinte, du plus croire ces vérités, ne serait donc pas mis en état silence gardé par notre concile sur l'obscurité que les d'infériorité. Mais c'est aller à un autre extrême, et théologiens de ccttc école exigent pour l'objet do la fol. déconsidérer la fol. Aussi Melchior Cano regarde-t-il Jusqu’ici, le silence de l’Église ύ cet égard se pouvait ccttc idée comme insoutenable. Voir col. 458. Bien expliquer, par cette raison que nulle part elle n’avait que In science l’emporte en évidence sur la fol, l'acte encore exposé l'ensemble de son enseignement au de foi divine reste supérieur en dignité et en certitude. sujet de la fol. Mais il n’en est plus de même désor­ Voir coL 390 sq. — b) D’autres ont répondu : Le phi­ mais, » etc. Loe. cit., p. 202. Cet argument négatif losophe chrétien ne peut pas faire un acte de foi sur peut, en effet, confirmer la preuve positive de l'opinion ces vérités, mais il le fait in prrrparatione animi : la adverse. Si le concile avait partagé cette Idée de l'école disposition de sa volonté est telle que, si la démonstra­ thomiste, qu’il y a là un point fondamental pour la tion lui manquait, il n'en tiendrait pas moins cette théorie de la fol. il n'aurait eu gardc d’en négliger la vérité par un acte de fol. Il ne perd donc rien. A cela discussion ni l'affirmation, qui s'offrait tout naturelle­ revient la solution du cardinal Billot, que, si la science ment en plusieurs endroits. Or il n gardé là-dessus le empêche de faire un acte de foi explicite sur ces vérités, plus profond silence, et en fait d'obscurité, s’est con­ clic n'empêche pas de les croire implicitement sous celte tenté d’affirmer celle des mystères, et l'impossibilité formule : Mon Dieu, je crois tout ce que vous avez d’en avoir la science en même temps que la fol. révélé. De virtutibus in/usis, 1905, thes. xi, p. 249, Preuve rationnelle. — Elle ne considère plus seule­ 250. Car la « fol implicite » à laquelle on a Ici recours ment, comme la preuve scripturaire, le dogme de l’existence de Dieu, et le cas du philosophe païen con­ consiste précisément à croire in parparadonc animi d’après saint Thomas. Voir col. 314. —Mais contre un verti qui, voulant recevoir le baptême, doit d'abord croire ce dogme d’après l’apôtre. Elle considère aussi telle solution. Bafiez dit avec justesse : < Cette dispo­ toutes les autres vérités révélées dont un philosophe sition de la volonté, prirparatio animl, bien qu'elle suffise à suppléer le mérite de la foi à ces vérités, ne chrétien peut avoir la démonstration sclcntiffque, parait pas suffire à suppléer la certitude actuelle qu’en spécialement en théodicée et en morale, et prouve que cette science ne doit pas lui nuire en l'empêchant de n le fidèle peu instruit : il resterait donc toujours pour croire de foi divine ces mêmes vérités. Sans doute, la celui-ci une supériorité du côté de la certitude. · science n’est pas nécessaire pour le salut, et comme In Z J·· Z/·, Douai, 1615, q. i, n. 5, ad 2om, p.33. — toutes les bonnes choses, elle peut être une occasion c) Bafiez préfère donc une autre réponse, assez obscure d’abus, d’orgueil, etc., et à ce titre les Pères ont pu dans sa brièveté, où il semble dire que la présence de vanter la sécurité des fidèles peu instruits. Voir col. la vertu infuse de fol dans le philosophe chrétien com­ munique à l'assentiment de science du même indi­ 114. Mais il est inadmissible que la science soit de sa vidu la certitude surnaturelle et propre de la fol nature un agent en antagonisme avec la foi divine et divine, · parce que la grâce perfectionne la nature que le fidèle soit détourné de la science par sa religion autant qu'il est possible. » Loc. cil. — Mais Gond meme. Les Pères grecs, s'ils ont voulu que la foi. à cause de sa nécessité universelle et de la brièveté de la I rejette la solution de Bafiez, parce qu’elle fait sortir V habitus fidei de sa fonction propre et de son objet vie, prit les devant, ont cependant pressé ceux qui spécifique, en le faisant Influer sur un acte de science le peuvent d’y Joindre la science, Et cette concomitante qui a un objet formel tout autre. Clypeus « gnose » n’est pas seulement la théologie dérivée de la theologiae thomisticce, 6· édit., Lyon, 1681, t. iv. De fol, mais aussi la philosophie avec scs démonstrations Intrinsèques et sa propre méthode. Voir col. 186. Les fide, disp. I, n. 162, 163, p. 226. — (t) Jean de SaintPères latins ne sont pas moins pressants. · Ce que tu Thomas, avec d’autres, reprend d’une manière diffé­ tiens par la fermeté de la fol, dit saint Augustin, vois-le rente la solution de Bafiez : il observe qu’une force ou vertu supérieure, sans sortir de son ordre, peut diriger aussi à la lumière de la raison. Ix)in de nous la pensée une force inférieure et lui communiquer de sa per­ que ccttc raison déplaise à Dieu, qui l’a donnée pour fection; ainsi la volonté libre dirige le mouvement du nous élever au-dessus de l'animal. Loin de nous l’idée bras, et le rend volontaire; ainsi l ange supérieur fait de croire pour nous dispenser de raisonner : nous qui ne pourrions croire si nous n'avions des Ames raison- I participer l'ange Inférieur à un mode Scss. m, c. iv, Denzinger, n. Dr fide, q. i, disp. Il, a. 1, n. 22 sq., p. 32-35. Sans se 1799. Or l'opinion adverse semble décourager le confondre formellement avec la certitude de foi divine, fidèle de la science, de celle du moins qui peut sc ren­ cette certitude participée peut y être ramenée; elle est contrer avec la fol sur un même objet, et tout particu­ de même espèce redact lue, non lormaliter. Loc. cit., lièrement de la science naturelle de Dieu. Car enfin n. 26. — Mais, dit Gond, saint Thomas n remarqué le fidèle qui acquerrait ccttc science, d’après ccttc opi­ expressément, /oc. cit., a. 4, que ces participations nion, serait mis par là même en état d'infériorité. Sur demeurent toujours bien inférieures à la vertu dont ces vérités dont il connaîtrait les démonstrations phi­ on participe. « Il reste donc toujours à expliquer com­ losophiques il ne pourrait plus avoir la certitude de ment le philosophe chrétien n’a pas une certitude foi divine qui est une suprême certitude. Comme le moindre que le fidèle Ignorant (chez qui la vertu de fol vrai fidèle dans le domaine intellectuel tient naturel­ agit directement rt formellement); et l’argument de lement avant tout à la fol et à la certitude de fol, ne la partie adverse garde sa force. · Loc. cit., n. 164. Et peut-on pas dire que ccttc opinion constitue une prime les Sahnantlccnses ajoutent : « La solution imaginée à l'ignorance? par ces thomistes est insuffisante... Soit que cet assen­ Hèponsc. — I^cs défenseurs de l’opinion négative timent de science oit pour motif secondaire le témoi­ ne sont nullement d’accord sur la réponse à faire, et gnage de Dieu, ce que nous regardons comme faux t 465 FOI soit qu'il ne l’ait pas; soit qu’il participe une modalité surnaturelle, ou non, en toute hypothèse, c’est un assentiment Intrinsèquement naturel, et, comme tel, il ne peut égaler lu certitude de l’assentiment de fol, qui est Intimement et spécifiquement surnaturel. » Cursus theol., Paris. 1879, t. xi, De fide, disp. III, n. 54, p. 217. — e) Les Salmon licenses cherchent donc une autre réponse. « On nous objecte, disent-ils, qu’une consé­ quence de l’opinion thomiste, c’est que le philosophe chrétien ne pourra pas faire un acte de foi sur ces vérités, et qu’il sera sur ce point inférieur en certitude au fidèle ignorant. Eh bien ! oui, nous admettons celte conséquence. Elle n’a pas d’inconvénient... Tout bien considéré, le philosophe chrétien n’est point mis par là dans une condition inférieure, mais plutôt supé­ rieure. Car l’objet matériel principal et propre de la fol ne consiste pas dans les vérités naturelles, mais dans les mystères surnaturels... Quand il ne peut pas faire un acte de foi sur une vérité naturelle, le philo­ sophe chrétien subit un dommage, c’cst vrai, mais sur un point tout extérieur qui n’appartient A la foi que par accident. Et ce dommage est abondamment com­ pensé par trois avantages, a. En sc retirant de ces objets naturels et en y cédant la place A l’évidence, sa fol sc recueille et sc ramasse dans son domaine propre, l'être surnaturel; émondée, pour ainsi dire, et débar­ rassée de ces branchages extérieurs, elle pousse avec plus de vigueur les fruits qui lui sont propres, b. Si le fidèle ordinaire étend sa fol A plus d'objets naturels que le philosophe, celui-ci étend la sienne à plus d’ob­ jets surnaturels, il connaît plus d’articles, c. Le phi­ losophe a le même mérite, à cause de sa volonté do croire (ces vérités naturelles), s’il n’en avait pas l’évi­ dence. » Loc. cit., n. 55, p. 217, 218. — Mais ce troi­ sième avantage, comme Bafiez l’a remarqué, ne répond pas à la question, qui porte sur la certitude de l’intel­ ligence, et non sur le mérite de la volonté. Le deuxième ne regarde pas non plus la certitude, mais l’étendue des connaissances religieuses; d’ailleurs, il fait souvent défaut, puisqu’on peut être philosophe sans être théo­ logien, et sans avoir plus qu'un autre fidèle la con­ naissance des vérités cachées A la raison. Reste donc uniquement le premier avantage; mais il est fondé sur une Idée fausse. Les vérités en question» existence et attributs de Dieu tels qu’on les prouve en théodicée, vérités morales, etc., ne sont pas des objets ·extérieurs» à la fol, des broussailles (pii l’étoufient : ce sont des vérités révélées, des dogmes proposés par l’Église, par exemple, au concile du Vatican, ou dans la condamna­ tion solennelle de certaines propositions de morale; d’après les thomistes eux-mêmes, ce sont des objets de fol divine au moins pour les simples fidèles. Elles ne nuisent pas A l’objet principal, comme nuisent au fruit de l’arbre les rameaux superflus : au contraire, elles ne font qu’un seul tout avec les autres parties de la révélation, un tout harmonieux, où tout s’éclaire et sc soutient mutuellement. D’ailleurs, Il n’y a pas en Dieu une partie naturelle et une partie surnaturelle : si nous distinguons eu lui l’auteur de la nature et l’auteur de b grâce, des vérités · naturelles » et des vérités « surna­ turelles ■ sur Dieu, ce ne sont IA que dénominations tirées de nos forces, de nos exigences et de notre ma· nlèrc de connaître, cl des limites de tout cela: la toutepuissance de Dieu dans l’ordre de la nature n'est pas moins divine que dans l’ordre de la grâce, l’unité de sa nature n’est pas moins divine que la trinlté des per­ sonnes. Quand U ne porte plus ces vérités accessibles à la raison mais révélées, l’arbre de notre foi n’est donc pas émondé, mais mutilé. Avant d'achever celle recension des diverses ré­ ponses A la preuve rationnelle de l'opinion affirmative, il importe de partager les défcûscurs de l'opinion néga­ tive en deux catégories fort différentes. a. Les uns. 4G » comme ceux que nous venons d’énumérer, mettent réellement le philosophe chrétien dans un état d’infé­ riorité A l’égard des vérités en question. Ils ne lui ac­ cordent ni le pouvoir d’appuyer sa conviction sur le témoignage de Dieu, ni une certitude de meme ordre que celle des fidèles ignorants, c’est-à-dire b certitude suprême cl intrinsèquement surnaturelle de la foi. — b. Los autres évitent ces Inconvénients, ou à peu près. Ils concèdent que la démonstration scientifique n'empêche pus de s’appuyer sur le témoignage de Dieu, ni d’avoir une certitude Intrinsèquement surnaturelle de ces vérités démontrées, une certitude égale à la certitude de fol des fidèles qui n’ont pas la démons­ tration. Seulement, ils ne veulent pas appeler < foi » cet acte surnaturel fondé sur le témoignage de Dieu, parce que, disent-ils, il n'a pas celle obscurité qui est un élément essentiel de h foi. Ixïs premiers s’opposent à l’opinion affirmative sur une question de chose et quant au côté positif de l'assentiment du phllosoj he chrétien; les seconds ne lui sont opposés que sur une question de mot» ou du moins sur un élément nêgat·!· Λ la seconde catégorie appartiennent des noms Illus­ trée. Dès le commencement du xv· siècle, Capréolu». « prince des thomistes », écrivait : « i-e fidèle qui a acquis la science de cette vérité. Dieu est un, la tient par un double moyen (de preuve), c’est-à-dire par l’autorité de Dieu et par un moyen démonstratif. Mais il ne suit pas de là que l’assentiment causé par ces deux moyens soit un acte de science et de fol en même temps (comme Durand le prétendait), mais seulement de science. Car on ne peut pas dire de tout assenti­ ment causé par l’autorité (d’un témoignage) qu’il est un acte de croire, assensus créditions : il y faut encore celte condition, que l’autorité en soit la cause totale, ou du moins, que l’autre moyen, qui concourt avre l’autorité, n’enlève pas La raison formelle de l’objet de fol (l’obscurité). Or, un moyen nécessaire (de science évidente) enlève cette condition, et par suite empêche que ce ne soit un acte de foi. » Defensiones theologi te S. Thomr. LUI Sent., dist. XXV, a. 3, § 2. ad 3··, Tours, 1904, t. v, p. 331. Tout le monde comprendra qu’on puisse réserver le nom d’acte de foi, ou le mol croire, dans le sens le plus strict du mot, A l’assenti­ ment où l'autorité du témoignage figure comme cause totale. Voir Pesch, Prteleel tones. 3* édit., 1910, t. vin, n. 409, p. 188, 189. Capreolus est d’autant plus en droit de refuser le nom de « fol » A l'assentiment en question qu’il envisage le cas de simultanéité le plus complet, simultanéité mathématique, bien plus, le eus où les deux actes n’en font plus qu’un seul, ayant deux motifs ou « moyens » qui concourent ensemble; or les principaux défenseurs de la simultanéité n’osent admettre, pour des raisons psychologiques, une si­ multanéité aussi parfaite, ni soutenir qu’un tel acte unique, s’il était possible, dût être appelé · fol ». Voir col.454. Du reste Capréolus ne refuse pas de faire direc­ tement Intervenir, dans l’acte en question, la vertu infuse de foi aussi bien que le témoignage de Dieu : • Dans un tel assentiment, causé par le concours de la divine autorité cl du moyen nécessaire, il y n deux éléments, la fermeté d'adhésion (certitude), et l’évi­ dence de l’énoncé auquel on adhère. Pour le premier de ces éléments la cause de l’assentiment de foi (sans doute la vertu Infuse) agit directement, » Loc. cit., ad 4··, p. 333. C’est probablement aussi ce que voulait dire Bafiez cité plus haut; voir ce qu'il ajoute, op. cit., q. n, n. 10, 2* conclus., p. 201. Gonet, plus développé et plus clair que Bafiez, cite Capréolus, cl conclut : • Le philosophe chrétien ne peut avoir en meme temps la science et la foi de cette proposition : Dieu existe, ou : Dieu est un. Il peut néanmoins en avoir en même temps la certitude de science cl U certitude de foi : la première, en tant qu'il s'appuie surtout sur le moyen 467 FOI 468 démonstratif, la seconde, en tint qu’il adhère secon­ acte unique. Theologia S. Anselml, Borne, 1688, t. i dairement à cause de la divine révélation... Adhérer p. 168. Le contexte de l’article ne permet pas ces .1 une conclusion à cause d’un témoignage surnaturel restrictions. Voir surtout ad 3°·. — d) Comment ne conviendrait pas à un assentiment de science natu­ saint Thomas a-t-il été ainsi amené à généraliser, à relle si celui-ci était considéré tout seul : mais cela étendre à l’objet secondaire cc que tous doivent ad­ peut lui convenir, si la science naturelle est jointe A mettre de l’objet principal? Il semble avoir été sur­ l'habitus fidei, » Loc, cit., n. 166, p. 227. L’autre solu­ tout impressionné par une théorie philosophique de tion donnée par Gonet ne sc rapproche pas moins de saint Augustin, résumée en ccttc formule très géné­ l’opinion affirmative; il admet que Γhabitus fidei rale : Creduntur absentia, videntur privsentia. 11 h peut atteindre par accident une véritée démontrée, citc,ct en fait la base de son explication. Quæst. disp., du moins quand elle est jointe à l’objet principal ct De veritate, q. xiv, a. 9. Par absentia, saint Thomas mystérieux; telle l’unité de Dieu dans la trinité des entend cc qui, n’étant pas atteint par les sens, dépasse personnes. Loc, cit., n. 165. Si 1’habitus fidei peut l’at­ aussi l'intelligence, soit l'intelligence générale du genre humain (tels sont les mystères), soit au moins l’intelli­ teindre alors, on ne voit pas pourquoi il ne pourrait gence individuelle de ceux qui n’ont pas la démons­ l’atteindre séparément, toujours par accident ct comme son objet secondaire. Un thomiste du tration de cet objet. Cc passage de saint Augustin xvi· siècle, Aragon, dit très nettement : < Dans le dans une lettre à Pauline (ou Liber de videndo Deo) a philosophe chrétien qui a la démonstration de ccttc été cité en partie, col. 113. On y voit que l’évêque proposition : Dieu existe, les deux habitus, de science d’Hippone n’y donne sa formule que comme expri­ et de foi, l’inclinent à l’assentiment, ct son assenti­ mant · peut-être » la différence entre voir ct croire. 11 n’est pas plus affirmatif ailleurs. Y a-t-il des cas où ment procède des deux, ayant de l’un la certitude ct l’on peut dire que l’on croit ce que l’on voit? Il ré­ la clarté, de l’autre la parfaite certitude qui l’em­ pond : Nescio utrum credere dicendus est quisque quod porte sur celle de la science; comme une eau chauffée videt. In Joa., tr. LXXLX, P. L., t. xxxv, coi. 1837. sur le feu, ct en même temps exposée au soleil, reçoit sa 11 semble d’ailleurs que c’cst là plutôt pour lui une lumière du soleil, seulement, ct reçoit sa chaleur non question de mot, d’usage, de propriété du terme cre­ seulement du soleil mais aussi ct surtout du feu. > dere. — e) C’est précisément aussi l’interrogation qui In //»· //·, Venise, 1625, De fide, q. i, a. 5, p. 22. se pose au sujet de saint Thomas, ct la plus importante Au xvnî* siècle, la solution de Gonet est répétée par Scrry. Loc. cit. Le cardinal Gotti n’est pas moins pré­ ici. Veut-il (question de chose) que la démonstration cis : < Ce philosophe, dit-il, donne son assentiment à scientifique d’une vérité révélée empêche celui qui a cette démonstration d’affirmer la même vérité à cause cette vérité : Deus est, non seulement à cause de sa du témoignage de Dieu, ct par un acte intrinsèque­ démonstration philosophique, mais encore à cause de ment surnaturel et d’une suprême certitude? Ou bien I autorité de Dieu qui l’a révélée. Du côté de la science, concède-t-il à cet Individu la possibilité de s’appuyer il l’emporte sur l’ignorant; du côté de l’autorité de aussi sur le divin témoignage par un acte surnaturel Dieu, il l’égale; seulement, parce qu’il ne s’appuie ct souverainement certain, ct le manque d’une obscu­ pas uniquement sur cette autorité, on ne peut pas dire rité plus grande n’est-ll plus qu’une question de bonne que ce soit la · fol ». Mais l’acte est surnaturel, il pro­ définition et de bon emploi du mot crederet En un cède de la vertu de foi, comme par extension ct mot, saint Thomas cst-il avec la première ou avec la secondairement. » Theologia dogmat., Venise, 1750, seconde catégorie de scs interprètes thomistes? Dans L n, De fide, q. t, dub. vin, n. 17, p. 425. Au xix· siècle, le doute, ct vu l’autorité extrinsèque des seconds le cardinal Zlgliara cite l'explication de Capréolus, Interprètes, nous aurions déjà le droit d’interpréter sa admettant avec lui qu’une vérité que l’on sait < ne pensée comme eux. Mais de plus, il nous autorise luipeut être crue au sens propre. » Sum. philos., Lyon, 3· édit., 1880, t. I, Ontologia, 1. III, c. m, a. 2, n. 8, même à ce choix. A propos de la fol divine, il dit que le même sujet peut atteindre le même objet par deux p. 454, 455. Ccs citations suffisent à faire apercevoir moyens de connaître différents, l'un plus parfait, dans la série des siècles une lignée d’illustres tho­ l’autre plus imparfait : Nihil prohibet quin (cognitio mistes qui réduisent le différend à un minimum. L’opi­ perlecta ct imperfecta ex parte medii) conveniant in nion affirmative aurait tort de les confondre avec scs véritables adversaires, avec ceux dont la théorie uno oblecto et in uno subjecto; potest enim unus homo cognoscere eamdem conclusionem per medium probabile présente de sérieux Inconvénients. 5. La pensée de saint Thomas. — a) Avant tout, le et demonstrativum. Sum. theol., I* II·, q. lxvii, a. 3. saint docteur tient A cc que l’objet principal de la fol Ainsi le même homme pourra atteindre la même vé­ ait cette obscurité qui exclut toute science simulta­ rité ct par la voie de la démonstration scientifique née; et parfois il ne semble se préoccuper que de cet et par la voie du témoignage divin, bien qu’alors objct-lâ, sur le terrain de l'obscurité. Illa sola manife­ peut-être l’acte qu’il basera sur l’autorité divine no statio excludit fidei rationem, perquam redditur apparens puisse être appelé « foi » au sens le plus strict du mot. vel visum id de quo principaliter est fides, etc. Sum. Mais, que cet acte ait d’ailleurs toutes les qualités posi­ theol., II· 11·, q. v, a. 1. Remarquons ce sola, qui tives d’où l’assentiment de foi tire sa suprême dignité, semble restreindre l’obscurittTà l’objet principal, dans sa suprême certitude, sans que la science surajoutée cc qu’elle a d’essentiel. — b) Pour l’objet secondaire, lui en fasse rien perdre, mais au contraire — c’est la parfois 11 parle comme si l’on pouvait en avoir simul­ ' pensée de saint Thomas dans un remarquable passage. tanément la foi ct la démonstration philosophique. Il note d’abord que, toute espèce sc composant d’un Exemple : Sic ergo ratione demonstratur et fide tenetur genre ct d’une différence, Il y a des espèces où la supé­ quod omnia sint a Deo creata. Queest. disp.. De potentia, riorité d’un individu sur un autre doit être appréciée q. m, a. 5. — c) Cependant 11 établit ex pro/esso une du côté de l’élément différentiel; ct cela arrive toutes théorie très générale, sans distinction d’objet princi­ les fols que la différence est positive, ct ajoute au genre pal ou secondaire : Impossibile est quod ab codent idem une prelection, comme la différence < raisonnable » dans sit sciturn et creditum. Sum, theol., Il· II*, q. i» «*· 5· l’homme « animal raisonnable ». L’homme qui l’em­ 11 semble arbitraire de dire avec le cardinal d’Aguirre, porte du côté de la raison est en fin de compte, simpli­ citer, plus digne que celui qui l’emporte du côté ani­ sous prétexte de conciliation avec q. v, n. 1, que mal, par les sens, l’agilité, etc. Mais quand la diffé­ saint Thomas parle ici, ou seulement de la science rence est négative ct consiste en une imperfection et consommée qui est la vision béatiflquc ou seulement c’est le cas de la fol, que l’on définit cogmtio eorum de U coexistence de la science et de la foi dans un 469 FOI qtue non videntur, ou cognitio (genre) obscura (diffé­ rence), alors l'individu qui n le plus complètement la nature du genre (la connaissance) est en fin de compte supérieur. Et il ajoute : Fidelis qui juin percipit ali­ quem intellectum credibilium (des vérités révélées), et quodammodo jam ca videt (quodammodo uidere, c’cst la science, cf. Sum. theol., Il· 11·, q, i, a. 5), ha bet simpliciter nobiliorem fidem eo qui minus cognoscit; ct tumen quantum ad rationem fidei pertinet (en tenant compte* de la différence), magie proprie habet fidem ille qui omnino non videt illa qua credit. Quast, disp.. De veritate, q. xii, u. 12. Dc cc philosophe chrétien, saint Thomas ne dit pas, comme Cajétan : « Il n'a pas la foi de ccttc vérité, mais il en a h science, ce qui vaut bien mieux. » Il dit : · Ayant la science d'un objet de foi (credibile), il en a une foi plus noble. · Donc, on peut appeler · foi » avec le saint docteur l'assentiment que le philosophe chrétien appuie sur le témoignage divin I Donc ccttc « foi > est « plus noble » que celle dc l'ignorant; ce qui implique que les qua­ lités positives de la foi ne font pas alors défaut : si elle était d’une certitude inférieure, si clic n’était pas sur­ naturelle, comment la science ajoutée sufïlrait-elle à la rendre urne foi plus noble·? Ce qui manque seule­ ment ù celte foi, c'est Vobscurité entendue du défaut complet de science concomitante, ct c’est pourquoi 1’ignorant magis proprie habet fidem. Mais cette obscu­ rité est une imperfection; c’cst une négation, et la négation dc quelque chose d'extrinsèque.de la science concomitante. Ccttc « foi » qui manque seulement de complète obscurité ne manque donc d’aucun élé­ ment positif. Saint Thomas est avec scs seconds in­ terprètes. — /) Tout le monde doit reconnaître que le manque absolu de science concomitante contribue ù l'obscurité de La foi, ct qu'alors le mot ■ foi » est employé mugis proprie : c'est pourquoi l’obscurité est plus grande dans les mystères, c’cst pourquoi Ils sont plus proprement ct principalement · objets de foi ». La question ne subsiste que pour les objets secondaires de la foi: doivent-ils avoir la même obs­ curité que l’objet principal? Un formule Fides est de non apparentibus n’cst-clle pas suffisamment expliquée dc la fol en général, dc la foi-vertu, à raison de son objet principal, de son objet d’attribution qui la spé­ cifie? Nous en avons donné des preuves : et c’est sur cc point seulement que nous nous séparons dc saint Thomas. l*a différence n’est pas grande, après toute les concessions qu’il fait lui-même dans le passage cité. Notre raison pour dire simplement que sur ces objets secondaires il peut y avoir fol et démonstration en même temps, qu’ils n’ont pas la même obscurité que les objets principaux, c’est d’éviter toute équivoque; car si l’on dit que le philosophe chrétien ne peut faire un acte de foi sur ccs vérités, beaucoup entendront la chose non pas nu sens modéré dc saint Thomas, mais nu sens rigide dc plusieurs dc scs Interprètes, non sans danger d’erreur ou tout nu moins d'une grande confu­ sion qui embarrasse inutilement bien des endroits de la théologie. Notre raison, enfin, c'est que l'acte en question, quoiqu’il soit < moins proprement · appelé fol, comme saint Thomas le note, peut encore assez proprement être appelé · foi », et que le concile du Vatican favorise cette terminologie, comme nous montré. ÎXlÊJ CONTUO VERSE TIIÉOLOOIQUR SUR L*ANALYSE DiSarroi. — · Analyser la fol » dans le sens particu­ lier dc celte controverse, c'est ramener l’acte de fol, dans l'ordre intellectuel, à son dernier et principal fon­ dement; c’cst cc qu'on appelle analysis fidei, ultima resolutio fidei. Ccttc controverse, qui a l’avantage de faire pénétrer plus profondément dans la nature et l’explication de l’acte dc fol, s'est développée après le concile de Trente, ct surtout parmi les théologiens de 470 la Compagnie de Jé De fide, disp. HI, sect, vi, n. 6, Opéra, Paris. 1858, t. xn, p.64. Ainsi, d’après Suarez, la cer­ suffit qu’elle ait été révélée. Or, Dieu n’a-t-il pas révélé sa véracité? Par exemple : Est autem Deus verax. titude dc l’acte dc fol dépend tout entière de la certi­ Rom., m, 4. N’a-t-il pas révélé qu’il révélait, qu’il tude dc cette connaissance de l’objet formel, objectum parlait? Par exemple, quand les prophètes disaient formate quo, motif spécifique dc la foi; c’est à déter­ en son nom : Hsec dicit Dominus. Ne peut-on pas, du miner le genre ct le degré de cette connaissance dans reste, soutenir que tout être capable de parole ou de l’acte même dc foi, qu’i1. ramène toute la question. témoignage, quand il atteste explicitement quelque La difficulté peut prendre cette autre forme. Si chose pour être cru, parle fait même dit implicitement l’on fait remonter l’analyse de la fol jusqu’aux motifs dc crédibilité, c’est là qu’il faudra chercher le dernier deux autres choses, à savoir qu’il est véridique ct motif, la dernière raison dc la foi. Mais il semble que qu’il parle, c’est-à-dire qu’il a l’intention de faire con­ le dernier motif auquel on remonte, étant le point naître sa pensée? Ainsi la condition d* « être révélé » ne saurait manquer à l’objet formel, pour permettre dc solide auquel toute la chaîne du raisonnement est suspendue, est par là même le motif principal ct spé­ le croire propter auctoritatem Dei revelantis. 11 est vrai cifique, et du coup nous tombons dans de terribles con­ que l’école thomiste demande encore une autre con­ dition pour pouvoir « croire » une chose au sens pro­ séquences : 1. La foi perd son unité spécifique, car les pre : c’est qu’elle ne soit pas éclairée par une science motifs dc crédibilité varient d’un fidèle à l'autre; il y simultanée. Voir col. 454. Cette condition manquera aura autant d’espèces dc foi que dc différents motifs souvent, quand la véracité divine sera connue par une de crédibilité. — 2. L’ < autorité dc Dieu qui révèle » démonstration philosophique, présente à l’esprit au ne sera plus le motif dernier, sur lequel tout repose : moment même où il va croire. Mais Suarez rejette cc qui est contre le sentiment commun des théologiens, ccttc exigence dc l’école thomiste. Loc. cit., disp. 111, ct contre le concile du Vatican, qui n’assigne à la fol sect, vi, n. 9, p. 66. En conséquence, d’après lui, ccs que cc motif. Voir col. 115 sq. — 3. Par suite, la foi deux vérités qui composent l’objet formel sont attein­ n’aura plus pour motif spécifique un attribut divin : tes successivement de deux manières : avant l’acte de elle ne sera donc plus théologale. Voir col. 376, 377. foi, à la lumière de la raison : dans l’acte dc foi, à la La crainte dc ces conséquences, que tous les catho­ lumière même de la fol; en sorte que La foi de ccs deux liques savent être fausses, ct qu’il faut éviter à tout vérités précède et engendre la fol de tout autre dogme. prix, explique pourquoi les théologiens en général, Voir Suarez, loc. cit., n. 5-9, p. 64-66, ct sect, xn, dans les différents systèmes qu’ils ont Imaginés pour n. 1, 4, 7-10, 12, p. 101-106. L’assentiment dc fol résoudre ccttc difficulté, tout en admettant la néces­ affirme en même temps l’objet formel ct l’objet maté­ sité des motifs dc crédibilité avant la foi, ont constam­ riel. celui-ci à cause de celui-là. < Bien que l’acte ment cherché à diminuer leur rôle dans l’acte dc foi lui-même, ct à rendre l’assentiment de foi indépendant paraisse simple, il renferme un discursus virtuel. » dc ces motifs, soit en mettant une discontinuité, un Loc. cit., n. 10, p. 10*1. fossé entre eux ct lui, soit au moins en s’arrangeant Ccttc solution n été suivie par beaucoup dc théolo­ d’une manière ou d’une autre pour arrêter l’analyse à giens, grâce à l’autorité du grand nom de Suarez. Elle V auctorilas Dei revelantis comme à son dernier terme, n’a pourtant jamais été « commune », quoi qu’en dise au delà duquel il n’y a plus rien. On peut donc dire que un dc scs défenseurs contemporains, Tepe. Institu­ le grand problème dc l’analyse dc la fol porte sur la tiones theologiae. Paris, 1896, t. tu, n. 677, p. 375. détermination de son motif spécifique ou objet for­ L’école thomiste, à elle seule déjà, suffirait à empêcher mel, ou plutôt sur la justification logique et ration­ cette prétendue unanimité. D’une part, en eflet, nelle dc la thèse positive et traditionnelle qui fait comme l’a remarqué Klcutgen, beaucoup de thomistes, consister cc motif dans Vauctoritas Dei revelantis. tout en utilisant parfois certaines parties du système Nous allons exposer les divers systèmes en suivant, de Suarez pour répondre à des objections, ne l’ont autant que possible, le développement chronologique pourtant ni exposé ni défendu ; plusieurs même ont à peine parlé de l’analyse de la foi, parce qu’ils ne l’ont de la controverse. 2· Solutions diverses. — l*r système : Suarez. — pas trouvée chez saint Thomas, qui ne peut guère Nous venons dc voir comment il a saisi la difficulté. fournir à cette question que quelques principes géné­ D’après lui, la certitude suprême dc la foi dérive logi­ raux pour la diriger. Voir Wilmers, De fide divina, quement de son objet formel, la divine autorité ct la Ratisbonne, 1902, p. 362. D’autre part, cette théorie divine révélation, ou plutôt dc la connaissance que des thomistes, qu’une même vérité ne peut simulta­ nous avons dc cc double motif, le motif n’agissant nément être objet dc science et de foi, «levait logique» mentjes empêcher d'admettre le système do Suarez. qu’autant qu’il est connu. Or, on peut avoir cette FOI Que plusieurs d'cntie eux nient admis pour le fait de . la révélation qu’il doit, comme objet formel, être cru dc fol divine, rien d'étonnant : le fait de la révélation, sc prouvant par des témoignages, n’est pus pour eux objet dc science, mais dc loi humaine ou divine, ou les deux ensemble. Mais quant à l’autre élément dc l’objet formel, l’autorité dc Dieu, c'est-à-dire sa science ct sa véracité, c’est pour eux comme pour tous les théologiens un objet de science, ct Ils ne peu­ vent admettre, sans abandonner leurs propres prin­ cipes, que le philosophe chrétien, dans tout acte dc fol, puisse les croire. Voir Pcsch, Praelectiones, 3e édit., t. vin, n. 345, p. 157 en note. Parmi les thomistes, les Salman licenses attaquent explicitement le système de Suarez. Cursus theologicus. De fide, disp. 1, n. 181, Paris, 1879, L xi, p. 83. Scot, que le P. Tcpc cite en compagnie dc saint Thomas comme précurseur dc Suarez avec son école, n bien aperçu la difficulté prin­ cipale de cette solution que Suarez devait un jour développer, c’est-à-dire le processus in infinitum, ctn’a rien conclu, au témoignage d'un dc ses plus célèbres disciples, le cardinal Brancatus dc Laurca : Scotus in 111 Sent., dist. XX J11, agnoscit maximam hanc diffi­ cultatem, omnemque movet lapidem ut ab ea se extricet. Comment, in /Z/UB Sent. Scoti, Rome, 1673, t. in, part. I, disp. VIII, a. 6, η. 156, p. 414. Hoc argumen­ tum... Scotum ipsum torsit; ct ideo insolutum reliquit. Loc. cit., n. 189, p. 421. Cf. a. 10, n. 319, p. 449. Mastrlus finit pai sc rattacher à la doctrine opposée dc Lugo, quœ doctrina, dit-il, satis consonat Scoto. Dis put. theologiae in ///«■ Sent., De fide, disp. VI, n. 39-41, Venise, 1675, p. 316. 11 est donc inexact d’enrégimen­ ter l’école scotistc sous le drapeau dc Suarez. Quant aux théologiens dc la Compagnie dc Jésus, peu après Suarez, nous voyons le cardinal dc Lugo réclamer énergiquement centre lui ct inaugurer un autre sys­ tème, pour lequel il a trouvé des partisans : sans parler d’autres systèmes que nous verrons défendus par d'autres auteurs, comme Thyrse Gonzalez. Tcpc, à la suite dc Vlva, invoque Arriaga comme ayant qualifié le système dc Suarez d’· opinion commune ». Gltation peu exacte : cc qu’Arriaga présente comme ■ l’opinion commune » n’est nullement le système particulier dc Suarez, mais une doctrine beaucoup plus générale ct que nous avons donnée plus haut, voir col. 166, à savoir que · seule l’autorité dc Dieu, qui a autrefois révélé, constitue le motif ou objet formel dc notre foi,» A l’exclusion dc In proposition faite par le curé, ou meme par toute l’Église, « proposition qui n’est qu’une condition manifestant d’une certaine manière ccttc révélation. » Disput. theologiae, De fide, disp. III. n. 47, Anvers, 1649, t. v, p. 51. Du reste, Arriaga lui-même, comme nous le verrons, ne suit pas le système dc Suarez. Dc nos jours, presque tous les théologiens Jésuites ont rejeté la solution dc Suarez, ct plusieurs d’entre eux l’ont attaquée d'une manière fort détaillée. Tels sont : Franzelin, Dc traditione et Scriptura, 2· édit., Rome. 1875. Append., c. iv. n. 2, p. 640 sq.; Mazzella, qui à partir de sa 3· édition, attaque Sua­ rez qu’il avait suivi Jusque-là, Naples, 6· édit., 1909, prop. 31·, p. 401 sq.; Mcndlvc, malgré l'attache­ ment spécial des jésuites espagnols pour Suarez, Insti­ tutiones thcolagiie..., Valladolid, 1895. t. xv, p. 434 sq.; le P. Hurter, Theol. generalis, 9· édit., t. x, n. 462, p. 476; Stcntrup, De fide, Inspruck, 1898, thés, xxv, p. 193 sq.; Lahousse. Dc virtutibus theologicis, Bruges, 1900, thés, xm, p. 198-206; le cardinal Billot, De vir­ tutibus infusis, 2· édit., Rome, 1905, thés, xvi, p. 289291; le P. Pcsch, Prxlectiones dogmatica·., 3· édit., Fri­ bourg, 1910, t. vm, prop. 19·, p. 151-157. Le système de Suarez, sans modifications, ne semble avoir été défendu de nos jours que par Tepe, loc. cit., ct Wilmers, loc. cit., p. 351-362. Critique du système. — a) Suarez a eu le mérite de faire la première enquête approfondie sur cette ques­ tion ardue; l’insuccès d’une première tentative n’est pas étonnant. Il y a d’ailleurs une part de vérité dans son système; il a mis en lumière que l’existence dc Dieu, sa science ct sa véracité sont des vérités révé­ lées, qui peuvent être objet de foi; ct de meme, le fait dc la révélation, par exemple, que tel homme ait été envoyé dc Dieu pour parler en son nom, que tel livre ait Dieu pour auteur, que le donné révélé soit contenu dans l’Écriturc ct la tradition. Ce qui est objet formel dc la fol peut donc être cru à son tour, être pris par­ fois comme objet matériel; ct nous ne devons pas être moins attachés à ccs dogmes qu’aux autres. Cc qui est excessif, c’est d’exiger qu’on croie dc foi divine ces vérités dans tout acte de foi, ct antérieurement A toute autre chose; qu'elles soient ainsi toujours objet matériel en quelque sorte, quod creditur, en même temps qu’objet formel, quo creditur. Même en concé­ dant à Suarez que Dieu dans toute révélation révèle implicitement qu’il révèle ct qu’il est véridique (point qui demeure plus discutable ct plus discuté), il ne s’en­ suit pas que Dieu nous oblige à croire dans tout acte dc foi ccs vérités comme révélées : il suffit dc les ronnattre quand nous croyons autre chose, ct de les croire quelquefois dc foi divine, comme les autres vérités révélées. Il ne s'ensuit pas non plus que nous nous sen­ tions poussés à les croire de foi divine dans tout acte dc foi, cc qui est contre l’expérience. 11 en est ici comme de la foi humaine : Suarez prétend que. toutes les fols qu’un homme parle ct rend témoignage, il atteste en mémo temps son existence ct son témoi­ gnage ct sa véracité, soit; mais quand nous entendons I parler quelqu’un ct quand nous le croyons sur parole, nous ne pensons pas toujours qu'il nous atteste son existence, son témoignage et sa véracité, et par consé­ quent nous ne sommes pas poussés à croire ccs choscs1Λ sur sa parole; au moins souvent, sinon toujours, c'est uniquement par ailleurs que nous les connais­ sons ct (pic nous les affirmons. — b) Suarez sc sépare nettement des fidéistes, avec lesquels on a eu tort parfois dc le confondre. Il est vrai que les fidéistes, eux aussi, fondent Li foi sur la foi, mais dans un sens exclusif dc toute préparation rationnelle ct de tous motifs dc crédibilité. Voir col. 176, 177. Suarez n’a pas ce sens exclusif. Voir col. 178. Avant l’acte de foi. il veut que nous affirmions l’autorité dc Dieu ct le fait dc la révélation en vertu dc motifs autres que le motif spécifique de la ici divine : démonstration philoso­ phique, témoignages historiques, autorités humaines C’est seulement dans l’acte de foi lui-même, au moment où Vauctoritas Dei revelantis va remplir sa fonction d’objet formel dc l.i foi. que Suarez fait abstraction dc ccs autres motifs ct dc ccs connaissances préalables, ct par un effort dc volonté n’admet plus l’autorité divine ct le fait de la révélation que sur la parole dc Dieu, c'est-à-dire par le motif de la foi divine, par une lumière objective différente dc celle qui a immédiate­ ment précédé. — c) Mais précisément cc changement de lumière pour les memes vérités, accompli sous l’influence dc la volonté libre, est une complication à laquelle les fidèles ne songent pas ct qu’ils auraient bien de la peine ù exécuter, et que l’Église devrait absolument leur enseigner s’il était vrai que ce fût là, comme Suarez le suppose, une condition essentielle de l’acte de fol. Or l’Église ne la leur enseigne pas, elle n’est donc pas essentielle. Ccttc preuve décisive contre le système a déjà été développée à propos de la liberté dc la foi, question connexe. Voir col. 427,428. — d) On s’accorde à reprocher à cc système un vice dc logique, qu’il n’est pas facile d’expliquer bien clairement. Nous l’indiquerons à notre manière, en renvoyant, du reste, aux auteurs cités qui l’ont exposé chacun ù b 475 F 01 476 sienne. Nous croyons un dogme quelconque (objet qu’en dise M. Balnvcl, il y a plus de · deux théories matériel) en vertu de la connaissance que nous avons théologiques de lu foi catholique. » Et il y a bien de de Vaucloritas Dd revelantis, connaissance qui, d’après l’arbitraire dans ccs cadres simplifiés où l’on veut Suarez, doit, comme élément de l’objet formel, fonder enfermer toutes les théories : fol de simple autorité, la fol au dogme, et doit être, elle aussi, une connais­ sc rattachant à Suarez; foi scientifique, se rattachant sance de fol, pour que le fondement soit aussi solide à Lugo. Du reste, M. Bainvel, dans sa nouvelle édition, que l’édifice. L’autorité de Dieu et le fait de la révé­ explique davantage ce qu’il blâme dans Suarez. Di lation devront donc, à leur tour, devenir en quelque foi et Cacte de fot, 1908, p. 53, 54, en note. Tâchons de sorte objet matériel de la fol, quod creditur, et nous reconstituer la généalogie de cc 2· système. devrons les admettre à cause de l’objet formel qui Arriaga, parce qu’il réfute Lugo, en partie, a été spécifie h foi : en d’autres termes, ces deux vérités, cité, nous l’avons vu, comme partisan «le Suarez. 11 prises comme objet matériel, devront s’appuyer sur emprunte bien à celui-ci les mots credere vcracitalem elles-mêmes, prises comme objet formel. Or, il y a là Dei, mais il les entend au sens large et impropre. « La un cercle vicieux : ou si l’on pense éviter cc cercle en fol, dit-il, ne croit pas premièrement que Dieu est dédoublant ccs vérités suivant qu’elles sont considé­ véridique parce qu’il le dit (motif spécifique de la foi). rées tour à tour, sous deux rapports différents, Autrement, il y aurait cercle vicieux : elle croirait sa comme objet matériel et comme objet formel, comme véracité parce qu’il l’atteste, et elle croirait son attes­ chose révélée et comme chose qui révéle, et en multi­ tation parce qu'elle le juge véridique. Elle croit donc pliant les révélations qui sc réfléchissent les unes sur cette véracité en comparant les termes « Dieu » et les autres, alors ont ombe fatalement dans un autre < véridique », ex apprehensione terminorum (sens très procédé également vicieux en logique, le processus in impropre du mot croire). ?\ussi, plusieurs disent que, infinitum. Je crois tel dogme, parce que Dieu l’a ré­ de ce côté-là, l’assentiment de fol est évident. » Dispu!, vélé; et je crois qu’il l’a révélé, parce qu’il a révélé theologies, De fide, disp. XIV, n. 5, Anvers, 1649, t. v, p. 198. Cette manière d’admettre, dans l’acte qu’il le révélait. La révélation, prise comme objet même de fol, la véracité de Dieu ex apprehensione matériel M, s’appuiera sur la révélation prise commo objet formel F; celle-ci, pour être un solide fonde­ terminorum, est, en réalité, empruntée à Lugo, comme ment selon les exigences du système, devra devenir nous le verrons. Un autre emprunt fait à Lugo est de à son tour, objet matériel M* et s’appuyer sur la ré­ supposer que Vhabitus fidei n’est pas tellement lié au vélation figurant de nouveau comme objet formel motif qui le spécifie, qu’il ne puisse atteindre la véra­ F, laquelle aura les mêmes raisons de devenir à son cité divine immédiatement et sans passer par ce motif. tour objet matériel M” et de s’appuyer sur F”..., et « La vertu de fol, dit Arriaga, quand il s’agit de croire ainsi à l'infini, sans pouvoir jamais rencontrer la base la véracité de Dieu, n’est pas actionnée (non movetur) définitive que l’on cherche, c’est-à-dire une connais­ par l’influence de la révélation, mais par sa nature sance qui, d’une part, soit vraiment « fol divine » et, intrinsèque, ou peut-être par l’évidence des termes. En effet, puisque cette véracité est l’objet formel de la de l'autre, sc suffise à elle-même, en sorte qu’on fol elle-même, il doit y avoir dans la fol une puissance puisse s’arrêter à la fol, et qu’on n’ait pas besoin d’atteindre immédiatement cet objet pour lui-même. · d’aller chercher plus loin. Impossible, en effet, de Op. cit., disp. XI, n. 21, p. 173. Comment Arriaga réunir ccs deux conditions : par l'essence même des peut-il faire atteindre la véracité divine, vérité acces­ choses, la connaissance de foi, où Suarez cherche ce sible à la raison naturelle, et prise par lui en dehors de solide fondement, n’est pas une connaissance immé­ la révélation, par un acte surnaturel de la vertu infuse? diate, une intuition qui sc suffise à elle-même. Voir col. 98 sq. C’est qu’il admet et prouve très au long qu’un acte 2· système, modification du premier : Arriaga, surnaturel peut atteindre le même objet, même forMazzella, etc. — La modification principale que l’on a mel, qu’un acte naturel. Loc. cit., disp. XIV, p. 197 sq· fait subir au système de Suarez a consisté dans une En quoi il s’écarte encore de Suarez pour se rappro­ interprétation très large de sa formule credere veraci· cher de Lugo. Il réfute encore Suarez. Op. cit., disp. I, totem Dei et /actum revelationis. On a entendu par là n. 55 sq., p. 16 sq. Mais comment résoudra-t-il la un assentiment surnaturel donné immédiatement à grande difficulté de l’analyse de la foi? Comment ces deux vérités dans leur fonction d’objet formel, évltcra-t-11 de prendre pour dernière raison et motif mais un assentiment qui ne soit pas appuyé sur le suprême de la foi les preuves philosophiques et l’évi­ motif spécifique de la foi. On a eu l’avantage d’éviter dence Intrinsèque de la véracité divine, et les motifs de ainsi ces procédés de cercle vicieux ou de processus crédibilité qui prouvent le fait de la révélation? Il in infinitum, si souvent reprochés à Suarez. Mais on pense, avec 1 lurtado, pouvoir retenir ccs deux vérités s’est écarté de sa pensée fondamentale, de baser la tout en faisant cesser l’influence causale de leurs preu­ foi sur la foi, comme ayant seule la certitude suprême. ves, et pouvoir leur donner ainsi, au moment de l’acte Lui, il prend toujours le mot « croire » et le mot « fol » de foi, un assentiment immédiat, grâce à la volonté : au sens propre, et dans l’exposé même de son système, cc qui est le point fondamental du 2· système. Pour il attaque ceux qui les prennent autrement. De fide, le prouver, il fait appel à l’expérience : « Bien que nous disp. Ill, sect, vi, n. 3, p. 63; n. 8 et 9, p. 65, 66. En ne puissions pour la première fols donner notre assen­ fait de « lumière surnaturelle », il n’en veut pas d’autre timent à un objet inconnu, si nous n’y sommes con­ id que celle de la foi, qui atteindra ccs vérités comme duits par des prémisses, par un raisonnement, nous les autres objets de foi. Disp. II, sect, iv, n. 7, p. 24. pouvons toutefois ensuite penser à cet objet» bien que Et il ne sc donnerait pas tant de peine pour prouver nous ayons oublié les prémisses elles-mêmes. » Par que Dieu, toutes les fols qu’il révèle, révèle sa véra­ exemple, nous retenons souvent une vérité reçue par cité et révèle sa révélation, s’il ne voulait pas les faire ouï-dire, sans nous rappeler les témoins qui l’ont tenir par le motif spécifique de la foi proprement dite. attestée : « Je pense que Borne existe, et je ne sais plus Concluons que le 2· système, tout en empruntant à qui me l’a dit, · etc. Op. cit., disp. III, n. 58, p. 54. Suarez quelque élément, est foncièrement différent Que penser de cette théorie? Lugo, discutant contre du sien, comme le reconnaissent la plupart de ses par­ Hurtado, a rejeté ccs prétendues expériences, en no­ tisans, qui ne font pas profession d’interpréter lo tant qu’il nous reste dans ccs cas-ΙΛ un vague souve­ nir, qui sert d’intermédiaire et de preuve, en sorte que maître, mais de l’attaquer. Il ne suffit donc pas, commo la connaissance no devient pas immédiate; il répugne on l’a cru longtemps, de rejeter le système de Lugo, d’ailleurs à la nature do l’esprit humain d’admettre pour avoir un système suarézicn quant au fond. Quoi ill I ' I FOI Immédiatement une proposition essentiellement mé­ diate, d'admettre sans preuves une proposition neutre par rapport à nous. Disputationes, De fide, disp. 1, n. 86-98, Paris, 1891, t. i, p. 54 sq. Nous avons nousmême parle de ce souvenir confus des preuves, qui peut suillre à faire raisonnablement admettre un énoncé. Voir col. 178, 316, 317. Nous avons cité la théorie de Newman sur cette accumulation spontanée de petits faits maintenant oubliés, qui ont laissé dans l'esprit certaines conclusions. Voir col. 319, 320. William G. Ward, tout en admirant l’observation psycholo­ gique de Newman, a bien (ait remarquer (comme Lugo) que ces conclusions laissées dans l’esprit dépen­ dent toujours des prémisses anciennes qui les ont don­ nées, et dont on garde le souvenir confus, qu'elles en tirent tout cc qu’elles ont de force et de certitude, Dublin review, octobre 1869, p. 427 sq. Quoi qu’il en soit, nous saisissons dans Arriaga le passage du l«r sys­ tème au 2·, grâce à une interprétation trop large du credere de Suarez, et à d’autres modifications; cl nous voyons le principe fondamental du 2· système déjà nettement posé. Viva, en cherchant à rester suarézicn, a adopté plu­ sieurs points de la théorie d’Arriaga, qu’il cite plu­ sieurs fois et croit un disciple de Suarez. « Les motifs de crédibilité et l’autorité de l’Église, dit-il, nous amènent à une connaissance moralement certaine de l’existence de la révélation. Ensuite, oubliant ccs motifs, ou les rejetant, nous pouvons affirmer immé­ diatement l’existence de la révélation à cause de sa vérité Intrinsèque. » Cursus theologicus, T édit., Padouc, 1755, part. IV, disp. I, q. iv, n. 8, p. 42. Il dépend de la volonté libre, d'après lui, de nous faire adhérer à l’existence de la révélation de l’une ou l'autre manière : soit â cause de scs moths, soit sans scs mo­ tifs (pourvu qu’ils aient précédé comme condition). Loc. cil., n. 9, 11, p. 43, 44. On trouvera des citations plus abondantes de Viva, avec leur réfutation, dans Pesch, Prxlectiones. 3· édit., t. vin, n. 347, p. 157,158. Au xix· siècle, quand on reprit les études scolas­ tiques, on commença par ne connaître sur l'analyse de la foi que les deux systèmes de Suarez et de Lugo; plu­ sieurs sc croyaient obligés de choisir ou l’un ou l’autre, et pensaient prouver l’un simplement en réfutant l’autre (par exemple, Franzelln, loc. cit., p. 649). Kleutgcn, après avoir défenou celui de Lugo dans la première édition de sa Théologie der Vorzeit, s’aperçut, grâce aux critiques de Schâzlcr et de Schccben, que ce système n’était pas pleinement satisfaisant; il l’avoue dans son volume complémentaire, Reilagen, etc., fasc. 3·, Munster, 1875, part. Il, Zur Lchre vont Glau ben, p. 49. Mais il ne proposa point un troisième système différent de ceux de Suarez et de Lugo. Mazzella eut alors le mérite d’essayer un tertium quid. Revenu du système de Suarez, qu’il avait auparavant suivi sans enthousiasme, nous dit-il dès sa 3· édition, U parcourt à peu près le même chemin qu’Arriaga. Comme lui, il part de la formule suarézlcnne credere veracltatem Del, en changeant le sens du mot credere. Comme lui, il note qu’on pourrait garder cette formule en cc sens, que la fol, c'est-à-dire la vertu infuse de fol, atteint l’objet formel en même temps que l’objet matériel, celui-ci médlatcmcnt et par le motif spéci­ fique de la fol, ce qui est proprement « croire ». celui-là immédiatement et non point par le motif ae la foi, qui jetterait inévitablement dans le cercle vicieux, ou dans le processus in infinitum. De virtutibus infusis, 6· édit., Naples, 1909, prop. 31·, η. 816,817, ρ. 417, 418. I^es théories d’Arriaga lui arrivent, du reste, Λ travers Viva, qu’il cite. Ibid., n. 806, p. 408, 409. Comme eux, il cherche à oublier les motifs de crédibi­ lité, il · en fait abstraction » et, après avoir ainsi dépouillé en quelque sorte l'objet formel de scs 478 preuves nécessaires, il recourt à un coup d’état de la volonté libre pour faire admettre immédiatement et sans preuves un objet formel qui est loin d’être immédiatement évident. Loc. cil., n. 819, p. 419 sq. Le motif spécifique de la fol, au moment même où il fonctionne, H l’appelle non visum, non apparens, croyant suivre en cela saint Thomas, qui n'avait pourtant donné ccs qualifications qu’à l’objet d’attri­ bution, aux mystères. Voir ce que nous avons oit du système de Mazzella sur la liberté de la foi, très lié à la question présente, col. 422, 423. Cette obscurité qu'il veut mettre dans l’objet formel quo, dans le motif spécifique de la foi. est d’autant plus étrange que cc motif est destiné à éclairer du dehors le mys­ tère qu’il fait admettre, et à faire passer l’esprit du connu à l’inconnu. Mais Viva, qui suivait Mazzella, avait cru répondre à cette difficulté en disant : · En quel sens le motif doit-il être plus connu que l'objet matériel? En cc sens qu’il doit être connu en premier lieu, et plus immédiatement; mais non pas en ce sens qu’il doit être plus clair, plus évident. Il est vrai, dans les connaissances naturelles, l'intelligence, pour éviter le danger ne se tromper, va du plus connu au moins connu; mais cela n'a pas lieu dans les connaissances surnaturelles, où il n'y a aucun danger d'erreur (comme si l'homme avait conscience de la sumatu­ ralité de son acte pour se préserver du danger d’erreur» et comme si le surnaturel changeait les lois essentielles de l’esprit humain !) » Loc. cit., q. ni, a. 2, n. 12, p. 36. Ainsi, sous l’influence directe ae Viva, se forma le sys­ tème. Présenté sous le patronage de saint Thomas, il fut bien accueilli par ceux que frappait l’insuffisaacc des systèmes de Suarez et de Lugo, dont Mazzella, d'ailleurs, donnait une bonne réfutation. Mais plu­ sieurs finirent par abandonner le sien à son tour quand ils en curent constaté les défauts, quand ils com­ prirent qu'en dehors de ccs trois systèmes on pouvait encore trouver autre chose. M. Bainvel en a fait brièvement la critiipie. · Le motif intrinsèque de la foi n’est donc (pour Mazzella) ni l’autorité en tant que vue, ni l’autorité en tant que crue. Qu*cst-cc alors? » Lu foi et l'acte de foi, 2· édiL, 1908, p. 54. Et plus loin il note que cette idée de cher· cher l'obscurité de la foi du côté du motif, de l’objet formel, n’est pas acceptable. Op. cit., part. I, c. vi» р. 95. Voir cc que nous avons dit. col. 439. < C’est la volonté, dit encore M. Bainvel, qui fait passer l’es­ prit uc la science à la fol. L'esprit pcrd-il pied dans cc passage, falt-il vraiment le saut dans la nuit?... L'acte de foi ne saurait sc faire ainsi, étant un acte intellectuel, un acte de connaissance. La vérité ne cesse pas d’etre présente à l'esprit, et présente dans une lumière d'évidence. Ce n’est pas l'évidence du vrai, mois c'est l’évidence de crédibilité. » Part· II, с. x, p. 181, 185. « 11 ne faut donc pas regarder l’acte de foi comme un acte aveugle — autant vaudrait dire qu'on peut voir en fermant les yeux — la lumière no manque pas un instant... Elle ne cesse de me mon­ trer que j'ai raison d'affirmer. » Loc. cil., p. 186, 187. Mais à côté de ccs passages de M. Bainvel, nous en lisons d'autres du même auteur qui rendent un son différent et se rapprochent beaucoup de Mazzella : « Mon seul motif est l’autorité de celui qui parie : je m’y arrête sans songer plus Inin, je fuis abstraction de mon évidence préalable. · Op.c//.,part. Le. m, p. 37. Si Je · fais abstraction » de l'évidence ne crédibilité, comment reste-t-elle « présente à l’esprit » ? Et plus loin : « Les uns (Lugo, et en général les partisans ae la foi scientifique) font entrer dans Facto de foi la vue, au moins indirecte, de la vérité; les autres (Suarez, et en général la fol d’autorité que soutient M. Bainvel), tout en supposant cotte vue comme condition préalable, en font abstraction dans l'acte X 479 FOI 480 même. Or les mystères de la foi n'ont ricn en eux qui mime. » Loc. cit.. c. iv, p. 53. Entre ccs deux séries de textes* h pensée de M. Bainvel semble rester un motive l'affirmation plutôt que la négation, et l’auto­ peu flottante. Serait-ce parce qu’il a d’abord trop rité de Dieu ainsi que le fuit de la révélation, intermé­ dépendu de Suarez et de Mazzella, dont il prétend diaires destinés à nous faire affirmer les mystères, encore garder · l’idée fondamentale, » part. I, c. iv, ne sont pas nés vérités évidentes de sol, et qui te p. 55. en note, et qu’ensuite il y a joint le système du passent de preuves. C’est donc le cas de ne pas éteindre cardinal Billot dont nous parlerons tout à l'heure, sans la lumière de ccs preuves, si petite soit-elle, cl de péné­ trer avec elle jusque dans le sanctuaire ténébreux. Et assez remarquer combien cc dernier système s’éloi­ nous ne voyons pas bien comment s’applique ici la gnait de Suarez et de Mazzella? Quoi qu’il en soit, on comparaison du P. de Mandato, disciple de Mazzella, désirerait plus de précision. nous objectant · qu’il serait ridicule, quand une salle Nous en dirons autant de Lahoussc, qui, après avoir est éclairée par un flambeau, de chercher un autre réfuté successivement les systèmes de Suarez, de flambeau pour voir le premier, puisqu'on aurait autant Lugo et de Mazzella, adhère enfin à une théorie qu’il de raison a’en demander un troisième pour voir le décrit ainsi : · Après que Γ auctoritas Dei revelantis a second, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. » De aclu fidei, été présentée A l’esprit et prouvée par les motifs de synopsis, Prato, 1895, p. 24. L’autorité de Dieu et le crédibilité, l’intellect peut, sous l'empire de la volonté, fait de la révélation, n’étant pas pour nous des vérités sc tourner maintenant vers la seule considération de qui brillent de leur lumière propre, ne peuvent être la divine autorité et de l'objet matériel à croire, et comparées à un flambeau, à une source de lumière. affirmer la convenance de l'attribut et du sujet dans Si l’on écartc, au moment de la foi, la lumière que leurs la proposition révélée, ayant pour motif unique la preuves réfléchissent sur elles, elles seront alors uans divinité de l'autorité de Dieu qui révèle. » De oirlutibus les ténèbres. Si l’on continue, au contraire, de projeter theologicis, 19(K), p. 182. Cette opinion, pour laquelle sur elles la lumière de leurs preuves, présentes au Lahoussc allègue Kleutgen, Wieser, Denzinger, Smits, moins confusément à l'esprit, il n’y a pas oc danger Feins, ne revient-elle pas en définitive ft celle de Maz­ d’aller « à l’infini », parce que ccs preuves rationnelles, zella? En tout cas, on ne volt pas assez clairement le ces motifs de crédibilité sont fondés sur des premiers contraire. Mendive, lui, déclare suivre le système de principes et des faits immédiatement évidents, où Mazzella. Loc. cit., n. 192, p. 432. l’esprit humain peut et doit s’arrêter d’après sa loi. Critique du 2r système. — n) Il a le mérite d’éviter le M.Bainvel lui-même n’a pu s’empêcher de direaillcurs: vice de logique reproché ft l’analyse de Suarez. — « L’acte de foi n’est pas une vision de la vérité; mais ft) Mais il n'évite pas l’autre inconvénient du 1er sys­ il sc fait dans la lumière, et le flambeau de la raison ne tème, d’exiger comme élément essentiel une certaine vient pas s’éteindre dans le sanctuaire de la foi. » manière de connaître V auctoritas Dei revelantis, qui ne se présente pas naturellement et nécessairement Op. ci'L, part. II, c. x, p. 189. On trouvera une réfuta­ tion de Mazzella, assez développée sur certains points, aux fidèles, et que l'Église devrait donc leur enseigner, dans Stentrup, De fide, Inspruck, 1898, thés, xxiv, ce qu'elle ne fait pas. — c) Bien que les partisans de cc système échappent au fidéisme, ainsi que Suarez, en p. 174 sq. 3e système, modification du second : Bassler, Ulloa, exigeant des preuves avant la loi, cependant Vabstracetc. — Pour mieux expliquer comment on peut, dans lion qu’ils font de ces preuves dans l'acte même fait l'acte de fol, affirmer immédiatement, et en faisant trop ressembler l’acte de fol, ainsi isolé de sa prépara­ abstraction de leurs preuves, ccs deux propositions : tion rationnelle, ft un motus animi cæcus dont ne veut ■ Dieu est véridique, il a été révélé tel dogme, » plu­ pas le concile du Vatican. Sess. m, c. ni, Denzinger, sieurs théologiens, au lieu de recourir à un coup de n. 1791. Il ne suffit pas, en effet, que les jugements ae volonté dans la nuit, ont préféré recourir à une grâce crédibilité aient été des actes raisonnables, grâce aux illuminatrice qui fasse joindre immédiatement le sujet preuves auxquelles ils s'appuyaient: il faut que l'assen­ et l'attribut de chacune de ccs propositions, sans passer timent de fol, qui leur succède, soit raisonnable aussi; par aucun intermédiaire logique. C'est la grftcc qu'ils et il ne peut l’être que par sa liaison avec ccs preuves. appellent illustratio suasioa, du côté de Dieu qui illu­ Si dans votre esprit vous coupez la liaison, si vous mine, ou apprehensio suasioa, du côté de l'homme • faites abstraction » des preuves, elles sont alors pour qui saisit. Nous l’avons décrite, d’après eux, sous le votre acte ae foi comme si elles n'avaient jamais nom de « suggestion divine ». Voir col. 254, 255. Chris­ existé; n'ayant aucune influence sur lui, elles ne peu­ tophe Bassler, célèbre controversis te, donne un déve­ vent le rendre raisonnable. — d) Le coup de volonté loppement très abondant à ccttc théorie. Controversia que, dans l'absence de ccttc lumière, on invoque comme theologica de ultima resolutione fidei divinie, Dillingen, un deus ex machina pour amener le dénouement, sc 1696.11 se réclame entre autres de Barthélemy Caregno, ressent trop du faux système du despotisme de la volonté. Voir cc que nous en avons dit à propos de la ' son maître, et d’un autre célèbre professeur au collège romain, Nicolas Martinez. Il réfute le système de liberté de la fol, col. 406 sq. — e) Enfin les comparai­ Suarez, p. 107 sq., approuve la formule du 2· système, sons, par lesquelles on cherche ft justifier le système, que l’on peut connaître et affirmer la révélation immé­ ne sont pas des raisons, comme déjà Franzelln, ft pro­ diatement, sans nn motif qui en soit distinct, p. 234 sq. pos d’une comparaison souvent reproduite du cardinal Mais à ccttc objection que le 2· système avait peine à Gotti, le faisait remarquer dans son traité De tradi­ résoudre : « Une vérité cachée, comme l'existence de tione, 1875, p. 636, en note. · Ces Jugements sur la la révélation ancienne de tel mystère, ne peut, sans un véracité divine et sur le fait de La révélation, dit motif distinct d’elle-mêmc qui l'éclaire pour nous, M. Bainvel. me conduisent ft la porte du sanctuaire. mouvoir notre intelligence et l’engager ft lui donner Us me mettent sur le seuil, mais Us ne font rien pour son assentiment, » il répond qu'en eflet celte vérité est m’y faire entrer, lie n’ont aucune influence logique cachée si on la prend en dehors de 1'illustratio suasum, sur Pacte de foi lui-même. » Op. cit., part. I, c. iv, mais non pas si on la prend sous ccttc lumière surna­ p. 52- Cf. c. v, p. 63. 1-a comparaison même ne pour­ turelle, p. 247 sq. A cause de cette illumination dont rait-elle pas sc retourner contre le système? Quelqu'un son motif propre est éclairé, l’acte de foi pourra être vient la nuit ft un sanctuaire, sa lanterne ft la main : actionné par cc motif, et raisonnablement s'arrêter à elle le conduit jusqu’au seuil, et II pourra, en effet, la lui en dernière analyse sans être forcé d’idler chercher hisser au dehors ou l’éteindre, si l’église est d’ailleurs plus loin un nouveau motif, une base objective ulté­ éclairée. Mais s’U trouve l'édifice sans lumière, il fera rieure, p. 269, 299. Ainsi sera résolue la fumeuse diffibien de garder la sienne, et de s’en servir au sanctuaire FOI 481 culté de l’analyse de la fol. De plus, quoiqu’il puisse y avoir des cas exceptionnels où le fidèle réfléchira sur ccttc illumination soudaine prenant la place des motifs de crédibilité, où il en reconnaîtra avec certitude le caractère miraculeux, d’ordinaire il n’en sera pas ainsi, p. 300 sq. Dans les cas exceptionnels où elle sera sûrement reconnue comme surnaturelle, Villustra­ tio suasi va jouerait le rôle d’une nouvelle révélation, agirait A la façon d’un objet ut quod, et ferait partie de l’objet formel de la fol, p. 280 sq. Mais en général clic agira seulement ut quo, d’une manière latente et du côté du sujet ; non pas comme un objet ou un motif, mais comme une simple application de l’objet for­ mel ou motif spécifique uc la fol; et le sujet qui en sera aidé n’en discernera pas le caractère, p. 305. Voir cc que nous avons dit, col. 238, 129. Ce n’est donc pas retomber dans la théorie du discerniculum expertmen­ tale. Voir col. 246 sq. Enfin, dit Bassler, si on veut laisser plus de jeu à la volonté libre, on doit supposer que cette illustratio suasioa ne force pas la conviction, (ce qui est assez indiqué par le mot suasioa), en d’autres termes, qu’elle ne produit pas,ordinairement du moins Vevidentia al lestant is. Voir col. 399 sq. D’ailleurs, cette grace, si elle fait joindre immédiatement les termes de l’énoncé, n’en montre pas la connexion comme le fait l’évidence parfaite, ce qui suffirait déjà pour qu’on ne puisse dire qu’elle donne « l’intuition », p. 256 sq. Ulloa reprend cc système : ■ Quand nous sommes doci­ les. attentifs et déjà préparés par les motifs de crédi­ bilité, dit-il entre autres choses. Dieu met en nous cette faible lumière* ce crépuscule céleste (l’appre/iensfo suasioa), qui est comme sa voix et son enseignement. Cette appréhension nous découvre l’existence et le sens de cette révélation faite autrefois, sans s’appuyer sur Tes arguments de crédibilité comme motifs, mais en supposant leur connaissance préalable. Car de même que Dieu, dans sa providence ordinaire, no fait croître les récoltes que si la culture du champ a précédé, ainsi dans sa providence ordinaire il ne donno cette sainte lumière qu’après la culture de rintelligcncc par ccs arguments. Grâce à ccttc appréhension suasivc, la révélation, son existence, son sens, nous apparaissent donc immédiatement dans une demiobscurité, dans une demi-clarté, assez enfin pour que nous puissions donner notre assentiment à cette révé­ lation pour elle-même. » Theologia scholastica, Augsbourg, 1719, t. ni. disp. III, c. x, n. 157, p. 143. Celte explication rend plus acceptable la formule donnée par Kllbcr (suarézien). « L’analyse de la foi s’arrête aux motifs de crédibilité comme à une disposition, ou dans la ligne des dispositions, » tandis qu’elle s’arrête à Vauctori tas Det revelantis dans la ligne propre de la fol. dans la ligne du motif spécifique, De fide, n. 162, dans Mignc, Thcologiæ cursus, t. vi, col. 538; formule reproduite par Mazzella, loc. cit., disp. 111, a. 11, Naples, 1909, p. 433, et par d’autres. Au xvin· siècle, nous voyons le 3* système suivi par plusieurs théologiens, comme Antoine Erber, Theologia specu­ lativa, Vienne, 1748, t. iv, n. 439 sq., p. 428 sq.; Nicolas Schmltth. Tractatus de fide, spe cl caritate, 2· édIL, Tyrnau, 1759, η. 154 sq., p. 176 sq. Critique du système. — a) 11 perfectionne le précé­ dent en ceci : après avoir laissé les motifs de crédibi­ lité à la porte du sanctuaire de la fol. il prend soin de l’éclairer surnaturellemcnt et défaire entrevoir l’auto­ rité divine et le témoignage divin par une nouvelle lumière. — b) Nous avons déjà admis la possibilité de 1’illustratio suasioa. Voir col. 255. Mais nous n’avons pu accorder qu’on généralisât son existence. Voir col. 256. Or cc système la généralise chez tous les fidèles, puisqu'il en fait un postulat nécessaire de la genèse et de l’analyse de la foi. — c) En cas d’insuffisance des motifs de crédibilité, on comprend que Dieu recoure ÜICT. DF THÉO!.. CATUOIr 482 à ce genre de suppléance surnaturelle pour venir en aide A une âme bien disposée qui ne voit pas ou qui ne voit plus cc qu'il lui faut pour croire. Voir col. 300, 316 sq. Mais dans le cas contraire, quand les motifs de crédibilité donnent la certitude morale suffisante, on ne conçoit pas pourquoi Dieu, après s’être servi de ces motifs, de ccs causes secondes, leur substituerait sou­ dain, au moment de l’acte de foi, son action immédiate et en quelque sorte miraculeuse, pour ne pas donner plus de lumière en Πη de compte; car cette interven­ tion divine, d’après scs défenseurs, laisse l’objet formel, qu’elle devait éclairer, dans la demi-obscurité d’un crépuscule; et c’est une bien singulière manière de connaître, où l’on affirme sans voir la connexion des termes. — d) S’il n’y avait pas d’autre élément sur­ naturel dans la foi, cc serait une raison d’admettre ccttc grâce dans tous les fidèles. Mais il y a déjà une grâce actuelle prévenante, distincte de cette suggestion divine. Voir col. 256, 365. Il y a la vertu infuse de foi, qui produit l’acte même, et influe peut-être déjà aupa­ ravant sur la perception de la crédibilité. Voir col. 240 sq., 366 sq. — e) Si c’était la solution unique et nécessaire du problème de l’analyse, ce serait une rai­ son d’admettre cette hypothèse. Mais si d’autres solu­ tions ont une égale probabilité avec moins de compli­ cation, et sans multiplier autant le surnaturel et le quasi-miraculeux, c’est une raison de les préférer. 4* système : Lugo. — Comme les systèmes précé­ dents, celui-ci tient pour objet formel de la foi ces deux propositions ou prémisses : « Ce que Dieu révèle est vrai. Il a révélé, par exemple, l’incarnation. » Lugo, Disputations scholastics, De fide, disp. I, n. 77, Paris, 1891, t. i, p. 50. Cf. n. 114, p. 67. Comme les précé­ dents. Lugo veut que l’assentiment surnaturel de foi, produit par la vertu infuse, affirme cet objet formel lui-même, et non pas seulement l’objet matériel et direct : « L’incarnation est vraie. · Il reconnaît s’accor­ der avez Suarez en ce point. Op. cit., disp. L n. 82, p. 52; cf. n. 116, p. 67. En conséquence, comme Sua­ rez, il admet un discursus virtuel dans l’acte même de fol. 11 considère même comme possible un discursus formel, où la foi surnaturelle affirmerait par des actes successifs les deux prémisses et la conclusion. Disp. VU. sect, i, p. 359 sq.; disp. I, n. 71, p. 49. Enfin, comme les précédents, il part de ce principe que, le fondement devant être aussi solide que l’édifice, ccs deux prémisses, qui composent l’objet formel, doivent avoir une certitude au moins égale à celle de leur con­ clusion. qui est l’objet matériel. Voilà pourquoi,comme les précédents, il veut que ces prémisses soient affir­ mées par la faculté élevée, par Vhabilus fidei qui leur donnera une certitude supérieure. Disp. 1, n. 82, p. 52; n. 104, 105, p. 62, 63. Elles demandent donc, pour être perçues au moment de l’acte, la lumière subjective de la vertu infuse, qui sc tient du côté du sujet et agit ut quo. Voir col. 238, 240. Où il sc sépare des précédents, c’est sur la lumière objective qui doit montrer ccs prémisses à l’assentiment de foi, et conséquemment sur le genre de connaissance auquel elles appartiennent du cùté de leur motif. Le premier système disait : « Dans l’actc même de foi, elles ne sont plus admises A cause de leurs preuves, clics sont crues sur la parole de Dieu, c’est une connais­ sance de foi au sens propre du mot. » Le second et le troisième disaient : « Elles ne sont pas admises à cause de leurs preuves, ni non plus sur la parole de Dieu, mais immédiatement en elles-mêmes, sous l’empire de l.i volonté et de la grâce. » Lugo dira, en se rappro­ chant de ccttc dernière formule, mais en l’interprétant différemment : « Elles sont admises immédiatement en elles-mêmes, non pas en cc sens qu’on les prenne sépa­ rément de leurs preuves, mais en ce sens qu’on prend, au contraire, chacune de ccs prémisses avec ses preuves VI. - 16 483 FOT tellement ren/ermto en elle, tellement fusionnées avec elle» qu’il n’en résulte plus qu’une seule proposi­ tion immédiatement connue, d’une connaissance qui tient de la xdsion. » Nous ferons mieux comprendre ce point fondamental de son système en exposant tout de suite les artifices de dialectique auxquels il a recours afin de transformer ccs deux prémisses, majeure et mineure, en deux propositions immédiatement connues par elles-mêmes, et en quelque sorte vues. a) La majeure : Cc que Dieu révèle est vrat — On peut, d’après Lugo, donner à cette proposition une forme conditionnelle. «Car la vérité du mystère, dit-il, peut sortir de ces deux prémisses : SI Dieu révèle, il dit vrai : or il a révélé l’incarnation, impossible que ces deux propositions soient vraies, sans que l’incar­ nation le soit aussi. Nous pouvons donc partir d’une proposition conditionnelle : Si Dieu parle, il dit vrai; ou bien : Si Dieu existe, il est souverainement véri­ dique. Cette proposition conditionnelle ne semble avoir besoin d’aucun moyen terme, d’aucune preuve, elle sc vérifie immédiatement ex apprehensione termi­ norum. Si Γοη pénètre ces deux termes : Dieu, c’est-àdire l’être premier et souverainement parfait, comble de toutes les perfections; la véracité souveraine, grande perfection de la nature intellectuelle, aussitôt et en vertu des termes, on volt que, si Dieu existe, il doit être souverainement véridique. Pour affirmer cela, nous n’avons besoin d’aucun autre motif ou moyen de preuve. » Loc. cit., disp. I. n. 100. Le but que Lugo poursuit, on le devine aisément, c’est de pouvoir arrêter l’analyse à la véracité divine, sans être obligé d’en sortir pour aller chercher un motif ultérieur. b) La mineure : Dieu a révélé l’incarnation. — Pour montrer que cette proposition est immédiatement connue (véritable paradoxe), Lugo rappelle que l'Écri­ ture et les Pères assimilent la foi divine à la fol hu­ maine, et il examine l’acte par lequel, avant de croire à la parole humaine, nous identifions et reconnais­ sons un témoin, ou nous au then tiquons un témoi­ gnage. « On ne peut nier que cc ne soit le plus souvent un assentiment immédiat. > Loc. cil., n. 117,118, p. 68. « Quand j’entends Pierre, je ne raisonne pas..., mais je compare immédiatement la voix que j’entends avec mon idée de la voix de Pierre, et je dis : Celle-ci est la voix de Pierre comme celle-là. De même dans la ques­ tion présente. » Loc. cit., n. 123, p. 71. 11 s’agit d’arri­ ver à cet énoncé : L’Incarnation, qui est proposée par l’Église à ma foi, est vraiment révélée, vraiment parole de Dieu. « Entre cette proposition de l’Église, dit-il, confirmée par tant de miracles, attestée par les mar­ tyrs, acceptée par des hommes savants et vertueux,etc., et la parole de Dieu, c’est-à-dire entre les deux termes de l’énoncé, il apparaît... une telle connexion que rintelligcnce peut donner immédiatement un assen­ timent, et peut même, avec le secours de la volonté, dire sans aucune crainte : Ceci est la parole de Dieu, ou : Ceci est proposé de la part de Dieu. Ainsi l'intel­ ligence ne raisonne pas; elle n’a pas cet acte discursif : Ccd est la révélation de Dieu, parce que l’Église avec sa grande autorité humaine le propose, parce que les miracles le confirment, etc. Mais elle considère d’une part toute cette proposition de l’Église, le témoignage des martyrs, les miracles, etc., comme l’un des termes, d’autre part, la parole de Dieu, et clic compare entre eux, sans aucun discursus, ccs deux termes, entre lesquels elle trouve une telle connexion que, par leur seule appréhension et comparaison sans aucun raison­ nement, elle peut produire un assentiment Immédiat... Vous me direz : Quoique Dieu me parle d'une certaine façon par la bouche de l’Église, par les miracles, etc., mol cependant n’entends pas immédiatement l'Église (son magistère suprême), je ne vols pas les miracles, les martyrs, etc.; mais J’apprends tout cela de mes 4&i parents, ou je le lis dans les livres ... Jo ne peux donc pas juger immédiatement que Dieu me parle par une révélation médiate, mais tout au plus je le croirai (de foi humaine) parce que je l’apprends de mes parents, ou que je le trouve dans les livres, etc. — Je réponds: De même que les miracles, les martyrs, etc., ont été en quelque manière la voix de Dieu..., de même les parents, les maîtres, les livres, qui m’atteignent immé­ diatement, sont en quelque sorte l’organe de Dieu, par lequel il a daigné me parler en quelque façon et médiatemenL Quand donc la doctrine de la foi m’est suffisamment proposée par les livres, les prédica­ teurs, etc., c'est comme si Dieu traitait avec moi et me parlait. » Loc. ci!., n. 121, 125, p. 71, 72. Ainsi tout sc réduit à cc jugement très simple : La voix que J'en­ tends, me proposant l’incarnation comme révélée, est la voix de Dieu. Reste un point du système, relativement secondaire pour cc qui est de Vanalyse de la foi. Lugo, voulant sauver la liberté de la foi d’après sa manière ae la con­ cevoir, veir col. 412, suppose que la mineure, bien que connue immédiatement, ne l’est pas évidemment. Ces deux qualités de la connaissance sont séparables. Ainsi « quand j’entends, dit-il, la voix de Pierre dans le lointain, ou que je vois seulement son écriture, il peut arriver que je doute si c'est bien sa voix ou son écriture; je vois cependant alors une telle ressemblance avec la voix ou l’écriture de Pierre que, bien que n’ayant pas la clarté et l’évidence, je puis juger très probablement (ou avec une certitude morale) que c’est sa voix ou son écriture. De même pour Dieu... D’ordinaire, il n'est pas entendu distinctement, mais confusément, surtout quand il parle par des envoyés ou des ministres : et pourtant, bien qu’obscurémcnt et sans évidence, nous pouvons croire immédiatement que c’est sa voix, ou son envoyé, ou son écriture. » Loc. cit., n. 118, p. 68, 69. L'assentiment immédiat, aidé par la volonté, peut alors être certain, bien qu’il ne soit pas évident, n. 121, p. 69, 70. A cause de cette Influence de la volonté, on peut l’appeler credere, dans un sens large, n. 129, p. 73. Le système dans son ensemble a été suivi par quel­ ques théologiens, comme le jésuite Haunold : Cardi­ nalis de Lugo, in explicanda resolutione fidei, supra exteros eminuit, Theologia speculativa, 1. II, De fide, c. i, contr. V, n. 112, Ingolstadt, 1670, p. 339, et de nos jours le cardinal Franzelln : Mihi doctrina card, de Lugo omnino vera videtur. Loc. cit.,p. 619. Klcutgcn l’a aussi très bien exposé. Le scotistc Mastrius l’admcL Voir col. 473. Plusieurs théologiens anciens de la Compagnie de Jésus s'y rattachent en partie, avec un mélange d’autres éléments. Nous l’avons vu pour Arriaga, col. 176. Du système de Lugo, Pérez, Pallavicini, Esparza ont pris le « point principal », d’après Haunold qui les connaît bien. Loc. cit. Franzelln a raison de citer encore Hurtado, et même Ripalda qui, tout en attaquant Lugo sur certains points, le loue d’avoir éclairé cette question très obscure, De ente supernaturali, etc., Paris, 1873, t. vn, De fide, disp. III, n. 45, p. 56, et soutient lui-même cette opinion toute semblable : < La révélation meut immédiatement à l’assentiment de fol, si on la prend non pas seulement, par abstraction, dans scs éléments intrinsèques, mais i encore (d’une manière concrète) dans scs éléments extrinsèques qui nous sont connus, c’est-à-dire en tant que confirmée par les miracles, l’autorité de i l’Église et les autres notes qui la rendent croyable. » 1 Loc. cit., n. 54, p. 59. Critique du système. — a) Ne séparant pas de leurs preuves, au moment de l’acte de fol, les deux juge­ ments sur l’autorité divine et le fait de la révélation, Lugo les fait produire d’une manière raisonnable, sans 1 recourir à aucun tour de force de la volonté ou de la 485 FOI grâce, en quoi il À’emporte sur les systèmes précédents. D’autre part, if sauvegarde le surnaturel· en les fai­ sant produire par la vertu Infuse. Mais, dira-t-on, la vertu infuse peut-elle s’exercer sur un objet purement éclairé par la lumière naturelle de la raison? On ne voit pus d'impossibilité À ce que V habitus fidei, ordonné qu'il est à son motif spécifique, atteigne non seule­ ment les propositions éclairées par cc motif et garan­ ties par lui, mais encore ce motif même,bien qu’éclairé et garanti d'une manière différente. On ne volt pas non plus d'impossibilité à cc qu’un acte qui est surna­ turel du côté de sa cause cfliclentc (la vertu infuse) atteigne un objet éclairé par la raison naturelle, tel que la divine autorité; même en dehors de Lugo et de ceux qui dépendent de lui, beaucoup de théologiens l’admettent, et tout récemment le cardinal Billot; l'école scotistc l’admet; une partie de l’école thomiste elle-même ne fait-elle pas produire ainsi par \ habitus fidei, avant l’acte de foi, un jugement dont l'objet est accessible à la raison et présenté alors par la raison, le jugement de crédibilité pratique : · Je puis, je dois croire sur la parole de Dieu? ■ Voir col. 241, 268-270. b) Mais ce qui a été critiqué le plus généralement, c’est, tout en voulant faire connaître l'objet formel à la lumière objective de la raison» de prétendre que la connaissance en est immédiate, ex apprehensione terminorum. Quant à la véracité divine, un des élé­ ments de cet objet formel, notons d’abord avec Wil­ mers qu'il ne suffit pas de la connaître conditionnelle­ ment, parce que nous ne pourrions alors en tirer une affirmation absolue du mystère : « Notre assentiment au mystère, par exemple à l'incarnation, est absolu et non conditionnel; nous ne disons pas : Je croirais l'incarnation, si Dieu est véridique, mais : Je crois l’incarnation, parce que Dieu est véridique et qu’il l’a révélée. Il s’ensuit que notre affirmation du motif ou objet formel, elle aussi, doit être absolue selon tousses éléments. » De fide divina, prop. 77, p. 373. Il s’en­ suit pareillement que, pour avoir la fol, il faut connaître l’existence de Dieu d’une manière absolue. C’est la véracité réelle d’un Dieu réel qui influe sur nous, ce n’est pas la véracité possible d’un Dieu hypothé­ tique. Dans tout témoignage donnant la certitude, il faut au témoin non pas une véracité possible, mais une véracité réelle et connue comme telle. La véracité qu'il faut ici contient donc implicitement l'existence réelle de Dieu. « On nous dit : Si Dieu existe, il a une souveraine véracité. Mais l’existence d’un Dieu véri­ dique, si elle est seulement affirmée sous condition, ne peut mouvoir à un assentiment absolu et réel, tant qu’on ne sait pas que la condition est remplie et véri­ fiée, c’est-à-dire tant qu’on ne sait pas que Dieu, sou­ verainement véridique, existe. » Wilmers, Zoe. cit. Sans doute, on peut tourner les deux prémisses de diverses manières : on pourra poser la majeure sous forme conditionnelle, comme le veut Lugo; mais on n’y gagnera rien, car tout cc qui restera en suspens dans la majeure devra du moins être fixé et connu sous forme absolue dans la mineure, puisque, d'une manière ou d’une autre, l’existence et la véracité de Dieu doivent être connues et affirmées incondition­ nellement avant la conclusion. Or, l’existence de Dieu ne peut être connue que médbtcment. Voir Ontologisme. Qu’il mette l'existence absolue de Dieu dans la majeure ou dans la mineure, qu’il l’affirme explicitement ou Implicitement, Lugo ne peut en faire une connaissance immédiate sans tomber dans l’ontologisme. L’existence de Dieu une fois prouvée, il faut un autre raisonnement pour arriver à sa véra­ cité absolue et souveraine. Lugo lui-même l'indique dans un des passages cités : Dieu, l’être premier, a toutes les perfections (c’est la thèse de l'infinie per­ fection de Dieu, qui demande déjà, elle aussi, une 486 preuve). Or la véracité est une perfection ; II doit donc l’avoir. Il faut prouver encore que Dieu dit toujours vrai, sans aucune exception; car si. pour des fins supé­ rieures, 11 pouvait parfois déroger à loi de véracité, nous pourrions toujours, dans chaque cas particulier, en face de son affirmation, craindre une exception à sa véracité et c’en serait fait de la fermeté de la fol. Il faut donc prouver que la véracité dans tous les cas, et sans aucune exception, est une perfection pure, qui doit être en Dieu. Cette question dépend de celle du mensonge, qui est le contraire de la véracité. Or. est-il immédiatement évident, sans aucun raisonnement, et pour tout homme, que le mensonge ne soit jamais permis, qu’il n'y ait pas des exceptions à la véracité en général, et à celle de Dieu en particulier? Passons au fait de la révélation, l’autre élément de l’objet formeL Lugo veut englober dans la révébtion les motifs de crédibilité eux-mêmes. Ils jouent un double rôle d’après lui : d’abord, ils sont une condition avant la fol, puisque leur connaissance produit le jugement de crédibilité qui incline b volonté a com­ mander l'assentiment de foi; ensuite, ils font partie intégrante de b révébtion, qui elle-même fait partie de l’objet formeL Disp. I, n. 130, p. 74. Même en accordant A Lugo que le miracle, pris dans le cadre de circonstances où 11 sc rattache à une révébtion pour b confirmer, soit une sorte de témoignage de Dieu (cc que plusieurs ne veulent pas lui concéder, peut-être à tort), il est Intolérable qu’on fasse entrer dans le témoignage de Dieu, dans b parole de Dieu, non seulement les miracles, mais encore les intermé­ diaires qui nous les font connaître, par exemple, les livres non Inspirés qui nous les racontent, les raison­ nements qui établissent l’authenticité ou l’historicité de ces livres, etc. Meme en lui accordant que b voix de l’Église infaillible fasse partie de b révébtion divine, de b parole de Dieu (ce que b grande majo­ rité des théologiens nie avec raison, car l'infaillibilité n’est pas l’inspiration, les documents des conciles ne sont pas au même rang que b sainte Écriture. l'Église ne prophétise pas, et son autorité doctrinale n'entre pas dans le motif spécifique de b foi, voir coL 166), d est intolérable que Ton fasse entrer dans b révébtion divine non seulement 1a parole de l'Église infaillible, mais celle du curé, ou des parents et des maîtres, qui n’a aucune infaillibilité. Comme dit Arriaga, cc n’est ni l’ancienne révélation, car une instruction du curé sur l'Apocalypse n’est pas l’ancienne révébtion faite à saint Jean, ni une nouvelle révébtion fondant b fol chrétienne, car on ne doit pas en admettre. Voir coL 146. Enfin, on n’a pas tout prouvé quand on a dit que les miracles font objectivement partie de b révé­ lation. Pour que le miracle fasse fonction de motif de crédibilité, il faut encore que subjectivement nous le connaissions comme miracle, et fait dans le but de confirmer b révélation et son contenu particulier. Tout cela demande de nombreux raisonnements soit pour établir le fait matériel, soit pour lui assigner sa véritable cause par l’élimination des causes secondes, d’où l'on conclut à l’intervention extraordinaire de la cause première, soit pour prouver b connexion entre le miracle et b confirmation de b religion révélée. Plus complexe encore devient le raisonnement, quand il ne s’agit pas seulement de cette religion en général, mais de tel dogme, l’incarnation par exemple, comme faisant partie de son contenu. Quel rapport ce vaste ensemble de raisonnements, nécessaire pour éclairer b révélation d’une lumière objective suffisante, peut-Ü avoir avec le terme de comparaison que choisit Lugo, avec b voix de Pierre immédiatement reconnue? Le son de b voix de Pierre n’est pas seulement un élément de b parole de Pierre, il a, en outre, l’avan­ tage d’atteindre directement mon oreille, et de me 4S7 FOI certifier que c’est bien Pierre qui parle. Les miracles pas à cette hypothèse, nu contraire. Il In réfute. Voir physiques ou moraux, ou les définitions de l’Église, col. -182. Mais quelques-uns de scs disciples y ont eu sont peut-être un élément constituti/ de la parole de recours, comme Pierre Hurtado, cité par Franzelin. Dieu, soit: en tout cas, ces choses surnaturelles sont loc. cil., p. 653. et réfuté par Stentrup, loc. cil., thés, beaucoup plus complexes et plus difficiles A connaître xxvin. — Réponse. — Si l’on admet cet oubli ou cette qu’une simple voix qui résonne à mon oreille; elles ne • abstraction » des motifs de crédibilité, on s'écarte du m’atteignent qu’à travers des intermédiaires qu’il faut point fondamental du système de Lugo, qui, dans \érificr par des raisonnements, si je veux avoir une l’acte même de foi, les fusionne avec l’objet formel vraie certitude. 1-a faillite de cette comparaison, qui qu'ils éclairent d’une lumière rationnelle; on perd le Joue un grand rôle chez Lugo, est trop évidente pour bénéfice de ce système en ce qu’il donne de raisonnable qu’il soit nécessaire d’insister. à l’acte de fol; et mieux vaudrait alors passer franche­ Trois moyens d’échapper à ces critiques ont été ment au 2® système. Concluons que les critiques faites employés par Lugo ou scs disciples. — f®r moyen. — à celui de Lugo, malgré ces répliques, semblent sub­ Il consiste à mettre en avant la foi des simples, dans sister dans toute leur force. laquelle il semble que la connaissance de la véracité système, modification du précédent : Egger, Sten­ divine et du fait de la révélation, étant fort simplifiée, trup, Hurter. — Quelques théologiens contempo­ pourrait être regardée comme immédiate. — Réponse. rains, sous l’influence de Franzelin et de Kleultfcn. se — La théorie générale de l’analyse de la foi doit pou­ rattachent à Lugo; ils abandonnent toutefois la partie voir expliquer non seulement la fol des simples, mais la plus généralement attaquée de son système. Le encore celle des savants. Et surtout celle des savants : Dr Egger, après avoir cit : Sententia Lugonts omnino car les actes plus confus et plus rudimentaires risquent praeferenda videtur, garde un silence absolu sur cette d’égarer l’analyse, et doivent s’expliquer par les actes partie importante du système, le caractère immédiat plus distincts et plus précis. Les simples et les enfants des deux prémisses dans l’acte même de foi. Ce qu’il eux-mêmes, d’ailleurs, ne sont pas sans faire un cer­ expose et ce qu'il adopte de la théorie de Lugo, c’est tain raisonnement sur la valeur de l’autorité humaine que < le témoignage divin en dernière analyse n’est qui leur transmet le fait de la révélation. Voir col. 177, pas cru à cause d’un autre témoignage divin (Suarez), 178; et ce qu’en dit Lugo lui-même, col. 222, 223. mais intrinsèquement connu, ex intrmseers rationibus Enfin, on ne peut leur prêter une connaissance vrai­ tenetur, de telle sorte pourtant que cel assentiment, à ment immédiate de la révélation divine, qu’en suppo­ cause du secours de la grâce..., devienne) surnaturel et sant avec Lugo que la parole de leur curé ou de leurs souverainement ferme. » Enchiridion thcologiœ dogmaparents en fait partie intégrante, hypothèse inadmis­ ticæ generalis, 4e édit., Brixen, 1901. n. 452, p. 629. sible, comme nous l’avons vu. — 2® moyen. — On s’ar­ « Intrinsèquement connu » n’est pas la même chose range pour ramener à une proposition unique et immé­ que < immédiatement connu ». C’est un terme plus diatement connue tous les raisonnements que l’on a général, qui peut se vérifier dans une connaissance faits auparavant pour vérifier le fait de la révélation, médiate aussi bien que dans une connaissance immé­ comme dans le spécimen donné par Lugo : < Telle diate, dans la science aussi bien que dans l’intuition. vérité proposée par l’Église, confirmée par tant de Voir Franzelin, De traditione, 1875, p. 580. « L’opinion miracles, attestée par les martyrs, etc., est la parole de Lugo, ajoute le Dr Egger, est claire, parce que de Dieu. » — Réponse. — Cette proposition unique et l'autorité divine et le fait de la révélation y sont con­ immédiate est un trompe-l’œil. Oui, selon la forme nus à La lumière de la raison (du côté de l’objet)... grammaticale, ces participes accolés au sujet semblent Elle est sûre, puree que la grâce divine... fait que être des adjectifs qui le déterminent et*vn font partie, l’assentiment donné sous cette lumière de la raison à ils font croire à première vue que le procédé logique l'objet formel oe la foi devient (dans l’acte même) sur­ se réduit à une simple comparaison de deux termes, naturel... et ferme super omnia. Elen que les motifs de sujet et attribut, à une simple analyse de deux idées 1 crédibilité ne dépassent pas une certitude morale, la qui les fait affirmer comme identiques, par une con- j certitude (de cet assentiment à l’objet formel) grandit naissance immédiate. Mais selon la réalité des faits psy­ et monte au suprême degré par l’influence de la lu­ chologiques, chacune de ces épithètes signifie un rai­ mière de fol, qui élève et fortifie la volonté et l’intel­ sonnement, ou amas de raisonnements, encore présent ligence (du côté du suieü... Pas de cercle vicieux..., à l’esprit et servant de moyen terme pour faire admet­ parce que l’autorité dlvhic en dernière analyse sc pré­ tre l'identité du sujet et de l’attribut : la connaissance sente à nous au moyen des motifs de crédibilité, de cette identité est donc médiate. U n’est d'ailleurs perçus par la lumière (subjective) de la raison sumanu monde connaissance médiate que l’on ne puisse turellement fortifiée. » Loc. cit., n. 453, 454. < Encore transformer en Immédiate par un semblable artifice que l’acte de foi ne soit pas une pure conclusion logi­ de construction grammaticale; et pourtant la distinc­ que, cependant il contient virtuellement une conclusion tion de la connaissance immédiate et de la connais­ de ce genre. Je croîs Je mystère à cause de l’autorité sance médiate n’est pas purement une question de de Dieu qui l’a révélé... Voilà bien trois jugements mots, un jeu aussi innocent que facile de formes gram­ au fond, dont deux servent de moyen pour connaître maticales qui s'interchangent à volonté. C’est une le troisième. L’acte de fol contient donc un discursus question de choses, et parfois assez grave en théologie, non pas formel, parce que ces Jugements ne se font comme lorsqu’on discute si Dieu peut en cette vie pas distinctement, mais virtuel, parce qu'en réalité ils être connu immédiatement. · Aussi l’opinion du car­ y sont implicitement contenus. » Loc. cit., n. 455, dinal de Lugo, dit Stentrup, ne peut être approuvée p. 632. Le Dr Egger dtc pour sa thèse les Pères Sten­ de ceux qui veulent rester fidèles à la doctrine com­ trup et Hurter, professeurs à l’université d’Inspruck. mune des théologiens sur la connaissance de Dieu et Stentrup traite la question avec plus d’ampleur. Il des cnoses divines. » De fide, Inspruck, 1898, thés, attaque, lui, non seulement le système de Suarez et xxvn, p. 217. Cf. Pesch, Pratecliones. 3· édit., t. vm, très au long celui de Mazzclla, mais encore celui oc n. 353, p. 161, 162. — J· moyen. — « Tous ces raison­ Lugo sur le point fondamental critiqué tout à l’heure. nements ont certainement dû sc faire avant l’acte de De fide. Synopsis praetectionum..., Inspruck, 1898, thés, xxvn, p. 208 sq. 11 retient cependant de Lugo fol, mats dans l’acte même on n’en retient plus que la conclusion, le fait de la révélation. On l’affirme en tout un fond de doctrine qu'il exprime ainsi : · La connaissance de V auctoritas Dei revelantis doit être lui-même; on oublie le raisonnement qui l’a fait con­ court, ou l’on en fait abstraction. » Lugo ne recourt I surnaturelle (du côté de son principe efficient)..., parce 489 FOI qu’elle appartient Intrinsèquement à l’acte de fol et qu’elle est son élément principal. Mais elle a un mode accommodé à notre nature, nobis connaturalem, parce que jcctif que nos opé­ rations naturelles. » Op. cil., thés, xxvi, p. 206. Et plus loin : · dette connaissance est contenue dans l’acte de foi comme son fondement et son principe, elle est donc nécessairement surnaturelle. Elle n’a donc pas pour origine (du côté du sujet) la lumière naturelle de la raison (la faculté non élevée), mais la lumière sur­ naturelle de la foi (V habitus fidei). Or une connaissance qui a pour origine la lumière surnaturelle diffère onto­ logiquement et par son entité même d’une connais­ sance produite par la seule nature. ■ Op. cit., thés. XXIX, p. 221. Il en conclut que, si l’on compare la con­ naissance de Vauctoritas Del revelantis telle qu’elle était dans les préliminaires de la foi et telle qu’elle est maintenant dans l’assentiment même de fol, il y a eu transformation dans l’entité de la connaissance, secun­ dum suum esse, et qu’on est en droit de l’appeler « une connaissance nouvelle » duc à la lumière de fol. Loc. cit. Franzelin avait déjà fait la même remarque. Loc. cit., p. 654. « Mais cette connaissance surnaturelle, ajoute Stentrup. ne diffère pas de la naturelle selon le mode objectif de connaître, ■ quoi qu’en disent plu­ sieurs théologiens, qui veulent la rendre entièrement nouvelle, aussi bien du côté du mode d’atteindre l’ob­ jet que du côté du principe agissant dans le sujet. • Ces théologiens, dit-il, avouent comme les autres, qu’avant la foi il faut une connaissance rationnelle et certaine des motifs (de crédibilité)... Mais ils ensei­ gnent que dans l’acte même de foi une nouvelle con­ naissance du témoignage divin est donnée, indépen­ dante et distincte de la précédente, ayant un autre mode de connaître que celui de la raison naturelle (même du côté de l’objet). Quelle raison ont-ils de faire cette hypothèse? Aucune, si ce n’est qu’ils ne peuvent trouver d’autre expédient pour arrêter l’anaIvse à Vauctoritas Del revelantis... C'est aussi la seule cause qui a amené Lugo à inventer sa connaissance immédiate de cette autorité. » Loc. cit., p. 222. Λ quoi reviendra ce mode nouveau d’atteinore l’objet qu’ils exigent? Ou Vauctoritas Del revelantis sera crue sur la parole de Dieu (Suarez), ou elle sera vue, c’est-àdire immédiatement connue (Lugo). Nous avons réfuté l’un et l'autre. » Loc. cit.; cf. p. 231. 11 ne reste donc plus qu’une porte ouverte devant nous, c’est de laisser continuer la première connaissance, rationnelle et < médiate » (tout en la rendant ontologiquement sur­ naturelle). Loc. cil., p. 222. Cela ne nuira ni à la liberté, ni à la sumaturalite de la fol. « Le commandement de la volonté peut atteindre aussi bien un assentiment médiat, qu’un assentiment immédiat... Une connais­ sance médiate peut aussi bien être surnaturelle qu’une autre. »Thes. xxx, p. 223. Cet assentiment surnaturel, puisqu’il est médiat, porte non seulement sur Vauctorltas Dei revelantis, mais encore sur le medium qui éclaire celle-ci (les motifs de crédibilité), p. 225. Natu­ rellement Stentrup regarde l’acte do fol comme dis­ cursif; et même avec Lugo il admet la possibilité d’un discursus formel. Thés, v, p. 25. · L’acte de fol n’est pas seulement l’assentiment A la conclusion (le mys­ tère), mais il renferme tout le discursus, formel ou virtuel. » Loc. cil., p. 26. Tl porte même sur la légiti­ mité du raisonnement, bonilas illationis, p. 28. Quant au P. Hurter, il ne fait guère que reproduire des pas­ sages de Stentrup dans sa Theologia generalis, 9* édit., inspruck, 1896, n. 488, p. 498. Critique du système. — a) 11 est supérieur nu précé­ dent, dont il rejette un point très caractéristique mais généralement regardé comme Insoutenable. —· à) Il distingue encore plus nettement ce terme équivoque 490 • la lumière de la raison >, qui peut signifier, ou bien le ■ mode objectif ·, le procédé logique, la manière dont la raison atteint l’objet formel, ou bien la faculté de la raison non élevée : il fait atteindre l’objet formel par la lumière de la raison dans le premier sens, et non dans le second. Il distingue pareillement le mot équi­ voque 5 la lumière de la foi », qui peut signifier, ou bien du côté de l’objet le procédé logique de la fol. le motif d'autorité et de révélation, ou bien du côté du sujet le principe surnaturel qui élève la faculté, c’est le sens auquel saint Thomas entend le mnt lumen fidei. Voir col. 240. Ix? système fait atteindre l’objet formel par la « lumière de la foi » dans le second sens, non dans le premier. Du reste, dans cet appel au lumen fidri, qui fait au surnaturel sa part légitime, Stentrup et Egger ne diffèrent aucunenient de Lugo, bien que M. Balnvel semble indiquer le contraire. La fol..., 2· édiL, p. 52, en note.—e) Mais en disant que. dans l’assentiment de fol lui-même, la connaissance de l’objet formel est non seulement rationnelle mais encore médiate, ils donnent toute son acuité à la diffi­ culté classique de l’analyse de la foi. Voir col. 489. — Pourquoi, leur dira-t-on, l’analyse devra-t-elle s’arrê­ ter à Vauctoritas Dei revelantis, médiatrment connue, comme au seul motif spécifique de la foi? Pourquoi, dans votre système, n’est-on pas obligé de remonter en dernière analyse jusqu’à ces motifs de crédibilité, fondements de cette connaissance médiate que vous admettez, et qui, d’après vous, sont affirmés sumaturcllcment par l'assentiment même de foi, tout aussi bien que cette autorité et cette révélation qu’ils prou­ vent (Stentrup, thés, xxx, p. 225)? — A cette question délicate. Ils répondent que les motifs de crédibilité n’entrent pas dans le motif spécifique de la fol, parce qu’ils sont une simple application de ce motif, qui sert à les faire connaître. « Le motif de l’assentiment de foi considéré dans son exercice, in actu secundo, dit Sten­ trup, ce n’est sans doute pas le témoignage infaillible de Dieu considéré absolument en lui-même, mais c’est ce même témoignage considéré relativement à l’esprit qu’il doit mouvoir, et par suite, revêtu de tout ce qui le rend connaissable à notre esprit. Mais ce qui le revêt ainsi (les motifs de crédibilité), ce qui le rend ainsi connaissable, appartient au motif de la foi non pas comme quelque chose qui le constitue, mais comme quelque chose qui le manifeste. En consé­ quence, (les motifs de crAliblllté)... n’ont pas en pro­ pre de force motrice, vim movendi, à l’égard de l’assen­ timent de fol, mais toute leur efficacité aboutit à la connaissance du témoignage infaillible ue Dieu (con­ naissance qui n’est, elle-même, qu’une application); ils ne peuvent donc empêcher l’assentiment de foi de s’appuyer sur ce seul témoignage. » Op. cit., thés, xxxî. p. 230. « Toute la force motrice, dit Egger, est dans l’autorité divine. Si un général d’armée, recevant par un messager une lettre munie du sceau royal, constate ainsi la volonté du roi et s’y soumet, il ne le fait pas à cause du messager et de la lettre, mais uniquement à cause du respect qu’il a pour le prince, dont la volonté lui est manifestée par le porteur de la lettre. De meme dans notre cas. » Loc. cil., n. 453, p. 630. — Nous ne disons pas que celte réponse soit mauvaise, mais elle demanderait à être plus approfondie et plus solide­ ment justifiée. Ce sera l’œuvre du dernier système qu’il nous reste à exposer. Il aura d’ailleurs le même avantage que celui-ci, de rendre l’acte de foi raison­ nable, d’éviter tout vice de logique. Même il laissera, comme celui-ci, l’objet formel apparaître pendant l’acte même de fol avec ses preuves rationnelles plus ou moins confusément perçues, et par une connais­ sance médiate. Mais, d’autre part. il remportera par sa simplicité. Car, quel que soit le mérite de cette adaptation du système de Lugo, que nous venons de 491 FOI 492 voir, fl fnut nvouer qu’elle ofTrc bien des complications : on les oubliait, on en « faisait abstraction »,car dans soit dans cc changement de lumière subjective, dans l’analyse de In fol. Ils sont fort gênants. Le nouveau cc seul et même objet ferme!, vu d'abord par la faculté système n’a pas besoin de recourir à ccs séparations seule, puis par la faculté avec Y habitus fidei ; scit dans violentes, à ces abstractions arbitraires. Plus radical, ce long discursus non seulement préparatoire à la il laisse à la porte ccs prémisses elles-mêmes, aussi foi, mais répété surnaturellcment cl concentré nu bien que leurs preuves, dont on ne les sépare plus. cœur même de l'assentiment de fol; soit dans cct Les précédents regardaient généralement ces prémisses, assentiment surnaturel atteignant par lui-même tout CCS énoncés, comme l’objet formel de lu foi. Le système un enchaînement d’énoncés, non seulement l'objet actuel ne regarde comme « objet formel » que la divine matériel avec l’objet formel, et avec la bonitas illa­ autorité et la divine révélation considérées en ellestionis, mais encore les preuves multiples qui appli­ mêmes, a parte rei : les choses, et non pas les énoncés quent l’objet formel. Voyons donc le del nier système, qui les signifient. Cette manière d’entendre l’objet les critiques qu’on lui a faites, cl les titres qu’il semble formel résout facilement In grande difficulté de l’ana­ avoir à être préféré à tous les autres. lyse de la foi. S’il consistait dans des énoncés, dans ces G9 et dernier système : Salmant iccnscs, Thyrse Gonza­ deux prémisses, l'analyse de la foi ne pourrait s'y arrê­ lez, Billot, Schiffini, etc. — Nous traiterons ce sys­ ter puisque ces énoncés manquent d’évidence immé­ tème plus au long, soit parce qu’on en trouverait diats : elle irait jusqu’à leurs preuves, qui devien­ difficilement un exposé complet, avec les critiques, les draient le dernier fondement de tout l’édifice et pour­ difficultés et leur solution, soit parce qu’il est adopté quoi pas l'objet formel? Mais du moment que l’objet aujourd’hui par un bon nombre; «il semble meme que formel ne consiste pas en des énoncés sur Dieu, mais cette opinion tende à se faire peu à peu accepter par­ en Dieu lui-même, véridique et révélateur, on n’a plus tout, » dit le P. Pesch, Pra'lectioncs, 3· édit, 1910, à redouter de si fâcheuses conséquences : car au delà L vin, n. 332, p. 151. de Dieu même, il n’y a rien. C’est en lui que la fol Tous les systèmes précédents s’accordaient à faire trouve le dernier et solide fondement qu’il lui faut, et connaître par l’assentiment surnaturel de foi un double qui la rend vertu théologale; quoi qu'il en soit du genre objet, l’un invariable et formel, auctoritas Dei reve­ de connaissance qui aura présenté cet objet formel, lantis, l’autre variable et matériel, l’incarnation, ou la qu’elle soit naturelle ou surnaturelle, connaissance de trinité, etc. Sans doute ils n’entendaient pas les mettre science ou connaissance de foi. Cette connaissance, sur la même ligne : la connaissance de foi d'après eux étant une simple condition de l'objet formel, peut ne fait que passer par le premier objet, comme par meme varier de nature dans les différents cas, et elle son moyen logique, pour sc reposer dans le second est plus ordinairement naturelle, disent les Salmantlcomme dans son terme et son objet proprement maté­ censes, qui donnent celte opinion comme très répan­ riel. Mais enfin la plupart des théologiens admettent due parmi les thomistes. Cursus theologicus, t. xi, De que l’assentiment de foi lui-même connaît et affirme fide, disp. I, n. 180, p. 83. Voir cc que nous avons dit les deux objets. Le système que nous allons exposer des jugements spéculatifs de crédibilité, col. 365, 366. diffère profondément de tous les autres en cc qu’il ne Les Salman licenses ajoutent avec raison qu’une simple condition préalable n’a pas besoin d’être aussi par­ lui fait connaître que l’objet matériel. Puisque l’objet, ou motif formel a été déjà, de l’aveu de tous, connu faite que l’acte qui suivra : ainsi un acte des sens peut servir de condition préalable à un acte d’intelligence, par manière de préambule, ne peut-il pas suffire de un acte naturel à un acte surnaturel. Par tout cela ils cette connaissance préalable pour rendre cc motif présent à l'esprit? Ainsi, l’assentiment de foi divine, réfutent le principe ■ de Suarez, de Lugo et des autres, » à savoir que ces énoncés doivent être aussi certains, et surnaturel et souverainement certain, n’aura pas à revenir lui-même sur son objet formel par la connais­ d'un ordre aussi relevé que l’assentiment de foi luisance ou l’affirmation. même; cc qui serait vrai si ccs énoncés avaient la cau­ De là résultera une autre différence. La plupart des salité d’objet formel que leur prêtent Suarez et Lugo : théologiens, faisant porter cet assentiment de foi sur car une telle cause doit avoir au moins la perfection de deux objets logiquement liés entre eux, le formel et le son effet; mais il n’en est pas ainsi d’une simple condi­ tion. Loc. cil., n. 181. Les Sahnanticcnscs achèvent matériel, avec passage de l’un à l’autre, y mettaient d’esquisser le système en disant que l’assentiment de forcément une espèce de discursus ou de raisonnement, foi ne dépend pas de ccttc connaissance préalable au moins virtuel. Au contraire, cc nouveau système, ne faisant connaître par la foi que son objet matériel, comme une simple conclusion dépend de scs prémisses, y supprime très efficacement tout « discours > et pro­ n. 182, p. 84; que « la surnaturalltô et la fermeté de clame avec le cardinal Billot que l’assentiment de fol, l’acte de foi ne doivent pas être réglées par les lois du considéré dans son essence, est absolument simple, syllogisme, d’après lesquelles la conclusion suit tou­ actus simplex atque omnino incompletus. De virtutibus jours la prémisse la plus faible. · Car celte fermeté infusis, 1905, thés, xvi, p. 287. En dehors de cc sys­ d'adhésion qui caractérise la foi « ne provient pas im­ tème, les théologiens qui disent que la fol n’est pas médiatement d’un acte de l’intelligence, mais de la discursive n’évitent guère un discursus virtuel, s’ils volonté, » n. 183. Nous citerons encore un peu au long sont conséquents avec eux-mêmes. Voir Wilmers, I d'autres théologiens, soit pour montrer cju’il n’y a pas op. cit., p. 340. Et Sylvester Maurus a pu dire : « Tout d’erreur quand nous les donnons comme défenseurs le monde suppose que l’assentiment de fol renferme du système, soit parce qu’ils ajoutent des réflexions un discursus formel ou virtuel. · Opus theologicum, utiles qui peuvent servir de complément d’explication, I dans une question d’ailleurs très ardue. Rome, 1687, t. n, q. cxxi, n. 5, p. 381. De là encore une différence à noter. Introduisant Elizalde signale ainsi · l'occasion principale des dans l’assentiment même de foi un discursus virtuel, obscurités et des erreurs » dans la question présente : « Il arrive que beaucoup de gens, habitués qu’ils sont les systèmes précédents faisaient entrer dans le sane*· aux règles de la diulcctriquc et de la science. Inconsidé­ tuaire non seulement le mystère que l’on croit, l’incar­ rément les transportent partout. La science (déduc­ nation par exemple, mais encore, à titre d’objet formel tive) a pour loi Inviolable de partir d’énoncés immé­ à connaître, cc que l’on appelait les deux « prémisses »: diatement évidents, de principes; puis, par déduction, Ce que Dieu révèle est vrai, or il a révélé l’incarnation. l’on s’avance en s’appuyant toujours sur cc qui pré· Suarez et ceux qui l’ont modifié ne laissaient à la cède... Le milieu ne peut avoir de solidité qui n’ait été porte du sanctuaire que les preuves de ccs prémisses dans le principe, et qui n’en dérive... Si quelque chose ce qu'on appelle les motifs de crédibilité; ccux-d 493 FOI cloclic en cours de route, la fin doit clocher aussi, et la conclusion mesure sa certitude à celle de la pré­ misse la plus faible. » William James dirait : Une chaîne ne peut pas être plus forte que son plus faible anneau. Λ celte marche de la silence on a voulu mal à propos assimiler celle de la foi. « La foi, continue Élizaldc, au jugement des sages, a des préambules, et non des prémisses, à proprement parler. Cc n’est pas à elle à prouver ccs préambules, elle ne s’en mêle pas; mais, quand ils sont établis, c'est alors que son acte commence, non par une déduction, mais en les pré­ supposant. Or, il arrive que par ces préambules appa­ raît h l'intelligence une autorité qui mérite plus de foi que les préambules eux-mêmes n’ont mérité d’as­ sentiment... Le témoignage de Dieu mérite plus d’ad­ hésion que n’en mériterait une preuve d’évidence morale... Dans le processus qui commence par les préambules el qui finit par la loi, il y a plus de vertu motrice, et conséquemment plus de certitude, à la fin qu’au commencement... Aussi croyons-nous d'une foi égale, soit que le fait de la révélation nous ait été prouvé par un seul miracle ou par cent, ou par l’auto­ rité de l’Églisc, ou par la perpétuité de la foi et les vertus des saints, ou enfin par un moyen quelconque. Parce que tout cela n'est qu'application et préambule, la fol est toujours une, égale, semblable à elle-même. ■ Forma veræ religionis quierendæ et inoeniendx, Naples, 1662, n. 848-850, p. 560-562. ■ Ce que nous croyons, dit-il après avoir réfuté Suarez et Lugo, cc n’est pas le fait que Dieu a parlé, cc sont les saints mystères de la foi, rendus croyables pur ce fait. Ainsi répondent les enfants, les bonnes femmes, tous les fidèles enfin, si on leur demandent ; Que croyez-vous? Notre explication est donc naturelle, tandis que ccs systèmes contraires ont été violemment improvisés pour résister à des dif­ ficultés pressantes auxquelles ils ne résistent pas. > Op. cit., n. 862, p. 570. Un disciple d'Élizaldc, Thyrse Gonzalez, général des jésuites, ajoute des précisions remarquables. Dans un ouvrage destiné à réfuter la Déclaration du clergé de France en 1682, et devenu extrêmement rare parce qu’à Rome on en supprima les exemplaires pour ne pas créer de difficultés avec Louis XIV, il résume brièvement son système : « Après que les fidèles, au moyen de témoignages humains, se sont fermement pcrsuadésdu fait de la révélation divine, ils s’élèvent de là Λ un assentiment d'ordre supérieur sur les mystères, ù cause du témoignage de Dieu. Cet assentiment, bien qu’il regarde l’autoriU et la révélation divines comme motif Intrinsèque de croire, et objectum formale quo, ne les regarde pourtant pas comme objectum quod, com ne matière qu’il croie et qu’il affirme... Il suffit que la véracité divine soit supposée connue et affir­ mée par la lumière naturelle, et qu’ainsl connue elle soit motif intrinsèque de croire le mystère. Que cela suffise, on le voit clairement quanti il s’agit de croire la véracité divine elle-même comme révélée : nous la croyons alors parce que Dieu l’a révélée avec une véra­ cité que nous connaissons par ailleurs. Cc n’est pas en tant que crue, c’est en tant que connue par la rai­ son naturelle, que la véracité divine peut alors jouer le rôle de motif (comme il suit de la réfutation du sys­ tème de Suarez). » De in/allibililate romani pontificis... contra recentes hujus infallibilitatis impugnatores tra­ ctatus theologicus, Rome. 1689. disp. XIX, sect, tv, p. 886. Dans un autre ouvrage qui renferme toute une apologétique, il développe davantage sa pensée. « En fait d’objet formel, dit-il contre Suarez, cc qui fonde la fol au mystère avec sa certitude propre, cc n’est pas la certitude de l’assentiment préalable Λ In véracité divine, c’est La véracité divine prise en elle-même; la connaissance qui la propose n'est qu’une condition présupposée, ù quoi suffit une connaissance d’ordre 494 Inférieur. » Manuduclio ad conversionem mahumetano· rum, Dillingen, 1689, part. I, L II, n. 100, p. G6. Par là sc résout la fameuse difficulté, non potest nsr fir­ mius (rdifïctum quam jundumentum. · certitude de fol, répond-il, n’est pas fondée sur la certitude de ki connaissance scient ithpie préalable de la véracité de Dieu, mais sur cette véracité elle-même qui est signi­ fiée par une telle connaissance : à cause de cette véra­ cité, l'intelligence élevée par la vertu Infuse, et aussi sous l'in finance de la volonté, croit avec une certitude suprême les mystères révélés. > Loe. cit., n. 1U8, p. 100. « La certitude de l’acte de fol est mesurée à V habitus fidei, à la pieuse disposition habituelle, à Γautorité de Dieu qui révèle, et non pas aux raisons naturelles qui nous ont fait Juger que Dieu est véridique et qu'il a révélé ce mystère- Au contraire, h certitude d’une conclusion scientifique doit se mesurer aux motifs (ou preuves) qui ont amené l’intelligence à adhérer aux prémisses, parce que h science procede par déduc­ tion, » n. 111, p. 102. « La fni du mystère n’est pas fondée sur h science ou sur la foi (humaine) qui nous persuade que Dieu souverainement véridique a révélé ce mystère, et elle n’est pas mesurée (à cette sdence ou foi humaine), mais elle est fondée in ipsa vcracitate el revelatione divina, » η. 159, p. 121. Voilà bien la distinction entre la chose et l’énoncé qui Vapplique; la chose Invariable, l’énoncé prouvé de diverses ma­ nières, science, foi humaine, et ayant (d’après la nature de scs preuves) tantôt une certitude absolue, tantôt une certitude seulement relative. « Le cardinal de Lugo, dit-il encore, semble partir d’un faux supposé, c’est que l’assentiment ae foi, qui affirme le mystère à cause de la véracité de Dieu, affirme par là même l’existence de cette véracité. Il n’est pas nécessaire que le motif intrinsèque d’un acte d’affirmation soit affirmé par cct acte lui-même, si on le suppose préala­ blement affirmé. Et l’acte de fol n’est pas tenu d’attein­ dre directement la véracité, comme un objet qu’il connaît, obfeelum quod, mais il lui suffit de l’atteindre indirectement, comme un objet par lequel il connaît, objectum quo, » Loc. cil., n. 103. p. 98. « De ce que l’actc de fol sc rapporte intrinsèquement à la véracité divine comme à son objet formel (en cc sens seulement on peut dire qu’il Y atteint), Lugo (disp. 1, n. 104) et Ripulda tâchent vainement de conclure qu’il l’affirme; la seule conclusion qu’on puisse légitimement tirer est disjonctivc : ou bien l’actc de foi affirme la véracité divine, ou bien, parce qu il doit affirmer des mystères caches par eux-mêmes, et impuissants à exercer U fonction de motif, l’acte de fol suppose essentielle­ ment un autre acte, qui lui propose la véracité et la révélation comme motif, » n. 106, p. 99. L’acte de foi n'aflirmant pas son objet formel, mais seulement son objet matériel, ne peut renfermer un discursus en lui-même, et pour ainsi dire à l’intérieur : mais ne peut-il en former un avec l’extérieur, avec ccs énoncés préalables qu’il suppose? Gonzalez ne le pense pas : « Cct autre assentiment présupposé à l’acte de fol ne forme pas avec lui un discursus, parce qu’il n’est pas présupposé comme une prémisse l’est Λ sa conclusion, mais comme une application du motif (de l’objet for­ mel), en vue duquel nous donnons nu mystère l’assen­ timent de foi, plus certain Tractatus de fon­ avez peut-être de la véracité du témoignage. » Lor. tibus révélation!s neenon de fide divina, Amsterdam, cit.t p. 298. Or, l’objet formel est précisément cc qui 1911. n. 297, p. 244. Arrêtons là notre revue des théo­ est digne de fonder l’adhésion telle qu’elle est ; l’objet logiens contemporains qui suivent cette opinion, pour formel est donc la divine autorité prise en elle-même, ne pas trop allonger cct article. et non pas la connaissance que nous en avons; la Critique du système. — a) 11 se recommande par sa chose, et non pas les énoncés, les « prémisses ». Si avec simplicité, par sa conformité avec l’expérience de ce Suarez et Lugo vous regardez comme objet formel ces qui sc passe chez les fideles, par le caractère raison­ prémisses qui n’ont pas la certitude souveraine de la nable qu’il donne à l’acte de foi, tout en maintenant foi divine et ne peuvent la fonder, vous ne pourrez le caractère surnaturel, enfin par la solution satisfai­ obtenir une suprême certitude dans l'assentiment de sante qu’il donne au problème de l’analyse de la fol. foi que par ce coup déraisonnable de volonté, auquel et à la question du super omnia. Nous avons vu ccs Mazzclla a recours, n. 819, p. 420. Le cardinal Billot, divers avantages développés par les auteurs cités. sans nommer Mazzclla, rejette cct imperium voluntatis b) On a beaucoup critiqué ce point caractéristique ainsi compris : « Un commandement de la volonté, du système, que la fol n’affirme pas son objet formel, dit-il, qui fait adhérer l'intelligence au delà de cc que mais seulement le présuppose connu. Antoine Pérez mérite la raison objective (l’cbjct formel) dans laquelle objectait déjà l’analogie des autres vertus théologales : sc résout l'adhésion, est un commandement déraison­ « De même que Dieu est l’objet premier et souveraine­ nable et aveugle, qu’il faut donc rejeter de la foi théo­ ment aimé par la charité, l’objet premier et souverai­ logale. * Loc. cil., p. 298; ci. p. 293. Toto carlo aberrant nement espéré par l’espérance, ainsi il doit être l’objet quicumque concipiunt acturn fidei quasi in eo, partia­ premier et souverainement cru par h foi théologale» en sorte que tous les autres objets dépendent de Dieu liter saltem, esset pro ralione voluntas, Loc. cit.. p. 299. en tant que cru, en tant qu’objet de foi... De plus, si Le dernier système, au contraire, en mettant l’objet la première chose que l’on croit dans l’acte de foi est formel non pas dans une connaissance indigne et inca­ pable de fonder une adhésion souveraine, mais dans la tantôt ccd, tantôt cela (à cause de la variété de l’objet divine autorité elle-même, parfaitement digne de la matériel), il n’y a plus de raison pour que la vertu de foi soit une. » In //·■ et 11 b* D. Thom* tractatus sex9 fonder, ne demande pas à la volonté, pour obtenir Lyon, 1669, De virtutibus theol., disp. IL c. i, n. 4. 5» cette adhésion souveraine nu mystère révélé, de forcer p. 197. Mais ccs raisons ne prouvent pas ce que vou­ l'intelligence à dépasser le mérite de l’objet formel. drait Pérez, que tout acte de loi devrait croire, et croire Cct argument fourni par le cardinal parait excellent. en premier lieu, l’objet formel quo, V auctoritas Del Le P. Pcsch enseigne cc meme système, quand il revelantis. Pour que « Dieu soit l’objet premier que dit que « la volonté commande à l’intelligence d’adhé­ l’on croie, pour que tous les autres objets dépendent rer aux choses révélées aussi fermement que le mérite de lui en tant que cru, · il suffit que Dieu soit l’objet l'autorité divine prise en elle-même, ipsa auctoritas divina in se, » Pndcclioncs, 1910, t. vin, n. 323, p. 146; matériel principal de la vertu de foi, l’objet d'attribu­ tion. objectum formate quod : et il l’est. Voir cob 377quand il dit avec Schifiini que l’objet formel n'est affirmé dans l’acte de foi qu’ac/u exercito; avec le car­ 379. Or l’objet d’ntlributlon, dans une science, est con­ nu sans doute par beaucoup d’actes de cette science, dinal Billot, que si la foi est un assentiment très ferme, · cc n’est pas à cause de notre connaissance mais il n’a pas besoin a’être connu et rappelé dans tous: celui qui étudie les branches secondaires de la subjective et de notre affirmation de l'objet formel, car aucun de nos actes ne peut être la raison suffisante médecine, la physique médicale, la chimie médicale, d’un assentiment super ornnia ; » avec les Salmantila bactériologie médicale, etc., n’a pas besoin de pen­ ser à chaque instant à l’objet d’attribution, oui est la ccnscs.quc «notre connaissance du motif formel n'est pour l'assentiment spécifique de fol qu'une applica­ guérison des maladies, ni de l’affirmer en premier lku tion et une condition préalable. ■ Loc. ci(.t n. 329, dans chacune de ses affirmations: cc n’est pas ainsi p. 148, 149. Il sc sépare encore plus spécialement de que l’objet d'attribution montre sa primauté, et qu’il Mazzclla et du 2* système, quand il ne veut pas que donne l’unité à toute la science. Sa primauté consiste dans l'acte de foi · l’autorité de Dieu et le fait de la en ce que rien n’a été introduit dans le domaine de révélation apparaissent à l’esprit immédiatement, per cette science que par rapport à lui; de là aussi l’unité sc ipsa, ■ n. 332, p. 150; qu’il n’a jamais entendu qu'on de l’ensemble. 11 en est de même du vaste ensemble doive faire abstraction des motifs de crédibilité. Loc, de la révélation, telle que Dieu l’a donnée; Dieu a voulu sc révéler d’abord, comme objet principal, et ctt.9 en note. n’a révélé d’autres objets que par rapport à lui-même Mgr Vnn Noort adopte le même système, qu’il et pour se faire mieux connaître. Voir col. 378, 379. résume en quatre points avec sa précision habituelle : C’est à une révélation ainsi hiérarchisée que Dieu a ■ 1. L’autorité de Dieu qui révèle, en tant qu'objet dirigé et ordonné la vertu de foi infuse, c’est de là formel de la fol, ne nous est connue que par les motifs qu’elle tire son unité, et non pas de ce que, dans cha­ de crédibilité, et non par un autre mode. 2. L'acte même de foi n’est pas un assentiment virtuellement cun de scs actes, elle affirmerait avant tout autre objet son objet formel, quo ou quod. Nous concédons pour­ double, affirmant d’abord l’objet formel, ensuite tant qu’elle tire aussi son unité de cc qu'elle a un seul l'objet matériel. Il n'y a donc plus lieu de poser cette question (avec Suarez et tant d'autres) : Comment et même motif spécifique dans tous ses actes. Nous l’autorité de Dieu est-elle connue et affirmée dans concédons qu'une vertu théologale ne peut se passer 499 FOI 500 croit, donne son assentiment, etc., nous personni­ dans aucun de scs actes de la connaissance de son fions semblablement la science : mais sans prendre au motif; mais cela ne veut pas dire qu’elle l'affirme ellesérieux ccs manières de parler. En réalité, cc n’est pas même. Nous concédons que l'acte d'une vertu théo­ la foi qui croit, c’est l'homme; ce n'est pas la foi qui logale doit avoir une liaison intrinsèque avec son motif est sollicitée par un motif ct qui donne son assenti­ spécifique; mais pour cela il sufllt qu’elle le suppose ment, c’est l’homme. Or l’homme qui va croire est le préalablement connu, ct cela comme une condition même qui vient de voir que Dieu a révélé, il ne l'ignore nécessaire de son action : par là, ainsi que le remarque pas, il en est conscient et certain. » Op. cit., n. 852, Thyrse Gonzalez, le motif intrinsèque et spécifique p. 563. On pourrait, ajoute-t-il, faire le même sophisme se distingue suffisamment d'un mot h bextrinsèque, qui à propos des rapports de 1 intelligence et de la volonté : peut être surajouté avec avantage, mais qui u’est la volonté ne sc mêle pas de connaître, elle est aveugle; pas nécessairement requis pour l'existence ue l’acte; la connaissance de l'intelligence, par laquelle on pré­ tel le motif de la charité peut s'ajouter au motif tend lui montrer son but, est donc pour elle comme si spécifique d'une vertu morale, mais reste extrin­ elle n’était pas, etc. · Que répondra le bon sens? Que sèque à ccttc vertu. A ccttc assertion : L'acte de foi cc n’est pas la volonté qui aime, mais l’homme, lequel doit atteindre intrinsèquement le motif qui le spé­ a d'abord connu l’objet. C’cst donc bien le même cifie, l’autorité divine, Schiffini a donc raison de sujet qui connaît et qui veut. » Loc. cit. M. Bain vol fait répondre : Oui, si par ccs mots < atteindre intrinsè­ une remarque semblable : « 11 ne faut pas regarder les quement · vous entendez que l’acte de fol a une révé­ facultés de l’homme comme isolées et agissant chacune lation de dépendance nécessaire à l’égard de ccttc à part. Saint Thomas répète sans cesse que cc n’est autorité divine qui est son motif et sa cause. Non, pas l'esprit qui voit, mais l’homme par l’esprit; ni la ti vous entendez qu’il doit essentiellement l’affirmer volonté qui veut, mais l’homme par la volonté. Ainsi lui-même. Op. cit., p. 205. Cf. Pesch, loc. cit.» dans la foi : c’est l’homme qui volt les motifs de cré­ n. 342-344, p. 156. — Mais, dira quelqu’un, n’y a-t-il dibilité, l’homme qui veut croire, l’homme qui croit pas un milieu entre affirmer une chose, et avoir avec L'unité du sujet met partout l’unité, partout la con­ elle une simple relation de dépendance qui la présup­ tinuité... C’cst le même esprit qui a constaté que telle pose? L’assentiment de foi, sans affirmer son objet vérité obscure pour lui est garantie par l’autorité formel comme vrai, ne peut-il pas y adhérer! — Nous divine, ct qui croit sur ccttc autorité. · La foi..., répondons que, lorsqu’il s'agit d'un jugement, d'un acte d'intelligence, « adhérer · ne peut avoir d’autre 2· edit., p. 190. d) On critique enfin ct surtout ce point fondamen­ sens qu' « affirmer comme vrai ». La volonté, elle, a tal du système, que l'objet formel de la fol consiste des « adhésions » qui ne sont pas des affirmations : dans la divine autorité ct la divine révélation prises mais ici nous parlons d’un assentiment intellectuel, ct objectivement en elles-mêmes, et non pas dans la con­ non d’un acte de volonté. Enfin Wilmers, qui attaque naissance subjective de ces choses, laquelle est une longuement (prop. 69, 70, 72, 73, 76), non sans redites, simple condition de l’objet formel. Une chose, dit-on, le système que nous venons d’exposer, invoque le n’est motif qu’en tant qu'elle est connue. Thyrse mot propter dans la définition de la fol au condic du Gonzalez répond avec raison que le mot en tant que Vatican, pour prouver que * Vassentiment donné à l’au­ est équivoque en lui-même : il peut viser l'essence torité divine est vraiment cause (ou objet formel) de même du motif formel, ct c’est ainsi que l’entendent l’assentiment donné à l'objet matériel, ct non pas les adversaires : il peut viser une simple condition, ct simple condition préalable. » Loc. ci!., n. 337, p. 345. c’est ainsi qu’il faut l'entendre dans le cas présent. Mais le concile ne dit pas que nous devons croire Manuductio, etc., n. 124, p. 107. Reste pourtant que propter assensum datum auctoritati Dei revelantis, il ce point fondamental d’un système très simple par dit : propter auctoritatem ipsius Dei revelantis. Voir col. ailleurs est difficile à bien saisir ct à bien justifier, ct 115. Ce n’est pas notre assentiment subjectif, c’est qu’il présente quelque chose d’insolite, qui n’a pas l'autorité divine prise objectivement en elle-même qui lieu dans l’analyse de la science humaine; d'où vient «t objet formel de l’assentiment à l’objet matériel : sans doute que Suarez, Lu go ct tant d’autres ont tout au moins le mot du concile est susceptible des plutôt supposé, comme allant de soi, que le motif deux sens. Même remarque pour les textes de saint ou objet formel de la foi devait consister dans l’auto­ Thomas qu'allègue Wilmers. D’ailleurs, ce théologien, rité divine prise en bloc avec la connaissance que parce qu’il confond mal à propos en une seule opinion l’on en a, ct que plusieurs ont en face de notre sys­ (confusion assez fréquente aujourd’hui) ce que dit tème l’impression d’un expédient plus subtil que so­ Mazzclla ct cc que disent les S aknan licenses et autres lide. Pour dissiper cette fâcheuse impression, quelques partisans du dernier système (/oc. ci/., p. 385), leur défenseurs du système ont voulu le rattacher à une prête ce que dit peut-être Mazzclla, mais cc qu’ils ne disent point, par exemple : Intellectus non movetur manière naturelle de croire à la parole d’autrui; ils ab objecto formali, sed movetur et determinatur a sola ont distingué, meme dans la croyance au témoignage voluntate. Loc. cit.» p. 315; cf. p. 384-386. humain, la foi-science ct la foi d'autorité, la première appuyée sur des connaissances subjectives comme c) On a critiqué aussi la discontinuité que cc sys­ tème mettrait dans une série d’actes qui doit être con­ motif, la seconde qui atteindrait l’autorité du témoin tinue, et dont il briserait la chaîne. C’cst la raison directement en elle-même, et qui proportionnerait la certitude de l’assentiment que nous donnons au té­ naturelle qui affirme l'objet formel; c'est ensuite la vertu infuse qui, sans connaître l’objet formel, vient moin, non pas à notre connaissance préalable de ccttc autorité, mais à ccttc autorité prise en soi. Mais nous affirmer l’objet matériel, en quoi consiste l’acte de avons déjà indiqué les raisons pour lesquelles cette foi. La foi est donc impressionnée par un motif qu’elle théorie générale de la foi, humaine ou divine, nous ignore. La foi croit un mystère parce que Dieu l'a paraît moins probable. Voir, dans la question de la révélé, sans savoir s'il l’a révélé; savoir cela, c’est liberté de la foi, col. 425 sq., et, dans la question de l aftaire de la connaissance préalable, appartenant à la l'obscurité, col. 445, 446 sq. Il nous semble que le science apologétique, dont la fol ne sc mêle pas; ccttc dernier système sur l’analyse de la foi dans sa ma­ science préalable est pour la foi comme si elle n‘était nière de concevoir objectivement et en sol Y auctoritas pas, et la laisse donc dans l’obscurité. « Qu’ils objec­ Dei revelantis, répond suffisamment à toutes les tent ainsi, répond Élizalde, ceux qui prennent les critiques, non pas en recourant à une théorie générale actes ct les accidents pour des substances 1 Nous de la croyance à la parole d’autrui, mais plutôt ct aussi, nous disons comme tout le monde que la fol 501 FOI avant tout en considérant la fol divine et les élé­ ments qui lui appartiennent en propre, de la ma­ nière que nous allons tenter d’expliquer. Comment l'autorité et la révélation de Dieu prises objectivement et en soi, ά Preclusion de la connaissance subjective que nous en avons, sont l'objet formel (quo). — L’objet formel, de l’aveu de tout le monde, est l’objet (fui spécifie; spécifier un acte, c’cst lui donner les traits distinctifs qui en font une espèce à part. Les traits distinctifs de Fassent huent do foi divine, qui ne sc trouvent ni dans la science, ni dans la foi humaine, c’cst la valeur suprême de son motif, c’cst sa surnaturalité, c’est sa fermeté super omnia. De là aussi une certitude propre ct spécifique de la foi divine : toute vraie certitude étant composée de deux éléments, fer­ meté ct Infaillibilité, voir col. 206, 207, la certitude de foi divine a une fermeté souveraine; elle n aussi une infaillibilité spéciale qui lui vient soit de la valeur suprême de son motif, soit surtout de la surnattira­ illé de l’nssenliment. Voir col. 3G9, 371, 375, 387 sq. Ceci supposé, il faut montrer que l’objet spécificateur, qui donne à l’assentiment oc foi tous ses traits dis­ tinctifs, qui exige ct mesure sa certitude propre — c’est le témoignage infaillible de Dieu pris objective­ ment en soi, à l’exclusion de la connaissance subjective que nous en avons. Parcourons ccs traits distinctifs de l’assentiment de fol. — a) Valeur suprême du motif. — C'est en elle-même et Objectivement que l’autorité de Dieu, c’est-à-dire sa science infaillible et sa véracité qui ne peut nous tromper, est infiniment liée au vrai, Infiniment ennemie du mensonge et de l’erreur, ce qui lui donne une valeur suprême comme motif intellec­ tuel. Voir col. 331, 332. Au contraire, notre connais­ sance subjective de cette autorité divine, nos raison­ nements pour la prouver et l’appliquer à une matière déterminée, même quand ils font œuvre utile, ne peu­ vent que diminuer, dans le résultat final, l’effet de cette valeur infinie. Voir col. 334. C’est donc l'autorité divine en elle-même, et non pas la connaissance que nous en avons qui caractérise notre assentiment de foi divine, en lui donnant une suprême valeur. — à) Surnaturalité de l'assentiment, qui le rend infaillible.—L’nu torlté ct la révélation divines prises en elles-mêmes sont la raison de ccttc surnaturalité. L'autorité : car si Dieu a voulu mettre en nous une vertu Infuse qui donne à l’acte sa surnaturalité, c’cst en partie pour honorer son autorité de témoin, prise en elle-même, c’cst pour qu’un témoignage si excellent fût digne­ ment reçu par notre foi surnaturelle; je dis seulement : en partie, car il y a une autre raison, tirée des mystères en tant qu’ils sont objet d’attribution, ct dont le con­ cours est nécessaire. Voir col. 381. La révélation : nous devons ici nous rappeler certains faits signalés plus naut. SI la révélation d’un énoncé, d’une proposition, n’a pas eu lieu objectivement ct en réalité, le fidèle qui s'efforce de croire une telle proposition à cause de l’autorité divine, parce que dans son ignorance il la conçoit comme révélée, ne peut produire qu’un acte naturel d’assentiment, auquel la vertu infuse ne peut concourir. Voir col. 369, 370. Au contraire, si la révé­ lation a eu lieu objectivement et a parte rei, elle est pour sa part la raison d’être d’un assentiment surna­ turel de foi. On Je volt, ccttc influence très particulière de la révélation, en tant que vraie objectivement, sur la qualité de l’acte de cc fidèle no dépend nullement de ce qu’il conçoit subjectivement, ct n’atteint pas l’acto par le moyen des raisennements qu’il fait. Avec les mêmes raisonnements ct sous les mêmes motifs (rela­ tifs) de crédibilité, un fidèle pourra donner d’une part un assentiment surnaturel à une proposition, d’autre part un assentiment purement naturel à telle autre proposition que le même catéchiste lui aurait par erreur enseignée comme révélée, scion qu’objectivement la 502 révélation réelle ou ne l’est pas. Voir col. 233, 234. Ainsi, dit Oviédo, le terme où s’arrête l’analyse de la fol du fidèle est « la révélation existante, en tant qu’existant objectivement, (n re, car notre fol ne peut sc terminer à une révélation qui n’existe pas. » Tra­ ctatus theologici... de fide, xpe et caritate, Lyon, 1651. De fide, contr. V, n. 73. p. 86. L’acte de fol surnaturel, ditil ailleurs, · est ainsi essentiellement lié par lui-même avec l’existence de la révélation, qui est son objet for­ mel, ct fort de cette Ikiison, il n’a pas besoin d’aller mendier sa certitude spéciale en recourant à des pré­ misses qui ne pourraient pas la lui donner; il h tient intrinsèquement de son objet formel. » Loc. cil., contr. II, n. 104, p. 29. En effet, l’infaillibilité spéciale qui caractérise la certitude de foi divine résulte directe­ ment de sa surnaturalité, sans l’entremise d’aucun rai­ sonnement, puisqu’elle ne tombe pns meme sous notre connaissance certaine, et que nous n’avons pas à nous préoccuper de la mettre dans notre acte, voir col. 371374 ; ct la surnaturalité elle-même résulte directement de l’existence objective de In révélation, sans recourir non plus à l’intermediaire de notre connaissance sub­ jective. — c) Fermeté souveraine de la foi. — Il est bien clair qu’elle n’arrivera jamais à notre assentiment pa· nos connaissances préalables et par voie s> llogistlque. Vous aurez beau partir de cc « jugement d’excellence » ou de préférence : L’autorité de Dieu comme témoin est plus infailliblement liée au vrai que tout autre moyen de connaître, voir col. 383: ou encore : Ce que Dieu révèle est souverainement vrai, et ajouter cette autre prémisse : 11 a révélé la trinité. La première, la majeure, parle bien d’une souveraine autorité, mais elle-même n’est pas affirmée avec une souveraine adhésion, avec plus d’adhésion qu’une proposition philosophique ordinaire : car elle-même n’a pas pour motif Vauctoritas Dei revelantis, qui est le suprême moyen de connaître : "voir réfutation du système de Suarez. Il en sera de même de la mineure : plusieurs même lui donneront une certitude inférieure à celle de la majeure, parce qu’elle roule sur une simple ques­ tion de fait contingent, ct pour nous sc base en défi­ nitive sur des témoignages humains. Ajoutons que les deux prémisses peuvent n’être affirmées qu’avec une certitude relative, ou du moins l’une d’entre clics. Voir col. 219 sq. Quelle sera h forci' de la conclusion : Donc la trinité est souverainement vraie? Ne nous laissons pas tromper par ce mot · souverainement » qui n’est qu’un élément de l’attribut. La question est de savoir avec quelle force d'adhésion sera prononcé cc mot « est » qui seul exprime l'assentiment, l’adhésion de l'intelligence. Cette force doit sc mesurer à celle de la prémisse la moins certaine, au plus faible anneau de la chaîne, d’après les lois mêmes du syllogisme : elle ne saurait donc être prononcée ici avec une souveraine fermeté d’adhésion. Becourrcz-vous à un coup de volonté pour obtenir que celte conclusion passe d’un degré ordinaire d’adhésion Λ un degré souverain? Mais la volonté, comme le disait le cardinal Billot, voir col. 497, n’a pas le droit de pousser l'adhésion au-des­ sus de cc que demande l’objet formel de 11 foi : or, pour vous, l’objet formel de la fol, ce sont ccs prémisses : vous ne pouvez donc les dépasser. Pour nous, au con­ traire, l’objet formel de la foi. cc n’est pas un agence­ ment de prémisses, c’cst l’autorité de Dieu et sa pa­ role, prises objectivement en elles-mêmes, ct seules dignes d’une adhésion suprême. Une (ois que ccl objet m’est proposé par le « jugement d’excellence », ma volonté peut ct doit prendre directement une résolu­ tion générale de préférer l'autorité divine et la révé­ lation ù tout cc qui les contredirait, voir col. 329 sq.; résolution ou renouvelée actuellement dans l’acte de foi. ou du moins persévérant vil tuellemccit dans ce res­ pect qu’a le fidèle pour l’autorité ct la parole divines, M3 FOI δ04 dans ce soin qu’il a de garder sa foi. voir col. 386, 387; devront le réaliser. Ainsi la toute-puissance divine, résolution qui, par un contre-coup direct sur l’assenti­ intervenant Immédiatement, élèvera notre intelli­ ment Intellectuel de foi, lui communique le degré sou­ gence pour produire l'assentiment, soit cn mettant en verain d’adésion, caractéristique de la foi divine. elle Γ habitus fldei, soit cn excitant par sa grâce actuelle Voir col. 389, 490. Ainsi la volonté, comme puissance cct habitus ù agir, de manière à rendre l'assentiment purement exécutrice, aide l'intelligence à atteindre la intrinsèquement surnaturel, selon que l’exige la révé­ supreme adhésion que méritent, qu’exigent, que mesu­ lation objectivement vraie. La volonté humaine devra, rent l'autorité et la parole de Dieu comme objet formel. elle aussi, intervenir sous l'influence de la grâce, pour On voit que les traits distinctifs etc l’assentiment de foi réaliser cette adhésion super omnia ct celte fermeté dérivent non pas de notre connaissance subjective ct souveraine, qui est à la mesure de l’autorité ou infail­ des prémisses que nous pouvons aligner, mais direc­ libilité divine considérée cn elle-même. Cc que déter­ tement gc Vauctoritas Dei revelantis prise objective­ mine ccttc révélation infaillible comme modèle, des ment et cn sol; celle-ci reste donc l'objet formel, auquel intermédiaires qui n’agissent point par vole syllogis­ doit s’arrêter l’analyse quand elle est à la rccnerchc tique, la grâce ct la volonté, sont chargés de l’exé­ de cct objet. cuter : l’assentiment, recevant par elles son infailli­ C’est trop élargir le concept d’ < objet formel », bilité ct sa fermeté spéciales, n’est donc pas discursif, objectera-t-on peut-être, que de donner cc nom Λ des au moins dans ce qu’il a de spécifique, ct ce ne sont attributs divins cn tant qu’ils produisent ou exigent pas des < prémisses » qui peuvent revendiquer la fonc­ cn nous un eflet que nous ne voyons pas, une infailli­ tion d’être son objet formel et spécificateur. D’ailleurs, bilité dans notre acte, laquelle ne tombe pas sous la nous ne nions pas que la chaîne du raisonnement conscience. Le motif d’un acte ne doit-il pas être préalable ne figure, elle aussi, parmi les intermédiaires connu et son influence et son eflet ne peuvent-ils être qui transmettent quelque chose A l'assentiment de foi, connus au moins par réflexion? Précisons le vrai con­ ainsi que nous l'expliquerons plus bas : mais celle cept d’ « objet formel ». Grégoire de Valence, après chaîne syllogistique n’est qu’un intermédiaire d’exé­ avoir distingué 1’objectum formale quod et 1’objectum cution, elle ne transmet, du reste, rien de distinctif ni formale quo, comme nous l’avons fait. col. 377. parle de spécifique, elle n’a donc aucun titre ù faire partie ainsi du second qui nous occupe cn cc moment ; de 1' ■ objet formel », quand bien même on voudrait • Pour qu'une chose soit objet formel de la foi. cc n’est la faire entrer partiellement dans le concept plus pas assez que la foi cn dépende d’une manière quel­ vague ct plus général de « motif ». Ces deux concepts conque : il faut qu’elle cn dépende comme de sa forme ne sc confondent pas absolument. Le motif n’agit que (extrinsèque) c’cst-â-dirc de son exemplaire (arché­ par l’intermédiaire de la connaissance : Vobjet formel type). » 11 explique ainsi cette dépendance : Non seule­ peut se servir, comme nous l’avons vu, d'autres inter­ ment · la loi, par sa nature, ne peut adhérer Λ aucune médiaires que celui de la connaissance. Le motif, proposition sans que la divine révélation la lui ait c’est en général cc qui, étant connu, meut la faculté â montrée, » mais encore · la fol, dans son Infaillibilité produire son acte, mais ce n’est pas toujours la cause et sa certitude, Imite la divine révélation comme son exemplaire ct spécificatrice de cct acte : Vobjet formel exemplaire ct son modèle. » Car · de même que la révé­ est ccttc cause. lation est infaillible cn ce qu'elle dit, de même il faut Corollaires et conclusions. Le rôle complet des motifs que la fol soit toujours infaillible dans son assenti­ de crédibilité et du raisonnement dans la fol. L'analyse ment. » Commentarii theologici, Lyon, 1603, t. ni, apologétique. — Cc que nous avons dit pour exclure disp. I q. I, p. i, § 5, p. 26. C’est donc â la < cause de la dignité d’objet formel les « prémisses », ou juge­ exemplaire » que ce grand théologien, invoquant le ments spéculatifs de crédibilité : Dieu est souveraine­ sentiment commun «les docteurs, ramène la causalité ment véridique, il a fait telle révélation, on doit le propre de l’objet formel. Un spécimen classique de la dire d plus forte raison des « motifs de crédibilité ». Car cause exemplaire, c’est le plan tracé par l'architecte. les Jugements spéculatifs de crédibilité, présupposés Ce plan reste extérieur Λ l'tdiflce, mais l'édifice sc par l’assentiment de fol au dogme révélé, sont liés de construira d'après lui, y trouvera sa forme, ses pro­ plus près à cct assentiment : les motifs de crédibilité, portions ct ses mesures; toute la construction est présupposés par ccs jugements comme leurs preuves, réglée d’avance par le plan, lui donnera son caractère, lui sont rattachés de plus loin. Les deux jugements sa physionomie, son espèce. De même un acte reçoit spéculatifs de crédibilité sont exigés invariablement de son objet forme) ses traits distinctifs, est mesuré, ' chez tous les fidèles : les motifs de crédibilité ne sont réglé, « spécifié » par lui. Aussi saint Thomas repré­ pas exigés de la même manière, ils peuvent varier éton­ sente-t-il les vertus théologales comme · mesurées ct namment d’un fidèle à l’autre : chez beaucoup d’entre réglées » par leurs objets formels : Mensura et regula eux, cc sera simplement l’autorité du curé, du caté­ virtutis theologica esi ipse Deus ; /Ides enim nostra regu­ chiste, ou du moins l'autorité de l’Égiisc comme grande latur secundum veritatem dininam, caritas autem secun­ société humaine. Voir col. 150, 221 sq., 231 sq. Com­ dum bonitatem ejus, spes autem secundum magnitudiment une autorité humaine pourrait-elle spécifier l’as­ dem amni potenti 1° Les conclusions théologiques possibles dans la ricure pour défendre scs principes, doit les défen- I démonstration chrétienne et catholique — Pour l'aspect dre elle-même. Les défendant par la raison pure, ce ne strictement rationnel de ccttc démonstration, voir pourra être que par rapport à leur crédibilité; et pour être une véritable théologie, il sufllt que cette défense /\pologétique, t. i, col. 1519-1530. En tant qu’apolo­ procède des principes et de la lumière de la foi pour gétique rationnelle, ccttc démonstration n'usera donc argumenter. Or, c’est le cas, puisqu’elle part de la cré- | que d'arguments proprement philosophiques ou his­ dibihté, acceptée comme propriété de la révélation. toriques : dans sa forme classique, elle est à deux de­ Voir le développement de cette thèse dans Gardeil, grés, comme l’indique son nom. pour aboutir en fin do La crédibilité et l'apologétique, Paris, 1912, p. 247-251. compte à la crédibilité de l’Église infaillible et divine. Cf. S. Thomas, Sum. theol., h, q. i, a. 8; fn Doctium, | La théologie fondamentale peut user de la seule rai­ De Trinitate, q. n, a. 3, et, pour le rôle qu’il convient j son naturelle pour arriver au même résultat : en ce d'attribuer à la raison dans l’explication des vérités cas, son objet matériel, du moins en ce qui concerne la surnaturelles, Quodl., IV, a. 18. ' démonstration de la crédibilité, ne dépassera pas celui Mais ne pourrait-on pas concevoir une démonstra­ de la pure apologétique. Mais si elle peut également tion de la crédibilité et des thèses qui s’y rapportent, user de la raison théologique et aboutir à des conclu­ construite d’après toutes les règles de la méthode théo­ sions théologiques, ce sera là tout un nouvv.au do­ logique, et dans laquelle l’argument ex auctoritate re­ maine dont elle s'enrichira et par où son objet maté­ prendrait sa place légitime? L’argument propre et riel dépassera celui de l’apologétique. Or, ces raisons et apodictique touchant la nature, la possibilité, la réa­ conclusions théologiques, dans la démonstration chrélité de la révélation pourrait être emprunté au con­ I tienne et catholique, sont possibles : 1. vis-à-vis des cile du Vatican, Denzinger, n. 1807; on puiserait dans . incrédules eux-mêmes; 2. a fortiori vis-à-vis d’adver­ le même concile la démonstration de sa nécessité, saires acceptant un point commun de la foi chré­ n. 1786, de sa crédibilité, n. 1790, 1793, 1812. La mar­ tienne. che à suivre dans la démonstration de cette crédibilité 1. Vis-à-vis d'incrédules. -— La démonstration catho­ s’y trouve pareillement indiquée; ce sont, pour la lique ne sc fait pas nécessairement à deux degrés; il révélation elle-même» les miracles et les prophéties, y a une méthode plus simple, esquissée par le concile a. 1790; pour l’Église, les notes dont elle est revêtue i Vatican, sess. m, c. in, Dcnzinger-Bannwart, η. 1 /94 : L· Eglise, à cause de son admirable propagation, et son existence même à travers les siècles, n. 1793, 1794. La force démonstrative de ces preuves y est affir­ I de sa sainteté éminente et de son inépuisable fécondité en toutes sortes de biens, d cause de son unité catholique mée» et déjà elle avait été rappelée par le magistère et de son invincible stabilité, est par elle-même un grand et contre le fidéisme, n. 1624, 1625; ci. n. 2145; déter­ perpétuel molli de crédibilité et un témoignage ircé/raminé aussi, le degré de certitude des motifs de crédi­ FONDAMENTALE OU GÉNÉRALE (THÉOLOGIE, gable de sa mission divine. « La caractéristique de cette méthode consiste en ce que, sans passer par la démons­ tration préalable de la divinité de la religion chré­ tienne, distinguée de la religion catholique, sans s’en­ gager dans le dédale des problèmes d’exégèse et de cri­ tique historique, on va droit Λ la crédibilité du magis­ tère divin de l’Église catholique, considérée comme té­ moin vivant et parlant qui prouve lui-même sa mis­ sion divine par scs caractères subsistants... La crédi­ bilité du magistère divin de l’Église une fols acquise, on écoute celle-ci parlant au nom de Dieu et nous ren­ seignant elle-même sur ses autres titres, sur les livres sacrés, sur sa propre histoire et scs rapports avec les révélations Incomplètes qui ont précédé. · Le Bache­ let, dans \e Dictionnaire apologétique de la foi catholique, art. Apologétique. Apologie, t. i, col. 232. Par vole de conclusion théologique, on arrive donc, une fols le magistère infaillible admis par les incrédules, à leur prouver tous les autres points intéressant la révélation en général. On a voulu essayer de procéder semblablement par voie de conclusions théologiques en partant de la per­ sonne même de Notre-Seigncur dont on prouverait la divinité. Ami du clergé, 1901, p. 382. Mais, en cc cas, la conclusion théologique portera sur la véracité de Notre-Seigncur et sur la vérité de son enseignement : mais il restera encore à chercher historiquement quel est cet enseignement et où il sc trouve. Cc procédé apo­ logétique semble donc condamné d’avance, et il faut en venir à la conclusion du cardinal Billot : Sola Eccle­ sia est, quam si semel credibilem esse ostenderis qualem se hominibus exhibet, ipso /acto lenes totam de integro revelationem absque ulla possibili ambiguitate. De Ecclesia Christi, Home, 1898, t. i, p. 29. 2. Vis-à-vis d*adversaires acceptant un point commun de la foi chrétienne. — Vis-à-vis d’adversaires de cc genre, c’cst, en effet, le lieu d’appliquer le principe énoncé par saint Thomas : Sacra doctrina disputat cum negante sua principia, argumentando quidem, si adver­ sarius aliquid concedat eorum qua per divinam reve­ lationem habentur, sicut per auctoritates sacra doctrina disputamus contra hareticos, et per unum articulum contra negantes alium. Sum. theol., I·, q. i, a. 8. La dé­ monstration de l’existence d’une tradition vivante est un des objets de la théologie fondamentale. Et cepen­ dant, contre les protestants orthodoxes, on peut l’ob­ tenir par vole de conclusion théologique, en partant de l’Ecriturc sainte, dont ils admettent le caractère inspiré. Et ainsi, pour démontrer la crédibilité de la révélation catholique, on peut procéder par voie de conclusion théologique, en partant « des autorités qu’acceptent ceux avec qui on discute. Si, par exem­ ple, on discute avec des Juifs, on apportera les auto­ rités de 1’Ancien Testament. Si c’cst avec des mani­ chéens, qui rejettent l'Anden Testament, il faudra seulement sc servir des autorités du Nouveau. Que si c’cst avec des schismatiques, qui reçoivent l’Anden et le Nouveau Testament, mais n’admettent pas la doc­ trine de nos saints, comme sont les grecs, il faut, avec eux, s’appuyer sur les autorités du Nouveau ou de l’Anden Testament et des docteurs qu’ils admettent. » S. Thomas, Quodl., IV, a. 18. Toute ccttc argumenta­ tion échappe à l'apologétique rationnelle. 2° La théologie fondamentale et la détermination des lieux (héologiques. — Avant d’aborder l’étude des dog­ mes particuliers, le théologien doit avoir en main les instruments sûrs qui lui permettront d’entreprendre ccttc étude sans crainte d’erreur, et de déterminer, sans hésitation possible, les conclusions théologiques qui doivent en être le résultat. Or, la révélation est contenue « dans les Livres saints et les traditions (objectives] non écrites que les apôtres ont reçues de la bouche du Christ ou qu’ils nous ont transmises, sous l’inspiration du Saint-Esprit, et qui sont par­ venues jusqu’à nous. » Condle du Vatican, sess. ni, c. n, Denzinger-Bannwart, n. 1787. Cf. condle de Trente, sess. iv, n. 783. Le champ de la révélation ainsi délimité reste encore immense, vague et comme en friche. Une question de méthode sc pose : comment rendre exploitable ce champ, c’est-à-dire manifester à la consdcncc chrétienne les vérités révélées et à tous les degrés où elles le sont? Le magistère de l’Église *c présente lui-même tout d’abord avec l’autorité qu’il a en matière de fol, comme le critère indispensable et au­ thentique de l'Écriture et de la tradition : Fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, qua: in verbo Del scripto vel tradito continentur et ab Ecclesia sive sollemni judicio sive ordinario et universali magisterio tanquam divinitus revelata credenda proponuntur. Condle du Vatican, sess. in, c. nr, Dcnzingcr-Bannwart, n. 1792. Ce magistère sc manifeste par l’intermédiaire de scs organes authentiques, autorité enseignante de l’Église universelle, des condies, des souverains pon­ tifes. Cf. condle du Vatican, toc. cil., et sess. iv, c. rv, n. 1832-1839. Mais, collatéralcment au magistère offldcl, les Pères et les théologiens et canonistes travail­ lent à défricher le champ de la révélation. Les pre­ miers ont eu l’avantage de vivre dans un milieu péné­ tré encore des influences primitives et sont presque des témoins do l’objective réalité de la révélation ; les autres s’efforcent de pénétrer, sous la direction de l’Église, le sens et les virtualités de l’enseignement révélé. L’influence du magistère, de la tradition active, toujours vivante dans l’Église, les enveloppe et les pénètre et 11 est impossible que leur labeur ne con­ tienne pas, pour une bonne part, une illustration péné­ trant· de la révélation. Sans doute, leur témoignage n’a pas la valeur apodictique du critère offldcl du magistère, mais 11 a néanmoins une grande valeur que l’Église approuve, recommande au point meme de nous interdire en certains cas de nous en écarter. CL concile du Vatican, sess. in, c. n, Dcnzlngcr-Bannwart, n. 1788; Syllabus, prop. 13% η. 1713. Cc n’est pas tout encore : les docteurs, les théologiens et cano­ nistes ne travaillent souvent sur la révélation qu'en faisant appel à la raison naturelle, considérée d’abord en soi et dans sa valeur abstraite, ensuite dans le témoignage autorisé des savants. Dans le premier cas, elle donnera sur l’objet révélé non seulement des probabilités, mais des certitudes dans leur ordre, comme celles qui ressortissent aux preuves de l’existence de Dieu. Dans le second, si le témoi­ gnage concerne des doctrines, nous aurons l’auto­ rité de l'histoire. Mais, comme en théologie, la raison ne prouve qu’en vertu de l’approbation plus haute de la révélation, cc n’est plus la raison pure, c*e demeurèrent manuscrits, comme un Cours de philoso- 5*25 FONSECA phieel de théologie ad mentem Scott, un flullaire fran­ ciscain dont il prépara Ils cinq premiers volumes, une bibliothèque des écrivains de l’ordre, et d’autres travaux sc rapportant aux missions politiques dont il était chargé. Dans le vestibule de la Bibliothèque nationale de Home sc trouve aujourd’hui le buste du P. Fonseca, et l’inscription que scs confrères érigèrent dans la bibliothèque de l'Araccli, en souvenir du fondateur (1740). FOR 526 déterminée par divers objets : 1 ° par le délit : on devient en effet par là aussitôt et en vue dc la peine annexée au délit le sujet du tribunal ou for dans la circonscrip­ tion duquel le délit a été commis, alors même qu’on appartiendrait, personnellement, à une autre circon­ scription; 2® par le contrat : on peut présenter une action contre tel contrat déterminé par-devant le juge du lieu où le contrat fut conclu: ainsi certains procès en nullité de mariage sont instruits non pas dans la circonscription où résident les époux, mais dans celle Florez, Espaiïa sagrada, Madrid, 1766, t. xxl. où le mariage avait été contracté; 3® par le domicile : P. Édouard d’Alençon. c’est le for ordinaire, le for compétent pour toute sorte FONTIDONIUS, FUENTIDUENA Pierre, théolo­ d’actes accomplis par une personne : on peut toujours gien espagnol, né à Ségovie vers 1516, mort à Sala­ la poursuivre devant les tribunaux dc son domicile; manque le 1er mai 1579. Scs études terminées à Alcala, 4° enfin par la situation de l'objet ou du droit, matériel il s’y Üt recevoir docteur, et y enseigna la rhétorique, ou immatériel, sur lequel porte le conflit, par exemple, puis la théologie. 11 alla au concile de Trente comme le droit dc propriété ou d usage dc tel immeuble ou de théologien de Pierre Gonzalvc de Mendoza, évêque tel meuble : le juge du heu, outre qu’il peut ordonner et de Salamanque, et s’y fit remarquer par son érudition prendre certaines mesures conservatoires, est plus en et son éloquence. De retour en Espagne, il fut nommé situation dc s'informer exactement par visites person­ chanoine pénitencier et enfin archidiacre d’Albe. Son nelles, examens, expertises, connaissance des usages principal ouvrage fut une défense du concile de Trente locaux. contre les protestants: Apologia pro sacro et cecumenico concilio tridentino adversus Joannem Fabricium Mon­ Au point dc vue dc In théologie morale, on attache une importance particulière à quelques-unes des divi­ tanum, in-8°, Venise, 1565; Louvain, 1567; Anvers, sions que nous avons indiquées : par exemple, à h dis­ 1574. Mentionnons en outre : Oratio ad Patres habita in sacro concilio tridentino nomine regis Hispaniarum tinction entre le for interne et le for externe. En effet, Philippi 11, pro Claudio Quignonio Lunte comité, d’une part, les pouvoirs donnés pour le seul for interne in-8®, Alcala, 1564; Condones duæ habitir ad synodum ne valent pas pour le for externe : une absolution d'une faute donnée au for interne n’cmpêchcra pas de tridentinam anno MDLXI1, altera dominica san­ ctissima: Trinitatis, altera in natati D. Hieronymi, tenir au for externe le coupable comme toujours lié : le for externe suppose une juridiction externe et sou­ in-8®, Salamanque, 1569. vent une procédure au moins sommaire d ordre pu­ N. Antonio, Ilibllothcca htspana noua, In-fol., Madrid. blic. Tel coupable se sentira lié au (or interne, alors 1788, t. n, p. 194; Merkle, Conditum (ridenttnum. Dtarta, qu’il ne sera pas tenu pour tel extérieurement. Un Fribourg-en -Brisgau, 1911, t. n. p cxx.tr. cxxiv, 562, vœu secret lie au for interne, mais le for externe n’a 567. 680, 681, 688. 696, 706, 859. aucun moyen d’en urger l'application. 11 peut même B. Heubtebize. avoir entre les deux fors, dans la même personne, dc 1. FOR. Ce mot est un terme juridique assez fré­ oulourcux et insolubles conflits. L’ancienne casuis­ quemment employé : on parle souvent de for intente et tique, antérieure à la législation matrimoniale du con­ de for externe, de for pénitcnticl, de for séculier, de for cile de Trente et à la création dc l'empêchement diri­ ecclésiastique; le latin a même des expressions plus mant dc clandestinité, donnait volontiers l'exemple compliquées, quand les canonistes ou les moralistes suivant : une personne, homme ou femme, qui a con­ parlent, par exemple, de /orum fori et de forum poil. tracté d’abord un mariage secret avec un conjoint, D’où vient cc mot, et quel en est le sens précis? Si puis un mariage public avec un autre, doit quitter cet nous le demandions Λ saint Isidore de Séville, il nous autre pour revenir au premier, et subir, s’il le faut, tou­ donnerait les étymologies suivantes, que le Corpus tes les pénalités ecclésiastiques plutôt que de vivre juris a recueillies: Forus -est cxccrcerularum lilium locus dans son mariage public. Voilà bien un cas saisissant a fando dictus, sive a Foronco rege, qui primus Grads de conflit entre la conscience et la loi extérieure, entre legem dedit, c. 10, X. Dc verborum significatione. En le for interne et le for externe réalité, le mot for désigne sans doute étymologique­ De plus, les pouvoirs ou induits accordés pour le ment la place publique, le forum où était rendue la jus­ for interne ne peuvent être employés au (or externe. tice et prononcés les jugements; de là, par métaphore, Le for interne est donc celui de la conscience. On le la justice elle-même ou le tribunal, même immatériel, subdivise encore en for de la conscience et for sacra­ qui rend les jugements, le lieu où s’exerce la juridiction, mentel ou for pénitcnticl; car il n’y a pas confusion et la Juridiction elle-même. Ainsi on a parlé du for dc entre les deux. On peut absoudre quelqu’un, par la conscience, du for ecclésiastique ou séculier, du for exemple, dc l’excommunication encourue pour hérésie, interne et du for externe; du for contentieux, du for au for de la conscience, sans avoir besoin d'absoudre volontaire ou gracieux; du for compétent. nu tribunal dc la pénitence ou au for sacramentel; On n’a pas à insister ici sur cette notion fondamen­ parfois, nu contraire, il est prévu expressément que tale, qu’en faisant dc son Église une société parfaite l’absolution sera donnée au for sacramentel ou péni­ et indépendante, Jésus-Christ lui donnait le pouvoir tcnticl : toutefois, le fait que tel pouvoir dc dispenser dc juger scs membres, ni sur ce que le pouvoir accordé ou d’absoudre est adressé à un prêtre ne prouve pas aux apôtres de remettre les péchés suppose nécessai­ qu’il sera tenu dc ne le fulminer qu’au tribunal de la rement un jugement préalable sur la valeur des actes pénitence. Retenons. do plus, qu’il faut un pouvoir de peccamincux. La collation à l’Église d’une juridiction for externe pour infliger des censures, et que.pour trai­ inclut un for, intérieur ou extérieur, où la juridiction ter quelqu’un au for externe comme ayant encouru sera exercée et la justice rendue. une censure, il faut faire la preuve qu’il l’a encourue. On nomme for compétent le tribunal ou la juridic­ On nomme for contentieux celui qui s’exerce à tion qui a droit dc Juger l’iiffaire ou In série que l’on a l’égard dc personnes en conflit entre elles; tout procès en vue. Les sources de cette compétence sont diver­ appartient au for contentieux : il peut être à ce titre ses. C’est d’abord la qualité: un Juge laïc n’est pas com­ pétent pour poursuivre et juger une personne d’Église, . for criminel (quand il s’agit dc poursuivre un crime) ou for civil (quand il s'agit de saisir un droit ou un bien un clerc, un religieux ou une religieuse. Cette première civil n'est pas ici en opposition avec clerc, mais avec notion acquise, la compétence du tribunal est ensuite 528 criminel). On nomme, par contre, for gracieux l’exer­ cice de la juridiction qui consiste à distribuer des grâ­ ces ou des faveurs, certaines absolutions, des dis­ penses. Est dit for cxtrajudicici la juridiction qui s'exerce sans forme de jugement; extrapénitcnticl celle qui s’exerce hors le tribunal de la pénitence. For séculier désigne la juridiction laïque. Les organes par lesquels s'exerce le for ecclésiastique sont les tribunaux ecclésiastiques pour tout ce qui concerne le for contentieux et proprement judicicl : par exemple, les officialités diocésaines ou métropo­ litaine s, le tribunal de La Bote, celui de la Signature apostolique, et, en certains cas, même des Congréga­ tions de la curie romaine, le Saint-Office, la S. C. du Concile, celle des Religieux; pour cc qui concerne le for non judklel, surtout le for gracieux, la concession des faveurs, indulgences, absolutions, dispenses, un grand nombre d'offices ou de Congrégations romaines et beaucoup d'autres organes delà juridiction publique de l'Église, curie diocésaine, personnes ayant juridic­ tion. Mentionnons la Pénitcnceric qui demeure cornpétenlc pour les concessions de for interne seulement; les concessions de for externe accordées autrciois par la Daterie doivent être demandées à d'autres offices et Congrégations. Voir Dispense. Car il y a lieu de noter que la réorganisation de la curie romaine, opérée par suite de la constitution Sapienti consilio, du 29 juin 1908, a modifié sur plus d’un point les attributions des organismes romains mentionnés par les auteurs anciens. position les clercs coupables d'avoir soumis leur cause, civile ou criminelle, au Juge séculier et non ou tribunal de l'Église. Bien plus, ajoute-t-on, Jamais In empereurs n'avaient accordé aux évêques une juri­ diction pénale proprement dite ni sur les ccclésiasI | tiques ni sur les laïcs, et on en donne pour preuve que des conciles, par exemple, celui de Carthage, de Juin [ I 401, can. 6, Codex canonum Ecclesia: A/ricana, can.ttt, Bruns, op. cil., t. i, p. 171; Hefcle, /7istoire des ron( I cites, t. π, p. 126, réclament l’intervention du pou| voir séculier contre les clercs condamnés par les tri­ bunaux ecclésiastiques, et qui refusent de se soumet­ tre; il n'y avait même pas de privilège pour les minora delicta : tout devait être porté au tribunal séculier, sauf en ce qui concernait les évêques dont les causa étaient toujours réservées nu jugement du synode. Le privilège du for serait donc une création gracieuse de l’État, qui n'a jamais eu, en accordant à l'Église cette faveur, l'intention d’abandonner la moindre parcelle de son pouvoir; ce serait une concession uni­ latérale que l’État peut retirer sans manquer Λ aucune i de scs obligations. Telle est la théorie courante hors I de l’Église, et dont le manifeste scientifique sc lit dans , l'œuvre de juristes comme Edg. Lônlng, Gcschichlt ; des Deutsehen Kirchenrechts, t. i, p. 289 sq.; P. Binschius, Dos Kirchenrechl, etc. | Cette théorie, nous ne pouvons émettre la préten­ tion de la discuter ici point par point : cc serait une étude infinie et qui n'a pas été encore faite dans son ensemble. Bornons-nous à remarquer que les conces■ sions impériales, d'ailleurs historiquement certaines, ■ ne préjugent pas la question de fond; qu’une conces­ Voir les canonistes au traité De judiciis, et les cornsion même gracieuse d'apparence peut être déter­ ni en la tears des Décrétales aux titres De judiciis et De minée par le droit naturel ou le droit des gens, et relej /oro competenti; les moralistes, aux traités des lois et des cen­ ver de tout autre sentiment que de celui d'une bienveil’ sures; de plus, sur la question spéciale du for interne et du lance purement gratuite : ainsi en était-il, à une épo­ for externe, le livre de Max. Gitzler, De fort Interni et extern t differentia et necessitudine, Breslau, 1867. que, du droit reconnu par les empereurs aux Juifs d'avoir leurs tribunaux; qu’à moins de subir visibleI z\ \* î I ï 11 2. FOR (PRIVILÈGE DU). On nomme ainsi le pri­ ment une contrainte, l'autorité qui fait une conces­ vilège en vertu duquel un clerc ou une personne assi­ sion ne la présente jamais que comme un acte de bien‘ milée, dite personne d'Égllsê, ne peut être cité en jus­ veillance toute désintéressée; que tout pouvoir subit tice, au for laïc, devant un tribunal laïc, ni frappé de la tentation de reprendre, un jour, les concessions qu’il peines par le juge laïc. Ce privilège ne vient pas de la a faites, et qu'il y succombe toujours quand le bénéi nature de La cause spirituelle, que l'on pourrait avoir flclairc n'est pas de taille à lui résister; et qu'il en de­ à traiter, mais de l'état de la personne, qui est personne vait être tout particulièrement ainsi de la part de d’Églisc : il n’est pas la récompense de mérites acquis, souverains qui sc réclamaient de traditions aussi pulsI mais une protection s'étendant sur tous ceux qui, santés que celles de l'empire romain; que le retrait de dans l’Église, appartiennent de quelque manière à la ce qu’on nommait des concessions gracieuses ne prouve hiérarchie visible.— I. Origine. II. La loi. III. Les sanc­ donc rien sur l'origine profonde du privilège reconnu j tions. IV. Le Motu proprio Quanlavis diligentia. par ces concessions. l. Origine. — On s’est demandé si le privilège du D’autre part, nous savons que l’Église a été insti­ for est de droit naturel, de droit divin, ou de droit tuée par Jésus-Christ comme une société parfaite, | humain, c'est-à-dire de droit ecclésiastique ou de droit suprême en son ordre, capable de sc suffire à elle-même, civil. Plusieurs ont affirmé que le privilège du for par conséquent capable de juger scs membres, et seule n'est autre chose qu'une concession gracieuse des rois en état de les juger avec compétence, soit le commun ou des empereurs. Après l’édit de Milan, exposent-ils, des fidèles quant aux matières de foi et de discipline, l par suite de l’égalité établie entre la religion chrétienne soit surtout scs ministres qui lui appartiennent tout et l'ancienne religion d’État, les lois de Constantin entiers et dont l'honneur est son honneur propre. A accordèrent aux évêques une juridiction ou un pou­ l’Église seule il appartient de marquer cc qui convient voir de procédure dans les conflits quels qu'ils fussent, de scs exigences envers scs ministres. C'est d’ailleurs quand on recourait à eux, pouvoir que les évêques une pensée qu’exprimait déjà saint Paul, qui s’éton­ exercèrent concurremment avec les tribunaux sécu­ nait de voir des chrétiens, au lieu de juger entre eux liers. Quand une constitution d'Arcadius, du 27 juillet leurs difïércnds, les soumettre aux juges païens. ICor., 398, et une autre d* Honorius, dix ans plus tard, eut vi, 1 sq. Que l’Église n’ait pas toujours eu la possibi­ restreint le pouvoir donné aux évêques, ceux-ci vou­ lité d'exercer son droit dans la pratique quand elle lurent au moins se réserver exclusivement les causes n’était pas aidée par le pouvoir séculier; que l’État, soit dans le Bas-Empire, soit dans les pays francs, ait des clerc*. Us avalent déjà préparé leur action dans cc plus d’une fois mis gracieusement à sa disposition le sens. Il avaient pris, au concile d’Hippone de 393, une décision qui nous est parvenue à la suite des ca­ bras séculier afin de l’aider à exécuter scs sentences, et qu’il s’en soit glorifié comme d’une action généreuse; nons du concile de Carthage, de 397, Bruns, Canones apostolorum et conciliorum, 1.ι, p. 121, conci l. Carthag., que, surtout après la renaissance du droit romain et la vogue nouvelle des principes césaricns, les États m. c. 9; Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, chrétiens eux-mêmes s· soient efforcés de restreindre t. u, p. 87, can. 13 d Hippone, et qui frappait de dé­ 529 FOR (PRIVILEGE DU) l'exercice exclusif par l'Église de sa Juridiction sur les clercs : ce sont IA des faits qui ne détruisent aucun des principes par lesquels l’Église revendiquait le droit de juger seule scs ministres et ses clercs, soit nu civil, soit nu disciplinaire ou au criminel. Bien ne nous donne donc le droit de penser que l’Église se trompe quand elle affirme que le privilège du for a son origine non dans une concession de l’État, mais plutôt dans une collaboration du droit humain et du droit divin. C'est cc qu'affirmait déjà le pape Boniface VIII, dans le c. Quampiam, De censibus, dans le Sexte, où il disait de l’immunité tant réelle que per­ sonnelle : Cum ecclesia cedes iasticaque persona ac res ipsarum non soluni Jure humano, quinlmo et divlno, a sacutarium personarum exactionibus sint immunes; cc qu’enseignait le concile de Trente, disant aussi : Ecclesia d personarum ecclesiasticarum immunitatem. Dei ordinatione et canonicis sanctionibus constitutam, sess. xxiii. c. xx, De reform.; ou le concile de Latran de 151G : superna dispositionis arbitrio d cum a jure tam divino quam humano laicis potestas nulla (n ecclesiasticas personns attributa sit. Cet enseignement officiel de l'Église est le seul qui nous explique la dis­ cipline ancienne où nous voyons le prêtre jugé par scs pairs, les paroles que les historiens mettent sur les lèvres de Constantin disant aux Pères du concile de Nlcéc : Vos a nemine judicari potestis, quia solius Del judicio reservamini. Dii enim estis vocati, d idcirco non potestis ab hominibus judicari, can. Continua, caus. XI, q. i, les nombreux textes des conciles ou des papes qui affirment qu’on ne peut poursuivre un cicrc devant un juge séculier. Cf. ibid., caus. XI, q. i, can. 6 (du concile de Mâcon, de 581, c. 8), can. 11 (du concile de Car­ thage de 407), can. 12 et 13, du pape Gélasc (fin du v· siècle), can. 15 et 16, du pape Pélagc, can. 38, 39, 41, de saint Grégoire le Grand, can. 42, 43, 46, etc. Nous comprenons comment l'Église doit à scs tradi­ tions les plus anciennes de soutenir son droit d'immu­ nité pour la personne de ses clercs contre les pouvoirs séculiers, et de montrer une énergie qui ne faiblit pas, puisqu'elle a renouvelé doctrinalement ses revendica­ tions encore en condamnant les propositions 30 à 32 du Syllabus : elle a déclaré là une fois de plus que l’im­ munité de l’Église en général et des personnes ecclé­ siastiques ne tire pas son origine du droit civil; elle a déclaré en même temps pour l’avenir que le for ecclé­ siastique pour les procès temporels des clercs, soit nu civil soit au criminel, ne doit pas être aboli même sans consulter le Saint-Siège, etc. II. La loi. — Précisons avant tout sur quoi s’é­ tend cc privilège. Il ne s’agit pas seulement des causes spirituelles de leur nature : qu'elles soient soustraites au jugement séculier, et que le pouvoir laïc n’ait au­ cune compétence sur les questions de pure doctrine, de fol ou de dogme, d’administration des sacrements, de liturgie, c. Decernimus, X, De judiciis, c’est ce que tous les rois ou potentats n’ont sans doute pas toujours compris, non plus que certains hérésiarques, mais ce qui ne fait plus aujourd’hui aucun doute. Que soit de même réservée au jugement de l’Église la décision des causes annexes aux causes spirituelles, comme celles de droit de patronat, et tout ce qui concerne les biens d’Église, c’est cc qu'affirment, contre certaines entreprises, plusieurs autres textes, comme le c. Quanto, X, De judidis;lc c. Ecclesia sancta Maria, X, De con­ stitui. Mais cc que l’on étudie surtout sous le nom de pri­ vilège du for, c'est le privilège qui protège la personne même des clercs, soit en matière criminelle, soit en matière civile, c'est-à-dire soit qu'il s’agisse d'un juge­ ment dont la conclusion serait une peine à infliger, soit d’un jugement qui porte sur une question de pos­ session ou de propriété d’ordre séculier «t concarnant 530 un ch-rc. En ces matières, soit civile soit criminelle, 1· discipline ne parait, de prime abord, que l'application du principe : actor sequi debet forum rd, c. Si clericus, X, Dr /oro competenti : c'est devant le Juge du défendeur ou de l'inculpé que le demandeur doit poursuivre son adversaire. C’est d’ailleurs là un principe du droit universel que toute législation se targue de protéger, même quand elle s'essaie à le tourner par des excep­ tions. On ne peut donc poursuivre un clerc que devant son juge. Le Juge d’un clerc ne pouvant être» on l'a vu plus haut, que le juge d'Égllsc, tout autre juge est donc incompétent. C'est en matière criminelle que la loi a été surtout affirmée. La société chrétienne n'est pas une démo­ cratie égalitaire, elle est une société inégale et orga­ nisée où les clercs sont au dessus des laïcs; les minis­ tres de l’Église commandent, les fidèles, qui sont les laïcs, obéissent. Soumettre les clercs au jugement des laïcs serait le renversement de l'ordre, le renversement de la hiérarchie. Dans la milice spirituelle pas plus que dans l'autre ce n'est le soldat qui juge ses chefs, les officiers. L’énoncé, renseignement de cette conception se retrouve mainte fois dans les textes canoniques, et on le constate déjà dans les actes d’un concile romain de 501, où, parlant d’un décret de Théodoric sur l’éleo tion du pape, les évêques en déclarent la nullité, parce que, disent-ils, non licuit laico statuendi in eedrsia... cui obsequendi manet necessitas, non auctoritas impe­ randi, c. 3. Bruns, op. cit., L n, p. 297, et dans Gmtien, can. 1, disL XCVI. Cette formule si nette, le pape Inno­ cent III la reprendra dans le c. Ecclesia sanetx Maria, X, De constitut., quand 11 écrira : nus, attendentrs quod laids, etiam religiosis, super ecclesiis et personis eccle­ siasticis nulla sit attributa facultas quos obsequendi manet necessitas, non auctoritas imperandi; et c’est ce que marquait plus particuliérement au point de \ue criminel la décrétale At si clerici, K, De judiciis, dans une hypothèse très suggestive, celle où le clerc aurait avoué sa faute devant le Juge laïc : son aveu, bien que fait en justice, n'a pour la justice ecclésiastique aucune conséquence : si clerici coram saeculari judice convicti fuerint vel confessi de crimine, non sunt propter hoc a suo episcopo aliquatenus condemnandi. Sicut enim sententia a non suo judice lata non tenet, ita et facta confessio coram ipso. Du même principe on fait l’application pour les causes civiles. On l’a vu plus haut par le c. Ecdesia sancta Maria, on le voit aussi par le c, Qualiter d quando, X, De judiciis : Price i pialis ex parie nostra pralatis ut laicis de clericis conquer entibus plenam faciant justitiam exhiberi... ne pro defectu justitia cle­ rici trahantur a laids ad judicium saculare,quod omnino fieri prohibemus. L’Église tient à celte discipline au point que ceux de ses clercs qui accepteraient de faire traiter leur cause devant le juge séculier seront punis. C. Si diligenti, X, Dr /oro competenti. Enfin, sous le nom de clerc bénéficiant du privilège, on entend non seulement les prêtres, les diacres jus­ qu’aux minorés et aux tonsurés, et les corps ecclésias­ tiques composés de ccs clercs, c. Cum continual, X, De retate et qualitate praflciend. (sauf ceux qui seraient exclus, en conformité avec le décret du concile de Trente, sess. xxtv, c. vî. De reform.), mais encore les religieux et religieuses de tout ordre ou congréga­ tion approuvés par l'Église, et même les noxlccs, ά qui renseignement commun u étendu ccttc faveur, C. Hdigioso, § 1, De sentent, excomm., dans le Sexte; BeifTenstuel, De foro competenti, § 9, n. 191 ; Pial, Prielectlones juris regularis, part. II, c. il, De nonittatu, a. 4, q. IV. Ce privilège est un privilège attribué au corps ecclé­ siastique plutôt qu’aux personnes; Il n'appartient donc pas aux individus d’y renoncer C. Si diligenti, et 531 FOR (PRIVILÈGE DU) c. Significasti. X, De /oro competenti. Le pape luimême, selon l'enseignement des auteurs, ne pourrait ni le supprimer ni en dispenser totalement, bien qu’il en puisse dispenser pour des lieux et des personnes déterminés. De même, l'évêque ne pourrait en dispen­ ser que dans les causes civiles, non en vue des causes criminelles. De /Xngelis, Prudcctioncs juris canonici, I. Π, tit. π, § 5, η. 3 sq. ΙΠ. Les sanctions. — Une sanction est nécessaire pour aider à l’observance de toute loi. Pour celle-ci les sanctions ne manquèrent pas. Le c. .ST diligenti men­ tionne déjà les sanctionsport écs par les conciles de Mllèvc(en réalité il s’agit du Ul’concilcde Tolède, can. 13) et de Carthage (397), can. 9, caus.XI, q.T,c. 42,43, et il les applique, en disant des clercs qui acceptent derépondre devant le tribunal séculier : locum suum amiltant, et hoc in criminali actione : in civili vero perdant quod evicerint. On dut aller plus loin. En des temps où la législation séculière reconnaissait le privilège du for au moins dans une certaine limite, des juges, soit d'euxmêmes. soit à l’instance des parties, s'arrogeaient le droit de citer les clercs à leur tribunal : la bulle Came, c. 15, punissait d'excommunication tous ces juges qui, coram sc, ad suum tribunal... prætcr juris canonici dispositionem trahunt, vel trahi faciunt, vel procurant directe vel indirecte, quovis quxsito colore... Cette sanc­ tion dura jusqu'en 1869. Les Immunités ecclésiastiques étaient de moins en moins reconnues dans la législation, spécialement le privilège du for; il n’était meme plus mentionné, sauf peut-être dans certains concordats, comme le concordat autrichien de 1855, où le pape y avait dérogé en concédant que les clercs fussent, au criminel comme au civil, justiciables des tribunaux séculiers. Partout, sans le dire ni en faire contrat avec l’Église, les tribunaux de l’État se réservaient la con­ naissance de toutes les causes. Il fallait donc pourvoir à celte situation nouvelle, en punissant, non les juges liés par la loi qu'ils ne pouvaient refuser d'appliquer, mais ceux qui contraignaient les juges à en agir ainsi. Aussi, dans la constitution Apostoticœ Sedis, parmi les excommunications latte sententiæ dont l'absolution était spécialement réservée au pape, on en Inséra plu­ sieurs qui punissaient la violation du privilège du for, et tout spécialement la septième, qui a trait plus direc­ tement à notre sujet : Cogentes sive directe sive indi­ recte judices laicos ad trahendum ad suum tribunal per­ sonas ecclesiasticas prater canonicas dispositiones. Cet article souleva de nombreuses discussions. Plu­ sieurs, représentants trop serviles dr la tradition, pen­ sèrent que sous le mot cogentes il fallait entendre aussi les juges : ils n'avaient pas compris que les juges, vic­ times eux-mêmes de coaction, ne méritent pas cette peine. D’autres sc demandaient s'il fallait y inclure tous les demandeurs qui recouraient à un juge laïc contre une personne d’Église et le contraignaient en un certain sens à citer cette personne à son tribunal. Une première réponse du Saint-Office déclara tout aussitôt que les juges étaient évidemment hors de cause. La S. C. écrivait, en effet,le ltr février 1871, au vicaire apostolique de Mysore : in ea formula attendere debes verbum cogentes, quod sane indicat excommunicatio­ nem eos non attingere qui subordinati sint, etiamsi ludlets fuerint, sed in eos lanium esse latam, qui, a nemine coacti, vel talia agunt, vel alios ad agendum cogunt, quos etiam indulgentiam nullam mereri facile perspicies. Collectanea S. C. de Propaganda fide, 1907, n. 1364. La conclusion était donc que le juge (il s’a­ gissait de juge proprement dit et non de la juridic­ tion administrative) saisi, soit par l'autorité supérieure, soit par un particulier, d’une plainte contre un clerc, tt poursuivant le clerc conformément à la loi, ne tom­ bait pas sous le coup du c. Co genfes. Cette excommuni­ cation n’atteignait que ceux qui contraignent le Juge. 532 Mais encore, qui était désigné par ce mot co génial les pouvoirs publics? ou aussi les personnes privées? L’une et l’autre opinion fut soutenue. De bons aulcun enseignèrent qu’on devait comprendre, nu moins I sous le cogentes indirecte, tout individu qui, dénonçant le crime d'un clerc, eu portant contre lui une accusa­ tion ou une réclamation auprès d’un juge laïc, oblige ce juge laïc à citer le clerc à son tribunal. Cette opi­ nion sévère ne fut pas celle de l'autorité ecclésiastique suprême, c’cst-à-dirc du Saint- iège. Le 23 janvier 1886, en effet, une circulaire du Saint-Office rappelait authentiquement que le c. Cogentes n'atteint que les législateurs et autres autorités qui obligent directe­ ment ou indirectement les juges laïcs à citer à leur tri­ bunal les personnes d'Églisc... caput Cogentes non afficere nisi legislatores et alias auctoritates cogentes sive directe sive indirecte judices laicos ad trahendum ad suum tribunal personas ecclesiasticas præter cano­ nicas dispositiones, et cette déclaration, confirmée par le pape, était envoyée d'office à tous les ordi­ naires. Les particuliers même clercs n’étant pas des « autorités » n'étaient pas visés par l’excommunica­ tion : nous en trouverons vers la fin de cette circulaire une nouvelle preuve. Toutefois, là où il n’avait pas été dérogé au privi­ lège du for, l’interdiction demeura pour les particu­ liers aussi de poursuivre les clercs devant les tribu­ naux séculiers. Et comme, d'autre part, dans l’état presque universel de la législation civile, les particu­ liers ne peuvent actionner utilement les clercs soit au criminel soit au civil devant les tribunaux ecclésias­ tiques, il fallait pourvoir à cette situation de telle sorte que les principes canoniques sur le privilège du for fussent sauvegardés. C’est ce que fit aussi le même décret. Dans ce cas, on était tenu de s’adresser d’abord à son évêque afin de lui demander la per­ mission de poursuivre devant le juge laïc, et celte permission, continue le décret, l'évêque ne la refu­ sera jamais, surtout quand il aura lui-même travaillé en vain à concilier les parties : Ceterum in iis locis, (n quibus fori privilegio per summos pontifices deroga­ tum non fuit, si in cis non datur jura sua prosequi nisi apud judices laicos, tenentur singuli prius a proprio ipsorum ordinario veniam petere ut clericos in forum taicorum convenire possint, eamque ordinarii nunquam denegabunt, tum maxime cum ipsi contro­ versiis inter partes conciliandis frustra operam dede­ rint. On ne pourra poursuivre les évêques qu’avec la permission du Saint-Siège. Enfin, si un particulier avait l'audace de poursuivre un clerc sans la permission de l'ordinaire, ou l’évêque sans la permission du Saint-Siège, à défaut de l’excom­ munication latæ sententiæ, qui n'était pas encourue, le demandeur s'exposait, surtout s’il était clerc, à des peines ferendæ sententiæ : Et si quis ausus fuerit trahere ad judices laicos vel clericum sine venia ordi­ narii, vel episcopum sine venia Sanctic Sedis, in pote­ statem eorumdem ordinariorum erit in eum, præsertim si fuerit clericus, animadvertere panis et censuris ferendx sententiæ, uti violatorem privilegii fori, si id expedire in Domino judicaverint. Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 1652. De soi, ces concessions, surtout la permission don­ née par l'ordinaire, ne visaient que les causes civiles, la doctrine commune enseignant que. si l’évêque peut confier au juge laïc une cause civile contre un clerc, il ne le peut une cause criminelle ni une cause spiri­ tuelle : non potest [laicus ] ex delegatione episcopi causas spirituales tractare nec excommunicare... Causam autem civtlcm laieis episcopus committere potest. Glose, au mot Prater romanum, c. Pene quidem, dist XCIV. Cf. Glose, au mot Concedimus, c. Pervenit, dist. XCV. Mais let nécessitée sodales exigeant plu·, on y a pourvu 533 FOR (PRIVILÈGE DU) par des Induits permettant ηητ évêques de déléguer aussi aux hue» les causes criminelles ft celles qui se rapportent aux biens d'Églisc et aux legs pieux, lors­ que leurs ellorts pour amener une conciliation sont restés sans eilet utile. Nous avons sur ce point parti­ culier non seulement le texte de l'induit, mais une réponse de la lïmlvnccrlc à l'évêque de Conversano (Mgr Gcnnari), du 27 février 1880. Voir la bibliogra­ phie. Voilà donc quelle était la discipline à la suite de la constitution ApostoUcæ Sedis. Le privilège du for était maintenu dans les revendications de l’Église. Les juges et leurs auxiliaires ou mandataires, huis­ siers, greffiers, ministère publie, etc., ne tombaient pas sous le coup de l’excommunication. Les législa­ teurs et autres autorités l’encouraient. Les particu­ liers ne l’encouraient pas; mais, s'ils violaient le privi­ lège sans avoir demandé chacun à son ordinaire l’au­ torisation de poursuivre, l’ordinaire pouvait les punir — il n’y était pas tenu — de peines ferendæ sententiæ. Il n'était pas requis, pour tomber sous le coup du c. Cogentes, que le clerc eût comparu, s’il avait été cité. Le texte du c. Cogentes contenait ces mots : præter canonicas dispositiones, qui Indiquent donc des exceptions possibles à la loi générale, et laissent sup­ poser des cas où la loi de l’Église elle-même permet­ trait de citer un clerc devant les tribunaux séculiers. Ces dispositions canoniques sont avant tout celles pré­ vues par le concile de Trente, sess. xxiv, c. vi, De reform., et par divers autres chapitres du droit sur le clerc déposé, le clerc dégradé, le clerc Infâme, qui sont de droit commun. Ces dispositions sont ensuite divers concordats, par exemple, celui de 1818 entre Pic VII et Ferdinand Ier, roi des Dcux-Sicilcs, tou­ chant spécialement les causes civiles des clercs, a. 20; celui du 1er avril 1817, pour la Bavière; celui du 18 août 1855 avec l’Autriche (abandon aux tribunaux séculiers des procès civils intéressant les clercs, et même, avec certaines réserves, des procès criminels); celui du 31 décembre 1887 avec la Colombie, a. 8 et articles additionnels 1-14. Canoniste contemporain, 1890, p. 546 sq.; 1893, p. 163 sq. Dans tous ces cas, c’est l’Église clic-même qui délègue volontairement son pouvoir aux juges laïcs, dans la mesure prévue par chaque concordat : les demandeurs n'encourent donc aucune excommunication cl ne s’exposent à aucune peine en citant les clercs à comparaître devant les juges séculiers. Mais la loi écrite n’est pas la seule que reconnaisse le droit canonique : le titre De consuetudine, dans les Décrétales, montre que la co. tume dans certaines con­ ditions devient une source· du droit, obtient une valeur canonique légitime. Sans doute, pour produire ces eiTcts. la coutume ne doit pas être déraisonnable ni des­ tructrice du droit : mais, comme le faisait justement observer le P. Worn?., S. J., alors professeur de droit canonique au Collège romain, on ne peut décla­ rer déraisonnable une dérogation au privilège du for que le pape permet : Quod enim temporum ratione habita romanus ponti/ex non paucis regionibus con­ cessit, profecto nequit esse praxis irrationabilis, licet sit minus perfecta et favorabilis Ecclesia; at etiam in aliis regionibus eadem possunt vigere circumstantia, ergo rationabilitas sive prima légitima: consuetudinis con­ ditio non deest. Qua conditione posita multo facilius habetur altera, quod consuetudo debeat esse legitime præseripta. Comm, preelect, de judiciis civilibus, Rome, 1889, p. 260. Ιλι seule difficulté, dans les pays qui ne pouvaient sc prévaloir d’un concordat où la déroga­ tion nu privilège du for fût énoncée en termes exprès, était de décider si la coutume contraire à ce privilège existait, et si elle était assez ancienne pour ctre légi- 534 tlmcment prescrite et pour faire droit Le principe lui-même était bien assuré, et il faut bien dire qu’en pratique il y avait peu de pays où le fait de citer un clerc, soit au criminel, soit surtout au civil, devant un Juge laïc» suscitât une protestation de la part des évêques, sauf en certains cas très spéciaux où il s’agissait, par exemple, de causes spécifiquement ecclésiastiques ou spirituelles. Quant aux témoins, on savait qu'un clerc ne peut comparaître comme témoin devant un tribunal sécu­ lier, et que c'est une conséquence du privilège du for. De nombreux textes l'affirment, et ils ajoutent que si son témoignage est nécessaire. Il le donnera volontai­ rement devant son évêque qui le transmettra au juge laic, can. Testimonium, caus. XI, q. i; can. Quanquam, caus. XIV, q. n; mais le clerc ne déposera pas devant le juge laïc. Didum Gratiani avant le can. Nullus, cans. XXII, q. v, et ce can. Nullus lui-même. Les moines sont soumis à la même interdiction, à moins qu’ils n'aient la permission de leurs supérieurs. La loi, donc» n’est pas douteuse : ce qui pouvait manquer à l’authenticité et à l’autorité des textes insérés par Graticn, les Décrétales le suppléèrent par de nouveaux textes, en particulier le c. Inhérentes, X, De juramento calumniæ, qui est le texte essentiel et qui, après avoir rappelé b législation sur le serment des clercs, se résume lui-même en ces quelques mots : ut episcopus, inconsulto romano ponti/ice, aut quisque clericus incon­ suto prælato suo minime jurare audeat. D’autre part, puisque le clerc ne pouvait porter témoignage en jus­ tice sans l’autorisation épiscopale, les Congrégations romaines faisaient à l'évêque un devoir de permettre que les clercs apportassent leur témoignage aux juges laïcs. S. C. des Évêques et Réguliers, 14 avril 1616, in Ti/ernilan.; 19 juillet, in Placentina; S.C. de l’immu­ nité, 5 mai 1637, in Aquitana. Jusqu’à quel point cette loi continuait-elle d’être appliquée en pratique? Dans la mesure où soit un concordat soit la coutume n’y avaient pas dérogé : ce serait l'objet d'un examen à instituer dans chaque diocèse. Tout ce que le clerc cité devant un tribunal laïc faisait, c’était, au maxi­ mum, de demander à l’évêque une permission qui n'était jamais refusée et qui ne pouvait pas l’être. IV. Le Motu proprio qv »mavis diligi stia.— Telle était la doctrine et la disdpfinc quand parut le Motu proprio Quantavis diligentia, daté du 9 octobre 1911. Le pape y rappelait d'abord qu'aucune loi n’est parfaite et que les meilleures ne peuvent sc passer de commentaires authentiques;puis, faisant allusion aux réponses données parle Saint-Siège sur le sens du mot cogentes, il déclarait que de nos jours, en un temps où l’on voit citer même des évêques et des cardinaux devant la curie séculière, afin de contenir par la sévé­ rité de la peine ceux que la gravité de la faute n’arrête pas : toute personne privée, laïc ou clerc, homme ou femme» qui, soit en cause criminelle, soit en matière civile, citerait et contraindrait à comparaître publi­ quement devant un tribunal séculier n’importe quelle personne ecclésiastique sans aucune permission de l'autorité ecclésiastique, encourra l'excommunicatioi latæ sententiæ spécialement réservée nu souverain pon­ tife : Nunc vero in hac temporum iniquitate, cum eccle­ siastica' immunitatis adeo nulla solet haberi ratio ut, non modo clerici et presbyteri, sed episcopi etiam ipsique S. R. E. cardinales in judicium laicorum deducantur, omnino res postulat a nobis, ut quos a tam sacrilego facinore non deterret culper gravitas, eosdem panse severitate in officio contineamus. Itaque hoc nos motu proprio statuimus atque edicimus : quicumque privato· rum, laid sacrive ordinis, mares feminæœ, personas quasvis ecclesiasticas, sive in criminali cuusa sive in civili, nullo potestatis ecclesiastica· permissu, ad tribunal luteorum voecni, ibique adesse publice compellant, eo 535 FOR (PRIVILEGE DU) 536 diam omnes In excommunientlonem tatæ sententiæ de Bote Fr. Heiner avait enseigné · clair et net » dam 1 speciali modo romano pontifici reservatam incurrere. un article de la Gazette populaire de Cologne, dit-il Acta apostolicæ Sedis, 1911, p. 555-556. lui-même, que le Motu proprio ne s’appliquait pas à On volt aussitôt quel fut l'apport de cc Motu pro­ l’Allemagne, parce que le privilège du for y avait été ! prio à la discipline ecclésiastique. Les premiers mots abrogé par la coutume contraire. Le cardinal secré­ déjà paraissaient indiquer que Ton sc trouvait moins taire d’Etat déclara, selon l’exposé autorisé de I’Ojwt· en présence d'une loi nouvelle que d’un commentaire vatore romano, du 16 décembre 1911, « que les princi­ nouveau, authentique comme les précédents, et des­ pes de droit canonique développés dans l’article bien tiné à les compléter. L'occasion en était suscitée, d’une connu de Mgr Hclncr sur le Motu proprio Quantaiïi manière évidente et avouée, par un procès retentis­ diligentia et sur la dérogation au privilegium /ori par sant et scandaleux plaidé à Home quelque temps au­ le droit consuétudinaire sont conformes aux doctrines canoniques de l’Églisc. Par conséquent, le Motu proprio paravant. et où des évêques et même des cardinaux avaient été cités, non comme inculpés, mais comme susdit ne concerne pas l'Allemagne. » Quelque temps après, la même Sccrétairerir d'État déclarait que · le témoins. Le rappel de ces faits devait servir de lumière Motu proprio n’est applicable que dans les pays oû pour éclaircr le texte et en diriger le commentaire. l’ancien privilège de juridiction existe encore pour les On voit donc dès maintenant l’objet précis du Motu ecclésiastiques. En Belgique, ce privilège est abrogé proprio. C’était de confirmer la loi ancienne et d'obte­ par une pratique constante contraire, plus que sécu­ nir par des moyens plus énergiques le respect dû au laire. 11 est donc évident... que le principe invoqué pri ge du for. Là où la circulaire du Saint-Office de pour l’Allemagne reçoit également son application en 1886 n’avalt prévu que des peines ferendœ senteniiæ re­ Belgique. » 11 ne semble pas que la France soit, à ce mises au gré de l'ordinaire, le Motu proprio étendait les point de vue, dans une situation différente de la Bel­ coups de l'excommunication latte sententiæ qui n’attei­ gique, et si l'état de ses relations diplomatiques avec gnait jusque-là que les législateurs et les « autres auto­ la papauté avait permis de poser au secrétaire d’État rités ·. Im circulaire avait déclaré que les évêques ne les mêmes questions, il est infiniment probable que devaient jamais refuser la permission de poursuivre un clerc devant le juge laïc; le Motu proprio déclare, sans la réponse eût été identique. Nous terminerons par une simple question morale. aucune restriction, que citer un clerc à comparaître Un clerc qui ne voudrait pas s’exposer à des censures sans que l’on ait obtenu préalablement la permission ecclésiastiques en poursuivant un autre clerc et qui, de l’autorité ecclésiastique fait encourir l'excommu­ d'autre part, ne voudrait pas non plus sacrifier ses nication du c. Cogentes. droits en abandonnant une cause qu’on lui interdit de Le Motu proprio va plus loin. Les commentateurs poursuivre, pourrait-il sans crainte et en toute sûreté du c. Cogentes ne parlaient guère des témoins et de de conscience céder son droit à un laïc qui poursuivrait leur convocation devant un tribunal séculier, sinon en son propre nom? La question avait été posée à h dans h forme indiquée ci-dessus: le Motu proprio éten­ S. C. de la Propagande, qui répondit, le 6 septembre dait la peine de l’excommunication sur ceux mêmes 1886, que, si le cicrc, ayant demandé la permission de qui sc bornaient à citer devant les tribunaux séculiers son ordinaire et ne l'ayant pas obtenue, fait cette ces­ des clercs comme témoins. Cette dernière conclusion ne sion, Il est soumis à toutes les décisions prises contre fut pas, de prime abord, admise par tous, tant elle les clercs qui recourent ad judices laicos et qu'on le paraissait aggraver la discipline traditionnelle. Elle fut considère comme agissant in fraudem legis. Colle­ mise bientôt hors de doute par une réponse authenti­ ctanea S. C. de Propaganda fide, 1907, η. 1663. que adressée du secrétariat du Saint-Office à l’évêque Enfin, une autre décision de la Propagande, du de LarinO, dans les premiers mois de 1912. L’évêque 6 juin 1796, déclare que, lorsqu'un clerc a reçu h avait demandé: « 1° Est-il permis, sans lu permission de permission de déposer au criminel contre une personne l’autorité ecclésiastique, et par conséquent sans encou­ quelconque devant un juge laïc, il doit préalablement rir la censure portée par le Motu proprio Quantavis di­ faire la protestation ad normam sacrorum canonum. ligentia, de sc constituer partie civile dans une cause Ibid., η. 630. 11 s'agit ici, non de témoins, mais d’accu­ pénale d’action publique contre une personne ecclé­ sateurs, et de la protestation prescrite par le célèbre siastique? 2° Est-il permis, comme ci-dessus, de citer c. Prælatis, De homicidio, dans le Sexte : que le com­ devant le for laïque les ecclésiastiques pour qu’ils parant n'entend point demander contre le coupable déposent comme témoins, soit dans les causes civiles mutilation ou peine de mort. Quant aux témoins cités soit dans les causes pénales? » Le pape ordonna de par le juge, ils n'ont pas, dit d'Annibalc, l'obligation répondre : Ad utrumque negative. Canoniste contempo­ rain, 1912, p. 354. Et les canonistes dont cette réponse légale d’émettre cette protestation. confirmait les vues notaient, en eflet, que les mots du Motu proprio : ...vocent [ad tribunal laicorum^ ibique Sur l’histoire du prlutleglum fort, nous n’avons guère à adesse compellant, étaient trop compréhensifs pour citer au point de vue catholique que Thotnassln, Ancienne ne viser que la citation d’un clerc à titre d’inculpé. et nouvelle discipline, HP parile, 1. Ier, c xxxm sq ; la Sur cc point, l’accord fut fait bientôt. théorie adverse est exposée dans Edgard Lônlng. Gcschithle des Deulschen Klrchenrcehts. Strasbourg, 1878. qui en est La discussion fut plus vive sur une autre question. le livre fondamental. L’exposé proprement canonique est Lu publication du Motu proprio changeait-elle quelque dans tous les canonistes un peu considérables. Schmnlzgruechose en ce qui concernait les dispositions canoniques ber, ItciiTcnstucl, Pirhing, nu titre De foro competenti; et. provenant des concordats ou de la coutume légitime­ aussi les modernes, Santl, De Angells, ibid Pour l’époque ment prescrite auparavant?Les pays où. soit en vertu depuis In constitution Aposlolica Sedis, les commentateurs de concordats, soit en vertu de la coutume, on pouvait de ccttc constitution. d’Annibnle, Biiccrronl, Téphnny, etc., poursuivre un clerc devant les tribunaux séculiers sans *t tout particuliérement une excellente consultation du îardlnnl Gcnnari. Consultations de droit canonique, consult, encourir aucune peine, ccs pays pouvaient-ils sc pré­ iv (trad. Boudlnhon. t. i, p 41-57) et consult, χχχι, p. valoir des mêmes droits après le Motu proprio commo 220 sq. Pour le commentaire du Motu proprio Quantauis, le auparavant? On discutait ferme, ou même âprement, Canoniste contemporain, 1911. p. 697 sq.; 1912. p 297. pour et contre, dans les revues, les journaux et même 354 sq., articles de M Boudlnhon; dans VArchlu fur kalhe terme Immediate, ajouté par Pic IX aux déclarations du concile de Vienne, est dirigé plus spé­ cialement contre l’erreur de Gunther, dont il sera question plus loin, mais n’ajoute rien au sens de la définition du concile de Vienne. IV, POSTÉE DK LA DÉFINITION CONCILIAIRE.— H ne faut donc pas exagérer la portée dc cette définition. Ix concile devienne n’envisageait que le fait dcl’union dc l’âme ct du corps dans une seule nature.Sans doute, en appliquant à l’âme le terme dc forme, dans le son* généralement accepté par les théologiens du xm· ct du xiv· siècle, il a précisé le rapport, depuis longtemps admis dc tous, dc l’âme au corps; l’âme est l’élément spécifique ct pcrfectif» le corps» l’élément perfectible; mais il s’est interdit dc préconiser un système phllosophiaur de préférence à un autre; h s’est même abstenu d’employer le terme forme < substantielle », qui eût pu paraître emprunté au système péripatétiden. 11 est donc faux d’affirmer que cette déflnillnn, · qui nous garantit la certitude scientifique dc la théorie de la matière et de la forme des corps en général, nous ga­ rantit également la certitude scientifique de la théorie dc la matière ct dc la forme dans les diverses espêos dc natures. » La philosophie du concile de Vienne, par un ancien directeur dc grand séminaire, Paris, 18X9, p.39. Nous ne nions pas que tel système s'accorde (dus logiquement avec la définition, nous nions simple ment que le concile ait entendu imposer un système dc pré­ férence à un autre. D’ailleurs, Pic IX lui-même a déclaré que toute liberté restait aux savants chrétiens d’adopter lo système philosophique qui leur plairait. Ayant félicité publiquement, par un bref en date du 23 juillet 1874. le Dr Travaglini d’avoir fondé une académie philnsophlco-médicale, où le système thomiste de la matière ct dc la forme était enseigné, le pape s’expliqua dans une lettre, adressée en son nom, le 5 juin 1877, par Mgr Czacki à Mgr Hautcœur, rcctcur dc l’université I catholique dc Lille, sur la portée dc ccs félicitations, i ct, en général, des décisions de l’Église relatives Λ l’union de l’âme et du corps. Ce document a ici sa place marquée» au moins dans scs deux affirmations essentielles; on le trouvera intégralement reproduit dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 1877, t. n, ! p. 85, ct dans Zigiiara, op. cit., p. 191 sq. Le bref au I Dr Travaglini a été également reproduit par Zigiiara, op. cit., p. 190. Voici les déclarations pontificales : L Graviter abuti litte­ ris a Sanctitate Sua die 23 Julil 1874 ad doclorcm Travaglini datis, quibus opus ab eo susceptum com­ mendatur, eos omnes qui exinde contendunt. San­ ctitatem Suam voluisse per eam commendationem im­ probare systemata quædam philosophica illi opposita, quod de nuit crin prima ct substantiali forma corpo­ rum Idem doctor cjusquo socii adoptarunt; si qui­ dem h«*c alia systemata, non secus atque lilud. non modo pluribus catholicis doctisque viris probatur, sed etiam In hac Ipjui Urbe principe catholici orbis In pnrclpuls Athenæis ponti­ ficiis usu recepta sunt. I. Ils abusent gravement des lettres adressées, le 23 Juillet 1874, par Sa Sain­ teté au docteur Travaglini pour louer l’œuvre entre­ prise par lui. tous ceux qui prétendent en conclure que. par cet éloge. Si* Sainteté désapprouve certains sys­ tèmes philosophiques oppo­ sés ù celui quecc docteur ct ses associés ont adopté sur la matière première ct la forme substantielle des corps : car non moins que ce dernier, ces autres systèmes sont approuvés par plusieurs savants catholiques ct mê­ me ils sont suivis dans les principaux Instituts ponti­ ficaux do cette ville capitale du monde catholique. 551 II. Ad systemata Isla alla scholarum catholicarum improbanda merito pro­ ferri nrquaqunm posse lit­ teras α summo pontifice datas ad eminentisslmum card, archirpiscopum (x>loniensem, vel nd reverendis­ simum episcopum VratlsUviensem, nllave Ecclesia» decreta et definitiones; ea namque documenta per­ tinent tantummodo ad do­ cendam unitatem substan­ tialem humanir naiurtr, quK duabus constat substantiis partialibus corpore nempe et anima rationali, ad coque h n eadem documenta spe­ ctant ad doctrinam theo­ logicam ; dum «r con troversbr... doctrinas mere phi­ losophicas respiciunt, super quibus catholioc schola; diversas sententias sequun­ tur et sequi possunt. FORME DU CORPS HUMAIN II. Pour désapprouver ces autres systèmes des écoles catholiques, on ne saurait légitimement invo­ quer les lettres écrites par lo souverain pontife Λ son Ém. le cardinal archevêque de Cologne ou à Mgr l’é­ vêque de Breslau : non plus que d'autres décrets ou dé­ finitions de ΓÉglise; car ccs documents ont seulement pour but d’enseigner l’unité substantielle de la nature humaine, qui est composée de deux substances partielles, le corps et Pâme raisonna­ ble; ccs documents con­ cernent donc un enseigne­ ment théologique; tandis que ces controverses... re­ gardent des doctrines pure­ ment philosophiques, nu sujet desquelles les écoles catholiques suivent ou peu­ vent suivre des sentiments différents. 552 Pour le développement de cet argument, voir Pal­ mieri, De Deo creante et elevante. Koine, 1875, th. χχνι; Pignataro, De Deo creatore. Home, 1905. th. χχχιι’ Cf. I Cor., xv, 44, où l’homme, dépouillé des dons surnaturels, est appelé σώμα ψυχικόν, corpus animale, corps vivifié par Pâme. — 2. L’union intime de l’âme et du corps dans la même nature est affirmée dans les descriptions de la mort. Les Livres saints en­ seignent que la mort est la séparation de ces deux principes. Gcn., xxxv, 19; Ps. au, 29; Matth., xxvn, 50; ci. Jac., n, 26; comparez l’expression mise à nu appliquée â l’âme dépouillée de son corps, Is., un, 12; Job, iv, 19; II Cor., v, 3. Donc ils supposent l’union antécédente à la mort. — 3. La résurrection, le retour à la vie, la reconstitution de la nature humaine s’effec­ tue par la réunion de l’âme au corps. Ezcch., xxxvn, 3-10; III Reg., xvu, 21,22; Luc., vm, 55. On trouvera un bon développement des preuves scripturaires dans Heinrich, Dogmalische Théologie, Mayence, 1887, L vi, §295. Les Livres saints toutefois présentent quelques pas­ sages imprécis au sujet de Vanité de l’âme humaine, passages dont les partisans de la trichotomie ont voulu abuser. Voir sur cc point Ame, L i, col. 970, et dans le Dictionnaire de ta bible, l'art. Ame, t. I, col. 458. Les définitions de l’Église, les décrets pontificaux, les lettres apostoliques traitant doctrinalement des Au sujet de la difficulté tirée de I Cor., xv, 44, et de rapports de l’âme et du corps n'ont donc pour but l’opposition formulée par saint Paul entre σώμα que d’affirmer authentiquement l’unité substantielle ψυχικόν et σώμα πνευματικόν, < il ne faut pas abuser de la comparaison du germe pour soutenir un changement de la nature humaine, dans laquelle l’âme joue le rôle du principe spécifique, perfretif ou formel. Voilà ce que individuel qui équivaudrait â la production d’un autre déclare, au nom de Pie IX, la lettre de Mgr Czacki; individu. » F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, par elle se trouvent précisés, d’une manière qui n’ad­ 1908, t. i, p. 192. Cf. Mangenot, La résurrection de met aucune discussion ultérieure, le sens et la portée Jésus, Paris, 1910, p. 152, note. de la définition même du concile de Vienne. ji. par lus pares. — 1° (Dans la lutte contre III. Fondements de cette définition dans la l'apollinarisme. — Il n’entre pas dans notre cadre de révélation et la tradition. — On jugera plus faci­ retracer ici la lutte contre l’apollinarisme ; cc point sera lement, après ccttc mise au point, par quelles pro­ traité à l’art. Jésus-Christ. Mais, au cours de cette fondes racines le dogme promulgué à Vienne tenait ù lutte, les Pères ont été amenés à professer explicite­ ment la doctrine de l’Église sur l’unité substantielle de 1’cnscignement traditionnel. Il nous suffira, pour l'in­ telligence de cette continuité dans la doctrine ecclé­ la nature humaine, composée de l'âme et du corps. Ce sont les plus importants de leurs témoignages qu'il siastique, de rappeler comment l’unité de la nature humaine dans la dualité des principes, âme et corps, faut maintenant recueillir. L’erreur ,d'Apollinaire, qui l’intègrent, a été professée explicitement : 1° dans voir t. i, col. 1506, s’appuyant sur la trichotomie pla­ la sainte Écriture; 2* par les Pères; 3e par les con­ tonicienne, consistait à dénier au Sauveur l’âme rai­ ciles antérieurs au xiv· siècle. sonnable, νους ou πνεύμα, et à lui laisser simplement /. dam la saixtb ÊCUTUM.— Que 1’hommc soit le corps et l’âme sensible, φυτική ou ζωτική. Cf. Théo­ formé d’âme et do corps, c’cst une vérité qui sc re­ dore!, Hæret. fabulæ, I. IV, c. vin, P· G., L lxxxiii, col. 425-428. S. Éplphane, llær., lxxvii, P. G., I. xlii, trouve à toutes les pages des Livres saints; par exemple, dans Matth., x, 28; 1 Cor., vu, 34. Sur la distinction de col. 641 sq.; S. Augustin, De hmresibus, n. 55, P. L·, l'âme et du co>-ps, voir Ame, t. i, col. 969, et dans le t. xlii, col. 40; Marius Mercator, Nestorii blaspheDictionnaire de la bible de M. Vlgouroux, l'art. Ame, miarum capitula, appendix ad contradictionem, xn,n. 3, t. i, col. 455. Quant à l'unité de nature, résultant de P. L., t. XLviii, col. 924. Voir G. Voisin, L'apollinal’union de Vâme et du corps, elle ost ·. 1° supposée risme, Louvain, Paris, 1901, p. 272 sq. indirectement chaque fois que le texte sacré attribue Palmieri, op. cil,, th. xxvi, analyse la doctrine des au même sujet l’âme et le corps, par exemple, Job, Pères et la résumé en six points : xiv, 22; 1$., x, 18; Ecde., n, 3, ou encore les opéra­ 1. Les Pères enseignent que te Verbe a pris la nature tions d: l’âme et celles du corps. Voir, entre mille humaine parfaite, afin de sauver tout ce qui avait péri ; et exemples, Gcn., xvm, 2; xix, 1; xxvn, 7; Il Reg., ils en concluent qu’l/ a dû prendre aussi l'âme raison­ i, 2; Π1 Reg., xxi,7; Il Par., xxv, 14; Esth., ni, 2, et nable. Donc, Vâme raisonnable fait partie de la nature spécialement les récits de plusieurs guérisons mira­ humaine. Voir l’Épltre synodale adressée au pape culeuses. Matth., vin, 2; ix, 1-8; 20-23; cf. les textes Damasc, après le ltr concile de Constantinople, parallèles dans Marc et Luc; Joa., ix, 7, 38; Luc., xin, dans Théodorct, Z/. E., L V, c. ix, P. G., t. lxxxii, 12, 13; xvii, 14-15, 16. 19; xvin, 42, 43, etc. Dans ces col. 1217 : Kat xbv τής ΙνανΟρωπήσεως gc’ του Κυρίου textes, on rapporte au même individu des actes cor­ λόγον αόιάστροφο·/ σώζομεν ούτε αφυχον, ούτε ανουν, ή porels, manger, marcher, courir, voir, entendre, et άτελή την τής σαρκος οικονομίαν παραόεχόμινοι. Et saint des actes de l âmc, adorer, croire, rendre grâces, etc. Damasc, toujours d'après Théodorct.(oc. cit., col. 1220» 2· Idle est enseignée directement lorsqu'il s’agit de la d’approuver ccttc déclaration, en basant son appro­ nature humaine, décrite dans sa création par Dieu, dans bation sur le motif du salut total et complet de ta destruction par la mort, dans sa reconstitution par l’homme : Ό γαρ χριστός·., τώ γίνει τών ανθρώπων êtà la résurrection. — 1. Dieu, apres avoir formé le corps τοΰΐόίου πάγους πληριστατην άζέόωχε τήν σωτηρίαν, Γνα humain du limon de la terre, lui souffla sur le visage δλοντον άνθρωπον ταίς άμαρτίαις ενεΖόμενον πασης αμαρ­ τίας ε/ευΟιρώστ;. Τούτον εΓ τις ανθρωπότητας ή Οεότητος un souffle de vie, et l'homme fut fait âme vivante, Παττον εσχηκεναι είποι, πνεύματος διαβόλου πεπληρωμέc’est-à-dire être complet dans son espèce. Gcn., n, 7. 4 553 FORME DU CORPS HUMAIN νος, τής γιέννης έαυτόν άποδείχνυσι. Saint Athanasc ex­ prime la même Idée en plusieurs passages de son Contra Apollinarium, 1. I, n. 10; L il» n. 4, P. G., t. xxvi, coi. 1125, 1138. Ci. pseudo-Chrysostomc, In dictum apostoli : Quod non volo, Jacio, n. 5, P. G., t. lix, col. 671 sq.; S. Jean Damascene, De fide orthodoxa, 1. Ill, C. vi, P, G., t. xav, col. 1005. Aussi, les Pères définissent-ils couramment l’homme un animal rai­ sonnable : w Ανθρωπος ζώον νοερόν. Pseudo-Athanase, De communi essentia Patris et l'ilii et Spiritus Sancti, n. 53, P. G., t. xxviii, coi. 77 : *Een τοίννν λογικόν μέν, σύνθετον δε ζώον δ άνθρωπος, έχ ψυχής δηλονότι xxi τής έπιχήρου ταύτης χαΐ γηίνης σαρχός. S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa., 1. I, c. I, 14, P. G., t. lxxiii, col. 160. Voir Ame, t. i, col. 980. Ci. De resurrect (one, vm, P.G., t. vi, col. 1585; S. Augustin, De quantitate animæ, c. xxv, n. 47, P. L., t. xxxn, col. 1062. 2. Les Pères considèrent dans l’apollinarisme, comme une erreur fondamentale, la distinction réelle que ccs hérétiques placent entre l'âme et l'esprit. Voir l’exposé de cette erreur, « renouvelée de Plotin par Apollinaire, » dans Ncmeslos, De natura hominis, c. i, P.G., t. XL, col. 503. Saint Athanasc· op.cil., 1.1, n. 14, démontre la iausseté de la trichotomie adoptée par Apollinaire par la punition du péché qui ne peut s’adresser qu’à deux éléments, corps et âme, corrup­ tion pour le corps, mort éternelle ou damnation pour l’âme. P. G., t. xxvi, col. 1117-1120. Gennade de Marseille s’exprime ainsi, De ecclesiasticis dogmatibus, c. xv : Neque duas animas esse dicimus (n uno homine... unam animalem qua animetur corpus, et immixta sit sanguini, et alteram spiritalem quæ rationem ministret; sed dicimus unam esse eamdemque animam in homine, quæ et corpus sua societate viui fleet, et semetipsam sua ratione disponat, habens in se libertatem arbitrii, ut in sux substantial eligat cogitatione quod vult. P. L., t.Lvni, coi. 98*1. Saint Grégoire de Nyssc, voir Ame, t i, col. 1001, signale, A doers us Apollinarem, n. 8, que ccttc bipartition de l’homme en corps, âme et esprit n’est vraie qu’à la condition de ne point distinguer réellement ce qui réellement ne fait qu’un; c’est parce qu’on n’a pas observé toujours cette règle qu’on est tombé dans l’erreur, que favorisait certainement une telle façon de parler. P. G., t. xlv, col. 1140. 3. En restant toujours dans les limites de la contro­ verse apolllnaristc, les Pères ne volent pas, dans Pâme Intellective, une nature complète, une hypostase, mais une simple partie de la nature, de l’hypostasc. Saint Épiphanc, op. cil., n. 23, est formel sur ce point. L’évêque apolllnarlstc Vital accordait que le Christ avait pris l’âme, ψυχήν, mais non l’esprit, νουν ou πνεύμα. Il faudrait donc, riposte Épiphanc, faire de l’esprit une substance séparée, distincte, cc qui est faux et détruit l’identité de la nature humaine dans le Christ et dans le reste des hommes : Τί γάρ έστιν δ νοΟς; Ύπόστασιν τούτον νομίζετε είναι εν τώ άνθρώπω; Ούχοΰν πολλιστός έστιν δ άνθρωπος. Et il conclut, n. 24: Ouxoûv cl ούχ terri ύπόστασις δ νους αλλά χίνησις τής ήμών τάσης ύποστάσεως, νουν δΐ λέγετε τόν Χριστόν χατα τούτο τό μέρος..· Ct n. 34, έγώ δε τόν νοΟν τόν ήμέτερον ούχ ύπόστασιν ήγοϋμαι, ουδέ τις τώς υΙών τής Έχχλησίας, έλλ ’ ενέργειαν τινα έχ Θεού έν' ήμίν δεδομένην χα\ ούσαν. Chez les latins, saint Augustin a clairement ex­ primé la même idée. De civitate Del, 1. XIII, c. xxiv, n. 1, 2 : Hunc Igitur formatum hominem de terræ pulvere ... animale corpus factum esse docet apostolus, cum animam accepit... Hoc quidem verum est, quod non totus homo, sed pars melior hominis anima est; nec (olus homo corpus, sed inferior hominis pars est; sed cum est utrumque conjunctum simul, habet hominis nomen. P. L., t. xu, coi. 399. Cf. Retract., 1. I, c. xv, P. L., t. xxxii, coi. 608 sq. Cf. S. Jean Damascene, De flde orthodoxa, L II, c. xil, P· G., L xciv^coL 924. 4. Les Pères identifient le principe pensant (mens, νούς) et l'âme (ψυχή) vivi flant le corps. En parlant d'âme raisonnable, on désigne donc, d’après cette doc­ trine, et le principe pensant et le principe vitaL Voir S. Athanasc, Contra Apollinarium, L I, n. 20 : Σώμα... έμψυχον λέγεται, έφ’ω ένυποστάτως τό τής ψυχής φέρεται ονομα. Σώμα δε ανθρώπου λέγεται, xai ού σώμα, ετερον προς έτερον δν, τουτεστι πνεύμα προς σώμα, P. G., t XXVI, col. 1128; S. Grégoire de Nyssc, De anima et resurrectione : Ψυχή έστιν ουσία γεννητή, ουσία ζώσα, νοερά, σώματι δργανιχώ χαΐ αίσδητιχώ, δύναμιν ζωτικήν χα\ τών αισθητών αντιληπτικήν δι’ έαυτής ένιοΰσα, εως αν ή δηκτική τούτων συΛστηχε φύσις, P. G., L XLVi, coL 29; S. Jean Damascènc, De fide orthodoxa, LU, C. XII : Ψυχή τοίνυν έστιν ουσία ζώσα, άπλή χαΐ ισώ­ ματος, σωματιχοΐς δφθαίμοίς κατ’ οιχείαν φύσιν Αόρατος αθάνατος, λογιχή τε χαϊ νοερά, ασχημάτιστος, όργανινώ χεχρημένη σώματι, καί τοντω ζωής αύζήσεώς τε χαΐ αίσθήσεως χαΐ γεννήσεως παρεχτιχή ούχ ετερον ίχουσα παρ’ Ιαυτήν τόν νουν, αλί à μέρος αυτής τό χαθαρώτατον, P.G., L xav, col. 924; cf. L III, ανι-ντι, cot 1005, 1009. Cf. S. Grégoire de Nysse, De hominis opificio, c. xiv, xv, P.G., L xuv, cot 176-178; Gennade, De ecclesias!, dogmatibus, c. χιν-χν, P. L., L lviii, coL 984. On ne peut être plus explicite ; et c’est presque tex­ tuellement la définition d’Aristote, qui sera reprise plus tard par les scolastiques. La même doctrine ressort de tous les textes où les Pères professent que le Verbe a pris une chair humaine, par le moyen de l’âme raisonnable, que sa spiritualité rapproche de Dieu, et qui, de sa nature, est unie au corps. Voir S. Grégoire de Nazlanze, Orat., n (i), n. 17; xxix (xxxv), n. 19, P. G., L xxxv, col. 426; L xxxvi, col. 100; S. Augustin, De civitate Det, L X, c. xxix, n. 2, P. L·, t. xu, coL 308. 5. Les Pères enseignent expressément que de Γâme raisonnable et du corps résulte une seule nature, et ex­ pliquent ainsi l’union du Verbe avec l’humanité. La plupart des textes que nous avons signalés jusqu’ici reflètent cette doctrine. En voici cependant quelquesuns plus explicites encore : saint Cyrille d’Alexandrie, qui, à maintes reprises, confesse τόν Υιόν τού θεού... θεόν τέλειον, καί άνθρωπον τέλειον εχ ψυχής λογικής χαλ σώματος, Eptsl., ΧΧΧΐν, P. G., L LXXVn, coL 176, explique l’unité de la personne en deux natures par la comparaison de l’unité de la nature humaine formée de deux substances incomplètes : ΤΑρ* ούχ ένα φαμεν τόν χαθ* ήμάς νοούμίνον άνθρωπον, χαΐ μίαν αυτού φύσιν, χαίτοι τό μονοειδες ούχ εχοντος, συντεθειηένου δε μάλλον έχ δυον*, ψυχής, λέγω χα\ σώματος. Quod unus sit Christus, P. G., t. lxxv, coi. 1292. C’est la formule même que nousœctrouvons au symbole dit d*Athanasc. Voir également Nemcslos. De natura hominis, c. ni, P. G., L XL col. 592, 593; S. Athanasc, Contra Apollinarium, 1. II, c. i, n. 1, P. G., t. xxvi, col. 1133; S. Grégoire de Nyssc, Adversus Apollinarem, n. 2, P. G., t. xlv, col. 1128; S. Jean Damascènc, De flde orthodoxa, 1. Ill, c. n, xii, P. G., t. xav, col. 985, 1028. Parmi les Pères latins, saint Vincent de Làrins, après avoir exposé et condamné l’erreur d’Apollinaire, Commo­ nitorium, xu, conclut, xlii : Jn homine, aîiud caro aliud anima, sed unus idemque homo anima et caro. P. L., t. u col. 654, 655. Cf. S. Augustin, De civitate Dei, L XIII, c. xxiv, n. 2. P. L., t. xu, col. 399. 6. Enfin les Pères disent expressément que Vhomme n'est composé que de deux éléments essentiels, âme et corps. Plusieurs des textes déjà cités pré­ sentent la doctrine catholique sous ccttc forme : S. Cyrille, loc. cit., et Homil., xlvi, n. 4, P. G., t. lxxvh, col. 24; S. Athanasc, Contra Apollinarium, I. I, n. 14, P. G., t. xxvi, col. 1117-1120: S. Gré­ goire de Nyssc, loc. cit. : Ό γάρ c. ψυχής νοέρας, xal σώματος συνεστηχώς, άνθρωπος λέγεται... Ανθρώπου γάρ 555 FORME DU CORPS HUMAIN 556 tielle ne sera plus cn cause, du moins directement σϋμα ί/γομεν, καί ψυχήν ανθρώπου. Εως αν <φ* έαυτού έκατιρον τόυτων θίωρήταΐ. Ή δε συνδρομή τούτων C’cst d’un nouveau point de vue, le mode de l’unloo, τώ/ό-ο, άνθρωπος χαΐ ίστι, καί λίγ*ταε. S. Jean que dériveront les (liftèrent* systèmes que nous aurons à étudier dans la mesure où ils touchent a la théologie. Damascene, op. cit., c. ΠΙ : Παντες γαρ έκ ψυχής ιισι ///. Ρ.4Λ LUS CONCILES ANTERIEURS AU XIV SIECLE. «r-vnict'Jivoi, καί σώμβτος, χαϊ πάντες τής ρύσεως τής ψυχής μιτίιλήρασι, χαϊ τή* ουσίαν του σώματος χέχτην· — L’unité substantielle de l’homme, être cependant τα , cat b ιοινον ιίοος, P. G.»L xciv, col. 992; cf. c, Xiï, composé d’âme et de corps, avait parallèlement été depuis longtemps aftlrmée dans de nombreux docu­ col 1029; L II, c. n, où il enseigne το* έξ όρα-ού ments conciliaires. Citons-les par ordre chronologique: καί άκρατου συγχνμενο·* άνθρωπον, P. G.,t.XCIV, col. 861. 1. Le symbole · Qulcumque ·, affirmant la réalité de Voir chez les latins, S. Augustin, loc. cit. : Homo non la nature humaine assumée par le Fils de Dieu, s’ex­ est corpus solum, vel anima sola, sed qui ex anima con­ prime ainsi : Est eryo fides recta, ut credamus cl confi­ stat ri corpore... cum esi utrumque conjunctum simul, teamur, quia Dominus noster Jesus Christus... Deus ct habet hominis nomen; ct.De moribus Ecclesia· catholicir, homo est... perfectus homo, kx as i sia hatioxai.i et c. xxvi, n. 52. P. t. xxxir, coi. 1332; De beata vita, UUMAXA CAttSS SUBSISTENS... SICUT ANIMA BATIONAUS r. u, n. 7, coi. 963; Epist., ni, n. i, P. L., t. xxxtn, i;t caro unus bst uomo, ita Deus ct homo unus est coi. 65; Serm., cxxviu, c. vu, n. 9, P. L., t. xxxvnt, Christus. Denzingcr-Bannwart, Enchiridion, n. 40. Sur coi. 717; cl : Nihil est in homine, quod ad ejus substan­ le sens exact de cette comparaison, voir plus loin, tiam pertineat atque naturam, pricier corpus et animam, col. 576. coL 801. Voir Augustin (Saint), t. i, coi. 2358. 2. La lettre dogmatique de saint Léon le Grand à On le voit, toutes ces autorités reviennent cn somme Flavius explique l’incarnation du Verbe qui habite A affirmer, dans l’homme, l’unité substantielle réa­ parmi nous, hoc est in Ba CARNB quam assumpsit ex lisée par l’union de l’âme ct du corps. Saint Cyrille homine ct quam spiritu vite rai iona us animavit. d’Alexandrie a proposé cette union ou mieux ccttc P. L., t. Liv, col. 759. Λ son tour le concile de Chaiunification des deux principes dans une nature d’une cèdoine (451) définit le Christ Θεόν αληθώς χαϊ άνθρωπον façon plus saisissante que qui que ce soit, à propos αληθώς τυν αυτό* έχ ψυχής λογικής καί σώματος, de la controverse nestorienne. 11 sc sert d’expressions Denzinger-Bannwart, n. 148, ct dans V Allocutio ad dont voici la traduction latine. Epist. ad monachos Marcianum imperatorem, le concile précise qu’il a Ægypti: Quemadmodum et ipsa quoque hominis anima voulu exclure l’erreur de ceux qui affirment « que licet natura a corpore quod informât diversa inteUigaturel sit sua propria ratione una tamen cum suo cor­ la divinité s’est simplement unie au corps d’un homme et non pas ù une âme, du moins à une âme pore oritur et veiut unum quippiam cum corpore cen­ raisonnable.» Mansi, Concit., t. vu, col. 455; Hefele, setur. Mansi, Concit., t. iv, coi. 599; P. G., t. lxxvh, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. n, p. 730. coi. 21 .Cf. Jugle, Nestorius et la controverse nestorienne, 3. Le 11· concile de Constantinople (553), can. 4, rap­ Paris, 1912, p. 162-167. pelle την ενωσιν τού θεού λόγου προς σάρκα έμψυχοLes Peres de ccttc époque furent donc ouvertement μίνην ψυχή λογική καI νοερά. Ce sont, ainsi que dichotomlstes. Quant ù saint Éphrcm ct à Aphraatc, le note le concile, les expressions mêmes des Pères de dont on voudrait exploiter l’autorité cn faveur de la trichotomie, voir Ame (Chez les Syriens), t. i, l’Égh *· Denzingcr-Bannwart* n. 216. 4. Le /er concile de Latran (649) exprime bien cc col. 1018. On peut consulter également, pour le déve­ qu’est cette âme rationnelle et Intellective cn repré­ loppement de la doctrine catholique chez les Pères, Heinrich, op. cit., $ 295. sentant la chair du Christ comme étant animata 2* Antérieurement. — La lutte contre l’apollinaintellcclualitcr. Denzingcr-Bannwart, n. 255. rlsme avait eu cc résultat appréciable d’amener les 5. Le XI· concile de Tolède (675), authentiquement Pères à préciser la doctrine de l’union substantielle do approuvé par Innocent III, renouvelle la profession l’ûmc raisonnable ct du corps dans la nature humaine. de foi catholique touchant la vérité de l’incarnation Sans doute la même vérité est admise par les Pères des du Christ. Il explique que le Verbe s’est fait chair, trois premiers siècles, mais il faut avouer qu’elle ren­ ut non tantum ibi sit Verbum Det et hominis caro, sed ferme encore çà ct là des Incertitudes ct des impré­ etiam rationalis anima; atque hoc totum ct Deus dica­ cisions. Voir Ame (Doctrine des trois premiers siècles), tur propter Deum et horno propter hominem. DenzingcrL i, coL 977 sq. Bannwart, n. 283· 3° Postérieurement, 11 n’y a aucun progrès à signaler. I 6. Le III· concite de Constantinople (681), rappe­ Voir Ame, t. i, col. 1004-1006. Los Idées fondamen- j lant la définition des cinq conciles œcuméniques an­ talcs de l’union substantielle de l’âme ct du corps sc | térieurs relativement à l’incarnation du Fils, rappelle retrouvent chez Clau die n Mamert, De statu anima, ' encore que nous devons croire Jésus-Christ, cn même c. v, xvu, XXIV, P. L., t. un, col. 707-730; Boècc, tn | temps quo vrai Dieu, vrai homme, parfait dans son Porphyrium, dial, i, P. L., L lxiv, col. 34, 103; S. Fulhumanité, τέλειον... έν άνθρωπότητι.·· άνθρωπον άληθώς, gcnce. Ad Trasimundum, 1. I, c. vu, P. L», t. lxv, j αυτόν έζ ψυχής λογικής καί σώματος. L’union de l’âme col. 230; Cassiodorc, qui est très affirmatif sur l’unité rationnelle avec le coq>s, voilà cc qui fait l’humanité du principe vital dans l’homme, De anima, c. i, n, véritable. Dcnzingor-Bannwart, n. 290. P. L., t. lxx, col. 1282 sq.; S. Grégoire le Grand, /n 7. Le XV· concile de Tolède (688), expliquant une Ezerhielcm, 1. Il, homll. v, P. L., t. lxxvi, col. 990; proposition de l’évêque saint Julien, mal acceptée Lie mien de Carthagènc, Epist., n, ad Epiphanium d’abord par les papes Benoit II ct Sergius Pr, s’ex­ diaconum, P. L., t. LXXii, col. 691; S. Isidore de Sé­ prime ainsi : Ad secundum quoque retractandum capi­ ville, DifierenL, I. Il, c. xxvi-xxx, P. L., t. lxxxui, tulum transeuntes, quo idem papa (Sergius) incaute. col. 83-86; Hincmar, De diversa et multiplici ammtc ! nosdixisse putavit, trbs substantias in < iirisio Del ratione, P. !.., t. exxv, col. 930 sq.; Hugues de SaintFilio profiteri : ... Quis enim nesciat, UNUMCUMQUB Victor, De unione corporis et spiritus, P. L., t. clxxvh, ΠΟΜΙΝΕΜ DUABUS CONSTARE SUBSTANTIIS, ANIMAE SCI­ coL 286; ct même Abélard, Dialectics pars quinta, LICET KT corporis... Quapropter natura divina huouvrages Inédits d’Abélard, édit. Cousin, Paris, 1836, I manæ sociata naturæ possunt et tres propriæ ct dux p. 472; Problema Heloissx, Petri Abxlardi opera. propria· appellari substantur. Denzinger - Bannwart, Paru 1850, t. i, p. 276. La scolastique va s’empa­ n. 295. Ix concile entend parler ici Évidemment p. I, dub. n, n. 31 ; Sylvius, /n /·» part. Summe théologie#, q. lxxvi; Estius, In IV Sent., 1. II, dist. XVII §7; quoique cc dernier semble hésitant, au point de vue 571 FORME DU CORPS HUMAIN théologique. dans son commentaire sur 1 Thés., v, 23. Voir plus haut· col. 561. X Arguments en faveur de la thèse thomiste. — a) Argument philosophique — Si l'âme Intellective s’unit nu corps sous la raison de forme substantielle· il devient impossible qu'une autre forme substantielle, en dehors d'elle, sc trouve dans l’homme. Pour s’en convaincre, il faut considérer qu’il y a une différence radicale entre la forme substantielle et la forme accidentelle· La forme accidentelle ne donne pas l’être pur et sim­ ple... Aussi bien, quand advient la forme accidentelle, on ne dit pas qu’une chose est faite ou engendrée purement et simplement; on dit qu’elle est faite telle ou avec tel mode... La forme substantielle, au contraire, donne l’être pur et simple. C’est pourquoi, quand elle advient, on dit que la chose est faite purement et simplement... Si donc, en dehors de l’âme intellective, préexistait dans la matière (que l’âme doit informer) une autre forme quelconque, laquelle ferait du sujet de l’âme un être déjà en acte, il s’ensuivrait que l’âme ne donnerait pas au corps l’être pur et simple et par conséquent ne serait pas une forme sub­ stantielle. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. lxxvi, a. 4. Cf. Pègues, op. cit. En somme, c’est Vanité substantielle du composé humain qui est en jeu. Saint Thomas complète sa pensée nu De anima, n. 9, et au De splr. créai., a. 3 : < Il n’est pas possible, dit-il dans cette dernière question, que de deux actes (au sens métaphysique du mot] résulte un être qui soit un purement et simplement; pour avoir cette unité, il faut qu’on ait un composé, » non pas d’acte et d’acte, serait-ce d’ailleurs, comme le note Cajétan, In /·■, q. lxxvi, a. 4. d’acte substantiel ayant raison de puis­ sance, dans l’ordre accidentel, par rapport à tel ou tel acte accidentel, et d’acte accidentel; mais de « puis­ sance » au sens strict, qui ne soit que puissance et nullement acte, · et d’acte, en cc sens que ce qui n’était qu’un être en puissance devient un être en acte. » Alors vraiment, mais alors seulement, on aura, parmi les êtres matériels, un être un, d'une unité sub­ stantielle. Pègues, loc. cit.; cf. S. Thomas,Comment, in lib, de anima, L II, lect. i; Zlgliara, op. cit., p. 146 sq. Cet argument, fondé sur l’unité substantielle du composé humain, est comme le centre de l’opinion thomiste : rien d’élonnnnt que les adversaires de cette opinion sc soient acharnés à le combattre. On sait les luttes qu’curent à supporter, sur ce point, les tho­ mistes de la part des partisans de la pluralité des formes dans le meme individu, voir Augustinisme (Développement historique de Γ), L î, col. 2506-2509 ; de fait, c’est là qu’il fallait porter toute l'attaque; cet ar­ gument, reconnu valable, entraîne logiquement la théorie de l’âme, unique forme, substantielle dans le composé humain. Cf. Zigliara, op. cit., part. Ill, c. in, n. 209. b) Autorité des Pères. — Les thomistes font remar­ quer que le témoignage des Pères, relatif à l’unité sub­ stantielle du composé humain, voir col. 553, ne peut s'interpréter loghpicmcnt que dans l’hypothèse d’une forme substantielle unique. On trouve cet argument indiqué dans Suarez, De anima, 1. I, c. xn, n. 7. e) La définition du concile de Vienne. — tho­ mistes ne disent pas que la définition du concile de Vienne condamnait l’hypothèse de la pluralité des formes; mais ils admettent généralement que de ccttc définition on peut déduire logiquement la vérité de leur système. En effet, les Pères du concile prirent cer­ tainement le terme de forme dans le sens scolastique reçu à leur époque, voir les témoignages dans Zigliara, op. cit., part. 11, c. u ; et s’ils ne définirent pas expressé­ ment que Pâme est la form·' substantielle du corps. Ils le définirent équivalemment en parlant de (a sub­ itanee de Pâme, ou encore en disant que l’âme est 572 essentiellement la forme du corps. Cf. Mazzella, De Dec creante, n. 609. Donc il faut, en bonne logique, inter­ préter la définition du concile de Vienne dans le sens de la thèse thomiste : « SI on ne peut pas dire que l’Église l’fopinion thomiste) ait strictement définie au concile de Vienne, puisqu’on fait elle n’a voulu con­ damner que l’erreur de Jean-Pierre Olivi, et non pas le sentiment de la pluralité des formes, au sens de l’école franciscaine ou scotistc, cependant il n’en de­ meure pas moins qu’on a lieu de sc demander si la doc­ trine définie à Vienne n’exige pas. en rigoureuse lo­ gique et en saine métaphysique, l’unité absolue de forme substantielle telle que saint Thomas nous l’en­ seigne. * Du moms < il n’est pas douteux qu’à en­ tendre la doctrine des formes substantielles comme nous l’a exposée saint Thomas, outre que la raison philosophique, d’après le saint docteur, impose ce sentiment, on court aussi moins de risque de diminuer la définition du concile. · Pègues, op. cit., p. 296, 312. Cf. Pignataro, De Deo creatore, Rome, 1905, th. xxxm, p. 202 d) La résurrection des corps. — Un dernier argument, d’ordre théologique comme les deux précédents, en faveur de l’opinion thomiste, est tiré de V identité des corps à la résurrection. Cette identité est un dogme imposé à la croyance catholique. Cf. IV· concile de Latran, c. Firmiter; XI· concile de Tolède; profession de foi d’innocent lll;symbolc de fol de saint Léon IX; profession de foi de Michel Paléologuc au II· concile de Lyon. Dcnzinger-Bannwart, n. 429, 287, 427, 347, 464. Si la forme corporelle était distincte de l’âme rationnelle, elle disparaîtrait avec le corps; à la résur­ rection, on ne pourrait donc avoir l’identité numé­ rique du corps humain en tant que corps; on pourrait avoir un autre corps, spécifiquement semblable, fait par Dieu sur le modèle du premier, mais on n’aurait pas le même. Si, nu contraire, l’âme est forme unique; si, en même temps qu’elle est forme intellective, elle est aussi forme sensitive et végétative et, qui plus est, forme corporelle; si, en un mot, elle donne au corps d’être non seulement humain, mais animal, mais vi­ vant, mais substance et être, elle lui rendra, à la résur­ rection, identiquement ce qu’elle lui avait une pre­ mière fois conféré. Voir Pègues, op. cit., p. 312-317; Billot, De novissimis, Rome, 1903, q. vu, th. xn,$2,3. Les adversaires de la thèse thomiste contestent la valeur concluante des arguments théologiques. Ni l’au­ torité des Pères, ni celle du concile de Vienne ne peu­ vent être apportées en faveur de l’unité de forme dans le composé humain. L’explication thomiste de la résurrection du corps ne s’impose pas. Enfin l’argu­ ment philosophique n’est concluant que si l’on par­ vient à démontrer que l’unité substantielle de l’homme est détruite par la pluralité de formes incomplètes et subordonnées à une forme supérieure. Or, les adversaires nient qu’on puisse l’appliquer à de telles formes, dont la subordination sauvegarde précisément l’unité du composé. Nous n’avons pas à discuter ici la valeur d’une telle réponse : on lira avec profit, sur cc point spécial, les commentateurs de saint Thomas, In !"*, q. lxxvi; Vacant, Éluda théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, L I, a. 48, 49; Liberatore, op. cit., c. x, a. 1-3. On ne peut nier cependant que l’exclusion d’un principe vital distinct de l’âme, voir col. 559, ne donne, par voie de déduction, une sérieuse probabi­ lité théolo^lqur à la thèse thomiste. Il n’y a pas plus de raison, philosophiqaement parlant, de distinguer âme et forme corporelle que de distinguer âme et prin­ cipe vital. 3. Deux écoles thomistes. — La pensée de saint Tho­ mas n’est reproduit© fidèlement et complètement que 573 FORME DU CORPS HUMAIN 574 prétendent que, dans l’homme comni< dans les antres par une partie des disciples du docteur angélique. êtres vivants, le coq)* possède, outre l’âme qui hil L'école de Suarez, bien que d'accord sur le point prin­ est unie, une forme incomplète et subordonner à Pâme, cipal, se sépare de l'école strictement thomiste sur plus qu’ils appellent forme corporelle (corporeHas). Mais d’une question accessoire. La raison de celle diver­ cette forme corporelle, encore qu'elle détermine la ma­ gence se trouve en partie dans l’attitude prise, de tière à faire un corps, ne ia détermine qu'à faire un part et d'autre, au sujet de la question, fondamentale corps humain incomplet, informable par l’âme. Cette en métaphysique, de la distinction réelle de l'essence forme corporelle doit donc s’unir à I âm<· raisonnable cl de l'existence. Nous avions prévu, voir Essence, pour former le corps humain complet ; la forme corpo­ L v, col. 845, l'opposivion actuelle. A la divergence relle donne à la matière d’être corps organique, l’âme déjà signalée, col. 846-847, il faut en ajouter une donne au corps organique d’etre vivant. Scot, In IV seconde qui se rapporte Λ Vexpltcalion philosophique Sent., L IV, disk XI, q. ni, a. 2. du décret du V·concile de Latran : anima., pro cor­ Quant ù la multiplicité et a la multiplication des porum qui bus infunditur multitudine singulariter mul­ tiplicabilis et multiplia ta et multiplicanda til. — âmes, il faut les rapporter à Dieu, l'âme étant Individuée par elle-même, par sa réalité propre, son hseca) Pour suint Thomas le principe d individuation des êtres composés réside dans la matière quantitate eeitas. Scot, In IV Seni., L II, dlst. HI, q. rv, a. 6. On le voit, si la première partie de la thèse scotiste signala Voir, pour l'intelligence exacte de la doctrine est nettement opposée à la thèse thomiste, reprise de saint Thomas, A. Martin (A. Michel)» Suarez métaphysicien, dans la Science catholique, août 1898, par Suarez, l’opposition n’existe plus, quant à la § 4. En conséquence, l’individualité et, partant, la seconde partie, qu’entre les purs thomistes et les dis­ multiplicabilité des âmes leur viennent de la matière ciples du docteur subtil. à laquelle, quoique immatérielles et subsistantes, Cette conception du composé humain est empruntée elles sont naturellement ordonnées. Mais, d'autre aux stoïciens, ailirme à tort Simplicius (νι· siècle), Physic., 1. I, digressio de corporeitale materne prim*. part, parce qu'immatérielle et subsistante, l’ûmc humaine reçoit immédiatement de Dieu une existence Du moins, elle découle en droite ligne d’Avicenne, Dans l’histoire de la philosophie médiévale, elle a eu indépendante du corps auquel elle communique l'être un précédent immédiat dans la conception auguset dont elle reçoit l’individuation. Cf. Billuart, Theologia, t. n, Paris, 1878, De opere sex dierum, tinienne des relations de l’âme et du corps : l’âme est une substance complète, individuée par ellediss. Ill, a. 1, obj. 2·, p. 259. Voici le texte principal de saint Thomas sur la question : Si aliquid, quod même, composée de matière et de forme; la multipli­ cité des formes substantielles dans les composés et en sil de ratione alleujus communis materialem multi­ plicationem recipiat, necesse est, quod illud commune particulier dans l’homme, n’altère pas l'unité sub­ multiplicetur secundum numerum eadem specie rema­ stantielle. Voir Augustinisme (Déoeloppanent histo­ nente... Manifestum est autem, quod de ratione anirique de Γ), t. i, col. 2504-2506. Gilles de Home avait mie human* est quod corpori humano sit uni bilis, cum aussi admis (?) cette multiplicité de formes, dans le non habeat in se speciem completam, sed speciei com­ De erroribus philosophorum, η. 7. Voir Man donne t, plementum sit in ipso composito. Undb quod sir uni­ Sigcr de lirabant, appendice, p. 7. Sur la doctrine de la mus uuic vbl illi corpori, multiplicat animam se­ pluralité des formes, au moyen âge, voir M. de Wulf, cundum numerum, non autem secundum speciem, sicut La doctrine de la pluralité des formes, dans la Remit el hxc albedo differt ab illa numero ptr hoc quod est esse d'histoire et de littérature religieuses, L vi, p. 427hujus oel illius subjecti. Sed hoc differt animo humana 453. Nous retrouvons tous les caractères de 1 augus­ ab aliis formis, quod bssb suum non dependbat tinisme dans la théorie scotiste, meme celui de la com­ a corpore ; nec hoc esse indiuiduatum ejus a corposition de l’ûmc. Scot. De rerum principiis, ix, 7. pore dependet. De anima, n. 3. b) Pour Suarez, Scot a cependant accentué l'affirmation de l’uiuté • toute substance singulière n'exige point d autre substantielle en Indiquant que la forme corporelle ne principe d’individuation que sa réalité propre...; si donnait pas au corps, à elle seule, d’etre une substance c’est une substance composée de matière et de forme, complète. Sw réponse à l’argument philosophique des de même (pic les principes essentiels de sa réalité sont thomistesest celle-ci : non obslare unitati entis pluralila matière, la forme et leur union réciproque, de même totem formarum, modo una sit ultima et completa, ad quam aussi ccs principes seront le principe de son Indivi­ arter* ordinantur. Cf. Hugo CawlU, Docloris subtilis duation. Quant â eux-mêmes, étant des substances quirsttones super libris Aristotelis de anima, Lyon, 1625, simples, lisseront par eux-mêmes indlvidués. » Metuph., disp. L sect. iv. Les théologiens de l'école franciscaine disp. V, sect, vu, n. 1. Pour qui n'admet pas de dis­ ont suivi en général Scot, qu’avalent précédé, dans tinction réelle entre essence et cxistenci, cette con­ Γaffirmation de la doctrine de la pluralité des formes, clusion est logique ; car, dans cette hypothèse, on ne les franciscains Alexandre de I lalès, Summa theol. peut considérer une partie essentielle sans une exis­ part. 11, q. xliv, cl saint Bonaventure, In /V Sent. tence actuelle qui est sa propre réalité. La forme 1. H, dist. XIl, a. 1, q. m; dlst. XIII, a. 2, q. il substantielle est donc indlviduée par sa propre réa­ et (list. XV11, a. 2, q. n, ad 6··. Parmi les contem­ lité, l’individuation lui étant quelque chose d'intrin­ porains de Scot, citons Henri de Garni, du moins dans sèque et ne pouvant provenir de la matière qui est sa théorie du composé humain, Quodl., Il, q. xi-v; extrinsèque à la forme. Voir Essence, t. v, col. 841 Quodl., IV, q. xm, xiv, et Richard de Middletown Donc, dans la multiplicabilité et la multiplication (franciscain). In IV Sent., L H, dlst. XVII, a. 1, q. v. Plus tard, on trouvera le dominicain Durand des âmes, la relation transcendantale de forme Λ telle matière déterminée n'est d’aucune influence; de Sainl-Pourçain, In I\ Seat., 1. 111. dist. XXII, q. i; le carme Jean de Baconthorp, /n IV Sent., c’est â Dieu qu’il faut rapporter immédiatement, 1. Ill, dlsL XIX, s qu’en tant qu’elle remplit la fonction de forme corpo­ relle, mais non en tant que forme spirituelle; or, le concile de Trente, par l’expression vi verborum, entend ce que ces termes signifient formellement, c’est-à-dire la forme corporelle qui ne sc trouve dans l’âme du Christ que virtuellement. Formellement, ou vi verbo­ rum. l’âme, considérée comme forme spirituelle, ne se trouve donc pas sous les espèces eucharistiques. C’est si vrai que, pendant les trois jours qui suivirent la mort et précédèrent la résurrection du Sauveur, le corps eût été présent dans l'eucharistie avec la forme corporelle, mais non pas l’âme, même concomi­ tamment, puisque l’âme eût été réellement sépaparéc du corps. Billot, De sacramentis, t. i, th. xui, § 2; Zigliara, op. cil., part. III, c. xn; Summa phi­ losophica, Rome, 1876, Psycholoyia, η. 16, η. 11, ad 4··; Jean de Saint-Thomas, De sacramento eucharistiir, disp. XXVIII. n. 1; Suarez, In ÏIl** part. Summer theol., q. Lxxvt, a. 2, disp. LI, sect, iv; Vasquez, In lII** part. Sum. theol., q. lxxvî, a. 2, disp. CLXXXV1. c. il; ContcnsOn, Theologia mentis et cordis, 1. XI. part. H. diss. II. c. n, specui, in, q. i; De Lugo, De sacramento eucharisliæ, disp. VIII, sect. IV, n. 62. 78, 79; Palla vicini, De universa theolo­ gia, I. IX, η. 122, 123; Sylvestre Maurus, Opus theolo­ gicum, De sacramentis, 1. X, tr. XIX, q. cxlv, n. 10-15; Bel la r ni In, De sacramento eucharistie, 1. IV, c. xxi; D. Soto, In IV Sent., L IV. dist. X, q. i, a. 1, etc. 3· Opinion atomiste moderne ou chimique. — 1. Ex­ posé. — Empressons-nous de dire que cette opinion moderne n'est pas celle de tous les théologiens mo· VL - 19 579 FORME DU CORPS HUMAIN 580 demcs. C’est, au contraire, le tout petit nombre qui ι substances complètes. Cf. Anthropologia, thes. χπ. s’y est rallié. Ix P. Ramièrc, op. ciL, p. 26 sq., laisse Les substances ainsi unies, Ame et corps dans le com­ entendre que Suarez l’aurait pressentie, en modi­ posé humain, sont complètes comme substances, mais fiant profondément (?) la doctrine thomiste, spécia­ incomplètes comme natures : de leur union résulte la nature humaine. lement en ce qui concerne la mixtion des éléments. Il invoque, d’accord en cela avec Palmieri, De Deo Le P. Ramièrc, op. cit., p. 91, note, tout en défen­ creante el elevante, thés, xxvi, le parrainage de Lesdant la même doctrine, regrette qu’on s’écarte, sius, In III** part. Sum. theol., q. lxxvi, a. 1, du par ccttc façon de parler, de toute la tradition de cardinal Tolemel, Phys, gen., diss. Ill, cond. 2‘, et l’école qui ne voit entre la nature et la substance même du P. de Lossada, qui, « sans se hasarder à qu’une distinction de raison, en vertu de l'adage : l’adopter, avoue qu’elle a pour elle de graves raisons operari sequitur esse. Aussi explique-t-il différemment et qu’elle est soutenue par des maîtres distingués l’union substantielle : · On peut, dit-il, op. cit., p. 94, dont les ouvrages n’ont pas été mis au jour. » De nommer substantiel et même essentiel tout cc qui est anima, disp. Il, c. n, n. 39. Ci. Dandinl, De corpore exigé par la nature. Or, l’union avec le corps est certai­ animato, Paris, 1611; Mayr, Philosophia peripaL, In­ nement exigée par la nature de l’âme; · donc cette golstadt, 1739, L îv, disp. I, a. 5, n. 78. Telle que union est substantielle. ccs théologiens l'exposaient, c’était encore la théo­ 2. Preuves. — Le système de l’école chimique est rie, dérivée de Scot, admettant dans le corps de basé sur les données de la chimie moderne, rela­ multiples formes substantielles hétérogènes, partielles tivement à la composition des corps. Les arguments proprement théologiques en sa faveur sont les mêmes et Imparfaites, et qui constituaient la matière se­ que pour la thèse scotiste. Dès lors, en effet, qu’il est conde, le corps comme tel. C’était, avec la suppres­ démontré que la définition du concile de Vienne n'im­ sion de la forme corporelle totale, l'acheminement vers la théorie moderne de l’atomisme chimique, pose pas l’unité de forme, mais qu’on peut en déduire tout au plus l’unité d’âme, doctrina Ecclesia... indiffe­ dont les deux principaux protagonistes furent les renter omnino se habet ad quœstioncm de elementis con­ PP. Tongiorgi et Palmieri, et que nous trouvons dé­ stitutivis corporum... quia supponit corpus jam formatum fendue par les PP. Ramièrc, op. ciL, Bottalla, op. cit., et La composition des corps d'après les deux principaux in ratione corporis. Palmieri, De Deo creante el elevante, systèmes qui divisent les écoles catholiques, Poitiers, thes. xxvi, appendice. Or, nous n ’avons pas à nous occu­ 1878; par le Dr Frédault, Forme et matière, Paris, 1876. per ici de la question de la composition des corps Cette théorie n'est nullement à confondre avec l'erreur, comme tels. Aux philosophes de faire observer que condamnée par Pic IX, d’un principe vital distinct les données de la chimie, relatives aux corps simples de l’âme. Voici d’ailleurs l’exposé très complet qu'en et â leurs combinaisons réciproques, ne contredisent fait Tongiorgi, Institutiones philosophic#, Rome, pas les principes métaphysiques posés par saint Tho­ 1862, t. m, η. 183:1. Anima non ila est /orma corporis, mas et son école. Nous nous contentons de renvoyer, ut ipsum esse corporis, qua tale, ab anima dependeat. sur cc point spécial, à l’étude de M. Fargcs, Matière el Corpus enim humanum constat tandem aliquando ato­ forme en présence des sciences modernes, Paris, 1892. mis substantiarum elementarium certo quodam modo Au point de \ίιο théologique, la théorie de l’ato­ compositis, et actu permanentibus... Corpus igitur misme chimique est une opinion catholique, parce humanum, attenta sola ratione corporis, est substantia qu’elle entend conserver l’unité essentielle du com­ sompleta, imo aggregatum substantiarum; estque posé humain qui, dans l’union des substances, ne colummodo incompletum, attenta ratione animalis ra­ comporte qu*u/i£ nature. Tout comme la théorie sco­ tionalis. — 2. Neque idcirco admittenda est in humano lastique, elle maintient la présence totale essentielle corpore forma ulla corporeitatls cum Scoto, neque forde l’âme dans tout le corps et dans chaque partie du m# partiales nervorum, ossium, ac partium carterarum corps. Cf. Palmieri, op. cit., Anthropologia, c. m, juxta aliorum [v. g. Lesslus) veterum sententiam. Nam thés. x. corpus humanum est corpus vi coh#sionis qua atomi 3. Difficultés de cette opinion. — Cependant cette opi­ conjunguntur, et corpus tale efficitur per vires mecha­ nion présente de graves difficultés dans l'ordre théolo­ nicas el chimicas sub organismi conditionibus et sub gique. On étudiera à l’art. Transsubstantiation animæ influxu operantes. — 3. Hinc materia quam la valeur des arguments par lesquels on prétend con­ anima informat, non est materia illa prima, sed corpus cilier la conception atomistc des corps avec le dogme organicum, seu potius nerveum systema, ac fluidum de la transsubstantiation; mais en restant dans la maxime nerveum. — 4. Aliquid igitur dandum est seule question de l’union substantielle de l'âme et du veteribus thomistis, aliquid scolistis. Concedere debemus corps, on constate que les partisans de l’atomisme thomistis, nullam aliam formam esse in hornino prater chimique subissent la définition du concile de Vienne animam rationalem; concedere debemus scotislis, ma­ sans en pouvoir donner une raison scientifique (c’est teriam quam anima informat, esse corpus organicum. sur ce terrain qu’ils se placent pour proposer leur — 5. Si quaras an anima diet debeat forma sudsystème de la composition des corps) acceptable. Stantuus, respondebo (n primis hanc vocem non Le P. Palmier! explique que l'âme Intellective est tam declarare rem, quam declaratione egere; respondebo forme du corps parce qu’elle est, en même temps deinde posse animam dici formam substantialem; nam que le principe de la pensée, le principe de la vie sensi­ et ipsa substantia est, non accidens, et sui communica­ tive et végétative. Anthropologia, thés. xi. Le P. Ton­ tione corpus collocat in certa substantia specie, nempe giorgi, proposant la même pensée sous une autre In specie vivenlis. forme. Insiste surtout sur l’action de l’âme qui, répan­ Le P. Tongiorgi, op. ciL, t m, n. 180, 183, recon­ due dans tout le corps, associe et mêle son activité à celle du corps. Psychologia, 1. II, c. m, n. 167. Le naît expressément qu’il s’écarte de saint Thomas. Cf. t. n, Cosmologia, n. 76. Le P. Palmieri, tout en P. Ramièrc trouve la justification du terme forme protestant que l’atomlsmc chimique ne combat pas en cc que l’âme raisonnable ramène à l’unité la diver­ sité des éléments. Op. ciL, p. 92. Toutes ccs formules autant qu’on pourrait le croire la théorie de saint sont vraies, mais clics laissent Intact l’inUmc même Thomas, Cosmoloqia, thés, xxi, est un ferme partisan de cri atomisme, thés, xxm; mais traitant, dans son du problème de l’union de l'âme et du corps: clics en D* Deo creante et rleoanle, le point de vue théologique expriment les manifestations extérieures, clics n’en de l’union de I’ftme et du coqis. Il pose le principe que donnent pas la raison métaphysique dernière. L’union 1 union substantielle peut être réalisée entre deux ' est affirmée, mais non expliquée. 581 FORME DU CORPS HUMAIN 4° Conclusion. — Sans vouloir imposer un senti­ ment, Il est permis d’indiquer les raisons d’une préfé­ rence. L’opinion thomiste semble répondre seule adéquatement aux déflrtltlons de l’Églisc : les autres opinions, la dernière surtout, sont obligées de procéder par adaptation et le terme forme n’est plus employé dans son sens strict et obvie. Mais c’est principalement le côté philosophique de In doctrine thomiste qui nous plaît. La doctrine catholique étant sauve chez saint Thomas comme chez Scot, comme chez les modernes partisans do l’école chimique, il restera toujours loi­ sible au véritable philosophe d’affirmer la rigueur logique et la valeur métaphysique du système de l’angélique docteur. Si on rejette cc système, il n’y a plus, philosophiquement parlant, d'unité vraiment substantielle dans les êtres matériels. · Tous les êtres de la nature, y compris les vivants, ne sont plus que des agrégats accidentels. Les théories atomistes et méca­ niques peuvent bien ne pas reculer devant une telle conséquence. Il ne nous semble pas que la saine raison philosophique, d’accord ici avec le plus ferme bon sens, permette de l’accepter... La nature du vivant, ... telle que nous l’a exposée saint Thomas, est autrement riche, autrement intime; les principes qui la consti­ tuent autrement rationnels, autrement féconds. » Pègucs, op. cit., p. 312. Ne pourrait-on pas trouver la raison des diver­ gences qui séparent les théologiens catholiques dans le fait que bon nombre d’entre eux étudient la com­ position des coqis plus avec leur imagination qu’avec leur intelligence. Les problèmes métaphysiques de­ mandent à être traités avec la seule raison. Voir S. Thomas, In IV Sent., 1. I, disL XXXVII, q. n, a. 1, ad 4U® ; Opusc. De substantiis separatis, c. rx. Habitués que nous sommes ù nous imaginer le corps et l’âme comme des substances complètes, voir Kleutgen, op. cit., c. ir, § 7, nous éprouvons quelque difficulté à les concevoir comme des principes partiels in­ complets d’un même tout. C’est le défaut de la philo­ sophie Imaginative de plusieurs théologiens anti­ thomistes et de beaucoup de modernes de nier l’exis­ tence de principes ontologiques incomplets et partiels et de ne reconnaître que des êtres complets s’asso­ ciant ou s’unissant entre eux. Au philosophe sérieux, qui veut approfondir la nature des corps, apparaîtra toujours la nécessité d’aboutir à la thèse des prin­ cipes métaphysiques d’acte et de puissance, do forme et de matière, en un mot, à ccs êtres incomplets (entia ut quibus) qui, par leur union, constituent les êtres complets (entia ut qua·) corporels. Cf. Reiner, Summa pndectionum philosophise scholastica:, Prato, 1895, t. II, p. 22. VI. Corollaire : le siège de l'ame dans le corps. — 11 nous reste â examiner brièvement une dernière question, qui n’est d’ailleurs qu’un corollaire des discussions précédentes : le siège de l’âme dans le corps. Scion, en effet, que l’on adopte, touchant l’u­ nion de l’ûmc et du corps, une opinion contraire à la doctrine de l'unité substantielle du composé humain ou une opinion catholique, on est obligé d’accorder à l’ûmc, vis-û-vis du corps, ou le rôle d’une cause effi­ ciente ou celui d’une cause formelle. Dans le premier cas, le siège de l’âme est extrinsèque au corps luimême, ou tout nu moins à plusieurs de scs parties; dans le second cas, le siège de l’âme est dans tout le corps et dans chacune de ses parties. /. opinion fausse. — C’est celle des anciens philo­ sophes, notamment Platon, voir plus haut. col. 558 sq., assignant, comme siège â Pâme, lo cerveau, la tête, le cœur ou quelque autre partie du corps humain. On trou­ vera les détails concernant ccs opinions dans (Jrrâburu, op. cit., n. 2, § 1, p. 777 sq. Cf. rertullien, De anima, c. xv, P. L., L n, col. 670-672; Lactencc, De I 582 opificio Del, c. xvr, P. L., t vn, col. 64-65; S. Gré­ goire de Nysse, De opificio hominis, c. xrr, P. G.. t. xliv, col. 156. Les philosophes et savants de la déca­ dence delà scolastique, voir plus haut col. 559,avec leur théorie de la multiplicité des âmes, tombèrent dans In même erreur. Van Helmont, dans son De seÂe anima*. place l’âme à l’orifice inférieur de l’estomac; on con­ naît d’ailleurs la célèbre opinion de Descartes, relative à la glande pi né ale. Les passions de l’âme, part. I, a. 31 ; cf. Dlscartes, L îv, col. 552. D’autres ont donné la préférence soit aux ventricules du cerveau, soit au centre oval, soit au corps calleux.Ct. Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, art. Ame. Quant à Leibniz, sa théorie de la monade l’amène logiquement à nier toute causalité d’une monade sur une autre; l’ûmc n’est donc dans le corps que par sa perfection. 11 est d’ailleurs Inutile, pour le but théologique que nous I poursuivons, de nous arrêter à nuancer les divergences philosophiques qui séparent tous ccs philosophes non catholiques de doctrine. Il nous suffira de démontrer que leur opinion, assignant A l’entité même de l’âme un siège particulier et déterminé dans le corps ou hors du corps, est une opinion théologiquement inac­ ceptable. On le prouve, parce que cette opinion : 1° suppose entre le corps ou certaines parties du corps et l'âme une union purement accidentelle, et détruit par consé­ quent l’unité substantielle du composé humain, ci. S. Thomas, De anima, a. 10; 2· ne peut rendre raison de h définition du concile de Vienne, expliquée par Pie IX : l'dme rationnelle est la forme du corps humain, par elle-même, immédiatement, essentiellement; Suarez, De anima, 1. 1. c. xiv, n. 7, fait ccttc même remarque A propos de la définition du IV· concile de Latran; 3° renouvelle indirectement l’erreur du vitalisme, les opérations vitales étant immanentes et se produisant dans toutes les parties du corps indistinctement; or, si Pâme ne résidait qu’en un point du corps humain, les opérations des autres parties devraient procéder d’un principe différent de cette âme. Cf. Urràburu, op. cit., p. 781. Le fondement de cette philosophie est dans l’oppo­ sition qu’elle place entre la simplicité et l’inextcnsion de l’âme et l'extension et la divisibilité du corps. Cette difficulté, provenant de l’imagination, ne peut être résolue que par l’exposé des principes philosophiques sur lesquels se base l’opinion commune des docteurs catholiques. 11. OPINION DES TDÊOLOGIBNS CATBOUQUES. — 1° Fondements philosophiques. — Saint Thomas les expose dans la Sum. theol., I·, q. lxxvi, a. 8. 11 faut, pour les bien comprendre, lire le commentaire de Cajètan. 1. Lu question générale qui se pose est celle-ci: La forme est-elle tout entière dans le composé cl tout entière dans chacune des parties du composé? « Tout entière > peut avoir trois significations : il y a, en effet, le tout quantitatif, qui sc divise par parties quantita­ tives; il y a le tout essentiel, qui sc divise par éléments de composition (parties de la définition pour le tout défini dans l’ordre intentionnel, matière et forme pour l’être corporel, dans l’ordre réel; il y a enfin le tout po­ tentiel, qui sc divise par parties virtuelles. 2. Toutes les formes ne sc rapportent pas également au tout, pris scion ccs trois acceptions, et â ses parties. Certaines formes se rapportent indifféremment nu tout ou à scs parties; par exemple, dans l’ordre des formes acci­ dentelles, la blancheur peut affecter indifféremment toute une superficie ou une partie seulement de cette superficie; dans l’ordre des formes substantielles, la forme de l'eau sc retrouve également sous un grand vo­ lume de liquide ou sous une simple goutte. D’autres formes, au contraire, ont pour « premier perfectible » l’individu tout entier; elles no sc rapportent aux 583 FORME DU CORPS HUMAIN parties qu’en second lieu ct par rapport nu tout; cc sont les formes supérieures qui donnent la vie. Toutes les parties du corps humain sont des parties humaines; ! mais elles ne le sont qu’en fonction de tout l’individu qu’informe l'âme. Les anciens scolastiques, voir Cajé­ tan en particulier, admettaient des tonnes intermé- I dialrcs, les formes des végétaux ct des animaux infé- i rieurs, qui, tout en ayant normalement comme · pre­ mier perfectible » rétro vivant tout entier qu’elles ' allectent, peuvent cependant parfois également allec­ ter les parties de cet être et les rendre séparément vivantes (exemples : le ver coupé en deux, la bouture de l’arbuste). 3. La totalité quantitative ne peut i Jamais allecter la forme en elle-même (per se), parce que la forme, considérée en elle-même, est toujours simple, voir Forme, col. 543; mais elle peut allecter i accidentellement (per accidens) les formes qui se rap­ portent indifféremment au tout ou aux parties du tout, parce que ces formes non seulement perfec- 1 donnent un sujet doué de quantité, mais sont expressément l’acte d'une essence corporelle, qui exige h quantité : ainsi, la blancheur; au contraire, les tonnes supérieures à l'essence corporelle, les formes des vivants par conséquent, ct principalement des vivants des ordres les plus élevés, bien que jointes à | un sujet doué de quantité, ne peuvent être affectées, même accidentellement, de totalité quantitative, ct par conséquent être divisées en parties quantitatives. Ayant pour · premier perfectible » l’individu tout entier, elles ne sauraient être mises sur le même pied que les premières, qui sc rapportent indifféremment au tout et aux parties du tout : l’individu vivant n'est lui-même qu’autant qu’il possède toutes ses parties. Ces principes posés, il est facile de répondre à la question générale touchant la présence de la forme dans le sujet ct les parties du sujet S'agit-ii de h totalité quantitative, la forme qui, accidentellement, admet cette totalité, est tout entière dans le composé, mais non dans les parties. Si elle était tout entière dans le*, parties, les parties équivau­ draient au tout. S'agit-ll de la totalité potentielle, la réponse est la même pour toutes les formes sans excep­ tion : le composé tout entier renferme plus de princi­ pes d’action, ou un principe plus fort,que chacune des parties prises séparément Enfin, s’agit-il de la totalité d’essence, ici encore, la réponse est la même pour tou­ tes les formes sans exception : la forme substantielle étant l’acte de la matière, elle sc trouve, non seule­ ment dans tout le composé matériel, mais encore dans chacune des parties de cc composé; et elle s'y trouve tout entière ù cause de sa simplicité même. 2· Exposé. — Après les explications qui précèdent, on comprendra dans quel sens la théologie catholique, résumant la pensée de tous les siècles, dit, avec saint Thomas, de la forme du corps humain : oportet animam esse in toto corpore et in qualibet parte ejus. Sum. theol., I·, q. lxxvi, a. 8. Cf. Cont. gentes, I. II, 584 contraire, affirme la présence de l’âme dans tous les membres du corps : c’cst ainsi que les chrétiens sont répandus dans toutes les cités du monde. Funk. Patres apostolici, Tubinguc, 1891, t. i, p. 400. Saint Grégoire de Nyssc, De hominis opificio, loc. cil., est plus affirmatif encore sur ccttc omniprésence de lame dans tout le corps. Lactancc, op. cit., col. 66, incline vers la même opinion. Quant à saint Augustin, c’cst à son De Trinitate, 1. VI, c. vi, P. L., t. xi.n, col. 929, que saint Thomas d'Aquin emprunte les expressions mêmes de sa conclusion. Cf. De immortalitate anims, c. xvi, n. 25, P. L., t. xxxn, col. 1034; Cont. epistolam /undam., c. xvi, P. L., t. xui, col. 185; De agone Chri­ stiano, c. xx, P. L., t. XL, col. 301; Epist., clxvi,c. ii, P. L., t. xxxiii, col. 722. 2. Le sens de ccttc formule, « l’âme est tout entière dans tout le coqis ct dans chacune des parties du corps, > est donc celui-ci : il ne s’agit pas de la tota­ lité quantitative de l'âme, puisque, d'après les prin­ cipes posés plus haut, cette totalité ne lui appartient ni per se, ni même per accidens. Il ne s'agit pas non plus de la totalité potentielle, car « l'âme humaine, parce qu'elle excède la capacité du corps, possède des facultés capables d'agir sans la participation immé­ diate du corps. Penser ct vouloir sont de tels actes : aussi, ni l’intelligence, ni la volonté ne sont des facul­ tés organiques. Bclativcmcnt aux autres opérations qui se font par le moyen des organes corporels, toute la puissance de l’âme est dans tout le corps; mais elle n’est pas dans chaque partie du corps; car aux diverses parties du corps sont proportionnées différentes opé­ rations de l'âme. D’où il résulte que l’âme n’est pré­ sente dans telle partie du corps que par la puissance correspondant à l’organe de ccttc partie. » S. Thomas, De anima, a. 10. Il s'agit donc uniquement de la tota­ lité essentielle. 3. Ainsi précisée, la doctrine catholique se prouve facilement L'âme est la forme substantielle du corps humain. Or, la forme substantielle, d'après les prin­ cipes philosophiques rappelés ci-dessus, est tout en­ tière, dans sa totalité essentielle, dans tout le com­ posé ct dans chacune des parties du composé : elle est, en effet, l’acte premier du tout ct des parties. Ici, le composé, c'est le corps organique humain : Oportet proprium actum in proprio perfectlbiU esse. Anima autem est actus corporis organici, non unius organi tantum. Est igitur in toto corpore et non in una parte tantum secundum suam essentiam. S. Thomas, Cont. gentes, 1. II, c. lxxil 4. Rappelons enfin que c'est à cause de sa simpli­ cité que l’âme doit être tout entière, de sa totalité d’essence, présente dans chacune des parties du corps 1 humain. Mais 11 faut bien comprendre ccttc simplicité pour pouvoir répondre à l'objection deJa philosophie | non chrétienne. En opposant la simplicité de l’âme à la divisibilité du corps, on confond la simplicité, . terme du continu — le point mathématique — avec C. LXXII. I la simplicité métaphysique qui est en dehors de ta 1. Que la formule de saint Thomas soit l’expression quantité. La simplicité métaphysique seule appartient de la pensée de tous les siècles chrétiens, cela est évi­ aux formes. L'imagination sans doute est déroutée, car dent pour quiconque étudie la doctrine des Pères sur nous n'avons, dans les données des sens, aucun terme la présence de l'âme dans le corps. Pour les Pères, en de comparaison possible qui puisse nous aider à ima­ effet, voir Ame,L i,col.977 sq.,ct ci-dessus, col. 552 sq., giner cette sorte de simplicité; mais notre raison doit l'âme est simple et spirituelle; elle est unie substantiel­ cependant la concevoir. Pour tous ccs points de méta­ lement au corps ct à toutes les parties du corps. La physique, consulter Remer, op. cit., part. III, q. iv. conclusion de saint Thomas est donc implicitement 5. Enfin, la terminologie de l’école attribue nu mode contenue dans la doctrine traditionnelle. A peine de présence de l’âme dans le corps l'expression defini­ pourrait-on citer un ou deux Pères qui, comme Tertive et non localiter qui s'oppose ù localiter et circum­ tulltcn, Df resurrectione carnis, c. xv, P. L., L n, col. scriptive. Voir, sur le sens exact de ccs mots, Billot, De 670, assignent à l’âme un siège déterminé. Pour Tersacramentis, Rome, 1906, t. i, p. 148-456. tullien. I nyiuon»^, partie principale de l’âme, a son 3® Points controversés. — Les points spécialement skge dans le cœur ; cette théorie est inspirée par des controversés dans la doctrine catholique le sont en préoccupations exégétiques. L’£pitre d Diognète, au I fonction des dogmes de l’incarnation, de la résurreo 585 FORME DU CORPS HUMAIN tlon des corps, de l'eucharistie. Quelle est, dans les détails, la condition du corps glorieux de Notre-Scigneur ct en particulier des corps ressuscités? Dans quel rapport le sang du Christ, uni hypostatlqucmcnt à sa divinité, présent réellement sous l'espèce du vin, se trouve-t-il vis-à-vis de l'âme, forme du corps. Ces questions et d’autres semblables ont soulevé, chez les docteurs scolastiques, des problèmes qui, nu premier abord, peuvent paraître puérils, mais qui, somme toute, ne sont pas sans présenter une relation assez étroite avec la doctrine révélée. 1. Le premier point controversé concerne le sang : l’âme informe-t-elle le sang? SI oui, comment expli­ quer l’union substantielle du sang ct du reste du corps humain? Si non, comment expliquer l’union hypostatique ct la présence naturellement concomitante du corps dans l’eucharistie sous l'espèce du vin? Cette question sera examinée à l'art. Thanssubstantiation. Notons simplement ici les deux courants d’opinion. Pour l'affirmative, la plupart des thomistes à la suite de Cajétan, In ///·» Sum. theol., q. liv, a. 2, quelques théologiens jésuites, Tolct, De anima, 1. I, q, iv, après la concl. 3* (et encore avec des nuances; l'âme ne don­ nerait au sang que la nature de «corps mixte» ct non de • corps vivant»); Grégoire de Valence, In I·· Sum. theol., disp. VI, q. n, p. m; Hurtado, De anima, disp. I, sect, vi; Arriaga, De anima, disp. I, sect, ix, § 2; Oviedo, De anima, contr. I, p. i; les théologiens car­ mes d'Alcala (Complutcnscs), De anima, disp. VI, q. i, § 2, lesquels distinguent entre sanguinem nutrtmentalem ct sanguinem naturalem; le dernier seul est informé par l'âme. Pour la négative, S. Bonaventure» In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, part. I, a. 1, q. n, ad 2··; Scot, In IV Sent., L IV, dist. X, q. iv, n. 2; dist. XL1V, q. i; Alexandre de Halés, Richard de Middletown, Durand de Saint-Pourçain, Pierre de la Palu, cités par Suarez; les thomistes Capréolus, In IV Sent., 1. IV, dist. X, q. n, a. 3, ad 4«·; D. Soto, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, ad 3e·; les scotistcs Mastrius, De anima, disp. I, q. ix, a. 2, n. 109; Pondus, De anima, disp. V11, q. x, concl. 2 ; Dupasquicr, De anima, disp. VIII, q. vin, concl. 2; les jésuites Fonseca, Melaph., I. VU, c. xn, q. i, sect, ni; Suarez, De incar­ natione, disp. XV, sect, vi; De anima, 1. II, c. v; Vasquez, In III*m Sum. theol., disp. XXXVI, c. v; de Lugo, De eucharistia, disp. VIII, q. xv, n. 105; Lcsslus, De incarnatione, q. v, a. 2, dub. i ; Sylvestre Maurus, Qusut. philos., 1. IV, q. xxvm; etc. L'autorité de saint Thomas est invoquée par les deux partis; voici, sur la question, les références aux œuvres du docteur angélique : Sum. theol., I·, q. exix, a. 1; III·, q. xxxi, a. 5, ad lea; q. liv, a. 2; Quodl., V, a. 5; In IV Sent., 1. II, disL XXX, q. n, a. 1, ad 6°·; 1. IV, dist. XLIV, q. i, n. 2, sol. 3. Cf. Urrâburu, op. cit., a. 2, § 3, p. 799 sq. 2. Les os, la barbe, les cheveux, les ongles sont-ils informés par l'âme? En d'autres termes, font-ils partie de l’unité substantielle du corps humain ct doivent-ils te trouver dans les corps ressuscités? Il y n partage d’opinion, moins en cc qui concerne les os. que presque tous reconnaissent informés par l’âme, qu’en cc qui regarde les autres parties dtées du corps humain. Pour l'affirmative, on cite saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XLIV, q. i, a. 2, q. n, ad 3aw, et la plupart des thomistes qui ont traité cc point. Voir Complutcnscs, De anima, disp. VI, q. n, n. 28 sq. Pour In négative, Tolct, De anima, 1. II, q. iv, concl. 3 ; Sylvestre Mou­ rus, loc. ctl.; Sunrez, loc. cit., ct d'autres. Beaucoup des auteurs qui ont examiné la question par rapport nu sang se sont aussi prononcés sur cc point. Voir plus haut. Saint Bonaventure, In IV Sent., I. IV, dist. XLIV, part. I, n. 1, q. il, ct Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., 1. IV, diit. XLIV, q. i, ont une opinion 586 Intermédiaire : ccs différentes parties seraient Informées par une âme végétative; ce seraient des sortes de parasites; en somme, ils adoptent l'opinion négative. 3. La discussion relative aux humeurs ct liquides du corps est encore moins Intéressante; elle n'en a pas moins partagé les théologiens en deux camps. Ce sont à peu près les mêmes références que pour le sang. Aujourd’hui, à part la question du sang, les deux au­ tres points controversés laissent les théologiens dans l'indifférence absolue. Sur tous ces points, voir Urrâburu, op. cit., a. 2. lui conclusion qui semble devoir être acceptée, c'est qu'il faut rapporter à l'âme, forme du corps, toute manifestation de la vie de l’individu, quel qu’en soit le degré. I. La DÉFINITION DU CONCILE DE VIENNE. — Hefele, Histoire "des Vonelles, trad. Dclarc, Parii. 1873. t IX, p. 422 sq.; Wadding, Annales mtnarum Rome, 1730. t. v, p. 385; t. vi. p. 197; Bironius. Annales Barde-Duc. 1871, t xxm, an. 1297. n. 56; 1312. n 18-20; Mansi. Cone U, t. XXV, col. 367; Hardouln, Concfl. t vn. col. 1358; Du­ plessis d’Argentrè. Collectio judiciorum de noots erroribus, Purls. 1755, t l. p. 226-234; Ehrle, Zur Vorgesehiehte des Concils von Vienne; OlioPs Leben und Schriften, dans Archio für Lltteratur und Kirchengeschichle des MHlelallcrs, t. n. p. 369; t. in, p. 409; Caliuey. O M C. Étude sur Ubertln de Casale, Paris, 1911, c. v, νι; Π Jan­ sen. S. J., Die Definition des Constls oon Vienne, dans Zeitschrift jùr katholtsche Théologie, 1908, t. ΧΧΧΠ. p. 289307, 471-488; Michel Debièvre, lui définition du concile de Vienne sur Fdme. dans les Recherches de science religieuse 1912, t. ni. p 321-344; Prosper de Martignê, Ixt scolastique et les traditions franciscaines, Paris, 1888; Fr. René de Nan­ tes. Quelques pages d'histoire franciscaine, x. dans Études franciscaines, 1906, t. n, p 472; Zigliora. O P., De mente concilii Viennensis In definiendo dogmate unionis anime? human* cum corpore deque unitate formée substantialis tn homine, Rome, 1878; Palmieri, De Deo creante et elevante Rome. 1878, thés xxvi et appendice; cet ouvrage n’ayant pns été réédité sous ce titre, on pourra consulter du même auteur. Tractatus de creatione, 1910. thés, xxtx; Animadversiones in recens opus de mente concilii Vitnnensis, Rome, 1878; Liberatore, Du composé humain, trnd. frnnç., Lyon. 1865. c. vn, a. 6; Portallé. SJ. art. AuOVSTtNtsME (Développement historique de Γ), t i, col. 25052506; Pcsch, Pnrlectiones dogmatic*, Fribuurg-cn-Brisgnu. 1908, n. 123-124. IL La mADmoN et l’unttû substantielle du com­ posé humain. — Bardenhewer. Patrologle, trad, franç., Paris, 1899; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909-1911 Parmi les manuels les plus complets au point de vue patristlque, citons Heinrich. Dagmatische Théologie, Mayence, 1887. t. vi. § 295; Katschthaler. Thadogia dogmatica. Rat isbonne, part. IL sect, n c ni; Schwetz. Theologta dogmatica catholica, Vienne. 1S69, t. u, sect, i, | 5; Pldmlcri, De Deo creante et elevante, Rome, 1878, thes. xxvi; Pcsch, Prvlccttones théologie*. De Deo errante, Fribourgen-Brisgnu, 1908. t. ni, n 109-118 Voir encore A Vacant, art Ame, dans lo Dictionnaire de ta Bible de M. Vigou­ reux, 1.1, .col. 445 sq.; J. Bainvel, art Ame. t.i, col. 969 sq., 977-1006; Petau, De theologicis dogmatibus, tr. De incarna· Hone, L III, c. x; Frunrclin, De Verbo incarnato, Rome. 1874. sect, in, c. i, thes. xx, XXI. Les documents otUciels des conciles et des papes, dans les collections de Mans! ou Hardouln; Collectio laccnsis, t. v, vi; dans Hefele, Histoire des conciles, trad Dclarc ou Leclercq; dans Dcnzingcr, Enchiridion, n 40. I IS. 210. 255, 283. 284, 290. 295. 311. 396, 122. 429, 480. 481. 1655. 1911, 1912, 1914. Ιλ lettre de Pie IX û Kurdievêque de Cologne, dans Civlltà cattolica. IIP série, t. vin, p 105; ou encore, avec sa traduction française, dans les Annales de philosophie reli­ gieuse, 1857, t u, p. 236; la lettre de Pie IX ù l’évêque de Breslau, dans Analecta juris pontificii, 40· livraison, p. 244, ou dans Liberatore, op. cit., p. 474, note; la lettre de Mgr Crackl Λ Mgr Hautcceur, ainsi que le bref de Ple IX au D» Trnvngllnl. dans Zigliora. op. cit, p. 190. 191. III. Exposé dogmatique. — Schreben. Dogmatique, trad franç., Paris. 1881. t m, n. 392-419; Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895. t. 1. a 48, 49; II Quillict. La foi et Γanthropo^· logie. Il Considérations spéciales; le composé humain, 387 FORME. DU CORPS HUMAIN — FORMEES (LETTRES) dan* I « (brillons ecclésiastiques. 1912, t. n, p. 496 sq.; ΚΙηιΐμ η. Λα philosophie scolastique exposée ct défendue, tra Lapôtre, cultés. D'abord, il eut affaire à Photius. Jean VIII p. 410. Conformément à cc que l’orateur proposait à avait réussi à assoupir, sinon à éteindre les préten­ titre de limite extrême des concessions et de pis-aller, I tions grecques. Elles sc ranimèrent du temps de Ma­ l'assemblée décida de renvoyer les débats à l’examen rin I*r et, plus encore, sous le pontificat dc Forrnose. d'un concile, ample! assisteraient les évêqùes des pays Autant Jean VIII avait usé dc conciliation pour ré­ intéressés, Adrien adopta ccttc solution, ct nous savons duire le schisme, autant Forrnose déploya dc rigueur. par Hlncnuir, Annales, an. 869, P. L., t. exxv, Contre Photius ct scs ordinations il renouvela toutes col. 1246, que Formose fut délégué dans les Gaules, les condamnations d'autrefois. Cf. sa lettre dc 892, ad afin d’y préparer la tenue d’un concile généra! qui Stytianum Neocoesareir Euphrasiirprovincier episcopum, aurait lieu à Rome le 1er mars dc l’année suivante. P. L., t. cxxix, col. 839-840. Photius devint un ennemi La mort soudaine dc Lothairc tira le pape Adrien irréductible dc l’Églisc romaine. En Occident, Forrnose d’embarras. I sc trouva dans une situation fort complexe; Il avait à Formose brigua-t-il le souverain pontificat à la mort compter avec deux puissances, la nouvelle royauté d’Adrien II? Peut-être. Quoi qu’il en soit, le successeur d’Italie constituée par le duc Guy dc Spolètc, d’Adrien, Jean VIII, ne fut pas d’abord mal disposé qu’Éticnnc V avait sacré empereur, en 891, ct la à l’égard dc Formose; en 875, il le chargea d’aller royauté dc Germanie, détenue par Arnulf et héritière offrir à Charles le Chauve la couronne impériale. Mais dc la tradition carolingienne. Forrnose fut contraint dc il ne voulut pas que Formose s’immisçât dans les sacrer empereur Lambert, fils dc Guy, associé à son affaires bulgares. En 876, cc lut une disgrâce terrible. père (892),et dc prodiguer au père ct au fils des protes­ A h suite de compétitions d’influence Λ. Lapôtre, Le pape Jean Vlll, p. 43-4 L Forrnose était dc la racc des forts. Il fut dépourvu dc souplesse, de condescendance, ct il semble n’avoir pas échappé à l’ambition. Il est impossible dc dire la mesure dans laquelle fl encouragea l’obstination dc Boris à le vou­ loir pour archevêque; certainement il sc prêta aux démarches royales, s’il ne les provoqua point, ct par là il contribua, sans le vouloir, à détacher dc l’Églisc romaine ct à orienter vers Byzance la jeune chrétienté bulgare qu’il avait brillamment établie. En arrachant au registre dc Jean VIII les cahiers des dernières an­ nées du pontificat, qui contenaient les lettres favo­ rables à la liturgie slave ct aux Institutions moraves, les formoslcns rendirent possible l’erreur d’Étienne V sc hissant duper par un faussaire, croyant que Jean VIII avait toujours interdit la liturgie slave ct l'interdisant à son tour (885); l’accession du slavisme à l’Églisc catholique souffrit très fort dc la prohibition des usages nationaux, ct l’œuvre des saints Cyrille ct Méthode en fut compromise pour des siècles. Toute­ fois rien ne prouve que Forrnose ait connlvé directe­ ment avec le faussaire Wiching ct scs affidés. Cc qui n’est pas douteux, c’cst qu’il était de ceux qui ne mé­ nagent guère les susceptibilités même acceptables. Jean VIII, dont le P. Lapôtre a dessiné avec un relief si vigoureux l’imposante figure, avait compris la néces­ sité d’être conciliant pour avoir raison du schisme byzantin. Scs procédés pacificateurs paraissent avoir obtenu d’importants résultats. Fonnose, rigide comme une barre de fer, irrita Photius ;cc fut un grand malheur, comme on le vit dans la suite. En Occident, i Forrnose, tiraillé entre la maison de Spolètc ct celle 598 d Allemagne, donne, dc prime abord, l'impression d avoir usé d’une duplicité calculée, d’une politique à double face. Si l’on y regarde de prés, on est porté à admettre que * ccs étonnantes variations ne sont pas nécessairement b conséquence d'un plan arrêté d'avance dans l’esprit de Fonnose, » et même que < le principe de cette mobilité doit être cherché plutôt à Spolètc qu’à Rome. > A. Lapôtre, Le pape Jean Vil J, p. 180-181 ; cf. p. 181-189. En somme, Fonnose est une personnalité puissante, un caractère dc trempe énergique. Il eut des dons de premier ordre. Mais il fut trop d’une pièce. Il ne sut pas se plier à certaines exigences des temps difficiles qu’il traversa. La vraie force, celle des doux, lui man­ qua. La dignité dc sa vie Je pbee très haut dans l’his­ toire des papes du x· siècle. L'horreur tragique de sa destinée inspire une sympathie douloureuse et admi­ rative, qui apparaît déjà dans ccs vers que lui consa­ crait Flodoard, De Christi triumphis apud Italiam, L XII, c. v, P. L., t. cxxxv, coL 830 : tolerans discrimina plurima, promptus. Exemplum tribuens ut sint adversa terenda Et bene viventi metuenda incommoda nulla, et dans la légende, rapportée par Liutprand, Antapodesls, I. I, c. exxx:, P. /.., t. xxxvi, coL 804 : quand le corps de Fonnose réhabilité fut retrouvé et porté à Saint-Pierre, les images des saints s’inclinèrent vers lui. Le discours, que le P. Lapôtre regarde comme l’œuvre de Formosa avant le pontificat, affirme le principe de la supériorité du pape sur une assemblée particulière des évêques et le privilège attaché à b chaire apostolique de n’être jugée par aucun tribunal. Cette doctrine n’était nouvelle pour personne. Mais deux choses méritent d’être signalées. D’abord l’insis­ tance et b force avec lesquelles l’orateur proclame les droits du Saint-Siège, a qua nemo est appellare per­ missus, de cujus judicio retractari non licet, eufus sententia debet fine tenus insolubilis permanere, édit. F. Maassen, Bine Rede des Papstes Hadrian II, p. 23. Ensuite les nombreux emprunts qu’il fait aux fausses décrétales : plus dc trente textes, attribués à dix-sept papes, disposés selon le même ordre que dans b collection pseudo-isidorienne, et terminés par un extrait de b préface d’Isidore Mercator. Il n’y a plus à démontrer que le pouvoir suprême du pape n’est pas une innovation due aux fausses décrétales. Voir t. rv, col. 219. Mais il est intéressant de noter un emploi aussi large de ces pièces apocryphes environ vingt ans après leur apparition. Ajoutons qu’un bon juge, ( P. Fournier, Étude sur les fausses décrétales, dans la Rerue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1907, t. vin, p. 50, estime que, quel que soit l’auteur de 1a première partie du discours, b deuxième partie, celle précisé­ ment où apparaissent les citations des fausses décré­ tales, en est distincte; ce serait « une production ita­ lienne datant probablement de la fin du ix· siècle. » 1. Œuvres — Lc> lettres dc Fonnose sc trouvent dans P. L., t cxxix, col. 837-818, ct plus complètement dans P. Jaffé, Regesta pontificum romanonun, 2· édit., Leipzig. 1885. n 3473-3508. t I. p 435-439; ci t. n. p 705. 716 Le discours que le P I-npôtrc croit avoir été prononcé par l ormosc au concile dc Home (869) n été publié en partir par L. Murntori, Herum Halicarum scriptores, Milan, 1733,1 if \ ρ 135-140, et entièrement par F .Maassen. Eine Rede des Papstes Hadrian 11 oom Jahre Ml, die ente umfassende Benulzung der fabchcn Dccrdalcn, \ irnne. 1873 (extrait des Sitiungsbcrtrhte der K. Akademie der Wi^smscha/len, Vienne. 1872. t lxxii. p. 521-554). L'attribution à For­ mose n'est pas admise par tous : voir l'exposé de la contro­ verse et la bibliographie de In question pur H. Schrôrs, Eine verme tntliche KonttUrede des Papstes Hadrians 11, dans VlHstortsches Jahrbuch, Munich. 1901, t. xxn. p. 2336. et E. Seckcl. RealcncyklopOdle, 3· édit.. Leipzig 19ÛS p 290-291. 599 FORMOSE — FORNICATION Π. Sources — Λζ Liber pontificalis, édit. L. Duchesne, Paris 1892, t n p 161. 165, 175, 183.185, 227 (cette notice □r reproduit que la recension du xv· siècle du texte du Liber pontificalis de Pierre-Guillaume (1142), p.353); Photius, Epist, 1 1, epist. xni, c. iv, P, G., t. en, col. 724 (un autre passage de Photlus, De Sancti Spiritus mystagogia, c. Lxxxvin, col 377, semble viser non le sort de Nicolas Ier, comme Γη cru Hergenrôther. mais la tragédie qui sc joua autour du Cadavre de Formose; cf. A. luipôtrc, pape Jean VIII,P 69. n. 1); Flodoard, De Christi triumphis apud Italiam, 1. ΧΠ, c. v, P. L., t. cxxxv, coi. 825-830 (cf L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. n, p. x-xi), et Historia erelesiir Remensis, I. IV, c. i-iii, coi. 266-271 ; Guillaume de Malmesbury, Gesta regum anglorum, 1. II, c. cxxix, et De gestis pontificum anglorum, I. I, P L., t. clxxix, coi. 10931094, 1471-1472; cf. P. L., t. cxxix, coi. 848-854; et, parmi les annalistes et chroniqueurs, Hincmar, Annales, an. 869, P L·, t. exxv, col. 1246; les Annales Fuldenses, dans Pcrtz, Monumenta Germanise historica, Scriptores, Hanovre, 1829, t 1, p. 409; Marianus Scotus. Chronicon, an 918, P. L., t CXLvn, col 775-776, etc. Toute la littérature du débat relatif A la personne et aux actes de Formose a été étudiée par E. Dû mm 1er, Auritius und Vulgarius. Quellen und Forschungen sur Geschlchte des Papstums im Anfang des trhnten Jahrhunderts, Leipzig, 1866 ; les principales sources sont Jean VIII, Epist, xxv, exxx. P. L., t. cxxvi, col. 675-689, 781 ; le concile de Troyes tenu par Jean VIII (878), Labbe, Sacrosancta concilia, Paris. 1671, t. ix, col. 311; deux synodes de Home et de Troyes apocryphes, mais fabriqués probablement avec des documents authentiques, Dûmmler, p. 156-161; le concile de Home sous Jean IX (90-1), Ijibbe, t. IX, col. 502-506 (édition plus complète dans Mansi, Concii, Venise, 1773. t. xvin, col. 221-226); les écrits d’Auxllius, prêtre d‘origine franque, composés à Naples, A savoir : Jn defensionem ordinationis papæ For­ mosi, l^Ûmmlcr, p. 59-85 ; De ordinationibus a Formoso papa factis, P L , t cxxix, col. 1053-1074, Dûmmler, p. 107-116 (rédaction un peu plus étendue); Tractatus qui tn/ensor et defensor dicitur, P. L, t cxxix, col. 1073-1102; Libellus in defensionem Stephan I episcopi (sc, Neapolitani) et priefala ordinationis, Dûmmler. p. 96-105; Eugène Vulgarius, De causa formos (ana libellus, Dûmmler, p. 117-139, et Libellus super causa et negotio Formosi paper, P, L., t. cxxix, coi. 1103-1112 (publié A tort sous le nom d’Auxllius); l’écrit anonyme Invectiva in Romam pro Formoso papa, dans E. Dûmmler, Gesla Berengarli imperatoris, Beilrâge zur Ge­ schlchte Italiens tm Anfang des zehnten Jahrhunderts, Halle, 1871, p. 137-154; diverses lettres et pièces de vers, Dûmmler, AuxII lus und Vulgarius, p. 139-156. Ill. Travaux. — Parmi les anciens historiens, Baronius, Annales ecclesiastici, an 891-897, 904; parmi les modernes, Dûmmler, Auxllius und Vulgarius, Leipzig, 1866; C.-J. von Hefele, Coneiltcngeschichte, 2· édit., Fribourg-en-Brisgau, 1879, t iv; trad Leclercq, Paris, 1911, t. iv, p. 383-390, 433-443, 611-612. 617-650, 708-719; A. Lnpôtre, Hadrien II et les fausses décrétales, dans la Revue des questions histori­ ques, Paris, 1880, t xxvn, p. 377-431, et lx pape Jean VIII (97Î-SSÎ), Paris. 1895, p. 25-29, 59-61, 178-191 (ces pages remarquables font regretter que Le pape Formose, Paris, 1885, du même auteur,n’existe pas en librairie); Knôpfirr, dans Klrchenlezlkon, 2· édit., Fribourg-en-Brisgau. 1886, t nr, p 1619-1623; J. Langen. Geschlchte der rômischcn Kirche von Nikolaus I bls Gregor VII, Bonn. 1892; L. Du­ chesne, les premiers temps de Γ État pontifical, dans la Hrrue d'histoire et de littérature religieuses, Paris, 1896, t. i, p 462-461, 472-183. 491-493, 497; C. Mlrbt. dans Realencyklopddle. 3· édit . Leipzig, 1899, p. 127-129; L. Saltet, 1rs coordinations Élude sur le sacrement de [ordre, Paris, 1007, p 14.1-145, 152-163; les ouvrages Indiqués par U Cheva­ lier. Répertoire des sources historiques, I. Bio-bibliographie, 2* édit. col. 1543. ill sacerdotum du cardinal Tolct, Rome, 1608. Ccs divers ouvrages ont été traduits en italien, en français et en espagnol. Sommcrvogcl, Bibliothèque de la C1· de Jésus, L hl col. 890; Hurter, Nomenclator, t. ni, col. 611; Santegata* Istoria della prou, di N apoil, t. ni, p. 452 sq. P. Bernard. FORNICATION. — I. Notion. IL Espèces. IIL Gravité, IV. Conséquences. I. Notion.— 1 ° Dé /? nil ion, — Étymologiquement, le nom latin de fornicatio a été donné par les écri­ vains de l’Église latine aux relations avec les prosti­ tuées, parce qu’on appelait à Rome et à Pompél for­ nices (de fornix, voûte, chambre voûtée) les chambres basses où on descendait de la rue et qui servaient de lieux de prostitution. Art Fornix, dans le Diction­ naire des antiquités grecques cl romaines de Darcmberg et Sagho,* Paris,’1896, t. n, p. 1264, et dans Rcal-Encyctopàdic der classischen AltcrtumsiuisscnschaH de Pauly-Wissowa, Stuttgart, 1910, t. vu, col. ll.Lafornication est définie par les théologiens : Copula soluti cum soluta, ex mutuo consensu; c’est l’union’sexuelle accomplie avec consentement mutuel, par deux per­ sonnes libres de lien. Ainsi, la fornication sc distingue des fautes char­ nelles que l’on comprend sous le nom générique de péchés de luxure consommée. Saint Mattliieu qualifie de celte façon même le crime d’adultère : Quicumque dimiserit uxorem suam, excepta fornicationis causa, facit eam moechari, v, 32. Voir J. Knabenbauer, Euan­ gelium secundum Matthœum, Paris, 1892, t. i, p. 226230; M. Hagen, Lexicon biblicum, Paris, 1907, t. u, coi. 310. Mais la définition commune circonscrit h notion de cc crime et lui assigne les limites de la simple fornication, telle que l’entendent les moralistes et telle que nous l’envisageons ici. Le terme copula indique le genre qui assimile cet acte avec tous ceux qui ont trait à la génération par l'union sexuelle complète. Si l’acte était volon­ tairement interrompu, il prendrait le caractère d’un attentat contre nature et ne serait plus la fornication elle-même. I^cs autres termes de la définition ont pour objet de classer cc péché dans son cadre spécial. Les mots consensu mutuo écartent toute idée de violence, qui tendrait A faire confondre la fornication avec le rapt ou le viol. Les expressions soluti cum soluta signifient que les coupables sont libres de tout lien provenant du mariage, de la parenté, de l’afïlnité, du vœu et des ordres sacrés, car, dans ccs cas, il ne saurait plus être question de la simple fornication, mais bien, respectivement, de l’adultère, de l’inceste et du sacrilège. Plusieurs théologiens exigent que, pour justifier la définition de la simple fornication, la faute ait été commise avec une personne déjà compromise. Si le péché, disent-ils, a lieu avec une personne encore vierge, ce n’est plus le cas de fornication, mais celte défloration spécifique connue sous le nom de stupre. Voir plus loin. 2° Erreurs. — Plusieurs erreurs ont été soutenues, I en divers temps, à propos du caractère intrinsèque de la fornication au point de vue de sa moralité, ou plutôt de son immoralité. F. Vernet. Les païens et, sous l’influence de leurs doctrines, FORNARI Martin, jésuite Italien, né A Brindisi certains gnostiques, les nicolaïtcs, prétendaient que en 1547, reçu dans la Compagnie de Jésus en 1564, les unions libres n’étaient prohibées par aucune loi. enseigna pendant près de vingt-cinq ans la théologie La simple fornication passait pour chose indifférente monde A Padoue, Naples et Rome, où II mourut dans et les moralistes se contentaient de blftmer les excès. la maison professe le 27 septembre 1612. Son Insti­ Dans les Adelphes de Tércnce, i, 2, 21, Micion exprime tuito confessoriorum est célèbre. Imprimée à Rome en ccs termes la pensée des Grecs et des Romains : en 1607, elle eut aussitôt une série d’éditions en France 4Von est flagitlum, mihi crede, adolescentulum scortari. et en Allemagne. Ou a aussi du P. Fomari Examen ordinandorum, Rome, 1670 et des Annotationes et - Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., 1U, 3, P. G., t. vm, additiones de sacro ordine, qui font suite à Γ Instructio I col. 586; S. Ambroise, In Epist. ad Rom., i, *29 30*, M· 601 FORNICATION P. £., t. xvn. col. 62. En Orient. les temples de cer­ taines divinités abritaient cc désordre moral. Cf. J. La­ grange, Éludes sur /es religions sémitiques, 2· édit., Paris, 1905,p. 130, 241, 444. Au χτι· siècle, les anabaptistes, et de nos jours les libres-penseurs, proclament la par­ faite légitimité des pratiques de cc genre. Durand de Sainl-Pourçain, le doctor resolutissimus, sans tomber dans une crrcui aussi grossière, a soutenu que, de droit naturel, la fornication constituait seulement une faute vénielle : si elle est considérée comme mortelle, c’est par suite des sanctions de la loi positive. Enfin, Caramuel, Theol. moral., 1. 111, n. 1600, et quelques autres théologiens sc sont efforcés de démon­ trer que le péché de luxure n'était point intrinsè­ quement mauvais : il était condamnable parce que le droit positif l'interdisait, en vue des désordres qu’il pouvait introduire dans La société. 3° Doctrine commune. — Tous les théologiens éta­ blissent comme vérité révélée et de foi catholique que h simple fornication est intrinsèquement mauvaise et constitue une faute grave. Ils s’appuient sur son opposition foncière â la loi divine et naturelle. Aussi concluent-ils qu’en aucun cas, il n’est permis de s’y livrer, parce qu’elle n'est pas mauvaise seulement en raison d’une prohibition positive, mais qu’elle est prohibée à cause de sa malice essentielle. De telle sorte que, même dans les cas do mutuel consentement, chaque acte renouvelé entraîne l’obligation de l’aveu sacramentel réitéré. \. Preuves scripturaires.—Les oracles sacrés sont for­ mels. Attende tibi ab omni fornicatione; et præter uxorem tuam nunquam patiaris crimen scire. Tob., rv, 13. Le saint patriarche Tobie quali fle de crime l'infidélité conjugale. Non ent meretrix de filiabus Israel, nec scortator de filiis Israel. Non offeres mercedem prosti­ buli, nec pretium canis in domo domini tui..., quia abominatio est utrumque apud Dominum Deum tuum. Deut., xxni9 17, 18. En déchargeant les chrétiens, convertis de la gentilité, des pratiques juives, les apôtres, dans la réunion de Jérusalem, leur imposent toutefois l’abstention de la fornication. Act., xv, 29. Le mot zopvtta n'a probablement pas dans ccttc décision la signification juive de mariages mixtes ou de mariages Λ des degrés prohibés qu’on lui donne quelquefois; il faut plutôt l’entendre au sens ordi­ naire, puisque la lettre de l’assemblée était adressée à des gentils, qui n’étaient pas initiés au langage des écoles juives, et avait pour but d’écarter de leur vie cc qui était regardé comme une trop criante abomina­ tion. J. Thomas, Mélanges d*histoire et de littérature religieuse, Paris, 1899, p. 93; K. Six, Das Aposteldccrel, Inspruck, 1912, p. 39-40; F. Zorell, Novi Te­ stamenti lexicon græcum, Paris, 1911, p. 476. Saint Paul qualifie les hommes coupables gc cc forfait comme dignes de mort : repleti fornicatione... digni sunt morte. Horn., i, 29, 32. Il écrit rudement aux Co­ rinthiens : Neque fornicarii... neque adulteri, etc., re­ gnum Dei possidebunt. 1 Cor., vi, 9 2. Décisions des papes et des conciles. — Au com­ mencement du χιν· siècle, parmi les rêveries des bégards et des frères du libre esprit, on relevait la proposition suivante : Multeris osculum, cum ad hoc natura non inclinat, est mortale peccatum; actus autem carnis, cum ad hoc natura inclinat, peccatum non est : maxime cum lentatur exercens. Le concile de Vienne frappe d'anathème ccs extravagances. Clémentines, De hier., c. m, Ad nostrum, 1. V; Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 477. Innocent XI condamna la thèse qui soutenait que la fornication n’était pas Intrinsèquement mauvaise : Tam clarum videtur for­ nicationem secundum se, nullam involvere malitiam et solum esse malam quia interdicta, ut contrarium, omnino rationi dissonum videatur. Cette audacieuse affirma­ 602 tion, ainsi proscrite, a réapparu depuis,surtout de nos jours, sous de* formes variées. Mais la saine raison, loin de la favoriser, la réprouve et toute illusion sur ce point est impossible. 3. Arguments de raison. — Dans le passage cité de la Ife)Ép!tre aux Corinthiens, l’apôtre excluait du ciel ceux qui se livraient â la fornication. Or, continuant son enseignement moral, saint Paul ajoute : « Vous vous été* rendu* coupables de ces crimes; mais vous avez été purifiés, sanctifiés. Justifiés en Notre-Seigncur Jésus-Christ. · Les Corinthiens, avant leur conversion, étaient livrés À toutes les pratiques idolâtriques : ils ne considéraient pas la fornication comme faute grave. Or l’apôtre leur déclare que, de ce fait, ils étaient exclus du ciel et que leurs âmes, souillées de ce crime, avaient été purifiées, sanctifiées, justifiées, par les méntes du Sauveur et qu’ils ne devaient plus le commettre. Le raisonnement de l’apôtre montre la malice inhérente à cc péché, qui rend indignes du ciel ceux qui s’y livrent. Saint Thomas, Sum. theol., II· II», q. cuv, a. 2. donne à cc sujet une raison fondamentale que nous résumons en ccs termes. Les actes de la génération ont pour but, non seulement de procréer le corps de l’en­ tant, mais de pouvoir permettre son instruction et son éducation morale. Tout procédé qui nuirait à ce double objectif troublerait l’ordre naturel établi par le créateur; or, la fornication est loin de favoriser le progrès du chiffre de la population; bien plus, la vie de désordre ne permet pas à ceux qui s’y livrent de pourvoir à l’éducation de leur progéniture d’occasion. Le père ou la mère y fait défaut, et souvent, tous les deux, alors que, cependant, l'instinct naturel réunit la plupart des créatures inférieures elles-mêmes, en société temporaire, tant que leur progéniture a besoin d’être nourrie et protégée par ses deux auteurs. Par conséquent, ce qu’on appelle aujourd’hui les unions libres constitue un attentat direct au droit naturel, un désordre essentiellement crimincL On a voulu ruiner cette argumentation, en ima­ ginant le cas d’une entente mutuelle qui aurait pour objet l’éducation de l’enfant. L’argument est sans valeur. D’abord, dans la plupart des cas, les intéres­ sés, surtout parmi les classes popuhures, ne pensent point à cc détail. En outre, les lois générales ne visent que les situations ordinaires, celles qui doivent être conformes aux règles providentielles : elles ne peu­ vent pas s’occuper des exceptions qui peuvent se pro­ duire ou non : id quod cadit sub legis determinatione judicatur secundum id quod communiter accidit et non secundum id quod in aliquo casu potest accidere. S. Thomas, ibid. D’ailleurs, l’adoption de ces mesures préventives indique que les situations irrégulières, considérées en elles-mêmes, sont Impuissantes ù réa­ liser le but de la nature. 4° Une proportion arithmétique, établie entre les autres fautes commises contre Dieu et le prochain et le péché de fornication, complétera la notion de ccttc dernière. La fornication simple ne revêt pas le caractère odieux des fautes opposées aux vertus théologales. En effet, les péchés sont caractérisés par leur oppo­ sition au bien prescrit par la vertu correspondante. Les fautes contre la religion ou les vertus théolo­ gales blessent Dieu lui-même, le souverain bien. La simple fornication lèse directement les droits de l’homme, comme nous l’avons prouvé, et seulement, par voie de conséquence, l’autorité du législateur suprême. lui fornication simple n’est pas non plus crimi­ nelle, comme l’homicide. Par son attentat, l’assassin s'attaque à la vie présente, réelle, de la victime. Le fornicateur ne met en péril que l’existence régulière 603 FORNICATION d’une créature à venir. En outre, le forfait commis par l'homicide est irréparable; les conséquences de la fornication peuvent se réparer, tant au point de vue moral que matériel. Mais la fornication simple est plus gravement cou­ pable que le vol. Cc dernier acte trouble l’homme dans la possession des biens temporels; la fornication porte atteinte aux droits supérieurs de l’âme. De plus, si le vol blesse la vertu de justice, la fornication blesse les deux vertus de tempérance ct de justice. 5° L’interdiction de la fornication étant ainsi fon­ dée sur le droit naturel, l’ignorance invincible peutelle être admise au sujet de son caractère criminel? A s’en rapporter au système traditionaliste, il fau­ drait, sans hésitation ct sans restriction, affirmer que pareille ignorance, non seulement peut exister théoriquement, mais qu’elle existe de fait. Les phi­ losophes traditionalistes posent en principe que, sans la révélation divine, l’homme ne peut connaître aucune vérité morale. Or, il existe encore dis con­ trées où la prédication évangélique n’n pas pénétré, où, par ailleurs, la révélation primitive est oblitérée. Par conséquent, la vérité sur le caractère de la for­ nication simple peut être parfaitement ignorée, ct ceux qui pratiquent cc vice sont excusables. Nous n’avons pas à insister ici sur ce principe, qui est faux ct qui a été condamné par l’Égiisc, pas phis que sur la conséquence inadmissible qui s’en déduit logiquement. La question concernant l’ignorance invincible de l’immoralité de la fornication rentre dans cet ordre de problèmes qui concerne l'ignorance meme de la loi naturelle : à savoir, les principes de la loi naturelle peuvent-ils être ignorés? Ou bien il s’agit des règles touchant les principes les plus universels inscrits par le créateur au fond de tous les cœurs, comme, par exemple, les axiomes qui ne soutirent pas contesta­ tion : il faut éviter cc qui est mal; il ne faut point faire aux autres cc qu’on ne voudrait pas que l’on fit à soi-même; il faut respecter les supérieurs. Ou bien il est question des règles de conduite qui sc déduisent immédiatement cl sans difficulté de ccs principes évi­ dents; par exemple: il faut respecter le bien d'autrui; il ne faut pas recourir au mensonge. Les philosophes et les théologiens rangent, dans cette seconde classe de vérités faciles à découvrir, la défense de commettre la fornication. Ou bien, enfin, il s’agit de ccs préceptes qui ne découlent des vérités évidentes que par voie de raisonnement laborieux, par l’intervention des autorités constituées, telles que la législation concer­ nant la loi des contrats ct celle de la transmission des héritages. Nul doute que l’erreur ne sc produise fréquem­ ment pour les principes de ccttc troisième catégorie. L’ignorance, même invincible, doit être admise dans ci cas. Mais il n’en va pas de même pour les préceptes de la première et de la seconde classe, pour peu que l'homme qui y csl obligé jouisse de l'usage de la rai­ son. Les lois primai diales de la naturo et leurs consé­ quences immédiates sont, nu point de vue moral, des regies essentielles, comme les axiomes premiers sont les bases de toute démonstration spéculative. Saint Thomas dit â ce sujet ; Quisque stalim probet audita. In IV Sent., 1 m. dnt. XXX. q il. sol. 2" Il suffit d’éuonccr ces propositions pour qu'aussitôt chacun cn connaisse le bien-fondé. L’opposition de la fornication avec les préceptes de la loi naturelle est de ccttc espece. L>onc, cn principe, son ignorance ne saurait être admise. Ajoutons aux preuves antérieures celle qui sc déduit encore de saint Paul, lorsqu’il déclare inexcusables les païens qui sc plongeaient dans les désordres de ce genre, bien qu’ils ne connussent pas la loi évangé­ 604 lique. Rom., r, 20. Quelques moralistes de l’antiquité, quoique dépourvus des lumières de la révélation, ré^ prouvaient le désordre. Tacite et Suétone fustigent à cc sujet la licence de la société romaine. Cicéron cingle vigoureusement le proconsul Verrès pour le même motif. Toutefois, ils réprimaient plutôt les excès que la faute elle-même. Le soin qu'on met ordinairement à entourer de mystère un pareil désordre prouve que le verdict de la conscience proteste au fond des cœurs. Et lorsque le vice tout-puissant ou impuni affronte la lumière du jour, les témoins ne manquent jamais de dire : C’est un défi jeté à la pudeur publique. L’ignorance invincible ne saurait donc être admise cn thèse générale. Seule l’ignorance vincible,qui n’atté­ nue pas la culpabilité, peut être source de cc désordre. Et les causes de cette ignorance sont les préjuge admis de confiance, les mauvaises habitudes contrac­ tées, l’inertie à combattre les penchants déréglés. Saint Thomas dit excellemment à co sujet: Ad legem naturalem pertinent primo quidem quædam principia communissima, quæ sunt omnibus nota..., quadam autem secundaria præcepta magis propria, quæ surd quasi conclusiones propinqua principiis. Quantum ergo ad illa principia communia, lex naturalis nudo modo potest a cordibus hominum deleri in universali... Quantum vero ad alia præcepta secundaria potest lex naturalis deleri de cordibus hominum, vel propter malas persuasiones, eo modo quo diam in speculativis errores contingunt: vel etiam propter pravas consuetudines et habitus corruptos : sicut apud quosdam non reputaban­ tur latrocinia peccata, vel etiam vitia contra naturam, ut etiam dicit apostolus ad Romanos. Sum. theol., I* II·, q x« iv, a. G. Les écrivains qui démoralisent le public, les roman­ ciers, les auteurs de pièces de théâtre qui, dans les époques de décadence, favorisent les vices, provo­ quent au désordre, sous prétexte de la nécessité de donner libre essor aux penchants naturels, trouvent ici leur condamnation justifiée : ils ne préconisent pas les inclinations conformes à la nature rationnelle, mais bien les instincts inavouables. 6° Λ la simple fornication sc rattachent le concubi­ nage, voir cc mot, et la prostitution. La prostitution est l’état de vie des femmes qui sc livrent à tout venant. Les théologiens la distinguent de la fornica­ tion simple et lui reconnaissent un degré plus accen­ tué de criminalité. C’est qu’en cfiet ce genre de désor­ dre fait obstacle non seulement à la bonne éducation des enfants, mais même, comme le prouve l’expé­ rience, a leur procréation. En règle générale, ccs fem­ mes restent stériles. Néanmoins, scion les théologiens, il n’est pas besoin de déclarer cn confession qu’on a eu rapport avec une personne de cc genre, parce que cette circonstance ne change pas l’espèce ct n’est pas notablement aggravante. 1. Des hommes pervers ont voulu arguer contre l’interdiction de la prostitution, cn disant que jamais Dieu ne l’aurait tolérée, si clic eût été un mal intrin­ sèque. Or non seulement il l’a autorisée, mais il l’a pres­ crite au prophète Osée, i, 2 : Vade, sume libi uxorem /ornicariam, et fac tibi filios fornicationum. Les redoutables sanctions formulées si fréquem­ ment dans les Écritures contre cc désordre eussent dû tenir cn garde contre une pareille interpréta­ tion, qui met cn opposition trop flagrante le texte inspiré avec lui-même Aussi, est-il facile de conclure que, dans ccttc occurrence. Dieu n'ordonna pas à Osée d’aider la prostituée qu’il devait épouser à con­ tinuer son métier, mais nu contraire Λ y mettre fin cn la prenant pour sa femme. Dans un but allégorique, afin de faire voir que le ciel adoptera des hommes rebelles à la loi divine, pour les convertir, le Seigneur 605 FORNICATION prescrivait au prophète d’épouser une femme cou­ pable, cn contractant une union normale. Aussi, saint Thomas, Sum. theol., I· II·, q. c, a. 8, ad 3e·, affirme avec raison que l’acte commandé à Osée par le Sei­ gneur, loin d’être une prime au désordre, n’avait aucun caractère de culpabilité. Osce nec moechatus rue jornicatus fuit. 2. Ici sc pose une question délicate ct fort contro­ versée, surtout parmi les anciens. Peut-on, cn saine morale, autoriser la prostitution? 11 faut distinguer les grands centres de population et les groupements moins étendus. Les arguments que l’on fait valoir pour permettre la prostitution organisée dans les grandes villes n’ont pas leur raison d’être dans les peti­ tes localités. Aussi, les meilleurs auteurs sc pronon­ cent absolument contre l’établissement de maisons dites de tolérance dans de petites agglomérations. S’il est question de grandes cités, les théologiens se partagent. Les uns, qui se réclament d’autorités graves, admettent la licéité de la tolérance de la prostitution. Le motif sur lequel Ils sc fondent est qu’en supprimant les personnes vouées au mal par profession, on multiplierait les désordres : les hon­ nêtes femmes seraient fréquemment exposées aux incitations les plus troublantes, aux pires brutalités, aux dangers de toute sorte; cn outre,les actes impurs de sodomie, de bestialité, etc., sc multiplieraient, tandis que le système contraire sert, cn quelque sorte, d’exutoire à cc mal social. Entre deux maux inévita­ bles, on choisit le moindre. Cc nonobstant, saint Alphonse de Liguori trouve le sentiment opposé plus probable. Theologia moralis, 1. Ill, tr. IV, η. 134. En effet, disent les théologiens qui se prononcent pour la négative, par la facilité donnée de satisfaire ainsi les passions, ccs dernières, loin de se calmer, s’exaspèrent. Il leur faut toujours un nouvel aliment : elles deviennent insatiables. Les personnes honnêtes n’échappent pas aux obsessions des criminels perdus de vices, altérés de jouissances luxurieuses. Les chutes sc multiplient, les ruines s’ac­ cumulent, le déshonneur pénètre dans les foyers Jus­ qu’alors les plus respectés : l’exemple ct l’impunité font que de malheureuses femmes se déterminent à sc Jeter dans la redoutable armée du désordre public, où, quelques années durant, elles espèrent réaliser, à peu de frais, des gains considérables ct satisfaire leurs goûts de frivolité. Pour tous ccs motifs, ccs mora­ listes sc refusent à admettre le principe de la licéité de la tolérance de la prostitution. Ils invoquent les mêmes raisons pour interdire aux propriétaires la location des maisons dans ccs circonstances. II. Espèces. — A la fornication simple s’oppose la fornication qualifiée, c’est-à-dire la fornication à laquelle est jointe une circonstance qui aggrave sa culpabilité ou cn change l’espèce. Dans ccttc catégorie rentrent, selon saint Thomas, Sum. theol., II· II·, q cLiv, a. 1, l’adultère, l’inceste, le stupre, le rapt, le sacrilège et le péché contre nature. Ce saint docteur donne également la raison de ccttc division. Les actes de luxure, opposés à la vertu de conti­ nence, sc diversifient selon les manières différentes dont Ils blessent cette vertu. Par conséquent, autant il y aura de modes de violations du droit conjugal, autant 11 y aura de variétés de fornication. Il y aura ainsi, d’abord, les actes directement contraires A la génération, puis ceux qui sont opposés à l’édu­ cation de l’enfant. Le péché qui exclut la génération est le vice contre nature; celui qui, sans s’opposer à la procréation, compromet néanmoins l'éducation des enfants, est la simple fornication dont nous venons do parler Une seconde division embrasse les cinq cas où le péché de fornication viole non seulement lu saine rai­ 606 son, mais encore les droits, colt des personnes ellesmêmes, soit des tiers. Ainsi, l’adultère blesse le droit d’un des époux a la fidélité de son conjoint. L’inceste méconnaît le respect naturel dû Λ l’affinité, à la pa­ renté ct aux convenances sociales. Le stupre, ou la défloration d’une personne vierge, outrage le pouvoir protecteur du père ct de la mère sur cette personne. I-c rapt ajoute à cet attentat celui de la violence. Si le crime est commis avec une personne liée par des vœux ou par une loi ecclésiastique, nous nous trou­ vons en présence du sacrilège. Les actes impudiques accessoires, tels les attouchements, les familiarités coupables, rentrent dans les catégories correspondan­ tes des fautes que nous venons de signaler. Ixs législations civiles forment les classifications de ccs fautes cn établissant surtout les responsabi­ lités de la femme, tandis que le droit chrétien n’admet pas de diflércncc entre les obligations de la femme et de l’homme Les devoirs sont égaux pour les conjoints et la culpabilité identique dans le cas de violation de h foi Jurée. Des articles spéciaux ont été ou seront consacrés à l’adultère, à l’inceste, au rapt, au sacrilège et aux cri­ mes contre nature. Il reste seulement à parler du stu­ pre. Le stupre, stuprum, ou la défloration d’une vierge, signifie, dans son acception générale, tout rapport charnel avec une femme : comme en cc passage des Nombres, v, 13 : Laie! adulterium et testibus argui non potest, quia non est inventa in stupro. L’adultère caché ne peut être prouvé, la femme coupable n’ayant pas été surprise dans le stupre. Mais ce dernier péché a un sens plus strict. Parmi les théologiens, les uns, pour distinguer les espèces de fornication, disent que la for­ nication simple est constituée par des rapports sexuels avec des personnes libres, qu’elles soient ou non déjà déflorées. Les autres prétendent que la quali­ fication de stupre doit être réservée au crime commis avec une vierge, tandis que la formration suppose une personne déjà disqualifiée. Toute une école établit que, même pour le stupre, il faut qu’il y ait eu vio­ lence; sans quoi, cc dernier ne diiTérerait pas spécifi­ quement de la fornication. Saint Thomas enseigne, au contraire, que le stupre est une espèce distincte par le seul fait de la défloration coupable d’une vierge, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la ques­ tion de la violence, parce que, dans cc cas, il y a attentat contre l’intégrité de la personne ct aussi contre l’autorité de la surveillance paternelle Théoriquement, il n’est donc pas aisé de se recon­ naître dans ce chassé-croisé d’opinions, appuyées sur les autorités les plus respectables. 11 y a moins de diffi­ culté à sc tracer une vote pratique au moyen de prin­ cipes généraux. Là où les espèces diverses n’existent pas d’une façon catégorique, on peut les considérer comme n’existant pas. Aussi, on ne saurait imposer au pénitent l'obligation d’en faire mention spéciale en confession. Cependant, sur certains points, l’accord existe entre les maîtres de la doctrine. La violence, exercée sur une personne vierge dans le but d’assouvir la passion, prend un tel caractère de gravité qu’elle constitue une espèce distincte de la simple fornication. Cette conclusion sc fonde non seu­ lement sur la brutalité de l’attentat, mais encore sur la violence physique faite Λ l’intégrité corporelle de la victime et la responsabilité du père : Filite tibi sunt .· custodi corpus eorum. Ecclc., vu, 2G. Certaines expressions ici employées ont besoin d’éclaircissements et de précisions. Sous la dénomination de vierge, on comprend, non pas la personne qui a conservé intacte l'innocence bap­ tismale, mais spécialement celle qui n conservé les déments de l'intégrité virginale, signaculum inlé- 6u7 FORNICATION grum virginitatis, quoiqu’elle ait pu commettre des ou non. S’appuyant sur l’oracle évangélique, le neu­ fautes contre la pureté par pensée, par désir, par vième précepte du decalogue interdit même les pen­ parole, etc. sées volontaires libidineuses. Qui viderit mulierem ad Par la violence dont il est ici question, on entend concupiscendam eam, jam moechatus est eam in corde non seulement l’emploi dc la force physique, mais suo, Matth., v, 28; c’était la révélation nouvelle, des­ tinée à corriger l’erreur des juifs charnels, aux yeux aussi h pression morale exercée sur une femme» ordi­ dc qui les actes externes étaient seuls prohibés. | nairement une jeune fille, peu apte à y résister long­ temps. Dans cette dernière catégorie, on fait rentrer Mais le péché dc fornication est très grave, même devant les lumières de la simple raison. les instances réitérées, pressantes, les flatteries cap­ tivantes prodiguées à cet effet, les promesses de Plus un précepte est important pour le bien dc b récompenses et dc présents, les caresses séduisantes, communauté, plus sa violation entraîne de consé­ tout cet ensemble dc procédés qui finissent par avoir quences désastreuses. Or, les dispositions providen­ tielles ont réglé l’usage de l’organisme générateur, pour raison dc la faiblesse ordinaire des femmes. le bien dc l’humanité et la propagation de l’espèce. Les auteurs sc demandent encore si le consente­ Par conséquent, l’abus des actes ct des fonctions de ment dc la femme enlève le caractère du stupre à la ce genre blesse l’intérêt général. fornication commise avec une vierge. Nombre d’au­ teurs sont d’avis que, si la personne y consent nonob­ De là résulte l’outrage fait à Dieu, souverain ré’ gulatcur ct maître de nos corps. Nescitis quia tem­ stant l'opposition des parents, les éléments consti­ plum Dei estis : et Spiritus Dei habitat in vobis? Si tutifs du stupre font défaut. Ils s’appuient sur le quis autem templum Dei violaverit, disperdet eum principe général du droit : Scienti et consentienti non Deus..., templum enim Dei sanctum est, quod estis vos. fit injuria. En outre, disent-ils, les parents ne sont I Cor., in, 16. Dieu menace ainsi d’extermination gardiens de l’intégrité corporelle dc leur enfant que ceux qui profanent le temple du Seigneur qui est le d’une façon subsidiaire. La jeune fille est seule direc­ corps humain. En effet, comme le dit saint Augustin, tement responsable dc sa personne : or, elle accepte par cct attentat on provoque Dieu dans son sanc­ volontairement sa défloration, par conséquent, elle ne subit pas d’injure. Quant aux dissensions, haines, tuaire, lorsque par ailleurs il est invulnérable. Jésus-Christ lui-même sc trouve blessé par ccs troubles, inconvénients de tout genre, qui peuvent déportements, car nous sommes devenus scs membres; surgir de cet événement, ils ripostent que cc sont là des accidents secondaires, qui éclatent dans les famil­ il est notre tête ct nous adhérons à sa personne. Par le péché dc luxure, l’homme divorce avec son chef les, même en dehors dc cette circonstance. divin pour s’unir à des créatures méprisables. Aussi, Saint Thomas soutient néanmoins que, même après consentement dc la jeune fille, la fornication commise avec quelle véhémence l’apôtrc met-il en lumière ce point dc vue 1 Nescitis quoniam corpora vestra mem­ la première fois avec une vierge est le stupre. La raison bra sunt Christi? Tollens autem membra Christi, qu'il en donne est dc nature à faire impression : c'est jaciam membra meretricis? Absit I I Cor., vi, 15. Les que par b, si le séducteur n’épouse pas la personne commentateurs font remarquer que notre union avec séduite, en guise dc réparation, celle-ci trouvera plus le divin rédempteur reste scellée par le mystère de difficilement à sc marier. Ensuite, elle pourra se l’incarnation ct couronnée par la sainte eucharistie, livrer à la débauche, d’où l'éloignait jusque-là une qui nous unit au Seigneur. Le péché d’impureté rompt pudeur intacte. Il maintient cette opinion, lors même ce triple lien, dénonce cc contrat si honorable pour que le consentement des parents viendrait s’adjoindre à celui de la jeune personne. La dot qui pourrait par l'homme ct provoque la répudiation. suite être assurée à la jeune file ne compenserait pas la Les Pères considèrent aussi le péché de fornication déchéance morale qui en résulterait pour elle. Néan­ comme la grande avenue dc l'idolâtrie, comme l’une moins, dans le cas de consentement, la malice morale des sources les plus authentiques dc la haine des hom­ mes corrompus contre Dieu ct la sainte Église. Les du stupre n’aurait pas la gravité requise pour obliger les coupables à en faire mention spéciale dans la con­ âmes dépravées conspirent toujours contre le légis­ fession commune. lateur qui les condamne ct contre le gardien du déca­ III. Gravité. — Nous avons déjà traité un aspect loguc qui les flétrit. Ils immolent tout à cette animodc la question, quand nous avons démontré que la for­ I slté. Autant ils adorent l'idole dc la volupté, autant nication était intrinsèquement mauvaise. Il reste à I ils brûlent d’anéantir les institutions divines qui lui sont opposées. Lo culte du dieu infâme, dit Tcrtuldéterminer le degré dc cette gravité. lien, ne consiste pas seulement dans l’offrande de vul­ 1· Parce que la fornication est intrinsèquement gaires parfums, mais dans celle dc la personne ellemauvaise, les théologiens concluent que le péché do même. Cc n’est plus l’immolation d’une brebis, mais fornication est absolument grave en sol. On sait qu’il y a des péchés graves ex genere suo : cc sont des fautes bien celle dc l’âme. O homme, tu sacri fies sur son autel ton intelligence 1 Tu verses pour lui tes sueurs, tu qui, tout en appartenant à la même espèce, peuvent épuises tes connaissances, tu deviens plus que le prê­ être tantôt graves, tantôt non, par exemple, les fautes tre dc b volupté; par ton ardeur, tu en es, à ton tour, contre la justice. la divinité. Colis, non spiritu vilissimi nidoris all­ Mais il y en a que l’on qualifie graves ex toto genere eu jus, sed tuo proprio : nec anima pecudis impensa, sed suo. Cc sont les péchés qui, considérés en eux-mêmes, anima tua. Illis ingenium tuum immolas : illis sudorem indépendamment des circonstances, restent toujours tuum libas : illis prudentiam tuam accendis. Plus es graves : telles sont, entre autres, les fautes dc luxure. Illis quam sacerdos..., diligentia tua numen illorum Manifesta sunt opera carnis, quæ sunt fornicatio, es. De idololatria, c. vi, P. L., t. i, col 668-669. immunditia, impudicitia, luxuria... quæ prædico vobis Enfin, la gravité dc cc péché se complète par la ticuf prædixi, quoniam qui talia agunl, regnum Del souillure qu’il inflige à la personne humaine ellenon consequentur. Gai., v, 19-21. même. L’apôtrc saint Paul s'exprime énergiquement Voilà le motif pour lequel cc péché est classé parmi sur cc point : Esca ventri et venter escis. Deus autem ks capitaux, dans renseignement catholique. Qu’Il soit seulement interne, ou complété par les actes i hunc et has destruet. Corpus autem nnn jornicationi, sed Domino; et Dominus corpori... Fugite fornicatio­ externes, il est flétri par l’Esprit-Saint. Le sixième nem. Omne peccatum, quodeumque fecerit homo, extra précepte du décaloguc l’interdit sans réserve : Non matefabaïs. Or b doctrine générale comprend, sous . corpus est; qui autem fornicatur, in corpus suum c mol, tous les actes externes dc luxure, consommés I peccat. 1 Cor., vi, 13, 18. De fait, lorsque l’homme GO!) 610 FORNICATION prévurtquc sur les autres points, c’est l’ûmc qui triomphe de l’ûmc, mais, à l’occasion de la forni­ cation, c’est le corps, la partie matérielle qui sub­ jugue l’âme, la partie spirituelle, S. Ambroise, In Epist. I ad Cor., vi, 18, P. L, t. xvn, col. 214-215. C’est le renversement de l’ordre providentiel. Aussi, cc péché est la plus humiliante des prévarications. 11 trouble l’organisation essentielle des choses, puis­ qu'il porte obstacle à la régulière éducation des enfants. De toutes ccs raisons, les moralistes déduisent que la fornication, directement recherchée pour ellemême, est toujours ct en toute circonstance faute mortelle. Qu’on commette cette faute, comme /in poursuivie à raison de la jouissance, ou comme moyen pour se procurer de l’argent ; qu’elle soit consommée ou non, elle est mortelle ex tote genere; elle n'admet objecti· vement ni légèreté de matière, ni possibilité de rester dans les limites d’une faute vénielle, tant qu’on la con­ sidère en ses éléments intrinsèques. 2® Si le péché de fornication est toujours mortel, considéré objectivement, il ne peut devenir véniel qu’à raison des dispositions subjectives du coupable : c'est-à-dire par défaut de consentement ou d’advertance. Ainsi, la présomption d’inadvertance existe pour l'enfant qui n’a pas atteint sa septième année; lors­ qu'il s’agit d’une personne dont l’état mental laisse à désirer, ou qu’il est question d’un acte accompli dans un demi-sommeil; quand la personne d’une con­ science par ailleurs délicate doute avoir eu le senti­ ment de l’acte grave qu’elle commettait ;si un trouble ou une distraction antécédente lui ont fait perdre le sentiment de la situation; ou bien, lorsque, après l’événement, rentrée en possession dc scs facultés, elle juge qu’à bon escient clic n’aurait jamais commis un acte pareil. L’imperfection du consentement peut sc présumer dans les cas suivants : lorsque, pouvant accomplir l’acte, on s’est refusé nettement à le faire; si l’on juge sérieusement qu’on n’aurait point commis l'action,si l’on n’eût été ou troublé profondément, ou à moitié endormi ; si l’on doute s’âtrc trouvé en sommeil lorsque les mouvements désordonnés se sont produits. Le péché dc fornication a toujours été considéré comme très grave; aussi, indépendamment des redou­ tables menaces dc Γ Ancien ct du Nouveau Testa­ ment que nous avons citées, le droit canonique en a fait l’objet de scs sanctions. Nosse debent, talem de perjurio pænitentiam imponi debere, qualem et de adul­ terio et de fornicatione Decret., causa XXII, q. i, c. 17. On appliquait au parjure, réputé le crime le plus odieux, la répression de l’adultère ct dc la fornica­ tion. Ixï droit ecclésiastique n’en trouvait guère dc plus rigoureuse. IV. Conséquences. — Les péchés dc fornication n’entralncnt pas seulement l’obligation d’en obtenir le pardon, après aveux circonstanciés. Quelques-uns d’entre eux impliquent des questions dc justice, qui nécessitent restitution. Mais nous n'avons à nous occuper ici que de l'obligation de restituer résultant dc la défloration d’une Jeune personne. Différentes hypothèses se présentent dans cette cir­ constance. 1® Si la personne a consenti à la fornication, plu­ sieurs théologiens concluent à la nécessité dc la resti­ tution. Ils sc placent au point de vue du droit dc sur­ veillance du père. Cc droit est outragé par l’acte du coupable; l’honneur de la famille est compromis et le chef de famille en est responsable. Donc, concluentils, une réparation lui est certainement due. D’autres contestent ce raisonnement. La personne est maîtresse de son corps : si elle consent au péché, son complice ne lui fait pas injure : scienti et volenti non fit injuria. Tout au plus, dans le cas où la faute serait connue ct Je DICT. DE THÉO!.. CATIIOL. mariage rendu plus difficile, le coupable serait-il tenu à faire des excuses ou à fournir quelque compensa­ tion. Car la personne consentante a aussi bien violé le droit paternel que son complice. Or jamais on ne l’a obligée à quelque réparation de cc chef. Pourquoi obliger l’autre? Cette dernière solution vaut pour le cas où la faute resterait secrète. Si la faute venait à être divulguée, il faudrait recourir à une nouvelle distinction. Si la divulgation est le fait dc la femme, l’homme ne lui doit rien. Nemini fraus patrocinari debet. Si c’est l’homme qui a ainsi dévoilé la femme, en la déshono­ rant, en entravant un mariage ultérieur, il est tenu en conscience â réparer le mal qu’il a fait. Il en serait dispensé, si elle avait pu néanmoins sc marier. 2® Si la jeune fille ou la veuve, réputées honnêtes, ont été violentées malgré leur opposition, le coupable est, indépendamment des condamnations qu’il peut encourir au for externe, obligé dc réparer en con­ science toutes les conséquences de son attentat. Or, ces conséquences peuvent être ramenées générale­ ment aux points suivants : outrage fait à la personne qui, à défaut d’autre réparation impossible, est en droit d’exiger une compensation pécuniaire; déshon­ neur dc la famille, que le coupable doit réparer par tous les moyens raisonnables; très grande difliculté de trouver un parti convenable, pour la personne déflo­ rée. Le coupable doit, s’il le peut, doter sa victime ou l’épouser, dans les cas que nous exposerons bientôt. Les diverses manières dont on peut exercer vio­ lence ou dol sur une personne honnête sont les sui­ vantes : l’emploi dc la force brutale; la menace de coups, de blessures, de mort ; la pression de la crainte révércntielle occasionnée par un supérieur, un tuteur, un personn.agc à redouter, constituent le cas de vio­ lence. Quelques auteurs ont voulu y comprendre encore les prières importunes : ce qui est difficile A admettre si la personne est déterminée à repousser énergique­ ment, comme elle le doit, l’assaillant dc sa vertu. La fraude ou le dol sc réalisent lorsque le séducteur pro­ met de s’arrêter aux actes seukment externes; lors­ qu’il promet une somme d’argent pour doter la vic­ time, et lorsqu’il sc présente comme possesseur d une grande fortune, d’un nom illustre, etc. 3® Quid juris, si la séduction a été accomplie sous la promesse d’un futur mariage? En règle générale, que la promesse ait été réelle ou feinte, le séducteur est tenu d’épouser sa victime. La jurisprudence ecclé­ siastique ct civile est constante sur cc point. En diet, si la promesse était sérieuse,elle devait de droit natu­ rel amener cette obligation, puisque la condition sti­ pulée était réalisée d’un côté. Si la promesse était feinte, le séducteur est obligé à réparer le dommage causé, la déception occasionnée à la personne, par le seul moyen pratique, l’accomplissement de rengage­ ment pris au sérieux par la femme trompée. Cette solution, avons-nous dit, s’impose en prin­ cipe. Néanmoins, bien que l’obligation d’une répara­ tion essentielle subsiste toujours, il sc présente des cas où elle n’est guère possible par la conclusion du mariage. Les lois de l'équité elle-même s’y opposent parfois. En effet, l.si la femme a commis une nouvelle faute avec un autre, le premier coupable n’est obligé à rien, conformément au vieil adage : frangenti fldcm, fides frangatur eidem. 2. Si la femme a induit en erreur son complice, en sc prétendant riche, intacte, quand elle ne l’était pas, elle subit par le refus du ma­ riage le châtiment de son mensonge, la loi du talion. 3. L’obligation de réparer n’existe pas non plus si la femme a pu facilement comprendre, par les circon­ stances, que la promesse ne pouvait qu'être illusoire. Toutefois, si, en réalité, elh ne l’a pas compris, une compensation lui est due. 1. Dans le ras où surgirait VL — 20 611 FORNICATION FURTUNAT (SAINT) 612 h grammaire et la rhétorique, fl y étudia le droit; mais la philosophie et la théologie n’étant pas appa­ remment de son goût, il ne s’y adonna point, et jamais il ne sera très au fuit ni de l’une ni de l’autre de ces sciences. Par contre, sur les bancs mêmes de l’école, il s’essaiera déjà dans la poésie. Menacé par une ophtal­ mie de perdre la vue, Fortunat fut guéri par l’inter­ cession de saint Martin de Tours, en frottant l’œil malade de l’huile d’une lampe qui brûlait devant l’image du thaumaturge, dans une église de Ravcnne. Aussi, vers 565, peu avant la grande invasion des Lombards et la désolation du nord de l’Italie, par reconnaissance sans doute, il résolut d’aller vénérer le tombeau glorieux de saint Martin. Il nous apprend lui-même,d’une manière très exacte et très détaillée, quelle fut la direction de son itinéraire; c’est plus le voyage d’un touriste que celui d’un pèlerin. D’abord, franchissant les Alpes, Fortunat s’avança, on ne sait trop pourquoi, vers les bords du Danube; puis, il traversa le pays alémannique, c’est-à-dire la Souabc, et s’arrêta en Australie, auprès du roi Sigcbcrt Ier,qui, nonobstant sa barbarie native, sc piquait, comme la plupart des rois mérovingiens, d’apprécier et de pro­ téger les lettres. On était à la veille du mariage de Sigcbcrt et de Drunehault, fille du roi des Visigoths d’Espagne, Athanagild. L’éplthalame enthousiaste, où l’émigré italien célébra les deux époux, lui valut d’emblée, avec la faveur de Sigcbcrt, la réputation S. Thomas, Sum. theol., 11· II·. q. cxiv; Billuart, Cursus d’un grand poète; il fut le poète attitré de la cour, theol., tr. De temperantia, diis. VI. De speciebus luxurier; S. Alphonse de IJguori. Theol. moralis, 1. 111, De sexto et voué à en célébrer les aventures et les plaisirs. Un an nuno praecepto, n. 432 sq.; Sanchez, De sancto matrimonii ou deux après, soit lassitude, soit inconstance natu­ sacramento. 1. I, disp. IX, η. 42. 46, 49. 55, 70; L VU. relle, Fortunat quittait l’Austrasie et descendait Jus­ disp. XIII-XV; 1. IX. disp. XV; Sœller, In sextum Deca· qu’à Tours lentement, à petites Journées, se plaisant logt praeceptum ; Bouvier, Dissertatio in sextum; Eschbach, à frapper d’étape en étape à la porte des person­ Disputationes ph gs.-theol. ; Vincent, Tractatus de peccatis nages considérables, évêques ou laïques, se ména­ luxuriet; Dagomc, Tractatus de castitate et luxuria; Crnisgeant auprès d’eux, à force de souplesse et de savoirson. De sexto; Mayol. Summa moralis circa decem Decalogi praecepta; Douacinn, De matrimonii sacramento, q. iv; Noël faire, un accueil empressé, payant son écot à ses Alexandre, De peccatis ; Cajélnn, In S. Thomae Summam ; hôtes avec les flatteries de ses vers Au terme de son Opusc.. CLIV, De mollitie; Marc, Institutiones morales voyage, à Tours, il sc lia d’une étroite amitié avec alphonsianr 9· édit Borne 1908, t. I, p. 529-532; Ballcl’évêque de ccttc ville, Euphronius. Mais ni Euphrorini-Pidmlrrl, Opus theologicum morale, Prato, 1890. t n, nius ni le tombeau de saint Martin ne purent long­ p 707-712, A. Lchmkuhl, Theolngla moratis, 5· édit·, temps le retenir. Il reprit le bâton du voyageur, et, Fribourg-en-BrisKnu, 1888 t n, p. 520,620. pendant plusieurs années, on voit Fortunat, à la B. Dolhaoaray. façon des troubadours du moyen âge, parcourir de FORSTAL marc, religieux augustin, né en Irlande, foyers en foyers tout le midi de la Gaule. appartint à la province autrichienne de l’ordre et Une visite qu'il fit, à Poitiers, nu célèbre monastère mourut évêque de Kildare en 1683. On a de lui ; Gra­ tiae Dei enchiridion ad sez ultimas quæstlones I· il·, de Sainte-Croix, fondé plus de quinze ans avant par sainte Radcgonde sous la règle de saint Césaire S. Thomae, Prague, 1658. d’Arles, et gouverné par sa fille adoptive Agnès, Osslngrr, BibliolhTa augustinlana, Ingolstadt, 1768, décida du reste de sa vie. L'accueil de Radcgonde et p. 363, 364; Lantcri, Postrema seccula sex religionis augustld’Agnès, les égards, les soins et surtout les louanges n i anse, Home, 1860, t. m. p. 173; Hutter, Scriptores ordinis dont Fortunat sc vit comblé par elles, curent raison eremitarum S. P. Augustini germani, dans Kevtsta agnitide son humeur vagabonde et le déterminèrent ù s’éta­ niana 1884. t. vu, p. 138; Hurter, Nomenclator, t. iv, blir définitivement à Poitiers. Fortunat était alors coL 374; BcUcfbeim, Geschichle der kath. Klrchc In Irland, t Π p 626 laïque; à la prière de scs deux pieuses amies, qu’il A. Palmieri. appellera du nom de mère et de sœur, et auxquelles il FORTI Jean-Bemnrd, augustin, né à Savonc, mort témoignera parfois une affection passionnée, il prit en 1503. On a de lui : 1° Vocabularium ecclesiasticum les ordres et devint prêtre. 11 vécut désormais d’une coadunatum e( dispositum a paupere sacerdote Christi, vie tranquille à côté du monastère de Sainte-Croix, Mayence, 1470, qui a eu un grand nombre d’édi­ chapelain, conseiller, agent de confiance, intendant, tions et i été traduit en Italien, Venise, 1541, 1615; secrétaire de la reine et de l’abbcssc, exerçant, à tout prendre, sur les affaires et sur les ûmes du cloître 2· Forts charilaits, Milan, 1496; c’est un commentaire du Cantique des cantiques; 3° Recollectorium de oert- une influence presque absolue. Il était aussi en cor­ respondance fréquente et familière avec tous les grands lap conceptionis D. V. Mariae. évêques, les Grégoire de Tours, les Félix de Nantes, Giustinuifii, GH scrittori liguri, Home. 1667; Hurter, les Germain de Paris, les Avit de Clermont, les I.tan­ Nomenclator. L u, coL 1139. tius de Bordeaux, avec tous les hommes d’esprit de A. Palmieri. son temps. Sept ou huit ans après la mort de sainte 1. FORTUNAT (Saint). — L Vie. IL Œuvres. Radcgonde, il fut élevé sur le siège épiscopal de Poi­ L ViB. — Venanlius Honorius Clementianus For­ tunatus, l’un des poètes les plus admirés au νι· siè­ tiers, où il ne fil que passer, et y mourut en odeur de sainteté, au milieu des regrets universels, le 14 décemcle dans la Gaule, naquit vers 530 près de Cencda, dans le Trevisan, b l’est de U Haute-Italie. Ce fut , bre 600. IL Œuvres. — Poète à la fois et prosateur, c’est à FU.venue qu il nçul son éducation littéraire; avec an emntahcment dirimant du mariage, celui-ci devien­ drait impossible. Par exemple, si le séducteur venait à contracter mariage avec une autre. La solution chan­ gerait si l'empêchement était prohibant; le coupable devrait en demander dispense, attendu qu’il est obligé de réparer sa faute, en recourant, du moins, aux movens ordinaires. Il n’est nullement tenu de réparer sa faute par le mariage, malgré sa promesse, si les parents de l’un ou l’autre parti s’y opposent : si, en contractant celle union, il a à redouter des haines, des rixes, de graves dangers. Cc qui est suffisant pour rompre la promesse des fiançailles suffit à dégager de cet engagement d’épouscr semblable personne. Les auteurs ne son! pas d’accord pour décider si l’homme, lié par vœu simple,est tenu d’en dcinandcrdispcnse, pour remplir la promesse matrimoniale faite à une personne séduite. Il lui suffit de réparer le mal qui en résulterait pour cette personne, de la meilleure façon jwsiblc. Dans le cas où un enfant serait né de ces relations volontairement consenties, le pérc doit pour­ voir à ses besoins, sinon pendant les trois premières années, du moins après, Juscpi’à cc que l’enfant puisse se suffire à lui-même. Si là mère ne peut soigner l’enfant même durant le premier triennat, ou bien si elle a été violentée, le coupable est obligé, en con­ science, de pourvoir à tous les frais, depuis le premier jour. 613 FORTUNAT (SAINT) — FOSSARIENS principalement à scs poésies que Fortunat doit d’avoir été, dans la pensée de ses contemporains, la gloire du vr siècle. Bien qu’elles soient en général futiles, pué­ riles ou déparées par la subtilité cl l'aiTcclation de la mauvaise rhétorique, il y a 1Λ quelquefois assez d’ima­ gination, d’esprit et de mouvement, une dernière et faible lueur de la poésie do l’antiquité. Fortunat, poète sans génie, n'était pas un versificateur sans talent. Les lieux qu’il visitait, les grands personnages qui le recevaient» les festins où il était convié, tous les inci­ dents de la vie journalière, jusqu'aux moindres, lui servaient de thème; la versification lui était devenue comme une seconde nature. Le mètre élégiaque lui était le plus familier; Fortunat a préparé l’avènement et le règne du distique dans la poésie de l’ère carolin­ gienne. 1° De scs pièces de vers il nous est resté, sous le litre de Carmina ou iMiscellanca, un recueil en onze livres, dont l’ordonnance remonte certainement à l’auteur lui-meme, mais qui s’est grossi peu à peu des découvertes nouvelles. On y trouve des épi tha­ lamus, des panégyriques, des épitaphes, des épigrammes, des lettres, voire de simples billets, des hymnes, de petits poèmes descriptifs ou narratifs. Composes à peu près tous dans la Gaule, ces poèmes, laïques et religieux, éclairent la vie de Fortunat et les moeurs de son siècle, en même temps qu'ils rappel­ lent la discipline de l'Église et quelques-uns de scs dogmes, celui, en tic autres, du culte des saints. Aussi bien, les souvenirs païens, qui abondaient chez la plu­ part des poètes chrétiens depuis Ausone, sont beau­ coup plus rares chez Fortunat, leur héritier. Les piè­ ces adressées ή sainte Radcgonde et à l'abbesse Agnès, si on les prenait à la lettre sans y faire la part du jeu littéraire, dénoteraient chez le poète des habi­ tudes molles et un peu sensuelles, une gloutonnerie notamment qui ne cadre guère avec la nationalité italienne; on n’en saurait méconnaître en tout cas la futilité. A côté d’un fragment du poème élégiaque consacré à l'histoire de la malheureuse Galswmde, le recueil compte aussi parmi ses chefs-d’œuvre trois élégies, que Fortunat écrivit, sinon précisément sous h dictée de sainte Radcgonde, comme l’a cru Ch. Nisard. Des poésies de sainte Radcgonde, attribuées jusqu'ici ά Fortunat, dans la Revue historique, 1888, t. xxxvn, p. 49-75, du moins sous son inspiration et en son nom, G. Lippert, Zcitschri/t des Vereins /iir Ihùringische Gcschichtc und Allerstumkunde, nouvelle série, 1890, t. vu, p. 16-38 : d'abord, la déchirante lamentation sur la mine de la Thuringe et de sa mai­ son royale, De excidio Thoringiur, puis, deux pièces adressées, l’une ά un cousin de Radcgonde, tendre­ ment aimé et regretté amèrement, Amalafrcd, qui vivait en Orient; l’autre, d’un accent plus résigné» quoique toujours ému, au jeune Artachis, le Ills ou le neveu d'Amalafrcd, et le dernier de la race des rois de Thuringe. Trois hymnes sacrées, officiellement adoptées par l’Église, figurent encore dans notre recueil : le Pange lingua gloriosi pradium certaminis, chant de triomphe dans le mètre des chants des sol­ dats romains après la victoire, le Vexilla regis prodeunt, glorification de la vraie croix, dont l’enqureur Justin avait envoyé de Constantinople une relique Λ sainte Radcgonde, et l’hymne à la vierge Marie, Queni terra pontus icthcra. On attribue également à Fortunat plu­ sieurs autres hymnes; mais l’authenticité en demeure suspecte. Tout cependant, fond et forme, indique l’étroite parenté de l’hymne ù la sainte Vierge avec l’hymne de Noël, Agnoscat omne saeculum, et partant la critique y reconnaît la main de FortunaL Droves, Hymnologische Sludlen zu V. Fortunatus, Munich, 1908. Enfin, quelques morceaux de prose ont pris place dans le même recueil; nous y retrouvons, avec 614 des lettres, une explication assez prolixe du Pater et une explication du Symbole des apôtres, toutes les deux d’une langue pure et simple. 2° Fortunat, de plus, a mis en vers la vie de saint Martin» De vita sancti Martini : poème en quatre livres, 2 243 hexamètres, dédié à Grégoire de Tours et calqué sur Sulpice-Sévèrc, avec nombre d’emprunts, soigneusement dissimulés, au poème analogue de Paulin de Périgueux; mais œuvre hâtive, puisque, selon l’auteur même, elle ne lui coûta que deux mois, et dans laquelle le plan comme le style trahissent b précipitation du travail. L’œuvre est antérieure au mois de mai 576; car il y est question, 1. IV, 636, de l’évêque Germain de Paris, qui mourut le 8 mai 576, comme d'un personnage encore vivant. 3° Fortunat, enfin, nous a laissé des vies de saints, en prose, écrites pour l’édification du peuple et dans un style relativement simple. Parmi toutes les bio­ graphies du même genre qui ont circulé sous son nom. il ne faut accorder un brevet d’authenticité qu’à h Vie de saint Hilaire de Poitiers et au Livre des mira­ cles de saint Hilaire, à la Vie de saint Marcel, évêqw de Paris (t 436), rééditée dans Acta sanctorum, noveinbris 1.1» à celle de saint Albin, évêque d’Angers (f 560), ά celle de l’évêque d’Avranchcs, saint Paterne (f 563), à celles de saint Germain de Paris (f 576) et de sainte Radcgonde, que l’auteur avait connus l’un et l’autre personnellement. La biographie de l’évêque de Bordeaux, Severinus, cf. Grégoire de Tours, De gloria con/essorum, c. xlv, est perdue. Toutes les autres sont apocryphes. Anciennes éditions complètes de Fortunat : par Chr. Bro­ wer, S. J., Mayence. 1603. 1617. et par le bénédictin LuchL Rome, 1786, 2 vol. Celle-ci est reproduite dans P. /.. t. lxxxviii. Édition récente et de toutes la meilleure, dans les Monumenta Germania: historica. Auctores antiquissimi, t. iv α : V, 7/. Cl. Fortunati opera poetica, par F. Leo; Opera pedestria, par Br. Krusch, Berlin, 1881-1885. Tra­ duction française par Ch. Ntard, Paris. 1887. F. Hamelin, De vtla et operibus V, Fortunati, Rennes. 1873; Guizot, Histoire de la civilisation en France, édit., Paris, 1850, t. 11, p. 77-84; Ampère, Histoire littéraire de la France. 2· édit., Paris. 1867, L n. p. 291-323; Ebert. His­ toire de la littérature en Occident, trad, franç., Paris 1883, t. 1, p. 552-578; F. Léo, dans Deutsche Rundschau, 1882, t. xxxii, p. 414-426; I^roux, /z poète Venante Fortunat, Paris. 1887; Ch. Nisard, U poète Fortunat, Varis, 1890. Banlcnhewcr, /zs Pères de rLgltse. nouv. édit, frauç., Paris. 1905, L TU, p. 204-209; M» Mnnitius. Geschtchle der chrtstlich-latetnischcn Poesie bis sum Mille des vnt Jahrhunderts, Stuttgart, 1891, p. 438-470; W. Meyer. DerGclegrnheitdtchtcr V. Fortunabis, Berlin, 1901. P. Godet. 2. FORTUNAT, théologien Italien, né À Padoue, vécut dans la première moitié du χνιι· siècle. Ce bénédictin, dont on ignore le nom de famille, fit profession à l’abbaye de Sainte-Justine de Padoue, le 18 décembre 1597. Π composa un ouvrage intitulé ; Decas elementorum mysticis geometria: quibus praeipua divinitatis arcana, nempe divina attributa, natura, unitas, relationes, redemptio, proposito (heosophlco symbolo mathematicis rationibus explicantur et con­ firmantur, in-4°, Padoue, 1617. M. ArmrUini, Dibliotheca bcncdiclino-caslnensis, ίη-foL, Assise. 1731, p. 173; (dom FrançoisJ, Hibltothèque générale des écrivains de tordre de saint Denott, In-4*. Bouillon, 1777, t. x, p. 335. D. Heuktebize. FOSSARIENS. Hérétiques do la fin du xv· siècle et du commencement du xvr·, ainsi appelés à cause de leur genre de vie. Ils avalent, en effet, pour habi­ tude de passer les nuits, hommes et femmes, pêlemêle, à la manière des bêtes, dans la plus honteuse promiscuité, au fond des grottes ou des fossés. Noel Alexandre, qui en parle, HisL eccL, Parts, 1745 61 Γ> FOSSARIENS — FOUILLOU L χνπ, p. 203’201, sur le témoignage des Annales ecclésiastiques et de la Chronique de Spanheim, de l’abbé Trithémius, signale leur existence en 1501. Il dit qu’ils se répandirent comme une peste, parti­ culièrement en Bohême, où l’on en compta jusqu’à 19 000. C’étaient des gens sans feu ni lieu, sans foi ni loi, en marge de la société religieuse ct civile, consti­ tuant un scandale d’immoralité ct un danger public. Contempteurs de l’Église et de scs ministres, ils mé­ prisaient les sacrements; mais très superstitieux, ils faisaient croire à leurs adeptes qu’ils recevaient l’es­ prit divin, c’cst-à-dirc les erreurs de la secte, en ava­ lant une grosse mouche. Cc trait suffit pour marquer le peu de portée de leur intelligence ct le milieu dans lequel ils sc recrutaient. On chercha à les ramener au bon sens et à la foi catholique; mais cc fut peine perdue. Ne manquant point de subtilité pour dé­ fendre leurs erreurs, ils s’y entêtaient avec l’obstina­ tion d’esprits bornés, que rien ne pouvait réduire, ni les discussions, ni les menaces, ni les supplices. Ils disparurent pourtant, sans qu’on nous dise comment Aucun personnage de marque n’est signalé parmi eux et ils n’ont laissé dans l’histoire que la trace passagère d’un mouvement religieux, où l’immoralité l’emporte sur l'hérésie. 616 contenant Phlstoire et les principes de la philosophie des académiciens, avec plusieurs réflexions sur la sentiments de Descartes, in-12, Paris, 1693; Extrait d'une lettre pour répondre d Λί. de Leibnitz sur quelques axiomes de philosophie, dans le Journal des savants, 16 mars 1693 : cc même recueil publia une réponse de Leibnitz le 3 août 1693; Réponse de Ai. S. Γ. d Λί. de L. B. Z., sur son nouveau système de la communication des substances, dans le Journal des savants, 12 $e|>tembre 1695; Dialogue entre Empiriastre ct Philolèthe, in-12, s. 1. n. d., ouvrage demeuré incomplet. Simon Foucher avait en outre publié quelques traités sur les hygromètres. Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne, ln-fol., 1742, t. i. p. 223; Moréri, Dictionnaire historique, 1769, t. v, p. 265; F Bouillier, Histoire de ta philosophie cartésienne, Paris, 1854, t. il, p. 382-385; F Habbe, L'abbé Simon Fou­ cher, Paris, 1867; P. Lemaire, Dom Robert Desgabels, Pari·, 1902, p. 13M42. B. Heurtedize. FOUILLOU Jacquos, théologien janséniste, né à La Rocuellc en 1670, mort à Paris le 21 septembre 1736. Scs humanités terminées au collège des jésuites de sa ville natale, il vint à Pans au collège de SainteBarbe, et y fit ses études de philosophie et de théologie. 11 refusa la charge de théologal que lui fit ofirir son Noël Alexandre, Historia ecclesiastica, Paris, 1745, t. xvn, évêque, sc retira à Saint-Magloirc, et se contenta du P 203-20-1. prieuré de Saint-Martin de Pruni ères, au diocèse de G. Bareille. Mende. 11 prit rang parmi les plus ardents jansénistes FOUCHER Simon, philosophe,né à Dijon le 1er mars et, après avoir vécu caché à Paris, passa en I lollande 16H, mort à Paris le 27 avril 1696. Il embrassa l’état en 1705. Sa mauvaise santé l’obligea vers 1730 de ecclésiastique et devint chanoine de la Sainte-Chapelle revenir en France : à peine était-il de retour qu’un de Dijon. Au bout de deux ou trois ans, il sc démit de cette dignité pour venir à Paris où il sc fit recevoir ordre lui vint de se retirer à Macon où il resta quelques années, après lesquelles il obtint de pouvoir habiter bachelier de la faculté de théologie. Il s'appliqua Paris. Tous les écrits de cc théologien, qui voulut surtout à l’étude de la philosophie des académiciens demeurer diacre, sc rapportent aux affaires du qu’il considérait comme h plus conforme à la raison, et la plus utile à la religion. Ses principaux écrits jansénisme : Considérations sur la censure faite par Μ. Γévêque d'Apt d'un imprimé contenant la décision sont : Dissertation sur la Recherche de la périlé,(dc Mad'un cas de conscience signé par 40 docteurs de Sor­ lebranche), ou sur la philosophie des académiciens, où bonne, in-12, 1703; Difficultés sur l'ordonnance cl Γοη réfute les préjugés des dogmatistes tant anciens que instruction pastorale de Λί. l'archevêque, duc de Cambrai, nouveaux, avec un examen particulier des sentiments de M. Descartes, in-12, Paris (1673); Critique de la Re­ touchant le fameux cas de conscience, proposées d ce prélat, en plusieurs lettres par Λί. Verax, bachelier cherche de la vérité, où Γοη examine en même temps une partie des principes de M. Descaries. Lettre par un aca­ en théologie, Nancy, 1704; Réflexions d'un docteur en théologie sur l'ordonnance et instruction pastorale démicien anonyme, \nA2, Paris, 1675; pour répondre à dom Dcsgabcts qui ne partageait pas les opinions soute­ de Λί. l'archevêque, duc de Cambrai, touchant le cas nues dans cc dernier écrit, Simon Foucher publia : Ré­ de conscience, 1705; Défense des théologiens, et en particulier du disciple de saint Augustin, contre ponse pour la Critique ά la préface du second volume de la Recherche de la vérité, in-12, Paris, 1676; Nou­ Γordonnance de Al. l'évêque de Chartres portant con­ velle dissertation sur la Recherche de la vérité conte­ damnation du cas de conscience, in-12, 1704; 2· édit augmentée, avec une Réponse aux remarques du nant ta Réponse ù la Critique de la Critique de la Recherche de la vérité, Paris, 1679; De la sagesse même prélat sur les déclarations de Ai. Couèt, in-12, 1706; Histoire du cas de conscience signée par 40 docdes anciens, où Γοη fait voir que les principales maximes teurs de Sorbonne, contenant les brefs du pape, les de leur morale ne sont pas contraires au christianisme, ordonnances épiscopales, censures, lettres ct autres in-12, Paris, 1682; Réponse à la Critique de la Critique pièces pour et contre ce cas; avec des réflexions sur de la Recherche de (a vérité sur ta philosophie des plusieurs des ordonnances, in-12, Nancy (Amster­ académiciens, in-12, Paris, 1686; Dissertation sur la Recherche de la vérité, contenant rapologie des acadé­ dam), 1705-1712, en collaboration avec Jean Louail, miciens, où Γοη fait voir que leur manière de philo­ i Françoise-Marguerite de Joncoux, Pctit-Picd, ct le P Qucsnel; Chimère du jansénisme, ou dissertation sopher est plus utile pour la religion et plus conforme sur le sens dans lequel les cinq propositions attribuées au bon sens ; pour servir de réponse à la Critique de la d Λί. Jansénius, évêque d'Ypres, ont été condamnées, Critique, avec plusieurs remarques sur les erreurs du pour servir de réponse d un écrit qui a pour titre : sens, et sur Γorigine de la philosophie de Descartes, Deuxième défense de la bulle Vineam Domini Sabaoth, in-12, Paris, 1687; Lettre sur la morale de Confucius, in-12, 1708; Justification du silence respectueux, ou philosophe de la Chine, in-8·, Paris, 1688; Dissertation réponse aux instructions pastorales et autres écrits de tur la Recherche de (a vérité, ou sur la philosophie des académiciens : livre I, contenant Γhistoire de ces 1 Λί. l'archevêque de Cambrai, 3 in-12, 1707, en colla­ philosopha, It>12, Paris, 1690; Lettre d Λί. Lantier, boration avec Petit-Pied; Lettre d son altesse électorale Λί. rélecteur de Cologne, évêque et prince de Liège, au conseiller au portement de Bourgogne, sur la question : Si Carnéade a été contemporain c’est un ordre préférant le règne du mal; 4° ou il a voulu et n’a pas inverse à celui que nous suivons aujourd’hui. Ne su : dans cc cas, il est incapable de nous régir, con­ voyons-nous pas, dans notre organisation économique, naissant et voulant le bien qu’il ne saura pas faire, et la prépondérance inquiétante de b production indus­ que nous pourrons encore moins opérer; 5° ou (t n’a trielle sur la production agricole; et ne nous plai­ ni su ni voulu : dans cc cas il est au-dessous du diable, gnons-nous pas d’une disproportion de plus en plus qui est scélérat, mais non pas bête; 6° ou il a su et marquée entre b production des richesses nécessaires voulu : dans cc cas le code existe, et il a dû nous le qui sont les denrées alimentaires et celle des richesses révéler; car A quoi servirait cc code, s’il devait rester relativement superflues qui sont les produits indus­ caché aux hommes A qui il est destiné? > Théorie de triels? L’ordre de Dieu renverse cet ordre actuel des rünité universelle, 1838, t. n, p. 252. choses; il n’emploie les fabriques que comme < acces­ Tous les griefs retombent ainsi A b charge de la rai­ soire et variante de l’agriculture; » et tandis qu’il son humaine, la fausse raison ou philosophie, < qui réserve au travail manufacturier « un quart du temps s’est obstinément refusée à toute recherche de cc que l’homme sociétaire peut donner au travail. · il a code. » fixé que « les trois autres quarts doivent être employés On pourrait demander cependant pourquoi Dieu au service des animaux, des végétaux, des cuisines, n’a pas « forcé b carte » aux philosophes; et, puisqu’il des armées industrielles, enfin de tout autre travail a tant fait que de révéler un code, pourquoi il n’a pas que celui des manufactures. » Le nouveau monde in­ voulu que les hommes y entrassent Immédiatement dustriel et sociétaire, 1818, p. 151-153, passim. I-a terre Et, en effet, répond Fourier qui n’a pas accoutumé arrivera donc à être, suivant de telles prévisions, beau­ d’etre embarrassé, c’est une question que l’on peut coup plus remplie et beaucoup plus cultivée qu’elle faire; mais d’abord on voudra bien r marquer que ne l’est aujourd’hui: et c’est pourquoi Fourier n’hésite pas à imaginer de futures transformations physiques et c’est Dieu lui-même qui l’a ainsi voulu. C’est lui qui a établi que toutes les choses traversent des phases météréologiques, afin de remédier aux nombreux ainsi disposées que la période de leur pleine exis­ défauts qui b rendent actuellement impropre à une tence est précédée et suivie de deux autres périodes exploitation totale et Idéale. Mais cc n’est pas tout et plus courtes, l’une de croissance et l’autre de déclin, ce n’est pas assez. Il peut exister, dans l’exercice de durant lesquelles elles sc trouvent dans un véritable b nouvelle industrie agricole et manufacturière, deux état d’imperfection : le mal · a son rang assigné dans sortes de méthodes : « l’état morcelé ou culture par l’ordre général; » c’cst cc que Fourier appelle Vexcepfamilles isolées · et · l’état sociétaire, culture en nom­ lion qui, d’après scs calculs, doit être un huitième envi­ breuses réunions qui auraient une règle fixe. » C’est ron du caractère dominant. Si nous admettons main­ l’emploi de b première méthode qui est l’une des cau­ tenant qu'en vertu de certaines relations numériques ses les plus évidentes de tous les malheurs de b civilisa­ établies a priori, b carrière terrestre de l'humanité tion : · on ne peut pas imaginer de réunions... plus doive être évaluée à 80 000 ans, nous en prendrons anti-économiques... que celles de nos villages, bornées 35000 pour l'harmonie ascendante et 35000 pour A un couple conjugal, ou une famille de cinq ou six l'harmonie descendante; il en restera 10 000 pour le personnes; villages construisant 300 greniers, 300 ca­ huitième d’exception, c’est-à-dire 5 000 pour chacune ves, placées et soignées nu plus mal, quand il suffirait, des deux phases extrêmes qui sont décidément in har­ en association, d’un seul grenier, d’une seule cave, moniques. On objectera sans doute que l’espace ac­ bien placés, bien pourvus d’attirail, et n’occupant que cordé par b théorie A la première de ccs deux phases le dixième des agents qu’exige b gestion morcelée ou extrêmes est écoulé depuis longtemps; mais Dieu, qui régime de famille. » Loc. cf/., p. 9-10. Ainsi Fourier a établi l’exception, ne peut pas empêcher l'homme de substitue l’état sociétaire ou culture en nombreuses réunions A l’état morcelé ou culture par familles iso­ la prolonger : « Dieu, en nous bissant le libre arbitre, lées, c’est-à-dire qu’il supprime b propriété indivi­ ne peut pas empêcher que certains globes ne se bis­ duelle et le travail Incohérent; ou plutôt, pour ce qui sent égarer par les sciences incertaines... Ccs globes est de b propriété Individuelle, il b supprime · sous encroûtés de philosophie peuvent persister longtemps le mode immobilier, · et II b conserve · sous le mode dans leur aveuglement. » Il y aura peut-être des globes actionnaire. · Tout le matériel do b nouvelle associa­ qui manqueront leur destinée; cc ne serait encore tion, exploité en commun, · est représenté par des qu'un chapitre de l’exception. Mais si pareille chose actions, dont ses membres ont apporté le capital, ou arrivait A 1a terre, Fourier aime A croire qu'il s’ensui­ vrait un trop grand trouble pour l'ensemble du sys­ qu’ils ont acquises sur le marché public, en placement de leurs économies. » Renouvier, loc. cit., p. 175. Il ne tème. Il · Imaginait alors que Dieu avait déjà songé A prévenir cc malheur, et qu’il scpréparait par son com­ s’agit donc pas ici de l’utopique communauté des biens : · procédé purement négatif et révolutionnaire, mandement, dans l’ordre sidéral, des événements do nature A dessiller enfin les yeux des terriens, s'il arri­ antisocial en lui-même, illusoire d'ailleurs. » Considé­ vait que, repoussant l’inventeur, ils manquassent pour rant, Principes du socialisme, 2· édit., Paris, 1847, 623 F0UK1ÉHISME 624 p. 20; Fêtât sociétaire, annoncé par Fourier, n’admet groupe tous les travailleurs autour des mêmes occu­ point d'égalité, < qui est poison politique.» Tous ceux pations, afin de réunir tous ceux qui ont les memes qui en font partie y apportent ou y acquièrent des goûts et, en opposant les groupes les uns aux autres, actions qui sont pour chacun d’eux une propriété afin de développer en eux l’esprit de corps et de lu véritable et y forment avec les deux autres facultés tenir en haleine par une incessante rivalité. Un méca­ industrielles, le travail et le talent, la meilleure base nisme puéril et compliqué règle tout le mouvement de · répartition équilibrée et graduée. » passionnel de la phalange, avec une précision et une Telles sont les nouvelles destinées de l’homme. abondance de détails qui ne peuvent guère être dépas­ L’homme ne les atteindra point par le moyen qu'il a sées. C’est par ce travail associé et attrayant que b pris jusqu'ici pour les atteindre et qui, du reste, les lui production doit augmenter dans des proportions telles a fait si bien manquer. Il a cru, sur la foi des philoso­ que« nos travailleurs mercenaires et languissants · ne phes et des faux savants, que la vie consistait à sc sauraient nous en donner aucune idée; et c'est ainsi soumettre aux lois de la morale; et la morale, chacun que la société Unira par sc guérir des grands maux sait en quoi elle consiste : ayant vu deux choses dans dont elle a souffert jusqu’ici. Ce ne sera pas seulement, l’homme, l’attraction et la raison, au lieu de supposer comme on pourrait le croire, une réforme < parcel­ que ces deux choses ont été faites l’une pour l'autre, laire » qui s'appliquerait à toutes les parties de h elle imagine une lutte entre l'une et l’autre, comme si société sans rien changer à l’ensemble de la société Dieu pouvait avoir créé un être ainsi composé de deux elle-même; mais emportées par le mouvement qui les ressorts contradictoires, et elle a inventé ce qu’elle anime, les phalanges, toutes réglées ù l’intérieur par appelle le devoir, lequel n’est pas autre chose que la l’attraction, éprouveront ù leur tour les unes pour les loi imposée par la raison aux passions. Ce sont les autres une attraction passionnée qui les réunira en passions, au contraire, qui sont la véritable loi de provinces; ces provinces sc réuniront en royaumes; îhomme; et c’est l’attraction qui, transportée de et ces royaumes sc réuniront pour former · l’Empire l ordre matériel dans l’ordre moral, fournit le véritable unitaire du globe » dont Constantinople, · local favo­ ressort du nouveau mécanisme associationnel. L’atrisé de toutes les perfections, » sera le foyer ou siège Iraction présente, du reste, une telle diversité et une central. Tel est le monde nouveau que Fourier vou­ telle complication qu’aucun rouage, si petit qu’on le drait substituer à l'ancien. < C’est le rêve d’un homme suppose, ne peut échapper à sa dépendance et à son d’ordre ami des plaisirs. C’est l’Arcadie d’un chef de impulsion. Elle sc divise en trois foyers : cinq appétits bureau. » Faguct, loc. cit., p. 66. des sens ou passions matérielles; quatre passions spi­ II. Histoire. — La fortune de cette doctrine sin­ rituelles et affectives : ambition, amitié, amour, famigulière, sans être aussi bizarre ou aussi compliquée que lisme; trois passions distributives et mécanisantes : la doctrine elle-même, n’est pas de celles pourtant cabalistc, papillonne, composite. Le premier foyer dont le récit puisse tenir en quelques lignes. Elle com­ d’attraction a pour objet le bien-être intérieur et mença, il est vrai, assez modestement. Fourier fut extérieur; le second tend à la formation des groupes, et pendant longtemps le seul homme convaincu de l im­ le troisième, à la formation des séries. C’est le jeu libre portance de sa révélation. En 1814, il avait rallié ù et complet de ces douze passions, sc tempérant l’une ses idées Just'Muiron ; mais il s’arrêta, durant de lon­ par l'autre, qui inspire à l’homme la passion de l’unité, gues années, à cette seule acquisition. Ce n’est que laquelle résulte de la combinaison de toutes les pas­ vers 1825, peu de temps après la publication du grand sions, comme le blanc de la combinaison de toutes les traité de Γ Association domestique agricole, que Victor couleurs. Considérant, Godin, Clarisse Vigoureux et quelques La phalange est l’expression normale et spontanée autres adeptes commencèrent à former autour du de l'association, régie par l’attraction passionnelle : maître et de son premier disciple un noyau plus com­ pact Mais la débâcle de l’école salnt-simonlcnne, sur­ elle se compose de 1 500 à 1 600 personnes, logées dans un demeure commune qui s’appelle le phalanstère, venue en 1832, dans un temps où beaucoup d’hommes et exploitant en commun, par groupes et par séries, sc passionnaient pour la recherche des conditions dans un travail toujours attrayant et où toutes les d’une organisation sociale a priori, ne pouvait man­ passions sont satisfaites, · un terrain contenant une quer de profiter beaucoup plus encore au groupe forte lieue carrée, soit une surface de six millions de phalanstérlcn; Jules Lechcvalicr et Abel Transon, les toises carrées : » tel sera du moins le terrain nécessaire deux principaux dissidents du saint-simonisme, pas­ â la phalange d’essai; · il suillra du tiers pour le mode sèrent bruyamment à l’école de Fourier, que cette simple. » Le phalanstère, qui est la demeure commune nouvelle adhésion constitua d’une façon à peu près des harmonlens, « ne ressemble nullement aux éta­ définitive. C'est donc ici, pendant les quinze ou vingt blissements communistes, par exemple, fondés en années qui suivirent la dispersion du saint-simonisme Amérique par les disciples de Cabet ou de la Mère jusqu'au moment où les événements de 1848 vinrent Ann. 11 n’y a rien ici de la caserne ou du couvent : on mêler le socialisme ù la politique, que nous pouvons n’y couche pas au dortoir et on n’y mange pas ù la placer la véritable fortune et, si l’on peut ainsi parler, gamelle. Il faut se le représenter comme un de ces l’apogée de l’école sociétaire. Le jour était arrivé où le grand» hôtels-pensions de la Suisse ou des Étatssystème, longtemps Ignoré et souvent méconnu, allait Unis, fondés souvent par actions, et où se trouvent réu­ enfin tenter de sc justifier devant l’opinion et la con­ nies à peu près toutes les commodités de la vie. » Gide, vertir à lui. Charles Fourier : Œuvres choisies, Paris, 1890, p. xxiv. L’école ne négligea rien pour assurer le succès de Une liberté inconnue jusque-là régnera dans le pha­ cette propagande. Elle donna de très nombreuses con­ lanstère, si complète et si absolue que l’on ne fera point férences, soit à Paris, où Fourier lui-même exposa d’exception pour les rapports sexuels : tous les hom­ quelques parties isolées de son système, soit en pro­ mes pouvant appartenir à toutes les femmes, et réci­ vince, à Metz par exemple, où ce fut Considérant qui proquement. Quant à l’exploitation, qui est annexée vint ouvrir le cours public. Il convient particulière­ a ce grand hôtel, elle ne comprend que des travaux ment de signaler, parmi ces conférences, celles qui agréables, comme la culture (les (leurs ou des fruits, furent faites, à Paris, sur l'art d'associer les individus qui donnent tout à la fois des jouissances sensuelles, et les masses, par Jules Lechcvalicr, pour interpréter esthétiques et morales. Fourier rassemble tous ces Charles Fourier · auprès des saint-simoniens, dont il travaux dans un même lieu, de telle sorte que le tra­ ne connaît pas In langue, et même auprès des hommes vailleur puisse aisément passer de l'un à l’autre; et il de notre temps, qui n’ont plus guère ni la volonté ni 625 FO uni ERISMR le loisir de travailler pour comprendre. · Exposition du système social de Charles Fourier, Paris, 1832, p. 5*6. Ces leçons, d’abord lues au public, paraissaient ensuite en livraisons cl étalent réunies en volumes de manière à porter plus loin leur bienfaisante Influence· D'autres ouvrages, Issus des mêmes préoccupations, forti­ fiaient encore cette propagande. Victor Considérant donnait successivement la Destinée sociale, les Consi­ dérations sur Γarchitectonique. De l'un des trois dis­ cours de ΓHôtel de Ville, et la Débâcle de la politique en France; Just Muiron, les Transactions de Virlomnius; Clarisse Vigoureux, les Paroles de la providence; Lemoyne, V Association par phalanges; Morize, les Dangers de la situation actuelle en France; Paget, V Introduction à l'élude de la science sociale, etc. Enfin, un journal hebdomadaire, le Phalanstère, fondé par les soins de Clarisse Vigoureux et de Baudct-Dulary, commençait à paraître en juin 1832. Il fallut, sans doute, très vite sc réduire à une publication mensuelle, puis disparaître tout à fait. Mais presque aussitôt, en 183*1, Considérant reprenait la succession du Pha­ lanstère dans une autre feuille qui s'appellerait la Phalange; celle-ci se transformait de nouveau au mois d’août 1843, et devenait quotidienne, avec le titre plus accessible ou plus intelligible de Démocratie paci­ fique. « Ce changement nous a coûté, expliquait Con­ sidérant Mais ce nom, tiré de notre technologie pro­ pre, Induisait encore beaucoup de personnes en erreur. Beaucoup croyaient encore qu’il fallait être initié aux études et aux doctrines phalanstéricnncs pour lire et comprendre un journal appelé la Phalange, et que la réception de cette feuille équivalait à un acte de foi ù des théories dont les ignorants et les malveillants de la presse ont donné ù nombre de gens les idées les plus ridicules et les plus fausses... Il importait donc au succès de nos principes et à l’extension de la sphère de publicité de notre organe quotidien, dont il faut rendre le rayon le plus grand possible, que cet organe, destiné à porter à tous la parole de paix, d’association, d'humanité et d’avenir, ne pût, même à tort, paraître à quelques-uns, par une interprétation rétrécie de son titre, l’organe d’une secte sociale, d'une petite Église renfermée dans des formules, des termes et des rites particuliers. · Principes du socialisme, 2· édit., Paris, 1817, p. 59. En 1848, sous cette forte impulsion, l’école compta, dit-on, jusqu’à 3700 membres, parmi les­ quels sc trouvait le futur empereur, le prince LouisNapoléon. C’est cependant cette extraordinaire propagande, suivie d’un si beau succès et d’une si rapide exten­ sion, qui devait être l’une des causes les plus actives et qui était déjà le signe évident de la décadence pro­ chaine. La doctrine phalanstérienne eut, en effet, beaucoup à souffrir de ce que les disciples, préoccupés avant tout de sc faire agréer par un public exigeant, renoncèrent Λ une partie des utopies de leur maître : mutilation tout à la fois indispensable et impossible. En supprimant de la vision de l’harmonie tous les éléments mystiques, qui en étaient comme la poésie et qui, si l’on veut, faisaient d’elle comme une sorte de religion, Ils n’en diminuaient pas les merveilles, mais ils les rendaient incompréhensibles. La morale de Fourier touchant les relations sexuelles était pour leur propagande un nouvel embarras; · mais en cherchant â la pallier, ou simplement en la répudiant, ils démen­ taient le principe du pur attrait, si absolu pour tout le reste du système. » Benouvier, loc. cit., p. 202. Enfin, Fourier avait systématiquement écarté de tous scs plans et de toutes scs polémiques l’opposition au gou­ vernement, et refusé d'accorder le moindre intérêt à des revendications qu'il accusait de ne relever que d’un vain formalisme. C’était la société elle-même, disait-il, non les vieux pouvoirs qu’il fallait mettre en 02· > accusation. « Pour la réformer ou, plus exactement, pour en établir une autre, les vrais disciples de Fourier ne devaient compter que sur la liberté. Ils ne deman­ daient au gouvernement que leur liberté, celle de tous, en matière d'association. > Is*. cil., p. 201. Consi­ dérant, d’un esprit plutôt progressiste et exalté, con­ tribua beaucoup à pousser l’école en dehors des voies toutes pacifiques et, si l’on peut ainsi dire, toutes 6cr>norniques dans lesquelles Fourier l’avait engagée; et. par la participation qu'il prit aux actes de h politique révolutionnaire (13 juin 13*19), il en compromit défi­ nitivement les intérêts. Depuis ce moment, le fourié­ risme languit; il finit par s'effacer presque complète­ ment dès 1851. Ainsi la doctrine phalanstérienne apparaissait, à cette dure épreuve de l’expérience, tellement vicieuse en elle-même qu’elle ne pouvait pas être propagée sans diminution et que cette dimi­ nution meme était le principal obstacle à sa propa­ gation; les éléments mystiques de la conception du inonde harmonique, la nouvelle morale des relations sexuelles et l’abstention de toute politique étaient des parties si essentielles du système qu’elles ne pou­ vaient pas en être impunément détachés; et en même temps qu’on les sacrifiait pour le mieux sauver, on l'entraînait avec elles dans la même déroule, comme il arrive d’un baril de poudre qui fait sauter une tour. La doctrine fouriériste ne laissa pas cependant de préoccuper quelques esprits. Ιλ Rame du monde social, dirigée par Limousin, et le Devoir, organe du familistère de Guise, essayaient de maintenir les tra­ ditions sociétaires. Des hommes nouveaux, ayant à leur tête Hippolyte Destrem, fondèrent meme encore en 1888 un journal mensuel intitulé : la Rénovation, et une nouvelle école qui organisa aussi des cours et sc réunit dans des banquets mensuels. On pourrait éga­ lement retrouver, plus près de nous, dans coi tains arti­ cles de journaux ou de revues, la marque visible de l’esprit fouriériste. Mais ce ne sont là que quelques épaves, perdues au milieu des Ilots, que le navire a abandonnées dans son naufrage; et, bien que tout soit loin d’être méprisable dans le fouriérisme, bien que l’évolution économique de notre temps ait confirmé plus d’une de scs conclusions, on peut dire aujourd’hui que la doctrine et l’école sociétaires n’existent plus en tant que telles, dans notre histoire. Fsurier, s’il avait pu survivre à son école, n’en eût été que plus encouragé dans ses premiers desseins. Ce ne sont point tant des hommes, en effet, qu’il eût voulu rassembler autour de lui, et il n’avait jamais visé à proprement parler à fonder une école. L'école s’était formée autour de ul, non pas malgré lui, mais à peu près sans lui, et il ne l’avait accueillie, du reste avec quelque inquiétude, que pour mieux arriver à l’objet de ses désirs. Ce qu'il recherchait premièrement et avant tout, c’étaient beaucoup moins des hommes sympathiques à scs idées, que les moyens de les réa­ liser. Il aspirait à faire une expérience. Il espérait que la magnificence des résultats, la beauté des solu­ tions, leur ordonnance scientifique· leur grandeur et leur utilité détermineraient par le seul exemple uu mouvement rapide vers cette nouvelle manière de vivre en société, sans gouvernement et sans lois. Ce n’est pas la difficulté du premier groupement qui eût arreté Fourier dans son bel enthousiasme; et les mo­ dernes, que cette difficulté épouvante, « sont compa­ rables aux navigateurs timides, et qui, avant Chris­ tophe Colomb, n’osaient avancer qu’à 200, 300, 100 lieues dans l'Atlantique. » Si l'on en avait conclu (pie l'Amérique, qu’on ne trouvait pas à 400 lieues, n'était pas à 1800 lieues, on aurait eu tort. SI même Λ 1 800 lieues on ne l’eût pas trouvée, ce n’était pas une rai­ son pour qu’elle ne fût point ù 1900. < Telle était la 627 FOURIÉRISME 62« méthode ù suivre oins 'os éludes sur l’association. Si convaincu d’erreur, la démonstration dc sa fausseté l’on échouait sur I familles, il fallait spéculer sur 8; pourrait passer pour définitive. échouant sur 8, spéculer sur 16; échouant sur 16, Le fouriérisme a voulu réorganiser la société ou h essayer sur 32, puis sur 61, puis sur 100. » Il fallait production dans la société, en lui donnant pour fonde­ toujours continuer. « Il ne fallait d’autre effort dc gé­ ment l’attraction passionnelle. Mais l'attraction ellenie que d’aller en avant; > ct on eût découvert que même, qui Jusqu’ici sans doute n’a pas existé, com­ l’expérience dc l’association» impossible sur 4, 8, 16, ment nous sera-t-elle donnée? Elle nous sera donnée 32 ou 64 ménages, réussit très bien sur 100 et a fortiori pur le système lui-même. Ainsi la société nouvelle ne peut être organisée que par l’attraction, ct l’attrac­ sur 2 ou 300 : la concorde, qu’on cherche en vain dans les petites associations, pousse toute seule sur tion ne peut être produite que par la société nouvelle. Nous disons à Fourier : « Vous avez besoin dc l’attrac­ 1rs grandes, · à une certaine limite fixe, comme une tion, ct l’attraction n’existe pas; » il répond : · C’est Ile sortant des flots. · Traité de Γ Unité universelle, Justement ce qui vous trompe : si mon système existe, Paris, 1833, t. in, p. 508. Cf. Faguct, loc. cit., p. 70. l’attraction existera. · Telle est au fond toute son L’argent fut la seule chose qui manquât toujours à argumentation : elle consiste à donner pour cause de Fourier; il avait fixé une heure aux capitalistes qui l’attraction ce qui n’en devrait être qu’un effet, et à seraient disposés à expérimenter son système, ct il ne trouver qu’au sommet dc la société nouvelle ce rentrait chez lui, tous les jours, à midi sonnant, qui était l’heure où il les attendait : le pauvre homme qu’on doit trouver déjà dans son fondement. C’cst ce qui explique que Fourier, qui s’était très bien rendu les attendit ponctuellement jusqu’à sa mort. L’essai malheureux, qui fut entrepris en 1832, par compte de ccttc difficulté, avait mis, d’une façon aussi Baudct-Dulary, à Condé-sur-Vesgres, près de Ram­ sophistique qu’ingénieuse, toute sa confiance et tout son espoir dans la formation d’un premier groupe qui bouillet, ne peut être imputé à Fourier.·On a répandu, dit-il, que j’ai fait un essai à Condé-sur-Vesgres ct eût servi d’exemple aux autres et qui les eût entraî­ çu’/f n'avait pas réussi : c’est encore une des calom­ nés à sa suite dans la même organisation : l’attraction gagnerait demain toute la société si elle était seulement nies du pandémonium; je n’al rien fait à Condé; un architecte qui y dominait ne voulait rien admettre de aujourd’hui dans un groupe dc la société; elle sciait mon plan : c’était un esprit dc contradiction, repous­ demain partout si elle était aujourd’hui quelque part; sant tout cc qui ne venait pas dc lui... Je ne pouvais mais précisément et encore une fols, aujourd’hui, elle n’est nulle part, ct elle n’existe dans aucun groupe; ct adhérer à tout ce galimatias dc bâtisse, qui n’aurait comme le premier groupe ne pourra lui-même exister send à rien en Industrie combinée, ct qui n’était bon sans elle, nous sommes toujours ramenés à la même qu’à dégoûter les visiteurs, les empêcher de prendre difficulté. · Le régime sociétaire, dit Fourier, fait naî­ action, faire manquer le moment de vogue. » La fausse tre une foule d’intérêts différents des nôtres. » Autre­ industrie, 1835-1836, p. 5. L’essai dc Condé-sur-Vesment dit, le régime sociétaire produit ce dont il a gres est le seul qui ait été tenté du vivant de Fourier. besoin pour exister; et c’est ainsi que · le monde se Quelques autres furent faits, après sa mort, en France, changera de lui-même dès qu’on lui aura fait subir en Algérie, ct surtout aux États-Unis. Là, en 1852, tous les changements dont il a besoin pour se changer. grâce à la propagande d’Albert Brisbane, d’Horace Nous voilà dans le plus parfait cercle vicieux qui se Greeley, le directeur du New York Tribune, de Char­ les A. Dana ct dc Georges Riley, les idées fouriéristes puisse. » E. Faguet, loc. cit., p. 67. Acceptons ce cercle vicieux, et admettons que lu prirent une grande et rapide extension. 11 s’y forma, à peu près simultanément, trois associations impor­ société nouvelle existe et que l'attraction existe dans la société nouvelle. C’cst l'attraction qui doit être, tantes : la North American Phalanx fondée par Bris­ bane dans I Etat dc New Jersey, la Wisconsin Pha­ dans la société réorganisée, l’unique agent dc la pro­ lanx, dans l'État du même nom, ct la plus fameuse dc duction; mais il n'y a point dans tout le système de toutes, Hrook Farm, près dc Boston, qui compta parmi méprise pareille à celle-ci; ct en ne voulant assigner •es membres plusieurs de ceux qui ont pris plus tard à la production d’autre source que l’attraction, il sc une part prépondérante dans l'organisation des sou­ pourrait au contraire que Fourier ait précisément tari verains dc l'industrie, des chevaliers du travail ct la source dc toute production. Il oublie, en effet, que la production n’offre généralement aucun attrait. Il a du mouvement coopératif. On compta jusqu’à trente associations du même genre; mais aucune d’entre elles beau démontrer que les goûts des Individus sont nuan­ ne dura plus de cinq ou six ans. cés à l'infini ct qu’il y a toujours, pour chaque subdi­ Ill Cîutique docthinalk. — Ainsi doublement vision des produits, un amateur qui la préfère à tou­ condamné déjà par l'histoire dc son école ct par l’histes les autres. Cc qu’il eût fallu prouver, c’est qu’il y toirc de scs expériences, d’une manière tellement a toujours, pour chaque subdivision des produits, une éclatante que toute autre autre démonstration en passion qui attache à sa production un certain nom­ devient presque superflue» nous devons cependant bre d’individus; mais ccttc preuve était Impossible à ajouter que le fouriérisme sc condamne encore luifaire: «Les nécessités de l’industrie, dit M. Paul Janet, même, par tout cc qu’il implique ct par tout cc qu’il ont bien amené l'ouvrier à n’avolr rien autre chose A contient, d’une façon tout à la fois beaucoup plus sim­ faire que des têtes d’épingles, mais cela ne prouve nul­ ple et beaucoup plus irrémédiable. Cc n’est pas qu’il lement qu’il y ait une passion dans la nature qui porte faille refuser à Fourier aucun des postulats dont il n exclusivement certaines personnes à faire des têtes besoin pour fonder son système, non pas même sa con­ d'épingles, · Principes de métaphysique ct de psycho­ ception d un ordre général si adroitement combiné logie, Paris, 1897, t. i, p. 571 ; ct il y a ainsi dans l’in­ que l’harmonie est devenue aujourd’hui le remède dustrie beaucoup dc produits pour lesquels on serait nécessaire et Inévitable. On ne lui contestera pas bien empêché de trouver une passion correspon­ dante. davantage les nombreux détails, compromettants ou puérils, comme celte nouvelle morale des relations Si Von veut pourtant que cette passion existe, on ne sexuelles, dans lesquels s’est enfoncée l'imagination la contestera pas du moins qu’elle ne soit assez obscure ou plus fougueuse et la plus logique qu’on ait jamais ren­ I plutôt assez faible, ct que, dans son exercice où elle contrée chez un homme. Malsc’estau système lui-même, rencontre plus de difficulté que d’attrait, elle n’ait envisagé dons son ensemble, que l’on doit adresser les sans doute toujours besoin d’être aidée, soutenue, meilleures objections; et si, malgré toutes les conces­ encouragée par une force antérieure et supérieure à sions que nous lui faisons, il était alors plus que jamais 1 elle, à laquelle 11 est impossible de ne pas reconnaître 629 FOURIÉRISME FRANCE toutes les qualités que les philosophes avalent jus­ qu’ici reconnues au devoir. 11 est vrai que Fourier, pour échapper à toutes ces difficultés, sc retranche derrière les desseins dc la pro­ vidence, mais les desseins dc la providence ne sont Ici qu’un deux ex machina ou un expédient commode; ct Fourier n’en fait manifestement un si grand cas que parce qu’ils sont premièrement ct avant tout les desseins de Fourier lui-même. Il aurait donc fallu qu’il n’alt pas la fausse honte dc sc le dissimuler, ou la fai­ blesse de ne pas nous en avertir : cc qu'il a voulu, en faisant retourner la nature à un plen primitif, cc n’est rien moins que de la reconstruire sur un nouveau plan ; et au lieu de ramener l'homme à scs véritables desti­ nées, il donnait A l’homme des destinées nouvelles qui n’exigent aucun changement, sauf celui dc l’homme lui-même. On ne s’étonnera pas de ne point trouver dans ccttc critique doctrinale des indications qu'on attendait peut-être sur les lettres ou documents ecclésiastiques que le fouriérisme pourrait avoir suscités. Il n’existe aucune lettre ni aucun document dc ce genre. On se reportera cependant avec utilité aux condamnations générales du socialisme, pour les points où le fourié­ risme sc rapproche dc celui-ci. Voir Socialisme, et par exemple, dans Dcnzingcr-Bannwart, les η. 1718a ct 1817 sq. Outre les ouvrages cités, voir L. Reybaud, Études sur les réformateurs, Paris, 1840, t. i; E. Levasseur. Histoire des classes ouvrières en France, Paris, 1867; Sarnbuc, I^e socia­ lisme de Fourier, Pari*. 1879; Rcnouvier, une série d’articles sur Ia philosophie de Fourier, dans la Critique philoso­ phique, 1883; A. Lafontaine, Charles Fourier, Paris. 1911; A. Alliaiza. Ch. Fourier ct sa doctrine sociétaire, Paris, 1911. Voir également Franck, Dictionnaire des sciences philoso­ phiques, art. Fouriérisme, Paris, 1875 J. Bouché. FOURMESTRAUX (François de), théologien dog­ matique, né ù Lille en 1625, entra dans la Compagnie dc Jésus en 1644, ct fut appliqué A renseignement dc la philosophie à Marches (Belgique), puis à celui dc la théologie à Douai où il soutint d’ardentes con­ troverses surtout contre le prieur des carmes dc Douai, Charles dc Brias, au sujet dc la science moyenne ct dc la prédétermination physique. Il mourut à Tournai le 25 avril 1683. Il reste de lui les ouvrages suivants : 1° Immortalis Christi Servatoris beneficia, Virgini sine macula concepter, Marchionnes, 1662; 2° Justa defensio adversus convicia et imposturas Pseudophilalethis vanum (homistarum triumphum de scientia media temere nuper jactantis. Douai, 1673; 3° R. P. Platelii e Soc. Jesu S. theol. in univers. Duae, professoris Synopsis cursus theologici. Pan postrema ct posthuma. De sacramentis. Douai, 1683. Le P. Platel étant mort pendant l’impression dc son ouvrage, le P. do Fourmcslraux sc chargea dc la publication du tome iv et ajouta ce cinquième volume qui se trouve dans les éditions suivantes. Somniervogcl, Vlbllothèque de la C1· de Jésus, t. III col. 906; Horter, Nomenclator, 1010, t. iv, col. 326. 328. P. Bernard. FOURNENC Jacquot, né A Pczénas en 1609, mort A La Rochelle en 1665. Entré A l’Oratoirc dès 1623, il y fut pendant presque toute sa vie chargé d’ensïlgncr la philosophie. Son cours parut en 3 gros ln-4· sous le litre : Uni vers te philosopher synopsis accura­ tissima sinceriorem Aristotelis doctrinam, cum mente Platonis passim explicata et illustrata, et cum ortho­ doxis S. S. doctorum sententiis breviter dilucideque con­ cinnans, Paris, 1655. Il laissa quelques écrits de théo­ logie qui n’ont point vu le jour et mourut supérieur dc F Oratoire dc La Rochelle. Battercl, Mémoires domestiques pour servir ά Chistoire de ΓOratoire, t* IL P· 406. A. INOOLD J :.3O ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL FOX Gcorgot. Voir Quakers. FOY (Louis-Étienne de), canoniste français, mort en 1778. Licencié en droit dc la faculté dc Paris et chanoine de Meaux, il publia un Traité deux puissances ou Maximes sur Cabus, tirées du dru it canonique, des principes du droit publie et de Chistoire, in-12, Paris, 1752 Nous signalerons en outre, parmi les travaux dc cet auteur, une traduction annotée des lettres de Busbeck sur son ambassade en Russie, 3 in-12, 1748; Prospectus d'une description htslorlgie, géographique ti diplomatique de la France, in-4·, 1757; Notice des diplômes, des chartes et des actes rclalifs à l'histoire de France, in-fol., Paris, 1754, dont un seul volume a paru. Feller. Dictionnaire historique, 1813, t. in. p. 611. B. Heurteuize. FOYER DE PÉCHÉ. Voir Concvmscexce, t nr, col. 809 sq. FRANCE. On étudiera successivement: 1° l’état religieux actuel; 2° les publications catholiques sur les sciences sacrées. Les recensements récents dc la population française ne s’occupent pas des confessions ‘religieuses. D’après diverses données, le P. Krosc, le statisticien de l'Alle­ magne catholique, a calculé qu’en 1906 la France comptait 38467000 catholiques, 628000 protestants, 55000 juifs, ct 102000 Individus étrangers à toute confession religieuse» ou dont la confession religieuse était ignorée; d’après le Jewish year book dc 1910, il faudrait évaluer à 95 000 le nombre des juifs en France. La liste des diocèses a été donnée ù l’art. Concor­ dat dc 1801, t. ni, col. 758; nous ne la reproduisons pas ici. Le but de cct article est de fixer quelques idées au sujet dc la situation religieuse de la France actuelle; d’étudier comment le catholicisme français a tenu tête ct survécu aux récentes bourrasques qui l’ont déraciné dc l'État français; dc noter les princi­ pales initiatives qui attestent, dans celte nouvelle période A peine ébauchée, la vie du catholicisme fran­ çais; et d’apporter ainsi, dans l’ensemble, un certain nombre d’arguments de fuit, pouvant être ulllisés par la science théologique pour illustrer le traité De Ecclesia, pour appuyer les affirmations que cc traité contient, ct justifier les tenaces ct surnaturelles espé­ rances qu’il suggère. Une période nouvelle s’est ouverte, en 1905, dans l'histoire de l’Églisc dc France : le pouvoir civil a déchiré le concordat, l’Églisc a été « séparée » de l’État. Le régime concordataire, sous des formes diver­ ses, avait, pendant près dc quatre siècles, donné un sta­ tut A l’Églisc dc France:le concordat de François Ier. puis le concordat de Bonaparte, avaient assuré A l’État certaines prérogatives dans l’Églisc, A l’Églisc une certaine situation officielle dans l’Etat. Soudaine­ ment dans les premières années du xx· siècle, on sentit craquer l’édifice concordataire; l’idée de conclu­ d’une chapelle de secours, le nombre des agonisants ait son appel en déclarant : « Cc serait manquer de foi qui recevaient le prêtre quintupler, ct le nombre des que de dire : 11 n’y a rien ft faire I II y a tout ft faire. » premiers communiants sextupler. Et sans doute ccs .Mais on sc heurtait, trop souvent, ft des ministères agonisants qui recommencent de saluer dans l'Église qui appliquaient ct maniaient le concordat dans un une école de bonne mort, ces premiers communiant > sens hostile aux intérêts de l’apostolat religieux : là qui viennent à l’Église comme ft une école de bonne où il y avait tout ft faire, il était souvent fort difficile vie, ne sont encore que minorité, parmi ccs vastes de commencer à faire quelque chose; à l’érection foules, devenues païennes, que de malencontreuses d’une chapelle, à plus forte raison d’une paroisse, circonstances avaient éloignées de l’apostolat catho­ s’opposaient des difficultés administratives souvent lique. Mais une minorité active, fervente, animée de invincibles. l’esprit de Dieu, c'est déjà beaucoup pour changer un < Nous ne cessons de le répéter, proclamait en 1905 le peuple; ct dans telle paroisse neuve, ft Paris, on voit cardinal Richard, le diocèse de Paris est un pays de déjà les vocations sacerdotales s'éveiller. Ces foules missions. Nous donnons pour l'œuvre de la Propa­ ignorantes, qui voient le prêtre venir à elles, sc fami­ gation de la foi ct, d’une façon générale, pour la con­ liarisent peu à peu avec lui; la messe ne les attire pas version des infidèles, ct nous avons raison, car il n’y encore, les vêpres non plus; mais si le prêtre sc met à a rien de plus grand aux yeux de Dieu que le salut des dérouler, dans son église, quelques projections lumi­ âmes. Mais n’ont-lls pas une âme, ccs ouvriers des fau­ neuses destinées à révéler aux spectateurs l’histoire du bourgs de Paris? > A ccttc même date, M. l’abbé Baf­ Clirist, ces foules sc pressent ft cette cérémonie d’un fin illustrait la situation du diocèse en dressant la sta­ nouveau genre qu’elles appellent, d’un mot assez pitto­ tistique des enterrements religieux ct civils de 1883 resque, « la messe du cinéma. » ct pour la première à 1903. Il constatait que durant ccs vingt ans le chif­ fols retentit ft leurs oreilles le nom de Jésus. fre des cortèges civils s'était élevé ft 225395, soit, en Des détresses pareilles existaient ct existent dans moyenne, ft 10000 par an (sur 53000 Parisiens qui beaucoup de grandes villes de province : l’épiscopat, meurent annuellement). 11 observait que c’était sur­ un peu partout, s’est mis ft l'œuvre pour y remédier. tout parmi les pauvres que les enterrements civils Et comme l’Église, nous le répétons, n’a pas une exis­ étaient nombreux : par exemple, en 1888, dans les tence légale, comme elle ne pourrait pas être proprié­ cinq classes funéraires les plus coûteuses, le chiffre des taire des édifices mêmes qu’elle construit, des com­ cérémonies purement civiles ne dépassait pas 4 Λ binaisons ont été trouvées, en vertu desquelles Dieu, 5 p. 100, ct tout au contraire, dans le monde ouvrier, dans ces édifices, est purement ct simplement un loca­ elles atteignaient 25 Λ 30 p. 100. taire. La propriété, généralement, appartient ù des Depuis la loi de séparation, sept années sont écou­ lées; et quelques données, très précises, permettent, actionnaires; dans le diocèse de Paris, ccs actionnaires sont groupés en deux sociétés anonymes qui ont rendu de mesurer la nouvelle force de rayonnement acquise à l’Église le précieux service d’acquérir ct d’aménager par l’Église, en ce bref espace de temps, dans le seul les terrains convenables, ct qui réclament d’elle, à diocèse de Paris. Il y a, dans le Paris de 1912, neuf titre de loyer, pour les fonds qu'elles ont engagés dans paroisses de plus qu'au moment de la séparation : ccs ccs entreprises, un intérêt de 4 pour 100. Voilà les neuf paroisses groupent 250000 habitants. Voilà un subterfuges auxquels doit recourir l’Église de France, chiffre Imposant; il équivaut presque ft la population sous le régime actuel. delà ville entière de Bordeaux. Il y a, dans la banlieue III. Les méthodes actuelles d’organisation des parisienne de 1911, quinze paroisses de plus qu'au catholiques. — La tendance à peu près générale do moment de la séparation ; elles groupent 215000 âmes. 635 FRANCE. ETAT RELIGIEUX ACTUEL 63G 'épiscopal français parait être d’organiser les catho­ archidlaconés du diocèse miraient entre eux une réu­ liques en associations paroissiales» cantonales, diocénion. Ainsi est assurée, tout à la fols, la liberté des Ini­ s.tines, strictement étrangères à tout parti politique ct tiatives ct l’unité des inspirations; chaque année à à toutes visées politiques, uniquement préoccupées Paris, un grand congrès diocésain met à l’élude les du développement de la vie catholique ct de la défense questions les plus urgentes ct groupe, trois jours «les intérêts catholiques. A cct égard comme à beau­ durant, les énergies catholiques. De tels congrès sont coup d’autres, l’archidiocése de Paris offre des orga­ également fréquents, dans la plupart des diocèses pro­ vinciaux. nisations qui peuvent servir de type. D’après le plan dessiné par l’archevêque de Paris, Les Unions paroissiales d'hommes sc développent chaque paroisse doit avoir un comité paroissial laïque, avec succès dans un certain nombre de paroisses du recruté par le curé, ct chargé de seconder l’action du diocèse de Paris : l’objectif assigné par le cardinal clergé» ct de promouvoir, sous la direction de h hiérar­ Amette à l’activité des comités paroissiaux est, avant chie religieuse» toutes les œuvres utiles au bien reli­ tout, la création ct le développement de ccs Unions. gieux, moral ct social de la paroisse. L'action politique Tous les catholiques pratiquants de la paroisse y sont lui demeure étrangère, l’organisation ct l’exercice du admis; on y admet, même, tous les hommes de la pa­ culte échappent à son ressort. Ce comité ne s’occupe roisse qui, sans remplir chacun des devoirs de la pra­ que d’action religieuse. Le travail y peut être réparti tique religieuse» font cependant profession publique cn plusieurs sections, s’occupant respectivement des de catholicisme, par exemple, cn choisissant pour leurs œuvres de religion ct de piété, des œuvres d’enseigne­ enfants l'école catholique ou le patronage catholique. ment et’d éducation, des œuvres de persévérance et de < Dans telle paroisse de faubourg, écrit M. l’abbé Yves jeunesse, des œuvres charitables ct sociales, des œu­ de la Brière, l’union paroissiale compte autant de sub­ vres de presse ct de propagande. Des programmes divisions, avec chef responsable pour chacune, que la dressés pour l’observation morale ct l’étude sociale du paroisse compte elle-même de quartiers, de secteurs ct quartier, programmes visant à l’action possible à de rues : c’est l'ébauche de ce que sera, un jour, l’orga­ entreprendre» sont proposés aux membres des comités nisation générale des catholiques parisiens. » paroissiaux. Dans les diocèses des départements, on s’efforce Le rapport présenté au congrès diocésain de 1912 d’organiser pareillement, d’une part, des groupements signalait l'existence de 92 comités paroissiaux; le paroissiaux, d'autre part, un bureau central auquel congrès diocésain de février 1913 apprit que ce chiffre ils sont tous rattachés, ct parfois, comme organes inter­ s’était élevé à 108, représentant les deux tiers des médiaires, des comités cantonaux. Les Unions diocé­ paroisses du diocèse. Sur ccs 108 comités, 76 avaient saines tendent à grouper sur le terrain religieux — ct, envoyé aux organisateurs du congrès un rapport sur dans certains diocèses, cn vue d’une activité électo­ leurs travaux. Dans certaines paroisses, ccs comités rale — les catholiques de toutes nuances politiques. établissent avec beaucoup de précision la statistique IV. La catéchisation des enfants et jeunes gens. Initiatives et méthodes nouvelles. — Nulle­ religieuse et l’inventaire de l'action paroissiale : c’cst ment découragée, l’Égiise travaille A reprendre par la une besogne à laquelle l'archevêché les pousse; ils doivent servir, suivant l’expression de M. l’abbé Coubase l’œuvre de la christianisation du peuple. Elle est gct, à · établir les conditions méthodiques, scienti­ secondée à Paris par VŒuvre des faubourgs qui visito ct patronne 250 familles et plus de 10000 enfants, ct fiques, dans lesquelles doit s’exercer l'apostolat. * veille à cc qu’ils fréquentent régulièrement les écoles Parmi les initiatives prises par certains comités paroissiaux parisiens, on cite la création d’œuvres ct les catéchismes de leur quartier. Elle est secondée, à poslscolaires, l’ouverture d’ateliers professionnels, la Paris ct cn province, par la grande Œuvre des caté­ création de jardins ouvriers, la recherche de mesures chismes : fondée cn 1885 par le cardinal Richard avec pratiques pour la suppression du' travail de nuit 200 dames qui catéchisaient 2000 enfants,cette œuvre dans les boulangeries, l’affichage dans les hôtels fré­ fut érigée par Léon XIII, le 30 mai 1893, en archiconquentés par les étrangers de certains tableaux cn di­ fréric A laquelle peuvent être affiliées toutes les socié­ verses langues indiquant les exercices du culte. tés françaises de catéchistes; elle comprend des caté­ Au congrès diocésain de 1913, on mentionna tout chistes volontaires ct des membres qui paient une coti­ spécialement l’initiative du comité paroissial de Saintesation. Elle compte actuellement, à Paris, 4300 Geneviève des Grandes-Carrières, qui travaillait à dames catéchisant plus de44 000 enfants ; et, cn provin­ constituer des sections syndicales d’employés ct d’ou­ ce, 24 diocèses affiliés d’une façon générale, 59 confré­ vriers; celle du comité de Notre-Dame de Plaisance, ries simples, 65 centres importants d’affiliations indi­ qui étudiait la question de l’apprentissage; de celui de viduelles» 33000 dames qui catéchisent 150000 en­ Notre-Dame d’Autcull, qui s'occupait du logement des fants. Dans le seul département de la Lozère, 750 familles chargées d’enfants. D’autres comités avaient, femmes, paysannes pour la plupart, catéchisent durant l'année 1912, organisé la lutte contre la porno­ 7200 enfants, ct près de 500 d’entre elles, chaque graphie, contre l’immoralité des cinématographes. année, font une retraite fermée de 5 jours pour entre­ L'observation du repos dominical ct les moyens de tenir cn elles cct esprit d’apostolat. Un congrès catho­ faciliter cette observation aux boucliers, aux épiciers, lique comme celui qui fut réuni à Paray-lc-Monlal aux crémiers, aux charcutiers, ont occupé plusieurs cn octobre 1909, par l’initiative de Mgr Villard, évê­ de ces comités; des ligues paroissiales d’achctcurs sc que d'Autun, atteste l'actuel souci de l’Égiisc de sont fondées. Le comité paroissial, suivant l’expres­ France d’adapter aux besoins spirituels des popula­ sion de Mgr Gibier, évêque de Versailles, constitue tions scs méthodes d’enseignement religieux cl de per­ ainsi un véritable syndicat d’initiative. fectionner ce que l’on pourrait appeler la pédagogie Au-dessus des comités paroissiaux fonctionne le 'du catéchisme. Les examens d'instruction religieuse, comité diocésain, qui sc réunit ù peu près quatre ou tels que les a dernièrement créés l’archevêque de Paris, cinq fois par an. Chaque année, quelque membre du sont une institution fort originale : nous voyons ici comité diocésain visite les comités paroissiaux d’une l’Égiisc s'attacher A mettre en honneur, parmi l’élite région de Paris, et une réunion plénière annuelle met de scs jeunes fidèles, l’élément intellectuel de la fol cn présence les membres du comité diocésain et un catholique, et les armer de science religieuse, pour les délégué de chacun des comités paroissiaux. On a dé­ conquêtes qui s’imposeront à eux. Ces examens no cidé cn février 1913 que, chaque trimestre, tous les comptent pas moins de six échelons. Une année après membres des comités paroissiaux de l’un des trois la première communion solennelle, on peut, moycn- 037 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL nant examen, obtenir le certificat élémentaire d’in­ struction religieuse ; puis, l’année suivante, après douze ! mois d'études nouvelles dont un jury apprécie le tésultat, on peut aspirer nu certificat supérieur. Ce sont là les deux premiers degrés d'épreuves. En 1912, la première fut subie par 1 613garçons; 1 121 sortirent vainqueurs. Il y eut, pour la seconde, 596 candidats parmi lesquels 414 turent admis. Λ la même session, 1126 fillettes obtinrent le certificat élémentaire, ct 493 le certificat supérieur. Les exigences des juges vont croissant : le zèle des candidats, la bonne volonté, des familles, permettent cn cfîct d’élcvcr le niveau de l’examen· Tandis qu’en 1911 la moyenne des postulants admis était de 80 pour 100, clic n’était plus, cn 1912, que de 67 pour 100. Les titulaires des deux certificats peuvent ensuite gravir un troisième échelon, qui s’appelle le < concours élémentaire » d'instruction religieuse. On cn peut mesurer la difficulté, déjà sérieuse, cn constatant qu’en 1912, entre autres questions écrites posées aux jeunes filles, il y eut des questions liturgiques sur les cérémonies du jeudi saint ct du vendredi saint, et des questions historiques sur saint François de Sales, saint Vincent de Paul, saint Jean-Baptiste de la Salle. Le < concours supérieur » d’instruction religieuse, qui succède, ouvrit aux jeunes candidates, cn 1912, des horizons plus vastes encore; elles curent à expli­ quer, dans leurs compositions, comment Jésus a prouvé qu'il est le Fils de Dieu ct comment les sacre­ ments sanctifient, puis cc qu’est un miracle, ce qu'est une prophétie : des notions historiques leur furent demandées au sujet des patriarches, au sujet des pro­ phètes, au sujet des prédictions par lesquelles le Christ fut annoncé; elles curent à développer la série des actes ct des gestes que fait le prêtre au moment de la consécration, ct puis à détailler tout cc que fait l’Égiisc pour les défunts, d’abord à la maison mor­ tuaire, ensuite devant l’autel, ensuite au cimetière. On les convia, même, à la solution d’un petit cas de con­ science pour mettre à l’épreuve leur dextérité de moralistes; ct c’était lancer à leur subtilité de jeunes théologiennes une façon de défi, que de les interroger sur les cas où un sacrement des vivants peut devenir sacrement des morts, ct un sacrement des morts sacre­ ment des vivants. Mais, fort congrûmcnt, elles surent relever le défi. Pour le « concours d'honneur », les sujets de compo­ sition proposés aux jeunes filles furent plus intimi­ dants encore. Elles furent mises cn présence de l'hypo­ thèse que voici : « Un Juif, frappé par les prophéties de l’Ancien Testament, veut devenir chrétien, mais il sc demande s’il doit se faire catholique, ou protestant, ou schismatique orthodoxe. 11 vous prie de l’éclairer. Servez-vous, pour le convaincre, non seulement de l'Évangile, mais aussi de l’Ancien Testament. » Les lauréates du concours d'honneur doivent, on le voit, être des apologistes. On les invita, aussi, à répondre par écrit sur les prophéties bibliques relatives à la sainte Vierge, sur les diverses paroles que le Christ adressa à sa mère; puis à expliquer cn quoi consiste le développement du dogme; à préciser, aussi, les droits de l’État pour la collation des charges ecclésiastiques; enfin, à définir le sens liturgique des ornements qui parent le prêtre à l’autel. Il faut, pour aborder un tel examen, un attache­ ment profond aux sciences religieuses. En 1912, 32 jeunes filles l'affrontèrent ct 31 furent admises. Le concours élémentaire eut 203 lauréates sur 379 can­ didates; ct le concours supérieur 85 sur 94. Plus audessus encore, un brevet d’instruction religieuse, décerné par des commissions qui siègent deux fois par an. excite le zèle des Jeunes gens et des Jeunes filles qui veulent jouer un rôle dans renseignement libre du 638 diocèse : en juin dernier, Ils n étaient pas moins do 250 pour briguer cc brevet, qui n'atteste pas seulement qu'on maîtrise bien les difficultés du catéchisme, mais aussi, ct surtout, qu’on peut devenir un bon maître. Des · mentions d'éloge », des · mentions très hono­ rables », distinguent ceux et celles qui ont subi les épreuves avec le plus d'éclat : ct sous les voûtes de Notre-Dame leurs noms retentissent, ct chacun vient recevoir un prix des mains du cardinal. Ainsi se rou­ vre, dans le Paris actuel, une ère d’enseignement reli­ gieux qui semble devoir être plus brillante encore que celle qu’avait inaugurée, il y a quatre-vingts ans, l'abbé Dupanloup. L'assiduité aux catéchismes de persé­ vérance était jadis attestée par la remise d’une « ana­ lyse » qui reproduisait, soit en la résumant, soit cn l’estropiant, l'instruction donnée par le prêtre : les mères, les institutrices, avaient souvent dans la confec­ tion de ccs devoirs autant ct plus de part que les enfants. /Aujourd'hui l’instruction religieuse apparaît aux jeunes gens ct aux jeunes Hiles de Paris comme une science qui comporte des initiations successives, de plus cn plus ardues, et qui réclame un effort intel­ lectuel personnel, vérifié par un jury. En laïcisant l’école, on avait espéré sevrer les intelligences de la fol : à quoi bon ces notions, sur lesquelles l’État en­ seignant avait cessé d’interroger? Mais l’Égiise a fait surgir des salles d’examen, ct créé des examens, et les candidats y viennent, y revien nent même si tout d’abord iis échouent, ct de ccttc semence de jeunes lauréats, une moisson d’apôtres sortira. Des programmes d'instruction religieuse du même genre ont été élaborés ct ont été mis en pratique, en 1913.dans d'autres diocèscs.notammcnt cn celui de Nancy. Examens d'instruction religieuse. Programmes et règlements, Nancy. 1913. V. Les organisations enseignantes di. l’Églisc de France, ses initiatives pédagogiques. — L’É­ glise, cn même temps, profitant des articles encore subsistants de la fameuse loi Falloux, entretient, dans la mesure où le permettent les lois ct où le permettent scs ressources, des organisations d’enseignement pri­ maire. secondaire ct supérieur. Elle avait, au début du xx· siècle, dans scs écolo primaires, 1600000 enfants; dans scs écoles secondaires, clic donnait l'éducation à 91 140 élèves, tandis que les établissements de l’État n’en comptaient que 84 742. La loi du 7 juillet 1904, qui défend aux membres des congrégations religieuses toute besogne d’enseignement, a singulièrement gêné, sur cc terrain, l’activité de l’Égiisc. Sur 16904 écoles primaires congréganistes qui existaient en 1904.14 404 furent immédiatement fermées; on ne put pas les rou­ vrir toutes immédiatement, avec un personnel nou­ veau, et renseignement primaire libre, en 1907, avait 600000 élèves de moins qu’en 1900. En ce qui regarde l’enseignement secondaire, les collèges dirigés par des congréganistes durent tout de suite ou disparaître, ou être confiés à un autre personnel : il y eut, cn 1906, 104 collèges libres de moins qu’il n'y en avait en 1898, ct la clientèle de l'enseignement libre avait, entre ccs deux dates, diminué de 22223 élèves. Mais tant bien que mal, l’Égiisc lutte ct maintient ses positions. Elle cherche ct souvent elle trouve, pour remplacer scs frères et ses sœurs, des congréganistes sécularisés, ou bien des bonnes volontés laïques. Et ccs bons vouloirs s'équipent, s'organisent, se syndiquent, de manière à assurer, sous la forme nouvelle que la loi tolère ct que les circonstances imposent, une prospérité nouvelle de renseignement libre. Ce fut un et up très dur que la dispersion des con­ grégations. Dans ccs merveilleux organismes, édi­ fiés avec prévoyance par le vieil esprit de charité chré­ tienne, chacun peut compter sur tous et tous sur cha­ cun. L'assistance mutuelle cn cas d'accident», eu cas 639 FRANCE. Etat religieux actuel GiO de maî.idic, en cas de vieillesse, lout cela, dans les con­ cussion sur ccs attachantes ct graves responsabilités, grégations. fonctionnait spontanément, par cela même ils passaient à d’autres problèmes, concernant, par qu’on x menait la vie commune. I^CS besoins étaient exemple, ie nombre d’examens qu’il convient de restreints, les dépenses restreintes; les préoccupations faire subir au cours d’une année scolaire, ou bien la de l’avenir individuel, ou du pain du surlendemain, ne surveillance des « mouvements · quand les élèves pas­ venaient pas ralentir ou déconcerter l’élan des dévoue­ sent d’un exercice à un autre. La formation esthétique, ments. en 1911, donna lieu à de précieux échanges de vues, cl Aujourd’hui, l'Église dc France sc trouve en prél’examen des relations entre l’état physiologique des wnce d'individualités qui, sous *on contrôle, sont tou­ enfants ct leur éducation semblait ouvrir une avenue vers des études nouvelles. te* prêtes à distribuer renseignement libre; mais ce qui manque â ccs individualités, pour l’avenir, c’est On ne dirait pas que ccs prêtres qui discutent ct ia sécurité personnelle qu’assurait l’embrigadement besognent ainsi sont des persécutés, incertains du dans une congrégation, c’est la satisfaction d’appar­ lendemain; ils parlent, ils travaillent, comme si leurs tenir à un corps par lequel on sc sentait soutenu, œuvres d’enseignement avaient devant elles un long appuyé, protégé. Par surcroît, ccs nouveaux institu­ avenir. Et Ils ont raison; leur bel elTort pour accroître teurs, ccs nouvelles institutrices ont ou peuvent avoir sans cesse leur compétence d’éducateurs ne peut man­ des charges dc famille . leur devoir est d’y songer, ct quer de conquérir ct dc captiver l’opinion. Ces six ans d’essai, dans leur sérénité calme, ont quelque chose de faire tout le possible pour élever au niveau dc ccs charges la rémunération de leur travail. Dc lâ, pour d’émouvant, ct lorsqu’on lit ù la suite l’un de l’autre, les paroisses ct pour les diocèses, un très notable sur­ dans le livre dc M. l’abbé Crosnier : Λ travers nos écoles croît dc dépenses. chrétiennes, ccs rapports annuels où l’on voit tout le personnel enseignant d’un grand diocèse mettre en Mais l’Église, sans sc décourager ou s’intimider, a, bien en face, envisagé la situation. Des écoles nor­ commun les réflexions, les expériences, les aspirations, males sc sont fondées : celles qu’a organisées dans le l’on augure qu’en dépit des plus légitimes alarmes cc diocèse dc Lyon l’Association régionale dc l’enseigne­ • vouloir-vivre » perpétuera la vie. ment primaire libre sont particulièrement remarqua­ Le diocèse d’Arras imita celui d’Angers; il eut scs conférences pédagogiques; ct puis, en septembre 1911, bles. A Paris, ΓÉcole normale libre, fondée par M®· il a eu, même, sa « Semaine pédagogique ·. Vingt Danlélou, et Γ École normale catholique, datant dc jeunes prêtres, que l’évêque destinait à entrer dans les 1906. forment des professeurs pour ccs écoles normales maisons diocésaines, sc réunirent à Boulogne-sur-Mer, primaires libres; ΓÉcole normale libre, qui est un éta­ six jours durant, pour recevoir, dc certaines lèvres blissement d’enseignement supérieur, forme aussi des compétentes, des indications ct des leçons sur leur professeurs pour les maisons d’enseignement secondaire métier. On reprochait à l’Église dc vouloir enseigner des jeunes filles. Dans le diocèse dc Paris, depuis le 1er octobre 1910, la carrière d’instituteurs ou d’insti­ par droit divin ; sans rien diminuer dc son droit, sans rien en cacher, elle appelle au service dc cc droit luitutrices libres est ponctuellement réglée; les traite­ même toutes les ressources de la technique humaine. ments sont fixés, les conditions d’avancement sont On lui marchandait la prérogative dc former un corps définies; meme un système de retraites s’organise. enseignant; elle riposte en organisant des centres de On veut que ccs fonctions cessent d’apparaltrc comme pédagogie catholique, au nom et pour la gloire dc celui aléatoires ou précaires, qu’elles soient congrûmcnt ré­ que Clément d’Alexandrie appelait, il y a dix-huit munérées, qu’elles soient couronnées par une vieillesse aisée. siècles, le < divin Pédagogue ». La loi dc 1875 sur la liberté dc l’enseignement supé­ C’est ainsi que cet enseignement libre qu’on s’ima­ ginait blessé à mort paraît regarder l’avenir avec une rieur continue, malgré les menaces dont elle est l’ob­ certaine confiance; ct l’heure où certabis espéraient jet, d’être utilisée par l’Église à Paris, Lyon, Angers, Lille, Toulouse; et les établissements d’enseignement l’avoir découragé ct comme dissuadé dc s’essayer à supérieur qu’elle possède dans ccs diverses villes ont, durer, est précisément celle où l’on voit s’inaugurer, dans certains diocèses, par l’initiative du prêtre chargé depuis quelques années, créé certaines branches nou­ velles d’enseignement. A l’institut catholique dc de la direction générale dc l’enseignement libre, des Paris, une chaire dc pédagogie s’est ouverte, qui dispute conférences pédagogiques entre tous les prêtres char­ à la psycho-physiologie matérialiste le monopole des gés de fonctions éducatrices. Le diocèse d’Angers, qui possède huit maisons d’enseignement libre, fut le études relatives à la nature ct à la formation dc l’en­ fant; ct dans cet Institut catholique qui, depuis la loi berceau de cette féconde nouveauté; ct l’année 1905 en marqua le point dc départ. Dans l’année 1905-1906, de séparation, n’a pu sc maintenir dans scs bâtiments ces conférences s’occupèrent, théoriquement, de l’uti­ qu’en sc grevant d’un très gros loyer, on a vu sc créer, Il y a trois ans. tout un enseignement méthodique lité dc la pédagogie, des devoirs du surveillant, des d’histoirc des religions confié â des spécialistes d’élite. devoirs du professeur, enfin dc l’éducation physique; et pratiqua ment un envisagea, dans le détail, le moyen Enfin l’enseignement des langues sémitiques, qui semble, dans les chaires dc l’État, dc plus en plus relé­ de provoquer chez les enfants des actes spontanés de pieté, la méthode pour la correction des copies, les gué au second plan, trouve à l’institut catholique dc Parts un centre d’épanouissement. Les œuvres d* · ex­ dernières initiatives des professeurs de gymnastique. tension universitaire » créées par les facultés catholi­ Sur le programme de 1907, je relève les discussions relatives à l’éducation dc la pureté, â la surveillance ques dc Lille et d’Angers, ct les écoles annexes d’in­ dustrie ct d’agriculture fondées sous leurs auspices, des récréations, aux divers systèmes de punition. En attestent la préoccupation dc l’enseignement libre dc 1908, M. l’abbé Crosnier, directeur dc renseignement former des sujets pour les grandes fonctions sociales. libre dans le diocèse d’Angers, amena tous les prêtres Il semblerait, â voir dc tels spectacles, que la pauvreté qui, dans le diocèse, ont mission d’élever des jeunes gens, à méditer, devant Dieu d’abord ct puis entre eux, meme dc l'Église dc France allège ct précipite sa force d’élan — ct scs élans sont des élans créateurs. sur les moyens dc développer l’esprit d’apostolat, ct VI. Les initiatives catholiques pour i.’i nseionhi»ur h façon dont ils doivent, aux yeux dc leurs élèves, MENT PROFESSIONNEL· ET MÉNAGER. ---- A côté de • idéaliser » chaque vocation. Une autre année, en l’enseignement primaire proprement dit, l’Église a 19«»9, ils durent se préoccuper de la tactique la plus créé ct développé de plus en plus un enseignement efficace pour donner à leurs élèves le sens de l’cfiort ct 1« secs de la loyauté. Et puis, après une longue dis­ professionnel. La grande Société de Saint-Nicolas, 642 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL 6-H fondée en 1827 par Mgr dc Bervanger cl le comte Victor dc Noaillcs, ct dirigée par un comité dc catho­ liques biques, donne dans quatre maisons (Paris, Issy, igny, Bezcnvul) une instruction professionnelle à des enfants qu'elle adopte dès l'âge dc huit ans. La Société des amis de l'enfance, catholique également, fondée en 1828, Γ Œuvre des orphelins apprentis d’Autcuil, fondée par l’abbé Roussel, l’Œuvre du Berceau de saint Vincent de Paul, établie près de Dax, s’occupent dc l’éducation ct dc l’apprentissage dc leurs jeunes pupilles. L'École commerciale des Francs-lionrgeois, créée à Paris en 1843 par les frères des écoles chrétiennes, prépare scs élèves pour les professions commerciales, industrielles ct administratives. La Société des orphelinats agricoles, établie à Paris par des initiatives catholiques, a ouvert en province un cer­ tain nombre d'orphelinats spécialement destinés à préparer leurs pupilles ù la vie rurale. Les fondations récentes dc l’atelier des apprentis serruriers ct méca­ niciens ù Notrc-Damc-du-Rosalrc, dc l’atelier dirigé par l’abbé Rudinsky à la Chapelle, dc l’atelier d'ap­ prentissage dc menuiserie-ébénistcric du KremlinBicêtrc, dc l’atelier dc mécanique de Saint-Hippolyte, des ateliers dc menuiserie, d’ébénlsterle ct de sculp­ ture, fondés par l'abbé dc Mlramon dans le XI· arron­ dissement, et dc l'atelier dc préapprentissage dc Javel, fondé par l’abbé Blain des Cormiers, témoignent que le clergé dc Paris s’occupe dc la crise dc l'apprentis­ sage ct a souci d’y remédier; c'est en vertu dc cette préoccupation qu’au congrès diocésain dc 1912 l'abbé Chaptal proposait que dans les œuvres catholiques un cours dc travaux manuels fût institué pour les écoliers de onze à treize ans, ct que des ateliers d'apprentis­ sage fussent fondés le plus nombreux possible auprès des patronages catholiques. L’œuvre des écoles professionnelles dc jeunes filles, fondée dès 1871, sous la direction du futur cardinal Langénieux, subventionne actuellement quinze éco­ les professionnelles dc jeunes filles, dont quatorze sont dirigées par les sœurs dc Saint-Vincent-de-Paul. Dans un autre domaine, les initiatives catholiques, à l’instigation dc Mm« dc Dicsbach, ont, depuis 1902, devancé l’État, en ce qui regarde l'enseignement ménager. L'école ménagère normale, fondée Λ Paris en 1902 par les sœurs dc Saint-Vincent-de-Paul, dc la rue de l’Abbayc, a formé, dc 1902 à 1912, 143 centres d'éducation ménagère dont 36 à Paris ct dans la ban­ lieue; un cours normal d'enseignement catholique ménager, destiné à former des maîtresses d’enseigne­ ment ménager pour écoles et œuvres catholiques, fonc­ tionne depuis 1910 sous les auspices dc l'archevêché. VIL Deux formes nouvelles d’apostolat : L’APOSTOLAT DES PROFESSIONS, L* APOSTOLAT DES — Les catéchismes paroissiaux, l’enseigne­ ment libre : tels sont les cadres normaux où s’insère le travail apostolique. Dans ccs cadres ou hors dc ccs cadres, les circonstances ct les besoins du temps ont amené l’Église française contemporaine ù créer des formes nouvelles d’apostolat. Ιλ Société des missions diocésaines, fondée en 1886 dans le diocèse dc Paris par le cardinal Richard, entretient dc 18 à 20 missionnaires, qui, d’après le rapport présenté au congrès diocésain dc 1908, rame­ nèrent Λ l’Église, en moins d’un quart de siècle, plus dc 40000 personnes. La Société des amis des pauvres envoie ses membres â domicile pour l’éducation reli­ gieuse des adultes. I-a Société dc Saint-François-Régis, fondée en 1826 par M. Gossin, sc met à la disposition dc ces diverses œuvres, pour faciliter le mariage reli­ gieux ct le mariage civil des pauvres du diocèse ct la légitimation dc leurs enfants naturels. L’Œuvre des catécliismcs dc retardataires, créée en 1898, conlle ù quarante chrétiens ct ù cinquante chrétiennes dc bonne immigrés. mer. DE THEOL. CATIIOL. volonté le soin d’aller catéchiser, en une vingtaine dc séances, dans quelque chapelle, dans quelque salle ou dans leur logis, des adultes qui veulent être bap­ tisés. Sans parler de l'œuvre dc la première communion des ramoneurs ct fumistes dc Paris, qui existe depuis plus dc deux siècles, des services religieux spéciaux, dans les dernières années, ont été organisés, à Paris, pour certaines classes de professions. Par exemple, depuis 1899,1e cercle des marmitons, ouvert à tous les jeunes employés dc l'alimentation, s'occupe des pre mières communions ct des confirmations tardives, et leur ménage, à Pâques ct aux grandes fêles, la possi­ bilité d’assister à une messe dc minuit, dite pour eux. Depuis 1908, l'apostolat des midinettes s'est déve­ loppé : il consiste en dc courtes instructions données cinq jours dc suite, entre midi un quart ct midi cin­ quante· dans l'une des paroisses où sont leurs ate­ liers. Mgr Odelin signalait au congrès diocésain de 1910 que plus dc 5000 midinettes avaient, à la suite de ces retraites, rempli leur devoir religieux, que plu­ sieurs avaient reçu le baptême, que d’autres avaient fait leur première communion, ct que l’œuvre se para­ chevait par la création, dans trois paroisses, dc res­ taurants spéciaux ou dc réchauds. L’apostolat des employés dc l’alimentation est l'objet d’une sem­ blable organisation. L’CEnrre des forains, fondée ù Rouen, en 1888, par l’abbé Bazire, existe aujourd’hui dans 62 villes dc France : elle a. dans la chapelle foraine qu’elle installe â côté des foires, catéchisé, dc 1888 â 1911, 516 forains. L'Association des écoles forai­ nes, organisée par Mlle Bonnefois, s’occupe aussi dc l’éducation ct dc l’instruction religieuse des petits forains. L'Œuvre des mariniers vise l'évangélisation méthodique des bateliers qui circulent sur le réseau fluvial français : à l’Ile-Saint-Denis, qui est le prin­ cipal centre, défilent par an 2000 péniches â peu près, que parcourent au fur et â mesure les religieuses dc Saint-Joseph de Cluny pour instruire les enfants. Enfin les Œuvres de mer, fondées en décembre 1894 chez les Pères assomptionnistes. arment des navires hôpitaux qui, portant un médecin ct un aumônier, vont porter des secours matériels, médicaux, moraux, religieux, aux marins sc livrant à la grande pêche. Le phénomène social dc l’émigration, qui enlève un très grand nombre dc Français au cadre dc leur paroisse primitive, a suscité les études dc l’apostolat catho­ lique. M. l’abbé Couget a constaté que. sur les vingt arrondissements dc Paris, il n’y en a qu’un seul, le vingtième, où les Parisiens authentiques, effective­ ment nés ù Paris, forment la majorité; dans tous les autres arrondissements, les provinciaux d'origine sont dans la proportion dc 69 à 53 pour 100. Cc déracine­ ment d’innombrables provinciaux a pour conséquence, chez le plus grand nombre d’entre eux, un complet oubli des habitudes religieuses. Pour lutter contre cc mal, on a fondé depuis vingt nns, ct spécialement au cours des toutes dernières années, 21 associations pro­ vinciales catlioliques qui ne donnent pas seulement des secours matériels, mais qui, groupant chacune une élite morale de provinciaux, exercent, grâce à eux, sur la masse des provinciaux Immigrés, une influence morale ct religieuse. L'action d'apostolat catholique exercée par ccs associations provinciales est dc naturo à ressusciter peu â peu l’esprit paroissial dans un cer­ tain nombre d'âmes qui, une fois éloignées du clocher local, avaient oublié le chemin dc toute église. VI11. Les initiatives récentes pour le dévelop­ pement de i.a piété. — L'Œuvre des pèlerinages, fon­ dée en 1872, ct le Comité national des pèlerinage , fondé en 1899, s’occupent de développer, par des pêh rinages ù Jérusalem, Lourdes, Rome, Paray-lc-Mo· niai, des mouvements collectifs dc piété. VL - 21 643 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL 644 La pratique des retraites fermées fut Inaugurée en coûte moins cher, les frais d’impression de la partie 1874 par le P. Mubin, jésuite : il groupa, d’abord, commune sc répartissent entre tous les bulletins. Les des membres de I Œuvre des cercles. Vers la meme Unions de bulletins ont adopté cette forme de bulle­ tins. 11 existe aussi des bulletins écrits à la main ou à époque, les conférences de Saint-Vincent-de-Paul or­ ganisaient des retraites fermées pour leurs membres. la machine à écrire, et polycopiés à l’aide d’un dupli­ cateur. Les bulletins sont généralement des publica­ L’institution de ccs retraites s’étendit peu à peu : à tions mensuelles; quelques-uns sont bimensuels; partir de 1881, dans le nord de la France, le P. Watriun très petit nombre sont hebdomadaires. gant en organisa pour les hommes des classes labo­ rieuses. L’Œurre des retraites régionales, fondée en Aux bulletins paroissiaux sont venus s’ajouter les Almanachs paroissiaux qui se composent d’une partie 1902, a donné, de 1902 à 1909,soixante-neuf retraites; spéciale à chaque paroisse et d’une partie commune λ elle a, en 1910, groupé 1197 retraitants dans 30 cen­ tous les almanachs. Plusieurs diocèses publient main­ tres. L’efficacité de cc genre d’institutions est de tenant chaque année un almanach paroissial diocésain. mieux en mieux comprise par une élite catholique L’Union des bulletins édite chaque année 800 à 900 dans toutes les classes, et ce n’est pas l’un des symp­ almanachs paroissiaux. tômes les moins intéressants du renouveau contem­ Nous ne voulons pas mentionner ici la presse poli­ porain. tique catholique, mais seulement les principaux IX. Les œuvres de presse et d’information ca­ efforts de propagande catholique populaire qui aident tholique. — Des publications appropriées complè­ l’action apostolique du clergé. La Maison de la Bonne tent renseignement catédiétique, et parfois, dans une Presse est le principal centre de ces efforts. En dehors légère mesure, y suppléent. C’est un phénomène tout du Pèlerin, qui date de 1873, et de la Croix quotidienne, récent dans la vie catholique française, que la créa­ tion d’organes dénués de tout caractère politique, don­ qui date de 1883, elle publie, entre autres périodiques, les Questions actuelles, datant de 1887, recueil docu­ nant, tout à la fols, des nouvelles de la vie religieuse et mentaire d’une importance capitale; les Contempo­ des indications pour l’action religieuse. Ce furent d’abord, pour les diocèses, les Semaines religieuses, rains, datant de 1892; les Échos d'Orient, datant de 1896; l’Action catholique, fondée en 1899; le Mois litté­ dont la première, celle de Paris, date de 1853. L’essai raire et pittoresque, fondé en 1899; la Chronique de la fut imité en 18G1 à Orléans et Λ Toulouse, en 18G2 à bonne presse, fondée en 1900; Pome, fondée en 1903; Marseille et à Montauban; en 1863 dans la Lorraine, Jérusalem, fondée en 1904; la Revue d'organisation à Limoges, à Bourges, à Angers. Presque tous les dio­ cèses aujourd’hui ont une Semaine religieuse. et de dé/ense religieuse, fondée en 1908, pour traiter, au point de vue juridique, les questions de défense Puis on vit surgir, il y a moins de vingt ans, l’idée d’une presse paroissiale, et le succès de cette idée religieuse. On évalue à 350000 le nombre annuel des est l’un des épisodes les plus décisifs du renouveau lettres que reçoit ce centre puissant d’informations catholiques. Les Rrochures périodiques d‘Action reli­ catholique actuel. Les premiers bulletins paroissiaux gieuse publiées par V Action populaire de Reims four­ tirent leur apparition en France vers l’année 1895. nissent des orientations précieuses; nous reviendrons Ils furent d’abord peu nombreux : ce qui arrêtait leur développement était d’une part la nouveauté de ccttc pins bas sur ce groupement. La Journée documentaire, organisée en 1913 par le méthode d’apostolat, et d’autre part, surtout, la dé­ bureau d'informations religieuses et sociales, a mon­ pense relativement considérable que coûte l’impres­ tré le souci de plus en plus scrupuleux des catho­ sion d’un bulletin. En avril 1899, fut fondée l’Union des bulletins paroissiaux, œuvre qui, par son orga­ liques pour une solide documentation et les sendees que nisation, diminuait beaucoup les frais d'impression peuvent leur rendre, à celte fin, VAction populaire d’un bulletin et facilitait la diffusion de cc genre de de Reims, le Comité de défense catholique, la Société publication. Les adhérents à l’Union sc multiplièrent : bibliographique et le liureau d'informations. d’autres Unions du meme genre furent créées. Les bul­ Il faut enfin faire une place spéciale à un moyen letins paroissiaux commencèrent à sc répandre dans d’apologétique populaire inauguré avec grand succès un grand nombre de diocèses. Un Manuel du bulletin dans les quinze dernières années : c’cst la conférence paroissial distribué gratuitement au clergé lui fit avec projections. La revue les Conférences et la revue connaître les avantages du bulletin, soit au point de le Fascinateur, publiées depuis 1897 et depuis 1902 vue de la vie paroissiale, soit au point de vue de l’in­ par la Maison de la Ronne Presse, sont A cet égard struction religieuse. Et le Manuel contribua pour une des guides précieux. Des collections entières de pro­ large part à la diffusion des bulletins paroissiaux en jections ont pour but de seconder l’enseignement du France et à l’étranger. De fait, l’Union a fondé envi­ catéchisme. A un congrès sacerdotal tenu A Poitiers ron 2 000 bulletins et a établi des groupes de bulletins en 1906, 250 a 300 prêtres du diocèse manifestaient dans plusieurs régions de la France, Peu à peu. les le désir de faire leur catéchisme avec le secours de pro­ évêques se rendirent compte des heureux résultats jections; dans le seul diocèse de Beauvais, en l’hiver produits par les bulletins et fondèrent des Unions de cette même année, huit œuvres diocésaines fai­ diocésaines de bulletins qui existent maintenant dans saient circuler A elles seules près de 70 000 vues. presque tous les diocèses. La statistique générale des Le congrès des œuvres de projections tenu en 1912 a bulletins n’a pas été faite; on peut évnleur leur nom­ attesté que dans un diocèse comme Marseille le chiffre bre actuellement à environ 3 à 4000 et cc nombre des conférences ainsi illustrées avait passé, en un an, s'accroît chaque année. On distingue deux sortes de de 219 A 420. Une œuvre diocésaine de prêts-projec­ bulletins paroissiaux : Ie les bulletins particuliers à tions q été organisée en nove mbre 1912, dans le diocèse chaque paroisse, rédigés tout entiers par le clergé. C’est de Paris. Dès juillet 1906, un publiciste protestant, la forme la plus recommandable, parce (pie le bulletin M. Paul Doumergue, déclarait, A l’occasion du congrès ainsi rédigé est mieux adapté à l'esprit de la popula­ général des œuvres de projection tenu A la Maison de tion A laquelle il s’adresse. Elle a l’inconvénient d’exi­ la Bonne Presse, que c’cst là une des · formes les plus ger une dépense annuelle assez considérable; 2° le modernes et les plus hardies de la propagande catho­ lique en France. » bulletin à partie spéciale et à partie commune. La partie spéciale est propre à chaque paroisse; la partie X. Les ressources actuelles de l’Éolise en commune — la plus étendue — est la même pour tous aroknt ET EN hommes. — Cette Église de France 1rs bulletins. Cette forme de bulletins est de beau­ qui essaie ou pour laquelle s’essaient tant de créa­ coup U plus répandue, parce que cc genre de bulletins tions nouvelles, est cependant une pauvresse* les res- 615 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL sources qui lui viennent nu Jour le Jour et, si l'on peut ainsi dire, de la main à la main, les seules ressources dont légalement clic puisse disposer, demeurent très inférieures à scs besoins. L'Œuvre du denier du culte, organisée dans les divers diocèses pour assurer le trai­ tement des évêques et des curés et les frais d’entretien des églises, rencontre partout d'excellents et gêné- | reux concours; mais les détresses, en beaucoup de dio­ cèses, sont encore supérieures aux libéralités. Dans les villes, l'inconvénient se corrige : l'évêque peut préle­ ver, sur le superflu des paroisses riches, cc que re­ quiert la vie des paroisses pauvres. Mais que faire lors­ qu’on se trouve en présence d’un certain nombre de paroisses rurales, isolées, perdues au fond des cam­ pagnes, et dans lesquelles le curé ne trouve que des cotisations Insuffisantes ou même dérisoires? Certains évêques ont essayé de taxer chaque paroisse; c'est un essai qui ne réussit que partiellement : dans le dio­ cèse de Bayonne, par exemple, 224 paroisses four­ nissent la cotisation que l'évêque leur réclame; mais 277 n’en fournissent qu’une partie. L’archevêque de Chambéry déclare qu'il lui faudrait 60 000 francs de plus; l’archevêque d'Audi, qu’il manque 40 000 francs. L’évêque du Puy calcule qu’il lui faut 75 000 francs, il en prévient scs fidèles, et n’obtient pas plus de 26 936 francs. Et l’on a le droit de s’émou­ voir en constatant qu'en plusieurs diocèses la géné­ rosité des fidèles tend à sc ralentir plutôt qu’à s’ac­ croître. La caisse diocésaine est loin, le mécanisme leur en édiappc; une certaine paresse d’esprit les em­ pêche de réflédiir; ils voient l’Église vivre, et, l'esprit d’épargne aidant, Us en viennent à croire que pour vivre elle n’a peut-être pas besoin de tout cc que, d’abord, Us avaient songé à mettre de côté pour elle. L’Église de France voit le danger, clic le signale, mais sans insister à l’excès. Au fond, ccs curés et vi­ caires, qu’une presse hostile, à l'époque concordataire, avait représentés comme «aimant l’argent », ont pris sur leurs détracteurs une singulière revanche : iis ont abandonné, sans mot dire, les 350 millions que l'acceptation des cultuelles aurait permis à l’Église de conserver; et ils attendent, nu jour le jour, un peu de casuel des fidèles, quelques subsides de l'évêché. A côté du denier du culte, trois œuvres fonc­ tionnent, qui viennent en nidc au clergé. L'Œuvre de Saint·François de Sales pour la défense et la con­ servation de la foi, fondée en 1857, a pour but d’aider le clergé à ranimer la vie chrétienne, par la fondation d'écoles libres, d’œuvres de persévérance, de biblio­ thèques : les secours qu’elle distribue annuellement dépassent un million de francs. L'Œuvre des cam­ pagnes, fondée en 1851, érigée en archiconfrérie en 1892, a pour objet de venir en aide aux curés de cam­ pagne, soit pour leurs études, soit pour l’accomplis­ sement de leur ministère. Ces deux œuvres laissent à Γ Œuvre des tabernacles ou églises pauvres, fondée Λ Paris en 1816 cl érigée en archiconfréric en 1858, le soin de s'occuper des besoins du culte. L'active intervention de ccs œuvres console le plus possible H disette pécuniaire Λ laquelle, dans cer­ taines régions, sont condamnés les prêtres; et lorsque nous entendons ceux-ci pousscrtincri d’alarme,ce n’est point au sujet du manque d'argent, c’est au sujet du mnnqucde vocations: voilà le péril qui les préoccupe et qu’ils tâchent de conjurer. Au lendemain de la sépa­ ration, cc péril apparut tics inquiétant : les familles rurales, trop souvent, détournaient leurs enfants du sacerdoce, qui n'avait plus le prestige d’une fonction publique ni Je bénéfice d'un salaire » officiel. L'Église, en 1906, d'après les calculs de M. Paul Dudon, avait déjà 3109 prêtres de moins que les besoins religieux ne l'euacnt requis. Expulsée de ses séminaires, clic se hâta de reconstituer,presque dims chaque diocèse, une 646 maison d’instruction pour les futurs prêtres; mais on se demandait avec quelque incpiiétude si ccs maisons étaient destinées à sc remplir. En 1910, le bureau de l'Alliance des grands séminaires constata que le nombre des séminaristes, depuis 1905, avait diminué de moitié. Mais la confiance meme que témoigne l’Église, la multiplication de scs postes d’occupation, l’extension de scs besognes d'apostolat, attestent aux familles les plus soudeuses des Intérêts humains que le ministère sacerdotal, malgré les crises qu’il a traversées, est assuré d'un avenir durable, et même glorieux; et depuis 1910, les enfants recommencent à sc presser, plus nombreux, dans les classes des petits séminaires, où de très loin ils se préparent à la prêtrise. Jusqu'à cc que cette génération d'enfants ait at­ teint l’âge adulte, l’Église de France semble destinée à souffrir d’une crise du recrutement; mais l'état ac­ tuel des petits séminaires permet d’entrevoir, pour une échéance précise, l'atténuation de cette crise. Des œuvres existent pour aider l’Église a se recru­ ter; c’est à Paris V Œuvre des séminaires, fondée en 1882; à Marseille la Providence du Prado, fondée par le P. Chevrier; à Dax le Berceau de Saint-Vincent-dePaul·, à Biville (Manche) Γ Œuvre de Saint-Thomas; à Louvain, Γ Institut du coeur miséricordieux de Jésus, fondé en France, en 1790, par les sulpidens. XL L'action sociale de l’Église par les patro­ nages et œuvres postscolai res. — C’est merveille de voir cette demi-disette d'argent, celte demi-disette d’hommes, coïncider, en France, avec une action so­ ciale de l’Église telle que rarement on en vit de plus intense. I-cs patronages, destinés à former la géné­ ration qui mûrit, sont en pleine prospérité. Le seul diocèse de Paris compte actuellement 212 patro­ nages de garçons et 254 patronages de jeunes Allés, qui agissent respectivement sur environ 15 000 et 60 000 âmes. Des colonies de vacances s’y Joignent, dans lesquelles les prêtres ont l'occasion d’un long contact avec les Jeunes âmes. Tout cela est nouveau, et tout cela sc développe à profusion. Toutes les tentatives « postscolalres » par les­ quelles l’État veut s’ériger en émule n’obticnneut que des résultats très médiocres. Un inspecteur général de l'instruction publique, M. Édouard Petit, publie chaque année des rapports sur ccs tentatives : l'opti­ misme mime dont ils s'inspirent laisse percer d’im­ menses inquiétudes. Des enfants que certains maîtres • laïques » s’étaient flattés de soustraire aux conseils du prêtre viennent au patronage paroissial chercher ces conseils. La création et la conduite des patronages, depuis une quinzaine d'années, ont donné lieu à toute une série d'études, à de nombreuses discussions de con­ grès. Nous avons eu des < journées des patronages ·, dans lesquelles les directeurs des principales œuvres de jeunesse échangeaient leurs expériences et leurs vues; nous avons eu des expositions où l’on pouvait examiner de près, par des schémas, par des statis­ tiques, l’installation des patronages, leur outillage, leurs progrès. Une revue vient de sc fonder, qui s’appelle la Revue des patronages. Grâce à cette ini­ tiative, l’art de créer un patronage, de l’organiser, l’nrt d’orienter les responsabilités des Jeunes hommes tout en les respectant, l’art de préparer â la vie ci­ vique et d’affermir les germes de vie religieuse, sont en ti ain de devenir une véritable pédagogie. Enfin la Fédération gymnastique cl sportive des patronages de France, créée en 1898 par le docteur Michaux, groupait, en 1911, 10 000 gymnastes pour les fêtes de Nancy, et compte, en 1912, il unions re­ gionales, plus do 1 300 sociétés en activité, ti prus de 130 000 membres actifs. M7 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL 648 On poursuit, dans beaucoup de patronages, une de sc suffire pour l’avenir. Cette œuvre, fondée en double formation : la formation apostolique ct la for­ 1881 sous la direction de la sœur Saint-Antoine a de 1881 à 1903, hospitalisé 70 240 femmes. ’ ’ mation syndicale; et l’Église habitue ces jeunes hommes, d’une part, à défendre auprès de leurs frères En 1894, la sœur Saint-Antoine y annexa ï'Œuvre l'honneur ou les intérêts de la foi, d’autre part, à dé­ du travail ά domicile pour les mères de famille, qui. fendre auprès de qui de droit, au nom de la foi, les de 1892 à 1902, assiste 7 449 mères de famille. revendications économiques ct sociales de leurs La Maison de travail pour les hommes, fondée en 1892 frères. Ainsi s’élargit, dans les patronages actuels, l’ho­ par M. de Laubespin, rend le meme service aux rizon du jeune chrétien. · Tu deviendras un bon su­ hommes sans asile ct sans travail, ct est aussi sous h jet, lui avait dit, en l’y expédiant, son père ou sa direction des religieuses du Calvaire. mère, ct ton avenir y gagnera. » Mais voici qu’à la 2® Services de l'en/ance. Orphelinats de feunes filles, longue cc jeune chrétien sc laisse séduire par des — L’institution des crèches, qui gardent, pendant le préoccupations extérieures ct supérieures à celle travail de la mère, les enfants de 15 jours à 3 ans, re­ même de son avenir, par un certain goût d’action re­ monte à la fondation faite en 1844 par M. Marbeau. ligieuse, par un certain goût d’action sociale. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ont fondé, à Et dans les patronages sc révèlent des vocations Paris, sur les paroisses Saint-Vincent-de-Paul elSalntau sacerdoce; ct certains enfants des patronages Séverin, Ï'Œuvre de la crèche à domicile, destinée à as­ surer des secours aux mères qui gardent chez elles prennent aux questions professionnelles un intérêt leurs enfants. Elles possèdent à Paris un certain nom­ qui les prédestine à devenir d’cxcelicnts « meneurs », au bon sens de ce mot, pour les futurs syndicats chré­ bre d’orphelinats pour tilles ct même pour garçons. Parmi les fondations originales que des religieuses pos­ tiens. Compris de la sorte, pratiqué de la sorte, le sèdent en province, citons, pour garçons, des orphe­ patronage n’est pas seulement une institution d’hylinats agricoles comme celui d’Agdc (Hérault), do ci« ne morale; il fait partie de l’outillage pour l’active Grèzes (Aveyron), des orphelinats industriels comme diffusion du règne de Dieu. celui du Bourget (Seine); pour Hiles, l’ouvroir indus­ XII. L’action sociale de l’Église par les œuvres de charité. — En 1900, avant l’application triel des Andelys, pour le dévidage des soies; l’orphe­ aux congrégations de la loi de 1901 sur les associa­ linat agricole de Bezouotte (Côle-dOr). La grande œuvre de V Adoption, fondée en 1859 par tions, les tableaux exhibés par M. Soulangc-Bodin l’abbé Maitrias, recueille de nombreux orphelins. à l’Exposition prouvèrent que les catholiques entre­ A côté d’elle, il faut citer, comme issues d’initiatives fé­ tenaient par leurs seules ressources : 398 dispensaires cl hôpitaux; 601 orphelinats; 512 crèches ct asiles; minines : ΓAssociation des Jeunes économes, qui, sous la direction des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, 172 asiles ct ouvroirs; 84 œuvres de maternité; groupe les générosités d’un grand nombre de jeunes 343 assistances par le travail; 25 hospitalités de nuit; filles pour l’apprentissage ct le placement des jeunes 1 428 bureaux de bienfaisance; 229 œuvres pour les filles pauvres;V Œuvre de Sainte-Anne, fondée en 1821, vieillards; 571 œuvres pour les malades; 97 œuvres pour les incurables. Ï'Œuvre des enfants délaissés, fondée en 1803, Ï'Œuvre de l'adoption des petites filles abandonnées, fondée On peut classer sous quatre rubriques les œuvres en 1879, qui s’occupent toutes trois au placement des catholiques d’assistance : orphelins; Ï'Œuvre de l'enfant Jésus, abritant pendant 1 · Assistance en général — à domicile — par le tra­ leur convalescence les jeunes filles pauvres sortant de vail — L’Association des dames de charité, établie en 1629 à Paris, dans la paroisse de Saint-Sauveur, par l’hôpital. L'Œuvre d'assistance maternelle ct infantile gra­ saint Vincent de Paul, pour la visite des pauvres malades, reconstituée en 18-10, a donné naissance à tuite de Plaisance, fondée par Mlle Chaptal en 1901, comprend : 1. un service d’enquête à domicile; I Œuvre des pauvres malades ct à V Œuvre des pauvres 2. un service de consultations gratuites pour les mères malades dans les faubourgs. Dans la plupart des pa­ indigentes ct leurs nourrissons; 3. un service de fourni­ roisses de Paris, des associations de dames de charité, tures pour les mères qui font leurs couches chez elles; présidées par le curé, possèdent des vestiaires ct vi­ 4. un service de distributions de bons de viande et do sitent les pauvres. carnets de chèque alimentaires pour farines ou fécu­ La Société de charité maternelle, qui remonte à lents, en faveur des femmes accouchées; 5. un service 1784 et au protectorat de Marie-Antoinette, secourt de bons de travail à faire à domicile; 6. l’organisation au moment de l’accouchement, sans distinction de religion, les femmes mariées; dans chaque quartier de journées de plein air durant lesquelles on envoie de Paris, des dames visiteuses déterminent les familles à la campagne un certain nombre de femmes du qui doivent être admises aux secours. Cette œuvre quartier. secourut, en 1898, 2 797 femmes ct 2 853 enfants. L* Union familiale, fondée à Charonne en 1899 par L'Association des mères de famille, fondée en 1836 Mlle Gahéry. n organisé pour les tout petits enfants par Mme Badenicr, secourt les femmes en couches une garderie froebellcnnc; elle reçoit les enfants do domiciliées à Paris qui ne sont pas dans les conditions l’école après la classe; elle réunit les familles, depuis exigées par la Société de charité maternelle ou qui sont 1904, dans un cercle d’éducation familiale; elle crée dan* li catégorie des pauvres honteux. des groupes de · petites mères », fillettes de dix ans L’C/ùwre de la miséricorde, fondée en 1822, secourt qui s’occupent chaque jeudi d’un groupe de 3 ou les pauvres honteux. 4 enfants; elle a des Jardins ouvriers, une œuvre de L'Association charitable des femmes du monde, fon­ trousseaux, et, depuis 1900, des colonies de vacances, dée en 1879, secourt les familles Indigentes des an­ sous le nom d’œuvres de grand air. ciens officiers ou fonctionnaires. L’activité des religieuses de Marie-Aux ilia trice à L’Œurre de l'hospitalité du travail a pour but d’offrir Villcpinte ct à Champrosay, pour les jeunes filles un abri gratuit et temporaire, sans distinction de natio­ poitrinaires ou anémiques, est devenue célèbre. Les sœurs de la Charité de Nevers, les sœurs du nalité ou de religion, à toute femme ou fille sans asile Sacré-Cœur, sont chargées à Bordeaux ct à Chambéry décidée a chercher dans le travail le moyen de gagner honorablement sa vie; d’occuper utilement scs pen­ de l’institution nationale des sourdes-muettes. De sionnaires et de chercher à rendre l’habitude du tra­ nombreux établissements privés de sourdes-muettes sont tenus par des religieuses. vail à celles qui l’auraient perdue; de les aider à se L’originale congrégation de. Soeurs aveugles Saintprocurer un emploi honorable qui les mette à même 049 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUE1 Paul, fondée en 1851, s’occupe des jeunes Allés aveugles. Λ Nancy ct Λ Jarville. Il y a pour les aveugles la Maison Saint-Paul, fondée par l’abbé Gridel, ctpour les sourds-muets, l’œuvre de M. Piroux continuée par les so urs de Saint-Charles. 3° Soin des malades. — Le dévouement des congré­ gations entretient ù Paris les hôpitaux Saint-Joseph, Notre-Dame de Bon-Secours, du Pcrpétuel-Sccours, Saint-Jacqnos, Hahnemann, Saint-François, SaintMidi cl. Dans de nombreux départements, des reli­ gieuses sont encore chargées du service des aliénés. Un certain nombre d'établissements u’idiotes, d’incu­ rables, sont tenus par cics religieuses. L'Œuvre des dames du Calvaire, fondée ù Lyon par M·· Garnier en 1842 cl établie Λ Paris en 1874, réunit les dames veuves pour le soin des cancéreuses ct reçoit dans scs hospices les femmes incurables qu’aucun hôpital n’admet; elle existe à Lyon, Mar­ seille, Saint-Etienne, Rouen. Les Petites sieurs de ΓAssomption, gardes-malades des pauvres, s'installent, jour ct nuit, sans retribu­ tion, au chevet des malades pauvres; de même, les Sceurs de Notre-Dame de la rue Cassini, au chevet des pauvres femmes en couches. L'Œuvre des petites saurs des pauvres, fondée en 1834 par Jeanne Jugan ù Saint-Scrvan, a assisté, jusqu'en 1900, 170115 pauvres vieillards. En 1912, 5793 sœurs, 258 novices cl 237 postulantes sc dé­ vouaient, dans 111 maisons en France ct en Alsace ct dans 195 maisons à l’étranger, à 46 913 vieillards. L'Œuvre de la visite des malades dans les hôpitaux, antérieure à saint Vincent de Paul ct reconstituée par lui, a répondu, depuis vingt-cinq ans, par suite de la laïcisation des hôpitaux officiels, à un besoin de plus en plus urgent. Les frères de Saint-Jean de Dieu, qui entretiennent en France plusieurs hospices ct maisons de santé, ont la réputation d’un ordre hospitalier remarquable. 4° Œuvres de patronage intéressant certaines caté­ gories de jeunes filles. — Les sœurs servantes de Marie, les sœurs de la Croix s'occupent du placement de do­ mestiques. Les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul pos­ sèdent, sous le nom de Patronages internes, des œuvres abritant les jeunes filles orphelines ou éloignées de leurs familles, ct qui travaillent pour vivre. L'Œuvre des petites préservées ct le Vestiaire des petits prisonniers, fondés en 1892 par la comtesse de Biron, assurent la préservation des Ailettes sorties de prison. L'Œuvre catholique internationale pour la protection de la jeune fille, créée à Fribourg en 1897, postérieu­ rement ù V Union internationale des Amis de la jeune fille (d’initiative protestante), a constitué en Franco un secrétariat central ct de nombreux comités régio­ naux; clic est en rapport avec de nombreux homes et maisons d'accucil qu’ont fondés en beaucoup d’en­ droits des femmes catholiques : par exemple, les maisons pour jeunes filles isolées, fondées par M®· do Bully; la maison de famille des religieuses de MaricAuxlliatricc, les homes de Lyon, Saint-Étienne, Mar­ seille, Grenoble, Nice, fondés par les comités locaux de Ï’Œuvre de protection. De 1899 ά 19(15. Ï'Œuvre a hospitalisé en France (Paris excepté) 10 028 jeunes filles; dans la seule année 1905 clic a hospitalisé, ù Paris, 11 919 Jeunes filles. La grande originalité de l'effort d’assistance catho­ lique en ccs dernières années a été la multiplication des œuvres d’éducation sociale. C’en est fait, de plus en plus, de la conception · patriarcale » des œuvres; on aspire ct l’on tend, aujourd’hui, ù associer celui qui souffre A son propre relèvement, à lui donner une purl de collaboration ou meme de direction dans l’cf- 050 fort qui est fait pour l’assister ct le relever. Les. œuvres de charité le plus en faveur parmi les catho­ liques sont désormais ce que j’appellerais les œuvres préventives. Prévenir la misère par une éducation hygiénique, familiale* professionnelle, telle est la préoccupation des fondatrices des œuvres actuelles d’assistance. Elles ne visent pas seulement à la lutte contre les conséquences de la misère, mais à la lutte contre la production de la misère. Il y a sans doute un terrain que la charité catholique n’abandonne pas : c’est le soin des vieillards, des infirmes, des incurables, de tous ceux qui ne peuvent rendre aucun service social; les catholiques estiment que, tandis que les philosophies issues de la lutte pour la vie aboutiraient peut-être à la suppression de ces < bouches inutiles », leur religion de fraternité leur fait un devoir de ne les pas abandonner. Mais il ne suffit pas à la charité fémi­ nine catholique de sc consacrer à ceux qui vont mourir ou qui sont morts à demi; elle veut aider, dans la fa­ mille* dans la profession, à l’épanouissement de la vie. Sans négliger l’aumône individuelle, elle s’attache surtout à faire œuvre d’assistance sociale; elle aime mieux précéder la misère pour l’arrêter que de la suivre pour in soulager; elle aime mieux relever les familles que de les secourir; elle aime mieux les assister au moment où elles fléchit aient que d’avoir ensuite à les relever; elle aime mieux* enfin» les aider activement à améliorer les conditions de travail que de subvenir passivement a des détresses résultant de ces mauvaises conditions. Tout 1 enseignement donné dans les œuvres de jeunesse catholique ct dans les patronages catholiques est imprégné de cct esprit apparemment nouveau, qui n’est d'ailleurs, à y regarder de près, qu’un retour ά la so. darité chrétienne du moyen âge. XIIL L’action sociale de l’Éguse ραπ les GROUPEMENTS OUVRIERS ET SYNDICAUX, — Il exis­ tait à Paris, dès 1867* une œuvre des maçons ct des tailleurs de pierre, ayant pour but l’instruction de ses adhérents, originaires surtout du Limousin, ct l’amé­ lioration de leur sort. La plus ancienne œuvre catho­ lique sociale fut l’œuvre des Cercles catholiques d’ou­ vriers, fondée en 1871 par le comte Albert de Mun cl le marquis de la Tour du Pin la Charcc; elle doit son importance moins encore aux 400 cercles d ou­ vriers disséminés en France (dont 8 à Paris) qu’au mouvement d'études économiques et sociales qu’elle a provoqué. C’est aux études entreprises par les commissions de l’œuvre des cercles qu’ont été dus les projets de lois sociales présentés au parlement par certains députés catholiques avant l’époque où i'État songeait ù élaborer une législation sociale. L* Union catholique du personnel des chemins de fer, fondée en 1898 pour < conserver chrétiens tous ses membres » ct « améliorer leur sort en favorisant les institutions charitables, économiques ct sociales, » était à l’origine, nu moment où dans la basilique de Mont­ martre eurent lieu scs premières nuits d’adoration, uniquement composée de quelques centaines de che­ minots parisiens; ù la suite d’un pèlerinage à Lourdes en 1899, elle s’étendit peu à peu à la France entière. Elle comprenait, en 1912, 418 groupes, avec 50 000 membres environ. Les sœurs de lu Présentation de Tours dirigent V Association ct société de secours mu­ tuel pour les demoiselles de commerce. Les catholiques de Paris ont pris part au mouve­ ment syndical, par plusieurs créations importantes. Il faut citer* avant tout, l'inlUative de 17 anciens élèves des Frères, qui aboutit en 1887 à 11 création du Syndicat des employés de commerce et de l’indus­ trie; cc syndicat comptait, à la fin de 1912,7132 mem­ bres; il a fail élire ses deux candidats, en 1904, nu renouvellement du conseil supérieur du travail, ct son secrétaire général, M. Vicnnet, est devenu, en 1011. G5i FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEI 652 conseiller prud'homme contre l’un des meneurs dc la i la région de Lyon, en 1911, des semaines sociales agri­ Cocfèdératlon générale du travail. Le Syndicat s'oc­ coles, où une soixantaine de jeunes gens, destinés à cupe de promouvoir en province l’existence de sco être, dans leurs villages, les meneurs de l’action sociale lions ou de syndicats nationaux, pouvant être le noyau ct les représentants dc l’idée catholique, venaient d’une fédération des syndicats d’employés· en tholl- . s’instruire et s’exercer. Les congrès annuels de l’Atw. dation catholique de la feunrs.se française, qui compte que* français. L’organisation dite dc l’Alguille, association pro­ 120 (MM) membres, mettent toujours à l’élude une fessionnelle de patronnes ct d’ouvrières de la couture, question sociale : c’était, en 1912, celle de l’organisa­ eut la première initiative dc h création de certains tion professionnelle. Certains congrès diocésains, spé­ restaurants pour ccs ouvrières. cialement ù Paris, s’assignent parfois un programme Les syndicats d’ouvrières, d’employées, d’institu­ social : la question du logement ouvrier, par exemple, trices, de gardes-malades, ct le Syndicat du ménage, occupa le congrès de 1912. Et la Société immobilière dont les trois premiers datent dc'l902,forment Γ Union de la région parisienne, grande bâtisseuse d’églises, centrale des syndicats professionnels féminins dc la rue a, peu dc temps après cc congrès, décidé d’augmenter dc ΓAbbaye; ils englobent, d’après le rapport du 19 son capital en vue dc construire des maisons ouvrières janvier 1913, 5514 travailleuses; l’Union a fondé 44 à proximité dc deux des églises qui lui appartiennent. sections syndicales dont 25 à Paris; elle a un organe Les comités paroissiaux déjà constitués dans un grand qui s’appelle la Huche syndicale. Les syndicats fémi­ nombre de paroisses parisiennes sont invités par l’ar­ nins fondés en novembre 1908 à l’impasse Gomboust, chevêché à faire l’étude des conditions sociales de à Paris, comptent déjà 400 syndiquées ct ont organisé leur quartier et à recueillir ainsi, pour leur pasteur, un réchaud pour 50 jeunes ouvrières. Les tentatives les éléments d’une carte sociale dc Paris. dc syndicalisme catholique féminin essayées à Lyon Enfin une institution fort importante, à l’imita­ par Mlle Rochcbillard, à Grenoble par Mlle Poucet, tion des secrétariats sociaux qui fonctionnent en ont pris une importante extension. Enfin un essai tout Belgique, a été inaugurée à Paris en 1908 : c’est le récent, fait à Paris par des initiatives catholiques pour secrétariat social de Paris, dont on peut rapprocher syndiquer les ouvrières travaillant à domicile, paraît d’autres secrétariats fonctionnant à Arras, Angers, appelé à une sérieuse efficacité. Lyon, Toulouse, La Roche-sur-Yon, Rennes, Mar­ XIV. L’action sociale de l’Église par les orga­ seille, Besançon. Le secrétariat social dc Paris est nisations d’enseignement social. — Depuis le un office dc renseignement, un centre dc documen· début du XXe siècle» deux institutions sc sont orga­ tation, en même temps qu’un foyer d'initiative à la nisées,où les catholiques dc France trouvent lumière ct disposition des œuvres ct organisations catholiques force pour leur action sociale. D’une part, V Action dc la région parisienne. populaire de Reims, fondée au début de 1903, mul­ Son activité se partage entre divers services ; tiplie les brochures sur les questions économiques; 1. Documents et renseignements : constitution dc dos­ elle publie annuellement un Guide social et, depuis siers sur les questions sociales ct économiques, à 1910, une Année sociale internationale; elle édite un l’usage des conférenciers et directeurs dc cercles d’étu­ Manuel social pratique. des recueils de monographies des; renseignements bibliographiques; renseignements d’œuvres sociales; elle a Inauguré en 1907 des Feuit~ sur les diverses œuvres ou organisations sociales ct les sociales destinées à la propagande populaire; elle économiques; 2 i nsr.ignemenl social populaire : publie des feuilles volantes : Plans et documents, des­ conférences, journées sociales, tracts; 3. Contentieux tinées aux cercles d’études, des revues populaires des oeuvres et institutions sociales : rédaction ct revision intitulées : Revue de ΓAction populaire. Peuple de dc statuts; consultations juridiques pour la création France, la Vie syndicale, enfin une revue doctrinale : le et le fonctionnement des œuvres sociales; applica­ Mouoemeni social. Elle dépêche des émissaires dans tion des lois sociales (réglementation du travail, assis­ les divers congrès diocésains pour entretenir les audi­ tance aux vieillards, retraites ouvrières...); 4. Créa· teurs des besognes sociales et religieuses qui sont à lion d'œuvres ct d'institutions sociales : associations accomplir; il y a là un centre très curieux, très riche populaires, mutualités, syndicats professionnels, in­ d’initiatives, d’où s’essaiment toutes sortes d’idées, stitutions dc crédit, etc.; 5. Propagande pour les ré­ ct où s’équipent des bonnes volontés, pour se mettre formes sociales; repos dominical; protection des à In disposition des œuvres catholiques. On calculait femmes et des enfants; habitations ù bon marché, etc. en 1911 que lis représentants de l’Action populaire Le service du contentieux a donné 220 consulta­ avaient déjà paru dans près dc 200 congrès. Puis, à tions en 1910, 235 en 1911, 159 pendant le premier partir de 1907, les directeurs de ccttc œuvre organi­ semestre de 1912. sèrent eux-mêmes des congrès : congrès généraux dc l-a section iV Enseignement social a donné 90 con­ l’œuvre en 1907 et 1911 ; journées sacerdotales dc férences en 1910, 150 en 1911, 35 pendant le premier 1909 et 1912 Journée d’action féminine en 1910; jour­ semestre dc 1912. Elle a organisé trois journées sociales nées syndicales ouvrières en 1911; semaine de direc­ à Plaisance, à Ménilmontant ct aux Grnndcs-Carrlêteurs des œuvres diocésaines en 1912; à ccttc dernière res; deux autres journées sociales ont été spéciale­ semaine parurent des prêtres dc 27 diocèses, qui, ment réservées aux œuvres ct organisations féminines. huit jours durant, s’éclairèrent ct se fortifièrent mu­ Elle a rédigé ct répandu des tracts dc propagande sur tuellement. On peut dire que c’est dans des réunions i le repos dominical, les habitations à bon marché, l’or­ de cc genre, discrètes mais fécondes, que s’élabore ct ganisation syndicale. Chaque mois, elle publie une que sc mûrit la vie cachée dc l’Église dc France ct que Correspondance qui procure aux Journaux, bulletins, se concertent les prochaines actions sociales. D’autre revues des œuvres ct associations catholiques, des part, les Semaines sociales qui, depuis 1904, se tien­ articles sur les questions économiques ct sociales nent, chaque année, en un coin de France, promènent ainsi que des informations sur les divers mouvements nmsLd’un bout à l’autre du pays, l’enseignement de sociaux ct les initiatives des dlfTérents groupement.. U doctrine catholique sur le problème social, l’ensei­ Enfin, le Secrétariat social, d'accord avec les orga­ gnement des méthodes catholiques pour le relève­ nisations féminines existantes, n créé un Office du ment des masses, et un enseignement plus pratique, travail féminin, centre spécial de renseignements pour ces organisations professionnelles. plus local, destiné à approprier aux besoins ou aux XV. Conclusion. — Les pauvres curés Isolés au détresses dc la région où sc tient la Semaine les prin­ J fond des campagnes, qui ont le droit do s’attrister en cipes du catholicisme social. On a vu s’inaugurer dans 653 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL voyant la décadence profonde dc la pratique religieuse dans beaucoup dc populations rurales, reprennent des raisons d’espoir en assistant, dc loin, Λ tous ccs efforts originaux, qui groupent dc jeunes et belles énergies. Quant aux sectaires hostiles à l’Eglise, ils s’en alarment : ils volent celle Église, qu’ils avaient cru séparer dc la société civile en la proclamant « sé­ parée » d’avec l’État, sc pencher, au contraire, avec une charité ardente, avec un esprit dc justice très exigeant et très précis, sur les misères économiques de la société dans laquelle elle vit et qu’elle est appelée à mener à Dieu. L’action sociale dc l’Église dc France rouvre ainsi à l’in fluence dc cette Église les profon­ deurs du monde laïque : on s'était flatté dc l’en exiler par une loi; avec un programme social dont l’Évanglle définit l’esprit ct dont les enseignements ponti­ ficaux tracent les grandes lignes, clic n repris sa place au soleil. D’une brève formule, on oppose parfois au curé du concordat — facilement traité dc fonction­ naire— celui qu’on appelle, le · curé dc la séparation » : c’est un nouveau venu, tout à fait insouciant des inté­ rêts terrestres, indifférent aux contingences politi­ ques, uniquement préoccupé dc se mettre à la dispo­ sition des foules comme serviteur des serviteurs de Dieu. Et cc qui est très glorieux pour l'Églisede France, c'est l'aisance tout apostolique, c’est l’allègre désin­ téressement, cost l’énergie joyeuse ct féconde avec laquelle les « curés du concordai ·, sans sc sentir bri­ sés. ni même dépaysés, sont devenus les < curés dc la séparation ». XVI. Les missions catholiques. — La charité française subvient à l’entretien des missions avec une sollicitude digne d’être relevée. La Propagation de la foi, fondée à Lyon en 1822, recueillait en 1911, sur les 7274226 francs dc son budget, 3025788 francs en France. La Sainte Enfance, œuvre d’origine française, elle aussi, destinée au salut des petits Chinois, avait, en ccttc même année, un budget de 4 029333 francs, dont 834 411 francs venaient ne France; l'Œurre des Écoles d'Orient, un budget dc 308841 francs dont 284726 founds par la France. Le Séminaire des mis­ sions étrangères a organisé une Œuvre des partants, qui fournit des trousseaux ct des objets de culte aux jeunes missionnaires en partance: une œuvre pareille existe pour les Pères du Saint-Esprit. L'Œi/oré aposfo­ lique, dont le siège social est à Paris, a secouru en 1912 2000 missionnaires. SI l’on sc reporte à certains chiffres budgétaires antérieurs, on voit qu’en 1898 la France donnait, pour la Propagation de la foi, 4077085 francs, soit plus de 1 million dc plus qu’aujourd’hul ct, pour la Sainte Enfance, 1094 092 francs, soit près dc 200000 francs déplus qu’aujourd’hul. On constate Inversement que, dans la seule année 1911, l'Allemagne (y compris l’Alsace-Lorraine) a donné ά l’œuvre dc la Sainte Enfance une somme de 1557977 francs. (’.es chiffres, obligeamment communiqués par le se­ crétaire général dc la Propagation de ta foi, M. Gunsco, montrent que les sacrifices Imposés aux catholi­ ques dc France par la séparation des Églises ct dc l’État ont eu, fatalement, une répercussion fâcheuse sur le montant des générosités destinées aux missions. Ce n’est pas le seul effet néfaste, pour les missions, des lois antireligieuses publiées au début du xx* siè­ cle. On évaluait en 1901 à 7 745 le nombre des religieux et à 9150 le nombre des religieuses ayant dévoué leur vie Λ des œuvres françaises dc missions. Les lois d’ostraclsmc contre les congrégations ont eu ce résultat de gêner le recrutement des noviciats de missionnaires, désormais transportés hors de France : si aucune atténuation n’est apportée Λ ccs lois, on court le ris­ que dc voir des congrégations qui étalent françaises devenir étrangères, ct des maisons-mères changer dc 6ôi caractère, au plus grand détriment de l’influence française. Le recrutement des missions est d’ailleurs assuré, dans une certaine mesure, par quelques œuvres fon­ dées à cette fin : YŒuvre des écoles apostoliques, fondée à Avignon en 1865 par le P. dc Foresta, de la Société dc Jésus, entretient 3 écoles pour la formation de missionnaires; les assomptlonnlstes, pour assurer leur recrutement, ont formé V Association de Notre-Dame des vocations; les missionnaires du Sacré-Cœur, la Petite œuvre du Sacré-Cœur pour tes vocations sacerdo­ tales et apostoliques, actuellement établie à Fribourg (Suisse). Mais ce qui importe pour que le recrutement demeure français ct pour qu’aucun changement ne sc produise dans la direction même de certaines mis­ sions, c’est que ccs grandes sociétés d'actif dévouement qui rayonnent, pour la France, hors dc la France, re­ trouvent, en France même, des garanties de liberté ct d’équité. Les Missions étrangères, les lazaristes, les Pères du Saint-Esprit, ct les Pères blancs ou missionnaires d’Alger ont encore en France, par décret du conseil d'État, une existence légale. La Société des Missions étrangères françaises, fon­ dée en 1663. ne tomba pas sous le coup de la loi contre les congrégations : elle évangélise la Birmanie septen­ trionale ct méridionale, le Cambodge, la Cochinchine, le Laos, le Tonkin, Coïmbatour, Mayssour, Pondichéry , Kumbakonam, le Siam, la Malaisie, le Japon, la Corée, le Kouang-Si, le Kouang-Tong, le Kouy-Tchéou, le Su-Tchuen, le Yunnan, le Thibet, la Mandchourie. Le dernier recensement quinquennal de l’état de ces missions et des résultats qu’elles ont obtenus date <îe 1910. L’ensemble des populations parmi lesquelles elles s'éparpillent est approximativement de 230732 000 ha­ bitants, sur lesquels il y a 1500522 catholiques, parmi lesquels les missionnaires avaient enregistré 3282600 confcssionsct 4 752300communions. Les Mis­ sions étrangères possédaient, en 1910, 5688 églises, 39 évêques, 1 354 missionnaires, 839 prêtres indigènes, 3185 catéchistes, 45 séminaires, 2174 séminaristes; dans les territoires relevant dc leur apostolat, il y avait 31 communautés d’hommes contenant 345 reli­ gieux. et 228 communautés de femmes groupant 4 170 religieuses. Cc recensement accusait pour l’année 1910 : 32550 baptêmes d’adultes païens, dont 8 492 in articulo mortis; 138551 baptêmes d’enfants païens in articulo mortis, 57740 baptêmes d’enfants de chré­ tiens, et 331 conversions dc chrétiens venus du pro­ testantisme. Dans leurs 4 534 écoles, les Missions étran­ gères élevaient 139 428 élèves. Elles possédaient aussi 361 crèches ou orphelinats avec 15512 enfants, 104 ouvrolrs et ateliers avec 3091 enfants, 497 pharmacies ou dispensaires, 120 hospices, hôpitaux, léproseries. Les lazaristes, fondés en 1632, dont l'in fluence ύ Constantinople est très propice aux intérêts français, ont des missions en Abyssinie, nu Kiang-sl, au Tché-Ly septentrional et sud-ouest, au Tché-Kiang, en Perse, au sud de Madagascar. Les Pères du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie, congrégation formée en 18-18 par la fusion des Pères du Saint-Esprit, fondés en 1703, ct des Pères du Cœur de Marie, fondés en 1841, évangélisent la Clmbébaslc supérieure, le Bas-Congo, le Congo français, le Gabon, la Guinée française, le Bas-Niger, le Sénégal et la Sénégninble, Slcrra-Lconc, Bagamoyo, le Znnguebar septentrional, Madagascar-Nord, Mayotte, Nossl-Bê, les Comores. Ils avalent, en 1907, dans ces diverses réglons, 90684 fidèles, 294 prêtres ct 28353 élèves. Les Missionnaires d’Alger dits Pères blancs, fon­ dés en 1868, évangélisent Glinrdain, le Soudan fran çals, le Haut-Congo, le Victoria Nyanza, J’Ounyan- G55 FRANCE. ÉTAT RELIGIEUX ACTUEL G5C yembe, IcTanganyka, le Nyassa. Ils sont actuellement française d'Athènes, est surtout l’œuvre des congré­ au nombre de 500. Dans l'Afrique centrale ils ont gations d’hommes ou de femmes, ct 11 citait avec admi­ 9 vicariats apostoliques, comprenant 127 stations, ration le pensionnat modèle de Lutra, fondé avec 232 sœurs blanches, 2 250 catéchistes, 168403 néo­ 600 francs par les ursullncs de Tinos. phytes, 214 285 catéchumènes, 1706 écoles remplies La Trappe de Latroun, en Palestine, a refusé, mal­ par 15 476 garçons ct 20491 filles, 337 orphelinats, gré les offres de l’empereur Guillaume II, de devenir hôpitaux ou dispensaires. Ces missionnaires, qui n’adune trappe allemande, ct demeure un établissement meltcnt les adultes au baptême qu’après quatre années français. L’école biblique fondée par les dominicains de formation, ont distribué, de juin 1911 à juin 1912, à Jérusalem, leurs missions de Mésopotamie, du Kur­ 2629 653 commu nions. distan, du Taurus Jacobite et de l’Arménie, exercent Toutes les autres congrégations s’occupant de mis­ un rayonnement analogue. sions sont, depuis la loi de 1901, exclues de France; Une ville, commo Beyrouth, devient, d’année en elles continuent cependant à travailler pour la plus année, un foyer Intense de culture. La faculté de méde­ grande France. cine créée en 1883 avec 11 élèves par le P. Normand, Les mnristes, fondés en 1836 et dont l’action assura supérieur général des jésuites de Syrie, avec l’appui à la France la possession de la Nouvelle-Calédonie, pécuniaire de Jules Ferry, compte en 1913 plus de évangélisent l’Océanie centrale, la Nouvelle-Zélande, 300 élèves. Les docteurs de cette faculté portent dans la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-Hébrides, les tout l'Orient l’in fluence française. Le collège secon­ fies des Navigateurs, les Fidji, les tics Salomon. Ils daire fondé par les jésuites sous le nom d’université avaient en 1910:74598 fidèles, 197 missionnaires, 338 Sa bit-Joseph compte 400 élèves recrutés parmi ce sœurs, 463 catéchistes, 9806 élèves. qu’on pourrait appeler l’aristocratie syrienne. Les Les piepusiens, fondés en 1817, évangélisent les frères des écoles dirétiennes groupent, de leur côté, Marquises, les Sandwich, les îles Tahiti : ils avalent 800 élèves dans leur collège qui donne surtout un en­ en 1910: 52500 fidèles, 150 catéchumènes, 77 mission­ seignement commercial et industriel. Les sœurs de naires, 92 sœurs, 1 723 élèves. Saint-Vincent-de-Paul apprennent le français, dans Les missionnaires de Saint-François-de-Sales d’An­ leurs écoles, à près de 2000 élèves. Les sœurs de P Ap­ necy, fondés ai 1833, évangélisent le Nagpore et le parition groupent 350 jeunes filles ct les sœurs de Vizagapatam. la Sain te-Famille près de 400 jeunes filles de la bour­ Les oblats de Marie-Immaculée, fondés en 1826, geoisie; les Dames de Nazareth ont 150 élèves appar­ évangélisent Saint-Bon ifa ce, Saint-Albert, Athatenant aux dasscs les plus élevées; les sœurs de Besan­ baska, Saskatchewan, Mackenzie, New Westminster, çon viennent d’ouvrir une école ménagère. Le Liban Colombo, Jaffna, Natal, Basutoland, Kimberley. est couvert d’écoles françaises : collège lazariste La Société de Marie du bienheureux Grignon de d’Antoura avec 300 élèves; écoles des frères maristes à Montfort, fondée en 1710, évangélise la région du Djouni (250 élèves), Dcn-cl Kamar (230 élèves), Gliiré. Amdüt (200 élèves). Longeant les côtes syriennes, on La Société des Missions africaines de Lyon, fondée trouve, d’escale en escale, des écoles religieuses franen 1856, évangélise la côte de Bénin, la Côte d’Or, le çaises, et à Alexandrctte même, à l’extrémité septen­ Dahomey, le Delta du Nil, le Haut-Niger, la Côte trionale de la Syrie, port que guette l’Allemagne, les d’ivoire, le Libéria; elle avait ai 1907 :39479 fidèles, frères de la Doctrine chrétienne viennent de fonder un 151 prêtres, ct 7 346 élèves. collège français. Les plaines d'Homs et d’Hama pos­ Les Missionnaires du Sacré-Cœur (dits d’Issoudun) sèdent de nombreuses écoles de jésuites comptant évangélisent les lies Gilbert, la Nouvelle-Guinée an­ près de 1 million d’élèves. A Alcp, l’enseignement du glaise et hollandaise, la Nouvelle-Poméranie, les Iles français est donné par le collège de franciscains (220 Marshall. Ils avaient en 1910 : 31495 fidèles, 103 prê­ élèves), et par les sœurs de Saint-Joseph (650 élèves). tres, 110 sœurs, 344 catéchistes et 10 214 élèves. Il faudrait ajouter à cette énumération les collèges Parmi les ordres de femmes se dévouant dans les d’arméniens, de melchltcs, de maronites, où s’cnsclgnc missions, il faut citer spécialement, ù côté des sœurs le français. de Saint-Vincent-de-Paul, les sœurs de Saint-Joseph A Damas le collège des lazaristes (200 élèves), leur de Cluny, fondées par la vénérable Mère Javouhcy, école primaire gratuite (150 élèves), les écoles des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul (600 à 700 élèves), la et qui travaillent depuis 1822 dans nos colonies d’Afrique occidentale et, depuis 1828, en Guyane; et nouvelle école ouverte par les sœurs franciscaines de les Missionnaires franciscaines de Marie, fondées en Marie, qui, en deux ans, a groupé 200 élèves dont les 1876 par la Mère du Cliapotin, dont le nombre trois quarts sont musulmanes, contribuent à faire dépasse déjà 4 000, et dont les léproseries de Mada­ apparaître la Syrie, ainsi que l’écrivait récemment gascar sont célèbres. M. Georges Poignant, comme « un prolongement Il faut aussi donner une mention glorieuse aux éta­ Intellectuel de la France. · blissements d’instruction tenus à l’étranger par les Les marianltcs ont fondé au Japon, en 1888,l’École congrégations françaises. Les frères des Écoles chré­ de l’Étollc du matin, qui compte actuellement 938 tiennes, en 1911-1912, instruisaient dans le diocèse ou élèves; en 1892,1'École de l’Étollc de la mer, qui compte vicariat apostolique de Constantinople 3217 enfants;à 116 élèves; en 1899, l’École brillante, qui compte la Ganée, 97; à Chio, 45; dans le diocèse de Smynie, 581 élèves; en 1909. l’École Saint-Joseph, in du pays, Paris, 1898; Fou vol, Ims missionnaires, patriotes et savants, Paris, 1900; Comptes rendus annuels du séminaire des Mis­ sions étrangères, de ta Propagation de la foi. de la Sainte Enfance; Statistiques des missions publiées dans le KirchUches Handbueh du P Krosc. Fribourg, 1911; Étienne Lumy, La France du Levant, Paris. 1900; Poignant. Les intérêts français en Syrie dans les Questions diplomatiques et coloniales, 15 mars 1913. G. Goyau. XVII. Protestantisme (1906-1913). — Le protes­ tantisme français a accepté assez facilement le régime de la séparation, tandis que le catholicisme s’est montré réfractaire. 11 n’y n pas lieu de s’en étonner. Il n'était pas lié pai la défense faite aux catholiques par Pic X de constituer des associations cultuelles. D’autre part, depuis scs origines au xvi· siècle, il a etc indépendant de la monarchie» longtemps mal vu ct maltraité par clic. Sauf pendant la durée de l’édit de Nantes (15981685) ct sous le régime de la loi du 18 germinal an X (1802-1895), il lui a fallu entretenir son culte, ses mi­ nistres ct scs Indigents par ses propres ressources, mais en revanche il n joui de son autonomie. Les protestants, de longue date habitués au selfgovernment, ont accepté, sans trop d’appréhension, le régime des associations cultuelles conformément à la loi du 9 décembre 1905. Ce n’est pas Λ dire qu’ils aient trouvé cette loi parfaite; elle était loin, en effet, de réaliser la formule de Cavour ; La Chiesa libera nei Stato Ubero; car sur trois points clic entravait lu liberté des 658 églises: Pen Interdisant aux associations cultuelles de s’occuper de bienfaisance; 2° en soumettant la gestion de leurs biens au contrôle des inspecteurs de finance; 3° en leur interdisant d’accumuler des réserves supé­ rieures à trois fols le chiffre de leurs ressources an­ nuelles, pour les associations dont le budget dépasse 3 000 francs par an. 1° Églises constituées en associations cultuelles. — Les Églises protestantes de France et d’Algérie, qui comp­ taient environ 650 000 âmes, peuvent se répartir en quatre confessions. CLASSIFICATION d·! ÎQUBSl Réformées. . . Luthériennes Baptiste· LEUR ÉNUMÉRATION. NOMBRE d«« AtSOCUTlOMB 1’ Le· Églises réformée* évangélique· représentant la tendance conservatrice ou orthodoxe........................ 2· I^s Églises réformée·, à tendance néo-érangé' lique, auxquelles, depuis 1942. se sont ralliée· les Kglises libérale· .... 3’ l-es Églises évangéli­ ques, dites libres ou Église· indépendante*..................... 4* Les Églises évangéli­ ques luthérienne·. ... 5* Les Églises weeleyennes ou méthodistes dont plusieurs ont adopté lo ré­ gime épiscopal 6* Les Églises baplisteo, ainsi nommées parce qu'el­ le· ne donnent le baptême qu'aux adultes, après pro­ fession de foi. et qu elle· l’administrent par Immer­ sion ...................................... U 2Û0 40 56 27 ............... Total Plusieurs de ccs Églises ont, comme en Amérique, le caractère institutionnel, c’est-à-dire qu’au lieu de culte et à la sacristie sont annexée une salle de caté­ chisme et de réunion de jeunes gens, un dispensaire, une bibliothèque, etc., tel est. par exemple, à Pans, le Foyer de râme, fondé par le pasteur Ch. Wagner, l'Église suédoise, etc. La préparation des candidats au ministère du saint Évangile se fait dans quatre écoles ou facultés de théologie : celle de Montauban, 7 chaires; celle de Paris, 9 chaires; l’école méthodiste à Neuilly, 4 chaires, ct l’école baptlstc à Paris, 4 chaires, en tout 24 chaires. Les disciplines enseignées sont lo dogme réformé, le dogme luthérien (seulement à Paris), l’exégèse sacrée (Ancien ct Nouveau Testa­ ment), l'histoire ecclésiastique, la paliistiquc. la philosophie et la théologie pratique. La faculté de Muntauban est soutenue par l'Unlon des églises ré­ formées évangéliques, celle de Paris par une asso­ ciation cultuelle. 2® Fédération. — Malgré cette diversité, le protes­ tantisme français a deux Institutions qui servent de lien entre ccs six groupes. C’est d’abord la Fédération protestante, fondée en 1905, dont le comité directeur est formé par des délégués de tous les groupes. Elle se réunit tous les cinq ans en assemblée générale. En second lieu, il y a la Commission d’action pro­ testante évangélique, sur le terrain moral et social, qui a été élue ù Nîmes (1909), par l'assemblée géné­ rale de la Fédération. S59 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 660 3· Sociétés d*évangélisation. — En outre, l’unité pour de plus amples détails les Œuvres du protestai morale de tous les protestants sc manifeste par des (isme français, par Frank Puaux, Paris, 1893. Sociétés d’évangélisation, d’instruction primaire, de 1. Œuvres et institutions générales : 12, parmi lesmission chez les peuples païens et par des Sociétés quelles il faut mentionner, au premier rang, les Asiles bibliques, dont les succès attestent la vitalité. Je ne John Prost, à Lafosse (Dordogne), qui recueillent les puis, dans les limites de cet article, mentionner que enfants épileptiques et anormaux, les malades Incu­ le premier et le dernier de ces croupes. La Sock lé rables. les vieillards gâteux; à Salnt-HIppolyte-ducentrale d’évangélisation, la Mission intérieure luthé­ Fort (Gard). la maison des diaconesses ou gardesrienne et la Mission populaire, fondée par le Révérend malades religieuses; les colonies de vacances, etc. Mac-Ail, s’efforcent de donner des secours religieux 2. Œuvres et institutions particulières : 125, parmi aux protestants disséminés, de réveiller le zèle des lesquelles nous signalerons les dispensaires, l'œuvre indifférents et d’instruire le peuple des vérités de de la visite des malades dans les hôpitaux; Pauvre rÉvangile. La Société centrale entretient 194 sta­ du travail qui, comme le nom l'indique, assistent les tions: la Mission luthérienne, G stations et la Mission indigents en leur donnant à faire un travail rémunéré. Mac-Ail, 34 salles de conférences, sans compter deux 3. Diaconats : 55. Ce sont des comités masculins • Semeuses ou salles ambulantes, et deux bateaux mis­ de secours aux indigents, en général annexés aux sionnaires qui remontent la Marne, la Seine, en faisant églises. escale dans les principaux villages. 4. Sociétés de secours mutuel : 34. 4° Sociétés bibliques. — Le grand instrument de ! 5. Orphelinats de filles (30) et de garçons (16), en ces missionnaires à l'intérieur, c’est la Bible traduite tout : 46. en français moderne et commentée d’une façon édi­ 6. Asiles de vieillards, 72. fiante. Trois sociétés ont pour objet d’améliorer sans En tout, 338 œuvres ou institutions d’évangéllcesse les versions des saintes Écritures et de les répan­ satlon ou d'assistance. dre : la Société biblique de Paris, la Société biblique En somme, le protestantisme, après avoir, pendant de France et la Société biblique britannique et étranles premières années qui ont suivi la séparation, souf­ gère. Il y a, en outre, des comités auxiliaires de la fert de la crise des vocations ecclésiastiques, l’a sur­ Société de Paris à Bordeaux, à Montauban et à Tou­ montée; 11 s'accommode bien du régime de la liberté. louse. Il est d’usage d’offrir un exemplaire du Nou­ La privation du budget de l’État qui, dans les cam­ veau Testament à chaque catéchumène, lors de sa pre­ pagnes pauvres, a entraîné la réduction d’une centaine mière communion, et une Bible à tout couple de jeunes d'églises à l’état d’annexes d'églises plus importantes mariés, avec des pages blanches, afin d’y inscrire les n’a fait que stimuler le zèle des laïques pieux. Ceux-ci événements de la famille. sont associés, sans crainte, par les pasteurs aux œuvres 5® Instruction et patronage moral de la Jeunesse. — d'église; les femmes mêmes ont, dans la plupart des En effet, le protestantisme attache la plus grande associations cultuelles, obtenu le droit de suffrage Importance à l’instruction chrétienne des enfants, au et l’exercent au profit de l’avancement du règne de patronage moral de la jeunesse, à l’action sociale sur Dieu. le peuple. G. Bonet-Maury. II. FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LE8 De là, la Société pour l’encouragement de l’instruc­ tion primaire, parmi les protestants de France, fondée sciences sacrées.— I. Durant la période pntrisen 1829, qui entretient environ 90 écoles libres, plus tlque. IL Au moyen flge. III. Au xvi· siècle. 300 écoles du jeudi, où l’on fait le catéchisme; de là i IV. Au xvii· siècle. V. Au xviii· siècle. VI. Au xix· les écoles du dimanche, annexées à chaque église et ' et au xx· siècle. qui servent de préparation * biblique au catéchisme. | I. Durant la période patristique. — Deux La première communion ne se fait pas avant qua­ évêques des Églises des Gaules ont écrit contre les torze ans, d’ordinaire à quinze, et elle est précédée hérésies de leur temps : au n· siècle, saint Irénée de d une confirmation personnelle des vœux du bap­ Lyon contre les gnostlques, et au iv·, saint Hilaire de tême. Poitiers contre les ariens. Des commentaires scriptu­ Di la, les Unions chrétiennes de jeunes gens et de raires de cclui-d, il ne nous reste qu'une partie de son Jeune* filles, qui s’efforcent de leur procurer des salles explication des Psaumes et son commentaire sur de lecture et de récréation honnête et des conférences l’Evangile de saint Matthieu. Saint Phébade, évêque édifiantes. Le quartier général de ccs Unions se trouve d’Agen, réfuta aussi les ariens, en 358. Metrice, évêque à Paris, n. 14, rue de Trévisc; des chrétiens de toute de Bouen, composa un traité De laude sanctorum. confession y sont les bienvenus; on y a Invité plusieurs Au v· siècle, Sulpice-Sévèrc écrivit une chronique, inti­ (ois à parler des orateurs catholiques.’ Il y n en tout tulée : Historia sacra, qui va du commencement du 500 unions de jeunes gens (*200 pour hommes, 300 monde à son temps, et une Vie de saint Martin de pour jeunes filles). Tours. Les écoles de la Gaule méridionale étaient De là, enfin, les Sociétés d’activité chrétienne, au plus ou moins infectées de semi-pélagianisme. Fauste nombre de 90, les Solidarités et les Fraternités, au nom­ de Riez exposa cette erreur dans scs deux livres De gra· bre de 20, et les Sociétés de tempérance et d’action tia Del et libero arbitrio; il composa aussi un traité De sociale, au nombre de 12. En tout : 130 sociétés. i Spiritu Sancto et il réfuta les ariens et les macédoniens. Ces institutions sont communes aux divers groupes Vincent de Lérlns écrivit ses deux Commonitoria protestants, elles ne sont confessionnelles que par leur contre les hérésies. Jean Cassicn publia à Marseille direction, mais sont toujours ouvertes à la jeunesse douze livres De institutis cienobiorum, ses célèbres sans distinction de culte. 11 en est de même de l’Armée Collationes et sept livres De incarnatione Domini. Saint du Salut qui poursuit une œuvre de relèvement moral Prosper d’Aquitaine, fidèle disciple de saint Augustin, par l'Évangile de Jésus-Christ, sans faire de prosé­ fut l’adversaire résolu du semi-pélagianisme, spéciale­ ment dans son poème De ingratis et dans son De gratia lytisme. 6e Institutions de bienfaisance et de mutualité. — et libero arbitrio contra collatorem (Jean Cassicn). Il Mais, par ce qui précède, nous n'avons pas épuisé la composa aussi une Chronique. Snlvien de Marseille iste des organes et des manifestations du protestan­ écrivit quatre livres Adversus avaritiam et huit De gu· bernutione Del. Saint Eucher de Lyon adressa à tisme en France. Valéricn, son parent, une lettre De contemptu mundi 11 nous reste à parler des institutions de bienfaisance et secularis philosophiæ, un petit traité De laude eremt et mutualité; on peut les diviser en six classes. Voir G61 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES deux livres <1* Instructions Λ son fils Salonlus et le Liber formularum spiritualis Intelllgentteo e auctoritate Eedesix et conciliorum generalium fit un Traité de l'antiquité d de la solennité de la messe, et son Expodtio des décisions d* Occa ni sur le pou­ Paris, 1537; un autre traité Sur le symbole des apôtres, voir du pontife romain. Voir L i, col. 896-897. Major Paris, 156G; une Réponse aux ministres, ibid., 1566. dUeu Lait, lui aussi. De audoritate concilii et soutenait Matthieu de Launoy, revenu du calvinisme, publia : ta supériorité sur le pape; De potestate papæ dans les Im déclaration et réfutation des fausses suppositions choses temporelles; De itatu et potestate Ecclesix, où d perverses applications d'aucunes sentences de saintes Écritures desquelles les ministres se sont servis en cc ü exposait et défendait les idées gallicanes. Un demidernier temps d diviser la chrétienté, Paris, 1579; Ré­ lücam, Claude de l'Épine, publiait un Epitome in plique chrétienne en /orme de commentaire siir h IV libras Sententiarum, Paris, 1551. Un franciscain, 669 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACREES Réponse que les ministres calvinistes avaient faite au précédent ouvrage, ’Paris, 1579. François Richard, évêque d’Arras, donna aux curés de son diocèse une Instruction sur les points de foi controversés, Arras, 1562. Pierre Doré tira des Épllrcs de saint Paul cent Paradoxes contre les hérétiques, Paris, 1543. Sur ces ouvrages de controverse au sujet de l'eucharistie, voir t. v, coi. 1356, ainsi que sur celui de G. Succonay. Sur ceux de Claude d’Es pence, voir ibid., col. 605. Claude de Salnctes a publié la Confession de la foy ca­ tholique, Paris, 1561, qu'il avait présentée au Colloque de Polssy; Examen doctrine calui manie et bezanre de corna Domini, Paris, 1566; Desponsio à Théodore de Bèze, 1567; Déclaration d'aucuns athéismes de la doc­ trine de Calvin et de Bèxe contré les premiers fondements de la chrétienté, Paris, 1568, 1572; Les actes de la conférence tenue d Paris, Paris, 1568, 1622; De rebus eucharistia controversis repetitiones seu libri decem, in-fol., Paris, 1575. Sur les ouvrages de René Benoist, voir t. n, col. 646, et sur ceux de Palma Cayet, col. 2046-2047. Pierre Emottc donna une Calholicæ fidei professio, primum utriusque Testamenti, deinde sanctissimorum Patrum qui primis duobus sæculis floruerunt testimoniis confirmata et digesta in quatuor libris, in-8°, Paris, 1578. Jean Portez, O. M., expliqua la parole de Notre-Selgneur : Hoc facite in meam com­ memorationem pour réfuter Flacius Illyricus, Anvers, 1567, 1586. et publia : Les catholiques démonstrations sur certains discours de la doctrine ecclésiastique en suivant la divine parole et sainte Écriture avec l'universet consentement de Γ Église chrétienne, Paris, 1568. Fremin Capitis, O. M., a fait une Briefve apologie contre Calvin et ses complices touchant l'administration des sacremens et la manière de faire les prières en ΓÉglise, el que les traductions de Marot et de Bèze ne doivent être appelées Psalmes de David, Reims, 1563; De sanctissimo eucharistiie sacramento, Rome, 1567; De immaculata conceptione virginis Mariæ, Paris, 1579; La sauvegarde et protection de la foy catholique contre les principaux hérétiques de nostre temps, Reims, 1579. Nicolas de Talllepicd, franciscain, n composé : Collectio quatuor doctorum Ambrosii, Hieronymi, Au­ gustini el Gregorii super triginta articulis ab turret icis modernis disputata, éditée dans le Compendium re­ rum theologicarum de Jean Bundem, Paris, 1574, 1577; Brevis resolutio sententiarum S. Scripture? ab lucret icis modernis in suarum hirrcscon fulcimentum perperam adductarum, Paris, 1574; Thrésor de Γ Église catholique et de vérité contenant l'origine, institution, statutz, ordonnances, cérémonies et estais d'icelle, Paris, 1586. Dominique Sergent, O. P., a édité : Deux livres du baptême des hérétiques monstrans si on le dotbt réitérer, pourquoy et comment, Avignon, 1566. Guil­ laume du Blanc n publié des Discours sur les sacre­ mens de ΓÉglise contre les hérétiques, Paris, 1583. Génébrard n écrit trois livres De sancta Trinitate contre les antitrinitaires, Paris, 1569, 1585. Pierre de Bollo, O. P., a composé : Authentica probatio sacrosancti missx sacrificii ex solius S. Scripturæ testimoniis, ln-8°, Lyon, 1588, 1617. Sur les écrits de controverse du cordclier Fcuardcnt, voir t. v, col. 2263 et 2261, et sur ceux de Cheflontnlncs, t. n, col. 2352-2353. Thomas Beaux-Amis, carme, a écrit des ouvrages polémiques sur l’eucharistie, voir t. v, col. 1357, et De cultu, veneratione, intercessione, invocatione, meritis, festivitatibus, reliquiis el miraculis sanctorum catholica assertio, Paris, 1566; De fide, de symbolo libri IV, Paris, 1573, 1574. Pierre Charron est l'au­ teur de cet ouvrage: Les trois vérités contre les athées, idolâtres, mahométans, hérétiques et schismatiques en trois livres, ln-8°, Bordeaux, 1594. Le jésuite Jean Bordes publia, entre autres ouvrages, Les vrays abus des prétendus abus de la messe, ln-8% Bordeaux, 670 1598, contre le ministre calviniste de Loque. IL Buriat faisait : Response au livret intitulé : Sommaire des raisons que rendent ceux qui ne veulent pas participer à la messe, Paris, 1596; Remarques des blasphèmes, erreurs el impostures contenues dans le livre du ministre Loque, publié sous le titre : Des abbus de la messe. 1598; Anatomie ou deschiffrement de la cène des nou­ veaux évangélistes et prétendus réformez. 1599; La vérité de la sainte messe et de la confession auriculaire, 1602. Ccs ouvrages de controverse répondaient direc­ tement aux attaques des protestants, surtout des calvinistes français, contre tous les dogmes de la foi, qui étaient discutés. La polémique portait ainsi à la fois presque sur tous les points contestés. Quelques écrivains seulement défendaient un dogme en parti­ culier, la présence réelle, par exemple, ou le saint sacri­ fice de la messe. Mais le plus grand nombre entas­ saient pêle-mêle toutes les erreurs des hérétiques. Ils éparpillaient ainsi leurs forces et s’épuisaient à ba­ tailler contre tant de faussetés accumulées. « René Benoît, comprenant les inconvénients de cette mé­ thode lourde et pédante qui permet difficilement de tenir tête à un ennemi insaissablc, se transforme en tirailleur, se sert de la brochure comme d’une arme pour faire le coup de feu sur un point donné, à l'abri d’un texte ou d’un fait. De 1558 à 1608, il publie opus­ cules sur opuscules, jusqu’à dix par an, déblayant le terrain de tous les obstacles dressés par l’ennemi, point par point, these par thèse, tandis que scs con­ frères, Claude d'Espcnce, Claude de Salnctes et autres continuent à entasser volumes sur volumes. * Ph. Torrcilles, Le mouvement théologique en Trance depuis ses origines jusqu'à nos jours, Paris, s. d., p. 79. La violence et le burlesque sc mêlait souvent à ccttc po­ lémique disparate. 11 était nécessaire de ramener la controverse à une méthode plus rationnelle et à un ton plus grave. A la fin du siècle, le futur cardinal du Perron la rattache aux dogmes principaux, l’Église, l'eucharistie, étudiés dans l’Écriture et la tra­ dition. Voir t. îv, col. 1954-1957. C’est sur ce double terrain qu’elle roulera principalement au xvn· siècle. 3° Écriture sainte. — Sous l’influence de La renais­ sance des lettres, un mouvement de réforme des études par le recours direct aux sources de la théo­ logie, l’Écriture et les Pères, se manifesta en France au début du xvi· siècle, avant l’apparition de la Réforme protestante. C’est Jacques Lefevre d’Étaples qui le provoqua. Après avoir étudié Aristote et Denys l’Aréopagite, il s’adonna à l’Écriture sainte, qu'il con­ sidérait comme la vraie source de la science sacrée. Son premier travail dans cette voie nouvelle fut son Psalterium quincuplex, Paris, 1509, 1513, 1515, où il juxtaposait cinq versions du psautier (les psau­ tiers romain et gallican, revus par saint Jérôme; le psautier hébraïque du saint docteur; le vieux psautier antérieur aux révisions de Jérôme et une version la­ tine faite par Lefèvre lui-même). En se livrant à ce travail, il avait trouvé Λ l’Écriture un sens nou­ veau, que volent seuls ceux «pic l’Esprit illumine. C’est ce sens qu’il chercha dans ses commentaires des 1 quatre Évangiles, În-fol., Meaux, 1522, des Épttres ι de saint Paul, Paris, 1512, 1515, 1531, et des Épllrcs catholiques, Meaux, 1525, etc. 11 corrigeait assez sou­ vent la Vulgate d'après le texte grec et il faisait res­ sortir dans les notes le sens littéral. Cf. A. Humbert, Les origines de la théologie moderne, Paris, 1911, p. 155-165. Lefèvre traduisit du latin en français d'abord le Nouveau Testament, Meaux, 1523, pub Le psautier de David, Paris, 1525, enfin Les Épistres et Evangiles des cinquante et deux dimanches de l'an, d Γ usage du diocèse de Meaux, Meaux, 1525, pour être lus en chaire. Cf. S. Berger, La Bible au XVI9 siècle, 671 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 672 Paris, 1879, p. 35-40. La Sorbonne condamna cc Jean de l’Arbre : Theosophia complectens expositiodernier ouvrage, dans lequel elle avait relevé 48 pro­ nem locorum difficiliorum Veteris ac Novi Testamenti, 2 in-fol., Paris, 1540, 1553; In Proverbia Salomonis, \ positions fausses, à être Jeté au feu. Lefèvre avait écrit une première dissertation De Maria Magdalena, Paris, 1549; In Ecclesiastcn ct Canticum canticorum, 1317, 1518, ct une seconde De tribus cl unica Magda­ Paris, 1531, etc.; In quatuor euangelistas, Paris, 1529, lena, Paris, 1519, qui fut censurée par la Sorbonne 1551; In omnes Epistolas Pauli, dans Theosophia, I ai 1521. 11 faisait de la sœur de Lazare, de Marie Paris, 1553, t. ui. Après la mort de Maldonat, paI Madeleine ct de la femme pécheresse trois personnes rurent scs Commentarii in quatuor Evangelia, Pont-àdistinctes. Noel Beda écrivit à l'encontre sa disser­ Mousson, 1596, 1597; Commentarii in prophetas qua­ tation De unica Magdalena, Paris, 1519. Nicolas tuor Jeremiam, Ercchitlcm, Baruch et Danielem, Lyon, Grandis publia aussi une Apologia pro unica Magda­ 1609; Paris. 1610; Commentarii in prœcipuos S, Scri­ ptune libros Veteris Testamenti (douteux), Paris, lena, Paris, 1518. Clichtove cut à sc défendre à cc su­ 1581 ; Pierre Balliod, Expositions et remarques sortes jet Voir t. in, col. 242. Le chartreux dom CoustuÉvangiles Urées des escrits des saints Pères, Lyon, 1598; rier attaqua les traductions de Lefèvre. Ibid., col. 1988. Pierre Buicngcr, Eephrasis in Apocalypsim, Paris, Clichtove les défendit dans une Apologia, demeurée 1589; ct un commentaire plus développé sur ce livre, manuscrite. Marc de Grandval publia, de son côté, 2· édit., Paris, 1597; Thoiaas Beaux-Amis, Commen­ Ecclesiæ catholicæ non très Magdalenas, sed unicam taria in euangelicam historiam, 2 in-fol., Paris, 1570, colentis apologia seu defensorium, Paris, 1518; Apolo­ etc. Sur Génébrard, voir son article. Pierre Morin a gia* seu defensorii... lutamentum et anchora, Paris, travaillé à Rome à l'édition des Septante publiée en 1519. Voir t. v, coL 2557. L’unité de la Madeleine 1587 ct ά la correction de la Vulgate. rentrait dans la question biblique du temps, comme 4° Patrologie. — Le recours aux sources de la théo­ le triple mariage de sainte Anne, que soutenaient logie tourna les efforts des théologiens français vers dom Cousturicr et Noel Beda. les ouvrages des Pères, dont ils firent des éditions ou Le mouvement, provoqué par Lefèvre en faveur de donnèrent des traductions. Lefèvre d’Étaplcs, après l’étude de ΓÉcriture n’eut pas de suites. Les doc­ avoir édité Raymond Lulie et Hermès Trismégistc, en teurs continuèrent à interpréter, comme par le passé, 1515, traduisit en latin la Theologia Damasceni, quelques livres bibliques. Major publia, en 1518, 1507; édita en 1514 les œuvres de Nicolas de Cusa; une In Matthxum ad litteram expositio. Un conven­ en 1515, la Theologia vivificans Dionysii Areopagita, tuel, Guillaume le Superbe, avait compilé des Postillæ ct les œuvres d’autres Pères de l’Église. Sur les édi­ majores sur les épi très et les évangiles de l’année litur­ tions ct les commentaires des Pères par Clichtove, gique, qui furent imprimées à Venise en 1536. Guil­ voir t. m, col. 210-241. Jean Gagnée fit imprimer laume Pépin. O. P., fit une Expositio in Genesim, les commentaires de Primasius sur les Epitres de Paris, 1528; in Exodum, Paris, 1534. L'augustin saint Paul aux Romains ct aux Hébreux, Lyon, 1537, Philippe Harcscho éditait: Courtes et claires explica· les poèmes de saint A vit et de Marius Victor, Lyon, lions de l'Épilre de saint Paul aux Romains, Paris, 1536. 1536. Sur les éditions patristiques de Fcuanknt, Étienne Paris, un dominicain prédicateur, donnait : voir t. v, col. 2263. Jean du Tillct a édité les opuscules Claire cl facile exposition de la divine Épistre de saint de saint Pacien de Barcelone, Paris, 1538; le premier Paul aux Ephésiens, Paris, 1553; Simon Fontaine, des Livres carotins, Paris, 1549; les œuvres de Luci­ O. M., In librum Ruth explicatio, Paris, 1560; son fer de Cagliari. Paris, 1568. Génébrard traduisit en confrere. Premia Capitis, Commentaria in Genesim, français une partie des ouvrages de l’historien juif Paris, 1567; Expositio in Exodum, Paris, 1579; Noël Josèphc; il édita les œuvres d’Origène, Paris, Taillcpled, un autre franciscain. Commentarii tn 1574, etc.; il traduisit du grec plusieurs écrits des Threnos, Paris, 1582. François Valable, professeur Pères, notamment le dialogue de saint Basile ct de d’hébreu au Collège royal, fondé par François Ier, saint Grégoire de Nazianze De invisibili Dei essentia, faisait son cours sur ΓÉcriture sainte. Robert Esticnne Paris, 1575. G. Hervel a traduit une partie des œuvres en tira des Scholia qu’il Joignit à la version latine de Léon de Juda, Paris, 1645; la faculté de théologie . de saint Basile, de saint (Lhrysostomc, de Théodorct, de Palladius, de Clément d’Alexandrie, de Jules de Paris les proscrivit ct Vatablc les désavoua. Une l’Africain, les canons des saints apôtres, des conciles édition expurgée en fut donnée à Salamanque en 1584. généraux ct particuliers, des saints docteurs Denys Jean Gagnée publia, de son côté, de bonnes scelles d’Alexandrie, Pierre d’Alexandrie, Taralse, patriarche sur toutes les Épltres de saint Paul, les sept Épltres catholiques ct l'Apocalypse» Paris, 1543. On fit pa- I de Constantinople, Grégoire le Thaumaturge, Atharaltrc après sa mort, ses scelles sur les Évangiles et nase, Timothée, Basile, Théophile, Amphiloque, Genles Actes, Paris, 1552. Claude Guillaud, chanoine nade, Nicon, Méthode, Théodore, etc., avec le Nomod’Autun, édita des Conférences sur les Épltres de saint canon de Photius et les commentaires de Balsamon, Paul, Lyon, 1542. ct sur les sept Épitres catholiques, ln-fol., Paris, 1561. Daniel d'Augé édita en latin Paris, 1543, 1544 (une troisième édition, corrigée le De immortalitate animée de saint Grégoire de iNysse, d’après les indications de la faculté de théologie de in-8°, Paris, 1557, ct traduisit en français l’institu­ Paris, parut en 1550). des conferences sur saint tion du prince de Synéslus, Paris, 1554, ct les Homé­ Matthieu, Paris, 1556,1560» ct sur saint Jean. Paris, lies de saint Mneaire, Lyon, 1689. Jean Champaigne 1 >50; Lyon, 1555. Nicolas Grandis avait commenté recueillit les Flores des œuvres de saint Chrysostome, l’Épitre aux Romains, Paris, 1537, et l’Épltrc aux Reims, 1579. Simon de iMaillé de Brézé, évêque Hébreux, Paris, 1546. Jacques d'Espence a expliqué de Viviers ct archevêque de Tours, traduisit en l’Épilre de saint Paul à Tite. Jean Benoit édita la lutin 24 homélies de saint Basile, Paris, 1558. \ulgalc avec des scellés, Paris, 1541 ; le Nouveau Tes­ Pierre Comestor (le Mangeard), évêque auxiliaire de tament avec des scolies, Paris, 1551; une Concor­ Langrcs, édita les Opera S. Bernardi, ln-fol., Paris, dance. Paris, 1513; il corrigea les scolies de Jean Ga­ 1547. René Laurent de la Barre édita ct commenta gnée nur les Évangiles et les Actes, Paris, 1552. Simon les œuvres de Tertullien ct d'Amobe, Paris, 1580, de Corrny publia une harmonie des Évangiles sous cc celles de Rufin. Paris, 1580. Jean Dadré donna une titre : Pandects? novae legis, Lyon. 1547, etc.; Jean édition plus correcte des œuvres d’Eusèbe de Césaréc, Boulaire, professeur d’hébreu : Ad mysticos S. Scri­ * Paris, 1581. Nicolas Le Fèvre édita pour la première fols des fragments d un écrit historique de saint Hipture h’nsus varia dictionum significatio cum demon­ stratione 70 hebdomadarum Daniells, Paris, 1575; I lairc de Poitiers, Paris, 1598. Jean Paplre Masson avait 073 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES publié les lettres de Loup Servat, Paris, 1588, les Actes de la conférence qui eut lieu A Carthage entre les catho­ liques ct les donatistes, 1589; il donna, en 1605, une édition assez mauvaise des œuvres de saint Agobard de Lyon. Jean Savaron lit une bonne édition de Sidoine Apollinaire, Paris, 1599, 1609. Marguerin delà Bigne enfin publia la bibliotheca veterum Pairuni, 8 ln-fol., Paris, 1575-1579, contenant les écrits de prés de 200 écrivains ecclésiastiques; un ix® vol. parut en 1579. Cette Bibliothèque fut rééditée plusieurs fois avec des additions, et l’édition de Lyon, de 1677, forme 27 in-foL Marguerin de la Bigne fut aussi le premier éditeur des œuvres de saint Isidore de Séville, in-fol., Parta, 1580. IV. Au xvii· siècle. — Le xvii· siècle qui est, sous bien des rapports, un des premiers siècles de l’histoire de la France, n’est pas inférieur à sa gloire au point de vue théologique. Il est, avec Je xiu®, quoique dans un sens différent, le siècle le plus brillant de la théologie française. Il continua ct perfectionna les tendances nouvelles qui s'étaient manifestées au siècle précédent. 1® Théologie dogmatique, scolastique et positive. — La théologie scolastique, qui était cultivée surtout en Espagne, était loin d’être négligée en France. Elle eut même, surtout à la lin du siècle, un regain d’acti­ vité. Sur Paul Boudot, voir t. n, col. 1090. Estius commentait les Sentences à Douai. Voir t. v, col. 875. Eustachc de Saint-Paul publiait une Summa theolo­ gi œ partita, 2 vol., Paris, 1613. On édita après la mort du jésuite Philippe Moncéc scs Disputationes theolo­ gicic in aliquot selectas divi Thomæ quæstiones, in-4®, Paris, 1622. L'augustin Jean Dupuy commenta à Toulouse toute la Somme théologique de l’ange de l’École, 2 in-fol., Toulouse, 1627. Philippe de Ga­ maches faisait de même à la Sorbonne : Summa theolo­ gica, 2 in-fol., Paris, 1634, aussi bien qu’André Duval : Commentarium in Summam S. Thomæ, 2 in-fol., Paris, 1636. Nicolas Ysambert, le premier titulaire de la chaire de controverse fondée en 1616 par Bichelieu, prenait la Somme pour thème de ses leçons ct publiait son commentaire, 6 in-fol., Paris, 1639. Un jésuite, originaire d’Avignon, sc faisait, lui aussi, Tlntcrprèlc de la Somme dans scs Disputationes theologiæ scolasticæ, 2 ln-fol., Lyon, 1661, 1676. Un capucin, Bonaventure de Langres, était le disciple de saint Bonaventure : bonavcnlura bonavcnluræ, 3 in-fol., Lyon, 1635, 1655, ct II conciliait son maître préféré avec saint Thomas. Un minime, Jean Lallemandct, dans son Cursus theologicus, 2 ln-fol., Lyon, 1656, discutait les points controversés entre thomistes ct scotlstcs. Le jésuite Jean Martinon, pendant vingt ans professeur de théologie au collège de Bordeaux, publia une Theologia universa, 5 in-fol., Bordeaux, 1644-1663. Le doctrinaire Barthélemy Cambiat composa des Institutiones theologia angelicæ seu in auream Summam S. Thoma, 2 in-8®, Paris, 1663, 1664. Un conventuel, Marc de Bérullc, publia un Cursus theologicus ad mentem doctoris subtilis, dis­ tribué en quatre livres selon Tordre des Sentences, 12 in-12, Grenoble, 1668. Le capucin Marcel de liiez composa une Summa scraphica, 2 in-fol., Marseille, 1669, dans laquelle il mit en ordre la doctrine de saint Bonaventure dans scs commentaires des Sentences. Son confrère, Marc de Baudun, rédigea un Paradisus theologicus, 2 in-fol., Lyon, 1661-1664, d’après les trois docteurs angélique, séraphique ct subtil, ct il le compléta par un traité De justitia et jure, Lyon, 1670. il publia aussi un Compendium totius theologiæ tam speculativa' quam practicæ, Lyon, 1673. Le canne Léon de Saint-Jean, dans le siècle Jean Mac»·, pu· ·' 3 vol., blia un Studium sapientite universalis, Paris ct Lyon, 1657, 1661, dont les deux derniers DICT. DE THÉOL volumes sont consacrés A la théologie dogmatique. L’augustin Fulgence La Fosse composa une Theo­ logia secundum genium S. Augustini,3 in-12, Toulouse, 1672. Sur la Theologia mentis el cordis de Conten50n, voir t. m, col. 1632-1633. Un autre dominicain, Philippe Labat, est l'auteur d’une Theologia schola­ stica secundum illibatam S. Tho nue doctrinam, 8 in-8®, Toulouse, 1658-1661. Le carme Philippe de la SainteTrinité publia une Summa theologiæ thomisticæ, 5 in­ fol.. Lyon, 1653, qui est un commentaire de la Somme théologique. Sa Sumrna theologiæ mgsttcæ, ln-fol., Lyon, 1656, est très estimée. Un autre carme, Daniel de Saint-Joseph, avait publié des Disputationes sur les cinquante premières questions de la 1· de la Somme théologique, in-foL, Caen. 1619, et le jésuite Louis Mairat les siennes sur toute la Somme, 3 in-fol., Paris, 1633. Le dominicain Jean Nicolai rééditait plu­ sieurs ouvrages de saint Thomas, qu il enrichissait de notes, Paris, 1659-1663. Un autre frère prêcheur, Jean-Baptiste Gonct, publiait son Clypeus theologiæ thomisheæ contra novos ejus impugnalores, 16 in-12, Bordeaux, 1659-1669; 9· édit., 6 in-fol., Lyon, 1681; puis son .Manuale thomistarum ù l'usage des étudiants, 6 in-12, Bourges, 1680. Son confrère, Hyacinthe Chalvet, composait un cours de théologie pour les prédi­ cateurs : Theologus ecclesiastes, 11 vol., 1653-1682. Antoine Goudin, du même ordre, outre sa Philosophia, 4 in-12, Lyon, 1671, bissait des Tractatus theologici, qui furent imprimés plus tard. 2 voL, Cologne, 1723. Jean Boyvin, O. M., composait une Philosophia Scoti, 4 in-12, Paris, 1681, et une Theologia Scoti, 4 in-fol., Paris, 1678. Le jésuite Jacques Platel, professeur à Douai, donnait une Synopsis cursus theologici. Douai, 1661. Le carme Modeste de Saint-Amable publiait sa Theologia Ihoma-augusliniana, in-4®, Lyon, 1684; cct unique volume est un traité De Dco uno. Son con­ frère, Augustin de la Vierge Marie, avilit mis au jour un Theologiæ thomisticæ cursus, 6 in-12, Paris, 1660. Les Opera theologica de Martin Grandin (16041691) furent imprimés après sa mort, 3 in-4°, Paris, 1710. Les Theologici tractatus de François Feu avaient paru, 2 in-4®, Paris, 1692, 1695. Le dominicain Nicolas Amu interpréta les dix-neuf premières questions de la P® partie de la Somme théologique, 4 in-12, Home et Lyon. 1679, 1686; 2 in-fol., Padouc, 1691. Le Scolus academicus de Frassen parut pour b première fois, 4 in-fol., Paris, 1672-1677. Barthélemy Durand, O. M., publie un Clypeus scotistiar theologiæ, 5 in12, Marseille, 1685, etc.; Sébastien Dupasquicr, une Sumrna theologiæ scotisticæ, 8 in-8®, Cambrai. 1698. Le dominicain Alexandre Piny faisait Sununæ ange· licœ S. Thomæ Aquinatis compendium rcsolutorium, 4 in-12, Lyon, 1680. En dehors de ccs traités généraux de scolastique, des questions particulières étaient étudiées dans des traités spéciaux. Jean Masquercl avait composé : Driej traiciè des indulgences, Bouen, 16U6; Traité de l'efficacité ct nécessité du baptême, 1613. Le canne Phi­ lippe Fezay publiait un opuscule De mysterio incar­ nationis in communi, in-4®, Aix, 1641 ; le jésuite Claude Tiphainc, une monographie De hypostasi ct persona, in-4®, Pont-A-Mousson, 1634; Paris, 1881, ct un traité De ordine deque priori et posteriori, Keims, 1640, où il essayait d’accorder les thomistes ct les molinis te'». Le feuillant Pierre de Saint-Joseph Conagère tentait le même effort : Suavis concordia humana libertatis cum immobili certitudine prædcstinationis et efficacies auxiliorum graliæ, Paris, 1639. Il défendait saint Thomas contre les dominicains : Dejensio S, Thomæ doctoris angelici adversus recentiores quosdam theolo­ gos, qui prædeterminationem physicam ad actus li· beros illi falso affingunt, Douai, 1633. Le fnmclscaiu Claude le Petit fit un traité De spiritibus creatis, Paris, VL - 22 CATHOU / 674 675 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 670 1641. Martin Mcurisse publiait De sacrosancto et ad· I idroit citer aussi les ouvrages théologiques de Grancolas. Voir son article. Jean dc Sainte-Beuve a com­ mirabili eucharistia sacramento (d’après Duns Scot), posé son Tractatus de sacramentis confirmations et ex­ ln-8e, Paris, 1625; Apologie de l'adoration et élémi· tremes unctionis, Paris, 1686. Gaspard Juenin publiait Monde l'hostie, ln-8°, Paris, 1620; De virtutibus cardi· nalibtis, Paris, 1635; De Trinitate, 1631. Le capucin 1 scs Institutiones theologica ad usum seminariorum, 4 ln-12, Lyon, 1694, etc., qui furent un des premier! Raphael de Claycs traitait scolastiquement Dr au· manuels scolaires. Sur J. Boileau, voir t. n, col. 911. çustissimo eucharistia sacramento, 4 in-4·, Rouen, 2· Controverse. — La controverse continua contre 1649 ;?\vranchcs, 1653. L’oratoricn Guillaume Gibleuf | le protestantisme, mais s’éleva aussi entre gallicans composa un traité De libertate Dei el creatura, in-4°, rigoureux ou modérés ct ultramontains, ct commença Paris, 1630. Pierre Jammy, O. P., soutenait les opi­ contre les erreurs jansénistes. nions thomistes dans Veritates de auxilio gratia, 2 in1. Contre le protestantisme. — Le cardinal du Perron 12, Grenoble, 1658,1659. Jean Ferrier publia un traité poursuivait scs controverses avec du Plessis-Moniay De Deo uno juxta S. Augustini d S. Thomæ principia, sur le terrain dc la tradition. Voir t. iv, col. 1955Toulouse, 1668, ct une réponse au P. Vincent Baron 1957. Fronton du Duc réfutait le même ministre sur sur sa critique de la science moyenne. Jacques Platcl s’occupait de la prédétermination physique : Auctori- I l’eucharistie aussi bien que Calvin sur la justification, le libre arbitre ct les bonnes œuvres, 2 ln-8°, Bor­ tas contra pradderminationem physicam pro scientia media, in-12, Douai, 1669, 1673, et le dominicain | deaux, 1599, 1601. Louis Richcosmc bataillait aussi Paul Fasseau, professeur dans la même ville, le réfu- [ contre du Plessis : La saincte messe déclarée et défendut tait, 1η-8·, Douai, 1670. Cc sujet avait été traité | contre les erreurs sacramentaircs de nostre tempi, 2 ln-8°, Bordeaux, 1600; Arras, 1601; Victoire delà par le frère prêcheur Jacques de Saint-Dominique, vérité catholique contre la fausse vérification du sieur Nova Cassiopea stella, ln-fol., Langrcs, 1667, etc. Son du Plessis, Bordeaux, 1601; Il est encore l’auteur de confrère Antoine Massouiié le reprit plus tard : D. Tho­ L'idolâtrie huguenote, Lyon, 1608; Le panthéon hugue­ mas sui interpres de divina motione ct Ubertate creata, not découvert et ruiné, Lyon, 1610. Sur les ouvrages du 2 In-fol., Rome, 1692. Les minimes Jacques Sailer P. Coton, jésuite, contre les calvinistes, voir t. ni, et Jean Sagucns expliquaient les espèces eucharis­ col. 1928-1929, ct sur ceux du carme Anastase Coche» tiques d’après les théories de Malgnan. Voir t. v, let, col. 264. Jacques d’illairc publiait L'heureuse con­ col. 1432, 1433. version des huguenots, Lyon, 1609. Plusieurs calvi· A côté dc cc renouveau dc théologie scolastique, il se produisit à cette époque un courant nouveau d'études ! nlstes convertis, Jacques Gulbcrt, Jacques Vldouzc, Jean Dupcrchc, Gabriel Bourguignon, exposaient, théologiques, une série d’ouvrages de théologie posi­ tive ct historique. Guillaume dc l’Aubcspine publia de 1611 à 1617, les motifs dc leur conversion. Claude ΓAncienne police de ΓÉglise sur l'administration de Boucart avait publié la Déclaration de la profession de l'eucharistie ct sur les circonstances dc la messe, Paris, I fol de Pierre Gilet te avec les raisons qui l'ont rappelt 1629, 1655, etc. François Bailler a traité De sacris d l'Église romaine, 1608. Claude Tiphalne adressait electionibus et ordinationibus ex antiquo et novo Eccle­ un Advertissement â Messieurs de la religion prétendue sia usu, In-fol., Paris, 1636; Dc hierarchia ecclesiastica, de Metz sur le dernier livre de leur ministre Ferry, in-fol., Paris, 16-16. Le jésuite Louis Callot s’est occupé Reims, 1618. Jacques Forgcmont indiquait Les dédu même sujet : De hierarchia et hierarchis, in-fol., couvertes des fausses conséquences des ministres de la Rouen, 1641. L’oratoricn Jean Morin étudia la péni­ religion prétendue réformée, Paris, 1619. Valentin Gé­ tence ct l’ordre : Commentarius historicus de disciplina rard, jésuite, avait écrit : Le triomphe de la glorieuse in administratione sacramenti panUenlia, in-fol.,Par is, Vierge Marie contre les calomnies de M. Siméon Cor1651, etc.; Commentarius historicus et dogmaticus de darc, Lyon, 1607. Léonard Coqucau défendait les sacris Ecclesiæ ordinationibus, in-fol., Paris, 1655; papes contre du Plessls-Momay dans son A nt intor­ Opera posthuma, in-4 °, Paris, 1703 (sur le catéchuturus, Paris, 1613. Guillaume Balle, jésuite, avait ménat, la confirmation, la contrition ct l'attrition). composé un Catéchisme et abrégé des controverses de Le jésuite Pctau s’illustra par scs Theologica dogmata, nostre temps touchant la religion, Bordeaux, 1608; 4 in-fol., Paris, 1644-1650 (de Dieu un ct trine, de Troyes, 1617; Saumur, 1615 (sous un autre titre). l’incarnation, des anges, dc la création du monde et dc D’autres portaient la controverse sur le lorrain de la discipline ecclésiastique). L’oratoricn Louis ThoΓ Écriture. Jean Günthcr recommanda ce procédé massln publia des Dissertationes in concilia generalia dans son livre : La vraie procédure pour terminer le et provincialia, ln-4·, Paris, 1667 ', Mémoires sur la grâce, différend en religion, 1607. François Véron adopta 3 în-12, Louvain, 1668; 2 in-4°, Paris, 1682; Ancienne ct propagea cc Hrcf ct facile moyen, Amiens, 1615, cl nouvelle discipline de Γ Église touchant les bénéfices qui, augmenté, devint la Méthode de traiter des contro­ et les bénéficiers, 3 in-fol., Paris, 1678, 1679, etc.; Dog­ verses de religion par la seule Écriture saincte, 3 In-fol., mata theologica, 3 In-fol., Paris, 1680-1689 (incarna­ Paris, 1638, 1639. H en publia un Petit epitome, in-8·, tion du Verbe, Dieu ct scs attributs, Trinité); Traités Parts, 1641. Il en fit l'application à divers sujets parti­ historiques et dogmatiques sur divers points de la disci­ culiers, à la sainte messe, 1623, au purgatoire, ù la pline de ΓÉglise et de la morale chrétienne : des jeûnes prière pour les trépassés, 1623, etc., ct enfin ù tous les de l’Église, in-8®, Paris, 1680; des fêtes dc l'Église, sujets (le controverse dans sa Kégle générale de la foy 1683; de l'ofllce divin, 1686; dc la vérité et du men­ catholique séparée de toutes autres doctrines, in-fol., songe, des jurements ct des parjures, 1691; de l’au­ Paris, 1646, traduite en latin ct très souvent rééditée. mône ct du bon usage des biens temporels, ln-4 °, 1695; Pour en faciliter l’application, il avait écrit : Lu­ du négoce ct dc l’usure, 1697; Traité de l'unité de mières évangéliques pour rendre facile à un chacun Γ Église, 2 in-8e, Paris. 1686-1688. Daniel Huet pu­ l'intelligence du Nouveau Testament, Paris, 1646. Il bliait sa Demonstratio euangelica, in-fol., Parts, 1679, ne négligeait pas cependant la polémique nu sujet et Dominique dc la Sainte-Trinité, d'origine française, de la li adltion, comme le prouvent scs deux ouvrages : ta Hibllotheca theologica, 7 ln-foL, Rome, 1665-1676. Les fustes plaintes de l'Église catholique sur les falsiJean-Bantiste Duhamel joignit la méthode positive flcal ont de récriture sainte et des saints Pires par les À la méthode scolastique dans sa Theologia speculatrix »ar S’ 1023 ’ Traili des traditions apostoliques et practica juxta SS. Patrum dogmata pertractata et ad RnetP°?i n "UX ^aJliions des ministres du Moulin usum scholK accommodata, 7 ln-8°, Paris, 1690-1691, de contr é Cnen’ ,RlchcHcu prôna la méthode dont il fit le Summarium, 5 In-12, Paris, 1694. il faude conüuscrsc par l’Écrlture : La mtthode la plus /a- 677 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 678 die et assurée pour convertir ceux qui sont séparés de formée défaite par elle-mume, in-4®, Montauban, 1658; l'Église, Paris, 1651, 1G57; Il avait publié : Les princi­ Démonstration à ceux de la religion p, r. touchant paux points de la fol de V Église catholique défendus leur union avec ceux de ΓÉglise romaine pour servir à (contre les ministres dc Charenton), Poitiers, 1617. Le faciliter leur conversion, ln-4®, tbid., 1658; Avis im­ capucin Hyacinthe Kcrvcr édita un Dictionariurn portant el salutaire ά ceux de la religion p. r. touchant prxdpuorum S. Scriptune locorum pro omnibus fidei leur distinction des points de foi fondamentaux et non calholicœ romanæ apostolicæ articulis intelligendis, fondamentaux qui est le fondement de leur union avec in-4®, Paris, 1614, ct des Controversée, 3 ln-4®, Paris, les luthériens, in-4®, ibid., 1660; La réformation ou li­ 161G. cence extrême que ceux de la religion p. r. prennent tant Dc nombreux controvcrslstcs s’exerçaient sur des en ce qui concerne la foy qu'en ce qui regarde lu moeurs de la piété chrestienne, in-8®, Ibid., 1668; Sommaire du sujets particuliers. Jacques Isnard publiait contre le controverses décidéex par lu seuls textes formels et ex­ pasteur calviniste de Vinny La défense de Nn/ailU· près dr la Bible, 2· édit., Charenton, 1674,lo vraye re­ bilité du Sain/-5i7ÿc, Tournon, 1622. Étienne Moquet, ligion en son jour, Montauban, 1667. Honoré N lequel jésuite, relevait les discussions des protestants entre signalait les fahi fient ions faites par la version gene­ eux : La guerre ministrate, Poitiers, 1619; L'examen et censures des Bibles et de la confession de foy des voise du Nouveau Testament : Zz combat de Genêt e, in-8®, La Flèche, 1621. André Gérard a laissé un Églises prétendues réformées de France, Poitiers, 1617, Traité de controverses, in-12, Grenoble, 1661. Bernard dont il fit un Abrégé, Bordeaux, 1624. Bernard (Sal­ Meynier publia Zxj sainte liberté des enfants de Dieu el tier publia L'Apocalypse de la Réformation, Poitiers, frères de Christ en 150 art icies, Lyon, 1655, etc ; Zz 1620. Jean Gaulchicr avait fait L'anatomie du calvivéritable Augustin dans su quatre livres du symbole de nisnie, Lyon, 1614, 1621. Jean Arnoux avait composé contre les ministres dc Charenton La confession de foy la foi aux catéchumènes (contre Troy), in-4®, Toulou.se, 1655; La sainte eucharistie des catholiques approuvée de MM. les ministres convaincue de nullité par leur et la cène des calvinistu condamnée, 2® édiL, Paris, propre Bible, Paris, 1617. Jacques Corbin flt la 1677; Le pape reconnu du luthériens et du prétendus Preuve du nom de la messe ct de son antiquité par réformes dans leurs livres, Lyon, 1665; L'Église ro­ Γ Écriture ct les Pères des premiers siècles de C Église, maine reconnue toujours du luthériens el du prétendus Paris, 1620. Georges Froyer releva Les faussetés d'un réformez pour vraye Église de Jésus-Christ, 4· édit., cavalier de la religion prétendue réformée, Paris, 1617. Paris, 1680. Philippe Feron publia : L'hérésie chassée François Garasse donnait Elixir calvinisticum, Cha­ de son dernier retranchement, in-4®, Valence, 1652. renton, 1615; La somme théologique des vérités capi­ François Charles donna Lu motifs de conversion qui tales de la religion chrcslienne, in-fol., Paris, 1625. Alexandre Regourd publia Démonstrations catho­ doivent porter lu réformés de France à quitter leur reli­ gion pour embrasser la catholique, in-12, Saumur, liques, Paris, 1630; Les ministres combattant la passion 1668. Louis Dulaurens, qui, en 1625, avait fait, dc Jésus et l'efficace d'icelle, Béziers, 1626. Pierre Biard après sa conversion, une Réponse au livre de Pierre du vérifiait par le témoignage des Pères, contre le calvi­ Moulin : Opposition de la parole de Dieu à la doc­ niste .Martinet, L'autorité de Notre Père le pape, Lyon, trine de Γ Église romaine, composa plus tard : Dispute 1619. Sur le dominicain CociTctcau, voir t.m, coL 268touchant le schisme et la séparation que Luther et Cal­ 270, ct sur le carme Daniel dc Saint-Scvcr, t. iv, vin ont faite de Γ Église romaine, in-fol., Paris, 1655; coL 106. Irénée d’Avallon, un autre carme, publia Le triomphe de Γ Église romaine contre ceux de la reli­ des Controverses contre les calvinistes, huguenots ct gion prétendue réformée, in-12, Paris, 1667. Un autre anabaptistes, 3 in-4 °, Lyon, 1626. Jean Boucher, converti, Théophile Brachet de h Milletière» décri­ O. M., composa Zz triomphe de la religion chrétienne, vit L'état véritable des différends de la religion entre In-fol., Paris, 1628, où il résout 366 questions sur la foi cl l’Écriturc, ct Jacques Marcel, Le triomphe de la lu catholiques et lu protutants, Paris, 1657. Jacques de Coras, converti lui aussi, déïendit sa foi nouvelle foi catholique, Avignon, 1637. Jean Jobert dc Barraut dans plusieurs ouvrages : La face de ΓÉglise primitive releva les Erreurs el faussetés remarquables du livre de en opposition avec celle delà religion prétendue réformée. du Moulin : Bouclier de la foi. Le capucin Ange dc Tours, 1650; Traité de la vocation du ministres, Paris, Bacon présenta : Calvinismus absque larva, 2 in-8®, 1661; La vérité de la créance et de la discipline dc Paris, 1627, 1630. Son confrère, le P. Andéolc, L'état ΓÉglise, Le Mans, 1674. Plusieurs autres convertis, déplorable de l'Église calviniste, in-4°, Lyon, 1639. Un converti, Jean-Louis du Rouvray, dénonçait Claude de la Parte, Alexandre Videl. I-aurcnt dc la L'abomination du calvinisme, ln-4°, Paris, 1650. Borde, rendirent compte des motifs de leur conversion. Étienne Audcbcrt écrivait contre Abbadic Le triomphe Théophile Rossel recueillit Les témoignages du protes­ dc la vérité sur la transsubstantiation cl sur le purga­ tants en faveur dc la religion catholique. 1671. Isaac de la toire, Orthcz, 1638. Yves do Paris, capucin, traitait Peyrèrc écrivit des Lettres au comte de la Suze pour Dc polestate romani pontificis adversus luthcranos, call’obliger par raison â sc faire catholique, 2 in-12, oinislas et alios hicrclicos, Paris, 1643. Claude le Petit, 1661, 1662. Jean dc Chaumont forma La chaîne de O. M., publiait : Universa theologia moralis cl polemica, diamans, Paris, 1684, chaîne des textes des Pères sur les paroles : * Ceci est mon corps. » Paris, 1640. Jean Fronteau établissait au sujet dc la La seconde moitié du xvn® siècle fut marquée en grâce Antitheses Augustini et Calvtni, Paris, 1651. France par dc nombreuses controverses avec les calLe canne Léon de Saint-Jean composait une Instruc­ tion catholique pour distinguer infailliblement la vérité nistes. Sur Bossuet controversiste, voir t. h, col. 1054-1055, 1058-1061, 1066-1069, 1080-1082, et du mensonge en matière de religion, ln-4·, Poitiers, sur Fénelon, t v, col. 2138-3140, 2162-2163. D’autres 1647; Les sept colonnes de la Sagesse incarnée qui controversistcs moins célèbres ne manquaient pas. soutiennent le temple des sept principales vertus dc la J. Lefèvre écrit : Motifs invincibles pour convaincre divine eucharistie contre les hérétiques, ln-8®, Poitiers, ceux de la religion prétendue réformée où l'on traite en 1629. Le feuillant Pierre do Saint-Joseph Comagèrc détail les principatu questions de controverse, Paris, établissait le Consensus orbis de gratia sufficiente... 1682; Nouvelle conférence avec un ministre de la pré­ contra calvinistas vindicatus, Paris, 1652. Le jésuite tendue religion réformée, Paris, 1685; Instructions Léonard Champcils déclarait ct prouvait d après les pour confirmer les nouveaux convertis dans la foy dt Pères Les vérités catholiques, Park, 1643, 1664. Son confrère, Raymond de Saint-Martin,publiait : La con­ Γ Église, Paris, 1686. Louis Ferrand composa ur Traité fession dc foi faite par ceux dc la religion prétendue ré­ de l'Église contre lu hérétiques et principalement contre 679 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 680 les calvinistes, Paris, 1685; Répense d Γ Apologie pour loucttc publia des Discours sur la présence réelle, Park, 1687, ct Louis Daures, L'Église protestante détruite la réformation, pour les réformateurs et pour les réformés, Parts, 1685. Le bénédictin Antoine Paul le par elle même, Paris, 1689. 2. Polémiqué entre gallicans rigoureux ou modérh Gallois publiait : L'abrégé des controverses agitées ct ultramontains. — Les idées gallicanes des théo­ entre les catholiques et les protestants, ln-4°, Caen, 1684; logiens français du xvi· siècle furent soutenues, an in-12, 1685. Honoré Chaurand, jésuite, rassemblait commencement du xvn·, par le fameux syndic I les Passages de controverse tirez des livres les plus de la faculté de théologie de Paris, Edmond Blcher. authentiques de la religion prétendue réformée, Dieppe, s. d.; Caen, 1671. Claude Bcndicr écrivait : L'hérésie Après avoir publié une édition des œuvres de Gerson, complétées par plusieurs écrits de Pierre d’Allly, de de Calvin détruite par sept preuves invincibles, 1685. Jacques Almain ct de Jean Major, in-fol., Paris, 1606, Des convertis mirent leur plume au service de leur il lança son Libellus de ecclesiastica et politica pote­ nouvelle foi. Vigne fit ΓApologie de ΓÉglise catho­ state, in-4 °, Paris, 1611, ct il fut, pour cela, relevé ! lique, Paris, 1686. Pclisson-Fontanicr publia des de sa charge, en 1612. André Duval l’attaqua dans son Réflexions sur les différends de la religion, 2 ln-12, Elenchus libelli de ecclesiastica et politica potestate, Paris, 1686, etc.; De la tolérance des religions, Paris, Paris, 1612. Richer publia sa défense : Demonstratio 1692; Traité de l'eucharistie, Paris, 1694. Alexandre libri de ecclesiastica et politica polcstate, ln-4°, Paris, d’Ysc écrivit : Propositions ct moyens pour parvenir 1622. Scs autres ouvrages ne parurent qu’aprés sa à la réunion des deux religions en France, 1678. Martin mort : Apologia pro Joanne Gersonio, in-4 °, Leyde, Grostestc de Mahis édita : Considérations sur le schisme 1676, où il soutient la supériorité des conciles géné­ des protestants, 1684; La vérité de la religion catholique raux sur le pape ct l’indépendance des rois relative­ prouvée par l'Écriture sainte et la tradition, 2 in-12, ment au souverain pontife; Historia conciliorum gene­ Paris, 1696 ; 3 in-12, 1713; Lettre d une personne de la ralium, in-8°, Cologne, 1680; Vindicte doclrinæ ma­ religion prétendue réformée (sur la présence réelle), jorum scholæ parisiensis, ln-4°, Cologne, 1683; De ln-8°, 1684. Sur les ouvrages du capucin Basile de Solspotestate Ecclesiæ in rebus temporalibus, Cologne, sons, voir t. », col. 464-465, ct sur d'autres écrits tou­ 1692; Traité des appellations comme d'abus, 2 ln-12, chant la présence réelle, voir t. v, col. 1357-1358. s. 1., 1701. Le cardinal du Perron fut mêlé au conflit A joutons-y Le Maire, Recueil des saints Pères des Voir t. iv, col. 1958-1960. Simon Vigor enseignait huit premiers siècles louchant la transsubstantiation, les mêmes doctrines : la supériorité du concile général l'adoration ct le sacrifice de l'eucharistie, Paris, 1686; sur le pape, dans son commentaire sur la réponse faite Défense de la foy catholique et de sa perpétuité touchant â Bâle cn septembre 1432, Cologne, 1613; Apologia l'eucharistie contre Claude, Paris, 1670; J. Adam, de suprema Ecclesiæ potestate, ln-4°, Paris, 1613, pour Le triomphe de la très sainte eucharistie (contre Claude), répondre à Duval : De suprema romani pontificis in 1671; Paris, 1672; Octave de controverses sur le saint Ecclesiam auctoritate, Paris, 1613. Théophraste Bouju sacrement de l'autel, Bordeaux, 1675; Calvin défait répliqua Λ Vigor sous le nom de Beaulieu : Défense par soy-mrsme ct par les armes de saint Augustin, pour la hiérarchie de Γ Église, Paris, 1613. Vigor pu­ qu'il avait injustement usurpées sur les matières de la blia une Assertio fldei catholicæ ex quatuor prioribus grâce, de la liberté et de la prédestination, Paris, 1650, conciliis cecumenicis, etc., Paris, 1618, et la traduction 1689; Jean Léonard de Ferrés, Traité de la présence de son Apologia : De l'estai et gouvernement de Γ Église, réelle du corps de Jésus-Christ dans l'eucharistie, Tulle, Troyes, 1621 ; Duval y opposa son traité De summi 1683; Controverses familières, Paris, 1683; 4· édit., pontificis auctoritate, Évrcux, 1622, publié sous le nom 1686; Nouvelle méthode pour instruire les nouveaux de Jean Lcjean. Le dominicain CociTeteau réfutait convertis, etc., Bordeaux, 1685; Paris, 1686; Traité Marc Antoine de Dominis ct professait un gallicanisme de la foy, où l'on établit la divinité de Jésus-Christ et mitigé. Voir t. m, col. 269. Michel Maucler s’occupait la vérité de l'Église romaine, Tulle, 1683; Paul Bruaussi De monarchia divina, ecclesiastica cl seculari Chri­ zeau, La foi de ΓÉglise catholique sur l'eucharistie, 1684 ; La défense de la foi de l'Église sur les principaux stiana, deque sancta inter Ecclesiam ct secularem illam conjuratione, ln-fol., Paris, 1622. François Véron pu­ points de controverse, 1682; Réponse d l'écrit d'un mi­ bliait un Traité de la puissance du pape, in-8 °, Paris, nistre sur plusieurs points de controverse, Paris, 1678; 1626, au sens ultramontain. Pierre de Marca soutint Nicolas Gastineau, Lettres de controverse (contre le gallicanisme modéré : De concordia sacerdotii cl im­ Claude), 3 vol. ; La grande controverse de ta présence perii seu de libertatibus Ecclesiæ gallicanx, Ιη-4·, réelle de Jésus-Christ en l'eucharistie. Pierre Olivier, Paris, 1641, ln-fol.f 1669. Il expliqua sa pensée ct s’en­ Jésuite, q fait des Remarques catholiques sur les pas­ gagea A soutenir des idées plus saines, dans son Li­ sages des Évangiles ct des Actes qu’on avait coutume bellus, Barcelone, 1646. Pierre Dupuy défendait alors d’employer dans les controverses, Poitiers, 1683. énergiquement les soi-disant libertés de l’Égiisc Pierre Nicole a écrit plusieurs ouvrages contre les gallicane : Commentaire sur te traité... de M. Filhou, protestants : Préjugés légitimes contre les calvinistes, 1636; Traitez des droits et libériez de l'Église gallicane, Paris, 1671; 2· édit., augmentée contre Claude, Paris, 1639; Preuves des libériez de Γ Église gallicane, Bruxelles, 1683; La défense de Γ Église contre le livre Paris, 1639. Charles Fevrct écrivit dans le même de M. Claude intitulé : La défense de la Réformation, sens un Traité de l'abus ct du vrai sujet des appella­ Cologne, 1689; Le» prétendus réformez convaincus de tions qualifiées de cc nom d'abus, ln-fol., Dijon, schisme, Paris, 1684; De l'unité de Γ Église ou réfuta­ 1653. Pour Antoine Charlas, voir t. n, col. 2266. Sur tion du nouveau système de M. Jurieu, Paris, 1687. le gallicanisme de Bossuet, voir t. u, col. 1063-1066. Noël Aubert de Versé, revenu au catholicisme, publia Voir Gallicanisme. Isaac Habert donnait son De L'untisorinten, Paris, 1692. Louis Bastide écrivit cathedra seu primatu singulari S. Petri, Paris, 1645. contre Jurieu L'accomplissement des prophéties, 1686, 3. Polémique entre jansénistes et catholiques. — Izs 1712- Jacques Le Fèvre publia : Conférence avec un erreurs jansénistes étaient propagées cn France par ministre louchant les causes de la séparation des protes­ l’abbé de Saint-Cyran, Du Verger de Hnurannc, tants, Paris, 1685; Motifs Invincibles pour convaincre voir t. iv, col. 1967-1975; par Antoine Amauld, «eux de lu religion prétendue réformée, Paris, 1682; voir t. i, col. 1978-1982; par Martin de Barcos, voir \ Olivettes conférences avec un ministre, etc., Paris, t. n, col. 390-391 ; par Nicole ct par les solitaires de 1685; Projet de conférence sur les matières de controPort-Royal. Le Jansénisme fut attaqué spécialement . rtc, 1681. Sur Louis de Cordcmoy, voir t. in, par les jésuites. François Véron composa contre lui coL 1816, ct sur Brucys, L n, col. 1143. Ambroise Lal- > 681 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES deux ouvrages : In Jansenlt prætcnsum Augustinum, Paris, 1647; La condamnation de la doctrine des jansé­ nistes par cinq conciles français, in-4 °, Paris, 1648. Jean Martinon publia sous l’anagramme d’Antoine Moraines son Anli-Jansentus, in-fol., Paris, 1652. Isaac Habert avait présenté La défense de la foy de Γ Église et de l'ancienne doctrine de Sorbonne touchant les principaux points de la grâce, Paris, 1644 (contre Arnau Id); De la chaire et de la primauté unique de S. Pierre, Paris, 1645 (contre l’abbé de Barcos); Theo­ logies græcorum Patrum vindicates circa universam materiam gratte, Paris, 1646 (contre Jansénius). Charles François d’Abra de Bacon écrivait contre Antoine Arnauld : Examen et jugement du livre De la fréquente communion, Paris, 1644; Réponse ά la Tradi­ tion de l'Église sur la pénitence et ta communion, 3 in-4®, 1644, 1645; La primauté et souveraineté singulière de S.Pierre prouvée, Paris, 1645 (contre de Barcos). Pierre de Scsmaisons sc posait la Question s'il est meilleur de communier souvent que rarement, in-4 °, Paris, 1643. Jean Doris publia cn français d’abord (1651), puis en latin : Vindicte S. Augustini adversus Pseudo-Augustinum C. Jansenlt, Paris, 1656. Moïse du Bourg, Jésuite, mit au jour : Le jansénisme foudroyé par la bulle d'in­ nocent X et Γhistoire du jansénisme, in-12, Bordeaux» 1648; Réfutation du prétendu catéchisme de la grâce (de Feydau) par la seule doctrine de S. Au gustin,Bordeaux, 1651. Pierre de Saint-Joseph Conagère, feuillant, pu­ blia : Théologie du temps examinée selon les régies de la véritable théologie, 3 vol., Paris, 1647; Defensio S. Au­ gustini Hipponensis adversus Augustinum Iprensem quoad auxilia gratte et humanam libertatem, Paris, 1651 ; La défense du formulaire dressé par ΓAssemblée du clergé contre les derniers libelles des jansénistes, Paris, 1662. Nicolas Forest de Chcsnc édita : Précau­ tions tirées du concile de Trente contre les nouveautés de la foi, Paris, 1649; Lettre d'un théologien d son amt malade contenant l’abrégé de Jansénius, in-4®, Paris, 1650; Lettre... à son ami parfaitement guéri du jansé­ nisme, contenant quelques avis sur les canons du concile d’Orange, in-4°, Paris, 1650. Claude Morel lutta contre les jansénistes dans les écrits suivants : Véritables sentimens de saint Augustin et de ΓÉglise catholique touchant la grâce, Paris, 1650; Défense de la con­ fession de foy catholique, 1650; Jansénistes convaincus d'erreur et de mensonge, Paris, 1657; Conduite de saint Augustin contre les pélagiens, 1658. Le jésuite Jean Nicolai publia : Jucidium seu censorium suffragium de propositione Ant. Amaldi (la grâce a manqué à saint Pierre, quand il a renié le Christ), in-4°, Paris, 1656; Theses theologica:: de gratia; Apologia naluræ et gratte seu de concordia utriusque juxta mentem Augustini ct Thomæ, Bordeaux, 1665. Bernard Guyard, O. P., établit Discrimina inter doctrinam thomisticam et fansenianam, Paris, 1655. Nicolas de Marrandé montra les Inconvénient d’Estat procédons du jansénisme, Paris, 1654. Le jésuite Jean Bagot publia : Libertatis ct gratte Christian# defensio adversus Calvinum et Pelagium in C. Jansenlo Batavo redivivos, Paris, 1653; Avis aux catholiques pour juger de la bonne doctrine sur la matière de la grâce, Paris, 1650. Sur Étienne Dcchamps, voir L iv, col. 176178. François Pinthcrcau réfuta l’abbé de SaintCyran : Theologia Petri Aurelii sive præcipui ejus errores contra fidem ac bonos mores, Saint-Omer, 1617; Les reliques de M. J. du Verger de Hauranne, Louvain, 1646; Les nouvelles et anciennes reliques, 1680; La naissance du jansénisme découverte, Louvain, 1654; te progrès du jansénisme découvert, Avignon, 1655; Con­ formité des principes du livre de la fréquente commu­ nion avec ceux de M. Ant. de Dominis, 1654 ; Les errata de la typographie de Port-Royal, Paris, 1645. Chris­ tophe le Juge donna La justification de la conduite tenue | 682 par les catholiques ά l'égard des jansénistes, Paris, 1656. Jean Ferrier, jésuite, écrivit : Le jansénisme con­ damné parla bulle d'Innocent X, Toulouse, 1651; L'idée véritable du jansénisme, Paris, 1664; La soumission apparente des jansénistes à la décision de Γ Église touchant le droit, Paris, 1666; Réfutation d'un libelle publié par les disciples de Jansénius (contre le livre précédent), Toulouse, 1667. Son confrère, Jacques Nouet, attaqua vivement le livre d’Amauld sur la fré­ quente communion. Sur le P. Annat,voir t.i.col. 13201321. Denis Amclotte, oratoricn, prenait La défense des constitutions d'Innocent XI et d'Alexandre Vil, Paris, 1660. Jean Adam a creusé Le tombeau du jan­ sénisme, Paris, 1651. Le capucin Charles-Joseph de Troyes publia une série de livres pour expliquer la doctrine de saint Augustin, que falsifiaient les jansésénistes. Le Jésuite Marc /kntoine Foix donna Responce aux dernières chicanes des jansénistes, Toulouse, 1664. Sur les débats de Bossuet avec les jansénistes, voir L n, col. 1077-1080. Le jésuite Michel le Tellier composa le Recueil historique des buttes et constitutions, brefs, décrets et autres actes (contre le jansénisme), 1698. L'oratoricn Jean le Porcq publia les Sentiments de S. Augustin sur la grâce opposés ά ceux du jansé­ nisme, 1682, 1700. Voir Jansénisme. 3° Apologétique. — C’est dans la seconde moitié du xvn· siècle que parurent les premiers écrits d’apolo­ gie du christianisme contre ceux que l’on nommait alors les libertins et contre les athées ou les infidèles. Le minime Mcrscnnc a écrit : L'impiété des déistes, athées et libertins, in-4®, Paris, 1624. Pierre Lcscalopicr, jésuite, traite de Dieu et des dieux dans son Humanitas theologica, in-fol., Paris, 1660. Son con­ frère, Étienne Petiot, ccri rit des Démonstrations théo­ logiques pour établir la foi chrétienne et catholique contre les superstitions et les erreurs de toutes les sectes infi­ dèles, Metz, 1674. Pour prouver l'existence de Dieu, Cl. Morel, montrait les Rayons de ta divinité dans ses créatures, Paris, 1654 ; il faisait une Démonstration de la vérité de la religion chrétienne, 1661, ct il publiait Oracle de vérité ou Γ Église de Dieu contre toutes sortes d'hérésies, 1666. Christophe le Juge composa une Méthode courte et facile de défendre Γ Église contre tous ses adversaires, H ou en. 1667. Albert Belin, béné­ dictin, rassembla les Preuves convaincantes du chris­ tianisme ou principes de la fol démontrés par la raison, Paris, 1658, 1666. Le capucin Denis de I lives défen­ dit : Primatus S. Petri et Ecclesiæ visibilis infallibilitas contra atheos, judxos et hiereticos, in-fol., Lyon, 1662. Gilbert de Choiseu) du Plessis-Praslin, évêque de Comminges et de Toumay, écrivit des Mémoires touchant la religion, 3 in-12, 1680; Le vray système de la religion chrcstienne et catholique, Lille, 1689. François Diroys publia Preuves et préjugez pour la religion chrcstienne ct catholique contre les fausses reli­ gions et l'athéisme, Paris, 1683. Daniel Béguin, Jésuite, traita De veritate divinitatis Christi, Paris, 168U. Félicien de Sainte·Madeleine, carme, publia Defensio divin# providenti# juxta doctrinam D. Augustini ct S. Ihomie, 3 in-4°, Bordeaux, 1657. Paul Philippe de Chaumont fit des Réflexions sur te christianisme enseigné dans ΓÉglise catholique, 2 in-12, Paris, 1693. Pierre Dozcnne, Jésuite, prouva La divinité de JésusChrist par ses œuvres, Paris, 1688. Bossuet avait donné son traité De la connaissance de Dieu et de soi-méme. Philippe de Maizièrc écrivit des Discours thèologiqu< s des perfections de Dieu, 4 in-12, Lyon, 1689. Sur Molebranche apologiste, voir son article. Dom François Land publia la Vérité évidente de la religion chrétienne, Paris, 1694 ; Le nouvel athéisme renversé, 1696; L'incre­ dule ramené d la religion, Paris, 1710. 4q Théologie morale. —· On se mit à cn publier des traités Λ part. Sur ceux d'Étienne Bauny, voir t. il* FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 684 col. 480. Gilles Tmllcnch composa un Opus morale Josué ct les Juges (1629), les quatre livres des Bols (sur les commandements de Dieu et dc l'Église), (1626), Job (1628), les Parallpomèncs (1643), ks pro­ 2 in-fol., Valence, 1640; Praxis sacramentorum, in­ phètes (1630), saint Matthieu (1619), saint Marc, fol., ibid., 1646. Sur les ouvrages du dominicain saint Luc, saint Jean ct les Actes (1626). Nicolas GullVincent Baron, voir t. n, col. 425. Abclly publia sa Icbcrt a paraphrasé en français tous les livres de la Medulla theologica, Paris, 1651. Voir t. i, col. 56. Bible. Le minime Mcrsennc avait résolu des questions Louis Bancel, O. P., composa la Moralis D, Thomæ, sur les six premiers chapitres de la Genèse, in-foL, 2 in-4·, Avignon, 1677, et un Prévis universæ theolo­ Paris, 1623, ct composé un traité De mensuris, pon­ gix tam moralis quam scholastica cursus, 7 in-12, Avi­ deribus et nummis Hcbræorum, Græcorum el Romano­ gnon, 1684-1692. François Genet composa une Théolo­ rum ad gallica redactis, in-4·, Paris, 1644. Le capudn Jacques Boulduc a commenté Job (1631) ct l’EpItre gie morale, 8 in-12, Paris, 1670 sq. Jean-Baptiste Ta­ dc Judc (1630). Antoine Godeau a paraphrasé 1« verne fit une Synopsis theologiæ practicæ, 3 in-8°, Épltres dc saint Paul (1632-1641), et publié une ver­ Douai, 1698. Bon de Merles avait édité une Summa sion expliquée du Nouveau Testament, 2 in-8®, Paris, Christiana seu orthodoxa morum disciplina, 2 In-fol., 1668. Simon Marotte a expliqué les psaumes ct les can­ Paris, 1683. Le carme Eustnche de la Conception pro­ tiques dc l’Ancicn Testament, in-fol., Paris, 1630. posa Jus primi principii theologiæ positiva, canonica, Hercule Audifrct est l’auteur des Questions spiri­ ecclesiastica et moralis, in-4·, Avignon, 1697. Serge tuelles ct curieuses sur les Psaumes, Paris, 1668. exposa les Dogmes orthodoxes, Paris, 1700. L'oratoricn Pierre Gorse, S. J., a commenté l’Eccléslastique(1654), J. Thorcnticr avait écrit : L'usure expliquée et con­ damnée par les Écritures saintes et par la tradition, I les Proverbes (1654), la Sagesse (1655) et l’EcdéParis, 1673. Le jésuite Antoine Bonnet fit une dlsscr- I slaste (1655). Pierre Maucorps, dc la même Société, a paraphrasé Isaïe (1644), Jérémie (1644), Job (1637), tation De timore pænitente, Toulouse, 1694, et traita la Baruch et les douze petits prophètes (1645). Ses question dc l’ignorance invincible, 1697. J. Gcrbais confrères ont commenté, Jean Phclippcaux, les petits avait publié un Traité pacifique du pouvoir de l'Église prophètes (1633) ct Osée (1636); Nicolas Lombard, el des princes sur les empeschemens du mariage, Paris, 1690. Néhémic ct Esdras (1643). Nicolas Abram a publié son Pharus Veteris Testamenti, in-fol., Paris, 1648; 5· Écriture sainte. — Sur Estius, exégéte a Douai, De quatuor fluuiis ct loco paradisi, Pont-à-Mousson, voir L v, col. 873-875. Jacques Severt publia son Ana1636. Bernardin Montreal a tiré des quatre Évangiles crisis Bibitorum, in-fol., Lyon, 1623, dans laquelle La vie du Sauveur du monde Jésus-Christ, 2 in-4®, il examine tous les passages de la version française Paris, 1637; des Actes, L'histoire de l'Église naissante, protestante de la Bible qui difièrent des Bibles catho­ 1639; de l’Apocalypse, Les derniers combats de l'Église, liques ct orthodoxes. André Allerct, O. M., édita des 1641. Jean Bencc a écrit son Manuale in sanctum Jcsu Nota in universam Scripturam. 2 in-fol., 1625. Le mi­ Christi Euangelium, Lyon, 1626, ct a résumé les com­ nime Claude Bangucll composa des Commentarii mentaires d’Estius sur saint Paul et IcsÉpîtrcs catho­ in libros Begum, 2 in-fol., Paris, 1621-1624. Le général liques, 1628. Le capucin Georges d’Amiens a publié : de son ordre, Gilles Camarto, commenta l’histoire Trina S. Pauli theologia, positiva, moralis et mystica, d’Élic : Elias Thesbytes, in-4·, Paris, 1631. Pierre 3 in-fol., Paris, 1649, 1650. Jacques dc Cambolas a Bardin publia successivement : Essai sur l'Ecclésiaste expliqué l'Épttrc aux Bomains, Toulouse, 1650; de Salomon, Paris, 1626; Pensées morales sur l'EccléGuillaume CocfTctau, l'Épitrc de Judc, 1644, des slaste, Paris, 1629-1632; Boucn, 1640. Pierre de psaumes ct des cantiques, dans son Florilrgium, Paris, Bosse édita une Bible latine, accompagnée d'une version française, Paris, 1608; des Concordanliæ 1667. Antoine dc Saint-Michel, O. M., a laissé un caté­ generales, 1611, et un Psalterium dauidicum, 1617,1646. chisme sur l'Apocalypse, Paris, 1625. Pierre Clément Le jésuite Jean Lorin a commenté plusieurs livres a publié scs Curiosités sacrées pour expliquer divers passages dc l'Écriture, Langrcs, 1650. Jean Planta­ àe l’Écriture : les Actes des apôtres (1605), l'Ecclévit dc la Pause a composé un dictionnaire hébraïque siaste (1606), la Sagesse (1607), les Épltres de saint Jean et de saint Pierre (1609), les Psaumes (3 in-fol., ct un Florilegiurn biblicum, Lodève, 1641. l’n juif 1612, 1614, 1616), les Épltres dc saint Jacques et de converti, Philippe d'Aquin, a publié des dissertations saint Judc (1619), le Lévitiquc (1619), les Nombres sur le tabernacle juif, les vêtements sacerdotaux ct les (1622) et le Deutéronome (1625). Pctau a paraphrasé sacrifices. Son fils, Louis Henri d’Aquin, a annoté en vers grecs, avec une traduction latine, les psaumes Job et Esther (1624). Jean Morin a composé scs et les cantiques dc l’Écriture, Paris, 1637. François Exercitationes biblicæ, Paris, 1633, pour soutenir de Harlay, archevêque de Boucn, publiait des Obser l’authenticité du texte hébreu ct du texte grec; il valions historiques el théologiques sur l'Épistre de saint répondit à Simon dc Muls, De sinceritate hebræi græPaul aux Domains, Gaillon, 1641. Nicolas Rapine, ctque textus dignoscenda, 1639; il s’occupa aussi beau­ O. M., a expliqué l’ÉpItre aux Bomains (1632), les coup du Pcntatcuquc samaritain, 1631, 1657. Nicolas lettres à Timothée, à Tite et ù Philémon (1632), aux Cocquclln a interprété les psaumes ct les cantiques, Hébreux (1636), les cinquante premiers psaumes Paris, 1686, ct Michel Bourdaille, le Cantique, Paris, (1639). Isaac Habert expliquait les lettres du même 1689. Marc de Bérulle, conventuel, a publié : Bible apôtre à Timothée, à Tite et à Philémon, Paris, 1656. géographique, Grenoble, 1679; Brléve et claire expli­ Le capucin Célestln dc Mont-de-Marsan faisait sa Cla­ cation de toute la sainte Bible selon le sens littéral, vis David pro 5. Scriptura aperienda, in-fol., Lyon, 1644, 3 in-fol., Paris, 1696, ct Léon dc Saint-Jean, une sorte d’introduction générale à la Bible, et sa Proso· harmonie évangélique sous le titre : Aurum optimum, pochronlca S. Scripturæ, in-fol., Paris, 1648. Jean dc la 1669. Michel le Jay n édité la Polyglotte dite de Puris, Haye, O. M., réunissait ct résumait différents com­ 10 in-fol., 1628-1645. Valérien dc Flavlgny Fattaqua mentaires dans sa Bibtia magna, 5 in-fol., Paris, 1643, dans une dissertation ct dans plusieurs lettres im­ et dans sa Blbha maxima, 19 in-fol., Paris, 1660. 11 primées, 1646, 1647. Nicolas Sanson s'occupa dc la commenta personnellement la Genèse, 3 in-fol., Lyon, géographie sacrée. Le conventuel François Carrière 1638; FExode, 3 In-foL, Paris, 1648, ct l'Apocalypse, annota la Bible, Lyon, 1663, ct publia une Medulla 3 in-foL, Paris, 1644-1647 (sortes de chaînes formées bibliorum, Lyon, 1660. François Pcan de la Coullarde passages des Pères pour l’usage des prédicateurs). dière commenta le Pentatcuque ct Job (1680), les Le comte Henri Ix)uls Chasteigner de la Bochepozai a psaumes, les livres sapientiaux (1673), les propliètcs commenté la Genèse (1628), l'Exodc, les Nombres, (1680) ct le Nouveau Testament (1670). L'oratorlcn 685 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES François Scnnult paraphrasa Job (1664). Philippe Codurc traduisit en français les livres dc Job ct de Salomon (1647), l'Ecclésiaslc (1657), commenta Job (1651), 6t une dissertation sur les généalogies dc Jésus-Christ (1646, 1650) ct annota un passage dc l’ÉpItrc aux Hébreux (1632). Bernard la Palisse ex­ pliqua le Psautier (1665), ainsi que Thomas le Blanc, 6 in-fol., Lyon, 1665-1676. Jean Besson commenta le Cantique (1616) el Laisne dc Marguerie, Isaïe (1654). Le feuillant Jacques de Saint-Michel analysa le Nou­ veau Testament, sous le titre dc Biblia parva, in-fol., Lyon, 1670. Denis Amelotte fit une nouvelle version française dc la Bible (1666-1670) ct une harmonie évan­ gélique (1669). Le capucin Léandrc dc Dijon a com­ menté saint Paul, 2 in-fol., Paris, 1663. Son con­ frère, Jacques dc Bordes, avait paraphrasé l'Apoca­ lypse (1639). Joseph dc Voisin a extrait des œuvres de saint Augustin un commentaire de saint Matthieu, 2 in-8°, Paris, 1619. Louis Ferrand a annoté les psaumes, 1683, publié une Summa biblica, 1690, ct des dissertations critiques sur la langue hébraïque (1701). Le jésuite Nicolas Talon avait composé une Histoire sainte, 4 in-4°, Paris, 1640-1654, qui fut moins gofitéc. Amand Millict publia une Introduc­ tion à l’Écriture sainte, Toulouse, 1687. FrançoisLouis Laloucttc est l’auteur du Hierolexicon, Paris, 1694. Benoît Laugcois, capucin, donna L'explica­ tion littérale et française de (ouïe la Bible, 2 in-4®, Paris, 1675-1682. Le Maistre dc Saci n’a pas seule­ ment traduit la Bible en français, il l’a annotée, 32 ln-8®, Paris, 1682-1706; il a traduit les psaumes sur l'hébreu, 3 in-12, Paris, 1696, ct il est l'auteur dc V Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, par le sieur dc Royaumont, Paris, 1669. Le minime An­ toine Masson traita dc questions curieuses relatives ù la Genèse, 3 in-12, Paris, 1685-1688. Antoine Mègc, bénédictin, avait paraphrasé les psaumes, Paris, 1675. François Aurat a commenté le Cantique, Lyon, 1689. Michel de Marelles traduisit à nouveau la Bible en français (1671). François Vavasscur n commenté Job (1638) ct Osée (dans Opéra, 1709). Himbcrt a donné des Éclatrclsscmens pour rintclligcncc du sens littéral des Épltres dc S. Paul ct autres livres du Nou­ veau Testament, Paris, 1690. Nicolas le Toumeux expliquait l’ÉpItrc nux Romains (1695), ct Serre le c. xx dc celte Épltrc (1698). Nicolas du Bois, O. P., avait commenté l’ÉpItrc dc saint Jude (1644), ct l'oratoricn Daniel Hervé, l’Apocalypse (16M). Claude Frasscn éditait scs Disquisitiones biblictc, 1682, 1705. J.-B. du Hamel publiait scs Institutiones biblicæ sur le Pcntateuque, 2 In-12, Paris, 1698; scs Annotationes selecta: sur les passages les plus difficiles des livres historiques dc l’Ancicn Testament ct de Job, 2 vol., Paris. 1699, sur le psautier, Rouen, 1701, sur les livres sapientiaux, Rouen, 1703. Nous ne pou­ vons que signaler le père de la critique biblique, Richard Simon, si célèbre par ses Histoires critiques de l’Ancicn ct du Nouveau Testament (texte, versions» commentateurs). 11 fut combattu par Bossuet, voir t. xi, col. 1061-1063. Un autre oralorlcn, Bernard Lami a publié : Apparatus ad Biblia sacra, in-fol., Gre­ noble, 1687; trad, franç., Lyon, 1689; Harmonia sive concordia quatuor evangelistarum, Paris, 1689; Traité historique de l'ancienne Pâque des Juifs, Paris, 1693, avec une Suite, etc. Richard Simon, prêtre du Dauphiné, a édité Le grand dictionnaire de la Bible, In-fol., Lyon, 1693; 2· édit., 1703; 2 in-fol 1715. Thomassln composa un Glossarium universale hebraicum, in-fol., Paris, 1697. Dom Pezron avait publié : L'antiquité des temps rétablie et défendue contre les luifs ct les nouveaux chronologistes, Paris, 1687; Défense de l'antiquité des temps, Paris, 1691; Essay d'un commentaire littéral el historique sur les pro- phétes, 1693; Histoire éoangéllque confirmée par la judaïque et la romaine, 2 in-8®, Paris, 1696. Dom Martianay attaqua les deux premiers dc ces ouvrages, br/ense du texte hébreu et de la chronologie de la Vul­ gate, Paris, 1689; Continuation de la défense du texte hébreu et de la Vulgate, Paris, 1693; Relation de lu dispute dc l'auteur du livre de Γ Antiquité des temps rétablie contre le défenseur du texte hébreu et de la Vulgate, Paris, 1707. Michel Le Quien défendit aussi le texte hébreu contre Pezron, 1690, et réfuta L'antiquité des temps, 1693, 1693. Edmond Imbert et de Bos expliquèrent les Épltres de saint Paul, le pre­ mier, in-12, Paris, 1690, ct le second, 7 in-12, Paris, 1698. Mid ici Mauduit publia une Analyse du Nouveau Testament, Paris, 1691-1697. Trotti de la Chétardye avait fait une Explication de Γ Apocalypse par Γhistoire ecclésiastique, Bourges, 1691. Sur la version dc Bouhours, voir t. n, col. 1091. Simon Marotte (de Mu is) annota le Psautier, Paris, 1691, ct le Pcntateuque, 2 in-8·, 1701. Ellies Dunin a publié, en tête de sa Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, une Disser­ tation préliminaire ou Prolégomènes sur la Bible, 3 vol., 1699; le Liber Psalmorum eum notis, 1691; Le livre des Psaumes traduit sur Γhébreu, 1691; des Notæ in Pentateuchum, 1701; des Dissertations histo­ riques, chronologiques et critiques sur la Bible (la Genèse seulement), 1711,une Analyse de l'Apocalypse, 1714. 6· Patrologie. — Les éditions des Pères sc mul­ tiplient. Tous les savants rivalisent de zèle sur cc domaine des sciences sacrées. Les travaux des béné­ dictins, surtout de la congrégation dc Saint-Maur, ont été indiqués déjà, t. il, col. 614-615. Le jésuite Henri dc Sommai édite les Confessions dc saint Augustin, Douai, 1608; Charles de Villiers, les œuvres dc Fulbert de Chartres, Paris, 1608, ct Jean Picard, celles de saint Anselme, Cologne, 1612. Sur les éditions de Fronton du Duc, voir son article. Gabriel dc l’Aubespinc édite ct annote saint Optât de Mllèvc, Paris, 1631. André de Chcsnc publie les œuvres d’Abélard (1616) ct d’Alcuin (1617); Petau. celles de Synésius (1612, 1631, 1633) ct dc saint Épiphane, 2 in-fol., Paris, 1622. Les écrits des Pères, publiés par Slrmond, ont été réunis pour la plupart, 5 in-fol., Paris, 1696. Pour le détail, voir son article. Il a édité les œuvres de Théodorct, 4 in-fol., Paris, 1612, ct d’Hincmar de Helms, 2 in-fol., Paris, 1645. Jean Aubert, chanoine do Lyon, est l'éditeur dc saint Cyrille d'Alexandrie, 7 ïn-fol., Paris, 1638; Nicolas Rigault, celui de Tertullicn, 1634, de Minucius Félix. 1643, dc saint Cyprien, 1649, ct de Commodien, Toul, 1650. Le capucin Georges d’Amiens annota Tcrtulllcn : Tertullianus redivivus, 3 in-fol., Paris, 1646, 1648, 1650. Ciuirles Poulain, jésuite, réédita saint Optat de Mllève, In-fol., Paris, 1631. Claude Ménard mit au jour pour la première fols les deux premiers livres (1617) de VOpus imperfectum contra Julianum de saint Augustin. Jérôme Vlgnier publia l’ouvrage en­ tier, 2 In-fol., Paris, 1654. J.-B. Souchct annota les œuvres d’Yves de Chartres, que Jean Fronteau édita, Paris, 1647. Gilbert Mnuguin recueillit : Véterum auctorum qui tx serculo de pnedestinatione et gratta scripserunt opera et fragmenta, 2 in-4·, Paris, 1650. Henri de Valois édita VHistoire ecclésiastique d'Eusèhe de Césarée avec la Vie de Constantin, Paris, 1659; les histoires de Socrate ct dc Sozoméne, 1668; celles dc Théodorct, d’Évagre, dc Philostorge ct de Théodore le Lecteur, 1673. Bertrand Tissicr forma la Bibliotheca Patrum cistcrciensium,4 in-fol.,Bonne-Fon­ taine, 1660-1669. Laurent Bertrand exposa lu Theolagia speculativa de saint Bernard, 4 ln-4·, 1675. Philippe Des­ pont disposa chronologiquement la Bibliotheca maxima veterum Patrum, 27 In-foL, Lyon, 1677 sq. L'augustln 687 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 688 Charles Moreau distribua dans un nouvel ordre ct traités sont classiques. Les manuels ά l’usage des sémi­ annota les ouvrages de Tertullicn, 3 in-fol., Paris, 1658. naires sont sur le même plan, mais à un niveau infé­ Philippe le Prieur réédita encore Tcrtullicn, Paris, rieur, que les Institutiones des facultés. Les traités du 1664 ct 1675, et édita saint Cypricn avec Minucius cordelier Asscrmct forment une partie d’un cours de Félix, Amobe, Commodien ct Jules Firmicus, 1666. cette sorte. Voir t. i, col. 2123. Le capucin Paul de Sur les éditions de Combefls, voir L in, col 386, et Lyon public un cours complet ct sommaire : Theologiæ de Cotclicr, col. 1923-1924. Pour d’Achéry, voir t. i, specimen, Lyon, 1721. Nicolas l'Herminier compose col. 319-311. Le jésuite Pierre Poussincs a édité une Summa theologiae, 7 In-80, Paris, 1701-1711, dont quelques nouveaux opuscules de saint Nil, Paris, le traité de la grâce proposait un jansénisme adouci, 1639, puis les lettres de ce saint, 1657, la Calena qui fut attaqué, et un traité De sacramentis, 3 in-12» græcorum Patrum in Evangelium secundum Marcum, Paris, 1716. Les Institutiones theologicæ â l’usage du 1673, le Convivium decem virginum do saint Méthode, séminaire de Poitiers paraissaient, 2 in-8®, Poitiers, 1657, divers écrits d’auteurs byzantins, les lettres de 1708. Ellics Dupin donnait : Traité de la doctrine saint Isidore de Pélusc, Rome, 1670, Thésaurus ascechrétienne et orthodoxe, Paris, 1703; Traité de la puis­ tiens (18 opuscules de Pères grecs), Toulouse, 1684. sance ecclésiastique et temporelle, 1707; Traité histo­ rique des excommunications, 1715, 1719; Méthode Jean Garnier n donné les écrits de Marius Mercator, 1673, le L v de l’édition de Théodoret par Sinnond, pour étudier la théologie, 1716; Traité philosophique 1684, le Libellus fidei de Julien d’Éclanc, 1G48, le et théologique de T amour de Dieu, 1717. Cependant le Breviarium de Liberatus, 1675. Sur les éditions de dominicain Bernard Rabaudy, professeur à Toulouse, commentait encore la Somme de saint Thomas. Chifllet, voir t. n, col. 2363. Pierre de Goussanville Sur le P. Adrien de Nancy, voir t. i, col. 462, ct sur publia les ouvrages de Pierre de Blois, Paris, 1667, Charles de Plessis d’Argentré, col. 1777-1778. Les 1675, ceux de saint Grégoire le Grand, 3 in-fol. théologies dogmatiques ct morales du P. Antoine, jé­ Sur Baluze, voir t. n, coL 138. Qucsncl a édité les suite, sont des cours complets. Voir t. I, col. 1443œuvres de saint Léon le Grand, 2 in-4®, Paris, 1675, 1444. Les traités de Charles Wltasse étaient publiés et J.-B. le Brun Desmarcttcs, celles de saint Paulin de après sa mort : De Dco uno et trino, 1722; De Noie, 2 in-4®, Paris, 1685. Le jésuite Étienne Chaaugustissimo altaris sacramento, 1720; De sacramento millart fit l'édition de Prudence, Paris, 1687. pænitentiæ, 1717; De sacramento ordinis, 1717. Tous 7° Histoire. — Les principaux ouvrages d’his­ ccs traités, avec le De incarnatione ct le De confirma­ toire ecclésiastique méritent d’ètrc signalés. André du Chcsne a écrit YHistoire des papes jusqu'à Paul V, tione, étalent réunis en 4 in-4®, Venise, 1738, sous le 2 in-8·, Paris, 1616; augmentée jusqu’à Innocent X, titre de Tractatus theologici. Louis Habert publiait 1653. Claude Robert publia, en 1625, une Gallia Chri­ pour le séminaire de Châlons une Theologia dogma­ stiana, que celle des deux frères de Sainte-Marthe a tica et moralis, 7 in-12, Lyon, 1709-1712. Antoine fait oublier. Signalons seulement les travaux chrono­ Boucat, minime, livrait sa Theologia Patrum dog­ logiques de Pctau, les Annales sacri de Henri de matico-scholastico- positiva, 5 in-fol., Paris, 1718. Spondc, les Exercitationes ecclesiasticae de Jean Morin, Voir t. τι, coi. 1090. Le jésuite Edmond Simonnet composait ses Institutiones ad usum seminariorum, les études de chronologie de Jacques Grandami. An­ 11 in-8·, Nancy, 1721-1728. Honoré Toumély don­ toine Godcau rédigea une Histoire de ΓÉglise, 5 in-fol., Paris, 1653-1678; 6 ln-8®, 1696. François Bosquet a nait ses Prælectiones theologicæ, comprenant des traités publié VHistoria Ecclcslæ gullicanæ, Paris, 1633, 1638 de Dieu ct de ses attributs (1725), de la grâce (1725), et IouIs Coulon, L'histoire et la vie des papes de de la Trinité (1726), de l’Églisc (1726), des sacrements S. Pierre à Alexandre Vil, Paris, 1656; jusqu'à Clé­ en général (1726), de l’incarnation (1727), du bap­ ment XI, Lyon, 1G69. Les jésuites Labbc ct Cossart tême ct de la confirmation (1727), delà pénitencectdc ont fait un recueil estimé des conciles généraux, l’extrême onction (1728), de l'eucharistie (1728), de 18 in-fol., Paris, 1672 sq. Labbc s’est occupé beaucoup l’ordre (1729), du mariage ct des censures (1730). Deux sulpicicns, Louis Montaigne ct Simon Pierre de la de l'histoire sacrée ct profane. Sur Cabassut.voir t.n, Fosse, publiaient les leurs, sous le nom de Toumély. col. 1297. Le Nain de TUIemont doit être cité pour Au premier on doit les traités de Dieu (1730), des son Histoire des empereurs, etc., 6 voL, Paris, 16901738, ct scs Mémoires pour servir à Γ histoire ecclésias­ sacrements (1729), de l’œuvre des six jours (1732), tique des six premiers siècles, 16 ln-4·, Paris, 1693-1712. de la grâce (1735), de la Trinité (1734) ct des anges Nommons seulement le jésuite Louis Malmbourg, dont i (1751); au second, celui De Deo et divinis attributis, 1740. Collet complétait les traités de Toumély par les les ouvrages historiques ont été estimés autrefois. Signalons enfin les Annales ecclesiastici Francorum siens. Voir t. m, col. 365. Urbain Robinet extrayait de Ixcolnte, 8 in-fol., Paris, 1665-1683, ct lu Btblio- I de Toumély ses Compendiosa?, institutiones theologicæ, Ihéque des auteurs ecclésiastiques de Louis Ellies Dupin, 2 ln-8·, Paris, 1731. Un anonyme donna la Medulla sa Nouvelle bibliothèque, son Supplément ct les autres | theologiæ tournelianæ, 2 ln-4°, Cologne, 1735. Les ouvrages qui en sont la suite, avec les critiques qu’en Pères Scrry, dominicain, et Daniel, jésuite, discu­ ftrent Bossuet, Richard Simon ct dom Mathieu Petittaient chaudement l’âpre question De auxiliis. Didier. ' Dom Mathieu Pctlt-DIdlcr publiait un Traité de V. Au xvin® siècle. — Cc siècle est partout, et Γinfaillibilité du pape, Luxembourg, 1724. André le Soudicr avait composé un Cursus theologicus très spécialement en France, une époque de décadence dans toutes les branches des sciences ecclésiastiques. élémentaire, Paris, 1724. Nicolas Girardeau fit des 1· Théologie positive. — La théologie scolastique i Prælectiones theologicæ, 2 ln-8°, Paris, 1743 (religion, parole de Dieu écrite et traditionnelle, Église ct con­ est presque entièrement négligée et elle cède de plus ciles). Le jésuite Ignace Arnaud avait donné une en plus la place à la théologie positive. De nouvelles Theologia de sacramentis, Avignon, 1720. Gabriel universités sont constituées à Dijon en 1722 ct à Mousson laissait des Lectiones lheologicæ desacramentls, Rcn tes en 1735. Celle de Pont-à-Mousson est transfé­ 4 ln-12, Paris, 1745; de religione, 3 In-12, Paris, 1743. rée à Nancy en 1768, et la faculté de théologie passe De Roujoux donnait un traité De religione, 2 ln-8·, des mains des jésuites à celles des prêtres séculiers. Reims, 1753; un sulplclcn, Jean Lngcdamon, un traité Lca Curtis sc multiplient, résumant sous une forme De contractu et sacramento matrimonii; Jacques Robbe, condensée les gros traités d’autrefois ct Indiquant les preuves scripttindrts, traditionnelles ct ration­ I des traités De mysterio Verbi incarnati, Paris, 1768· De augustissimo eucharlstiæ sacramento, Nîmes, 1772; nelles de charpie thèse, dogmatique ou morale. Les 689 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES C90 ses Réflexions sur le N. T., Bruxelles, 1701, 1705; De gratta Del, 2 vol., 1780, 1781. Le jésuite Charles Jansénius condamné par C Église, par lui-méme et ses Merlin publiait un Traité historique et dogmatique défenseurs et par saint Augustin, Bruxelles, 1705; sur les paroles ou les formes des sacrements de l'Église, Le véritable esprit des nouveaux disciples de S. Augus­ Paris, 1745. Le dominicain Hyacinthe Drouin avait tin, 4 in-12, ibid., 1706; Lettre d'un théologien â rou­ donné son De re sacramentaria, 2 in-fol., Venise, 1737. teur des H exaptes, Paris, 1714; Réflexions morales avec Le capucin Thomas de Charmes éditait une Theologia des notes sur le N. T., 12 in-12, Paris, 1713-1725. universa, avec un Epitome, 8 vol., Nancy, 1751 sq. Dom Hilarion Monnler adressa sept Lettres... à Grégoire Simon avait fait un traité De religione, M. Dedan contre le système de M. Nicole, 1710. Jean 2 in-12, Paris, 1758. Le sulplcicn Louis Legrand Brun publia Les cent et une propositions extraites du publiait son Tractatus de incarnatione Verbi divini, livre des Re flexions morales du P. Quesnel sur le λ . T. Paris, 1751, ct le De Ecclesia Christi, Paris, 1779. Dom Chardon avait composé Γ Histoire des sacrements, qualifiées en détail, Bruxelles, 1718. Le capucin Paul de Lyon est l’auteur des Anti-Hexoptes, 2 in-12, 6 in-12, Paris, 1745. Parmi les nombreuses publications du P. Charles-Louis Richard, dominicain, il faut rap­ Lyon, 1721; des Lettres instructives sur les erreurs peler son Dictionnaire universel, dogmatique, cano­ du temps, Lyon, 1716; Les ennemis de la constitution nique, historique, géographique et chronologique des Unigenitus, 1719. Sur Alexandre de la Passion, sciences sacrées, 6 in-fol., Paris, 1760-1765. Jacques voir 1.1, col. 785. Un autre capucin, Anoré de Grazac, livrait ses Praelectiones theologicæ, 7 in-8°, Besançon, flt un Traité théologique où l'on démontre que les fidèles 1781-1786. Boston ct Tuvachc avalent édité leurs ne peuvent communiquer en matière de religion avec des Lectiones theologicæ, 10 in-12, Rouen, 1773-1784. Louis ennemis déclarés de la bulle Unigenitus, Nancy, 1726; Bailly éditait des traités De vera religione, Dijon, Principes catholiques opposés d ceux des tolérants qui 1758; De Ecclesia, Dijon, 1771, ct sa Theologia dogma­ reçoivent dans leur communion les ennemis de la bulle tica ct moralis, 8 in-8°, 1789. Voir t. i, col. 37. Fran­ Unigenitus, Avignon, 1727; Réplique aux tolérants çois Mézin avait professé De matrimonio, Nancy, 1785; de ce temps, etc., Avignon, 1729. Dans son Traité théo­ De gratia, 1786; De sacramentis in genere, de baptismo logique 2 in-4°, Paris, 1722, Mgr Thyard de Bissy d confirmatione, 1788. Son collègue, Alexis Jacquemin, défendit la bulle Unigenitus. Claude Pelletier avait le Tractatus de incarnatione Verbi divini, Nancy, publié une Nouvelle défense de cette bulle, 3· édit., 1787. La Révolution française empêcha l'impression Lyon, 1715; Traité dogmatique et moral de la grâce uni­ du De eucharistia de ce dernier. Poulin publiait verselle tiré du Nouveau Testament, Luxembourg, De Deo revelante, 4 in-12, Besançon, 1707. Le Tracta­ 1725. Le jésuite Dominique de Colonia constitua tus de Ecclesia du sulpicicn Regnier parut à Paris la Bibliothèque janséniste, 1722, complétée par son en 1789. confrère Patouillct, 4 in-12, Anvers, 1752. François 2° Controverse. — 1. Avec les protestants. — Elle sc llharat de la Chambre multiplia les traités, dont il poursuivit encore au début du siècle pour cesser bien­ lit un résumé dans 1’Exposition claire et précise des dif­ tôt Un converti, de Flamarc, écrivit : Conformité fèrens points de doctrine qui ont rapport aux matières de la créance de Γ Église catholique avec la créance de de religion, ln-4°, Paris, 1745. Pierre-François Lafltcau ΓÉglise primitive, 2 in-8°, Rouen, 1701, 1708. Voir écrivit {'Histoire de la constitution Unigenitus, 2 ln-4®, col. 19. Un autre converti, David Iluguenin, publia 1737, 1738; Réfutation des anecdotes ou mémoires Catholicæ religionis veritas, Cologne, 1703, ct répliqua secrets sur Γacceptation de la constitution Unigenitus, à Hulsius : Henrici Hulsii inanitas, Cologne, 1704. 3 in-8®, Gray, 1734. Le jésuite Louis Patouillct rédi­ Les écrits d*Isaac Papin furent rassemblés dans un gea Cartouche ou le scélérat justifié par la grâce du Recueil en 1713; 3 ln-12, Paris, 1723. Antoine Lan gucP. Quesnel, La Haye, 1731, dont il flt l'apologie, 1732; vln défendit contre Masius L'infaillibilité de l'Église Les progrès du jansénisme, 1743; Les entretiens dans tous les articles de sa doctrine, 2 in-12, Paris, 1701. d'Anselme et d'Isidore sur les affaires du temps, 1756; Claude Andry écrivit, contre Benoît Pictet, L'hérésie Supplément aux Nouvelles ecclésiastiques, 6 in-4· (1734des protestants et la vérité de Γ Église catholique mise en 1748). Le bénédictin Benoît Sinsart. Les vrais prin­ évidence, 2 in-12, Lyon, 1713; Réplique d Λ/. Pictet, cipes de S. Augustin sur la grâce et son accord avec la Lyon, 1716; il avait déjà publié La religion pré­ liberté, Rouen. 1739. Son confrère, Nicolas Jamln,pu­ tendue réformée, dévoilée dans plusieurs entretiens d'un blia des Pensées (hèologiques relatives aux erreurs du catholique avec un protestant, Lyon, 1706; Méthode temps, Paris, 1769. Camusct publia S. Augustin pour traiter avec ceux qui sont séparés de ΓÉglise ro­ vengé des jansénistes, Paris, 1771. Nicolas François maine, Lyon, 1706. Jean Lombard, jésuite, donna Clerc de Bcauberon flt un traité dogmatique De homine lapso et recuperato, 2 in-8°, Luxembourg, 1777. un Abrégé des controverse» sur la religion, Nancy, 1723. 3» Apologétique. — Les ouvrages contre les déistes, Le capucin Bernard d’Arras publia, contre Travers, L'ordre de l'Église ou la primauté et la subordination les incrédules ct les athées furent très nombreux en France au cours d’un siècle d’incrédulité ct de ratio­ ecclésiastique, Paris, 1736. Un converti, Chandon de Lugny, donna une Nouvelle méthode pour réfuter nalisme, mais aucun ne fut de premier ordre ct beau­ rétablissement des Églises prétendues réformées. Maycoup ne sortirent pas de la médiocrité. Voir t. t, col. 1547. J. Charon flt une Démonstration évangé­ nard écrivit sa Conférence avec M. Claude, Paris, 1740, lique, Parts, 1703. Michel le Vasseur composa les En­ cl La religion protestante convaincue de faux. Benoît tretiens de la religion contre les athées, les déistes et Sinsart démontra contre les protestants La vérité tous les autres ennemis de la joi catholique, Paris, 1705. dt la religion catholique, Strasbourg, 176-1. Jean Cochet Louis Bastide écrivit L'incrédulité des déistes, 2 in-12, donna des Preuves sommaires de la possibilité de la présence de Jésus-Christ dans l'eucharistie. Paris, 1764. Paris, 1706, ct Pierre Blondel, Les vérités de la reli­ Jean Urbain Grisot adressa une Lettre â un protestant gion enseignées par principes, Paris, 1705. Jean-Claude Sommier publia une Histoire dogmatique de la re­ sur la cène du Seigneur, Besançon, 1767; des Lettres ά une dame sur le culte que les catholiques rendent d ligion, 6 in-4°, Champs, 1708; Paris, 1710. Le jésuite J.-C. dans l'eucharistie, 1770; Laforcst, Méthode d'in­ Michel Mourgues flt un Parallèle de la morale chrétienne struction pour ramener les prétendus réformés ά Γ Église avec celle des anciens philosophes, Toulouse, 1701 ; une Lettre apologétique pour justifier le sentiment des romaine, Lyon, 1783. 2. Avec les jansénistes. — Sur Fénelon, voir et. v, Pères de l'Église sur les oracles du paganisme, 1709; col. 2158-2162. Le Jésuite Lallemont multiplia les . le Plan tbiologique du pythagorisme ct des autres sectes écrits de controverse : Le P. Quesnel séditieux dans | savantes de la Grèce, 2 in-8®, Paris, 1712. Son confrère 691 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 692 philosophe chrétien, 1765, 1776; Floris, Les droits de la Jean Der publia La foy des chrétiens et des catholiques vraie religion soutenus contre les maximes de la nou­ /ustifiée contre les déistes, les fuifs, les mahométans, velle philosophie, 2 in-12, 1774; Biaise Monestier, les sodntens et les autres hérétiques, 4 in-12, Paris, 1714. L’Oiseleur écrivit : Traité sur l'homme, Paris, 1714; S. J., La vraie philosophie, Bruxelles, 1774; Benoit Propositions importantes sur la religion, Paris, 1715. Sinsart, Recueil de pensées diverses sur l'immatérialité Fénelon publia son Traité de l'existence et des attributs de l'âme, son Immortalité, sa liberté et sa distinction d'avec le corps, ou réfutation du matérialisme, Colmar, de Dieu, 1712, 1718. Voir L v, col. 2166. Charles1756; Défense du dogme catholique sur l'éternité des Claude Genest exposa les Principes de philosophie peines, Strasbourg, 1748; Essai sur l'accord de la )u preuves naturelles de Γexistence de Dieu et de Cim­ foi et de la raison touchant l'eucharistie, Cologne, mortalité de l'âme, Paris, 1716. Denyse démontra par 1748; H.-J.-B. Fabry de Montcault, Le pyrrhonlen ordre géométrique La vérité de la religion chrétienne, raisonnable ou méthode nouvelle proposée aux incré­ Paris, 1717. Sur Claude Bufllcr, voir t. il, col. 1168. dules, La Haye, 1761 ; L'antiquité justifiée (contre Le jésuite Dominique de Colonia publia : La religion d’Holbach), Paris, 1766; S.-H. de la Bolsslèrc, Traité chrétienne autorisée parle témoignage des anciens auteurs wens, 2 in-12, Lyon, 1718. Le poème Anti-Lucre­ des vrais miracles, 1763; Traité de l'esprit prophétique, Paris, 1767 ; De la vérité et des devoirs qu'elle nous im­ tius du cardinal de Polignac parut après la mort de l’auteur, 2 vol., Paris, 1745, et fut traduit en français pose, 1777; Paullan, Dictionnaire philosophico-thiolopar Bougainville, en 1749. Claude-François Houttevllle gique portatif, Noyon, 1770; Gin, De la religion du donna La religion prouvée par les /ails, 3 in-4°, Paris, vrai philosophe, 4 in-8°, 1779; M.-A. de Villiers, Di­ 1724, 1741; 4 in-12, 1749; Essai philosophique sur la gnité de la nature humaine considérée en vrai philo­ providence (contre Bayle), Paris, 1728. Voir L I, sophe et en chrétien, Paris, 1778; J.-B. Gérardln, col. 1518-1519. Sur Battus, voir t. n, col. 137. Son con­ L'incrédule désabusé par la considération de l'univers, frère Jacques le Febvre publia : Bayle en petit ou 2 ln-12, Épinal, 1766; Camuset, Pensées antiphilo­ anatomie de ses ouvrages. Douai, 1737; Entretiens sophiques, Paris, 1770 (contre Diderot); Principes sur la raison, 1747 ; La seule religion véritable démontrée contre l'incrédulité, Paris, 1771; De l'architecture des contre les athées, les déistes et tous les sectaires, 1744. corps humains ou le matérialisme réfuté par les sens, Louis-Philippe Joly suivit la même vole : Remarques 1772; Pensées sur le théisme, 1785; Fangousse, La sur le Dictionnaire de Bayle, Paris, 1748. Raoul du religion prouvée aux incrédules, Paris, 1780; L'incré­ Tertre, jésuite, écrivit des Entretiens sur la religion, dule convaincu, Paris, 1782; L. de Maraball, Le catho­ 3 in-12, Paris, 1743; scs confrères, Jean-François lique par raison, Paris, 1791; Muyard de Vouglans, Dclamare : La loi justifiée de tout reproche de contra­ Motifs de ma foi en Jésus-Christ, Paris, 1776; Preuves diction avec la raison, Paris, 1769; Yves Valois : de l'authenticité de nos Évangiles, Paris, 1785; Fon­ Entretiens sur les vérités fondamentales de la religion, taine, Réfutation de la nécessité du fatalisme, 2 in-8®, La Rochelle, 1717; Entretiens sur les vérités pratiques Annecy, 1783; Le véritable système sur le mécanisme de de la religion, 2 in-4°, ibid,, 1748; Lettre d'un père d son l'univers, 2 in-8°, Annecy, 1785; Saint-Martin, Prin­ fils sur Γincrédulité, Paris, 1756; Avis sur l'incrédulité cipes de la religion naturelle et de la foi chrétienne, 2 lnmoderne, 1766; Avis charitable à ceux qui ont te malheur 12, Paris, 1784; Étienne Bréniont, De la raison dans de vivre dans l'incrédulité, 1767. Charles-Louis du l'homme. 6 in-12, Paris, 1785-1787; J. Pcy. Le phi­ Gard fit un traité De existentia Dci, spiritualitate et losophe catéchiste, 1779; La vérité de la religion chré­ immortalitate aninue, Paris, 1754. Ballcur, O. M., tienne prouvée à un déiste. 2 ln-12, 1770; Λα loi de la laissa : La religion révélée défendue contre les ennemis nature développée et perfectionnée par la loi évangé­ qui t'ont attaquée, 4 in-12, Paris, 1757. Daniel Le Mas­ lique, Montauban et Paris, 1789; philosophe chré­ son de Granges publia : l ouvrages spécialement consacrés à la morale. t if, col. 428. Ajoutons quelques noms d’auteurs Joseph Mayol, O. P., produisit une Summa moralis moins connus : René-François du Briel de Pontbriand, dodrirur thomisticoe. ln-4®, Avignon. 1704. Jacques L'tncrédule détrompé et le chrétien affermi dans la Bczninbes composa une Theologia moralis Christiana, fol par les preuves de la religion exposées d'une ma­ j 8 ln-8°, Toulouse, 1709-1711. Voir t. n, col. 812. Le nière sensible, Paris, 1752; Nicolas-Char les-Joseph chartreux Étienne Lochon publia un Traité du secret de Trublet, Pensées choisies sur l'incrédulité, 4 In-12, la confession, Paris, 1708. Le bénédictin Norbert Amsterdam, 1755; Th.-J. Pichon, La raison triom­ Jomnrt donna un Avis important touchant la conscience phante des nouveautés. Parts, 1756; Traité historique erronée, 1712. Jean Bolllot, O. M., écrivit des Lettres sur le secret de la confession, Cologne (Dijon), 1703; et critique de la nature de Dieu, Paris, 1758; Argu­ La vraye pénitence, ses motifs et ses conditions, Dijon, ments de la raison en faveur de la religion du sacerdoce 1712. Pierre le Coq, cudlste, édita : Dissertation Ihèolo­ (contre Helvétius), Londres, 1776; Claude-Marie gique sur l'usure du prêt de commerce et sur les trois Guyon, Oracle des nouveaux philosophes (Voltaire), contrats, Rouen, 1767; Lettres sur quelques points 2 ln-8·, Rome, 1759, 1700; Bibliothèque ecclésiastique de la discipline ecclésiastique, Caen, 1769. Pierre-Joseph par forme d'instructions dogmatiques et morales sur Dufour, O. P., dans son Exposition des droits des soula religion, 8 in-12, Paris, 1771, 1772; Slgorgnc, Le 693 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACREES vera ins sur les empêchements dirimants de mariage et six leurs dispenses, Paris, 1787, distingue formelle­ ment le contrat de mariage du sacrement. J.-B. Hose avait composé un Traité élémentaire de morale, 2 in-12, 1767, qu’il développa ensuite : Morale évangélique com­ parée à celle des sectes et des philosophes, 2 in-12, Besan­ çon, 1772. Charles Chassants traita le même sujet: Essai historique cl critique sur Γinsuffisance el la vanité de la morale des anciens comparée à la morale chré­ tienne, Paris, 1783; La morale universelle tirée des Livres sacrés, Paris, 1791. Le jésuite Rossignol publia un traité De l'usure, Turin, 1787. 5e Écriture sainte. — Le canne Chérubin de SaintJoseph a publié une Bibliotheca criticæ sacræ circa omnes fere sacrorum librorum difficultates, 4 in-fol.r Louvain, 1704; Bruxelles, 1705, 1706; Summa erilicæ sacræ in qua scholastica methodo exponuntur uni­ versa Scripturæ sacræ prolegomena, 9 in-8®, Bordeaux, 1709-1716. Un de scs confrères, J.-H. Brunet, avait fait une Manuductio ad S. Scripturam, 2 in-12, Paris, 1701. L’augustin Léon avait écrit une Clavis S. Scri­ pturæ, Paris, 1705, et Martin Humbelot avait donné 55. Bibliorum notio generalis scu compendium bibllcum, Paris, 1700. Charles Iluré a publié : Dictionnaire universel de la Bible, 2 in-fol., Helms, 1715; Gram­ maire sacrée, Paris, 1707; Jacques Félibicn, Pentateuchns historicus (Josué, Juges, Ruth, I et II Reg·), Paris, 1704. Bernard de Picqulgny a édité sa Triplex expositio epistolarum D. Pauli, in-fol., Paris, 1703, dont il fit une traduction française en 1706. Dom Calmet a fait un Commentaire littéral sur tous les livres de ΓAncien et du Nouveau Testament, 23 in-4°, Paris, 1707-1716;2· édit., 25 in-4·, Paris, 1714-1720; 3· édit., 9 in-fol., Paris, 1724-1726; Histoire de ΓAncien et du Nouveau Testament et des Juifs, 2 in-4·, Paris. 1718; Histoire de la vie et des miracles de Jésus-Christ, Paris, 1720; Nancy, 1728; Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, 2 in-fol., Paris, 1719, avec un Supplément, 2 in-fol., Paris, 1728; 2' édit., 4 in-fol., Paris, 1730; Disserta­ tions qui peuvent servir de prolégomènes sur ΓÉcriture sainte, 3 in-4 °, Paris, 1720; Nouvelles dissertations importantes et curieuses, etc., Paris, 1720. L'oratorien Louis de Carrières a fait aussi un Commentaire litté­ ral, inséré dans la traduction française de la Bible, 22 ln-12, Paris et Reims, 1701-1716; réédité par l'abbé de Vcncc, Nancy, 1738-1741, d'où les éditions posté­ rieures ont pris le nom de Bible de Vcncc. L'abbé de Vcnce avait composé lui-même une Analyse et des dissertations sur ΓAncien Testament, 6 in-12, Nancy, 1741-17 13, et une Explication des Psaumes, 2 vol., Nancy, 1718. Laurent Daniel avait donné une Ana­ lyse des Proverbes et de I Lcdéstaste, Paris, 1702; de Job, Lyon, 1710; Minard une Paraphrase sur le livre de ΓEcclésiastique, Paris, 1710; Corbière, Les psaumes et lis cantiques paraphrasés sur l'hébreu avec des réflexions, 2 in-12, Paris, 1712. Louis Roger avait écrit : Dissert. 1 / erttico-theologicæ (sur I Joa., v, 7, et h., vu, 14), Paris, 1713. Nicolas Toynard fit une Euangeliorum harmonia græco-lalina, Paris, 1707, 1709. Jacques Lelong édita sa Bibliothèque sacrée, 2 in-8®, Paris, 1709; 2 in-foL, Paris. 1723. Le P. Souclet fit un Recueil de dissertations critiques, Paris, 1712. Le P. Lnllcmant publia scs Réflexions morales avec des notes sur le Nouveau Testament, 12 in-12, Paris, 17131725. Le P. Berruyer s’est rendu célèbre par son His­ toire du peuple de Dieu, 8 in-4®, Paris, 1728. Le P. Neu­ ville annota l e livre de Tobie, Paris, 1723, cl Le livre de Judith, 1 uri . 1728. J. Martin proposa des Expli­ cations de plusieurs textes de ΓÉcriture, 2 in-4®, Paris, 1730. Le P. ilardouin a paraphrasé l'Eccléslaste (1729), le livre de Job (1729) et a publié un Commen­ tarius tn Novum Testamentum, in-fol., Amsterdam, 694 1741. Pierre Guarin fit une Grammaire hébraïque et chaldalque, 2 in-4®, Paris, 1724, et un Lexicon hcbralcnm et chaldæo-blblicum, 2 in-4·, Paris, 1746. Lesquevln proposa un Système tiré de ΓÉcriture sainte sur la durée du monde, Paris 1733. Claude Hennequln, édita une Biblia sacra annotée, 2 in-fol., 1731 ; Toumemlne, les commentaires de Ménochius, qu'il enrichit de sa­ vantes dissertations, 2 In-fol., Paris, 1719, L'abbé Duguet, dont les travaux bibliques sont énumérés L iv, col. 1858, par ses Règles pour l'intelllgcnce de l'Écriture sainte, Paris, 1716, fournit occasion à la question du figurisme. Voir t. v, col. 22942304, et P. Féret, La [acuité de théologie de Parts, Paris, 1909, t. x, p. 46. Duguet eut pour collaborateur l'abbé d’Asfcld, qui ajouta quelques ouvrages, notam­ ment VExplication des livres des Rots et des Paralipomènes, 3 ln-12. Dom Sabatier recueillit et édita les anciennes versions latines de la Bible : Bibitorum sacrorum versiones antiquæ seu vetus Itala, 3 ln-foL, Reims, 1743-1749. Foinard composa : La clef des Psaumes, Paris, 1741 ; Les Psaumes dans l'ordre histo­ rique, Paris, 1742; Bellenger : Liber psalmorum, Paris, 1727, et Pluche : Harmonie des Psaumes et de VÉvan­ gile, Paris, 1765. Guillaume de Villcfroy écrivit seize Lettres à ses élèves pour servir d'introduction à l'intelli­ gence des saintes Écritures, 2 in-12, Paris, 1751-1754. J.-B. Lad vocat soutint dans une Lettre, Caen, 1766, que le texte hébreu n'était pas partout sain et sauf. Dom Poncet fournit de Nouveaux éclaircissements sur l'origine du Pentateuque des Samaritains, Paris, 1760. L'abbé Clémence démontra contre Voltaire L*authenticité des livres tant du N. que de ΓΑ. T., 1782; Défense des livres saints de ΓΑ. T., 1768; Charactères du Messie vérifiés en Jésus-Christ de Nazareth, 2 in-8·, Paris, 1776. Le P. Houblgant donna l'édition corrigée delà Biblia hebraica, 4 in-fol., Paris, 1754. Contant la Molette expliqua la Genèse (3 ln-12, 1777), Γ Exode (3 in-12, 1780), le Lévilique (2 in-12, 1785), les Psaumes (4 ln-12. 1781), fit un Essai sur V Écriture sainte, 1775; une Nouvelle méthode pour entrer dans le vrai sens de C Écriture sainte, 2 in-12, 1777. L’oratoricn Bcrticr écrivit l’Histoire des premiers temps du monde, prouvée par l'accord de la physique avec la Genèse, Paris, 1778, 1784. Le capucin Louis de Folx publia : Principes discutés pour faciliter l'intelligence des livres prophétiques et spécialement des Psaumes, 16 in-12, Paris, 1755-1764; une traduction latine et française des Psaumes sur l’hébreu, 1762; Essai sur le livre de Job, 2 in-12, Paris, 1768; L’Ecelés iaste de Salomon, 1771; Les prophéties d'Habacuc, 2 in-12, 1775; Les prophéties de Jérémie, G in-12. 1780; Les prophéties de Baruch, 1788. Bauducr traduisit et com­ menta les Psaumes, 2 in-12, Paris, 1785, et l'Ecclésiaste. Dom Ansart fit : Expositio in Canticum canticorum Salomonis, Paris, 1771. Alexandre Clément de Roissy publia : Abrégé et concorde des livres de la Sagesse, Paris, 1767; Manuel des saintes Écritures, 3 in-12, 1789. Le P. de Llgny composa : Histoire de la vie de N.-5. Jésus-Christ, 3 in-8®, Avignon, 1774 ; Histoire des Actes des apôtres, Paris, 1821. Sur Duvolsln, voir t. iv, col. 1975. Le capucin Joly écrivit dix· sept Lettres sur divers sujets importants de la géogra­ phie sacrée et de Γhistoire sainte, Paris, 1774, qui aug­ mentées formèrent : La géographie sacrée, 1784; il pu­ blia un Atlas sur la géographie sacrée et sur Γhistoire sainte, avec de nouvelles lettres, 1786, 1801. 6· Patrologie. — Sur les travaux des bénédictins, voir t. n, col 623-624. Mangeant, qui avait édité Fulgcnce de Ruspe.cn 1684, édita saint Prosper en 1711· Michel Le Qulcn fit l'édition de saint Jean Damas­ cene, 2 in-fol., Paris, 1712, et Denys de Sainte-Marthe celle de saint Grégoire le Grand, 4 in-fol., Paris, 1705. Nicolas G er valse écrivit 1’Histoire de Boèce avec l'ajla­ 695 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES lyse de tous ses ouvrages. des notes d dissertations historiques et théologiques, 2 in-12, Paris, 1715. Pierre Joseph de Tricalct publia une Bibliothèque portative des Pères de V Église, 9 in-8% Paris, 1758-1762. L'abbé Gou)ct continua la Bibliothèque des écrivains ecclé­ siastiques de Dupin, 3 in-8% Paris, 1736, 1737. 7· Histoire. — Rappelons seulement aussi les /?éflexions sur les règles ct sur l'usage de la critique du carme Honoré dc Sainte-Marie, VHistoire ecclé­ siastique dc Fleury, voir col. 23-24, les travaux dc Noël Alexandre, voir t. t, col. 770-771; VHistoire de CÉglise de Timoléon dc Cholsy, 11 in-l°, Paris, 17031721, le Gallia Christiana, commencé par Dcnys dc Sainte-Marthe, 13 in-fol., Paris, 1715-1785, VHistoire de ΓÉglise gallicane du jésuite Longucval, 18 ln-4°> Paris, 1730-1749, VHistoire littéraire de la France. commencée par dom Brinl et continuée dc nos jours encore, le Recueil des historiens de la Gaule et de ta Prance de dom Bouquet, ΓΑΗ de vérifier les dates dc dom Clémencct, enfin VHistoire de l'Église dc Bérault-Bcrcastel. Ces ouvrages de mérite différent honorent lo xvni· siècle. VI. Au xix· et au xx· siècle. — Le xix· siècle â ses débuts ne put être en France qu'une restau­ ration de la religion ct dc l'Église, presque détruites par la Révolution. L’enseignement élémentaire des sciences ecclésiastiques fut repris dans les séminaires qui se rouvrirent, mais il tendait à former des prêtres dc paroisse plutôt que des savants dc profession. Les ordres religieux ne rentrèrent chez nous que vers la seconde moitié du siècle. L'État finit bien par rétablir des facultés de théologie Λ Paris, Λ Aix, â Bordeaux, à Lyon ct à Rouen, mais parce qu’elles ne reçurent pas du souverain pontife l'institution canonique, ccs fa­ cultés ne recrutèrent pas beaucoup d'élèves et n'exer­ cèrent qu'une influence restreinte sur le rehaussement des études. La décadence théologique, constatée au xvni· siècle en France, s’accentua durant la première moitié du xix·. Il y eut bien, sous l’influence dc l’école menaislenne d'abord ct plus tard encore, quel­ que réveil d’activité. Il fallut attendre la liberté de l’enseignement supérieur, accordée aux catholiques en 1875, cl l’institution des universités ou instituts catholiques à Paris, à Angers, à Lille, à Lyon, Λ Tou­ louse et un instant à Poitiers, pour produire une réno­ vation réelle ct efficace de l’enseignement théologique. Sous l’influence des nouvelles facultés dc théologie, toutes les branches dc la science ecclésiastique ont été rajeunies, fortifiées ct développées ct clics ont porté déjà dc nombreux fruits, gages dc prochaines récoltes plus abondantes encore, une fols qu'auront été vaincues les difficultés créées au recrutement et à la vitalité du clergé par la loi de séparation. Nous allons constater cette heureuse résurrection, succédant à une trop longue décadence. 1· Dogmatique. — Au sortir de la Révolution fran­ çaise, le lazariste Brunet produisait des Elementa theologiir, 5 ln-4·, Rome, 1801-1801. Voir t. il, coL 1147. Dans la plupart des séminaires reconstitués on enseignait le manuel dc Bailly, ibid., col. 37, ou les Institutiones thcologtcæ de Toulouse, rééditées par Vieusse, 6 in-12, Toulouse, 1826-1827. En 1818, on réimprimait à Rouen les Prælcctioncs de Boston et de Tuvache. Claude Madeleine dc la Myre éditait set Protectiones theologiae, in-12, Le Mans, 1820. J.-B. Bouvier donna des Institutiones theologica. 8 in-12. Le Mans, 1834, qui, après la condamnation dc B?Uly, furent adoptées dans la plupart des sémi­ naires français. Voir t. n, col. 1117-1119. L'abbé Gousset, qui avait réédité les Conférences d'Angers, 26 vol.. Besançon, 1823; 16 In-8", Paris, 1829, ct qui avait annot le Dictionnaire de Bergier, 8 ln-8°, Besan­ çon, RM8, publia en français une courte Théologie Ml dogmatique, 2 in-8% Paris, 1848. L’abbé Mignc avait réédité de nombreux traités anciens dans son Cursus completus theologia. 28 in-4·, Paris, 1840-1815. L'abbé Martinet publiait ses Institutiones (hcologiru, 8 in-8·, 1859. Lcquette rééditait la Somme dc Billunrt, 8 in-4·, Arras, 1865-1872, ct un peu plus tard aussi l’abbé Écallc, 6 in-16, Paris, 1884-1890. F. Lebretho», qui avait publié une Petite Somme thêologique de S. Thomas d'Aquin, 1861-1863, avec des notes, 4 in-8·, 1866-1867,donna une Theologia seminariorum, 5 ln-32, 1873. Fraignlcr édita deux fascicules De locis theolo­ gicis. Paris, 1854, 1856 ct De expositione theologica, ibid.. 1856. Les sulpicicns, qui tenaient beau­ coup de séminaires, firent plusieurs manuels. Vincent, qui avait composé un De vera religione, Paris, 1858, et un De vera Ecclesia, Paris, 1862, présenta un Compen­ dium universœ theologia, 6 vol., Paris ct Lyon, 1867, 1869. Thibaut en donna une 2· édition corrigée en 1875; 3· édit., 1882-1883; la 4· édition, de 1886, fut connue sous le nom de Théologie dc Clermont. Voir U v, col. 2181-2183. Renaudct édita scs Theologia dogma­ tica elementa, 2 in-12, Paris, 1866. Bonal retoucha ct publia sous son nom la Théologie de Toulouse. Tissonnicr écrivit un bon Theologia dogmatica compendium, 4 vol., Nîmes, 1873. Mgr Dubillard a publié scs Ργλlectiones dogmatica, 4 in-8°, Paris, 188-1. Mgr Nègre a édité un Cursus theologia dogmatica, 4 in-8°, Mendo, 1896. Ccs manuels, qui ont été suivis dans les éminalrcs, sont maintenant remplacés par celui dc M. Ad. Tan· querey, Synopsis theologia dogmatica fundamentalis, 2 vol., specialis, 2 vol., moralis et pastoralis. 3 vol. (13 éditions). Le Dictionnaire dcBcrgicr avait été revu successivement par les abbés Doncy, Pierrot ct Lenoir. La Science sacrée de Bcrseaux, 10 ln-12, Nancy, 18641865, est un traité complet dc théologie dogmatique. Voir t. π, col. 793. F. Pcrriot, do Langrcs, a publié aussi des Pralecliones theologica, 7 in-8°, 1876-1886. Léon Gaillot a résumé La théologie dogmatique ct morale : Catechismus ad clericos juniores theologicus, 12 fasc. ln-12, Paris, 1906-1908. Le P. Jules Souben a composé une Nouvelle théologie dogmatique, 9 fasc. ln-8°, Paris, 1903-1906; le P. Pègucs, O. P., public un Commentaire français littéral de la Somme théolo­ gique de saint Thomas, 7 ln-8°, Toulouse, 1906-1912. On a réédité les Theologia dogmatica elementa du P. Prevel (de Picpus), 3· édit., 2 in-8°, Paris, 1912. A côté de ccs ouvrages élémentaires, comprenant presque tous lu théologie dogmatique et morale, Il faut signaler quelques traités particuliers. L’abbé Gridel fit imprimer un 1er vol. d*Elementa theologia, traitant De divinitate religionis et de vera Christi Eccle· sia, Paris, 1843, dont il détruisit presque tous les exemplaires. MgrGinoulhinc écrivitVHistoire du dogme catholique pendant les trois premiers siècles de l'Église. 2 ln-8o, Paris, 1852; 3 in-8% Paris, 1862. Le P. Hilaire de Paris, capucin, avait commencé une Theologia uni­ versalis, dont il ne parut que 2 in-8°, Lyon, 1870. Le sulplcicn Brugère donna deux traités : De vera reli­ gione. Paris, 1873; De Ecclesia Christi, Paris, 1873. Voir t. n, col. 1144. Les mêmes traités furent rédigés par A. Lcbouchcr : Dc Ecclesia Christi, ln-12, Paris, 1877; De vera religione, 1880. Jules Dldlot avait entre­ pris en français ct sur un plan nouveau un Cours de théologie catholique. Dans la partie dogmatique, il n’a paru que la Logique surnaturelle objective, Lille, 1891; la Logique surnaturelle subjective, Lille, 1892. Nous pouvons revendiquer pour la France les beaux traités que le P. Billot a professés au Collège romain: De inspiratione same Scriptura, Rome, 1903; De sacra traditione contra nonam haresim evolutionismt, Rome, 1904; De Ecclesm Christi, 2· édit,, Rome, 1903; De Deo uno el tnno, Rome, 1902; De Verbo incarnato, 3· édit., Rome, 1900; De Ecclesia: sacramentis,2 vol.’ 697 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 698 Sur l'incarnation nous devons à Mgr Landrlot Rome. 1900, 1901; Dc virtutibus infusis. Home, 1901; Le Christ de la tradition, 2 ln-12, Aut un, 1865. Le Disquisitio de natura et ratione peccati personalis, P. Corne, oblat, n écrit : Le mystère de Notre-Seigneur 3· édit.. Rome, 1900; Quæst(ones de novissimis, Jésus-Christ,b bi-8·,Paris, 1892-1896.Minjard a publié 2* édit., Rome, 1903. Les études sur des question* particulières dc théo­ scs études doctrinales et apologétiques sur Jésus-Christ» le Verbe incarné, sous le titre : L'Homme-Dieu, 4 in-8®, logie ont été assez nombreuses. Sur les traités préli­ Paris, 1900. Le il® voL des leçons de théologie de minaires de la théologie, J. V. Bainvel, De Scriptura sacra, Paris, 1910; De magisterio vivo et traditione, M. Labauche traite de Dieu, de la sainte Trinité, du Paris, 1905; Λ. Gardell, La notion du lieu théologique, Verbe incarné ct du Christ rédempteur, Paris, 1910, Paris, 1908; Le donné révélé ct la théologie, Paris, 1910; Le P. Villard a étudié L'incarnation d'après saint Λ. dc la Barre, La vie du dogme. Par!*» 1898; V. ErThomas, Paris, 1908. Le P. Terrien avait composé : monl, La primauté de l'évêque de Rome dans les trois S. Thomæ Aquinatis O. P. doctrina sincera de unione premiers siècles, Paris, 1903; Th. Calmes, Qu'est-ce hypostatica Verbi Dei humanitate amplissima declara­ que ΓÉcriture sainte? Paris, 1899. Au sujet du pape, dc tio, Paris (1894). Lc P. Schwalm a étudié : Le Christ son infaillibilité et dc son pouvoir temporel, parurent d'après saint Thomas d'Aquin, Paris, 1910. Cou­ différents écrits, dont quelques-uns sont dc carac­ get a prouvé 1m divinité de Jésus-Christ d’après tère polémique, à l’occasion du concile du Vatican. la catéchèse apostolique ct l’enseignement de Paul, Mgr Muret ayant publié : Du concile général et de la 2 ln-12, Paris, 1906. Guitlon avait écrit : L'homme paix religieuse, 2 vol., Paris, 1869, dom Guéranger relevé de sa chute ou essai sur le pêché originel et les lui répliqua : De la monarchie pontificale, Paris, 1870, fruits de la rédemption, 2 in-8®, 1854. L’abbé Rivière ct Mgr Marct défendit son ouvrage dans Le pape et R traité au point de vue historique : Le dogme de les évêques, Paris, 1870. Il fut attaqué par Constant. la rédemption, Paris, 1905. J. Grimai a étudié : L'infaillibilité du pape et le dernier des gallicans, Le sacerdoce et le sacrifice de Notre-Seigneur JésusLyon, 1870, qui avait déjà écrit : L'histoire et l'infailli­ Christ, Paris, 1908. Le P. Terrien s'est occupé de bilité des papes, 2 in-8°, Lyon, 1859. Le P. MontrouLa dévotion au Sacré-Cœur, Paris, 1893, ainsi que zicr publia Le catéchisme dc Γ infaillibilité du pape, M. Bainvel, Paris, 1906, et Barutcil a pris pour thèse : Arras, 1870. Mgr dc la Tour d’Auvergne édita : Genesis cultus sacrat iss. Cordis Jesu. Paris, s. d. (1903). La tradition catholique sur l'in/aillibilité pontificale, Le P. F. Anizan s’est posé la question : Qu'est-ce donc 2 in-8°, Paris, 1873-1877. Dom Gréa traita Dc l'Église ’ que le Sacré-Cœur ? 1911. et de sa divine constitution, Paris, 1885; Mgr H. Sauvé Sur la grâce, Rohrbachcr a publié : De la grâce cl écrivit : Le pape et le concile du Vatican, Laval, 1890. de la nature, Besançon, 1838; son collègue, l’abbé Gri­ Mgr Hugonin donna à Bay eux des Études philoso­ del, L'ordre surnaturel et divin, Nancy, 1847; La déifi­ phiques sur la première constitution dogmatique du cation de l'homme, 2 vol., Lyon, 1861; l’abbé Cros, Vatican, Laval, 1890. L’abbé Vacant, qui avait Études sur l'ordre naturel et sur Γordre surnaturel, 1861 ; fait ses thèses dc licence ct dc doctorat : De certitu­ le P. Matignon, Question du surnaturel, 1861, 1863; dine judicii quo assentitur existentiir revelationis, l’abbé de Broglie, Conférences sur la vie surnaturelle, Nancy, 1878; De naturali cognitione Dei, Nancy ct 3 vol., Paris, 1878-1883; le P. Terrien, La grâce et la Paris, 1879, ct qui avait publié : Le magistère ordi­ gloire. 2 in-12, Paris, 1897; A. Gaillard, Études sur naire de l'Église et scs organes, Paris, 1887, a fait pa­ l'histoire de la doctrine de la grâce depuis S. Augustin, raître ses Études théologiques sur les constitutions du Paris, 1897 ; Bellamy, La vie surnaturelle, Paris, 1891, concile du Vatican (la constitution Dei Filius seule), 1896; J. V. Bainvel, Nature cl surnaturel, Paris, 1903; 2 in-8®, Paris, 1895. Le P. Dublanchy a fait sa thèse B. Frogcl.De l'habitation du Saint-Esprit dans les âmes dc doctorat sur l'axiome : Extra Ecclesiam nulla salus, justes, Paris, 1898, 1900; L. Hubert, Theses de gratia Bar-ie-Duc, 1895. Mgr Batiffol a étudié L'Église nais­ sanctificante, Paris, 1902; H. Ligcanl, La théologie sco­ sante cl le catholicisme, Paris, 1909. J. Tunnel a écrit : lastique et la transcendance du surnaturel, Paris, 1908. L'histoire du dogme de la papauté des origines d la fin M. Mérit a étudié : La foi, sa nature, ses principaux du /v· siècle,Paris, 1908 (à Γ Index). M.Bainvel a fait une caractères et sa nécessité. Tours, 1880; l’abbé Mérlc» courte étude : « Hors dc Γ Église, pas de salut. » Dogme 1m chute originelle et la responsabilité humaine, Paris, et théohgie, Paris. 1913, M. Quillict a pris pour thèse: 1885; X. Le Bachelet, Le péché originel dans Adam Dc civilis potestatis origine theoria catholica. Lille, 1893. ct dans ses descendants, Parts. 1900; S. Clianvillard, Lc péché originel. Paris, 1910; L. Labauclic, Leçons Sur Dieu ct la Trinité, nous avons : L'idée de Dieu de théologie, L'homme, Paris, 1908; F. Mallet. Qu'est-ce dans l'Ancien Testament, Paris, 1890, de l'abbé dc que ta foi? Paris, 1907; P. Charles (pseudonyme). Broglie; Éludes dc théologie positive sur la sainte La foi. Parts, 1909; V. Errnonl. Histoire du credo. Trinité du P. dc Régnon, 1 in-8®, Paris, 1892-1898; Le symbole des apôtres, Paris, 1903; J. V. Bainvel, La Les origines du dogme de la l'rinité, par J. Lcbrcton, Paris, 1910; H. Couget, La sainte Trinité ct les doc­ fol et l'acle de foi, Paris, 1909; Gayraud, La foi devant la raison, Paris, 1907. trines antitrinilaircs, 2 in-12, Paris, 1905; C. QuléSur la sainte Vierge, nous pouvons citer les ouvrages vreux, 1m Trinité ct ta vie éternelle, Paris, 1907. Le P. Ilugon, O. P., a exposé Le mystère de la très sainte suivants : P. Terrien, La mère de Dieu, 2 ln-8°, Pa­ Trinité, Paris, 1912. Mgr Gau me avait publié son ris, 1894-1900; Marie, mère des hommes, 2 in-8°, Pa­ ris, 1899-1902; P. Ilugon, La mère de la divine grâce, Traité du Saint-Esprit, 2 in-8®, 1864. Le P. Pcsnelic a écrit : Le dogme de ta créai ion ct la science contem­ Paris, 1901; R. dc la Broise, La sainte Vierge, Paris, poraine, Paris, 1891. Le P. dc Régnon avait publié : 1904 ;Dubosc dc Pcsquidoux, L'immaculée conception. Dallés ct Molina, Paris, 1883; Rannésianisme et mo­ Histoire d'un dogme. 2 in-8®, Paris, 1898; X. Le Ba­ linisme, 1890. Le P. Gayraud lui opposa : Providence chelet, L'immaculée conception. 2 in-12, Paris, 1903; et libre arbitre selon saint Thomas, Toulouse, 1890, dom Renaudin, L'assomptiun dc la suinte Vierge, Pa­ 1892; mais quand il eut quitté l’ordre dc Saint-Domi­ ris. 1907; Dc la définition dogmatique de i'assomptlon, nique, il modifia son sentiment ; Saint Thomas et te Angers, 1900; A. Lcmann, La Vierge et l'Emmanuel, prèdéicrminisme, Paris, 1895. Lcssertcur, S. Thomas Paris, Lyon, 1901; P. Bourgeois, La Vierge Marie, cl le thomisme, Paris, 1883, soutint que le docteur mystères dc sa predestination et dc sa vie, Paris, 1908; angélique n’cnscignait pas la prédestination ante E. Ncubcrt. Marie dans Γ Église anténicéeruie, Paris, pnrvisu nwrila. J. Siméon a traité de La prescience 1908; A. luugent, La maternité adoptive de la très sainte Vierge, Paris» 1909. divine cl de ta liberté humaine, Paris, 1909. 699 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 700 Sur les sacrements, abbé de Bellevue, La grâce la doctrine catholique, Paris, 1836; Cl.-M. Magnln, sacramentelle, ou effet propre des divers sacrements, La papauté considérée dans son origine, dans son déve­ Paris, 1899; P. Pourrai, La théologie sacramenloppement au moyen âge et dans son étal actuel avec taire, Paris, 1907; Corblct, Histoire dogmatique, le protestantisme (contre Merle d’Aubigné et Bost), liturgique et archéologique du sacrement de baptême, Paris, 1841; Histoire de l'établissement de la Réforme 2 ln-8·, Paris, 1881-1882; Didiot, Morts sans à Genève, 1844; Mgr Doney, Les ministres de la ré­ baptême, Lille, 1896; V. Ermoni, Le baptême dans forme peuvent-ils en conscience promettre l'espérance Γ Église primitive, Paris, 1904; E. Vacandard, La péni­ certaine du salut par J.-C. aux peuples de leur commu­ tence publique dans Γ Église primitive, Paris, 1903; nion? 1852; P. Gautrclet, La divinité de Γ Église catho­ La confession sacramentelle dans Γ Église primitive, lique démontrée et vengée contre les principales objec­ Paris, 1903; Mgr Battifol, Les origines de la pénitence, tions du protestantisme, Clermont, 1854; G. Romain dans Études d'histoire et de théologie positive, lr· série, (G. Kcszler), La question protestante jugée par le bon Paris, 1902; P. Pcllé, Le tribunal de la pénitence devant sens, la Bible et les faits, Paris, 1875; et contre les la théologie et Γ histoire, Paris, 1903; Mgr Gcrbct, schismatiques : A. Tilloy, Les schismatiques démasqués Considérations sur le dogme générateur de la piété catho­ par l'exposition raisonnée de la doctrine catholique lique, Paris, 1829; Aubert, Traité de la présence réelle sur les projets du schisme, Paris, 1861 ; Essai de concilia­ de Jésus-Christ dans Γeucharistie, Lyon, 1856; P. J. Ey­ tion entre l* Église latine et l'Église grecque non unie, mard, La divine eucharistie, 4 vol., Paris, 1872-1878; Paris, 1865; Les Églises orientales dissidentes et ΓÉglise Corblct, Histoire dogmatique, liturgique et archéolo­ romaine, Paris, 1890; Mgr Duchesne, Autonomies gique du sacrement de l'eucharistie, 2 in-8°, Paris, 1885ecclésiastiques, Églises séparées, Paris, 1896. 1886; Mgr Rossct, De sacramento eucharistia, Cham­ Tandis que la théologie proprement dite était béry, 1875; Constant, Le mystère de l'eucharistie, négligée au début du xix· siècle, l’apologétique fut Paris, 1897; le P. Bonaventure, L'eucharistie et le très cultivée et opéra un grand mouvement d’idées mystère du Christ d'après Γ Écriture et la tradition, Paris, . en faveur de la religion catholique pour lutter contre 1894; Breton, La messe, Paris, 1904; Constant, Le 1 l’incrédulité et l'indifférentisme, qui étaient le triste mystère de l'eucharistie, Paris, 1898; Mgr Bégulnot, héritage du siècle précédent. Elle tint la première La très sainte eucharistie des douze premiers siècles, plate dans les préoccupations du clergé français jus­ 2 vol., Paris, 1903; P. Batiffol, L'eucharistie, la pré­ qu’à nos jours. Son histoire ayant déjà été exposée sence réelle et la transsubstantiation, Paris, 1905; L. Laà l’art. Apologétique, nous n’avons qu'à y renvoyer, bauchc, Lettres à un étudiant sur la sainte eucharistie, t. i, col. 1553-1563, ainsi qu’aux ail. Ciiateaubiuand, Paris, 1912; J.-A. Chollet, La doctrine de Γeucharistie t. n, col. 2335-2338; Bon ald, col. 958-961 ; Bonnetty, chez les scolastiques, Paris, 1904; A. Vacant, Histoire col. 1019-1026; Bautain, col. 481-483. Depuis lors de la conception du sacrifice de la messe dans l'Église toutefois, on a discuté la notion meme de l’apologé­ latine, Paris, Lyon, 1894; Λ., Levatois, De essentia tique pour mieux en fixer les limites et lui imprimer sacrosancti missæ sacrificii, Rehns, 1901; L. Saltet, un caractère scientifique. Voir A. Gardeil, La crédibi­ Les réordinations. Élude sur le sacrement de l'ordre, lité et l'apologétique, Paris, 1908; 2· édit., 1912; art. Apologétique, dans le Dictionnaire apologétique Paris, 1907; V. Ermoni, Les origines de l'épiscopat, Paris, 1903; Mgr Rosset, De sacramento matrimonii, de la foi catholique, 1909, L n, col. 189-251. Voir Fon­ 6 in-8°, 1895-1896. ' damentale (Théologie}, coi. 515 sq. Sur l’apologé­ Sur les Ans dernières, Brinquant, La résurrection tique de Vaction, voir Immanence (Méthode d'). de la chair et les qualités du corps des élus, Paris, 1894; Nous ajouterons seulement quelques lignes pour si­ gnaler l’élan actuellement donné à l’apoklgétûjue sur L. Brémond, L'enfer devant la critique, Paris, 1897; La conception catholique de l'enfer, Paris, 1899; le terrain de l'iiistoirc des religions. Un double effort A. Lehaut, L'éternité des peines de l'enfer dans saint des catholiques français sur ce point est à noter. Le Augustin, Paris, 1912; C. Chauvin, Le purgatoire, premier a été l’œuvre de deux hommes, l’abbé de Paris, 1901; L. Capéran, Le problème du salut des Broglie et l’abbé Poisson, et il n’a pas entraîné l’opi­ infidèles, 2 in-8·, Paris, 1912; La.xenaire. L'aunion. L’abbé de Broglie a étudié le premier l’histoire delà ou la vie future d'après la foi et la science, des religions dans sa chaire d'apologétique à l’institut Paris, 1897; Thomas, La fin du monde d'après la loi catholique de Paris et il a publié le plan, puis le résumé et la science, Paris, 1898; C. de Kirwan, Comment de scs cours : Cours d'histoire des cultes non chrétiens. peut finir l'univers d'après la science et d'après la Paris, 1881 ; Problèmes et conclusions de l'histoire des Bible, Paris, 1899. religions, Paris, 1885; Monothéisme, hénothéisme, poly­ M. J. Tixeront nous a donné une Histoire des dogmes, théisme, 2 in-12, Paris, 1905. Voir t. il, col. 1134. 3 in-12, comprenant, le ltr, la théologie anténicéennc L'abbé L. Poisson, qui avait écrit VHistoire des reli­ (1905), le n·, allant de saint Athanase à saint Augus­ gions de T Extrême-Orient, Amiens, 1888, avait fondé, tin (1909),et le m·, la fin de l'àgc patristique (1912). en 1889, la Revue des religions, <|ui ne vécut que La Bibliothèque de théologie historique a déjà publié : huit années. Mgr Laouenan, évêque missionnaire, J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l'ori­ avait publié un ouvrage intitulé : Du brahmanisme et gine jusqu au concile de Trente, Paris, 1904; du concile de ses rapports avec le judaïsme et le christianisme, de Trente au concile de Vatican, Paris, 1906; J. Bella­ 2 in-8°, Pondichéry, 1884, 1887. Le second effort my, La théologie catholique au xix· siècle, Paris, 1904 ; des catholiques est plus vivace et n produit déjà A. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905; Lu plus de fruits. L'Orpheus de Salomon Roinncli a éveillé l’attention publique. La chaire d'apologétique a théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906; J. de la Scrviére, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908. Joi­ I été rétablie à l’institut catholique de Paris et gnons-y la thèse de G. Bardy, Dtdyme Γ Aveugle. Essai I elle est occupée pnr différents spécialistes, qui, pour la plupart, ont déjà publié leurs leçons. D’autres de théologie historique, Paris, 1910; J. Martin. Pètau, ouvrages ont paru encore, et enfin deux manuels Parts, 1910; Thomassin, Paris, 1911; Sertillangcs, différents ont été préparés simultanément. Des confé­ Saint Thomas d Aquin, 2 ln-8e, Paris, 1911; A. Hum­ rences faites à l'institut catholique de Paris ont déjà bert, Les origines de la théologie moderne, Paris, 1911. paru : Mgr A. Le Roy, ïxi religion des primitifs, Paris, 2· Apologétique. — U y eut. en France, peu de 1909; Lout* de la Vallée-Poussin. Bouddhisme. Opi­ polémique contre les protestants ou les jansénistes. nion sur l'histoire des dogmatiques bouddhiques, Paris, Nous citerons seulement en ce genre contre les protes­ tants : N. Jager, Le protestantisme aux prises avec I 1909; A. Roussel, La religion védique, Paris,* 1901* 701 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES Le bouddhisme primitif, Paris, 1911; Carra de Vaux, La doctrine de l'islam, Paris, 1900; Pii. Virev, La religion de l'ancienne Égypte, Paris, 1910. L'ana­ lyse de ces conférences et des autres, non encore édi­ tées, n été donnée dans le Bulletin de Γ Institut catho­ lique de Paris. D'autres livres étaient publiés encore sur le même sujet : P. Caron, Confucius, sa vie et sa doctrine, Paris, 1902; Ch. Godard, /x brahmanisme, Paris, 1900; Les croyances chinoises d japonaises, Paris, 1901; Le faktrisme, 1900; G. Doltln, La religion des Cdtes, 1903; Gondal, Mahomet d son oeuvre, 1900; L. Petit, fxs confréries musulmanes, 1899; G. Foucart, La méthode comparative dans Chistoire des religions, Paris, 1909; J. Gulhert, Les croyances religieuses d les sciences de la nature, Paris, 1908; Λ. Bros, Im reli­ gion des peuples non civilisés, Paris, s. d. (1908); La survivance de l'âme chez les peuples non civilisés, Paris, 1909; P. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, 2· édit., Paris, 1905; La religion des Perses, Paris, 1904; Dhorme, La religion assyro-babylonienne, Paris, 1910;V. Ermoni, La religion de l'Égypte ancienne. Paris, 1910; L. de la Vallée-Poussin, Notions sur les religions de l'Inde. Le brahmanisme, Paris, 1910; Le vèdisme,2 in12, Paris, 1909; O. Habert, La religion de la Grèce antique, Paris, s. d. (1910); M. Louis, Doctrines religieuses des philosophes grecs, Paris, s. d. (1910); A. Baudrillart, La religion romaine, Paris, 1905; J. Burel, Isis et les Isiaques sous l'empire romain, Paris, 1911 ; J. Bricout, L'histoire des religions d la fol chrétienne, Paris, 1910; P. Batiffol, Orpheus et {'Évangile, Paris, 1910; P. Lagrange, Quelques remarques sur ΓOrpheus, Paris, 1910; B. AllOj L'Évangile en face du syncrétisme païen, Paris, 1910; A. Valcnsin, Jésus-Christ d l'étude comparée des religions, Paris, 1912. Les deux manuels catholiques de l’histoire des religions sont : Où en est l'histoire des religions? 2 in-8°, Paris, 1911, sous la di­ rection de J. Bricout avec la collaboration de quatorze spécialistes; Christus, Paris, 1912, sous la direction de J. Huby avec la collaboration de quinze auteurs. 3° Morale d pastorale. — La morale enseignée et pra­ tiquée en France était la morale sévère que le jansé­ nisme avait implantée dans ce pays et qui fut peu à peu remplacée par la doctrine de saint Liguori et par le probabilisme. On attaqua le rigorisme d'abord sur la question du prêt Λ intérêt. Ét. Pagès fit une disserta­ tion Sur le prêt ά intérêt, Avignon, 1819. Le lazariste L. Flgon écrivit : L'encyclique de Benoit XIV Vix penenit expliquée par les tribunaux de Borne, Marseille, 1822. Sur Baronnat, voir t. n, col. 426-427. J.-B. Logeret publia un traité De justitia d jure ad normam ho­ dierni codicis civilis Gallia·, 2 vol., Paris, 1827. Gous­ set donna une Exposition de la doctrine sur le prêt ά Intérêt, Paris, 1824 ; /x code civil commenté dans ses rap­ ports avec la théologie morale, Paris, 1827. Un peu plus tard, il publia : Justification de la théologie morale du B. A.-M. de Liguori, 2· édit., Besançon, 1832. Enfin, Il composa lui-même une Théologie morale, 1844. Les nouveaux traités de théologie morale s'imprégnaient de plus en plus des principes de saint Alphonse : J.-B.-T. Vernier, Theologia prartica,2 ln-8®, Besançon, 1828; Neyraguct. Compendium theologi te moralis S. Alph. de Ligorio, Lyon, 1841; sur Bormann, voir L n, col. 746; J.-B. Gury, Compendium theologùr mo­ ralis, 2 in-18, Lyon et Paris, 1850; Laloux, De actibus humanis, 3 ln-12, Montpellier, 1862. V. Jaugey a donné les Pnvlediones theologiae moralis ad usum seminarii IJngoniensis, 4 in-8®, luingres, 1875-1877. Un rédemptoriste français, le P. Cl. Marc a publié : Institutiones morales alphonsiantr, 2 ln-8®, Rome. 1885. De sa Morale surnaturelle, J. Dldlot n'a traité que La morale fondamentale, Lille, 1896; Iai i^ertu de religion. 1899. Le traité De conscientia du P. R. Beaudoin a été édité après sa mort par le P. Gardeil, Tournai, 1911. 702 Tanquerey et Quévastre ont donné : Brevior synopsis theologiae moralis d pastoralis, Paris, 1912. J.-A. Chol­ let s’est posé la question : La morale est-elle une science? 1907, et M. de la Barre a exposé : La morale d'après saint Thomas d la théologie scolastique, Paris, 1911. Ixs doctrines gallicanes sur le contrat de mariage et sur le droit du pouvoir civil de porter des empê­ chements au mariage persévérèrent un certain temps encore au xix· siècle. L'ancien oratorlen Tabaraud exposa les Principes sur la distinction du contrat d du sacrement de mariage, sur le pouvoir d'établir des emj>èchements dirimants d d'en dispenser, Paris, 1803. L'évéque de Limoges condamna cet ouvrage et Taba­ raud opposa à cette censure : Droit de la puissance temporelle dans {'Église, 1818. M. Boyer, de SaintSulplce, écrivit contre Tabaraud : Examen du pouvoir législatif de Γ Église sur le mariage, Paris, 1817. Lesurre publia encore : De la juridiction de t'Église sur le con­ trat de mariage considéré comme matière du sacrement, Paris, 1824; Lyon, 1836. Le P. Martin fit un traité De matrimonio d potestate ipsum dirimendi Ecdesiar soli exclusive propria, 2 in-8®, Paris et Lyon, 1844. D’autres traités de morale furent édités, notamment ceux de M. Carrière, voir L n, col. 1805. Antoine Rey avait publié : De matrimonio, Lyon, 1828; De justitia et contradi bus, Lyon, 1829, et J .-J. Fraignier : De lege justitiae contradi bus, Paris. 1853. B. Philipp éla­ bora un Nsuveau dictionnaire de théologie morate, Paris, 1857, et donna des Confèrences théologiques dogmatiques d morales, 2 in-8®, 1867. On avait publié du lazariste Fabre : Théorie et pratique de la commu­ nion fréquente d quotidienne, 2 in-8®, Lyon, 1840. Jacques Valentin a donné : Examen raisonné ou déci­ sions théologiques sur les commandements de Dieu d de t'Église, sur les sacrements et tes péchés capitaux, 2 in-8®, Lyon, 1836; ... sur les devoirs d tes péchés de diverses professions, 2 in-8®, 1841; ... sur les devoirs d les péchés des prêtres, 2 in-8®, 1843; Le prêtre juge et médecin au tribunal de la pénitence, 3 ln-8®, Lyon, 1845. Mgr Gaumc avait composé le Manuel des con­ fesseurs, 1838. Diculin a écrit : Le bon curé au x/x® siè­ cle, Nancy, 1845; 2 in-8®, 1864. M. Bacuez a fuit une brochure : De Γintérêt d de l'usure, Paris, 1891. Ix P. Baudler a publié : La loi du divorce d la conscience chrétienne, Paris, 1885. Un professeur de théologie n disserté Du mensonge proprement dit et du droit à la vérité, Paris, 1903. Panni les nombreux ouvrages plus récents, signalons seulement la thèse de L. Cheval­ lier. De scientia regiminis animarum supernatiirahs, Nancy, 1888; Histoire des commandements de C Église, par A. Vlllien, Parts, 1909; La première communion. Histoire d discipline des origines au xx· siècle, par M. L. Andrieux, Parts, 1911. On pourrait citer ici les écrits dans lesquels les ca­ tholiques français ont traité des questions sociales, surtout depuis l'encyclique Rerum novarum. Qu’il suffise de rappeler la création des Semaines sociales, <|ul s'est répandue de France dims les principaux pays de Γ Europe. 4· Écriture sainte. — C’est Id que se fit sentir le plus longtemps notre Indigence. En dehors de l’ou­ vrage do luxe : Histoire sacrée de ΓAncien et du Nouveau Testament représentée par 614 figures avec des explications tirées des saints Pères, par de Bassinet, 8 ln-8®, Paris, 1804-1806, nous ne trouvons que des œuvres élémentaires : J.-B. l'Écuy, La Bible de lu jeu­ nesse, 2 ln-8·, Paris, 1810; 2·'édit., 1812; J. Cou­ turier, Histoire de Γ Ancien Testament, 4 in-12, Dijon, 1825; T.-F. Jolly, Le mémorial de ΓÉcriture sainte, 4 in-12, 1825, 1826; G. Gley, Histoire de notre Sau­ veur, 2 In-12, 1819. Eugène de Genoude traduisit la Bible, 23 in-8®, Paris, 1820-1824, et publia La vie 703 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES 704* de Jésus-Christ et de ses apôtres, 2 in-8®, Paris, 1836. 2 in-8®, Paris, 1818. Jean-Pierre Agicr traduisit aussi les psaumes sur le texte hébreu, 1809, 1818; les pro­ Dupin écrivit: Jésus devant Caïphe et Pilate, Paris, 1828. phéties concernant Jésus-Christ, 1819; les prophètes, Le juif converti David Paul Drach fit une nouvelle 9 vol., 1820-1822, ct commenta ΓApocalypse, 2 vol, édition de la Bible de Vence, 27 in-8®, Paris, 1827-1833; 1823. Marcel de Serres traita De la cosmogonie de il traduisit en latin le dictionnaire hébreu de Gésénius: Moïse comparée aux faits géologiques, Paris, 1838; Catholicum lexicon hebraicum et chaldaicum in V. T. De la création de la (erre ct des corps célestes, 1842. libros, Paris, 1848. L’abbé Slonnet publia La sainte H. Laurens traduisit Job ct les psaumes, Paris, 1839. Bible expliquée ct commentée, 17 in-8®, Paris, 1840 sq. M. de Bovet donna : Esprit de l'Apocalypse, Paris, 1840. (texte de la Vulgate, paraphrase du P. de Carrières Lo comte de Labordc fit le Commentaire géographique ct notes). L’abbé Juger avait édité le texte grec des sur ΓExode ct les Nombres, in-fol., Paris, 1842. MauSeptante, 2 in-8®, Paris, 1839; le texte grec du Nou­ pied étudia en Sorbonne Dieu, l'homme et le monde veau Testament (avec Tischcndorf), Paris, 1842; dans les trois premiers chapitres de la Genèse, 3 ln-8·, La sainte Bible, 3 in-8®, Paris, 1838-1814. L’abbé Au­ Paris, 1845-1849; il commenta les premiers chapitres bert traite De l'authenticité des Livres saints, 2· édit., de saint Matthieu ct de saint Luc ct fit concorder Lyon, 1844; l’abbé de Jcssé écrit une Histoire de les deux généalogies de N.-S., 1856. Plantier envisagea N. S. J.-C, et de ses apôtres, 2 in-8®, Paris, 1844. Gimaau point de vue littéraire Les poètes bibliques, Paris, rey traduit la Bible de d’Ailloli, 10 ln-8®, Paris, 1854, ct 1842; 3· édit., 1881. Padé mit les psaumes à la portée le Théâtre des saintes Écritures de Gratz, Paris, 1869. des fidèles, 2 in-8®, Paris, 1858. Moglia publia un Essai Le P. de Bazc compose son Manuale concordantiarum, sur le livre de Job et sur les prophéties relatives aux der­ Lyon, 1852. L’abbé Migne avait formé son Cursus niers temps, 2 in-8®, 1865. Le P. Gratry commenta completus Scripluræ sacra*, 28 ln-8®, Paris, 1860-1862. l’Évangile de saint Matthieu, 2 in-8®, Paris, 1863-18G5. Vivês devait rééditer plus tard les commentaires de Des travaux du savant sulplcien Le Hir U n’a paru Corneille de la Pierre, 21 in-8®, Paris, 1859, avec que ses Études bibliques, 2 in-8®, Paris, 1869; Le 3 vol. de supplément, 1861, ct une table faite par livre de Job, Paris, 1873; Les Psaumes, Paris, 1876; Péronno.sous le titre: Memoriale prædicalorum, 2 in-8®, Les trois grands prophètes (Isaïe, Jérémie, Ézéchicl), 1863-1864. On vivait ainsi des ouvrages du passé. Paris, 1876; Le Cantique des cantiques, Paris, 1883 Bohrbacher avait rédigé une Petite grammaire hé­ (dans la Sainte Bible de Lethicllcux) ; tous ces ou­ braïque pour les élèves du grand séminaire de Nancy. vrages ont été édités par Grand vaux. C’est à J.-B. Glaire que revient la meilleure part dans Les premiers indices d’une réelle rénovation dans la rénovation des études bibliques en France. En l’étude de la Bible en France furent les ouvrages de dehors de sa grammaire ct de son dictionnaire hé­ M. Vigouroux ct l’édition de la Sainte Bible chez braïques, il publia : Introduction historique et cri­ M. Lethicllcux. M. Vigouroux, depuis 1902, un des tique aux livres de ΓAncien et du Nouveau Testament, secrétaires de la Commission biblique, est l’auteur de 6 in-12, Paris, 1836; Abrégé de VIntroduction, etc., La Bible cl les découvertes modernes, 6 in-12, Paris, 2 in-12, 1846, qui devint classique dans les grands sé­ 1877-1881; 6· édit., Paris, 1896; Mélanges bibliques. minaires; La sainte Bible en latin et en français, 3 in-4°, La cosmogonie mosaïque d'après les Pères, etc., Paris, 1834; Le Pentateuque (traduit sur l’hébreu ct Paris, 1882; La Bible et la critique (réponse à M. Re­ annoté), 2 ln-8®, Paris, 1835-1837; Les Livres saints vengés, 2 in-8®, Paris, 1845; La sainte Bible selon | nan), Paris, 1883; Le Nouveau Testament ct les décou­ la Vulgate (traduction nouvelle), Paris, 1871-1873. 1 verts archéologiques modernes, 2· édit., Paris, 189G; Les Livres saints et la critique rationaliste, 4 in-8·, Le P. de Valrogcr avait traduit ΓIntroduction aux livres du N. T., de Relthmayr, 2 in-8®, Paris, 1861. , Paris, 1885-1890; 5· édit., 5 in-12, Paris, 1902; La Bible polyglotte, 8 in-8®, Paris, 1897-1909; Dic­ D’autres cours élémentaires parurent ensuite ct tionnaire de la Bible, 5 in-fol., Paris, 1891-1912. La furent adoptés dans quelques séminaires : A. Gllly, Sainte Bible a été entreprise par l’abbé Paul Drach, Précis d'introduction à l'Écriture sainte, 3 in-12, Nîmes, qui a commenté les Épîtres de saint Paul, les Épltrcs 1867; Notions élémentaires sur ΓÉcriture sainte, 1879; catholiques ct l’Apocalypse. Ces premiers volumes C. Samuel. Cours élémentaire d'Écriture sainte, 2 in-12, sont composés sur le plan des Saintes Bibles anté­ Grenoble, 1873; Drioux, Nouveau cours d* Écriture rieures : texte latin de la Vulgate, version française, sainte, 2 ln-12, Paris, 1875; Rault, Cours élémen­ notes cl introductions un peu plus développées. Les taire d'Écriture sainte, 3· édiL, 1882; Bacuez, Ques­ collaborateurs ont progressivement élargi le cadre ct tions sur l'Écriture sainte ou programme détaillé, 2 inont abouti à fournir un commentaire détaillé des 8·, Paris, 1874; Bacuez ct Vigouroux, Manuel biblique ou cours d'Écriture sainte d l'usage des séminaires, Livres saints. Trochon n donné Γ Introduction géné­ rale, 2 vol., l’introduction générale aux prophètes, I in-12. Paris. 1879-1890; la 13· et la 14· édition du les grands et les petits prophètes, les Nombres ct le Nouveau Testament ont été refondues par A. Brassac, Paris· 1910, 1913. Drioux avait édité La sainte Bible Deutéronome, l’Exode, le Lévitique; Crclicr, la Genèse ct les Actes des apôtres; Clair, Josué, les (avec des commentaires), 8 in-8°, Paris, 1872, aussi Juges, Ruth, les livres des Rols, les Paralipomènes, bien que R. Salmon, 1878. A. Arnaud a commenté Esdras ct Néhémic; Gillet, les Machabées, Tobic, brièvement La sainte Bible, 4 ln-8®, Paris, 1881 ; Judith, Esther; Lcsêtrc, les Psaumes, les Proverbes, l'abbé Vivier, 6 vol, 1892-1893. ct Petit, d’après l’Ecclésiastique ct la Sagesse; Le Hir, le Cantique; dom Calmet, 16 ln-8®, Arras, 1889-1904. Pelt a Motais, l’Ecclésiastc; Fillion, l’Introduction aux traduit ct adapté le manuel allemand de Schœpfcr Évangiles, une Synopsis euangelica et le commentaire mhu le titre: Histoire de Γ Ancien Testament, 2 in-12, des quatre Évangiles. Le langage symbolique et le sens Paris, 1896-1897. Trochon ct Lesêtre ont composé spirituel des saintes Écritures par Le Blanc d’Amune introduction d Tétude de l'Écriture sainte, 3 ln-12, bonne complète VIntroduction générale; les Tables Paris, 1889-1890. E. Jacquier a écrit : L'histoire des générales, chronologiques ct analytiques ont été dressées livres du Nouveau Testament, 4 in-12, Paris, 1904par Duplcssy ct Trochon; clics sont précédées du 1908; Le Nouveau Testament et l'Église chrétienne Thesaurus de Mcrz pour servir de table homilétlquc. (canon et texte). 2 in-12, Paris, 1911-1913. On y n joint {'Atlas géographique et archéologique Le* travaux exégétiques furent d’abord bien rares d’Anccssy. L’ouvrage tonne 40 in-8®, Paris, 1878ausü. Le lazariste Viguicr traita De ta distinction 1890. primitive des psaumes en monologues cl dialogues. Plusieurs des collaborateurs de cette Bible ont conParu, 1806; Expottlion du wu primitif des psaumes. 705 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES tinué à étudier I’Écrlturc sainte. Notais avait publié : Salomon et l'Ecclésiaste, 2 in-8°, Paris, 1876; Moïse, la science et l'exégèse, Paris, 1882; Le déluge devant la fol, Γ Écriture et la science, Paris, 1885; L'origine du monde, éditée par l’abbé Bobcrt, Paris, 1888. M. Fil· lion a publié ses Essais d'exégèse, Paris, 1884 ; La sainte Bible commentée, 8 ln-8°, Paris, 1888-1904; une Biblia sacra, 11· édit., Paris, 1911; Allas archéologique de la Bible, ln-4% 2- édit., Lyon, 1886; Atlas d'histoire naturelle de la Bible, in-4°, Lyon, 1894; Atlas géogra­ phique de la Bible, in-4·, Lyon, 1890; édit, abrégée, Paris, 1894; Saint Pierre, Paris, 1906; Saint Jean l'évangéliste, Paris, 1907; L'existence personnelle de Jésus, Paris, 1909 ; L'Évangile mutilé et dénaturé par les rationalistes contemporains, Paris, 1910; Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, 2 in-12, Paris, 1909-1910; Les étapes du rationalisme dans ses attaques contre les Évangiles et la vie de N.-S. J.-C., Paris, 1911 ; Le nou­ veau psautier du bréviaire romain, Paris, 1913. On doit à M. Lesêtre : λ’.-S. Jésus-Christ dans son saint Évan­ gile, Paris, 1892; La sainte Église au siècle des apôtres, Paris, 1896; Le temple de Jérusalem, Paris, 1912; Les Psaumes du bréviaire traduits de l'hébreu, Paris, 1913. Depuis lors, d’autres critiques ct exégètes sont en­ trés en Hcc. C. Chauvin a donné : L'inspiration des divines Écritures, in-12, Paris, s. d. (1897); Leçons d'introduction générale, théologique, historique et cri­ tique aux divines Écritures, in-8°, Paris, s. d. (1898); La Bible, depuis ses origines jusqu'à nos jours, 2 in-12, Paris, 1900; L'enfance du Christ d'après les traditions piives et chrétiennes, 1901 ; Au Golgotha ou les derniers moments de Jésus, 1901 ; Le procès de Jésus-Christ, 1905; Jésus-Christ est-il ressuscité? 1901; Histoire de l’Anté­ christ d'après la Bible ct les saints Pères, Paris, 1901. Mgr Mcignan, qui ava it pubUé les Prophéties messia­ niques du Pcntateuque, Paris, 1856; des livres des Bois, Paris, 1878; Les Évangiles et la critique, 1864, 1871; Le monde ct l’homme primitif selon la Bible, a repris, devenu archevêque ct cardinal, ses deux premiers ou­ vrages sous le titre : L'Ancien Testament dans scs rap­ ports avec le Nouveau et la critique moderne. De l’Éden à Moïse, 1895; De Moïse d David, 1896, après les avoir complétés; David, 1889; Salomon, 1890; Les prophètes d'Israël. Quatre siècles de lutte contre l'idolâtrie, 1892; Le Messie depuis Salomon jusqu'à Daniel, 1893; Les derniers prophètes d'Israël, 1894. L. Richou n étudié Le Messie dans les livres historiques de la Bible cl Jésus Christ dans les Évangiles, 3 in-12, 1879-1882. Les rapports de la Bible avec les sciences ct l’his­ toire ont été souvent étudiés. Moigno a publié Les splendeurs de la foi, accord parfait de la révélation et de la science, de la foi et de la raison, 5 in-8·, Paris, 1879-1882; Il en fit le résumé, 1880, ct il publia avec l’abbé Dcssailly, Les Livres saints et la science, 1884. A. Arduin écrivit : La religion en face de la science, 2 ln-8®, Lyon, 1877-1879; 3· édit., 1881; Pucch, Bible et géologie, 2· édit., Paris, 1883; Lavaud de Lestradc, Accord de la science avec le chapitre de la Genèse, Paris, 1885; J. Lefebvre, L'oeuvre du qua­ trième jour de la création selon la Bible et la science, Rouen, 1881; Jean d’Estiennc (C. de Kirwan), Comment s'est formé l'univers, Bruxelles. 1881; Le déluge de Noé cl les races prédiluoiennes, 12 in-12, 1899. L’abbé Lambert avait écrit : Le déluge mosaïque, l’histoire cl la géologie, Paris, 1870. Contre M. Me­ tals, le P. Brucker soutint L'universalité du déluge, Bruxelles, 1886, ct l’abbé Rambouillet écrivit : Cain redivivus, Amiens, 1887. Ch. Robert défendit La non-universalité du déluge, Bruxelles, 1887. On s’oc­ cupa aussi beaucoup du concordismc ct des Jours de la création. Thomas publiait : Les temps primitifs et les origines religieuses d'après la Bible et la science, 2 in-8®, Paris, 1889. L. Dcssailly écrivait : Le paradis DKTT. DE THÉOL. CATIIOL. 706 terrestre et la race nègre devant la science, Paris, 1893; L*antiquité de la race humaine, Paris, 1893; Concor­ dance parfaite de la chronologie biblique et de la chrono­ logie égyptienne, 1895. La chronologie biblique était à l’ordre du jour. M. Pannier prenait comme sujet de thèse -.Genealogies biblicæ, Lille, 1886. Brevet, Parallé­ lisme entre la géologie et la Bible, 2· édit., Pads, 1895; Gornbault, Accord de la Bible et de la science, Paris, s.d. (1895) ; B. Colomer, La Bible et tes théories scienti­ fiques, Paris, 1901 ; C. de Kirwan, Bible et science. Terre et ciel, Paris, 1911. Cependant, la Question biblique, posée par Mgr d’IIulst, en 1893, provoquait l’encyclique Prooidentissimus Deus du 18 octobre 1893 sur 1’Écriture sainte, ct suscitait des polémiques et des écrits d’inégale va­ leur. Nommons Mgr Grandclaudc, La question bi­ blique d'après une nouvelle école d'apologistes chré­ tiens, Paris, 1893; l’abbé Magnier, La question bi­ blique et T exégèse large, Paris, 1903. M. Dldiot publia son Traité de la sainte Écriture d'après Sa Sainteté Léon XIII, Paris, Lille, 1894, ct le P. Brucker, ses Questions actuelles d'Écriture sainte, Paris, 1895. La Question biblique avait été soulevée par les Origines de t'histoire d'après la Bible et les traditions des peuples orientaux de François Lcnormant, 3 in-8®, Paris, 18801884 (inachevé ct mis à l’index), et par quelques ar­ ticles de M. Loisy.Celui-ci avait présenté comme thèse de doctorat: Histoire du canon de ('Ancien Testament, Paris, 1890, qui fut attaqué par Magnier,Étude sur la canonicité des saintes Écritures, Paris, 1892. M. Loisy fit paraître ensuite : Histoire du canon du Nouveau Testa­ ment, Pans, 1891, puis dans V Enseignement biblique (1892-1893),outre des chroniques, VHistoire du texte et des versions de ('Ancien Testament, une étude sur Job, et le début d’un commentaire sur les Évangiles synopti­ ques. Il devait soulever plus tard à cc sujet de nou­ veaux débats. Plusieurs évêques adressèrent, à cette seconde phase, des lettres à leur clergé : le cardinal Pcrraud, Mgr Latty, Mgr Le Camus, Vraie et fausse exé­ gèse (1903); Fausse exégèse, mauvaise théologie (1904). Les publicistes réfutèrent les nouvelles ct fausses idées: P. Bouvier, L'exégèse de M. Loisy, les doctrines, les pro­ cédés, Paris, 1903; Frémont, Lettres à l'abbé Loisy, Paris, 1904; ct après la publication du gros commen­ taire: Les Évangiles synoptiques, CciTonds, 1907, 1908, il fut réfuté par M. Lopin, Les théories de M. Loisy, exposé et critique, Paris, 1908; F. Jubaru, M. Loisy et la critique des Évangiles, Paris, s. d. (1908). Quelques questions générales ont été abordées : L. Méchincau, L'autorilé humaine des Livres saints, Paris, 1900; F. Prat, La Bible et l'histoire, Paris, 1904 ; Mgr Landrieux, L'histoire et les histoires dans la Bible, Paris, s. d. (1907); V. Ancessy, L'Égypte et Moïse, Paris, 1875; V. Ermoni, La Bible et l'orientalisme. I. La Bible et l'ègyptologie.lL La Bible et l'assyriologie. III. La Bible et l'archéologie syrienne, 3 in-12. Paris, 1903, 1904; le P. Dhorme, Les pays bibliques et l'As­ syrie, Paris, 1911 ;A. Paulus, Les fuifs avant le Messie, 3 ln-12, Paris, 1905; Les juifs et le Messie, 4 ln-12, Paris, 1904; E. B curlier, Le monde juif au temps de Jésus-Christ et des apôtres, 2 in-12, Paris, 1900. M. J. Viteau s’occupait de la grammaire du Nou­ veau Testament : Étude sur le grec du Nouveau Testa­ ment. Le verbe : syntaxe des propositions. Parts, 1893; Sujet, complément et attribut, Paris, 1896. E. Douais éditait : Une ancienne version latine de Γ Ecclésiastique, Paris, 1895. Paulin Martin étudiait : La Vulgate latine au xui· siècle d'après B. Bacon, 1888; Le texte parisien de ta Vulgate latine, 1889. L. Salcmbicr écrivait : Une page inédite de l'histoire de la Vulgate, 1890. Une concordance verbale de la Bible a été pu­ bliée par les Pères Peullier, Étienne et Gantois, Paris, 1897. J. Dcconlnck a donné un Essai sur la chaîne VL — 23 707 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES de rOclcdeuque avec une édition des commentaires de . Diodore de Tarse qui s'y trouvent contenus, Paris, 1912. Toutefois, l'activité ne s’épuisait pas en contro­ verses, et il sc publiait des études de critique ou des commentaires exégétiques. L’authenticité mosaïque du Pentateuquc, qui n’avait été traitée que par Ch. Schœbel dans des articles des Annales de philosophie chrétienne, publiés à part, 1871-1875, était abordée par Paulin Martin dans scs cours (lithographiés), pro­ fessés à l’institut catholique, 1887-1890, et donnait occasion à la publication de quelques ouvrages : P. Julian, Étude critique sur la composition de la | Genèse, Paris, 1888; abbé de Broglie, Questions bi- i bliques (ouvrage posthume), édit. Pial, Paris, 1897; ! L. Méchincau, L'origine mosaïque du Pentateuque, j Paris, 1901; F. Prat, Le code du Sinai, sa genèse et · son évolution, Paris, 1901 ; J. Brucker, L'Église et | la critique biblique, Paris, s. d. (1908); E. Mangenot, I L'authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907. Nous n’avons encore qu’un petit nombre de corn- | men ta ires sur les livres de Γ Ancien Testament, mais quelques-uns sont excellents. Les Juges ont été expli­ qués par le P. Lagrange (1903), les livres de Samuel par le P.Dhormc(1901),lc livre d'Isaïe, par le P. Condamln (1905), l'Eccléslaste par M. Podechard (1912). | Les Psaumes ont été souvent traduits sur l'hébreu (Bertrand, 1857; Mabirc, 1868; Crampon, 1876; de Neuilly, 1896; Flamcnt, 1897; B. d’Eyragucs, 190-1; I Pannier, 1908) et plus souvent encore brièvement com- I montés. E. Philippe a fait une Introduction au livre des Psaumes, Paris, 1892. Maunoury les a commentés en latin, 2 in-8®, Paris, 1894. Doublet les a étudiés au point de vue de la prédication, 8· édit., 3 ln-12, 1889, et Péronnc a formé une Chaîne d'or sur les Psaumes, 3 in-8·, Paris, 1879. Mgr de la Boulllcrlc a appliqué le Cantique Λ l'eucharistie, cl cc chant a été commenté par Brevet (1890) et par le P. Joüon (1909). Domcnech a placé La prophétie de Daniel devant la science et la philosophie de l'histoire, Lyon, 1875; 2 ln-8®, 1896. Fabre d’Envlcu a expliqué cc prophète, 3 in-8®,Paris, 1888-1890, et Pilloud a pris comme sujet de thèse : Daniel et le rationalisme biblique, 1890. C. Rohart a étudié les oracles des prophète» contre les nations, De oneribus biblicis contra gentes, Lille, 1886. Che­ minant a expliqué Les prophéties d'Ézéchiel contre Tyr, Paris, 1912, cl Plessis celles contre T Égypte, Paris, 1912. Charles Jean a disserté sur Jérémie, sa politique, sa théologie, Paris, 1913. J. Touzard. qui est l’auteur d'une Grammaire hébraïque, Paris, 1905, a commenté Amos (1909). Le P. Lagrange a décrit La méthode historique, surtout à propos de ΓΛ. T., Paris, 1904. L’abbé de Broglie a étudié : Les prophéties messia­ niques, 2 in-12, Paris, 1904. et M. Touzard a traité : Comment utiliser l'argument prophétique, 1911. Les études sur le Nouveau Testament sont plus abondantes. Le P. Fontaine a étudié Le Nouveau Testament et les origines du christianisme, Paris, 1890. Il a paru de nombreuses Vies de Jésus : Folsset (1855); Lecanu (1862), Louis Vculllot (1861), Michon (1865), Pauvcrt (1867), Labatut (1883)» Fouard (1881), Le Camus(1883,1901), Didon (1891),Fretlé (1892). Pasquier (1907). L'autorité de CÉvingile a été établie par HL Wallon, 3· édit, 1887. D’autres éludes ont paru depuis sur ce sujet : Gondal, La provenance des Èoangila, Paris, 1898; P. Baliflul. Six leçons sur les Evangilts, Paris. 1897; Th. Calmes, Comment se sont fnrrnés les Evangiles, Paris, 1900; Pasquier. Les temps évan­ géliques, 3 ln-8®, Paris, 1904-1905; La solution du problème synoptique, Paris, 1911; E. Mangenot, l^s Évangiles synoptiques, Paris, 1911; M. Lenln. L'ori­ gine du quatrième Évangile, Paris, 1907; La valeur historique du quatrième ÉPanqIle, 2 ln-12, Paris, 1910; \ Nouvelle, L authenticité du quatrième Évan­ 708 gile et la thèse de AL Loisy, Paris, 1905; C. Chauvin, Les idées de Ai. Loisy sur le quatrième Évangile, Paris, 1906. F. Dchaut a publié : L'Évangile expliqué, dé/endu et médité, 5 in-8®, Paris, 1864 sq. Doublet a étudié Jésus-Christ en vue de la prédication, 10· édit., 3 in-12, 1888. Mgr Glnoulhlac a expliqué Le sermon sur la montagne, 1872. Le P. Ollivier a fait des livres sur la Passion, 1891; les paraboles, 1892; les amitiés de Jésus, 1895; De Bethléem ù Nazareth, 1905. Le P. Rose a publié de petits commentaires sur saint Matthieu, sur saint Marc, sur saint Luc (1904); des commentaires plus développés ont été rédigés par Glrodon sur saint Luc, par Loisy (1903) et le P. Calmes (1904) sur saint Jean, et par le P. Lagrange sur saint Marc (1911); le petit commentaire sur saint Jean a été donné par le P. Calmes (1906). Voir, en outre, P. Rose, Études sur les Évangiles, 2® édit, Paris, 1902; P. Durand, L'enfance de Jésus, Paris, 1908; P. Batifïol, L'enseignement de Jésus, Paris, 1905; M. Lcpln, Jésus, Messie et Fils de Dieu d'après les Évangiles synoptiques, Paris, 1904; 4· édit., 1910; D. Buzy, Introduction aux paraboles évangéliques, Paris, 1912; Jacquier cl Bourchany, La résurrection de Jésus-Christ. Les miracles évangéliques, Paris, 1911; E. Mangenot, La résurrection de Jésus, Paris, 1910. Des concordances ou synopses évangéliques ont été formées par Rambaud (1874.1898), Méchineau (1895), Azibert (1897), Brassac (1913). Sur les Actes et les Épitrcs des apôtres nous avons à signaler : Mgr Le Camus, L'ouvre de- apôtres, commencée en 1892, 3 in-12, Paris, 1905; C. Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, Paris, 1886; Saint Paul, scs missions, 1892; Saint Paul, ses dernières années, 18Û7; Saint Jean et la fin de l'âge apostolique, 1904 ; P. Rose, Les Actes des apôtres (commentaire), Paris, 1905; E. Mangenot, Jésus, Messie et Fils de Dieu d'après les Actes des anôtres, Paris, 1908; les Vies de saint Paul de Vidal(3 vol.. 1863), de Vlx (1879), de Rambaud (1897), de Frctté (1898), les com­ mentaires de Guillcmon (2 ln-12 1874). de Mérit(1888), de Maunoury (4 in-8°, Paris, 1878-1882), de Péronnc (2 in-8®, Paris, 1882), de Rambaud (2 in-12, 1888), de Boileau (1895), du P. Lcmonnycr (2 ln-12, Paris, 1905), de M.Toussaint (2 in-12, Paris, 1910. 1913); de Glnoul· hiac, Épitres pastorales, Paris 1866; la Somme de saint Paul de M. Riche, 1882; la Théologie de saint Paul, du P. Prat. 2 in-8®, Pans, 1908. 1912; Saint Paul étudié au point de vue de la prédication, par Doublet, 3 in-8®, 1874; Conversion de saint PauL par Bourginc, Paris, 1902; les commentaires de Maunoury sur les Épttres catholiques (1888). celui du P. Calmes sur ces Épttres et l’Apocalypse (1905). L’Apocalypse a été étudiée par le P. Calmes devant la tradition et devant la critique, 1905, et a été plus on moins longuement expliquée par Séverin, par (JianÎTani (2 in-12, 1888), par J.-B. Duprat (3 in-8®, 1899), qui avait déjà pu­ blié : Les harmonies entre le Cantique des cantiques et ΓApocalypse, 1891, par Mémain et par le P. Gal­ lois (1898). Citons encore le voyage Aux sept Églises de ΓApocalypse de Mgr Le Camus, Paris, 1896. Le P. J.-B. de Glatigny a examiné Les commence­ ments du canon dans l'Ancien Testament, Rome, 1906; le P. Jugie a écrit L'histoire du canon de l'An­ cien Testament dans l'Église grecque et l'Église russe, Paris, 1909. Lo P. Sdiwnlm a étudié La vie privée du peuple juif d l'époque de Jésus-Christ, Paris, 1910. Le P. Lagrange n fait une solide étude du Messia­ nisme chez les /uifs, Paris, 1909. Le P. Vincent a pu­ blié Canaan d'après l'exploration récente, Paris, 1907. Le P. Jausien a recueilli les Coutumes des Arabes ou pays de Moab, Parts, 1903. Les Confèrences de Saint-Étienne de Jérusalem ont été publiées 2 in-l° 1910, 1911. 709 FRANCE. PUBLICATIONS CATHOLIQUES SUR LES SCIENCES SACRÉES Les apocryphes de ΓAncien et du Nouveau Tes­ tament. qui avalent été traduits pour la plupart dans le Dictionnaire des apocryphes de Migne, 2 in-4®, Paris, 1856-1858, sont traduits cl commentés dans deux collections catholiques. Celle des Documents pour l'étude de la Bible comprend déjà : Le livre d'Hénoch, par F. Martin, Paris, 1906; Histoire et Sagesse iTAhikar Γ Assyrien. par F. Nnu, 1909; Ascension d'haie, par E. Tisseront, 1909; Les Psaumes de Salomon, par J. Vltcau, 1911. Les apocryphes du Nouveau Testament n'ont encore que 2 vol. : Ix Protèvangiic de Jacques et ses remaniements latins, par E. Amann, 1910; Les Actes de Paul et ses lettres apociyphes, par L. Vouaux, 1913. Le Protévangilc de Jacques, le pscudo-Matthieu, l'Évangile de Thomas et Γ Histoire de Joseph le Charpentier ont été traduits par C. Michel et P. Peters, Paris, 1911. L’abbé Variot a fait une thèse sur Les Évangiles apocryphes, Paris, 1878, et G. Brunet les avait traduits en 18i9. M. Lopin a donné une courte étude comparative entre les Évangiles canoniques et les Évangiles apocryphes, Paris, 1907. Enfin, F. Nnu a traduit du syriaque la Didascalie des douze apôtres, 2· édit., Paris, 1912. 5® Patrologie, — Les recueils pratiques d'ouvrages des saints Pères précédèrent les éditions critiques. Sur les collections de Caillau et de Guillon, voir L n, col. 1305-1306. Migne entreprit, en 1844, un Patro· logia cursus completus, qui comprend deux séries : la série latine, en 217 in-8®, tous les écrivains latins jusqu'à Innocent III (t 1216) avec 4 vol. de tables; la série grecque n'a que 162 in-8° et elle va jusqu’au concile de Florence. Dorothée Scholarius en a dressé la Athènes, 1879, et il avait commencé un Tapttov, 1883, qui n’n pas été continué. Cavaliera en a publié une Table générale, Paris, 1913. Cet im­ mense recueil reproduit les anciennes éditions, qui sont aujourd’hui en grande partie dépassées, mais il contient une quantité considérable de documents avec des préfaces et des notes, qu’on trouverait difficile­ ment ailleurs. J. Planche, dans VEsprit de S. Basile, de S. Grégoire de Nazianze et de S. Grégoire de Nysse, Paris. I860, donna un choix des plus beaux morceaux de ccs trois orateurs sacrés. J.-F. Rabanls prépara l’édition de saint Paulin de Noie, Bordeaux, 1841, qui fut publiée par F. Soubry,2 in-8®, Bordeaux, 1853. L'abbé Cruice édita les Philosophumrna, Paris, 1860, qu’il attribuait à Origène. J.-B. Pitra, reprenant la succession des bénédictins de Salnt-Maur, recueillit des documents inédits, dans Spicilegium Solesmcnse, 1 ln-4®, Paris, 1852-1858; Analecta sacra, 8 in-4®, 18761891; Analecta novissima, 2 in-1·, Frascati, 1885-1888. E. Auvray et A.Tougard ont édité la Parva catechesis de Théodore Studltc, in-4®. Paris, 1891. Mgr Batiffol a édité des Tractatus Origrnis, Paris, 1900, qui ne sont pas d’Origènc. A. Horoy voulut continuer la Patro­ logie latine de Migne, mais II ne put mettre au jour que 2 vol., sous le titre : Medli ævi bibliotheca patristica, Paris, 1879. Migne avait annoncé une Patrologia orientalis, qu’il ne put publier. Celte oeuvre a été reprise par Mgr Gradin, dans sa Patrologia syriaca, 2 In-4®, Paris, 1891, 1907, contenant les œuvres d’Aphraatc. cl dans sa Patrologia orientalis (en colla­ boration avec M. Nnu), comprenant déjà 8 ln-8® com­ plets, Paris, 1907-1913, et des parties des volumes suivants. L’abbé Cluibot a constitué concurremment avec Giddi, Hyvernat et Carra de Vaux un Corpus scriptorum Christianorum orientalium, divisé en 4 sé­ ries : écrivains étliiopicris, coptes, syriaques et arabes avec traduction latine : des volumes de chaque série ont déjà paru. MM. Hcinmer et Lejay éditent une collection de Textes et documents pour l'étude histo­ rique du christianisme, qui contient déjà lo ln-12 (texte, traduction française, introduction et Index) 710 Μ. Nau a traduit du syriaque Le livre cTHfraclide de Ncstorius, Paris, 1910, et le P. Jugie a étudié : Nestorius a la controverse nestorienne, Paris, 1912. Λ côté des éditions de textes se placent des traduc­ tions dont nous ne parlerons pas, et des études sur les Pères : Nourrisson, Les Pères de Γ Église laitne, leur vie, leurs écrits, leur temps, 2 in-12, Paris, 1858; La philosophie de saint Augustin, 2 ln-8·, Parts, 1865; Charpentier, Tertullien et Apulée, 1839; Études sur les Pères de Γ Église, 2 vol., 1853; Cognai, Clément (ΓAlexandrie, sa doctrine et sa polémique, Parb, 1859; Freppcl, voir son article; Coliombet, Histoire de S. Jé­ rôme (vie, écrits et doctrine), 2 in-8®, 1846-1848; Blampignon, De S. Cypriano, Paris, 1862; Bernard, De S. Ambrosii mediolanensis episcopi vita publica, 1864; Les voyages de saint Jérôme, 1864; E. Fialon, S. Alhanase, Paris, 1877; Les Pères de Γ Église grecque, Paris, 1882; Benoît, Saint Grégoire de Hazianze, 1877; 2 ln-12, 1884; Bayle, S. Basile, Avignon, 1878; Ciausier, S. Grégoire le Grand, édlL Odelln, Paris, 1886; Vidieu, S. Denys Γ Arèopagite, Paris, 1888; V. ErmonU De Jxontio Byzantino et de ejus doctrina theologica, Paris, 1895 ; S. Jean Chrysostomc (ouvrage posthume), Paris, 1911; Malnory, Saint Césaire, èvéque d'Arles, Paris, 1894; B. Potrcl, De utroque Commonitorio Lirinens i (étude et édition), Nancy, 1895; L. Valentin, Saint Prosper (ΓAquitaine, Paris, 1900; J. Martin, S. Augustin, Paris, 1901 (collection des Grands philo­ sophes). Ιλ collection : La pensée chrétienne, com­ prend : Saint Justin et les apologistes du il* siècle, par J. Rivière, 1908; Saint Irênèe, par A. Dufourcq, 1905; Tertullien, par J. Turmel, 1905; Origène, par F, Prat, 1907; Saint Athanase, par F. Cavaliers, 1909; Saint Jérôme, par J. Turmel, 1906; Saint Vin­ cent de Lérins, par F. Brunetière et P. de Labriolle, 1906; Saint Damascène, par V. Ermoni, 1904; Saint Bernard, parE. Vacandard, 1904. L. Laguier a exposé La méthode apologétique des Pères dans les trois premiers siècles, Paris, s. d. (1905). J. Burel a étudié : Denys (T Alexandrie et son temps, Paris, 1911. On a traduit en françaisla Patrologie d'Alzog et celle de Bardenhvwer. 6® Histoire ecclésiastique. — 11 ne peut être ques­ tion ici que de l’histoire générale de l'Église et de la papauté. Les historiens de l'Église catholique du début du κιχ· siècle tendent à réagir contre l’esprit gal­ lican des historiens français précédents et à détruire les préjugés séculaires de leur Église. Receveur écrivit : Lhistoire de l'Église depuis son établissement jusqu'au pontificat de Grégoire XVI, 8 in-8®, Paris. 1840-1847; Discours sur Γhistoire ecclésiastique, Paris, 1851. Rohrbacher est franchement ultramontain, et son Histoire universelle de l'Église catholique, 29 ln-8·, Paris, 1842-1849, bien que mal composée, fut lue dans les grands séminaires et a changé l’esprit du clergé français. Elle n été rééditée et continuée par plusieurs au­ teurs, Chantrel. Fèvre. Guillaume, dom Chama rd.Blanc composa un Cours d'histoire ecclésiastique à l'usage des séminaires, divisé par leçons. 2 ln-8·, 18*5-1851. Le vicomte Claude de Vcrancourt fit une Histoire abrégée de Γ Église catholique depuis la création jus­ qu'à nos jours. 3 ln-8·. Versailles. 1867. F. Artaud de Monter donna une Histoire des souverains pontijes romains, 8 ln-8·. 1842. Λ laquelle s’ajoutent les his­ toires de Pic VU, 2 in-8·, 1837, de Léon XII, 2 ln-8®, 1843, et de Ple VIII, 1843. Poujoulat écrivit, de son côté. Histoire des papes depuis S. Pierre jusqu'à la formation du pouvoir temporel, 2 in-8®, 1862. Le sulplclen Gosselin avait montré le Pouvoir du pape au moyen âge, Paris, 1839. L'abbé Jagcr fit VHistoire de Γ Église catholique de France... depuis son origine jusqu'au concordat de Pie Vil, 21 ln-8®, Paris, 18621878; il avait écrit auparavant VHistoire de VÉglise de France pendant la Dévolution, 3 in-8®, Paris, 1852; 711 FRANCE — FRANCFORT (CONCILE DE) 712 Histoire de Photius, Paris, 1844. Darras commença 5. Le canoniste contemporain, ou la discipline une Histoire de l'Église, qu’il mena jusqu’au xn· siècle Quelques lignes plus loin, on lisait aussi, dans le même pas­ sage ; · Nous professons et nous croyons que lui-même, né d’une femme, devenu sujet de la loi, n'est pa* le Fils do Dieu par géné­ ration, mais bien par adop­ tion, non par nature, mais par la grâce. · Voilà le serpent gliuiè à l'ombre du pommier du paradis : les esprits inattentifs y se­ raient pris. ...Quant à vos additions ultérieures, nous n’en trou­ vons pas trace, dans la profession du symbole de Nlcéc : ù savoir que dans le Christ sc trouvent deux natures et trois substances, qu'il tôt homme déifié et Dieu humanisé. De quoi sc compose lu nature de l’homme, si ce n’est de l’âme et du corps? Qu’estce qu’il y a donc entre la nature et la substance, pour nous obliger Λ affirmer la présence de trois substances et nous empêcher de dire simplement avec les Pères : nous professons que JésusChrist Notrc-Scigncur est vrai Dieu et vrai homme en une personne ? I-a per­ sonne du Fils persiste dans In Trinité : après avoir pris la nature humaine, elle est toujours l’unique personne. Dieu et homme; non pas un homme déifié, et un Dieu humanisé, mais Dieu homme et homme Dieu : en vertu de l'unité de personne, l’unique Fils de Dieu est parfaite­ ment Dieu et parfaitement homme... Lu tradition ec­ clésiastique désigne dans le Christ deux substances, celle de Dieu et celle de l’homme. S’il est donc vrai Dieu, celui qui est né de la Vierge, comment peut-il être adoptif ou esclave? car enfin vous n’oserez jamais a dinner que Dieu est esclave ou adoptif. Et si le prophète l’a qua­ lifié esclave, loin de I ap­ peler ainsi à raison de sa condition originelle, il ne Γη fnit qu’à raison de son obéissance extrême qui Γη poussé Λ sc soumettre à son Père, jusqu'il bi mort. Les historiens font remarquer que les netes du ooncllc de Francfort ont été pendant longtemps soustraits Λ la connaissance du public par la perfidie des hérétiques. Mais, vers la fin du xvi· siècle, grâce aux recherches de Surins» religieux érudit de 1 ordre de Saint-Bruno, ils furent remis nu Jour.^Cctte décou- 714 ι verte avait son importance. En effet, dans le laps de temps que. dura la disparition de ces documents, plusieurs théologiens soutinrent publiquement qu’on pouvait appeler le Chris* fils adoptif de Dieu en tant qu*homme : assertion incompatible avec le décret du concile de Francfort. Néanmoins on ne saurait les qualifier d’hérétiques, car ils ne connaissaient pas les décisions conciliaires» ces documents ayant été soustraits à leur connaissance. De texte du concile de Francfort dénonce non seulement la réalité de l'altération de la doctrine par les adoptianistes, mais développe 1rs bases de l'enseignement traditionnel sur la divinité de JésusChrist, comme Dieu fait homme. 11. Commentaire doctrinal. — 1° Étal de la question. — D’après le texte même du concile de Francfort, les prélats espagnols n’hésitaient pas à affirmer que Jésus-Christ, comme Dieu, était con­ substantiel à son Père, nullement fils adoptif, mais participant à la nature du Père qui l’avait éternelle­ ment engendré, sine initio a Paire genitum..., con­ substantialem, non adoptione sed genere. 11 s’agit donc du Christ considéré comme homme. En partant de ce point de vue et perdant le concept véritable de l’économie de la rédemption, Arius aval· nié la divinité du Sauveur. Ncstorius,sans en arriver à une conclusion aussi radicale, imagina dans Jésus-Christ une double personnalité : l’une divine, l’autre humaine. Félix d’Urgel et Élipand ne formulèrent pas ces aberrations, mais elles se trouvaient en germe dans leur propoH* I sition, quand ils affirmaient que Jésus-Christ, comme I homme, était le fils adoptif de Dieu. Ils ne niaient pas l’unité de la personne du Christ» mais la considéraient ù un double point de vue. Ils prétendaient qu’elle était absolument divine, comme hypostase de la nature divine, mais adoptive, comme hypostase de la nature humaine. 2° Doctrine catholique. — Le concile de Francfort 1 n’a fait que constater ce qu’était l’enseignement I traditionnel dans l’Église catholique, lorsqu’il a for­ mulé le principe suivant : l’usage ecclésiastique ! reconnaît dans le Christ deux substances : la substance j divine et la substance humaine... Or, si le fils de la I Vierge est vraiment Dieu, comment voulez-vous que cc Dieu soit ou adoptif ou serf? II résulte de cette déclaration que Jésus-Christ» H1H en tant qu'homme, doit cire considéré comme fils naturel et non fils adoptif de Dieu. En effet : Les textes si nombreux de la sainte Écriture nous représentent toujours le Christ, simplement comme Fils de Dieu, comme éternellement engendré par son Père. Bien n’autorise ù substituer à ces déclarations, affirmant communication formelle de la nature divine par le Père au Fils, le concept arbl· traire de la filiation adoptivi. Aussi, le pape Adrien et le concile de Francfort prouvent la filiation naturelle du Christ, comme homme, par les textes suivants : Proprio Filio suo non pepercit, sed pro nobis omnibus tradidit illum. Bom , νπι. 32 Nous savons, ajoute le pontife, qu’il n’a point été livré comme Dieu, mais bien comme vrai homme : {c'est celui même qui s’était fait homme que l’apôtre appelle donc le propre Fils de Dieu. Un peu plus loin, on trouve encore le commentaire Identique des paroles de Dieu au baptême et à la transfiguration de Jésus : Hic est Filius meus dilectus. Matth.» ni, 17; xvn, 5. · Sur qui descendit l’EsprltSalnt.sous forme de colombe, sur Dieu ou sur l’homme? ... C'est en tant qu’homme que lo Christ reçut le Saint-Esprit lors de cette descente : c'est de cc fils do l’homme, sur lequel descendit l’Esprit-Saint. qui était à la fois Fils de Dieu et de l'homme» que le Père 715 FRANCFORT (CONCILE DE) dit publiquement : Void mon Fils, celui cn qui j'ai mis toutes mrs complaisances. » A la suite de ccs déclarations, l’immense majorité des théologiens s’est refusée à appliquer au Christ, considéré comme homme, le titre de (ils adoptif, lui réservant absolument le nom de fils naturel. Afin de mettre cn pleine lumière la portée de ccs émoignages scripturaires ct de nombre d’autres du même genre, faciles à citer, les maîtres de la doctrine y ont ajouté quelques précisions. Les adversaires prétendaient que ccs textes repré­ sentent simplement et directement le Verbe divin, revêtu de la nature humaine. Or, nul des adoptianlstcs n’a contesté que, sous cet aspect, le Christ ne fût bien h filius naturalis, celui dont 11 est dit : Ego hodie genui te. Ce qu'affirment ces derniers, c’cst qu’en désignant directement h nature humaine et subsidiairement la personne, le Christ peut ct doit être appelé fils adoptif Ix-s textes de l’Écriture, mis cn avant, ne visent pas < r côté de la question. Néanmoins, les théologiens catholiques démontrent qu’à aucun point de vue le Christ ne saurait admettre la qualification de fils adoptif. En eflet, la proposition : le Christ est fils adoptif du Père.en tant qu'homme.peut être prise en plusieurs sens Elle peut signifier que le Christ était simplement un homme. CVsl le blasphème d’Arlus, mille fois réprouvé par l’Égiise. Les adoptianlstes ne veulent pus admettre que c’est Ift une conséquence de leur théorie. Elle peut signifier encore que deux personnalités sub­ sistent dans le Christ : l’une, consubstantielle aux deux antres personnes delà Trinité; l'autre, personne humaine, moralement unie Λ la divinité Cette erreur, que propagea Nestorius, détruit foncièrement Γéco­ nomie de l’incarnation. Les adoptianlstes protestent contre I assimilât Ion de leur doctrine avec celle de Nestorlus. Néanmoins, le pape Adrien écrit à Félix et Λ Élipand que h proposition est une hérésie renouvelée de Nestorius. Il est certain que, prise objectivement, l'affirmation dos adoptianlstes doit sc résoudre dans l'une de ces deux précédentes hérésies. Comment admettre, à la fols, pour une personne unique, le titre de fils nature) cl dr fils adoptif? Celle Incompatibilité forme la base di la démonstration rationnelle opposée aux novateurs. Enfin, la projiosition que le Christ en tant qu'homme est fils adoptif de Dieu, peut revêtir la signification suivante. Acceptant la divinité du Verbe Incarné contre le système d’Arlus, l’unité de personne à l’en­ contre de Nestorius, les adoptianlstes, en un langage Imprécis, incomposito calamo, disait encore le pape Adrien, affirmaient qu’en tant qu’homme, JésusChrtst était fils adapti/ Mats, selon l’adage des anciens, in generalibus, latet dolus. C'est Ici le cas. 11 faut, en eflet, distinguer absolument cette affir­ mation : le Christ, comme homme, est fils adoptif. SI. par cette expression, on veut signifier simplement que le Verbe divin a adopté la nature de l’homme, indépendante de sa personnalité. Il n’y aurait en cette formule, prise objectivement, qu’une Impropriété de langage.une défectuosité verbale,que l’crrcurdrs adop­ tianlstes a fait écarter de la terminologie catholique. Dans ce cas, adopter aurait, cn réalité, la signification de prendre le corps ct t’ftmr constituant la nature humaine, sans impliquer la personnalité. 1λ formule consacrée est que k Verbe divin reste hypostutiquement uni à U nature humaine. Mate, si la proposition, le Christ comme homme est fit» adoptif de Dieu, signifie que le rédempteur est tel, parce qu’il a pris une personne humaine, les adoptianlstes tombaient logiquement dans les erreurs que rappelaient en termes catégoriques le pape Adrien 71G et le concile de Francfort. Et certainement, tel parait être le cas de Félix d’Urgel ct d’Élipand de Tolède, lut lecture des actes du concile, celle du Sacro yllabus, ne permettent pas de doute ά ce sujet. l-c théologien Vasqucz a toutefois essayé de con­ tester ct le point de vue attribué ά ces deux héré­ tiques, cl la condamnai ion qui leur fut Infligée. Ixs subtilités qu'il a produites, scs assertions aventurées, ont été mises à néant. Elles n'ont pas de consistance. En ajoutant aux textes conciliaires les arguments qu'AIcuin fit valoir contre la thèse hétérodoxe, la question reste tranchée au point de vue historique rt doctrinal. Ιλ· concile de Francfort s'appuie encore sur la différence de la filiation naturelle ct de l’adoption, pour rejeter la formule des adoptianlstes. \/adoption requiert que l'adopté soit étranger ά l'adoptant, de telle sorte que la personne adoptée ne possède, par elle-même» aucun droit à l'héritage de l'adoptant. C’est la conséquence de la définition donnée par les jurisconsultes cn cette matière : Adoptio est gratuita et liberalis assumplto personx extruncæ ad hartdilatem. Dès lors, on n’est pas autorisé ά dire que l'humanité du Christ a été adoptée. Car, c’est non la nature, mats bien la personne qui est le sujet de l’adoption ct qui entre dans les droits d'héritier. Il n’est pas plus licite de dire que la personne du Verbe soit adoptive. Nous l'avons prouvé, la personne adorable du Verbe, loin d’être étrangère au Père, est engendrée par lui, de toute éternité. Elle adhère : a) à la nature divine, non par l’amour ou la grâce, ft l’instar des créatures, mais par une génération éternelle, ineffable; b) ή la nature humaine, par une union temporaire, dite hypostatique, définitive et spéciale. Aussi, le concile infère de cc principe ccttc con­ clusion, qui devait singulièrement déconcerter les partisans de l'adoptianisme : Si k fils de la Vierge Marie est Dieu, comme vous tenez bien à le proclamer, comment voulez-vous prétendre qu’il est aussi fils adoptif? C’est une contradiction flagrante. Impossible d’avancer qu’on appelle le Christ fils adoptif, parce qu’on se place au point de vue de la nature humaine. Car, par définition, l’adoption est absolument personnelle, comme la filiation ellemême qui suppose la génération complète. Voilà pourquoi on n'appelle pas la nature humaine une fille, un fils; on réserve ce nom au terme complet de la génération, A l'homme. Par conséquent, d’une manière objective, indépendamment des Intentions personnelles, affirmer que, comme homme, le Christ est fils adoptif, c’est Introduire dans l'économie de l'incarnation la dualité des personnes ou, du moins, une équivoque Intolérable. 3· Extension du décret conciliaire de Francfort. — Les théologiens ne sc sont pas contentés de puiser dans le décret du concile de Francfort les arguments nécessaires ft la réfutation directe de l'erreur de Félix ct d’Élipand, et subsidiairement Λ la condamnation des vieilles aberrations d’Arlus. de Nestorius ct de leurs adhérents. Ils ont examiné si, dans le texte conciliaire. Il n’y avait pas une condamnation absolue, générale de cette affirmation :1c Christ, comme homme, pourrait être appelé fils adoptif. Cette question a été posée par des écoles diverses, ft l’occasion de certaines thèses d'auteurs catholiques, concluant ft la possibilité ct ft l'orthodoxie de ce théorème, au moyen de certaines distinctions. Ainsi scion Gabriel Blcl. Major et Almaln, on pourrait appeler le Christ fils adoptif, ru égard seulement ft son humanité. Certainement, disalcnt-lls, l'humanité dans le Sauveur ne constitue pas la filiation; mais on peut l’appeler adoptée. De leur côté, Durand ct Scot 717 FRANCFORT (CONCILE DE) voulaient que le Christ, à raison de sa composition divino-humainc, pût être ainsi qualifié. il semble, au premier abord, que les définitions du concile de Francfort ne rejettent pas ccs locutions. Ayant souci de maintenir l’intégrité doctrinale com­ promise par les témérités des adoptianlstes, les décrets du synode ne paraissent pas viser les dis­ tinctions des auteurs qui croient garantir la doctrine, au moyen de formules rédupllcatlves. Néanmoins, la grande majorité des théologiens se prononce en sens contraire. Elle établit que, nonobstant la sauve­ garde de l’unité de personne ct ces précisions, ut homo, quatenus in humanitate, le sentiment qui affirme que le Christ est fils adoptif parait réprouvé par le concile de Francfort. 1. Le concile condamne absolument, sans aucune réserve, la formule de l’adoption. Si verus Deus (Christus) et verus Filius... nequaquam adoptivus; quia adoptivus... non vere natura est Filius. Le concile s’appuie sur l’incompatibilité des deux termes — adoptif et naturel — dans un même sujet. SI vous admettez, dit-il, que le Christ est fils consubstantiel du Père, jamais, d’aucune façon, nequaquam, on ne peut le qualifier de fils adoptif. 11 y a contradiction dans les termes. On doit donc déduire logiquement de cc principe que dans aucun sens le qualificatif de fils adoptif ne peut être appliqué à Jésus-Christ. Le même document conciliaire s’exprime encore ainsi, cn tonnes très décisifs : Adoptivus siquidem non habet aliam significationem, nisi ul Jesus Christus non sit proprius Filius Dei. Or. malgré la déclaration du concile, si la qualité d'adoplij pouvait être attribuée légitimement au Christ, il résulterait : u) que cc titre, qui d’après ccs Pères enlèverait à Jésus la propriété de la filiation naturelle, aurait une autre signification orthodoxe; b) que le concile, en affirmant le contraire, se serait étrangement trompé. Comment soutenir, par conséquent, la formule : « le Christ, comme homme, est fils adoptif de Dieu » sans heurter vio­ lemment la doctrine énoncée par l’assemblée de Francfort? La remarquable déclaration suivante du concile achève de jeter une lumière complète sur la portée de cc décret et les conséquences qu’on est cn droit d’en tirer contre cette formule, au moins suspecte : Unitas person» qua est in Dei Filio ct filio virginis, adoptionis tollit injuriam. Par conséquent la qualité de personne unique, terminant la nature divine ct la nature humaine du Christ, doit interdire toute idée d’adoption. Vouloir employer ce’te expression serait faire outrage à la personne sac éc du Sauveur. On comprend bien désormais la déclaration radicale ct sévère du pape Adrien à cc sujet : Materia autem causalis perfid ia inter calera rejicienda de adoptione Jesu Christi Filii Dei secundum carnem... Il est Im­ possible de no pas conclure que toute formule de cc genre est réprouvée d’après les principes développés parle concile. 2. Les raisons scripturaires, produites par la même assemblée, ne peuvent que compléter ccttc démons­ tration. En citant ccs mémorables paroles de ΓÉvan­ gile de saint Jean : Vidimus gloriam ejus quasi Unigeniti a Patre, les Pères du concile ajoutent : « C’cst donc le contraire de l’adoption, puisque le Fils unique engendré du Père s’est manifesté à nos regards ! Le Christ a donc pris ct non adopté la chair humaine. » Dans tous les témoignages des Livres saints, qui parlent du Verbe fait chair, soit le pape Adrien, soit les Pères du concile font bien ressortir : a) que la propriété de la filiation consubstantielle est attribuée ù l’hommc-Dlcu; b) que jamais le titre d’adopté ne lui est appliqué, tandis que les anges cl les hommes sont I 718 formellement quali fiés d’enfants adoptifs, parce que cc sont de simples créatures, appelées à l'héritage céleste, par pure libéralité de Dieu; c) que le Christ rédempteur, c’ctt-â-dire le Verbe fait homme, est signalé dans les lettres divines, comme adoptant les hommes et non comme adopté : non est adoptions filius, sed adoptator... calerorum Toutes ccs conclusions sont faciles à inférer des pa­ roles inspirées, relatives au Verbe fait homme: Tu es Filius meus, Marc., 1,11 ; Unigenitus Filius, qui est in sinu Patris ipse enarravit, Joa , i, 18; Sic Deus dilexil mundum ut Filium suum unigenitum daret, m, 16; Misit Deus Filium suum in mundum; qui credit in eum non judicatur : qui autem non credit jam judicatus est : quia non credit in nomine unigeniti Filii Dei. I Joa., ni, 18, etc. Encore une fols, ces textes ne donnent pas prise à l’interprétation des auteurs qui veulent à tout prix attribuer au Christ le titre de fils adoptif. 3. Rien d’élonnant, par suite, que des théologiens, se fondant sur l’autorité du concile de Francfort, aient qualifié hérétique la proposition : < Le Christ, comme homme, est ills adoptif. » D’autres, sans en arriver à celte rigueur, la considèrent comme fausse, improbable, téméraire. On voit également l’impossibilité de concilier avec ccs déclarations authentiques l’opinion de Durand et de ses adeptes. Ils admettaient sans hésitation que le Christ, comme Verbe incarné, comme homme, était Mis naturel, consubstantiel de Dieu. Ils ne voulaient pour le Christ le titre de fils adoptif qu’à raison de la grâce sanctifiante prodiguée à son huma­ nité, devenue ainsi, comme les anges et les hommes, objet de l’adoption divine. Us perdaient de vue que l’adoption filiale par la grâce est l'effet secondaire de la grâce habituelle, effet qui ne saurait sc produire dans le sujet déjà nanti de la filiation naturelle. L’effet premier et inséparable de la grâce sanctifiante csl de rendre de plus cn plus agréable à Dieu l’âme qui cn bénéficie. D’après les mêmes principes, il est difficile de porter un jugement différent sur deux autres théories cnfanlécs par l’imagination d’auteurs en quête de subtilités doctrinales. En opposition contre rensei­ gnement des adoptianlstes, ils ont rêvé pour le Verbe incarné deux titres de filiation naturelle. D’après les tenants d’un premier système, non seulement le Christ, ut homo, est fils naturel à raison de la personnalité divine, mais encore à raison de la grâce sanctifiante d’ordre éminent que l’union hypostatique confère à son humanité, avec le droit A l’héritage céleste. Il est impossible de faire cadrer cette déduction étrange avec l’enseignement général catholique et cn particulier avec la déclaration con­ ciliaire : propter unitatem personae unus Dei Filius, perIectus Deus, perfectus homo. Consuetudo ecclesiastica solet in Christo duas substantias nominare Dei videlicet et hominis. Suarez dit qu’il s’agit là d’une filiation analogique, impropre,subtile,qui ne doit pas franchir l’enceinte des discussions des écoles. 11 cn va autre­ ment de l’inexplicable rêverie du P. Hardouln ct de Bcrruyer, son disciple. Le maître, dans son Commen­ tarium in Novum Testamentum, ct le disciple, dans {'Histoire du peuple de Dieu, in-12, 1753, t. vin, p. 48, ont imaginé le système suivant. Après avoir admis tout ce qu’enseigne l’Égiisc sur la filiation divine de Jésus-Christ, ils ont ajouté ce qui suit à la doctrine commune. Comme l’humanité du Christ a été unie hypostatiquement à la personne du Verbe, il faut conclure que, selon le concept véritable de la génération, Jésus-Christ est le fils de Dieu subsistant en trois personnes, c’est-à-dire fils de la très suinte Trinité. On ne saurait comprendre les livres du 719 FRANCFORT (CONCILE DE) — FRANCK 720 Nouveau Testament, prétendent-ils, si l'incarnation lotis obedienlia, qua /actus est obedient usque ad n’est pas établie sur h base fournie par ccttc expli­ modem. cation. S. Thomas. Sum. theol., III·, q. χχτπ, a. 4; Suarez, Non seulement la doctrine du concile de Francfort disp XL IX, scct.n-iv, Opera, Paris. 1800, t. xvin,p.483sq ; ne peut sc concilier avec cette affirmation, mais par Salmnntlcenses, (r. XXI, De incarnatione, disp. ΧΧΧΠΙ, ailleurs, cette double filiation a été formellement Paris. 1881, t. xvi, p. 406; Legrand. Tractatus de incarna­ tione, c. iv, v. édit. Aligne, t. ix, p. 792; Billunrt, De incar. réprouvée par l’Église. Elle fut rejetée par la faculté natione, diss. XXI, a? 2, Paris, t. v; Pctnu, Theologica de théologie de Paris, comme nouveauté contraire mata, I. VII, Bar-Ic-Duc, 1869, t. vi, p. 310; L. Turrianus. à la doctrine traditionnelle des Pères ct des conciles, De sensu concilii Franco/urdiensis, dans Opuicuta theolo­ opposée à renseignement des docteurs catholiques, gica, 1625, p. 593- 653; J. Schwanc, Histoire des dogmes, dont elle voulait sc prévaloir à faux, ct aux symboles trad. Dcgcrt, Paris, 1903, t. iv, p. 375-377; Hefele, Hidoire en honneur parmi le peuple chrétien. Ix pape Clé­ des conciles, trad. Leclercq. Paris, 1910, t. m, p. 1045-1056; ment XIII disait, dans la condamnation dont il Franzelin. Tractatus de Verbo incarnato, th. χχχνιπ,3·ΜΙΙ^ Rome, 1881, p. 349-374. Voir Adoptianisme, t. i, coi. 108frappa les deux écrivains, qu’ils parlaient plutôt 413. pour égarcr que pour éclairer l’esprit public : in populi B. Dolhagaray. seductionem, potius quam instructionem... ab utroque, FRANCHINI Jean do Modènc, des mineurs conven­ sacrarum litterarum expositionis obtentu, parantur tuels, publia, étant procureur général do son ordre, un incautis offendicula ct veritati catholica: aut præjudiStatus religionis franciscanæ minorum conventualium, cium infertur, aut aufertur præsidium quo potissimum in-4°, Rome, 1682, ct une apologie De anliquiorilate roboratur. franciscana conventualibus adjudicata, in-4°, Rond4® Servitude du Christ. — Comme on le voit par lione, 1682. Rentré dans sa province monastique, le texte du concile de Francfort que nous avons cité, 10 P. Franchini continua scs travaux historiques et ce n’est pas seulement la question du titre de Fils publia la Üibliosofia e memorie letterarie di scrittorl consubstantiel du Père, que l’assemblée eut à définir francescani conventuali ch'hanno scritto dopo l'anno contre les tendances hérétiques de certaines propo­ 1685, in-4 °, Modène, 1693. 11 consacre quelques sitions Le problème de la servitude du Christ y fut lignes à scs publiai lions, annonçant qu'il tient en expliqué. Les deux enseignements sont connexes en réserve beaucoup d'autres travaux sur l’histoire de eux-mêmes aussi bien que dans le décret conciliaire. sa famille religieuse, sans promettre toutefois de les S/ ergo Deus verus est, qui de Virgine natus est, quomodo publier, car, disait-il, il approchait de la soixantaine tunc potest adoptivus esse vel servus? Dans la lettre et ne pouvait se promettre une longue carrière. Il écrite au nom du concile aux évêques espagnols, on mourut, dit un auteur, en 1695. Sbaralea. qui le cite lisait également, à propos des novateurs : Inteltigitc dans son Supplementum aux Scriptores de Wadding, in hac professione vestra duplices diabolicæ fraudis no lui a cependant consacré aucune notice. latuisse dolos..., dum et Dominum nostrum Jesum Christum quem Deum colimus et adoramus, servum Slgismond de Venise, Riografia scraftca, Venise, 1816; Hurter, Nomenclator, Inspruck. 1910. t. iv. col. 574. prædicatis ct adoptivum. Il s’agissait donc de déter­ P. Édouard d'Alençon. miner le sens dans lequel on pouvait qualifier le FRANCHIS Loreto, prélat italien, né dans les Christ, serf de Dieu, serviteur soumis aux ordres de son Père. Abruzzes, mort ù Naples le 25 novembre 1638. Après avoir été vicaire général du légat d’Avignon, il fut Les auteurs distinguent une triple servitude, natu­ en 1636 évêe nom de Le François a été reproduit par I farter, Nomenclator. 1912. t. v. col. 301. C’est par erreur. Ix nom véritable est François : les registres du per­ sonnel d*s lazaristes en font foi ct c’est aussi de la sorte que Fauteur a écrit son nom sur ceux de scs ouvrages où il l'a mis Laurent François naquit A Notre-Dame d'Arinthod, dans le dtocH de Besançon, le 2 novembre 1698. Il entra d in· ta congrégation des lazaristes A Paris en 1715 Am» é dit I < lier. « A cause de la faiblesse de sa tant* à quitter ta congrégation il se fixa Λ Paris où 0 sc consacra A ta composition de ses ouvrages. * FRANÇOIS 732 Il appartenait A cette pléiade d’est Iniables et honnêtes écrivains qui s’employèrent de leur mieux, au xvm· siècle, à défendre la religion contre les violentes attaques dont elle était alors l’objet de la part des incrédules. François publia successivement ; 1° Preuves de la religion de Jésus-Christ contre les spinozistes el les déistes, 4 In-12, Paris, 1754; 2· édit., 1784; une traduction italienne de cet ouvrage fut donnée A Venise, Prove della religione di G. C. contro i s pinos LU e i deisti, in-80· Venise, 1768; 2°Défense de la religion contre les difficultés des incrédules, 4 in-12, Paris, 1755; 3e Examen du Catéchisme de Γhonnête homme ou Dialogue entre un caloyer el un homme de bien, in-12, Bruxelles et Paris, 1764;ce «Dialogue » se trouve dans les œuvres de Voltaire; 4° Réponse aux difficultés proposées contre la religion chrétienne par J.-J. Rousseau dans Γ Émile el le Contrat social, in-12, Paris, 1765; 5e Examen des faits qui servent de fondement à la religion chrétienne, précédé d'un court traité contre les athées, les matérialistes el les fatalistes, 3 in-12, Paris, 1767; 6° Observations sur la Philosophie de Γ histoire el sur le Dictionnaire philosophique portatif, avec des réponses à plusieurs difficultés, 2 in-8°, Paris, 1770; c’est à cet ouvrage que Voltaire fait allusion dans son Épitre à d'Alembert : L’abbé François écrit: le Lé thé sur ses rives Reçoit avec plaisir scs feuilles fugitives. Cette épigramme n'empêcha pas le livre de se répandre et cette petite vengeance montre que Vol­ taire n'avait pas été insensible aux coups qui lui étaient portés; 7° Lettre sur le pouvoir des démons, in-4°, Laurent François mourut le 21 février 1782. Notices bibliographiques sur les écrivains de la congré­ gation de la Mission par un prêtre de la même congrégation (Édouard Rossct), Ang mlèino, 1878, p 257; Hurter. Nomenclator, t. v, col. 301-302. Λ. Milon. 3. FRANÇOIS Louis-Joseph, lazariste, naquit A Busigny, diocèse de Cambrai, en 1751. 11 fut employé dans sa congrégation à l'enseignement dans les sémi­ naires dirigés alors par les prêtres de la Mission ou lazaristes. De 1781 à 1786, Il fut supérieur du grand séminaire de Troycs. Au mois d’août 1786, il fut nommé supérieur, à Paris, du séminaire Suhit-Finnin, précédemment appelé séminaire des Bons-Enfants où saint Vincent de Paul avait établi scs premières œuvres. C'est IA que le trouva la Révolution dont 1rs événements furent l’occasion de scs divers écrits, quo nous allons mentionner selon l’ordre du temps. Il avait eu précédemment l’occasion de publier un Éloge de Madame de Maintenon, discours prononcé d SaintCyr, le deuxième jour de la fête séculaire en 1784, Paris, 1787, ct une Oraison funebre de Louise-Marie de France, carmélite sous le nom de Thérèse de SaintAugustin, Paris, 1788. Quand la Révolution eut éclaté, dès qu'elle essaya de toucher aux droits rie l’Églisc, il prit position; A chaque empiétement de la Révo­ lution il répondit par un écrit public : il faisait ainsi connaître wm avis aux nombreux prêtres qui l’avaient consulté. Sun écrit : Opinion sur les biens ecclésias­ tiques, s. d., parut lors des lois par les du temps donnèrent sa direction à l'activité intellectuelle de François d’En­ ghien, qui soutint ou flt soutenir un certain nombre de thèses sur des matières controversées. Scs thèses de licence portaient sur les sujets suivants : Thés»s saerte : ex Jona, Michxa et Nahum (24 Janvier 1680); De bonitate et malitia actuum humanorum (6 février); De restitutione in genere et Ululis ad eam obligantibus (8 août); De voluntate Del et attributis eam concer­ nentibus (18 juillet); Theses sacras, ex prioribus capi­ tibus Epistotfc ad Hebraeos (23 juillet); De justijicutione (2 août). Université de Louvain, thèses des rdi- 735 FRANÇOIS D’ENGHIEN — FRANÇOIS DE SALES (SAINT) gieux pour les années 1680-1683. Lors des épreuves pour le doctorat, il soutint les thèses sur les sujets sui­ vants : Theses sacræ, in Tablant, Judith et Esther (I novembre 1686); De actibus humants (8 novembre); De matrimonio (9 novembre). Thèses pour les années 1684, 1685, 1686. Parmi les thèses qu’une fois maître et docteur il Ht soutenir devant la faculté de théologie de Louvain, signalons-en quelques-unes : 1° Theses theologicæ de actibus ad mentem et litteram angelici doctoris S. Tho­ rnet Aquinatis, in-8®, Louvain, 1686; cf. Bibl. umv. Lovan. : Theses PP.præd. ab an. 1643 ad 1692, p. 318325 ; 2° Theses theologicæ de tibero arbitrio ac de neces­ sitate absoluta amoris beatifici, in-4®, Louvain, 1688, ibid., p. 388-401; 3® Theses de sacramento pænitenliæ, in-4®, Louvain, 1699; 4® De divina gratia, in-4®, Lou­ vain, 1700, etc. Les principes gallicans, qui recevaient alors des assemblées du clergé de France une éclatante confir­ mation, furent ardemment combattus par François d’Enghicn. En réponse à la Déclaration de l’Asscmblée de 1682, il publia : Desponsio hislorico-thcologica ad derl gallicani de potestate ecclesiastica declarationem ex summorum pontificum documentis, decretis ac gestis excerpta. Per quemdam sacræ thcologiæ pro/essorem, in-8®, Cologne, 1683. Dans la seconde dissertation sur les siècles xi et xn de son Histoire ecclésiastique, le P. Noël Alexandre avait traité De dissidio quod Gregorium VU pontificem maximum cum Henrico IV impe­ ratore commisit. L’art. 9, en particulier, de cette disser­ tation était inspiré de toutes les idées gallicanes. Il était intitulé : Gregorius VH romanorum primus ponti­ ficum sibi regum exauctorandorum tribuit potestatem, contra Patrum doctrinam, imo contra verbum Det. C’est contre cet écrit du P. Alexandre que François d’Enghicn s’éleva dans un livre intitulé: Auctorilas Sedis apostolicæ in reges, sive auctoritas Sedis apostal icæ pro Gregorio VII papa vindicata, adversus E. Natalem Alexandrum, in-8®, Cologne, 1684. Noel Alexandre y répondit par la VI· dissertation aux siècles xv-xvi de son Histoire eccl. : Dissertatio apologetica E. Natalis Alexandri adoersus libellum E. Erancisd d'Enghien, dominicani, licentiati Lovanicnsis. De auctoritate Sedis apostolicæ in reges, 1686, p. 23-259. François d’Enghicn publia aussi : Positio jaciens satis Insolita opposi­ tioni contra constitutionem Sedis apostolicæ Unige­ nitus, in-8®, Gand, 1715. Erhard, Scriptores ord. pried., Paris. 1719-1721, t. n, p. 798; édit. Coulon. Paris, 1912, ad an. 1722; Hurter, Nomenclator, 3· édit.. Impruck, 1910, t iv, coi. 1060, 722, 1181. R. Coulon. 8. FRANÇOIS DE JÉSUS-MARIE, carme déchaussé, né A Burgos, professa avec éclat la théologie au fameux collège de Salamanque. Il mourut en 1677, après avoir rempli successivement les diftérentes char­ ges de son ordre. Nous lui devons let. i du Cursus theo­ logia moralis Satmanticensis, in-fol., Madrid, 1664; Anvers, 1672; Madrid, 1709; Venise, 1750, qui com­ prend les sept traités suivants : De sacramentis in genere, De baptismo. De confirmatione. De eucharistia, De sacrificio missæ, De pænilmtia, De extrema un­ ctione. Il avait écrit auparavant des Commentarii litterales d morales in Apocatypsim, 2 in-fol., Lyon, 1648 et 1649, auxquels il avait joint un remarquable 7 radatus de sensibus Scripturæ sacræ. Richard et Giraud. RlbUolMqite sacrée, Paris. 1823. t XI, p 291 ; Cosmr de VUlier*. nibltolheca carmrlilarum, Orléans, 1752, t |. col 493; Henri-Marie du T S. Sacrement. ColIrrffo scriptorum ordinis carmelitarum ex calceatorum, Sanone, 1881. t ! p 211. P. Sehvais. 9. FRANÇOIS DE 736 SAINTE-MARIE, de la noble famille des Perez del Pulgar, murqulide Solar, apparenté à sainte Thérèse, par les de Oepcda. Il était né à Grenade le 13 août 1567 et avait montré, dès scs plus jeunes années, les meilleures dispositions pour l'étude. Il suivait les cours de théologie à la célèbre université de Salamanque quand sa vocation sc décida, et le 10 mars 1586, il prit l’habit religieux des carmes déchaussés. Ordonné prêtre en 1592 û Malaga, il fut envoyé à Alcala pour enseigner la philosophie. Deux ans plus tard.il était désigné pour professer la théologie à Salamanque; il occupa cette chaire jusqu'à cc que, â partir de 1604, il fût appelé à remplir diverses charges dans son ordre. C'était un religieux d’une haute vertu et d’un zèle ardent. Au milieu des travaux occasionnés par scs fonctions, il ne cessait d’écrire. Indépendam­ ment d’un traité De virtute religionis qui doit être resté manuscrit, et de divers autres travaux de différente nature, il publia en espagnol une Histoire prophétique du Carmel, in-fol., Madrid, 1630, où il défendait les traditions de son ordre. Son livre fut déféré Λ l’inqui­ sition espagnole, mais ne fut point censuré. En 1642, paraît du même auteur une apologie de l’ouvrage in­ criminé, in-fol., Valence, laquelle met momentané­ ment fin ù la polémique. Chargé par scs supérieurs d'écrire l’histoire du Carmel réformé par sainte Thé­ rèse, il ne put en publier que 2 tomes in-fol., compre­ nant six livres, Madrid, 1644 et 1655. Nous avons de cet ouvrage considérable, qui embrasse l’histoire du Carmel durant la vie de sainte Thérèse, 1515-1582, une excellente traduction française duc à la plume élé­ gante du R. P. Marie-René, carme déchaussé, Lérins, 1896. Le P. François de Sainte-Marie sc retira, en 1645, à Malaga, et, après y avoir donné pendant deux ans l’exemple de l’observance et de toutes les vertus, il mourut en odeur de sainteté, le 11 septembre 1649, Agé de quatre-vingt-deux ans; il en avait passé soixante-trois en religion. Cosme do Villiers, Dibtiotheca carmelitarum, Orléans, 1752. t. I. col 502-501; Daniel de la Vierge, Speculum carmditanum, Anvers, 1680; t îî, p 1129; Richard et Giraud. Hlbllolhèque sacrée, Paris. 1823, t. XT, p. 290; Philippe do In Trinité, Historia carrnditani ordinis, Lyon. 1656, p. 604» Berthold-Ignace de Sainte-Anne, Vie de la vénérable ht. Anne de Jésus, Malines, 1876, t. T, p 597-602. P. Sehvais. Vie. II. Œuvres. III. Doctrine théologique et mystique. L Vie. — Saint François de Sales naquit A Thorons, dans le duché de Savoie, en 1567. Son père, François de Sales de Boisy, et sa mère, Françoise de Slonnnz, appartenaient à l’ancienne noblesse de Savoie. Le saint était l’alné de six frères; son père le destina A la magistrature, et l’envoya étudier do bonne heure aux collèges de la Roche et d’Annecy. De 1581 à 1588 il suivit à Paris, nu collège de Clermont dirigé par les Pères jésuites, les cours de rhétorique et de phi­ losophie. Il y joignit l’étude de la théologie : « A Paris, disait-il, j’ai appris plusieurs choses pour plaire A mon père, et la théologie pour me plaire à moi-même. » 11 suivit les cours d'Écrlturc sainte de Génébrard. Une terrible tentation de désespoir dont il fut délivré aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, A Saint-Éticnnc-dcs-Grès, donna une direction particu­ lière aux recherches de son esprit, et pendant plusieurs années il étudia les mystères de la grAcc et de la pré­ destination. En 1558, nous le trouvons à l’université de Padoue, où 11 s'est prescrit huit heures de travail par jour, quatre pour le droit et quatre pour la théo­ logie. Il prit pour directeur de sa conscience le P. Possevln de la Compagnie de Jésus. Après quatre années de sérieuses études et d’une vie tout angélique, au milieu des 20 000 étudiants qui fréquentaient l’uni10. FRANÇOIS DE SALES (Saint). I. 737 FRANÇOIS DE SALES (SAINT; versllé, François reçut le bonnet de docteur en droit civil des mains de Panclrolc, en 1592. Itcçti avocat nu sénat do Chambéry, il allait être promu sénateur. Son père lui avait choisi pour épouse une des plus nobles héritières de Savoia. Mais Fran­ çois déclara son intention arretée d'embrasser la car­ rière ecclésiastique. La lutte fut vive. M. de Boisy ne pouvait accepter de voir ainsi renversées toutes les espérances qu'il plaçait sur La tête de son Ills aîné. Alors l'évêque de Genève, Claude de Grenier, obtint pour François, et à son insu, la charge de prévôt du chapitre de Genève, dont la collation appartenait au pape : c'était la première dignité du diocèse. M. de Boisy céda, rl François reçut les saints ordres (1593). Depuis la Réforme, le siège de l'évêché de Genève était, en fait, transféré A Annecy. C'est lâ qu’avec un zèle tout apostolique, le prévôt sc livra sans relâche à la prédication, A la confession, à toutes les œuvres du saint ministère, sans négliger /étude; même étant évêque, et malgré les travaux accablants de la charge, il consacrait chaque jour deux heures à l’étude de la théologie, unissant la science A l'expérience des âmes, et développant incessamment l’une par l’autre. Il dit lui-même dans la préface de son Traité de l'amour de Dieu, le résumé et le couronnement des travaux spiri­ tuels et intellectuels de toute sa vie : « J’ay touché quantité de poins de théologie, mais sans esprit de contention, proposant simplement, non tant ce que j’ay Jadis appris es disputes, comme cc que l'attention au service des Ames et l'cmploytc de vingt-quattre années en la sainte prédication, m'ont fait penser estre plus convenable à la gloire de l'Evangile et de l’Eglise. . L’année suivante (1594), François s'offrit pour aller évangéliser le Chablais, où les Genevois avaient imposé la réforme de Calvin, et qui venait de faire retour au duché de Savoie. Il s’établit d'abord, avec son cousin Louis do Sales, dans la forteresse des Allingcs. Au péril de sa vie, au prix de fatigues inouïes, par des courses et des prédications incessantes, A force de zèle, de science, de bonté, de sainteté, il arrive à sc faire écou­ ter de ccs populations sectaires. Il fixe alors sa demeure à Thonon, la ville principale du Chablais. Il confond les ministres que Genève lui envole; il convertit le syndic et plusieurs des principaux calvinistes. Sur la demande du pape Clément VIH, il sc rend à Genève pour conférer avec Théodore de Bèzc, qu'on appelait le patriarche de la Réforme. Celui-ci l’accueille, l’écoute, semble même un moment ébranlé; mais il n'a pas le courage d’aller jusqu'au bout. Le Chablais sc con­ vertit en masse (1597 et 1598). Claude de Granicr choisit alors François pour coadjuteur, malgré ses refus, et l’envoie A Borne (1599). Clément VIII ratifia le choix de l'évêque de Genève et voulut examiner lui-même le candidat, en présence de tout le Sacré-Collège. Cet examen improvisé fut un triomphe. · Aucun de ceux que nous avons examinés jusqu’à cc jour, dit le pape en sc tournant vers les car­ dinaux, ne nous n satisfait d'une manière aussi com­ plète. · Descendant de son trône, il s’approcha de François qui était encore A genoux, et l’embrassa en lui disant A haute voix les paroles des Proverbes» v, 15, 16 : Ri be, fili mi, aquam de cisterna tua, et fluenta putei tut; deriventur fontes tui foras, et in plateis aquas tuas divide. La prophétie sc réalisa. A son retour de Home, François dut aller A Paris pour le règlement des affaires religieuses du pays de Gcx, qui dépendait de la l'rance. LA le coadjuteur de Genève se lia d’amitié avec M. de Bérullc, plus tard cardinal, avec Antoine Deshayes,secrétaire d'Henri IV, et avec I lenri IV lui-même qui voulut être· de tiers dans cette belle amitié. » Le roi eût voulu fixer le coad­ juteur en France : il lui fit prêcher le carême A la cour. PICT. DE TIIÛOL. CATIIOL· 738 Claude de Granler mort, François de Sales fut sacré évêque de Genève (1602). Il commença par établir dans son diocèse des catéchismes pour les enfants et 1rs fidèles; il traça pour son clergé de sages règlements; il visita soigneusement les paroisses éparses dans les âpres montagnes de son vaste diocèse; il réforma les communautés religieuses. Sa bonté» sa patience, sa douceur sont restées proverbiales. Il avait un grand amour des pauvres, surtout des pauvres honteux. Fru­ gal dans la nourriture, simple dans le vêtement et l'ameublement, il sc retranchait sévèrement toute superfluité» et vivait dans h plus stricte économie per­ sonnelle, afin de pourvoir plus abondamment à la misère des pauvre*. Il confessait, conseillait et prê­ chait sans cesse. Il a écrit d'innombrables lettres, la plupart de direction; et entre temps il trouva moyen de mettre au jour les livres que nous dirons. Il fonda, avec sainte Jeanne de Chantal (1610) l'institut de la Visitation Sainte-Marie, pour les filles cl les veuves qui, sc sentant appelées â la vie reli­ gieuse, n'ont point h force ou l’attrait des austérités corporelles pratiquées dans les grands ordres. Son zèle apostolique ne resta pas confiné dans son diocèse de Genève. Il alla prêcher au dehors des avents ou des carêmes demeurés célèbres : à Dijon (1601), où il rencontra la baronne de Chantal, a Chambéry (1606). à Grenoble (1616, 1617, 1618), où il convertit le maré­ chal de Lesdiguières. Dans un dernier séjour à Paris (novembre 1618-septembre 1619), il dut monter pres­ que chaque jour en chaire pour satisfaire la pieuse avidité de la foule. De nombreuses conversions en furent 1e fruit. Il fut en rapport à Paris avec toutes les notabilités religieuses de l’époque, et en particu­ lier avec saint Vincent de PauL On lui proposa, pour le décider à demeurer en France, la riche abbaye de Sainte-Geneviève, puis la coadjutorcrie de Paris : il refusa tout pour revenir à Annecy. En l’automne de 1622, saint François de Sales dut suivre la cour de Savoie en France, à Avignon, puis de là à Lyon. Dans cette ville, le 27 décembre, il fut frappé d’une attaque d’apoplexie, et mourut sainte­ ment le lendemain, jour des Saints-Innocents. Il était dans sa 55· année. Il sc fit un grand concours autour de sa dépouille mortelle, que le peuple lyonnais voulait conserver à tout prix. A grand’peine on la ramena Λ Annecy, laissant son cœur à la Visitation de Lyon, Un nombre considérable de miracles et de grâ­ ces signalées ont été obtenus A son tombeau qui est vénéré au couvent de la Visitation d’Annecy. Son cœur. A h Révolution, fut emporté par les visitandincs de Lyon A Venise, où il est en grande vénéra­ tion. François de Sales fut béatifié (1661), et cano­ nisé (1665) par Alexandre VII; il fut proclamé docteur de l’Église universelle par Pie IX (1877). 11. (Buvnx*. — Pour la nomenclature des œuvres du saint docteur, nous suivrons l’ordre de la nouvelle édition publiée par les soins de la Visitation d*Annecy : commencée en 1892. elle en est en 1913 au xvin· volume, vm· des lettres. I-c bénédictin anglais dom Mackey a prêté son con­ cours aux religieuses de la Visitation, rl les 12 premiers volumes ont été publiés sous sa direction 11 n fait précéder chaque ouvrage du saint docteur de longues et érudites pré­ faces. où il a traité A fond grand nombre de points concer­ nant les œuvres du saint. Os préfaces ont été notre guide le plus fissuré dans le présent travail O P. Navatcl. de la Compignle de Jésus. a surveillé l’édition des trois volumes suivants I es deux derniers volumes parus, t xvi.xvit.no sont pas signés : Ils témoignent d’une grande sagacité et probité de travail. C’est cette édition que nous citerons ordi­ nairement 1λ V· édition complète des œuvres de saint François do Sales est de Toulouse. 1637. Il ne semble pas que sainte Chantal l ait connue. L’édition qu’elle prépara, de concert avec le Commandeur dr Sillers· parut à Paris, en 1641. Cinq autres éditions, in-folio comme les doux pre­ mières, et deux éditions en 8 ln-12 sc succédèrent. A Paris VL - 2V 739 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) pendant le cours du xvn· siècle Le xvtîl· siècle ne flt pns d’édition nouvelle des œuvres complètes. Le xix· en n vu plusieurs dont les trois principales sont celles dc Biaise, 16 in-8· avec 6 vol de supplément, Paris. 1821-1833, de Vhé*. 12 in-8·, Paris, 1856-1858, ct de Migne, 7 petits Ιη-ί·, Paris. 1861-1864. 1· Les Controverses, t r, composées pendant la mis­ sion du Chnbhis, ne furent publiées que longtemps après la mort du saint, dans le vm· vol. dc l’édition de 1672. Le saint auteur les appelait scs Méditations, scs Placards. C’étaient, à l’origine, des feuilles volantes que le zélé missionnaire répandait parmi les habi­ tants de Thonon, ct faisait afficher sur les places ct dans les rues, alors qu’au début, on n’osait venir à scs prédications, Ccs feuillets, recueillis par Charles-Au­ guste, le neveu du saint, ct ofTcrts au pape Alexandre VII Chigi, lors des fêtes de la béatification, furent publiés peu après par le minime Harel, avec de nom­ breuses lacunes, ct ce qui est plus fâcheux encore, avec des retouches. Les éditeurs postérieurs ont repro­ duit le meme texte défectueux. L'édition d'Annecy nous donne la vraie leçon. Le but dc saint François dc Sales dans les Contro­ verses est dc prouver · que tous ceux sont en faute, qui demeurent séparés de l’Église catholique, apostolique et romaine. > C'est une démonstration complète de la fol catholique à l’usage des protestants d'alors qui, admettant les saintes Écritures, s’étalent séparés de l’Église catholique romaine. L’ouvrage sc divise en trois parties : 1° l’autorité dc l’Église; 2° les règles dc la foi violées par les ministres; 3° les règles dc la foi observées dans l’Église catholique. Dans h p· partie, 1*autorité de Γ Église, l'auteur combat le schisme chez les habitants du Chablais qui ont écouté ct suivi des ministres sans mission et usurpateurs d’une autorité qu’ils n’avaient point. Il retrace devant leurs yeux l’image vraie dc l’Eglise de Dieu défigurée par les protestants : cette Église dont les traits principaux sont d’être visible, dc renfermer en elle des bons ct des mauvais, dc ne pouvoir périr, de n’être ni dissipée, ni cachée jamais, ct de ne pouvoir errer; ct les ministres ont tenté dc violer ct d’avilir son autorité en faisant revivre l’une après l’autre les attaques des hérétiques antérieurs qu’elle avait con­ damnés dans les cinq premiers siècles. 11 établit alors les marques évidentes qui désignent « la vraye Es­ pouse » : unité de chef et de doctrine, sainteté extérieure ct intérieure, universalité ou catholicité dc temps, dc lieux ct dc personnes. L’Église des protestants n'a pas plus ccttc marque que les autres : clic n'est pas catholique,* mais encores ne le peut entre n*ayant ni la force, ni vertu dc produire des enfans, mais seulement dc desrobber les poussins d’autruy. · Dans la II· partie, l’auteur établit la régie, ou les règles de la foi, pour montrer comment les « faux pre­ dicants · les ont violées. La règle de la foi. c'est d’abord la parole de Dieu contenue dans l’Écriturc sainte et dans la tradition apostolique. Voilà la règle ou plutôt les deux premières règles formelles. Mais ccs deux règles ne su disent pas : la sainte parole pourra < recevoir autant de tonnes qu’il y a de cerveaux au monde... 11 faut quelqu’un qui la propose..., quelque infaillible authorité a la proposition dc laquelle nous soyons obligés d’acquiescer... » D’où quatre règles d’applica­ tion : l’autorité ct l’enseignement de ΓÉglise, l'auto­ rité des conciles, celle des saints Pères, et celle du pape. Au sujet de rette dernière règle, il établit la suprématie dc salut Pierre sur les autres apôtres; il montre que les successeur? de saint Pierre, en lui suc­ cédant *ur b siègr de Rome, lui ont succédé dans sa pnm.iul i. H vérité qu'il con­ firm· > r b s élog -s, b's Hires ct prerogatives qu’a don­ nes aux AOUVcralns pontifes l'antiquité chrétienne, et 740 qu'il énumère avec amour. Il en conclut que Home est le centre nécessaire dc la communion catholique, ct que le pape peut, sans les conciles, définir les matières dc foi : « L'Eglise ne peut pas tousjours estre ramassée en un concile general, et les trois premières ccnteyncs d’annccs il s’en fist point; es difllcultés donques qui surviennent journellement, a qui se pourrolt on mieux adresser, de qui pourrait on prendre loy plus asseurec, règle plus certaine que du chef ge­ neral et du vicaire de Notrc-Seigneur? Or tout cccy n'a pas lieu seulement en saint Pierre, mais en ses suc­ cesseurs; car la cause demeurant, l’c fleet demeure encores; l'Eglise n toujours besoin d’un continuateur infaillible auquel on puysse «’addresser, d'un fonde­ ment que les portes d'enfer ne puyssent renverser, ct que son pasteur ne puysse conduire a l’erreur scs enfans : les successeurs donques de saint Pierre ont tous ces mesmes privileges, qui ne suivent pas la per­ sonne, mays la dignité et charge publique. » On sait que les premiers éditeurs avaient tout simplement biffé le mot infaillible qui gênait leur gallicanisme. Ce mot a été rétabli pour la première fois par l’éditeur Biaise dans un volume supplémentaire dc son édition (1821). Au cours des discussions sur Finfaillibllité pontificale, au concile du Vatican, Mgr Mcrmillod fit photographier ct distribuer aux Pères la page du manuscrit Chigi qui contient la phrase citée plus haut L'impression produite par ce témoignage auto­ graphe fut grande : le bref du doctorat de saint Fran­ çois de Sales en a conservé le souvenir : Imprimis au­ ctoritatem hujus apostolicæ Sedis, ac romani pontificis beati Petri successoris propugnavit, ac ipsius primatus vim ac rationem, ea perspicuitate explicavit, ut Vaticani cccumenici concilii definitionibus feliciter prœlusent. Certe quæ de infaliibititate romani pontificis in quadrage­ simo sermone « Controversiarum · asserit, cujus auto­ graphum, dum in concilio res ageretur, detectum est, ejusmodi sunt, quos nonnullos Patres tunc ea super re adhuc anclpites ad definitionem decernendam, vclull manu duxerint. Œuvres, t. i, p. xrx. La 7· règle de la foi, continue le saint auteur, règle extraordinaire, est Vautorité des miracles. Et la 8· ct dernière règle, la raison naturelle, est présentée comme règle négative, c'est-à-dire que la vraie foi ne doit rien renfermer dc contraire à la raison et aux bonnes mœurs. Et le saint, après avoir établi ct développé chacune dc ccs huit règles de la foi, montre comment « l’Eglise des prætcndus » les a violées. La IIIe partie des controverses: Les régies de la fol sont observées dans Γ Église catholique est malheureu­ sement incomplète. Après la récapitulation de tout cc qui précède, l’au­ teur traite des sacrements en général et dc l’altération de la forme des sacrements dc baptême et d’eucharis­ tie par les ministres. Enfin le saint docteur parle du purgatoire et des prières pour les morts, et il établit victorieusement la légitimité dc la doctrine ct dc la pratique dc l’Eglise. Ccttc rapide annlvsc des Controverses suffit à mon­ trer la valeur théologique de cc traité dc l’Église : Profecto in select is conclusionibus, seu Controversiarum libris quos sanctus episcopus conscripsit, manifeste ducet mira rei theologica: scientia, concinna methodus, ineluctabilis argumentorum vis, tam in refutandis lurrcsibus, tum in demonstratione catholica: veritatis, et præscrtim in asserenda romani pontificis auctoritate, jurisdictionis primatu, ejusgue tnfallibilitale, qum ille tam scite et luculenter propugnavit, ut definitionibus ipsius Vati­ can tr synodi pra tu sisse merito videatur. Décret de doc­ torat, 19 juillet 1877, Œuvres, t. i, p. xn. Certains au­ teurs reprochent à notre saint de n’avoir pus fait assez œuvre d’érudition, de n’être pas sorti dos lieux I communs de la controverse Idéologique, ct dc n’avoir /H FRANÇOIS DE SALES (SAINT) pns · labouré 1< * impies matière· de la théologie posi­ tive. · Les Coidroot rse» sont un livre vécu, et non un livre de cabinet; le missionnaire parle à son auditoire, ct 11 lui parle si éloquemment qu'il le convertit. Bien ne résiste à son argumentation ; rien ne résiste A la bonté avec laquelle il traite les pauvres protestant· égarés, en évitant ces qualifications injurieuses que la chaire ct la polémique protestante et catholique se permettaient si largement à cette époque. 2e La Defense de l'rstcndart dc la sainte croix, t. n. — C’est le premier ouvrage dc quelque étendue qu'ait pibllé lui-même le saint docteur. La lr· édition est de Lyon. 1600. Une 2· parut trois ans après Λ Paris, sous · le tiltre prodigieux · de Panthologie ou Thresor précieux dc la sainctc Croix, nous apprend lui-même le saint. Une 3· édition, postérieure de quelques années, est dc Houen. sous le titre abrégé d'Etendarl de la sainte Croix. Il ne semble pas que ce livre ait été depuis lors réimprimé isolément ct en dehors des Œuvres com­ plètes. Un pamphlet anonyme du ministre M Faye contre le culte de la croix fut Γoccasion de cc livre. Commencé pendant lu mission du Chablais, il ne put être terminé qu’un peu plus tard. Dans l'avant-propos, l’auteur attaque de front l’objection protestante que, Dieu seul ayant droit A la gloire et à l'honneur, nulle créature ne peut prétendre à partager avec lui les honneurs religieux. Il affirme qu'après avoir rendu à Dieu l’hon­ neur qui lui est dû, il est juste d’apporter encore un honneur, mais un honneur relati/, A certaines créa­ tures, ct tout spécialement A la croix dc Jésus-Christ. Puis entrant en matière, il traite successivement : Ie dc la vraie croix; 2° dc l’image de la croix; 3° du signe de la croix; 4° du culte rendu A la croix. — 1. Ia! saint établit la légitimité dc l’honneur dû A la vraie croix par le témoignage des Écritures, les mira­ cles de sa conservation et de son invention, ct les textes des Pères : et il établit qu'on a toujours eu con­ fiance en l’efficacité dc sa vertu. 2. Il montre l'image de la croix toujours en grand honneur dans l’antiquité chrétienne; ct la vertu dc ccttc sainte image sc mani­ festant par les bénédictions accordées à ceux qui l’honorent et par lo châtiment des profanateurs. 3. Le signe de la croix est en usage dans l’Église dès les temps les plus anciens, comme profession publique de la foi, ct comme moyen dc bénir. L Le sens du mot culte ou adoration de la croix doit être précisé. Le saint, après avoir distingué deux sens dans le mol ct l’idée d'adoration, réserve avec l’Église, A la suprême excellence, l’adoration ou culte dc latrie ; cl il attribue aux créatures suraaturcllemcnt excellentes l’adora­ tion. honneur ou culte de dulie ct d'hypcrdulic. Il fait ensuite une seconde distinction entre l’honneur ou adoration de latrie parfaite ct absolue qui ne s’adresse qu’A la divinité, cl l’honneur dc latrie impar/aite ct relative qui s'adresse « nux appartenances de JésusChrist, » et en particulier A la croix. Les derniers cha­ pitres répondent à la grande objection protestante, que le Dialogue interdit la fabrication des Images. On lit dans un livre généralement mieux inspiré, tout A côté du reste de belles ct Judicieuses pages sur notre saint, quelques lignes d’amère critique sur l’Étendart dc la croix : François de Sales · retarde sur son temps quand il s’agit do mettre, comme il convient dans de certains sujets, l’érudition au service de la théologie. Cc n’était pas par des textes tirés de l'Écri­ ture que l’on pouvait le mieux défendre le culte catho­ lique de la croix : c’était en recherchant soigneuse­ ment, dans les monuments dc l’Église. chrétienne pri­ mitive, des témoignages certains de 1 existence de cc culte. Or, l'enquête de François dc Sales ne semble pas avoir apporté sur cette matière de lumières nouvelles. Son érudition n'est guère que celle du moyen Age. Il 742 est plus jaloux d'entasser un grand nombre de preu­ ves telles quelles que d’en établir un nombre suffisant de valables ou d'en découvrir d'inédites. Π ne choi­ sit point, il admet ks preuves contestables sans scru­ pule. Et sans doute on a pu dire pour l'excuser que la plupart de· témoignage· aujourd'hui rejetés par h critique étalent acceptés alors par le* théologiens des deux partis; il n'en est pas moins vrai cependant que l'attention commençait à se porter de ce coté, comme le prouve parfois la contre-réplique de La Faye. » Une note renvoie à la Eéptlque chrétienne à la réponse de M. François de Sales, Genève, 1604, où lus Faye signale «la busse indication de certains passages des Pères... » Histoire de la littérature française, publiée sous la di­ rection de M. Petit de Julie ville, Paris, 1897, L ni, c. vil, p. 366. La réponse est facile. Saint François de Sales vou­ lait prouver la légitimité du culte de la croix : c'était une question de raisonnement appuyée sur une ques­ tion d’érudition. La première a été traitée de main de maître. La seconde consistait à recueillir tous les témoignages de culte rendu A la croix que les monu­ ments dc l’Église ancienne pouvaient lui fournir : c’est la tâche dont il s'est acquitté avec autant de succès qu’un théologien de son temps le pouvait faire. Π avait et il montrait autant d'érudition pour le moins que les ministres de Genève, à commencer par son antagoniste La Faye. Il a compulsé et cité tous les auteurs qui pouvait·nt lui apporter un témoignage qu’il jugeait sérieux. Quant à admettre, comme on le pré­ tend, sciemment ct sans scrupule des preuves contes· tables; quant à être plus jaloux Le livre des Entretiens spirituels n'a évidemment pas b même valeur documentaire que les ouvrages précé­ dents, puisqu’il n’est qu’un écrit de seconde main. Il n’en jouit pas moins d’une juste autorité. Bossuet le lisait et en faisait grand cas; Fénelon aussi,qui voulut y puiser des propositions pour étayer son système de semi-quiétisme, mais bien à tort comme le démontra victorieusement Bossuet. C’est un traité assez complet de l'observance ct des vertus religieuses; c'est, peut-on dire, le traité de l’amour de Dieu dans b pratique d’une vie d'humble religieuse, de visitant) inc. Il est rempli de pensées profondes, de b plus éminente per­ fection, dans une langue simple, aimable, toute pnterntUe. Voici comnunt le saint définit b perfection des visitandines : · Les filles de b Visitation sont toutes appelées a une très grande perfection, ct leur entre­ prise cit h plus haute et b plus relevée que l’on sçauroit penser, d’autant qu'elles n'ont pas seulement pre­ tention de s’unir a b volonté de Dieu..., mais de plus, rlb · prétendent de s'unir a scs désirs, voire mesme a ses Intentions, Je dis nv-^nt mesme qu’elles soyent presque signifie** t s il s** pouvait penser quelque 748 chose de plus parfait... elles cntrcprcndroycnt sans doute d'y monter puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige. » Entretien v, de lu générosité. 6° Sermons, t. vn-x. — Saint François de Saks ne publia de scs sermons que VOrayson funèbre du due de Mercœur, Paris, 1002. Les Sermons furent impri­ més pour la première fois dans lus Œuvres complètes de 1611, préparées par le commandeur de Sillcry avec k concours de sainte Chantal. On lus avait divisés en deux séries : b 1'· comprenait 27 surinons ou plans de sermons pris sur les autographes; la 2· comprenait 33 discours recueillis par lus religieuses de la Visitation d’Annecy. Les éditions suivantes des sermons publiés soit à part comme en 1643, soit dans les Œuvres com­ plètes, furent assez fautives; et b plus fautive de tou­ tes est la dernière en date où l’on a travesti, sous pré­ texte de l’arranger, le texte original. C’est l’un des plus grands services rendus par l’édition d'Annecy, que d’avoir restitué un texte authentique des sermons et d’avoir considérablement enrichi le recueil. Le docte éditeur a fait deux parts des Sermons. La P· partie comprend les sermons autographes, ct h 11 · les sermons recueillis par les auditeurs : les premiers forment les vol. vu· et vin·, et lus seconds, les ixfet x·. Dans les sermons de b P· partie, il faut encore distinguer les sermons des premières années, antérieurs à l’épiscopat, et môme, à part quelques exceptions, antérieurs à la mission du Chubbls, qui sont générale­ ment écrits en entier de b main du saint; ct les ser­ mons postérieurs qui ne sont que des sommaires ou canevas, des notes décousues, ou des recueils de textes de l’Écriturc ct des Pères, écrits aussi de la main du saint. Les sermons recueillis par les religieuses de b Visi­ tation comportent les inconvénients ct imperfections inévitables en pareil cas : les auditrices relatent cc qu'elles ont cru entendre et comprendre, et comme elles s'en souviennent. Les sermons conservés In extenso ct écrits de la main du saint ont été souvent Jugés injustement. On a blâmé le style, par endroits fleuri à l’excès, sans ré­ fléchir qu'ils appartiennent aux débuts de l'orateur. Ils contiennent des · surcroissanccs · qui, selon b parole de notre saint, demandent à être «csfcuillecs ct esbourgeonnees. » C’est l’exubérante végétation de la jeune vigne qui affirme b vigueur du cep et b richesse de la sève. Et puis il y a. sous ccs pampres quelque peu touffus, une telle délicate fraîcheur un tel zèle apos­ tolique que le lecteur ne songe guère à s'en choquer. Les sommaires, pbns, notes, écrits de la main du saint, ct de b plupart desquels l’édition de dom Mackey a révélé l’existence, apportent fréquemment des divisions claires ct méthodiques, des rapprochements inattendus, des applications neuves et Ingénieuses des textes sacrés, ct toujours une profondeur de doctrine, une richesse de pensées, une vivacité d’imagination qui ravit. Il y a là une mine précieuse. Le bref de doctorat a caractérisé ainsi b prédica­ tion du saint : · Le grand amour que le saint prélat portait à l’Église, le zèle brillant dont il était animé pour sa défense, lui inspirèrent b méthode de prédica­ tion qu’il adopta, soit pour annoncer au peuple chré­ tien les éléments de b foi, soit pour former les mœurs d» s plus instruits, soit pour conduire les ûmes d’élite sur lus sommets de b perfection. Sc reconnaissant redevable aux doctes ct aux ignorants, ct sc faisant tout à tous, Il sut sc mettre à b portée des simples, en meme temps qu'il partait la sagesse parmi les parfaits. Il donna aussi les enseignements les plus sages sur ta prédication, ct.en remettant en honneur les exemples des Pères, il contribua dans une large mesure à rap­ peler à son ancienne splendeur l'éloquence sacrée, qui avait été obscurcie par le malheur d< s temps. De ccttc 749 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) école sortirent les orateurs éminents qui ont produit des fruits si merveilleux de salut dans l’Église uni­ verselle. C’est pourquoi saint François de Sales mérite d’etre reconnu de tous comme restaurateur et maître de l’éloquence sacrée. » Œuvres, t. !» p. xx. Cc titre est mérité. Simplement, humblement, sans prétendre Imposer lumais ses idées personnelles, mais par le seul ascendant de sa vertu, il exerce autour de lui la plus salutaire des influences. Dans les chaires de la capitale, pendant ses deux longs séjours, il prêche • autant qu’il y a de jours en l’année;· le clergé s'em­ presse autour de lui on l'admire sincèrement, et peu à peu on l’imite. La Lettre sur la prédication, dont nous allons parler,devient célèbre: on la traduit en latin ct clic pénètre partout. Saint Ltguori la popularisera en Italie, ct plus tard Sailer en Allemagne; ct les conseils si judicieux que donne le saint, joints au souvenir de son exemple, pèsent d’un tel poids sur l'appréciation des contemporains et de la génération qui suivit immé­ diatement que les anciens errements de la prédication, le mauvais goût, la bizarrerie, les Jeux d’esprit, la mondanité tout ce que le saint avait si hautement con­ damné, disparaissc.it peu à peu pour toujours de la chaire française et aussi de la chaire chrétienne. La simplicité et le naturel sont les qualités maîtres­ ses du saint orateur : elles contrastaient singulière­ ment avec les recherches, l’emphase, les extrava­ gances même de l'éloquence alors à la mode. Il sc met­ tait à la portée de scs auditeurs et Charles-Auguste, son neveu, rapporte qu’au sortir d’un de scs sermons, un docte ecclésiastique s’en allait répétant : · Quel homme est cestuy-ci ! 11 tra’cte si bien de la théologie qu’il faict entendre et comprendre les choses les plus difficiles et les plus hautes aux femmes ct aux hommes de h plus basse condition. » Histoire du bien-heureux François de Sales, 1. IX. Sa parole est toulours animée de cette ferveur ardente ct communicative que la piété chrétienne a nommée l'onction. Son cœur est possédé de l’amour de Dieu ct de l’amour des fîmes : ce double amour l’inspire, l’émeut, le transporte au point que ses auditeurs ont déposé l’avoir vu parfois en chaire res­ plendissant comme un séraphin. Nourri de la sainte Écriture il la commente, l’élucide, et l’applique avec non moins de sûreté que de grâce : clic devient par moments la trame même de son discours, tant il en est pénétré. Il y a là de remarquables leçons de théologie dog­ matique, morale, ascétique, mise à la portée de tous. Hans le dogme, c’est la sainte Trinité le Saint-Esprit, les mystères de Notrc-Scigneur ct (Te sa mère, la grâce, h béatitude céleste, la sainte eucharistie, l’Église. Dans scs sermons de controverse, rkn ne résistait à son argumentation serrée ct victorieuse : citons en particulier la suite des sermons sur l’eucharistie prêchés à Thonon au cours de la mission du Chablals.rt qui curent de si admirables résultats. Il n’abordait du reste ce genre <1e sermons que quand les circonstances l’y obligeaient, et il disait tiu’il valait mieux exposer que discuter. Il refute d'avance les hérésies modernes ct prévient de tr ds siècles les définitions du concile du Vatican. Il prononçait à Grenoble, nu cours du carême de 1617 : Papa errare non potest, ex cathedra docens, L vin. p. 28f>. Il excelle dans la momie, ct met sous les yeux de pratiques et piquants tableaux de mœurs, des remar­ ques témoignant d’une fine analvsc des sentiments du cœur humain; son zèle aimant et énergique lu! donne des accents touchants. Parmi scs canevas nous cite­ rons entre autres deux études assez fouillées, apparte­ nant toutes deux nu carême de Grenoble, l’une sur l'amour d« s richesses, t. x. serm. cxxxi, et 1 autre sur lu charité fr.it< rn»'lle. serm. cxxxv. Dans scs s.uno t < ihfuei, aux religieuses de h 750 Visitation, on retrouve toutes les qualités des Entre· tiens. Il a, pour ne citer que celle s-là, quelques Instruc­ tions sur l'oraison et la prière, t. rx, serm. vu, et deux instructions pour h vigile de Noel, qui sont dé­ licieuses t. vin. serm. xcv et cil, 7e Lettre sur la prédication, à l’archevêque de Bour­ ges. t. xii lettre ccxix. — Par son importance, cette lettre mérite une mention à part. François l'écrivit le 5 octobre 1604 à André Frémyot le nouvel archevê­ que de Bourges et le frère de la baronne de Chantal, qui lui avait demandé des conseils sur la prédication. Rédigée au courant de la plume, en l’intervalle de deux jours, elle est un petit traité, où sont condensés les conseils les plus judicieux, sur ce thème : · Qui doit presener, nour quelle fin Ton doit prescher, que c’est que l’on doit prescher, et la façon avec laquelle on doit prescher. » Qui doit Drêcher? Celui qui a reçu la mission; et il lui faut en outre doctrine et vertu. — Pour quelle fin? Pour faire ce qu’a faitNotre-Seigncur, pour que les pécneurs reviennent à la vie, et que les justes qui l’ont déjà l’aient plus abondante. Pour cela, il faut instruire et émouvoir. Quant au 3· précepte ae la rhétorioue ancienne, plaire ou délecter, le saint pros­ crivait les manières de faire mondaines qui charment l'oreille sans rien apporter à l’ûme; mais il accueillait volontiers · la delectation qui suit la doctrine ct le mouvement, » et qu’il pratiquait lui-mème avec tant de perfection. — Que prêcher? Le saint examine suc­ cessivement : 1. les sources : ce sont la Bible, les Pères, les vies des saints, les histoires profanes — mais • comme l’on fait les champignons » — et aussi le grand livre de la nature; 2. la façon d’exploiter les sources c’est-à-dire étudier les quatre sens de l’Écriture, retenir les counts sentences, ct aussi les raison­ nements des Pères ct docteurs, et en particulier de saint Thomas, mais à la condition de savoir < claire­ ment sc faire entendre, au moins aux mediocres audi­ teurs; » ct à cela servent grandement les exemples de la Bible ct des saints, ct les similitudes ou comparai­ sons; 3. la disposition de La matière : · faut tenir methode de toute chose : il n’y a rien qui ayde plus le prédicateur, qui rende sa prédication plus utile, ct qui agree tant a l’auditeur. » Puis il distingue la manière dont il faut traiter : 1. les mystères; 2. les sentences de l’Écriture ayant trait à une vertu ou a un vice; 3. l’homélie; 4. l'histoire, ou le panégyrique d’un saint. — Comment faut-il prêcher? ou la forme : il faut par­ ler niTectionnémcnt et dévotement, simplement et candidement et avec confiance. 8· Lettres, L xx-xvni (recueil encore inachevé; le t. xvm, paru en 1913, va jusqu’en août 1619). — Les Lettres sont l’ouvrage qui a été publié jusqu'ici de la manière la plus défectueuse : elles oflrent pourtant l’intérêt le plus universel, à cause des sujets qu elles traitent : ct le plus profond, parce que c’est elles qui font le mieux connaître le saint. L’édition princeps est de 1626, Λ Lyon. La mère de Chantal ct le prévôt Louis de Sales firent cette publi­ cation. Comme l’unique but était de répandre la doc­ trine spirituelle du saint, et qu’on craignait de révéler l’identité de plusieurs destinataires encore vivants, les éditeurs n'hésitèrent pas à tailler, trancher et suppri­ mer dans le texte: puis à réunir ct à coordonner tint bien que mal les fragments survivant aux élagages. Les Lettres furent jointes aux Œuvres complètes a partir de l’édition de 1637. L’édition princeps comprenait 519 lettres. Hérissant et l'abbé Comi (1758); Biaise avec 1« s Lettres Iné­ dites du chevalier Datta (1835): Vivès dont le classe­ ment est fort singulier 11 ln< ommodi ; Migne enfin, qui publia sans revision et un p. u pêh-mèh les documents reçut illis par I abbé de Bu u dry, cnrit hlrent successi­ vement la collection principale, et on arriva ainsi à près 751 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) 752 de 1 400 lettres. L’édition d’Annecy en apportera plus pressions affectueuses qui ont choqué quelques espriti de 500 nouvelles; et elle donne toutes les lettres dans chatouilleux. L’usage courant du pays et du temps leur intégrité» avec leur date et le nom de leur desti- ' autorisait amplement ce langage. Du reste, rien n’était na taire. plus pur que le cœur du saint évêque, rien de plus On voit apparaître tour à tour dans les lettres l’ami dégagé des sentiments de la terre que l’affection qu’il et le parent affectueux, le conseiller judicieux, l’homme portait à scs lilies spirituelles; le sceptique Saintedévoué toujours prêt à rendre service, le patriote | Beuve lui-même l’a reconnu ; et les destinataires et les fidèle et le sujet obéissant, le politique avisé et l’éconolecteurs ne pouvaient sc méprendre â ces expressions miste, le canoniste, l’évêque qui juge et commande, le d’une paternité toute de l’âme et ne respirant que le défenseur de la justice, le prédicateur de la foi, le polé­ zèle de l’amour de Dieu. C’est ainsi qu’entre toutes 1« miste, le théologien et le docteur, le moraliste et l’édu­ autres, le saint conduisait l’âme de sainte Chantal, cateur, l’ascète et le mystique, le législateur monas­ dans son progrès incessant, à l'immolation la plus tique, le protecteur et le guide des âmes consacrées à complète, à la cime de la perfection et de la sainte in· Dieu, et surtout le directeur des consciences, le père différence: les lettres des 17, 18, 19 et 21 mal 1617, au • prenant volontiers en charge une âme qu’il aura ren­ t. xvu, en font fol. Ces suprêmes sacrifices, demandés contrée au désir de la sainte perfection, la portant en par le saint directeur, ne signifient pas, comme on l’a son sein, comme une more falct son petit enfant, sans prétendu naguère, qu’il subsistait encore, dans une se ressentir de ce faix blcn-aymé. > Préface de la Vie amitié qui fut toujours toute surnaturelle· quelque d/po/e. La grande partie de ces Lettres sont des conseils chose de trop sensible ou de trop humain. Ils étaient de direction, de cette direction dans laquelle le manda­ simplement, après un long et Incessant progrès, le cou­ taire divin s’efface et apprend à l’âme dirigée à écouter ronnement de la sainteté et de l’union avec Dieu. 9° Hè g le de sainct Augustin, et Constitutions pour docilement le maître intérieur, le seul vrai directeur. Les conseils sont appropriés à toutes les situations, à les soeurs religieuses de la Visitation, Lyon, 1619. — De tous les besoins, à toutes les bonnes volontés. Le saint toute la législation religieuse donnée Λ ses filles, le saint fondateur ne put faire imprimer que les Constitutions, directeur traite tous les sujets avec une attention égale, toutes les âmes avec un profond respect. avec la traduction de la règle de saint Augustin, pré­ En toutes ccs lettres de direction, c’est la même cédées d’une remarquable préface. Idée fondamentale et la même marche ascendante et L’éloge des Constitutions de la Visitation est fait continue : aider doucement l’âme à sc dégager d’elleau bréviaire romain, leçon ni· et u· nocturne de la même, la rapprocher de plus en plus de Dieu et l’unir fête de saint François de Sales, au 29 Janvier : Consli· Intimement à lui. Bien n’est Intéressant comme de tutiones sapientia, discretione et suavitate mirabiles. Une suivre la progression constante en ces âmes d’élite qui bulle de Clément XL donnée en faveur de la Visita­ tion au premier centenaire de sa fondation, le 22 juin s’appelaient sainte Chantal, Mme de la Fléchêre, la 1709, renchérit encore : Ordo vester... constitutionibus mère Favre, la mère de Bréchard, la mère de Blonay, la présidente Brnlart, Mme de Comilîon, sœur du saint, sapientia, discretione ac suavitate mirabilibus instructus le duc de Bclleganlc, car les hommes n’y sont point /uit. Elle ajoute : ...Si saluberrimas Constitutiones et monita vobis a sancio institutore relicta, quibus ad etrangers, et on y rencontre même des évêques. On y Christianam per/ectionem iter tutum, expeditum ac pla­ retrouve l’Introduciion à la vie dévote, ou, si l’âme en num sternitur, diligentissime custodiatis. Pic X, dans le est capable, le Traité de Γamour de Dieu, reproduits au vif, complétés, dans les actes et circonstances de bref adressé à l’institut de la Visitation, à l’occasion vies fort différentes et variées. Et le plus Intéressant, du 3· centenaire, le 13 décembre 1909, donne le commentaire de cet éloge : Ea nempe sancti docloris c’est de voir le bon saint, si désireux de s’effacer, se découvrir à tout instant Λ son insu, et, livrer, avec luit mens ut filiæ Deo formarentur quibus inesset spiri· lus graliæ et precum, quæ ipsum in spiritu d veritate une exquise naïveté, tous les trésors de son âme. Les plus remarquables de ces lettres sont celles qu’il adorarent : quæ animi demissione suique despicientia adresse à sainte Chantal. On peut suivre le dévelop­ ejus glorlæ amplificanda studerent; quæ quasi colum· bie in tacito nido delitescentes, terrenis omnibus abdica· pement de cette âme (pe François avait reçue toute meurtrie par les douleurs du veuvage, comprimée par tis et in cælestium rerum contemplatione defixa, sese Deo exhiberent hostias viventes. Telle est bien la pensée un directeur maladroit, ardente, généreuse, pleine de du saint fondateur : offrir les secours de la vie reli­ désirs et de bonne volonté, mais ignorante encore dans gieuse aux jeunes filles, aux veuves mêmes qui n’ont les voies spirituelles, Mémoires de la mère Chaugy, part. I, c. IX, bien que Dieu la pressât vivement, bien pas l’attrait ou la force de porter les austérités corpo­ qu’il l’attirât déjà â l’o raison · d’une simple vue et relle· des ordres religieux : c’est le but qu’on pourrait sentiment de sa divine présence, · timorée, scrupuleuse appeler extérieur. Le but intérieur et Intime, c’est de même. Il lui enseigne à se dégager d’cllr-même, à être réaliser une forme de vie religieuse selon la méthode fidèle à l’appel divin; Il la guide et l'affermit dans les de piété qui était chère à François et qui constituait voies de l’oraison : il l’aide à monter avec une lenteur I le fond de sa doctrine spirituelle : être uni à Dieu en prudente, mais sûre et droite, Jusqu’aux plus hauts s’appliquant à conformer sans cesse sa volonté à la sommets. 11 n’est point, du reste, un novice dans ces volonté divine; en recherchant en toute action le bon parages : Il a la science et l’expérience. Plus tard, à plaisir divin : Quæ placita sunl et [ado semper. Annecy, alors qu’il écrira le Traité de Vamour de Dieu, Les Constitutions de la Visitation sc trouvent dans la mère de Chantal, lui sera elle et ses filles de la Visi­ les Œuvres complètes de Vlvès cl de Migne. Elles ont tation, un sujet admirable d’études et d’expériences. été imprimées à part, à l’usage des religieuses, à diffé­ Sa sainteté, à lui-même, grandira à ce contact, et en rentes reprises. La dernière édition est d’Annecv, bénéficiera abondamment. Quant à rechercher lequel 1889. des deux a le plus gagné à un commerce si Intime et si 10° Coustumier et Directoire pour tes saurs religieuses saint, c’est une question oiseuse : Dieu seul pourrait y de la Visitation Saincte-Marie, Lyon, 1628. plusieurs répondre. D’autre part. Intervertir les rôles tels qu’on fols réimprimés depuis. L’édition définitive est de les a envisagés depuis trois siècles, et faire du direc­ 1637. — Le Coustumier est en substance l’œuvre de teur presque un dirigé, semble tout Λ la fols risqué et saint François de Sales; mais c'est sainte Chantal qui paradoxal. l’a arrangé définitivement en volume. 11 en est de Dans plusieurs de ces lettres, surtout dans celles qui même du Directoire spirituel pour les actions jouma•'adressent à ealnte Chantal, le saint emploie des v <- 1 Hères : c’est une méthode pratique et courte de se tenir 753 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) uni Λ Dieu, tout le long de la journée, en s’efforçant de faire chaque action aussi parfaitement que possible sous le regard et dans l'imitation de Jésus-Christ. Le Directoire a été joint au Coustumier dès l’origine; on le trouve aussi toujours à la suite des Règle el ! Constitutions, dont il est le complément intime : les unes disant cc qu’il faut faire, et l'autre la manière de le bien faire. On a appelé le Directoire le moule de la visitandlne. 11· Opuscules. - Cc sont de nombreux écrits de peu d'étendue, désignes sous cc titre par les éditeurs. Les premières éditions les appelaient Sacrées reliques. Quelques-uns ont été publiés du vivant du saint; mais la plus grande partie a été recueillie dans ses papiers intimes. L’édition d'Annecy contiendra un certain nombre de pièces inédites. Elle mettra aussi de l’ordre et de la critique dans les quatre-vingts et quelques pièces déjà publiées. La disposition actuelle est des plus fan­ taisistes. Voici quelques indications sur leur contenu. 1. Opuscules concernant la théologie pastorale, et la législation ecclésiastique du diocèse de Genève, la législation des monastères et confréries : Constitu­ tiones synodales dioecesis Gebenncnsis, Thonon, 1603; Avertissement aux confesseurs, imprimé à la suite; Rituale sacramentorum, etc., Lyon, 1612; Adresse pour la confession générale; Examen de conscience sur les commandements de Dieu cl de l'Église; Avis aux confes­ seurs et directeurs pour discerner les opérations de Dieu de celles du malin esprit dans les âmes; Manière de faire le catéchisme; Statuts de la confrérie de la sainte croix: Statuts pour les prêtres de la Sainte-Maison de Thonon; pour les chanoines réguliers de Sixt; pour les ermites du Mont-Voiron; pour les bénédictines du Puy d’Orbe. Les différents avis du saint aux confesseurs ont été recueillis en demandes et en réponses, par un saint prêtre de Rodez, Raymond Bonul, fondateur des pre­ miers oblats de Saint-François de Sales, ou prêtres de Sainte-Marie. Ils forment, sons ce titre : Idée d'un bon confesseur selon la doctrine et la vie de saint François de Sales, la P* partie de son ('ours de théologie morale, ouvrage classique à la fln du xvn* siècle. Voir t. n, col. 950. Vidée d'un bon confesseur n été plusieurs fols réimprimé Λ part, et même au χιχ·siècle. 2. Opuscules théologiques. — Les uns, en partie iné­ dits, sont ses notes et cahiers d'étudiant. Le titre i*r du «Code Fabricn », De summa Trinitatectfîdel catholica, publié en 1606 par le président Favre, doit être rangé dorénavant parmi les Œuvres du saint docteur. H en est peut-être aussi de même d'un Traité de la démono­ manie, que le saint composa certainement et dont il n’est pas resté trace dans scs papiers : dom Mackey croit le reconnaître dans le Traité des énergumènes du cardinal de Bérulle, auquel saint François de Sales l’aurait abandonné. Cette catégorie d’écrits sc com­ plète par quelques écrits polémiques sur la sainte eu­ charistie, en particulier: Simple considération sur le symbole des apostres pour confirmation de ta foy catho­ lique touchant le 1res saint sacrement de l'autel, Imprimé en 1597 ou 1598. D’autres écrits de polémique sur l'eucharistie sont Inédits, ainsi qu’une pièce sur la Virginité de la très sainte Vierge, 3. Opuscules de spiritualité, concent ont le saint luimême : ses règlements de pieté d'écolier, et ce qu'on peut appeler le Directoire spirituel qu'il s’était com­ posé et qu'il avait pratiqué dès ce temps-ΙΛ. prélu­ dant Λ celui qu'il devait donner un Jour Λ la Visitation. On peut y ranger le Etalement, dit de Padoue, · jiour la conversation avec toute sorte de personnes, » les pieuses considénitlons et prières qur l·conçois s'était prescrites, tant avant qu'après la sainte communion et In sainte messe, enfin son Judicieux Règlement de vie épiscopale. 754 4. Opuscules de spiritualité, écrit* pour le bien (le* âme* qui lui demandaient conseil. — Vient ici en pre­ mière ligne la Déclaration mystique sur le Cantique des cantiques, étude sur les différents obstacles et sur les différents degrés de l’oraison. C’est au sujet de cet écrit tout particulièrement que le bref de doctorat affirme qu'aux yeux du saint « plusieurs mystères des Écritures» relatifs au sens moral et analogique, sont dévoilés, des difficultés sont aplanies, et des obscurités éclaircies par un jour nouveau, d'oô il est permis d’in­ férer que Dieu, l’inondant des flots célestes de sa grâce, a ouvert l'esprit de ce saint prélat pour qu’il comprit les Écritures et qu'il les rendit accessibles aux savants et aux Ignorants, » t. i, p. xix. Vient ensuite toute une série de petits Traités ou Apü, pour V Exer­ cice du matin, la Préparation de la journée, l'oraison, la · conduite utile · de la journée, le recueillement et la retraite spirituelle, le dépouillement et le parlait abandonnement de soi-méme entre les mains de Dieu; des avis et préparations pour la confession et la communion: la manière d'entendre dévotement la sainte messe; drs avis sur la tristesse et l'inquiétude, etc. La spiritual té des trois derniers siècles est venue s’alimenter ahm· dominent à ccs opuscules de suint François de Sales, y trouvant la formule, pratiquement réalisée, des en­ seignements donnés à Phllothée et à Théotime la Conduite pour la confession et la communion d’Adrien Gambart, le disciple et l'ami du saint Vincent de Paul; le Directeur spirituel des âmes dévotes et religieuses, Reims, 1634, et surtout la Vraie et solide piété de Collot, docteur en Sorbonne, Paris, 1728, s'en sont inspirés largement et ils ont eu une vogue qui n’est point morte encore. 111. Doctiune théologtqve et mystique. — 1® La doctrine théologfque dogmatique de saint François de Sales est avant tout sûre et solide. C’est la doctrine traditionnelle de l’Église. Elle s’appuie sur la sainte Écriture, elle en jaillit plutôt; cl le texte sacré est devenu, non seulement la règle mais comme la sub­ stance, et souvent même l’expression de sa pensée : Il devient la trame même de son discours, comme nous l’avons dit de ses Sermons. Elle s’appuie sur les Pères, et surtout sur saint Augustin; sur les grands théolo­ giens, et particulièrement sur saint Thomas. 11 n’a adopté une opinion différente de celle de saint Tho­ mas que sur trois ou quatre questions. La première est la question du motif déterminant de Γincarnation : saint Thomas déclare que ce motif est la chute d’Adam auquel il fallait un rédempteur; saint François de Sales, à Ifl suite de Scot, enseigne que tout a été fait pour le Verbe incarné, centre et but de toutes les œu­ vres de Dieu ; cl le Verbe se serait Incarné même si l’homme n'avait pas péché. 11 préludait en cela à la belle doctrine des théologiens de l’Oratoirc, de Béni Ile, de Condren, de Thomassin; de cette opinion, comme d’une conséquence naturelle, découle la doctrine de l’immaculée conception. La seconde question est celle de la prédestination. Après la terrible tentation de désespoir dont il faillit mourir Λ Paris, après de longues années d’études cl de réflexions sur cc sujet, il arriva Λ conclure que le décret divin de la prédestination d'une Ame d'adulte est rendu post prtevlsa merita, comme l'enseignent les mollnlstcs, et non pas ante prtvtdsa mérita, comme le soutient l'école thomiste. Il exprime bien nettement sa conviction sur ce point au 1. III. c. v. du Traité de l'amour de Dieu · Il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent, contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prep a re­ çoit, offrirait et départirait a celte Intention. » C'est probablement dans ce chapitre, dit dom Mackey, que sont Insérées · les quatorze lignes qui lui coûtèrent l i lecture de douze cens pages grand volume. » ainsi qu’il le confiait plus tard à son ami Mgr Camus, t iv, 755 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) p. xu, Une autre question est celle des conditions de racle surnaturel dont nous parlons un peu plus loin. Le bref de doctorat signale l’autorité dont Jouissait déjà des son vivant la science théologique de Fran­ çois de Sales : Clément VIH le choisit pour aller dis­ cuter avec Bèze et tâcher de ramener l'hérésiarque : • Une autre preuve non moindre de l’estime dont jouis­ sait le saint évêque, ajoute t-il, c'est qu â l'époque où s'agitait à Borne la célèbre discussion De auxiliis, noth’ prédécesseur Paul V, de sainte mémoire, voulut avoir sur la matière l’opinion du saint prélat, et que, déférant â son avis, il jugea que Ta discussion si vive et si longtemps prolongée, sur une question très subtile et pleine de périls, devait être assoupie par le silence Imposé aux partis, · t. i, p. xvx. Celte théologie solide et profonde, que nous avons admirée dans le Traité de l'amour de Dieu, François a su la faire simple, claire, salsissable à tous. D’abord, il n’aimait point qu’on encombrât la théologie, comme c’était la mode alors, d'un amas de paroles · métho­ diques. lesquelles bien qu'il faille employer en ensei­ gnant sont neanmoins superflues, et si je ne me trompe importunes en écrivant. · Lettres, t. xv, let. dccxxiv. Dans scs livres comme dans scs sermons, il adaptait scs leçons A la capacité intellectuelle de scs lecteurs et de ses auditeurs de façon à être toujours compris. Il con­ state lui-même avec une certaine satisfaction qu* · il régné aux endroits les plus malaysés de ces discours une bonne et aymable clarté. » Et tout en se mettant ainsi au niveau des humblcs.il n’en captive pas moins l’attention des plus savants. Un autre caractère de sa théologie, c'est d'être afjectine; elle parle non seulement A l’intelligence, mais au cœur, et elle fait de l’étude une véritable oraison. Il recommandait cette méthode à l'auteur d'un traité de théologie : < J'appreuvcrols qu’es endroitz ou com­ modément il se peut vous fissiez les argumens pour vos opinions en ce style (affectif). » Ibid. Cc carac­ tère très particulier, qui peut sembler quelque peu sin­ gulier au premier abord, est la conséquence immé­ diate du grand principe pratique sur lequel le saint docteur n étayé sa vie tout entière : tout, dans notre vie, doit être employé pour nous unir à Dieu, prière, travail, élude, occupations, devoir, souffrances, con­ tradictions, en toute circonstance, A tout Instant. Ce n’est pas seulement une belle théorie qu'il expose, c’est une direction d’intention qu’il veut incessante; la théorie passe Λ la pratique; et c’est ainsi que la théologie spéculative devient, à son grand avantage du reste, une oraison. 2® La théologie morale de saint François est carac­ térisée aussi par In clarté. Il veut qu’on vole clair dans la const lenec humaine, dont il a exploré tous les coins et recoins. 11 n nettement exposé ces luttes mys­ térieux s de la volonté aux prises avec le péché dans le dranv obscur de la tentation, et 11 aide à discerner le point précis et capital où l’âme pusse du sentiment au consentement. Ccttc murale si nette est encore une morale humaine, vêtue, A la portée de toutes les bonnes volontés, s'accommodant de toutes les situations qui sont dans le devoir; elle est bien éloignée de la morale austère et exagérée des Jansénistes. Le principe qui a dirigé ses spéculations dogmati­ ques pénétre aussi dans sa théologie morale. Il insiste nupr. j de l'âmi afin qu'elle ne s’en tienne pus avec Dit ii aux rapports d·· la simple vie chrétienne; Il prê­ che la devait m, la prrfcrllbn toujours grandissante de l'umottr de Dieu qu’il Veut voir opérer · soigneuse­ ment, f · qu» mm· ut et promptement. · On l’a appelé A Just· tit I. dateur de la dévotion, le docteur de la pieté <‘br< 11‘mu. 3· 1. < d» « l In» 0 rétlque du saint peut sc résumer tin i 1 r .'.si l’union d·· l’âme à Dieu par la 756 conformité incessante avec la volonté divine : < Que toute leur vie el exercice soient pour s’unir avec Dieu, ■ écrlt-H â la première page du Directoire spiri­ tuel des visitundines : c'est une vie d'obéissance de fidelité aimante, délicate, généreuse, constante à h volonté de Dieu laquelle volonté de Dieu, Il nous l'apprend, Traité ae l'amour de Dieu, I. XII, c. vi, n'est autre chose pratiquement que le devoir du moment present. 2. La méthode, la marche à suivre, c'est d'aller tout droit au but. se confiant Λ Dieu pour triompher des obstacles. Toute vie spirituelle comprend en général deux grands exercices : a) la lutte contre la naturt viciée; b) l'union de la volonté A Dieu; en d autres termes la pénitence et Vamour. Saint François de Sales prend pour premier et principal objectif Vamour. Une néglige point la pénitence élément absolument né­ cessaire. Il exige la mortification des sens; il recom­ mande A PhiTothée la discipline et le Jeûne : cependant Il place en première ligne la mortification de l’esprit, de la volonté et du cœur. Et la mortification qu’il met avant toute autre, c'est celle qui consiste à couper court Λ la nature pour être tout au devoir du moment présent et â Ta volonté de Dieu, tout â l'amour. Cette mortification intérieure, toujours posslblc.mêmc quand certaines mortifications extérieures ne le sont pas, U la demande incessante, et accomplie par amour. 3. Le modèle le soutien c'est Notrc-Seigncur qu’il faut regnraer â tout instant : « Vous apprendrez ses contenances et formerez vos actions au modèle des siennes, » Introduction d ta vie dévote, part. II, c. i; c’est sous son regard qu'il faut faire toutes choses: « en­ core que nous ne xe voyons pas, si est-ce que de lahaut il nous considere » c. n ; c est sur lui qu’il faut nous appuyer avec confiance : « Tout par luy, tout pour luy, tout avec luy, tout luy ! » t. xv, let. oxen, p. 2«9. •I. Les moyens pratiques pour aider l’âme dans l’ac­ complissement de la volonté de Dieu sont : a) l’oraison simple et affectueuse; b) Te souvenir de la présence de Dieu ; c) la direction d’intention fréquente ; d) le recours A Dieu par de pieuses et confiantes invocations de bouche, ou aspirations de cœur. Il faut joindre A cela l’humble confession et la communion fréquente. Cette doctrine spirituelle, simple, accessible à tous, sûre, est appréciée ainsi, au bréviaire romain : Suis etiam scriptis, cielesti doctrina refertis. Ecclesiam illustravit, quibus iter ad chrlstlanam perfectionem tu­ tum et planum demonstrat. Les termes employés par le décret et par le bref de doctorat expriment la meme idée à peu près dans les mêmes termes ; chemin aplani et assuré, t. i, p. xi, xvm. En voulant rendre acces­ sibles â tous les âpres sentiers de la vertu, le saint doc­ teur n’a pas rabaissé le niveau de la perfection évan­ gélique. S'il rend La vertu plus facile, c'est dans un sens tout À fait relatif. A chaque page de scs écrits, en effet, est Insinué le renoncement; ce qu'il veut en pre­ mier Heu. c’est la mort â la nature mauvaise; il est impitoyable contre elle et il ne fait grâce A aucun de scs plus minimes rejets. M. Olicr ne l’appelait-il pas • le plus mortifiant des saints? » Sans doute, dit doin Mackey, on pourrait extraire de ses ouvrages, comme de la sainte Écriture elle-même, des passages où le relâchement croirait trouver une excuse : Il ne faut Jamais perdre de vue que les enseignements du saint docteur forment un système complet, qui doit être envi­ sagé dans son ensemble : aïeul considérée, chaque partie fait contrepoids Λ l’autre : la liberté est accor­ dée, mais sous des conditions qui la rendent inoffen­ sive; un rempart n’est cnkvé qu< pour être remplacé par un autre aussi < iTvrtif et plus pratique. Ses précepb sdespiritu.’dlté, malgré kur modeste apparence, élèvent à l'héroïsme de la vertu pur la continuité de ΤοΊ FRANÇOIS DE SALES (SAINT) leur application et par la captivité à laquelle Ils sou- ι mettent l'homme tout entier, » t. !, p, Lxvin. I Ajoutons un mot sur sa doctrine de l’oraison et de | h communion fréquente. L1 « oraison », que saint François de Soit s enseigne a Phllolhéc, < t la « méditation ·, qu'il explique A Théotline, sont cc que ks auteurs modernes appellent orai­ son a/fritivr. Cf. Poulain, grâces d’oraison, part, f, c. u. La méditation qu*il demande est ■ une pensée atten­ tive réitérée ou entretenue volontairement en l’esprit, afin d'exciter la volonté à de saintes c l salutaires a fac­ tions et résolutions. » il n'ahnalt point les longs dis­ cours en l’oraison : où une seule considération sulllt, Il n'en faut pas prendre plusieurs. « Il faut laschcr la bride aux affections; * · en ccs affections nostre es­ prit se doit espanchcr et entendre le plus possible. » L’oraison affective conduit l'âme A l’oraison de sim­ plicité ou de simple remise en Dieu, qui n’est autre chose qu’une des formes de la contemplation ordinaire. Voir Contemplation, t. m, col. 1022. C’est l'entendement, dans cette espèce d’oraison, mais c'est le plus souvent la volonté qui agit et · contemple », en se remettant à la volonté de Dieu. Cf. Traité de l’amour de Dieu, 1. VI, c. iv. Cette oraison de simple remise en Dieu devint bientôt habituelle à la Visitation, Le saint en a parlé d’une façon générale dans le Traité de l’amour de Dieu, loc. cit., et dans les Entretiens spirituels, entr. n et xviii, t. vi, p. 29, 349. Au sujet de la communion fréquente., saint Fran­ çois de Sales fut un précurseur : Il fut l’un des cham­ pions les plus marquants dans le courant de réaction qui sc forma avant et après le concile de Trente, contre les habitudes qui éloignaient les fidèles de la sainte table depuis plusieurs siècles déjà. Après avoir pratiqué lui-même La fréquente communion, telle qu’on l’entendait alors, et s'en être fait l’apôtre dès sa jeunesse, devenu prêtre et évêque, il La prêche du haut de la chaire, il l’enseigne dans scs livres, il y conduit les âmes, comme confesseur et comme directeur. Il donne aux visitandlncs, dans leurs Constitutions, plus de communions que n’en avait aucun institut n IL gleux en France à ccttc date. Et 11 est Intéressant Imparfait! Ailla de pouvoir Justement pré­ tendre A li perfection; ks fort! allln qu ils ne de­ 758 viennent foibles, et let foibles aflln qu'ils deviennent lortz; le* malades aflln d'e >trc guéris, ks tains aflln qu’üz ne tombent en maladie. » Introduction à la vie dévote, part. II, c. xxr. Voir JL Pernin, Report au congres eucharistique de Vienne, 1912, sur saint Fran· çois de Sales et ta communion fréquente, dans ks An­ nales salés tenues, Paris, septembre el octobre 1912. 4· La théologie mystique (en prenant ce mot mys­ tique dans son acception actuelle et non dans celk que lui donne saint François de Saks), a, chez ce saint docteur, ks trois mêmes qualités. — 1. Son enseigne­ ment est solide et sûr. appuyé qu'il est sur ks auteurs approuvés et en particulier sur sainte Thérèse, dont k saint avait fait une étude A fond, et sur son expérience personnelle. Bossuet, induit en erreur par les paroles trop humbles du saint et par k désir de triompher de Fénelon, dit qu'en 1610 l’évêque de Genève ne connais­ sait pas encore l’oraison de quiétude. Cf. Poulain, op. cit., c. xxviii, n. 23. Les témoins de sa vie parlent au­ trement : sainte Chantal, Déposition, a. 33; dom Jean de Saint-François, qui fait, au procès de canonisation, declaration que ce bienheureux enseigna « non pas tant ce qu’il sçavolt que cc qu’il sentoit, » Process, remiss. Paris.; et l’un de ceux qui l’ont le plus intimement connu, le Père de Corx, affirmait : · 11 n’écrivit rien qu'il n’eut recru du Saint-Esprit, et mille fois gousté et expérimenté. » Son enseignement mystique était fondé en lin sur l’expérience qu’il acquit dans ks pre­ mières années de la Visitation, avec la sainte mère de Chanta) d’abord, et ensuite avec les religieuses de la fondation. « L’immense bonté de Dieu, dit b mère de Chaugy, Mémoires, part II, c. h, gratifiait ces chères Ames de faveurs du tout surnaturelles. Par b grâce divine plusieurs eurent en peu de temps des oraisons de quiétude, de sommeil amoureux, d’union très haute; d’autres des lumières extraordinaires des mystères di­ vins où elles étaient saintement absorbées; quelques autres de fréquents ravissements et saintes sorties hors d’elks-mêmcs pour être heureusement toutes arrê­ tées et prises en Dieu, où elles recevaient de grands dons et grâces de sa divine libéralité. » 11 s’agit ici des mères Favre, de Bréchard, de Chatel, de Blonay, do la Boche et Anne-Mario Rossel surtout, dont b vie était une suite Ininterrompue d’opérations surnaturelles de l’ordre le plus élevé : saint François de Saks l’a eue en vue dans La composition de plusieurs chapitres des L Vl-VIlI du Traité de l amour de Dieu. 2. Son enseignement était clair, ordonné, à la portée de tous les esprits, en des matières fort relevées cepen­ dant et peu nettes dans ks auteurs. Il ne veut pas traiter des < surémincnccs » qu’il n’entend pas. Pré­ face du Traité de l’amour de Dieu. Il ne s’occupera pas non plus des phénomènes mystiques, visions, révéla­ tions, paroles intérieures qui ne sont pas l’oraison proprement dite. Il ne nomme mime pas ce que sainte Thérèse et les auteurs appellent k mariage mystique, lu septième et dernière demeure du Château intérieur, qu’il a pourtant suivis pas à pas Jusque-U dans sa classi­ fication des états d’oraison. En revanche, il a plusieurs ravissants chapitres sur un sujet que ks autres omet­ tent, le dernier mot de l’oraison mystique Ici-bas, le • suprême effet de l'amour uflectif qui est la mort d’amour. · 3. Son ensrlguemcnt mystique est enfin affectif et entraîne A l’odeur des divins parfums toute Ame qu’il rencontre sur sa route ; ccttc âme le plus souvent est encore dans les basses vallées : elle ne s'élèvera peut-être jamais A ccs hauteurs sublimes : le saint doc­ teur veut lui apprendre du moins A tirer quelque pro­ fit de cette étude, et A réchauffer sa ferveur au brûlant contact de l’oraison des saints, il parle de l’oraison d’union et de ses sublimités : mais A défaut d une grâce si relevée, n'avons-nous pas · k· sacrement de b 759 FRANÇOIS DE SALES (SAINT) 760 très sainte eucharistie, auquel un chacun peut par­ Bossuet, fatigué de se heurter sans cesse Λ de nouticiper pour unir son Sauveur a soy mesme réelle­ vellesaffégationscmpruntécs au saint évêque,exaspéré ment et par manière de viande? TheoÛmc, ccttc union d'entendre Fénelon répéter ù tout propos que < les par­ sacramentelle nous sollicite ct nous ayde a la spirituelle ticuliers ne doivent jamais sc donner la liberté de coade laquelle nous parlons. » Traité de l'amour de Dieu, damner ni les sentiments ni les expressions d’un si I. VII, c. n. Et puis, si nous ne pouvons prétendre grand saint, » sentit un jour la patience lui échapper. à un état prolongé de pareille union, nous pouvons du Après avoir réclamé le droit de ne pas accorder tou­ moins la pratiquer en quelque sorte « par des courlz jours une autorité doctrinale infaillible aux saints ca­ et passagers mays frequens cslans de nostre cœur en nonisés, Il voulut renverser le dernier rempart de son Dieu par manière d'oraysons jaculatoires faites a ccttc adversaire ct il entreprit d'établir que l'évêque dr intention, » I. VII, c. ni. Les extases et ravissements Genève, cn fin de compte, n'était point une aussi excitent nos infructueux désirs. Si les extases de l'en­ grande autorité en matière de dogme qu'en matière tendement ct les extases de l'affection sont trop hautes de direction : « On ne trouvera pas toujours sa doc­ pour notre petitesse, il nous reste les extases ct ravisse­ trine si liée ni si exacte qu'il serait ù désirer. · Et à ments de l'action, où nous pouvons nous donner libre l'appui de sa thèse Bossuet prétendit trouver trois carrière, < quand nous ne vivons plus selon les raysons erreurs pélagiennes ou scmi-pélagienncs dans les et inclinations humaines, mays au dessus d'icelles, c. xvi et xvii du 1. I du Traité de l'amour de Dieu, où selon les inspirations ct instinetz du divin Sauveur le saint docteur parle de « l’inclination naturelle de nos âmes, » L VII, c. vin. Enfin dans les enseigne­ d'aymer Dieu sur toutes choses » qui se trouve en nous. ments donnés à Théotimc, comme dans ceux qu'avait Saint François de Sales considère-t-il ccs « commen­ déjà reçus Philothéc, notre saint place l'exercice de cements d'arnour > comme une affection d’ordre sur­ l'humilité et des solides vertus bien au-dessus des naturel? Bossuet le pense, et dénonce l'erreur. Une • unions deiflques et autres telles perfections...; ccs lecture attentive ne permet pas une pareille interpré­ perfections ne sont pas vertus... Et il ne faut pas pré­ tation. Le saint envisage ces « commencements tendre a telles grâces, puisqu'elles ne sont nullement d’amour » comme un sentiment purement naturel necessaires pour bien servir ct aymer Dieu. » Intro­ qui ne peut préparer positivement l'âme à la justifi­ duction ù la vie décote, part. III, c. n. cation, mais qui est capable seulement de la disposer négativement, cn écartant les obstacles, et mettant 11 nous reste à dire quelques mots de l'appui que l'homme cn état d'être saisi tout gratuitement par h Fénelon crut trouver cn certains textes du saint doc­ grâce. C'est ce que Fénelon démontra victorieusement teur, des réponses de Bossuet, et aussi de ses at­ taques. dans sa réponse, plus solide cn cette défense du saint Fénelon avait appuyé sur l’autorité de saint Fran­ docteur qu'il ne l’était sur son propre terrain. Cf. Bos­ suet, Préface sur l'Introduction pastorale de M, de Cam­ çois de Sales scs théories du pur amour. En cct état, brai, sect, xi, édit. Gaume, t. ix, p. 413. Fénelon, selon lui, notre âme,envisageant Dieu comme Infini­ 5· lettre en réponse aux divers écrits.,., édit. Gaume, ment aimable cn sol, sans aucun regard sur ses bien­ t. n, p. 620 sq. ; dom Mackey, Œuvres complètes, t. iv, faits et sur notre intérêt propre, pouvait se rendre p. lvi. Il n'y avait au fond, cn plusieurs points de ce indifférente à tout et laisser de côté le désir des vertus, désaccord entre Bossuet ct saint François de Saks, et même le désir du salut. C'était la suppression pra­ qu'une question libre d'école, où Bossuet prétendait tique de la vertu théologale d'cspérancc. Bossuet, dans trouver une question de doctrine. En cc qui concerne, son Instruction sur les états d'oraison, venge admira­ cn particulier, les conditions de l'acte surnaturel, on blement la vertu d’espérance, et montre l’abus criant sent chez saint François de Sales l’influence de saint que (ont « les nouveaux mystiques » de paroles isolées de leur contexte et détournées de leur vrai sens, «quoi­ Bonaventure ct de Molina. On sait comment la lutte qui avait passionné qu'il n’y ait rien qui leur soit plus opposé que la doc­ l’Égiise de France sc termina par l'humble soumission trine ct la conduite du saint évêque..., qui était cn de Fénelon. Les allégations de Bossuet contre la doccette matière, sans contestation, le premier homme de son siècle. » Il fait remarquer judicieusement I trine de saint François de Sales laissèrent-elles des que · les écrivains qui, comme ce saint, sont pleins • traces dans l'esprit des contemporains, ct jetèrcnt-clks d'affections ct de sentiments, ne veulent pas toujours ’ quelques nuages sur la réputation doctrinale de l'évêque de Genève? Peut-être, dans les premiers être pris au pied de la lettre. Il sc faut saisir du gros de leur intention ; ct jamais homme ne voulut moins pous­ temps qui suivirent. Cependant, nu cours du ser scs comparaisons ni scs expressions à toute rigueur xviii· siècle, le savant pape Benoit XIV rendit ù la que celui-ci. » Il entre ensuite en plein dans la question ‘ doctrine de saint François un éclatant témoignage et montre le vrai sens de tous ccs passages que Féne­ qui est cité dans le bref de doctorat : Suis antecessori· lon emprunte au saint : la maxime « Ne rien demander, bus concinens Benedictus XIV, sanctissima: memoriie, ne rien n fuser; » la sainte ct parfaite indifférence qu'il libros Genevensls præsulis scientia divinitus acquisila a enseignée au Traité de l'amour de Dieu, comme aussi scriptos affirmare non dubitavit, illius auctoritate usus les comparaisons restées célèbres de la statue, du mu­ difficiles quæstiones solvit, · sapientissimurn animarum sicien sourd, de la fille du chirurgien, de la reine Mar­ I rectorem » appellavit, t. i, p. xm. EI guerite, etc. Saint François de Sales recommande Enfin Pic IX, résumant les sentiments de scs pré­ l’indifférence en tout cc qui n'est pas la volonté de décesseurs et répondant nu vœu exprimé par les Pères Dieu; mais ccttc indifférance, qui au fond est le der­ du concile du Vatican, déclara solennellement que la nier mot du véritable amour, ne doit et ne peut jamais I doctrine de François de Snh s brille de telle sorte tomber sur ce qui est de la volonté de Dieu déclarée qu’elle est tout Λ fait crllc d’un docteur de l’Égiisc : Quæ nimirum in sublimi sanctitatis culmine ita in co et signifiée; son domaine exclusif est cc qui concerne supereminet, ut doetons Ecclesiæ tota propria sit virum· la volonté dite de bon plaisir, celle qui concerne les événements de la vie que nous devons subir Indépen­ i que hunc inter præcipuos magistros Sponsœ suæ a Chridamment de notre volonté. Non seulement le saint , sto Domino datos, acccnsendum suadeat, t. i, p. xvin. Et l'auréole des docteurs de l’Égiise vint consacrer évêque n'a jamais sacrifié ni amoindri l’espérance, à qui U tait une si belle place dans le Traité de l'amour ■ définitivement l’autorité de la doctrine saléslenne. L’influence que saint François de Sales a exercée de Dieu, mais encore «tout est rempli, dans scs Lettres, pendant sa vie n'a fait que grandir dans les trois de la eélestr patrie. » Bossuet. États (foraison, 1. VIII, siècles suivants, apportant aux âmes le contrepoison IX, édlL Gaume, L ix. 761 FRANÇOIS DE SALES — FRANÇOIS-MARIE DE BRUXELLES des erreurs protestantes, jansénistes ct naturalistes, si diamétralement opposées à scs leçons. Scs écrits, répandus partout, et populaires aujourd'hui comme au xvu· siècle, ont enseigné la vraie ct solide piété; ils ont ouvert Λ tous les voies de l’oraison mentale ct de h vie spirituelle; ils ont favorisé et développé la fré­ quente communion. La dévotion au Sacré-Cœur, qui est née à la Visitation de Paray*lc*Monial, avait été préparée par lui, ainsi que le reconnaît le bref de doctorat : Illud plane mirabile est, quod Spiritu Del plenus, et ad ipsum suavitatis auctorem accedens, devoti cultus erga Sacratissimum Cor semina misent, L i, p. XIX. La Visitation Sainte-Marie continue d’être la fidèle dépositaire et le modèle de la doctrine salésicnne. Au xix· siècle, une véritable efflorescence de reli­ gieux ct de prêtres est venue sc réclamer des leçons de l’évêque de Genève : les missionnaires de SaintFrançois de Sales d’Annecy, désireux de reproduire la vie apostolique; les salésiens du vénérable dom Bosco, qui l’ont pris pour patron de leurs œuvres d’éducation chrétienne professionnelle de la classe ouvrière; les oblats de Saint-François de Sales de la vénérable Marie de Sales Chappuis, ct du vénéré P. Brisson, de Troyes, qui essaient de reproduire dans les œuvres du saint ministère l’esprit religieux donné par le saint à la Visitation; les prêtres de SaintFrançois de Sales du vénéré M. Chaumont, de Paris, qui se pénètrent de l'esprit sacerdotal du saint dans h vie du prêtre séculier; d'autres associations sacerdotales ou laïques; plusieurs congrégations reli­ gieuses de femmes vouées aux œuvres extérieures, forment la postérité spirituelle du saint docteur. On trouvera plus haut, col 738 sq., la nomenclature des diverses éditions des Œuvres. Nous laissons de côté les références purement littéraires et historiques Les Vies de saint François de Sales parues nu xvn· tiède ont toutes un charme particulier. Voici la liste des princi­ paux auteurs : dom Jean de Saint-François, Paris. 1024; l'abbé de Longuctcrre, Lyon. 1624:1e P. Philibert de Bonne­ ville, Lyon, 1624; le P. de la Rivière, Lyon. 1624; CharlesAuguste de Sales, cn latin d'abord, puis en français, Lyon, 1633 cl 1634 (rééditée dans l'édition de Vivès); le P Nico­ las Talon, S J., imprimée cn tête dans les Œuvres complètes de 1640, 1643, 1647, puis imprimée A part, rééditée par l'abbé de Baudry. Lyon, 1837; Henri de Maupas du Tour, évêque du Puy, puis d'Évreux, Paris. 1657; de Hauteville : La maison naturelle de saint François de Sales, Clermont ct Paris, 1669; la Mère de Chaugy, Abrégé de la Vie du bien· heureux François de Sales, 1646, rééditée par l'abbé de Baudry. Lyon. 1837; anonyme (l'avocat Cotolendi), Vie de saint François de Sales, 1687, qui est surtout un roman historique; Bussy-Rnbutin, ou plutôt, sous son nom. LouiseFrançoise de Babutln. sa fille, 1699; Marsollier. Paris, 1700, Vie souvent réimprimée, mais contenant des inexactitudes nombreuses 11 n’y a pas ru de Vies nouvelles de saint Fran­ çois de Sales publiées en France au cours du xvm· siècle. Au XIX· siècle, sans parler du roman de Loynu d'Amboisc, Paris, 1833, parurent 1rs travaux sérieux de l’abbé de Baudry, dont une partie a été publiée dans Migne; crux de l'abbé T. Boulangé, Études sur saint François de Sales, 2 in-8·, Paris, 184 1; puis les Vies par M. Hamon, 2 in-8·, Paris; In 7· édit n été complétée par MM. Gonthlrr ct Letourneau, Paris, 1909; François Pérennês. dont In Vie parut d'abord cn tête de l'édition dos Œuvres complètes du saint par Migne, Paris, 1861, puis fut publiée A part et eut phiricur* éditions; le comte Anatole de Ségur, Vie popu­ laire, Paris; A de Margerie, dans la collection · Les saints ·, Paris, 1902 Esprit du bienheureux François de Sales, par Jean-Pierre Camus, évêque de Bcllcy, Paris, 1641; ouvrage abrégé par Collot. Paris. 1727; réédité cn son intégrité par Mgr Oepéry, 3 in-8·, Paris 1810; Traictè de la conduite spirituelle tr/on Cesprit du B François de Sales, par le P. Nicolas Caussin, S. J„ inséré A la fin du t n des Œuvres complètes de 1647; Adids chrétiens par le P Dngncl, S J , et ItcguLr Salesiantr, fondées sur ccs Adois; cardinal Mennillod, Le pape par 762 saint François de Sales, Paris, 1871 ; Sauvage, Saint Fran­ çais de Sales prédicateur, Paris. 1874; P Desjardins, S J., Saint François de Sales, docteur de Γ Église. Paris, 1877; Mgr Freppel, Cours P. de Ponlcvoy, Vie du P. de Ravignan, t. i, p. 60. C’était vrai» dans tous les sens; et des successeurs du P. de Ba­ vignan plus encore. Mais, si la valeur des ouvrages de Frayssinous n'est plus que documentaire, l’influence de scs prédications à son époque a été considérable. Autour de lui sc pressaient assidûment les jeunes gens de la congrégation du P. Bourdicr-Delpuits. Cf. Grandmaison, op. cit., p. 187, 47, 49, etc. Le P. de Ravignan, prêchant en présence de Frayssinous, le 7 février 1839, lui rendait un témoignage flatteur, où tout n'est pas piété filiale. Confèrences de NotreDame, t. n, p. 35-36. Lamennais, témoin de la pré­ dication des conférences, écrivait : · Un orateur semble être suscité par la providence pour confondre l'incrédulité, en lui ôtant les moyens de se refuser à l’évidence des preuves de la religion; grave, précis, nerveux, il excelle dans le genre qu'il a créé. L'erreur sc débat vainement dans les liens dont l’enchalne sa puissante logique. On peut, après l’avoir entendu, n’etre pas persuadé; il est impossible, qu'on ne soit pas convaincu; et, à l’impression qu'il produit, on dirait qu'il montre ù scs auditeurs la vérité toute vi­ vante. · Des Conférences et discours Inédits ont été édités pnr l’abbé Dassancc, 2 ln-12, Paris,1813. et reproduits dons l’édition des Œuvres oratoires, par Migne. Orateurs sacrés, Paris. 1856. t Lxxvn. Notice en tête de l’Orafson funèbre de I.ouis XVIII, roi de France, dnns Oraisons funèbres, Paris. 1820, t. IV, et des Œuvres complètes, éciit Migne; L’ami de la religion et du roi, passim, voir 1rs Tables générales de 1824 et de 1834, au mot Frayssinous, cl surtout la Notice par Henrion, conte­ nue dans le t. exil (1842); baron Henrion, Vie de .M Fragssinous, élague (T llermnpolis. 2 in-8·. Paris. 1841; Colombrt. Étude sur Frayssinous Lyon. 1853; A Nettement. His­ toire de la littérature française sous la Bedauration, Paris, 18.»8, t i. p. 155-1 > 0; Gnussens, Éloge dans Plages oralsons funèbres et discours. Bordeaux. 1878. t i p 201-224; G. de Grnndinalson, Im Congrégalion, l’nris, 1889; L Bertrand, Bibliothèque sulpiclcnne, Paris, 1900, t. n. p. 135139. 591; t. m. p. 253-256; Hurler, Nomcnclatar, 1912, t. v. col 1159-1160. J. Dutilleul. FREHER Romunldi théologien allemand du xvrir siècle et bénédictin de l’abbaye d'Etal en Bavière. On a de lui : Futes divina in suis principiis intrinsecis cl extrinsccls examinata, in-4·, Augsbourg, 1719. (Dom FrançolsJ, Bibliothèque générale des écrivains de tordre de S. Benoit, t. L P· 345; Hurler. Nomenclator, t. iv, coL 646, B. Heurtedize. théologien alle­ mand, né ά Oberndorf en février 1679, mort le 22 dé­ cembre 1729. Religieux bénédictin de l’abbaye dr Garstein.il fut envoyé ù l'université de Salzbourg où, après avoir reçu le bonnet de docteur in utroque fure, il enseigna la philosophie. Élu abbé du monastère de Garsteln en 1715, il s’attira l’affection de l’empereur Charles VI qui le combla d’honneurs et de bienfaits On a de lui : Usas theoretico-praclieus distinctionum philosophicarum, in-4e, Salzbourg, 1707; Integra philosophia thomistica secundum causas in tabulis compendiose depicta, in-4 °, Salzbourg, 1708; Vita et mors, in-fol., Salzbourg, 171L FREIDEN PICHEL Ambroise, Ziegelbauer, Historia ret llterarir ordinis S Benedicti t. iv, p 302; (dom François], Bibliothèque générale de. écrivains de Γordre de S Benoît, L î, p. 345; Studirn und Mitthetlungen aus dem Benediettner Orden, 1882, 3· livr p 24. B. Hf.ürteiuze FREIRE Antoine, religieux Augustin, né Λ Bcja, en Portugal, prononça scs vœux A Lisbonne. U 16 jan­ vier 1585, et enseigna la théologie dans les collèges d'Évora, Coùnbreet Lisbonne. Sa mort eut lieu dans cette dernière ville, le 2 septembre 1631 On a de lui : 1® Thesouro cspiritual com seu commenta théologien, Lisbonne, 1624; 2° Manuel dos Enanyethos cm versao paraphrasi tco, c meditaçoes, Lisbonne, 1626; 3· Preludios theologicos, inédit. Barbosa Machado. Bibliotheca lusltana, Lisbonne. 1741, t. I, p. 282. 283; Osslngcr. Bibliotheca augustiniana Ingotitadl. 1768, p. 370, 371 ; Antonio. Bibliotheca h ispana noca. Madrid. 1783, t. I, p. 119; Lanteri, Postrema taenia *ex religionis augustiniamr, Tolentin. 1859, t. n. p. 392, 393: Moral. Catàlogo de escrtlores agustinos espaAoles, dans La Ciudad de Dios, 1903, t. lxii, p. 487, 488. A. Palmtert. FREPPEL Charles-Émile, né â Obemai (BasRhin), le l*r juin 1827, commença ses études littéraires nu collège communal de sa ville natale et les acheva au petit séminaire de Strasbourg. En 1844, Rentra au grand séminaire et, le 7 Juin 1848, il reçut le sous-diaconaL 11 fut 'nommé prof sscur d’histoire au petit séminaire Il fut ordonné prêtre le 23 novembre 1849. Deux, lettres, qu'il adressa à Bonnett y contre le traditiona­ lisme et qui furent publiées dans les Annales de philo­ sophie chrétienne, attirèrent sur lui, par l'intermédiaire de l’abbé Cruicc, l'attention de l’archevêque do Paris, qui le nomma, en 1850, professeur de philosophie au sé­ minaire des Carmes. Mais Mgr Ræss. évêque de Stras­ bourg. le plaça, l’année suivante, ù la tête duc< liège de Saint-Arbogaste. Nommé vicaire en 1852, il demanda et obtint son exeat. Il fut reçu le troisième au concours institué pour la nomination des chapelains de SainteGeneviève au Panthéon, ù Paris, et pendant trois an­ nées, il fit à la jeunesse des écoles des conférences reli­ gieuses sur la divinité de Jésus-Christ, qui furent pu­ bliées après sa mort : Cours d'instruction religieuse. Confèrences de Sainte- Geneviève, prèchècs devant la jeunesse des écoles, 2 in-8®, Paris, 1893; 2·édit., 1898. Il prêchait aussi Pavent et le carême dans les prin­ cipales paroisses de la capitale. Vingt-sept de scs dis­ cours ou panégyriques, dont quelques-uns avalent déjù été publiés Λ part, furent réunis en 2 in-8·, Paris, 1869. En 1854. Il passa brillamment le doctorat en théologie en Sorbonne, et fut nommé. Farinée sui­ vante, professeur suppléant d'éloquence sacrée ù la faculté de théologie. Il devint titulaire de cette chaire en 1858. Le sujet de son cours fut l’histoire de l'élo­ quence sacrée depuis les apôtres Jusqu'ù Bossuet. Il commença par lu fin de son programme. Mais ses pre­ mières leçons : Bossuet et léluqiunce sacrée au χνπ* siècle, 2 in-8·, ne parurent qu'en 1893, après sa inorL Dans l'année scolaire 1857-1858, il remonta Γ 799 FREPPEL — FRÈRES DU LIBRE ESPRIT 800 et Inédits, Paris, 1893; Ixrsur et Boumnnd, Un grand Mpit, aux débuts de son sujet, et H publia successivement Mgr Freppel, Paris, 1893; V. Du vin, Charles-Emile Freppel, scs leçons : Les P?rrs apostoliques et leur époque, Paris, Paris, 1893; Charpentier, Mgr Freppel, Angers, 1903; 1859; 4· édit-, 1888 ; Les apologistes chrétiens au //· siè­ A Pnvfc, Mgr Freppel, Paris, 1900; L*épiscopat français au cle, 2 in-8°, Paris, 1860; le L ϊ·Γ est consacré à saint Jus­ x/x* siècle, in-i·, Paris, 1907, p. 53-55; Hurter, Nomenclator, tin et le L n à Tatien, Hennins, Athénagore, Théo­ Inspnick. 1913, t.vh. col. 1824-1 «26;Tarivlïn.MgrFrrppel, phile d'Antioche et Méllton de Sardes; Saint Irénée et n. 184 des Contemporains, Paris, 1896 l'éloquence chrétienne dans la Gaule pendant les deux E. Mangenot. premiers siècles, Paris, 1861; Tertullien, 2 in-8°, Paris, I. FRÈRES DU LIBRE ESPRIT__ I.Lascctedu 1864; Clément d'Alexandrie, Paris, 1865; Saint Cy­ nouvel esprit en Souabc au xni· siècle. IL La filiation priot et Γ Église d'Afrique au ni· siècle, Paris, 1865; et l'unité des frères du libre esprit. III. La suite de Origène, 2 in-8°, Paris, 1868. Plusieurs de ccs volumes 1'histoirc des frères du libre esprit. ont eu des rééditions. On publia après la mort de l'au­ I. La secte du nouvel esphit en Souabe aü teur : Commodien, Arnobe, Lactance et autres frag­ xhi· siècle. — Les origines des frères du libre esprit ments inédits, Paris, 1893. En 1862, l’abbé Freppel sont obscures et il s'en faut que la suite de leur his­ prêcha le carême aux Tuileries sur la vie chrétienne : toire apparaisse en pleine lumière. Pour jeter quelque Sermons sur la vie chrétienne, Paris, 1862. En 1863, clarté sur ces questions, il sera utile d'aller droit tout il publia : Examen critique de la Vie de Jésus de M. Re­ d'abord à des données incontestables. nan, qui a eu quinze éditions; et en 1866, Examen cri­ Une liste de 97 propositions se trouve dans le pseutique des Apôtres de M. Renan. Ces deux brochures do-Hainier ou anonyme de Passau, sous ce titre : Com­ sont reproduites en tête des Œuvres polémiques, Paris, pilatio de novo spiritu; dans un manuscrit de Munich 1874, t. i. En 1867, l'abbé Freppel devint doyen des leur sont annexées 24 autres propositions, qui con­ chapelains de Sainte-Geneviève. Pie IX le nomma, cordent parfaitement avec elles. Cf. W. Preger, Geschichte der deutschen Mystik im Mittelalter, Leipzig, le 11 janvier 1869, théologien du concile du Vatican et il fut consultcur de la commission pour les régu­ 1874,1.1, p. 461-471. Pour la première fois nous est ré­ vélée l'existence d'une secte de l'esprit. Preger, op.cit., liers (14 février 1869) et de la commission politico-ecclé­ siastique (23 mars 1869). Nommé évêque d’Angers par p. 173, soupçonna que cette liste avait été dressée par décret impérial du 27 décembre de la meme année, il Albert le Grand. La découverte d’un manuscrit de la fut sacré à Borne, le 18 août 1870, et le 24 du même bibliothèque de Mayence a confirmé cette hypothèse. Nous y lisons que la compilation est l'œuvre d’Albert mois, il entra nu concile comme membre actif. Il assista à La ni· session (24 avril 1870), à laquelle fut pro­ le Grand, et que l'hérésie fut découverte à Bies (Re­ mulguée la constitution Dei Filius. Il prononça deux tia), diocèse d'Augsbourg. Si les mots : hæc est determinatio magistri Alberti quondam Ratisponensis discours, le 14 juin, sur le c. ni, de Ecclesia, et le 2 juil­ let sur le c. îv. Il avait signé, le 22 avril précédent, le episcopi signifient qu'Albert rédigea ccs articles après avoir été évêque de Batisbonnc, il faut les placer postulatum demandant la discussion immédiate du schéma sur l'infaillibilité pontificale. Un mémoire de sa entre 1262, date de sa renonciation à l'épiscopat, et main sur la primauté et l’infaillibilité du pape, d'après 1280, date de sa mort, plus près, semble-t-il, de la les récents conciles provinciaux de France,parut alors première date que de la seconde. Si. comme il est à Turin. Au mois de juillet, il signa la protestation plus probable, ils signifient que le copiste les transcrit contre la publication des brochures : Ce qui se passe après la mort d’Albert le Grand,‘mais qu’ils datent du au concile; La dernière heure, et le 18 du même mois, il temps où Albert était évêque de Batisbonnc, ils sc assista à la îv· session, où fut promulguée la consti­ placent entre 1260 et 1262. B. Allier, Les frères du libre tution Pastor «ternus. Voir Collectio lacensis, Fribourgesprit, dans Religions et sociétés, Paris, 1905, p. 117, en-B ris gau, 1895, t. vu, col. 1050, 1054, 1057, 267, les met entre les années 1259 et 1262. 752, 756, 978, 1752, 495. A la dissolution du concile, La secte professait un panthéisme effréné, destructif il vint gouverner son diocèse. Parmi les actes de son de toute religion et de toute morale. Elle soutenait que administration épiscopale, signalons spécialement l'âme est tirée de la substance de Dieu, donc éternelle l'institution de l’université catholique d'Angers, en (prop. 7, 95, 96), que toute créature est Dieu (76,77, 1875, avec quatre facultés. Le 6 juin 1880, il fut élu 103), que l'homme peut devenir Dieu, l'égal de Dieu député de Brest et il conserva cc mandat législatif (13,14,25, 27, 36, 37), Dieu véritable et non seulement jusqu’à sa mort. 11 intervint souvent à la Chambre Dieu par adoption (29, 84). L'homme uni à Dieu peut pour soutenir et défendre les droits de l’Église, qui l’emporter sur la sainte Vierge (31, 70, 74, 93), à plus étaient attaqués et violés. Ses discours et scs bro­ forte raison sur les saints, et n'est pas tenu à vénérer chures ont été réunis dans scs Œuvres polémiques, les saints (22, 39, 105). 11 est l’égal du Christ (23, 65, qui forment dix séries. in-8° et in-12, Paris, 187485), digne de vénération comme lui (28, 51, 109, 120), 1888 (chez Palmé); in-12, Paris, 1894 (chezTéqui). La et même supérieur à lui (58, 98). Le Christ n’a pas souf­ plupart concernent des questions ecclésiastiques et ont fert dans sa passion (59, 67, 91, 99, 118); la divinité eu beaucoup d’actualité. Mgr Freppel mourut à An­ s’est séparée de son corps (47); il n'est pas ressuscité gers, le 22 décembre 1891. Ses Œuvres comprennent (48). Les hommes non plus ne ressusciteront pas (40, 12 in-8·, dont les trois premiers sont intitulés : Dis­ 107); il n’y n ni enfer ni purgatoire (46, 102). Il n’y n cours. Panégyriques, et les neuf autres : Œuvres pas­ ni anges ni démons, mais tes anges sont les vertus et torales et oratoires, Paris, 1880-1894; elles ont eu plu­ les démons sont les vices (45, 62, 101); U n'y a donc pus sieurs éditions. Des Sermons inédits, œuvre posthume, à parler de la chute des anges (60, cf. 75, 104) ni des tentations diaboliques (82). Égal de Dieu, l'homme uni forment encore 2 ln-8°, Paris, 1895. Une brochure : La Révolution française, à propos du centenaire de 1889, à Dieu n'a pas besoin de lui (11) et n’est pas obligé de le révérer (105). Dieu agit en lui, avec lui, par lui (15, a eu trente éditions. 49, 56). Tout cc qu’il fait. Dieu l’a prédéterminé (66, Riehl Mgr Freppel en Abace et ά Paris, Angers, 1882; 117). L’homme uni à Dieu est impeccable (21, 24, 94, A Lcbleu, Vingt-cinq ans de Sorbonne et de Collège de France, 100); il peut commettre sans péché l’acte du péché Paris. 1884. p. 328-343; Ricard, Mgr Freppel, Mque An­ mortel (6), le péché n’est pas péché, et il n*y n, à stricgers, In-12 Pari». 1892; A. Crosnlcr, Mgr Freppel. éuéqiie I tement parler, ni péché ni vertu, mais cela seul est Le mauvais ordre où apparais­ sent les propositions prouve qu’elles sont · plutôt le résultat d’interrogations, d’enquêtes, d'aveux et de dépositions que le résumé d’un traité dogmatique; » cc serait une sorte de formulaire inquisitorial con­ stitué par Albert le Grand au hasard des questions et des réponses. II. Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculatif en Allemagne au nv siècle, p. 56, 58, 59. II. La filiation et l’unité des fjièhks du lidke ESpïut. — Sous le nom de secte des frères du libre esprit (secta spullus libertatis, liberi spiritus, de novo spiritu, de alto spiritu), les anciens hérésiologucs et la plupart des historiens modernes ont désigné une secte unique sc propageant pendant des siècles, livrant d’une génération A l’autre un crédo substantiellement identique, dont le fond serait, nu point de vue méta­ physique, le panthéisme et, dans la pratique, une < li­ berté d’esprit · aboutissant, nu moins dans l'ensemble, A des doctrines immorales et antisociales. La secte sc montre nu grand jour de l’histoire, en Souabe, dans la seconde moitié du xin· siècle. Il est possible de fixer sa généalogie. Elle procède directement des ortiibiens I DI CT. DK T1IÉOL. CATHOL. 802 1,1 BR L EbPRlT (voir ce mot), dont le chef, Ortlleb de Strasbourg, fut condamné par Innocent III. I>es ortiibiens viennent des arnalricicns, lesquels se rattachaient a Amriury de Bene dont ils avaient développé les doctrines, voir t. ι, col. 937-939, et a Jean Scot Ériugene de qui se réclamait Amaury. Voir t. v, col. 431. Par delà Ériugène, la secte remonte au néoplatonisme. Avec les hérétiques de Souabe, elle cesse d’étre désignée par un nom d'homme pour l’étre par le plus essentiel de scs principes; scs adeptes s'intituleront désormais frè­ res du nouvel esprit et bientôt frères du libre esprit. « C'est probablement de la Souabe que partent dans toutes les directions les missionnaires qui courent a la conquête ou plutôt A la < libération * des âmes. > Ils pullulent, au xiv· siècle, en Allemagne et surtout dans les pays rhénans; ils se montrent dans les Pays-Bas et au nord de la France : béghards et béguines hétéro­ doxes, turiupins, hommes de l'intelligence, autant de synonymes, divers selon les temps et les lieux, de frères et sœurs du libre esprit. Au xv· siècle, les tra­ ces de l’hérésie sont plus difficiles A saisir. Son travail souterrain nous échappe. Mais le libre esprit a sa part dans les mouvements populaires qui, A partir du milieu du siècle, troublent l'Allemagne et qui ont fini par la grande convulsion de 1525. La secte renaît au com­ mencement du xvi· siècle. Beaucoup d’anabaptistes et des membres de sectes protestantes des Pays-Bas, d’Angleterre, de France, sont ses · héritiers directs ·. B. Allier, Les frères du libre esprit, dans Religions et sociétés, p. 115-122, 136-141. Cette thèse est, avec des nuances, celle de C. U. Hahn, Geschichte der Ketzer im Mittelaller, Stuttgart, 1847, L n, p. 476-481, 514537; C. Schmidt, Précis de Γ histoire de ΓÉglise d'Occi­ dent pendant le moyen âge, Paris, 1885, p. 177-178, 225228, 306-308; A. Jundt, Histoire du panthéisme popu­ laire au moyen âge, Paris, 1875; H. C. Lca, Histoire de Γ inquisition au moyen âge, trad. S. Heinach, Paris, 1901, t. n, p. 379-388, 419-452, 485-487; IL Delacroix, Essai sur le mysticisme spéculatif en Allemagne au XI v siècle, p. 2, 52, 73, 131-132; cf. T. Buyssen, dans la Revue de métaphysique el de morale, Paris, janvier 1901, p. 103; A. Auger, dans U Revue d'histoire eccle­ siastique, Louvain, juillet 1901, p. 608-609, etc. Les tenants de cette opinion s’accordent à admettre l’unité de la secte du libre esprit, quittes à diverger dans l’ap­ précia tion des différences qui existent entre scs formes multiples. Cette manière de voir n'est plus maintenant aussi générale. En premier heu, on a refusé de rapprocher de la sorte les ortiibiens et les frères du libre esprit. W. Preger, Geschichte der Mystik im Mittelalter, t. i, p. 195, a expliqué l’ortlibianisme par des influences cathares. K. Müller, Die Waldenscr und ihre einzclnen Grappen bis nun Anfang des XI v Jahrhunherts, Gotha, 1886, p. 130-132, 166-172; cf. P. Alphandéry, Les idées morales chez 1rs hétérodoxes latins au début du in· siècle, Paris, 1903, p. 158-160, note, en a fait une secte vaudoise. IL Delacroix n’a pas adopté ces conclusions. Il ne conteste pas les analogies qui exis­ tent entre la morale des cathares, d’une part, et, d'au­ tre part, des vauduis, et celle des ortiibiens. Mais il es­ time que < les principes nettement panthéistes des ort­ iibiens les rattachent A la doctrine du libre esprit. » On a, pour les distinguer des frères du libre esprit, tiré un argument de leur ascétisme; mais, remarque-t-il ingé­ nieusement, c’est un fait que souvent · la même théorie donne naissance A des pratiques opposées, » et · ni l’ascétisme ni son contraire ne découlent nécessaire­ ment des principes panthéistes. La liberté en Dieu peut être conçue aussi bien comme l'affranchissement de tout désir que comme le droit de laisser en le cœur affluer tout le désir. » Aussi est-il d’avis que la diffé­ rence des principes moraux des ortiibiens et des frères VL — 23 803 FRÈRES DU LIBRE ESPRIT 80-1 du libre esprit · cn fait deux variétés d’une même es­ floraison de la plus pure mystique, une fermentation pèce ct non pas deux espèces irréductibles. · Essai sur de mysticisme malsain; il est possible que la mystique U mysticisme spéculatif en Alterna yne au XIV siècle, vlctorinc, mal comprise par des esprits ignorants ct p. 69, note, 70, note, 94-95, 73; cf. p. 131-132. Un, dépourvus d’équilibre, ait donné naissance, dans le débat de ce genre est sans issue, à moins que la décou­ milieu mi-monastique mi-laïque des béghards ct des verte de textes nouveaux ne le terminet S. M. Deutsch, béguines, aux aberrations qui nous sont connues par /Icalencyklopadie, 3· édit., Leipzig, 1904, t xiv, p. 501, le catalogue d’Albert le Grand. Mais ccttc h>q>othèsc, observe justement que, dans l’état actuel de nos con­ si séduisante soit-elle, n'est qu’une hypothèse. Jusqu’à naissances, il n’est pas possible de se prononcer en meilleur informé, mieux vaut avouer tout simplement toute sécurité sur les ortlibicns. En tout cas, le pan­ que les origines des frères du libre esprit nous échap­ théisme qu’ils ont cn commun avec les frères du libre pent. A défaut d’une filiation proprement dite qu’il esprit, le principe de la docilité de l’homme aux répon­ est impossible de constater, disons qu’on peut les ses de l’esprit cn lui que les frères du libre esprit admet­ rattacher logiquement aux ortlibicns cn cc qu’ils pro­ tent comme eux, cf. la 78* prop, du formulaire d’Albert fessent le même panthéisme qu’eux, surtout auxamalle Grand, Prcgcr, Gcschiehte der Myslik, t. i, p. 468, ricicns cn cc que, à l’instar de ccs derniers, ils tirent ne doivent pas faire oublier les différences considéra­ de leur panthéisme les conséquences les plus immorales, bles qui séparent ortlibiens ct frères du libre esprit. ct encore, d’après L. Tanon» Histoire des tribunaux El, s’il y a chez les uns et chez les autres des doctrines de t*Inquisition cn France, Paris, 1893, p. 81, à ces Identiques, rien n’établit qu’elles soient ducs à une ac­ hérétiques, généralement classés parmi les cathares qui tion directe des ortlibiens sur les frères du libre esprit. furent brûlés à Cologne cn 1163, ct qui disaient que Ce n’est pas seulement entre les frères du libre esprit tout est pur aux purs ct que, étant pleins du Saintet les ortlibicns qu’on a nié toute filiation proprement Esprit, ils ne pouvaient pécher. La suite de l’histoire dite, c'est encore entre les frères du libre esprit ct les des frères du libre esprit, à partir de leur apparition amalriciens, ct c’cst même entre les diverses manifes­ cn Souabc, est moins obscure que les commencements, tations du mysticisme panthéiste ct quiétistc du quoique les documents soient rares ct parfois troubles. moyen Age englobées sous l’appellation de frères du Il est vrai qu’entre nombre d’individualités ou de libre esprit. Il a paru que la tentative de décrire le groupes, qu’on n coutume de réunir sous le nom de développement historique et l’organisation d’une seule frères du libre esprit, il y a des différences doctrinales secte panthéiste au moyen âge doive être abandonnée : si importantes que l'unité de la secte cn est ébranlée. les documents nous font connaître des groupes de mys­ Il sera permis cependant de parler des frères du libre tiques hérétiques et une série de représentants isolés esprit comme d'une secte unique, dans un sens large : du panthéisme dont les doctrines oflrcnt de tels con­ sous ccttc désignation se rangent tous les hérétiques, trastes qu’il est impossible de les ramener à l'unité. en dépit de leurs divergences sur d’autres points, qui Cf. H. Haupt, Healencyklopadie,3· édit., Leipzig, 1897, ont fait profession de mysticisme panthéiste, quié­ t. m, p. 467-468, 471. Quant au point de départ véri­ tistc, illuminlstc, ct qui cn ont déduit la théorie de la table de ccttc mystique panthéistico-quiétistc, il faut, liberté de l’esprit entendue comme la légitimation de d’après Haupt, le chercher dans les cercles des bédoctrines immorales ou antisociales. ghards ct des béguines. Dans leurs maisons de la III. La suite de l'histoire des frères du ltdrb Haute-Allemagne et dans les cloîtres de femmes des esprit. — Faut-il reconnaître des frères du libre es­ deux grands ordres mendiants, il y eut une poussée prit, ou des apostoliques, ou des fraticcllcs, dans les presque épidémique vers les états de vision ct d'extase» hérétiques condamnés par Boniface VIII, le I*r août dans la première moitié du xin· siècle; des esprits 1296? Cf. Raynaldi, Annal. ecclcs., an. 1269, n. 34. Ce passionnés et manquant de la culture intellectuelle n’est pas clair. Ange de Clarcno, Historia tribulationum, des écoles étaient exposés à mal entendre la mys­ dans VArchio /Or Literalur und Kirchengeschichte des tique aréopagitico-victorinc ct scs vues sur h prise Mittelalters, Berlin, 1886, t. n. p. 130, raconte qu’Ilude Dieu par le moyen de la contemplation ct à les bertin de Casale, sur l’ordre du pape ou du légat pon­ déformer cn un panthéisme grossier. Là où Richard ti fical, travailla, vers 1301, à la répression de l’hérésie de Saint-Victor dit. De gratia contemplationis (et de la liberté de l'esprit dans la province de la Toscane, non De præparatione animi ad contemplationem), de la vallée de Spolètc ct de la Marche d’Ancône. < ce L II, c, XIII, P. L., t. exevi, col. 91 : hic primum qu’avant lui aucun inquisiteur n'avait osé entrepren­ animus antiquam dignitatem recuperat et ingenitum dre. > Clarcno fait remonter l’origine de ccttc héré­ propriæ libertatis honorem sibi vindicat, des mysti­ sie à Amaury de Bènc, ct mentionne les fondateurs ques extravagants pouvaient sc laisser tromper et des apostoliques, Scgarclll ct Dulcin, comme les pro­ trouver l’occasion de formuler la doctrine hétérodoxe pagateurs de ccs fausses doctrines. Le témoignage de de la liberté de l’cspriL La place que la contempla­ Clarcno est souvent sujet à caution cn cc qui regarde tion cl 1 union avec Dieu occupent dans les proposi­ cette période de la vie d'Hubert in; il était alors cn tions des panthéistes souabcs montre que nous avons Orient, ct il n’écrivit ΓHistoria tribulationum qu’une à considérer cn eux non pas, comme le suppose 1L Reu­ trentaine d'années plus tard. Cf. F. Callacy, litnde ter, Gcsrhichte der rcligiûsen Aufklarung im Mittelal- sur Ubertin de Casale, Louvain, 1911, p. 50-51. On ter, Berlin, 1875, t. n, p. 241, une secte réformatrice, peut sc demander s’il n'y a pas quelque confusion « les révolutionnaires de V Aufklarung, · mais un sau­ dans le rapprochement entre les apostoliques ct la sage rejeton de h mystique monacale des victorins. secte du libre esprit. Une bulle de Clément V à l’évê­ Ceux-là mêmes qui n’accepteront pas cettcHhèse de que de Crémone, du l*r avril 1311, l'invite à réprimer llaupt admettront volontiers qu’elle mérite l’examen. des hérétiques de ccttc même vallée de Spolètc ct des Celte circonstance que la doctrine des trois âges, fon­ régions voisines, qui novam sectam novumque rilum..., damentale dans rumalricianismc. voir L t, col. 938. est quem libertatis spiritum nommant, hoc est u( quidquideis absente du système des panthéistes souabcs empêche libet liceat, assumpserunt. Le pape déclare qu’ils con­ d’affirmer à coup sûr que ccs panthéistes dépendent tristent le Saint-Esprit, ct ajoute : cur carnis illecebras directement des disciples d’Amaury de Bènc. Nous sub Spiritus regimine palliant, quas constat in eodem saxons que les maisons des béghards ct des béguines Spiritu condemnari? Cf. Ruynaldi, AnnaL rerlrs., an. furent le foyei principal de l’hérésie du libre esprit, 1311, n. 66. Celte fois, nous avons quelques données sur et auftsi qu’il y eut, au xni· siècle ct au xiv·, cn Alle­ la secte du libre esprit; si le pape, qui ne détaille pas magne» spécialement eu bouube, en même temps qu'une I ses doctrines, ne dit pas qu’elle soit pantliéistc, il nous 805 FRÈRES DU LIBRE ESPRIT apprend du moins qu'elle revendique le droit de faire tout cc qui plaît, ct cela sous le prétexte de l'action du Saint-Esprit. Peu de temps après,au concile de Vienne, Clément V condamnait les béghards et les béguines hétérodoxes, la principale branche des frères du libre esprit. Voir t. n, col. 528-535. Leurs huit erreurs, telles que le concile les énumère, ne sont guère qu'une réédi­ tion abrégée des 97 propositions du formulaire d’Albert le Grand. La lutte de l'Église contre le béghardlsme remplit le xrv· siècle ct sc prolongea au commence­ ment du xv·. Répandue cn Allemagne, dans les Pays-Bas, en France, cn Italie, sc maintenant pendant plusieurs générations, en contact avec des hérésies qu’elle in­ fluença et qui l'influencèrent, l'hérésie du libre esprit eut des variantes sans fin. Son histoire en devient parfois difficile à suivre.Ce qui l'embrouille également, c’cst que, après le commencement du xiv· siècle, l’éti­ quette « secte de l’esprit de liberté » se trouve appli­ quée aux cercles hérétiques les plus différents chez qui l’on suppose le dédain ou la décomposition de la loi monde. Tantôt les béghards allèrent aux extrêmes, par exemple.avec ce Jean Hartmann qu’interrogea, à Erfurt, cn 1367, le célèbre inquisiteur Walter Keeling. Cf. I. von Dôllingcr, Reilrâge zur Sektengeschichtc des Mtttelallers, Munich, 1890, L n, p. 384-389. Tantôt, au contraire, ils adoucirent leurs affirmations. Ceux con­ tre lesquels l'inquisiteur Wasmod de Hombourg com­ posa, entre 1395 ct 1404, un traité qui a été publié par H. Haupt, dans la Zeitschrift fûr Kirchengeschichte, Gotha, 1885, t. vu, p. 567-576, ressemblent plus à des veudois qu'aux béghards primitifs. De même, les lollards avalent été d'abord confondus avec les bé­ ghards par l'usage populaire. Quand les béghards tom­ bèrent dans l’hétérodoxie, on continua A identifier lollards ct béghards. A la fin du xrv· siècle, on appelait béghards, lollards et béguines (sivestriones. de Schives· 1er = sœur) des fraticclles d’Allemagne. Cf. une bulle de Boniface IX, du 31 janvier 1395, dans Dollinger, Beitrâge xur Sektengeschichtc des Miltelalters. t. u, p. 381-383; cn rapprocher le document publié par Dôllingcr, op. cit.. p. 406-416. A la même date, en Angleterre, lollard était synonyme de uiclyliste. Cf. Raynaldi, Annal. eccl.. an. 1392, n. 8; an. 1395, n. 18; an. 1396, n. 9. Il y eut compénétration entre les frères du libre esprit ct les apostoliques, cf. F. Tocco, Studii francescani. Naples, 1909, p. 233, les fraticclles (voir cc mot) ct les flagellants, cf. H. C. Lea, Histoire de l'inquisition au moyen Age, trad. S. Rclnach, t. n, p. 461, 488, ct, si Lea, op. cit.. p. 428, parait commet­ tre une inexactitude cn faisant des luciférains · une des brandies de la secte ■ du libre esprit, une action de cette secte sur les hiciférains est vraisemblable. Des frères du libre esprit voulurent tirer à eux les doctrines du grand mystique Eckart. Le-sauvage· qui, dans Le livre de ta vérité du B. Suso, représente les bé­ ghards allègue, A plusieurs reprises, l’autorité du •maître», c'est-à-dire d’Eckart, Λ l’appui de sa doctrine de la pure liberté. Cf. Suso, Opera, édit. L. Surius, Co­ logne, 1588, p. 296-300; trad. G. Thlriot, Paris, 1899, t. n, p. 254-261. C. Schmidt, Éludes sur le mysticisme allemand au XIv· siècle. Paris, 1847, p. 21, regarde comme < hors de doute la connexion de maître Eckart avec la secte des frères du libre esprit, » ct admet que maître Eckart < voulait transplanter leurs doctrines sur le sol de l’Égiisc, cn réunissant cn un système spé­ culatif leurs idées populaires ct peu cohérentes entre elles. » P -E. Puyol, L'auteur du livre De imitatione Christi. I. La contestation, Paris, 1899, p. 3/5, 3/6, va Jusqu'à attribuer aux frères du libre esprit une action nnn seulement sur Eckart, mais sur la · spiritualité al­ lemande ·, désignant par là · le mouvement de pieté qui s'est fait sentir, nu xiv· ct au commencement du 806 xv· siècle, de Bâle aux Pays-Bas, dans la région qui avoisine les bords du Rhin, · ct que dirigent, avec Eckart, Tanière, Suso ct le groupe des < amis de Dieu ·. Le B. Jeun de Ruysbrocck, à son tour, a été suspect. Gerson, Epistola super tertia parte ttbri iïuysbrotch De ornatu spiritualium nuptiarum, dans Opera. Paris, 1606, t. i, col. 463, croit qu’il était de b secte des béghards ct, peu au courant de h chronologie, suppose que la décrétale de Clément V au concile de Vienne contre les béghards, voir t. n, col. 532, a pu être diri­ gée contre lui. Toute cette thèse est inadmissible. Dans son fond, le mysticisme d’Eckart. ct, à pins forte raison, celui de son écnlc ne sont point panthéistes. Voir t. iv, col. 2071-2073. Eckart s’est égaré en divers passages. Suso l’a reconnu, lui qui, d ms Le livr> de la vérité, ne veut pas, selon h remarque de son traducteur G. Thiriot» op. cil., p. 261-262, net* «Ίγγ < J ^re­ ment l’avocat d’Eckart comme certains l’ont pré­ tendu, il ne veut pas non plus le 1-ve; de tout repro­ che d’hétérodoxie, il veut simplement montrer nue, si ce maître s'est trompé dans quelques endroits, dans d’autres il a eu une doctrine parfaitement orthodoxe, qu’il est impossible de le fortifier en toute chose, mais que cependant sa doctrine n'a jamais été absolument celle des béghards. » Suso repousse, pour son compte, b « sauvagerie » des frères du libre esprit, Taulère la rejette, Serm.. n. In t* doml· niea quadragesimoe. dans D. Joannis Thaulerl sermo· nes, édit. L. Surius, Cologne, 1663, p. 148-152; trad. C. Sainte-Foi, Paris. 1855, t. i, p. 289-295. Cf. Blosius (Louis de Blois), Apologia pro D. Joanne Thau Iero ad­ versus D. Joannem Eckium, c. in, dans Opera, An­ vers, 1632, p. 345-347. Dans Le livre des deux hommes. Rulmann Merswin signale les doctrines de b secte comme un obstacle au développement de b vie spiri­ tuelle. Loin de pactiser avec les faux hommes libres, les « amis de Dieu » sont leurs < pires adversaires ·, ct · ne cessent de dénoncer leurs égarements. » R. Allier, Les frères du libre esprit, dons Religions et sociétés, p. 146-147. Ruysbrocck s’occupe souvent d’eux, spécialement dans L'ornement des noces spirit luettes, 1. I, c. lxxvi-lxxvii, trad. M. Maeterlinck, nouv. édit., Bruxelles, 1908, p. 313-320, proteste con­ tre leur engeance · ennemie la plus dommageable. » stig­ matise leur < vie inique, pleine d’erreurs spirituelles et de perversités, > ct, ayant indiqué des différences entre eux, conclut : « Mais tous sont pervers, cl les pires méchants qui soient, et il faut les fuir autant que l’en­ nemi infernal, » p. 313, 317. Cf. A. Auger, De doctrina et meritis Joannis van Ruysbrocck. Louvain, 1892, p. ix-x, 102-115, 146. Le franciscain Xlvarez Pelayo (Pelagius). De planctu Ecclesiæ (terminé cn 1332), c. lu, Venise. 1560, fol. 113, assure que l’erreur de la liberté de l'esprit était la plus commune et qu’elle avait séduit ct pervertissait encore beaucoup de personnes. Mais rappelons-nous que Pcbyo ne distingue suffisamment les béghards et les béguines hétérodoxes ni de ceux et de celles qui étaient orthodoxes ni des fraticclles et des apostoliques. Quoi qu’il cn soit de b diffusion de b secte du libre esprit, les femmes eurent un rôle considérable dans sa propa­ gande. La béguine Marguerite Porete. originaire du Hainaut, qui fut brûlée Λ Paris en 1310, avait com­ posé, pour b répandre, un livre que Guy, évêque de Cambrai, condamna comme hérétique; elle avait continué de le distribuer après ccttc condamnation. Voir b sentence do l’inquisiteur Guillaume de Paris, dans H. C. Lea, A history of the inquisition of the middle ages. New York, 1888, t. u. p. 575-577 (non repro­ duite dans b traduction française). Au temps oû Ruvsbrocck était encore prêtre séculier, vers 1330. ’ y avait, à Bruxelles, une femme que l’on appelait h· Bloermadlnnc : IL Pomerius (Hendrik van den Ho- 807 FRÈRES DU LIBRE ESPRIT gacrdc), Dc origine monasterii Viridisvalll, 1. II, c. v, dans les Analecta bollandiana, Bruxelles, 1885, t. iv, p. 286; trad. Cuylits (en tête dc la traduction du Livre des douze béguines de Ruysbrocck), Bruxelles, 1900, p. 37-38, dit que « ccttc femme, qui avait beaucoup écrit sur « l’esprit de liberté » ct l’infâme amour véné­ rien qu’elle appelait l’amour séraphique, était vénéréc par dc nombreux disciples comme l'inventrice d’une doctrine nouvelle; » Ruysbrocck montra le venin des écrits que, chaque année, elle lançait contre la foi ca­ tholique, Cf. P. Frcdericq, Corpus documentorum inqui­ sitionis hæreticæ pravitatis neerlandicæ, Gand, 1896, L n, p. 386-387. Le 27 mars 1373, Grégoire XI féli­ cita le roi de France dc l’appui qu’il prêtait à l’inqui­ sition dans la répression d’une variété dc béghards qu’on nommait les turlupins. Cf. Raynaldi. Annal, cedes., an. 1373, n. 19. A Paris, la secte reconnaissait pour chef une femme, Jeanne Daubenton, qui fut brûlée en 1372. A la Un du xiv· siècle» apparaît une nouvelle secte du libre esprit, les hommes dc l’intel­ ligence. Elle a deux fractions : l’une penche vers l’as­ cétisme; l’autre, de beaucoup plus considérable, tire du panthéisme les doctrines les plus immorales. Le fondateur de la secte, Gilles le Chantre, semble avoir été le disciple d’une femme, Marie dc Valenciennes, laquelle avait composé, incredilibi pene subtilitate, un livre où elle appliquait à l’homme in oia ct lié par l'observation des préceptes divins cc qui est vrai dc l’amour de l’état béatiflque, ct en concluait que l’homme élevé ici-bas Λ l’éminence dc la dilcction divine, fit secundum eam ab omni lege præceptorum solutus, adducens pro se illud ab apostolo sumptum : • Caritatem habe et fac quod vis, · dit Gerson, Tra­ ctatus de distinctione verarum visionum a fabis, signum v, dans Opera, Paris, 1606, t. i, coi. 588-589. Au xv· siècle, le même Gerson signale la persistance des turlupins, Tractatus de examinatione doctrina­ rum, part. II, consid. vi, t. i, p. 550, ct des béghards hétérodoxes. Tractatus contra hærcsim de communione laicorum sub utroque specie, t. i, p. 523 Après le pre­ mier quart du siècle, il n’est plus guère question du libre esprit. S. Bernardin de Sienne, Adventuale de inspirationibus, Serm., n, De inspirationum discre­ tione, dans Opera, édit. J. dc la Haye, Paris, 1635, L m, p. 167, 177, parle des ravages de l’erreur dc la liberté d'esprit, ct gémit : Ah ! Dcus, quoi simplices decipiuntur sub pallio spiritus! Les textes dc cc genre deviennent rares. R. Allier, Les frères du libre esprit, dans Religions et sociétés, p. 136-140, suppose, non sans vraisemblance, que le libre esprit n’est pas étranger A ccs poussées populaires dc colère ct dc révolte qui trou­ blent l’Allemagne dans la seconde moitié du xv· siè­ cle ct conduisent aux horreurs dc la révolution sociale (1325). Il est impossible, en cilct, · que la secte du libre esprit sc soit subitement tue au moment précis où les foules étaient le plus disposées à saisir son enseigne­ ment ct à en tirer les applications extrêmes. ■ Par ailleurs, < n’cst-il pas remarquable que tous ces mou­ vements populaires sont partis de la Souabe ou des régions voisines des Pays-Bas, c’cst-ù-dirc dc ce qui a été le pays d’élection du libre esprit? · Aux approches dc la Réforme, la secte reparaît. Le grand prédicateur populaire Jean Gcilcr dc Kaiscrsbcrg(tl510)mctcn garde, surtout dans scs serinons sur la Stutlifera navis de Sébastien Brant, contre les faux interpretes dc ΓÉcriture, qui rejettent les explications des docteurs de l’Église ct ont la présomption d'en­ tendre les saints Livres comme il leur plaît, · ainsi que le font, dit-il, les vaudols, ceux du libre esprit, les bohèmes el les autres hérétiques. · Aux partisans de cc libre esprit il reproche d’autres erreurs, qui sont • déjà, en substance, tout le luthéranisme, vingt ans Luther,· ct il les montre frayant les voles «à 808 celui qui sera lo grand falsificateur, l'imposteur par excellence, et, quand celui-là paraîtra, ajoute-t-il, je crains qu’il ne trouve beaucoup d’adeptes parmi nous. Tout porte à croire que le moment de sa venue n’est pas bien éloigné. ■ Cf. J. Janssen, L1 Allemagne tl ta Réforme. I. L*Allemagne d la fin du moyen âge, trad. Paris, 1887, p. 585; P. Bernard, Jean Geiter de Kaisers· berg, dans Eludes, Paris, 1910, t. cxxiv, p. 75-78, Ici le libre esprit sc confond presque avec le libre exa­ men. Il ne tarde pas à reparaître avec sa double carac­ téristique, panthéiste ct immorale ou antisociale. R. Allier, op. cit., p. 141, observe que, parmi les ana­ baptistes, · beaucoup sont résolument panthéistes, ct c’est dans le panthéisme qu’ils cherchent et qu’ils trouvent la justification dc leurs égarements. L’illu­ miné d'Anvers qui, en 1525, va prêcher le libre esprit à Luther, David Joris qui est en Allemagne le prindpal prophète après les événements dc Munster, Nicolas Frcy qui promène en Alsace sa théorie de l’union libre, les adamites d'Amsterdam, les familiales des Pays-Bas ct dc l’Angleterre, Quintin, Bertrand des Moulins, Claude Parccval ct Antoine Pocqucs, qui sont en France les premiers « libertins spirituels ·, sont ks héritiers directs dc la secte qui... a maintenu, A travers la seconde moitié du moyen «âge, les doctrines ct parfois les pratiques dc l’anarchisme moral ct social. » Tous ceux qui figurent dans cette énumération ne renouvellent pas au même degré la secte du libre es­ prit. Sur les fnmllistcs, voir Famille d’amour, t. v, col. 2070-2072. Voir encore Fraticelles, sur les soidisant fraticellcs dont parle Florimond dc Raemond, L*histoire de la naissance, progrci el decadence de l'hensie de ce siècle, 1. II, c. xvi, n. 6, Paris, 1655, p. 164 b, ct qui sont dc vrais sectaires du libre esprit. Chez tous — il y aurait aussi A mentionner les loïslcs d’Anvers, qui ont été récemment l'objet d'intéressantes éludes — elle renaît, < plus forte dc tout le travail accompli, dans les cerveaux, avec son immonde cortège dc mys­ tiques ct monstrueuses débauches. · FL Hauser, Étu­ des sur la Réforme française, Paris, 1909, p. 56. A peu près éteintes avant la venue du protestan­ tisme, ranimées au xvi· siècle, les doctrines du libre esprit ne sc montrent plus guère A dater dc la fin dc cc siècle. ÇA ct là, pourtant, clics sc manifestent. Le quiétisme de Molinos les ressuscite. Dc nos temps, en Russie, des sectes ont attiré l’attention qui sont des survivances ou des réapparitions du libre esprit. Cf. A. Lcroy-Bcaulicu, L9empire des tsars et les Russes. X. Les sectes excentriques. Les mystiques et les protestants indigènes, dans la Revue des deux mondes, 1er juin 1875, p. 586-631. I. Sources. — Raynaldl, Annal, eccl., an. 1311, n. 66 (bulle dc Clément V Λ l'évêque dc Crémone), et passim; XV. Prcgcr, Geschiclde der deulschen Musltk im Mittelalter. Leipzig, 1874. t. i. p. 461-471 (les 121 propositions de la Compilatio de novo spiritu); F. Eh rie, Archio /iir I.iteratur und Kirchengeschichlr des Miltelallrrs. Berlin, 1886, t. il, p. 130-132 (un passage dr V Historia tri bu Int ion uni d’Ange de Clurcno sur In répression des frères du libre esprit par Hul>ertin de Casale); F Tocco, Stucftt /rancescant, Naples, 1909, p. 236-238 (sentence do rinquisitcur dc Florence, 31 octobre 1327, contre une adhérente dc la secte du libre esprit); P Frcdericq, Corpus dndrr< 1912; en danois, Jean Joergenscn. dont le Den hrUlge Franz af Assist Copenhague. 1907. a été bien­ tôt traduit dans toutes les langues principales de l’Europe. Voir plus loin la bibliographie de l'histoire franciscaine. 812 consulta le cardinal Hugolln, que, sur sa demande, Honorius JH lui avait donné pour protecteur en cour romaine. Celui-ci lui conseilla de modifier ct d’abréger le texte de la règle, avant de le présenter au pape. Alors, écrit saint Bonaventure, il sc retira avec deux compagnons dans un ermitage solitaire, où, jeûnant et consultant le Seigneur dans la prière, il faisait écrire ce que lui inspirait l’Esprit-Saint. En descen­ dant de cette solitude, François remit 1a règle qu’il venait d'écrire au frère Hélie, qui, sous le nom de son vicaire, administrait l’ordre. Quand au bout de quelques jours il lui redemanda le manuscrit, Hélie dé­ clara l’avoir égaré. Alors lo saint regagna l'ermitage de Fonte Colombo, où il écrivit de nouveau la même règle, comme si Dieu la lui dictait. Pour les besoins de leur cause, les spirituels entourèrent plus tard cette rédaction de circonstances merveilleuses. tenons-nou> II. Vie intérieure de l’ordre. — L'histoire do­ en au récit de saint Bonaventure, il est bien certain que le texte de la règle ne fut pas révélé mot à mot mestique d’une famille religieuse se confond avec celle au fondateur, comme ils le raconteront, pour la placer de l’observance de sa régie. Les réformes, ainsi que le nom l’indique, ont pour but de revenir à la forme de sur le même rang que l’Évangile; Grégoire IX déclara dans un document officiel qu'il avait aidé François vie primitive dont l'ordre s'est éloigné. Le relâche­ tn condendo regulam et obtinendo confirmationem ment n'est pas toujours cause de cct abandon : il peut être motivé par l’évolution de la famille, le changement ipsius. Ccttc approbation fut donnée le 29 no­ des temps, ou les nécessités de la mission à remplir vembre 1223 par la bulle Solet annuere d’Honorius HI, pour rester fidèle A son but, qui est toujours de servir dans laquelle la règle est insérée en entier. l'Égliie ct de travailler nu bien des Ames. On le verra La désappropriation totale, tant en commun par l'exposé sommaire de l'histoire de l’ordre des qu’en particulier, la défense de recevoir de l’argent, frérrs mineurs. Disons d’abord d'où leur était venu par soi ou par personne interposée, tel est le caractère cc nom. Un jour, écrit Cclano, qu'on lisait la régie, en distinctif de la règle franciscaine ct cc sera sur cette entendant ccs paroles qui y étaient écrites : et slnt question de la pauvreté que naîtront les controverses minores et subditi omnibus, je veux, dit François, que qui amèneront des divisions ct occasionneront des cette fraternité soit désormais appelée l'ordre des réformes. Innocent III aurait dit A François : Le genre frères mineurs. de vie que tu désires embrasser me semble trop difficile. 1· Des origines avant toute division. — Il est Indé­ Il n’avait pas effrayé les premiers disciples, mais parmi niable que, du vivant mémo du saint fondateur, le grand nombre de ceux qui sc joignirent A eux, 11 son ordre subit des transformations et l’on peut con­ s'en trouva qui répétaient que la vie choisie par sidérer deux périodes très distinctes. Celle des pre­ François et ordonnée par la règle était trop austère et mières années, des temps héroïques, alors que les même impraticable. Les dernières années du saint fils, animés du même enthousiasme que leur père, furent attristées par cette opposition, qu’il sentait couraient de concert avec lui sur la vole royale de la autour de lui, surtout de la part des supérieurs pro­ pauvreté ct du renoncement. La seconde commença vinciaux; cc lui fut un motif de se démettre de sa quand l’accroissement extraordinaire de la famille ct charge, qu'il déguisa sous celui de scs infirmités. sa propagation rapide dans le monde entier nécessi­ Peu avant de mourir, il dicta son Testament, dans tèrent une organisation ct une législation plus pré­ lequel il Insistait fortement sur la pratique de la pau­ cises, comme nous liions le dire. Cette remarque est vreté ct l'observance de la règle. Cc Testament fut l’ob­ nécessaire pour comprendre les états d’âme successifs jet de nouvelles discussions : les uns le voulaient chez saint François. mettre sur la même ligne que la règle, les autres, tout Il écrivait dans son Testament : · Après que le Sei­ en respectant ccs avis de leur père mourant, ne leur gneur m'eut donné des frèn s, personne ne me montrait reconnaissaient aucune force de lof. Pour trancher ce que je devais faire, mais il me révéla que je devais la difficulté, le chapitre général de 1230 décida dr vivre suivant la forme du saint Évangile, ct je la fis recourir au pape ct de lui demander en même temps la écrire en peu de paroles ct simplement,ct le Seigneur solution d'autres doutes. Par la bulle Quo elongali, du pape me la confirma. » Nous n’uvons plus le texte de 28 septembre 1230, Grégoire IX répondit que le Testa­ ctttc toute première règle, approuvée verbalement par ment n’obligeait pas; ct, pour faciliter aux religieux Innocent III en 1209. Elle subit d’ailleurs de fré­ l'observation de la défense de recevoir l’argent, il ins­ quentes retouches dans les chapitres que François tituait le nuntius apostolirus, ou substitut des bien­ réunissait chaque année. Une crise, que ; ubit l’ordre faiteurs, qui agissait en leur nom ct procurait aux pendant son dernier voyage en Orient (1219), lui religieux, avec les aumônes qui lui étaient confiées, montra la nécessité de donner une législation plus pré­ cc dont ils avalent besoin ct qu'ils ne pouvaient ac­ cise à ses frères; c’est pourquoi reprenant la règle quérir par la mendicité. Puis le pape confirmait la dé­ primitive avec toutes les modifications qui lui avaient fense faite aux frères de posséder quoi que cc soit, en été apportées, de ces miettes il fit une hostie, comme il commun comme en particulier, déclarant qu’ils lui avait été Indiqué dans une vision. Cette règle, n’avaient que l’usage des choses nécessaires. dans le texte de laquelle il fit enchâsser des textes ap­ Ces déclarations étaient fort utiles pour tranquil­ liser les consciences ct, quand on volt parmi ceux propriés de l’Évangile par frère Césaire de Spire, nous qui les sollicitèrent un saint Antoine de Padoue, on • »t parvenue et on la cite souvent sous le titre inexact de Première règle, ou mieux sous celui de Règle de 1221, peut croire que cc n’était pas le relâchement qui les date de sa composition. Toutefois 11 lui manquait, faisait implorer. Sans aucun doute, c’était s’éloigner pour obtenir force de loi. l'approbation de l'autorité ] de l’idéal de François, mnls c’était un moindre mal que de compromettre l’existence de l'ordre, en Impoecclésiastique, ct II semblerait qu’elle devenait néccsr», ar tous les frèns ne comprenaient plus l'idéal I sont A hi multitude des religieux des obligations que de kur père. Π est plus que probable que François » beaucoup étalent Impuissants A porter, ct qui, il HI3 FRÊRF.S MINEURS 814 Jean-Pierre OlivI était leur chef en Provence; lu» faut bien le reconnaître, étalent difficiles à observer. mort (1298), scs disciples ne disarmèrent pas pour Les esprits pondérés le sentaient et bientôt ils Ju­ cela. La bienveillance de Célestin V avait favorisé gèrent nécessaire de demander nu Saint-Siège de nou­ les zélateurs dans la Marche, i) les avait même consti­ velles explications, ayant force de loi, sans pour cela tués en congrégation Indépendante; ce furent les solliciter de dispenses. C'est ce qui ressort à l'évi­ pauvres ermites célcstins. Un des plus célèbres d'entre dence de la consultation sur la règle, rédigée en 1212 eux fut Ange Clareno qui est aussi un des princi­ par les docteurs de l’université de Paris, Alexandre paux historiens de ccttc époque troublée, bien que ses de Halés, Jean de La Rochelle, Robert de Bastia ct Chroniques des tribulations écrites après l’avorteRichard, connue sous le nom à* Exposition des quatre ternent de tous leurs projets de réforme, puissent être maîtres. suspectées de partialité, au moins pour avoir passé La division des esprits augmentait avec les années sous silence ce qui était défavorable à son parti. Mais ct bientôt il sc forma deux partis dans l’ordre : de tous, le plus fameux fut Ubcrtin de Casale, qui ceux qui voulaient observer la règle ad litteram,cl ceux devait être le défeascur du parti à l’époque du concile qui jugeaient quelques adoucissements nécessaires. de Vienne. Les querelles, en cITct, entre les deux camps Saint Bonaventure, qui fut général de 1257 ù 1274, apétaient devenues telles que Clément V chargea une darl» nait à cc second parti; il lit tous scs efforts pour commission de cardinaux ct de théologiens, choisis concilier les esprits, sans y réussir cependant; après en dehors de l’ordre, d’examiner les griefs des uns et lui la discorde ne fit que s’accroître. Les zélateurs de des autres. Les débats furent longs ct passionnés ia règle observée à la lettre prirent le nom de spiri­ tuels ct ne ménagèrent pas les attaques ni I-s invec­ (1309-1312) ct la décrétale Exivi de paradiso (6 mai 1312) fut une solution si incomplète que des deux cô­ tives contre la communauté. Bientôt ils ne respec­ tés on chanta victoire. Dans celte constitution, Clé­ teront pas davantage la majesté pontificale et ils ment V ne condamnait pas les spirituels, comme le iront jusqu’à denier au pape l'autorité nécessaire pour demandait la communauté; il loue plutôt le zèle des dispenser de la règle, dictée par Jésus-Christ à son religieux timorés ct se borne à exhorter les supérb urs serviteur, ct dont les préceptes étaient aussi intan­ à punir les transgresseurs de la règle. I-a partie ori­ gibles que ceux de l’Évangile. Il faut l’avouer, parmi ginale de ccttc décrétale est celle qui établit b dis­ 1rs membres de la communauté un trop grana nombre tinction entre les préceptes de la règle, en se basant méritaient leurs reproches, car non contents des miti­ sur la tradition de l'ordre, qui avait toujours regardé gations obtenues ils en prétendaient de nouvelles, ou certaines prcscriDtions comme obligeant sub gravi. bien ils élargissaient sans retenue les concessions déjà Après diverses alternatives, les querelles des deux faites au point de vue de la pauvreté. L'ordre cepen­ partis furent de nouveau portées devant Jean XXII, dant n’était point dé< hu, comme fis le proclamaient dont la constitution Quorumdam exigit (7 octobre ct là où les constitutions de .Narbonne, promulguées 1317) marque la délaite finale des spirituels. Sous les par saint Bonaventure (1260). étaient observées, il peines les plus graves il les obligeait à rentrer dans pouvait sc glorifier de demeurer fidèle ù l'esprit de son l’obéissance aux supérieurs, car un ordre est détruit fondateur. Dans le but d'empêcher les Interprétations arbi­ si les sujets refusent d’obéir; ct à rencontre de leurs théories sur la pauvreté, qu’ils plaçaient au-dessus traires, le chapitre général de 1279 jugea opportun de de tout, le pape établissait cette gradation entre les luire’ codifier, pour ainsi dire, toutes les déclarations trois vœux : magna quidem paupertas, sed major antérieures des souverains pontifes. Pour cela, le géné­ integritas, bonum est o bed lent ta maximum si custodia­ ral se rendit en cour romaine et, après une sérieuse tur Hlæsa. Tous ne sc soumirent pas et plusieurs fini­ élude de la règle et des bulles αν scs prédécesseurs, rent hors de l'ordre, voire dans le schisme ct l'hérésie. Nicolas III publia la décrétale Exiit qui seminat, du Ccs Apres discussions ne semblent pas avoir eu 14 août 1279, où il donne une explication précise ct beaucoup de retentissement en dehors des provinces autorisée de certains points de la règle, en particulier que nous avons nommées; il ne faudrait pas en conclure sur la pauvreté ct la désappropriation. 11 > déclare que tout l’ordre fût déchu ac sa lervcur primitive. A en particulier que le Saint-Siège reçoit la propriété côté de ces spirituels turbulents ct révoltés, il s’en de tout cc qui est donné aux religieux, meubles ct im­ trouvait d'autres qui vivaient dans l'obéissance. meubles, quand les bienfaiteurs n’ont stipulé aucune Eux aussi auraient désiré plus de fidélité à l’idéal du réserve à cct endroit; les religieux n’ont que l’usage fondateur, une observance plus exacte ue la regie en des choses ct cct usage doit être réglé par la nécessité matière de pauvreté; mais, tout en partageant les as­ et conforma à la pauvreté; puis il examine les divers pirations ocs autres, ils ne les suivaient p.is dans leurs contrats permis aux frères. Cette déclaration abrogeait débordements. Panni eux on peut ranger le B. Conrad toutes les autres qui l’avaient précédée, cil·* en res­ treignait quelques-unes ct ne concédait aucune dis­ d'Ophvdc (f 130© pense nouvelle. La décrétale Exiil a toujours été dans Cette tempête était à peine calmée qu’une autre la suite regardée dans l'ordre comme une des oases allait se lever, quand, à la suite des discussions sur fondamentales de la législation séraphique. la pauvreté du Christ et des apôtres, Michel de Césène, Peu d’années plus tard (18 janvier 1283),Martin IV général, Bonagmzia de Bergamo, voir t. u, col. 957, instituait les syndics apostoliques; ils n'étaient plus et d’autres passèrent au parti de Louis de Bavière, qui avait même trouvé un antipape parmi les mineurs seulement les représentants des bienfaiteurs, comme (1322-1328). L’immense majorité de l’ordre était le nuntius de Grégoire IX, mais les délégués du Saintcependant demeurée fidèle nu pape ct elle entendait Siège, pour recevoir les aumônes pécuiluircs, faire demeurer fidèle à sa règle, comme elk le prouva en les contrats, soutenir les procès nécessaires à la <16 s’opposant au nouveau général. Gérnld Odon, qui fense des intérêts des religieux. II faut bien l’avouer, voulait demander la dispense de la défense de recevoir l'ordre s’éloignait de plus en plus de l'idéal de suint de l’argent. La période était critique : par la bulle François, cc qui n'était pas pour faire taire les récla­ Ad conditorem (8 décembre 1322). Jean XXII avait mations des spirituels. Ils devenaient au contraire plus remuants ct plus audacieux? en particulier dans la déclaré que le Saint-Siège renonçait à la propriété des biens meubles et Immeubles donnés aux frères mi­ Provence, la Marche d’Ancône, l’Ombrie ct la Toscane. Nous passons rapidement sur ccttc période agitée de neurs et il avait défendu de nommer des syndics pour l'histoire franciscaine, qui fera l’objet d'un article sé­ les administrer sans une autorisation spéciale. C'était mettre l'ordre franciscain dans la même condition que paré. Voir Spuutucls ct Fraticellbs, col. 773 sq. 815 FRÈRES MINEURS 81G les autres ordres mendiants. Le pontife revint sur sa et parmi eux les religieux savants ne faisaient pas décision quant à h propriété, mais il maintint sa dé­ défaut, recoururent au concile de Constance, près du­ fense pour la nomination des syndics (ils ne furent ré­ quel ils curent gain dc cause; on leur accorda (23 sep­ tablis que par Martin V, l*r novembre 1428). Les uns tembre 1415) dc pouvoir élire en chaque province avaient accepté facilement cette décision ponti ileale, un vicaire, qui devait être confirmé par le provin­ les autres avaient cherché à ne point sc mêler de l'ad­ cial, et ccs vicaires provinciaux devaient à leur tour ministration des biens temporels pour demeurer fidèles nommer un vicaire général. Son élection était sou­ mise à l'approbation du ministre général, dont les à l'esprit dc leur règle. Les premiers jetaient les fonde­ ments dc la conventualitê9 les seconds préparaient les pouvoirs étaient fort restreint* vis-ù-vis des religieux voles à l'établissement dc Vobservance, qui devait réformés. C’était le premier pas dans La vole déjà di­ vision dc l’ordre. germer ct croître en divers lieux ct sous diverses Peu à peu la réforme se fit aussi dans les provinces formes avant d'arriver Λ avoir une constitution défi­ d'Autriche, de Hongrie, de Pologne ct d'Allemagne; nitive. mais, sauf en Italie, les observants ne sc retiraient 2e Du commencement de l'observance à la division pas dans les ermitages; ils continuaient Λ sc livrer À de l'ordre. — En 1334, Jean de la Vallée obtenait du l'étude ct au ministère apostolique : leur but était général la permission dc vivre dans le couvent soli­ taire de Brogliano.près de Follgno,avcc quelques com­ d'observer en paix leur règle, suivant les déclarations pontificales Exiit et Exivi, renonçant aux biens Im­ pagnons, en y observant la règle dans toute sa rigueur meubles que ceux dc la communauté, ou conventuels, primitive. Gentil dc Spolète continua son œuvre, mais acceptaient dc plus en plus facilement. Ils auraient comme il n'était pas assez réservé dans le choix de scs désiré voir l'ordre tout entier embrasser la réforme, et disciples, recevant des apostats et des hérétiques, la s'ils avalent demandé leur autonomie, c'était en at­ petite congrégation fut dissoute â la demande du tendant, car ils espéraient toujours que la commu­ chapitre dc 1354. Les bons religieux retournèrent nauté suivrait leur exemple. Hélas! les chapitres géné­ sous l’obéissance de leurs supérieurs, qui leur per­ raux sc succédaient sans rien décider, si bien que ceux mirent dc continuer leur genre dc vie austère. Parmi qui avaient vu avec regret la scission établie en France eux sc trouvait un frère lal, Paul Trinci dc Foligno, en furent réduits à la désirer pour eux aussi. En 1434, lequel, grâce à la protection de son parent Hugolin le mode de gouvernement des observants français fut Trinci, obtenait en 1368 du général la permission de étendu à ceux d'Espagne; en 1438, Eugène IV nom­ retourner â l'ermitage de Brogllano. Des compagnons mait lui-même saint Bernardin de Sienne vicaire géné­ vinrent sc joindre â lui ct bientôt Ils se multiplièrent et occupèrent plusieurs couvents solitaires ct remon­ rai des observants d'Italie. Celui-ci obtenait en 1441 que saint Jean dc Capistran lui fût donné comme coad­ tant aux premiers temps de l'ordre, que leur cédaient juteur, et il appartenait Λ ccs deux saints de donner les provinciaux, à la juridiction desquels ils étalent aux observants de cette région une organisation stable. toujours soumis. Ceux-ci ne tardèrent pas à déléguer Eugène IV, qui souhaitait la réforme dc l’ordre en­ leur autorité au frère Paul pour gouverner ccs cou­ tier, sans trouver une vole pour y arriver, aurait vents. Quand il mourut (1390), il était commissaire du désiré que le chapitre général dc Padouc, tenu en 1443, général pour les ermitages ainsi établis dans l'Ombrie portât ses suffrages sur le B. Albert dc Sarteano, com­ ct la Marche; il pouvait meme envoyer scs religieux pagnon des précédents; mais saint Bernardin s’y ù Home et par toute l’Italie, ainsi que dans la Bosnie. opposa, jugeant cette élection plus nuisible qu’utile O mouvement se propagea; en 1414, les couvents ainsi réformés étaient au nombre dc trente-quatre et l’an­ Λ la cause de l’observance. Le pape en fut quelque peu froissé, néanmoins il ordonna au générai, sur les indi­ née suivante on leur adjoignit celui dc la Portioncule, cations de saint Jean de Capistran, d’accorder aux tant aimée de saint François. Saint Bernardin de observants deux vicaires généraux, l'un pour les pro­ Sienne, entré dans l’ordre en 1402, saint Jean de CapUtran en 1411, saint Jacques dc la Marche en 1416 vinces cismontaincs, soit l'Italie, l'Autriche, la Hon­ devaient sc joindre Λ eux, pour devenir les colonnes grie, la Pologne ct l'Oricnt, le second pour les autres de l'observance italienne. provinces, dites ultramontaines. En 1446, le même En Espagne, il est plus difficile de suivre l'établis­ pontife prescrivait que ces vicaires généraux seraient sement de l’observance; mais dans les années qui élus par les observants réunis en chapitre; le général précédèrent ct suivirent le commencement du xv· siè­ avait le simple droit de confirmer l’élu et do faire la cle, un vaste mouvement s'était fait sentir simulta­ visite dc> provinces, qui elles aussi élisaient leur vi­ nément dans les diverses provinces, ct â côté des caire, confirmé par le ministre provincial. C’est à cette fervents religieux qui initièrent cette réforme, on époque, pour affirmer son autorité bien relative sur les trouve de bonne heure des saints, comme Pierre Béréformes, que le ministre général prit le titre sonore de gabt (t 1456) et Dldace d’Alcala (f 1463). minister totius ordinis minorum. Le berceau de la réforme en France est le couvent Diverses tentatives dc réunion ct même dc sup­ de Mirabeau, près dc Poitiers, dans la province monas­ pression totale dc l’observance remplirent la fin du tique de Touraine, concédé en 1388 aux religieux xv· siècle, mais sans résultat. Les observants avalent avides d’une vie plus austère. De lù, elle se propagea d'ailleurs trouvé de puissants protecteurs chez les soudans les autres provinces du nord de la France, malgré I veniins, qui, comparant leur vie édifiante â celle une opposition assez vive des provinciaux, qui con­ des conventuels, les préféraient à ces derniers; ils étalent aussi plus s>mpathlqucs aux populations par traignit ccs religieux à recourir au pape. Benoit XIII ordonna au général de leur faire donner des vicaires pro­ suite dc leur pratique plus stricte de la pauvreté, qui les faisait renoncer parfois aux biens possédés par les vinciaux pour les gouverner. Son ordre ne fut pas exé­ couvents lorsqu'ils sc réformaient, en faveur des hô­ cuté; alors il nomma lui-même un vicaire générai pour pitaux ou autres établissements dc bienfaisance. Ces le* réformés des trois provinces dc Touraine, France influences terrestres, jointes à la protection que ne et Bourgogne (13 mai 1408). Les contradictions ne pouvait leur refuser le taint fondateur, devait amener cessèrent pas pour cela; Alexandre V d'abord favo­ le triomphe ftnal de l’observance. Avant d’arriver rable se montra ensuite contraire ; Jean XX111 les pro­ tégea à ton tour; mais comme ces observants (Jratres I à ce résultat, il nous faut Jeter un rapide coup d'œil sur les différente* congrégations réformées qui exis­ reyulam observantes, le participe ne tarda pas Λ de ve­ taient alors. nir un substantif) ne pouvaient obtenir leur liberté En Italie, à côté dc la grande famille organisée par entravée par ks provinciaux, deux cents d’entre eux, I 817 FRÈRES MINEURS saint Bernardin, on rencontre dans iOinbric bio, Milan. 1744; trad espagnole, Antoine Moncada de Madrid, 3 vol., Madrid. 1644-1647; trad, française. Antoine Caiuze de Paris. 2 vol., Pans, 1675-1677; continuation en italien par Pèlerin de Forli (f 1885), 4 in-4·. Milan, 1882-1885. Charles d Arcmberg de Bruxelles (f 1669), Flores seraphlci, 2 vol., Cologne 1640; Milan. 1648; Hiérolhée de Coblentz. Epitome historica, in qua ab anno 1205-J 525 rts francisransr generatim, dein vero solte min. capucinorum Ctprésentantur, ln-4·. Heidelberg, 1718. 6· Missions. — Marcellin de Chczza if 1906), Storla uni­ male dette missioni francescane.il in-8·. I. ι-v, Rome, 18571861; t. vi-vn a b, Prato. 1881-1890; c, cf. Florence. 1894; t* vin-χι. 1 vol , Ibid , 1895; Ruch Cocchia de Cesinale, archevêque de Chirt iff 1900). Storia de lie mission! del enppucint. 3 ln-8·, Versailles, 1867; Rome. 1872-1873; Jérôme G ilubovich, Bibliotheca blo-blbliograflca della Terra Santa e deirOriente franceseana, Qunracclii. 1908. t. i. 7· Bullatrri — Pierre de Alva y Astorga. Indiculus bul­ lari! seraphic I. ln-4·. Hem»· 1655; Hyacinthe Sbamglin, Bullarlum franciscanum, Rome. 1759-1780 t ι-v; Flnminlo Annibali de Latera Supplementum. Rome. 1730; Connut Eubel. t. v-vii, Rome, 1898-1904; Epitome et supplementum, Quaracchi, 1908; François de Madrid. BuUurluin fr mtn. discalceatorum. 5 vol.. Madrid. 1744-1749; Michel dr Zug. Bullarlum ord. min capucinorum, Rome, 1740-1752, t. ivu; Pierre Damien de Munster, Inspnick. 1883-1884. t. vm, x; BuUarium Terras Sancler. ln-4·. Rome. 1727. 8· Biographies — Arthur du Moustler. Martijrntoglum franciscanum. Paris 1638. 1653; Fortuné Hueber. Afc/io/ogiam franchcanurn. Munich 1698; Benoit Mazzara, I eggendario francescano, 3 in-4·, Venise. 1676-1679; 3· édit., par PîerrrwAntoine de Venise, 12 in-4·, 1721-1722; Gabriel de Modigliani. Ixggmdario cappuccino, janvier-mars, Venise, 1767-1768; Faenza, 1783; Bonaventure d* Imola, avril-juln, Fsrnza, 1788-1780; Sigtsmond de Venise, Bioqraflca seraflex degli uomtnf illustri, in-8·, Venise, 18-16; Paul Guérin. I^e nalmler séraphique, 12 ln-8·, Bar-lr-Duc, 1871 sq·· Léon de Qary. l'auréole séraphique, vies des saints et bienheureux des trois ordres de S Françn/s, 4 In-12. Paris, 1883-1834; traduit en Italien. Quumcchi. 1898-1900. 9· Généralités. — Charles MQIler, Die Anfdnge des Mino· rltcrordens. in-8·, Fribourg, 1885; Gaétan Moroni. Dizlo· narlo dl eruditione storico-eccleslastlca, Venise. 1810-1861. t. ix, Cappuccint·, t. xxvi, Franeisrano ordine; Kirchenlerikon, t. iv, Franclscaner, par Ignace .Idler; l. vu. Kapusiner, par Angélique Ebcrl d’Iigrnntlng; The catholic ency­ clopedia, New York. t. ni, Capuchin friars minor, par Cuthbert de B rigth un; t. vi, Friars minor (Order of), par Michel BihL IV. Auteurs ecclésiastiques. —i. introduction. Saint François et les études scientifiques. — On a beau­ coup disserté sur les intentions de saint François par rapport aux études scienti figues, il parait bien évi­ dent que. dans l’idéal du saint,le frère mineur, humble et pauvre, ne devait point sc préoccuper d’acquérir une science étendue, encore moins de conquérir des grades académiques. Ce n’est pas qu’il condamnât l’étude, mais il la craignait comme un danger, ct il aimait mieux voir scs fils vertueux que savants. SI d’un côté il respectait ct voulait qu’on vénérât les théologiens, de l’autre il désirait que les savants, en entrant dans son ordre, sc dépouillassent de leur science, comme d’une richesse temporelle, pour se Jeter nus entre les bras du crucifié. D’après la règle, ceux qui ne savent pas les lettres ne doivent pas se soucier de les apprendre, c’est-à-dire ceux qui ’ont pas étudié avant leur entrée dans l’ordre ne doivent pas chercher à le faire; car il estimait que cha­ cun devait rester dans sa vocation première. On a bien dit qu’ayant fondé un ordre destiné à la prédi­ cation, il voulait par conséquent l’étude. Le frère mineur, encore d’après sa règle, doit prêcher en peu de paroles ct simplement les vices ct les vertus, la peine ct la gloire, ce qui ne requiert pas des études scientifiques très approfondies; aussi il ne permettait que peu de livres dans les couvents et il les voulait à l’usage commun des frères. Tout cela semble bien indiquer l’intention primitive du saint. Elle ne venait pas, répétons-lc, d’une opposition systématique à l’ac­ quisition de la science accompagnée d’humilité et do charité, qui édifie, mais de la crainte de voir ses fils s’adonner à la poursuite de la science vainc, qui enor­ gueillit ct détruit. Qu’il ait dans la suite sacrifié une partie de cct idéal à une nécessité évidente, que le car­ dinal Hugolin ait influé sur lui pour obtenir ce sacri­ fice : cc ne serait pas pour nous émouvoir. François avait voulu avoir un cardinal protecteur, comme gouverneur ct correcteur de sa famille, pour assurer la soumission de son ordre à l’Églisc romaine; il écrivit son Testament afin que ses frères obser­ vassent plus catholiquement leur régie. L’Église, en la personne de celui qui représentait pour lui son chef visible, lui faisait voir que l’étude était nécessaire pour que scs fils la puissent servir plus catholique­ ment, il ne savait hésiter. Quand il charge saint An­ toine de Padouc d’enseigner la théologie à scs frères, il ne le fait pas par contrainte. « Il me plait, lui écrit-il, que tu enseignes la théologie; » mais sa préoccupation se manifeste dans la suite de sa lettre. Il ne veut pas que cette étude soit au détriment de l’esprit intérieur, comme la règle le commande pour toute sorte de travail. Du vivant de saint François, ct avec son consente­ ment, on avait donc commencé à étudier ct à ensei­ gner la théologie dnns l’ordre des mineurs. Bologne, Paris ct Oxford furent les premiers centres d’étude. Saint Antoine, voir 1.1. col. 1445, enseignait dnns cette première ville; à Paris c’étaient des docteurs de l’université qui venaient donner leurs leçons aux frères, avant «le se donner eux-mêmes à l’ordre comme Al­ mon de Faversham ct Alexandre de Halés; a Oxford 829 FRÈRES MINEURS Ils suivaient 1m cours publics, jusqu'à cc que Robert GrosseUte se fût oflcrt à venir leur servir de maître. Bientôt les religieux purent sc suffire Λ eux-mêmes, les Studia, ou couvents d’études, se multiplièrent, et les universités ne furent plus fréquentées que par les sujets d’élite. H. aü Hit9 SIECLE. — 1° Scolastique. — Dés le milieu du xîii· siècle, nous trouvons ά Paris, parmi les frères mineurs,des personnages célèbres. Nous ve­ nons de nommer Almon de Favcrsham, Spéculum honestatis, qui fut le cinquième général de l’ordre (1240-1244); Alexandre de Halés, le doctor irrefragabilis (f 1245), qui, comme le disait son épitaphe, /rater collega minorum factus egenorum, fuit doctor primus eorum. Voir t. i, eol. 773. Son dkciplc Jean de la Rochelle, mort la même année que le maître, dont la Summa de anima fut éditée seulement en 1882. Puis c’est le B. Jean de Panne, prédécesseur de saint Bonaventure à la tête de l’ordre (1247-1257); on lui a reproché des tendances joachimitcs, mais il fut un fi­ dèle observateur de sa règle ct un propagateur zélé du retour des orientaux à l’union de l’Église, il mourut en 1289. Enfin saint Bonaventure, dont l’éloge serait superflu (f 1274). Voir t. n, coL 962. Dans la seconde moitié du même siècle, les commen­ tateurs du Maître des Sentences se multiplient, citons brièvement Hugues de Digne (vers 1255), ardent joachimite ct prédicateur de renom; l’archevêque de Rouen bien connu, Eudes Rigault (f 1275); le Lorrain André de Ncufchâtcau; le Toscan Caro Pantancto d’Arczzo, inquisiteur dans sa province; ΓOmbrien Re­ ginald; les Anglais Thomas de Bungey et Robert Crowche (f 1300), qui commenta aussi Aristote. Un nom plus connu est celui de Robert de Bastia (f 1280), l’un des quatre Maîtres qui donnèrent la Declaratio Be gui œ de 1242. Les Anglais ont le privi­ lège du nombre : cc sont les deux Adam, le premier de Marsh, doctor illustratus, que l’on chercha vaine­ ment à retenir A Paris pour occuper a l’université la chaire demeurée vacante par la mort d’Alexandre de Halés, voir t. i, col. 387; le second était d’York cl contemporain du premier; Guillaume de Mellon, continuateur de l’œuvre d’Alexandre, et son homo­ nyme Guillaume de Ware, doctor fundatus, qui compta Scot parmi scs auditeurs, dont on a récemment édité les Questiones disputatæ de immaculata conceptione, Quaracchi, 1904; le mysthpic Jean Peckam (f 1292), dont les ouvrages sont trop nombreux pour être ici mentionnés. Richard de .Middletown, doctor clarus et solidus (f 1307), que lit malheureusement négliger la réputation naissante du doctor subtilis, car il aurait mieux mérité de l’école franciscaine. Jean Duns Scot, en effet, qui le suivit d’un an dnns la tombe (1308), allait devenir le chef incontesté de cette école, voir t. iv, col. 1865, éclipsant la gloire du doc­ teur séraphique, qui, sans être complètement oublié, ne trouvera cependant que de trop rares disciples : parmi ceux-ci les neux Anglais Guillaume de In Marc (vers 1290), qui écrivit un Reprehensorium contre la doctrine de saint Thomas, ct Richard Ruys, qui hissa des commentaires inédits (vers 1270). 2° Écriture sainte. — A côté de ccs scolastiques il faut donner une mention à ceux qui s’occupèrent plus spécialement de l’Écriture sainte, tels que Arlollo de Pralo en Toscane, général de l’ordre (f 1286), auteur des Concordantite Scripturarum, souvent im­ primées sans porter le nom de l’auteur. Maurice de Provins (vers 1248) avait écrit par ordre alphabé­ tique la Summa distinctionum de his qiur tn Scripturis sacris continentur, dont une partie fut imprimée sous le titre de Dictionnarium S. Scripture, Venise, 1603. Jean de Galles, surnommé arbor idtie, outre ses Z.ectionrs Scripturarum, laissa aussi des opuscules my | KH) tiques. Un autre Jean Marchesinl. de Reggfo en Émilie, est auteur du curieux Mammotrectus, sorte de dislionnalre des mots plus difficiles à entendre qui se rencontrent dans la Bible et le bréviaire, maintes fois Imprimé. Parmi ces auteurs qui étudièrent les Livres saints, il faut aussi ranger Jean, fils de Pierre Ollvl (f 1298), le chef des spirituels de Provence et grand propagateur de leurs idées; il eut quelque Influence sur le fameux Ubertin de Casale et ses Expositiones ou PostiUse in Apocalypsim donnèrent sujet à de nom­ breuses controverses. Il convient de placer près de lui Ponce Carbonell, précepteur de saint Louis d’An­ jou; sa fidélité aux théories de son ami le conduisit en prison, où il mourut misérablement en 1297, ainsi que le raconte Ange Clareno dans son Liber tribula­ tionum, el lui aussi mérite une mention dans cette nomenclature pour ses œuvres ascétiques originales ou traduites du grec. 3® Mystique. — En tête de tous les auteurs mys­ tiques, il faut placer le séraphique patriarche luimême, dont les Opuscula ont enfin été édités d’une manière critique, Quaracchi, 1904, ainsi que les Aurea dicta de son compagnon, le B. Égide d’Assise, tbid., 1905. Mentionnons encore David d’Augsbourg (t 1271), dont plusieurs écrits ont été souvent attri­ bués au plus célèbre de tous, à saint Bonaventure, ainsi que ceux de Conrad de Saxe (f 1279), auteur du Speculum B. M. Virginis, de Jacques de Milan, au­ quel on doit le Stimulus amoris. 4 e Protestations contre les études. — Les frères mi­ neurs étaient donc entrés dans la voie de la science; ils y avançaient rapidement ct la place qu’ils avaient conquise à l’université de Paris avait amené quelques protestations, dont Guillaume de Saint-Amour s’était fait l’écho. Elles en causèrent aussi dans l’ordre, car cc mouvement scientifique n’avait pas été sans quelque détriment pour sa vie intérieure; le titre de lector parisicnsis était fort ambitionné, el tous les bacheliers ct docteurs n’avaient pas l’humilité de frère Bonaventure, ni sa piété. Aussi frère Égide fut entendu plusieurs fols s’écrier : · Paris, Paris, pourquoi détruire l’ordre de saint François ? » Ixs spirituels protestaient également contre le relâchement des lecteurs venus de Paris. Il ne faudra donc pas s’éton­ ner de voir toutes les réformes à leur principe tomber dans l’excès contraire. Quelques-unes sc borneront à renoncer aux grades académiques, d'autres, comme celle des observants d’Italie, iront jusqu’à bannir les études les plus nécessaires au ministère sacerdotal, et il faudra toute l’autorité d’un saint Bernardin el d’un saint Jean de Capistran pour les obliger au moins à l’étude des cas de conscience. ut. AU J/ι· s ticLA. — Ie Scolastique. — La pre­ mière moitié de ce xiv· siècle fut la plus belle période de l’école franciscaine^ cl il serait impossible de citer tous les noms de ceux qui l’illustrèrent par leur savoir ct leur* écrits. Voici, croyons-nous, les principaux : Matthieu d’Acqunsparla, général de l’ordre, puis car­ dinal (f 1302). dont la dissertation De xterna Spi­ ritus Sancti processione ct les Qurestiones de fide et cognitione ont été publiées, Quaracchi, 1895, 1903; Hugues de Newcastle (f 1322), dont le De victoria Christi contra Antichristum fut publié en 1471; Pierre Aurlol, doctor facundus (f 1322), dont les commentaires sur les Sentences ont été plusieurs fols imprimés ctdont on n ée conventuel fran­ çais Bernardin Lavinctha interprétait le Grand art de Haymond Lulle, Lyon, 1517, mais le cardinal Clément Dolcra (voir t. iv, col. 1650) et Nicolas Dcnysc (voir t. ni, col. 449) ne se réclament d’aucun maître. D’autres s’occupèrent de questions spéciales : Melchior Frizzoli de Parme, conv. (f 1520), publie trois livres De anima; scs confrères Georges Bénigne Salvlatl, archevêque de Nazareth (f vers 1520), avait donné, entre autres, des Quxstiones de natura ange­ lica, Florence, 1499; et Antoine Bonito de Cuccaro, évêque d’Accrno (f 1510), surnommé le Père des pauvres, laissait un Elucidanum de conceptione intaminata Virginis gloriosa, Naples, 1507. Jérôme Malipiero de Venise, obs., auteur du Pétrarque spiri­ tuel, publia une Summa divinarum ac naturalium diffi­ cilium quæstionum, Venise, 1506; Alexis Hurtado de Salamanque, trois dialogues De Christi Domini repu­ blica, Lyon, 1556; Christophe de Saint-Antoine, obs., espagnol, éditait le Triumphus Christi Jesu contra infideles, Salamanque, 1524, pour lequel il se servait de l’ouvrage de Pierre Galatinus, soit Pierre de Calazzo, auteur du traité De arcanis catholicæ verita­ tis, Ortona, 1508, spécialement dirigé contre les juifs. 2° Polémique. — Le protestantisme, sous ses diverses formes, rencontra de nombreux adversaires chez les mi­ neurs; ils le combattirent par la parole et par la plume. Quelques-uns, en petit nombre, renièrent leur pro­ fession; maïs ccttc tache fut lavée par le sang de leurs frères martyrs. Un des premiers adversaires de la nouvelle hérésie fut Bernard Dappen, gardien du cou­ vent de Jütcrbock prés de Wlttcmbcrg, auteur des Articuli per jr. min. de observantia propositi reo. episcopo Drandenburgcnsl contra lutheranos, 1519. C’était la première fols, dlt-on, que cc nom était em­ ployé pour désigner la secte. Nommons encore Jacques Schwedcrich, professeur Λ Dresde, <|ul écrivit le Colleclariolum de religiosorum origine, 1525; à Leipzig. Au­ gustin d’Alfcd (f 1530), voir t.i, col. 2483, Gaspar Sagcr (t 1525) et François Seller; en Thuringe, Conrad Cllnge, voir t. in, col. 243, et Gaspard McckcnlOr; dans le Brunswick, François Polygranus et Henri Helms; dans le Schleswig-Holstein, Louis Naanam et Thomas Regius, appelé aussi Henri, qui publia la Dtblia alpha­ betica, Cologne, 1535; en Silésie. Michel Hillcbrant de Schweldnitz; à Mayence, Jean Wild Ferus (f 1554) et François ou Jean Kravcndon (f 1592); à Cologne, Nicolas Stagcfyr de Herborn (f 1535), dont la Confu­ tatio luthcranismi Danici a été publiée, Quaracchi, 1902; Jean de Deventer (f 1535), Jean Hcllcr(t 1536), Antoine Broickwy (f 1541); Λ Munich, Gaspard Schatzgcycr (f 1527), Jean Findling Apobolymœus, voir t. i, col. 1463, successeur du précédent dans la chaire de lecteur à Ingolstadt. Jean Nas, qui mourut en 1590, auxiliaire de Brixcn; A Nuremberg, Jean Winzlcr (f 1554); ù Bamberg, Jean Link. En Autriche, nous rencontrons Médard de Kirchen (f 1533), Georges d’Amberg (f 1534), Anselme de Vienne (t 1-35); à Cracovlc, Jérôme de I.embcrg (f 1536). A côté de ces observants II convient aussi d· nommer les conventuels Gervin Hnverlnnd à Socst, Thomas Mumcr Λ Strasbourg (f 1537), et Jean HicuzzI Velllnl de Camerino ft Vienne (f 1516). Si nous passons en /Xngictcrre, nous y trouvons le B. Jean Forcst. martyr A Londres, 1533, précédé dans In gloire pnr Thomas Bckhlam et scs compagnons de l’observance, les deux conventuels Henri SUndlsb, 838 évêque d’Asaph (f 1354), et son neveu Jean, docteur d'Oxford (f ver» 1558). Dans le midi de la France, c’est Thomas d’Osimo, dit Illyricus (f 1527), et sur le déclin du siècle nous trouvons dans le nord Chris­ tophe de Cheflontnines, voir t. n, col. 2352, Noël Talllepied, qui des observants passa chez les capu­ cins (f 1589), et l'impétueux Fcuardent, voir L v, col. 2262, qui commença une lutte sans repos contre les protestants en collaborant à la réédition du livre d'Alphonse de Castro. Voir L n, col. 1835. Ce nom nous conduit en Espagne où nous trou­ vons parmi les auteurs de cette époque André de Véga, obs., qui assista au concile de Trente, auteur d’un traité De justi fl cal tone contre Calvin, Venise, 1546; François de Cordoue que l’impératrice avait choisi pour confesseur, et c’est à Prague, 1562, qu’il publia son Tractatus de haereticis recipiendis. François Orantes, également espagnol, avait suivi en Belgique Jean d’Autriche; nous trouvons dans cette dernière région Pierre Regis, dit Conlnk (f 1573), Matthias Felsius Cats (f 1576) et AmoM d’Alost (f 1578). En Italie, mentionnons Jean de Fano, ob*., qui mourut chez les capucins, 1539, après leur avoir été contraire, puis le Siliden François Vita Polinzi, conv. (f vers 1550), qui assista au concile de Trente. 3® Morale. — 11 serait trop long de mentionner tous les frères mineurs qui prirent part aux solen­ nelles assises du concile de Trente, comme théologiens, évêques, cardinaux; citons au moins Jean-Antoine Dauphin, général des conventuels (f 1561 ), qui eut une part active dans les commissions préparatoires. Voir L iv, coL 150. Quant aux frères mineurs qui ont laissé des ouvrages de théologie morale, nous nom­ merons Antoine Sassollni de Florence, conv., qui fut général de son ordre et évêque de Minervino, et qui publia la Conscientia iitanu nuta. Florence, 1512; ΓEspagnol Martin de Castanega, obs., qui écrivait contre les superstitions, I-ogroilo, 1529; Jacques de Molfctta, cap., qui, étant observant, as ait imprimé plusieurs ouvrages, donnait en 1543 un commen­ taire moral sur les dix commandements, souvent réé­ dité; la même année, Louis d’Alcala faisait paraître un traité sur le prêt; Jean de Zumarraga, le premier I archevêque de Mexico (f 1348), laissa un livre De I sacramento matrimonii, que Ton dit avoir été imprimé; Pierre-Paul Caporella de Potent*, conv., évêque de Cotronc, éditait à Naples, 1542, une Quieslio de matri­ monio Catharinx regime non dissolvendo, écrite par son confrère Henri Standish, que nous avons nommé, et donnait un ouvrage personnel sur les œuvres des infidèles et des fidèles en état de péché. En Espagne, Jean de Duenas, obs., écrivait le Remedio de peccadores, autrement dit Con/essionario, Valladolid, 1545, ainsi que Espcjo del pccador, ibid., 1553; le célèbre Martin Navarre Aspücuctu (voir L i, col. 2119) sc faisait l’édi­ teur du Manuale confessorum et pernitentium. Tolède, 1551, publié en portugais par son auteur Antoine de Curara. Rappelons encore /Vntolnc de Cordoue (f 1578), dont quelques ouvrages seulement ont été I indiqués. Voir t. f, col. 1444. 4® Prédication — Ceux qui enseignaient par leurs écrits étaient nombreux, plus nombreux encore ceux M)2),qui avait publié des dissertations dialoguées sur les dogme», Rome, 1785, et sur l’Église, ibid., 1788; Antoine Tomaseo de Sebcnlco (f 1835), Jacques Bot tau. réf. (t 1885). Pour l’Irlande, Arthur O’Leary, cap. (f 1802). Pour la France, Archange Desgranges de Lyon (t 1822), un des survivants de la Révolution 860 qui travaillèrent à rétablir les capucins. Voir L t, col. 1758. Pour l'Allemagne, Valentin Bambach (f 1819) et Marcellin Molkenbuhr (f 1825). Pour l'Espagne, Raphaël de Velez, cap. (fl850), arche­ vêque de Compostcllc. Nous rencontrons aussi au Brésil un grand adversaire des protestants, Célestin de Pedavoli, cap. (f 1910). 5° Théologie morale. — Dans ccttc branche, fl nous est permis de citer plusieurs auteurs, dont quelques-uns jouissent d’une réputation méritée. En suivant l’ordre chronologique, cc sont : Fuigcn ce Bossacrt de Steenvoorde, cap. (f 1802), dont les Instituta theologia moralis et scholasticx, Yprcs, 1782, furent encore réédités après sa mort, voir son article; son confrère italien Claude Cia vesana de La Picve di Tcco (f 1805), qui avait achevé de publier les Dissertationes de son compa­ triote Fidèle et donna des Lectiones theologico-morala, Lucques, 1779; Herculicn Obcrrauch de Samthelm (t 1808), dont on a divers ouvrages de morale géné­ rale et particulière; Louis Adalbert Waibcl, (f 1852), dont la Moralthéologie d’après les principes de saint Alphonse est de peu de valeur, au jugement d'Hurter, qui loue par contre les Principia theologia moralis, Saint-Trond, 1854, de Pic Van dcr Vclden (f 1857). On connaît assez le Compendium theologia moralis de Gabriel de Guarcino, cap. (f 1893); scs confrères Hi­ laire de Sextcn (·}· 1899) et Timothée de Puyloubler (f 1907) laissèrent, le premier un Compendium de morale, Mcran, 1889, et un Tractatus pastoralis de sacramentis, Mayence, 1895; le second une Theologia moralis universa, Paris, 1904. En 1907, mourait aussi Irénéc Bierbaum, rééditeur de Sporer et d'Elbet Aux moralistes nous pouvons rattacher Agapit de Pales­ trina, voir t. i, col. 558, et Fulgcnce Hulflnghofl (f 1806), qui avait défendu l’antiquité de la confession privée, Munster, 1789, et donné une Practiea instru­ ctio pour l'administration des sacrements, ibid., 1799. Maur Nardi de Léonisse, cap., évêque de Thèbcs (tl911), avait publié une Dissertatio de onanismo conjugali, Toulouse, 1876, qui reparut sous le titre: De sanctitate matrimonii vindicata, Rome, 1896. Le mariage nous amène Λ nommer un autre capucin, Jésualdc De Luca de Bronte (f 1895), dont le Conse­ crator christiani matrimonii, Catane, 1856, fut plus tard condamné; il laissa aussi plusieurs autres tra­ vaux théologiques et canoniques. Abraham de SainteSuzanne, aie., publia des Istituzioni canonichc et des Nozioni e problemi di diritto canonico, Naples, 1864 et 1869. Devenu capucin sous le nom de Piat de Mons, le chanoine Loiseaux mérite une mention toute spéclaie pour scs nombreux travaux principalement sur le droit canonique, dont nous no citerons que les Prxlectiones juris regularis, Tournai, 1888, plusieurs fols rééditées. Enfin Pierre Moccheggiani de Monsano (f 1905), outre une Collectio indulgentiarum, Quaracchl, 1897, publia la Jurisprudentia ecclesia slica ad usum et commodum utriusque cleri, ibid., 1905. 6e Liturgie. — Sur la liturgie nous indiquerons les trois volumes de dissertations en allemand. Die Litur­ gie der Kirche, Augsbourg, 1810, d’Edelbert Marne; VEpitome lilurgicum de Vincent de Massa, Fcrmo, 1824, et le Manuale ecclesiasticorum, Turin, 1833, de Barthélemy de Clanzo,cap.(-j-1837),qui fut un des pre­ miers à recueillir les décrets de la S. C. des Rites. 7° Écriture sainte. — Nommons simplement Chrysostome Probst (f 1801), Joseph Romain Joly de Saint-Claude, cap. (f 1805), Amand Mauch de Wan­ gen (f 1816), Jacques Bcrtold, Constantin Fuchs et Polychrone Gassmann (f 1822), le frère Llévin de i Hanune (f 1899), auteur du Guide indicateur de Terre I Sainte. 8® Prédication et ascétisme. — Les Homélies d'AdéoI dat Turchi, cap., évêque de Parme (f 1803), curent une 861 FRERES MINEURS grande vogue. Parmi les nombreux prédicateurs, nommons Louis-Murle de Viccnce, réf. (f 1824), Fran- I çols Vilbirdi de Ronca, conv. (f 1833), dont la meil­ leure paille des œuvres oratoires n été imprimée, Padoue, 1838; Inouïs Mlcara de Frascati, cap., prédi­ cateur du pillais apostolique, vicaire général de son ordre, puis cardinal (f 1847). Plus près de nous, Épiphane de Rajano, Erménégildo de Chitlgnano (-f 1885), Basile Brlzi de Grcccio (*J* 1890), Raphael de I^atcmo (φ 1900); les capucins italiens Théodore Piccone de San Rcmo (f 1876), François de Montccolombo (f 1888), Anselme de Fontana (f 1904), Pierre Albino de Quinto (f 1911). En Tyrol, les deux frères Thuille d'Eppan, Vincent de Paul (f 1878) et Bernardin (f 1893); en Westphallc, Matthias de Brcmschcid (f 1911); en Belgique, Célestin de Werwicq (f 1896); en France, Ubald de Chanday (f 1886) et le mission­ naire bien connu Marie-Antoine de Lavaur (f 1907), dont les opuscules ascétiques forment une biblio­ thèque. Des traités de spiritualité de tout genre, parus dans cette période, le Nomenclator a retenu seu­ lement le livre de Ludovic de Bessc, cap. (f 1910) : La science de la prière, Rome, 1903, qui a été traduit en allemand; il faut y ajouter : La science du Pater, Ibid., 1904, et des Éclaircissements sur tes œuvres mys­ tiques de S. Jean de la Croix, Paris, 1893. ^Divers. — Nous n'avons rattaché à aucune classe d’auteurs Grégoire Girard de Fribourg, conv. (f 1850), dont le Cours d'éducation, Paris, 1844, fut suivi d'un Cours de philosophie en allemand. Son confrère Louis Pasquali Luzatti, juif converti (f 1850), avait publié en italien un Traité de droit naturel et social, ainsi que des Leçon? d'esthétique. Sigismond Cimarosto de Venise, réf. (f 1847), publia une véritable encyclopédie en 100 vol., sous le titre un peu long de Calechismo uniocrsale, dommatico-morate, apologetico, canonico-civile, ascclico, liturgico, pratico, storico, crudito..., Venise, 1821-1831. Mentionnons encore Apollinaire Prcuvot (f 1885), pour son étude sur les Œuvres et la vie de S. Bernardin de Sienne, Paris, 1883, et le savant Mar­ cellin deCivczza(f 1906),théologien, apologiste, prédi­ cateur et historien, dont le nom restera principalement par son grand ouvrage malheureusement inachevé sur les missions franciscaines. Conclusion. — Dans ccttc longue liste des écrivains ecclésiastiques de l’ordre des frères mineurs, nous n'a­ vons rien dit des historiens, hagiographes, biogra­ phes, des missionnaires qui ont laissé des relations géographiques ou ctlmographlques, des auteurs de grammaires et de dictionnaires pour les missionnaires dans les pays étrangers, des artistes musiciens et autres. Nous aurions pu montrer par des exemples l'activité des fils de François se manifestant dans chaque branche de omni re scibili. Bien qu’il soit in­ complet, notre travail démontre clairement que les fils du Pauvre d'Assise ont été de tout temps des ou­ vriers zélés nu service de l’Église. Il en résulte qu'en les lançant sur les voles de la science, le cardinal Hugolin, si c'est à lui qu’il faut attribuer cc mérite, ne les a point fait dévier du chemin que leur traçait le séra­ phique patriarche. L’étude n pu être pour quelques-uns une occasion de ruine, pour la plupart elle a été un moyen de s’approcher de Dieu et de lui conduira les Ames. Ajoutons un mot sur les vivants. Au commence­ ment de l'année 1913, les frères mineurs dépassent lo chiffre de 27 000; plus de 16 000 de l'union léonlenne, près de 10 000 capucins; le nombre exact.des conven­ tuels est supérieur à 1700; tous continuent I œuvre de leurs devanciers. Un nouveau champ s’est ouvert Λ leur activité, celui des publications périodiques, et le nom­ bre de celles qui sont dirigées et rédigées par eux dépasse la centaine;la plupart sont consacrées au tiers- ordre, tout en étant historiques et littéraires. Trois cependant méritent une mention spéciale : les Études franciscaines, fondées en 1899 par les capucins de la province de Paris, la Bevlsta de esludios franciscanos, que dirigent depuis 1908 ceux de la province de Barce­ lone, et V Archivum franciscanum historicum, qui com­ mença à paraître la même année sous la direction des religieux du collège de Saint-Bon a venture à Qua· racchl, avec le concours des franclscanlsants du monde entier. Donc, aujourd’hui comme hier, les frères mineurs observent le précepte que leur a donné leur fondateur dans sa règle : Fraires UH, quibus qra­ tiam dedit Dominus laborandi, laborent fideliter el devoir. Lei demior» historien» de saint François ont presque tous consacré quelques pages Λ sc* Intentions par rapport aux études scientifiques Ce sujet a été plus spécialement traité par Évangéliste de Saint-Béat, cap , S François ci la science, Tournai, Paris, 1895: Hllarin Felder de Lucerne, cap.. Histoire des études dans Γordre de S. François depuis sa fondation jusque vers la moitié du jau9 siècle, Paris 1908; trad de I’ouvinge publié en allemand, Fnb«urg. 1904; traduit aussi en italien, Sienne, 1911; U bald d’Alençon, cap,. Les idées de S. François sur la science, conférence, Paris. 1910. On trouve un premier essai de bibliographie franciscaine dans le Liber conformitatum de Barthélemy de Ptse. achevé en 1390. Dans le Liber III historiarum seraphic* religionis, Venise, 1586, Pierre H idol fl de Tossignann. conv., évêque de Sinigallia (f 1601), énumère 1rs religieux qui doctrinis dit· ruerunt. François Gonzague, général des observants. évêque de Mantoue (f 1620). mentionne brièvement les Scriptores Illustres sacri ordinis minorum, dans son ouvrage De origine seraphic* religionis. Rome, 1587.1-a première bibliographie franciscaine proprement dite est VAthen* orthodoxorum sodalitii franciscanl, Liège, 1598; Anvers. 1600. d'Henri W’iHot de Fontaine·!'Évêque (f 1599) Après lui, Wadding publia les Scriptores ordinis minorum, Rome. 1650, dont Hyacinthe Sbamglia, conv, avait préparé une réédition avec cs biblio­ Chatelain, Chartularium universitatis parisiensis, graphes de l’avenir trouveront une tâche plus facile giûce Paris, t. i (1889), p. 90; M. Fournier, L'Église et It aux trois publications ofDcicilcs : Acta ordinis fratrum mino­ rum, depuis 1882. pour ΓUnion léonicnnc, les Analecta droit romain au xill· siècle, Paris, 1890, p. 21 sq. ont min. capuccinorum, depuis 1885. ct les Notitiœ ex curia La situation était, en effet, dangereuse. Le mou­ generalilia fr. min. conoentuallum, depuis 1904. vement d’émancipation des communes, avec la classe P. Édouard d’Alençon. 8. FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES). On a exclu dc cet article ' l’histoire générale dc l’ordre, même, en grande partie, son histoire scolaire et scientifique pour sc limiter à une esquisse dc son histoire théologique. — I. Période médiévale. II. Période moderne. I. Période médiévale. — /. le problème sfi.o- ' LAIRB BT DOCTRINAL AU DÉBUT DU XII!9 SIÈCLE. — Au xm· siècle encore, comme pendant les siècles pré­ cédents, les seuls clercs, c'est-à-dire les hommes d’Église, étudient ct enseignent Le régime scolaire relève essentiellement dc l'administration ecclésias­ tique qui doit y pourvoir, soit par l’action des évêques, soit par celle dc la papauté. Malgré les progrès réalisés par le xne siècle ct la série dc maîtres ct d’écrivains célèbres que nous rencontrons alors ct dont la pré­ sence peut nous faire illusion sur la situation générale de l’enseignement, le fait dc l’instruction insufllsante du clergé et dc la rareté des maîtres constitue un très grave problème que l’Église cherche à résoudre sans y parvenir, même approximativement. Les quelques écoles monastiques ct celles dc cha­ noines réguliers qui avaient jeté un réel éclat pendant la première moitié du xn· siècle ont disparu, ou ont limité laur préoccupation aux seuls membres de l’ordre en état d’étudier. Les écoles épiscopales, qui ont eu quelque lustre au cours du xn· siècle, surtout en France, naissent ou disparaissent selon qu’elles sont en possession d’un maître ou qu’elles le perdent. 1λ· fait d’une succession ininterrompue, comme à Chartres, est très probablement exceptionnel. Par contre, les écoles de Paris, où prédomine l'enseigne­ ment des arts libéraux ct dc la théologie, ct celles de Bologne, où sont concentrées les études dc droit canonique ct civil voient affluer dans leur sein les étudiants ct surtout les maîtres dont la désertion rend de plus en plus dUIlcilc le recrutement professoral des écoles épiscopales. IL Denffle, Die Enfstchung der Uni versitaten des AÎttlelallcrs bis 1400, Berlin, 1885, p. 653 (passf/n); G. Robert, Les écoles ct renseigne­ ment de la théologie pendant la première moitié du ni· siècle, Paris, 1909, p. 9 sq.; L. Maître, Zzs écoles épiscopales el monastiques de LOccident depuis Charle­ magne jusqu'à Philippe-Auguste, Paris, 1866. Le Ill· concile général dc Latran (1179) chercha par un décret scolaire à améliorer la situation de l'enseignement. Malgré la modération dc scs espé­ rances, il ne put être appliqué. Le IV· concile dc remuante des bourgeois, accentue le mépris du clergé ct l’opposition déjà existants; le piétisme laïque se soustrait à l’action de l’Églisc et procède lui-même à sa propre pastoration; les cathares ct les albigeois exercent partout, mais surtout dans le midi de la France ct le nord dc l’Italie, une propagande Intense ct ouvrent au grand jour leurs écoles sans que personne leur résiste. Le problème doctrinal, moins urgent tout d’abord que le problème scolaire, sc trouvait finalement en­ gagé dans une impasse dangereuse. Le champ de la pensée philosophique ct théologique au commence­ ment du xiii* siècle est pareil au régime féodal contem­ porain. C'est le morcellement sans unité et sans force. Il y manque une philosophie solide ct ordonnée, sur­ tout une métaphysique. Aristote, dont les grands traités philosophiques entrent alors dans le monde latin accompagnés des œuvres d'Avicenne et d’Aver­ roès. va fournir au monde intellectuel d’alors des ri­ chesses incomparables ct les éléments dc solution pour la constitution d’une philosophie chrétienne ct la mise au point de la théologie catholique. Mais Aristote est en opposition avec le dogme chrétien sur des points essentiels, ct le danger que son contact fait courir à la doctrine dc l’Églisc est plus visible et plus Immédiat que les profits éventuels qu’il peut fournir. L’autorité cccléslastkfuc va au plus pressé. Le concile provincial dc la province de Sens, tenu à Paris, en 1210, défend d’enseigner les nouveaux traités d'Aristote dans les écoles de Paris, c'est-à-dire dans le plus grand cl presque unique centre Intellectuel de l’Europe. En 1215, le légat pontifical. Robert dc Courçon, renou­ velle, en la précisant, la prohibition du concile, en at­ tendant que Grégoire IX envisage, en 1231, la possibi­ lité d’une correction des œuvres du Stagirite, projet qui restera d’ailleurs sans issue. L’Orient, qui repous­ sait la conquête latine, venait livrer au sein même de la chrétienté des batailles Intellectuelles aussi dange­ reuses que celles du croissant contre la croix. Mandonnet, Slger de Brabant ct l'avcrrolsme latin au xill9 siècle, Louvain, 1908-1911, t. i, p. 13 sq.; La crise scolaire au début du xin· siècle cl la fondation de l'ordre des frères prêcheurs, dans la Revue d'histoire ecclés last ique, 1913. U. LA PONDATtlBC DES FBÉBBS PRÉCHEURS BT LE problème scolaire BT DOCTRINAL. — Le problème scolaire ct doctrinal n'était qu’une partie du problème général qui sc posait alors pour l’Églisc. Les nécessi­ tés d’une pastoration nouvelle des fidèles ct l’arrêt 865 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES du progrès des hérésies cathare cl vnudoisc étaient au premier plan. L'Église romaine chercha à aviser par tous les moyens aux besoins de In chrétienté. C'est ainsi qu'elle encouragea les personnalités ecclé­ siastiques zélées qu'elle rencontrait en diverses contrées; qu'elle utilisa pour ses fins les anciens ordres religieux, spécialement les cisterciens; qu'elle fonda même de toutes pièces, avec des vaudois convertis, deux nouveaux ordres religieux voués à l’apostolat : 1« humiliés dans le nord de Γ Italie (1201) ct les pauvres catholiques (1208) dans le midi de la I*rance, c’cst-à-dirc dans les deux régions les plus travaillées par l'hérésie. Ces tentatives furent d'ailleurs insuiiltantes dans leurs résultats. L. Zanoni, GU umiliuli net loro rapporti con Ccrcsia, etc., Milan, 1911; J. B. Pierron, Die katholischen Arrncn, Fnbourg-enBrisgau, 1911. C’cst avec saint Dominique que l’Églisc romaine allait réaliser intégralement son programme dc ré­ formes. Au cours d’une mission diplomatique, accom­ plie avec son évêque, Diègue d'Accbés, Dominique, sous-pricur du chapitre dc chanoines réguliers d’Osma, fut successivement mis en contact avec l’hérésie dans le Languedoc (1203) et la curie romaine (1204). Sous la présidence dc Diègue, Dominique entreprit l'évangélisation du midi dc la France (1205-1206). L’évêque ayant regagné son diocèse, Dominique resta seul avec scs compagnons ct Innocent III établit en sa faveur, ct pour la première fols au moyen âge (17 novembre 1206), le régime des prédicateurs apostoliques. Il constitua ainsi, sous sa forme primi­ tive, l’ordre des préclicurs. Potthast, Peg. pont, rom., n. 2912. Le 22 décembre 1216, Honorius 111 donnait à la nouvelle fondation sa confirmation solennelle, en ajoutant à la vie canoniale dc l'ordre la mission apostolique ct doctrinale : Nos attendentes fratres ordinis tui futuros pugiles fidei el vera mundi lumina, confirmamus ordinem tuum. Potthast, n. 5402, 5403. Dominique organise aussitôt ct développe son œuvre sur la base de la prédication ct dc l'enseignement. Dès 1216, les constitutions dc l’ordre posent l'obligation dc l'élude intensive comme fondamentale : Qualiter intenti debeant esse in studio, ut de die, de nocte, in domo, in itinere legant aliquid vcl meditentur, el quid­ quid poterunt relinere cordctenus, nitantur. P·· Const., did. 1, c. xm. Les prêcheurs devenaient ainsi le premier ordre, au moyen âge, qui eût posé l'étude â la base dc sa constitution. Le 17 août 1217, saint Dominique disperse ses premiers compagnons, qui prennent successivement possession dc toutes les grandes villes dc l’Europe, en particulier des deux grands centres universitaires Paris et Bologne, où l’ordre sc recrute abondamment parmi les maîtres ct les étudiants des écoles. La fondation conventuelle dominicaine est essentiellement une école. Il est dé­ fendu d'établir un couvent sans un docteur qui en­ seigne aux religieux cl aux clercs séculiers qui y ont libre accès. C’cst ainsi que l’Église romaine résout, par l’intermédiaire des préclicurs, le problème sco­ laire que les IIP ct IV· conciles dc Latran n'avaient pu solutionner. C'est l'épiscopat que nous entendons dans 1rs considérants que fait valoir l’évêque de Metz (22 avril 1221) pour accueillir les préclicurs dans son diocèse : Cohabitalio ipsorum, non tantum laids in pnedicationibus, sed el clericis in sacris lectionibus esset plurimum profutura, exemplo domini paptr, qui eis Homæ domum contulit, el multorum archiepiscoporum ac episcoporum. Dès la première heure, l’ordre était donc constitué comme une vaste insti­ tution scolaire. Le second maître général, Jourdain dc Saxe, avait raison de définir lu vocation des prê­ cheurs : Honeste nivere, discere ct docere; ct un de ses successeurs, Jean le Teuloniquc, de déclarer qu 11 IHCT. t» THEOL. CâTIIOL était ex ordine prsrdicalorum, quorum proprium esset docendi munus. Mandonnet, Preachers (Order of), dans The catholic encyclopedia, New York, 1911, L xn, p. 354-370; Bolme-Leia idler, Cartuluire ou histoire diplomatique de saint Dominique, Paris, 1393; J. Gui­ raud, Cartulaire de Notre-Dame de Prouille, Paris, 1907; du même, Saini Ilominique, Parti, 1899; A. Mortier, Histoire des maîtres généraux de Γordre des frères prêcheurs, Parts, 1903, L ι; H. Denlflc, Die Const itutlonen des Prcdiger-Ordens, dans Archio für Literalur· und Kirchengeschlchte, Li, p. 165; P, Man­ donnet, Les chanoines prêcheurs de Pologne d'apres Jacques de Vitrg, dans les Archives de la Société d'histoire du canton de Fribourg, L vin, p. 15. m. obgaxisât/on scolaihb or l’osimb. — Sans entrer dans l’histoire des écoles dominicaines, nous devons cependant signaler leur organisation, non seulement parce que, établies les premières et les mieux ordonnées, elles ont servi, en bien des choses, de modèle aux autres écoles ecclesiastiques du moyen âge, mats surtout parce que c’est par l’étendue et la valeur dc leur action que l’ordre a propagé ses doc­ trines et a conduit rapidement a une sorte d’hégé­ monie l’école doctrinale fondée par saint Thomas d’Aquin. Dans le système scolaire des prêcheurs l’école con­ ventuelle est â lu base de renseignement. Tout cou­ vent la comporte nécessairement, ainsi que nous l'avons dit déjà; de sorte que constater rétablissement ou l’existence d’un couvent dominicain dans une ville, c'est équivalcmmcnt y constater l’existence d’une école. L’objet en est exclusivement l'élude de l’Écriture et dc la théologie. Elle est obligatoire pour tous les religieux du couvent et ouverte aux clercs séculiers. Elle ne comporte d’ordinaire qu’un seul maître, mais avec quelques auxiliaires, k maître des étudiants ct un ou plusieurs répétiteurs. Dans les grands couvents dont l’école prend le nom de studium solcmne, le personnel enseignant est plus dés Huppé. Le maître est secondé par un ou deux bacheliers qui interprètent la Bible et les Sentences de Pierre Lombard, ct le maître ajoute à scs leçons sur ΓÉcri­ ture des disputes publiques. Celte école se rapproche, ou même s’idcntiüe à lui par son organisation maté­ rielle, du studium generale, mais elle n en a ni le titre ni les privilèges. Le studium generate, qui sc trouve dans les plus grands centres, comporte un maître et deux bacheliers. Les maîtres dc ces écoles repré­ sentent d’ordinaire l elite intellectuelle de l'ordre; ct les étudiants y sont envoyés, en nombre déterminé, dc toutes les provinces· Le studium gc erale de Paris, au couvent dc Saint-Jacques, est resté, a raison de son incorporation à l’unis crsilc (1229), h plus im­ portant ct le plus célèbre de l’ordre pendant le moyen âge. 11 posséda deux écoles, à partir de 1231. Le développement dc l’ordre et le besoin d’un nombreux personnel scolaire Urent ériger, en 1218. quatre nou­ veaux studia generalia, établis à Oxford, Cologne, Montpellier ct Bologne. Λ la tin du siècle ct au com­ mencement du suivant, la plupart des dix-huit pro­ vinces en possédèrent un dans leur territoire. Au début du xill· siècle, ni les prêtres» ni les reli­ gieux ne pouvaient étudier ct enseigner les sciences profanes, c’est-à-dire les arts libéraux. Seuls les sim­ ples clercs pouvaient prendre part à ccs éludes ct à cct enseignement Les prêcheurs, dont beaucoup n'avaient pas fréquenté les études philosophiques avant leur entrée en religion, ne pouvaient sans elles se livrer à l'étude cl à renseignement des sciences sa­ crées avec un véritable proilt. Ils rompirent les pre­ miers avec des usages qui peuvent nous paraître au­ jourd'hui extraordinaires, mais qui alors n’en fai­ saient pas moins loi. Ils organisèrent dims l’ordre les VI. - 28 867 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L'ORDRE DES) étude* philosophiques, mais en procédant prudem­ ment. Seuls les religieux de l'ordre furent admis â fréquenter ccs leçon* pendant le xni· siècle. On commença tout d'abord ù luire un choix de religieux pour ce* éludes, qui tarer t en quelque sorte un ensei­ gnement privé. Mais à partir du milieu du siècle on établit dans les provinces de véritables écoles d’arts : logique, sciences naturelles, morales cl poli­ tiques. Les prêcheurs durent à ccttc Initiative une culture philosophique prédominante parmi les hommes de leur siècle, et ils fournirent les plus Illustres philo­ sophes d’alors, Albert le Grand et Thomas d’Aquin. C’est pour cela aussi que, dès l'origine, même leurs ouvres théologlqurs portent un cachet philosophique extrêmement marqué. M:ifs cette résolution n’alla ni sans dénigrements, ni sons mauvaise humeur de la part de beaucoup d homme» (l’Église, attardés dans des Idées ct des pratiques scolaires surannées. Pour des besoins d’apostol.it ct aussi des raisons d'étude, les prêcheurs établirent dans leur ordre des écoles d orientalisme. la* chapitre généralissime de 1X36 avait donné une première ct forte impulsion en ordonnant que, dans tous les couvents ct toutes les provinces de l’ordre, on apprît les langues des peuples voisins. C’est ainsi que les provinces de Grèce, de Terre Sainte ct d'Espagne sc livrèrent particulière- ! ment aux études du grec, de l’arabe, de l'hébreu ct des langues asiatiques. Un écrivain protestant, C. Mollnier, a pu résumer dans ces quelques mots l’activité des prêcheurs dans leurs studia linguarum : « Ils ne sc contentent pas de voir professer dans leurs couvents l'ensemble déjà sufllsnmmcnt complexe de toutes les divisions de la science, telle qu’on l’entendait alors. Ils y ajoutent un ordre entier d’études, qu'aucune école chrétienne, hormis les leurs, ne semble avoir | possédé dans ce temps, et où Ils n’ont véritablement pour rivaux que les rabbins de Languedoc et d’Espa­ gne. » Guillem Bernard de Gaillac ct l'enseignement i chez les dominicains, Paris, 1884, p. 30. Mais l’action scolaire des frères prêcheurs dépasse encore les limites déjà tracées. Elle s’étend particu­ lièrement aux universités qui s'établissent succes­ sivement dans toute l'Europe, dès les débuts du xni· siècle. Les prêcheurs prennent une part prépondérante dans la vie des grandes écoles, ct A. Luchaire a pu les qualifier avec raison de « clergé universitaire ». L’uni­ versité de Paris sous Philippe-Auguste, Paris, 1899, p. 53. Les universités qui, comme Paris, Toulouse, Oxford, etc., possèdent une faculté de théologie dès forlglne, s’incorporent l'école conventuelle domini­ caine, qui est organisée selon le type des écoles des studia generalia. Quand les universités s’établissent dans une ville, et c’est le cas le plus ordinaire, après b fondation d’un couvent de frères prêcheurs qui possède toujours d’olfice une école de théologie, les lettres pontificales accordées pour l’établissement de l'université ne concèdent pas de faculté de théologie. Celle-ci est considérée comme existant déjà à raison de l’école dominicaine ct «les autres écoles de reli­ gieux mendiants qui suivirent, peu Λ peu, l’exemple des prêcheurs. Pendant un temps plus ou moins long, les écoles des prêcheurs sont simplement juxtaposées A ces universités, qui n’ont pas de faculté de théologie, et elles en sont juridiquement indépendantes. Quand ces grands établissements demandent au Saint-Siège une faculté de théologie et que la pétition est concédée, cr universités incorporent d'ordinaire l’école domi­ nicaine qui devient un membre de la faculté de théologle. Celt transformation commence nu courant du xiv· si*» k t jusqu aux premières années du XW slêch f.»t% établi cet ét d de choses subsiste lui-même |u*· u L· Réforme protestante dans les pays qui l’ont subie, el jusqu’à la Revolution française ct 868 à sa propagation ultérieure chez les nations latines. Bien plus, les archevêques qül, d’après le décret du IV· concile de Latran (1215), devaient établir dam leur église métropolitaine un maître en théologie pour l’instruction de leur clergé, sc considèrent universel­ lement comme dégagés de cette obligation, par xulle de la création dans leur ville archiépiscopale d’une école de frères prêcheurs, ouverte aux clercs séculiers. Quand les archevêques estimèrent cependant devoir exécuter le décret du concile, ou qu'ils y furent con­ traints par les souverains pontifes, ils firent fré­ quemment appel aux services d’un frère prêcheur pour desservir la chaire de leur église métropolitaine. C'est ainsi, par exemple, que l'école cathédrale de l'archevêque de Lyon fut confiée constamment aux prêcheurs, depuis les premiers temps de leur établis­ sement dans cette ville jusqu’au début du xvi· siècle. J.-M.-H. Forest, L'école cathédrale de Lyon, Paris, Lyon, 1885, p. 238, 3G8; J. Beyssac, Les prieurs dt Notre-Dame de Confort, Lyon, 1909. Le fait, pour être moins continu, est cependant très fréquent ailleurs, à Toulouse, Bordeaux, Tortosc, Valencia, Urge!, Milan, etc. Les papes» qui pouvaient sc croire moralement obligés à payer d'exemple relativement au décret scolaire du concile de Latran, sc contentèrent, d’or­ dinaire, pendant le χτπ· siècle, des écoles établies à Rome par les prêcheurs ct d'autres religieux venus après eux. Ils suivirent en cela la pratique de la plu­ part des archevêques. Les maîtres dominicains qui enseignaient ù Rome, ou dans les autres villes des États de l'Église, où sc transportaient les souverains pontifes, prenaient le nom de lecteur de la curie, lector curiae. Cependant, quand les papes s'établirent à Avignon ct commencèrent ύ exiger des archevêques l’exécution du décret de Latran, ils instituèrent euxmêmes, dans leur palais, une école de théologie. Cette initiative est duc à Clément V (1305-1314). Sur h demande du cardinal dominicain Nicolas Alberti de Prato, ccttc fonction fut confiée, dès l’origine, à perpétuité à un frêrc prêcheur, qui porta dès lors le nom de magister sacri palatii. Le premier titulaire fut Pierre Godin, qui devint plus tard (1312) cardinal. L’office de maître du sacré palais, dont les attribu­ tions furent successivement accrues, est resté jusqu’à cc jour le privilège de l’ordre des frères prêcheurs. J. Catalan!, De magistro sacri palatii, Rome, 1751 (tout à fait insuffisant pour la question des ori­ gines). Enfin, lorsque vers le milieu du xni· siècle les an­ ciens ordres monastiques commencèrent à entrer dans le mouvement scolaire du temps, les cisterciens, en particulier, firent parfois appel aux prêcheurs pour avoir des maîtres en théologie dans leurs abbaye*. Pendant les derniers siècles du moyen âge, les domini­ cains fournirent, par intervalles, des professeurs à différents ordres religieux qui n’étalent pas eux-mêmes voués aux études. Déni fie, Quellen zur Gelehrtcngeschichle des Predigerordens im 13 und 14 Jahrhundert, dans Archio fùr Literatur- und Kfrchengexehlchle, t. n, p. 165; Douais, Essai sur l'organisation des études dans l'ordre des Irércs prêcheurs, Paris. 1881; Mandonnet. De l'incorporation des dominicains dans l'ancienne université de Paris, dans la Revue thomiste, t. iv (1896), p. 139; Denlfie, Die Unioersitdtcn des Mittrlalters, Berlin, 1885; Dcnlfie-Chatclain, Chartularium universitatis parisiensis, Paris, 1889 sq.; E. Bernard, Les dominicains dans l'université de Paris, Parts, 1883; Mandonnet, Stger de Brabant, Louvain, 1911, t. I, p. 30 95; The catholic encyclopedia, t. xn, p. 360; La crise scolaire, loc. cil. La législation des prêcheurs sur les études ic trouve dispersée dans leurs constitui tiens, surtout dans les Acta capitulorum generalium, 869 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THEOLOGIE DANS L’ORDRE DES) Rome, 1808, ct Doupls, Acta capitulorum provinciahum, Toulouse, 1891. IV. L'ÀlOl.K DOUIStr.AINK AVaUSTIWRXPR. — î-a première généra’ion de maîtres dominicains qui en­ seigna dans les centres scolaires les plus Importants établis par l’ordre avait été recrutée parmi les profes­ seurs séculiers des universités, à Paris, Bologne, Oxford, etc. Quelques-uns même n’avalent pas quitté leur chaire de théologie en prenant l’habit des prê­ cheurs et avaient continué leur enseignement, comme Robert Bacon Λ Oxford ct Jeun de Saint-Gilles à Paris. Leur formation scientifique, comme leurs idée* doctrinales, étaient celles des milieux scolaires où ils s’étalent formés. Ils n'apportaient donc à l’ordre nais­ sant des prêcheurs aucune nouvelle doctrine, si cc n’est le fonds commun de la théologie du temps que l’on est convenu d’appeler l’augustinisme. Ccs maîtres pouvaient faire valoir diversement cc capital tradi­ tionnel, selon leur habileté ct leur talent personnels; cela n’allait pas toutefois ù créer une direction doc­ trinale nouvelle. Cependant un maître dominicain parisien, Étienne de Vannosia d’Auxerre, s'avança assez, semble-t-il, pour que quelques-unes de scs pro­ positions fussent censurées par la faculté de théologie de Paris, le 13 janvier 1241. Chart. unio. paris., t. i, p. 170. L’augustinisme, tel que le professaient le xn· et le xiii· siècle, était Incontestablement le produit de la pensée du grand évêque«I'Hippone, dont le génie domi­ nait, et de combien, l’âge patristique, Ce large fleuve avait traversé les siècles barbares cl féodaux et en avait arrosé le sol pauvre ct inculte. Les derniers siècles avaient oITert à scs eaux des rives plus vastes et plus riches à féconder. Les théologiens du χπ· ct du xiip siècle vivaient incontestablement de la substance d’Augustin; toutefois ils commençaient, chacun à sa manière, à élaborer, dans ses détails, la doctrine du maître; si bien que 1’augustinismc du commencement du XIIIe siècle n’est déjà plus, depuis un siècle, une simple assimilation des doctrines de saint Augustin. Un travail de détermination ct d’adaptation s'opère sous l’action du progrès intellectuel ct l'accession de nouvelles inilucnccs philosophiques. L’augustinisme du Mil· siècle n'est donc pas adéquat ù la pure pensée de saint Augustin. Il cherche ù la dépasser ct la dé­ forme. Sans guide sûr, dans son cfiort, voulant la pré­ ciser et l’adapter, il devient chaotique. Saint Augustin lui-même avait, en quelque sorte, fourni le point de départ à cet état de choses. Très ferme d’ordinnire dans ses conceptions théologiques, sa pensée philosophique est pins nuancée et plus fuyante. Elle le doit Λ l’état philosophique du inonde d’alors, où régnait sans conteste le néoplatonisme alexandrin. Malgré leur élan vers les sommets, le pla­ tonisme ct scs dérivations n'avaient pas créé de méta­ physique, c’cst-A-dirc de base stable Λ la pensée et d’unité dans le savoir humain. Ils étaient avant tout des élévations de l’âme vers Dieu et «les visions de l’imagination, plus qu'un travail de l’intelligence ct de la pensée. Le génie d’Augustin, pressentant l’insécu­ rité des théories philosophiques mises a sa portée, les avait utilisées avec beaucoup de tact ct de mesure, n’en poussant aucune Λ des conclusions extrêmes. L’absence d’une métaphysique chez les alexandrins l'avait aussi empêché d’unifier la multiplicité de ses points de vue cl les variations d’une pensée souvent en progrès avec elle-même. Le xii· siècle, jeune et inexpert, ne pouvait sc reposer sur des doctrines lumineuses, mais souvent indécises. Façonné déjà par la discipline de la logique d’Aristote, il avait besoin de simplicité et de précision. C'est ainsi qu'il se mit à élaborer la pensée d'Augustin en la conduisant A ce qui lui paraissait scs légitimes 870 conséquences : travail qu’aurait sans doute récusé l’évêque d’Hipponc. Le résultat fut l'apparition d’une multitude d’opinions secondaires, qui vont en se mul­ tipliant jusqu’en plein xni· siècle et meme beaucoup plus tard, chez les théologiens qui se tiennent plus ou moins sur le terrain de l'augustinisme philosophique. Aussi n’est-ll pas rare d'entendre les contemporain» de ce mouvement se plaindre de la multiplicité crois­ sante des opinions en chaque point de doctrine. C’est ainsi que i'augustinhme du ΧΠΐ· siècle présente sur une grande unifoimité de fond une efflorescence chaotique de détails, en attendant que le fond luimeme sc désagrège notablement sous l'action continue d’Aristote. Nous avons essayé ailleurs de définir la nature de l’augustinisme philosophique et d’énumérer les thèses essentielles qui le constituent. On trouvera, en outre, ici même, un exposé au mot Augustinisme, qui nous dispense de revenir sur cette matière. C'est à la direction augustinienne qu’appartient la première génération des maîtres dominicains. Ses représentants sont assez nombreux et leur œuvre doc­ trinale assez étendue pour qu’on doive les considérer comme constituant une école dominicaine augusti· nlennc. Malgré l’importance des écrits issus de son activité scientifique, ce groupe de maîtres éminents est peu connu. La fondation de l’école nlbertino-thomiste les a éclipsés; ct l'ordre des prêcheurs, préoccupé avant tout de promouvoir l’œuvre doctrinale de saint Thomas» n’a rien fait pour les sauver de l’oubli. Les écrits des augustiniens dominicains, dont plusieurs sont de grande envergure, n'ont pas eu d’ordinal»e les hon­ neurs de l’impression. De là la difllculté de les étudier et de leur donner la place qu ils méritent dons Thistoirc de la théologie. 11 serait curieux de savoir si les augustiniens dominicains se rapprochent entre eux sur un certain nombre de points doctrinaux de façon à former une école, non seulement par le lien commun de leur profession religieuse, mais encore par un commen­ cement d’unité doctrinale. En tout cas» un caractère commun les relie entre eux ct â l’école albertino-thomiste: c’est la place prépondérante qu’ils accordent à la philosophie au cours de leur enseignement et de leurs exposés théologiques. Les œuvres théologique* des dominicains augustiniens prennent d’ordinaire la forme de questions ou de commentaires sur le Maître des Sentences, les usages scolaires Imposant cette méthode d'enseignement ct d’exposition. Paris ct Oxford sont les centres principaux, mais non uniques, de leur activité. Roland de Crémone, le premier maître que les prôcheurs possédèrent â l’université de Paris (1229-1230), puis à Toulouse (1230-1233), nous n laissé d’impor­ tantes Quæstiones super IV libros Sententiarum (Paris, Mazarine, 433). Bernard Guidonis les appelle une somme, que son auteur a assaisonnée du sel de la philosophie, parce que, déjà dans le siècle. £1 avait été un grand philosophe (f 1259). Hugues de Saint-Cher (f 1263), qui devait devenir cardinal et jouer un rôle important dans Je* affaires ecclésiastiques, fut maître À l’université de Paris pendans plusieurs années, Λ partir de 1230. Il composa alors un commentaire sur les Sentences développé 6 sq.; Dictionnaire d'hui, terles., ! i. col 515 A ajouter â ht bibliographie citée aux endroits précédents: E Michael, Wu/m ni Albert der Grosse geborenf dans Z^lUchrift fur kalholische Théologie, t. xxxv (1911). p. 501-576; J. AEndres, Albertus Magnus und die btschôfliehe Burg Donaaslauf, dans Hlstortsrh-pnlitische Bidtier t cxlix (1912). p 829-836; P. Manrlonnct, Boger Baron et le Speculum astronom lee, dans lu Jtcoue néo-seoliulique, 1910, p 313-335; H. Stadler, Alberti Magni Uber de principiis motus promito ad fidem Colon tensis archetypi. Munich, 1909; G B ren tan ο, Albertus Magnus, Ordcnsmann, Bischof und GeUkrtcr, .Munich, 1881; F Pangerl. Slud ten uber Albert den Grossen (1193-1290). Bcltrdge sur Wûrdigung seiner Wissenschaft und wlssenschaflliche Methode, dans Zeitschrift fûr katholische Théologie, t xxxvi (1912), p. 304-346 512-549; H Lauer, Die Moralthcologie Alberts des Grossen mH besonscrer Bcrùeksichtigung Ihrer Beziehungcn zur lehre des hl. Thomas, Fribourg-cn-Brisguu. 1911; Th Schmidt, Die Meteorologic und Khmatologie des Albertus Magnus, Dùrkhcim. 1909; H Langcnberg. Aus der Zoologie des Albertus Magnus, Elberfeld, 1891; II Stadler, Vnrhcmerkungen zur neuen Ausgabe der Ticrgeschichtc des Albertus Magnus, dans Sitzungsberichle d. R Baier Akd. d W Philos, phtlol. u. hist. K lasse, 1912; S Killermann Die Vogelkunde des Albertus Magnus, Ratisbonne. 1910; J Wimmer, Deutsches Pflanzenlcben nach Albertus Magnus, Halle, 1908. Voir aussi une partie de la littérature indiquée à la section suivante. Vf, L'ŒÜVhE DOCTMXALE DB SAfBT THOMAS D'AQÜIM. — Un exposé, même sommaire, des doctrines de saint Thomas serait ici hors de sa place. Nous ne pouvons cependant renoncer à définir l'ensemble de son œuvre et à en relever les caractéristiques principales, puisque, en somme, l’histoire de la théologie dans l’ordre des frères prêcheurs est surtout constituée par le déve­ loppement, Tutilisation, la propagation ct la défense dc la doctrine dc saint Thomas d'Aquin. 1® Les écrits, — L’œuvre littéraire dc saint Thomas d’Aquin est très étendue. Elle comprend environ soixante-quinze ouvrages de dimensions très diffé­ rentes. Une littérature apocryphe très abondante sc réclame aussi, ù des titres divers, dc saint Thomas d’Aquin, ct elle a pris partiellement place dans les éditions complètes de ses œuvres. Les principales éditions des œuvres complètes sont celles de Rome, 1570, ordonnée par saint Pie V (15 in-fol); de Venise. 1594, conduite sur la précédente avec divers commen­ taires et adjonctions (18 In-fol.); d'Anvers, 1612, par les soins de Côme Morelles (19 in-fol.); de Paris, 1636 (23 in-fol); de Venise, 1715, pur Bernard de Rubeis (28 in-4·); reproduite, nu même lieu, en 1775 (28 ln-4®); de Parme, 1852 (25 in-4·); dr Paris. 18711880, par Frotté ct Muré, ct dont plusieurs volumes ont été réédités Λ des dates postérieures (34 in-4°); dc Rome, 1882. encore en cours de publication et due à Πηitlative dc Léon XIII. Nous n’énumérerons ici que les œuvres les plus im­ portantes de saint Thomas d'Aquin. Les écrits philo­ sophiques comprennent tout d'abord les commentaires sur les principaux livres d’Aristote ; l’interprétation (Pcrlcrmérdus), les Seconds analytiques, In Physique, le (Uel ct le Monde, la Génération ct la Corruption, 1rs Météores, l'Amc, In Métaphysique, la Morale à Nico­ maque ct la Politique. Parmi les traités spéciaux de philosophie : Dr l’unité reportations ou sténographies de scs auditeurs «purent particuliérement A entrer en contact avec qu il a lui-même révisées; et le religieux qui lui servait l'ancien monde grec. Un de scs confrères, Guillaume de compagnon a pu lui rendre quelques services. Mais de Mocrbcko, entreprit, sur son initiative, une revision tout cela est bien peu de chose; et c’est le maître en somme qui a porté à lui seul le poids de cc travail gi­ des traductions d'Aristote sur le grec, ainsi que la tra­ duction des livres encore incxmnus des latins, comme gantesque. 1rs Politiques et les Économiques. De nombreux Les ouvrages de Thomas d’Aquin sont de nature ouvrages de philosophes ou de savants grecs passèrent très diverse. Ils tendent toutefois  sc concentrer sur la ainsi nux latins, comme l’Elementalio (heotngica de philosophie et la théologie, c'est-à-dire sur les sciences Proclus, les commentaires de Simplicius sur les Cotéqui voient s’engager alors les problèmes capitaux pour la pensée chrétienne et pour l’Église. Le choix 1 gories, sur le Ciel et le Monde et sur l’Ame, ceux de ThémEtius sur l’Ame. la Syntaxix de Ptoléméc, pour des sujets et le mode d’exécution sont le plus souvent imposés à leur auteur par les usages et les circonstances. I ne nommer que quelques-uns de ceux qu'utilise De nombreux petits traités, et même quelques grandes I saint Thomas. Plusieurs traductions d’Aristote par Boèce, ou A lui attribuées, furent aussi retrouvées. publications, sont dus à des demandes de personna­ Enfin Thomas flt traduire du grec quelques ouvrages lités très haut placées daus ΓÉglise ou la société civile, des Pères grecs qu’il utilise en particulier dans son uu quelquefois même de simples particuliers au désir Exposition continue des Évangiles (Catena aurea). dcsqueU saint Thomas n’a pas cru pouvoir sc refuser. Sur cette base d'informations élargies et renou­ Cependant une partie principale de ses œuvres lui a été velées, Thomas déploie un sens critique pénétranL II imposée par scs obligations professorales : tels scs com­ écarte résolument toute une littérature apocryphe, mentaires sur le Maître des Sentences et sur l’Écriturc qui avait usurpé le nom d'Aristote et qui avait jeté s-dnte, les Questions disputées et quodhbétiqucs. Ses quelques-uns de ses contemporains dans un complet cornu, tu Udrcs sur Aristute et sur quelques autres Γ 877 FRÊNES PRÊCHEURS ÇLk THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DE désarroi, touchant h» doctrine authentique du Philo­ sophe. Il recon .ml mitai lu premier parmi les bd ins, l’origine du livre des Causes qu’on avait universelle­ ment attribué à Aristote. Il purifie également la litté­ rature augustinlenno de plusieurs apocryphes. Sans doute suint i’honns d'Aquin n’a pas résolu tous les problèmes d'atUibutions littéraires : notre temps, malgré ses progrès et ses innombrables ressources, achève à peine cette oeuvre. Muh il faut reconnaître que Fetiori de saint Thomas cl lc> résultats auxquels il a abouti sont uniques au moyen ùgc. D’aucuns lui ont surtout cherché noise· dans cc donmhic, à propos de son Traité contre les erreurs des grecs. Mais outre que l’on a beaucoup exagéré la paît de l’apocryphe dans cet opuscule, il ne faut pas oublier que celte lâche n éle imposée par Lrbiiln IV, et que Thomas n’assume d’aulie mission que celle d*inter­ prète catholique ms textes qui lui ont etc soumis, ainsi qu’en font foi la picfacv et Li conclusion «lu truité. la? travail de discernement bibliographique une fois opéré, Thomas d'Aquin procède à l’interpré­ tation des textes avec beaucoup de sagacité et d'exac­ titude. 11 détermine le sens par une critique interne comparée, soit qu ’il se réfère à la marche et à 1 esprit du traité qu’il commente ou utilise, soit qu’il compare les idées d’un même auteur dans ses divers écrits. Quand il opère sur des traductions, comme c’est le cas pour Aristote et quelques autres ouvrages, il compare les diverses traductions et fait appel, à maintes repri­ ses, au témoignage même de l’original grec, aidé en cela, croyons-nous, non par une connaissance per­ sonnelle notable du grec, mais par la collaboration de son traducteur, Guillaume de Moerbeke. Dans la détermination de la pensée des grands au­ teurs, en particulier de saint Augustin et d’Aristote, Thomas d’Aquin adopte une méthode qui nous décon­ certe quelque peu aujourd’hui et induit meme en erreur les lecteurs insuffisamment avertis de ses œuvres. Thomas d’Aquin poursuit d’ordbinire un but philosophique et théologique, mais non un but his­ torique. Il clierche à établir la vérité dans les doux domaines qui sont spécifiquement les siens. En pré­ sence des grandes autorités profanes et sacrées, il les ramène, par voie d'interprétation, à sa propre pensée. C'est cc qu’il appelle lui-même les exposer respec­ tueusement ; exponere rei^renler. 11 ne fait, en cela, que sc conformer à un usage universel de son temps. On eût trouvé audacieux alors de qualifier d’erronées les idées des Pères de l’Église, ou invrne de les éclater simplement. On les exposait, déterminait, ou concor­ dait selon les expressions usitées ù celte époque. Saint Thomas a gardé ù l’égard d'Aristote une attitude analogue à celle qu'il a prise A l’endroit de saint Au­ gustin. Il l’a tiré ù lui. Cela était d’autant plus facile que le Stagirite avait été extrêmement réservé sur certains points de sa philosophie et laissait place, sans trop d'invraisemblance, ù plusieurs interprétations. Thomas a été guidé dans ccttc manière de faire par un usage qu’il eût paru téméraire de transgresser. Mais 11 y était aussi naturellement porté par cc que C. Plat a justement appelé sa ■ charité intellectuelle », et dont il fait volontiers bénéficier, selon son expres­ sion. ccs prsclara ingénia qui ne connurent pas la lumière chrétienne, et aux angoisses desquels il est porté à compatir. Toutefois, il ne faut pas manquer d’ajouter que Thomas utilisa volontiers cet état de choses pour ne pas mettre en une trop grande évi­ dence la révolution doctrinale qu'il opérait dans le domaine de la philosophie et de ta thiologie. révolution dont s'cfîravirent bon nombre de ses contemporains, encore qu’ils n’en saisirent ni toute ta portée, ni toute i étc.xlu'·- l. lrstohe et lu cnluiue de notre temps ne doivent donc P - *,iuslon sur ,a pOrlie d' 1 l'altitude prise par Thomas a l'égard des grands pen­ seurs qui l’ont précédé. IL ne doivent pas croire «l’a­ bord que saint Thomas n’a pn» eu une chin v ision de leur véritable |x>itlo«i doctrinale. Saint Thomas four­ nit lui-même la preuve du contraire. Il· ne doivent parcdh nr ot pas mesurer h distance qui sépare Tho­ mas d'Aquin de ses prédécesseurs par I'interpritaUdn bienveillante «pi'ü a, j>our les raisons déjà signalée*, donnée é leur pensée et â leurs doctrines,mais par la distance réelle qui les sépare dans leur position res­ pective. C’est à cette condition seulement qu'on pos­ sédera une vue vraiment historique de l'œuvre de rénovation accomplie au xin· siècle par Thomas d'Aquin. Le sens critique de saint Thomas lui a aussi fait prendre une position caractéristique a Γ égard des ailirmations des sciences de l’antiquité et de son temps. Travaillant â réorganiser la philosophie et La théologie chrétiennes sur une base sûre et durable,il a dégagé les doctrines fondamentales de son système des donnée» problématiques qu’il rencontrait dans le domaine des sciences de la nature. C’e^l ainsi qu’il a, non seulement tenu en suspicion les théories astronomiques venues de l’antiquité, celles d’Aristote comme celles de Ptoiémée, mais il a pressenti la solution qui sinq Ufieout la complexité des mouvements apparents des astres et est allé jusqu’à déclarer que les astres devaient con­ stituer, non un système unique, mais des système^ multiples. Il a émis les mêmes réserves touchant 1 ani­ mation des deux et des aslres. et a fait observer qu’il était indiilérenl â h philosophie que les corps celestes fussent mus par des biteUigcnces, ou par la vertu immédiate de la cause première. Enfin, le meme souci de donner une base sûre à scs déductions philosophi­ ques lui fait choisir ses observations expérimentales parmi celles qui prêtaient le moins à une possibilité d'interprétation erronée, fidèle en cela a l’esprit de la philosophie d'Aristote dont il disait, en une heu­ reuse formule : proprium ejus philosophis fuit a maiu/eslis non discedere. Les exemples vulgaires, dont il sc sert couramment pour illustrer sa pensée, sont souvent empruntés aux auteurs anciens, et s’ils n’ont pas toujours aujourd’hui, en soi. la même significa­ tion scientifique, ils gardent leur valeur de comparai­ son, la seule que leur attribue Thomas d’Aquin. 3° Z-e génie personnel, — L’œuvre doctrinale de saint Thomas a été aidée, dans son éclosion, par l’état général de culture de son temps et par des circon­ stances spécialement favor.«bk>, comme le milieu in­ tellectualiste de l’ordre des pi cheurs et l’action per­ sonnelle d’Albert le Grand. Mais ce à quoi l’œuvre thomiste doit sa supériorité incomparable n’est réduc­ tible à aucune influence extérieure : l’œuvre de ThoI mas d’Aquin est le fruit de son génie personnel. En lui· un homme s’est rencontré qui |>osséduit des facul­ tés exceptionnellement completes et équilibrées, dont le développement atteignait, en outre, un degré émiI nent. Ccs dons sc sont élevés, d’un simple bon sens extrêmement ferme, jusqu'à la puissance créatrice du génie. Le génie de Thomas d’Aquin est fait d'une égale capacité d'analyse et de synthèse. Le maître, tout d'abord, est extrêmement net sur le procédé propre à chaque science humaine. Dans les sciences spé­ culâmes, où règne le regime exclusif de la déduction, il définit, divise et infère avec une maîtrise consom­ mée, s’arrêtant toutefois à de justes limites, évitant également les écueils opposés de l’indétermination et de la subtibté. Mois il n'est pas inférieur ù lui-même lorsqu’il passe dans le domaine de lu psycliolovn et fait usage de la méthode d’introspection. llob>eivc cl analyse avec une maitrlse étonnante toute la vie de l'âme : la conscience, comme les facultés et les opéra- 879 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L'ORDRE DES lions internes, qu'il s’agisse des passions et des senti­ ments, ou de l'intelligence et de la volonté. Sur le ter­ rain des sciences morales cl politiques, il dissèque les faits moraux et sociaux avec la pleine conscience qu’il est sur un terrain mixte, où les principes généraux commandent de haut la matière, mais où les faits et l’expérience deviennent des éléments d’une signifi­ cation souveraine. C’est meme dans les sciences psy­ chologiques et morales que l’écart entre Thomas d’A­ quin el scs contemporains est le plus frappant : il les laisse, après lui, à d’énormes distances. Enfin dans le domaine de l’observation des phénomènes de la nature et des faits quotidiens, il témoigne d’un sens du réel qui surprend chez un homme d’ordinaire concentré dans les hautes spéculations de la pensée. L’esprit de synthèse chez saint Thomas n’est peutêtre pas supérieur à son esprit d’analyse, mais, étant un don beaucoup plus rare, il nous étonne davantage. Le maître est venu en un temps où le sol de la philo­ sophie et de la théologie était jonché de tous les débris de la science antique, arabe et médiévale. Des essais partiels de synthétisation, ou mieux de syncrétisme, étaient déjà tentés, mais rien n’était réalisé qui eût une valeur durable. En tout cas, aucune entreprise d’en­ semble n'avait paru, hors celle d’Albert le Grand, dont nous avons signalé les qualités et les faiblesses. Ce fut sur un chantier immense, encombré de matériaux de toutes sortes, que Thomas d’Aquin dut élever son œuvre. Il lui fallait créer l’ordre là où d’autres, par leurs essais, n’avaient fait qu’accroître l’anarchie. Malgré sa rare précocité de génie, Thomas eut quel­ ques hésitations au début de son entreprise, c’est-àdire quand, avant l’âge de trente ans, il commenta le Maître des Sentences. Mais, dès ce moment, il a déjà la claire vision de son œuvre. Là où il n’est pas encore résolu, il s’abstient de prendre position définitive, si bien qu’il aura, au fur et à mesure qu’il avance dans sa carrière, plus à compléter et à préciser qu’à détruire pour refaire. Néanmoins, le travail réformateur entre­ pris par Thomas d*z\quln était trop vaste et trop com­ pliqué pour qu’il n’eût pas quelques hésitations et quelques incertitudes, pendant les premières années, pressé qu’il était de toutes parts par le poids de la tra­ dition et des idées courantes de son siècle. Telle qu’elle a été réalisée, l’œuvre doctrinale de Thomas d’Aquin révèle un génie d’organisation de pre­ mier ordre. Ayant pris connaissance de tous les pro­ blèmes soulevés par la philosophie humaine et la théo­ logie chrétienne; ayant pesé la valeur respective des diverses solutions et des points de vue systématiques déjà essayés, Il a vu finalement,dans les coups d’ilhinünntion plus ou moins prolongés propres aux génies créateurs, l’ordre final qu'impliquait l’unification de tout le connu et de tout le savoir. Cette vue ultime a été préparée, sans doute, par des tentatives multi­ ples d'adaptation des parties nu tout, par des épreu­ ves et des contre-épreuves qui préparaient la synthèse dernière; mais cc travail, dans son ensemble, parait avoir été rapide et précoce. A l'âge où les hommes, rares d'ailleurs, qui doivent posséder une personna­ lité intellectuelle, commencent à peine à penser, Thomas d’Aquin était maître de sa doctrine. La puissance d’intuition et d’ordonnance dont est doué le génie de Thomas d’Aquin résulte d’un sens mé­ taphysique supérieur. Très peu d’esprits s’élèvent et planent sans clïort dans les réglons de la spéculation cl de la pensée pures. C'est des hauteurs de la science de l’être que Thomas a dominé le monde de la pensée et des faits, et c’est encore là qu’il faut sc placer si on veut l’entendre dans cc qu’il est vraiment. I-a méta­ physique est le principe unificateur de toutes les sciences oemme de l’ordre réel; et c’est parce que Tho­ mas d’Aquin a dépassé la masse des penseurs de son 880 temps, comme métaphysicien, qu’il lui a été réservé de produire une œuvre unique. A la puissance d’intuition de Thomas d’Aquin 11 faut ajouter sa puissance d'nttcntlon. il n possédé comme peu d'hommes la faculté de concentrer toutes ses forces sur l’objet qui sollicitait sa pensée, qu'il sc soit agi de ce qu’avaient pensé les autres nu de ce qu’il pensait lui-même. Cette faculté de s'immobiliser dans la vue ou la recherche de la vérité, jusqu'à l’obsorption complète et ordinaire de toute activité men­ tale, crée chez ceux qui en disposent le moyen de dépasser Infiniment la puissance de vision, non seule­ ment des esprits superficiels, mais encore des esprits pénétrants qui ne possèdent que par intermittence la faculté de convergence des forces Intégrales de leur Intelligence. Cct état d'attention Intense sc traduisait chez Thomas d’Aquin par une rupture de contact fré­ quente avec le monde extérieur, que tous scs contem­ porains ont observée et signalée comme donnant lieu de la part du grand penseur à d’étranges méprises et de curieuses distractions. Cet ensemble de facultés éminentes n conféré à Thomas d’Aquin le don propre ou génie, la puissance créatrice. Les esprits qui ne voient chez Thomas d’Aquin que sa méthode courante d’utiliser scs pré­ décesseurs et de s’entourer d’autorités, conformément à un usage que la tradition avait consacré, ont pu prendre le grand penseur pour un simple compilateur. Mais rien n’est plus éloigné de la vérité que ccttc smc superficielle. Cc qui est le trait propre et éclatant du génie du docteur angélique, c’est incontestablement sa puissance créatrice supérieure. C’est là, dirai-je, h grande ligne de démarcation qui Isole Thomas d’Aquin du reste des plus illustres penseurs chrétiens. Il est vrai que le maître a travaillé lui-même à dissimuler sa propre excellence en s’abritant volontiers derrière l’autorité profane ou sacrée de scs prédécesseurs et en paraissant plutôt suivre les autres que les conduire. Mais cc procédé.que Thomas d’Aquin doit à une très grande modestie personnelle et à la préoccupation de heurter le moins possible scs contemporains par la vue de la révolution qu’il opérait en philosophie et en théologie, ne saurait nous faire illusion. L’étude interne, comme l’étude comparée de son œuvre, pro­ clame, avec une évidence qui éclate aux regards des esprits les moins prévenus, que c’est lui, et lui seul, qui a créé l’ordre et l'unité de la philosophie et de la théologie chrétiennes. 4° L'ouvre philosophique. — Au point de vue de l’information philosophique, Thomas d'Aquin doit immensément à ses prédécesseurs, surtout aux grands penseurs de toutes les écoles. Il n’existe pas d'index des auteurs cités dans l’ensemble des œuvres de saint Thomas; mais on peut prendre celui qui a été dressé pour la Somme théologique et qui donne une Idée approximative de l’usage qu’il a fait des autorités classiques (édit. Vivès, t. vi, p. 713). Aristote, chez les Grecs, l’emporte sur tous les autres, et la pensée de saint Thomas ne perd presque jamais contact avec celle du Stagirite. Par lui il a connu la philosophie an­ térieure, surtout celle de Platon, dont il n utilisé plu­ sieurs dialogues (Timéc, Phédon, Ménon). Le néoplato­ nisme est parvenu à saint Thomas par de nombreuses dérivations; mais plus particulièrement par le livre des Causeset sa source principale,VElemenlatio theo· logica de Proeliis, par le pseudo-Denys l’Aréopaglte. Les philosophes latins qu’il Invoque le plus fréquem­ ment sont Cicéron, Sénèque et Manlius Boècc; chez les Arabes, Avicenne et Averroès; chez les Juifs, Maimonide. U va de sol que le contenu philosophique de la littérature chrétienne, incomparablement moins Important d’ailleurs, lui est exactement connu. Les idées et les systèmes philosophiques antérieurs, 881 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) tels qu’ils sc présentaient à saint Thomas, étalent enta­ chés de graves erreurs. Thomas d’Aquin les a recti­ fiées. Il a relevé chez Aristote et scs commentateurs, surtout chez Averroès, les théorie*, de 1 éternité du monde, de la négation de la providence, de 1 unité de l'intelligence, etc.; chez les néoplatoniciens et Avi­ cenne, la théorie de l’émanation du monde; chez Mai­ monide, celle de l’équlvocité des attributs de Dieu et des perfections des créatures; dans l’augustinisme, les raisons séminales, l'existence de b matière dans les esprits, 1a pluralité des formes, l’illumination Intel·Icctiidle, le primat de la volonté, etc. L’œuvre philosophique positive de saint Thomas a abouti à b première et seule grande systématisation scientifique capable de s’intégrer à l’enseignement chrétien. il a, le premier, proclamé fermement l’auto­ nomie du savoir rationnel, engagé qu'il avait été avant lui, en fait et en principe, dans les spéculations théo­ logiques, spécialement en théodicée, en psychologie et en morale. Joignant l’exemple a b théorie, il a exécuté scs travaux philosophiques sans se réclamer jamais d’une autre autorité que celle de l’expérience et de la raison pour établir scs conclusions scientifiques et les défendre. Il a nettement formulé une théorie du progrès scientifique, défini et classifié les sciences, éta­ bli l'esprit propre à chacune, et exécuté le programme des sciences philosophiques particulières : Logique, Métaphysique et Théodicée, Cosmologie, Physique générale. Psychologie, Morale et Politique. Ses prm cipaux ouvrages de philosophie sc présentent sous forme de commentaires aux grands ouvrages d’Aris­ tote; mais toute son oeuvre théologique et scriptu­ raire est fortement empreinte de philosophie; et l’on rencontre à chaque pas les formules les plus riches et les plus lumineuses sur tous les problèmes de b pensée. Établie sur la base de b connaissance sensible et de l'expérience pour l’état présent de l’homme, b philosophie de saint Thomas passe, dans le domaine de l'absolu, au plus haut et au plus pur intellectua­ lisme. Par b sécurité de son point de départ, le monde sensible, elle sc garantit contre les illusions des divers idéalismes, et par sa transcendance intellectualiste, elle rend caduques les matérialismes anciens et nou­ veaux, les grossiers et les plus subtils. L’effort philo­ sophique de Thomas d’Aquin avait résolu le problème de l'assimilation d’Aristote et doté l’Églisc d’une philo­ sophie chrétienne puissamment assise. 5° L'enivre thèologiquc. — Elle dépasse en grandeur son œuvre philosophique parce que, non seulement elle augmente la force et b lumière de cette der­ nière, mais surtout parce que, en sc transportant sur le terrain de b révélation cliréticnne, plus haut et plus vaste, Thomas d’Aquin y a déployé les mômes qua­ lités maîtresses. L'information théologique de saint Thomas ne le cède en rien A son information philosophique. Elle s’étend aux sources du dogme comme aux œuvres essentielles de la pensée chrétienne. Thomas d'Aquin a une connaissance profonde de l’Écriture, des décrets conciliaires, des actes doctrinaux de l’Églisc romaine, du droit canon, des Pères et des écrivains ecclêsbsques. Parmi ccs derniers, ceux dont il invoque le plus fréquemment l’autorité sont Augustin, Jérôme, Ambroise, Léon le Grand, Grégoire le Grand, Basile, Chrysostome, Dcnys l'Aréopagite, Jean Damascene, Boècc, Isidore de Séville, Bède. Anselme. Hugues de Saint-Victor, Bernard et Pierre Lombard. Opéra, édit. Vivès, t. vi, p. 721. De môme que Thomas d’Aquin a proclamé I auto­ nomie de l'ordre rationnel, ainsi a-t-il proclamé i’autonomic de l’ordre révélé, en maintenant I imposaibilité d’un conflit réel entre deux ordres qui on même source de vérité, Dieu. 11 exist· une barrière v* 832 infranchissable entre la nature et la grâce, la raison et lu foi. Le dogme repose sur la seule autorité de Dieu révélant et de l’Église dépositaire de son autorité. De sa nature, la vérité dogmatique est hors de la por­ tée do la raison, Impuissante qu’est cette dernière à en donner une démonstration intrinsèque. Par là Tho­ mas d’Aquin arrête le fidéisme qui ne pensait pouvoir sauver le dogme qu’en niant la valeur de la raison, et le rationalisme inconscient du xn· siècle, qui, tentant de donner une démonstration de l’objet de h foi. le réduisait Λ un concept purement rationnel. î-a raison humaine peut toutefois éclairer extérieurement b vérité de foi par des analogies et des motifs de con­ venance. Les grandes vérités philosophiques sur Dieu et sur l’ûmc sont des praombula fidei qui, de soi. n’ap­ partiennent pas à l’ordre révélé, mais le deviennent accidentellement pour ceux qui n’en possèdent pas h certitude rationnelle. En prenant pour principes 1rs vérités révélées, la raison peut en déduire des vérités secondaires, ou conclusions théologiques. et constituer ainsi une véritable science. Cette science, toutefois, est subaltcrnée, parce que nous ne possédons pas, en ce monde, l’évidence de ses principes. Seuls les bien­ heureux, dans la vision béatifique, voient dans leur pleine clarté des vérités de la foi; et ainsi la science théologique sc trouve dans un état de subordination dans b connaissance présente de scs principes, mais non dans b certitude et la valeur de se* conclusions. Thomas d’Aquin a donné à h théologie chrétienne, dans sa Somme théologique, un modèle d’exposition au point de vue de l’ordre, de la ebrté et de b pro­ fondeur qui n'avait pas encore eu son analogue et n’a plus été égalé. 6° La valeur doctrinale permanente, — Aux yeux de tout le monde. Thomas d’Aquin est le plus grand penseur du moyen âge; et aux yeux de l’Église catho­ lique, le plus grand philosophe et théologien chrétien. Cc fait est de notoriété universelle et on en trou­ vera diverses preuves dans b suite de cet article. Saint Thomas est devenu dans l’Églisc catholique une autorité théologique hors ligne. Mais il ne faut pas ou­ blier que son autorité n’est que la conséquence de sa valeur scientifique. Thomas d’Aquin est une auto­ rité d’ordre exceptionnel, puisqu’il a été un penseur de génie et a créé une œuvre doctrinale A nulle autre pareille. Ce n’est donc pas sur le nom de saint Thomas que s’appuient et l'Église et l’école thomiste, comme des esprits superficiels affectent quelquefois de le dire, mais sur 1a valeur sans pareille de savoir et de raison que cc nom représente. C’est pourquoi aussi cette va­ leur demeure permanente. Il est d’ailleurs aisé de voir les causes de cc fait. Les qualités pédagogiques de saint Thomas en font le seul auteur du moyen âge directement utilisable dans ses propres écrits. 1) n'est pas de manuel qui puisse être comparé ù b Somme théologique. Les au­ teurs du moyen Age sont trop diffus, désordonné , incomplets, d’une langue difficile, ou d’une doctrine peu cohérente. Thomas d’Aquin a évité tous ccs I écueils, et son œuvre doctrinale, si on b compare a celle des auteurs de cette époque, est d’une lumino­ sité et d’une richesse qui b classent â part parmi cell·s | des autres philosophes et théologiens. Les qualités scientifiques de l'œuvre de saint Tho­ mas justifient aussi sa prééminence. Elle est basée sur des données éternelles, pourrait-on dire, la? docteur angélique a eu soin d’écarter l'artificiel, l’accidentel et le douteux de ses Idées systématiques et de siconclusions; tandis qu'il a toujours pris, comme point de départ de scs constructions doctrinales, les données empiriques ou rationnelles de première ev dtn.ee cl dont b portée n’est pas susceptible de \ »rien.En outre, l'étendue et 1 élasticité de scs couccp 883 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) tions générales ct In modération qu’il apporte dans les solutions de détail laissent les portes ouvertes â tous les progrès intellectuels. Les données scienti liques périmées qu’on rencontre dans les écrits de saint Tliom is. assez rares d’ailleurs, ne font aucunement corps avec scs idées systématiques. l^cs qualités d'orthodoxie de l’œuvre doctrinale de saint Thomas la distinguent aussi «le celle des autres grands théologiens. Sa sainteté de vie unie â h grandeur de son génie lui ont conféré comme un don d'inerrance qui lui est propre. G’est pourquoi l'Église catholique, qui doit pourvoir, avec sécurité, A l’éducation de scs clercs ct Λ l’enseignement public des fidèles, a fait de Thomas d'Aquin son docteur offi­ ciel L'Église ne peut, en effet, livrer son cnscigncmen t au c.ipri» c et aux convictions singulières de ceux qui en sont les agents, non plus qu’aux modes du moment, au risque de courir à l'anarchie ct de compromettre le*» plus hauts ct les plus graves intérêts. C’est pour­ quoi i’Églfoe romaine a, de nos temps plus que jamais, exprimé énergiquement et a maintes reprises sa volonté que l’enseignement ecclésiastique fût donné en conformité des doctrines de saint Thomas d’Aquin. Elle estime que c'est le moyen le plus efficace d’infuser une haute force à la pensée catholique et de la sous­ traire aux fluctuât ions incessantes ct stériles de la phi­ losophie rationaliste ct antichrétienne de notre temps. La question de la pérennité de la doctrine thomiste implique celle des conditions de sa propagation ct de son assimilation pour une époque donnée ct spécia­ lement pour la nôtre. I41 propagation est l’œuvre de la bonne volonté des écrivains catholiques ct plus spé­ cialement des écrivains ecclésiastiques. Elle est aussi l’œuvre de leur docilité ά l’égard de l’autorité ponti­ ficale. Quant au travail supérieur d'assimilation to­ tale de la pensée de saint Thomas, il implique une étude approfondie ct sans préjugés. 11 faut com­ prendre la doctrine du maître et la savoir. Il faut sur­ tout l’entendre en fonction de sa synthèse générale et spécialement de sa métaphysique, qui commande toute l’économie de l’œuvre. L’éclectisme n’est pas de mise â l’égard des doctrines thomistes, leur valeur cl leur force résidant essentiellement dans la puis­ sance de leur unité. On ne brise pas une œuvre d’art pour en recueillir les fragments, à moins de posséder aussi une mentalité d'enfant ou de barbare. Il faut aussi dans le domaine de la philosophie coordonner les éléments souvent dispersés de nombreuses ques­ tions, car saint Thomas n’a pas constitué un corps de doctiine philosophique en une œuvre analogue â celle de la Somme théologique. Ce travail demande de la recherche et un vrai sens critique. Enfin saint Thomas doit être traduit en une langue claire ct précise, en s’écartant le moins possible de sa terminologie et de la forme de sa pensée. Rien n’est plus fallacieux que de l’interpréter avec la terminologie des philoMtphies modernes, où les mots et les formules n’ont ni le mtmc sens ni h même valeur. Dt S Thoma Aquinate, dans Aeta sanctorum, t. 1 murtll, p 635-747; QuéUt-Echard. Scriptores ordinis pnedicatorum, t 1. p 271-351 ; B de Rubeis. De gestis, H scriptis, a< doctrina sancti Thorruc Aquinatis dissertationes crilicr r( updogeUcir, Venise, 1750; P Mnndonnct. Des écrits aathenli ;ae» d* S Thomas d'Aquin, Fribourg 1910; A. Tou· rvin 1st v(c de S Thomas d'Aquin, Paris, 1737; K. Werner, Dtr M. oon Aquin, Itatlibonne, 1889; J V De Grout. Bel van den h. Thomas van Aquino, Utrecht, VJ07; Eiuxnkcr et HertUng. éludes citées A la bibliographie S. Thomas Paris, 1908; A Serf illangrs. Saint Thomas d'Aquin. 2 in-8a Paris. 1910; H Dehove. Essai critique sur le réalisme thomiste comparé d Γidéalisme kantien. Lille, 1W7, H est Impossible d’indiquer ici, même sommairement, b bibliographie relative Λ la personne de saint Thomas, à scs écrits cf A scs doctrines On en trouvera un précieux euai dans (’ Chevalier, Hépertoire des sources historiques du moyen âge, Bio-bibliographie, Paris, 1907, cul 1471-1193. Vil. EdÊGÈBONIS DOCTRINALE DK SAINT THOIIAS. — Bien que l’œuvre doctrinale de saint Thomas heurtât de front Λ peu près toutes les idées de ses contempo­ rains, clic posa son emprise sur la musse des esprits avec une rapidité qui étonne; ct rien ne témoigne plus manifestement de la valeur des écrits ct des doctrines du docteur angélique. L'action de l’ordre des prê­ cheurs et de l'Église romaine fut particulièrement efficace, nous le verrons, pour assurer la rapidité de l’hégémonie doctrinale de saint Thomas. Mais il existe de ce fait des témoignages divers qu’il faut relever, car il serait vain de porter, à de longs siècles de dis­ tance, des jugements de valeur sur des phénomènes généraux, surtout quand ils appartiennent ô l’ordre intellectuel, si on n’en établissait les fondements historiques. Bien n’est plus significatif d’abord que les témoi­ gnages contemporains, fournis même par des adver­ saires. J'écarte a priori les jugements des écrivains dominicains. Dès le pontificat d’Urbain IV (12611264), Henri de Wurzbourg, qui se trouve à la curie romaine en même temps que Thomas d’Aquin, écrit de lui, dans son De statu curite romance, qu’il est à même de recréer la philosophie, si elle venait à périr, ct mieux encore que les anciens. Est illic aliquis qui, si combusta laceret, Inventor fleret, philosophia, nove; Erigeret meliore modo novus editor illam, Vinceret ct veteres artis honore viros. H. Grauert, Magister Heinrich der Poet, p. 100 et pas· sim. De retour à Paris (1269-1272), Thomas y trouve ses plus ardents adversaires. Mais pour Nicolas de Lisieux, le tenant de Guillaume de Saint-Amour, il est · le grand maître », tout comme pour Slger de Brabant, le chef de l'averroïsme parisien, il est avec Albert le Grand, le grand philosophe du siècle : præcipui viri in philosophia Albrrlus el Thomas, Siger de Brabant, t. 1, p. 47, 95. Après la mort de Thomas d’Aquin, le recteur el les maîtres ès arts de l’université de Paris écrivent, dès le 2 mai 1274, au chapitre général de l’ordre des prêcheurs pour lui demander le corps et les derniers écrits de frère Tho­ mas et font du maître défunt un éloge enthousiaste dont U suffit de tirer ccs lignes : Quis posset eslimare divinam providentiam permisisse, stellam matutinam preeminentein in mundo, jubar in lucem seculi, immo, ut verius dicamus, luminare majus, quod prccrai diei, suos radios retraxisse '> Plane non irrationabiliter judicamus solem suum revocasse fulgorem et passum fuisse tenebrosam ac inoppinatam cclipsim, dum toti Ectlesie tanti splendoris radius est subtractus. Et licet non igno­ remus conditorem nature ipsum loti mundo ad tempus speciali privilegio concessisse, nihilominus sl antiquo­ rum philosophorum auctoritatibus vellemus inniti, eum videbatur simpliciter posuisse natura ad elucidandum ipsius occulta. Denlfle-Chatelaln, Chartularium uni­ versitatis parisiensis, t. 1, p. 504. Le célèbre Gilles de Rome, général des ermites de Saint-Augustin, mort archevêque de Bourges (1316), disait ù son con- 885 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) .$86 sur l'étude de In théologie de saint Thomas d’Aquin de frère Jacques de Viterbe, plus tard archevêque ne éditée par Franco, et adressée à son frère Prochorus tuples (f 130«) : Frater J arabe. si fratres prrrdicutores qui n aussi traduit en grec le De icternitate mundi, voluissent, ipsi fuissent scientes et intelligentes, et nos Cydonius a également donné une version de la Somme idiot*, et non communicassenl nobis scripta fratris contre les gentils, achevée en 1355. Au xv· siècle» Thom*. Revue des sciences philosophiques et (Moto· Michel Sophlanus a traduit les commentaires du glquts, t. iv (1910), p. 487, note 2. Godcfrold de Fon­ De anima, et le De ente et essentia. Ce dernier traité taines, un des maîtres séculiers les pltis célèbres de fut commenté par Georges Scholarius qui prit le nom l’université de Paris à la fin du xm· siècle et adver­ de Gennadius, quand 11 devint patriarche du Con­ saire en plus d’un point de saint Thomas, écrivait stantinople. Certains manuscrits grecs de la Somme dans ses Questions quodlibétiques : « Malgré le res­ théologique portent ù la fin cette exclamation qui pect que je dois ù certains docteurs, la doctrine de témoigne que Thomas trouvait chez les grecs d’arfrère Thomas, celle des saints et de ceux qu’on allègue dcntl admirateurs : O ut inam Thoma, non tn Occidente, comme autorités mise ù part, l’emporte sur les autres sed tn Oriente natus fuisses! Scriplores ord. prard., doctrines par son utilité et sa valeur. C’est à l'auteur t. it p. 435; N. Franco, I codici vaticani della versione d’une semblable doctrine que l’on peut spécialement greca delle open di san Tommaso d Aquino, Borne, appliquer la parole dite aux apôtres par le Seigneur : 1893. Les rabbins juifs traduisirent aussi en hébreu, Tu a le sel de la terre, et si le sel s*affadit, avec quoi dès la tin du moyen âge, divers traités el fragments taltra-l-on? Celte doctrine, en effet, sert de correctif philosophiques de saint Thomas. Ils continuèrent à celles de tous les autres docteurs; elle les rend meme pendant les siècles suivants. H n’est pus banal lipides et succulentes. Si elle venait Λ disparaître, les d’entendre un d’entre eux, Abraham Nachmlas, décla­ étudiants trouveraient ailleurs bien peu de goût. » Srrer â la fin du xv· siècle,dans la traduction des Méta­ ger de Brabant, t. i, p. 48. Dante Alighieri, dont l’in­ physiques de saint Thomas que ce docteur est spiration doctrinale est si profondément thomiste» n'hésite pas dans la Divine Comédie, après le long dis­ • le grand philosophe, le chef des théologiens, qui ne cours qu’il a mis dans la bouche de Thomas d’Aquin, à s'écarte guère du droit chemin ct ne dit dnns ses écrits déclarer que le parler de Thomas est semblable ù ni un mot de trop ni un mot de moins. » Un domini­ celui de Béatrix, pour dire que la doctrine du grand cain, Joseph Ciantcs, a traduit, plus tard, en hébreu, docteur s’identifie à lu foi cliiétienne. Paradiso, XIV, la Somme contre les gentils, imprimée à Home, en 7-8. Enfin, quand Étienne de Bourret, évêque de 1657. M. Slcinschncidcr, Die hfbrâischen Ueberset· Paris, crut devoir rapporter, le 14 février 1325, la zungen des Mlltdalters, Berlin, 1893, p. 483, 1066 (au mot Thomas d'Aquino). condamnation de son prédécesseur, Étienne Tempter, en tant qu'elle aurait pu toucher la doctrine de saint Enfin, lorsqu’on parcourt les catalogues des manu­ scrits des bibliothèques de l'Europe, il saute aux yeux Thomas, il le fit en décernant des éloges qui té­ qu’aucun théologien médiéval n’a vu une diffusion moignent de quelle autorité jouissait le grand doc­ teur : presertim cum fuerit \ beatus Thomas] et sit uni­ de scs écrits comparable à celle des œuvres de saint versalis Ecclcsie lumen prcfulgiduni, gemma radians Thomas d’Aquin : témoignage irrécusable de l’hégé­ monie doctrinale exercée par le maître domüdcuin clericorum, flos doctorum, universitatis nostre parisur la pensée chrétienne avant l’Agc de l’imprimerie. siensls speculum clarissimum ct insigne, claritate vite, viir. position ηε l'orme ves ρλ& üetrs a l'égard fume et doctrine velut stella splendida et matutina reful­ des not T Ri.vFS DK sais j ihouas. — l.’cnseignchient de gens. Chart, unio. paris., t. n, p. 281. Les témoignages qu’on vient de lire attestent l’in­ Thomas d’Aquin, de son vivant, avait atteint un grand nombre de religieux de l’ordre, ct ses dise qdes comme contestable prééminence prise, de très brnne heure, scs multiples écrits portaient sa pensée à ceux que par la doctrine de Thomas d'Aquin dans le monde n’avait pu atteindre sa parole. On peut dire qu’à sa des écoles et dans l’Églisc. Ln conséquence de cette disparition l’ensemble de l’ordre était gagné à ses position fut qu’un titre doctoral fut décerné 6 saint doctrines. Nous en avons l’écho dans lr> paroles mêmes Thomas d'Aquin. 1 e premier, en effet, parmi les théo­ logiens de son siècle, il reçut un qualificatif qui, plus j écrites, l'année d’avant sa mort, en 1273, par l’an­ que ceux d'tximius et d'tgregius que l’on Joint sou- ' cien maître général de l’ordre, Humbert de Homans, dans la célèbre consultation composée à la demande vent A son nom, témoigne de l'universalité d'action qu’il exerçait déjà. C’est relui de doctor communis, qui i de Grégoire X, sur les questions qui devaient être traitées dans le second concile de Lyon· C’est Incontes­ est en circulation dès le début du xiv· siècle, cl qui tablement en faisant allusion Λ Albert le Grand et sur­ continuera Λ kil être attribué, jusqu’à ce que celui de tout a Thomas d’Aipiin, encore vivants l’un et l’autre, docteur angélique tende, dès le xv· siècle, h supplanter le précédent dont la portée historique est autrement que Humbert fait la déelaratton suis ante : Philosophia significative. En tout cas, le litre doctoral de doctor sic conculcata est per viros quosdam catholicos excellen­ tis ingenii, qui omnia, qu* apud eum sunt, investiga­ communis reste, comme il l’était aux Veux des con­ verunt et multo clarius quam ipsi philosophi plura temporains, l’équivalent de l'afllrmntion de l’hégé­ intellexerunt, propttr divinam scientiam quam habue­ monie doctrinale exercée de bonne heure par In doc­ runt, et in hts in pluribus eas illuminaverunt, quod non trine de saint Thomas dans l'Église ct sur les esprits. solum non rebellat philosophia fidet catlolieir, sed re­ Mandonnct, Les litres doctoraux de saint Thomas dacta est quasi tuta in obsequium efux. Concilia omnia d'Aquin, dans la Revue thomiste. t. xvn (1909), p. 597. tam generalia quam particularia. Cologne, 1551, Ln puissance de diffusion des doctrines de Thomas t. n. p. 967; E. Brown, Appendix ad fasciculum rerun d’Aquin trouve encore une prouve dans le fait des tra­ experiendarum. Londres, 1G90, p. 187; Mortier, His ductions qui furent entreprises d’un certain nombre do ses œuvres, liés la fin du xm· siècle, en langue ■ lot re des ma tires généraux dc Γordre des frères pré grecque ct hébraïque. Les principaux fonds grecs des | cheurs, t. i, p. 88. IjO première forme sous laquelle intervint l’ordre grandes bibliothèques de l'Europe possèdent d'assez ( nombreux manuscrits qui contiennent des traduc- | des prêoheura» relativement aux doctrines de Thonù» d’Aquin, fut la répression des rares adversabo lions des œuvres de saint Thomas. La Somme tliéoqui se trouvaient dans l’ordre. L'In fluence exercée logkfue semble avoir été traduite deux fois. Une prechez les prêcheurs par la première génération de leu > midre fois vers ln Πη du xm» sh'clc pni lo frère prOmaîtres augustlniens ne pouvait cesser en un joui ; chetir Bcrnnrd de Ceillae et mi xiv» sii'rle pur Diinéct une collectivité vouée spécialement à l’élude. trfus Cydonln», dont on possède une lettre en grec 887 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) 888 comme celle des prêcheurs, ne pouvait manquer de dans la Revue néo-scolastique, t. xvm (1911), p. 516. renfermer quelques dissidents, comme il s’en ren­ C’est sans doute sous les mêmes influences qu’un di> contra toujours d’ailleurs au cours de son histoire. dple dc Thierry dc Friberg, Berthold de Mosburch, La condamnation, faite à Oxford le 18 murs 1277» écrivit un commentaire dc Γ Elementa! io theologica de de la théorie dc l’unité des formes, par l’archevêque Proclus. M. Grabmann, dans Philosophisches Jahrdominicain dc Cantorbéry, Robert dc Kilwardby, buch, t. xxm (1910), p. 53-54; Cl. Baumkcr, ber un augustlnicn dc grande marque, provoqua la Antetl der Elsass an den geistigen Deivebungen da Mittelalters, Strasbourg, 1912. première intervention de l’autorité officielle de l’ordre. La province d'Angleterre, dont Kilwardby avait été La province dc France donna, dans la personne de longtemps le plus illustre maître et le provincial, Durand de Saint-Pourçain, un des adversaires les pim était par la force des choses plus augustinienne de acharnés dc saint Thomas. Son commentaire sur la doctrine que les autres provinces dc l’ordre; ct Sentences, souvent réédité, est un véritable mani­ quelques maîtres avaient dû, sinon seconder l'arche­ feste et 1'autcur a été considéré comme un des fonda­ vêque, du moins souscrire à sa condamnation. Le teurs du nominalisme. Voir t. iv, coL 1964; Script, ord. chapitre général dc Milan, en 1278, délégua en toute pried., t. i, p. 586; C. Urbain, De concursu divino ictohâte, en Angleterre, deux religieux de la province dc lastici quid senserint, Paris, 1894. Ce qui peut paraître Provence, Raymond dc Mévouillon ct Jean Vigou­ plus étonnant, c’est que l'Italie elle-même produisit reux, avec pouvoir de châtier ceux qui auraient mal quelques adversaires des doctrines thomistes. C'est ainsi que le chapitre provincial d'Arezzo, en 1315, pu­ parlé des écrits du vénérable père frère Thomas nit Ubertus Guidi, bachelier dc Sainte-Marie-Nouvelle, d’Aquin, jusqu’à les priver dc leurs charges ct même à Florence, pour avoir attaqué les doctrines de frère les exiler dc leur province, s'ils étaient reconnus cou­ Thomas d’Aquin dans scs disputes et scs leçons. Chart, pables. L'affaire était sans doute moins grave qu’on unio, paris., t. ir, p. 174. Le chapitre général du Puy, ne l’avait cru, car le chapitre dc l’année suivante n’y en 1344, intervient contre Thomas de Naples, qui a revient pas ct quelques années plus tard nous trou­ dirigé son enseignement contre saint Thomas. On n'est verons les dominicains anglais parmi les défenseurs pas peu surpris d’une semblable attitude chez un reli­ les plus résolus des doctrines de saint Thomas. Acta gieux qui, non seulement était le compatriote de Tho­ cap. gcn., L i, p. 199; Siger dc lirabant, L i, p. 233; mas d’Aquin, mais encore occupait la chaire meme C. Douais, Essai sur l'organisation des études, p. 91. que le grand docteur avait illustrée par scs dernières Jusqu’au milieu du xiv· siècle, les chapitres ont années d’enseignement. Acta cap. gener., t. n, p. 303; l'occasion de renouveler, une fois ou l’autre, leurs menaces contre ceux qui s'attaqueraient aux doctrines Chart, unio, paris., t. n, p. 614. L’autorité officielle dc l’ordre des frères prêcheurs dc Thomas d'Aquin, et ccs interventions de l’autorité ne devait pas limiter son action à la répression des ad­ correspondent sans doute à quelques-unes des mani­ versaires que la doctrine dc Thomas d’Aquin pouvait festations antithomistes qui nous sont connues. Acta trouver chez quelques-uns dc ses subordonnés.. Elle fit capit. gener., t. i, p. 199, 204; t. n, p. 64, 81, 191, hautement l’éloge dc l’enseignement du plus illustredes 297, 303, 308, 313, 340, 350. docteurs dc l’ordre et ordonna énergiquement de le pro­ La correction de 1278 semble avoir suffi à mettre au mouvoir. Cc fut le chapitre général dc Paris, tenu en pas la province d’Angleterre, ainsi que nous l’avons 1286, qui débuta dans cette voie. Son initiative fut dit. Il est assez douteux qu’au xiv· siècle Robert indubitablement provoquée par la condamnation que Holcot (f 1349) ait été un dissident, bien qu’on l’ait Jean Peckham, un frère mineur, ancien adversaire de signalé comme tel. Script, ord. præd., t. i, p. 629; saint Thomas à Paris, devenu archevêque de Cantor­ Chart, unio, paris., t. n, p. 592, — 11 en fut autre­ béry, porta le 30 avril 1286. Registrant epistolarum ment de la province de Teutonic, où un augustinicn, fratris Johannis Peckham, édit. C.-T. Martin, Lon­ teinté dc néoplatonisme, a trouvé des adhérents sans dres, t. m (1885), p. 921. Dans scs admonitions, le former toutefois une école au sens strict du mot. chapitre général écrit : Districtius injungimus ct man­ L'influence d’Albert le Grand n’est peut-être pas damus ut fratres omnes et singuli, prout sciunt el pos­ étrangère à une partie dc ces tendances. Ulrich En­ sunt, efficacem dent operam ad doctrinam venerabilis gelbert de Strasbourg (f 1277), dans son impor­ magistri fratris Thomie de Aquino, recolenda· memorise, tante Somme De summo bono, restée manuscrite, promovendam, el saltem ut est opinio de/endendanv, est encore dans la direction augustinienne dc La pre­ et si qui contrarium facere attemptaverent assertive... mière tradition dominicaine avec des influences araboIpso facto ab officiis propriis et gratiis ordinis sin! néoplatonicletincs. Scrip, ord. pried., t. i, p. 356; M. Grabmann, Studicn liber Ulrich von Strassburg. suspensi. Acta cap. gen., t. i, p. 235. Le chapitre géné­ Dilder ivissenschaftlichcn Lebens und Strcbens aus ral dc Saragossc, cn 1309, porte cette ordonnance : der Schult Alberts des Grossen, dans Zeitschrift fdr Volumus ct districte injungimus lectoribus et sublectokathol. Théologie, L xxix (1905), p. 82-107. Le rlbus universis, quod legant et determinent secundum célèbre maître Jean Eckhart dc Hochheim (f 1327), le doctrinam et opera venerabilis doctoris fratris Thorns théoricien ct l'inspirateur dc la mystique allemande, de Aquino, et in eadem scolares suos informent, ct stu­ uu xiv· siècle, incline fortement vers quelques doc­ dentes in ea cum diligentia studere teneantur. Acta, t. n, trines néoplatoniciennes. Voir t. iv, col. 2054; H. Dé­ p. 38. Le chapitre général dc Metz, cn 1313, non ni île, Meister Eckeharts lateinische Schriflcn und die seulement maintient l’enseignement dc saint Thomas, Grundauschauung seiner Lehre, dans Archio fur Lit. mais qualifie sa doctrine dc façon telle que nous pouund Kirchengeschichte, t. n (1886), p. 417, 672. Thierry • vont voir le progrès accompli dans la diffusion ct l’ac­ de Freiberg (f vers 1315), dont l’activité littéraire ceptation dc la doctrine thomiste, même hors de l’or­ s‘est particullèrcmcnUétcndue auxmclenccs naturelles, dre : Cum doctrina venerabilis doctoris fratris ThomK est un augustinlsant fortement influencé par Avi­ de Aquino sam or et communior reputetur, et eam ordo cenne. Il n'hésite pas à combattre directement saint noster specialiter prosequi teneatur, etc. Acta, L n, Thomas sur des points essentiels dc sa philosophie. p. 64. Les chapitres généraux ultérieurs reviennent, à E- Krebs, Meister Dietrich (Theodoricus Teutonicus l'occasion, sur l'obligation où sont les membres de de Vriberg). Sein Leben, seine Wcrke, seine Whsenl’ordre des frères prêdieurs dc s'atUchcr à la doctrine schafl, Munster, 1906, dans Beitrâge zurGeschichte der dc saint Thomas ct dc la promouvoir. Mais ccs démar­ Philosophie des Mittelutters, t. v, p. 5-6; du même, ches sont assez rares pour voir qu’il n’est guère nécesLe traité « Dc esse et essentia » de Thierry de Friberg , taire de prendre en main les Intérêts d’une cause gagnée. 889 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) lence. 11 en était ainsi dans toute l’Europe chrétienne, □tons simplement, pour finir, la qualification que ie l^cs intérêts scolaires de l’ordre lui commandaient dc chapitre général de Castres, en 1329, fait de la doctrine subir un usage devenu universel. Ne pouvant, ni ne dc saint Thomas quand il dit que : doctrina sancti voulant transformer un état dc choses déjà ancien, l’au­ Thom» toti mundo sit utilis ct ordini honorabilis, p. 191, torité des prêcheurs tourna la difficulté. Elle demanda et l’ordonnance du chapitre dc Brive, cn 1346, qui est tout d’abord que les questions doctrinales fussent solu­ faite dc par la volonté du souverain pontife, p. 308. tionnées selon la pensée de saint Thomas. Acta, t. r, Voir aussi Acta cap. gcn., t. n, p. 196, 262, 280, 297, 367,372, 391. Il n’est pas douteux que l’ordre des prê­ 38. Le livre des Sentences, qui était une matière théo­ cheurs suivit cn masse la direction donnée par les cha­ logique sans esprit systématique, se prêtait très bien pitres généraux. Plutôt que d’en chercher des témoi­ à ce que les problèmes qu'il ouvrait fussent clos dans gnages dc détail chez les théologiens dominicains, il le sens thomiste. C'est ainsi que les prêcheurs inter­ suffit d’emprunter le jugement d’un adversaire bien prétèrent Pierre Lombard, comme on dira plus tard, in via Thomae. Sur leur exemple, d'autres lurent à leur informé. Le célèbre médecin espagnol Arnauld dc Villeneuve (f 1311), quittant le terrain dc sa science, tour les Sentences in via Alberti, in via Durandi, in via sc lança dans des spéculations pour lesquelles il n'avait Scott. Toutefois l’ordre fut étranger à l’interprétation ni la compétence, ni la tranquillité d'esprit. Après selon Albert et selon Durand, bien que ces deux maî­ avoir étudié l’hébreu chez les dominicains dc Barce­ tres lui appartinssent. Les chapitres généraux firent lone, sous le célèbre Raymond Martin, ct la .théologie un pas dc plus. Celui de 1313 ordonne que dans le pendant six mois, chez les prêcheurs dc Montpellier, il cours des Sentences on traite trois ou quatre articles se trouva cn conflit avec scs anciens maîtres, quand il oc la doctrine dc frère Thomas; et que l’on n’envoie à se jeta dans scs idées dc réforme ecclésiastique ct la l’université de Paris que des frères qui auront déjà prédiction dc la fin du monde. Un des écrits polémi­ étudié au moins pendant trois ans cette doctrine. ques d’Arnauld, dirigé contre les prêcheurs, vers 1304, Acta, t. n, p. 65. En 1314, le chapitre de Londres porte le titre significatif dc Gladius jugulans t hornaordonne que le maître des etudiants lise, de Pâques au listas (Vatic. 3824. fol. 181). C’est là qu’il leur repro­ premier août, un traité dc morale, ou le texte d’un che dc préférer l’étude de la Somme théologique dc écrit de saint Thomas, ou les deux simultanément. saint Thomas ù l'Écriture. Menendez Pelayo, Historia Acta, L n p. 72, 81. Les textes dc saint Thomas pre­ dclos heterodoxos Espuiïoles, Madrid, s. d., t. i, p. 473; naient donc place à côté du texte des Sentences, ct ds traités particuliers étaient interprétés par le maî­ H. Finke, Aus Tagen Bonijaz Vlll, Munster, 1902, tre des étudiants Les trois ou quatre articles dc saint p. cxvii, cxxiii. Cette accusation saugrenue, adressée Thomas dont les lecteurs des Sentences devaient faire à des religieux chez lesquels la Bible était le principal l’exposé à chaque leçon n’étaient autres que les articles livre dc texte dans l’enseignement dc la théologie, n’en de la Somme théologique. L’usage avait même pré­ témoigne pas moins de l’autorité acquise, de très bonne cédé, et dc beaucoup, sans aoute la législation des cha­ heure, par la doctrine dc saint Thomas chez les frères pitres généraux, car le chapitre provincial dc Pérouse prêcheurs. Érasme, dont l'horizon théologique ne renouvelle, cn 1308, une prohibition, qui peut paraître dépassait pas celui de l'humanisme, devait formuler le étrange venant dc sa part, celle dc substituer la même reproche, deux siècles plus tard, preuve que Somme dc saint Thomas au texte des Sentences. Item, l’ordre avait tenu ferme le drapeau thomiste pendant volumus ct ordinamus firmiter observari quod lectores les deux derniers siècles du moyen âge. Thomæ decreta... et baccellarii legant de Seruenliis el non de Summa dominicant pene pnrjcrunt Evangeliis. Opera omnia, Lcyde, t. ni (1703). col. 515. Thoma. Archives générales O. P., ni, 1. fol. 175. Le personnel enseignant dc l’ordre tendait donc, forte­ Une question pratique sc rattachait directement à la ment, et dc bonne heure, à substituer le texte dc la diffusion dc la doctrine dc saint Thomas dans l'ordre, Somme théologique à celui des Sentences. L’autorité nous voulons dire celle dc la multiplication dc scs dc l’ordre s’opposa à une transformation aussi brusque écrits ct dc leur adoption comme livres dc texte pour l'enseignement. d’un usage scolaire universel, ses propres intérêts étant liés au régime général de l’enseignement qui pré­ Le régime des manuscrits au moyen âge rendait très valait alors. On ne peut nier toutefois que cc fût un laborieuse ct très dispendieuse la vulgarisation des malheur que la Somme théologique ne sc substituât livres. Aussi très peu d'ouvrages philosophiques ct pas au livre des Sentences dès le xiv· siècle. Rien théologiques ont-ils eu une grande diffusion ct exercé, n’eût été plus efficace pour arrêter ou atténuer la cn conséquence, une action étendue sur la formation décadence théologique qui frappa les deux derniers des esprits. En imposant officiellement la doctrine de siècles du moyen âge. Car, ainsi que l’a écrit le P. F. Thomas d’Aquin à l’ordre, les chapitres généraux Ehrle, S. J., · la destinée dc la Somme théologique imposaient par le fait même l’obligation dc multiplier les écrits du maître. C’est pourquoi le chapitre général était celle même de la science ecclésiastique. » Stim* men ans Maria Laach, t. xvm, p. 298. Ce ne fut qu’à la dc 1309, cn accordant exceptionnellement aux frères fin du xv· siècle que l’ordre des prêcheurs établit ren­ envoyés aux études l’autorisation dc vendre leurs seignement uirect ct exclusif dc la Somme ue saint livres, cn cas dc nécessité, exceptent la Bible ct les Thomas dans les cours de théologie des grands studia, œuvres dc saint Thomas. Acta. t. n, p. 40. Le chapitre usage qui sc généralisa au siècle suivant. Cette mesure dc 1315 défend aux couvents d'aliéner les livres utiles, contribua indubitablement Λ la renaissance théolo­ cn particulier ceux dc saint Thomas, ct demande que gique du xvi· siècle, ainsi qu’on le verra plus avant. dans les maisons d’études générales, et celles où pro­ Thomas d'Aquin n’ayant pas seulement été un fesse un maître en théologie, on possède tous les écrits grand docteur, mais un homme d’une grande sain­ dc saint Thomas. Acta. t. ir, p. 83. teté dc vie. l’ordre, en présence des miracles accom­ L'œuvre doctrinale dc saint Thomas était un trésor plis par son intercession, s'employa Λ obtenir sa cano­ à nul autre pareil, et il était naturel que les prêcheurs nisation. Ce fut le chapitre dc la province du royaume en fissent l'arsenal de leur culture intellectuelle. Mais dc Naples, tenu à Gaète cn 1317, sinon l’année d'avant, l’introduction des écrits de saint Thomas, comme livres qui désigna le lecteur Robert de Naples et Guillaume dc textes scolaires, sc heurtait à dc graves difficultés. de Tocco pour faire une enquête sur les miracles de A la fin du xni· siècle, l’organisation ct les usages dc saint Thomas. Cc travail fut surtout l’œuvre dc Tocco l’enseignement étalent définitivement fixés dans les qui, depuis dc nombreuses années, s'intéressait ù écoles de théologie. La Uible était le texte principal et cette affaire. Au terme dc son enquête, il écrivit une le Maître des Sentences le texte théologique par excel­ «91 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THEOLOGIE DANS L’ORDRE DES) biographie de saint Thomas et s’en vint avec Robert de Naples, à Avignon, où se trouvait la curie romaine» muni de pétitions de Marie, reine de Naples, des prin­ cipaux membres «le la noblesse du royaume et de l’uni­ versité de Naples. Les deux délégués étaient ù Avignon au mois d’noût. Jean XXII, accédant ù leur demande, nomma le 13 septembre l’archevêque de Naples et l’évêque ne Viterbe pour l’instruction du procès de canonisation, qui commença à Naples, le 21 juillet 1319. Les actes du procès furent portés à Avignon par les notaires, suivis par Guillaume de Tocco qui avait complété sa légende. Une nouvelle enquête eut lieu à Vubbavc de Fossanova au mois de décembre 1321. Après l’examen du procès, Jean XXII mit Tho­ mas au rang des saints par scs lettres du 18 juillet 1323. Dans le palais pontifical de nombreux orateurs sc firent entendre dans la cérémonie du 14 juillet. Le pape et Robert, roi de Naples, furent parmi les nom­ breux orateurs; et les cérémonies du 18 juillet, prési­ dées par Jean XXII, entouré du collège dos cardi­ naux et des prélats du roi et de h reine de Naples et d’une nombreuse assistance, se déroulèrent pompeu­ sement sous les voûtes de Notre-Dame d’Avignon; et la ville entière célébra la fête comme au jour de Noël. Paris, Bibl. nat. lat. 3112 et 3113; Acta sanctorum, I L i marlii, p. 655 sq.; Bullar. ord. præd., Rome, t. n (1730), p. 159. Saint Thomas d’Aquin était mort le 7 mars 1274 Λ l’abbaye cistercienne de Fossnnova. Malgré son ardent désir, l’ordre des prêcheurs n’avait pu entrer en possession des restes de son Illustre docteur. Les reliques, objet de multiples convoitises, avaient subi diverses vicissitudes. Le corps sc trouvait aux mains du comte de Fond], patron de l'abbaye de Fossanova, et la tête était conservée Λ Plperno, quand le maître général des prêcheurs, Hélie Raymond, en prit pos­ session, en 1368. De par la volonté d'Urbain IV, les reliques furent transportées à Toulouse, où elles arri­ vèrent le 28 janvier 1369. Elles furent déposées au couvent des prêcheurs en grande pompe, au milieu d’un concours de peuple immense. Le chapitre général de Valence, en 1370, lit appel A l’ordre pour obtenir les ressources nécessaires pour élever au docteur angé­ lique un somptueux sépulcre. Douais, Les reliques de saint Thomas d'Aquin, Paris, 1903; Acta cap. gen., L n, p. 421. /x. POLéiiiQUBü thomistes. — L’opposition que les doctrines de Thomas d’Aquin avaient rencontrée au sein de l’ordre des prêcheurs étalent bien peu de chose auprès de celles qui devaient lui venir du dehors. L’action philosophique et théologique de Thomas d’Aquin avait jeté le désarroi parmi ses contempo­ rains. Le phare qui s’était dressé sur le monde chré­ tien fut pour plusieurs une pierre d’achoppement et un signe de contradiction. Des maîtres dont la for­ mation Intellectuelle était close; des esprits qui croient que tout est déjà achevé avec le passé; des hommes chez lesquels l’esprit de corps et de parti est plus puis­ sant que le goût de la recherche désintéressée et l’a­ mour de In vérité; tous ceux en un mot qui. pour une cause ou une autre, étaient impropres A s'assimiler une doctrine dont l'étendue et la profondeur dépassaient l’aune vulgaire des intelligences, tous ccux-ΙΛ orga­ nisèrent la résistance; les uns passivement, en conti­ nuant A se mouvoir dans des ornières faciles parce que longtemps creusées; d'autres en mêlant «les con­ cessions aux réserves et aux réticences; d’autres, enfin, en tentant de donner directement l’assaut à la foiteresse thomiste. Mais, nous l’avons vu, dans son ensem­ ble. l’ordre des pr« vheurs, qui représentait In plus grande puissance Intellectuelle du temps, était acquis, ou achevait de l’être, aux doctrines «le son illustre ♦ dtre. Pleinement conscients de la valeur de l’héri­ 892 tage que la providence leur avait transmis, les prê­ cheurs allaient le propager avec un zèle bile - sable et le défendre avec une tenace résolution contre les adversaires qu’ils rencontreraient sur leur route. Les luttes que les prêcheurs soutinrent pendant U fin du moyen Age, pour défendre leur école, eurent pour but, les unes, de faire face aux agressions d’en­ semble hilippe le Bel, Jean de Paris, subis­ sant plus que de raison l'in fluence du milieu français, écrivit son Tractatus de potestate regia ct papati, qui semble avoir inspiré Dante dans sa Monarchia. 11 cit, .· *. .· 901 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) ’>02 litteraria aliculas nominis viri, in doctrinn sacra semble-t-il, le seul prêcheur qui ait faibli dans la conspicui, qui dominlcanæ famtliæ non essent alumni. défense des droits pontificaux. C. Cipolla, « De Monar­ De religione, tr. IX, 1. II, c. vi, η. 11. chia · di Dante Alighieri e l'opuscolo · De potestate regia Il ne peut pas être question, ici, de dresser môme et papal i » di Giovanni du Parigf, Milan, 1892. Au une simple liste des écrivains dominicains qui ont temps de Jean XXIL alors que sc firent jour avec éclat traité des sciences ecclésiastiques au moyen âge, ni les prétentions de l'empire avec Louis de Bavière, les même d’énumérer les seuls théologiens. On peut voir prêcheurs sc levèrent en nombre pour défendre la pour l’histoire des sciences scripturaires cc que nous papauté. Toléméc de Lucques composa sa Determi­ en avons dit dans le Dictionnaire de la Bible, art. Do­ natio compendiosa de jurisdictione imperii, édit. Μ. minicains. Nous avons déjà signalé, plus haut, les Krammer, Hanovre et Leipzig, 1909; M. Grubmann, théologiens les plus remarquables qui relèvent de la Ein Sclbstzcugnis Tolomcos von Lucca far seine Audirection augustinicnne. 1rs dissidents thomiste* ct les torschaft an der Determinatio compendiosa de juris­ polémistes qui ont défendu les doctrines de l’école. dictione imperii, dans Ncues Archiv der Geschichte fQr Qu’il nous suffise maintenant de présenter quelques dilue deidschc Geschichtskunde, 1912, p. 818; Guil­ observations générales soit sur la direction prise laume Pierre de Godin, composa son traité, De causa par In littérature thomiste théologique, soit sur immediata ecclcsiasticæ potestatis; Hervé de Nédélcc quelques œuvres spéciales, demeurées supérieures dirigea spécialement contre les erreurs d’un maltrc en leur genre, ct qui ont quelquefois le caractère parisien, Jean de Pouilly, Chart, univ. paris., t. n, de véritables créations. p. 243, son De potestate papie. Guido Vcmani de Rimini 1® Travaux théologiques. — Les œuvres théolo­ écrivit un bref traité De potestate summi pontificis, giques occupent le premier plan dans l’activité lit­ ct un autre dirigé spécialement contre la Monarchia de Dante (1327) : De potestate summi pontificis et de 1 téraire des frères prêcheurs, par leur importance reprobatione Monarchia composite a Dante Alighieri, comme par leur nombre. Un grand nombre de théo­ logiens ont composé des commentaires sur le Maître Bologne, 1746. des Sentences, Pierre Lombard, c’est-à-dire sur le A la fin du grand schisme, Jean Dominici fut le sou­ texte classique dans les écoles de théologie. Λ côté des tien de Grégoire XII et dirigea sa politique en atten­ commentaires des Sentences, d'ordinaire œuvres de* dant qu’il déposât au nom de son maltrc, devant le bacheliers, dans les universités, prennent place les ques­ concile de Constance, le souverain pontificat II le tions disputées ct les questions quodlibétiques, qui sont défendit également par la plume (Vienne, Hofbibl., toujours des travaux de maîtres. Les sommes théolo­ lat. 5102); Λ. Rosier, Cardinal Johannes Dominici, giques exposent la matière théologique d’après un 0. Pr. Ein Reformaloren Bild ans der Zeit des grossen plan plus complet ct mieux ordonné que celui de Schisma, Fribourg-cn-Brisgau, 1893; P. Mandonnet, Pierre Lombard, et surtout avec des principes et de< Beitrâge zur Geschichte des Kardinals Giovanni Domi­ solutions philosophiques fermes qui faisaient défaut nici, dans Historisches Jahrbuch, 1900, p. 388. Au dans le livre des Sentences. Des manuels de théolo­ temps du concile de Bûlc, la papauté trouva les plus gie, cl plus spécialement des sommes du sarremcnl fermes défenseurs de scs droits dans l’action person­ de pénitence, à l’usage des confesseurs, ont aussi etc nelle ct les ouvrages de 1 Icnrl Kaltcisen et de Jean de composés en grand nombre. Torquemada contre les idées schismatiques du concile, Les plus anciens commentaires dominicain, su»· les et contre les prétentions des grecs au concile de FerSentences sont ceux de Roland de Crémune. de rnre-Florence dans André de Rhodes ct Jean de MonHugues de Saint-Cher, de Robert Fitsacrc, de Robert tcncro. Les écrits de Torquemada sur l’autorité des de Kilwardby ct d’Albert le Grand. I-a série comme ic< souverains pontifes ct lu constitution de l’Église avec l’année 1230, sinon plus tôt. et les derniers ·· >t dominent la littérature similaire de la fin du moyen antérieurs uu milieu du χπι· siècle. Siger de Brabant, âge. M. Grabmann, Die Lchre des heiltgcn Thomas von t. i, p. 53. Lu Tabula scriptorum ordinis preaiiaitanm, Aquin von der Kirche al s Gultcswcrk, Ratlsbonne, close en 1311, bien qu’in complète, indique un but» 1903; R. Scholz, Die Pubtizishk zur Zeit Philtpps des nombre de ccs commentaires sur les Sentence*. Schônen und Doni/az VU J, Stuttgart, 1903. Archio filT Lit.- und KirchengescNchle, t. n, p. 220. i. xcr/πτΛ THtioLOGiQUE DK i.'ontmti. — La pro­ La Somme théologique de saint Thomas (1265duction littéraire de l’ordre des prêcheurs a été, 1273) est restée le chef-d’œuvre de In tlieolo.de. dans son ensemble, la plus étendue cl la pius impor­ A. Porhnann, Dos System der theotogischen Summe tante qu'aient fournie les collectivités du moyen des ht. Thomas non Aquin, Lucerne, 1885; J. Bcrâge. Elle commença avec les débuts meme de l’ordre thicr. L étude de la Somme théologique de S. Thomas des frères prêcheurs. Un chroniqueur, contem­ porain de ccs premières nnnées, écrit : Isti \prxdid'Aquin, Paris (1905|. Celle d’Albert le Grand, monu­ catores] studio et tectioni sacne Scriptune /agiles mentale, mais dliluse, est demeurée Inachevée, fai insistentes, tantum in scribendo libros opus laciebant Sumrna de bono d'I'bich de Strasbourg (7 1277), un disciple d’Albert, est encore inedite, mnis est du plus et eos diligentissime a magistris suis audiebant, ut cum sagittis, ct arcu, ct omni armatura /orlium possent haut intérêt pour l’histoire de la pensée au xt»e siècle. M. Gnibinann, Studien liber Ulrich von Strasburg, ingredi [lisez : aggredi], ct stare pro dclcnsiom sanctir dans Zeitschrift for kathotischc Thcotogie, t. χχιχ (1905), matris Eccles ia·. Monument. Gcrmaniæ hist., Scripto­ p. 82. La Somme de théologie de saint Antonin, évêque res, t. xxiii, p. 377. Dans un pamphlet, plein d’arro­ de Florence. jouit d’un grand crédit auprès des nioragance ct composé par Jean Pecknm contre Robert de Kilwardby, aux environs de 1270, l'irascible francis­ listesct des économistes. C. ligner, Z>fe VoUauiirtschaftlichen Anschuuungcn Antonius von Floren:, Paderborn, cain veut bien faire cette concession, en parlant de 19-Ί. l’ordre de* frères prêcheurs : illu persons plum in­ L© Compendium theologiae veritatis de Hugues Ripe· signes profecerunt in magnum scientia' pwronium, lin do Strasbourg(tl268)cstle manuel le plus répandu qui cl studiis suis membranas plurima· implei'*runt. ct Je plus parfait du moyen âge. Mandonnct, Des G. Tocco, I.a questione delta povextà net secoto xir, écrits authentiques de S. Thomas d'Aquin, p. 86. Le m oNaples, 1910, p. 235. A plusieurs siècles de distance, micr manuel des confesseurs est dûàPaulde Hong! le ct François Suarez. S. J., écrivait, de wn côté, en ju­ fut composé pour les frères de Saint-Nicolas de Bologne geant de l'activité théologique des pneheuis : Ex co (1220). Il est édité sans attribution d’auteur dans la ordine, tan./uam ex equo Tro/ano, prodierunt Mrenul Bibliotheca Catinensis. L îv (1880). n. 101 : et rvro propugnatores fidei, adeo ut rari fuerint in re publica l'M Μ SX FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) une i iu< c attribution dans Duelling, Miscellanea, 1. I, Augsbotirg, 1723, p. 59. La Summa de poenitentia de saint Raymond dc Pcftafort, composée en 1235, est restée classique au moj’cn Age, ct est un des ou­ vrages dont les manuscrits ont été le plus multipliés, lui Summa confessorum dc Jean dc Fribourg (f 1314) est, au dire dc F. von Schulte, le produit le plus par­ fait dc cc genre de littérature. Le Pisan Barthélemy dc San Concordlo (f 1343) nous a laissé une Summa casuum, composée en 1338, dans laquelle la matière est disposée par ordre alphabétique, ct elle jouit d’un grand succès aux xiv· ct xv· siècles. Les manuels pour les confesseurs dc Jean Nlcdcr (f 1459), dc saint Antonin (f 1459), dc Jérôme Savonarolc (f 1498), ont eu de leur temps un notable crédit. Scriptores ord. prred., t. i, passim; IL Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1906, passim; F. von Schulte, Die Geschichte der Quellen und Lileralur des Canontschen Redds, Stuttgart, t. » (1877), p. 410 sq.; J. Dicttcrlc, Die Summer con/essorum von ihren Anfângen an bis su Silvester Prierias, dans Zeitschrift fllr Kirchengcschichte, L xxiv (1903)-xxvm(1907); J. Gôltlcr, Der ht. Thomas von Aquin und die vortridentinischen Thomisten ûber die Wtrkungen des Bussakramentes, Frlbourg-cn-Brlsgau, 1904. 2° Travaux apologétiques. — Les préclicurs, nés au milieu dc l'hérésie albigeoise et spécialement éta­ blis pour la défense dc la foi, consacrèrent leurs efforts littéraires A atteindre toutes les catégories dc dis­ sidents A l'égard de l’Églisc catholique. Ils produi­ sirent, ct dc beaucoup, les œuvres les plus puissantes dans le domaine dc l’apologétique. I-a Summa adversus catharos et ualdenses, Rome, 1743, dc Moncta dc Crémone, en cours dc composition en 1244, est l’ou­ vrage 1e plus complet ct le plus solide qu’ait élaboré le moyen Age contre les cathares ct les vaudois. La Somme contre les gentils dc saint Thomas d'Aquin est une des plus fortes créations du maître. C'est la défense dc la fol en face dc la philosophie non chré­ tienne, surtout dc la philosophie arabe. Raymond Martin, dans son Pugio fidei, en cours dc composition en 1278, Paris. 1642, 1651; Leipzig, 1687, s’est spé­ cialement mesuré avec le Judaïsme. Cet ouvrage, basé en grande partie sur la littérature rabblniquc ori­ ginale, est le monument d'orientalisme le plus consi­ dérable du moyen âge. A. Neubauer, Jewish contro­ versy and the Pugio fidei, dans 7 he expositor, 1888, p. 81 ; J. Loeb, La controverse religieuse entre les chré­ tiens et les juifs au moyen âge en France et en Espagne, dans la Revue de Γhistoire des religions, t. xvm, p. 136. Le Florentin Ricoldo dc Montc-Croce,mission­ naire en Orient (f 1320), a composé son Propugna­ culum fidei, spécialement contre le Coran. C’est un des rares ouvrages médiévaux latins composés direc­ tement sur la littérature arabe. Demetrius Cydonius traduisit le Propugnaculum en grec au xiv· siècle, ct Luther en allemand au xvi·. Mandonnet, Fra Ricotdo de Monle-Croce, pèlerin en Terre Sainte cl mission­ naire en Orient, dans la Revue biblique, t. i (1893), p. 44; Grabrnann, Die Missionsidee bel den Domtntkanerthcologen des 13 Jahrhunderts, dans Zeitschrift IUr M isslonswisscnschaft, L i (1911), p. 137. Giovanni Dominici a composé (1405), sous le titre dc Lucula nuetis, un ouvrage en forme contre les dangers dc l'hu­ manisme dans l'éducation de la jeunesse chrétienne. C'est le seul grand ouvrage écrit contre les déviations religleusc et morale dc la Renaissance. D. Johannis Dominici cardinalis S. Sixti Lucula noctis, édit. R. Coulon, Paris. 1908. Le Triumphum cruels do Jérôme Savonarolc (■[ 1398) est une apologétique des plus remarquables par son fond comme par son allure toute moderne. A. Déclslcr, L'apologétique de Savonarole, dans les Etudes, t. cxxiv (1910), p. 483. 904 3· Travaux pragmatiques. — En dehors des ou vrages scripturaires, philosophique· ct théologiques, les prêcheurs ont fourni une production littéraire considérable, en vue dc faire face aux besoins de toutes les classes sociales, ct que nous appellerons littérature pragmatique, ou pratique, pour pouvoir simplifier notre exposé. Les préclicurs ont composé, pour Futilité des clercs, des traités théoriques dc prédication, des mo­ dèles ou matières dc sermons ct des collections dc discours. On rencontre, parmi les plus anciennes dc ccs productions, les Distinctiones ct le Dictionarius pauperum de Nicolas de Blard (f 1261), le Tractûlus de diversis materiis prrrdicabtlibus d'Étienne dc Bour­ bon (f 1261), le De eruditione praedicatorum dc Hum­ bert dc Romans (f 1277), les Distinctiones dc Nicolas de Goran (f 1295) ct de Maurice d’Angleterre (t vers 1300), etc. Script, ord. prred., t. ir, p. 968, 970; Lccoy dc la Marche, La chaire française au moyen âge, Paris, 1886; T. E. Crâne, The < exempta » or illustrative stories from the · Sermones vulgares » o/ Jacques de Vilry, Londres, 1890. Les préclicurs ont frayé la vole dans la composi­ tion des grandes collections de vies dc saints ou égendiers visant A la fois l'utilité des clercs et l’édi­ fication des fidèles. Barthélemy de Trento a rédigé son Liber epilogorum in gesta sanctorum en 1240. Roderic dc Cerrate a composé, après le milieu du xm· siècle, une collection de Vitre sanctorum, Madrid, Université, cod. 146. L’Abbreviate in gestis et miraculis sanctorum, composée en 1243, d’après le Speculum historiale dc Vincent dc Beauvais, est l'œuvre dc Jean Mailly. La Legenda sanctorum dc Jacques de Voragine, universellement connue sous le nom dc Légende dorée, a été rédigée vers 1260. · Le succès du livre, écrit le P. Poncelet, bollandlstc, fut prodigieux; il dépasse dc loin celui dc toutes les autres compilations analogues. » Il fut d’ailleurs traduit de bonne heure dans toutes les langues vulgaires dc l'Europe. Le Speculum sanctorale de Bernard Guidonis est un travail de caractère beaucoup plus scien­ tifique, dont les trois premières parties furent ache­ vées en 1324, ct la quatrième en 1329. Pierre Calo (f 1348) entreprit, vers le même temps, sous le titre de Legendre sanctorum, une · immense compila· lation », cherchant A être plus complet que ses devan­ ciers. A. Poncelet, Le légendicr de Pierre Calo, dans Anal·c(a bollandiana, t. xxix (1910), p. 5-116. La littérature catéchéllquc est aussi abordée dc bonne heure par les prêcheurs. Raymond Martin ré­ dige, en 1256-1257, son Explanatio symboli ad insti­ tutionem fldetium. Revue des bibliothèques, t. vi (1896), p. 32; J. M. March, La « Explanatio symboli · obra inèdila de Ramon Marié, autor det Pugio fidei, dans Amari des Institut d'Eludis Catalans, 1908, et Barce­ lone, 1910. Saint Thomas a écrit quatre petits traités qui représentent la matière d’un catéchisme, tel qu’on le comprenait au moyen Age : De articulis fidei ct Ecclesiae sacramentis; Expositio symboli apostolorum; De decem praeceptis et tege amoris; Expositio ora­ tionis dominicrc. A. Portmann et N. Kunz, Katechismus des ht. Thomas von Aquin, Lucerne, 1900. Laurent d’Orléans n composé, en 1277, A la demande dc Phi­ lippe le Hardi, dont il était le confesseur, un véritable catéchisme en langue vulgaire, connu sous le nom de Somme le Roi. Mandonnet, Laurent d'Orléans Γαιιleur de la Somme te Roi, dans la Revue des langues romanes, 1913,p.2<>. Voir t. ir,coL 1900. Au commence­ ment du xiv* siècle, Bernard Guidonis composa un abrégé dc la doctrine chrétienne, qu’il remania plus tard, devenu évêque de Lodève (1324 f 1331), en une sorte dc catéchisme à l'usage de scs curés pour l'in­ struction des ffdèlcs. Notices et extraits dc la Biblio- 903 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) 906 Les causes de ce renouveau sont multiples. Les unes (hlque nationale, Paris, 1879, t. xxvn b, p, 362; tiennent A l'étal général dc lu civilisation de l'Europe C. Douais, Un nouvel écrit de Bernard Gui. Le synodal à cette époque et nous toucherons la plus Immédiate dt Lodève, Paris, 1891, p. vu. Le Discipulus (1418) dans le paragraphe suivant, en signalant l’action de de Jean Hérolt Jouit de son temps d’un notable crédit. l'humanisme sur la théologie dominicaine. D'autres Ni Paulus. Johann Herott und seine Lehre. Ein Bel· causes sont plus spéciales ct nous devons les signaler. trop zur Geschichte des rrligiosen Volksuntcrrichts A la fin du xv· siècle. les universités sont établies am Ausgang des Mittelaltcrs, dans Zeitschrift fûr ou achèvent de s’établir partout en Europe. A cette kath. Théologie, t. xxvi (1907), p. 417. époque l’ordre des prêcheurs est assodé partout A la Les prêcheurs mirent aussi la main A des œuvres vie universitaire Ses écoles sont Incorporées aux de pédagogie. Guillaume do Tournai écrivit un petit facultés de théologie et l'enseignement doit faire truité De modo docendl pueros (Paris, Blbl. naL, lot. face aux exigences de ces milieux qui renaissent 16135), que le chapitre général dc 1265 recommanda, eux-mêmes A une vie nouvelle. C’est ainsi que le cha­ ainsi que la prédication ct la confession pour les en­ pitre général de 1551 désigne vingt-sept couvents uni­ fants des écoles. Acta cap. yen., t. 1, p. 125; Scriptores ord. pried., t. i, p. 349. Vincent dc Beauvais a parti­ versitaires où ses étudiants peuvent prendre les grades de maîtres en théologie. Acta capit, gener., L iv, p 324. culièrement écrit pour l'éducation des princes. 11 L’ordre des prêcheurs possède alors, un peu partout, composa d’abord (1250-1252) son De eruditione fillo· des maîtres distingués; mais aucune université n'al­ rum regalium, Bûle, 1481, puis le De eruditione pnnei· lait fournir une suite de maîtres comparable à celle pum, publié parmi les œuvres dc saint Thomas, A qui de Salamanque qui atteint au xvi· siècle son âge d’or. on l’a attribué A tort, ainsi qu’à Guillaume Perrault; I-a première chaire de théologie, bien que conquise enfin (vers 1260), le Tractatus de morali principis in· par vole de concours, fut occupée, A peu prés sans stitutionc, qui est un ouvrage d’ensemble demeuré iné­ interruption, par des dominicains pendant plus de dit. Script, ord. pried., t. i, p. 239; H. Friedrich Vin· deux siècles. Elle posséda, au xvi· siècle, une suite de rentlus von Beauvais als Pâdagog nach seiner Schrijl titulaires de tout premier ordre. 11 sufllt de nom­ De eruditione filiorum regalium Leipzig, 1883. Aux mer : François dc Victoria, Melchior Cano, Dominique premières années du xv· siècle. Giovanni Dominici Soto, Barthélemy de Médina et Dominique Bafiez. composa un ouvrage très estimé sur le gouvernement P. Gctino, Historia dc un cnnvenlo, Vergara, 19<34; de la famille : Rcgola del gaverno di cura familiare, Vida y procesos del maestro Fr. Luis dc Leon, Sala­ édit. D. Suivi. Florence, 1860. Saint Antonin de manque, 1907; F. Ehrle, Die VaHcmhchen Hand· Florence est l'auteur d'une Regola a ben vivere, schri/ten der Salmon!izcnser Theologen des I6Jahrhunédit. Palermo, Florence, 1858. derts, dans Der Kalholik, t. zxrv (1884) et L lxv Enfin, les préclicurs composèrent des écrits pour (1885). Non contents d’occuper une place honorable le gouvernement dc l’Églisc et des États. On connaît dans les universités d’Europe, les prêcheurs en fondè­ le traité de saint Thomas tDc rege ct regno, destiné rent eux-mêmes plusieurs dans les nouveaux pays au roi dc Chypre (achevé par Ptoléméc dc Lucqucs) qu’ils évangélisèrent : Saint-Domingue, en 1538, Bull, et le De regimine subditorum, rédigé sur la demande ord. prsed., L iv, p. 571;Santa-Fé de Bogota, en 1612, dc la comtesse dc Flandre. Humbert dc Romans a L v, p. 690; Manille, en 16-15, t. vi, p. 154; Quito, composé sur la demande dc Grégoire X un traité sur les matières qui devaient être examinées nu II· con­ en 1681, Ibid., p. 359; La Havane, en 1721. Ibid., p. 523. cile général dc Lyon (1274). Ccttc œuvre témoigne D’autres fondations d’un autre ordre exercèrent chez celui qui en est l’autour d’une connaissance excep­ une action profonde sur h vie doctrinale de l’ordre tionnelle de la situation de la chrétienté entière. pendant la période moderne. Ce fut la création de Cet écrit est publié, sans aucune attribution, dans grands collèges d'études pour la formation du per­ Concilia omnia, Cologne, t. n (1551), p. 967, ct repro­ sonnel enseignant de l'ordre. Ces instituts supérieurs duit de même dans E Brown, Appendix ad jasci· furent dus d’ordinaire à la munificence de religieux • ulum rerum cxpectandarum, Londres, 1690. p. 185; en arrivés A de hautes dignités. Largement rentés ct abrégé, avec attribution, dans Martènc, Amplissima régis par une législation spéciale en vue de leur desti­ collectio, t. vn, p. 174. Jérôme Savonarolc rédigea en nation, ils possédèrent une grande stabilité et for­ 1493, sur In demande du gouvernement florentin, scs mèrent un grand nombre d’hommes de valeur qui four­ Trattati circa il regimento e gonerno della città di nirent des carrières universitaires. Les deux plus célè­ Firenze, édit. Audin de Rlnns. Florence, 1847, dans bres dc ccs établissements furent, en Espagne, celui lesquels il témoigne d’un sens politique supérieur. dc Saint-Grégoire de Valladolid, établi en 1488, par Qu étif-Echard, Scriplores ordinis prardicatorum, t. i; Alonso dc Burgos, conseiller et confesseur des rois dc IL Hurter, Nomenclator, Inspruck, t. n (1906); Castille, Bull. ord. pnrd., t. iv. p. 38; Arriaga, Historia U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du del colegio de S. Gregorio de Valladolid, ms. Valla­ moyen Age, Bio-bibliographie, Paris, 1905. dolid. Archtvio de la Deputation provincial, ct Borne, H. PéniODK MODERNS. ---- Z. URSAtSSANCR TOO· Archives générales de l'ordre; celui dc Saint-Thomas UISTR. — Le xiv* et le xv· siècle marquent, d’après dc Séville établi sur le modèle du précédent, en 1515, l’opinion courante, une décadence intellectuelle en par l’archevêque dominicain Diego dc Déza. Historia philosophie et en théologie. L’école thomiste ct l’ordre del colegio major de Sto Tom ds de Sevilla, Séville, 1890. des prêcheurs ne purent se soustraire aux conditions Avec cc régime d’institutions scolaires, une trans­ générales du milieu historique qu'ils traversaient. Ils formation dans la méthode d’enseignement donne subirent un fiéchlssrmcnt dans la quantité cl la qua­ une nouvelle activité A l’école thomiste, nous voulons lité des productions théologiques. Cependant, l’ordre dire la substitution du texte dc la Somme théologique possède encore an xv· siècle une vitalité doctrinale A celui du Maître des Sentences. Cette modification notable. C’est A ce moment que les préclicurs produi­ sent des hommes comme Jean Capréolus, saint Anto­ s’opéra lentement ct clic est due A l'ordre même des prêcheurs. Depuis 1180. les professeurs dominicains nin de Florence ct Jean dc Torqurma La polémique d'Érasme ct de Luther sur le libre arbitre (1525-1527) ouvre le feu avec fracas, bien qu’avec peu de lumière. L’humaniste, sans étude de la théologie classique de l’Église, improvise ses solu­ tions; ct malgré sa circonspection, il en vient à nfllrmer des énormités, comme celle-ci : Sine Dei voluntate nihil fit. fateor; sed generaliter illius voluntas pendet a nostra voluntate. VL I lumbertclnudc, Érasme et Luther. Leur polémique sur le libre arbitre, Paris, 1910; K. Zickendrnht, Der Streitavtschen Erasmus und Luther nber die Wiltensfrtihtit, Leipzig, 1909; Ch. Andler, Étude critique sur les relations d'Érasme ct de Luther, Paris, 1909 ; Ch. Goerung. La théologie d'après Érasme ct Luther» Paris. 1913. Jacques Sndolct, un des grands humanistes italiens ct évêque de Carpcntras, plus tard i 913 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L’ORDRE DES) M4 glens humanistes dont nous avons parlé. Tek sont Jean cardinal, en commerce littéraire avec Érasme, com­ Driedo(f 1535), De gratia d libero arbitrio*, De con­ mença sous l’influence de ce dernier à commenter cordia liberi arbitrii et prédestinât ion is divina;, Lou­ l’ÉpItrenux Romains. L’œuvre parut à Lyon, en 1535. vain, 1537; Ruart Tapper (1559), Explicationes arti­ Elle n’évita pas la censure romaine. Déjà Sadolct dé­ culorum ven. facultatis S. theologia; Lovaniensis circa passe Érasme en imprudence, car, sans fil conducteur, dogmata ecclesiastica ab annis triginta quatuor contro­ il tend à être plus systématique. Il abandonne, en la versa, Anvers, I-ouvain, 1545-1517; et Jean de Bo­ critiquant vivement, la doctrine de saint Augustin, pour logne, De rderna Dei pritdesiinatione cl reprobatione, se mettre à la remorque du commentaire de ChrysoLouvain, 1514. M. de Baets, Quæsliones de operibus stomc sur saint Paul, dont le texte grec venait d’être divinis quu respiciunt creaturas, I-ouvaln, 1903. publié à Vérone (1529). S. Ritter, Un umanista tcologo, V. l.ES FRERES Pnf.CUBiJRS El LE t OSCILE DE TREtrF. Jacopo S(idoldo (//77-/5/7), Rome, 1912. L'exemple — Les frères prêcheurs prirent une part importante au de Sadolct entraîna le bénédictin Lucien de Otobonis concile de Trente, tant par le nombre et la qualité des de Mantoue qui publia, Brescia, 1538, des commen­ prélats ct des théologiens que l'ordre fournit que par le taires aux sermons de saint Jean Chrysostomc sur rôle doctrinal prépondérant que joua saint Thomas l’Épltre aux Romains in cos, qui Chrysostomum divi­ nam extenuasse gratiam, arbitriique libertatem supra d'Aquin dans les discussions théologiques et h rédac­ tion des décrets conciliaires. modum extulisse suspicantur et accusant. L'ouvrage Le personnel que l’ordre fournit au concile se répar­ de Lucien de Mantoue fut mis à l’index par Paul V tit entre les archevêques et évêques, les procureurs (1559). Albert Pighlus, un autre humaniste, dédia ά Sadolct un De libero hominis arbitrio d divina gratia, de prélats absents, les théologiens désignés par les Cologne, 1542, où il dépasse encore son maître, et papes ct les princes, les théologiens des évêques, et n’hésite pas à qualifier l’opinion de saint Augustin quelques autres qui y parurent à des titres spéciaux. sur la prédestination ut parum probabilem, nec diviLe maître général de l’ordre eut voix délibérative ηχ bonitatis dulcedini admodum congruentem, fol. 134. comme les évêques. Les prêcheurs présents à Trente Linscnmann, Albertus Pighius und sci netheologischer furent plus ou moins nombreux selon les trois période* du concile dont le nombre des membres fut assez difléStandpunkt, dans TUbinger thcologischc Quartalschrift, 1866, p. 571. Quelques autres auteurs entrèrent encore rcnL Sous Paul IV (1545-1549), le concile compta dans la même voie, tel l’auteur anonyme qui publia dix archevêques ou évêques dominicains dont la plupart déployèrent une grande activité, tel Sébas­ les Commentarii in Pauli ad Homanos ct Galatas Epi­ stolas, Lyon, 1544. tien Lccavella, archevêque de Naxos, Thomas Stella, évêque de Salpe, Jacques Nacchianti, é\êque de Mais ce fut Ambroise Catharin qui concentra, à lui Chioggia, Ambroise Catharin, évêque de Minori, seul, tout ce mouvement de désertion à l’égard de la Pierre Bertano, évêque de Fano, Thomas Casella, théologie traditionnelle. Avec son absence de sens évêque de Bert inoro. Le général de l’ordre, François théologique ct son audace, rassuré par les amis ct les Roméo de Casliglioni assista à une partie seulement hautes protections qu’il possédait à la cour romaine, des sessions. Barthélemy de Carranza et Dominique Il synthétisa la nouvelle théorie sans la couvrir de Soto lurent délégués par l’empereur Charles-Quint, et restrictions ct de faux-fuyants, avouant, sans scru­ trois autres irèrcs prêcheurs furent députés au concile pules, cc que les autres avaient omis ou dissimulé. au nom de Jean III, roi de Portugal. Une quinzaine Il commença à exposer sa doctrine dans son De d’autres théologiens dominicains furent aussi pré­ pricscieniia, providentia ct pnvdestinatione Dei, Paris, sents à des titres divers. Sous Jules III (1551-1552), le 1541, ct 11 revint à plusieurs reprises plus tard sur concile eut moins d’importance et l’ordre n’y compta ccs matières et d’autres qui y sont connexes. Le fond que trois Pères ct une douzaine de théologiens. Parmi de sa doctrine, c’est qu’en matière de salut les hommes ces derniers, avec le maître géuénd déjà nommé, forment un double ordre : celui des prédestinés ct Barthélemy de Carranza ct Melchior Ca > o, délégué* celui des non-prédestinés. Les premiers, très peu par Charles-Quint. Sous Pie IV (1562-156-1 ), nous nombreux, reçoivent des grâces de telle nature qu’il trouvons au concile cinq archevêque s et une vingtaine ne peut pas advenir qu’ils ne sc sauvent pas. Leur d'évêques dominicains, ct plus de t rate théologiens nombre est déterminé il ne peut être augmenté ni dont quatre délégués par le pape deux par Philippe II diminué, tant par rapport à la prescience qu’à la ct deux par le roi Sébastien de Portugal. Dom de Bar­ providence divine, et cette condition ne détruit pas thélemy des Martyrs, évêque de Brag »ct primat de Por­ le libre arbitre. Les non-prédestinés peuvent se tugal, prit avec Pierre de Soto, l’ancien confesseur sauver ou périr, car bien que leur nombre soit déter­ de Charles-Quint, une part prépondérante dans la miné dans la science divine, il ne l’est pas dans l’ordre question de la résidence de droit divin des évêques. de la providence de Dieu, autrement le libre arbitre A aucun moment l’école thomiste n’eut des intérêts serait détruit. Ainsi Dieu permet que diverses choses plus graves engagés au concile que pendant la pre­ arrivent parce qu'il n'a pas pourvu d’une façon cer­ mière période. C'est à cc moment, en clTct. que furent taine à leur existence, ct cela a lieu spécialement traitées les questions dogma tiques relatives à la jus­ pour cc qui dépend de notre libre arbitre. 11 est Λ tification, un point central de la théologie qui confi­ peine besoin de faire observer les contradictions dont nait à un grand nombre d’autres. Il est vrai que le est grosse cette doctrine cl le manque de notions concile avait déclaré vouloir définir la foi catholique philosophiques qu’elle Implique. pour repousser les erreurs luthériennes et non pour Telle qu’elle est, elle devait cependant inspirer prendre position parmi les opinions des docteurs catho­ de nombreux théologiens qui s’appliquèrent Λ en liques. Mais par la force même des choses on ne pou­ atténuer les formules ct Λ en marquer les lacunes, vait approfondir une question sans être en présence des sans en modifier cependant notablement le fond. opinions des docteurs catholiques ct, en particulier, Script, ord. pried., t. n. p. 144; J. Schweizer, Ambro­ de celles de saint Thomas. lui situation pour l’école sius Catharinus Politus (//5/-/553), Munster, 1910. thomiste tirait sa gravité de ce fait qu'un certain nom­ Quelques théologiens séculiers de Louvain, à celle bre de personnages présents au concile étaient nette­ époque, se sont déjà gardés de cc qu’il y a d extrême ment malveillants à l’égard des doctrines de saint Tho­ dans les doctrines de Catharin, mais c est au prix mas. Ambroise Catharin, le transfuge dominicain, de l’unité de leurs idées, car ils n’arrivent pas à systé­ était présent au concile, bien que le chapitre général matiser les anciennes influences nugustino-thomistes de l’ordre, tenu ù Rome, en 1542, eût fait extraire avec les théories mises en circulation par les théolo- 9f5 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THEOLOGIE DANS L’ORDRE DES) me propositions de ses œuvres, considérées me erronées. Catherin avait été conduit au concile par 1 un des légats, le cardinal del Monte, qui avait été jidh son élève, et demeura son constant protecteur. Remuant el audacieux, comme il était, Calharln sc constitua le centre du groupe de théologiens huma­ nistes qui se trouvaient au concile. Il trouva scs meil­ leurs soutiens dans Lucien de Mantouo, alors abbé de Pomposn, dans Jacques Laynez, S» J., et quelques autres. Sadolet, en relation avec le groupe huma­ niste, l’encourageait par scs lettres et scs élucubra­ tions théologiques. Un autre des légats, le cardinal Cervini, était manifestement favorable nu parti catharinicn, et ne savait pas toujours dissimuler ses sym­ pathies personnelles dans des fonctions qui auraient du le placer au-dessus des écoles ou des factions. Heureusement bon nombre de Pères et de théolo­ gien* se tenaient dans la direction de la théologie augustinfenne el thomiste. Dominique Solo, en parti­ culier, qui jouissait d’un grand crédit, s’opposa à Catherin. On vit même un moment le concile s’oflrir en spectacle ces deux prêcheurs, devenus ennemis, parce qu’il avait plu A Catliarin de soulever devant l’assemblée de Trente la question de la certitude Individuelle de l’état de grâce. Le combat continua d’ailleurs par écrit entre les deux protagonistes, Catharin voulant indûment tirer à lui les résolutions du concile. En présence de la désinvolture «les théologiens ralharinistes, surtout après un discours malheureux de Lucien de Mantouo, O.S. B. qu'il dut d’ailleurs rétrac­ ter, le maître général de l'ordre des prêcheurs protesta contre le peu de respect que certains théologiens se permettaient de témoigner à l’égard de saint Thomas. La position des thomistes au concile sc trouvait d’ail­ leurs fortifiée par la commission que Paul III avait nommée A Rome, pour étudier simultanément la question de la Justification, et dont les référés et les avis étalent transmis aux présidents du concile. Parmi les cinq membres de cette commission, trois étaient dominicains, dont le maître du sacré palais, Barthélemy Spina, le plus actif de tous. Le décret sur la justification, qui avait demandé un si long temps pour son élaboration, fut finalement dressé dans une forme où, évitant la terminologie de l’école, les Pères se tenaient autant que possible sur le terrain commun de la tradition catholique générale. Ils n’avalent pu cependant, sur les points les plus déli­ cats, se priver du secours de saint Thomas. C’est ainsi que le texte du décret sur le mode de la préparation de la Justifie dion, sess. vi, c. vr, est emprunté dans ses moindres détails à un article de la Somme théo­ logique, 111·, q. lxx.xv, a. 5. Le décret énumère six actes préparatoires à la Justification. Ils sont les mêmes quant à leur nature, leur nombre et leur ordre que chez saint Thomas. Pareillement, dans le chapitre sui­ vant du même décret, les Pères, assignant les causes de la Justification, reproduisent la doctrine de saint Thomas dans sa Somme théologique, la II», q. cxn, a 4; H· H», q. xxiv, a. 3. L’autorité de saint Thomas d'ailleurs, devait de­ meurer prépondérante dans la suite du concile. Quel­ ques-uns des écrits de Catharin, par contre, n’échappêrent à la condamnation du concile, en 1563, que par les bons offices d’Alphonse Salmeron, S. J., ù qui Cathirîn avait Imposé le bonnet de docteur, en 1549, ainsi Puis, au cours dc sa dé­ ceux des lecteurs qui désireraient sc rendre compte monstration; il définit ainsi l'opinion probable : de l’œuvre accomplie par l’ordre pendant ces derniers ♦ Une opinion n’est pas dite probable par cela que siècles dc son histoire puissent sc reporter à ccs noms, l’on apporte en sa faveur des raisons apparentes, ct nous signalerons les plus marquants en nous limi­ qu’il y a des gens qui l’affirment ct la défendent; à tant, quand il y a lieu, à quelques annotations très ccttc enseigne, toutes les erreurs seraient des opinions probables. Une opinion est probable qui est soutenue sommaires. Les grands centres théologiques dc l’ordre, au point par les hommes sages ct confirmée par d’excellents dc vue littéraire, furent l’Espagne, l’Italie et b arguments qu’il n’est pas improbable de suivre. C’est France. Mais l’enseignement de l’ordre s'étendit à la définition d’Aristote. » On voit combien, par sa tous les pays catholiques, où les prêcheurs possédaient définition dc la probabilité, .Médina est soucieux dc dc nombreux professeurs, non seulement dans leurs fermer la porte au laxisme après l'avoir, en apparence, maisons d’étude, mais dans la plupart des univer­ ouverte par l’affirmation qu’on peut toujours suivre une opinion probable, même contredite par une opi­ sités. nion plus probable. L’erreur n’en restait pas moins : la L’Espagne, ainsi que nous avons eu l’occasion de possibilité que le oui et le non sur un même objet aient, le signaler déjà, fournit une remarquable activité théo­ logique dès la première moitié du xvi· siècle, grâce à dans l’ordre moral, une suffisante justification. la fondation d’établissements comme le collège de La théorie de Médina entra sans bruit en circula­ tion, en un temps où d’autres polémiques attiraient Saint-Grégoirc de Valladolid et celui de Saint-Tho­ ailleurs l’attention. Médina avait fait valoir le côté mas dc Séville, ct à l’action réformatrice de François utilitaire dc sa théorie, tout comme les théologiens dc Victoria (f 1546). A la suite du maître paraissent humanistes dans les matières dc la prédestination et les noms dc Dominique Soto (f 1560), Melchior dc la grâce. Un certain nombre de dominicains espa­ Cano ft 1560), Pierre dc Soto (f 1563), Martin de gnols suivirent leur confrère : Louis Lopez, Domini­ Ledesma (1581), Barthélemy dc Médina (f 1581), que Baficz, Diego Alvarez, Barthélemy et Pierre de Louis de Grenade (f 1588), Dominique Bafiez ft 1604), Ledesma. Les nouvelles théories sur la probabilité Thomas de Lémos (f 1629), Dièguc Alvarez ft 1635), entrèrent un peu partout sans considération d’école. Jean dc Saint-Thomas ft 1644), François de Araujo Les Jésuites, en général, l’adoptèrent; mais il y eut (t 1664), Pierre de Godoy (f 1677). aussi parmi eux des opposants. La facilité à rendre L'Italie a donné, dc son côté, un grand nombre toutes les opinions probables dès que les contradic­ dc théologiens. Silvestre Prierlas (f 1524), Silvestre de toires pouvaient l’être ne tarda pas à aboutir à de Fcrrare (f 1526), Thomas de Vio Cajétan (f 1534), graves abus. Les Provinciales de Pascal, en 1656, Jetè­ Chrysostomc Javclli (f 1537), Ambroise Catherin rent dans le domaine public ccs questions demeurées (t 1553), Capponi dc Porctta (f 1614), Jérôme de jusqu’alors à l'intérieur des écoles. Le scandale fut Médicis (f 1622), Vincent Gotti (f 1712), Vincent grave, ct Alexandre VII signifiait cette même année Dinelli (f 1754), Daniel Concina ft 1756), Fulgence au chapitre général des dominicains sa volonté dc Cuniliati (f 1759), Joseph-Augustin Orsl (f 1761), voir l’ordre combattre efficacement les doctrines pro­ Vincent Patuzzi (1762), Thomas Ricchini ft 1779), babilistes. Depuis lors, les frères prêcheurs, chez les­ Salvatore Roselli (f 1785), Antoine Valsccchl ft 1791), quels cette doctrine avait été mise pour la première Pierre-Marie Gazzaniga (f 1799), Louis V. Cassito lois au jour ct avait trouvé ses premiers propagateurs, (1823), Philippe Anfossl ft 1825). sc montrèrent ses plus énergiques adversaires, ct La France a particulièrement fourni des théologiens l’ordre ne connut plus d’écrivains probabilistes, dc marque pendant Je xvn· siècle ct une partie du v///. activité doctrinale de l’ordre. — Du siècle suivant : Jean Nicolai (f 1663), Vincent Conxvi· au xvni· siècle, l'ordre des frères prêcheurs tenson (f 1674), Vincent Baron (1674), Antoine déploya, dans son ensemble, une grande activité Réginald ft 1676), Jean-Baptiste Gonct (1681), doctrinale et produisit des œuvres théologiques re­ Antoine Goudin ft 1695), Antonin Massoullé (1706), marquables. Noël Alexandre (f 1724), Hyacinthe Scrry (f 1738), Nous avons signalé antérieurement quelques institu­ Charles-René Bilhiart ft 1751), belge. tions scolaires qui accrurent la vitalité scientifique dc Pendant la période moderne, les prêcheurs fourni­ l’ordre. Nous n’en mentionnerons ici qu’une seule, à rent d’importantes contributions aux sciences sacrées raison dc son caractère ct dc son importance. Le car­ cn dehors des sciences théologiques proprement dites. dinal Jérôme Casanate (f 1700) avait constitué le cou­ Ils suivirent le grand mouvement de critique et d’éru­ vent delà Minerve son légataire, en vue de rétablisse­ dition qui se dessine dès les débuts du xvi· siècle. ment d'une bibliothèque publique, dc deux chaires pour Les études bibliques, historiques, l'archéologie sacrée, I enseignement du texte de saint Thomas ct d’un col­ la patristique ct l'orientalisme ont reçu un apport lège dc théologiens pour la défense de la fol ct du notable de diverses personnalités dominicaines, ct Saint-Siège. Ce projet futexécuté. La bibliothèque, nous donnons le nom de quelques-unes des plus mar­ qui fut appelée Casanata. devint la principale biblio­ quantes : Sautes Pagnlnl ft 1541), Barthélemy de las Casas ft 1566), Sixte de Sienne ft 1569), Abraham thèque publique de Rome ct les dominicains en gar­ 921 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÉOLOGIE DANS L'ORDRE DES) Bzowlus (f 1637), Thomas Campanella (f 1639), Jac­ ques Goar (f 1653), François Combefli (f 1679), Michel Vanslcb (f 1679), Noël Alexandre (f 1724), Jacques Ediard (f 1724), Michel læ Quicn (f 1733), Joseph Augustin Orsi (f 1761), Bernard de Rubeis (f 1775), Innocent Ansaldi (fM779), Joseph Allegranaz (t 1785), Thomas Mnmachi (f 1792), Jean-Baptiste Audlffredi (f 1794),Gabriel Fabricy (f 1800), Philippe Bccchcttl (f 1814). Scriptores ordinis prædic., L II et ni (par le R. P. Rémi iCoulon); Hurter, Nomenclator, t. Il-V. ix. la RESTAURATION de l'ordre des prEres prêcheurs. — La Révolution française ct les secousses dont elle a successivement agité les pays dc Tandon et du nouveau monde amenèrent la fuine successive d’un grand nombre de provinces dc l'ordre. Le nombre réduit des religieux ct les conditions précaires dans lesquelles ils vivaient amoindrirent extrêmement l’ac­ tivité littéraire des dominicains dont l'effort devait, avant tout, faire face aux besoins dc la prédication ct de la pastoration. L’ordre cependant ne cessa de maintenir fermement scs traditions doctrinales dans son enseignement. La restauration de Tordre en France par le Père -D. Lacordairc imprima ù Tordre entier une forte H. Impulsion. Elle sc traduisit avant tout par une très grande activité dans la prédication. L’institution des conférences de Notre-Dame de Paris a mis en évi­ dence l’activité des prêcheurs dc France. Ils y ont donné un haut enseignement pendant un demi-siècle de durée, depuis leur fondation en 1835. Le Père Jacques Monsabré, en particulier, y a traité, pendant une vingtaine d’années (1872-1890), du dogme catholique d’après la doctrine dc saint Thomas d’Aquin; ct son successeur actuel, le P. Janvier, qui est aussi un frère prêcheur, donne, dans le même es­ prit, un exposé dc la morale chrétienne depuis 1903. Le renouveau dc Tordre pendant la seconde moitié du xix· siècle lui a pennis une organisation plus com­ plète des études dans les diverses provinces de Tordre. Quelques-unes aujourd’hui possèdent un corps pro­ fessoral qui ne le cède en rien aux meilleures institu­ tions ecclésiastiques. L’ordre a maintenu, créé ou renouvelé plusieurs écoles supérieures de sciences sacrées. Le collège pontifical de la Minerve à Rome, qui avait traversé les agitations révolutionnaires, a été remplacé par le Collège angélique, en 1910, par les soins du maîtrcjgénéral le R·· P. Hyacinthe Cormier, avec tous les droits ct privilèges d’une université ponti­ ficale, ct où sont admis les cicrcs séculiers ct réguliers. L'université dc Manille, fondée par Tordre, n’a point interrompu son existence depuis le xvn· siècle ct elle est toujours florissante. L’école biblique dc Jéru­ salem, fondée vers 1890, est ouverte aux religieux ct aux séculiers, ct elle s’est acquis, par l’enseignement et les publications scientifiques de ses professeurs, une haute réputation. La faculté dc théologie dc l’uni­ versité dc Fribourg, en Suisse, a été confiée,en 1890, aux prêcheurs; clic compte aujourd’hui plus de 250 étudiants. A côté dc ccs organisations scolaires. Tordre a créé un certain nombre dc périodiques pour le progrès des sciences ecclésiastiques ct lu diffusion des doc­ trines théologiques dc saint Thomas. lui Revue biblique, organe de l’école dc Jérusalem, a été fondée en 1892 par le P. M.-J. Lagrange. La Revue thomiste (1893) a été créée par le P. Thomas Coconnicr (f 1908). Les Analecta ordinis paedicatorum (1893) sont plus pnriculièrement destinés aux membres de Tordre. lui Revue des sciences philosophiques cl théo­ logiques (1907), rédigée par les dominicains de la province dc Paris, jouit d une haute estime dans le monde savant. Le» mîmes icli«lcux publient la 922 Revue de ta /eunesse (1909) d’un caractère à la fois doctrinal et pratique, et la Remie Lacordaire (1913), destinée à préparer une édition critique des œuvres du célèbre orateur. La Revue Sainl-Thomas-cfAquin (1913) vise iurtout à une vulgarisation des doctrines du docteur angélique, l-a Ciencia tomista (1910), publiée à Madrid par les dominicains espagnols, s'est conquis dès la première heure un notable crédiL La restauration des doctrines thomistes au xix· siècle a été l’œuvre collective de nombreux hommes d*Église et surtout de la papauté. Par là cc mouvement déborde, ct de beaucoup, Thistoire de Tordre des frères prêcheurs» Celui-ci cependant s’y appliqua de son mieux. I-e maître général Vincent Jandel. dans bon règlement des études, rappela les an­ ciennes prescriptions législatives en cette matière, et les chapitres généraux de Gand, en 1871, et de Louvain, en 1885, y ajoutèrent le poids dc leur auto­ rité. L’activité théologique des frères prêcheurs a été surtout l’œuvre de la génération présente- Pour ccttc raison nous écartons de cette notice ce qui la concerne : Scribantur hæc in generatione altera. Néanmoins, parmi les disparus, plusieurs ont aidé de leur collaboration le grand mouvement de la res­ tauration thomiste. Au premier plan se placent les cardinaux Thomas Zigiiara (f 1893) ct Zéphirin Gonzalez (f 1894), qui par leurs manuels de philoso­ phie ct dc nombreux écrits estimés ont représenté digne­ ment l’ordre des frères prêcheurs dans le renouveau des doctrines thomistes. L’ne place doit être accordée au P. Réginald Beaudouin (f 1907), qui a été le prin­ cipal précepteur théologique de la province de France. 11 a agi surtout par son enseignemenL Le Tractatus de conscientia. Tournai, Paris et Fribourg-en-Biisgau, 1911, édité par les soins d’un de scs disciples, le P. A. Gardcü. peut donner une idée de sa méthode ct dc sa doctrine. Nommons aussi un des hommes dc la génération nouvelle, le P. Benoit Schwalm, pré­ maturément disparu (φ 1908), ct dont l’activité théologique a pourtant été hautement appréciée. Enfin le P. Henri Dcnifle (f 1905), sous-archiviste du Saint-Siège, qui a laissé une œuvre historique incom­ parable, a renouvelé Thistoire scolaire du moyen âge, éclairci un grand nombre dc points doctrinaux et écrit une œuvre magL traie sur les origines du luthé­ ranisme. Le xix· siècle a été témoin dc la forte impulsion donnée par les souverains pontifes Λ l'étude de la doc­ trine de saint Thomas d’Aquin. En cela. l’Église ro­ maine n’a fait que renouer la tradition des siècles antérieurs, ainsi qu’on peut s'en rendre compte par les témoignages que nous avons rapportés au cours de cct article. En présence des négations des philosophies antichrctiennes, il était urgent dc placer une doctrine à la fols sûre ct profonde, capable de s'opposer comma un mur d’airain A toutes les entreprises destructis es des philosophies rationalistes. C’est cc qu’ont vu les trois derniers souverains pontifes qui sc sont exprimés un si grand nombre dc fois et avec une volonté si caté­ gorique que Ton est en droit de dire que l’autorité de saint Thomas dans l’Église occupe un·* place suré mi­ nente et unique. A l’occasion du septième centenaire de la mort dc saint Thomas (1874), Pie IX, dans scs lettres du 3 mars, écrivait : Ilos inter 1erlas eventus... celebraturi nunc sumus sextum sarcularem annum depositionis angelici doctoris. sancti Thomec Aquinatis, a divina providentia largiti ad eamdem doctrinam miro modo illustrandam, ct advenus errores omnes invicte muniendam. Siquidem is ad sublimia natus, complexus ingemo humanum excedente modum, quidquid veteres disputaverant philosophi, quidquid docuerant Ecclesia Patres, supernaque lumine irra­ diatus ad intclligendas Scripturas, extraxit digt*- 923 FRÈRES PRÊCHEURS (LA THÊOL. DANS L’ORDRE DES) — FftEYBEROER sttqur tcientiar universalis corpus, ubi theologia α·Ι magni ad custodiam et tutelam fidei hoc inlerrd.Uw scientificam exacta methodum, luculentius lai i usque l'encyclique Pascendi, du 8 septembre 1907 : QuMrd explicate, ac novis aucta commendationibus principa­ caput est, philosophiam scholasticam sequendam pis retur; philosophia vero suis purgata mendis, una scribimus, eam prardpue intrlliglmus quit a sancto Tho­ cum ceteris srlenti Is ipsi spontaneo roneordique famuma Aquinate est tradita, de qua quidquid a decanes terentur obsequio, unde fleret ut /algidissima ocri ad nostro sancitum est, id omne universis observari fubeunum revocati lux non modo singulas eorum per/uri­ mus. Episcoporum erit, steuhi in seminariis neghdn deret et promoveret, sed etiam quo quot /uerunt aut fu­ hire fuerint, ea ut (n posterum urgere atque engcrc turis erant errorum tenebras discuteret, et efflcacissima Magistros autem monemus ut rite hoc teneam A qui no­ ad eos conterendos arma suppeditaret Dans son bref du tem deserere, pnrsertim in re melaphgsica, non tine 9 juin 1870 an P. Raymond Blanchi, O. P., A propos magno detrimento esse. de son ouvrage : De constitUlione monarchlca Ecclesiae P Mandonnkt. fuxta Divum Thomam Aquinatem, Pic IX écrivait : FREUX (André rtin), théologien dogmatique, né Quam [auctoritatem S. Thoma] sane eo majori facimus à Chartres, entré dans In Compagnie de Jévis après quod eximia et prorsus angelica sanctissimi hufus avoir résilié sa cure du Thivcrval, en 1541, fut leab viri doctrina ab ipso Christo Domino commendata taire de smnt lgn:i< <, enseigna la langue grecque I feratur; et facta (edatur Ecclesiam In acume nids Messine, puis l’Écriturc sa nté et la théologie à Borne, conciliis post Illius obitum habitis tantum detulisse où il mourut le 26 août 1556. Célèbre par sa traduction scriptis efiisdem, ut sententiis inde ductis t/rpe citam latine des Exercices de saint Ignace, si souvent verbis usa fuerit, sine ad elucidanda catholica dogmata, réimprimée jusqu’û relie du P. Koothan et qni a sine ad erumpentes errores conterendos. longtemps passé jK/ur être le premier livre imprimé Aucun pape, semble-t-il, n’a fait autant que de h Compagnie de Jésus, le P. des Freux, ou Fnisius, Mon XIII pour la glorification de saint Thomas a publié deux ouvrages de théologie dogmatique d'Aquin et In propagation de sa doctrine dans l'Église 1· Theologiae assertiones colltcbr ex interprétaient catholique. Tout le monde connaît ce célébré monu­ libri (tenescos, Home, 1553; 2® Assertiones theologica ment doctrinal qu’est l’encyclique Ætemi Patrie tum ad /·* partem divi Thomie Aquinatis spectanto, du 4 août 1879. Après avoir célébré l’œuvre doctrinale tum vero ad omnes libros Veteris ac Novi Testamenti, de Thomas d'Aquin et fait de lui le plus bel éloge qui Ibid., 15S4. fût peut-être jamais, il adresse cette pressante exhor­ Sommervogel, Bibliothèque de te C1· de Jisus, t ni tation Λ l'épiscopat entier ; Vos omnes, venerabiles COl. 1046; Hurter, Nomenclator, t. Π, coL 222. Praires, quam enixe hortamur, ut ad eatholicK fidet P. Βεκνλπι). tutelam et decus, ad societatis bonum, ad scientiarum om­ FREVIER Chat Ιοα-Joaeph, né 5 Arras en 16% nium incrementum auream sandi Thonut sapientiam entra dans la Compagnie de Jésus en 1706, professa restituons, et quam talissime propagetis. Le 15 oc­ dans divers collèges et fut envoyé A la Martinique, tobre 1879, Léon ΧΗί érige Γ A endémie romaine de puis, rentré en France vers 1750, s'occupa de contro­ Saint-Thomas. M 18 janvier 1880, il décrété une nou- i verses théûlogiqurs touchant l’Écriturc sainte. On velle édition des œuvres de saint Thomas dont il fera a de lui : Ea Vu!gale authentique dans tout son laie les frais, M 4 août 1880, Il proclame saint Thomas Th/ologle de Dellarmin, Home, 1753, ouvrage qui le patron des écoles et des universités catholiques. suscita de vives polémiques. Le P. Frevicr mourut M 25 décembre 1880,11 érige un*· chaire de saint Tho­ en Normandie vers 1775. mas à Louvain* Le 30 décembre 1882, il adresse ses Sommervogel, Hlbttelhtqiic de te C1· de Jhm, t. m. lettres Λ la Compagnie de Jésus pour l’exhorter à la col. 970; Journal encgctnpMIque. 1761, t. r, n. 3, p. 3-1 S; fidélité Λ la doctrine philosophique de saint Thomas. Journal de Trévoux, 1750, a. 35; Mémoire» de Tricnur M 25 novembre 1808, il écrit au ministre général 1753, p. 2017 *q., 2186 aq., 2351 sq.; Zorcarln, Saqqfo erides frères mineurs Discedere Inconsulte ac temere a Itro dette tetter, eorrenle, t. n, p. 86-96; Hurter, Nomenctei*, sapientia doctor!* angelici, res aliena ed a voluntate t. IV, col. 1110; lx* Bachelet, Bellarmin et te lubie tirlm cUmentine, Paris. 1911, p. 17-20. nodra, eadtmgue plena pcrlruli. Le 8 septembre 1899, P. Bernard, U publie son encyclique pour l'éducation du clergé 1. FREYBERGER André, con trover isle nlkmand. Français : < Est-il besoin, écrit-il, d’ajouter que le né A Olbersdorf, en Silésie, en 1670, admis dans la Com­ livre par excellence, où les élèves pourront étudier pagnie de Jésus en 1695, professeur nu collège Saintivcc plus de profit la théologie scolastique, est la Somme Clément A Prague où d fut pendant 38 ans archiviMe. thénloqique de saint Thomas d’Aquin 7 Nous voulons 11 mourut dans Cette ville le 31 mars 1738. On a de donc que les professeurs nient soin d'expliquer à lui les ouvrages suivants . I· Alt- und neue Irr-Geider tous leurs élèves la méthode, ainsi que les principaux Lvelche Johann Gunther, lulheranischer Predicant in articles relatifs à U fol catholique. » Isipzig, in seiner Vindicatica... ausgehen lassen, Enfin Pie X, le 23 janvier 1904, renouvelle les Dresde, 1714; 2ft Glaubcnstuag nach der Htchlschnur prescriptions de Léon XIII : Ad nos quod allinet, des heil. Wort Gotte* gerlchtel mil wclcher die kalhoquando pontificalm noder incidit in tempora traditura tlsche lleligion gegen der luthrrischen geItalien und patri bu* sapient hr inimica fortasse magis quam cruuexen tvird, Prague, 1707; 3° Wucher Calcchismm, unquam anlea, omnino oportere ducimus, ut qurr deces­ id est, instructio Christiana quam facile t hri*tiamn per sor illustris de cultu philosophia doctrinurque thomidlcontractum usurarium el femerationem pccuntie.,,, pali cce conJIIuisset, ea religiosissime servanda, atque etiam possit, Prague, 1731; 4° Scripta conlroucrslstica cum In spem uter iorum fructuum provehenda curemus... D. Joan Gunthero, ibid., 1733; 5® Opusculum Pulris Qurr tnmen cohortatio non ad hos tantummodo spectet, Ant. Natalis de indulgentiis, Prague. sed perlinent, uti debet, ad omnes, quicumque in catho­ licis orbis terrarum scholis philosophiam (radunt; Sommerv«>qrI, Bihltelhtqiir tte la dr Jésus, t. m nimirum curtr habeant a via et ratione Aquinatis nun­ rol. Hurler, Nomrnetetee, 1910, t. iv, col. 1045; Mlgnr, quam discedere, in eamdemqiie quotidie studiosius tJlcUofinulrc drt conversions, col. 302. mdstant. M 6 mai 1907,11 écrit nu cardinal F>ÎL RlP. Bernard. <·' nfd, archevêque de Paris De philosophia petimus 2. FREYBERGER Udalrlo,théologien allemand,né u nobis ne unquam pallamini In seminariis ne.dris A FIkm n le K octobre. 1617, mort a Sulzbourglc 22 mars 1680 Religieux bénédictin de Piibbnyt de Saintminus sancte oterrvuri qutr providentissime, litteris Pierre de Sulzbouig, il profess.i a l’université de cette encyti leis Jjerni Pulri.t, decessor novice priscepit. Per­ DK FREYBERGEK — FROIDMONT &26 ville la philosophie, h théologie morale et 1* Écriture « admirateurs, lui succéda, le 28 Janvier 1637, dans w sainte On a de lui : Eoglca in pugno exposita pugrue, | chaire d'Îxr-ture sainte. (7rrt vrn la même époque ln-4·. Salzbourg, IGM; bitputnllo de motis, ln-4·, qu'il fut nommé président du d^Crien* -)donrk. Sal/txjurg, 1645; be ccr.fo, In· 1% Salzbourg, 1645; I n 1G38, les tufTragei de ses enIMfpMs de I g Ik ortu el interitu, in-1·. Salzbourg, 1645; be anima le portèrent aux honneurs du rertnr.d, ddp \A nul In genere el specie, In-1·. S.ilzinnirg, 1645; be obliga­ n’était alors que t*me%triefie. l/annéa sn.v»nt*% Il tione legum In /oro can»cienll/K,in 4", Salzbourg, 1654. devenait, pour U rester jusqu A sa mort, doven ele U collégiale de Saint-Pierrè, A IxMivi^n, M. par consé­ |l)om I7mnç4>li|. bibliothèque générale dee écrivains de quent, vlce-rti «nezlier d* l'université. Enfin, en 1640, f ordre de S Hennit, t. I, p. 34'». le prince-évéquo de IJége, Ferdinand de Bamere, kfi B, Flammam confia la direction do collège ou · S* n rv· rr llêgmM », FREYTAG Fmnçol·, controv* r rtc alk mand, né (zwnmc on peut le devin * d'sprK ente r enrlaù Paderborn, entré dans la Compagnie dr J Hui en turc, ton ad » vi I é dut dépasser et dépares effectivement 1676, mourut A Osnabrück le 26 mari 1767. On a de lui : 1· Λnnu» aureus tint de aurea char Halls et inten­ de beaucoup w>n rôle mseignzriL Π ti / unit te 28 oc­ tobre 1653, date bientôt consignée pa b i entre·, potionis methodo tractatu», Osnabrück, 1700; 2· Rrevts Instructio eatMua de conlrooersils fidel, Ibid., 1701; rains dans ce chronogramme : Sol Aeadtnda obi if Π fut Inhumé dans le chcrur de ΓΙ; r»*e do 5a pe fonurês, m dt/cmuo domus laurelansr. contra M. Joannem Gcrardum léguant une bourse d’étndes de six mille florin* su Meusehen, ibid,, 1705. • Grand collège des théologie ns » et deux autres au SommeTVOgr), Hibllothfoiie de la C1· de Jésus, t. rn eoL 975; Hurter, Nomencbdor, 1910, t. it, col. 710. • Collège du pape Adrien VI ». Lkbert Frotdmon e»t surtout connu comme théo­ P. Bernard. logien et comme exégète; mais ses t dents, autant que FRIDRICH Melchior, canon Mr allemand, né A wn savoir et ses goûts, fta/ent très d vers. Ils tu va­ Landsberg en 1654. reçu dans la Compagnie de Jésus lurent, de son vivant, une répaUt on précoce. Il êcrien 1671, professa le droit canonique dans h-» univer­ sités de Dillingen et d'Ingolstadt. Il mourut dans ! vall et parlait Je latin avec une Goûté et une élo gance peu communes et il a laissé des comment· res cette ville Je 2M juillet 1709. I) a publié les ouvrages estimés sur plusieurs œuvres de Sénèque II pore dût suivants: 1· Tractatus de consanguinitate, Au gs bourg, h connalAwnce du grec et de I hébreu au point de 1698; 2° Emptlo et nendilio ad legem Del et humanam tirer de ΙΛ un excellent parti pour tes travaux d’exé­ formata, Dillingen, 1700; 3· Quiestinnés canonlese de gèse. Et ce qui étonner » peut-être davantage, il y avait decimis, quibus universum /ils decimandi qua Ecclesiis, en lui un mathématioen cl un physicien qtu surent ** qua laicis competens, et Immunitas ab iisdem scdœndls faire apprécier de Dese.»rt« celui-ci non seulement ex jure tum communi, tum consuetudinario, tum ellam prêta grande attention aux obj»vtion% de Frotdmofrt llavarh» statutis, el concordatis explicatur, Ingolstadt, contre certaines propos»t » Ses ser­ mons, qui valent mieux pour le fond que pour la forme, ont été publiés pour la première fois cn 16S8, cn 3 in-8· ct souvent réimprimés. Lahargou, Messine J.-L. Fromentières, Paris, 1892; De­ geri. Histoire des évêques iTAire, Paris, 1908. A. Ingold. FRONTON DU DUC, Jésuite français» né A Bor­ deaux cn 1558, entra au noviciat de Verdun le 12 oc­ tobre 1577. Dès 1578, il enseigna la rhétorique, puis, ses études achevées, la théologie, A Pont-ft-Mousson, à Bordeaux ct au collège dc Clermont à Pans, où il fut nommé bibliothécaire en 1604. De très bonne heure il s’était attaché A l’étude des textes patristiques ct avait aussitôt reconnu la nécessité dc donner un< édition critique des Pères. A vingt-cinq ans. il publiait les opuscules de saint Jean Chrysostome : S. Joannis Chrysostomi opuscula, gr&ce et latine, Ingolstadt, 1583. Tout cn achevant ses éludes de théologie, il prépare les matériaux des grandes éditions déjà projetées. Quatre discours dc saint Jean Chrysos to me paraissent cn 1595 A Ingolstadt, avec la traduction latine : D. Joannis Chrysostomi orationes quatuor. L Quod nemo lædatur nisi a seipso. IL De precatione. HL Ad­ versus ebrietatem et in resurrectionem Domini. IV. In baptismum Domini, ibid., 1595. L’évêque de Ton). Christophe de la Vallée, ayant confié au P. Fronton du Duc la recension, pour une édition nouvelle, du bréviaire de son diocèse» le savant éditeur, aidé du P. Toussaint Roussel, s’acquitta de sa tâche avec une maîtrise qui mit en relief sa merveilleuse entente des textes et son incomparable érudition. En même temps, il révisait les manuscrits dc Maldonat ct publiait ses commentaires sur les Évangiles. La même année paraissaient plusieurs opuscules inédits de Grégoire de Nysse découverts dans la bibliothèque du duc Guillaume dc Bavière : I). Gregorit Nyssent opuscula nonnulla nunc primum in lucem edita, Ingolstadt, 1596; nouv. édit on 1599. Pour l’édition des œuvres dc saint Irénéc par Feuardent, Fronton du Duc écrit dc savantes notes sur le L Ier des hérésies, reproduites également duns l’édition de R. Massuet, VL - 30 931 FRONTON DU DUC 1710, et dans la P. G., de Migne, t vit, d’après l’édition de 1710. Attentif aux polémiques suscitées par les prot stanh. »1 répond nu Livre de l'institution, usage e! doctrine du S. Sacrement de l'eucharistie en ΓÉglise ancienne, de Philippe de Mornay, par plusieurs ouvrages dont le succès souleva des colères parmi les hérétiques au moment même où Henri IV signait l’édit de Nantes: Inventaire des faillies,contradictions, faulses allégations du sieur du Plessis, remarquées en son livre de la sainte eucharistie, Bordeaux, 1598; 2· édit., 1599; Second tome de l'inventaire des faillies, calomnies et faulses allégations du capitaine du Plessis, ibid., 1601; Réfutation de la prétendue vérification et réponse du Plessis à Γ Inventaire de ses fautles, ibid., 1602. La polémique ne le détournait point de ses travaux de prédilection, et les éditions par­ tielles de saint Jean Chrysostome, de saint Jean Damascène et de saint Grégoire de Nyssc. illustrées de commentaires érudits, sc poursuivaient activement : S. Joannis Chrysostomi tractatus XV 11 de sanctis apo­ stolis, martyribus el patriarchis dicti, grtcce et latine, Bordeaux, 1601 ; S. P. N.Joannis Chrysostomi Ad po­ pulum Antiochenum adversus Judicns... homiliæ Lix vu, nunc primum gncce et latine confunctim édita:, Paris, 1602; l’édition était faite aux frais du trésor royal, d’après les manuscrits de la bibliothèque d’Henri IV avec indication scrupuleuse de toutes les variantes; Nolæ in opera S. Bas ilH Magni, dans l’édition latine des Opera, Paris, 1603; S. Joannis Damasceni opera, Paris, 1603. L’édition des œuvres de Grégoire de Nyssc, Paris, 1605, fut également enrichie de notes critiques ou historiques par le P. Fronton du Duc, de même que l’édition de Cologne, 1617, et celle de Paris, 1638, la plus remarquable de toutes. Celle-ci contient du P. du Duc : De vita Mosis, t. i, p. 162-256; Contra Apollinarem, t. ni, p. 261 sq.; Varia, t. ni, p. 8-36, 45-71; cf. P. G., t. xuv, col. 297-430, 1327-1346; I. xlvi, col. 541-554; et pour les notes,t. xlix,co1. 107144; t. xlv, col. 1335-1354. Une édition spéciale de V Oratio calechetica, en collaboration avec Krablnger, parut en 1635 à Munich, d’après les mss. de cette ville. Tout en collaborant à l’édition latine des œuvres de saint Alhnnasc, Paris, 1608, et de saint Jérôme, Paris, 1609, 1623, cf. Acta eruditor Lips., 1684, p. 343 sq., Frontcn du Duc poursuivait active­ ment la publication des œuvres de saint Jean Chry­ sostome jusque-là fort incomplètes et d’une lecture ditllcile : ce fut son grand titre de gloire. Successive­ ment parurent quelques traités ou discours isolés : Tractatus panegyrici III, Ingolstadt, 1605, avec deux discours de saint Basile sur le jeûne; Tractatuum decas de divtrsis Novi Testamenti notis, Bordeaux, 1604; De negatione Petri et de cruce, Paris, 1606; Laudatio sanctorum omnium qui martyrium toto terrarum orbe sunt passi, Paris, 1604. Une édition complète et critique des œuvres du grand docteur était réclamée Instamment par tous les érudits de l’époque : immense entreprise qui ne dépassa point les forces du P. Fronton du Duc, mais que les imprimeurs eurent bien de la peine à mener à terme. Elle commença à parattic en 1609 sous ce titre : S. Joannis Chrysostomi opera omnia nunc primum grirce et latine editu. Pronto Ducus variantes tectiones ex ilSS, codicibus erutas se­ legit, veterem interpretationem editarum olim Romilia­ rum recensuit, alianun novam addidit, utramque nolis illustravit, Paris, 1609. L'édition du P. Fronton du Duc se compose de 12 in-fol. Les deux premiers volumes, imprimés par Claude Morel, ont paru en 1609; mais plus tard leur date fut changée en celle de 1614, année de la publication des deux volâmes suivants, dont l'un, les Homilia in Genesim, sortait des presses d'Antoine Eslienne. Cet imprimeur fit P32 paraître le v· vol. en 1616 et, en 1621, s’étant associé Sébastien Cramoisy, il mit aux cinq volumes déjà publiés de nouveaux titres portant cette dernière date, et la marque des deux associés, marque encore adoptée pour le νι· vol., daté de 1624. Us six derniers volumes, d’un format un peu plus grand, ont paru ensemble chez O. Morel, qui, en 1636, de concert avec Scb. Cramoisy, donna une réimpression, sinon totale, du moins partielle des six premiers. Ainsi s’explique une énigme bibliographique qui a longtemps intrigué la curiosité des chercheurs. Fronton du Duc corrigea en outre la traduction latine de l’ouvrage de Jtan Zonara : In canones SS. apostolorum et saertr, concilior, commentarii, réédité à Pans, en 1612. 11 publia en 1613 une édition purement latine des œuvres de saint Jean Chrysostome, dont soixante-six lettres el plus de cent discours ou homélies avaient été traduites entièrement par lui. Par lui encore furent commentées les œuvres de Clément d'Alexandrie : Κ)ηιΜντος ά'/ιξανδρέως τα κύρισκόμίνα, Paris, 1629. 11 édita les œuvres de saint Basile : Sancti Palris nodrl Basilii Magni... Opera omnia qua: reperiri potuerunt, Paris, 1618, d’après les mss. de la bibliothèque royale. On doit encore à Fronton du Duc les éditions critiqua ou des commentaires des ouvrages suivants : Theodori Balsamonis expositio in canones, Paris, 1618; Notre ad Metaphrasim S. Gregorii Thaumaturgi in Ecclesia· sien, dans l’édition de Vossius, Pans, 1621, 1626 et 1632; Divi Pauli ni episcopi Nolani opera, Anvers, 1612; Notre in Athenagoram, dans V Auctarium Biblio­ theca Patrum, Paris, 1624, t. i, p. 50 sq.; Biblio­ thecae veterum Patrum seu scriptorum ecclesiasticorum, Paris, 1624; ces deux volumes connus sous le nom d'Auctarium Ducirnum comprenaient les textes grecs inédits en regard de leur traduction latine et Servaient de supplément à la Bibliotheca veterum Patrum de Margarin de la Bigno, Paris, 1624; Nicephori Callistt Xantopull ecclestasticie historia·, libri XV111, texte grec et traduction latine de Jean Lange, Paris, 1630; Gregorii papæ II epistola: duæ de sacris imaginibus ad Leonem Isauricum, dans le tome des Annales du card. Baronius, an. 726, n. 28, et dans le t. vu des Concilia du P. Labbe, col. 7. La Bibliotheca Patrum contient un nombre très considérable de publications et de commentaires du P. Fronton du Duc : Ænel Gazai Theophrastus, sive de animarum immortalitate et corporum resurrectione, L π, p. 293; Agapetl Diaconi expositio capitum admonitorium ad Justi­ nianum imperatorem, ibid., p. 363. On en trouvera Ia liste complète dans Sommcrvogel, Bibliothèque de la C· de Jésus, t. ni, col. 245-247. Le P. Fronton du Duc mourut à Paris le 25 septembre 1624, avant d’avoir pu achever son édition de la Bible des Septante, qu’il considérait comme son œuvre capitale. Le P. Étienne Souci et écrivait le 19 septembre 1712 au P. de Vilry : • Le P. du Duc avait dessein de corriger l’ancienne version italique que Sixte V fit rétablir et imprimer à Rome en 1588. Nous avons dans notre bibliothèque du collège de Louis-le-Grand l’exemplaire de celte édition de Sixte toute corrigée de sa main. L'ouvrage était corrigé ou peu s’en fallait. Apparemment la mort l’empêcha de le mettre au jour. Nous avons encore un exemplaire de la version des Septante de l'édition de Francfort corrigé de la main du P. Fronton. » Ia? plan de ce vaste travail avait été tracé dès 1621 et il est exposé en détail dans une lettre du P. Sirmond à TengnagcL Sommervogel, Bibliothèque de la C1· de Jésus, t. ΤΠ, col. 233-249: Mercure français, t. x. p 783·. Bnlllrt. Jugements sur les grammairiens, n. 409. 009: Dupin Bibliothèque des auteurs ecclès. du xnn· siècle, t i; Richard Simon. Lett rts choisies, Amsterdam, 1700. lettre ix; Blount, Censura celebriorum auctorum, p. 643; P. Lambccius. Comment, de 033 FRONTON DU DUC — FRUITS DE LA MESSE bibliotheca Cies. Vitidob., I. I, addit. 4; Ant. de Lantenay, M/hinprs dr biographie tl tf histoire, Cordeaux, IHAj; lUt'iie catholique dr Bordeaux, 1884* p. 301-7; Hurter, .No­ menclator, t. in, col. 222. P. Bernard. 1. FRUITS DE LA MESSE. — 1. En eux-mêmes. 11. Leur application. I. En eux-mi-.mes. — 1° Quels sont-ils? — Les effets du sacrifice de la messe cl les preuves de leur existence seront étudiés à l’art. Messe. Il ne s’agit ici que de ses fruits. Or une nuance seule sépare la notion des elTets et celle des fruits de la messe. Tandis que, sous le nom d’effets, on comprend tous les biens que pro­ duit le saint sacrifice, soit ù l’égard de Dieu, soit â l'égard des hommes, â savoir, scion l’énumération or­ dinaire, l'adoration et l’action de grâces, la propitia­ tion et l’impétration, on restreint le nom de fruits aux avantages qu'en retirent les hommes. Fructus sunt bona quæ intuitu sacrificii Deus confert. S. Liguori, Theologia moralis, 1. VI, tr. Ill, c. m, dub. i, n. 312, Home, 1909, t. in, p. 291. Nous n’avons donc pas à prouver leur existence, mais seulement à exposer la doctrine de l’Église en ce qui les concerne. Cette doctrine est admirablement résumée par le concile de Trente, sess. xxn, c. n, DenzingerBannwart, n. 940 : « Et parce que, dans ce divin sacrifice qui s'accomplit à la messe, le même Christ est contenu et immolé d’une manière non sanglante qui s’est offert lui-même une fois d’une manière san­ glante sur l’autel de la croix, le saint concile enseigne que ce sacrifice est vraiment propitiatoire et que, par lui, si nous allons à Dieu avec sincérité de cœur et rectitude de foi, avec crainte cl respect, avec contri­ tion et pénitence, nous obtenons miséricorde et nous trouvons grâce pour être secourus en temps opportun. Dieu, apaisé par l'offrande de ce sacrifice, nous par­ donne nos crimes et nos péchés même énormes, en nous accordant la grâce et le don du repentir... Les fruits du sacrifice sanglant de la croix, le sacrifice non sanglant de la messe nous les fait recueillir avec la plus grande abondance... C’est pourquoi, comme l’en­ seigne la tradition des apôtres, on a raison de i'otlrir non seulement pour les péchés, les peines, les satisfac­ tions et les autres besoins des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts dans le Christ et qui ne sont pas encore pleinement purifiés. » Cf. can. 3, Dcnzingcr-Bannwnrt, n. 950. Un seul mot résuma donc pour le concile les fruits du sacrifice de la messe : il est un sacrifice propitiahire, c’cst-à-dirc, comme l’explique le cardinal Billot, De Ecclesiæ sacramentis, th. lv, Home, 1896, t. i, p. 582, il a la vertu d'apaiser Dieu offensé et, comme conséquence, d'obtenir de lui des bienfaits de toute sorte. C’est ce qu’expriment en d'autres termes la plupart des théologiens lorsqu'ils divisent les fruits de la messe en fruits de propitiation cl fruits d'impé­ tration; ainsi de Lugo, Tractatus de venerabili eucha­ ristie sacramento, disp. XIX, sect, ix, n. 140, dans Migne, Theologiæ cursus completus, t.xxm. col. 759 sq.; Franzelin, Tractatus de SS. eucharistie sacramento et sacrificio, th. xn, χιπ. Borne, 1887, p. 364 sq. Mais aussi le concile analyse 1rs divers fruits do propitiation que produit la messe. On l’offre, dit-il, pro peccatis, poenis, satisfactionibus et aliis necessita­ tibus. — Fro peccatis. — La messe c fin ce les péchés, même les plus énormes, non pas sans doute ù In ma­ nière d’un sacrement de pardon, mais en appelant les grâces de repentir ur qui 11 est offert en quelque façon, comme seuls bénéficient de la prière ceux pour qui l’on prie. Et de même qu’il y a des degrés dans l’intention de celui qui offre, il y aura des degrés dans la partici­ pation. Toute messe est dite d’abord dans l'intention très générale d’attirer les grâces de Dieu sur l’Église en­ tière, celle de la terre et celle du purgatoire, puisque celle du ciel n’a plus besoin de nos suffrages. Le prêtre formule cette intention, lorsqu’il prie pro Eccle· 930 sia sancta catholica, ct il étend sa prière à l’Église souffrante, lorsqu'au Memento des morts 1] demande à Dieu le ciel · pour tous ceux qui reposent dans le Christ. » Cette application générale des fruits de la messe sc ferait même ai dehors de toute intention du célébrant, car le sacrifice est avant tout celui de l’Églisc; c'est par elle ct pour elle qu’il est offert, pour la société et pour chacun de scs membres. Chaque messe est donc une source de grâces ct un continuel appel à la miséricorde de Dieu pour tous les fidèles vivants et défunts. Quoties hujus hostiæ commemoratio celebratur, opus nostræ redemptionis exercetur, lisonsnous dans la secrète du ix® dimanche après la Pente­ côte. Parmi les fidèles vivants, il y en a qui coopèrent plus directement à la messe, soit parce qu’ils y assistent et qu’ils l’offrent avec le prêtre, soit parce qu’elle est célébrée en leur nom. Ayant plus de part au sacrifice, ils ont plus de part à scs fruits. Le prêtre exprime cette intention quand, au Memento des vivants, il prie Dieu de se souvenir omnium circumstantium... pro quibus tibi offerimus vel qui tibi offerunt hoc sacri· fictum laudis. Mais, de tous ceux qui agissent dans le saint sacri­ fice, le prêtre a le rôle principal; c'est lui qui s’unit de plus près au Christ prêtre ct victime; c'est lui qui offre vraiment, ct c’est pour lui surtout qu’il offre. Il doit, selon saint Paul, sacrifier pour lui avant de sacrifier pour les autres, prius pro suis delictis hostias ojferre, deinde pro populi. I Icb., vu, 27. Le prêtre aura donc toujours une part importante dans les fruits de la messe qu’il célèbre. Enfin une grande portion des fruits de la messe est laissée à la libre disposition du prêtre qui peut, en tant que ministre du sacrifice, l’appliquer à telle ou telle intention. De cette portion, le prêtre est telle­ ment le maître qu’à défaut d’intention de sa part, elle tomberait dans le trésor de l’Églisc, sans être immédiatement utilisée. Suarez, De sacramentis, part. I, disp. LXXIX, sect, xx, Venise, 1747, t. xvni, p. 828. Aussi est-il recommandé au prêtre d’avoir toujours une intention secondaire, afin de reporter sur quelque autre les fruits de la messe, si celui pour qui il célèbre est incapable d’en profiter. Ibid., sect, x, p. 832. Les fruits de la messe se divisait donc en un cer­ tain nombre de portions, appelées elles-mêmes fruits, dont Dieu seul connaît l’importance respective. Les théologiens ne s'accordent guère sur les dénomina­ tions à leur donner; ainsi la part qui revient aux assis­ tants est tantôt appelée fruit général, tantôt fruit spécial. Pour plus de clarté, on peut adopter la divi­ sion que suit Noldin, Summa theologiæ moralis, De sacramentis, n. 171, Inspruck, 1912, t. in, p. 196 sq.. ct distinguer quatre parts ou quatre sortes de fruits : le fruit général qui est pour toute l’Églisc, le fruit spécial, pour tous les assistants on coopérants, le fruit très spécial ou personnel, pour le prêtre, le fruit ministériel qui dépend de l’intention du célébrant. 4° Λ quel degré partielpe-t-on ά ccs fruits? — La messe en elle-même, tn actu primo, est un sacrifice d’une valeur infinie. Sans doute, Jésus, à l'état glo­ rieux, ne mérite plus; mais les mérites infinis de son sacrifice sanglant, sans cesse renouvelés par son im­ molation non sanglante, sont une source inépuisable de grâces qu’aucun besoin n'égale, qu’aucune demande ne trouve tarie, toujours surabondante, quel que soil le nombre de ceux qui y puisent ou la part de biens que chacun en recueille. Mais tn actu secundo, c'est-à-dire en considérant les fruits réellement recueillis de la messe, elle est limi­ tée. Elle peut l’être en intensité, si chacun de ceux qui y participent ne reçoit qu’une certaine quantité f I 937 FRUITS DE LA de grâce·, ne pale par elle qu'une portion limitée des peines qu’il doit; elle l’est en extension, si le nom­ bre des participants diminue la part de chacun. Que les fruits de la messe soient limités en Intensité, que, par conséquent, il puisse y avoir inégalité dans la quantité que chacun en reçoit, personne ne le nie. Aux grâces obtenues par la messe, chacun puise selon la part plus ou moins directe qu’il a à sa célébration, ct, ù égalité de part, selon scs capacités, c’est-à-dire selon ses dispositions. C’est le principe de saint Thomas : Quamvis luce obluiio ex sui quantitate sufficiat ad satisfaciendum pro omni pana, tamen pt satlsfacloria illis pro quibus offertur, vel etiam offerentibus, secun­ dum quantitatem sua devotionis et non pro tota pana. Sum. theol., III·, q. lxxix, a. 5. Cela est vrai de toutes les sortes de fruits; Je prêtre qui célèbre, ceux pour qui U célèbre, les assistants, les membres de l’Église retirent du fruit personnel, ministériel, spécial ou géné­ ral d’autant plus de grâces que leurs dispositions sont plus parfaites, leur fol plus vive, leur contrition plus intense. Les âmes du purgatoire elles-mêmes ne sont pas toutes aussi capables l’une que l’autre de bénéficier des messes dites pour elles; le fruit qu’elles en reçoivent peut varier, dit le cardinal Billot, soit d’après le degré plus ou moins grand de charité qu'elles possèdent, soit selon la mesure de la dévotion avec laquelle elles ont, durant leur vie, désiré que l’on célébrât des messes pour elles après leur mort. Op. cil., th. lvi, p. 596. Ainsi s’expliquent la pratique des fidèles de faire dire des messes multiples â la même intention et la faveur donnée par l'Église à cette cou­ tume. Ces fruits sont-ils de même limités en extension? Restent-ils les mêmes, quel que soit le nombre de ceux sur qui ils sc répandent, ou sc divisent-ils en fractions plus réduites si ce nombre est plus grand? Nous nous heurtons, ici surtout, au mystère de la volonté positive de Dieu; lorsque, en dehors de toute donnée révélée, on prétend scruter les secrets de la distribution des grâces, il n’y a place que pour des hypothèses plus ou moins satisfaisantes, jamais pour la certitude. Saint Alphonse de Liguori en offre un frappant exemple : après avoir, dans sa Théologie morale, soutenu comme plus probable l'opinion d'après laquelle les fruits de la messe seraient indéfinis en ex­ tension, il s'est implicitement rétracté dnns scs ou­ vrages postérieurs, ainsi que le remarque son savant éditeur ct commentateur, le P. Gaudé. Theologia mo­ ralis, η. 312, Rome, 1909, t. in, p. 293, note /. L’on s'accorde généralement à ne pas admettre de limites Λ l'extension des fruits que nous avons appelés général ct spécial; du fruit personnel, il ne saurait être question. Bien que le nombre des membres de l’Églisc s'accroisse de jour en jour, cliacun profite de chaque messe comme au temps où l’Église était plus restreinte; c’est une conséquence de l'inépuisable fécondité du saint sacrifice considéré in actu primo. Billot, op. cit., th. lvi, p. 599. Et d'autre part, pour la même raison, il serait déraisonnable de prétendre que les fruits de l'assistance â la messe se divisent d’après le nombre des assistants, qu’ils sont d'autant moins abondants que les assistants sont plus nom­ breux. Le P. Guvazzi, conventuel (f 1657), semble avoir été le seul à soutenir l'opinion contraire; il recommandait par conséquent d'assister, autant que possible, aux messes où peu de fidèles étalent pré­ sents, cf. Gihr, Les sacrements de ΓÉglise catholique, trad. Mazo ver, Paris, s. d., t. il, p. 375, note 2; c'était aller contre la croyance de l'Église qui loue et encou­ rage, au contraire, le concours du peuple aux messes solennelles. Ces deux sortes de fruits ne varient donc I de degré que selon les dispositions de ceux qui y parti- | clpcnt, ct non d'après leur nombre. MESSE 938 Pour le fruit ministériel, celui qui dépend de l'in­ tention du prêtre, il n’y a plus le même accord. Une messe dite pour plusieurs personnes est-elle aussi utile à chacune que le serait une messe dite spécialement pour elle? I/hypothèse la plus commune parmi les théologiens, si l'on excepte les casuist es du xvnt· siè­ cle, est que k fruit de la messe est proportionnellement d'autant plus grand que plus restreint est le nombre de ceux â qui on l'applique. Cette opinion est celle qui concorde le mieux, non seulement avec le senti­ ment commun des fidèles, mais aussi avec les déci­ sions de l'Église. Elle s'accorde avec le sentiment com­ mun des fidèles qui tiennent à ce que des messes soient dites spécialement pour eux ou pour leurs morts. Saint Thomas expose ainsi cet argument : Si ergo suf­ fragium pro multis factum tantum valeret singulis ac si pro uno tantum fieret, videtur quod Ecclesia non debuit instituisse ut pro aliquo singulariter missa vel oralio fieret, sed quod semper diceretur pro omnibus fide· hbus defunctis, quod palet esse falsum. In /V Sent., I. IV, dist. XLV, q. n, a. 4, sed contra. Elle est aussi plus en harmonie avec les règles pratiques édictées par l’Église. Celle-ci ne permet pas, en effet, au prêtre qui doit appliquer plusieurs messes de s'en acquitter par une seule où il réunirait plusieurs intentions. Ccttc pratique a été condamnée par Alexandre VII, le 24 septembre 1665 : 10. Non est contra justitiam pro pluribus sacrificiis stipendium accipere et sacri­ ficium unum offerre. Neque etiam est contra fidelitatem, etiamsi promittam, promissione etiam juramento fir­ mata, danti stipendium, quod pro nullo alio offeram. Dcnzingcr-Bannwart, n. 1110. Ce n'est pas, sans doute, une condamnation de l'opinion spéculative d'après laquelle les fruits de la messe seraient indéfinis en extension; c’est, du moins une condamnation de la pratique qui y serait conforme. Voir L i, col. 735. Comment alors expliquer cette participation res­ treinte aux fruits d’un sacrifice dont on proclame la valeur infinie? Faut-il avec un grand nombre de théologiens, recourir à une disposition arbitraire de Dieu qui aurait fixé pour chaque messe une cer­ taine quantité de fruits à partager entre tous ceux pour qui la messe est dite? Soto a donné â cette expli­ cation sa forme la plus nette en disant: Intentioni sacer­ dotis... respondet certus et taxatus gradus satisfactionis; et ideo quanto in plures illud distribuat, tanto singulis minus obvenit. In IV Sent., 1. IV, dlsL XIII. q. n, a. 1. cond. 2. Il semble préférable de ne pas intro­ duire cette rigueur mathématique dans la question toute morale de la distribution des grâces. La solu­ tion proposée par le cardinal Billot, |>our être moms précise, n’en est probablement que plus proche de la vérité. Il fait dépendre la part de ceux pour qui la messe est dite de deux facteurs, de leurs dispositions personnelles ct de la netteté avec laquelle le prêtre dirige vers eux son intention. A égalité de dispo­ sitions, on reçoit d'autant plus que la messe est plus nettement appliquée; et. A égalité d’application, d’autant plus que les dis|>ositlons sont meilleures. Or l'application se faisant par un acte unique de vo­ lonté, elle est évidemment d'autant plus nette qu'elle sc disperse sur moins de personnes; elle acquiert son degré suprême de netteté si elle est tout entière dirigée vers lo même objet; ct c’est alors aussi qu'étant plus nette, elle est plus efficace. Billot, op. cit. Ul lvi, p. 596, 599. II. Leur application. — 1° Sa légitimité et son effi­ cacité. — Une partie notable des fruits de la messe demeure entre les mains du prêtre; il lui est loisible de l’attribuer â qui il veut. Celte partie, nous l’avons désignée avec Noldln sous le nom de fruit ministériel ; d’autres l'appellent fruit moyen ou spécial. L’intention par laquelle le célébrant attribue cc fruit â une ou 939 FRUITS DE LA MESSE plusieurs personnes déterminées, c’est l'application de la messe. Sa légitimité et son efficacité sc basent sur cc principe rationnel que le prêtre, ministre du sacrifice eucharistique, peut avoir, cn l’offrant, telle intention qu’il lui plaît, pourvu que soient sauvegardées les in­ tentions supérieures voulues par Dieu ct par l’Égiise; elles sc basent encore sur le pouvoir formellement accordé au prêtre, au jour de son ordination, de dite la messe < tant pour les vivants que pour les morts; » elles sc basent surtout sur la volonté de Jésus-Christ, authentiquement interprétée par la pratique de l’Égiisc. Pourquoi, cn eflet, celle-ci permettrait-elle la coutume depuis longtemps générale chez les prêtres de dire la messe à une intention déterminée, si ccttc intention ne correspondait à aucune réalité? Pourquoi leur permettrait-elle, pour ccttc application, de recevoir des honoraires? Pourquoi, loin de les sup­ primer comme un abus, s’occuperait-elle avec tant de soin de les réglementer, si elle n'était sûre que l’application de la messe possède une véritable effi­ cacité.? Pourquoi surtout imposerait-elle à certains Jours ccttc application, comme elle le fait aux pas­ teurs d’âmes? Si l’application faite par le prêtre qui célèbre n’avait pour eflet d’attirer des grâces spéciales sur telle personne, d'oflrir à Dieu une satis­ faction cn faveur de telle âme du purgatoire, cette pra­ tique autorisée par l’Égiisc ne serait qu’une duperie. C’est cc que prétendirent les prêtres réunis nu synode de Pistole. Désireux de réformer l’Égiisc d’après leurs principes joséphistes ct jansénistes, voulant la ramener à cc qu’ils considéraient comme la simplicité des temps apostoliques, ils \ irent un abus dans la pratique des honoraires de messes, ct, pour supprimer l’abus, ils attaquèrent ce qui cn est le fondement, à savoir, la doctrine de l’application de la messe. Ils enseignèrent · que le prêtre ne peut appliquer les mérites du sacrifice à qui il veut; » que c’cst là « une offense aux droits de Dieu qui seul peut distribuer à qui il veut les fruits du sacrifice et selon la mesure qu’il lui plaît; · que, par consé­ quent, les fidèles sont dans l’erreur, qui croient • qu’en donnant un honoraire au prêtre pour qu’il célèbre une messe, ils reçoivent de ccttc messe un fruit spécial. ■ Cc fut pour l’Égiise l'occasion d’affir­ mer sa croyance cn justifiant sa conduite. Pic VI, par la bulle Auctorem fidei du 28 août 1794, prop. 30, condamna l’erreur du synode comme fausse, témé­ raire, pernicieuse, injurieuse à l’Égiise, conduisant à une erreur déjà condamnée dans Wiclcf. DcnzingcrBannwart, n. 1530. Cf. erreurs de Wlclcf condamnées au concile de Constance, prop. 19 ct 25, DcnzingcrBannwart, n. 599, 605. D’après la bulle, la messe · est plus utile à ceux à qui on l'applique, toutes choses égales d’ailleurs, qu’à tout autre; un fruit spécial ! leur est attribué par suite de l'application spéciale. » Il convient évidemment de tenir compte des élé­ ments moraux qui, nous l’avons dit, peuvent contra­ rier l'efficacité de la messe; la quantité des grâces accordées et surtout leur résultat dépendent des ' dispositions de ceux qui les reçoivent. 11 faut tenir compte plus encore de la volonté de Dieu qui, après tout, reste le maître de ses dons, malgré la puissance toute particulière de supplication que possède le saint sacrifice. La mesure des grâces ou des satlsf actions que produit une messe pour ceux à qui on l'applique demeure donc enveloppée de mystère. Niais une diosc est certaine, parce qu'elle est affirmée par l’Égiise, c’est que ipsa oblatio seu applicatio aeri fici i qine fit a sacerdote magis prodest, ceteris paribus, illis pro quibus applicatur, quam aliis qui­ busque. Bulle Auctorem fidei, toc. cit. Telle est l’efficacité de l'application de la messe: 9i0 elle dirige vers une ou plusieurs personnes détermi­ nées, vivantes ou défuntes, un fruit spécial ou minis­ tériel, peu importe le nom sous lequel on le désigne, c’est-à-dire celte portion des fruits de la messe qui reste à la libre disposition du prêtre. Cela seul est admis par l’Égiise. Le prêtre ne peut donc dé­ tourner de leur véritable destination les fruits que nous avons appelés général ou spécial, ceux qui de chaque messe se répandent sur chacun des fidèles ct spécialement sur les assistants ct les coopérants; leur application sc fait d'dle-même par la volonté de l’Égiise, supérieure à celle du célébrant. Peut-Il sc priver de son fruit personnel pour le donner à d’autres? La question, bien que très communément résolue dans le sens négatif, reste spéculativement douteuse. L'Église défend seulement au prêtre de per­ cevoir un honoraire our cette attribution dont la valeur est Incertaine; la proposition 8 condamnée par Alexandre VII, le 24 septembre 1665, était ainsi con­ çue : Duplicatum stipendium potest sacerdos pro ea­ dem missa licite accipere, applicando petenti partem etiam specialissimam fructus ipstmet celebranti correspondentem. Denzlngcr-Bannwart, n. 1108. Voir t. t, coi. 734 sq. 2° A qui peut être appliquée la messe? — Le principe est posé très clairement par Noldin, n. 175, p. 202 : « En général, on doit dire que le sacrifice de la messe peut être offert pour tous ceux qui sont capables d’en recevoir quelque fruit, à moins qu’il n'y ait une défense de l’Égiisc. > Et après avoir indiqué quels sont ceux qui ne peuvent profiter de la messe, à sa­ voir, les saints dans le ciel, les damnés dans l’enfer ct les cniants morts sans baptême, le même auteur ajoute qu’en dehors de ccs exceptions, tous, vivants ou défunts, peuvent recevoir les fruits du saint sacri­ fice; · donc pour tous, même pour les pécheurs, les enfants, les possédés, les hérétiques, les infidèles, on peut offrir et appliquer la messe, à mains d’une prohibition particulière de l’Égiisc. » Que tous, à part les exceptions Indiquées, puissent profiter des fruits de la messe, il suffit, pour nous cn convaincre, de nous rappeler ce que sont ces fruits. Aux âmes du purgatoire, la messe fournira une satis­ faction pour leurs peines, donc un soulagement ou la délivrance; aux âmes des Justes de la terre, elle sera encore une satisfaction pour leurs dettes ct cn même temps une source de grâces pour leur persévérance ct leur perfectionnement; ct aux âmes des pécheurs, chrétiens ou non, si la messe ne peut avoir pour elles d'effet satisfactoire, elle obtiendra de Dieu des grâces de conversion ct de pardon. 11 est évident d’autre part que la messe ne peut plus être d’aucune utilité aux ûmes dont le sort est défini­ tivement fixé pour l’éternité, aux élus, aux damnés, ou aux enfants morts sans baptême. Les fruits d’une messe dite pour elles, cn l’absence d’une intention secondaire formulée par le célébrant, ne pourraient que tomber dans le trésor de l’Égiise. Il faut donc étudier si, par des prohibitions posi­ tives, l’Égiisc n’a pas défendu d’appliquer la messe à des âmes auxquelles, par elle-même, la messe pourrait être utile. Les textes dont nous nous servi­ rons sont intégralement cités dans VAmi du clergé, 5 novembre 1908, p. 1033 sq.; les principaux sont uti­ lisés par la plupart des moralistes. 1. Messes appliquées aux vivants. — L’Église per­ met d'appliquer la messe aux intentions des infidèles vivants, · pourvu qu'il n’y ait pas de scandale, que l’on n’ajoute rien de spécial à la messe ct que certai­ nement l’intention de l'infidèle a raison de ccttc différence de traitement pa­ rait être, d’après Noldin, n. 176, p. 203, la volonté de l’Égiisc de souligner davantage la distance qui la sé­ pare de l'hérésie ou du schisme, ct d’éviter que sa faci­ lité à prier pour les hérétiques ne puisse être exploitée en faveur de l'iiidinércntisine· On pourrait cependant dire la messe pour des princes hérétiques, si Ton avait cn vue, non leurs intentions personnelles, mais la prospérité de leur régne ct de leur État. L'Église exclut également des fruits de la messe ceux qui sont excommuniés nommément; cette excommunication a pour eflet de priver celui qui en est frappé des suffrages communs; le prêtre, agissant comme personne privée, peut bien prier pour eux, même â la messe; mais il n’a pas le droit ni le pouvoir de leur appliquer les fruits du saint sacrifice. Quant aux excommuniés tolérés, la question a été discutée; elle semble devoir être résolue dans le sens le plus bénin. Cf. S. Liguori, Theologia moralis, η. 309, ρ. 288; Gennari, Consultations de morale..., part. I, cons. cxxxm, trad. Boudinhon, Paris, s. d., t. n, p. 428 sq. 2. Messes appliquées aux défunts.— L’Église interdit d’appliquer la messe aux âmes des infidèles ou des hérétiques morts dans l’infidélité ou l’hérésie. Pour les infidèles, la question a été tranchée par une réponse donnée, le 12 septembre 1645, par la Propagande après consultation du Saint-Office, à une demande des missionnaires de Chine. On demandait si des chrétiens chinois pouvaient faire dire des messes pour leurs parents morts dans le paganisme; la réponse fut la suivante : si ocre in infidelitate dece­ dunt, omnino non licere. Collectanea, η. 866, p. 313. La défense est tout aussi formelle pour cc qui con­ cerne les hérétiques. Le 9 juillet 1842, le pape Gré­ goire XVI interdisait â l'abbé de Scheyern, cn Bavière, d'accepter une fondation qui l’obligeait Λ célébrer une messe pour la reine hérétique; ct il donnait la raison suivante : Nec enim permittere possumus ut ullo modo /raus fiat prohibitioni illi qua: in catholica ipsa do­ ctrina innititur, de sacro funere pro defundis acatholicis non celebrando. Bucccroni, Enchiridion morale. Home, 1905, p. 55 sq. Lc 7 avril 1875, le Saint-Office cut l’occasion de préciser davantage la discipline en condamnant même les messes que l’on n’annoncerait pas ct pour lesquelles il n’y aurait par conséquent aucun scandale Λ craindre. On demandait : 1. An liceat missam offerre pro Ulis qui in manifesta herrest moriuntur, présenttm quando hujusmodi applicatio nola esset. 2. An liceat etiam in casu quo hujusmodi applicatio missae tantum sacerdoti et illi qui dat elee­ mosynam nota esset. Lc Saint-Office répondit nux deux questions : Negative. Collectanea, η. 891, p. 321. Quelques théologiens ont cru cependant pouvoir échapper à la rigueur de ccs réponses si précises. Dans le cas où l'on aurait de sérieuses raisons de croire que le défunt était de bonne foi et qu’il est mort dans la grâce de Dieu, ils enseignent comme pro­ bable que l’on pourrait offrir pour lui le saint sacri­ fice. mais sans l'annoncer pour éviter le scandale, sans même prononcer le nom du défunt dans les oraisons afin de ne pas prier publiquement pour un 042 hérétique ou un infidèle; ainsi Marc, Institutiones morales alphonsiamr, n. 1691, Home, 1893, t. ff, p. 137; Ldimkuhl. Theologia moralis, 1. Π, η. 176, Fiibourg-cn-Brisgau, 1898. L π, p. 131; Génicot, Theologia morulis institutiones, I. II, n. 221, Louvain, 1902, t. n, p. 230. U semble difficile de concilier ccttc opinion avec la netteté des réponses de Rome que nous avons citées. Une décision signifiée à l'évêque d'Augsbourg par Grégoire XVI, lettre Officium perlibenter du 16 février 1842, parait s’y opposer plus fuimcllcment encore : le pape y déclare que la bonne fol supposée ne suffit pas pour contrevenir à la règle de l’Égiise ct pour autoriser à dire une messe pour une personne morte dans l'hérésie» **ar, dit-il, secretiora hac diviiur gratia mtjderia ad exter­ num Ecclesia judicium minime perlinent, il ne reste­ rait donc» cn pratique, qu’à adopter la solution pro­ posée par Mure dans scs éditions postérieures à 1906; on dirait une messe à l’intention des âmes du purga­ toire cn général, cn priant Dieu de la faire servir à l'âme du défunt en particulier, si c'est possible. Cf. Ami du clergé, 5 novembre 1906» p. 1036. 3° A qui doit-on appliquer la messe? — En principe» le prêtre est libre d’appliquer à qui 11 veut le fruit ministériel de la mcs b ad 2-. Ce texte 0i6 ne sc trouve pas tel quel dans saint Ambroise, mais, comme le dit une note marginale de Nicolai. c est le résumé d’un passage du De paradiso, c. xm, P. L.. L xîv, col. 307. Cf. S. Augustin, Epist. ad Gal., n. 49, P. L., t. xxxiv, col. 2141. Quoi qu’il en soit, l’appli­ cation aux fruits de l’Esprit va de sol, si tant est, comme le dit Aristote, qu'une délectation soit annexée à toute opération procédant d’une vertu perfection­ nant la nature. III Ethicae, ni, vn. Cf. S. Thomas, In IV Sent., loc. cit. Conformément à os notions, nous dirons donc avec saint Thomas que les actes humains peuvent être regardés comme des fruits de l'homme, fruits de sa raison, s’ils procèdent de ses facultés na­ turelles, fruits du Saint-Esprit, s’ils procèdent de l’homme, sous l’influence du Saint-Esprit, laquelle est en nous, selon saint Jean, I Joa., ni, 9, comme une se­ mence divine. Sum. theol., 11*11·, q. lxx, a. 1. Π nous semble, quoi qu’en pense l’abbé de Bellevue, op. dL, p. 217, que la signification des fruits de l’Espnt suggérée par cette nouvelle analyse de l’analogie pauliniennc ne dépasse pas les termes du texte et qu’elle e plicite bien la véritable pensée de l’apôtre. On ob ccte que, s’il en est ainsi, les bonnes œuvres faites sans plaisir ne seront plus des fruits de l’Esprit, ce qui semble assez paradoxal· Mais c’est là compren­ dre bien matériellement le procédé analogique. Une analogie ne sc transporte pas en nature, mais se trans­ pose. Comme le fruit produit fa délectation sensible, le fruit de l’Esprit produit la satisfaction spirituelle, voilà l’analogie. Cette joie spirituelle est toute de con­ science, propter honestatem quam continet deledabile in virluosis. Sum. theol., loc. cit., ad 2»x. Elle ne fait jamais défaut, étant la propriété même de l’action ver­ tueuse. La patience et la longanimité, par exemple, ne sc développent qu’en présence de choses affligeantes, videntur in rebus contristantibus esse; mais n’est-ce pas déjà une satisfaction pour l’espnt que de ne pas se sentir troublé, de garder son calme rationnel ou surna­ turel, au milieu même des afflictions? S. Thomas, loc. cit., a. 3, ad 3»·. Faut-il pousser davantage encore l’analogie et,dans la définition du fruit:id quod est ultimum delectationem habens, insister sur le caractère de développement suprême, ultimum, du germe primitif? Nous pensons qu’lci on quitterait le sens obvie du texte pour tomber dans les spéculations systématiques de saint Augustin ct de saint Thomas sur la fruition. Voir plus loin. 5° Mais, que signifie exactement le mot : Esprit, dans l’expression : fruit de Γ Esprit! L’ensemble du contexte manifeste qu’il s’agit, non de l’espnt naturel de l’homme, mais de l’Esprit divin. L’esprit humain, comme tel, en eflet, n’est pas avec la chair dans un antagonisme aussi direct, aussi radical que celui qui est décrit dans cc passage. Mais, cela accordé, il reste à savoir si le mot Esprit désigne in redo l’Esprit sancti­ ficateur lui-même, la personne du Saint-Esprit, ou simplement l’âme sanctifiée et sanctifiée par lui. Cf. Prit, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t. n. p. 110. Saint Jean Chrysostome se prononce pour la se onde alternative. In Epist. ad Gal., v, 22, P. G., t. lxi, col. 673-674. C’cst aussi l’opinion de saint l’hoinas, puisque, pour lui, les fruits du Saint-Esprit sont des actes humains émis par l’homme lui-même, sous l’influence du Saint-Esprit. Et cette manière de voir s’accorde bien avec le caractère de produit naturel, qu’avec saint Thomas et Swete nous avons reconnu appartenir à l’expression : fruit. 6° Y a-t-il un ordre intentionnellement voulu dans la liste dos fruits de l’Esprit drossée par raint Paul? Ccttc liste, sans doute, n’est pas absolument close comme énumération; peut-être cependant fournit-elle des lignes générales assez significatives pour enserrer l’ensemble de la vie spirituelle. 11 nous semble qu’il en 947 FRUITS DU SAINT-ESPRIT est ainsi, ct nous en trouvons In preuve dans cc fait que des exégètes aussi peu apparentés que saint Tho­ mas, qui compte d’ailleurs douze fruits, et Swo te, qui en compte neuf, sont arrivés dans leur essai de classi­ fication à des résultats sensiblement concordants. Selon saint Thomas, le Saint-Esprit tend à ordonner l’homme : 1. dans son intérieur; 2. en regard de ce qui lui est juxtaposé; 3. en regard de ce qui est au-des­ sous dc lui. La charité, kr Joie, la paix, la patience ct la longanimité caractérisent le premier œuvre; la bonté, la bénignité, la mansuétude, la fidélité carac­ térisent le second; la modestie, la continence ct la chasteté, le troisième. Swctc fait des neuf fruits une simple division tripartite : 1° fruits concernant la vie intime avec Dieu : charité, Joie, paix; 2e fruits qui regardent nos rapports avec nos semblables : patience, bénignité, bonté; 3° fruits qui règlent les actes exté­ rieurs, paroles, maintien : fidélité, modestie, conti­ nence. On le voit, la coïncidence est trop accusée pour être le résultat du hasard. 7° Une monographie complète dc chacun des fruits de l’Esprit présente plus de difficultés. Saint Jérôme l’a tentée. In Episl. ad Gai., P. L·, t. xxvi, col. 419 sq. Saint Thomas de même. Loc. cil., n. 3. Comely essaie de fusionner ces explications, ct y ajoute ses rectifi­ cations personnelles. Il nous semble qu’au point de vue textuel, Il convient dc ne pas chercher une préci­ sion trop grande. L’opposition des fruits de l’Esprit aux œuvres dc la chair, poursuivie dans son détail par saint Augustin, In Episl. ad Gai., P. L., t. xxxiv, col. 2141 sq., et par saint Thomas, loc. cil., a. 4, ne nous donne égale­ ment que des résultats assez conjecturaux au point dc vue textuel. Comme le remarque saint Thomas, saint Paul non intendit tradere artem virtutum et vitiorum. In Episl. ad Gal., lect. vi. 11 ne peut être question que d’un apparentement relatif, secundum quamdam adaptationem. Sum. theol., I· II», q. lxx, a. 4. Aussi, pour ne pas allonger cette partie, le lecteur nous permettra-t-il de le renvoyer aux sources citées. Cf. F. Reithmayr, Commentar zum Briefe an dieGalatcr, Munich, 18Ô5, p. 439-442. IL Théologie spéculative. — Son effort sera dc faire rentrer les données dc la théologie positive des fruits de l’Esprit dans le cadre des synthèses théo­ riques, des systèmes d’ensemble. Or les fruits du Saint-Esprit évoquent principalement deux théories théologiques : comme fruits, ils appellent la théorie de la fruition, fondée par saint Augustin ct mise au point par saint Thomas; en tant que vertus, ils postulent leur agrégation à la théorie générale des vertus sur­ naturelles. 1® Quel est, de fructus ou de frui, Jouir, le terme qui a fondé l’analogie? Cela n’a pas d’importance, répond saint Thomas. Cependant, comme les choses concrètes et sensibles sont à l’origine dc toute notre connais­ sance, il est probable que fructus est primitif ct frui dérivé. Sum. theol., Ι·Ι1», q. lxx, a. 1. L’analogie entre fructus ct frui, dont nous avons déjà relevé deux convenances, voir plus haut, col. 945, semble en présenter une troisième, si toutefois on sc range à la notion de la jouissance, du/nri, que saint Augustin développe dans le 1. I de De doctrina Chri­ stiana et au c. xi du 1. X De Trinitate, P. L., t. xlïi, coL 982, ct qu’il oppose à l'utilisation, uti. Cette troi­ sième convenance tient en ceci que le fruit se présente comme le produit final dc l’arbre et,au figuré, de toute cause active, ct que la Jouissance, selon saint Augus­ tin, a pour objet la fin, et non le moyen utilisé pour obtenir la fin : Frui est amore alicui rei inhœrere propter se ipsam. De doctrina Christiana, I. I, c. iv, P. L., t. xxxiv, col. 20. Il suit de là que Dieu seul est objet de fruition. Ibid., c. xxii, col. 26. Comment donc les 948 actes de vertus énumérés sous le nom dc fruits de l’Esprit peuvent-ils être encore des fruits, c'est-à-dire des objets de jouissance? C’est le problème que se propose de résoudre saint Thomas, Sum. theol., 1·Ι|·, q. xi, a. 3, obj. 2·; q. lxx, a. 1, obj. 2·.Saint Augustin avait déjà préparé la solution en parlant des Joies dc la science, fruimur cognitis, De Trinitate, 1. X, c. x, P. L., t. xlïi, col. 981 ; et en admettant, à propos dc l’amour du prochain, une espèce de Jouissance. De doctrina Christiana, 1. I, c. xxxin, P. L., L xxxv, col. 33. Saint Thomas tranche la question par la dis­ tinction de trois ordres d’objets : la fin ultime, objet propre dc la Jouissance; le pur moyen, qui n’est par lui-même, en aucune façon, objet de jouissance, étant simplement utilisable; les fins intermédiaires, fina­ lement ordonnées à une fin ultérieure, mais ayant une bonté relative à laquelle est annexée une délectation spéciale. C’est à ce troisième ordre que les actes d es vertus se rattachent, ct, pour autant, la qualité d’objet dc jouissance, l'appellation de fruits, leur convient. Cf. S. Thomas, loc. cit. Sunt appetenda formaliler sed non finaliter, dit saint Thomas. In Episl. ad Gai., loc. cit. Et ailleurs : In Deo delectari debet homo propter se, sicut propter ultimum finem; in actibus autem vir· tuosis non sicut propter finem; sed propter honestatem quam continet delectabile in virtuosis. Sum. theol., PII», q. lxx, a. 2, ad 2«·. Voir Béatitude, t. n, coi. 504-505. Les actes dc vertus sont formellement des fins,mais des fins essentiellement relatives à la fin ultime.D’où cette conclusion qui concilie tout: Opera nostra in quantum ordinantur ad finem vitæ aternæ, sic magis habent rationem florum. Sum. theol., 1·11·, q. lxx, a. 1, ad 1°°. 2° C’est a titre d’actes seconds ct on à'habitus que les vertus figurent dans la liste des fruits. Sum. theol., PII», q. lxx, a. 1, ad 3e®. Les fruits sont, en effet, des produits, non des causes. Ibid., in corp. Et d’ailleurs, plusieurs des fruits recensés par l’apôtre ne sont pas à proprement parler des vertus, mais des actes consé­ quents à certaines vertus. Telles la joie ct la paix qui sont des effets de la vertu dc charité, mais ne consti­ tuent pas des vertus spéciales. Sum. theol., IP IP, q. xxviil, a. 4; q. xxix, a. 4. Or des actes surnaturels peuvent sc rattacher soit aux vertus infuses, soit aux dons du Saint-Esprit. Voir ces mots. Les actes des don du Saint-Esprit ont reçu dans la théologie de saint Augustin ct de saint Thomas le nom de béatitudes, en raison dc leur coïnci­ dence avec les huit béatitudes de l’Évanglle dc saint Matthieu. Voir Béatitudes. Les dons du Saint-Esprit étant définis précisément par une aptitude spéciale à recevoir l'influence du Saint-Esprit, une question sc pose : leurs actes, les béatitudes donc, ne seraient-ils pas identiques aux fruits du Saint-Esprit qui procè­ dent eux aussi très spécialement dc la motion du Saint-Esprit. Sum. theol., I* 11·, q. lxx, a. 2, obj. 1*. L’abbé de Bellevue, op. cit., p. 277, estime que la doc­ trine du P. Froget sur les fruits, qui est celle dc saint Thomas, enlève toute distinction sérieuse entre les béatitudes ct les fruits. Il ne le semble pas. D’abord, les listes sont totalement divergentes, cc qui est un signe dc la distinction dc leur contenu. Ibid., sed contra. Ensuite, comme le remarque saint Thomas, si tout acte des dons, toute béatitude, peut être appelé fruit dc l’Esprit, en raison dc la jouissance qui est attachée aux actes dc vertu, sans distinction, tous les fruits de l’Esprit ne peuvent pas être nommés béati­ tudes. Car les actes des dons, les béatitudes, sont des œuvres parfaites ct excellentes, qui l’emportent sur les actes des vertus infuses ordinaires. La dénomi­ nation de fruit doit donc être regardée comme une dénomination commune aux actes des vertus infuses ct aux actes des dons. Sunt enim fructus qucecumque 949 FRUITS DU SAINT-ESPRIT — FUENTELAPENA virtuoso opera in quibus homo dtlrclatur, sed bealltudlnes dicuntur solurn perfecta opera, /bid., in corp. /I nous semble que cc principe dc distinction est très solide. 3° Une fols admis que les fruits désignés nommé­ ment par l'apôtre peuvent être rattachés, soit A des vertus, soit Λ des dons, une dernière question s’ouvnnt. Λ quelles vertus ou A qu< Is dons sc rattachent nommé­ ment les fruits du Saint-Esprit de l’ftpltre nux Galatci? On sait, en eflet, que les vertus infuses forment, chez saint Thomas, une synthèse organique fortement liée, que les dons du Saint-Esprit sont départis aux différentes vertus, soit A titre d’auxiliaires s'il s'agit des vertus théologiques, soit A titre dc dons direc­ teurs s’il s’agit des vertus morales, aint Thomas se devait dc faire rentrer les fruits dans cet organisme : il n’a pas failli à ccttc tâche, ct, en parcourant la 11*11% on le voit sc préoccuper, à plusieurs reprises, de ratta­ cher un fruit du Saint-Esprit & l’acte d’une vertu ou A l’acte d’un don. Ainsi aux dons d'intelligence, de science ct dc sagesse est attribuée comme fruit spécial la fides, ou certitude dc la foi, ct comme fruit ultérieur la Joie, q. vin, a. 8. Lu joie et la paix sont directement rapportées à la vertu de charité, q. xxix, a. 4; q. xxx, a. 4. Et, sans doute, il faut en dire autant de cc premier ct principal fruit dc l’Esprit qui est la charité elle-même. Le don dc conseil ne donne lieu A aucun fruit, pour ccttc raison curieuse que c’cst un don pratique, ordonné Λ l’action, Λ une cause donc, cc qui est le contraire d’un fruit : cependant l’acte dc ce don sc voit rattacher les deux fruits : misericorde, bénignité, q. lu, a. 4, ad 3··. La bonté et la béni­ gnité sont des fruits directs du don dc piété; la man­ suétude sc rattache Indirectement au même don, q. cxxi, a. 2, ad 3«e. La patience ct la longanimité ressortissent au don dc force, q. cxxxvi, a. 4, ad 3··. Enfin les fruits dc chasteté, modestie, continence, rat­ tachés nu don dc crainte, q. xix, a. 12, ad 4··, sc trouvent, par le fait même, du domaine des vertus d’espérance et dc tempérance, qui, h des points de vue différents, revendiquent comme auxiliaire le don de crainte. Voir Dons du Saint-Esprit. t. iv, coL 1717, ct Sum. theol., I» 11% q. cxvm, a. 4, ad lllTn. La bibliographie dc la question n été indiquée nu cour* dc l'article. On nous penned Ira de signaler à titre de curioiitê archéologique l'Arbor pr/vdlcamentalh que les Salmnnlicenses ont construit avec les données des traité*, des vertus, des dons, des béatitudes ct des fruits de saint Thomas, et surtout la pittoresque planche qui rtHnstre, ct qui repré­ sente,dans les frondni«onsdc l’arbre des vertus nux rameaux multipliés, dr* colombes, des fruits exotiques ct des têtes d’iinrcs, svmbolr* des dons, des fruits ct des béatitudes. Cunus theol., Paris, 1878, t. vx, p. 414 sq. A. Gardeil. FUEL Henri* religieux augustln du xv·siècle, néô Culmbach. En 1472, il composa un Tractatus de pas­ sione Domini. Hôhn, Chronologia provincia: rheno-svevicar ordinis S. P. Augustini, Würzbourg. 1744. p. 113; Ossingcr. bibliotheca augustlniana, Ingolstadt, 1768, p. 372; Lantcri. Postrema saecula sex religionis au g ustiniante, Tolentin. 1859, t. il, p. 177. Λ. PALMIERI. FUENSALIDA Diogo Joseph, théologien moraliste, né A Santiago nu Chili, en 1744, fut admis dans la Compagnie de Jésus en 1759. Déporté en Italie avec i les jésuites espagnols, il sc fixa A Imoîa ct professa la théologie morale au séminaire. Lorsque le cardinal Chiaramonti, évêque d’Imola, fut élu pape, il proposa A Fucnsahda dc le suivre A Home comme théologien pontifical. L’humble prêtre refusa cette dignité ct mourut A Imola, uniquement occupé de ses études théologiques et d’œuvres charitables. Parmi ses ouvrages, il convient de mettre au premier rnnfl -· 950 10 luttera d'un ecclesiastico torlnese ad un ecclesiastico di bologna, Turin, 1781; 2· Osservazlonl crilicotheologlche di Gaeano da Brescia sopra I analisi del libro drlle Prescriront di Tertulliano di don Pietro Tambunni, Assise, 1783; 3Ô Processo theologico sopra la clausura di monasterI dette Monache di D. Antonio Bonelli, ibid., 1784 ; 4· Le /rodi del giansenismo usait gld in Francia da' Quesnelllst/, e a' dl nostri rInnovate in Italia da tor seguaci, segnalamenle in Paeta e Pistoia, ibid., 1788; 5· Analisi dei concilio dioresano di Pistoia celebrato net mese dl Settembre deWanno 17 M, Assise, 1790. Sornmervogel, Bibliothèque de la C1· de Jésus, L IU, coi. 1036; Hurter, Nomenclator, 1910. t. iv, coi. 590. P. Bernard. 1. FUENTE HURTADO (Diego de le), moraliste es­ pagnol,né à Tolède en 1615, entré dans h Compagnie de Jésus en 1631, professeur de philosophie Λ Compostelle, puis dc théologie à Salamanque, puis recteur de Pampclune ct dc Salamanque, mourut A Valla­ dolid le 30 avril 1688. On a de lui : 1° De potestate episcopi circa excommunicationem canonicorum absque adjunctis et e/jecit bus appellationis In /oro interno, Madrid, 1654 ; 2e De solemnitatibiis juris requisitis ad alienationem rei ecclesiasticae litigiosa: non possessae, ibid., 1672; 3° An in tractationibus litium locum habeat Itesto enormis vel enormissima, ibid., 1672; 4° Theologia rejormata, qua plures enodantur diffi­ cultates ex mente SS. D. N. Innocenta papæ XI, ibid., 1689; Padoue et Venise, 1701. Sornmervogel. Bibliothèque de la C*· de Jésus. L 1Π, col. 1053; Hurter, Nomenclator, 1910, t. rv. col. 593. P. Bernard. 2. FUENTELAPENA (Antoine de), frère mineur capucin dc la province de Castille, se nommait dans le siècle don Raphaël Arias y Porrcs. Un de ses frères était religieux hyéronimite, un second gouver­ neur perpétuel de Medina del Campo, un troisième, don Emmanuel, fut président du conseil souverain dc Castille, archevêque de Séville ct cardinat Pour Raphael, il revêt». î îiabit dc Saint-François, A Sala­ manque, le 23 décembre 1643. Après avoir été long­ temps secrétaire dc sa pro\ Ince religieuse, il en devint supérieur en 1672; il fut également visiteur des pro­ vinces dc Sicile, et de nouveau scs frères le voulaient A leur tête en 1690. mais il refusa â cause de ses infir­ mités. Le P. Antoine avait composé un grand ouvrage sous le titre de Tripode physico-mathe mat ica, dont la première partie fut seule publiée : El ente dilucidado, in-8a, Madrid, 1677, dans laquelle 11 examine plusieurs questions assez bizarres dc physiologie, traite longue­ ment dis fantômes ct finit par cette question curieuse pour cette époque : l’homme peut-il voler? Plus tard, 11 donna au public le Retrato divino, in-16, Madrid, 1685, dans lequel il décrit les perfections divines pour exciter l’amour des hommes. lui fin. Il écrivit une Escuela de la oerdad, dans laquelle, sous forme de dia­ logues entre Ludnde ct son directeur, Il enseignait aux Ames qui aspirent A la perfection les voies qui y con­ duisent et les prémunissait contre les Illusions; le seul volume publié, in-16, Madrid, s. d., vers 1701, ne con­ tient que le premier traité. De la oracton mental. — Le P. Antoine avait été dc tout temps un fervent ado­ rateur dc Dieu le Père, ct il fut, sinon le fondateur, du moins, un ardent propagateur d‘une congrégation du Père éternel établie A Madrid. Il avait même composé un office liturgique en l’honneur de la première per­ sonne de la très sainte Trinité, Officium recitandum in laudem Dei Patris omnipotentis dominica V post Pascha, qu’il présenta au pape Innocent XI, ct dont il existe des exemplaires manuscrits (Home, biblio­ thèque Cnsnnatc, ms. SSS; bibliothèque Victor-Emma­ nuel, ins. 3S7). 951 FUENTELAPENA — FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION Mémoires de Trévoux. janvier 1702, p. 600; Bernard do Bologne. Bibliotheca scriptorum ordinis fr. min. capuccinorum, Venise, 1747; Richard et Giraud. Dizlonario délie science cedes lastlche, Naples, 1845, t. iv P, Édouard d’Alençon. 1. FUITE DES OCCASIONS DE PÉCHÉ. L'altrltion et la contrition,consistant essentiellement dans le regret et la détestation du péché commis, impliquent nécessairement le ferme propos de ne plus le com­ mettre à l’avenir. Cf. concile de Trente, sess. xiv» e iv, De contritione. Or, nous enseigne l’Esprit-Saint : Qui aime le danger, y périt EcclL, ni, 27. Le pénitent serait donc bien téméraire, et, pour sa persévérance, il ne pourrait compter sur les grâces de Dieu, s’il ne fuyait avec soin les occasions, quelles qu’elles soient : personnes, compagnies, réunions, objets, endroits, etc., qu'une expérience personnelle, ou les lois générales de la prudence lui démontrent être pour lui un véritable danger de pécher. Fuir les occasions de ce genre n’est pas un simple conseil : c’cst un précepte rigoureux. Si votre œil vous scandalise, dit le Sauveur, arrachcz-lc; et si votre main ou votre pied vous scandalisent, coupez-lcs, car il vaut mieux perdre un membre du corps que d’etre jeté tout entier dans J’abtme du feu étemel, Matth., v, 28-30; xvin, 8-9; Marc., ix, 49; c’est-à-dire éloignez-vous, même au prix des plus durs sacrifices, de tout ce qui vous porte au péché. Le grand remède au mal, c’est la fuite de l'occasion, dit saint Grégoire de Xazlanze: Μέγα κακίας φάρμακον φυγή του πταίσματος. Oral., χνι, in patrem tacentem, c. xvn, P. G., t. xxxv, coi. 958. De cc devoir austère on ne saurait être dispensé, en principe. Parmi les propositions condamnées par ! le pape Innocent XI, sc trouve, en effet, celle-ci qui I est la 62* de la liste : Proxima occasio peccandi non est fugienda, quando causa aliqua utilis vel honesta non fugiendi, occurrit. Et celle-ci encore, qui est la 63· : Licitum est quærere directe occasionem proximam peccandi, pro bono spirituali, aut temporali nostro, vel proximi. Sans l’accomplissement de ccttc condition, le ferme propos ne pourrait être considéré comme sérieux. Par suite, il serait insuffisant pour la réception de l'absolution. Comment le pénitent se flatterait-U de détester réellement le péché, s’il s’exposait si im­ prudemment à le commettre de nouveau? Qui veut atteindre un but doit vouloir prendre les moyens qui y conduisent. Qui tenetur ad finem, tenetur et ad media. L'obligation de fuir les occasions de péché est plus ou moins stricte selon que le péché est plus ou moins grave, et que l’occasion influe plus ou moins effi­ cacement sur la volonté, c’est-à-dire est plus ou moins prochaine, soit d’une façon absolue pour tous, en général, soit d’une façon relative pour tel ou tel individu. Il nous suffira. Ici, d’établir le principe. L'application aux divers cas particuliers qui peuvent se présenter nécessiterait de nombreux développe­ ments de détails qui trouveront mieux leur place ail­ leurs. Voir Occasions de péché. SalfiianUcenses. Cursus theologia moralis, tr. De sacra­ mento fnen i lentitr, c. v, p. IV, n 57. 6 in-fol, Venise. 1728, t 1. p 131 sq ; Palmieri. Opus theologicum morale (n liusembaum medullam. Ί in-8·, Prato, 1889-1893, t. i. p. 576 sq ; 1 it, p 193 sq ; t v, p 09-109; Ixhinkuhl, Theologia mora­ li·, part 11. I 1, tr. V, De sacramento parnllmUrr, c ii. $ 1. 2 *o-8·, Frttx>urg-cn-Ilrisgau. 1902. t. n, p. 347 sq ; The ratholic encyclopedia, au mot Occasions of sin, 15 in-4·, New York. 1907-1913. t. Xi. p. 196 sq. T. Ortolan. 2- FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION. — L De la part des chrétiens en général. IL De la part de ceux qui ont charge d'âmes. 052 I. De la part des chrétiens en général — Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre, recommandait Notre-Seigncur à ses dis­ ciples. en leur prédisant qu’on les traînerait de tribu­ nal en tribunal, qu’on les flagellerait dans les syna­ gogues, et qu’un très grand nombre les poursuivraient d'une haine inflexible à cause de lui : Mais, ajoutait-il, je vous le dis en vérité, vous n'achèverez pas toutes les villes d'fsraél, que le Fils de l'homme ne vienne. Mattli., x, 17-23. 1° Erreurs. — 1. Précepte ou conseil, ccs pa­ roles sont extrêmement claires. Il a fallu toute b malice des hérétiques et la perversion des Impies, pour les détourner de leur sens naturel. On regrette de voir à la tête de ceux qui s'adonnèrent à cc travail ingrat celui qui fut l'un des plus grands apologistes de la religion chrétienne, Tertullien. Tombé dans 1« erreurs des montanistes, il déploya une Incomparable ardeur à répandre les doctrines de cette secte qui, ne concevant pas la vertu sans un rigorisme exagéré, prétendait que fuir, pendant la persécution, pour se dérober aux supplices et se priver de la couronne du martyre, était un véritable crime, que nulle raison ne pouvait excuser. Le génie de Tertullien, dans le traité De fuga in persecutione, écrit en 202, P. L., L n, col. 103-120, accumule sophismes sur sophismes pour rendre sa thèse acceptable en apparence, malgré les paroles si nettes de Notro-Seigncur qui la contredisent si for­ mellement, et la condamnent à l’avance. Il établit, d’abord, comme un principe d’où découlera tout son raisonnement, que non seulement la persécution est permise par Dieu, mais qu’il la veut directement afin de sanctifier son Église, d’éprouver ses élus, de multiplier le nombre de scs saints et de leur donner l'occasion, par de plus rudes combats, de mériter une récompense plus éclatante, C’cst le crible dont il se sert pour purifier son aire, l’Église, agitant cet amas contus de fidèles pour séparer le froment des martyrs de la paille des apostats. Or, ce que Dieu non seule­ ment permet, mais veut directement, est bon et très bon. Dès qu'un homme n’accepte pas cc qucDicuveut, fl s’insurge contic Dieu et commet une faute grave : c'est le cas de ceux qui fuient durant la persécution. Ils opposent leur volonté à celle de Dieu. Ils ne disent pas comme Jésus au jardin des Olives : Non mea voluntas, sed tua fiat; ils lui disent t Non tua voluntas, sed mea fiat i Et qu’on ne prétende pas que la persécution est voulue par le démon et scs suppôts pour la perte des âmes, et que Dieu lu permet seulement afin de tirer le bien du mal. Non I Totum quod agitur in persecu­ tione, gloria Dei est probantis et reprobantis, imponentis et deponentis. Quod autem ad gloriam Dei est, utique ex voluntate illius venit... Donc» en aucune façon, on ne peut attribuer la persécution à Satan et à ceux qu’il inspire : ex hoc ipso ostenditur nobis non posse diabolo deputari eam (persecutionem), quæ meliores efficit Dei servos. De fuga in persecutione, c. i, P. L, t. ii» coi. 104. Sous sa plume se pressent les textes d'Écriture cités avec abondance à l’appui de son assertion si hasardée : Ego percutiam et sanabo, dit le Seigneur ;ego vivificabo et mortificabo, DcuL, xxxn, 39; Ego sum qui facio pacem et condo mata. Is., xlv, 7 ; Uram illos sicul uritur argentum, et probabo illos sicut probatur aurum. Zach., xiii, 9. Tcrtullicn est tellement con­ vaincu par sa propre argumentation qu’il ne lui sem­ ble pas possible qu'on puisse penser autrement, à j moins qu’on ne soit d’une fol faible et frivole : De I isto quis dubitare possit ignoro, nisi plane frivola ei . frigida fides. Ibid., c. ni, col. 10G. Son erreur ccpen· ’ dant est manifeste. Assurément, rien n'arrive sans ia r.r I. 953 FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION permlsslon de Dieu, en cc sens qu'il veut positivement le bien, et que, respectant la liberté humaine. Il ne lui enlève pas la possibilité de faire le mal. Mais si Dieu permet le mal, ou mieux, ne l'empêche pas, pour en tirer un plus grand bien, il ne le réprouve pas moins pour cela. Or, malgré les avantages qui en résultent par relict de la sagesse divine, la persécution en ellemême n'en est pas moins un mal, puisqu’elle est une injustice et une impiété. C’est Je vice cherchant à op­ primer la vertu; c’cst l’idolâtrie s’insurgeant contre le culte qui n’est dû qu'à Dieu. Vouloir faire remonter jusqu’à Dieu ccttc iniquité, c’cst vouloir faire de la source de tout bien la cause du mal. Si les raisons Invoquées par Tcrtullicn étalent vraies, on serait aussi coupable, durant les maladies, de recourir aux méde­ cins et d’user des remèdes, que de fuir durant la per­ sécution, car les maladies viennent de Dieu aussi, puisque rien n’arrive sans sa volonté. Cf. Salmanticcnscs, Cursus theologicus, tr. XVII, De fide theo­ logica, disp. VII, De externa fidei confessione, dub. i, } 2, n. 14, 20 in-8°, Paris, 1870-1883, L xi, p. 355. 2. Son principe supposé, prouvé et reconnu, désor­ mais, comme incontestable, Tcrtullicn en déduit les conséquences pratiques. Maintenant que nous savons d’où vient la persécution, dit-il, il nous est chose facile de démontrer qu’on ne doit la fuir en aucune manière, et, le voudrait-on, on ne le peut : si enim a Deo evenit, nullo modo fugiendum erit quod a Deo evenit... quia neque debeat evitari, neque evadi possit, c. iv, coi. 106. Si Dieu veut la persécution, force vous est de la subir; et s’il ne la veut pas, vous n’avez rien à craindre de la fureur des persécuteurs, c. ni, col. 106. Ceux donc qui fuient la persécution, d’abord, font une injure à Dieu, puisqu’ils considèrent comme un mal (car sans cela ils ne la fuiraient pas) ccttc persécution qui est un bien, attendu qu’elle vient de Dieu et que Dieu ne veut rien si cc n’est ce qui est bon; et c’cst un crime de repousser le bon, quia delictum sit quod bonum est, recusare; ensuite, ceux qui fuient la persécution font un acte inutile et insensé, car on ne peut éviter cc que Dieu veut : jam vero non posse vitari, quia a Deo evenit, cujus voluntas non potest evadi. En résumé, fuir la persécution, c’est blasphémer la sagesse di­ vine, ou sc croire plus fort que Dieu : Igitur qui putans fugiendum, aut maluni exprobrant Deo, si persecutiones uti malum fugiant : bonum enim nemo devitat; aut fortiores se Deo existimant qui putant se evadere posse, si Deus tale aliquid voluerit evenire, c. iv, coi. 107. Un argument de cc genre, pour peu qu’il fût pressé, fournirait un excellent appui au fatalisme des musulmans. Cf. Mgr Ercppcl, Tertullien, le­ çon xiv·, 2 in-8®, Paris, 1864, t. i, p. 313 sq. 3. Il prévoyait bien qu’à sa conclusion trop absolue, on ne manquerait pas d’opposer les paroles de NotreSeigncur : Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Matth., x, 23. Aussi s'cflorce-t-il de démontrer que ccs paroles ne concernaient que les apôtres, et encore uniquement pour le temps que devait durer la mission spéciale que le divin Maître leur confiait alors. Hoc in personas proprie apostolo­ rum el in tempora, et in causas eorum pertinere defendimus, c. vî, col. 109. I-a raison Invoquée en faveur de ccttc proposition est, pour le moins, singu­ lière. Les apôtres, en effet, dit-il, quand ils reçurent cc commandement, n'étalent envoyés qu’aux brebis perdues de la maison d* LraH. Défense meme leur était faite d’entrer dans les villes des Samaritains : In viam gentium ne abieritis, et in civitates Samari­ tanorum ne intraveritis; sed potius ite ad oves qtnr perierunt domus Israel, Mat th., x, 5-6; ta nu is que nous, ajoutait-il, nous sommes envoyés dans le monde ( entier; aucune ville n’est exceptée; ... et, quand nous Mjinmes prb, ce n’est pas dans les synagogues des | / 9S1 Juifs qu’on nous flagelle; mais c’cst devant les tribu­ naux romains que nous sommes traînés. La fuite était commandée ad tempus, temporairement, aux apôtres, parce qu’il fallait prêcher, d’abord, aux brebis perdues d'Israël, et il était à craindre que l'emprisonnement de ccs premiers messagers de la bonne nouvelle n’empêchât h dissémination de l’Évangilc. Maintenant que cette œuvre primordiale et fondamentale est accomplie, le précepte de la fuite n’a plus de raison d’être. Comment ne pas voir aussi que cc précepte ne s’étendait pas au delà de» frontières de h Judée, seul territoire vers lequel le divin Maître envoyait alors scs disciples? Ne leur disait-il pas, en cfiet : Non consummabitis civitatn Israël? Matth., x, 23. En même temps, il leur faisait une défense formelle d’aller vers les nations, in viam gentium ne abieritis; mais après que les Juifs curent repoussé la parole de Dieu qui leur était ap­ portée, à eux, d’abord, saint Paul ne les a-t-il pas avertis que, puisqu’ils s’étalent rendus ainsi Indignes de la vie étemelle, les apôtres sc tourneraient, désor­ mais, vers les nations païennes?... quoniam repellitis illud, et indignos dos judicatis æternæ vitor, ecce conver­ timur ad gentes. Act., χιπ, 46. Si ergo cessavit exceptio vise nationum, poursuit Tertullien, cur non cessaverit et fugæ præceptum pariter emissum? De juga, c. vr, cot 109. L'exemple de saint Paul fuyant de Damas, par­ dessus le mur d'enceinte, l’embarrassait bien un peu. Sous peine d’accuser et de condamner le grand apôtre, il est obligé d'avouer que le précepte, ou le conseil de la fuite durant la persécution existait encore. Mais comment Tertullien n’a-t-il pas remarqué qu’à cc moment les apôtres avaient déjà franchi les frontières de la Judée, évangélisé Samaric et porté la bonne nouvelle aux nations païennes? Cf. Act., vni, 4 sq., 14 sq.; ix, 31; x. 35 sq., 45 sq.; xi, 1, 18 sq. Puis, n’est-il pas manifeste que cc précepte ne concernait pas seulement la première mission des apôtres? Au cours de celle-ci, en ctTct, ils n’eurent aucune persécu­ tion à souflrir, et furent bien reçus par les Juifs, à tel point que, loin d’être obligés de fuir, ils revinrent vers le Christ pleins de joie. Luc., xi, 17. En les envoyant vers la Judée, Jésus leur donnait des conseils et des ordres pour toute leur vie. Nous ne voyons pas, dans l’Écriturc, qu’il leur en ait donné d’autres, même après sa résurrection. 4. Non moins curieux est le dilemme par lequel Tertullien, montanistc, termine son c. vî : ou ce princcptc fut temporaire, ou les apôtres ont certainement péché, puisqu’ils n’ont pas continué à fuir. Or, il n’est pas croyable que tous les apôtres aient depuis con­ stamment désobéi à leur Maître; donc le précepte est seulement temporaire : aut si perseverare illud Dominus voluit, deliquerunt apostoli qui non usque in finem jugere curaverunt. Le dilemme comporte une échappatoire. 11 ressort de la conduite des apôtres que les paroles de Notre-Seigncur, au sujet de la fuite durant la persécution, étaient moins un précepte rigoureux qu’un conseil dont l’observance dépendait de multiples circonstances, comme nous l’exposerons plus bas. 5. Tertullien achève son argumentation en revenant Λ son erreur première. La persécution étant l’œuvre directe de Dieu, comment Dieu peut-il ordonner do fuir ccttc persécution que lui-même envoie? c. vif, col. 110. Le divin Maître veut que nous le confessions devant les hommes, Matth., x, 31; comment le confesserions-nous en fuyant? Il proclame bienheu­ reux ceux qui souffrent persécution à cause de lui. Matth., v, 11. Donc, conclut Tcrtullicn, malheur à ceux qui fuient lu persécution. Mais si ccs raisons sont vraies, elles lo furent égalc- 955 FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION ment lors de la première mission des apôtres. Com­ ment donc Notrc-Scigncur leur a-t-il donné, alors, le précepte ou le conseil de fuir? Et si, alors, cet ordre ou ce conseil ne fut pas déraisonnable, étant tombé des lèvres même du Verbe incarné, pourquoi le seralt-il devenu dans la suite? Cf. Mgr Frcppcl, Tertullien, leçons xhi-xiv, t. i, p. 274-277, 290 sq., 310-321; Bardenhcwer, Les Pères de l'Église, leur vie el leurs écrits, 3 ln-8°, Paris, 1905, t. i, p. 339. 2e La vraie doctrine. — Bien différent est rensei­ gnement de saint Athanase. Les ariens, ayant cherché par tous les moyens à s’emparer de lui pour le mettre A mort, ct n’ayant pas réussi A sc saisir de sa personne, voulurent, du moins, sc venger en le couvrant d’in­ jures, ct en l’accusant publiquement de lâcheté. Il leur opposa sa célèbre apologie tant ct si justement admirée, Απολογία τής φυγής αύτοΰ, écrite vers 357, P. G., L xxv, col. 643-680. 1. Sa réponse fut triomphante. Saint Athanase la fit avec cette vigueur de logique ct ccttc justesse d’expressions qui caractérisaient sa si virile éloquence. Après avoir rappelé, dans un tableau court mais frap­ pant, les crimes affreux dont ccs suppôts de l’enfer s'étalent rendus coupables envers tous les plus saints évêques de ccttc époque, il leur oppose d’abord un terrible argument ad hominem : s'il est honteux de fuir, combien plus de poursuivre ct de persécuter? Celui qui fuit ne s'y résout que pour échapper à la mort; celui qui poursuit ct persécute n’a pas d'autre but que de tuer, c. vin, P. G., t. xxv, col. 653. 2. Il prouve ensuite par les Écritures la licéité de la fuite dans ccs conditions. Le texte sacré réprouvc-t-il Jacob fuyant la colère de son frere Ésaü, Moïse celle de Pharaon, David celle de Saül? Et le saint prophète Élie, quoiqu’il eût la puissance d’attirer le feu du ciel sur scs persécuteurs, ne s'cst-il pas caché pour éviter le ressentiment du roi Achab ct de la reine Jézabcl? c. x, col. 657. Et dans le Nouveau Testament, l’évangéliste ins­ piré de Dieu réprouvc-t-il les apôtres qui, dans la crainte des Juifs, sc cachaient,tandis que Pierre était en prison? Et saint Paul n’a-t-il pas fui de la ville de Damas, en acceptant de descendre nuitamment, au moyen d'une corbeille, le long des remparts?... Saint Paul, Élic, David, Moïse, Jacob et tant d’autres dont parle l’Écriture, furent-ils donc des timides, des lâches et des peureux? Furent-ils des révoltés contre Dieu leur ordonnant de subir la persécution? Mais, durant même leur fuite, Dieu les comblait de scs grâces, de scs bienfaits et de scs consolations, leur envoyant même parfois scs anges, comme A saint Pierre, pour les aider A fuir! c. xx, col. 669. D’ailleurs la loi divine donnée sur le Sinaï n’avaitelle pas prescrit de reconnaître à certaines villes le droit d'asile, afin qu’il fût possible A ceux qui étalent poursuivis et menacés de mort d’y trouver un refuge assuré? Le Verbe de Dieu qui avait dicté à Moïse cette loi salutaire, n’a-t-il pas continué A parler de même, lorsque, venu sur la terre, il disait A ses disci­ ples : Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre? Matth., x, 23. Et encore : Quand vous verrez dans le saint lieu l’abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, alors que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient dans les montagnes, ct que celui qui est dans la campagne ne retourne pas dans sa maison pour prendre son vêtement. Matth., xxiv, 15-18. Les saints connaissaient ccs enseigne­ ments divins donnés a la terre, avant comme après l’avènement du Christ; ils en firent le principe de leurs actes et le guide de leur vie, c. xi, col. 657-660. 3. Et le Verbe de Dieu lui-même, fait homme par amour pour nous, ne s’est-il pas caché quand on le poursuivait? N’a-t-il pas ainsi évité les embûche* 056 de scs ennemis? Enfant, il a fui en Égypte pour échap. per A la colère d’Hérodc. A la mort de celui-ci. U retourne de l’exil; mais, pour sc mettre A l’abri d’Ah chélaÜs, fils d’Hérode, il se retire à Nazareth, en Gali­ lée. Même, quand, plus tard, il fit éclater sa puissance divine par d’innombrables miracles, il sc cacha,cepen­ dant, nu moment où les Pharisiens tinrent conseil pour décider par quel moyen ils sc débarrasseraient de lui. Matth., xxvi, 4. Et quand, après la résurrcc· tlon de Lazare, scs ennemis, de plus en plus acharnés contre lui, songeaient A le mettre à mort, Jésus new montrait plus A découvert, ct il sc retira au loin dans le désert. Joa., xr, 53-54. Et quand, le Seigneur ayant affirmé qu’il existait avant Abraham, les Juifs prirent des pierres pour les jeter sur lui, Jésus sc cacha encore. Joa., vin, 58-59. Et quand Jean le Précurseur eut été décapité, ct que scs disciples curent enterré son corps, Jésus monta sur une barque, et, traversant le lac, se retira, A l’écart, dans un lieu désert. Matth., xiv, 13. Απολογία, c. xn-xili, col. 660. Tels étaient les enseignements ct les exemples da Sauveur. Mes ennemis, continue le saint proscrit, ac­ cuseront-ils aussi le divin Maître de timidité et de lâ­ cheté? 4. Mais pourquoi ccttc fuite de Jésus, plusieurs fols renouvelée? L’évangéliste nous l’apprend. C’est parce que son heure de souffrir n'était pas encore venue. Joa., vu, 30. Quand son heure fut venue, en fin, il ne se cacha plus, ct avertit clairement scs apôtres qu’il allait être livré aux mains des pécheurs. Mutth., xxvi, 45. Par ccs paroles, le Sauveur montre que tout homme aussi a son heure, fixée, non par le destin aveugle, comme l’ont faussement imaginé certains philosopha païens, mais par le bon plaisir du Père étcrnul qui en a ainsi disposé dans les secrets de sa sagesse. Quelle est ccttc heure pour chacun de nous? Nul ne le sali, c. xiv-xv. col. 661 66L Quoique le Verbe de Dieu fait homme n’ignorât pas quel temps avait été déterminé pour sa passion pnr Dieu, son Père, il se cachait, A notre manière, durant les jours qui précédèrent Immédiatement ce temps. Mais quand le temps déterminé par son Père ct par lui fut arrivé, où il avait décrété de souffrir ct de mourir pour nous, il ne sc cacha plus, mais sc montra spontanément afin d’être pris. A scs ennemis qui lui répondirent : « Nous cherchons Jésus, »il dit: Cc Jésus que vous cherchez, c'est moi. Joa.,xvm,4-6. Non seu­ lement il les en assura une fols; mais il le leur répéta. Ainsi donc, conclut saint Athanase, avant son heure, il ne permet A personne de metire les mains sur lui; mais, cette heure venue, loin de sc cacher, il sc livre lui-même, afin de bien montrer A tous que la vie des hommes, comme leur mort, dépend uniquement du souverain Maître qui est aux deux, c. xv, col. 664. Telle fut, A l'exemple du Sauveur, la conduite des saints. Poursuivis par les persécuteurs, ils fuyaient ct sc cachaient. N’étant que des hommes, ils ignoraient absolument, A moins d’une révélation spéciale, le temps fixé par Dieu pour la consommation de leur sacrifice. Us ne voulaient donc pas sc livrer eux-mêmes aux persécuteurs, leur vie ne leur appartenant pas. Comme le dit l’apôtre, ils erraient dans les lieux dé­ serts, couverts de peaux de bêtes, se cachant dans les grottes ct les cavernes de la terre, endurant la faim, la soif, le dénuement, les privations de toutes sortes, eux dont lo monde n’était pas digne, llcb., n, 37; jusqu’à cc qu’arrivât leur heure, ct que Dieu, ou bien fit cesser la persécution, ou leur révélât que le moment était venu pour eux de souffrir la dernière immola­ tion, o^ les livrât lui-même aux persécuteurs, scion qu’il lui paraissait mieux, c. xv, col. 665. Que d’exemples de cc genre nous présentent les nages inspirées de l’Ancien et du Nouveau Testament I I * 957 FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION Moïse, après avoir fui dans la terre de Madlan la colère du Pharaon d’Égypte, ne craint pas de paraître devant cc roi superbe quand Dieu lui en donne l’ordre. David, qui avait fui devant Saûl. ne redouta point les périls de la guerre pour l'intérêt du peuple et la gloire de son Dieu. Quand le choix lui était donné entre la fuite et la mort, et que l’une et l’autre lui étaient également permises, il sc jetait. Intrépide, au plus fort de la mêlée. Élic, après s’être caché, ayant entendu la voix du Seigneur, vient affronter le roi Achab, III Rcg., xvm, 17; de même, le prophète Michéc. III Rcg., xxn, 15. Et, pour ne pas nous étendre plus longuement, pourquoi saint Paul en appelle-t-il à César, si cc n’est pour une raison sem­ blable? Act, xxv, 11. Et, comme Paul, Pierre qui s’était caché, quand il eut appris par révélation qu’il devait subir le martyre à Rome, sc hâta de venir dans cette ville, sans retard, ct le cœur débordant d’une céleste joie, c. xvi, xvm, xx. col. 668-671. 5. La peur n’avait pas causé la fuite de ces saints personnages. Au contraire, celle-ci leur était un com­ bat mille fols plus pénible, ct une méditation ininter­ rompue de la mort. En fuyant, ils obéissaient simul­ tanément â deux préceptes : celui de ne pas se donner lu mort eux-mêmes, ct celui de souffrir la persécution pour la justice; car la fuite est souvent un supplice plus terrible que le trépas. Celui cjui a exhalé le dernier soupir ne souffre plus. Au contraire, celui qui fuit est exposé, chaque jour ct à chaque heure, à des misères sans nombre. La mort lui serait plutôt une déli­ vrance. Aussi ceux qui périssent dans la fuite, durant la persécution, ne meurent pas sans gloire. Eux égale­ ment méritent ct obtiennent la couronne du martyre. Ils montrent leur invincible force d’âme, en sc con­ damnant, pour l’amour de Dieu, et par obéissance à ses lois souveraines, à un genre de vie qui est, pour eux, un martyre de chaque instant, c. xvn, col. 667. 6. Un siècle ct demi avant saint Athanase, Clément d’Alexandrie avait enseigné les mêmes doctrines, mais en allant même plus loin. Le Sauveur nous recom­ mande, dit-il, de fuir pendant la persécution, parce qu’il ne veut pas que nous nous exposions de nousmêmes â la mort. En le faisant, nous serions les com­ plices des persécuteurs dans l'iniquité qu’ils méditent de perpétrer. Si celui qui tue un homme pèche, celui qui s’offre de lui-même aux assassins est coupable de sa propre mort ct commet une faute grave, car, autant que cela dépend de lui il favorise la réalisation des mauvais desseins des impies. Strom., IV, c. x, /*. G., t. vin, col. 1286. Si non seulement il sc livre impru­ demment à eux, mais si, de plus, il les irrite, il est comme celui qui provoque témérairement une bête féroce ct devient une cause, plus efficace encore du crime qui est commis, col. 1287. Cependant, sous l’inspiration de Dieu, plusieurs saints ont agi autrement, ct, loin de sc rendre cou­ pables, ont donné l’exemple d’un courage des plus héroïques. I*a soif du martyre ct leur grand amour do Dieu les ont portés Λ des actes que l’on pourrait consi­ dérer comme la dernière limite de la témérité, si l'on ne savait qu'ils furent l’effet de la grâce descendue si abondante en eux. On connaît, par exemple, l’admirable ct sublime lettre de saint Ignace, évdque d'Antioche, conduit enchaîné à Rome, pour y être livré en pâture aux fauves de l’amphithéâtre, sous le règne de l'empereur Trajan. Dans son désir ardent de devenir, suivant son expression, lo froment du Christ, il souhaitait d’être au plus tôt · moulu par les dents des bêtes féroces. · Ah ' s’écriait-il, qu elles ac­ courent vite pour me dévorer. Qu elles ne fassent pas pour moi comme pour d’uutrcs serviteurs du TrisHaut. Elles n'osèrent pas les loucher. M clics ne 958 veulent pas venir à moi, j’irai à elles; je les exciterai pour qu’elles me mettent en pièces et ne laissent rien subsister de mon corps. Ad Horn., îv, 1.2, Funk. Patres apostat ici, Tubingue, 1901, t. i, p, 256. Cf. Mœhler et Reillimayr, La patrologie, ou histoire littéraire des trois premiers siècles de Γ Église chrétienne, part I, § 1, n. 4, 2 in-8®, Parts, 1843, L !. p. 123-130; Mgr Preppcl, Les Pères apostoliques et leur époque, leçon xviri·, in-8·. Parts, 1859, p. 388-398; Fessier ct Jungmann, Institutiones palrologiæ, 3 ln-8·, Inspruck, 1890-1896, part. II, c. î, § 36-37, L i, p. 146, 155; Bardenhewcr, Les Pères de Γ Église, leur vie et leurs écrits, Ir< période, 1. I, § 9, 3 ln-8·, Parts, 1905, t. i, p. 70. Saint Jean Chrysostomc rapporte un fait analogue dans le pané­ gyrique des trois saintes martyres, Bemice, Prosdoce, vierges, et Domnina, leur mère, qui se jetèrent dans un fleuve pour éviter le déshonneur dont les bourreaux les menaçaient, P. G., t. L, cnl. 638 sq. 7. Sauf les cas de cc genre, où Dieu découvre sa vo­ lonté par les impulsions presque irrésistibles de sa grâce toutc-puissnntc, Clément d’Alexandrie affirme, non sans raison, que se présenter de soi-mînie au bourreau peut être considéré comme une témérité coupable. C’est s’exposer à l’apostasie que de se jeter imprudemment dans le danger. Est-on en droit de compter sur le secours de Dieu, si l’on va, de soimeme, à cc redoutable combat? Strom., IV, c, x, P. G., t. vin, col. 1286. Il est bon de sc défier de scs propres forces. Î4i témérité, fille de l’orgueil, engendre la fai­ blesse ct prépare la chute. SI Pierre avait été moins té­ méraire, ou plutôt, disons le mot : s’il avait fui comme les autres apôtres, il n’aurait pas renié son divin Maître, par trois fols, à la voix d’une simple servante, 1-a crainte fondée de ne pouvoir supporter les sup­ plices serait une cause suffisante de fuir devant la persécution. Non seulement, dans cette persuasion, la fuite serait permise ct licite; mais clic serait stric­ tement obligatoire, sub gravi. Tel n'était pas assurément le sentiment de Tertulllcn. Avec quelle vigueur cl quelle inconséquence il s’élève contre ceux qui pensaient et agissaient de la soi tel Pour les convaincre de leur prétendu crime, son génie, toujours porté aux extrêmes, le fit tomber dans les plus profondes aberrations. Vous fuyez pour éviter de renier Dieu, leur disait-il; mais êtes-vous certains, ou non, de le renier? Si vous en êtes certains, vous l’avez renié déjà; donc votre fuite est fort inu­ tile, l'une jam jugis ne neges, qui jam negasti ! Si, au contraire, vous n’etes pas certains de le renier, pour­ quoi ne pas penser plutôt que vous le confesserez vail­ lamment? Votre incertitude affectant les deux hypo­ thèses, pourquoi prendre la pire, cl non pas la meil­ leure, si c’est en voire pouvoir de le renier ou de le con­ fesser? A moins que vous ne vouliez le confesser qu’à la condition de ne pas souffrir. Mais refuser de le con­ fesser ainsi, c’est le renier. De Juga in persecutione, c. vi, P. L.. t. n, col. 108. Pourquoi, plus sagement, ne pas vous en remettre Λ Dieu, au lieu de fuir? Ne peut-il pas, si vous fuyez, vous ramener de force devant les bourreaux? Et, si vous ne fuyez pas, ne peut-il point vous protéger contre leur fureur, ou vous rendre Invincible? Pour­ quoi donc ne pas dire : Moi. je reste I Que Dieu fasse ce qu’il voudra. S’il veut rue protéger, il me protégera assurément. Dominus est, facial quod vull non discedo; Deus si votuerit, ipse me proiegel; et s’il veut que je me perde, il me perdra, el si perire me volet, ipse me perdet. Je préfère lui laisser la responsabilité de ma perte, en me perdant pnr sa volonté, que d’exciter son cour­ roux, en me sauvant par la mienne. Malo invidiam el facere per voluntatem Ipsius pereundo, quam bilem, per meam evadendo, c. v, x, coi. 108, 113. Oubliant que la liberté humaine reste Intacte sou» 959 FUITE PENDANT LA PERSECUTION Paction divine qui gouverne souverainement les indi­ vidus ct les sociétés, Tcrtullicn argumente encore, ici, comme le ferait un adepte du fatalisme. Tout dépend de Dieu. Quoi que vous fassiez, scs décrets sur vous sc réaliseront Fuyez, ou ne fuyez pas. Si vous devez renier Dieu, vous le renierez tout de meme, ct si vous devez le confesser, vous le confesserez dans les tour­ ments. Loc. cil. Une fols engagé sur cette pente, Tcrtullicn, avec sa logique inflexible, va jusqu’aux conséquences les plus outrées. Ce n’est plus du raisonnement, c’est de j l’extravagance. C’est une suite dc sophismes abou­ tissant à l’absurdité ct au blasphème. Si vous reniez votre foi dans les tortures, dit-il, du moins vous aurez lutté contre les supplices. Je préfère avoir à vous plaindre que d’etre obligé de rougir dc vous. Il vaut mieux tomber sur le champ dc bataille que de s’enfuir lâchement, c. x, col. 112. Vous avez revêtu le Christ, le Jour où vous fûtes baptisé dans le Christ. En fuyant devant le démon, vous déshonorez le Christ qui est en vous, et vous vous rendez au démon, comme un lâche transfuge. Ces sophismes sont présentés avec une grande élo­ quence, une vigueur peu commune dc pensées, des tours habiles ct une extrême richesse d’expres­ sions. Ils n’en sont pas moins des sophismes, ct ne insistent pas à un examen calme ct sérieux. Quelle aberration dans un si puissant Rénie I Préférer la chute lamentable d’un chrétien qui renie son Dieu devant les bourreaux et brûle un sacrilège encens devant les Idoles impures, à la sage prudence dont aurait fait preuve ce chrétien,en évitant un combat dans lequel il prévoyait sa défaite ! Ne vaut-ll pas mille fois mieux éviter la lutte, quand on a Heu de craindre une défail­ lance, que de l’affronter témérairement avec la per­ spective d’une apostasie? Un excès de présomption est une faute, autant qu’une défiance exagérée. Assu­ rément, il est plus héroïque de combattre, quand on espère, moyennant la Rrûcc d’en haut, persévérer Jusqu’au bout; mais la fuite, si elle n’est pas une action d’éclat, ne doit pas toujours être considérée comme une trahison. Elle peut, au contraire, être la preuve évidente dc l'attachement qu’on a pour Dieu, et du désir qu’on a de sc maintenir dans la fidélité envers lui Mais tous n’y parviennent pas dc la même façon. Non omnibus datum est! Alius sic, alius octo sic. 1 Cor., vn, 7. Comme ils étaient autrement bien inspirés, les Pères dc l’Église, les Chrysostomc, les Cyprien ct tant d’autres, disant avec celui qu’on appelait le théo­ logien par excellence : Non, il ne renie pas le Christ, en fuyant, celui qui fuit précisément pour ne pas le renier. Grégoire dc Nazlanzc, Adversus Julianum imperatorem oratio invectiva prior, P. G., t. xxxv, col. 619. Cf S. Augustin, Scrm., cxxxm, n. 7, P. L., t xxxvin, col. 741. Ipsum fugere protestatur fldem; non enim fugeret qui fldem tueri nollet, sed illam palam deserere!. Salmanticcnces, Cursus theologicus, tr. XV11, De fide (heologica,dlsp. VII, De externa fidei confessione, dub. i, §2, n. 12, 18, t. xi, p. 354, 357. Fugo est quadam fidei confessio; nam exilium quod per fugam assumitur quadam poena est, et non parva. Suarez, De fide theologica, dlsp.XlV, De praecepto actus exterioris fidei, sect, m, n. 9, Opera omnia, 28 ln-4°, Paris, 1856-1878, t. xn, p. 389 sq. Qui fugit, non signi· ficat per suam fugam se non esse Christianum, i>el negare velle fidem; sed potius contrarium, se nolle fldem negare, et ideo fugere periculum negandi. Palmieri, Opus theologicum morale in Busembaum medullam, tr. V, De priecepto virtutum theologicarum, sect, i, c. m, De confessione externa fidei, n. 82. 7 in-8°, Prato, 1889-1893, t. n. p. 31. Cf. S. Alphonse. Theologia moralis, L 11, De praxepiis virtutum theologicarum, tr. I, De præcepto fidei, c. m, n. 14, 4 in-4·, édit. Gaudé Rome, 1905-1912, t. i, p. 306. Ccttc fulte peut aussi être l’observance du pré­ cepte dc fuir les occasions de péché. Celui qui prévoit ne pas pouvoir supporter les supplices, non seulement peut, mais doit fuir. Cf. Salmantlccnscs, loc. cit., tr. XI, p. 355 sq. Talis fuga non est malum; imo potius est opus virtutis prudentia:. Suarez, loc. cil., η. 9» t. xn, p. 389. 8. Saint Grégoire dc Nazlanzc indique une autre raison légitime de fuir : celle d’éviter au persécuteur un nouveau crime. Les chrétiens, dit-il, quelles que soient leur force et leur assurance de persévérer, ne doivent pas agir seulement d’après des considé­ rations qui leur soient personnelles; mais avoir pitié même des persécuteurs, ct leur éviter un crime de plus, afin dc ne contribuer en rien, autant qu’il dé­ pend d'eux, aux iniquités ct ù la damnation de leurs ennemis. Adversus Julianum imperatorem oratio invectiva prior, c. lxxxviii, P. G., t. xxxv, col 617. Clément d’Alexandrie avait afllrmé aussi qu'une rai­ son de cc genre était suffisante pour justifier la fuite, dans certains cas. Strom., IV, c. x, P. G., t vm, col. 1286. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II· 11·, q. ni, a. 2, ad 3q«; Salmanticcnces, Cursus theologicus, loc. cit., n. 15, t. xi, p. 355. II. De la paht de ceux qui onochargejd'ames. — 1° Erreurs. — Déjà si sévère envers les simples chré­ tiens, Tcrtullicn ne pouvait manquer de l’être en­ core davantage à l’égard de ceux qui ont charge d'âmes. Seul, le mauvais pasteur abandonne ses brebis au milieu du péril, s’écrie-t-il, en faisant allusion aux paroles dc Notrc-Scigneur parlant du bon et du mauvais pasteur. Cf. Joa., x, 12. Mais cc pasteur mercenaire, continue-t-il, sera rejeté lui-même en dehors dc la bergerie; il perdra le fruit dc scs précé­ dents travaux, ct le juste juge lui enlèvera même ce qu’il possédait par ailleurs. Matth., xm, 12; xxv, 29, 30. C’est contre ces pasteurs infidèles que s’élevait déjà le prophète, quand il prononçait cc terrible oracle : Framea, suscitare super pastorem meum..., percute pastorem. Zach., xm, 7. C'est contre eux aussi qu’un autre prophète lançait les plus redoutables malé­ dictions : Vie pastoribus Israel qui pascebant semelipsos ! Nonne greges a pastoribus pascuntur ? Lac comedebatis, ... gregem autem meum non pascebatis. Quod infirmum fuit non consolidastis... quod perierat non quarsistis... et dispersa: sunt oves mea:, eo quod non esset pastor, et factæ sunt in devorationem om­ nium bestiarum agri. Ezcch., xxxiv, 2-10. Or, continue Tcrtullicn, jamais ce lamentable désordre n’atteint un degré plus haut ct plus affreux que lorsque, durant la persécution, l’Église est privée dc son clergé qui prend la fuite. Et puis, ceux qui sont à la tête des chré­ tientés ne doivent-ils pas donner le bon exemple? Si les pasteurs : diacres, prêtres, évêques, prennent lâchement la fuite, comment les simples fidèles pour­ ront-ils persévérer? De fuga, c. xi, col. 113. Ah I s'écriet-il ailleurs, je les connais ccs pasteurs indignes I vail­ lants comme des lions, quand 11 n'y a rien à craindre; timides ct prompts à fuir comme des cerfs, nu mo­ ment du combat I De corona militum, c. i, P. L·, t. il, col. 77. 2° La vraie doctrine. — 1. S’il y n du vrai dans ces anathèmes dc Tcrtullicn contre les pasteurs merce­ naires qui laissent les brebis sans défense au milieu du danger, il y a dc l'exagération quand l’écrivain affirme que toute fuite, même do la part des pastcurs, ayant charge d'times, est illicite ct coupable dans tous les cas. Dieu a, parfois, favorisé lui-même leur fuite. Dans son Apologie, saint Athannse trouve dans cette conduite dc la providence une raison qui justifie également les pastcurs qui, dans certaines circonstances, se dé- | 961 FUITE PENDANT LA PERSÉCUTION 9t>2 serva jusqu'à une extrême vieillesse pour le bien de cldcnt à fuir durant les persécutions. Dieu sauvait scs son Église. serviteurs, dit-il, afin que, délivrés ainsi des embûches Saint Augustin exposait merveilleusement la même dc leurs ennemis, ct mis à l'abri dc leurs mauvais doctrine dans sa lettre à l’évêque Honorât, qui l'avait desseins, il leur fût possible de continuer à instruire les consulté à ce sujet, au moment de l’invasion des dio­ peuples, c. xix-xx, P· G., L xxv, col. 668-670. cèses d’Afrique par les Vandales. En nous recomman­ Tcrtullicn avait reconnu la justesse dc cette raison dant, ou en nous conseillant de fuir de ville en ville, pour les premiers apôtres. Pourquoi pas pour leurs répondait le grand docteur d'Hippone, le Seigneur n’a successeurs? Un motif dc cc genre n’était pas exclusi­ pas voulu que nos ouailles demeurassent sans les pas­ vement spécial aux origines de l’Église. Il pouvait sc tcurs qui leur sont nécessaires, lui qui pour elles n’a représenter dans la suite des siècles, et, de fait, il se pas hésité à verser tout son sang précieux. Quand le représenta plus d’une fois. Seigneur fuyait en Égypte, il n'abandonnait pas son Si, aucun des pasteurs légitimes ne fuyant, tous Église cju'il n'avait pas encore fondée. Et quand étaient mis ù mort, dit le saint docteur, qui, désor­ l’apôtre saint Paul s'enfuyait de Damas, parce qu’on mais, prêcherait la parole dc vérité ct administrerait en voulait surtout à sa personne, l'Église de Damas ne les sacrements? N’cst-cc pas, d'ailleurs, pour cc motif restait pas abandonnée à elle seule, car elle avait, que les persécuteurs poursuivent les pastcurs avec tant dans son sein, des prêtres et des lévites, en nombre d'acharnement? N’cst-cc pas pour tarir les sources dc suffisant pour prendre soin des fidèles. Faciant l'éloquence sacrée, et réduire au silence toutes les ergo servi Christi, ministri Verbi et sacramenti ejus, bouches qui s'ouvrent pour glorifier Dieu, ou montrer quod pnccepit sive permisit. Fugiant omnino de civi­ aux fidèles le chemin du ciel? c. xx, P. G., L xxv, tate in civitatem, quando eorum quisquam specialiter col. 672. a persecutoribus quæritur, ut ab aliis qui non ita Mais, chez ccs saints confesseurs dc la foi, le temps requiruntur, non deseratur Ecclesia; sed isti prae­ dc la fuite n'était pas un temps perdu, ni pour eux, ni beant cibaria conservis suis, quos aliter vivere non pour les ouailles dont Us avaient la sollicitude. 11 ne posse noverunt. Epist., ccxxvm, ad Honoratum l'était pas pour eux, car les mérites s’accroissaient episcopum, c. n, P. L., t. xxxin, coi. 1014. Cf. /n ps. en proportion de leurs souffrances ct des privations CIU,c. XI, P. L·, L xxxvii, coi. 1840; Contra litteras de toutes sortes qu’ils avaient à endurer; cc temps Petiliani, 1. II, c. xix, P. L., t. xun, coL 272. n'était pas perdu, non plus, pour leurs ouailles, car, Ainsi, pendant quelque temps, cédant aux prières même durant leur fuite, ils ne cessaient pas d'annon­ instantes des fidèles, sc cachèrent, non par crainte, cer les vérités dc la fol aux fidèles, continuaient à les mais par charité, saint Polycarpe, saint Grégoire le instruire dans la doctrine, les prémunissaient contre Thaumaturge, saint Cyprien et plusieurs autres. les pièges que leurs ennemis leur tendaient pour Cf. S. Thomas, Sum. theol., II· II·, q. clxxxv, a. 5; suqjrendre leur consentement à des actes contraires In Joa., c. x, lect. m, n. 3, Opera omnia, 34 in-4% ά la loi dc Dieu, etc. La fuite des saints est donc utile Paris, 1871-1880, L ïv, p. 504; L xx, p. 135; Décret aux peuples, quoi qu’en pensent les ariens, intéressés de Gratien, part. II, caus. VII, q. i, c. 47, Scisci­ Λ cc que ccttc fuite n'ait pas lieu, c. xxi, col. 672. taris; Suarez, De fide theologica, disp. XIV. sect, in, Aussi, c’est en vertu d’une sage disposition dc la η. 10, t. xn, p. 390; Salman licenses, Cursus theologi­ providence que les saints sc sont décidés, parfois, à prendre la fuite. Dieu les réservait comme des méde­ cus, tr.XVH,disp.VU, dub. i, §2, η. 15, L xi, p. 356; Palmieri, Opus theologicum morale in Busembaum cins pour le plus grand avantage des peuples soumis à medullam, tr. V, sect, i, c. in, η. 82, L π, p. 31. tant dc misères et d’infirmités morales,c. xxn, col. 672. Cf. Salman licenses, Cursus theologicus, tr. XVII, 2. Mais, poursuit le grand docteur d’Hippone, si Dc fide theologica, dlsp.V II, Dc externa fidei confessione, le danger est le meme pour tous, évêques, prêtres et dub. i, § 2, n. 15, t. xi, p. 355. laïques, que les ouailles ne soient pas abandonnées En écrivant ces paroles, saint Athanasc se souve­ par les pastcurs dont elles ont besoin. Donc, ou bien que tous fuient dans des endroits où ils seront en sû­ nait, ainsi qu’il le raconte, qu’il avait été délivré reté; ou bien, que ceux qui sont obligés dc rester ne comme miraculeusement dc la main des soldats ariens qui voulaient le mettre à mort. Quand Dieu était soient pas délaissés par ceux qui sont leurs pasteurs e t leurs guides; dc sorte que, ou tous vivent en sûreté, intervenu si visiblement en sa faveur, le saint prélat ou tous supportent également l’épreuve que le Père eût considéré comme un crime, disait-il, dc sc livrer de famille envole ou permet. P. L., t. x.xxm, coL 1014. dc lui-même à ceux (pii voulurent attenter à ses jours. Sa vie ne lui appartenait pas. Son devoir était dc la Ainsi, dit-il, on pratique ccttc charité que nous recom­ réserver pour Dieu et pour ses ouailles, tant que mandait le disciple bicn-aüné : Dc même que le Christ Dieu n’en disposerait pas autrement. a donné sa vie pour nous, dc même devons-nous la Ces réflexions nous révèlent quels sont les vrais donner pour nos frères, 1 Joa., m, 16; car, si des laï­ devoirs des pasteurs des âmes, en face dc la persécu­ ques, soit qu’ils fuient, soit qu’ils ne fuient pas. sont tion. Avant tout, ils doivent consulter l’avantage spi­ pris ct ont à souffrir, c’est pour eux-mêmes cl non pour leurs frères qu’ils soutirent; tandis que ceux rituel des fidèles confiés à leur sollicitude, n'hésitant qui sont pris ct souffrent pour ne pas avoir voulu pas à s'exposer à la mort, si les Intérêts surnaturels des abandonner leurs frères, qui avalait besoin de fidèles le réclament; ct, au contraire, sc conservant, leur ministère sacré |>our leur salut, ceux-la, sans même par la fuite, si leur vie est nécessaire à ceux dont aucun doute, donnent leur vie pour leurs frères, ils ont la charge. Cc sont les pensées que saint Paul Λ l'exemple du divin Sauveur. Quis infirmatur, ct exprimait, quand 11 disait : Je suis pressé par deux ego non infirmor? proclamait le grand apôtre. sentiments opposés ct également ardents : l’un, de II Cor., xi, 29. Epist. ad Honoratum, c. ni, vu, mourir, afin d'être avec le Christ; l'autre, do rester P. L., t. xxxin, col. 1014, 1016: In Joa., c. x, n. 7-8, en ccttc chair mortelle, si cela est utile au bien de vos P. L., t. xxxv, coL 1731 sq.; in ps. exu, c. xi, Ames. Phil., I. 23. Pour cc qui est dc saint Athanasc, P.L., t.xxxvn, col. 1840. Cf. S. Grégoire dc Nazianze, on ne peut «'empêcher dc reconnaître combien provi­ Adversus Julianum imperatorem oratio invectiva dentielle était sa délivrance des mains de scs ennemis, L xxxv, coi. 617. Les pas­ quand on pense qu’il était presque le plus solide rem­ prior, c. lxxxviii, P. teurs qui subissent la mort, parce que. lorsqu'ils pou­ part du catholicisme contre l’arianisme, en Orient. vaient fuir, ils ne 1 ont pas fait par amour pour leurs C’est pour cela que les sectaires voulurent A tout prix ouailles, pratiquent la charité à un degré incomparasc débarrasser de lui. Pour ce motif aussi Dieu le con· VI. — 31 PICT. I»K TIIÉOL. CATUOL. 963 FUITE PENDANT LA PERSECUTION blcmcnt plus haut que les laïques, même martyrs. S. Augustin, Eplst. ad Honoratum. c. îv, P. L., L xxxin, col. 1015. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II· 11«, q. σ.χχχν, a. 5, in corp, et ad 2°·; De Lugo, Disputationes scholastica: et morales, disp. XIV, n. 42, 8 ln-4°, Paris, 1868-1869; Marc, Institutiones morales alphonsianœ, part. II, sect, i, tr. I. De fide theologica, c. n, § 2, n. 430, 2 ln-8°, Rome, 1900, t. i, p. 284. 3. Celui qui fuirait, quand les ouailles ont besoin de son ministère, serait non un vrai pasteur, mais un de ces mercenaires dont parle le Sauveur; mercenaire qui ne considère pas les brebis comme siennes, et qui, voyant venir le loup, s’enfuit en laissant le troupeau sans défense à la fureur de cette bête féroce qui le disperse et le tue. Joa., x, 12, 13. Les deux enseignements du divin Maître : celui par lequel il recommande ou conseille la fuite» et celui par lequel il la réprouve et la condamne, ne se contre­ disent pas, mais se complètent et s’éclairent l’un l’autre. Ce que le Seigneur défend, cc n’est pas précisé­ ment de fuir, mais d’abandonner le troupeau. Cf. S. Au­ gustin, Episl. ad Honoratum, c. vi, P. L., t. xxxm, col. 1015. Le pasteur serait gravement coupable, si, même au temps de la paix, il refusait à ses ouailles les secours de son ministère; mais combien plus grave serait son crime, s’il les leur refusait, nu moment de la persécution, alors qu'elles en ont plus besoin que jamais! c. vn-vni, P. L.t t. xxxm, col. 1016 sq. | Cf. Décret deGratien,part. Il, caus. VII, q. i, c. 47, Sci­ scitaris. Que ces pasteurs indignes ne prétendent pas, alors, qu’ils se conservent à l’Églisc, pour des temps meilleurs, car c’est la peur de mourir qui Inspire leur fuite, et non le sérieux désir d’être utile aux autres, c. x, P. L., L xxxm, col. 1017. Si, encore, quand la fuite est légitime, elle ne peut avoir lieu sans scandaliser les fidèles, il faut s'en nbsten r. S. Augustin, loc. cit. Cf. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit.; In Joa., c. x, lect. in, n. 2-3, Opera omnia, L xx, p. 134 sq.; Suarez, De fide theologica, disp. XIV, sect, m, n. 12, Opera omnia, t. xn, p. 390 sq. 4. Voici, pour terminer, des considérations générales qui s’appliquent à toutes les categories de personnes envisagées précédemment : évêques, prêtres et simples fidèles. Quand la fuite est légitime, il ne s’en­ suit pas toujouis évidemment qu’elle soit obligatoire. On peut donc, alors, ne pas fuir, mais attendre tran­ quillement, en demandant à Dieu les grâces néces­ saires pour combattre vaillamment jusqu’au bout le bon combat, et, en persévérant jusqu’à la fin, rempor­ ter la palme du martyre. Celui qui ne fuit pas ne se tue point, cc qui serait illicite; il sc borne à ne pas défendre sa vie, cc qui est acte de vertu, et même de perfection. Son but n’est pas de pousser les persé­ cuteurs à un nouveau crime; mais il ne s’y oppose pas, dans le désir qu'il a de confesser publiquement sa fol. On ne pourrait pas opposer à ccttc proposition les paroles de Notre-Seigneur : Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Matth., x, 23. Ccs paroles, en effet, sont moins un précepte qu’un conseil dont l’observation dépend des circonstances; et elles signifient simplement que la fuite, en prin­ cipe, est permise, sauf les exceptions comportées par les cas particuliers envisagés plus haut. Qu’on ne dise pas, non plus, qu’il y a opposition entre ccttc proposition et celles <|ui ont été soutenues et prouvées au cours de cct article. Celles-ci n’ont eu aussi pour but que de démontrer la licéité de la fuite, et non sa nécessité, ----- ,---------------------, sauf le cas où ilw y _ aurait, » · pour un individu, péril prochain de renier sa foi dans tles —atourments; _ A _ a car, alors, I la z* fufuite i I .1 serait il obligatoire tub gruui, comme la fuite de toute occasion prochaine de péché grave. Voir Fuite des occasions de péché» coL 951. FULBERT 06* En résumé donc, sauf les exceptions indiquées, fuir ou ne pas fuir est chose moralement Indifférente, puisque l’un et l'autre sont également licites. Entre les deux, chacun peut donc choisir, suivant les cir­ constances, son attrait et l'impulsion des grâces que Dieu lui donne. Cf. cardinal Cajétan, In Matth., c. x; Suarez, De fide theologica, disp. XIV, sect, m, n. 11, Opera omnia, L xn, p. 390; Salmanticcnses, Cursus theologicus, tr. XVII, disp. VII, dub. i, J 2, n. 18, L xi, p 357. S. Thomas, Sam. theol.. Il* II·, q. rn; q. clxxxv, a 5; Opusc , XVIII. c. xix-xx; In Joa., x, lect m; In Z* Cor., I. in fine; In Z Z·· Cor , n, in fine, Opera omnia, 34 in-4·, Paris, 1871-1880, t. îv, p. 5O-I sq.; t. xx, p. 133 w;.; Suarez De fide theologica, disp. XIV. sect. Hi, η. 8-13. Opera omnia, 28 in-4·, Paris, 1856-1878, t. xn, p. 389-391; Sal­ man licenses, Cursus theologicus, tr. XVII.De fide theologica, disp. VII. dub. I, § 2. 20 in-8·, Paris, 1870-1883, t xi, p 353-357; Mœhlcr et Relthmayr. Im patrologie on his· toire littéraire des trois premiers siècles de Γ Eglise chrétienne, part. I. § 1. n. 4; part II!, n 9. 2 in-8·, Paris. 18-13, t r. p 128-130; t. n. p. 333 sq.; Mgr Freppel, Les Pères aposfoliques et leur époque, leçons χν-χνπι, in-8·, Paris, 1859, p. 321-405; Tertullien, leçons xni. xiv, 2 in-8·, Paris, 1864. t i, p. 274-277. 290 sq.. 310-321 ; Clément ν την στραγωχ. 11. Écrits. — Gabriel a laissé, outre un certain | Chrysanthe, op. cil., p. ρς'. Remarquons encore qu’il emploie les termes scolastiques de matière ct de forme nombre de lettres publiées les unes dans la Tureogracia de Martin Crusius, qui fut l’un de scs corres­ (ύλη, ίΐοος), de transsubstantiation (μίτουσίωσις, μίτουpondants, les autres par Lami, Delicia eruditorum, σιούσθα·.), qu’il trouve la forme de la confir­ Florence, 1714, t. xin, plusieurs écrits théologiques ct mation dans la prière de la consécration du chrême polémiques, qui montrent en lui un théologien d’assez par l’évêque, qu’à la suite des théologiens catholiques petite envergure, d’érudition plutôt courte, ayant ct contrairement à l’enseignement des théologiens subi dans une certaine mesure l’in fluence de la sco­ orientaux de nos jours, il distingue trois parties dans lastique latine, mais n’en restant pas moins défenseur le sacrement de pénitence : la contrition, la confession oplnÛtre et souvent maladroit des doctrines schis­ ct la salis/action, ίχανοποίησις. L’emploi de ce dernier matiques. Voici la liste de ces écrits : terme est important : il montre que Gabriel Sévère 1® Τού ταπιινού μητροπολίτου Φιλαδιλφιίας Γαβριήλ, admet l’existence d’une peine temporelle restant au Ιχιτροπου καί έςάρχου πατριαρ/ιχού Συνταγμάτων rtpi compte du pénitent même après l’absolution sacra­ τών αγίων χα· ίιρών μυστήριων, Venise, 1600; 2* édit., mentelle. C’est d'ailleurs une doctrine qu’il enseigne Venise, en 1691. Legrand, bibliographie hellénique des clairement en plusieurs endroits de ses écrits. Il donne xv· et xv/· siècles, l. il, p. 142; du xv//· siècle, t. n, comme forme d’absolution une formule déclarative : p. 2-3. Chrysanthe, patriarche de Jérusalem, reproduisit ol τής αγίας έξομολογήσ«ως ίννομοι ύ.τουργοί τώ πρός cet ouvrage, en lui faisant subir quelques modifications, αυτούς ίρ/ωχίνω άμαρτήσαντι λίγουσιν 'Η χάρις τού dans son Σννταγματιον ntpl τών οφ^ιχιων χληριχάτων Παναγίου Πνεύματος οια τής Ιμής ταπιινότητος c/u σι xs χρχοντιχ ων τής τού ού Χρίστου Χριστού άγιας ιχχλησίας «χχλησίας χαί τής συγχι/ωρημίνον χαί λίλυμίνον» Chrysanthe» p. pu’, αυτών... μι μ,ιτα τα τών έγγ «Τ7«ιριδίων «ιριδίων των πιρί alon que l’cucologc grec ne renferme que des for­ υστηρ-ων Γαβριήλ Φιλαδιλφιίας χαί Ιώβ mules déprécatlvcs. 11 compte cinq ordres mineurs, σ^ν όαιλία alors que les grecs n’en connaissent depuis longtemps » » τινί Οισπισία _ I Γ«νναδίου -ατριαρ:α··τιν*>υ?:όλ«*>ς, Tergovist, 1715; Venise, j que trois. Il trouve la forme du sacrement de mariage 91-122. Richard Simon fit entrer deux dans les paroles qui expriment le consentement 981 GABRIEL SÉVÈRE mutuel des époux, alors que ceux de son Église accordent généralement ce rôle ù la prière de la béné­ diction du prêtre. Il ne dit rien du sujet de l’extrême onction. 2° Κατά τών λιγόντων τους ορθοδόξους τής ανατολική; Ικκλησίας υίούς κακώς τ< καί παρανόαως r.ottjv τώ τιμάν χαί προσκυνίΐν τα άγια δώρα, ήνίχα ο χιρονόικός άδιται ύμνος, χαί δ ίιριύς φίρων ταυτα, ιίσοδιύιι <ις τό άγιον βήμα. "Ετι πιρί τών μςρίοων tv το} άγίφ δΐσχω έπιτιΟιμίνων. Έτι πιρί τών χολυύων καί σπ<ρ|ΐάτων, τών προσφίρομίνων tv τα?; έορταΐς τών αγ·οιν χαί Orcp τών κικοιμημένων ορθοδόξων, Venise, 1604. Cf. Legrand, op. c/f.,* xvn· siècle, p. 38-40. Ces trois opuscules furent reproduits, traduits en latin ct commentés par Richard Simon dans l’ouvrage cité plus haut, 1-c premier a trait ά une cérémonie de la messe grecque, dite la Grande entrée, ή μςγάλη ςϊσοδος. Pendant que l'on chante au chœur le chêroubicon (offertoire), le prêtre ct le diacre portent proccssionncllcmcnl de l’autel de la prothèse au maître-autel le pain ct le vin du sacri lice. Bien que ccttc matière ne soit pas encore consacrée, les assistants lui rendent les honneurs par des prostra­ tions ct des signes de croix. Dès le moyen âge, les latins trouvèrent à redire à ces marques de véné­ ration ct accusèrent de ce chef les grecs d’idolâtrie. Slméon de Thcssalonlque dut prendre la défense de ses coreligionnaires. De templo, 78, P. G., t. clv, col. 729. Les attaques sc renouvelèrent au xvi· siècle ct les protestants en prirent occasion de contester la croyance des grecs à la présence réelle. C'est pour répondre aux uns et aux autres que Gabriel Sévère composa son opuscule. Contre les protestants il affirme très nettement la présence réelle ct la transsubstan­ tiation, μςτουσίωσις. Aux latins il explique avec beaucoup d'ingéniosité que le pain ct le vin de la messe sont dignes d’un double honneur avant leur consécration, d'un honneur naturel, τιμή φυσική, qu’ils méritent en tant que créatures de Dieu, d’un honneur participé, τιμή αιτοχιχή, qui leur vient des prières de l’Église les désignant pour être transsubslantiés au corps et au sang de Jésus-Christ. Λ ce titre, ils ont un droit plus grand que les Images mêmes du Sauveur à notre vénération, vénération qui n’est pas une adoration proprement dite, προσχυνοΰμςν γουν αρα ταυτί τα άγια δώρα... ου μίν δή χαί λατριύωμςν. Ce n’est qu'après être devenus par la consécration le corps et le sang du Christ que les dons sacrés doivent recevoir le culte de latrie, la τιμή μηουσιαστιχή. L'opuscule sur les parcelles, μιρίδις, fait encore allusion à un rite de la messe grecque, assez récent d’ailleurs. En dehors de l’hostie principale destinée à être consacrée, le prêtre grec découpe dans le pain d’autel un certain nombre de parcelles en l’honneur des saints, ct pour les vivants ct les morts dont il désire faire mémoire; durant le sacrifice, ces parcelles sont rangées autour de l’hostie principale; puis on les mélange au précieux sang avec l’hostie consacrée. Sont-elles consacrées, ct peut-on les donner aux fidèles comme étant le corps ct le sang de Jésus-Christ ? Gabriel Sévère répond â ccttc question par un non catégorique. Les parcelles, dit-ll, ne sont pas transsubstantiées par le contact du corps ct du sang du Christ, ct le prêtre doit sc garder d'en communier les fidèles. Elles reçoivent cependant une sancti­ fication participée, μιτοχιχώς του Αγιασμοί! μβταλαμδάνονσιν, tout comme les âmes des saints partici­ pent à la sainteté de Dieu sans se changer en la divinité. Le troisième opuscule examine l'origine ct le sym­ bolisme des colybes, χόλυδα, sorte de gâteau de prépa­ ration compliquée dont le fond est constitué par des grains de froment bouillis, que les grecs ont coutume de bénir ct de manger en l'honneur des saints ct en mémoire des défunts. On distingue, en effet, des colybes 982 festivaux et des colybes mortuaires. Voir sur les colybes l’article de Mgr Petit, La grande controverse des colybes, dans les Échos d'Orient, t. n, p. 321-331. Les colybes sont vraisemblablement un vestige des anciens repas funéraires en usage dans l'antiquité païenne, maintenus et sanctifiés par les premiers chrétiens. Gabriel de Philadelphie leur attribue une origine tout évangélique. Notre-Selgneur a dit dans l’Évanglle : Nisi granum frumenti cadens tn (erram mortuum luerit, Ipsum solum manet; saint Paul, dans la I,e Épllre aux Corinthiens, compare le corps humain û une semence Jetée en terre. Le grain de froment symbolise ainsi le corps humain couché dans la tombe par la mort et devant un jour ressusciter glorieux. Les condiments qui entrent dans la prépa­ ration des colybes représentent les vertus de l’âme ct du corps. Gabriel affirme en passant que dans l’autre monde les âmes se reconnaissent 3e L'ouvrage principal de Gabriel Sévère est une trilogie apologétique ct polémique dirigée contre les latins ct spécialement contre les Jésuites Bellannin ctPossevln. qui avaient traité les grecs de schisma tiques et d'hérétiques dans leurs écrits. Le titre est le suivant: Γαβριήλ του Σιδήρου του ex Μονίμζασίας ταπηνου ιιητροπολίτου Φιλαδιλφιίας "ΕκΟισις χατα τών άμαΟώς λςγΟντων χαί παρανομώ; διδασκόντων, ότι ήμΚς οί τής ανατολική; Εκκλησίας γνήσιοι καί όρ'χίδοξοι παιδί;, έσμίν σχισματικό1 παοα τής άγιας χα καθόλου Εκκλησίας. La division est ainsi indiquée : 1 Πόσαι ιίσίν αί ρνιχαί καί πρώται διατοραί χαί ποια·., ά; Γ/tt ή ανατολική ’Εκκλη­ σία τή ' Ρωμσίχή; 2. Ποία ιστίν ή άγια καθολική χαί άποστολιχή * Εκκλησία; 3. Πώς πιστοομίν όρ6ά, χρατουμιν β(€αια, καί ουτι σχισματικοί ισμιυ, ουτι αιρετικοί. De cette trilogie la première partie seule a été publiée à Constantinople, en 1627, avec d'autres écrits de Mélèce Pigas, de Georges Coresslos, de Nil de Thcssalonlque, de Barlaam, ct une dissertation ano­ nyme sur le feu du purgatoire. Voir la description de ccttc édition dans Legrand, op. cit., xvn· siècle, t. it p. 240-243. L’ouvrage entier sc trouve dans le* cod. 1616, 2137 ct 1291 du Mont-Athos. d’après le catalogue de Sp. Lambros, Catalogue o/ the greek manuscripts on Mount Athos, Cambridge, 1885. La partie publiée seule nous a été accessible. Gabriel compte cinq diver­ gences principales entre l’Église orientale ct l’Église romaine, les cinq du concile de Florence, à savoir : la procession du Saint-Esprit, la primauté du pape, l'usage du pain azyme comme matière de l’eucharistie, le feu du purgatoire, la béatitude complète des saints. Il écarte délibérément dans son introduction certaines divergences secondaires, comme la question du calen­ drier, qui était tout à fait actuelle de son temps, le jeûne du samedi, la génuflexion dominicale. Jr· divergence, πιρί τής του Παναγίου Ιΐυιύματος Ικποριυσκ κ. Gabriel ne dit rien de bien nouveau sur cette vieille question. Il croit trouver le fondement de la doctrine catholique du Filtoque dans I identi­ fication que feraient les théologiens latins entre la personne du Saint-Esprit ct l’opération, ΐν«ργ<ια. commune â toute la Trinité. Lui-même distingue si bien l’essence divine de son opération qu'il paraît côtoyer le palamisme : άλλο ioriv ή 0ρ(?ται τοίς κεκοιμημένοις ορΟοδόςοις χριστιανούς την ΙλευΟεριαν καί αφ:σιν τών διά τάς αμαρτίας τιμωριών και την Ελευθερίαν ταύτην αι άξιαι ψυχαί μάλλον τήν λαμβάνουσιν. Tout en rejetant le purgatoire comme lieu distinct de l'IIadès, il ne fait pas difficulté de reconnaître qu’il y a dans l’Hadès plusieurs compartiments : πλήν ό τόπος ουτος P/ci πολλά ς και διαφόρους μόνα; καί πολλά είδη τιμωριών, κατά τήν αναλογίαν των αμαρτιών δηλονότι. Au sujet de la peine du feu, il ajoute : < Elle me sourit, cette opinion de certains théologiens de l’Église occidentale qui disent que le feu éternel est celui-là même par lequel les Ames sont châtiées pour un temps. Ce feu, tel que Dieu l’a créé, est de sa nature étemel; si on le dit temporaire, ce n’est pas en vertu de sa nature, mais à cause des Ames qui en sont délivrées; de même, il est dit éternel et perpétuel en considération des Ames qui y sont punies éternellement, άρέσχει μοι όμως χαι ή γνώμη τινών διδασκάλων τής δυτικής εκκλησίας, οίτινες λέγουσιν οτι τό πυρ τό αιώνιον είναι Ιχείνο είς τό όποιον πηγαίνουσιν αί ψυχαι καί τιμωρούνται προς καιρόν, b One chose que Gabriel se refuse à accepter, c’est que le pape ait juridiction sur les âmes des défunts et qu'il puisse ouvrir à son gré les portes de l'Hadès. 1) est vrai que le théologien grec se bat ici contre un fantôme. 6· divergence, περί τής μακαριότητας των άγιων. Sur ce point encore Gabriel est au fond d'accord avec la théologie catholique : « Voici, dit-il, quel est mon avis sur cette question : Les Ames des saints et des bien­ heureux voient, en tant qu’âmcs, xiüô ψυχαζ la béatitude el la gloire de Dieu, suivant la parole de l’Écriturc : Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et comme le grand Basile l’a dit dans le passage cité plus haut; mais en tant que l’âme et le corps doivent recevoir un jour la parfaite jouissance de la divine béatitude, je dis que les saints n’ont pas encore une pleine félicité, qui existera seulement lorsque le Christ jugera toute la terre et rendra à ^chacun selon scs œuvres. » En dehors des ouvrages que nous venons de men­ tionner, on possède encore du métropolite de Phila­ delphie un Office en. l'honneur de Marc d’Éphèse, 984 ’Ακολουθία <<ς Μάρκον τόν ’Εφέσου, Constantin Œconomos, Εκκλησιαστικά συγγράμματα, Athènes, 1862, 1.i, p. 560, et un discours sur le sacerdoce, λόγος r.i* ΐερωσύνης, Nicodèmc, ΙΙηδάλιον, Athènes, 1841, p. 2. Ph. Meyer, Die theologische Lllteralur der grlechlxhen Kirche im xvi Jahrhundcrt, Leipzig, 1899, p. 8<, se trompe, quand il donne comme inédite la lettre suivante : Τοίς έν τή Έπιδαύρω τή λακωνική Οεατιβεστάτοις χληρικοίς καί τοίς λοιποίς Γαβριήλ δ μη*ρο. πολίτης Φιλαδέλφειας ό Σεβήρος ευ πράττειν. Cette lettre n’est pas autre chose que la préface du Συνταγμάτων sur les sacrements, et M. Legrand la donne dans sa biblio­ graphie hellénique du xv//· siècle, t. n, p. 143144. Disons enfin que Gabriel collabora à l'édition des œuvres de saint Jean Chrysostomc par Saville. Cette édition, devenue très rare, parut ù Eton en 1612. E. Legrand, Bibliographie hellénique ou description raisonnée des ouvrages publiés en grec par des grecs aux il · et XV/· siècles, Paris, 1885, t. Π, p. xxviiî sq., 142-151, 422; Bibliographie hellénique du XV//· siècle, t. ι,ρ. 38-10, 239; t. il, p. 142-242; t. m, p. 2-3, 181; .Martin Cruslui, Turcogracia, Bâle. 158-1, p. 206. 207, 220, 275, 522, 525, 533, 534; Richard Simon, Fides Ecclesia orientalis seu Gabrielis metropolitie Philadelphlensls opuscula, nunc pri­ mum de gra'cis conversa, cum notis uberioribus, qulbu» nationum orientalium persuasio, maxime de rebus tucharhltcis ex librh praesertim manuscript!* vel nondum Latio donatis Illustratur, Paris, 1671; Fabricius-Harles, Biblio­ theca grrrea, t. xi, p. 525; S. Gerlach, Turktsches Tagcbuch, Francfort, 1674, p. 366-367; Jean Veloudos» Έλλήνι» ορθοδόξων αποικία iv Βενετία, 2· édit.» Venise, 1893, p. 68-75; Zavfras, Νέα ’ Ελλάς, Athènes, 1872, p. 216-218; A. P. Vretos, Νεοελληνική φιλολογία, fr· partie, Athènes, 185-1, p. 186-187; Sathns. Νεοελληνική φιλολογία, Athènes, 1868,p. 218-219; A. Dcmetrukopoulos, 11 οοσΟήκαι καί διορθώ­ σεις είς τήν νεοελληνικήν φιλολογίαν Κωνσταντίνου £ata, Leipzig, 1871, p. 32-33; J. Lami, Delicta: eruditorum, t. Xin, Gabrielis Severi et aliorum grtreorum recentiorum episloLr, Florence, 1714, p. 1-131; Ph. Meyer, Bealcncgclopadie/ur protestantische Théologie, 3· édit., t. vi, p. 327-328; Dic theologische Lttteralur der grlechtschen Kirche (m XVI Jahrhundert, Leipzig, 1899, p. 78-85, 132, 174; L. Allntlus, De perpetua consensione Eccles hr occidentalis et orientalU. 1. Ill, c. vu. Cologne. 1648; P. Arcudius, De concordia Ecclesin occidentalis et orientalis In septem sacramentorum admlnlstrattone, 1. I, De baptismo, e, n, Paris, 1672. M. Juoie. GABRIELI (Jcnn-Marlo do), cardinal, théologien, né A Citta di Castello le 12 janvier 1654, mort à Caprarola le 17 septembre 1711. Scs éludes terminées au Col­ lège romain, il entra dans la congrégation cistercienne réformée, connue en France sous le nom de feuillants. Il fit profession à Rome dans l'abbaye de SalntcPudcntlenne le 30 octobre 1672 et reçut le nom de Jean-Marie de Saint-Floride. Pendant douze ans, Il enseigna la théologie à Turin et â Rome. Il fut membre des académies des saints canons et de l'histoire sacrée Jean-Marie de Saint-Floride, qui avait été supérieur général de sa congrégation, était président de la Pro­ pagande, lorsque, le 14 novembre 1699, il fut élevé au cardinalat par le pape Innocent XII. On a de cc théologien les ouvrages suivants : De romnno ponti­ fice et de. Ecclesia asserta dogmatica ad tuentem dlvl Bernardi abbatis sancta: rotntuuc Ecclesia: doctor is melliflui, in-fol., Rome, 1686; Promptuarium sele­ ctarum assertionum historicarum, criticarum, dogma­ ticarum ex sacnc Scripturæ, historic ccclcslasliae, sum­ morum pontificum, conciliorum et sanctorum opulen­ tissimo penu depromptarum per ocio priora religionis Christiana sacula distributarum, in-fol., Rome, 1687. La mort l'empêcha de publier une théologie dogma­ tique, positive et scholastique qu’il avait préparée contre les juifs, les hérétiques et les schismatiques. 11 avait fait partie de la commission chargée par le pape d’examiner les Maximes des saints, et il avait pris la défense de Fénelon. Il s’était prononcé GABRIELI — GAETAN MARIE DE BERGAME aussi pour Sfondratc au sujet du Nodus prædestina­ tionis. C.-J. Morotlu·, Clsterctt reflorescentis... chronolnglca historia, ln-fol.. Home, 1690, p. 122; (dom François), Biblio­ thèque générale des écrivains dr l'ordre de saint Benntt, in-4·. Bouillon. 1777, t. i, p. 352; Phélipcaux, Relation de Γori­ gine, du progrès d de la condamnation du quiétisme, 2 in-12, s. i., 1732-1733, t. i, p. 310 sq.; t. n, passim. B. Heurtehize. GABRIELIS Gillo·, théologien belge, né à I laccourt, mort en 1697. Licencié de l'université de Louvain, religieux du tiers-ordre de saint François, il enseigna la philosophie pendant trente-deux ans. 11 publia : Specimina moralis christlanæ et moralis diaboltac in praxi, in-8°, Louvain, 1675. Cet ouvrage où sc retrou­ vent les erreurs de Balus et de Jansénlus fut condamné par un décret du Saint-Ofllcc le 27 septembre 1679. Mandé à Home, l’auteur promit des corrections et publia une nouvelle édition de son livre sous le titre : Specimina moralia, in-8°, 1680. L'inquisition d’Espa­ gne le condamna par un décret du 28 août 1861; et en cfiet les mêmes erreurs s'y retrouvent Malgré la défense portée par le Saint-Ofllcc de traduire cc livre capable d’infecter les fidèles, dom Gerbcron, réfugié en Hollande pour cause de jansénisme, en publia une traduction sous le titre : Essais de théologie morale, 1682. Une condamnation vint, le 2 septembre 1689, atteindre et la traduction et l’édition publiée à Rome. Dom Gerbcron publia à nouveau son travail en 1686, in-12, avec le titre de Essais de ta plus sûre morale. Les erreurs du livre de Gilles Gabrielis avaient été combattues dans les deux ouvrages suivants : Scrupuli ex leclione Speciminum moralium P. F. Gabrielis Lcodiensis oborli Cornetio Zegcrs, Cologne, 1GCÜ. et R. P. Ægidii Gabrielis Moralis doctrinx rc iteratum examen, ejusque catholica repelita castigatio, Liège, 1683. On attribue encore à Gilles Gabrielis : Thesis theologica de sacramento pænitcntix, peccatoribus, præscrtlm consuetudinariis et recidivis legitime admi­ nistrando, ln-4°, Bruxelles, 1676. R. P. Jean de Snlnt-Antolne, Bibliothèque universelle franciscaine, t. i, p. 15; Journal des savants, 14 avril 1681, p. 139; Bibliothèque janséniste ou catalogue alphabétique des livres jansénistes, in-12. Bruxelles, 1740, t. i, p. 172; Diction­ naire des livres jansénistes ou qui favorisent le jansénisme, in-12, Anvers, 1755, t. n, p. 65; t. iv, p. 12; dom Tnuln, Histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur, in-4·, Bruxelles, 1770, p. 343; Hurter, Nomenclator, t. iv, coL 616-617. B. Heurtedize. GAtTAN MARIE DE BERGAME. frère mineur capucin, sc nommait dans le siècle Marc Migliorinl. Né le 27 février 1672 d’une famille de commerçants aisés, Il étudia avec succès sous la direction d’un oncle prêtre, directeur d’un florissant collège de sa ville. A dix-huit ans 1) étonnait scs concitoyens par une soutenance publique de droit canonique et civil, que présidait l’évêque de Bergame. Marc Migliorinl avait ensuite abordé l’étude de la théologie et une brillante carrière ecclésiastique s’ouvrait devant lui. Ce ne fut donc pas sans édification qu’on le vit aban­ donner tout pour entrer chez les capucins, dont 11 revêtit le froc le 3 mal 1691. Après avoir complété scs éludes. Il fut destiné Λ la prédication et 11 sc dépensait, en particulier dans les missions, où 11 remportait de grands fruits, sans calculer avec scs forces. Dans la vigueur de l’âge il fut atteint par la maladie; une fols rétabli, le P. Gaétan ne sc reposa pas pour cela : contraint de renoncer en grande partie à son activité extérieure. Il s’assit à sa table de travail, qu'il ne quittait que pour sc rendre aux exercices de la com­ munauté. Toutefois, s’il était assidu au chœur, il s’absentait souvent du réfectoire, sc contentant les 986 jours de jeûne d’on seul repas, et jamais, même dans sa vieillesse, il ne voulut accepter aucun adoucisse­ ment. Le P. Migliorinl, comme scs compatriotes avaient continué a le nommer, mourut dans le couvent de sa ville natale, à l’âge de quatre-vingt-un ans, le 10 septembre 1753. Bien qu’il n'ait commencé à écrire qu’à l’âge de cinquante ans, le P. de Bergame a laissé une oeuvre Importante, qui a été réunie après sa mort en 12 in-4°. Nous ne donnerons pas le détail des nombreux opus­ cules qu’ils renferment, nous Indiquerons seulement scs principaux ouvrages. Notre auteur vivait à une époque où de part et d'autre on discutait ûprement sur l'opinion probable, il sc rangea nettement du côté des antiprobabilistes et Ton retrouve partout dans scs œuvres la préoccupation que lui causait l’abus du probable. Elle se fait Jour dés les premières pages de l’ouvrage par lequel il débuta, après avoir édité quel­ ques opuscules. Il a pour titre : L’uomo aposfcltco isiruito nella sua Docaztone at con/esslonario, in-4®, Bergame, 1726; Brescia, 1732; 4· édit., Venise. 1736, dans laquelle il inséra une Istruzione sapra i contraitl ed usure, déjà publiée à part, in-12, Bergame. 1730; dans la 6· édition, Venise, 1744, il inséra aussi un Esame sopra il oizio ddl'osteria, imprimé une première fois à Bergame, 1725. Quand l’auteur mourut, son livre était arrivé à sa 11· édition, Venise, 1750. sans compter les tirages sans son approbation, qui se continuèrent après sa mort. On trouve une 14· édition. Venise, 1E32, puis une, 2 ln-12, Bassano, 1836. Un Compendio ddiuomo apostalico, ln-12, parut à Venise. 1756. En 1855, le chanoine Louis Ohler, professeur au séminaire de Mayence, en donnait une traducLon libre : Des Cafetanus non Bergamo Ermahnungen im Beichtstuhl, 4* édit, Mayence, 1872. Le P. Gaétan publia ensuite : L’uomo aposMico istruito ndïa sua occazionc al pulpito, ίη-4·, Venise, 1729, dont Benoit XIII accepta la dédicace; on dit meme que ce pontife ordonna aux supérieurs d’exempter l’auteur de toutes les observances conventuelles pour lui permettre de sc livrer entièrement à la composition de ses ouvrages : dispense dont le saint religieux ne voulut pas profiter. Le P. Floridus de Burghausen provincial des capucins de Bavière, traduisit en latin les deux livres précédents : Homo apostolicus ad pul­ pitum et con/essionale, Munich, vers 1750. Le troisième grand ouvrage du P. de Bergame a pour titre : Bi/les· sioni sopra Γ opinione probabile, 2 in-4% Brescia, 1739; après avoir démontré l’abus qui se fait de l’opinion probable, i) enseigne à en faire bon usage. Cet ouvrage ne fut n'édité que dans les collections des œuvres de l’auteur, Benoît XIV accepta la dédicace d’un autre travail du P. Gaétan : La morale eoangdlca predic'da. In-4®, Padoue. 1743; 2· édit., Ibid., 1748; 4·, ibid., 1762. Les htruzioni morali, ascdiche sopra la pooertà de /rati minori cappuccini, in-4% Padoue, 1750, por­ tent en tête une approbation très élogicusc de Murent Ganganelll, le futur Clément XIV, qui continua tou jours, étant pape, à faire sa méditation quotidienne en se servant d’un livre de notre P. de Bergame. Ce livre était les Pcnsieri ed aUctti sopra la passione di Gestï Cristo, 2 ln-8®, Bergame, 1733; on le réédite encore tous les jours. Il fut traduit en français, en allemand, en flamand, en espagnol, et il sert dans beaucoup de provinces capucines pour la lecture du sujet d’oraison. Un autre ouvrage ascétique non moins estimé fut celui sur l’humilité, L'unultà dd cuore, ln-12, qui était à sa 5· édition en 1740; il fut égale­ ment traduit en plusieurs langues, en particulier en anglais par le cardinal Vaughan, qui consacra les derniers temps de sa vie à cc travail, llumilty o{ heart, ln-12, Westminster, 1905; 2· édit., ibid., 1906. D’autres opuscules ascétiques du P. Gaétan ont été GAÉTAN MARIE DE BERGAME — GAGARIN également traduits en diverses langues; aucun cepen­ dant ne le fut .autant que le Cappuccino ritirato, exerdees de retraite que l'auteur avait écrits pour son compte, mais que son supérieur publia dés 1719. Jamais 11 n’y mit son nom, tout en revoyant les édi­ tions qui parurent de son vivant. Après sa mort, comme nous l’avons dit, on réunit les Opere del P. F. Gaetano Maria da Bergamo en 12 in-4% 17761780, avec une biographie écrite par son compatriote, le P. Alexandre Viscardl (f 1790); Il y manque cependant l’écrit sur la pauvreté des frères mineurs; par contre on y trouve des opuscules Inédits. Une autre édition d’œuvres choisies, 36 ln-12, fut publiée à Monza. 1838-1816. Quand on ouvre un volume du P. de Bergame, on demeure surpris du grand nombre dc citations, em­ pruntées aux saints Pères, qui occupent le bas des pages. L’auteur en avait fait une étude spéciale et parmi scs manuscrits, aujourd'hui conserves à la bibliothèque dc Saint-Alexandre de Bergame, se trouve un gros in-folio : Sentimenti dei SS. Padrl distribuai in ordine alfabetico, qu’il avait composé pour son usage. Bernard dc Bologne, Bibliotheca scriptorum ord. mtn. capuccinorum, Venise, 1747; Novelle Ictterarie de Venise, 1729-1753; Zaccaria, Storia letteraria (Vitalia, t. vin; MazzuccheïU, Scriltori (T Italia, t. n d, p. 936; Valdlmir de Bergame, I cappuccini Bcrgamaschl, Milan, 1883; Hurter, Nomenclator, I nipruck, 1893, t. n. col. 1553. P. Édouard d’Alençon. GAFFAREL Jacques naquit à Mannes en Provence, en 1601. Il étudia la théologie ù l’unlvenité dc Valence, où H prit le grade dc docteur. Il vint ensuite ù Paris, où il fut reçu docteur en droit canonique. Connaissant bien les langues orientales, il étudia la cabale ct publia : Abdita divinæ Cabala: mysteria contra sophistarum logomachiam de/ensa, ln-4°, 1623. Devenu bibliothé­ caire du cardinal Richelieu, il fut envoyé par cc prélat en Italie en 1626 pour y rechercher des livres et des ma­ nuscrits rares. Il continuait ses études sur les sciences occultes ct 11 publia : Curiosilez inouyes sur la sculpture talismanique des Persans, horoscope des patriarches et lecture des estoUles, Paris, 1629. Le syndic de la faculté de théologie dc Paris, Georges Froger, dénonça cc livre, le 1er août 1629. La faculté exigea dc l’auteur un désaveu formel. Après sommation canonique, Gaflarcl s’exécuta et signa, le 4 octobre, sa rétractation. Duplessis d’Argcntré, Collectio judiciorum de novis erroribus, Paris, 1734, L n b, p. 285-286. Réimprimé plusieurs fois, en 1631 à Rouen, ct deux autres fois, sans nom d’imprimeur ni dc lieu dc l’impression, en 1632 et en 1650, le livre fut réfuté par Ch. Sorcl, sous le pseudonyme du sieur de l’islc : Des talismans ou figures faites sous certaines constellations pour faire aimer ct respecter les hommes, les enrichir, guérir leurs maladies, avec des observations contre le livre des Curio­ sités inouïes de Gafjarel, Paris, 1636. Une traduction latine des Curiosités parut, 2 in-12, à Hambourg, en 1676-1678, avec des notes de Grégoire Michaelis; nouvelle édition par Fabricius, 2 in-8°, Hambourg, 1706. En 1632, GafTarcl fit un séjour à Rome, où il se lia d’amitié avec Allatius. L’année suivante, il était à Venise. Il sc rendit ensuite en Grèce, visita les côtes de l’Asie. Dc retour en France, il devint succes­ sivement aumônier du roi, protonotuire apostolique, prieur de Saint-Gilles et de Revest de Brousse, abbé du couvent de Slgoncc en Provence et enfin comman­ deur de Sninl-OinmtiL II s’occupa dc la conversion des calvinistes et eut du succès dans scs prédications, notamment A Grenoble en 1G4L 11 tut accusé d’émettre dans ses sermons des propositions favorables au protestantisme. II se contenta de répondre du haut de La chaire qu’il pardonnait à scs détracteurs. Il mourut au couvent dc Slgoncc en 1681. Scs autres ouvrages sont : Les tristes pensées de la fille de Slon sur les riva de I'Euphrate, ou paraphrase du psaume cnxrt, In-12, Paris, 1624; Catena hebraica in omnes Veteris Testamenti libros; De musica Hebraeorum stupenda libellus; De stellis cadentibus opinio nova; Dies Domini, sive de fine mundi a rabbi Elcha ben David conscriptum cl ex hebrœo in latinum a Gaj/arelto conversum, ln-12, Paris, 1629; Traité des bons et des mauvais génies; Nihil fere nihil, minus nihilo, sive de ente et medio inter ens et non ens positiones xxvi, Venise, 1635; Mariales gemitus, ln-4°, Paris, 1638; Quastlo pacifica, in-4·, Paris, 1645, pour concilier les dissensions religieuses dc l’époque au moyen des principes philosophiques, des rituels orientaux et des dogmes des hérétiques; Index codicum cabbalislicorum guibus Joannes Mirondulanus comes usus est cum commentario D. Amclil, Paris, 1651; réimprimé dans la Bibliotheca hebraica de J, Ch. Wolf; Histoire universelle du monde souterrain, contenant la description des plus beaux antres el da plus rares grottes, caves, voûtes el spélonques de la terre, in-fol., Paris, 1666, dont il n’a paru que le prospectus. GaiTarel y disait que le jugement dernier n’auralt pas lieu dans la vallée dc Josaphat, parce qu’elle était trop exiguë pour contenir tous les hommes. Bayle, Dictionnaire historique ct critique, Paris, 1820, L vu, p. 2-4; Biographie universelle, Paris, 1816, t. xvi, p. 248-250; Hœfcr, Nouvelle biographie générale, Ihxris. 1858, t. xix, col. 146-147; Feller, Dictionnaire historique, Lyon, 1822, L v, p. 7-8; P. Férct. /-a faculté de théologie de Paris ct ses docteurs les plus célèbres. Époque moderne, Paris, 1904, t. m, p. 408-409; Hurter, Nomenclator, 1910, L IV, col. 429, note. E. Manoenot. GAGARIN Jcan-Xavlcr, éminent controvcrslste du χτχ· siècle, né Λ Moscou le 1·* août 1814, d’une vieille famille prlnclère. Attaché d’ambassade à Munich, puis à Paris, ses études approfondies ct extrê­ mement méthodiques d’histoire religieuse avaient ramené peu à peu son esprit loyal ct pénétrant au centre de l’unité catholique, ct le 19 avril 1842, mettant résolument sa conscience au-dessus de toutes les affections dc sa famille ct des intérêts dc sa carrière, rompant les liens très chers qui Punissaient ù la famille Impériale, mais plus dévoué que Jamais à sa patrie qui l'exilait, il abjura le schisme dans la chapelle de M·· Swctchlnc, à Paris, en présence du P. de Ravlgnan. Le 12 août dc l’année suivante, ayant obtenu du P. Roothan l’autorisation d’entrer dans la Compagnie dc Jésus, il sc présentait au noviciat dc Saint-Acheul, pleinement récompensé de scs héroïques sacrifices et n’ayant plus qu’un désir, celui dc consacrer sa vie à propager parmi scs compatriotes la conviction qui le ramenait à la véritable Eglise. Après avoir professé à Brugelette la philosophie ct l’histoire, il passa deux années en Syrie ct consacra sa vie nu saint ministère ct à dc savants travaux sur la question religieuse en Orient, soit dans la Civiltà cattolica, dont il était le correspondant pour la partie russe, soit dans les Précis historiques, soit dans les Russische SIndien. 11 publia successivement les ouvrages suivants : Dc renseignement de la théologie dans l'Église russe, Paris, 1856; Les Starovéres, l'Église russe et le pape, Paris, 1857; Lettres d une dame russe sur le dogme de l'immaculée conception, Tournai, 1857; Curieux témoi­ gnage en faveur de l'immaculée conception, Paris, 1858; De la réunion de l'Église orientale avec l'Église romaine, ibid., 1860; Réponse d'un Russe A un Russe, critique de l'ouvrage : Orthodoxie et papisme d’un grec anonyme, ibid., 1860; Tendances catholiques dans ta société russe, Ibid., 1860; L’avenir de l'Église grecque-unle, (bld., 1862; Œuvres choisies de Pierre Tchadalef, publiées pour la première lois, Ibid., 1862; La primauté de saint 939 GAGARIN — GAGE Pierre d les Hures liturgiques de l'Église russe, Ibid,, 1863. Tous ccs ouvrages traduits en russe, en allemand et en anglais curent un Immense retentissement, sur­ tout chez les peuples slaves. Profondément versé dans l'histoire religieuse dc la Hussic, le P. Gagarin abordait toutes les questions qui prêtaient matière à discussion, depuis les controverses soulevées au sujet des manu­ scrits slaves ct dc l'alphabet dc saint Cyrille Jusqu'aux derniers griefs formulés par M. Venloukof contre l'Église romaine. Scs articles se succèdent avec une fécondité étonnante dans le Correspondant, \e Content· porain, l'Ami de la religion, les Précis historiques, Y Univers ct d'autres périodiques russes ou français, sans que jamais son Immense érudition sc soit trouvée en défaut même sur un point dc détail, comme on peut le voir dans sa controverse avec la Revue de Posen, non moins que son remarquable talent d’écrivain, sa parfaite courtoisie d’homme du grand monde ct sa touchante modestie dc religieux. Aux ouvrages précé­ demment cités s'ajoutent bientôt une longue série de brochures ou dc mémoires motivés par les circonstan­ ces ct répondant à l’heure opportune aux principales difllcullés historiques ou dogmatiques accumulées par les adversaires dc l'union des Églises : Constitution d situation présente de toutes les Églises de l'Orient, Paris ; L'Église romaine, le siège de Carloivilz d le patriarche de Constantinople, ibid., 1865 ; La rè/orme du clergé russe, ibid., 1867; Les Églises orientales unies, ibid., 1867; Mgr Lubienski, évêque d'Augustoivo, ibid., 1869; Le tarie: Tu es Petrus ct super hancpclram (Matth., xvi, 18) dans la version slavonnc dc la Bible, Versailles, 1871; Les jésuites dc Russie, 1772-1785, Paris, 1872; Un nonce du pape à la cour de Catherine II. Mémoires d'Archdli, ibid., 1872; L'Église russe d l'immaculée conception, ibid., 1876; L'Église russe d l'Église catholique. Lettres au R. P. Rozaœn, ibid., 1876; La question religieuse en Pologne, Berlin, 1877; L'impéra­ trice Anne ct les catholiques en Russie, Lyon, 1878. L’infatigable activité du savant religieux n’était ni épuisée ni ralentie par ccs absorbants travaux. Dc concert avec le P. Charles Daniel, son esprit clairvoyant ct pratique, vivement touché par le sentiment des nécessités religieuses du temps présent, avait conçu le projet d'une revue doctrinale, consacrée à l’examen approfondi des questions dc dogme, dc philosophie ou d'histoire religieuse ct sc donnant pour mission, dans la mêlée confuse des attaques cl des erreurs, dans le heurt incessant des opinions, de veiller plus spécialement nu maintien ct a la defense dc l’orthodoxie. Ainsi parurent en 1857 les Éludes de théologie, dc phi­ losophie et d'histoire, en deux séries de trois volumes, pour devenir bientôt après, sous le titre d'Éludes religieuses, l’importante revue dirigée par des Pères dc la Compagnie dc Jésus et dont la principale Initia­ tive appni lient au P. Gagann Cc saint religieux, qui avait fondé V Union de prières pour la conversion de la Russie, travaillait encore dc toutes ses forces par scs écrits â la conversion dc la Kussic ct venait d'achever la traduction en russe d’une encyclique dc Léon XIII, quand la mort le surprit ù Paris, en pleine dispersion, le 19 juillet 1882. 990 déré comme nantissement et du contrat auquel 11 sert d’objet — 1. Notion. IL Espèces. III. Aperçu historique. IV. Choses qui peuvent être données en gage. V. Conditions requises chez celui qui donne le gage. VI. Droits et obligations du créancier gagiste I. Notion. — Iaj gage est un contrat par lequel un débiteur remet un objet, meuble ou immeuble, à son créancier pour sûreté ct garantie de sa dette. Cc contrat, comme tous les contrats réels, ne devient parfait que par la livraison ou prestation dc la chose. 11 suppose nécessairement l'existence d’une obligation à laquelle il sc rattache et dont il vient garantir l’exécution. Quoique établi en faveur du prê­ teur, il lui Impose dc multiples devoirs. Il est à noter qu’il n’est pas de l'essence du contrat que le nantis­ sement soit fourni par l’emprunteur lui-même; il peut l’être par un tiers pour Je débiteur, qu’il cautionne, ainsi, d’une certaine manière. II. Espèces. — Les théologiens. comme les canonistes ct les jurisconsultes, distinguent deux espèces dc contrat de gage :1c gage proprement dit et l'antichrèse. Il y a gage proprement dit — pignus, comme s'expri­ ment le droit romain ct le droit canon — lorsque la chose donnée en nantissement est un objet mobilier; antichrèse, lorsque c'est un immeuble. L'antichrèse confère au créancier, jusqu’à cc qu’il soit Intégrale­ ment payé, un droit de rétention sur l'immeuble et» en outre, un droit dc jouissance, à la charge d’imputer le produit net dc cette jouissance sur les intérêts d’abord ct ensuite sur le capital de sa créance. 11 reçoit la jouissance dc l'immeuble en échange dc la jouissance, qu’il confère au débiteur, du capital dc la dette pour sûreté de laquelle l’antichrèse a été constituée. Dans l’antichrèse, comme dans le gage, la propriété dc l'objet livré en garantie demeure tout entière à l’emprunteur. On a rapproché l'hypothèque du contrat dc gage. Les deux choses ne sc confondent pas, comme certains ont incliné ά le croire, quoiqu’elles aient l'une ct l’autre le même but : garantir le remboursement d’une créance. L'hypothèque confère au créancier qui l’a prise le privilège d être payé, sur le prix de l’immeuble hypothéqué, avant tous les autres créan­ ciers. Cet immeuble ne lui est pas remis, comme il le serait dans l’antichrèse; il reste en la possession du débiteur, seulement 11 y reste avec une charge qui ne disparaît qu’avec le paiement dc la dette. Le propre du gage, au contraire, est dc faire passer l’objet des mains dc l’emprunteur dans celles du prêteur qui en reçoit livraison ct en conserve la garde jusqu’à ce qu’il soit payé. C’est pourquoi on donne le nom dc semi-gage, ct non pas de gage slmplemcnt.au mobilier meublant un appartement loué, parce qu’il reste la propriété du locataire ct demeure à son usage, quoi­ qu'il serve de nantissement au propriétaire de l’im­ meuble ct qu’il ne puisse être enlevé, sans son consen­ tement, tant que le loyer n’est pas payé. Le gage ct l’antichrèse ne doivent pas davantage être confondus avec le contrat pignoratif qui n’a servi, la plupart du temps, qu'â dissimuler une pra­ tique usurairc sous les apparences d’une convention permise. Il consistait en une vente Λ réméré simple­ Sornmervogel. Bibliothèque de la C1· de Jésus, t. Jîi, col. ment apparente, faite par un emprunteur à son 1089-1005; J. Brucker. Éludes, t. cxxxiv, p. 0 »q.; Russlsdie prêteur, d’un objet que celui-ci relouait aussitôt au Studlenzur rhéologie und Geschichte, 1857, port. III. p. 64 tq. vendeur pour une somme déterminée, laquelle somme P. Bernard. était censée représenter l’intérêt dû pour le capital GAGE. Ia: mot gage est pris dans deux sens bien différents. Tantôt — mais alors il est généralement , prêté. Cc capital sc trouvait garanti pur la livraison employé nu pluriel — il sign!Ile le salaire qu'on pale j de l'objet vendu; mais comme la vente n'était pas à un domestique; tantôt l'objet que l’on met entre les réelle, le vendeur pouvait rentrer en possession de son bien en payant sa dette. Le contrat pignoratif diffé­ mains d'un créancier comme garantie du paiement dc rait de la vente ά réméré en ce qu’il ne faisait pas ce qu’il a prêté. On s’occupera du gage entendu dc la passer l’objet entre les mains du créancier, ct dc l’anlipremière manière, quand on traitera de la rétribution du travail. 11 ne sera question Ici que du gage consi­ chrèsc en ce qu’il ne conférait paj au prêteur un 991 GAGE simple droit de jouissance» mais un droit de propriété, au moins fictif. Il fut inventé à l'époque où le prêt à intérêt était défendu et servit à tourner la loi prohi­ bant l’usure. Il permettait d’affirmer qu’on ne tou­ chait pas un intérêt pour de l'argent prêté, mais un revenu pour un immeuble loué. Ce n’était qu’un para­ vent et un leurre. La vente n’était pas sérieuse; elle constituait une purc fiction, car, ni l’acquéreur, ni même la loi, ne la considéraient comme réellement transmissive de propriété. Quand arrivait l’expiration du temps fixé pour le rachat, si le débiteur ne pouvait pas l’opérer en remboursant la somme prêtée, le créan­ cier prorogeait le droit de réméré pour une nouvelle période ou exigeait, par sommation, le paiement du capital et des intérêts. Dans le cas de non-exécution, il faisait prononcer par les tribunaux la saisie et la mise en vente de ce qui avait fait l’objet du contrat pigno­ ratif. I) s’en portait fréquemment acquéreur et le payait, la plupart du temps, à des prix dérisoires. Les théologiens et les canonistes furent toujours très justement sévères pour ccs conventions; ils n’y virent, avec raison, qu’une forme dissimulée de l’usure et un moyen de rendre illusoires les prohibi­ tions de l’Église. Ils exigèrent, autrefois, que les sommes versées comme fermage fussent défalquées du capital et non considérées comme un légitime intérêt de l’argent, toutes les fois que n’existait pas quelque titre extrinsèque de lucrum cessans ou de damnum emergens donnant droit de percevoir au delà du capital prêté. Sans condamner absolument l’usage du contrat pignoratif, notre droit français prohibe rigoureusement l'implgnoration lorsqu’elle renferme une convention usurairc ou déguise un pacte commissolrc défendu. Cf. Code civil, a. 2078, 2088. 111. Aperçu historique. — De tout temps, les prêteurs sc sont préoccupés d’exiger des garanties de leurs emprunteurs et de prendre des mesures pour assurer le remboursement de leur argent. Si l’on en croit Hérodote, dans l’antique Égypte, le débiteur donnait en gage le corps embaumé de son père et de sa mère, et c’était pour lui un déshonneur de ne point le retirer aussitôt qu’il le pouvait. Chez les Juifs, le prêt sur gage était couramment pratiqué. La loi ne permettait pas de réclamer un intérêt pour l’argent prêté à un Hébreu, mais elle permettait d’exiger un gage qui fût, à la fois, une reconnaissance et une garantie de la dette. Il était tout naturel que le créan­ cier, ne retirant aucun bénéfice des sommes mises à la disposition d’autrui, eût le droit de se précautionner contre les pertes. Nous voyons, II Esd., v, 3, les Juifs du temps de Néhémle engager, durant la famine, leurs signes, leurs champs et leurs maisons pour avoir du blé, et l’auteur du livre de Job, xxiv, 3-9, nous montre des prêteurs sans entrailles se faisant livrer le bœuf de la veuve, l’âne de l’orphelin, les ustensiles du pauvre. Le contrat de gage proprement dit ne fit qu’assez tard son apparition dans le droit romain; il n’existait pas sous la loi des Douze Tables, il est d’origine pré­ torienne. Jusque-là, le seul gage qu’eût le créancier était la personne même de son débiteur. Ce ne fut que petit â petit que la législation se modifia et qu’elle arriva à permettre au prêteur, ne pouvant obtenir autrement le remboursement de son argent, de faire saisir et vendre certains biens de l'emprunteur· Plus tard seulement, elle reconnut et sanctionna le vrai contrat de gage. Ce contrat fut, non institué par elle, mais inventé par les intéressés. Afin de trouver plus facilement de l’argent. celui qui désirait contracter un emprunt fixait tels et tels de ses biens que. en cas de non-paiement, le prêteur pourrait faire saisir et vendre pour rentrer dans scs fonds; mais ces biens, il ne les livrait pas à son créancier, il en gardait la gestion, 992 il pouvait s’en servir, il avait même le droit de H aliéner, pourvu qu’il ne le fit pas en fraude, cc qui rendait singulièrement illusoire la garantie du prê­ teur. Celui-ci exigea bientôt que l’objet servant de gage fût remis entre scs mains; la loi sanctionna la mesure et, de la sorte, par des étapes successives, on arriva au contrat de gage tel qu’il existe aujourd’hui Quelquefois, le gage n’était pas remis au prêteur luimême, mais confié â un tiers désigné d’un commun accord par le créancier et le débiteur. Il était défendu par la loi de convenir que si, au bout du temps fixé, le débiteur ne s’étalt pas libéré, le gage deviendrait la propriété du créancier; la pratique aurait donné naissance Λ trop d’injustices et à trop d’abus. Le prêteur était simplement autorisé à faire vendre l’objet gagé ou à en faire fixer le prix par voie judi­ ciaire; il retenait le montant de sa créance, mais était tenu de remettre le surplus à l'emprunteur. Au moyen âge, le prêt sur gage fut pratiqué sur une très vaste échelle et donna naissance aux plus criantes iniquités. Il fut, pendant longtemps, monopolisé par les juifs, les lombards, les cahorsins, en un mot, par ceux qui faisaient profession d’usure et vivaient de l’exploitation du pauvre. L’ordonnance de 1360, qui autorisa les juifs à résider en France, leur permettait de prêter sur gage au taux incroyable de 4 deniers pour livre et par semaine, ce qui faisait à 86 ° o par an. L’ordonnance de 1380 la confirma beaucoup plus qu’elle ne la modifia. Elle sc borna à défendre de donner et d'accepter, comme gage, les reliques des saints, les ornements d’église, les vases sacrés, les contres, le ferrement des charmes et les fers de moulin. Elle statuait, en outre, que si, au bout d’un an et un jour, le débiteur ne s’était pas libéré, le créancier pouvait faire vendre le gage, à la condition de remettre au propriétaire toute la partie du prix qui dépassait le montant de la créance. Les créanciers juifs s’arran­ geaient généralement pour acheter eux-mêmes, à vil prix, l’objet livré en gage ou pour le faire acheter par quelqu'un qui était de connivence avec eux. C'était l’occasion de monstrueux abus. Pour porter remède au mal et soustraire les malheureux à l’impitoyable rapacité des usuriers, un franciscain, Barnabé de Terni, conçut l'idée d’une banque où l’on prêterait sur gage, mais sans exiger aucun intérêt. De riches bourgeois charitables mirent à sa disposition les fonds nécessaires et il réalisa son projet, en 1110, d’après les uns, en 1462, d’après les autres. L’insti­ tution, à laquelle il donna le nom de mont-de-piété, prit de très rapides et de très considérables dévelop­ pements. Grâce à l’ardente et courageuse propagande que les fils du Povcrello d’Asslse ne cessèrent de faire en sa faveur, elle sc répandit vite dans toute l'Italie. Dès la fin du xv· siècle, il y avait des monts-de-piété dans presque toutes les grandes villes de la Péninsule· Parmi les hommes qui s'employèrent avec le plus de zèle à en accroître le nombre, une mention spéciale doit être faite du B. Bernardin de Fcltrc, qu'on peut regarder, sinon comme le fondateur, au moins comme Je grand apôtre et le véritable organisateur de ccs établissements. Il établit celui de Padouc en 1491, celui de Florence en 1492, celui de Pavle en 1494, Jusqu’à lui, les prêts avaient été gratuits; il préconisa le système des prêts à petits intérêts, afin de faire face aux frais cl aux charges de l’œuvre, d’assurer son avenir en ne la faisant plus dépendre uniquement du bon vouloir des personnes charitables dont les géné­ rosités assuraient seules sa marche, de la mettre en état de lutter plus avantageusement et sur une plus vaste échelle contre la banque juive. Il admettait, pourtant, que les prêts ne dépassant pas trois livres devaient être gratuits, des prêts de ce genre n'étant I faits, d’ordinaire, qu’à de très pauvres gens. Ses 993 GAGE Idées rencontrèrent, d’abord, une formidable oppo­ sition; on l’accusa de reconnaître l’usure et de vouloir la favoriser, niais le V· concile de bat ran lui donna raison Tout en reconnaissant qu'il serait désirable et plus parfait que les monts-de-piété prêtassent gratuitement, Il déclarait que le fait d’exiger un intérêt modéré pour couvrir les frais de l’œuvre ne constituait pas, de la part de ces établissements charitables, une pratique condamnable et usuraire. Le 9 mal 1515, Léon X publiait un décret dans lequel il disait : Definimus montes pietatis in quibus, pro eorum expensis et indemnitate, aliquid moderatum ad solas ministrantium impensas ei aliarum rerum ad illorum conservationem pertinentium, pro eorum in· demnitale dumtaxat, ultra sortem, absque lucro eorumdem montium recipitur, neque mali speciem proeferre, neque peccandi incentivum præstare, neque ullo pacto im­ probari. V· concile de Latran, sess. x, DenzingerBannwart, Enchiridion, n. 739 (624). On n’autorisait le prélèvement d’un intérêt que dans la mesure où il était nécessaire pour faire face aux frais d’admi­ nistration. mais le principe de la non-gratuité du prêt était consacré et, peu à peu, on arriva à des taux, qui, tout en restant modérés, permirent aux montsde-piété d’augmenter leur capital et d’étendre leurs opérations. De l’Italie, ces établissements se répan­ dirent dans les autres pays. Des ordonnances royales de 1626 et de 1643 réglementèrent leur fonctionne­ ment en France, où il s’en était fondé de nombreux, dès le xvi· siècle. La Révolution les supprima, mais ils furent rétablis par l’ordonnance du 12 janvier 1831. Ils sont les seuls établissements de prêt sur gage autorisés; Ils sc trouvent investis d’une sorte de mono­ pole, la \ol du 12 pluviôse an XII ayant ordonné la fermeture de tous les établissements privés. Depuis longtemps, ils ont passé du contrôle de l’Église sous celui de l’État, et les emprunteurs n’y ont pas gagné. Tout bien compté, les monts-de-piété, qui, dans la pensée de leurs fondateurs, étaient destinés < à remé­ dier aux maux in Unis de l’usure, » font payer, sous diverses formes, ù leurs clients un intérêt qui n’est pas Inférieur au taux légal. Le droit français reconnaît, sous le nom de nantissement, le contrat de gage et le Code civil en détermine les conditions. Cf. a. 2071 sq. IV. Choses qui peuvent être données en gage. Chez les Hébreux, il était défendu de prendre en gage les objets de première nécessité : le manteau de la veuve, Deut., xxiv, 17; les deux meules ou seulement la meule de dessus du moulin, sans lesquelles il était impossible de moudre le grain nécessaire à la subsis­ tance de la famille. DeuL, xxiv, 6. Si l’emprunteur sc trouvait dans un dénûment tel qu’il n’eût que son manteau pour se protéger contre la fraîcheur des nuits, le créancier était tenu de le lui rendre le soir, quitte à le lui reprendre le lendemain. Exod., xxn, 25. Le droit canon interdisait de livrer en gage, sauf le cas d’extrême nécessité, les vases sacrés, les ornements servant aux cérémonies du culte, les livres liturgiques, les reliques des saints et les vaisseaux qui les renfer­ maient : Nullus presbyter præsumat caticem vet pâte· namvel vestimentum sacerdotale aut tibnnu ecclesiasti· cum tabernario vel negotiatori aut cuilibet laico vel femina: in vadium dare, nisi justissima necessitate urgente. De pignoribus, c. L II a été dit plus haut que l’ordonnance de 1360 confirma ccttc prohibition et défendit en outre, non pas seulement d'exiger, mais même d’accepter, en gage, les coutrcs, les (errements de charrue et les fers de moulin. La règle aujourd hui admise, par la théologie comme par le droit, c est que tout cc qui peut faire l’objet d’un légitime contrat de vente peut pareillement faire 1 objet d un légitime contrat de gage. Peuvent donc être données en gage les choses immobilières et mobilières et même les nier de théou cathol. 994 choses Incorporelles : un simple droit, par exemple. Autrefois, sous prétexte que les choses incorporelles ne sont pas susceptibles de tradition, res incorporais traditionem recipere non possunt, on n’admettait pas qu’elles puissent servir de gage, le contrat de gage supposant nécessairement, disalt-on, la livraison de l’objet. Aujourd’hui, on reconnaît, comme alors, que la livraison de l’objet est essentielle au contrat, mais on admet avec le Code civil français, a. 1689, la possl· bllité d’une tradition véritable pour les choses incor­ porelles, aussi bien que pour les choses corporelles pour une créance, par exemple, que pour un champ, un animal domestique ou un tableau. Cette doctrine était déjà courante parmi les théologiens, au temps de De Lugo. Celui-ci dit dans son traité De justitia et jure, disp. XXXII, sect, n, a. 26: Res corporales et Incorporales, qualia sunt jura, atque ideo pignus, quod apud te habes debitoris lui, opplgnorari a te rursus potest alteri; tuo autem debitore tibi solvente, cessat secunda oppignoratio quia non habes amplius jus in re illa, quod possis pignori dare. Nomina etiam debito­ rum, seu quæ tibi debentur, poteris oppignorari. On s'est demandé, autrefois, si le débiteur peut sc donner ou donner un des siens comme gage; la question ne sc pose plus depuis longtemps. L’homme ne peut pas plus être l’objet d’un contrat de gage que d'un contrat de vente. Il n’y a que deux cas où il puisse être objet de contrat : dans le mariage et dans l’adoption. V. Conditions requises chez celui qui donne le gage. — Pour pouvoir donner une chose en gage deux conditions sont requises. Il faut être propriétaire de ccttc chose et avoir la capacité de l’aliéner. On n’« pas le droit d’engager la chose d’autrui, sans le consen­ tement de son propriétaire. Celui-ci, s'il n’a pas donné son consentement, pourra réclamer son bien et en exiger la restitution du créancier qui l'a reçu en nantis­ sement. alors même que cc créancier l’aurait reçu de bonne foi, c'est-à-dire dans l’ignorance qu’il était de la propriété d’un autre que celui qui le lui a remis. Mais, dans ce cas. le détenteur de bonne fol peut attendre, pour sc dessaisir du gage, d'y être condamné par sentence du juge. Celui qui le lui a Injustement remis n’a pas qualité pour le réclamer sous prétexte qu’il ne pouvait validcmcnt disposer d’une res aliéna et qu’il a le devoir de la rendre à son maître. Ce dernier seul est admis à poursuivre la restitution. Il ne suftlt pas, pour pouvoir faire valablement constitution de gage, d’être légitime propriétaire do l’objet donné en nantissement, il faut encore ne pas être dans un des cas d’incapacité d'aliéner prévus par le droit. L’incapable peut toujours faire prononcer la nullité du contrat et exiger la restitution de sa chose. Le tuteur, le curateur, l’administrateur peu­ vent régulièrement engager les biens de leur pupille ou de leur commettant, pourvu qu’ils le fassent dans son intérêt et avec une suffisante prudence. Pouvant emprunter pour lui, ils peuvent garantir cet emprunt par un gage lui appartenant. Chacun peut prendre sur scs propres biens pour cautionner la dette d'un autre. Le contrat de gage, dans ce cas, impose les mêmes obligations et produit les mêmes effets quo dans les cas ordinaires. Celui qui a fourni le nantis­ sement n’a le droit de faire rendre la chose donnée en garantie que tout autant que le débiteur s’est acquitté de sa dette. VI Droits kt obligations du créancier gagiste, — IJ n le droit : de sc faire délivrer le gage stipulé; de ne pas s’en dessaisir tant qu’il n’est pas remboursé Intégralement; de le revendiquer et de le reprendre lorsque, contre son gré, il est tombé en la possession d’un tiers; d’être payé, avant tout autre créancier, sur le prix de l’objet gagé, lorsque cet objet est vendu; de faire ordonner, en justice, que le gage lui demeurera VL — 32 995 GAGE — GAGUIN θθθ en paiement ct Jusqu’à due concurrence, d’après une I forme de traité sur les plus hauts problèmes de l’écono­ estimation faite par experts, ou qu’il sera vendu aux mie de la grâce et prépara un formulaire d’entente, enchères; de sc faire pa\cr les peines et débours occa­ dont il posa les bases dans une lettre â Clément VIH, sionnés par l'entretien et la conservation de la chose le 20 août 1600, sans qu’il lui fût possible de rapprocher gagée; de se taire indemniser des dommages qu’auraient les esprits ct de faire coïncider les points de vue. pu lui occasionner les vices occultes de cette chose. Sommervogel, Bibliothèque de lu C· de Jésus, t. m.col. Λ ces droits correspondent de nombreuses ct graves 1095-1099; Hotmarus, Almon Ingolstadleasts Academia·, obligations. Le créancier gagiste est tenu : de rendre Ingolstadt, 1581. t. r, p. 161 ; Journal des savants, décembre le gage aussitôt qu’il est complètement payé; d’en 1782, p. 2573; Mémoires de Trévoux, juillet 1713, p. 1289. avoir un soin suffisant pendant qu’il le détient; d’in­ P. Bernard. demniser le propriétaire si, par sa faute, pendant qu’il 2. GAGLIARDI DE ROTA Antoine, religieux augusl’a entre les mains, le gage vient à sc détériorer ou à se tin, de la congrégation de Lombardie. Il vécut long­ perdre; d’imputer, v’il détient un immeuble, les fruits temps à Milan, au couvent de Saint-Marc, où il mourut qu’il perçoit en déduction des intérêts et, si ceux-ci vers l’an 1688. La plupart de scs ouvrages théologiques ne les épuisent pas, en amortissement du capital de inédits se conservaient dans la bibliothèque du même la créance; de faire faire les réparations nécessaires couvent. On en trouve la liste complète dans Argelati. ct d’assurer l’entretien de cet immeuble, mais U Nous mentionnons seulement ses ouvrages Imprimés : pourra défalquer ensuite les sommes ainsi dépensées Sagra Zona di Maria santissima di Consolazione, du chiffre des revenus touchés; de tenir compte des Milan, 1678; Il vero amico sine alla morte. Milan, 1680; services rendus ct des fruits produits par les animaux La "era scuola per gli agonizanti, 1681; Conserve domestiques donnés en gage. Dans le cas de non- spirituali per gli impensati bisogni dei dicitorievangeliet, paiement de la part de son débiteur, le créancier Milan, 1684; Il pitlore dl se stesso ed è il cristiano, che gagiste n’a pas le droit de s’approprier purement ct dagli originali di alcune dette sublimi azioni di Cristo simplement le gage, il n’a pas même le droit de l’acheter ricana in quindici lezioni le copie per adomarnt se en Axant lui-même le prix. Le prix doit être fixé par stesso, Milan, 1684; Il divoto di ogni dl, Milan, 1685; expert, à moins que l’objet ne soit vendu aux enchères. La Vergine nel cuore ferita. Milan, 1685; La santa Pour prévenir les pratiques usuraircs et empêcher la Anatomia, che consiste in cinque pie lezioni, Milan, cupidité d’exploiter la misère, le droit — l’ancien 1688; La Susanna divotamente considerata, Milan, 1687; comme le nouveau — refuse de tenir pour valide le La celeste Pandora, ed è Marta sempre vergine, Milan, contrat dans lequel il serait stipulé que le créancier 1687; La virtù mascherata c senza la maschera, Milan, pourra s’approprier le gage ou en disposer à sa guise, 1687; L'uomo di Die, Milan, s. d. ; Lisette pianeti nel cielo s’il n’est pas remboursé à une certaine époque. La di Maria, Milan, s. d. ; Le sette meraviglie det cieto, e sono stipulation est nulle, alors même que, de fait, la le sette feslivita di Maria, Milan, s. d.; Le noue gemme valeur du gage ne dépasserait pas le chiffre de la dette. di Ezecchielo, e sono le none uirtiù praticale de Maria Par contre, le débiteur ne peut, à moins que le déten­ Vergine, Milan, s. d. teur du gage n’en abuse, en réclamer la restitution Argelati, Bibliotheca scriptorum medlolanenstum, t. i, qu’après avoir payé entièrement, tant en principal col. 650-652; Ossinger, Bibliotheca augustinlana, p. 377-379. qu’en intérêts ct frais, la dette pour la sûreté de A. Palmieri. laquelle le gage a été donné 11 est à noter que le gage GAGNA Qaspar-Josoph naquit à Chcrasco (Pié­ d’un meuble corporel n’est réellement constitué que mont) en 1686 ct entra au noviciat de la Compagnie si l’objet a été mis aux mains du créancier ou d’un de Jésus en 1707. Il enseigna la philosophie et la tiers convenu entre les parties. De plus, le droit fran­ théologie à Turin, y fut recteur du collège ct provincial çais exige que le gage soit constaté dans un écrit ct y mourut le 25 mars 1755. Il a écrit la Lettere public ou sous seing privé, dûment enregistré, conte­ d'Eugenio Apologista della Dissertazioni della Storia nant la déclaration de la somme duc,ainsique l’espèce cl la nature des choses remises en gage, ou un état del probabilismo e del rigorismo ad un collega del Padre F. Daniele Concina, in-4°, Lubiana (Venise), annexé de leurs qualité, poids et mesures. 1745. Concina répondit et Patuzzl fit l’apologie de Molina, De justitia, disp. DXXIX; De Lugo, De justitia son confrère. Voir t. m, col. 686-687. Mais le P. Balla et jure, disp. XXXII, sect. il. défendit Gagna. Voir t. i, col. 129. L. Garriouet. Zaccarin, Storla lellcrarla, L xiv, p. 339-340; Sommer­ <· GAGLIARDI Achille, théologien ascétique, né à vogel, Bibliothèque de la C·· de Jésus, t. m, col. 1100; Padoue en 1537, entra dans la Compagnie de Jésus t. ix, col. 389; Hurter, Nomenclator, 1910, L iv, coL 1617, en 1559 ct acquit bientôt une Immense réputation de noto 2. science ct de vertu. Successivement professeur de E. Mangenot. philosophie nu Collège romain, de théologie dogmatique GAGUIN Robert, religieux de l’ordre de la Merci. a Savonc et à Milan, il devint recteur de Turin ct de On n’est pas bien renseigné sur la date de sa nais­ Milan, où il fut le directeur spirituel de saint Charles sance. D’après de Valssière, il faudrait la placer entre Boiromée, puis de Venise et de Brescia, ct mourut à 1420 et 1425. Il naquit à Calonne-sur-Lys, au diocèse Nadine, le 6 juillet 1607. Il composa, à la demande d’Arras, aux confins de l’Artois. Dès sa jeunesse, il de saint Charles Burromée, un exposé de la fol catho­ entra dans l'ordre de la Merci, plus connu sous le nom lique : Catéchisme delta /ede catholica, ln-4°, Milan, 1584. d’ordre des mathurins, ct fit son noviciat au couvent Son principal ouvrage, traduit en plusieurs langues, des Préavlns, diocèse de Saint-Omer. A cc qu’il même en arabe, et bien souvent réimprimé, fut son raconte lui-même, dans un de scs discours latins, ses abrégé de la perfection chrétienne : Breve compendia supérieurs lui témoignèrent beaucoup de bienveil­ inlarno alla perjrzione cristiana, Brescia, 1611. On lui lance ct l'aidèrent à développer scs talents. Aux frais a souvent attribué, mais sans fondement historique, d'Isabelle, comtesse de Flandre ct QUe de Jean 1·», la paternité du Combat spinfurl, dans ses chapitres essentiels; mais aucun document sérieux ne permet roi de Portugal (1385-1433), H se rendit à Paris et y fréquenta les cours de l’université. Son maître en d’établir que le P. Lorenzo Scupoll, théalln, se belles-lettres fut Guillaume Fichet, un des humanistes wit servi d’un manuscrit laissé par le P. Gagliardi. Dans la controverse De nuxiliis, le P. Gagliardi inter­ les plus estimés de son temps. Il étudia aussi le droit canon, reçut le diplôme de docteur, ct vers Tan 1467 vint activement, mais dans le sens de la conciliation. ou 1468 ü fut nommé doyen de la faculté de droit Il rédigea pour le pape Clément VIII un mémoire en 997 GAGUIN Au dire d'firasmc, 11 était devenu par son éloquence l’ornement de l’université de Paris. En 1468, il sc rendit en Espagne pour les o Haires de son ordre, ct il racheta un grand nombre de captifs. De retour A Paris, en 1473, il prit part nu chapitre général de sa famille religieuse et y fut élu supérieur général. En 1476, Louis XI (1461-1483) le chargea de compli­ menter Alphonse V, roi de Portugal (1438-1481), à son entrée A Paris. L’année suivante, il l’envoya en Allemagne pour y faire échouer le mariage de Maxi­ milien Ier, fils de Frédéric Ill (1440-1493), avec Marie, duchesse de Bourgogne; mais scs démarches ne furent pas couronnées de succès. Rentré dans son couvent, il reprit scs travaux historiques ct littéraires, ct par son influence ct ses relations il rendit d'utiles services A l’université. En I486, Charles VIII (1 183-1478) lui confia une nouvelle ambassade auprès d’Innocent VIII (1484-1492) ct de la république de Florence pour les gagner A la cause de René de Lorraine, qui ambi­ tionnait la couronne des rois de Naples. Mais une fois de plus l’éloquence du P. Gaguin ne lui valut pas une victoire diplomatique. Cependant Charles VIII. qui avait beaucoup d’estime pour lui, l’envoya en Angle­ terre en 1489 ct 1490, auprès du roi Henri VII (14851509). Cc fut IA sa dernière ambassade. A son retour, 11 s’appliqua sérieusement à réformer son ordre. En 1479, 11 rédigea les Statuta ordinis jratrum sanclæ Trinitatis et Redemptionis captivorum, qui donnent des renseignements intéressants sur la vie ct les mœurs de ses religieux. Il dressa aussi l’inventaire des couvents et des biens immeubles de son ordre et la liste des privilèges accordés A scs religieux par le Saint-Siège. Scs biographes ne s’accordent pas sur la date de sa mort. Mais un manuscrit de la bibliothèque Mazarine, qui renferme VObiluarium sancti Malhurinl ab anno 1483, a consigné cette date d’une manière précise. 11 mourut le 22 mai 1501. Nous n’avons pas ici A retracer le rôle du Père Gaguin comme historien ou comme humaniste, ni A citer ceux de scs ouvrages qui ne rentrent pas dans le cadre de la théologie. Comme théologien. Il est connu presque uniquement par un discours ct un poème, pour la défense du dogme de l’immaculée conception. Le Père Vincent Bandclli de Cnstclnuovo (diocèse de Tortona), religieux dominicain, avait publié A Milan un Libellas de veritate conceptionis gloriosas Virginis Marite (1475), et A Bologne, cn 1481, un Tractatus de singulari puritate et prirrogativa conceptionis Salva­ toris nostri Jestt Christi. Quétif ct Echnrd, Scriptores ordinis prirdicatorum, 1721, t. n, p. 2. Pour refuter ccs brochures, Gaguin composa une dissertation : De inte­ merata Virginis conceptu, adversus Vincentium quem­ dam, Paris, 1488, Haln, Repertorium bibliographicum, n. 7414, t. n, p. 428; réimprimé cn 1490, A Paris, sous ce titre : De mendacissimo Virginis Marite conceptu cum commentariis Caroli Ferrandi. Une autre édition, parue cn 1498, porto ce titre ; Libellus de conceptione Virginis De iparte adversus Vincentium de Castro Novo, prosa et carmine, Paris. 1498. Haln, n. 7417. Une autre édition parut cn 1500. Ibid., η. 7418. On cite une tra­ duction française de cct ouvrage. Copingcr, Supple­ ment to Hain's Repertorium, η. 2611, t. π, p. 261. Il est rédigé cn prose ct cn vers. La partie en vers est connue aussi sous le litre : De puritate conceptionis. Brunet cite une édition de 1617 (Paris) intitulée : Detestatio Gaguini contra Vincentium. Manuel du libraire, Paris, 1861, t. n. col. 1137. La dernière édition de ccttc pièce a été donnée par Bonneau. L imma­ culée conception de la Vierge, poème par Robert Gaguin, Paris, 1885. Elle est précédée d'une Oratio de conce­ pttone Virginis ad fratres sui ordinis, insérée dans les Opera varia de Gaguin, Paris, 1497. Haln, n. 7425, p. 422. Le Père Gaguin s'efforce d'y réfuter l’objection 998 du Père BandelH qui attaquait l’immaculée concep­ tion, parce que saint Joachim ct sainte Anne avaient engendré la sainte Vierge par un acte de concupiscence. SI donc Pacte générateur des parents de la sainte Vierge était entaché de la faute originelle» la sainte Vierge cllc-mfime n’était pas exempte de la souillure d'origine. La réponse du Père Gaguin est originale sans doute, mais elle n'est pas convaincante. Nous la donnons Ici dans le texte latin, parce qu'on reproche, à bon droit, à notre théologien des crudités de style qui ne per­ mettent pas de le traduire : Nuntio divinitus accepto, pietate magis quam voluptate congressi, sine libidine, ut pie credi /as est. Marite generationi semen in moris sudorem posuerunt. Incubis enim, quos in dæmonibtu fieri traditur potestas est sumpti alicunde seminis servandi atque effundendi, quum tamen humanæ libi­ dinis sunt expertes; cur igitur quispiam mente pur­ gatus et per continuam pietatem ab animi perturbatione sepositus, et cui attrita sit caro exercitatione virtutum et diuturnitate jejuniorum t/fata, cur, inruam, sine ulla Veneris titillatione, si Deus unice adjutor est, non operatur genituram? De Valssière» p. 100. Dans le poème Gaguin soutient aussi que, puisque Ève est née sans le péché d'origine, la sainte Vierge, qui représente la plus haute perfection de la nature humaine, ne doit pas y être soumise. Le Père Gaguin est l'auteur aussi de plusieurs pièces de caractère religieux ct d’un rédt du martyre de saint Richard enfant : De sancto Richardo puero martyre. Acta sanctorum, martii L hi, p. 593-594. D'Achcry a inséré une de scs lettres : Epistola ad Franciscum Ferre bout pontificii juris laureatum, dans le The­ saurus novus anecdotorum, Paris, 1718, t. i. Une édition critique de ses lettres ct de scs discours a paru dans la Bibliothèque littéraire de la Renaissance, par L.Thuosne: Roberti Gaguini epistolie et orationes. Texte publié sur les éditions originales de 1498, précédé d'une notice biographique et suivie ae pièces diverses en partie inédites, 2 vol., Paris, 1903. Gnguln, Compendium super Francorum gestis, Paris, 1507, foL cccv-cccxii (plusieurs lettres ct épigrammes adressées A Gaguin); Le Mire. Elogia belgica. Anvers, 1609. p. 170, 177; Sonder, Dr brugensibus eruditionis fama claris. Anvers. 1624, p. 131; André Volére, Bibliotheca brlglca, Louvain, 16-13, p. 795-706; Foppens, Bibliotheca betg tea, Bruxelles, 1739, p. 1075, 1076; Oudin, Commenta­ rius de scriptoribus Ecclesia antiquis, Leipzig. 1722, L ni, col. 2611, 2612 ; Michel de Saint-Joseph, Btbllogrophia criiha sucra et prophana, Madrid. 1742, t. îv, p. 72-73; Nicéron. Mémoires i*our servir d l'histoire des hommes illustres dans la république des lettres, Paris, 1745, t. xuii, p. 1-3Q; il a utilise surtout les lettres de Gaguin ct il donne de bonnes indications bibliographiques; Fabricius-Mansi. Bibliotheca latina media’ el infimr irtatls, Piidouc, 1754. t. in, p. 3; Biographie universelle, Paris, 1816, t. wt, p. 2G5-2G9; Iloty, Etudes sur Robert Gaguin, Arras, 1810; A’out'cUr biographie générale. l*aris, 1877, t. xix, col 168, 169; Schmidt, Histoire littéraire de ΓAlsace à la fin du M ' ct au commencement du A >7· siècle, l*aris, 1879. t. f. p. 17. 18; Biographie nationale de Belgique. Bruxelles. 1880» t. s Π, ρ. 418-123; Philippe, Guillaume Fichet, Paris, 1888· De VaUsiêre, De Roberti Guaguini minis tri generalis ordinis S. Trinitatis vita rl operibus. Chartres, 1896 (tht'sc très bien conduite avec une excellente analyse de rs aux lois de sa nature propre, Léonce signale la naissance virginale, le jeûne de quarante jours, la marche sur les eaux, la transfi­ guration, col. 1336. La chair du Christ a donc été soumise par sa nature même aux mêmes infirmités, aux mêmes besoins que la nôtre; elle a seulement Ignoré le péché et cc qui y incline. Car cc n’est pas la chair d’Adam innocent, mais la chair d’Adam transgresseur que le Christ a prise. Il est venu, en effet, sauver les coupables ct non les innocents, payer la dette des pécheurs, fournir en sa personne l’idéal de perfection que doivent reproduire ceux à qui il a voulu sc rendre de tout point semblable. Or comment Jésus-Clirist aurait-il pu être notre modèle dans une chair incorruptible ct impassible 7 Comment aurait-il payé notre dette ? Comment, dans le combat contre le démon et le péché, aurait-il observé les lois de la justice ? col. 1348-1349. Tout comme Sévère, Léonce insiste beaucoup sur l’argument solériologlque. Parlant de l’état du corps d'Adam innocent, il dissipe avec beaucoup de sagacité une équivoque derrière laquelle s’abritaient les julianistes, ct que plusieurs de leurs adversaires ne paraissent pas avoir percée. Le corps d'Adam innocent, disent les disciples de Julien, était incorruptible et impassible. Or JésusChrist est le nouvel Adam. Mais, remarque Léonce, si le corps d’Adam était incorruptible et impassible, d’où vient que, pour échapper â la mort.il devait se 1 nourrir des fruits de l’arbre de vie ? L'immortalité I ne tenait donc pas à sa nature, mais était un don de 1009 GAIANITE (CONTROVERSE) Dieu, ct un don qui avait besoin d'être conservé par la manducation des fruits du jardin. On peut donc dire que le Christ a pris un corps semblable à celui d’Adam, c’est-à-dire un corps naturellement mortel. Cette dernière considération du théologien byzantin mérite d’attircr l’attention. Les julianistes ct plusieurs de leurs contradicteurs, par exemple, Anastase le Simule, loc. cit, col. 301, semblent croire que l’im­ mortalité et l’impassibilité d’Adam au paradis terrestre étaient de même nature que Γimmortalité ct l'impassi­ bilité du corps du Christ ressuscité : μβτακοιηΟιν (τον σώμα τό δια-οτιχόν μίτο. την άνάστασιν) <ις άφΟιρσίχν χχ· ίχοχαταοΟιν τοιοϋτο, οΓον ην τό σώμα του Άδαμ χρό της παραοάσιως, dit Anastase le Slnaite. Or, si ce n’est pas là une hérésie, δτι μηοί δόγμα τό κατά τον Άδαμ τυγ/χνιι, dit Léonce, loc. cit., col. 1348, c’est au moins une erreur. L’immortalité de nos premiers parents n’étalt que conditionnelle; elle était maintenue par le moyen de la nutrition; en un mot, comme le dit saint Thomas, Sum. theol., Γ, q. xcvn, a. 3,1c corps d’Adam innocent n’était pas soustrait aux lois de l'animalité; ce n’était pas encore le corps spirituel dont parle l’apôtre, le corps du Christ ressuscité. Voilà ce à quoi ne réfléchissaient pas les gaianites, quand ils prétendaient que Jésus-Christ avait pris un corps semblable à celui d'Adam Innocent. Un contemporain occidental de Julien d'Hallcarnassc, Boècc, a très clairement marqué les rapports de l’humanité du Christ avec la nature d’Adam ct la nôtre : Très intetltgi hominum possunt status. Unus quidem Adæ ante delictum, in quo tametsi ab eo mors aberat, nec adhuc ullo se delicto polluerat, poterat tamen in eo voluntas esse peccandi. Alter in quem mutari potuisset, si firmiter in Del præceptis manere voluisset. Tunc enim id addendum foret, ut non modo non peccaret, aut peccare vellet, sed ne posset quidem peccare aut velle delinquere. Tertius status est post delictum, in quo mors illum necessario subsecuta est ct peccatum ipsum voluntasque peccati... Ex his igitur tribus statibus Christus corporeæ naturæ suæ singula quodam modo indidit. Nam quod mortale corpus as­ sumpsit, ut mortem a genere humano fugaret, in eo statu ponendus est qui post Adæ præoaricationem poenaliter inflictus est. Quod vero non fuit in eo voluntas ulla peccati, ex eo sumptum est statu, qui esse potuisset, nisi voluntatem sc insidiantis fraudibus applicasset. Restat igitur status ille cum nec mors aderat et adesse poterat delinquendi voluntas. In hoc igitur Adam (alis fuit ut manducaret et biberet, ut accepta digereret, ut taberetur in somnum et alia quæ ei non dc/ucrunt. Humana quidem, sed concessa et quæ nullam poenam mortis inferrent ; quæ omnia habuisse Christum dubium non est. Nam et manducavit ei bibit et humani corporis officio functus est. Neque enim tanta indigentia in Adam fuisse credenda est, ut, nisi manducasset, vivere non potuisset ; sed si ex omni quidem ligno escam sumeret, semper vivere potuisset hisque non mori ; idcirco paradisi fructibus indigentiam explebat. Quam indigentiam fuisse in Christo nullus Ignorat, sed potestate, non necessitate. Et ipsa indigentia ante resurrectionem in eo fuit; post resurrectionem vero talis exstitit, ut ita illud corpus immutaretur humanum, sicut Adæ pnv ter prævaricationis vinculum, mutari potuisset. Liber de persona et duabus naturis contra Eutychen et Neslorium, c. vm, P. L., t. lxiv, coi. 13531354. Boècc, on Je voit, exprime très nettement cc que Léonce de Byzance ne fait qu’insinuer. Le théologien byzantin fait encore valoir contre la doctrine gaianite cct argument par l’absurde : Si le corps du Christ a été impassible ct incorruptible, dès le premier instant de l’union, si, dès le début, le Christ a montré en sa personne l'humanité totalement régénérée, l’homme nouveau dans tout son éclat ; scs souffrances ultérieures, la vie qu’il a menée ensuite 1010 parmi nous n’auront plus de raison d'être, puisque» du premier coup, le but de l’incarnation, qui est de res­ taurer l'état primitif, aura été atteint, coL 1352. Et le gaianite avoue qu’en effet le fait seul de l’incarna­ tion aurait suffi pour notre salut, col. 1324; mais Dieu a voulu nous témoigner son amour d'une manière plus sensible et sauvegarder en même temps les droits de la justice en agissant comme il l’a fait, col. 1324. La preuve scripturaire chez Léonce est peu dévelop­ pée. 11 cite de Γ Ancien Testament les passages suivants: Christus Dominus in corruptionibus nostris comprehensus est, Lament., iv, 2O;Qu/e utilitas in sanguine meo dum descendo in corruptionem, Ps. xxix. 10; et le c. uti d’Isaïe. Au Nouveau Testament i) emprunte les paroles du Sauveur : Spiritus quidem promptus est, caro autem infirma, Matth., χχνι, 41, et ce texte de saint Paul : Etsi crucifixus est ex infirmitate, sed vivit ex virtute Dei. II Cor., xiii, 4. Quant au fameux passage du discours de saint Pierre sur lequel s’appuyaient les julianistes : Neque derelictus est In inferno, neque caro ejus ofdit corruptionem. Act, π, 31, Léonce trouve le moyen de le retourner contre eux, en faisant remarquer que ia manière dont s'exprime le prince des apôtres suppose que le corps du Christ était susceptible de se corrompre, col. 1340, 1344. Passant à la doctrine des Pères, Léonce commence par déclarer qu’il ne saurait y avoir de véritable contradiction entre eux: « Il faut croire, en ellet, que ce n'étaient pas eux qui parlaient, mais ΓEsprit du Père qui parlait en eux, » col. 1356. Sans doute, sur la question présente Us ont paru dire des choses peu concordantes, mais il est facile de les concilier soit entre eux soit avec eux-mêmes» en faisant attention aux multiples sens des termes : corruption. Incorrup­ tibilité, ct aux divers moments de la vie du Christ. Incorruptibilité est souvent synonyme chez eux d'absolue pureté morale, d’impeccabilitê. Us ont pu affirmer que le corps du Christ était incorruptible soit en le considérant après la résurrection, soit à cause de son union au Verbe incorruptible, gage de sa future préservation de la dissolution du tombeau, col. 1356. Suit une longue liste de témoignages patristiques destinés à établir le bien-fondé de cette exégèse. SI nous avons insisté sur l’argumentation de Léonce de Byzance, c’est qu’elle est représentative de la théologie grecque en la matière. Les autres docteurs orthodoxes qui se sont occupés spécialement de la controverse julianiste n’ont guère fait que résumer la doctrine de leur illustre devancier. C’est le cas pour le compilateur à qui l’on doit le De sectis. Il formule en ces termes la thèse orthodoxe : « Nous confessons que les souffrances du Christ furent volontaires; nous ne disons pas qu’il souffrit par nécessité de hi même manière que nous, mais nous alhnnons qu’il se sou­ mettait volontairement aux lois de la nature et que volontairement il laissait sou corps éprouver les impressions qui lui sont propres, de la même manière (pic nous éprouvons nous-mêmes ccs impressions. » AcL X, col. 1260. Le truité d'Anastiise d'Antioche, adressé à .Justinien, ne nous est pas parvenu, mais le court résumé qu’en donne Évugre. toc. cit., prouve qu’il soutenait lu même thèse que Léonce et l’auteur du De sectis. Quant à Anastase le Slnaite, il produit contre les gaianites un curieux argument, qu’il estime irréfutable, parce qu’il est basé sur l'expérience. Il met aux prises, dans un court dialogue, un orthodoxe et un gaianite. Après avoir fait confesser ù son inter­ locuteur la présence réelle du corps do Jésus-Christ dans l'eucharistie, l’orthodoxe lui propose l'expérience suivante : « Apportcz-nous un peu de la communion prise dans votre Église, que vous dites la plus ortho­ doxe. Nous mettrons en toute révérence le saint corps du Christ ct son sang dans un vase, avec l’honneur 1011 GAIANITE. (CONTROVERSE) qui lui est dû;si d’ici quelques Jours il n’est ni corrompu du péché originel qui n’ont rien de pcccamineux, ni altéré, ni changé, il Sera évident que votre doctrine procul dubio, (n quantum cnrpdti ejus inerat suscepta est vraie, ct que le Christ est en effet, depuis l’union mortalitas, in tantum et f>oluit inesse corruptionis infir­ hypostatique. de toute façon incorruptible ; s’il est mitas, illius scilicet corruptionis, qtur abed ab omni corrompu ou changé, il faudra convenir nécessaire­ peccato, coi. 495. Il ajoute : Ad corruptionem perlinet ment ou bien que vous ne recevez pas le vrai rnrps corporis animalis et mors quæ pro cedit putredinem, et du Christ, mais une simple ligure, ou bien que le putredo quæ sequitur mortem. Le Christ n passé par la Saint-Esprit n’est pas descendu sur le pain à cause mort, mais son corps n échappé à la dissolution, non de votre doctrine perverse, ou bien qu’avant sa qu’il fût naturellement incorruptible, mais parce qu’il résurrection, le corps du Christ est corruptible, comme est ressuscité sans retard, col. 49G. Toute la pensée de étant immolé, mis à mort, blessé, partagé, mangé. ■ Fulgence est bien résumée dans cette phrase : Quocirca Hodegus, c. xxîii, P. G., t. i.xxxtx.col. 297. C’est sans apparet Christum ante passionem, imo usque ad pas­ doute parce qu’il ne distinguait pas le corps du Christ sionem et mortem, mortale atque animate corpus habuisse, des accidents du pain et du vin. ct qu’il se figurait que cc ct pro nobis in eodem corpore veram famem, veram ùtim corps dans l'eucharistie était passible comme pendant futigationemque sensisse, vera clavorum ac lance* sa vie mortelle, qu’Anastasc a parlé ainsi. C’est l’inter­ percepisse vulnera, ct ex hoc verum dolorem non necessi­ tate sed voluntate sensisse, verirque mortis acceptatione prétation que suggèrent deux autres passages dcl’J/odegus, c. xm.col. 208-209; c. xrv. col 218. Il est évident pro nobis animam suam propria potestate posuisse. Des Infirmités du corps Fulgence passe à celles de l’âme, que les galanilcs. s'ils avaient de l’eucharistie une idée à ce que nous appelons proprement les passions. Iz moins réaliste et plus orthodoxe, pouvaient facilement Christ les a éprouvées, niais elles ont été chez lui volon­ rompre les mailles du filet où voulait les prendre leur adversaire. · taires ct exemptes de toute faute morale, nostrarum animarum infirmitates habuit (.hristas, veras quidem, Saint Jean Dnmascènc consacre à la question qui sed voluntarius. C’est à la fois pour être notre modèle nous occupe deux chapitres du 111·· livre de la Foi et notre consolation que le Christ a voulu sc rendre orthodoxs. Dans le premier, c. xx, P. G., t. xciv, col. 1081-1084.11 affirme que le Christ s’est soumis aux ainsi semblable à nous. L’ouvrage d’Eusèbc de Thessalonlquc contre le passions naturelles ct irrépréhensibles. Il entend par là la faim, la soif, la fatigue, la peine, les lamies, la moine aphthartodocètc André ne nous est pas parvenu, mais Phot lus en donne un bon résumé dans sa biblio­ corruption, η φθορά, la crainte, l’agonie sanglante et autres impressions ou émotions qu’éprouvent naturel­ thèque, 162, P. G., t. cm, col. 453-457. Le moine que lement tous les hommes. Ces Infirmités sont les suites réfute Eusèbe était un gaianite sui generis. C’est ainsi qu'il ne voulait entendre le mol « corruption », de la transgression d’Adam. Le Christ les a prises, φθορά, que du péché, qu’il enseignait que le monde mais très volontairement, de sorte qu’on peut dire était incorruptible ct impérissable, qu'il prétendait qu’elles étaient en lui à la fols selon la nature ct d’une qu’Adam avait reçu un corps incorruptible ct impas­ manière surnaturelle; selon la nature, χατα φύσ’.ν, sible de sa nature ct que l’argile dont Dieu l'avait parce qu’il laissait sa chair éprouver normalement cc formé était dlc-mêmc incorruptible. Cc moine n'adà quoi elle était naturellement sujette; d’une manière mettait pas non plus la distinction entre les πάθζ surnaturelle, Grip φύσιν, parce que ccs infirmités ne s’imposaient pas à lui contre son gré. C’est volontai­ άδιαβλητα ct les πάθη (ύ&άβλητα ct déclarait, en conséquence, que Jésus-Christ avait pris un corps rement qu’il eut faim, volontairement qu’il eut soif, soustrait au changement, à la souffrance, à la corrup­ volontairement qu’il eut peur, volontairement qu’il tion, au flux vital. C’était, a cc qu’il semble.un aphtharmourut. Dans le second chapitre, c. xxvm, col. 1097todocète, au sens vrai du mot. Dans sa réfutation, 1100, le saint docteur attaque directement Julien ct Eusèbe insistait sur les significations multiples du Gaianos. Il commence par déclarer que le mot corrup­ mot φθορά ct des composés χαταφΟορά ct διαφθορά, tion, φθορά, peut signifier ou ccs passions naturelles ct irrépréhensibles dont il a déjà parlé, ou la dissolu­ sur le caractère surnaturel ct gratuit des dons d’im­ mortalité et d’impassibilité accordés à Adam innocent, tion du corps en les éléments qui le composent. Jésusct déclarait que le corps du Christ avait été passible Christ a connu la première sorte de corruption, mais ct mortel jusqu’à la résurrection. 1) empruntait des a ignoré la seconde, et son corps est devenu tout à arguments aux deux Testaments et aux Pères : Athafait incorruptible et impassible après la résurrection. nasc, les trois Grégoire. Jean Chrysostome, Cyrille Par la manière dont il s’exprime, le Damascène pourrait d’Alexandrie, Prochis, Méthode le martyrct Quadratus, faire croire que Julien niait Ij réalité des souffrances du Sauveur ct par là même la consubstantialité de son tous docteurs dont André avait travesti la pensée. corps avec le nôtre; mais à y regarder de près, on s’aper­ L’argument de tradition joua un grand rôle dans la controverse gaianite. C’est, scmblc-t-ll, le souci de çoit que c’est par voie de déduction qu’il attribue à concilier entre elles les affirmations des saints Pères l’évêque d’Hulicarnasse une pareille doctrine. 11 a déjà dit, en effet, De lurrrsibus, 84, col. 756, que les qui suggéra à Julien sa théorie de l’incorruptibilité gaianltes reconnaissaient que le Christ avait réelle­ originelle du corps du Christ. Ses disciples en nppcment éprouvé les passions naturelles ct irrépréhen­ ! lèrcnt toujours à certains témoignages des anciens, ct il y a lieu de sc demander si cc fut toujours à contre­ sibles. sens. Il est incontestable que la thèse défendue par La controverse gaianite ne fit guère de bruit en Occident Deux Pères seu’ement, saint Fulgence de I Léonce de Byzance ct saint Fulgence a pour elle la très grande majorité des docteurs antérieurs, mais il Ruspe ct Eusèbe de Tbcssalonlque, paraissent s’en faut reconnaître que les julianistes étalent fondés à être occupés ex professo. Interrogé par uncertain comte se réclamer de certains noms illustres ct qu’ils trou­ Réginus, qui avait eu vent de la querelle entre Sévère vaient dans les Pères les plus orthodoxes des passages et Julien, saint Fulgcncc exposa aussi brièvement favorables à leur doctrine, au moins en apparence. que clairement une doctrine équivalente pour le fond Notre intention n'est pas de relever ici tous ces passages. à celle de Léonce de Byzance. Après avoir déclaré que Qu’il nous suffise de signaler ceux qui parlent d'une le mol « corruption » s’entend soit du péché, soit de la peine Infligée pour le péché, corruptionem dupliciter certaine déification de la chair du Christ, Οόοσις, dicimus, culus una pars tn sola heminis culpa, altera donnée comme un résultat de l’union hypostatique. Saint Grégoire de Nysseen particulier a des expressions invenitur in perna, Epist., xvni. P. L., t. lxv, coi. 494, il enseigne que Jésus-Christ s’est soumis aux pénalités très fortes, qui paraissent même dépasser Julien el 1013 GAIANITE (CONTROVERSE) rejoindre Eutychès, si on les prend ft H lettre. Pour prouver ft Apollinaire qu’attribuer nu Christ une humanité complète n’aboutit pas Λ confesser deux fils, il écrit : « SI ce qui est mortel est devenu immortel par son union avec l'immortel: ai également ce qui est corruptible est devenu incorruptible, si, en un mot, toute l’humanité a été changée en l’impassible et le divin, quelle raison peuvent faire valoir ceux qui divisent l’unique en deux ? ■ Contra Apollinarem, n, />, G., t. xlv, col. 1273 sq. Cf. Pctau, De incarnatione, 1. X, c. i, 5-8. A un endroit de scs Stromales, VI, c. ix, P. G„ t. ix, col. 292, Clément d’Alexandrie semble bien sou­ tenir l’opinion émise par certains julianistes, entre autres par Justinien dans son son édit de 561. à savoir que la nourriture prise par Jésus-Christ avant sa résur­ rection ne produisait pas sur son corps les mêmes effets que produit sur le nôtre la digestion des aliments : « Il mangeait, dit-il, non pour soutenir son corps, qu’une vertu sainte maintenait, mais pour que son entourage ne conçût pas de lui des Idées fausses, comme cela arriva dans la suite à quelques-uns, qui le prirent pour un fantôme. Clément va même plus loin : il déclare que Jésus-Christ était absolument impassible. Inca­ pable d’éprouver le moindre mouvement passionnel, aussi bien leîplaislr que la douleur, αύτός oi άπα;απλώ; άπαθης ην, c ς ον ούδέν παρεισδύεται κίνημα παθητικόν, ouït ξδονή. ο5τ< λύπη. Nous *»vons vu que Julien et scs disciples n'allaient pas jusque-là ct qu’ils admet­ taient qu’en fait le Christ avait éprouvé les πάθη αδιάβλητα. Saint Hilaire de Poitiers, De Trinitate, 1. X, 23, P. L., t. x, col. 361 sq., a aussi un passage fort obscur, qui a reçu bien des interprétations ct dont on peut dire que, s’il ne nie pas la réalité des souffrances du Sauveur, il exprime au moins la conception juiianiste : Homo Jesus Christus, Unigenitus Deus, per carnem ct X'erbum ut hominis filins (ta et Dei Filius, hominem verum secundum similitudinem nostri hominis, non deficiens a se Deo, sumpsit : in quo quamvis aut ictus incideret aut vulnus descenderet aut nodi concurrerent aut suspensio elevaret, a//errent quidem hire impetum passionis, non tamen dolorem passionis in/errrnt; ut telum aliquod aut aquam perforans aut ignem compungens aut aera vulnerans, omnes quidem has passiones naturir suse in/ert, ut /oret, ut compungit, ut vulneret, sed naturam suam in hac passio illata non retinet, dum in natura non est vel aquam forari vel pungi ignem vel uerem vulnerari, quamvis naturir teli sit et vulnerare ct compungere ct /orare. Passus quidem est Dominus Jésus, dum orditur, dum suspenditur, dum moritur, sed in corpus Domini irruens passio nec non /uit passio nec tamen naturam passionis exst ruit, dum et poenali mini­ sterio deservit, el virtus corporis sine sensu pernir in se desirvientis excepit. Saint l blaire parait bien affirmer que Jésus-Christ n’éprouvait pas la sensation de la douleur, lorsqu’on le frappait. Claudivn Maincrt, De statu animer. I. 11, c. ix, P. L., L t tn. col. 752, n’hésitait pas Λ interpréter le texte dans ce sens, mais il avait raison d’ajouter que l’évêque de Poitiers avait rétracté ccttc erreur. On trouve, en effet, dnns son commentaire des Psaumes des affirmations très orthodoxes, qui contredisent celles du De Trinitate, par exemple, celleci : Ut absolutissimum humilitatis esset exemplum, omnia qua* hominum sunt ct oravit et passus est. Et ex communi nostra infirmitate salutem sibi est deprecatus a Patre, ut nativitatem nostram cum ipsis infirmitatis nostro* iniisse intetligeretur officiis. Hinc illud est quod esurivit, sitivit, dormivit, lassatus /uil. impiorum certus fugit, mastus /uit et flevit ct passus et mortuus /uit. ln ps. Lttl.l, P. L., L ix, coi. 341. Pe tau De incarnaHone, 1. X, c. v, est de l’avis de Claudien Mnmcrt, tandis que d'autres entendent le passage du De Trini­ 1014 tate de l’impassibilité du Verbe considéré dans «a nature divine. Un théologien du moyen âge, Philippe de Harveng. dont nous aurons bientôt â reparler, entendait le texte de saint Hilaire exactement dans le sens de la thèse juiianiste. Il basait son interprétation sur ces paroles du saint docteur, qui font suite au passage déjft cité : Domini corpus doloris nostri naturam, si corpus nostrum id naturae habet ut calcet undas, et super fluctus cal, et non degravetur ingressu, neque aqute insistentis vestigiis cedant, penetret diam solida nec clausjc domus obstaculis arceatur. At vero st dominici corporis sola ista natura sit, ut sua virtute, sua anima /eralur in humidis et insistat In liquidis, et extrada transcurrat, quid per naturam humani corporis enneepta ex Spiritu Sancto caro /udieatur ?... Et homo ille de Deo est, habens ad patiendum quidem corpus, et passus est, sed naturam non habens ad dolendum. Naturae enim propriae ac sure corpus illud est quod in caelestem gloriam transformatur In monte, quod attacta suo /ugat febres, quod de sputo suo oculos /ormat. Ibid., col. 363. Saint Hilaire ne nierait pas que le Sauveur a éprouvé en fait la douleur sensible, mais il voudrait dire que, s’il a souffert, ça été par une dérogation aux lois de son humanité, devenue impassible en vertu de son union avec le Verbe. Ccttc interprétation ne nous parait pas dénuée de toute probabilité. Léonce de Byzance nous a appris que la doctrine juiianiste avait rencontré un accueil favorable dans I certains milieux orthodoxes. Il semble que cette faveur ait duré assez longtemps. Un contemporain de saint Jean Damascène, Théodore Aboucara, sc rap­ proche, en effet, de Julien par sa manière d'expliquer I la possibilité du corps du Sauveur. D’après lui, JésusChrist n’était soumis en aucune manière par nécessité de nature aux infirmités humaines, mais lorsqu'il voulait tes éprouver, elles lui arrivaient comme à nous, I selon les lois naturelles. Opusculum, IV, P. G., L xcvn, col. 1517. Ces mots : lorsqu'il voulait les éprouver, sem­ blent insinuer que le Christ ne sc soumettait pas d’une manière constante ct habituelle aux πάθη νπάΤ/ητχ. La même conclusion ressort de la manière dont Théo­ dore explique dans le Sauveur le phénomène de la faim : « Lorsque le Fils étemel de Dieu voulait avoir /aim, dit-il, il permettait à sa chair de ressentir l’in­ fluence de l’air ambiant... C'était par sa volonté libre ct non par une nécessité naturelle qu’il avait faim, comme on le voit manifestement par son jeûne de quarante jours, après lequel il eut faim. Si l’atmosphère avait exercé sur sa chair l’influence qu'elle exerce sur la nôtre, il n’aurait pas passé un seul Jour, ou deux, ou trois sans avoir faim, c'est lorsqu'il voulait, qu’il permettait à sa chair de produire ses opérations propres. » Ibid., col. 1520. Théodore ajoute que sans doute Jésus-Christ laissait son corps se comporter a la manière du nôtre, A cause de l'œuvre rédemptrice ct pour échapper au regard du diable, mais qu'en fait, dès le premier moment de l’union hypostatique, ce corps avait été parfaitement déifié, sans qu’il y eût confusion, et qu’il portait cachée en lui la gloire de la résurrection glorieuse, gloire qu’il manifesta un jour sur le Thabor pour bien montrer qu’elle ne lui vint pas du dehors après sa résurrection d’entre les morts. Ibid., col. 1521. La différence entre Julien et Théodore consiste en ce que le premier affirmait que la chair du Sauveur avait subi, dès le moment de l'union hypo­ statique. une sorte de transformation qui la rendait impassible naturellement ct dans sa constitution intime, tandis que le second attribue cette impassi­ bilité A une net ion du Verbe, action qui était souvent suspenduepourlnisser la chair A sa possibilité naturelle. 1II. La docthink gaianite et les théologiens. — Le débat qui avait mis aux prises, au début du 1015 GAIANITE (CONTROVERSE) νι· siècle, Julien d’Halfcarnasse ct Sévère d'Antioche» se renouvela au xn· siècle entre deux moines latins, Philippe de Harveng (f 1182), abbé du monastère des prémontrés de Bonne-Espérance, dans le diocèse de Cambrai, ct un certain Jean, dont on sait seulement qu'il poriait le litre de prévôt, prirpositus. Ces deux personnages ignoraient l’histoire de la controverse gaianite; les noms mêmes de Julien et de Sévère leur étaient sans doute inconnus. Cela ne les empêcha pas d’agiter entre eux le même problème que les deux Ihéologiens monophysites ct de le résoudre à peu près de la même façon. Philippe joua le rôle de Julien, Jean celui de Sévère. Un arbitre du nom de I lunald intervint â la On ct sc prononça contre Philippe, tout cn com­ plétant la thèse de Jean. Les documents relatifs Λ cette controverse comprennent trois lettres de Philippe à Jean, trois de Jean à Philippe et une de Hunald. Elles furent publiées avec les autres écrits de Philippe par Nicolas Chamart, abbé du monastère de BonneEspérance, à Douai, cn 1621. Une lettre au moins de Jean â Philippe s’est perdue et ne nous est connue que par les extraits qu’en donne Pliilippe dans sa nie lettre. Ces pièces ont été reproduites par Migne, P. L., L ccm, col. 34-66, 170-180. Ce fut le fameux passage du De Trinitate de saint Hilaire, dont nous avons parlé plus haut, qui donna occasion à la discussion, courtoise d'abord, mais qui faillit tourner à l'aigre, entre les deux abbés. Philippe avait envoyé à son ami, qui le lui avait demandé, l’ouvrage de saint Hilaire sur la Trinité. Lc manuscrit attribuait cet ouvrage à saint Alhanase, mais Jean, se basant sur la critique interne, déclara qu'il ne pou­ vait appartenir au grand docteur alexandrin, parce qu’on y trouvait deux erreurs : la première, que le corps du Sauveur ne tirait point son origine de Marie, mais plutôt du Saint-Esprit; la seconde, que JésusChrist pendant sa passion n’avait pas réellement éprouvé la tristesse et la douleur physique. Joannis ad Philippum epist., xxn, col. 170. N'ayant que faire d’un livre aussi suspect, Jean le retourna sans retard à son possesseur. Celui-ci en fut un peu piqué ct sc mit cn devoir d’expliquer les passages Incriminés. Il se préoccupa aussi de découvrir le véritable auteur de l’ouvrage. Lc post-scriptum de sa réponse à Jean nous apprend comment il y arriva. Epist., v, col. 45-16. Sur le premier point, relatif à la maternité divine de la Vierge, Philippe n’eut pas de peine à défendre saint Hilaire, mais sur le second point il fut moins heureux. Ne pouvant admettre que le saint docteur eût nié la réalité des souffrances du Sauveur, il lui prêta la doctrine suivante, qu'il croyait être l'expression de l’orthodoxie : lu Par le droit de sa conception virginale ct aussi en vertu de bunion hypos ta tique, le corps de JésusChrist échappait aux Infirmités communes de notre nature, comme la faim, la soif, la fatigue, la mort. Cette immunité tenait à la nature même de ce corps, qui était exempt non seulement du péché, mais aussi de la peine du péché* Si Moïse ct Élic purent jeûner pendant quarante jours, cc fut par un miracle de la puissance divine; dans le Christ, nu contraire, une pareille abstinence ne nécessitait aucune dérogation aux loh de son humanité. Epist., v, col. 43-44. Aliter Petrus, aliter Chrtslus super elementum liquidum ambulavit, quia Petrum impropria, Christum vero virtus propria sustentaviL Quum nimirum virtutem ex eo sibi contraxerat, quod naturam humanum Verbum sibi Deus assumpserat, conceptione quidem spirituali, in utero virginali. Epist., vi, coi. 53. Dixit Hilarius Christum non sicut nos necessario doluissc, sed dolores nostros ita, cum voluit, suscepisse, ut posset eas non solum divina, sed etiam humana tam animi quam corporis fortitudine patnaiilfr non sensisse. Epist., vu, coi. 62. Philippe 1016 cn appelle également à l’autorité d'ui/docteur contem­ porain, qui avait écrit : Postquam in utero conceptui est, ita divinitas eum omni parte confirmavit, ut omne peccatum el pernam perculi ab eo naturaliter removerit. Ibid., col. 64. En un mot, le corps du Christ était sem­ blable à celui d'Adam innocent ct non à celui d’Adam coupable, vu, Epist., col. 62; xxv, col. 178. 2° Lc corps du Christ avait cependant en lui la capacité de souffrir, ct il a souffert cn fait quand et dans la mesure où il l'a voulu ct où il l’a jugé néces­ saire pour notre salut. Les souffrances du Christ ont été tout ù fait volontaires, non seulement au regardée sa volonté divine, niais aussi par rapport à sa volonté humaine. 11 y a celte différence entre l’état du corps du Christ avant la résurrection ct son étal apres, qu’avant il avait la capacité de souffrir cl qu'après il a été radicalement impassible. Epist., v, col. 43; vi, col. 54. Infirmun quidem ejus corpus juit, in ea quod pati potuit et dolere, quam infirmitatem resur· rectionis gratia voluit abolere, sed firmum juil, quia carens natura vitiosa vel vitio naturali, quam firmitatem ex conceptione traxerat spirituali. Propter illam infir­ mitatem, quæ tam potestate quam voluntate est assumpta et gloriosæ resurrectionis beneficio est consumpta, pas­ sibilis el mortalis fuisse veraciter praedicatur. Epist., v, coi. 43. Sicut potuit non pati cum nondum pateretur, sic posset non mori cum non moreretur, si vellel non solum divinitas, quæ in illo suaviter omnia disponebat, sed etiam ipse homo qui disponenti personaliter cohicrcbat. Epist., vu, coi. 64. Philippe ne veut point entendre dire que c'est par miracle que le Christ a pu jeûner pendant quarante jours ou qu’il a marché sur les eaux. En ccs circonstances, le Sauveur n'a fait qu’user du pouvoir qu'il avait naturellement de se soustraire aux infirmités qui pèsent sur nous malgré nous. Epist., vi, col. 52-53. Mais dans la pensée de notre théologien, il n'y a pas eu non plus, semble-t-il, de miracle propre­ ment dit, lorsque le Christ a voulu souffrir, car son corps avant la résurrection avait la capacité radicale de souffrir. On voit en quoi la thèse de Philippe concorde avec celle des gaianites, en quoi elle en diffère. La différence est plus dans les mots que dans le fond. Julien déclarait que le corps du Christ ne perdait pas son impassibilité, même quand il souffrait; il voulait dire que cc corps ne souffrait que par une sorte de miracle, qui allait contre son impassibilité radicale ct naturelle; mais il aurait sans doute admis la capacité de souffrir, au sens où Philippe l’entendait, puisqu’il reconnaissait qu’en fait le Christ avait souffert. Si le Christ a souffert, il a eu d’une manière ou de l’autre la capacité de souffrir. A la thèse de Philippe, l’abbé Jean opposait la sienne, qu’il exprimait cn ces termes : Verus homo vere doluit, habens naturam ut, nisi manducaret,deficeret,mergeretur, si super undas ambularet, moreretur sl crucifigeretur, nisi miraculo id non fieri vellet, quorum querdam in aliis quibusdam ipse quoque operatus est, ut in Elia, Moyse, Petro, Mauro... Sed hæc non nature ejus humana, sicut vos cum libro vestro dicitis, sed miraculo divino adseribenda sunt. Natura autem humana infirmis ante resurrectionem fuit quanwis divinitate jortem se aliquando in miraculis ostenderet. Epist., xxiv, col. 173-174 C'était, moins certaines précisions sur le caractère volontaire des souffrances du Christ, la doctrine traditionnelle. Celui que les deux adver­ saires prirent pour arbitre, l’abbé Hunald, mit toutes choses au point, il concéda à Philippe que le Sauveur avait souffert très librement, que jamais la douleur ne s'était imposée Λ lui malgré lui et que, sous ce rapport, il y avait une différence entre lui ct nous; mais il lui fit remarquer que par elle-même la conception virgi­ nale n’avait pas donné au corps du Christ cette force 1017 GAIANITE (CONTROVERSE) 1018 Au siècle suivant, saint Thomas traite la question spéciale qui le rendait impassible par nature. JésusChrist » voulu prendre l’état d’infirmité de l’homme de la possibilité du corps du Christ avec une maîtrise déchu ct non l'état d’intégrité de l’homme innocent, qui ne laissera aux théologiens de l'avenir presque bien que son absolue impcccabillté et l’union hyporien à ajouter. Il Indique d’abord les raisons pour statique lui eussent donné droit aux privilèges de l’état lesquelles le Sauveur a pris un corps soumis aux primitif : Quidquid habuit Filius Dei per naturam, hoc infirmités de la nature déchue. Cc sont avant tout et filius hominis per gratiam... Quantum vero meæ des raisons d’ordre sotériotogique : Jésus-Christ a voulu satisfaire pour le péché cn supportant la peine videtur parvitati, munda hominis conceptio quem Deus duc au péché. La faim, la soif, la douleur, la mort ont assumpsit nihil ei contulit prater quam quod assumens voluit. Nostra vero infirmitatis statum sine peccato été comme la matière de sa satisfaction, qui a tiré sa valeur de la charité intérieure. H a voulu aussi montrer suscipere suæ benignitati complacuit... Carnis ergo la réalité de son incarnation : cum enim natura humana fortitudinem, quam ille prodicat, ex humanitatis non aliter nota esset hominibus nisi prout hujusmodi natura non habuit. Epist., xxv, coi. 177, 178. Hunald ajoutait que Philippe manquait de logique, puisqu’il corporalibus dejectibus subjacet, si sine his dejectibus Filius Dei humanam naturam assumpsisset. Dideretur concédait, d'une part, que le corps du Christ avait eu non fuisse oerus homo, nec veram carnem habuisse sed la puissance de souffrir, et qu’il affirmait, d’autre part, que cc corps était impassible par nature : Quomodo phantasticam, ut manlchæl posuerunt. Il a voulu enfin nous donner l’exemple de la patience. Sum. theol., Il P, prater naturam et per miraculum doluit qui dolendi potentia carnali non caruit ? Cette manière de parier q. xiv, a. 1. Lc docteur angélique sc demande ensuite si le Christ conduirait facilement à nier la réalité de la passion du a pris la nécessité d'être soumis à ces infirmités. Cette Sauveur : Amplius quoque ; cum duæ in Christo naturæ sine confusione conjunctæ sint, quidquid Christus fecit manière de poser la question est fort suggestive et vel passus est, secundum alterutram earum fecisse eum coupe court ά bien des équivoques. I^r réponse est affirmative : le corps du Christ était constitué de telle vel sustinuisse nccesse est. Quod ergo ex neutra earum façon qu’il était naturellement sujet à la douleur, à nec fecit nec passus est, illud omnino ncc fecit nec passus la mort et autres infirmités : secundum hanc necessi­ est. Ex neutra vero naturarum doluit, nam si non humana, multo minus igitur doluit ex divina. Restat tatem, quæ consequitur materiam. corpus Christi sub­ ergo ut nec omnino doluerit, coi. 180. C’est à une conclu­ jectum juit necessitati mortis et aliorum hujusmodi sion semblable, on s’en souvient, que Sévère acculait defectuum... Hæc autem necessitas causatur ex principiis humanæ naturæ. Cela n’cmpêche pas que les souffrances Julien, que les Pères acculaient les gaianites. Hunald du Sauveur n’aient été pleinement volontaires et ajoute, il est vrai, que Philippe prend peut-être le mot de natura dans le sens de necessitas. La contro­ libres tant de la part de la volonté divine que de la part de la volonté humaine délibérée, car personne verse sc réduirait alors à une pure logomachie : Quod n'avalt le pouvoir de faire souffrir l’Hommc-Dleu st naturam velit necessitatem intelligere, sicut beatus contre son gré. Celui-ci a cependant éprouvé ccttc Hilarius vim. naturam, necessitatem inculcat, non nisi ad nomen erat lota disputatio ista, et aut sibi ipse dissen­ répugnance instinctive pour la souffrance qui naît tiat necesse est, aut In nostram penitus concedat partem. spontanément dans la volonté de l’homme avant toute Ibid. délibération : secundum vero quod necessitas talis (scilicet coactionis) repugnat voluntati, manifestum esi L’histoire montre que l'abbé Philippe ne fit point quod in Christo non fuit necessitas horum defectuum, école. Les théologiens du xu· siècle ne s'écartent pas neque per respectum ad divinam voluntatem, neque per de la doctrine traditionnelle : Lc Christ s’est librement soumis avant sa résurrection aux infirmités de l’homme I respectum ad voluntatem humanam Christi absolute, pécheur, hormis le péché. Sa chair a été passible comme prout sequitur rationem deliberantem; sed solum secun­ la nôtre, malgré les droits qu’elle aurait eus d’être dum naturalem motum voluntatis, prout scilicet natu­ impassible ct immortelle. Saint Bernard écrit, par raliter refugit mortem el etiam corporis nocumenta. exemple: In quo magis commendare poterat benignitatem Ibid., a. 2. Dans Ia réponse ad 3*’ du mémo article, suam quam suscipiendo carnam meam? Meam, inquam, saint Thomas fait remarquer que l’âme de Jésus-Christ, nnn carnem Adam, id est, non qualem ille habuit ante considérée cn elle-même indépendamment du pouvoir culpam. Quid tantopere declarat ejus misericordiam, que le Verbe pouvait lui communiquer, était incapable quam quod ipsam suscepit miseriam ? Serm., i, de de soustraire son corps à la souffrance ct à la violence Epiphania Domini, 2, P. L., t. clxxxih.coI. 143. Hugues extérieure : nihil fuit potentius quam anima Christi de Saint-Victor n’est pas moins explicite : Poterat absolute; nihil tamen prohibet aliquid fuisse potentius /uste Salvator in carne sua, quam sine culpa assumpsit, quantum ad hunc effectum sicut clavus ad perforan­ pernam quoque mortalitatis et possibilitatis infirmitatem dum. Et hoc dico secundum quod anima Christi consi­ non assumpsisse ; sed cam non solum supra id quod nos deratur secundum propriam naturam et virtutem. La sumus mortales quia peccator non erat, sed supra id conséquence logique de ccttc doctrine est que le corps etiam quod primus homo ante peccatum fuit, quia du Christ aurait été soumis comme le nôtre â la cor­ probandus non erat, gloriam immortalitatis induisse ruption du tombeau, s’il n’avalt été préservé par la puissance divine : corpus Christi quantum ad condi­ Sed quia caro peccatrix a perna peccati liberari non tionem naturæ passibilis putre/acti bile fuit, licet non potuit, nisi caro ejus, quæ sine peccato erat, pateretur. Infirmitatem possibilitatis et mortalitatis in carne quantum ad meritum putrefactionis, quod est peccatum. Sed virtus divina corpus Christi a putrefactione præserassumpta, retinuit potestate, sustinuit voluntate, non passus csf‘necessitate. De sacramentis,!, i I, part. I. c. vir, vavit. sicut et resuscitavit a morte. Ibid., q.Li, a. 3. ad 2 *. P. E., t. clxxvi, coi. 389-390. Pierre Lombard, Sent., I. Ill, dist. XV et XVI, P. L., L cxc.n, col. 1078, affirme, sans plus d'explication, que le Sauveur n pris celles de nos Infirmités qui n’ont rien de déshonorant, comme la faim, la soif, la tristesse, la crainte, cæterosque generales defectus, quorum nullus peccatum fuit, ct Il ajoute : hos autem defectus sicut ipsam carnem ac mortem non conditionis necessitate, hoc est, non ex villosa lege nascendi, quæ est necessitas nostræ condi- , ttonls, sed miserationis voluntate suscepit. 1019 GAIANITE (CONTROVERSE) s'incarnait, contractait ccttc possibilité ct cette mortalité; mais l’objection tombe, quand on fait attention que la douleur ct la mort sont chez l’homme la peine du péché. Dieu ayant accordé à Adam, avec la grace surnaturelle, des dons préternaturels : proxima causa mortis et aliorum defectuum est peccatum, per quod subtracta est originalis justitia. Ibid., nd 3**. Jésus-Christ a-t-il pris toutes les infirmités cor­ porelles ? Non, répond saint Thomas; il ne s’est soumis qu’à celles des infirmités communes qui n’impliquent aucun déshonneur, c’est-à-dire à celles qui ne répu­ gnent pas à la perfection dc la science ct dc la grâce· Pourquoi, en effet, le Sauveur a-t-il pris nos infirmités sinon dans le but dc satisfaire pour le péché ? Or la valeur dc la satisfaction est cn proportion dc la science ct dc la sainteté dc celui qui l’offre. Le Christ a donc dû être exempt des infirmités ct défauts qui sont un obstacle à la science et à la sainteté. Quant aux infirmités qui ne sont pas le lot commun dc tous les hommes, mais ont pour cause soit une faute individuelle, soit des tares héréditaires, on ne peut les attribuer au Christ, dans la conduite duquel on n’a jamais surpris le moindre désordre et qui a été conçu virginalemcnt du Saint-EspriL Ibid., a. 4. Contre la passibilité intrinsèque du corps du Sau­ veur une objection inconnue des Pères ou, du moins, non clairement formulée dc leur temps, sc présentait d'cllc-mêmc à l’esprit des théologiens du moyen âge. Comment concilier dans le Christ la coexistence de la douleur physique ct des autres infirmités corporelles avec la vision béatifique dont son âme» d’après l’opi­ nion commune, jouissait dès le premier instant de l'union ? La gloire dc l’âme n*a-t-ellc pas une tendance naturelle à rejaillir sur le corps ? Si Julien d’Halicarnasse avait vécu du temps de saint Thomas, n’auraitil pas tiré avantage dc celte doctrine pour appuyer sa théorie dc l’incorruptibilité native du corps du Christ ? Pourquoi, aurait-il dit, ne pas accorder au corps un privilège qui découle naturellement de la béatitude de l’âme, quitte à laisser au bon plaisir du Verbe ou même à la volonté humaine le soin d’en suspendre miraculeusement l’exercice, suivant les exigences de la mission rédemptrice ? Saint Thomas ct les autres théologiens scolastiques n'ont pas rai­ sonné de la sorte. Tout en attribuant à l’âme du Sauveur la vision béatifique, iis ont maintenu la thèse dc la passibilité naturelle de son corps. Ils ont seule­ ment cherché à résoudre l’antinomie qui résulte dc la coexistence dans le même sujet de la joie souveraine avec les douleurs les plus vives, et ont enseigné que par une disposition spéciale dc la providence la gloire dc l’âme n’a pas eu sa répercussion normale sur le corps, ct cela d’une manière habituelle et permanente, jusqu’à la résurrection. Ibid., a. 1, ad 2’·. Cette disposition dc la providence, certains théo­ logiens l’ont appelée un miracle. Scot, par exemple, écrit : Si ad plenitudinem gloriæ anima: non sequebatur plenitudo gloria: corporis, hoc fuit per miraculum sub­ trahens gloriam corporis. Heportata paris., 1. III, dist. XVI, n. 3. Mais il ne s’agit pas là, à proprement parler, d’un miracle, ccttc action divine constituant le corps du Sauveur dans un état permanent dc passibilité. Les théologiens postérieurs à saint Thomas n’ont guère fait que répéter sa doctrine en ajoutant quelques compléments, corollaires nécessaires dc l'enseignement du maître. C’est ainsi qu’ils se sont demandé si NotreSclgneur serait mort dc vieillesse, dans le cas où il o aurait pas subi une mort violente. Les théologiens de Salamanque, De incarnatione, disp. XXIV, dub. i, n 3, examinent la question assez longuement ct la résol­ vent par Γaffirmative : Cum eisdem principiis, seu dis­ positionibus naturalibus, in quibus post peccatum primi hominis relicta fuit (humana natura), cum hæc non 1020 fuerit quantum ad hoc vel Ugno vttx vel alio remedio suffulta, sequitur quod naturalem moriendi necessitatem habuerit. Et quamvis ex optima temperie ac complexione, quam ex vi sux conceptionis habuit, adjuncta etiam scientia eorum quæ possent nocumentum aj/erre, ei summa sobrietate in alimentorum usu, potuerit citam diu conservare, ct multo magis vitare morbum : nihilo­ minus hæc omnia minime (n perpetuum potuerunt continere causas mortis naturalis proxime assignatas, cum earum influxus foret continuus, virtus autem naturatis finita; unde sicut post longam salletn ottx periodum senesceret, sic tandem aliquando naturaliter moreretur. Saint Thomas avait, du reste, formulé cetle conclusion dans son Commentaire des Sentences, 1. Ill, dist. XVI, q. i, a. 2 : Sicut simpliciter concedimus quod Christus mortuus est. ita similiter concedere possumus simpliciter quod necessitatem moriendi habuit, non solum ex causa finali, sed etiam necessitatem absolutam ut moreretur, etiamsi non occideretur, ut quidam dicunt. IV. Conclusion. — De l'enquête historique à laquelle nous nous sommes livré, il ressort que la thèse dc Julien d’Halicarnasse ct de Philippe de Harvcng sur l'impassibilité naturelle du corps de Jésus-Christ avant la résurrection est contraire à l’enseignement moralement unanime des Pères ct des théologiens. Une vue superficielle sur la controverse gaianite pourrait faire croire que l’orthodoxie n’y était nullement engagée et que la querelle confinait à la logomachie, du moment qu’on admettait dc part et d’autre que le Christ avait réellement souficrL Mais quand on y regarde de près, on découvre une réelle opposition entre la doctrine gaianite et la doctrine traditionnelle de l’Église. Thomassin a très bien mis en relief celle opposition dans un passage de ses Dogmata theologica, De incarnatione Verbi, 1. IV, c. xn : Illis ergo nobisque hoc interjacet discriminis, quod cum passum esse Christum carne et esurisse cl sitisse vere consentiamus, illi carne incorruptibili, sed ex dispensatione Verbi passum esse garriunt; nos autem carne passibili passum, sed ita ut penes ipsius anima deitatisque potestatem esset, præstarc ne quid pateretur. Illi impossibilitatem ex carne, passionem ex Verbi omni· potentia repetunt : nos passionem passibililatcmque in carne, non patiendi potestatem in Verbo et mente Ver­ bum complexa collocamus. Illis ct nobis vere pastus est, et fuit In ejus potestate pati vel non pati; eo concor­ damus; sed hoc discordamus, quod illis passus est carne impassibili, nobis carne passibili; illis potuit non pali ob impossibilitatem carnis, nobis potuit non pati ob omnipotentiam Verbi; illis potuit pati ob omnipo­ tentiam Verbi, nobis potuit pati ob possibilitatem carnis et connivenliam Verbi. Omnipotentiam igitur Verbi nos suspendimus, illi impendunt ut patiatur caro; naturam carnis impassibilem illi somniant, etsi pas­ sant; nos passibilem arguimus, quia passura:. Affirmer, comme le faisaient Julien ct scs disciples, que le corps dc Jésus-Christ devint» par le fait de l'union hypostatlquc, naturellement incorruptible ct impassible comme il le fut après la résurrection, ct que ce ne fut que par une sorte de miracle qu’il souflrit cn fait ct qu’il mourut, nous paraît constituer sinon une hérésie formelle directement condamnée, du moins une doctrine proche dc l’hérésie. Cette doctrine semble, cn cfict, inconciliable avec plusieurs affirmations scripturaires, telles que les suivantes : Deus Filium suum mittens in similitudinem carnis peccati. Rom., vin, 3; Non enim habemus pontificem, qui non possit compati infirmitatibus nostris, tentatum autem per omnia pro similitudine absque peccato, Heb., IV, 15; Quia ergo pueri communicaverunt carni et sanguini, et ipse similiter participavit iisdem, ut per mortem destrueret eum, qui habebat mortis imperium.,, I Nusquam enim angelos apprehendit, sed semen Abratue 1021 GAIANITE (CONTROVERSE) apprehendit; unde drbutt per omnia /ralrlbtu asslml· lari. Heb., II, 14 sq. Ccs textes disent d’une manière suffisamment claire que Jésus-Christ a pris une chair naturellement passible, soumise aux mêmes infir­ mités que la nôtre, honnis la concupiscence, et qu’il nous est devenu consubstantiel, non seulement dans les grandes lignes, mais encore dans les moindres traits qui ne portent pas le stigmate du péché ou de cc qui y conduit par une pente naturelle, debuit per omnia Iratrib us assimilari. Julien prétendait au contraire que Jésus-Christ nous était consubstantiel seulement par l’essence, τή ουσία, non par la passibilité, τώ r.afhîv. Il y a là une restriction arbitraire qui ne cadre pas avec l’affirmation de l’apôtrc. Nous avons vu que les Pères avaient rejeté cette restriction. L'un d’entre eux a même prononcé le mot d’hérésie cn parlant dc la doctrine dc Julien ct dc scs disciples. Dans sa Lettre synodique à Sergius, qui fut lue et approuvée à la xi® session du VI® concile œcumé­ nique, saint Sophronc, patriarche dc Jérusalem, écrit : Ιουλανός ό 'Αλιχαρνασσ< Φιλιχίσσιμος, Γαιανος ό Αλίξανδριύ;, άφ ωυ η τών Γχιανιτών jjyovv Ιουλίαν ιστών Ιπιγίγονιν αίρισις. P. G., L ι.χχχνπ, col. 3192. Et cc Père avait de la doctrine gaianite une connaissance très exacte, comme on le voit par un autre passage de sa Synodique, où il formule clairement la thèse orthodoxe fut la passibilité du corps dc Jésus-Christ en faisant une allusion évidente à l’erreur julianiste : « 11 a revêtu un corps passible, mortel ct corruptible» soumis à nos îufimütà naturelles ct irrépréhensibles; et il l’a laissé agir ct souffrir conformément à sa nature propre jusqu à la résurrection d’entre les morts... Ccs infirmités humaines étaient chez lui à la fois volon­ taires et naturelles. » Ibid., col. 3173. Le concile dc Latran, tenu sous Martin Ier cn 649, déclare dans son 4r canon que Jésus-Christ a été passible dans sa chair, passibilem carne, ct impassible dans ra divinité. Dcnzlngcr-Bannwart, Enchiridion, n. 257. Le IV® concile de Latran (1215) enseigne encore plus explicitement dans sa définition contre les vaudois la passibilité du corps du Christ : Qui cum secundum divinitatem sit immortalis et impassibilis, idem ipse secundum humanitatem /actus est passibilis et mortalis ; quin etiam pro salute humani generis in ligno crucis passus et mortuus. Ibid., n. 429. Le concile distingue bien entre la capacité et le fait dc souffrir: passibilis, passus. Nous trouvons la même doctrine dans le Décret pour les Jacobites du concile dc Florence : immortalis et wternus ex natura divinitatis, passibilis el temporalis ex conditione assumpta: humanitatis. Ibid,, n. 70S. On ne voit pas comment on pourrait faire concorder la thèse gaianite avec ccs déclarations. Thomassin, dont nous avons rapporté tout à l’heure un passage où s’accuse nettement l’opposition entre la doctrine orthodoxe ct la doctrine julianiste, essaie cependant dc montrer qu'on pourrait ramener la controverse à une logomachie : Num errare peri­ clitatur, dit-il, qui carni ipsi Christi ut deificato: fus quoddam ingens adsignat ct vdut naturam nihil patiendi, nihil dotendi? Nonne carnis de Spiritu Sancio con­ cepta', ab omni peccato purirjota Verbi deitate per/usx, natura seu naturalis pricrogatioa est ut a dolore ei patiendi quavis necessitate vacet? Cum ergo caro Christi spiritualiter. non carnaliter formata sit, cum tota san­ ctitate potita et quasi concreta sit, cum Verbo ferta sit, prout hire ejus conditio expenditur, nulla ei patiendi necessitas imminebat, quinimo naturalis inerat immu­ nitas... Inerat ergo carni Christi radix Intima impossi­ bilitatis, sanctitas nimirum et deitas, quanquam com­ pressa et veluti recepta in interiores latebras et deitate et sanctitate natius? caro permitteretur possibilitati. Itaque utrique dicendi modo locus est, nec alter alterum perimit. Num dici potest, ut vulgo dicitur, et passibilem | 1022 naturaliter /ulsse carnem Christi d miraculo præstttum ne quandoque pateretur; ac rursus diet potest ut disit Philippus Abbas, d Impassibilem naturaliter esse carnem Christi, et miraculo e//edum tamen esse ut pateretur? Sol* hic verborum compugnantia est, quie ne/as est ut graves inter se theologos committal. Ubi enim caro Christi naturaliter impassibilis dicitur, non caro mera spedatur, sed caro sub dant iva d sanditate d deitate Verbi concrda, cui ut in tantam provedæ subli­ mitatem naturalis hæc et legitima adhxrd pre?rogativa, nihil ut doleat vel patiatur ; atque ideo cui vd dotere vel pati non accidat citra id miraculum, quo prærogativa hxc d Verbi Dei impossibilitatis (n suam carnem naturale effluvium cohibeatur. Ubi autem caro Christi naturaliter passibilis dicitur, vd caro mera, vd caro adglutlnali sibi Verbi praerogativis nonnullis /raudata attenditur, cui ita nudx d naturale est pati, d miraculo obtingit non pati. De incarnatione Verbi, 1. IV, c. xm. Nous n’hésitons pas à déclarer que ces explications dc l’illustre oratorien manquent de clarté ct de pré­ cision ct sont grosses d’équivoques. S’il veut dire que la chair du Christ, par le fait dc la conception virginale et de l’union hypostatique, avait un droit incontes­ table au privilège dc l'impassibilité, personne ne protestera. S’il veut dire encore que l'âme dc JésusChrist jouissant de la vision béatiflquc portait en effe la vertu dc glorifier son corps ct de le rendre impassible, vertu qui par une disposition dc la providence était arrêtée dans son exercice d’une manière habituelle, les théologiens seront dc son avis. Mais s'il entend affirmer que la chair du Christ possédait cn elle une sorte dc qualité intime, don du Verbe, qui la rendait naturellement ct normalement impassible ct la faisait par là même différer dc la nôtre, dc telle sorte qu elle ne pouvait souffrir que par une sorte de miracle et de dérogation aux lois intimes dc sa nature, c'est là du juhanisme le plus pur; c'est inacceptable au regard de l’orthodoxie, et si cc n’est pas une hérésie au sen* strict du mot, cela s’en rapproche très fort. Sans doute il faut reconnaître que, tout comme la plupart des hérésies orientales, le juhanisme est quelque chose de très subtil, mais on arrive quand même à fixer le point précis où l’erreur sc cache. Affirmer que le corps du Sauveur était impassible par nature avant comme après la résurrection, c'est tenir un langage que ne tolère pas l'orthodoxie, même si l'on ajoute que ce corps souffrit cn fait par miiacle. La plupart des sources citées à l'article précédent sont â consulter pour l'exposé doctrinal II faut y joindre les ou­ vrages et travaux suivants : Sévére d'Antioche, Liber ad Julianum Halicarnassensem, dans Mal, Spicilegium ro ma­ num, Rome, 1844. t. xa. p. 169-201; Léonce de Byzance, Contra Ncitorium et Eutychen, n, P. G., t. lxxxvi, coL 1317-1353; Jean dc Brith-Aphtonia, Vie de Stoèrc, dans la Patrologla orientalis dc Graffln-Nau, t. il, p. 251-252; Jean de Jérusalem (entre 574 et 577), Lettre au catholicas Abas d*Albanie, 11, dons VOrtens Christianas, nouv. série, t, il (1912). p. 71-72; S. Anastase d'Antioche. De passione d impassibili, P. G., t. lxxxix, col 1347-1356; Théodore dc Rnlthou, De incarnatione, P. G., t. xci, col. 1497-1500; S. Je m Damascene. De ïfide orthodoxa, L III, c. XX, xxvni, P. G., t. xciv, col. 1081-1084, 1097-1100; Théodore AIxju cam. Opuscul., IV, P. G., t. xcvn, col. 1517-1521; S. Fulgcncc, EpisL, xvm, ad Reginum comitem, P. L., t. lxv, col 4O| sq.· Photius, Ribllotheca, 142, P. G., t. Clll, col. 453-157; Clément d'Alexandrie, Strom., VI, c. ix, P. G., t. IX. col. 292; S. Hilaire de Poitiers, Dc Trini­ tate, I. X, 23, P. L., t. x, col 361 sq.; Rnuschcn, Die t^ehre des ht. Hilarius uber die I^ddcns/âhlgkclt Christi, dans Tubing. Thcnlag. Quartalschri/t, 1905, p. 424 sq.; Philippo de Hnrvcng. Epistolae, P. L., t. cciii, col 34-66, 170-180; S. Bernard, De Epiphania Domini sermo, î, P. E., t.cLxxxrit, col 143; Huguesde Saint-Victor. De sacramentis, L II, part. I, c. vu. P. L., t. clxxvi, col 389-390; P. Lom­ bard, Sent., I. Hl, dist. XV, XVI, P, L., L cxcil, col 1078; S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xtv, xv, a. 4, 5; In IV Sent. 1023 GAIANITE (CONTROVERSE) — GALANO I. HT, dfst. X V. q. i ; «list. X X Π, q. π ; Conf, gcntcs, 1. IV, c. lv ; Opujce., Π. c. crcxxvi, ccxxxvin; Potati, De Incarnatione, I. X, c. in, iv ; Thoniassln, De incarnatione Verbi, J. IV, c. xn, xrii; G. KrOgcr, art. Julian von Halicarnass, dam Ilcalcncyclopadie fur protêt tant ische Thtclogie, t. ix, p. 606609; J. P. Junglfls, Leontius von Byzanz, Paderborn. 1908, p. 100-105; Tixcront, Histoire des dogmes, Paris, 1912, t. in, p. 115-117. M. Juoie. GAITTE Jacques, théologien, chanoine de Luçon. Reçu docteur en théologie de la faculté de Paris le 20 septembre 1668, il publia un ouvrage : De usura d fernore, in-4°, Paris, 1678, qu'il défendit contre les attaques dont il fut l'objet par un autre traité : De usuraria trium contractuum pravitate, in-4°, Paris, 1688. Journal des savants, 31 janvier 1689; Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du XVII· siècle, in-8®, Paris, 1704, t. n, col. 2712; Moréri, Dictionnaire historique, 1759, t. v b, p. 17; Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 618. B. IIeurtebize. GALANO Clément, célèbre missionnaire ct théo­ logien de la congrégation des théatins, né à Sorrente, prononça ses vœux religieux à Naples, dans l'église des Saints-Apôtres, le 25 février 1628. L'annaliste des théatins, le Père Silos, atteste qu'il se distingua parmi scs confrères par ses vertus et son attachement aux études sérieuses. Élevé au sacerdoce, il fut envoyé par scs supérieurs aux missions de la Géorgie. Au nombre de scs compagnons de route était le Père François Maggio, l'auteur de la première grammaire géorgienne. Après une longue ct rude traversée, il arriva à Alcp (1636) ct de là sc rendit à Gouri. Le préfet de la mission, le Père Avitabilc l'engagea à étudier l’arménien. Il resta quelques années en Géorgie, mais le mauvais état de sa santé l’obligea à quitter sa mission et à sc rendre à Constantinople, où il aborda au mois d’avril 1641. L'ambassadeur de France lui fit un très bon accueil ct le recommanda aux capucins, qui le logèrent dans leur couvent. Sa connaissance approfondie de l’arménien lui ouvrit un vaste champ d'apostolat. Plusieurs Arméniens se convertirent. Il ouvrit une école ct composa une logique ct une gram­ maire arméniennes qui lui attirèrent un grand nom­ bre d'élèves. Cyriaquc, patriarche arménien, désira faire sa connaissance, et frappé par sa doctrine ct son zèle, lui proposa de s’unir avec son peuple à l'Églisc catholique. La mort l’empêcha de réaliser ce projet. Khatchadour, successeur de Cyriaque, avait été le disciple et l’ami du Père Galano. L'œuvre de l'union aurait été sans doute poussée avec ardeur par le nou­ veau patriarche, si le Père Galano, dénoncé au gouver­ nement turc par un indigne prélat arménien, n’avait pas été jeté en prison. Il fut même condamné à mort. Mais grâce à la protection de l’ambassadeur de France ct à des sommes considérables d’argent, il réussit à s’évader et à se cacher à Constantinople. Mais puis­ qu’il était continuellement en danger d'être découvert, ses supérieurs le rappelèrent à Rome. Il amena avec lui plusieurs de ses disciples, grecs ct arméniens, qui avalent embrassé le catholicisme, et les présenta à Urbain VIII (1644). Ses supérieurs lui confièrent alors la direction des novices, qui habitaient au couvent de Saint-Sylvestre (n Monte, 11 y avait, dans ce couvent, un Jeune reli­ gieux français, le frère Marie-Louis Pldon de SalntOlon. Le Père Galano lui apprit l'arménien. En 1663, le Saint-Siège chargea le Père Galano de se rendre en Pologne et d’y traiter Γunion des arméniens dispersés dans ce royaume avec l’Église romaine. Il emmena avec lui le Père Pldon. 11 était à Léopol en 1664 et travailla deux ans à remplir sa mission. Mais la mort le surprit le 14 mai 1666, avant qu’il pût achever 1024 son œuvre. Celle-ci fut continuée ct terminée avec succès par le Père Pldon. Le Père Galano était un orientaliste doublé d’un théologien. 11 a publié : 1° Grammatica et logica insti­ tutiones linguæ lileralis armcnicœ Arments tradita, Rome, 1645; 2° Conciliationis Ecclesia armenx cum romana ex ipsis armenorum patrum d doctorum loti· moniis, in duos paries, historialem d controversialem divisa, pars prima, Rome. 1650. Cette première partie a été réimprimée sous ce titre : Clementis Galani sue­ rentin i clerici regularis theologi d Sancta* Sedis aposloHere ad Armenos missionarii, Historia armena eccle­ siastica d politica, nunc primum in Germania excusa et ad exemplar romanurn diligenter expressa, Cologne, 1686. La II· partie de l'ouvrage, comprend 2 vol., parus à Rome, en 1658 ct en 1661. Les 3 vol. sont écrits en arménien ct en latin. Le Ier contient une histoire religieuse de l'Arménie suivant l'ordre chrono­ logique des patriarches : Series patriarcharum Arme­ nite auctoris annotationibus illustrata, p. 4-119, 185241, 346-451. A ce qu'il rapporte dans la préface, le Père Galano transcrit ct traduit un manuscrit, copié en 1366 in Schythix Chersoneso in ecclesia sancti Michaelis archangeli Theodosiæ civitatis (Calla). Il y a intercalé plusieurs études ct documents Impor­ tants; citons surtout : De Colchide d Iberis, p. 120185. Un chapitre de ccttc relation contient la liste des erreurs des Géorgiens touchant les dogmes de fol, les sacrements et les préceptes de l’Église, p. 130-131. Elle renferme plusieurs lettres d'Urbain VIII, le récit des travaux ct des souffrances des missionnaires théatins, ct une notice détaillée du séjour du Père Galano à Constantinople et de ses péripéties. Nous y trouvons aussi le texte latin ct arménien de la dispute de Théorianos, philosophe byzantin, avec Ncrsès, catholicos des Arméniens sous le règne de l’empe­ reur Manuel Commènc, p. 242-323; les actes des conciles de Tarse (1177), p. 324-345; de Sis (1307), p. 455-471; d*Adana (1316), p. 472-507, ct un récit intéressant des travaux des missionnaires domini­ cains en Orient pour la conversion des Arméniens î De progressibus fratrum prœdicatorum in reducendis ad catholicam fidem Arments, p. 508-531. Le ri· ct le m® vol. traitent des erreurs dogmatiques des Armé­ niens. L'auteur déclare que ccttc réfutation porte sur ces points de doctrine où les Arméniens contre­ disent véritablement les croyances dogmatiques de l’Église catholique. Mais puisque les grecs ct les latins ont bien souvent attribué aux Arméniens des erreurs fantastiques, il sc croit obligé parfois de défendre leur orthodoxie ct de montrer leur accord avec la saine doctrine. Avant d'aborder les controverses sur les points divergents entre Arméniens ct latins, le Père Galano dresse la liste détaillée des Pères, écrivains ct docteurs arméniens, dont il utilise les écrits et les témoignages, soit pour réfuter les erreurs arméniennes, soit pour appuyer les vrais dogmes de l’Église. U n· vol., Tractatus de Christo Deo et homine, est entière­ ment consacré à la défense des définitions dogma­ tiques du concile de Chalcédolnc touchant la double nature divine ct humaine de Jésus-Christ, p. 1-438. A signaler dans cc traité une dissertation sur la pro­ cession du Saint-Esprit, du Père ct du Fils, p. 351-381, Le in· vol. contient d’abord un traité De statu anima rationalis, p. 1-224, où l’auteur examine les questions relatives à l'origine ct à la création des Ames, à leur état après la mort, au jugement dernier, au purga­ toire, à l'éternité des peines de l'enfer. Suit un traité De militantis Ecdesim capite ac nova lege, p. 214-771. L’auteur y traite à fond la question de la primauté, de l’abrogation de Γancienne loi par la loi nouvelle, et de la théologie sacrament aire chez les /Arméniens. Il y déploie une grande érudition, une connaissance W25 GALANO - GALATES (ÉPITREAUX, approfondie des théologiens catholiques et armé-' aiens, ct mérite bien les louanges que lui décernait le procureur général des théatins, le Père Charles de Palmn, dans une lettre du 17 octobre 1615: Armenorum omnem doctrinam, scripturas, sententias, errores erronimque causas excussit; libros, codicesque innum'ros evolvit; integra commentariorum volumina devo­ raverit; quæ probarent, quæque reficerent auumeniea condita, sacrosque canones, quæ tandem errorum esset a romana Ecclesia discrepantia investigavit; cunetaque, quippe, qui erat omni scientiarum genere excultus, mutare digessit, falsa repat it, ocra illustravit, diffi­ cilia explanavit, conciliavit dissonantia, Ferro, t. 1, p. 422; 3° Epistola pro libris suis armcno-latinis apolo­ getica ad Thornam Serstaem, clericorum regularium consultorem, Munich, 1661. L'auteur y repousse les accusations de plagiat, portées contre lui par un certain Paul Pirumalli, dans deux brochures publiées à Vienne en 1656 sous ces titres : Apologia de duplici natura Christi contra Simonem Armatum, ct Œconomia Salvatoris nostri* ad regem Persarum. D’après PiromalU, le Père Galano aurait pillé les leçons manuscrites de controverse arméno-latines, qu’il taisait circuler parmi scs élèves. Lambert!, Sacra ktoria dei Colchi, Naples, 1656, p. 370377; Fcrro, Idoria délie missioni dit chterlci reqdari tcalini, Rome, 1704, t. c, p. 289-312, 118-431, 436-453, 491; Vrzzosi, / scrittorl del ch 1erIci regolarl dettt teatfnl, Rome, 1780, t. i, p. 373-333; Tamaratl, L*Eglise géorgienne, Rome, 1910. p. 527. A. Palmieri. GALATES (Epitre AUX) — I. Authenticité. IL Destinataires. III. Date ct lieu de la composition. IV. Occasion ct but V. Analyse et doctrine. I. Authenticité. — Aucune raison sérieuse ne permet de douter de l'authenticité de l’Épltrc aux Galates. Les témoignages nombreux d’une tradition antique, l’examen interne de l’Épltrc, la situation historique qu’elle suppose en garantissent l’attribu­ tion à saint Paul, ct les fragiles attaques du dernier siècle n’ont plus qu’un intérêt de curiosité. On signale déjà des rapprochements entre l’Épltrc aux Corin­ thiens de Clément Romain, xux, 6; lvî, 1. ct la lettre aux Galates, i, 4; vi, 1. Les allusions d’Ignace d’Antioche, Ad Eph., xvi, 1, ct Gai., v, 21 ; Ad Polgc.,t, cl Gai., vi, 2; Ad Rom., vu, ct Gai., v, 24; Ad Philad., et Gai., i, l,du pscudo-Barnabé, xîii,ctGal.,in, dcl’Épltre à Diognète iv, 5, ct Gai., iv, 10;vm, 10,11, cl Gai., iv, 4, 5, sans révéler un emprunt certain à l’Épltrc aux Galates, sont déjà beaucoup plus vraisemblable­ ment des citations de ccttc lettre. J£n plusieurs endroits, l’Épltrc de Polycarpc aux Philippicns reproduit textuellement des expressions assez caractéristiques de l’Épltrc aux Galates : m, 3. ήτις ιστίν Ι^ήτηρ πάντων ^πΓ,ν· ct Gal., ιν, 26; v, 1, θ<ό; ού μυχτηριζιται, et Gal., vi, 7; vi, 3, ζηλωταί π<ρΙ τό χαλόν, et Gal., ιν. 18; ιχ, 2, ουπ’ cîç xcvôv ίδρααον, et Gal., u, 2. Saint Justin, dans son Dialogue, 95. cite deux passages du Deutéronome sur la malédiction prononcée par la loi contre scs transgresseurs et contre celui qui est pendu au bois, xxvn, 26; xxi, 23, de la même façon que l’Épltrc aux Galates, m, 10, 13, en s’écartant à la folsxluztoxtc hébreu elide la version des Septante, et dans sa Ir· Apologie, un. 6, i) fait du texte d’Isaïe, i.iv, 1, la même application que l’Épltrc aux Galates, ιν, 27. Saint Irénée. Cont. hær.. m. 7, 2; 16, 3; Clément d’Alexandrie. Strom., HI, 15; Tcrtullien, Adv. Mareionem, v, 1. attribuent formellement l'ÉpItrc aux Galates à saint Paul. Le fragment de Munitori (ad Galatas quinta/ la compte parmi les écrits cano­ niques sans hésitation; les vnlcntinlens ct les ophites l'utilisent, Celsc lui emprunte la seule sentence de Paul qu'il cite Gal VI, 14; Marcion I appelle pnnetÜlCT. f»K TIIÉOL GH HO L. <026 palis adversus fadaismam epistnta, dans Tertullien, Ado. Mareionem, tv, 3, ct la place la premiere «tans son Apostollcon, tout en lui faisant subir des remaniements systématiques. Si l’on excepte l'attaque isolée de Bruno Bauer, Kritlk der paulinischen Briefe, 1850, Il faut attendre Jusqu’au dernier quart du xix· siècle, pour rencontrer des critiques qui. par réaction contre 1 école de Tubinguc, rejettent complètement ou partiellement l'au­ thenticité de l’Épltrc aux Galates. Ce furent, en Hol­ lande, Pierson, De Bergrcde, 1878; Loman, Quæstiones paulinæ, dans Theol. Tijdschrift, 1882; Pierson el Naber, Verisimilia, 1886; Van Manen, Bezwaren trgrji de echlheid van Paulus brief aan de Galaliers, dans Th ol Tijdschrifl, 1886; en Suisse, R. Steck. Der Galntei brief nach semer Echiheit untersucht, 1888; en Alle­ magne, Voiler, Die Komposition der paulin. HauptBricfe, i, 1890, ct Friedrich, Die Unechteit des Galater briefes, 1891. L'opposition de ces hypercritiques de l'école hol­ landaise peut se ramener aux points suivants : !· Les difficultés qu’on éprouve à situer historiquement l’Épltrc aux Galates dans la vie de saint Paul invitent à ne pas y voir un écrit authentique de l’apôtre, mois une fiction du n· siècle. 2· Les nombreuses contra­ dictions qui ressortent d’une comparaison attentive des Actes des apôtres et de l’Épltrc aux Galates confirment ccttc présomption. 3* Rapprochée de l’Épltrc aux Romains, la lettre aux Galates en appa­ raît comme le décalque abrégé. 4· L’Épltrc aux Galates est d’ailleurs tributaire d’écrits du Nouveau Testament ct d'apocryphes postérieurs à saint Paul, tels que le IV· livre d’Esdras ct l’Assomption de Moïse. La fai­ blesse de ccs objections saute aux yeux de quiconque a lu attentivement l’Épltrc aux Galates ct beaucoup d'auteurs ne s’arrêtent plus à les réfuter. Nous nous contenterons des remarques suivantes : Sans les Actes des apôtres, la chronologie de la vie de saint Paul serait bien sommaire; nous ne pourrions situer ni dater aucune de scs Épltres : serions-nous donc autorisés alors à les rejeter en bloc? Les obscurités qui entourent encore les origines de I Épllrc aux Galates proviennent précisément de la difficulté de concilier cet écrit avec les Actes des apôtres, en leurs nombreux points de contact. D’autre part, ers diffi­ cultés, qu’il ne faut d’ailleurs pas exagérer et qui ne sont nullement des contradictions, naissent spon­ tanément entre deux documents d’allures et de |M>ints de vue aussi dilTércnts que les Actes, œuvre d’his­ toire calme et méthodique, ct l’apologie vive et pas­ sionnée de Paul aux Galates. L’Épltrc aux Galates présente les mêmes raisonne­ ments. les mêmes citations, les mêmes formules théologiques que l’Épltrc aux Romains. Elle n'en est cependant pas le résumé : le lien logique qui réunit les différentes parties, la vivacité du style, l’intensité de l’émotion qui la traverse, nous forcent plutôt à y voir le premier jet, l’ébauche spontanée des doctrines que l’Épltrc aux Romains, plus calme, plus régulière, développera ensuite avec précision ct ampleur. On pourrait répéter, à propos de l’Épltrc aux Galates, les paroles de saint Paul : De cætrro nemo mihi molestas sit..., elle portc.cn cffct.au front, les stigmates de son authenticité. « Indépendamment de la puissance spirituelle qui éclate d'un bout A l’autre de cette lettre et dont n'approche aucun écrivain du n· siècle, les détails personnels Inimitables sur les circonstances de In Jeunesse de l’apôtre, le tableau de l'amour que lui avaient témoigné les Galates lors de sa première visite, l’expression de scs émotions actuelles de douleur, de sollicitude ou d’indignation, tout cela ne nous permet pas de révoquer en doute un seul instant la pureté de 1’origine de cet écrit et de n'y voir qu'une VI - 33 1027 GALATES (ÉPITRE AUX) composition artificielle, F. Godet, Introduction au Nouveau Testament, Neuchâtel, 1893, t. r, p. 278. II. Destinataires. — 1° La Galalie. — Les Galatcs (Γαλατα·., de Κέλτοι ou Kcatcu, d’après Pausanias, i, 3,5), quittant le midi de la Gaule, firent invasion en Italie, en Pannonie et en Illyrie, vers le commencement du iv* siècle avant Jésus-Christ. De là, ils sc livrèrent au pillage en Macédoine et en Grèce. Vers 279, avant Jésus-Christ, sous la conduite de Lconnor et de Luthar, une vingtaine de mille hommes arrivent jusqu'à Byzance, avec le secours de Nlcomèdc, roi de Bithynie, qui voulait s’en servir dans la guerre contre son frère. Après la victoire remportée par Nicomède, ccs hordes celtiques continuent leurs incursions dans l’Hcllcspont, l’Eolle, Γ Ionie et le centre de l'Asie Mineure, jusqu’au jour (229) où, vaincus par Attale Ier, roi de Pergame, ils sont contraints de se fixer dans le territoire compris entre la Pisldic et la Lycaonie au sud, la Cappadoce et le Pont à l’est, la Paphla­ gonie et la Bithynie au nord, la Phrygie à l’ouest. Tite-Livc, xxxviiT, 16; Strabon, iv et xii. Ce terri­ toire, comprenant une grande partie de la Phrygie, quelques régions de la Cappadoce et du Pont, porta le nom de Galatic. Pouravoir porté secours à /Xntiochus lo Grand dans sa guerre contre les Bomains, les Galatcs [ virent leur territoire envahi et annexé à la république , par Manlius Vulso, en 189 avant Jésus-Christ. Ils continuèrent cependant quelque temps à être régis par leurs propres lois; leur chef Dejotare reçut de Pompée le titre de roi, et son sucesscur, Amyntas, favori d’Antoine et d'Auguste, vit son royaume de Galalic s’accroître de la Plsidle, de la Cilicie Trachée, avec plusieurs villes pamphyliennes, la Lycaonie et l’isaurie jusqu’à Derbé inclusivement, le sud-est et l’est de la Phrygie avec les villes d’Antioche et d'Apollonic (Appicn, Dion Cassius, Strabon). Depuis l'an 36, le roi Amyntas était appelé couramment « roi de Galalic». A sa mort, l’an 25 avant Jésus-Christ, le royaume ainsi agrandi devint la province qui porta, dans la nomenclature officielle, le nom de Galatie, avec Ancyre pour capitale. Ccttc province dépendait de l’empereur et était gouvernée par un légat proprétcur, de rang prétorien. La formation de la province romaine de Galatie, en créant une terminologie nouvelle, n’a évidemment pas fait disparaître du coup les anciennes acceptions géographiques. Les noms des provinces englobées dans la nouvelle circonscription romaine continuèrent à subsister. C'est ainsi que des inscriptions persistent à énumérer, à côté de la Galatie, ses provinces annexes, preuve que les vieux noms se maintenaient encore. Il ne s’ensuit pas cependant que, même dans ces inscrip­ tions, la Galatic désigne le pays proprement dit des Galates, et non toute la province romaine de Galalic : les anciens noms ont pu être ajoutés par manière d'apposition, pour décrire d'une façon pompeuse la grandeur du territoire. Zahn, Einleitung, t. i, p. 130131. De leur côté, Ptolémée, Pline, Tacite, Denys d'Ilalicnrnasse comprennent, dans le mot Galatic, les provinces du sud. Eutropius et Syncelle les imitent. Saint Pierre aussi. I Pct., i, 1, semble bien parler des provinces romaines d’Asie Mineure, et entendre la Galatle dans un sens politique et non ethnique. 2· La prédication de Γ Évangile en Galatie. — Nous n’avons d’autre source pour cette histoire que les Actes des apôtres.Pendant leur première mission, Paul et Barnabé évangélisent beaucoup de régions appar­ tenant à la province romaine de Galatic, mais ne pénètrent pas dans le territoire des Galatcs propre­ ment dits. De Pcrgc en Pamphylie, ils sc rendent à Antioche, Iconium, Lystrcs et Derbé. Antioche et Iconium étaient des centres où Bomains, Grecs et Juifs affluaient. Lystres et Derbé étalent deux petites 1028 villes perdues dans une région pauvre ctjsauvage; les Juifs devaient y être peu nombreux. Au retour de cc premier voyage, les deux prédicateurs revoient les mêmes localités et reviennent à Antioche de Syrie, pour sc rendre delà au concile de Jérusalem, Act., xin, χιν. Au cours du second voyage, Act., xv, 40-xvm, 22, Paul et Silas visitent les Églises fondées Ion de la première mission, tradebant eis custodire dogmata, qu* erant decreta ab apostolis et senioribus, qui erant Jerosolymis, xvi, 4. Par la Syrie et Ia Cilicie, ib arrivent à Derbé et à Lystrcs, s'adjoignent Timothée et, ayant été empêchés par Γ Esprit-Saint de prêcher dans la province d’Asie, ils traversent la Phrygie et la région galati jue. Ne pouvant aller en Bithynie, ils parcourent la Mysie et atteignent Troas. Pendant le troisième voyage, Paul traverse de même la région galatlque et la Phrygie, en confirmant les disciples. Saint Luc parle donc à deux reprises de la région galatlque, xvi, 6, διήλΟον δέ την Φρυγίαν χαΐ Γαλατατ,ν χώραν, et χνπι, 23, διίρχο'μινος καθ<ίης την Γαλα­ τικήν χώραν χαι Φρυγίαν. Tout le monde admet qu’il s'agit de part et d’autre de la même région, mais est-ce la Galatle proprement dite, ou la région phrygio-galatique, qui forme la partie sud de la pro­ vince romaine de Galatic? Si ccttc dernière hypothèse était la vraie, il serait vraisemblable que Paul n’a pas évangélisé la Galatic strictement dite, et la ques­ tion des destinataires de l’Épltre aux Galatcs serait tranchée. Mais nous considérons comme plus pro­ bable l’hypothèse d’une prédication chez les Galates du nord, pour les raisons suivantes : 1. L’examen du troisième Évangile et des Actes prouve que saint Luc, tout en connaissant la nomenclature romaine eten s’en servant parfois, maintient cependant de préférence, dans ses indications géographiques, les anciennes divisions provinciales, Lycaonie, Pisidie, Pamphylie, etc. Act., iv, 6, 23. L'expression « région galatlque » aura donc vraisemblablement une signification eth­ nique et non politique. Si l’historien avait voulu dési­ gner la province romaine, il l’aurait vraisemblable­ ment appelée « la Galatic » et encore aurait-il dû laisser entendre qu’il adoptait le point de vue romain, comme il le fait en parlant de Γ A chafe. Act., xvin, 12, 27; xix, 2t. — 2. Le pays traversé est appelé, xvi, 6, « la Phrygie et région galatlque ». On ne peut considérer Φρυγίαν comme un adjectif et traduire : la région phrygio-galatique, le texte de xvîii, 23, s'y oppose où on lit : la région galatlque et Phrygie. Les deux expressions doivent désigner globalement le même territoire, bien que les parties qui le constituent soient énumérées dans un ordre différent. Or, ceux qui traduisent xvi, 6, par région phrygio-galatique sont forcés de lui donner un autre sens qu’à xvin, 23. Dans xvi, 6, la région phrygio-galatique désignerait celte partie de la Phrygie qui appartenait à la province romaine de Galatle, tandis que dans xvin, 23, la région galatlque représenterait le sud de la province romaine de Galatle, et la Phrygic, la partie de la Phrygie rele­ vant de la province d'Asie. 11 faut donc considérer «Ρρ^γ-αν comme un nom propre et traduire : la Phrygie et la région galatlque La Phrygic désignera le pays occupé par les Phrygiens, et la région galatique, les contrées habitées par les Galatcs, et ccttc signification peut se maintenir dans xvi, 6, aussi bien que dans xvin, 23. — 3. Et qu’on ne dise pas que dans l’hy pothèse où les Actes parleraient de la Galatic proprement dite, l’itinéraire suivi par saint Paul dans scs deux derniers voy ages serait Incom­ préhensible. 11 nous paraît nu contraire très naturel. Dans la seconde mission, Paul et Silas, traver­ sant la Syrie cl la Cilicie, arrivent à Derbé et à Lystres. Poursuivant la visite des Églises fondées au cours du premier voyage, ils auraient voulu prêcher 1029 GALATES (ÉPITRE AUX) ensuite la parole de Dieu dan· la province d'Asie. _ leur en étant faite par^1’Esprit-Salnt, lh Défense parcoururent du sud au nord la Phrygic et la Galatic et sc trouvèrent aux confine de la Mysie· L'Esprit de Jésus ne leur permet pas d'aller en Bithynie et ils sc rendent A Troas en traversant la Mytle. Dans la troisième mission, Paul, parti d'Antioche de Syrie, sc rend à Éphcsc par la région galatlque et la Phrygic. Ce n’est sans doute pas le chemin le plus court pour K rendre A Éphèsc; mais les Actes nous disent préci­ sément qu’en traversant tes régions ex ordine, Paul \oulnit confirmer dans la foi les disciples recrutés en Galatle et en Phrygie lors du second voyage. Au contraire, l’hypothèse d’après laquelle les Actes ne raconteraient que l’évangélisation du sud de la province romaine de Galatle, présente de graves inconvénients pour rintclllgcnce du deuxième voyage. On fait dire A l’auteur des Actes que Paul et Silas ont parcouru la région phrygio-galatique avant d’avoir reçu la défense de prêcher en Asie. Or le texte semble bien indiquer que c’cst ccttc défense même qui a déterminé 1rs prédicateurs A se diriger du côté de la Phrygic et de la Galatle : ΔιήλΟον δέτήν Φρυγίαν xxl Γαλατικήν χώραν, κωλυθέντες ύπά του αγίου πνεύματος > αλήσαι τον > όγον ίν τη ‘Ασία (le participe aoriste indique ordinaire­ ment une action faite avant celle du verbe principal) De plus, on est forcé d'admettre que les missionnaires ont cependant traversé l'Asie, bien qu’il leur fût Interdit d’y prêcher, pour se rendre en Mysie. Or, il est certainement plus conforme au texte de dire, qu’en ccttc occasion, Paul et Silas ne pénétrèrent pas même en Asie. Nous tenons, par conséquent, que les Acte· des apôtres racontent la prédication de l’Évangiie non seulement dans la partie méridionale de la province romaine de Galatic, mais aussi dans la Galatie pro­ prement dite. La question drs destinataires de l’Épltre aux Galatcs reste ouverte, après l’examen des Actes; peut-on la résoudre par les indications que nous fournit l’Épltre elle-même? 3° Les lecteurs de ΓÉpitre aux Galates. — Cette question ne fut guère agitée avant le xix· siècle. Les Pères et les Intcqirètcs anciens pensaient tout natu­ rellement aux Galatcs proprement dits. Plusieurs des villes évangélisées par saint Paul nu cours de sa pre­ mière mission furent peu de temps après détachées de la province dont elles relevaient d’alx>rd, pour être favorisées du titre de colonies romaines. Ignorant sans doute qu’elles eussent jamais appartenu A la province de Galatic, les commentateurs ne pouvaient chercher dans ces villes les destinataires de l'Épitre aux Galatcs. En 1825, Mynster, guidé par certaines indications de Schmidt, soutint que les lecteurs de l’Épltre sc trou­ vaient non seulement dans la Galatic proprement dite, mais aussi dans la partie méridionale de la province romaine de Galatic. Ce serait exclusivement dans ccttc région qu’il faudrait les situer d'après Perrot. Renan, Le Camus, Comely, Weber, Bclser, Ilausrath, Weiz­ sâcker, P. Pficidcrer, O. Holtzmann, Zahn, Ramsay, Sanilay, Round, etc. L’ancienne hypothèse de la Galatle du nord a encore cependant des partisans nombreux, Wicselcr, Grimm, I lohten, SlofTcrt, Jülicher, JL Holtzmann, Hilgcnfcld, SchOrer, Godet. Lightfoot, Chase, Schafer, Steinmann, etc.; elle parait même regagner aujourd’hui le terrain perdu nendnnt les dernières années du xix· siècle. Prat. Bludau, Chapman, Knnbenbauer s’y sont ralliés La théorie mixte proposée par Mynster et autrefois défendue par Zahn (il l’a abandonnée depuis dans son Introduction i et dans son commentaire), d’après laquelle Paul écrirait A la fois aux Gnlatrs du nord et aux Gnlates du sudf ne peut guère se soutenir : ces Églises ont été fondées A des époques différentes et dans des circon­ stances très diverses, tandis que la lettre aux Galatcs 1030 \kc manifestement des fidèles convertis en même temps cl se trousanl tous dans la même situation. Il ne reste donc que deux explications en présence. Pour ne pas nous étendre trop longuement sur ce· questions littéraires, importantes sans doute, mais non Indispensables à l'intelligence générale de l’Épltre, nous nous contenterons d’indiquer sommairement les arguments apportés de part et d’autre. 1. En laveur de la Galatie du nord. — a) Les tenants de ccttc contrée font remarquer que Paul ne s'est pas fait une loi de négliger k-s anciennes dénominations géographiques pour adopter le· nouvelles dénomina­ tions politiques (Gal.,1,21,et ICor.,xvi,l 5. le prouvent). L'emploi de cet dernières n’autorise d'ailleurs aucune conclusion touchant la Galatie. Les provinces de Cilicie et de Macédoine correspondaient essentielle­ ment aux anciennes circonscriptions; l'usage de désigner toute la Palestine par la Judée, l’Asie Mineure occidentale par l’Asie, toute la Grèce par l’AchaTe, était introduit depuis longtemps. 11 n’en est pas de même pour l’emploi du mot Galatie au sens large : cette nouvelle acception était encore rare au temps de saint Paul et ne se rencontrait pas dans le langage courant. IJ est Invraisemblable que l’apôtre ait appelé Galates les chrétiens de Pisidle et de Lycaonie. C'eût été un manque total de goût et d'habileté de s'écrier en s’adressant aux fidèles d'Antioche ou d* Iconium : O vos insensati Galati?! Ces considérations ont assurément leur valeur. D est certain que. si Paul s'est réellement adressé aux Galates du nord, il n’a pas pu leur donner d’autre appellation que celle de Galates, et si d’autres éléments ne venaient compliquer le problcme des destina­ taires de cette Épitre, personne ne penserait aux Galates du sud. Mais il est certain aussi que, si saint Paul voulait écrire aux chrétiens de Phrygie, de Plsidle et de Lycaonie. Il pouvait les comprendre sous le nom collectif de Galates. Depuis quatre-vingts ans. ces contrées avaient été incorporées A la Galatle, ous le règne d*Amyntas d’abord, sous l'administration romaine ensuite: l’usage du mot Galatle au sens large devait donc être assez répandu pour que ^nlîit Paul, qui ailleurs emploie les termes de la disk ton administrative, ait pu s’y conformer. A) On fait remarquer encore que l'hypothèse de la Galatic du sud ne s’accommode pas aux circonstance· historiques dans lesquelles s'est faite l'évangélisation des Églises visées par l’Épltre aux Galates. Saint Paul y prêcha une première fols le Christ A cause d une infirmité de la chair, St’ dcOèvciov τής σαρχός Gal., iv. 13. Or, la prédication aux Églises méiidwnabs. racontée aux c. xin et xiv des Actes, se ht de propos délibéré, et non à cause d’une maladie quelconque, tandis que l’évangélisation de la Galatle proprement dite que Paul s’était proposé d’abord de traverser pour aller en Bithynie, n pu très bleu être motivée par la maladie Λ laquelle l’apôtre fait encore allusion. II Cor., xii, 7. Mais comment prouvera-t-on l’intention pre­ mière de Paul de traverser seulement la Galatfe < u»s v prêcher? Les Actes, xvi, 6. 7. n'Insinuent nullement que Paul, contrarié dans ses desseins, ait été force par la maladie de s'arrêter en Galatic plus longtemps qu’il ne le pensait. Comment prouvera-t-on que doOévcuv doit nécessairement se traduire par « A cause d’une infirmité »rt non, A la suite de Chrysostomc, Théodore de Mopsucste et Théophyîaete. par « pendant une Infirmité »? Si l’expression est susceptible de ce sens, elle peut très bien faire allusion Λ l'état de santé de l’apôtre après les mauvais traitements subis A Antioche, Act., xm, 50. A Iconium, xiv, 6, A Lystres, xiv, 19. Ce serait encore A ces persécutions que se reporterait snint Paul en écrivant aux Galates. vî, 17 : stigmata Domini Jesu in corpore meo porto. 1031 CALATES (ÊPITRE AUX) c) D’autres arguments, allégués par Lightfoot, Wendt, Holston, en faveur dc la Galatic du nord nous i paraissent beaucoup moins probants. Ils sont cmprunlés à la description des défauts qui devaient être prédominants chez les lecteurs ct qui seraient particulicrs à la race celtique, au silence dc Paul touchant l'évangélisation de la Galatic inférieure, dans la description qu’il nous fait dc sa vic. Gal., i, silence qui serait étonnant si la lettre était adressée aux fidèles dc ccs régions, à la relation inutile des événements du concile dc Jérusalem, que ferait saint Paul à des fidèles déjà instruits dc ccs événements au cours de la seconde mission. Gai., n, etc. 2. En /aoeur de la Galalie du sud. — Dc leur côté, les partisans de la Galatic du sud font valoir les considérations suivantes : a) Les circonstances dans lesquelles l’Évangilc a été prêché aux lecteurs dc l’Épitre concordent assez bien avec celles du récit des Actes touchant l'évangélisation dc la Galatic méridionale. Saint Paul a dû séjourner assez longtemps au milieu dc scs lecteurs ct cela à deux reprises. Gai., iv, 13; il n dû leur prêcher l’Évangilc en compagnie dc Bamabé, qu’ils sont supposés très bien connaître,Gai.,n,2,9,13; la première fois que Paul vint parmi eux, il fut reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. Gai., iv, 14-15; cf. Act., xxv, 11. — b) La situation des lecleurs que l’Épitre révèle, s’explique aussi beaucoup mieux s’il faut les chercher dans la Galatie du sud. Ces lecteurs sont en grande majorité des gentils convertis, in, 2 sq.; iv, 8; v, 2; il devait cependant sc trouver des Juifs parmi eux, m, 28. L'Ancien Testament devait leur être familier, à en juger par les nombreuses citations que Paul fait dc la Bible ct les rai­ sonnements qu’il en tire. La culture gréco-romaine les avait marqués dc son empreinte, comme l’indiquent les comparaisons empruntées au rôle du pédagogue, in, 25, du tuteur ct de l’administrateur, iv, 2. Des judalsants étrangers, venus probablement de Jérusalem jetaient le trouble dans ces Églises florissantes. En un mot, l’Épitre aux Galatcs suppose chez scs lecteurs l’in fluence d’un contact fréquent ct prolongé avec les Juifs. Or, si nous savons qu’il existait des colonies juives importantes et dc nombreux prosélytes, Act., xm, 43-41. à Antioche la Pisldienne ct à Iconium, nous sommes beaucoup moins renseignés touchant les juiverics de la Galatic proprement due. M. Toussaint aflirme · qu’une nombreuse ct riche colonie juive s’était établie de bonne heure en Galatic. Ancyre, la capitale, se trouvait sur la grande artère qui conduit de Byzance en Orient, en Syrie, en Perse, en Arménie. Les Juifs s’étaient empressés de sc fixer dans un pays si favorable à leurs entreprises commerciales. » Ép tires de taint Paul, t. i, p. 105. Cc furent probablement les colonies juives établies en Phrygie sous les Séleucldes, qui, peu à peu, émigrèrent vers les villes septentrionales de la Galatic. D’après M. Jacquier, < on ne voit pas qu’il y ait eu des Juifs dans la Galatic du nord, à l'exccptlon peut-être dc quelques-uns ù Ancyre, ct encore pour cette ville Ramsay le nie. » Histoire des livres du Nouveau Testament, t. i, p. 180. Pour Delssmonn qui étend la diaspora Juive et le monde dc Paul aussi loin que les plantations d’oliviers, Paulus, p. 26, l’existence d’une colonie juive à Ancyre n'est pas douteuse; Il se prononce d’ailleurs aussi pour la Galatic du nord. Op. cil., p. 148. — e) S’il existait dans la Galatic du nord des Églises florissantes (on n’en trouve aucune mention expresse avant 192, dans un document où 11 est question de l’Église d’Ancyrc, Fusèbe, H. E., v, 16. Cependant, dans The expository times, t. xxi, p. 64, Ramsay, déduit, d’une Inscription trouvée à Barnta en Lycaonie ct mentionnant le martyre de Galanus à Ancyre, l’existence de chrétiens en Galatic du nord du temps d’Hadrien ct dc Domitlen. Cf. Stclnmann, Nord- 1032 Guhdk/i, dans Biblische Zeitschri/t, 1910t p.274 cq)tn butte aux attaques des judalsants, honorées d’une lettre importante de Paul, il reste malgré tout étonnant que les Actes en mentionnent à peine la fondation, li est étonnant aussi que les agitateurs hlérosolymlUlni ne sc soient pas arrêtés d'abord dans les belles com· munautés dc la Galatic méridionale ct qu'ils soient ailes porter leurs ravages dans ccs contrées éloignai dc la Galatic du nord. Cc sont là les principaux arguments en faveur do la Galatic du sud. 11 en est d'autres basés sur l'hypothèse dc la rédaction dc l’Épitre aux Galatcs avant le concile dc Jérusalem, mais ils reposent sur un tondement trop instable pour que nous croyions de voir 1rs critiquer. Tout compte fait, la théorie qui place les dcstlnatalresdc l’Épitre aux Galatcs dans la partie méridionale dc la province romaine dc Galatic nous parait encore mériter les préférences. III. Date et lieu nr. la composition.—Lcscontroverses relativesà la destination dc l’Épltreaux Galatcs ne pouvaient manquer d’avoir leur répercussion sur le problème dc l'époque dc sa composition. La solution dc cette seconde question pâtit de toutes les Inccrtltudcs qui entourent la première. Aussi bien. l’Épitre aux Galatcs a-t-elle été promenée tout le longdcl’acll· vité missionnaire dc saint Paul, depuis avant le concile dc Jérusalem, jusque pendant la captivité romaine. SI l’Épitre est adressée aux Galatcs du nord, comme elle suppose, dc la part dc saint Paul, une double visite aux lecteurs, qui n’a pu sc faire que pendant la seconde ct la troisième mission. Act., xvi, 6; xvnî, 23, elle ne saurait avoir été écrite qu’au cours du troisième voyage apostolique, soit durant le séjour dc l’apôtre à Éphèse (Holtzmann, Jülicher), soit à son arrivée en Macédoine, après son départ d’Éphèse, Act,, xx, 1, 2 (Prat, Théologie de saint Paul, 1.1, p. 221-222), soit pendant son séjour dc trois mois à Corinthe, Act., xx, 3 (Lightfoot). La lettre aux Galatcs appartiendrait ainsi au même groupe que les Épltrcs aux (Corinthiens et aux Romains ct elle sc placerait assez naturellement dans les années 55-58. On serait mime tenté, dans cc cas, de la situer après la IIe nux Corinthiens, ct l’on rendrait facilement compte alors des rencontres fréquentes et caractéristiques qu'on ne peut mécon­ naître entre les Épltrcs aux Galatcs et aux Re mains : · L'esprit dc Paul s’agite manifestement dans le même cercle de pensées : cc sont mêmes raisonnements, mêmes citations, mêmes formules théologiques. » Prat, op. cit., p. 222. A la rigueur, les tenants dc la Galatic du sud pourraient sc railler à celte conclusion. D’ordinaire, cependant, ils sc prononcent pour une date moins tardive, a) Le commencement dc défection des Galatcs a dû suivre d’asrcz près la dernière visite de Paul : < J’admire, dit celui-ci, que si vite vous sors laissiez détourner dc celui qui vous n appelés en la grAcc du Christ, pour passer Λ un autre Évangile. » Gai., î, 6. Mais l’adverbe ταχέως pourrait sc rapporterai! caractère subit de leur défection ct non nu court intervalle de temps qui la sépare du second séjour de I apôtre.— ô) L’Épitre aux Galatcs parait sc rapporter à un stade de la controverse judaTsnntc, antérieur à celui que laissent supposer les Épltrcs nux Corinthiens et nux Romains. Il semble qu’à Corinthe lis Judalsants aient renoncé à imposer la circoncision aux païens convertis; iis s’avouaient vaincus sur ce point ct tournaient plutôt leurs attaques contre la personne dc Paul. A I l'époaue dc l’Épitre aux Romains, la polémique s’apaise; ce n’est plus un écrit de circonstance, mais une exposition large et tranquille de l’économie | chrétienne du salut, d’un point dc vue plus général 1033 GALATES (ÉPITRE AUX) que celui dc I'Épttre aux Galatcs. En conséquence, le plus grand nombre dc ccs critiques place la compo­ sition dc l’Épitre aux Galates à la fin de la seconde mission, à Corinthe, pendant les années 53-54, soit avant les Épltrcs aux Tht ssalonicicns (Zahn), tout nu début de l’activité littéraire de suint Paul, soit de préférence après ccs Épltrcs (Comely), où l'on ne rencontre pas la moindre allusion aux controverses ju5 juifs, qui croyaient pouvoir réaliser eux-mêmes la .usticc requise, cc sens de l’expression « Justification Et, d'autre part, Ils sc disaient chrétiens et croyaient devant Dieu · devait être fréquent. « Le plus souvent, en la messlanité de Jésus. Quelle signification atta­ xi moins dans l’Anclen Testament, la part de Dieu chaient-ils Λ la première mission du Christ ? C'est Jnns la justification du pécheur est exprimée par la trop peu, semble-t-il, de dire avec Estius, ln proamio çrâce et la miséricorde, et quand le juste, innocent ou ad epist. ad Gai., que leur fol au Christ n’avait aucune repentant, est amené au tribunal du souverain juge, valeur pour la justification : Pseudo-apostoli Christum h justification n’est qu’une sentence favorable ou une quidem ut doctorem et prœconem veritatis respiciebant, ordonnance de non-lieu. » Prat, op. ci/., t. i, p. 231. redemptorem vero auctoremque justilim non agnoscebant, > Nous admettons sans balancer, dit encore le même et cerimoniis peccatorum veniam, a Christo doctrina auteur, L iî, p. 351, que la justification de l’homme veritatem et exempla perfectu'. justitia quaerenda docebant; éveille d'ordinaire, dans l'Ancien Testament et même quasi nihil aliud esset Christi evangeliumi quam hominis dans le Nouveau, l’idée d'un Jugement divin, qu’on ad pietatem institutio non item impii justificatio. Car peut du moins l’y découvrir sans faire violence aux ces Judaïstes croyaient en la messlanité de Jésus textes, que dans un petit nombre de cas la justifica­ malgré sa mort; ils devaient donc dire avec saint Pierre, tion est purement déclarative. · Que la justice soit Act., n, 23; m, 18, que cette mort avait été voulue souvent mise en connexion avec le royaume messia­ par Dieu et rentrait dans le plan divin, qu’elle avait nique, et la Justification avec le jugement divin qui sa place, par conséquent, dans l’œuvre du salut. Peutdoit discerner les membres du royaume, le phénomène être lui reconnaissaient-ils une valeur analogue, mais n’a pas de quoi nous surprendre. La connexion existe supérieure, à celle des expiations de l'Anden Testa­ en réalité, c'est bien en vue de la vie éternelle que nous ment, pour couvrir les transgressions de la loi. Grâce sommes justifiés, et si les Juifs et les premiers chré­ au Christ, la justification par la loi leur serait devenue tiens faisaient ccs rapprochements plus fréquemment plus accessible, mais celle-ci garderait sa valeur que nous et en termes plus explicites, c'est sans doute éternelle, il n'y aurait pas d'économie nouvelle établie. qu’ils étalent plus que nous frappés par la perspective Pour répandre plus facilement l’erreur, les judalsants du grand avènement du Messie n’auront pas, du premier jour, exposé toutes leurs Jusqu'ici saint Paul était d’accord avec ses adver­ exigences. C'est ainsi qu'ils ne paraissent pas avoir saires juifs ou judalsants. il ne polémique jamais contre enseigné que le circoncis est astreint à l’observation eux au sujet du royaume messianique ou de la justice de toute la loi, v, 3. Ils n'auront pas manqué non plus requise pour y atteindre; les divergences n’appa­ de faire Λ l'enseignement de Paul le reproche qu'on raissent que lorsqu’il s’agit de déterminer les moyens lui fil encore souvent dans la suite : décréter l’abroga­ par lesquels l'homme pourra réaliser celte justice. tion de la loi, c'est ouvrir toute large la porte au liber­ Comment l'homme scra-t-il justifié devant Dieu, tinage et à tous les vices. Et surtout, par leurs insi­ comment arrivera-t-il à cet état de justice que Dieu nuations perfides contre la personne et la mission reconnaît comme un titre à l’héritage messianique? de l’apôtre, ils auront voulu semer la défiance et le Ln un mot, quelle est l'économie de la justification et doute dans le cœur de scs chers Galates. du salut ? Pour le juif, la chose n’est pas douteuse, L’ÉpItre aux Galates est la réponse de Paul Λ toutes c'est l’économie légale; pour saint Paul, elle est non ces attaques » La réfutation des arguments des Judal­ moins claire, c'est l’économie chrétienne; pour les sants est devenue, grâce à la dialectique de l’apôtre, convertis Judalsants, c’est une économie mixte, • l'exposition lumineuse et triomphante de ses propres légale et chrétienne en même temps, et il n’est pas idées... Vues larges et lumineuses, dialectique serrée, aisé de préciser le rôle respectif des deux éléments, de ironie mordante, tout cc que la logique a de plus la loi ancienne et de la loi nouvelle. fort, l’indignation de plus véhément, l’afTcctlon de Et d abord, ccs judéo-chrétiens de Galatic exi­ plus ardent et de plus tendre se trouve réuni, fondu, geaient des gentils la circoncision et les œuvres de la coulé d'une seul jet, en une œuvre d'une irrésistible loi, cl rien dans l’ÉpItre ne permet de supposer puissance. Le style n'est pas moins original que le qu ils les aient réclamées seulement en vue d’une fond même des idées. » Sabatier, L'apôtre Paul, p. 135, perfection plus grande à acquérir, d’une participa­ 149. Cette Épltrc, pour autant qu'on peut le déduire tion plus abondante aux prérogatives et aux béné­ de 1 Cor., xvi, 1, et de I Pet., i, 1, aurait obtenu de dictions d’Israël, et non comme condition indispen­ bons résultats. sable de justice et de salut. Ils faisaient ressortir, V. Analyse et contenu. — Dans l’ÉpItre aux sans doute, que la loi avait été donnée par Dieu à I Galates, nous rencontrons la division ordinaire des Abraham et à sa postérité en signe éternel d alliance, |J lettres de saint Paul : la suscription, i, 1-5, le corps que le Messie était le Messie des juifs et que les na- I de l'écrit, i, 6-vi, 10, la conclusion, vi, 11-18. tJons n’auraient part à son règne qu’en s'incorporant 1° Suscription. — La suscription a ceci de rcmard'abord à Israël comme l’avaient prédit les prophètes, I quable, qu’elle ne renferme aucun mot d'éloge ù Act., ni, 25, 26, que Jésus lui-même avait été cir­ l’adresse des destinataires, aucune action de grâces concis et qu’il avait enseigné que pas un iota de la I pour leurs progrès dans la fol. Par contre, elle fait déjà ressortir les deux idées fondamentales de l’ÉpItre: loi ne devait disparaître. Matth., v, 18. Telle était certainement la tactique des adversaires de Paul I la légitimité de l’apostolat de Paul, la vérité de son avant la réunion de Jérusalem. Act., xv. 2, 5. Dira- , Évangile du salut par ta mort du Christ. Le véritable apôtre doit réunir ccs deux conditions : avoir vu le t-on qu’elle est Incompréhensible après le décret du concile et la charte de liberté accordée aux gentils ? I Christ et avoir reçu immédiatement de lui sa mission, Elle est Injustifiable ù coup sûr, mais saint Paul i Act., i, 21-24. Or, saint Paul vérifie ccs conditions. dépeint ses ennemis de Gnlatie sous de si sombres La seule diiTérencc entre lui et les Douze, c'est que ceux-ci ont suivi le Christ pendant sa vie mortelle, couleurs, comme des gens sans aveu et des calomnia­ teurs impudents. Auront-Ils accepté les décisions de i tandis que Paul doit son appel au Christ ressuscité, Jérusalem, ne les auront-ils pas attribuées aux intrigues mais ccttc dilTérence n’implique aucune cause d'in­ des uns et à la bonne fol surprise des autres, n’nurontfériorité. Paul peut dire, comme les autres apôtres, Ih pas allégué la conduite subséquente des grands> qu'il a reçu l’apostolat de Dieu et non des hommes (oux apôtres de l'Église-mère ? Le concile de Jérusalemi απ’ άνθρωπέ, la préposition άπβ indique l’origine, n'a pas dû nécessairement, pensons-nous, provoquerr la source de la vocation à l’apostolat), et qu’il l'a reçu 1037 GALATES (ÉPITRE AUX) 1038 slvcmcnt à l'événement du chemin de Damai, on n'est immédiat ement de Dieu et de Jésus-Christ, sans pas autorisé à opposer à son affirmation le rôle φΓAna­ intermédiaire humain (ούδε ôt‘ ανθρώπου, διά indique nias aurait joué dans sa conversion, d’après le récit k mode de transmission, le canal de la vocation). Paul de Luc, Act., îx, 10-10,et le discours de Paul au peuple. est un apôtre nu sens strict, l'égal des Douzc.il n’est AcL, xxn, 12-16. Quel fut en réalité le rôle d'Ananias ? pas un disciple d’apôtre, i, 1. Plusieurs exégètes, se basant surtout sur la parole du Jésus-Christ s'est livré lui-même pour nos péchés Christ à Paul : · Lève-toi, entre dans la ville; là on afin de nous arracher au siècle présent mauvais, i, 4. t'indiquera ce que tu dois faire,» AcL. îx, 6, et sur ta Paul veut déjà montrer par là que la mort du Christ communication d'Ananias : · Le Dieu de nos pères t'a est la source unique de notre salut. Le siècle présent, destiné à connaître sa volonté et à voir le Juste, et à ινίστώ; ιϊών, est opposé nu siècle futur et prend fin entendre les paroles de sa bouche, parce que tu lui â la parouslc. Il est appelé mauvais non seulement à seras un témoin, auprès de tous les hommes, des choses cause des tristesses, des misères, des angoisses dont il que tu as vues et entendues, » AcL, xxn, 14, 15. esti­ est rempli, IV Esd., iv, 2, 27; vu, 12, 47, tandis que le ment qu’Ananias fut réellement pour cette fois le siècle futur est plein d'allégresse cl de sécurité, ibid , canal des communications ’célestes. Prat, op. cit., vi, 20; vit, 13, mais aussi à cause du péché qui y règne L i, p. 50. Mais si l’on tient compte qu’Ananias est et de la domination de Satan qui s'y exerce. Tous les informé divinement de h conversion miraculeuse, hommes, par suite de leurs péchés, étaient soumis à qu’il a reçu du Christ l’ordre à transmettre, qu’il n’est ce siècle mauvais, et destinés à périr avec lui. Le Christ qu'un organe, une voix répétant le message sans en mourant expia leurs fautes pour les soustraire à l’altérer ni l’interpréter, la révélation subsiste, c’est la ruine et leur faire goûter les joies du siècle futur. vraiment le Christ qui a parlé à Paul, qui l’a instruit, Mais saint Paul considère-t-il cette délivrance, but puisque c'est lui qui est apparu en vision au saint de la mort du Christ, uniquement dans sa phase finale, personnage de Damas. Cependant, d'autres critiques Inaugurée par la parousic ? N'envlsage-t-ll pas aussi se refusent à voir dans Ananias le révélateur du dessein les temps messianiques dans leur préparation présente, de Dieu vis-à-vis de saint Paul : a. Paul affirme au et le salut dans sa phase actuelle, très réelle, bien début de la lettre aux Galates qu’il a reçu son Évangile qu’encorc imparfaite ? Cc sont là des conceptions par révélation de Jésus-Christ ; les relations furent familières à saint Paul et il est possible qu’il les ait donc directes, le contact immédiat et la conscience en vue ici. Quoi qu’il en soit, que la libération soit d’Ananias ne peut venir se poser entre celle de Paul et présente ou future, la mort du Christ ne l'opère pour le Christ; b. il est d’ailleurs invraisemblable que le chacun de nous que par l’intermédiaire de la foi. dialogue sur la route de Damas se soit réduit à deux 2° Corps de l’Eptlre. — On distingue souvent trois questions croisées de deux réponses; c. en réalité, parties dans l’Épitrc aux Galates, une section apolo­ Ananias, miraculeusement averti de la transformation gétique, une section dogmatique et une partie morale. de Paul et de sa mission grandiose, est venu vers lui Comely, Introductio, t. ni, p. 424 sq. Il nous paraît avec l'ordre de le guérir, de le baptiser et de le présenter plus conforme à la structure de l'écrit de le considérer à la communauté chrétienne. Cc fut là tout son rôle. tout entier comme une apologie de l'Évangile de Cf. Rose, Ac/« des apôtres, p. 78-89. Paul. A l’encontre des accusations des judalsants, Saint Paul a affirmé que son Évangile vient de Dieu, l’apôtre établit successivement la vérité de cet Évan­ il va prouver, par le récit de sa vie, qu’il n’a pu le gile, dans scs antécédents historiques, dans sa nature tenir d’un homme, qu’il n'a pu être Instruit par les intime, dans scs conséquences pratiques. apôtres. En effet, Paul, persécuteur farouche, pharisien 1. Vérité historique de l'Éuangile de Paul, i, 6-11,21. fanatique, fut un jour éclairé subitement par le Elis — a) Son origine, i,6-24.— L’apôtrc s'étonne d'abord de Dieu et reçut mission de le prêcher aux gentils. Au du rapide changement qui s’opère parmi les Galates lieu d'aller à Jerusalem s’instruire auprès de ses (ταχέως μιτατίΟισΟί) : ils sont sur le point de se devanciers, il se retira en Arabie. Ce n’est qu’après trois rallier à un Évangile différent de celui qui leur a été ans qu’il visita Pierre, auprès de qui il ne resta que prêché (ttç crtpov εύαγγελιον). En lançant l'anathéme quinze jours, et qu’il vil Jacques. Il vécut ensuite sans contre quiconque voudrait changer l’Évangile du rapport avec les chrétiens de Judée qui n’apprirent Christ, Paul montre suffisamment qu’il ne cherche que par oui-dire sa conversion et son apostolat, i, 13-24 pas à plaire aux hommes, ni à accommoder sa prédi­ La conversion de saint Paul, en dehors de GaL, i, 15, cation aux désirs des hommes. C’est qu’en effet 16, est encore racontée trois fois dans les ketes, ix; son Évangile n'est humain, ni dans son origine pre­ xxn, 4-16; xxvi, 9-18; il y est fait allusion, I Cor., xv, mière, ni dans sa source immédiate, mais il est 8; Phil., ni, 4-10. Dans l’ÉpItre aux Galates, elle divin de toutes manières, puisqu’il le tient par révé­ est exprimée de la façon suivante : il a plu à Dieu de lation de Jésus-Christ, i, 6-12. révéler son Fils en moi, c’est-à-dire de me faire contuilPaul entend sans doute ici, par son Évangile, la forme spéciale que prenait le message du salut en ; tre Jésus comme Fils de Dieu. Ccttc révélation aura en même temps déterminé l’orientation de son apostopassant du Judaïsme à la gentilité, le tour qui carac­ lat. Il est remarquable de voir comment saint Paul térise sa prédication dans les milieux païens. 11 exclut toute causalité humaine de l’œuvre de sa rapporte donc à la révélation immédiate de Jésus-Christ conversion : elle s’est faite au moment marqué par le avant tout les points particuliers de sa prédication bon plaisir de Dieu (ôr< όδύχησο), qui l’a mis â part 2ui l’ont fait accuser par les judalsants de prêcher un dès le sein de sa mère et l’a appelé par un effet de sa évangile différent de celui des Douze. La révélation dont il est fait mention ici ne comprend pas unique­ grâce. Après sa conversion, saint Paul sc rendit en Arable, ment l’apparition sur la route de Damas; elle est plus c’est-à-dire probablement au sud-est de Damas, dans générale que cet appel à la conversion et à l’apostolat le I lauran. Sous le nom d’Arabie, les anciens désignaient commémoré nu verset 16; on pourrait y rattacher non seulement la péninsule arabique proprement dite, aussi l’apparition de Jésus pendant une extase, trois mais aussi des régions septentrionales entre la Palestine ans plus tard, dans le temple de Jérusalem, Act., xxn, et l’Euphrate, jusqu’au sud-est de Damas. Saint Paul 18, et la célèbre vision à laquelle Paul fait allusion distingue Damas de l’Arabie; à l’époque de la conver­ dans II Cor., xn, 1 aq., et qui parait devoir sc placer avant la première grande mission apostolique (qua­ sion de saint Paul, cette ville ne devait pas encore appartenir à Arétas, roi des Nabatéens, qui ne put torze ans avant la II· aux Corinthiens, donc vers 43guère y régner avant 37. Lors du soulèvement des 44). Mais même si la pensée de Paul se reporte exclu- 't __ ιττ^η ■■ι^·····ΐ^············η···Μ···κ·| 1039 GALATES (ÉPITRE AUX) juifs contre Paul ù Damas, l’ethnarque d’Arétas gouvernait la ville, A d-, ix, 23-25; II Cor., xi, 32; il semble donc qu’on doive placer cette persécution lors du second séjour de Paul à Damas; elle n’aura pas déterminé le voyage en Arable, mais le départ pour Jérusalem. Nous ne possédons aucun renseignement touchant le séjour de saint Paul en Arabie. Il est peu probable qu’il y soit allé prêcher l’Évangile aux païens ou aux Juifs établis dans ccs régions. Il y aura médité le grand fait de sa conversion. Selon A. Resch, Der Paalinismus und die Logia Jesu in ihrem gegenseiligen Vcrhùltnis untersucht, 1904, l’apôtre a étudié à fond l’Évangile primitif durant les trois années de son séjour en Arabie, ct c’est par ce travail cxégétlquc qu il se prépara ù son rôle d’apôtre des nations. Nous Ignorons la durée exacte de celte retraite, mais avec le second séjour à Damas elle demande trois ans. Gai., i, 18. L’auteur des Actes la passe sous silence; il ne s’est pas proposé de narrer tous les gestes de Paul et, d’ailleurs, le cadre qu'il trace, ix, 19-25, est assez large pour comprendre les événements racontés par Γ Épi Ire aux Gelâtes. Il y a même deux Indications chronologiques qui pourraient sc rapporter aux deux séjours de Paul à Damas, 19 : Saul resta quelques Jours avec les disciples qui étalent à Damas, et 23 : Des jours nombreux sc passèrent. La première visite que Paul fit à Jérusalem après sa conversion est racontée dans les Actes, ne, 26-30, sous un Jour un peu dînèrent. Il n’y est pas dit qu'elle n’eut lieu que trois ans après la conversion ct que Paul ne vil que Pierre cl Jacques, mais que Saul tâcha de se mettre en rapport avec les disciples et que Barnabé le conduisit aux apôtres. L’Épi tre aux Galates veut prouver l'autonomie ct l'indépendance de la doctrine de Paul; les Actes s’cllorccnt de montrer que Paul dé< après sa conversion fut apôtre à Damas et à Jéru­ salem, que dans celle dernière ville il fut présenté â la communauté ct comme officiellement reconnu. Les pi c npalions sont differentes, mais il n’y n pas de contradiction. Peut-on conclure de la manière de parler des Actes, ix,27, et de l'ÉpItre aux Galates, i, 19, que J icqucs frère du Seigneur était du nombre des Douze ? Il est indéniable que, dans le cas où la thèse de l'apostolat de Jacques serait solidement prouvée pur ailleurs,ces textes ne pourraient que la confirmer, mats ils paraissent impuissants à l’établir par euxmemes hors de conteste. Saint Luc parle en historien, d'une façon générale, sc préoccupant plus de la qualité des personnes que de leur nombre. En disant que Barnabé conduisit Paul aux apôtres, Il n’entend pas plu» insinuer que Jacques, à qui Paul rendit visite comme a Pierre, était du nombre des Douze, qu’il ne prétend signifier que Paul fut de fait présenté â tous les apôtres. Quant à l’affirmation de Paul : Irtpov oc Z©v αποστόλων ούζ cl&ov, (t μη Ιάχωζον τον άδίλφόν του zup ov, elle mettrait certainement Jacques au nombre des apôtres, s’il était prouvé que la conjonc­ tion ci ιή a bien le sens exceptif et non le sens ndversatif : Je n’ai vu aucun autre apôtre, mais j’ai vu Jacques; que l’adjectif cxcpoç ne désigne pas Ici un personnage d’un autre ordre ct d’une autre dignité que 1rs Douze : J’ai vu Pierre, Je n’ai vu aucun apôtre d'un autre ordre, si cc n’est Jacques. Le frère du Seigneur serait apôtre, mais ne serait pas compté parmi les Douze. Voir, en faveur de ccttc Interprétation, Mader, Hiblische ZeiMirift, 1908, p. 393-406; en sens contraire, Steinmann, Kritische Bemerkungen in einer neuen Aushqung von Gai., l, 19, dans Der Kalholik, 1909, p. 207-210. L’appartenance de saint Jacques au collège apostolique parait plutôt affirmée pnr cc pervige ou saint Paul revendique son autonomie relativement aux apôtres. t ) Api ro bal ion de l Evangile de Paul à Jérusalem, n, 1040 1-10. — Paul, apôtre Indépendant, appelé ct Instruit directement par Jésus-Christ, en dehors du collège des Douze, est cependant en communion de doctrine avec ΓÉglise-mère ct il a reçu l'approbation officielle des grands apôtres. Il leur exposa en particulier l’Évangile qu’il prêche aux gentils ct dont le premier article est l'exemption de la loi mosaïque. 11 fut approuvé ct on ne l’obligea pas ù circoncire Tile. Bien plus, les colonnes de l’Église, Jacques, Pierre ct Jean, reconnu­ rent expressément sa mission, lui tendirent la main en signe d’alliance ct partagèrent avec lui le champ de l’apostolat, en lui recommandant seulement les pauvres de Jérusalem. Nous croyons avec la grande majorité des critiques ct des exégètes (à l’encontre de Calvin, Weber, Bclscr, Le Camus, Ramsay, etc.) que la réunion de Jérusalem, que saint Paul décrit ici, est identique à l’assemblée des apôtres dont parle le c. xv des Actes. D’une part, les points de contact sont trop nombreux ct trop minutieux pour admettre une autre explication, ct d’autre part, les divergences s'expliquent suffisam­ ment par la diversité d’autcurs ct de points de vue. Les mêmes personnages apparaissent des deux côtés et jouent le même rôle (Paul mentionne en plus Tite et Jean); les adversaires sont les mêmes ct l'objet du débat est identique; le dénouement est le même ct les circonstances de lieu ct de temps concordent parfai­ tement. Selon les Actes, la réunion de Jérusalem eut lieu entre la première mission de Paul qui commença après la mort d'Hérode en 44 ct se termina vers 49, ct la seconde mission caractérisée par la rencontre à Corinthe de Paul ct de Gallion (en 52-53, ainsi qu’on peut le déduire de l’inscription de Delphes publiée par Bourguet, De rebus Delphicis imperatoria: a latis capita duo, Montpellier, 1905), c'cst-ù-dire entre 49 et 51. D’après saint Paul, la réunion de Jérusalem eut lieu dix-sept ans, ou peut-être quatorze ans (Gai., n, 1, comparé à i, 18) après sa conversion, qu’on ne peut placer avant 34, c’est-à-dire encore une fols vers 49-51. Enfin, l’on ne peut songer Λ identifier le voyage de Gai., n, 1, avec celui dont parlent les Actes, xi, 30; xii, 25 : ccs deux voyages n’ont en commun que cccl : l’engagement de subvenir aux pauvres de Jérusalem, Gai., il, 10, (jui rappelle le but principal de la mission des Actes, xi, 30. Les difficultés soulevées contre l’identification de Gai , îi, avec Act·, xv, ne sont pas très considérables. SI Paul, dlt-on, parle de la visite qu’il fit à Jérusalem, à l’occasion du concile, il omet de mentionner le second voyage en 43-44 à l’occasion de la famine, Act., xi, xn, et le voyage du concile est en réalité le troisième qu’il fit à Jérusalem depuis sa conversion. Mais Paul n'avait aucun motif de rappeler le voyage de l’an 43. il ne prétend pas faire un récit logique des événements de sa vie. Au c. i, il établit qu'il n’a pas appris son Évan­ gile des hommes, mais qu’il le tient de Jésus-Christ; au c. n, il montre que son Évangile a été sanctionné par les principaux des Douze ct c’est ù cc propos qu’il est amené à parler de l’assemblée de Jérusalem cl de l’affaire d’Antioche. Saint Paul garde de même le silence touchant la première mission apostolique entreprise avant le concile de Jérusalem, ct il ne mentionne que le voyage en Syrie ct en Cilicie, i, 21. Pcut-on en conclure que le voyage du c. n n’eut pas lieu Λ l’occasion du concile (ou cc qui serait plus extra­ ordinaire encore, que la première mission a suivi le concile) ? Mais pourquoi saint Paul aurait-il dù men­ tionner explicitement ccttc mission ? Il y fait d'ailleurs allusion, car, quand i) se rend Λ Jérusalem, il a déjà prêché l’Évangile aux gentils, cc qu’il fit surtout au cours de la première mission; il prend avec lui Barnabé : c’est que les deux apôtres ont le même intérêt à la solution qui sera donnée, il s’agit de la vérité de leur «Ml GALATES (ÉPITRE AUX) Éviiiwllc. Il faut admettre une mission commune I entreprise chez les païens, c’est la première mission de Paul d Barnabé. | Paul dit qu’il monta à Jérusalem avec Barnabé ct Tile, i la suite d’une révélation; Luc rapporte que Paul el Barnabé ct quelques-uns des leurs furent ûflidcllcmcnt députés par les frères d’Antioche à Jérusalem, à la suite d'une vive discussion avec les judaïsants. Act., xv, 2. Les deux motifs ne s’excluent nullement. Peut-être Paul, tout désigné d’ailleurs par sa situation prépondérante ct par le rôle qu’il venait de jouer dans la conversion des gentils, s’offrit-il spontanément. Une révélation lui enjoignait d'aller plaider lui-même sa cause. On accusait Paul d’être en opposition avec les Douze, avec les colonnes de l’Eglise, les apôtres par excellence, comme on les nommait pour le rabaisser. 11 voulut leur soumettre son Évangile afin qu'ils vissent s'il avait couru en vain (il, 2, ιχή πως ciç xîvov, la réponse négative est sous-entendue, Paul ne doute nullement de la vérité de son Évangile) ct les colonnes de l'Église, quelle que put être ailleurs leur autorité, ne lui ont rien conféré, ne lui ont ricn donné qu’il n’eût déjà (οΰδεν προσανιΟιντο ιμοί du t. 7 parait répondre à αΰτοις άνιίίμην du ÿ. 2 : Je leur exposai, ils ne m’ajou­ tèrent rien). Ce langage de saint Paul s'accommodet-il des reserves indiquées dans le décret de la confé­ rence de Jérusalem, xv, 28, 29 ? Le silence de l’Épltrc aux Galates touchant ccs prescriptions ne prouvet-il pas qu’elle n’entend pas parler de la même réunion? Remarquons encore une fols qu'il serait tout à fait invraisemblable d’admettre vers la même époque, au même endroit, dans les mêmes circonstances, deux réunions distinctes portant sur le même objet et formulant essentiellement les mêmes conclusions. Le silence de Paul, fût-il inexplicable, ne prouverait pas contre l’identité. Mais les raisons plausibles de l’omission ne manquent pas. Il n’est nullement nécessaire, pour la justifier, d’identifier le voyage de Gai., n, avec celui du c. xi des Actes (Weber), ou de dire que le voyage de l’Épltrc aux Galates n’a nulle part son correspon­ dant dans les Actes (Bamsay), ou de nier que le décret mentionnât les quatre défenses relatées dans les Actes (Schürcr), ou de placer le décret dix ans plus tard vers le temps où saint Paul achevait sa troisième mission (Harnack, Lukas der Arzt, 1906, p. 91 sq.), ou de sc prononcer pour l’authenticité du texte occi­ dental du décret (Harnack qui n modifié sa première opinion dans Die Apostclgcschichle, 1908, p. 190). Mais on peut rappeler que saint Paul avait déjà eu l’occasion, au cours de sa seconde mission, de commu­ niquer, aux Églises de Galatic, l’essence même du décret de Jérusalem. S’il revient, dans l’Épltrc aux Galates, sur celte réunion conciliaire, c’est uniquement pour montrer^ à l’encontre de judaïsants qui en déna­ turaient peut-être les résultats, que son Évangile a reçu l’approbation des principaux des Douze, aussi bien dans des conférences particulières qu’en assem­ blée publique Observons aussi que le décret de Jéru­ salem ne vise formellement que les communautés d'Antioche, de Syrie ct de Cilicie où l’élément Judéochrétien était important, Act.,xv,23; Paul n'avait pas à en mentionner explicitement les prescriptions positives à des Églises d’une condition tout autre,vu le petit nom­ bre de juifs qui s’y trouvaient. Enfin, malgré les restric­ tions du décret, Paul pouvait dire en toute vérité que les apôtres ne lui avaient rien ajouté : « Ces quatre prohibitions, ou du moins trois d’entre elles, étaient des applications concrètes de principes qu’il admettait également, cl la quatrième, appartenant à renseigne­ ment explicite de l’Évangile. était prêchât partout avec l’Évangile. L’accord entre les apôtres à Jérusalem était parfait sur les principes et rien n'empêche de 1042 croire que Paul nlt volontiers reconnu les applications proposées par Jacques d’après l’auteur des Actes, là où les circonstances les rendaient opportunes. > Coppiclcrs, décret des apôtres, dans ia fauue biblique, 19(17, p. '234-235. Du reste, nous ne songeons nullement à méconnaître l’allure différente des deux récits, Art., xv; Gai., n. La narration des Actes est tranquille ct reposée; rite juge les débats do loin, ct ne s’intéresse qu’aux confé­ rences publiques. L’ÉpItre aux Galates est écrite dans le feu de la discussion renaissante, c’est l’œuvre d un polémiste el d’un combattant Paul faisant son apologie rapporte ce qui va droit à son but. Il s'attache de préférence aux réunions privées. Cependant, ainsi que Henan le reconnaissait déjà, Saint Paul, p. M, note, le récit de Paul n’exclut pas la possibilité d’as­ semblées; au contraire, il y fait allusion : αυτοί; το ιυαγγέλιον, où αυτοί; ne peut sc rapporter qu’à l’Église entière. Gai., n, 2. Tile ne fut pas obligé de sc faire circoncire, n, 3, ce fait semble avoir été b mise en pratique immédiate des décisions de l'assem­ blée. Cf. J. Jhomas, L'Église el les judalsanls à l'âge apostolique, dans Mélanges d'histoire et de littérature religieuses, Paris, 1899. c) Triomphe de l’Évangile de Paul à Antioche. — A Jérusalem, Paul Ut approuver son Évangile par Jacques. Jean ct Pierre. En refusant aux judaïsants la circoncision de Titc, ils sanctionnèrent la liberté des gentils vis-à-vis de 1a loi. A Antioche, lors d’un incident mémorable dont l’Épltrc aux Galates seule a conservé le souvenir, le point de vue de Jérusalem fut même dépassé ct Paul amena le prince des apôtres à recon­ naître pratiquement ct complètement la liberté chrétienne. Gai., n, 11-21. D’après l’ÉpItre aux Galates, le débat d’Antioche eut lieu après l'assemblée de Jérusalem. Nulle raison d’in­ tervertir cet ordre chronologique. Le décret de Jéru­ salem avait défini la situation des païens convertis, il n’avait pas parlé des juifs, il n’avait pas prévu les cas de conscience que devait faire naître le commerce des Judéo ct des ethni co-chrétien s. Les chrétiens d’origine juive devaient-ils continuer à observer 1a loi mosaïque en s’abstenant de manger avec des nonjuifs ? Telle est la question qui sc pose aussitôt à Antioche, dès avant la seconde mission de Paul. En cc moment Barnabé est encore avec Paul, cc qui ne sc vérifie plus après la seconde mission. D’autre part, Paul ct Barnabé ne firent pas un long séjour à Antioche après le retour de Jérusalem. Act, xv. 35-36. Nous ne nous arrêterons pas à prouver que le diflércnd d An­ tioche fut véritable et non simulé, ni que le personnage nommé Céphas, auquel s’en prend saint Paul, est bien l’apôtre Pierre, mais en quoi celui-ci était-il répréhen­ sible ? En principe, Pierre pensait comme Paul, touchant la liberté du chrétien, même Juif, vis-à-vis de la loi. 11 l'avait affirmé, au moins d'une façon générale, en posant le fondement du salut chrétien, au concile de Jérusalem : « C'est par la grâce du Sei­ gneur Jésus que nous croyons être sauvés de b même manière qu’eux aussi, » AcL, xv, 11, cl Paul ne manque pas de lui rappeler celte déclaration : « Pour nous, Juifs de naissance ct non pécheurs d’entre les païens..., nous avons cru en Jésus pour être Justifiés par ccttc foi. » Gai., n, 15, 16. Pratiquement, Pierre s’aflranchissait sans scrupule de certaines observances légales : avant l’arrivée des gens de Jérusalem, il avait coutume de manger avec les gentils, n, 12, et Paul a soin de lui rappeler celte manière d'agir : ûüJ opposée aux tendances de la chair, devient en un mot j expliquées, etc., Lausanne, 1896; Ihdiner. Dtr Brief paul· lul sostomc, Interpretatio omnium epistolarum pauBerlin. 1885; Steck, Der Gataterbrlcf nach seiner Edillidl tinarum per homilias fada, édit. Field. Oxford, 1819-1855, unlcrsucht, Berlin, 1888; Glocl, Die jüngste Krihk des Gain· In Epist. ad Gat., t. IV, |>. 1-103; P. G,, t. lxi; Thécxloret. terbriefs, Leipzig, 1890; Schmidt. Der Galaterbrief un Feuer Interpretatio quatuordecim eptdolamm Pauli apodoli, P. G., det neuesten Kritik, Leipzig, 1892; Schiircr, Was ht untrr L t.xxxn; Œcumrnhis, Commentarius in epistolas catholi­ Γαλατία in der Uberscfuîfl det Gahderbriefs :u twlthrn. cas et poulinas, P. G.,t. cxvm; Théophylacte, Explanatio dans Jahrbuch fdr protest. Thcologle, 1892, p. 460 iq.; In omnes Pauli epistolas, P, G., t. cxxjv; Eu thyinius ZigaGrnfe, Die paulinische Lehre t*on Gesctz nach den vtcr Haupt* bène, Commentarius in XIV Epist. S. Pauli ct VII catho­ briefen, Leipzig, 1893; I Vine, Das Geseb.es/rete I^angellum licas, édit. Nicéphore Culogcrns, Athènes, 1887, t. i; Théo­ dei Paulus, Leipzig, 1899; Askwith, The Ephtle to the dore dc Mopiuestc, Commentarius in parvas Pauli eplstoias, Galatians, destination and date, Londres, 1899; Schulze, édit. Pitni, dans le Spicilegium So le < ni en se, Paris, 1832,1.1, Die Ursprungllchkcit des Çalaterbriefes, Leipzig, 1903» p. 19 sq.; Ambroslaster, Commentarius In XIII Epist. beat! Waller, Der religiose Gehalt des Gaiaterbrie/es, Gœltingue, Pauli, P. L., t. xvn; Marius Victorinas, Libri duo tn 1904; Conrnt, Das Erbrecht im Galaterbrief, dims Zril· Epist. ad Galatas, P. L., t. vin; S. Jérôme, Commentariorum in Epist. ad Galatas libri tres, P. L., t. xxvr; S. Augustin, , schri/t für neut. Wissencha/t. 1901. p. 201-227 ; Bound, The date of St. PdnTs Epistle to the Galatian*, Cambridge, 1906; Ephtobe ad Galatas expositioni* Uber unus, P. Z„, t. xxxv; Grosch. Drr im Galaterbrief Kap. 9, 11-11, brrichlcte Vor· Pélugc, Commentarius In XIII Ephi. Pauli, P. L., t. xxx. gang in Antiochia, Berlin. 1911; C. 11. Watkins, Der 2· Modernes. — 1. Catholiques. — Estius, Commentarii in Kamp/ des Paulus um Gala lien, Tublnguc, 1913. Epist. Pauli, Douai, 1611; Corneille do la Pierre, Commen­ E. Todac. taria ίη omnes S. Pauli epistolas, édit. Pmloviini, Turin, GALATINUS Pierro est le nom sous lequel est 1911 ; Wlndls professoral, surtout pour la théologie. Rlchardot lui-mvmc fut obligé de sc charger des cours d’Êcrltiire sainte; le docteur Richard Smith, d’Oxford, occupa la cathedra primaria de théologie dans laquelle il ne fit que passer. Il mourut le 7 juillet 1563. après moins d’un an dc professorat à Douai. Dans ces circonstances, l’abbé d’Anchin, Jean Lcntaillcur, s’adressa au jeune et brillant professeur dc Dillingen, qui consentit à venir occuper une chaire dans la jeune université, bien qu'il ne fût encore que licencié. L’année suivante, Rlchardot le proclama docteur; Mathieu Galenus fut donc le premier dc l’université de Douai qui conquit les palmes du doctorat en théologie. Ici comme à Dillingen, Galenus sc chargea d’une besogne énorme pendant plus dc dix ans. Stapleton, son successeur, a pu dire de lui dans son oraison funèbre : ea felicissima facultatis theologiae fundamenta posuit, ut ita nunc floreat magis 1055 GALENUS ut facile jio rere non possit, absque necessariis illis, quibus adhuc caret, collegiorum et bursarum subsidiis, his jam difficillimis temporibus et a sludio theologico alienis­ simis... Quis Galeno magis in docendo assiduus, quis laboriosus d accuratus magis ? Quis ita cellæ et claustro monachus, quam musxo et libris Galenus, affixus jail ? Non content de son cours ordinaire de théologie, Galenus sc chargea encore de donner à tous les étu­ diants des catéchèses sur nos principaux dogmes cn même temps qu’une réfutation de toutes les erreurs du temps. Gc fut sur les instances de l'évêque d’Arras, de Jean Lcntailicur, abbé d’Anchin, de Gantois de la Cambc, abbé de Marchienncs, et surtout de Jean VendevDIe ct du magistrat de Douai que notre zélé doc leur accepta ce fardeau. Cc cours si important dura cinq ans cl comprit deux cent dix-neuf catéchèses qui sont toute une théologie théorique et pratique. L’auteur avait succédé aussi à Richard Smith, comme prévôt de Saint-Pierre de Douai. C’cst cn ccttc qualité qu’il assista au synode provincial de Cambrai tenu en 1565 ct qu’il y prononça le sermon de clôture. En 1571, il devint prévôt de Saint-Aîné ct chancelier de l’université. Malheureusement, il s’était dépensé sans compter et sa santé avait subi de très graves atteintes à cause de travaux qui n’étaient point en rapport avec scs forces physiques. Il mourut inopi­ nément le 15 septembre 1573, n’ayant pas encore atteint sa quarante-cinquième année. On peut lui appli­ quer le consummatus in brevi de l’Écriture. Cc fut son zèle apostolique non moins que son amour pour la science qui l’épuisèrent prématurément. Galenus ne peut pas être considéré comme un théo­ logien de premier ordre; il faut l’a vouer, il tombe souvent dans la dilfusion ct scs œuvres manquent d’ordre comme de précision. «Soldat dévoué de l’Égiise, dit le Df Bouquillon, il portait ses coups partout | où il la voyait attaquée, sans sc préoccuper outre mesure de polir scs armes; sa réputation d’écrivain cn I a peut-être souffert, mais le bien qu’il a fait n’en a i pas été moindre. D’ailleurs, cc n’était pas un esprit ordinaire; il possédait parfaitement le grec ct l’hébreu; il avait lu les Pères ct connaissait l’antiquité. » Ses vertus furent célébrées par le plus distingué de ses élèves, Thomas Stapleton, qui prononça son oraison funèbre. 11 fut un des premiers maîtres de cette université de Douai qui devait Jouir un jour d un si légitime renom ct qui, à force de science ct d’efforts, sauva la foi catholique alors si menacée dans les Pays-Bas. II. Œuvres.— 1® A DHlingen.— Les lettres de saint Jérôme éditées par Canlsius avec la collaboration de G Menus qui écrivit pour ccttc édition un éloge du saint docteur avec une pièce de vers hendécasyllabcs. Ce travail avait pour but de remplacer l’édition d'Érasme condamnée par Paul IV cn 1567. La colla­ boration de Galenus a été ignorée par tous les biblio­ graphes cl vient d’élre démontrée par le R. P. Braunsberger De sacro-sanclo missae sacrificio (1563), deux éditions, la 2· a été publiée à Anvers chez les héritiers de Jean Stcchius; De originibus monasticis, préface de 1363, Diliingcn; De Christiano ct catholico sacerdotio, Dillingcn, 1563; Declamationum panegyricarum et concionum a juventute suevica pronuntiatarum Centurias aliquot ; Homélies sur les psaumes; Vita S· Willibrordi Frisiorum apostoli; Areopagitica du chroniqueur Hilduin, l’· édition ά Cologne; 2· à Paris; Oraisons funèbres de Ruard Tapper, de Barthélemy Klclndicnst, O P , professeur à l’université, ct de Tobic Gastius. 2 t Douai. — Catecheses Christiana Andrea Croquet H, S. theologia llccnliati, con/ecta et édita opéra et studio m iximo, rx Mathiei Galeni, quondam apud Duacenses can /Harii ac regii primariique projessoris, Ilomilils caUcEeficis, 1574; Lyon, 1600 (Du Croquet était GALET 105ί> moine de l’abbaye bénédictine d’Hnsnon, près oc Salnt-Amand); Mathœi Galeni Weslcappdlii de nostri sreculi choreis sententia pro catechesi clauso paschalt seu dominica in albis (ut veteres diam loquebantur) dicta ad generosum D. Marimiltanum Vijlain a Rassenghien gubernatorem duaccnsem, 1507 r.t 1577; Sermon de clôture du synode provincial de Cambrai, 1565, dans Hartzhelm, Concilia Germanise, t. vu, p. 80; Lobbe, ConciL, t xv, col. 231; Alcuini Rhetorica ad Carvhim magnum. 1563 ou 1565; Panégyrique de saint Matthieu, 1569 ; Thcorix lilurgicx, seu preces et meditationes plie fis, qui sacro missie sacrificio in tersu ni, utilissima.*, publiées en français, cn flamand, puis cn latin; Avertissements au clergé, au magistrat ct au peuple de Tournai; Lettre au président Viglius sur le catalogue des livres défendus; Oratio in uitam S. Georgii martyris; Dt votis monasticis; In Epistolam D. Pauli ad Hebrxos e syro sermone in latinum conversam; In Isaiamet alloi aliquot prophetas, sub nomine Math. Galeni, cancellarii Duacensis, circa ann. 1573 (Bibliothèque académique de Lcydc). Alph. Bcllcshcirn, Wilhelm Cant Inal Allen, Mayence, 1885; Th. Bouquillon, dans la Revue des sciences ecclésias­ tiques, septembre 1879, p. 238-256; Otto Bniunsbcrgcr, S. J., Dealt Petri Canisti ephtuhe et acta, Fribourg-cn-Brisgnu. t. nr, p. 283, 781; II. Hurler, Nomenclator, t. tn. col. 70, note; Knox, The first and second Diaries o/ the English College,Douag. Londres, 1878. p. 272, 273; LcMyre, Elogia belg lea, p. 43 ; Paquot, Mémoires pour servir d Γhistoire littéraire des dix-sept provinces des Pags-Das, Louvain, 1770, t. in, p. 301-306; L. Salcmbicr, Hommes el choses de Flandre, Lille, 1912, p. 228; Th. Stapleton, (Enures com­ plètes, t. π, p. 486. L. Salembier. GALESI Dominique, théologien, évêque de Ruvo dans l’ancien royaume de Naples de 1676 Λ 1679, publia contre l’écrit de Launoi : Regia in matrimo­ nium potestas, in-4®, Paris, 1674, un traité intitulé : Ecclesiastica in matrimonium potestas, apolegma quo provdusttssima et catholica doctrina de jure Ecclesiae in sanciendis legibus fidelium matrimonium impedientibus et dlrimentibusAn-4°, Rome, 1677. Launoy répliqua par Joan. Launoi contentorum in L Galesii erratorum index locupletissimus, In-4·, Paris, 1677. I/année suivante, Dominique Galesi donna une seconde édition de son ouvrage qu’il augmenta d'une réfutation d’autres erreurs du même Launoi : Ecclesiastica in matri­ monium potestas adversus Joannis Launoii doctrinam Adsunt etiam contraeumdem Launoii vindictae pro anna· torum justitia et Summa divi Thomæ, in-4®, Rome, 1678. On attribue encore Λ Dominique Galesi Tractatus de restitutione in integrum, in-fol., Rome. Journal des savants, 28 avril 1679; Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du XVH· siècle, in-8·, Paris, 1704, col. 2643. B. Heurtebize. GALET, GALLET Jacques, théologien ct his­ torien, né à Lamhallc cn Bretagne, mort à Compans, dans l’ancien diocèse de Paris cn décembre 1726. Après avoir fait scs études chez les jésuites de Rennes, il fut recteur de la paroisse de la Poterie, près Ιλιπballc, puis précepteur des enfants du duc de Chaulncs. ct cc fut alors qu’il connut Fénelon, le pieux arche­ vêque de Cambrai. Après avoir été supérieur du séminaire Saint-Louis à Paris, il obtint la cure de Compans où il mouruL On a de lui : Dissertation dogmatique et morale sur la doctrine des indulgences, sur la jol des miracles et sur la pratique du rosaire, in-4°, Paris, 1724; Recueil des principales vertus de Fénelon, ln-12, Nancy, 1725; cc dernier ouvrage a été réimprimé au L xi, p. 145-I92.de la Correspondance de Fénelon, ln-8e, 1829, ainsi que la lettre à jeu Isaac de Deausobre sur M.de Fénelon, publiée sans nomd’autcu' GALET — GALILÉE 1057 1058 dans la Bibliothèque germanique, t. xlvi(1739), p. GO. I Paris, t. xix ; Mnudet* Histoire littéraire et poétique de l'ancien Velag, 1862; Karl Fischer, Geschichte der Phyitk En outre, Jacques Gallet avait composé des Mémoires Gœttingue, 1803, L xv,p. 237; Quérard, La France littéraire, sur rétablissement des Bretons dans ΓArmorique et Paris, 1829, t. m, p. 242; J. C. Poppendorf, Biographtschleurs premiers rots, que dom Morice fit imprimer a la I llterarlsches Handmôrtcrbuch zur Geschichte der exaeter Wig· fin du 1*' vol. de VHistoire de Bretagne, in-fol., Paris, scnschaften, ln-3·, Leipzig, 1858-1862; Balthasar Wllhem, 1750. Lc même historien utilisa cn outre dans cet S. J., An der Wiege der Luftichiffahrt, H· part., Bartholoouvrage des Notes critiques laissées par J. GallcL | men Lnurenço de G us mao, Hamm, 1909, p. 196. R, Coulon. Quérard, La France littéraire, t. m, p. 240; K. Kcrvilcr, | GALILÉE. — L Premières années, premières Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, fasc. 41, découvertes. II. Première rencontre avec les théolo­ in-8·, Hcnncs, 1904, p. 141. giens. III. Le procès de 1616. IV. Infraction au décret B. Hburtebizb. de 1616. V. Le procès de 1633. VI. Fin de Galilée. GALIEN Joseph, dominicain, naquit à SaintVIL Portée dogmatique de la condamnation de Paulicn, près du Puy-en-Velay, cn 1699. Il sc donna à Galilée. VIII. Portée morale de la condamnation de l’ordre des prêcheurs au couvent de cette dernière Galilée. IX. Conséquences historiques et scientifiques ville. Après avoir étudié la philosophie et la théologie de la condamnation de Galilée. à Avignon, il devint lecteur de philosophie, cn 1726, I. PREMIÈRES années, premières découvertes. au couvent de Bordeaux, puis à Albi, enfin à Pradcs, — Galilée naquit à Pise le 18 février 1564. Son père, où il remplit la charge de prédicateur ordinaire. En Vincent Galilée, était commerçant II lui donna le 1747, il occupe la chaire de philosophie à l’université prénom de Galileo, de sorte que son nom et son prénom, d’Avignon; mais il semble avoir renoncé à cette charge Galileo Galilei, ne difléraient que par la désinence dès 1751. En eflet, il ne figure plus dans les listes Ses études primaires terminées, il entra, paraît-il, officielles avec le titre de professeur. 11 semble qu’à comme novice, chez les moines de Vallombren e. partir de ce moment il s'adonna plus spécialement à cf. A. Favaro, G. Galilei e lo studio di Padova, Florence. l’étude des questions de physique. Cependant, il 1883, L i, p. 8, et y étudia les éléments de la logloue s’exerça aussi dans les problèmes théoiogiques, ainsi et de la dialectique. Il ne sc sentait pas de vocation que le prouvent les deux opuscules qu'il publia sous ce titre : Lettres théologiques louchant Fêtai de pure I religieuse. Aussi, dès le 5 septembre 1581. on le voit inscrit parmi les étudiants de l’université de Pise. nature, la distinction du naturel et du surnaturel et Les mathématiques avaient pour lui uu attrait parti’ les autres matières qui en sont des conséquences, in-8°, culier. 11 s’y livra avec passion. Ses observations sur Avignon, 1745. Lc Journal de Trévoux a porté la loi du pendule et sa nouvelle démonstration de la sur ces lettres le jugement suivant : « En général le loi d’Archimède sur la pesanteur des corps dans style est proportionné à la matière; tout y est dog­ matique, sérieux, pressant; quelques termes forts ct I l’eau, le firent remarquer dès 1583 ct 1586. En 1587, bien qu’il n’eût encore que vingt-trois ans, il concourut énergiques se sont trouvés sous la plume de l’auteur. pour une chaire de mathématiques à Bologne et lo Nous comparons cela, dans les disputes théologiques, document qui nous l’apprend, A. Favoro, op. ciL, au son des trompettes dans les combats. ■ Ainsi que nous l’avons dit, Galien avait du goût pour les recher­ L i, p. 22, témoigne qu’il avait déjà enseigné cette matière à Florence ct à Sienna ches de physique ct il a laissé quelques écrits sur ccs II ne s’agissait de rien moins que de remplacer matières Citons : Explication physique des ef/ets de I Ignace Danti, bien connu pour la part qu'il avait prise Γélectricité, in-12, Avignon, 1717. Cct opuscule parut sans nom d’auteur, portant seulement : Par ··· ! à la réforme du calendrier grégorien. Sa candidature pro/csscur perpétuel de philosophie de l’unioersttê échoua. Après avoir professé quelque temps à Pise, d'Avignon. Un autre écrit, plus curieux, parut sous cc I Galilée put enfin obtenir cn 1592 une chaire à l’uni­ versité de Padouc avec des appointements de cent titre : Mémoire touchani la nature ct la formation de soixante florins par an (environ 450 francs). Lc profes­ la grêle el des autres météores qui y ont rapport, avec une seur qu’il remplaçait, Moletti, avait suivi dans son conséquence ultérieure de la possibilité de naviguer enseignement le système de Ptolémée, qui faisait de dans Fair d la hauteur de la région de la grêle. Amuse· la terre le centre du monde; Galilée enseigna le même ment physique ct géométrique, par un ancien professeur système. On n encore le programme de scs cours de de philosophie de l’université d'/\vignon, in-12, 1592 à 1604. Cf. Favaro, op. cit., L il, p. 150. 11 est ibid., 1755. Deux ans après, le même mémoire fut piquant de voir le futur coperniden étaler ses raisons réimprimé, mais avec le nom de l'auteur, in-12, en faveur d’une opinion que Copernic avait déjà réfutée. Avignon, 1757. Dans cc mémoire fort curieux, cn plus Favaro, Le opere di Galileo GaHlei, 1890 sq., t. n, des principes d’ordre physique qui doivent régler p. 203; Müller, Nicolaùs Copernicus der Altrneisler l’aérostatlon, il indique la manière de construire un derneueren Astronomie, Fribourg, 1898; trad, italienne. aérostat. Nous ne serions pas loin de penser que Nicolo Copernico, Borne, p. 142 sq. On n prétendu que Galien ait été cn relation avec les frères Montgolfier, Galilée soutenait sans conviction cette théorie surannée. scs contemporains ct de la même région. Il est peu Cf. Müller, Galileo Galilei, Borne, 1912, p. 10-11. Il probable, malgré l’opinion de Balthasar Wllhem, est plus simple d’admettre qu’il ignorait encore ou op. cil., que le P. Galien se soit inspiré des recherches connaissait mal le système coperniden. de Gusmno sur l’aérostatlon. Ce n’est pas ici le Heu Toutefois il semble que, dans scs lettres à Mazzoni d’élucider ccttc question. Le P. de Backer, duns sa (30 mai 1597) ct à Kepler (4 août 1597), Le opere df Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, Galileo, édit Favaro, L n, p. 198; L x, p. 68, il y ait t. i, col. 2001, avait donné Galien comme jésuite; des allusions assez claires à la théorie de Copernic qui Sommcrvogcl, dans la nouvelle édition, t. m, col. 1112, veut que la terre tourne ct que toutes les planètes lui restitue sa profession dominicaine. On n’est pas tournent, comme la terre, autour du soleil. Jusqu’en d’accord sur In date de sa mort : Michaud, Biographie 1610, on ne voit pas qu’il y ait prêté grande attention. universelle, le fait mourir nu Puy en 1762; la Nouvelle La découverte qu’il accomplit, à l’aide du télescope, biographie universelle, à Avignon, cn 1782. des satellites de Jupiter, lui fit alors abandonner Th. Bonnet, Scriptores ordlnts pra-dtcatorum (©dit. le système de Ptolémée. Son Sidereus nuntius, qui altera], specimen, Lyon, 1885. p. 22-21; Richard et Giraud, parut le 12 mars 1610, Favaro, Le opere di Galilm, Dictionnaire universel des sciences t. m, p. 53, témoigne de cc nouvel état d’esprit. De p. H ; La France littéraire. 1769. t. n, p. 48, 1 ^a^· tous les éloges qu'il reçut cn ccttc circonstance, nul Biographie universelle; Nouvelle biographie unlverjclle, universelle, DICT. DK TRÉOL. CATHOL. VI. — 34 1059 GALILÉE 1060 sans doute ne lui fut plus sensible que celui de Képler. dans les questions scientifiques agitées, ct il ajoute : « Dieu vous garde I · Ibid., t. xi, p. 376. Dissertatio cum Nuntio sidereo nuper ad mortales maso a Galileo Galileo. Kepler, Opera omnia, édit. A cette date, la question copcrnlclcnne troublait Frisch, t π, p. 490. Quelques savants jésuites, entre beaucoup d’esprits. Le 16 décembre 1611, Ludo­ autres, le P. Clavius, qui avait collaboré a la réforme vico Cigoli mandait de Rome â Galilée qu’on avait du calendrier grégorien, ct le P. Gricinbergcr, sc dénoncé scs théories à l’archevêque de Florence comme suspectes. Favaro, Le opere, L xi, p. 24L Le rangèrent également à son opinion. Lettre de Galilée P. Nicolas Lorinl, prédicateur de la cour grandà Bélisaire Vinta, datée de Home, 1er avril 1611, ducale, fut soupçonné d'avoir médit lui-même du dans Favaro, Le opere âi Galileo, t. xî, p. 79. Nommé mathématicien officiel du grand-duc de savant astronome. Ibid., p. 427. Mals.cc qui était plus grave, la question copcrniclcnnc fut soulevée à b Toscane, Cosme II, Galilée séjourna habituellement à table même du grand-duc, en présence de la grandeFlorence. En mars 1611,1e Collège romain lui accorda duchesse Marie-Christine et du P. Castelli, béné­ les honneurs académiques. Le P. Clavius cl ses collè­ dictin, élève de Galilée et professeur de mathéma­ gues l’applaudirent publiquement comme « l’un des tiques, à Pise : Castelli défendit les théories de son plus célèbres ct des plus heureux astronomes du maître; la grande-duchcssc lui opposa les textes de temps. » Nuntius sidereus Collegii romani, dans Favaro, l’Écriturc mis alors en circulation par les partisans du Le opere di Galileo, t. ni, p. 291-298. Nombre de système de Ptoléméc. Ceci sc passait le 12 décembre cardinaux ct de prélats lui firent un accueil des plus 1613. Cf. lettre de Castelli du 14 décembre, dans chaleureux, etle pape Paul V le reçut gracieusement en Favaro, Le opere, L xi, p. 605-606. Avisé du fait par audience privée. Lettre de Galilée en date du 22 avril Castelli, Galilée lui adressa une lettre qu’il développa 1611, dans Favaro,/oc. cil., t. xi, p. 89. Une lettre du ensuite pour répondre aux scrupules de la grandecardinal del Monte au grand-duc de Florence témoigne duchesse ct où il entreprit de démontrer que sa de l’enthousiasme de ccs manifestations. « Galilée, théorie n'était aucunement en contradiction avec dit-il, a parfaitement convaincu tous les savants l'Écriturc sainte bien comprise. En voici les princi­ de Rome de La vérité de ses découvertes; ct si nous paux passages : « La sainte Écriture, dit-il, ne peut vivions encore au temps de l’antique République ni mentir, ni se tromper. La vérité de scs paroles est romaine, nul doute qu’en reconnaissance de scs absolue ct inattaquable. Mais ceux qui l’expliquent œuvres on ne lui flt élever une statue au Capitole. » ct 1'interprètcnt peuvent se tromper de bien des Favaro, Le opere di Galilei, t. xi, p. 119. manières, ct l’on commettrait de funestes ct nom­ IL Première rencontre avec les théologiens. — breuses erreurs, si l’on voulait toujours s’en tenir au Jusque-là Galilée s’était tenu sur le terrain purement sens littéral des mots; on aboutirait, en effet, à des scientifique. En adoptant le système de Copernic, il contradictions grossières, à des erreurs, à des doctrines devait forcément, un peu plus tôt un peu plus tard, s’avancer sur le domaine de la théologie. Un ouvrage impies, puisqu’on serait forcé de dire que Dieu a des pieds, des mains, des yeux, etc... Dans les questions de Ludovico délie Colombe : Contro il moto delta de sciences naturelles, l’Écriturc sainte devrait terra, qui lui tomba entre les mains en 1611, Favaro, occuper la dernière place. L’Écriturc sainte et la Le opere di Galilei, t. in, p. 251-291, lui en fournit nature viennent toutes les deux de la parole divine : l’occasion. Colombo (comme l'appelle Galilée) appor­ l'une a été inspirée par l'Esprit-Saint, ct l’autre tait contre le système coperniden du mouvement de exécute fidèlement les lois établies par Dieu. Mais, la terre des preuves tirées de ΓÉcriture sainte ct de pendant que la Bible, s'accommodant â l'intelligence renseignement des théologiens. Le psahniste n’avaitdu commun des hommes, parle, en bien des cas ct il pas dit : Qui fundasti terram super stabilitatem avec raison, d’après les apparences, ct emploie des suam, Ps. cui, 5 ? Ne lit-on pas dans le 1. ltr des termes qui ne sont point destinés à exprimer la vérité Paralipomèncs, xvi, 43 : Ipse enim fundavit orbem immobilem? ou encore dans l'Ecclésiastiquc, i, 4-6 : : absolue, la nature sc conforme rigoureusement et invariablement aux lois qui lui ont été données; on Oritur sol et occidit et ad locum suum reuertitur ; ibique renoscens gyrat per meridiem et flectitur ad aquilonem? i ne peut pas, en faisant appel à des textes de l’Écriturc sainte, révoquer en doute un résultat manifeste acquis Preuve que le soleil tourne autour de la terre ct donc par de mûres observations ou par des preuves suill· que la terre est le centre du monde. Que l'on ne chicane santés... Le Saint-Esprit n'a point voulu (dans ΓÉcri­ pas sur le sens de ces textes. Tous les Pères les ont tntcqirétés à la lettre. Et Melchior Cano, Loci llteo- : ture sainte) nous apprendre si le ciel est en mouve­ ogict, 1. VI11, c. m, n. 35, aussi bien que tous les ! ment ou immobile; s’il a la forme de la sphère ou celle du disque : qui, de la terre ou du soleil, sc meut ou commentateurs de la Somme de saint Thomas, posent reste en repos... Puisque l’Esprit-Saint a omis ά dessein cc principe : · Quiconque, dans l’interprétation de la sainte Écriture, propose une explication contraire au | de nous Instruire des choses de cc genre parce que cela ne convenait point à son but, qui est le salut de consentement unanime des saints Pères, agit témé­ nos Ames, comment peut-on maintenant prétendre rairement » Galilée lut ccs pages ct les annota. Colombo lui parait un grossier personnage qui parle | qu’il est nécessaire de soutenir en ccs matières telle ou telle opinion, que l'une est de fol ct l’autre une de choses qu’il ignore. Il s’en rapporte sur ce point erreur 7 Une opinion qui ne concerne pas le salut de au P. Clavius. Lettre du 27 mai 1611, dans Favaro, Le opere, t. xi, p. 117, ct ù Bcllarmin Ibid., p. 111. i'ûmc peut-elle être hérétique? Peut-on dire que le La question de l’Écriturc sainte n’était cependant Saint-Esprit ait voulu nous enseigner quelque chose pas sans le préoccuper. Il Interroge lù-dcssus son ami, qui ne concerne pas le salut de I’ûmc ? ■ Spiritum Del le cardina) Conti, qui lui répond par une lettre en date i noluisse ista docere homines, nulli ad salutem pro/udu 7 juillet 1612, dans Favaro, t e opere, t. xi, p. 376 : i tura. S. Augustin, De Genesi ad litteram, 1. II, c. ix, « En cc qui concerne le mouvement de la terre, un n. 20, P. L., L xxxiv, col. 270. Lettre au P. Castelli, mouvement progressif est à peine contraire Λ la sainte 21 décembre 1613, dans Favaro, Le opere, t. v, p. 279Écriturw, comme l’a prouvé Ix)rin, In Actu aposto· 288, · Le cardinal Baronius avait coutume de dire que lorum commentaria, Lyon, 1605, p. 215; mais un Dieu n’avait pas voulu nous enseigner comment le mouvement de rotation qui Impliquerait comme ciel va, mais comment on va au ciel. · Lettre à la simple apparence la rotation diurne de la voûte céleste I grande-duchesse de Toscane, dans Favaro, Le opere, serait plus difficile à concilier avec la sainte Écriture. ■ t. v. p. 307-348. Les théologiens admettent aujourl-e cardinal ne voit pas ce que tout cela vient faire d’hui la doctrine de Galilée. C. Pcsch, De inspiratione 1061 GALILEE 1062 Γορ/ηίοηι dei Plgatorlei e del Copernlco, ndla quale si werx Scrtplurie, Frit ourg-en-Brisgau, 190G, p. 511accordano ed appaciano i luoghi della sacra Scrittura 519. C’est l’enseignement donné dans les grands sémi­ e le proposizioni tcologiehe, che glammai potesscro naires, F. Vigoureux, Manuel biblique, 12· édit., Tails, 1906, L i, p. 74-75» ct Léon XII1 a garanti cct ' addursi contro tale opinione, dans Alberi, Le opere di enseignement de sa haute autorité dans l’cncycliquc I Galilei, L v, p. 455-494. A l’en croire, le système de Ptolémée ne rendait pas compte des phénomènes Prwidentissimus Deus, du 18 novembre 1893. Denungcr-Bannwart, Enchiridion, n. 1947. Voir Inspi- . observés dans l’ordre de l’astronomie; seul le système ration. Mais au xvn· siècle la nouveauté de cc I copcmicien en oflralt une explication rationnelle, Foscarini considérait donc ce dernier système au langage était plus propre à Irriter les adversaires de Galilée qu’à les convaincre. Sa théorie allait Incontcs- i moins comme vraisemblable et n’excluait pas la probabilité de le voir bientôt reconnu comme vrai· laidement. à l’encontre des idées reçues non seule­ 11 en concluait qu’il fallait s’y rallier et mettre désor­ ment en matière de science, mais encore en matière d’exégèse. « Elle est contraire au sentiment commun 1 mais de côté les vains scrupules qui pouvaient pro­ venir d’une conception erronée de la sainte Écriture, de tous les théologiens scolastiques ct de tous les Bcllannln prit peur, ct par une lettre en date du saints Pères, » devait dire le P. Caccini dans sa dépo­ 12 avril 1615, publiée par Dominico Berti, Copersition au procès de 1616. Cf. von Gcblcr, Die Acten des ntco e le oicende del sistema copemicano, Rome, 1873, Galileischen Processes, Stuttgart, 1877, p. 26; manu­ Paravia, p. 121 sq.; Favaro, Le opere di Galilei, scrit du procès, fol. 354. t, xn, p, 171-172, il crut devoir rappeler à Foscarini En attendant le procès, le P. Thomas Caccini dénonçait au public, du haut de la chaire (avent 1614), quelle devait être, dans la question, l’attitude des a Florence, la théorie coperniciennc de Galilée ct I théologiens prudents : « Je dis, mon Révérend Père, écrivait-il, que vous ct montrait qu’elle était incompatible avec le mot de ' Josué : « Soleil, arrête-toi, » Jos., x, 12, ct par consé­ le seigneur Galilée vous agiriez prudemment en vous quent · quasi hérétique ». Manuscrit du procès, contentant de parler ex suppositione ct non d’une fol. 354; von Geblcr, Die Acten des Processes, p. 25. manière absolue, comme j’ai toujours cru que Copernic Le frère du prédicateur, Mathieu Caccini, qui résidait avait parlé; car, dire qu’en supposant le mouvement ù Rome, ct le supérieur des dominicains regrettèrent de la terre ct l’immobilité du soleil on sauve mieux vivement ccttc incartade. Cf. lettre de Mathieu, du ' toutes les apparences qu’avec les excentricités et les 2 janvier 1615, dans Antonio Ricci Ricard!, Galileo i épicydes, c’est très bien dire, cela n’ofïre aucun Galilei e jra Tommaso Caccini, Florence, 1902, p. 69, danger, ct cela suffit au mathématicien. Mais vouloir ct lettre du supérieur à Galilée dans Alberi, Le opere, I affirmer que réellement le soleil est au centre du monde t. vin, p. 337. Mais le coup était porté, ct Galilée en ct qu’il tourne seulement sur lui-même, sans aller de sentait la gravité. l’orient à l’occident, tandis que la terre est dans lo troisième ciel, ct tourne avec beaucoup de rapidité 11 sc tourna vers Rome, notamment vers le P. Gricmberger, successeur du P. Clavius au Collège romain, vers autour du soleil, c’est courir grand danger, non seule­ Mgr Dini, éminent théologien, dont il s’était fait un ment d’irriter les philosophes et les théologiens disciple convaincu, et vers Bcllarmin. Dans sa lettre scolastiques, mais de nuire à notre sainte foi, en à Mgr Dini, dans Favaro, Le opère, L v, p. 289, il sc accusant l’Écriturc sainte d’erreur. Vous avez bien montré qu’il y a plusieurs manières d’expliquer la demande comment on peut songer à faire condamner la théorie de Copernic, qui reçut un si bon accueil 1 sainte Écriture, mais vous ne les avez pas appliquées du pape Paul III, et il espère que ses amis empê­ en particulier, ct certainement vous auriez trouvé de cheront le Saint-Office de commettre une telle faute. très grandes difficultés, si vous aviez voulu expliquer Mgr Dini lui répond, au nom de Bcllarmin, que la tous les passages que vous avez cités vous-même. condamnation de Copernic n’est pas probable ct au < Je dis que, comme vous le savez, le concile défend nom du P. Gricmbcrgcr que, toute « plausible » q’uclle d’interpréter l’Écriturc contre le sentiment commun soit, la théorie coperniciennc n'est pas démontrée; I des saints Pères, et si vous voulez lire, je ne dis pas Copernic n’a pas eu l’intention de prouver que la I seulement les saints Pères, mais les commentaires terre tourne autour du soleil, mais il a simplement modernes sur la Genèse, sur les Psaumes, sur l’EccIédonné sa théorie comme une hypothèse mathématique. siastc, sur Josué, vous trouverez qu’ils s’accordent tous En tout cas, il est prudent de ne pas s'engager dans les à expliquer, selon la lettre, que le soleil est dans le querelles théologiques que peut déterminer la discus­ ciel et tourne autour de la terre avec une extrême sion des textes de ΓÉcriture. Favaro, Le opere, t. n, vitesse, que la lcrrc est très éloignée du ciel et reste p. 155. Immobile au centre du monde. Considérez maintenant, « Dire que Copernic s’exprime par manière d’hypo­ dans votre prudence, si l’Église peut tolérer qu’on thèse et non avec la conviction que sa théorie est donne aux Écritures un sens contraire aux saints Pères ct Λ tous les interprètes grecs ct latins. On ne peut pas conforme Λ la réalité, riposte Galilée, c’est ne l’avoir pas lu. » Quant nu conseil qu’on hd donne d’abanrépondre que cc n’est pas une matière de foi, parce que, si cc n’est pas une matière de foi ex parte objecti, donner ΓÉcriture aux exégètes et aux théologiens de c’est une matière de foi ex parle dicentis : de même ce profession, il est prêt Λ le suivre. Mais il fait observer serait une hérésie de dire qu’Abraham n’a pas eu que Dieu peut éclairer l’intelligence des plus humbles deux fils et Jacob douze, comme de dire que le Christ sur des questions qu'ils n’ont pas bien étudiées. En n’est pas né d’une vierge, parce que l’Esprit-Saint a tout cas, il ne faut pas oublier que, pour entreprendre dit l’une ct l’autre chose par la bouche des prophètes d’accorder ensemble l’Écriturc sainte ct les sciences ct des apôtres. naturelles, il est nécessaire de connaître celles-ci à ■ Je dis que, s’il y avait une vraie démonstration fond. · Si j’ai tenté do le faire malgré mon peu d expé­ prouvant que le soleil est au centre du monde ct la rience dans la sainte Écriture, on excusera ma témérité, terre dans le troisième ciel, que le soleil ne tourne attendu que je suis tout disposé à me soumettre au pas autour de la terre, mais la terre autour du soleil, jugement de mes supérieurs. » Lettre du 23 mars 1615, alors il faudrait apporter beaucoup de circonspection dans Favaro, Le opere, t. v, p. 297-300. dans l’explication des passages de l’Écriturc qui Vers le même temps, le canne Foscarini soutenait paraissent contraires, ct dire que nous ne les enten· une opinion semblable : Leltcra del R. P· M. Paolo dons pas, plutôt que de déclarer faux ce qui est démon· Antonio Foscarini carmdilanl al Reverendissimo trv. Mais je ne croirai pas à l’existence d’une pareille P Generale dei suo ordine, Scbastlano Fantoni, sopra 1063 GALILÉE démonstration avant qu’elle m’ait été montrée; ct prouver qu’en supposant le soleil au centre du monde ct la terre dans le del on sauve les apparences, n'est pas la mime diose que de prouver qu’en réalité le soleil est au centre et la terre dans le ciel. Pour la première démonstration, je la crois possible; mais, pour la seconde. J’en doute beaucoup, ct dans le cas de doute on ne doit pas abandonner l’interprétation de l’Écriture donnée par les saints Pères. · La conviction du cardinal Bcllannin est bien arrêtée. S’il suppose pour un moment que la théorie du mouvement de la terre peut être démontrée, c’est par manière dc parler; dans son for intérieur il reste persuadé, voire absolument sûr, que ccttc démons­ tration est impossible. Et il en appelle ά Salomon, tout ensemble · écrivain inspiré ct savant de premier ordre, » dit-il, pour prouver que le soleil tourne réelle­ ment autour de la terre : oritur sot, et occidit, et ad locum suum revertitur. Ecclc., i, 5. «D’ailleurs, ajoute-t-il, le témoignage de nos yeux n’est-ll pas une garantie suffisante dc cette vérité? Chacun sait par expérience que la terre est immobile et que l’œil ne sc trompe pas quand il juge que le soleil sc meut, pas plus qu'il ne se trompe quand il juge que la lune et les étoiles se meuvent, ct cela suffit pour le moment » Si l’argumentation du cardinal est faible, il ne s’ensuit pas moins que Galilée pouvait échapper au Salnt-Ofllce pourvu qu’il renonçât ù vouloir concilier sa doctrine avec l’Écriture. « Un point est éclairci, disait à cc propos, le 2 mal 1615, Mgr Dini : On peut écrire comme mathématicien ct sous forme d'hypo­ thèse, comme a fait, dit-on. Copernic; on peut écrire librement, pourvu qu’on n’entre pas dans la sacristie. » Alberi, Le opere, t. vin, p. 375. Mais il était trop tard. Galilée était « entré dans la sacristie » ct il n’allait plus pouvoir cn sortir. III. Le procès de 1616. — Dès le 5 février 1615, un théologien, le P. Lorini, dominicain, avait dénoncé ’a lettre dc Galilée Λ Castelli. Cette dénonciation Îtait secrète et adressée directement au cardinal mille Sfondrate, alors préfet dc la S. C. dc l’index. Le P. Lorini déclarait que. s’il faisait ccttc démarche, c’était par acquit dc conscience. La lettre au P. Cas­ telli lui paraissait faire courir un danger à la foi. Il y signalait des appréciations suspectes ou téméraires, telles que les suivantes: dire que certaines expressions dc la sainte Écriture sont peu justes; que, dans les discussions sur les effets naturels, l’Écriture tient le dernier rang; que les docteurs dc l’Église se trompent souvent dans leurs explications; que l’Écriture ne doit pas être Invoquée dans les articles ne concernant pas la foi; que, dans les choses naturelles, l’argument philosophique ou astronomique a plus de force que l’argument sacré ou divin; enfin que le commandement dc Josué au soleil doit s’entendre comme fait non au soleil, mais au premier mobile. Toutes ces erreurs, disait Lorini, ne font-elles pas voir le danger que cour­ rait l'Église, si on laissait ainsi le premier venu expli­ quer l’Écriture à sa façon, contrairement au sentiment des Pères ct dc saint Thomas, et fouler aux pieds toute la philosophie d’Aristote, qui est un si utile auxiliaire dc la théologie scolastique? Von Gcblcr, Die Aden, p. 11; manuscrit du procès, fol. 312; Favaro, Le opere, L xix, p. 297; Galileo e Γ Inquisitione, 1907, p. 37. Le préfet de l’index soumit le cas au tribunal dc ΓInquisition qui chargea, selon l’usage, un consulteur d’examiner la lettre dc Galilée. Le consulteur est loin d être malveillant ou seulement défavorable. L’auteur, dit-il dans son rapport, emploie quelquefois des expres­ sions mal sonnantes, qui sont d’ailleurs susceptibles d une interprétation bénigne : · Quant au reste, s’il abuse des termes impropres, U ne s’écarte pas des 1064 limites du langage catholique, s Favaro, Le opere, t. xix. p. 305. La lettre à Castelli semblait donc n’ofTrlr rien qui pût servir dc base à une accusation devant le SalntOfllce. Mais Galilée avait produit d’autres ouvrages, notamment une ’étude sur les Taches solaires qui avait ému également l'opinion publique. Cf., sur cc point, . Muller, Galileo Gatitei, c. xir, xm, p. 114-178. C’est I par lû qu’on trouva le moyen dc l’atteindre. Le fameux P. Thomas Caccinl, qui avait attaqué Galilée cn chaire, était venu à Home avec son confrère, le P. Lorini. Dans une conversation qu’il eut avec le cardinal Galamini, dc l’ordre des dominicains, maître du sacré palais, il exprima le désir d’être entendu, pro exoneratione conscientite, dans l’affaire dont était saisi le Saint-Office. Il fut mis, cn eflet, fin mars 1615, cn présence du commissaire général Michel-Ange Seghizi (aussi un dominicain) dans la grande salle du palais dc l’inquisition. Lû, après le serment d’usage, il exposa les raisons pour lesquelles il s’était pennis d’adresser, du haut dc la chaire, mais d’ailleurs • cn toute modestie, une aflcctueuse admonition * à Galilée ct à ses disciples, qui, sous prétexte de suivre Copernic, portaient ouvertement atteinte à la sainte Écriture. 11 attaqua ensuite nettement la doctrine contenue dans le livre sur les Taches solaires ct déclara que le philosophe florentin avait des relations avec les hérétiques, notamment avec le fameux Sarpl de Venise (l’auteur bien connu de V Histoire du concile de Trente), ce qui était dc nature ù Inspirer le doute sur son ortho­ doxie Favaro, Le opere, t. xix, p. 307. Cependant l’aflairc traîna cn longueur. Galilée cn eut vent, ù cc qu’il semble. Il partit pour Rome, avec des lettres dc recommandation du grand-duc à l’adresse du cardinal del Monte, du cardinal Sciplon Borghèse et dc François Orsini, Favaro, Le opere, t. xn, p. 203, qui s’entremirent, en effet, pour déjouer les calculs des antlcorpemiciens. Sûr dc cet appui ct conflant dans sa cause, Galilée écrivait le 20 février 1616 : « J’arri­ verai à dévoiler leurs fraudes; je m’opposerai Λ eux, et j’empêcherai toute déclaration dont il pourrait résulter un scandale pour l’Église. > Alberi, Le opere, t. vi, p. 225. Profonde était son illusion. Au moment où il écrivait ccs lignes, son procès avait été engagé sur l’ordre du pape. Comme le cardinal Orsini parlait un jour cn faveur dc Galilée devant Paul V, celui-ci lui répondit qu’il ferait bien dc conseiller à son ami d’abandonner l’opinion dc Copernic. Orsini insistant, le souverain pontife coupa court Λ l’entretien cn disant que l’aflairc était remise entre les mains des cardinaux du SalntOfllce. Dès que le cardinal Orsini se fut retiré, le pape flt appeler le cardinal Bcllannin. Tous deux s'accor­ dèrent à reconnaître que l’opinion soutenue par Galilée était « erronée ct hérétique. » La bonne fol du savant astronome ne fut d'ailleurs pas mise en cause. Lettre dc Pierre Guicciardini au grand-duc dc Toscane, cn date du 4 mars 1616, Alberi, Le opere, t. vi, p. 22β; Favaro, Le opere, t. xn, p. 242. Bien qu’il fût présent à Rome, Galilée ne fut cepen­ dant pas cité à comparaître devant le tribunal de l’inquisition. Il s'ensuit que la procédure cn cours ne se peut appeler qu'improprement le « procès d· Galilée ». Ce procès ne fut pas, cn eflet, vraiment personnel, cc fut un procès dc doctrine, ct la doctrine incriminée était aussi bien celle dc Copernic que celle de Galilée. Le 19 février 1616, tous les théologiens du SalntOfllce avaient reçu une copie des propositions suivantes à censurer : « 1° que le soleil est le centre du monde ct, par conséquent. Immobile dc mouvement local; 2· que la terre n’est pas le centre du monde ni immo• bile, mais se meut sur elle-même tout entière par un 1065 GALILÉE mouvement diurne. » Les qualificateurs sc réunirent le 23 février, ct le lendemain 24, la censure fut portée dans le Saint-Office, en présence des théologiens consultcurs : · Tous déclarèrent que la première proposition était Insensée ct absurde en philosophie, et formellement hérétique» cn tant quelle contredisait expressément dc nombreux passages dc la sainte Écriture, selon la propriété des mots, ct selon l'inter­ prétation commune et le sens des saints Pères ct des docteurs théologiens. · Quant à la seconde, ils décla­ rèrent, pareillement à l'unanimité, qu'elle < méri­ tait la même censure cn philosophie ct que, par rapport à la vérité théologique, elle était nu moins erronée dans la fol. · Von Gcbler, Die Acten, p. 47; manuscrit du procès, fol. 376; Favaro, Le opere, t. XIX, p. 311. Suivent, dans les pièces du procès, les noms des onze consultcurs : cc sont Pierre Lombard de Waterford, archevêque d’Armagh; six domini­ cains, Hyacinthe Petronio (maître du sacré palais), Raphaël Rlphoc, vicaire général dc l'ordre, MichelAnge Séghizy (commissaire du Saint-Office), Jérôme de Casale major, Thomas de Lemos, Jacques Tinto; un jésuite, Benedetto Giustinlanl; un bénédictin, Michel dc Naples; un clerc régulier, Raphael Ras­ telli; ct un auguslin, Grégoire Nonnio CoroncL Le 25 février, le cardinal Millin fit savoir à l'asses­ seur ct au commissaire du Saint-Office que, vu la censure prononcée par les théologiens sur les propo­ sitions de Galilée, le Saint-Père avait ordonné au cardinal Bellnrmin dc convoquer Galilée afin dc l’avertir qu’il eût à abandonner son opinion ( le texte primitif portait scs opinions); dans le cas où il refu­ serait d’obéir, le commissaire devait, devant notaire ct témoins, lui intimer < l'ordre de s'abstenir entière­ ment d'enseigner ccttc doctrine ct opinion, ou de la défendre ou de la traiter; à défaut d’aquicsccmcnt, il serait Incarcéré. · Von Gebler, Die Aden, p. 40; ms. du procès, fol. 378; Favaro, Galilei e Γ Inqui­ sitione, p. 62. En conséquence, le vendredi 26, le cardinal Bellarmin fit venir Galilée dans son palais, ct là, en présence du commissaire général du Saint-Office, l’avertit dc l’erreur qui lui était reprochée ct l’invita à l’aban­ donner. Ensuite le commissaire lui-même, devant témoins, ct notamment devant le cardinal Bcllannin, lui intima au nom du souverain pontife ct de la S. C. dn Salnt-Ofllce, « l'ordre d'abandonner entièrement l’opinion qui prétend que le soleil est le centre du monde et immobile et que la terre se meut, défense de la soutenir désormais cn aucune manière, dc l’ensei­ gner ou dc la défendre par parole ou par écrit, sous peine de sc voir Intenter un procès devant le SaintOffice. » Von Gcbler, Dic Acten, p. 40; ms. du procès, fol. 378-379; Favaro, ibid. Qu’allait faire Galilée devant une pareille som­ mation ? Ce serait le mal connaître que dc lui prêter un sentiment dc révolte. Dans la lettre du 16 fé­ vrier 1615, ά Mgr Dini. que nous avons déjà citée, il écri­ vait : · Je suis dans l’intime disposition dc nrumicher l'œil pour n’êtrc pas scandalisé, plutôt que dc résister Λ mes supérieurs ct de faire tort à mon Ame cn soute­ nant contre eux cc qui présentement me parait évident ct que Je crois toucher dc In main. » Favaro, Le opère, t. v, p. 295. Guicciardini témoigne qu'il persistait dans ces sentiments ô la veille dc la décision du Saint-Office. Lettre du 4 mars 1616, dans Favaro, Le opere, t xn, p. 242. On ne s'étonnera donc pas du geste qu’il fit devant le commissaire de l lnquisllion. · Galilée, dit le procès-verbal, acquiesça à l’ordre qui lui était donné ct promit d'obéir. » Von Gcbler. Dir Aden, p. 40: manuscrit du procès, fol. 378379; Favaro. Le opere, L xix, P- 322. La S. C. de l'index eut sans doute égard Λ la sim­ 1066 plicité ct à la franchise dc ccttc soumission. Dans la condamnation générale qu'elle porta, le 5 mars sui­ vant, contre la théorie copcmicicnnc ct contre les ouvrages de Copernic, donec corrigantur, elle ne pro­ nonça pas le nom dc Galilée ni ne signala expressé­ ment scs ouvrages Von Gcbler, Die Arien, p. 50; Favaro, Le oprre, t. xix. p. 323; cf. Muller, Galileo Galilei, p. 208-210. Celui-ci n’en comprit pas moins la leçon qui lui était donnée « L’issue dc cette affaire, écrivait-il le 6 mars, a montré que mon opinion n’a pas été acceptée par l'Église. Celle-d a seulement fait déclarer qu’une telle opinion n'était pas conforme aux saintes Écritures, d'où il suit que les livres voulant prouver ex professo que cette opinion n’est pas opposée â l’Écriture sont seuls prohibés, » Alberi, Le opere, L vi, p. 231. Ses adversaires cependant ne désarmaient pas. Dans une audience du 11 mars, où le souverain pon­ tife lui témoigna une extrême bienveillance, Il se plaignit des calomnies qui circulaient toujours sur son compte. Paul V le rassura en affirmant que les Congrégations ct lui-même connaissaient parfaite­ ment la pureté de scs intentions et la droiture de son esprit. < Dc mon vivant, ajouta le pape, vous pouvez être sûr qu’on ne donnera aucune créance aux calom­ niateurs. > Lettre du 12 mars 1616, dans Alberi, Le opere, L vi, p. 233. Cette assurance n'empêcha pas le bruit dc sc répandre que l’inquisition avait condamné Galilée à une abju­ ration et û une pénitence salutaire. Pour réfuter celte allégation injurieuse, Galilée sollicita de Bcllannin une attestation qui lui permît dc fermer la bouche à scs ennemis, cn rétablissant les faits. Le témoignage du cardinal figura plus tard au procès de 1633. En voici la teneur : · Galilée n'a abjuré ni entre nos mains ni en celles de personne autre, à Rome ou ailleurs, que nous sachions, aucune de scs opinions ou doctrines; * il n’a pas non plus reçu de penitence salutaire, ni ΐ d'autre sorte; on lui a seulement notifié la déclaration faite par notre Saint-Père ct publiée par la S. C. dc . l'index, où il est marqué que la doctrine attribuée à Copernic, à savoir que la terre sc meut autour du ; soleil, ct que le soleil sc tient au centre du monde, sans se mouvoir dc l’orient à l’ocddcnt, est une 1 doctrine contraire aux saintes Écritures, et que par conséquent on ne peut la défendre ni la soutenir. · /Xttestation datée du 26 mal 1616, dans von Gcbler, 1 Die Aden, p. 91; manuscrit du procès, fob 427; Favaro, Le opere, t. xix, p. 348. IV. Infraction au déchet de 1616. — Galilée quitta Rome ct regagna Florence où l'attendaient la bienveillance ct les faveurs du grand-duc dc Toscane. ; Alkiil-il s'ensevelir dans une futile oisiveté ? S'il continuait ù poursuivre scs recherches astronomiques, il était bien difficile, pour ne pas dire impossible, qu’il ne retrouvât pas. au bout de scs nouveaux calculs, scs anciennes conclusions. Or tout l’invitait, scs admirateurs comme ses adversaires, Λ reprendre scs études ct â suivre sa pointe. Dès le 1° Juin 1616, un médecin napolitain, philo­ sophe ct mathématicien, Stclfiota, lui traçait un plan dc conduite cn ces termes : < Les professeurs des sciences doivent montrer les calomnies des sophistes. Ln pensée des supérieurs est sainte et Juste : mais, comme le décret (de 1616) a été rendu sans que les parties aient été entendues, il faudrait revoir in cause qui Intéresse tout le monde; Il faudrait que les pro­ fesseurs dc mathématiques étrangère présentassent un mémoire. · Et avec un grand sens 11 ajoutait : • Faites prévenir ceux qui gouvernent le monde que les personnes qui cherchent Λ mettre la discorde entre la science ct la religion sont peu amies de l'une et dc l’autre. » Albert, Le opere t vm, p. 386. 1067 GALILÉE Cependant Galilée sc tut pendant plusieurs années. Π ne rompit le silence qu'à la suite d'une provocation qui provenait d'un professeur du Collège romain, Je P. Horaee Grassi, lequel attaquait directement· bien qu’avec certains égards, dans un livre intitulé : Libra astronomica. ci. Favaro, Le opere, t. vî, p. 111-171. | q théorie copernicienne et les thèses de Galilée. Celui-ci ne pouvait manquer de relever le gant. Il publia son Saggiaiore. · Γ Essayeur ·, Favaro. Le opère, t. vî, p. 199, sous forme de lettre adressée à Mgr Ccsarini, qui allait devenir le maestro di camera d’Urbain VIII. L’ouvrage avait pour but de faire voir que le système de Copernic cl de Képlcr est en parfait accord avec les observations du télescope, tandis que le système de Ptolémée et des péripatéticiens est insoutenable. Galilée concluait que, le premier système étant condamné par l’autorité ecclésiastique et le second par la raison, il fallait en chercher un autre. Malgré cette conclusion, le Saggiatorc était, au fond, une défense habilement conduite de la doctrine coperniciennc. Le maltrc du sacré palais et scs théologiens ne s’en aperçurent pas. L'autorisation d’imprimer, délivrée le 2 février 1623, contient ces mots : « J’ai lu par ordre du maître du sacré palais cet ouvrage du Saggiatorc, et outre que je n’y ai rien trouvé de contraire aux bonnes mœurs ou qui s'éloigne de la vérité surnaturelle de notre foi, j'y ai reconnu de si belles considérations sur la philosophie naturelle que notre siècle, je crois, pourra sc glorllier dans les siècles futurs, non seulement d’un héritier des travaux des philosophes passés, mais aussi d’un révélateur de beaucoup de secrets de la nature, qu’ils furent impuis- 1 sants à découvrir; ainsi le démontrent les ingénieuses et sages théories de l’auteur dont je suis heureux d’être le contemporain, parce que cc n’est plus avec le peson et approximativement, mais avec des balances très sûres, que sc mesure aujourd'hui l’or de la vérité. > Alberi, Le opere. L ix, p. 26. L'ouvrage fut offert au nouveau pape, le cardinal Barbcrini, devenu Urbain VIH, qui en accepta la dédicace. Alberi, Le 1 opere, t. ix, p. 1. Bien plus, le souverain pontife, · le lut, dit-on, avec grand plaisir. » Lettre de Binuceinl du 20 octo­ bre 1623, Alberi, Le opere, t. xm, p. 154. Flatté d’un tel hommage rendu à son livre, Galilée se prit à caresser de hardis projets pour l’avenir. Dans un * voyage qu’il fit à Borne en 1624, il eut avec le pape Urbain VIII jusqu'à six entretiens assez longs. Espéralt-il pouvoir faire rapporter le décret de 1616 ? Cela n’est pas improbable. Un de scs partisans, le cardinal Hohcnzollern. crut pouvoir inviter Urbain VIII à se prononcer en faveur du système hélloccntrlquc. Le pape se hâta de répondre que cette doctrine n’avait jamais été condamnée comme hérétique, et que personnellement il ne la ferait jamais condamner, bien qu’il la considérât comme très hasardée : · Du reste, il n’y avait pas a craindre que jamais on pût en démontrer la justesse et la vérité. » Lettre de Galilée à Cesl, 8 juin 1624, dans Favaro, Le opere, t. xiii, p. 182. Malgré la haute estime qu’Urbaln VIH professait pour Galilée et dont on a maints témoignages positifs, et. notamment la lettre que le pape adressait le 8 juin 1624 au grand-duc de Toscane et qui contient un éloge extraordinaire du savant astronome, Favaro, Le oprre. t. xin, p. 183-184, il n’est pas vraisemblable qu’il se soit prêté à une révision du procès de 1616. Galilée n’en rapporta pas moins à Florence la con­ viction que le système copemicien ne pouvait être condamné comme hérétique. Son ardeur scient!ftque sen accrut d'autant. Il conçut un grand ouvrage lequel I développait les Idées déjà Insinuées dans le Saggiaicire sur les deux systèmes du monde qui 1068 sc partageaient les esprits. Il y travailla sept ou huit ans. Dans une lettre en date du 24 décembre 1629, qu’il adresse au prince Cesl, fondateur de i’Académic des Lintei, dans Favaro Ιλ opere, t. xiv, p. 60, on voit que l'œuvre était presque achevée. Elle ne parut cependant qu’en 1632. sous ce titre: Dialogo di Galileo Galilei Linceo matematico wpraordinario dello studio di Pisa e filosofo e matematico primario del serenissimo Granduca di Toscana : doue nei congressi di qualtro giurnate si discorze sopra i due massimi sistemi del mondo. Tolemaico e Copernicano. proponendo indetenninatamenle ragioni filosofiche e naturali (anto per Tuna quanto per Γ ultra parte. Favaro, Le opere, t. vu, p. 20-489. La publication avait souffert d'énormes difficultés. Galilée aurait souhaité de la faire imprimer à Borne. Mais le P. Biccardi, maître du sacré palais, qui avait si bien accueilli le Saggiaiore. reconnut que l’auteur, dans cc nouvel ouvrage, loin de proposer le système de Copernic comme une hypothèse mathématique, en parlait en termes qui formaient un essai de démons­ tration scientifique. Il ne fallait pas songer à le mettre au jour dans cet état. Le P. Riccardi proposa donc d’y introduire certaines corrections, que Galilée admit en principe. L’autorisation d’imprimer lui fut accordée à ces conditions. Favaro, Le opere, t. xiv, p. 258, lettre de Galilée à Cloli; von Geblcr, Die Aden. p. 52 sq.; ms. du procès, fol. 387 sq. Bientôt cependant, par suite de circonstances qu’il serait trop long d'indiquer ici, il fut contraint de remporter son manuscrit à Florence. Là, il le soumit à l'examen de l’inquisiteur, qui lui donna l’imprimatur sous les réserves qu’avait faites le P. Riccardi. C’était un succès, cc semble, mais un succès qui pouvait devenir dangereux. N’était-il pas à craindre que Borne ne jugeât sévèrement le procédé de l’inquisition florentine? Pour comble d'imprudence, Galilée mit en tête de son livre, avec l'imprimatur de l’inquisiteur et du vicaire général de F lorence,celui du P. Riccardi,qui n’avait été accordé que sous conditions et conditions non remplies. Cf. von Geblcr et le ms. du procès, loc.cit. Il suffisait d’ouvrir le volume pour comprendre les justes appréhensions du maître du sacré palais. Les interlocuteurs du dialogue s’appelaient Scgrcdo, Salviali et Slmplicio : les deux premiers, savants amis de Galilée, l’un Florentin, l’autre Vénitien, déjà morts, soutenaient le système copcrnicien; le troi­ sième, dont le nom avait été emprunté à un commen­ tateur d'Aristote, défendait la théorie de Ptolémée. Mais il était visible que Slmplicio ne jouait son rôle que pour la forme : les raisons qu’il alléguait ne servaient qu'à mettre en valeur la force des arguments de ses contradicteurs. On accusa même Galilée d’avoir mis les arguments favorables à Ptolémée « dans la bouche d’un sot. » Cf. Von Geblcr, Die Aden, p. 56; ms. du procès, fol. 389 v®. Dès que l'ouvrage fut connu à Rome, il souleva une tempête de colères et de réclamations. On devine d’où venait cc · fracas », comme parle Galilée. Lettre du 17 mai 1632. · il a écrit son livre contre le senti­ ment commun des péripatéticiens, » Alberi, Le opere. t. ix, p. 275, disait le P. Schelner, jésuite. Cc que l'auteur avait le plus à redouter, remarque à son tour Campanella, récemment sorti des prisons du gouver­ nement espagnol, · c'était la violence des gens qui ne savent rien. » Alberi, Le opere, t. ix, p. 284. Les sévérités de l’autorité ecclésiastique, jusque-là favorable à l’auteur, en raison des sentiments de piété et d'obéissance qu’il avait toujours montrés, étaient aussi à appréhender. Le P, Riccardi pouvait se plaindre qu’on eût abusé de sa complaisance, voire de sa signa­ ture. Le pape se reconnut-il, comme on l'a prétendu, dan le Dialogo, sous le personnage un peu ridicule de 1069 GALILÉE Sünplldo, dans la bouche duquel se trouvaient divers arguments qu’il avait jadis opposés a Galilée au cours d’un entretien familier? Cela n’est pas invraisemblable. Cf., sur cc point, IL de l’Épinois, dans la Revue des questions historiques, 1867, L n, p. 119 sq.; Favaro, Le opere, t. xvi, p. 455. Des raisons plus graves étaient, du reste, de nature à le mécontenter; Galilée avait manifestement enfreint l’engagement pris en 1616 de ne plus enseigner la doctrine copcrnicienne. Cela suffisait pour le perdre dans l’estime et dans la confiance du souverain pontife. Aussi voyons-nous, dès la première quinzaine d'août (1632), Urbain VIII déférer le Dialogo à l’exa­ men d’une commission extraordinaire. Par égard pour l’auteur et peut-être surtout pour son protecteur, le grand-duc de Toscane, le Salnl-Oilicc n’en fut pas d’abord saisi. La commission n’eut en quelque sorte qu’un caractère officieux. Dépêche de Niccolini, 18 septembre 1632, Alberi, Le opère, t. ix, p. 427. Urbain VIII était pourtant très irrité. Le 5 septembre, apercevant Niccolini, ambassadeur de Toscane, il éclata en violents reproches : « Galilée, dit-il, a, lui aussi, la hardiesse d’entrer où il ne doit pas entrer, et d’aborder les matières les plus graves et les plus dangereuses que l’on puisse agiter en cc moment-ci. » c Mais il a imprimé son livre avec autorisation, » fit observer l'ambassadeur. « Oui, reprit le pape avec animation, Ciampoli et le maître du sacré palais ont été circonvenus : Ciampoli, sans avoir jamais vu et lu l’ouvrage, m’a affirmé que Galilée voulait sc con­ former en tout aux ordres du pape et que tout était bien. » Et Urbain VIII se plaignit de Ciampoli et du maître du sacré palais. < On donnera du moins à Galilée le temps de se justifier ? · demanda Niccolini. « En ccs matières du Saint-Office, on ne fait que censurer, reprit le pape, puis on demande une rétrac­ tation. »· Galilée ne pourrait-il pas savoir auparavant cc qu’on lui reproche ? » objecta Niccolini. « Je vous le dis, répliqua vivement le pape, le Saint-Office ne procède pas ainsi; jamais on ne prévient personne auparavant, d’autant plus que Galilée sait très bien, s'il veut le savoir, en quoi consistent les difficultés, car nous avons causé ensemble et le lui avons dit nous-même... » Dépêche de Niccolini, 5 septembre, Alberi, Le opere, L ix, p. 420. Le rapport de la commission ne sc fit pas attendre : envoie! les conclusions:· 1° Galilée a transgressé les ordres qu’on lui avait donnés, en abandonnant l’hypo­ thèse pour affirmer absolument la mobilité de la terre et la stabilité du soleil; 2° il a mal rattaché l’existence du flux et du reflux de la mer ù la stabilité du soleil et à la mobilité de la terre, qui n'existent pas; 3° il a frauduleusement passé sous silence l'ordre, que le Saint-Office lui avait intimé en 1616, d’abandonner entièrement, de ne plus enseigner ni défendre, de quelque manière que cc fût, par la parole ou par les écrits, l'opinion d’après laquelle le soleil est le centre du monde et la terre sc meut. » Von Geblcr, Die Aden, p. 53; ms. du procès, fol. 387 v°. A côté de cc document, le recueil manuscrit des pièces du procès contient un rapport du même genre où sc retrouvent les mêmes conclusions, un peu plus détaillées, sous huit chefs différents. Von Geblcr, Die Aden, p. 56; ms. du procès, fol. 389. En fait, l'accusation sc ramène ù ccs deux chefs : Galilée a désobéi aux ordres du Saint-Office et violé son enga- i gement de 1616; Galilée, bien qu’il déclare vouloir traiter la question du mouvement de la terre hypo­ thétiquement, procède par vole d affirmation et enseigne sa théorie de façon absolue. Ce sont les reproches qu’Urbaln VIII formula expressément dans un nouvel entretien qu’il eut avec Niccolini. Albert, | Le opere, t. ix, P- 435. 1070 Le rapport de la commission concluait qu'il y avait lieu de délibérer sur la procédure à suivre * tant contre Galilée que contre son ouvrage. · Von Geblcr, Die Aden, p. 53; ms. du procès, fob 387 v°. V. Le procès de 1633. — Le 23 septembre 1632, l’inquisiteur de Florence reçut l’ordre de signifier A Galilée qu’il eût à se présenter devant la commission du Saint-Office dans le courant d’octobre, afin d'expli­ quer sa conduite. Cet ordre émanait du pape. Von Geblcr, Die Aden, p. 93; ms. du procès, fol. 394. Galilée comprit alors en quels périls il s'était engagé. Il fit d’abord la sourde oreille cl chercha à gagner du temps. Il offrit même de s'expliquer devant l'inqui­ siteur de Florence, prétextant son grand âge (près de soixante-dix ans), son étal maladif et La faligur d’un voyage à Borne. Von Gebler, Die Aden,p. 63-71; ms. du procès, fol. 397-407; cf. H. de l'Épinois, dans la Hernie des questions historiques, 1867, L il, p. 120 sq. Ccs atermoiements étaient inutiles. Ses amis ne dou­ tèrent bientôt plus que le meilleur parti était d’obéir et de se soumettre : · Croyez bien, lui écrivait Niccolini. qu’il serait nécessaire de ne pas essayer de défendre cc que la Congrégation n'approuve pas, mais qu’il faudra s’en rapporter à ce que voudront les cardi­ naux : autrement vous soulèverez de très grandes difficultés. > Favaro, Le opere, L xiv, p. 418. Trois mois s'écoulèrent ainsi en vains pourparlers. Le pape à la fin s’impatienta. On eut beau lui présente’ le certificat de trois méciecins (le certificat est du 17 décembre 1632, von Gebler, Die Aden. p. 71 ; ms. du procès, fol. 307) attestant que Galilée était retenu au lit par la maladie. Sc défiant du témoignage, I' fit écrire le 20 décembre à l’inquisiteur de Florence que ni lui ni la Congrégation ne pouvaient et n« devaient supporter de tels subterfuges; qu'il fallait vérifier si vraiment Galilée pouvait sans péril sc rendre â Home, en faisant constater par un commis­ saire, assisté d’un médecin, l’étal réel du malade; s’il pouvait venir, on l’amène ait prisonnier et lié avet' des fers; si, au contraire,; i santé l’exigeait, on sur­ seoirait au déplacement; mais une fols le danger passé, on l’amènerait prisonnier, enchaîné et lié avec de. fers. Dans tous les cas, le commissaire et les médecins devaient procéder aux frais de Galilée, parce qu< celui-ci s'était mis dans celte situation par sa faut» et qu’il avait refusé d’obéir en temps opportun. Favaro, Le opere, t. xiv, p. 281. De tels ordres paraîtront rigoureux. Mais Galilée les avait en quelque sorte provoqués. Borne ne faisait en somme que suivre la procédure ordinaire usitée dans les tribunaux, où il y avait contrainte par corps contre tout accusé qui refusait de se présenter libre­ ment. La menace ne fut d'ailleurs pas mise Λ exécution. Le 20 janvier, Galilée sc décida à prendre Je chemin de la Ville étemelle. Von Gebler, Die Aden, p. 73; ms. du procès, fol. 411. Une litière du grand-duc de Toscane lui servit de véhicule. Il arriva ù Home en un état de santé très satisfaisant, le 13 février 16X1. Comme tous les accusés, fussent-ils prélats ου évêques, 11 devait s’attendre A être interné dans uni des cellules du Saint-Office. Pur une gracieuse excep­ tion faite en sa faveur, la résidence de l’ambassadeur Niccolini.· le palais de Florence » (sur la place de ce nom. et non la villa Médias comme on l'a cru), lui fut assigné pour domicile. Cf. Favaro, Quale il domicilio di Galileo in Horna durante il seconda processo, dans Archivio slorico italiano, 1906, fasc. 2. 11 y trouva non seulement le logement et la table, mais des agré­ ments de toute sorte, au sein d’une famille riche et dévouée. Plus tard, pour éviter les interruptions dan> la procédure, on lui fit quitter cette retraite, mats alors encore il eut pour demeure, au lieu d’une prison, l’ap- 1071 GALILÉE parlement du fiscal dc l’inquisition, appartement qui se composait de trois belles pièces. Alberi, Le opère, L ix, p. 437. Il y habitait avec son domestique, ct l’ambassadeur du grand-duc, ainsi que l’ambassa­ drice, continuèrent dc lui procurer toutes scs aises, M, t. vu, p. 29; c’cst lui-même qui nous l’atteste. Il passa en tout, dans cc logement, entre le 12 avril ct le 22 juin, vingt-deux jours. Sa santé n'eut pas à en souflrir; là-dessus encore nous possédons son témoi­ gnage. Ibid. Il lui fallut subir quatre interrogatoires; le premier eut lieu le 12 avril, von Gcblcr, Die Acten, p. 74; ms. du procès, fol. 413; le dernier le 21 Juin. Nous ne pouvons que les résumer ici; ils roulent sur trois points ; 1° Galilée a trahi l'engagement qu’il avait pris d’abandonner complètement la doctrine dc Copernic ct dc ne plus l’enseigner en aucune manière; 2° non seulement il a repris cette théorie, mais encore, au lieu dc la traiter d’une manière hypothétique, il en affirme la valeur scientifique, c'est la question du dictum ou /actum turreticale; 3° comme celte théorie était condamnée par le Saint-Office, l'auteur du Dialogo l'avait-il, malgré tout, tenue pour vraie et y avait-il adhéré dans son for intérieur ? C'est la question dc Vintentio. Sur le premier point, il s’agissait simplement de dissiper un malentendu. On sc rappelle que, le 25 fé­ vrier 1616,1e tribunal dc l’inquisition avait ordonné à Galilée, ut omnino abstineat hujusmodi doctrinam et opinionem docere aut dejendere seu dc ea tractare. Le lendemain, la décision était précisée en ccs termes : Nec eam (opinionem) de cetero quovis modo teneat, doceat aut de/endat, verbo aut scriptis. Von Gcblcr, Die Acten, p. 49; ms. du procès, fol. 378. Mais Galilée n'avait connu ccs prescriptions que par Bcllarmin, qui s’était borné à déclarer qu'il n’était pas permis « dc défendre ct dc tenir l’opinion dc Copernic. » Au fond, ces formules expriment la même idée. Cf. Vacandard, La condamnation de Galilée, dans Éludes de critique et d'histoire religieuse, lr· série, 4· édit., Paris, 1909, p. 313-317. Mais les juges dc 1633 n’acccptèrcnt pas cette équivalence ct reprochèrent expressément à Galilée dc n’avoir pas tenu compte des mots quovis modo dans la défense qui lui avait été faite d'enseigner la théorie copcmlclcnnc. Von Gcbler, Die Acten, p. 79, 88; ms. du procès, fol. 416, 424. L'accusé sc justifia en alléguant le texte dc la lettre que lui avait adressée le cardinal Bcllarmin. Les mots quovis modo ne s’y lisaient point. Or, l’auteur du Dialogo pouvait-il soupçonner que le cardinal n'eût pas reproduit exac­ tement ou traduit fidèlement la pensée du Saint-Office ? En sc conformant aux ordres dc Bcllarmin, l’accusé avait conscience dc n'avoir pas trahi sa promesse, ni par conséquent violé le décret dc 1616. Interroga­ toires du 12 avril ct du 10 mai, von Gcblcr, Die Aden, p. 77 sq., 88 sq.; ms. du procès, fol. 415, 423. Le second grief était plus dillicile à écarter. Galilée commença par affirmer qu'il n’avait exposé dans son ouvrage la théorie coperniciennc que sous une forme purement hypothétique. Mais ayant eu vent que les théologiens consulleurs, Augustin Orcggl, Melchior Inchofcr, jésuite, cl Zacharias Paschaligo, après examen du Dialogo, étaient d’avis que la thèse y était soutenue dc façon absolue, de firma huic opinioni adhors tone vehementer esse suspectum, dit Inchofcr, von Gebler, Die Acten, p. 92; ms. du procès, fol. 443, l'accusé fut sans doute pris dc peur et Unit par s’avouer coupable. Von Gcblcr, Die Aden, p 83-84; ms. du procès, fol. 419-420.· En raison des accusations dont Je suis l’objet. j ai voulu, dit-il dans l'interrogatoire du 3Π wvr*l, relire mon livre afin de voir si, par inad­ vertance et contre mon Intention, il ne me serait pas échappé certaines expressions qui auraient pu faire 1072 croire, à un lecteur mal averti dc ma pensée intime, que les arguments dirigé* contre la thèse /ausse que je me proposais dc ré/uter manquaient de force el étaient eux-mêmes facilement réfutables. Et j'ai trouvé qu’en diet deux arguments favorisaient trop l’opi­ nion coperniciennc. C'est là une erreur dc ma part. Je le confesse. C’est l'eflet d’une vaine ambition, d'une pure ignorance ct d’une inadvertance. Si j’avais aujourd’hui à exposer les mêmes raisons, je les éner­ verais (nerverei) dc telle sorte qu'elles ne pourraient plus avoir cette force, dont elles sont d’ailleurs essen­ tiellement et réellement dépourvues. » Von Gcbler, Die Aden, p. 85; ms. du procès, fol. 420-421. Après ccttc déclaration, qu’il répéta dans 1’lnlcrrogatoirc du 10 mai, von Gcblcr, Die Acten; ms. du procès, fol. 425 v®, Galilée s'apprêtait à sortir; mais il revint sur scs pas ct il ajouta : «Afin dc bien prouver que je n'ai pas tenu ct que je ne tiens pas pour vraie l’opinion condamnée dc la mobilité dc la terre ct dc l’immobilité du soleil, je suis tout disposé, si on m'en donnait la faculté ct le temps, à continuer mes dialogues et A reprendre les arguments déjà présentés en faveur de cette opinion fausse ct condamnée, pour les réfuter de la manière la plus efficace qu’il plaira à Dieu dc m'enseigner. » Favaro, Galileo e Γ Inquizitione, p. 76-87. Sur la portée du Dialogo on avait donc son aveu : la doctrine en était réellement coperniciennc. Restait la question dc 1’intentio. Était-il bien vrai que Galilée n'y eût pas adhéré dc cœur, comme il osait l’affirmer ? Dans une séance tenue, le 16 juin, par le SaintOffice, au palais du Quirinal, le Saint-Père décida dc lui faire < subir un interrogatoire sur son inten­ tion, même avec menace dc la torture; s’il persistait (à nier son adhésion à la doctrine coperniciennc), on le ferait abjurer en pleine séance dc la Congrégation, ct on le condamnerait à la prison, au gré du SaintOffice. On lui enjoindrait, en outre, dc ne plus traiter désormais, dc quelque manière que cc fût, ni pour ni contre, par écrit ou de vive voix, le sujet de la mobilité dc la terre ct dc la stabilité du soleil, sous peine d'être relaps. · Le Dialogo serait prohibé. Et pour que ccs décisions fussent portées à la connaissance dc tous, le pape ordonna d’envoyer des exemplaires dc la future sentence à tous les nonces apostoliques, à tous les inquisiteurs dc l’hérésie ct principalement à l'inquisiteur dc Florence, qui devait la lire publi­ quement en pleine séance, après avoir convoqué la plupart des professeurs dc mathématiques. Von Gcblcr. Die Aden, p. 112; ms. du procès, fol. 451 v°; Decreta, dans Favaro, Galileo c Γ Inquizitione, p. 20-21. En conséquence de ccs ordres, Galilée comparut une quatrième ct dernière fois, le 21 juin, devant le SaintOfiiee. On lui demanda « s’il tenait ct depuis combien de temps il tenait pour vrai que le soleil était le centre du monde ct que la terre n’était pas le centre du monde, ou même sc mouvait d’un mouvement diurne. » < Avant la décision dc la S. C. dc l’index,répondit-il, ct avant qu'on m’intimât des ordres à ce sujet, j’étais indifférent ct J’estimais que les opinions de Ptoléméc ct dc Copernic étaient toutes deux soutenables, que l'une ou l'autre pouvait être vraie dans la nature. Mais après ccttc décision, convaincu de la prudence dc mes supérieurs, toute ambiguité cessa dans mon esprit, ct j’ai tenu cl Je tiens encore pour très vraie ct indubitable l’opinion dc Ptoléinée sur la stabilité de la terre ct la mobilité du soleil. · On lui fit remarquer que son ouvrage témoignait d’un sentiment contraire. • Je le répète, depuis la décision dc mes supérieurs, je n’ai jamais tenu Intérieurement pour vraie l’opinion condamnée. » On insista ct on lui déclara que, « s’il ne se décidait pas à avouer la vérité, on en viendrait contre lui aux moyens de droit ct de fait qui seraient opportuns. » « Encore une fois, je ne soutiens pas, ni 1073 GALILÉE n’ai jamais soutenu dans mon for intérieur l’opinion dc Copernic depuis que J’ai reçu l’ordre dc l’abandonner. Du reste, je suis entre vos mains, faites cc qu il vous plaira. — Dites la vérité, sinon on en viendra à la torture. — Je suis ici pour obéir ; après la décision dc l’index, je n’ai pas tenu ccttc opinion (pour vraie), je l’ai déjà dit. » Comme on ne pouvait rien obtenir dc plus, on le renvoya a sa place, après lui avoir fait signer sa déposition. Favaro, Galileo e Γ Inquisitione, p. 100-101; von Gcblcr, Die Acten, p. 112414; ms. du procès, fol. 452-153. Dc torture proprement dite, il ne fut pas question. Cf., sur cc point, Vacandard, La condamnai ion de Galilée, loc. cil., p. 331, note; Garzend, Si Galilée pouvait légalement être torturé, dans la Revue des questions historiques, octobre 1911 ct janvier 1912. Cette douloureuse séance, où l'attitude de l’accusé étonne ct afflige autant que l’insistance des juges, ne remplissait encore qu'à moitié les intentions et les ordres du souverain pontife. 11 restait à condamner Galilée Λ la prison, après l’avoir fait abjurer. On le conduisit le lendemain dans la grande salle du couvent des dominicains de Santa Maria sopra Minerva. La sentence fut prononcée au nom du Saint-Offlcc. Galilée en écouta le lecture, debout ct la tête décou­ verte. Cc jugement, rédigé en italien, débutait par les noms ct les titres des dix cardinaux qui compo­ saient le tribunal du Saint-Offlcc, puis résumait, assez longuement d’ailleurs, l'historique du procès, en remontant jusqu’à l’année 1615. Nous ne donnerons ici que la sentence proprement dite : Nous prononçons, jugeons ct déclarons que toi, Galilée, tu t’es rendu véhémentement suspect d’hérésie, à cc SnintOHlcc, comme ayant cru ct tenu une doctrine fausse ct contraire aux saintes ct divines Écritures, à savoir : que le soleil est le centre dc l’univers, qu’il ne se meut pas d’orient en occident, que la terre sc meut et n’est pas le centre du monde; ct qu’on peut tenir ct défendre une opinion comme probable, après qu’elle n été déclarée ct définie contraire à l’Écriture sainte : en conséquence, tu ns encouru toutes les censures ct peines établies ct promulguées par les sacrés canons ct les autres constitutions générales et particulières contre les fautes do cc genre. Il nous plaît de t’en absoudre, pourvu qu’auparavnnt, d’un cœur sincère et avec une fol non simulée, tu abjures en notre présence, tu maudisses ct tu détestes les erreur* et hérésies susdites et toute autre erreur et hérésie contraire à l’Églisc catholique ct aposto­ lique romaine, selon In formule que nous te présenterons. Mais nfin que tn grave et pernicieuse erreur c’ ta désobéis­ sance ne restent pas absolument impunies, afin que tu sols Λ l’avenir plus réservé ct que tu serves d’exemple aux autres, pour qu’ils évitent ces sortes de fautes, nous ordon­ nons que le livre des Dialogues de Galileo Galilei soit pro­ hibé par un décret publie; nous te condamnons à la prison ordinaire dc cc Saint-Oillcc pour un temps que nous déter­ minerons Λ notre discrétion, ct Λ titre de pénitence salutaire nous t’imposons de dire pendant trois ans, une fols par semaine, les sept psaumes dc la pénitence, nous réservant la faculté de modérer, de changer, de remettre tout ou partie des peines ct pénitences ci-dessus. Favaro, Le opere, t. xix, p. 4O5-40G; Galileo e VInquisitione, p. ItG. 1074 que je crois maintenant, cl qu’avec l’aide de Dieu je croirai à l’avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la sainte Église catholique ct apostolique romaine. Mal» parce que, après que cc Saint-Office m’avait juridi­ quement intimé l’ordre d'abandonner absolument la fausse opinion que le soleil est le centre du monde et immobile, que la terre n’est pas le centre et se meut, et Ui défense dc tenir, dc défendre et d’enseigner cette fausse doctrine d’aucune manière, dc vive voix ou par écrit; et comme, après qu’il m’avait été notifié que cette doctrine est contraire A l’Écriture sainte, j’ai écrit ct fait Imprimer un livre dans lequel je traite cette doctrine déjà condamnée et j'apporte des arguments très efficaces en sa faveur, sans donner aucune solution, j'ai été jugé véhémentement suspect d’hérésie par ce Saint-Offlcc, à savoir, d’avoir tenu ct cru que le soleil est le centre du monde et immobile, et que la terre n’est pas le centre et sc meut. Voulant donc faire disparaître dc l’esprit de Vos Émi­ nences et dc tout chrétien cc véhément soupçon qui a été justement formé contre mol, j’abjure, je maudis et je déteste les susdites erreurs ct hérésies, et généralement toute autre erreur quelconque ct secte contraire â la sainte Église. Et je jure qu'à l’avenir je ne dirai plus ct n’assu­ rerai plus, de vive voix ni par écrit, aucune chose qui puisse donner de mol un tel soupçon; si je connais quelque héré­ tique ou quelqu’un qui soit suspect d’hérésie, je le dénon­ cerai à cc Saint-Office, ou à l’inquisiteur et à l’ordinaire du lieu où je me trouverai. Je jure encore et promets d'accomplir ct d’observer entièrement toutes les pénitence* qui m’ont été ou me seront Imposées par ce Saint-Office. — Il signa ensuite de sa propre main : « Je, Galileo Galilei, ai abjuré comme ci-dessus. · Favaro, Le opere, L xix. p. 402-407; Galileo e I' Inquisitione, p. 146; Vacandard, La condamnation de Galilee, loc. cil., p. 389-393. Outre le texte Italien, le P. Grisar, op. cil., p. 131437, donne un texte latin en regard. Le texte latin est tiré du P. Riedoli, A Images turn novum, Bologne, 1653, t. il, p. 497 sq. VI. Fin de Gaulée.— La peine dc Galilée fut commuée par le pape, le jour même de sa condam­ nation. Au lieu de la prison du Saint-Otllce, on lui assigna pour demeure le palais du grand-duc dc Toscane, ou plutôt la villa Médlds. Cf. Favaro. Le opere, t. xix, p. 283-284; Quale il domicilio di Galileo (n Ko ma durante il secondo processo, loc. cil. Sur la demande de ses amis, il put même, quelques jours plus tard (la permission du pape est du 30 juin), prendre, le 6 juillet, le chemin dc Sienne, von Gebler, Die Aden, p. 414; ms. du procès, fol. 453, où l'arche­ vêque Piccolomini lui offrit une somptueuse hospitalité. C'était toujours l’cxD. Le condamné avait la nos­ talgie des bords dc l’Amo. Urbain VIII, averti de son désir, lui accorda l’autorisation dc sc retirer à sa villa d’Arcetri. près Florence, à la condition d'y vivre seul ct de n’y appeler ni recevoir personne. La per­ mission est du 1er décembre 1633. Von Gcblcr, Die Aden, p. 164; ms. du procès, fol. 534. Cette réserve devait d'ailleurs s'entendre dans un sens large; les visites des parents ct des amis n'étaient pas défendues, pourvu qu’elles ne portassent pas ombrage, disait le pape lui-même à Niccolini en lui communiquant ccttc décision. Albert, Le opere, t. ix, p. 407. Le texte de la condamnation porte les signatures Des amis maladroits changèrent malheureusement dc sept cardinaux : les trois autres membres du ccs bonnes dispositions de la cour dc Home pour Saint-Offlcc dont les noms manquent n’assistaient Galilée. Ils continuèrent de vanter son génie ct scs vraisemblablement pas à la séance, mais nous savons découvertes. On le dénonça au Saint-Offlcc pour avoir par Niccolini, d’après une déclaration du pape, Favaro, répandu, pendant son séjour à Sienne, « des opinions Le opere, t. xv, p. 160, qir l’unanimité (nemine discul­ peu catholiques. » Von Gcblcr, Die Aden, p. 172; pante) était complète pr ni les membres du tribunal. ms. du procès, fol. 547. Galilée s’aperçut bientôt de La sentence n’était d’ail uirs que l’exécution de l’ordre l'impression produite par ces délations sournoises. donné par Urbain VIII dans la séance du 16 juin. Comme il sollicitait la permission de se rendre à La lecture du Jugement achevée, Galilée reçut une 1 lorcncc pour sc faire soigner par les médecins dc cette formule d’abjuration écrite en Italien; ct, à genoux, la ville, on la lui refusa ncL Par une coïncidence fâcheuse, main sur les saints Évangiles, il lut : la défense de quitter Arcctri lui fut signi liée le lour mime où il apprenait que sa fille, religieuse en un Je Galileo Gnlilrl.niü de feu Vincent Gnlllel dr Florence, monastère voisin, était dans un état désespéré. Cc ftgé de »oixantodix an*..., je Jure que J’ai toujour, cru. 1075 GALILÉE 1076 fut pour son cœur de père un coup extrêmement y lisons-nous, a notifié ù Possesseur ct au commissaire douloureux. Les lettres qu’il écrivit vers celle époque du Saint-Office que, vu la censure des Pères théolose ressentent de sa tristesse aigrie. Alberi. Le opere, ! glens sur les propositions de Galilée touchant le mou­ vement de la terre... le Saint-Père a ordonné au car­ L x, p. 35; L vu, p. 46. Bientôt il devint « totalement dinal Bellannin... » Quod relata censura PP. theolo­ aveugle », nous dit l’inquisiteur de Florence. Albert, gorum... Sanctissimus ordinauit. Von Gebler, Die Le opere, L x, p. 281. A cette nouvelle, Urbain VIII Aden, p. 48; ms. du procès, fol. 378. Il n’est pas dit n'hésita plus à lui accorder la permission de quitter expressément que la S. C. du Saint-Ofllce a adopté Arcetri pour la capitale de la Toscane. On lui rappela seulement qu’il restait sous l’obligation de ne recevoir ct ratifié le jugement des théologiens. Mais cela semble aucune personne suspecte et de « ne jamais traiter résulter du texte, puisque le Saint-Père n'est censé agir que conformément â leur censure, relata censura. du mouvement de la terre. » Von Gebler, Die Aden, Si les juges du Saint-Ofllce avaient fait quelque p. 179; ms. du procès, fol. 555. CL Alberi, Le opere, objection â la note des qualificateurs, si surtout Ils L x, p. 285, 287, 290. avaient entrepris de la modifier, il n’est pas vrai­ Cette défense ne l’empêcha pas de publier à Lcyde, en 1638, son livre : Dialoghi delle nuoue scienze, dédié semblable que le procès-verbal n'eût pas conservé trace de leur avis; la chose était de trop d'importance au comte de Noaillcs. Il continua de s'occuper de pour que le secrétaire eût oublié de la signaler ou l’eût questions mathématiques avec ses amis, le P. Castelli, volontairement passée sous silence. On peut donc Buonamicl, Viviani, Torricelli, etc. Mais scs jours étaient comptés. Le 8 janvier 1642, il s’éteignit, âgé considérer comme historiquement certain que le de soixante-dix-sept ans, dix mois ct vingt jours, Saint-Office a considéré en 1616 la note d’hérésie apres avoir reçu, sur son lit de mort, la bénédiction comme applicable à la doctrine copcrniciennc. du souverain pontife. La S. C. de l'index n'a pas agi différemment dans Son corps fut inhumé dans une chapelle attenant sa séance du 5 mars suivant. Elle ne s'est pas servi non plus du mot · hérétique » pour qualifier la théorie â la basilique de Santa Croce. Scs amis auraient voulu lui dresser un monument dans l’église même. de Copernic. Encore peut-on sc demander si les ter­ Urbain VIII s'y opposa, en disant : « Il ne serait mes : varias ha*rests atque errores, qu'on lit dans la pas d’un bon exemple que le grand-duc élevât un première partie de son décret, von Gcblcr, Die Aden, monument à un homme condamné par le Saintp. 30; ms. du procès, fol. 380, ne s'appliquent pas Office pour une opinion si fausse ct si erronée, qui a également à la seconde. En tout cas, ce qui est hors de séduit tant d’intelligences et causé à la chrétienté conteste, c'est que, dans cette seconde partie, les un grand scandale. > Alberi, Le opere, t. xv, p. 403membres de la Congrégation déclarent « la doctrine 405. Quatre-vingt-douze ans plus Lard, Borne Unit pythagoricienne (lisez la doctrine copcrniciennc) par sc relâcher de ses rigueurs. CL von Gebler, Die fausse ct tout à fait contraire à la sainte Écriture. » Aden, p. 184; ms. du procès, fol. 561. En 1734 (la Que faut-il de plus pour faire entendre que celte déclaration du Saint-Office est du 16 juin), les cendres doctrine est · hérétique > ? On comprend que le mot de Galilée furent transportées dans l'église Santa n'ait pas été prononcé par égard pour Galilée ct Croce ct déposées dans un tombeau élevé en son parce qu'on voulait alors sauver son honneur, comme honneur avec cette Inscription : le prouvent son entretien avec Paul V ct l’attestation que lui remit le cardinarBcllarmin. Mais l'on saisissez GALILEUS GAL1LEIS quelle était, dans la pensée des S. C. du Saint-Ofllce GEOMETRLE ASTRONOMIÆ PHILOSOPHISE et de l’index, la portée de la formule : Diuinæ Scri­ MAXIMUS RESTITUTOR ptura omnino adversantem: une doctrine «absolument tNULLI ÆTATIS SU/E COMPARANDUS contraire à l’Écriture » est une doctrine « hérétique », ct elle est formellement hérétique parce que ou dans VIL Portée dogmatique de la condamnation la mesure où die est en contradiction avec l’Écriture : de Galilée. — La condamnation, qui frappa Galilée /ormaliter hœreticam, quatenus contradicit sententiis en 1616 et en 1633, atteignait Λ la fois sa doctrine ct Scriptura. sa personne. Quelle sorte de flétrissure scs juges ontLe sentiment du Saint-Ofllce ct de l'index touchant ils attachée Λ la théorie dont il s’est fait le champion ? la doctrine copcrniciennc en 1616 est donc certain. L’ont-ils taxée d’hérésie ou l'ont-ils marquée d’une Tout ce qu’on peut dire pour atténuer la portée du note moins infamante ? Cela vaut la peine d’être décret du 5 mars, c'est que le mot « hérétique » ne s’y examiné. trouve pas. Et comme, en matière juridique, les Le texte du jugement des théologiens quailflcatcurs, sentences doivent être prises dans le sens le moins dans le procès de 1616, porte, nous l'avons dit, que odieux, odiosa sunt restringenda, les partisans du la premiere proposition Incriminée « est absurde en système copcmlcicn ne pouvaient être, même après philosophie ct formellement hérétique parce qu’elle le décret, poursuivis comme < hérétiques > devant contredit expressément les sentences de la sainte les tribunaux. Écriture, » /ormaliter hxreticam, quatenus contradicit. La note d’hérésie apparaît plus explicitement dans Remarquons le terme : quatenus; la proposition est la condamnation de 1633. En tête de la sentence, les hérétique, parce que ou en tant que elle est en contra­ juges de Galilée prennent soin de rappeler le juge­ diction avec l’Écriture : ce ne sont pas les mots : ment porté par les théologiens du Saint-Ofllce en contradicit sententiis Scriptura, qui forment la censure, 1616 : Che il sole sia centro del mondo ed immobile dt mais le mot turret icam; « être en contradiction avec moto locale e proposidone assurda e falsa in ftlosofia, e l’Écriture » est simplement le motif de la note « héré­ formalmente eretica per esscre expressamente contraria tique ». On pourrait même en conclure que toute alla sacra Scrittura. Cette citation textuelle montre proposition, par cela même qu’elle est contraire à l’importance que la Congrégation attachait nu senti­ l’Écriture, quatenus contradicit, est nécessairement ment des théologiens. Un mot seulement y a été • hérétique ». Aussi n'est-il guère vraisemblable que changé : per essere au lieu de quatenus : ct ce mot 1« juges du Saint-Ofllce, dans la séance du 25 fé­ renforce, s’il est possible, la corrélation que le tribunal vrier 1616, Paient entendu autrement. Nous ne possé­ veut établir entre une proposition · contraire à la dons malheureusement pas de compte rendu détaillé sainte Écriture » et la note d' « hérésie ». Il n'y a donc de cette séance. Les pièces du procès n’en fournissent pas Heu de s'étonner que les juges de 1633 n'alent qu’un procès-verbal assez bref : « Le cardinal Millln, pas Introduit expressément le terme · hérétique » 1077 GALILÉE dans le corps de leur sentence; ils font entendre assez clairement leur pensée quand ils déclarent que la doctrine copcrniciennc est « fausse ct entièrement contraire a la sainte Écriture.» falsa ed omninamenle contraria alla sacra e divina Scrittura. Ccttc pensée se précise encore dans les termes de la condamnation de Galilée ct dans la formule d’abju­ ration qui lui est imposée. Galilée fut condamné comme · véhémentement soupçonné d'hérésie, c’est-àdire d’avoir cru ct soutenu une doctrine fausse et contraire aux saintes ct divines Écritures, à savoir que le soleil est le centre de la terre ct qu’il ne se meut pas d’orient en occident, et que la terre se meut ct n'est pas le centre du monde, » d’avoir cru et tenu « qu'on peut soutenir ct défendre une opinion comme probable après qu'elle a été déclarée et définie contraire à la sainte Écriture. » Tous les mots portent : les voici textuellement : uehementemente sospetto d'eresia cioê d'auer credulo e tenuto doltrina /alsa e contra­ ria aile sacre e divine Scritlure, che il sole., etc. ;e che si passa tenere e di/endere per probabile una opinione dopo esser dichiarata e definita per contraria alla sacra Scrittura. En conséquence, le coupable fut contraint d’abjurer, de maudire ct de renier « les susdites erreurs ct hérésies, » li suddeitl errori ed eresie. Ainsi Galilée n’a pas été condamné comme hérétique, mais comme véhémentement soupçonné d'hérésie : non que la doctrine qu’il soutenait ne fût pas considérée comme une « hérésie », mais parce que la preuve n'était pas faite qu’il y eût adhéré Intérieurement; car dans tous scs interrogatoires ct même sous la menace de la torture, · il avait répondu catholiquement. · L’hérésie dont Galilée était soupçonné consiste évidemment dans cette opinion que · le soleil est le centre de la terre ct ne se meut pas d’orient en occident, » etc.; elle consiste aussi dans cette prétention que « l’on peut défendre ct soutenir comme probable une opinion après qu'elle a été déclarée ct définie contraire à la sainte Écriture. » Ce sont ces · erreurs ct hérésies » que Galilée fut contraint d'abjurer· Quand le P. Grisar dit que les mots : li suddetti errori ed eresie sont une formule banale ct sans signification précise, empruntée par les juges de 1633 au Sacro arsenate qui formait le Directorium des inquisiteurs, op. cil., p. 243, il tente en vain d’énerver la force que le Saint-Office entendait donner à sa sentence et à la formule d’abjuration qui l'accompagne. Tous les documents que nous venons de passer en revue sont donc dans un parfait accord ct sc com­ plètent mutuellement Les uns ct les autres attestent que la doctrine copcrniciennc doit être qualifiée d’· hérésie », parce qu’elle · est contraire à l’Écriture. » Et ces documents ayant un caractère officiel sont des sources historiques de premier ordre. La question peut dès lors être considérée comme tranchée. On nous objecte d’autres documents. Bcllarmin, nous dit-on, qui fut l’un des juges les plus autorisés du système copcrnicicn, n’a-t-il pas déclaré dans sa lettre à Foscarini · que, s’il y avait une vraie démons­ tration prouvant que le soleil est au centre du monde et la terre dans le troisième ciel, que le soleil ne tourne pas autour de la terre, mais la terre autour du soleil, alors il faudrait apporter beaucoup de circonspection dans l’explication des passages de l’Écriture qui paraissent contraires ct dire que nous ne les enten­ dons pas, plutôt que de déclarer faux ce qui est dé­ montré. » Lettre à Foscarini (12 avril 1615), dans Bcrti, Copernico e le vicende del sistema copcrnicano, Rome, 1876, p. 121 sq. Le savant cardinal ne témoigne-t-il pas ainsi qu’à scs yeux la démonstration de la théorie copcrniciennc n'était pas impossible, ct que par conséquent la note d hérésie ne pouvait, sans témérité, llll être appliquée? 1078 A cela nous répondrons: 1° dans l'esprit du cardinal, comme nous l’avons déjà remarqué, l'hypothèse qu'il indique est chose purement chimérique, bien qu'il la présente sous forme de doute ; 2® à supposer qu'il eût conservé réellement quelque doute sur la question en 1615 (15 avril), date de sa lettre, sa con­ viction était au moins fixée en 1616. I>e 4 mars de ccttc année, l’ambassadeur Pierre Guicciardini annon­ çait au grand-duc de Toscane que le pape Paul V et Bcllarmin affirmaient que l’opinion de Galilée était « erronée et hérétique, » et qu’ils tiendraient une congrégation pour la déclarer telle: Free Sua Santita chi amare a se Dcllarmino, e discorso sopra questo /atla fermarono che questa opinione del Galileo lusse erronea ed erelica ; e per 1'altro sento fecero una Congrega­ tione sopra questo lallo per dichiarla tale. Alberi, Le opere di Galileo Galilei, L vi, p. 227-223. Cette révé­ lation ne jetlc-t-ellc pas une lumière nouvelle sur le sens du décret du 5 mars 1616 ? On nous objecte encore que, huit ans après ce décret, le pape Urbain VIH, dans une conversation avec le cardinal Hohcnzollcrn, affirmait que l’Église n'avait pas condamné la doctrine copemicicnne comme hérétique, mais seulement comme téméraire, et que du reste il n’y avait pas à craindre que personne fût jamais capable de la démontrer nécessairement vraie. Lettre de Galilée à Ccsi, 8 juin 1624, dans Alberi, Le opere, L vi, p. 296; Favaro, Le opere, L xin, p. 182. Le rôle d'Urbain VIII dans l'affaire de Galilée est assez complexe. Nul doute qu'à l’origine le cardinal Barbcrinl ait professé pour le savant florentin une vive admiration. N'allait-il pas jusqu’à lui dédier en 1620 une ode latine en dix-neuf strophes, dans laquelle étaient célébrées scs découvertes astrono­ miques? Cf. Pieraiisi, Urbano VIII e Galileo Galilei, Rome, 1875, p. 22. Lorsque parut le traité des Taches solaires qui était nettement favorable au système de Copernic, le futur pape y trouva · des choses neuves, curieuses, établies sur de solides fondements. » Favaro, Le opere, t. viit, p. 208. En 1623, à peine élevé sur le trône pontifical, Urbain VIII accepte la dédicace du Saggiatore. Sa sympathie pour Galilée ct scs théories scientifiques ont pu donner l'impression qu’il était partisan de la doctrine copcrniciennc. Cf. Aubanel, Galilée et l Église, Avignon, 1910, p. 88. Dans une conversation qu’il eut avec Campanella, il dit nettement, en parlant du décret de 1616 : « Si cette affaire nous eût regardé, ce décret n’aurait jamais été rendu. · Alberi, Le opere, t. ix, p. 176. Mais Urbain VIII demeura-t-il fidèle à ces senti­ ments ? La suite des événements montre combien sa déclaration, pour sincère qu’on la tienne, était aven­ tureuse. Ce fut, en effet, Urbain VIII qui engagea le procès de Galilée devant le Saint-Office en 1633; ce fut lui qui ordonna de menacer l’accusé de la torture, afin de hii faire avouer qu’il avait soutenu intention­ nellement dans son Dialogo une doctrine hérétique, la doctrine copcrniciennc; ce fut d'après ses ordres que le Saint-Ofllce condamna Galilée à désavouer cette doctrine, à l’abjurer, à la maudire. Sanctissimus decrevit, etc. Séance du Saint-Office, du 16 juin 1633; von Gebler, Die Acten, p. 112; ms. du procès, fol. 451. On voit par là ce que valait la parole qu'il avait donnée de ne jamais rendre un décret pareil à celui de 1616. 1) ne faudrait donc pas faire trop de fond sur les entretiens qu'il eut avec le cardinal Hohenzollern ct avec Campanella; le langage qu’il tint en ces clrconstances sc trouve démenti plus tard par scs propres actes. Pour résumer cette discussion, disons donc : 1® que • contraire à la sainte Écriture · n’a jamais été une censure ecclésiastique et ne saurait l'être davantage 1079 GALILÉE dans le procès de Galilée: 2° que la note « téméraire · appliquée A la doctrine copcrnlclenne est une inven­ tion des critiques» que n’appuie aucun document officiel; 3· que le seul terme employé par les juges de 1616 et de 1633 pour censurer celte doctrine est le mot · hérésie » ou · hérétique ·. Je m’empresse d’ajouter que la note d’hérésie ne sc trouve que dans les considérants du décret de 1616 et de la sentence de 1633. Gctte remarque, nous allons le voir, a une extrême importance au point de vue théologique. On s’est, en cfTct, armé de la condamnation de Galilée pour en faire une objection contre l’infaillibilité de l’Église catholique. L’Église, dit-on, enseigne comme un dogme qu’elle est Infaillible en matière de croyances religieuses; or, dans le procès de Galilée, elle s'est gravement trompée en matière de croyances reli­ gieuses; donc le dogme de l’infaillibilité de l’Église est historiquement inadmissible. Nous ne contesterons pas la majeure de cet argu­ ment. Un mineure est plus complexe et sujette A d’importantes distinctions; elle suppose : 1° que l’opinion de Galilée affirmant le mouvement de la terre est vraie ; 2° que cette opinion appartient au domaine des croyances religieuses; 3° que l’Église a formulé contre elle une sentence au moins indirec­ tement dogmatique; 4° enfin que cette sentence est de celles auxquelles est attaché le privilège de l’infail­ libilité. Cf. Jaugey, Le procès de Galilée et la théologie, p 67. Les trois premières suppositions peuvent être admises sans difficulté; quant A la quatrième, nous en nions la justesse et du même coup nous écartons la conclusion de l’argument. Ln théorie du mouvement de la terre autour du soleil est aujourd'hui considérée comme moralement certaine. A coup sûr, Galilée est loin d'en avoir fourni les preuves démonstratives. Cf., sur ce point. Müller, Galileo Galilei, c. xxxi, p. 402-414. Il s’est même trouvé, jusqu’au xix· siècle, des auteurs graves qui ont refusé d’y croire. Tout récemment encore, on a fait grand bruit d’une page où Henri Poincaré déclarait que celte théorie, telle qu’on l’enseigne dans les écoles, ne repose que sur une hypothèse qui n’exclut pas la possibilité mathématique d’une hypothèse contraire. Ccs observations sont justes. Mais en astronomie la preuve absolue est impossible A administrer. Cela n’cmpèchc pas que l’opinion de Copernic soit arrivée depuis longtemps A un degré de probabilité qui touche A la certitude, j’entends la certitude morale. «L’Églisel’a estimée assez bien démontrée pour revenir sur les décisions qu’elle avait formulées contre elle et pour autoriser l’explication des textes de l’Écriturc en un sens contraire A l’interprétation moralement unanime des Pères et des anciens commentateurs. Nous tenons donc cette opinion pour vraie. » Jaugey, Le procès de Galilée et la théologie, p. 68. Qu’elle appartienne nu domaine des croyances reli­ gieuses, non pas en sol, mais par certaines attaches, c'est ce qui nous semble pareillement incontestable. Les Juges de Galilée ne l’envisagèrent guère que dans scs rapports avec les textes de l’Écriturc sainte. Aussi le décret de 1616 marque-t-il le caractère reli­ gieux de la sentence qu’il porte; son but est de conjurer le péril que la nouvelle opinion (ait courir A la vérité catholique : Idea ne aliénas hujusmodi opinio in pernicirm catholicer veritatis serpat. Von Gcblcr, Die Aden, p. 50; ms. du procès, fol. 280. La sentence de 1633 répète la même déclaration : El acciochè si togliew allaita cost ptrnlclosa dottrina e non andasse più utire srrpcndo in grave prcgiudiiio délia cattulica venta Grisaf. Op. < U , p. 133, t< avaro, Galileo e l'inqulsUi^ne, p 13-33, Vacandard, op. cit., p. 390. Peut-on dire, après cela, que cc soit vraiment e KD l’Église qui ait condamné l’opinion copcrnlclenne 7 Certains apologistes, de grande science aussi bien que de grande foi, tels que Henri de l’Épinob, ont rejeté lu faute sur les S. C. du Saint-Office el del’Index, faisant remarquer que cc n’était IA que des tribunaux de second ordre, qui n’avaient pu engager ni par conséquent compromettre l’autorité de l’Église. Nous ne saurions accepter une telle interprétation. D’après ce que nous avons dit plus haut, c’est bien au nom du pape qui est le préfet du Saint-Office, c’est-à-dire au nom du chef de l’Église enseignante, que les Juge­ ments de 1616 et de 1633 ont été |>orlés. « Le pape, remarque justement l’abbé Jaugey, exerce son pouvoir tantôt immédiatement, par luimôme, tantôt médintement par l’intermédiaire des Congrégations romaines auxquelles il délègue une partie de sa suprême autorité. Mais, dans l’un cl l’autre cas, les décrets rendus tirent leur origine el leur force du pouvoir pontifical. Les Congrégations romaines ne forment avec le pape qu’un seul el même tribunal, comme le vicaire général avec son évêque : clics sont des organes dont le pape sc sert pour gou­ verner et enseigner. Si cela est vrai lorsque les Con­ grégations romaines rendent leurs décisions en vertu des pouvoirs généraux qu’elles tiennent du souverain pontife, cela est plus incontestable encore lorsque le pape Intervient personnellement dans les décisions, soit en présidant lui-même la séance et en rendant le décret dans le sein de la Congrégation, soit en l’approuvant hors de la séance et en ordonnant qu’il soit mis A exécution. Or c'est cc qui est arrivé pour la doctrine du mouvement de la terre et de l'immobilité du soleil. Les preuves abondent. » Jaugey, op. cit., p. 55. Le P. Grisar partage cc sentiment, op. cil., p. 360. Les registres du Saint-Office marquent, en effet, le 25 février 1616, que cc fut le souverain pontife qui enjoignit au cardinal Bcllarmin de mander Galilée pour lui faire abandonner l’opinion copcrnlclenne censurée comme hérétique par les théologiens consul· teurs. Relata censura... Sanctissimus ordinavit, etc. Von Geblcr, Die Acten, p. 48; rns. du procès, fol. 278. C’est encore le pape Paul V qui présida, le 3 mars, la séance de la S. C. et qui, après le rapport sur le décret de condamnation de l’index prohibant et suspendant les écrits de Copernic, « ordonna nu maître du sacré palais d· publier cc décret, » Sanctissimus ordinavit publicari edictum. Ghcrardl, Il processo di Galileo riveduto sopre documenti de nuova fonte, p. 29. Lc certificat remis A Galilée, le 26 mal suivant, par le cardinal Bcllarmin, atteste également l'intervention du souverain pontife dans la condamnation du système copcrnlclen : « On lui n seulement notifié (A Galilée) lu déclaration faite par Sa Sainteté cl publiée par la Congrégation de l’index, dans laquelle il est dit que la doctrine attribuée A Copernic est contraire aux saintes Écritures et par conséquent ne peut être défendue ni soutenue, » etc. Von Gcblcr, Die Acten, p. 87; ms. du procès, fol. 423. Dans la lettre d’envoi du décret aux nonces et aux inquisiteurs, il est dll : • La S. C. de Γ Index a. sur l’ordre même de Sa Sainteté, condamné quelques livres que l’on considérait comme très dangereux cl porté IA-dessus le décret cl-jolnL » Wolynskl, Fr.deNoailtrs et Galilee, dans Rtvisla europea, 1877, L i, p. 24. En 1633, les mêmes scènes sc pro­ duisent; c’est le pape Urbain VIH qui ordonne au Saint-Office · d’interroger Galilée sur son intention; » c’est-à-dire sur l’assentiment qu’il a pu donner A la doctrine copernlricnnc considérée comme hérétique. Von Gcblcr. Die Acten, p. 112; ms. du procès, fol. 45t. C’est encore le souverain pontife qui lui fait interdire « de traiter jamais, de quelque manière que ce fût, la théorie du mouvement de la terre, sous peine d’être 1081 GALILÉE condamné comme relaps, » tbld.', c'est Urbain VIII enfin qui donne l'ordre de prohiber l'ouvrage de Galilée Intitulé : Dialogo et d'envoyer des exemplaires de la sentence à tous les nonces apostoliques et à tous les inquisiteurs de l’hérésie. Ibid. Que faut-il de plus pour prouver que la condamnation de Galilée et la censure officielle de la théorie copcrnlclenne en 161G et en 1633 sont des actes de l’autorité papale? Le SalntOlllce et l’index n'ont agi que sur les ordres du pape : ils n’ont été aux mains de Paul V et d'Urbain VII I que des instruments : Paul V et Urbain VIII sont donc historiquement responsables de la condamnation de Galilée. Cf. Grlsar, loc. cit. Est-ce à dire pour cela que le dogme de rinfailllbilité de l'Église soit compromis par leur errement ? L’in­ faillibilité de l’Église n’a pas été engagée dans l’aflaire de Galilée. Le décret de 1616 cl la sentence de 1633 n'oflrcnt pas le caractère de propositions infaillibles. On sait comment le privilège de l'infaillibilité a été conditionné par le concile du Vatican. Il s’en faut que tous les actes, même doctrinaux, des papes jouissent de ce privilège. Le souverain pontife n’est infaillible que < lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, en vertu de sa suprême autorité apostolique, il définit qu’une doctrine touchant la foi ou les mœurs doit être crue pnr l’Église universelle. · Constit. Pastor artemus. Or il est visible que ni Paul V, ni Urbain VIII, tout en usant de leur suprême autorité dans la condamnation de la doctrine copernlcicnne, n’ont dressé à cc sujet une formule dogma­ tique que l’Église universelle dût accepter comme article de fol. Le décret de 1616 renferme tout ensemble une dé­ cision disciplinaire et une décision doctrinale. Mais, comme l’a fait justement observer le P. Grisar, · il est principalement disciplinaire, ce n’est qu'en seconde ligne qu’il présente un caractère doctrinal. » Op. cit., p. 3G0. Que fait, en eflet, la S. C. de l’index au nom du pape ? Elle prohibe, condamne et suspend les livres qui enseignent le mouvement de la terre : Ccnsuit... aliosque omnes libros pariter idem docentes prohibendos prout presenti decreto omnes respect ive prohibet, damnat atque suspendit. Von Gcblcr, Die Acten, p. 50; ms. du procès, fol. 380. Voilà l’objet propre et final du décret. Les termes dont le légis­ lateur sc sert ne constituent pas une formule dog­ matique; ils ne définissent pas que telle proposition « doit être crue par l’Église universelle, » par consé­ quent ils ne forment pas un article de foi; ils mar­ quent seulement que tels livres sont condamnables et condamnés, prohibés, suspendus. Mais, direz-vous, qu'est-ce qui motive la prohibition, la condamnation ? C’est la doctrine. Soit I Mais cc n’est là qu'un consi­ dérant : Quta ad notiltam prir/ata: Sacrte Congre­ gationis pervenit /alsam illam doctrinam pythagorlcam dlvimrque Scriptura omnino adversantem de mobilitate terra et immobilitate solis jam divulgari a multisque recipi... Ideo ne ulterius hujusmodi opinio in perniciem catholica veritatis serpat, censuit, etc. Von Gcblcr, ibid. Les mots : quia, ideo, ne laissent pas de doute sur la pensée des juges de ICI G; c’est la fausseté de la doctrine copcrnlclenne qui les détermine à porter leur décret; ils n'aglsscnt qu’en considération des dangers qu’elle fait courir à la fol catholique. Mais cette considération doctrinale ne change pas la nature de leur décret. En thèse générale, les considérants ne font pas partie intégrante des décrets qu’lis accom­ pagnent, · ils ne sont pas l’objet sur lequel tombe l'obligation imposée : voilà pourquoi les théologiens enseignent que, même dans une décision doctrinale Infaillible, Ils peuvent être erronés. Λ Ph» ίο/^’ ™hon doit-on leur refuser le privilège de 1 Infaillibilité, 1082 lorsqu'ils précèdent un décret disciplinaire qui» de sa nature, n'est ni infaillible ni Irréformablc. · Jaugey, Le procès de Galilée et la théologie, p. 73. Et tel est le cas du décret de 1616. La sentence de 1633 n'a pas un autre caractère. Doctrinale dans les motifs, elle est disciplinaire dans sa fin ; son objet propre est la condamnation et l'abju­ ra lion d’un homme. Sans doute le motif de cette condamnation est la doctrine qu’il a professée, doctrine censée hérétique. Mais un pareil considérant ne peut constituer par lui-même un article de fol : il n’y a pas là une définition ex cathedra que le pape ait entendu Imposer à l’Église universelle, II vrai que le pape ordonna de communiquer la condamnation de Galilée et la censure qui frappait son livre, à tous les nonces et à tous les inquisiteurs. Von Gcbler, Dte Acten, p. 112; ms. du procès, fol. 451. Mais ccttc mesure n’a pas le caractère d’une définition doctrinale imposée comme article de fol à toute l'Église. Aussi bien, la forme du décret de 1616 et de la sentence de 1633 n'est pas en rapport avec une défi­ nition de cette sorte. Dans une définition ex cathedra, c'est le pape qui parle en personne; Il peut prendre avis des Congrégations, mais leur jugement n'a alors d’autre portée que celle d'une simple consultation; la sentence proprement dite est son œuvre à lui. Or dans les procès de 1616 et de 1633 on suit une tout autre marche : le pape ordonne, mais les Congrégations agissent; ce sont elles qui prononcent le jugement; cc sont elles qui sont juridiquement responsables. Si l'infaillibilité est une prérogative incommunicable, il est manifeste que leur décision ne saurait être infaillible. Tous les théologiens sont d'accord là-dessus. Cf. Vacandard, op. cit., p. 359, note ; Garzcnd, L'Inquisi­ tion et l'hérésie, Paris, 1913, p. 479. Quoi que l’on puisse donc penser de la sentence qui a frappé Galilée et la doctrine copemicicnne, el bien qu'il faille, à certains égards, en faire remonter la res­ ponsabilité jusqu'aux papes Paul V et Urbain VIII eux-mêmes, il n’y a pas lieu d’en tirer une objection sérieuse contre le dogme de rinfailllbilité pontificale. VIII. Portée morale db la condamnation de Galilée. — On peut sc demander quelle était la portée des décrets de 1616 et de 1633 et dans quelle mesure Galilée ou même les catholiques en général étaient obligés de s’y soumettre. A première vue, le cas de Galilée parait assez simple. Si l’on s'en rapporte aux documents officiels, il n’aurait pas eu à vaincre les répugnances de sa raison pour s’incliner devant l'autorité ecclésiastique qui le contraignait d'abandonner la théorie coperni­ cicnne. Il ne faut pas ou* lier que les preuves qu’il donnait du mouvement de la terre autour du soleil étaient assez faibles, c* que lui-même put, à cer­ taines heures, douter sincèrement de leur valeur démonstrative. Livré à son propre génie. Il no les aurait sûrement jamais abandonnées, quitte à les fortifier par des découvertes nouvelles. Mais le respect qu’il témoignait à l'autorité ecclésiastique, devenue son arbitre, le fil changer d'attitude. Comme scs convictions scien­ tifiques n'étaient pas fermement arrêtées, il les sacrifia résolument à ce qu’on lui présentait comme une vérité dogmatique, persuadé qu’il mettrait ainsi sa raison d’accord avec sa foi. On sc rappelle quelles étaient ses dispositions à la veille du procès de 1616 : < Je m’arracherais l'œil, écrivait-il à Mgr Dinl, plutôt que de résister à mes supérieurs en soutenant contre eux, au préjudice do mon âme, cc qui me parait certain aujourd'hui comme si Je le touchais de la main. » E pol prendas/ queUa resoluzione che placera a Dio, ch' io per me son tanto bene edificato c disposto che prima contrat· nlre a miel GALILÉE supertort, quando non potast far altro,eche quello cheora mi par dl credere e toccar con mano m’avesse ad esser di preguidi:io al anima, eruerem oculum ne me scanda· lt:ard... Lettre du 16 février 1614, dans Favaro, Le opere, L xn, p. 23. Ces sentiments de docilité envers le pape et les Congrégations romaines ne se démentirent pas dans la suite. Après la publication du décret de l’index (5 mars 1616), il écrivait tranquillement : « L’issue de celte affaire a montré que mon opinion n’a pas été acceptée par l’Église. » Alberi, Le opere, t. vi, p. 231. Rien qui indique que sa raison ait éprouvé la moindre tentation de révolte. Faut-il relever son attitude cn présence des cardi­ naux du Saint-Office dans la séance du 21 juin 1633, où il fut sommé de révéler sa pensée la plus intime sur la valeur de la théorie copcrnlclennc? « Avant la déci­ sion de la S. C. de l’index, réf ondit-il, ct avant qu’on ne m’intimât des ordres â cc sujet, j’étais indifférent et j’estimais que les opinions de Ptolémée et de Copernic étaient toutes deux soutenables, que l’une aussi bien que l’autre pouvait être vraie dans la nature. Mais après celte décision, convaincu de la prudence de mes supérieurs, toute ambiguïté cessa dans mon esprit, et j’ai tenu ct je tiens encore pour très vraie et indubitable l’opinion de Ptolémée sur la stabilité de la terre ct la mobilité du soleil. · Von Geblcr, Die Aden, p. 112-113; ms. du procès, fol. 452. .Malgré la menace de la torture, on ne put obtenir d’autre expression de ses sentiments. Au reste, dans une précédente séance, il s’était engagé à démontrer, si on lui en accordait le loisir, le peu de valeur du système copcrniclcn. Von Gcbler, Die Aden, p» 85; ms. du procès, fol 420-421 (séance du 30 avril 1633). Un abandon si éclatant de sa thèse semble prouver qu’il n'y attachait plus, à la fin, qu’une médiocre importance. Et s’il est permis de voir dans cette volteface quelque défaillance de sa volonté, causée par l’effroi du châtiment prévu, il n’est pas moins évident qu'une conviction ferme et rationnelle manquait à son Intelligence lorsque vint pour elle l’heure de l’épreuve. Galilée s’est défié de Copernic; il s’est défié de sa propre raison; ct l’Église n'eut pas besoin de violenter sa conscience pour lui faire abandonner l'opinion qu’il avait d’abord embrassée avec tant d’enthousiasme. Telle est l’impression que donnent les documents. Répond-elle absolument a la réalité ? On a raconté qu’après avoir signé son abjuration, et à peine debout, Galilée avait frappé du pied la terre en disant : E pur si muore ! · Et pourtant elle tourne ! » L’invraisemblance d’une telle exclamation saute aux yeux. Pendant tout le cours de son procès, Galilée affirme qu’il a abandonné, dans son for Intérieur, la foi en la doctrine copcmicicnne. Aussi ne fut-il pas condamné pour avoir soutenu ccttc doctrine, erreur ou hérésie aux yeux de scs juges, mais pour être oéhimentement soupçonné d’y avoir cru malgré ses dénégations formelles et répétées. Et l’on voudrait qu'au moment où il venait de sc soumettre à l'humi­ liante cérémonie de l’abjuration, il eût fait sponta­ nément et avec éclat acte de parjure ct de relaps, s'attirant ainsi, par manière de foudroyante réplique, les châtiments les plus redoutables ! Et scs juges n'auraient pas relevé ccttc provocation Et le pape l'aurait ignorée, ou, la connaissant, aurait poussé la miséricorde jusqu'à gracier aussitôt, du moins cn partie, le coupable l permututa da sua Heat il. in una relegaxione al giardino delta Trinita de Monte. Dépêche de Nlccolini, Alberi. Le opere, t. ix, p. 445. Tant d'invraisemblances réunies constituent une véritable impossibilité historique. On ne s’étonnera donc pas que les contemporains de Galilée n’aient pas eu con­ 1084 naissance du fameux mot qu'on lui attribue. La fabrication cn est relativement récente. 11 n'en est pas fait mention avant l’année 1761. lui plus ancienne allusion sc trouve dans les Querelles littéraires de l’abbé Irallh, 1761, L ni, p. 49. Cf. Gilbert, Le procès de Galilée, dans La controverse, 1880, p. 102. Mais si Galilée fut sincère, le 22 juin 1633, dans le solennel désaveu qu’il fit de scs ouvrages, il n’en faudrait pas conclure qu'il garda toute sa vie une sérénité parfaite au souvenir de sa condamnation. 11 ne serait guère vraisemblable que son esprit n’eût pas fait quelque retour offensif dans le domaine d’idées qui lui était interdit. Son ami Piccolomini, archevêque de Sienne, l'entretint, dit-on, dans l’espoir que scs théories finiraient par prévaloir. Lettre du 24 jan­ vier 1634, dans von Gcbler, Die Aden, p. 172; ms. du procès, fol. 547. De telles suggestions étaient de nature à provoquer chez lui des sentiments de révolte contre ceux qui avaient causé ses malheurs. On ne s'étonnera donc pas que ccs sentiments aient quelquefois fait explosion, au moins dans le secret. Certaines feuilles volantes, récemment retrouvées, cn ont conservé l’écho, encore tout vibrant. Ce sont de simples notes, jetées sur le papier au courant de la plume. On les trouve attachées à la feuille de garde du codex, ms. 352, appartenant à la bibliothèque du séminaire de Padoue. Voici la traduction de la plus importante : A propos des nouveautés Introduites. Et qui doute que ccttc nouveauté, de vouloir que des intelligences créées libres par Dieu sc fassent esclaves de la volonté d'autrui, ne soit pus de nature à engendrer de très graves scandales ? Vouloir que les autres renient leurs propres sentiments ct s’en remettent A l’arbitre d’autrui; Admettre que des personnes absolument Ignorantes d'une science ou d'un art soient appelées A être les juges de ceux qui savent, et nient le pouvoir de les tourner A leur mode en vertu de l'nutorité qui leur est concédée; VoilA les nouveautés qui sont capables de ruiner les républiques et de renverser les États. Et s'adressant directement aux théologiens, il ajoute : Les doctrines nouvelles qui portent préjudice, ce sont les vôtres, cc sont ccs doctrines par lesquelles vous contrai­ gnez l'intelligence et les sens A ne pas entendre ct A ne pas voir... C'est vous qui occasionnez l’hérésie, lorsque, sam raison aucune, vous voulez que le sens des Écritures soit celui qui vous plaît, et que les savants nient leurs propres sentiments et les démonstrations qui les convainquent. C'est vous qui êtes les auteurs de nouveautés, ct de nouveautés qui peuvent causer de grandes ruines dam la religion. Domenico Bertl, Copernicn e le uleende del sistenia copcrnicano in Italia nella seconda meta del sccolo XV/ e ne lia prima del secolo XVII, Rome, 1876, p. 148-149. Ces notes, d'après certains indices, ont été écrites dans les années qui suivirent la condamnation de Galilée. Le P. Grisar, op. cit., p. 120, ne fait pas diffi­ culté de le reconnaître. De telles protestations font voir que, malgré sa docilité, Galilée n’avait pas perdu toute fol dans son génie ct dans scs découvertes. Est-ce A dire que sa soumission extérieure aux décrets de l’autorité ecclé­ siastique fût une feintise ? 11 semble que l’hypocrisie répugnait trop A sa loyale nature pour qu’on lui impute A la légère un si bas sentiment. On peut concilier scs déclarations publiques cl ses épanche­ ments secrets, cn considérant les uns ct les autres comme des témoignages successifs d’une même ct profonde sincérité ? Qu'au cours des neuf années qui suivirent sa déclaration, Il ait ressenti A plusieurs i reprises, dans le fond de son cœur, comme des accès de révolte, ct que lors de ccs soubresauts passagers, il I ait confié A un papier muet l’irritation de sa pensée. 1085 GALILÉE 1086 llcnncs, les nonces de Vienne, de Bruxelles, de Madrid il n’y a rien là que de très naturel ct de très humain. et de France accusèrent réception de la communica­ Mois on aurait tort d’en conclure que de telles explo­ tion qui leur était adressée. Cette correspondance se sions, apparemment assez rares, aient troublé la lit dans le ms. du procès, foL 456-544; von Gcbler, sérénité habituelle de son esprit ct lui aient fait désa­ Die Aden, p. 116-171. vouer ou simplement regretter son abjuration. Il s'agissait d’imposer Λ tous les esprits, comme Aussi bien, scs récriminations ont moins pour objet obligatoire cn conscience, la réprobation de la doctrine de réhabiliter cn particulier la théorie copemlcicnnc copcmicicnne. Dans quelle mesure cette obligation que d’affirmer cn général la légitimité des méthodes allait-elle être acceptée ? purement scientifiques et, par conséquent, la légiti­ Tous les membres de l'Égllse avalent à résoudre le mité d’une science de la nature, indépendante de même problème moral que Galilée, ils le résolurent l’Écriture sainte. A cct égard, son langage était sûre­ différemment selon les lumières particulières de leur ment hardi, il dépassait même, si l’on veut, la mesure. raison et de leur foi, Mais, qu’elle qu’en fût la vivacité, on ne saurait dire Les uns n'éprouvèrent aucune difficulté à se sou­ qu’il entamât, au fond, la sincérité de sa soumission mettre : ils étaient convaincus d’avance que Rome au décret de l’index ct à la sentence du Saint-Office. avait raison. Tel cc directeur du collège de Douai, qui D’ailleurs, on peut sc demander quelle sorte de écrivait au nonce de Bruxelles, le 7 septembre 1633 : soumission l’Église exigeait de son esprit. Le pape « J'ai saisi la première occasion qui s'est offerte pour et les Congrégations qui représentent son autorité notifier la sentence des S. Q au chancelier ct à nos avaient parlé, ct leur décision était une sentence autres professeurs. Bien loin d’admettre l’opinion doctrinale devant laquelle la raison devait s’incliner. extravagante (phanaticæ opinioni) de Copernic ct de Mais celte sentence, nous l’avons vu, n’était pas Galilée, ils ont toujours pensé qu’il fallait la chasser infaillible, ni par conséquent Irréfonnablc : tout des écoles cl la siffler. Dans notre collège anglais de danger d’erreur n’en était pas exclu : l’adhésion qu’on Douai, jamais ce paradoxe n’a été approuvé, jamais était tenu de lui accorder n’avait donc pas un caractère il ne le sera; nous l’avons toujours eu ct nous l'aurons absolu. Voici comment un critique moderne explique toujours en horreur. > Von Gcbler, Die Acten, p. 170cc cas de conscience : · L’autorité ecclésiastique, dit 171; ms. du procès, fol. 544. Jaugcy, Le procès de Galilée et la théologie, p. 118, ne Ces sentiments étaient ceux de la grande majorité peut raisonnablement exiger que les fidèles tiennent des professeurs ct théologiens du temps. Parmi les pour tout à fait certain ce qui ne l’est pas, et écartent savants mieux initiés ù la science de la nature, quel­ absolument de leur esprit la pensée que peut-être ils sc ques-uns. qui paraissaient disposés à suivre Galilée trompent cn donnant l’adhésion qui leur est demandée. dans la voie de scs recherches, battirent cn retraite Aussi l’adhésion exigée par l’Église, dans le cas d’une par respect pour l’autorité de l’Église romaine. De cc sentence doctrinale provisoire, n’est-elle pas une nombre était Gassend ou Gassendi, le célèbre ami du adhésion absolue, comme celle qui est requise pour les savant florentin. Voici en quels termes il révèle son décisions Infaillibles ct qui exclut toute crainte d’erreur état d’Amc : · Je respecte la décision par laquelle quel­ possible : c’cst une adhésion provisoire, compatible ques cardinaux ont, d’après ce que l’on rapporte, avec la pensée que peut-être ce que l’on admet sera approuvé l’opinion de l’immobilité de la terre. En un jour reconnu Inexact. La soumission intellectuelle effet, quoique les copemiciens soutiennent que les requise sc trouve ainsi proportionnée au motif sur passages de l’Écriture qui attribuent l'immobilité lequel elle s’appuie : cc motif étant une déclaration de ou le repos à la terre cl le mouvement au soleil doivent l'autorité ecclésiastique sujette ù rescission, l’assen­ être entendus des apparences ct comme un langage timent de l’intelligence ne peut être absolu. L’intelli­ accommodé aux idées ct à la manière de parler du gence sc soumet, sous l’empire de la volonté, en s’ap­ vulgaire..., cependant, comme ccs passages sont puyant sur la confiance que méritent les décisions, entendus autrement par des hommes qui ont tant même provisoires, du Saint-Siège; cette confiance, d’autorité dans l’Église, je me sépare cn cela des à son tour, est fondée sur la sagesse habituelle des copcnüciens, et je ne rougis pas, en cette affaire, de papes, sur les grûccs ordinaires que Dieu leur accorde captiver mon intelligence. Je n’estime pas néan­ pour bien diriger l’Église, sur la science ct la vertu des moins que cc soit un article de foi; je ne sache pas. en membres des Congrégations qui leur servent de effet, que les cardinaux l’aient ainsi déclaré, ni que conseillers et d’organes, ('.’est cn cc sens que Galilée, leur décret ait été promulgué ct reçu dans toute dans son Interrogatoire du 21 juin 1633, dit qu’après l’Église; mais leur décision doit être considérée comme In décision de 1616 il a quitté le système de Copernic, un préjugé qui est nécessairement d’un très grand • cn s’appuyant sur la sagesse de scs supérieurs. » poids dans l’esprit des fidèles. > De motu impresso a Von Gcbler, Die Aden, p. 113; ms. du procès, fol. 152. motore translato tres epistolft, L 111, p. 471. Que celte confiance, qui Inspira la conduite de Galilée La soumission de Gassendi était un acte d’obéis­ nu cours de son procès, l’ait animé pendant le reste de sance religieuse fon dé sur la confiance que lui Inspi­ sa vie sans subir la moindre éclipse, cela est en soi rait la sagesse, pourtant faillible, des S. C. de ΓIndex fort douteux, et la note secrète que nous avons citée et du Saint-Office. Nombre d’autres l'imitèrent. Ci­ témoigne du contraire. Nécessairement, aux heures ne fut cependant qu'une exception. La plupart esti­ de doute ou de colère, la docilité de son esprit fut loin mèrent que le Saint-Office s'était prononcé trop vite d’être entière. Mais quand la confiance reprenait le dans une question où l'avenir de la science était dessus, sa raison sc conforma sans doute de nouveau engagé. Bien que la preuve définitive, absolue du aux décisions du tribunal qui l’avait condamné. Et mouvement de la terre nutour du soleil ne fût pas l’on peut concevoir de celte sorte que son génie soit encore trouvée — le sera-1-elle jamais ? — il leur demeuré, jusqu'à la fin. sincère avec lui-même. semblait que la démonstration de Copernic, fortifiée La sentence doctrinale du Salnt-Omce, par-dessus par les arguments de Galilée ou par d'autres de même la tête de Galilée, regardait et atteignait Indirecte­ genre, suffisait Λ convaincre les esprits non prévenus, ment toute l'Égllse. Le pape avait ordonné qu’elle ct qu'en dépit des lacunes de la théorie, le fait ù fût transmise non seulement Λ 1 inquisiteur de lloprouver était désormais hors de doute. rcncc, mais ή tous les inquisiteurs et Λ tous les nonces Telle parait avoir été, notamment, la pensée de de la chrétienté, afin qu’elle sortit partout son effet. Descartes. Œuvres de Descartes, édit. Charles Adam Von Gcbler. Die Aden, p. 114; ms. du proci», fol. 453. L'ordre fut exécuté. Les inquisiteurs des villes itact Paul Tannery, Paris, 1897 sq., L vf p. 550. Par 1087 GALILÉE égard pour la décision des cardinaux du Salnt-Offlcc ou par peur de la censure, il renonça à enseigner publiquement la doctrine du mouvement de la terre, mois il ne consentit pas pour cela à l’abandonner. Vers la fin de novembre 1633, 11 écrivait au P. Mersenne : c Je vous diray que m’estant fait enquérir ces jours à Leyde et Λ Amsterdam, si le Sistème du monde de Galilée n’y était point Λ cause qu'il me semblait avoir appris qu’il avait esté imprimé en Italie l’année passée, on m’a mandé qu’il estait vrai qu’il avait esté Imprimé, mais que tous les exemplaires en avaient esté brûlez à Rome au mesme temps, ct luy condamné â quelque amande : cc qui m’a si fort estonné, que je me suis quasi résolu de brûler tous mes papiers, ou du moins de ne les laisser voir à per­ sonne. Car je ne me suis pû imaginer que luy qui est italien, ct mesme bien voulu du pape, ainsi que j'entens, ait pu estre criminalisé pour autre chose, sinon qu’il aura sans doute voulu cstablir le mouve­ ment de la terre, lequel je scay bien avoir été autrefois censuré par quelques cardinaux; mais je pensais avoir oùy dire que depuis on ne laissait pas de l’enseigner publiquement mesme dans Rome; ct je confesse que, s'il est faux, tous les fondements de ma philosophie le sont aussi, car il sc démontre par eux évidemment. Et il est tellement lié avec toutes les parties de mon traité que je ne l’en sçaurais détacher sans rendre le reste tout défectueux. Mais comme je ne voudrais pour rien au monde qu'il sortit de moy un discours, où il se trouvas! le moindre mot qui fust désaprouvé de l'Église, aussi aymé-jc mieux le supprimer que de le faire paraître estropié. » Œuvres de Descartes, t. I, p. 270. Cette soumission du savant français n'engageait pas son intelligence. En février 1634, il exprime l’espoir que ni le pape ni le concile ne ratifieront la sentence de la Congrégation des cardinaux, ct il demande à Mersenne · cc qu'on en tient en France ct si l'autorité des cardinaux a été suffisante pour faire de leur sen­ tence un article de foi. » Ibid., t. i, p. 281. Lorsqu’il eut parcouru le livre de Galilée, sa réserve s’accentua encore : ■ Lca raisons pour prouver le mouvement de la terre sont fort bonnes, dit-il; mais il me semble qu’il ne les estalc pas comme il fault pour persuader. · Œuvres de Descartes, t. i, p. 305. Un homme qui parle de ce ton ne ratifiait sûrement pas dans son for intérieur la sentence doctrinale du Saint-Ofllce. Un peu plus tard, il essaie de se tirer d’embarras en établissant le mouvement de la terre, non d’après Copernic, « mais en suivant le système de Tycho. » Ibid., t. v, p. 550, lettre de 1644. Grâce à ce subterfuge, par lequel il maintenait les droits de sa raison, le philosophe français était en règle avec l’autorité ecclésiastique. Les théologiens, en effet, le tiennent quitte de toute autre marque de respect Ils reconnaissent volontiers qu'on ne saurait imposer « une adhésion Intérieure au savant qui a la certitude scientifique de l'erreur contenue dans une décision faillible de l’autorité » enseignante. « En cc cas, dit l'abbé Jaugey, non seulement le savant n’est pas obligé d’adhérer soit intérieurement soit exté­ rieurement au décret, mais il ne peut pas le faire sans pécher; 11 ne peut qu'observer un respectueux silence. » Le procès de Galilée et la théologie, p. 120. Cf. Grisar, Galilelstudien, p. 249-259. Tous ne gardèrent pas cette attitude un peu forcée. Le P. Mersenne, au grand étonnement, presque au scandale de Descartes, entreprit de réfuter un ouvrage intitulé : Contra motum terræ, que l’auteur (proba­ blement J.-B. Morin) avait dirigé contre la doctrine copenüdenne. Œuvres de Descartes, t. i, p. 324. · Pour le mouvement de la terre je m’estonne qu’un homme d'Êgliie en ose écrire, en quelque façon qu’il s’excuse, » écrivait encore Descartes à Mersenne, avril 1634. 1038 Ibid., p. 288. Mersenne ne sc lassait pas de témoigner publiquement son admiration pour Galilée. « Tous ceux qui ont écrit contre ce grand homme, disait-il un jour, ne sont quasi pas dignes qu'on les nomme, de sorte que je me contente d'agir noblement avec lui en parlant de ses expériences. » Ibid., t. i, p. 578579. D’autres furent plus hardis encore. Le domi­ nicain Campanella publia en 1637 un livre où il défendait le système de Copernic ct le déclarait expres­ sément ■ non contraire à l'Écriturc. ■ Disputationum in quatuor partes suæ philosophia realis libri IV, Paris, 1637, t. n. Cf. Œuvres de Descartes, t. i, p. 324. Cc fut le premier ouvrage de ce genre qui parut en France après la condamnation de Galilée. Louer comme Mersenne, en toute occasion, les expériences de Galilée ou déclarer, comme le faisait Campanella, que le système de Copernic n’était pas contraire ù l’Écriture, c'était méconnaître la valeur doctrinale de la sentence des Congrégations romaines. En France, où l’on tenait volontiers pour non avenues les décisions de l’index, une telle conduite n’avait pas trop de quoi surprendre. Mais une pareille audace ne pouvait être le fait de tous les esprits. Nombre d’entre eux, flottants ct hésitants, durent faire aux décrets de 1616 ct de 1633 un acte d’adhésion qui leur coûtait, autant qu’il les déconcertait. Et c'est cc sacrifice moral qu’il s'agit d'apprécier. Certains apologistes en prennent aisément leur parti ct, au lieu de voir dans la décision qui frappa le système de Copernic une erreur dont les suites furent pour quelques-uns extrêmement fâcheuses, ils y découvrent au contraire une attention particulière de la providence ct un bienfait pour les Âmes. Voici comment ils raisonnent : « Tout, disent-ils, dans l’éco­ nomie du plan divin, tend au salut de l’humanité; l'ordre naturel est subordonné â l'ordre surnaturel, la science à la vertu, la raison ù la foi. Or, qui ne voit que la somme de vertus pratiquées par les savants, qui sc soumirent de cœur ct d’âme aux décisions des tribunaux romains, vaut infiniment plus, non seule­ ment aux yeux de Dieu, mais encore pour le progrès de l’humanité, que le développement d’une science, fût-ce de la science astronomique ? D’aillcurs, la providence, qui veille sur les petits comme sur les grands, en permettant qu'une hypothèse destinée â renverser renseignement reçu fût arrêtée dans son développement, a voulu ménager les faibles, que la transformation trop rapide de cette hypothèse en vérité scientifique aurait scandalisés. Sans doute, les partisans du système condamné devaient aussi sc scandaliser du coup qui les atteignait. Mais, tout compte fait, ce scandale est peu de chose en compa­ raison de celui qui eût éclaté si les copcmlcicns avalent été autorisés à troubler les esprits par le libre exposé de leur doctrine. L'arrêt momentané de leurs recherches a donc été plutôt favorable aux intérêts supérieurs de l’humanité, ct il est permis d'y voir une marque que Dieu veillait sur son Église... » Telle est, réduite â sa plus simple expression, la thèse que soutient le P. Grisar, Galileistudien, p. 123, 344, 354-356. Malgré la part de vérité qu’elle renferme, elle a bien l'air d’un paradoxe ct d’une gageure. Que la vertu soit d'un prix incomparablement supérieur à la science, on peut très bien l’admettre sans que ccttc concession justifie le moins du monde la condamnation de la théorie copcrnicicnne. Le progrès de la science n’est pas incompatible avec la pratique de la vertu. SI les Congrégations romaines voulaient obtenir un acte d'obéissance des catholiques dans la question controversée, il dépendait d’elles que leur décision fût juste, nu lieu d'être erronée. La soumission des esprits n'eût pas été moins méritoire GALILÉE dans un cas que dans l’autre. C'est la remarque du D' Funk, Zur Galiki-Frage, loc. cil., p. 475. Mais 11 fallait, dit-on, prévenir le scandale des faibles. Les faibles dont on parle, c'est avant tout le peuple chrétien, ce sont aussi les théologiens Inféodés au système d'Aristote ct de Ptoléméc. Le peuple n'a guère d'opinion arrêtée en matière d’exégèse, et, bien qu’il tienne ferme à cc qu’il a cru dès l’enfance, il laisse volontiers les savants débattre entre eux les questions controversées. Pour le dogme, il s’en rapporte avec raison à l'autorité de 1'Église. Si l’Église ne s'était pas prononcée sur In théorie copemicicnne, il n'est pas vraisemblable qu’il sc fût ému ou scandalisé de son silence. 1-cs générations suivantes, élevées dans l’idée que le mouvement de la terre pouvait fort bien sc concilier avec les textes scripturaires, auraient plus ou moins lentement abandonné l'opinion de Ptoléméc. Les théologiens avaient besoin, cc semble, de plus de ménagement. 11 leur fallait faire le sacrifice d'une théorie qu’ils regardaient comme sûre et presque de foi. Un pareil acte de renoncement était dur à leur raison. Mais comme ils se réclamaient bruyamment de l'autorité de l'Église, ils eussent eu mauvaise grâce à se scandaliser, si l’Église se fût prononcée contre eux, ou si seulement elle eût refusé de prendre une décision. Dans ccttc dernière hypothèse, on peut même s'étonner qu’ils se fussent révoltés, car on ne leur imposait pas le sacrifice de leurs théories; on leur demandait seulement de supporter que d’autres eussent, aussi sincèrement qu'eux, en matière scien­ tifique, une conviction contraire à leur conviction. Quand on parle de sacrifice auquel eussent été réduits les partisans du système de Ptolémée, on oublie trop que les partisans de la théorie copcrnlcicnnc étaient condamnés, en vertu de la sentence des tri­ bunaux romains, Λ faire un sacrifice autrement grave. A ceux-ci on ne demandait pas seulement de tolérer l’opinion de leurs adversaires : on exigeait d'eux qu'ils renonçassent de cœur ct d’intelligence à la leur propre. Ils étaient donc plus que les autres en danger, pour ne pas dire en droit, de sc scandaliser. Prétendra-t-on qu’ils ne pouvaient raisonnable­ ment alléguer leur conviction scientifique, parce qu'ils n’avaient pas la preuve absolument péremptoire que le système auquel ils étaient attachés fût vrai ? L’argument sc retourne contre leurs antagonistes. Ceux-ci, non plus, n’avaient pas (et pour cause) la preuve décisive que la théorie de Ptolémée fût conforme à la réalité des phénomènes. Si donc, à égalité de convictions personnelles, il fallait contraindre les uns ou les autres à faire le sacrifice de leur opinion, il était juste que ccttc obligation tombât, non sur les copcmlclcns qui avaient l'avantage de tenir la vérité, mais sur leurs contradicteurs dont la théorie devait être finalement reconnue erronée. En vain insinuern-t-on que la conviction des copcrnicicns ne pouvait être profonde. Le contraire est beaucoup plus vraisemblable. Souvenons-nous que Galilée lui-même, malgré la sincérité de son abju­ ration, cul des accès de révolte, évidemment provo­ qués en partie par la force des raisons scientifiques qui Justifiaient Λ ses yeux la théorie copcrnlcicnnc. Les arguments qui l'avaient convaincu, renforcés de jour en jour par des recherches ct des découvertes nouvelles, ne pouvaient manquer d’influencer, de tyranniser en quelque sorte les savants qui voulaient demeurer sincères avec eux-mêmes. Pendant deux siècles, ceux-ci furent donc tiraillés en sens divers, essayant avec plus ou moins de succis d accorder ensemble les exigences de leur raison et la1 ‘ll^’ion tribunaux romains. Le cas de Descartes est ù cet PICT DK THÉOL. CATUOL, 1090 égard typlqut L'auteur du Monde se livre à la torture pour accorder la théorie du mouvement de la terre avec la décision de Rome. Œuores, L v, p. 550. Pour suivre la pensée de Descartes sur cette question, lire ibid.. L i, p. 270, 280-281, 303, 321-324, 418, 578; L n, p. 540-553; L ni, p. 258, 349-350, 487; t v, p. 544-550. C'est dans cette lutte douloureuse que résidait pour les faibles le danger d’un véritable scandale. Il ne cessa que le jour où l'Église se décida à rapporter le décret de 1616 et la sentence de 1633. Et encore ne saurait-on dire en toute vérité que le danger ait dès lors entièrement disparu. Le souvenir de la condamnation de Galilée, avec ses suites, pèse toujours comme un cauchemar sur nombre d'intel­ ligences contemporaines. Sans parler des hommes de parti qui saisissent avidement dans l'histoire cette erreur de l’autorité ecclésiastique pour s'en faire, contre toute justice, une arme avec laquelle ils essaient de battre en brèche l'infaillibilité de l’Église enseignante, combien d'esprits faibles restent frappés de la faute commise par l'index ct le Saint-Ofllce» ct n’arrivent pas, ou n'arrivent que difficilement, à surmonter la défiance que leur inspirent les jugements de ces tribunaux ! Certes, pour une erreur commise, il ne convient pas de tenir éternellement en suspicion la prudence bien connue des Congrégations romaines. Mais malgré tout, les · gens de peu de foi » dont parle l’Évangile — et ils sont nombreux — craignent comme instinctivement que cc qui est arrivé une fois ne sc renouvelle. Et cette frayeur, cette tentation de doute, qu'on le veuille ou non, est une conséquence lointaine ct durable de la condamnation de Galilée. IX. Conséquences historiques et scientifiques DE LA CONDAMNATION DK GALILÉE. --- Les COUSé- qucnccs historiques et scientifiques de la condam­ nation de Galilée ne furent pas très graves. Il nous reste à les préciser. D'après certains ennemis de l'Église, la sentence de 1616 ct 1633 aurait arrêté non seulement les recherches propres à achever la démonstration du système copernlcien, mais encore le progrès des sciences mathéma­ tiques ct astronomiques en général; ct il faudrait voir lù le fruit de l’hostilité marquée des théologiens ct des Congrégations romaines contre la science. Que l'Église soit systématiquement hostile au progrès des sciences, c’est une légende odieuse que nous ne nous attarderons pas â réfuter. Il nous suffira de remarquer que, dans la condamnation de Galilée, ce ne sont pas seulement les représentants du dogme, mais encore les représentants de la science, qui sont responsables de l'erreur commise. C’est au nom de la I science (d'une fausse science, si l'on veut, mais d’une science estimée incontestablement vraie) que les partisans d'Aristote et de Ptolémée demandaient la censure des théories copcrniciennes. Les juges de 1616 ct de 1633 ne sc défièrent pas de ce piège. Ils flétrirent les propositions de Galilée tout à la fols comme scien­ tifiquement fausses ct dogmatiquement hérétiques, et leur conviction scientifique influença sûrement leur conviction dogmatique. S’ils n’avaient été persuadés que le système d’Aristote ct de Ptoléméc représentait la science vraie, ils auraient été plus réservés dans leur sentence, peut-être même n’auraient-ils pas osé la porter. Leur grand tort n’est donc pas de n’avoir pas cru à la science, mais d'y avoir accordé, au con­ traire, une trop grande confiance. Qu'on leur reproche d'avoir inféodé la doctrine catholique à un système scientifique, Λ la bonne heure ! Maïs il serait souve­ rainement injuste de prétendre qu’ils aient par là voulu arrêter le progrès des sciences. Aussi bien, tout prouve que la sentence des Congré­ gations romaines ne paralysa en aucune façon le mouvement général des études mathématiques ct VL—35 1091 GALILEE astronomiques (nous parlerons tout ù l'heure du Mslême copcmicitn en particulier). Galilée lui-même, dont le champ de travail sc trouvait circonscrit, continua le cours de ses recher­ ches. Γη 1637, il découvre la libration de la lune; en 1638, il public son grand ouvrage intitulé : Discorsi c dimonstrazinni matematiche intorno due noDe scienze aliment t alla mecanica e ai mouimenti locali, qu’il appelait «le recueil des études de toute sa vie. » Alberi, Le opere, t. vin, p. 70. Il réunit autour de lui un groupe considérable de savants, auxquels il imprime une direction fidèlement suivie ct qui rendent ù la science des services signalés. Parmi scs disciples sc trouvait, depuis 1641, le célébré Torricelli, l’inven­ teur du baromètre. « A Bologne, ville pontificale, brillaient deux mathématiciens de mérite, Ricci et Montalbani; le P. Riccioli, jésuite, l’auteur de VAlmageslum; le P. Grimaldi, aussi jésuite, qui découvrit la diffraction de la lumière; Cassini, qui venait de quitter Home ct devait plus tard illustrer l’observatoire de Paris; Castelli. Davisi et une foule d'autres savants obser­ vateurs moins connus. Dans ccttc mémo ville. Mezzavacca publiait scs Éphèméddcs astronomiques ct ses études sur les astres disparus. < A Rome, Cassini découvrait les satellites de Saturne; Magalatti étudiait les comètes, et Je P. Plnti faisait ses remarquables observations sur les éclipses de soleil; les PP. Kircher, Fabri ct Gottignlcs por­ taient très haut la renommée du Collège romain. Campani et Divini construisaient des télescopes réputés dans tout l’univers ct dont Cassini se servait pour scs découvertes. Λ l’Académic des Lined, qui avait si bien mérite de la science ct de la religion, ct qui avait disparu, en 1030, avec son fondateur, le prince Ccsi, l'ami de Galilée, succédèrent l’Académic physico-mathématique de Ciampini, l’Académic beau­ coup plus célèbre de la reine Christine ct celle des • Curieux de la nature ». Jaugey, Le procès de Galilée ( la théologie, p. 111-113. 11 serait facile d’allonger la liste des savants qui illustrèrent vers le même temps la chrétienté. Cf. H. de l'Épinoia, La question de Galilée, Paris, 1878, p. 272300; Grisar, Galileistudien, p. 337-356. Nous n’avons dté que ceux qui travaillaient dans le rayon où l’Église romaine exerçait plus particulièrement son influence afin de faire voir que la prétendue hostilité de cette Église contre la science est un mythe. Ce qui est vrai, c’est que la sentence portée par les Congrégations romaines contre la théorie du mou­ vement de la terre arrêta ou du moins gêna pour quelque temps les recherches destinées ù élever jus­ qu'à la hauteur d’une certitude scientifique l’hypo­ thèse copcrniclcnnc. Descartes (nous no citerons qu'un savant de premier ordre) suspendit sur ce point ses travaux ct les dirigea dans un autre sens. Œuvres, t. v, p. 550; cf. t. I, p. 288, 324. 518. Faut-il, pour excuser les Congrégations romaines, rejeter, comme on l'a fait, sur les protestants une partie de la responsabilité de cc ralentissement ou de cct arrêt des recherches scientifiques? Λ coup sûr, certains chefs du * protestantisme, ct des plus illustres, étaient aussi hostiles que la grande majorité des théologiens catholiques à la théorie copcmicicnnc. Luther voyait dans l’opinion du savant chanoine de Fraucnburg une idée de fou, qui brouille toute l’astronomie; ct Mélanchthon d-claruit qu’un tel système était une fantasmagorie et le renversement des sciences. On sait que l’astro­ nome protestant K épier dut quitter le Wurtemberg, ta patrie, û cause de scs opinions copcmicicnncs. En 1659, le surintendant général de Witteinbcrg, Calovius, proclamait hautement que la raison devait sc taire 1092 quand l’Écriture avait parlé, ct constatait avec Joie que les théologiens do sa confession, jusqu'au dernier, rejetaient la doctrine du mouvement de la terre. Ces sentiments étaient encore répandus parmi les docteurs luthériens au xvni» siècle. En 1744, le pasteur KohlrcilT» curé de Ratzeburg, prêchait résolument que la théorie coperniclennc était une abominable invention du diable. Cf., sur ces divers points, Grisar, Galilei· studien, p. 124, 283-288; Descartes, Lettre d Mcrsenne, décembre 1640, Œuvres, t. ni, p. 258. De telles appréciations no pouvaient manquer d’influencer les penseurs protestants Mais l’aire de ccttc Influence était très limitée. SI l’on ci croit le cardi­ nal 1 iohcnzollcrn, l’Allemagne luthérienne aurait, en général, accueilli favorablement l’opinion de Copernic. Zoller..· mi disse aver pariato con Nostro Signore in mate· riadci Copernico, e come gli cretici so no tutti della suaopi· nione e I'hanno per certissima. Lettre de Galilée Λ Ccsi (8 juin 1624), dans Favaro, Ae opere, t. xm. p. 182. Gassendi écrivait de Hollande, en juillet 1629, après avoir vu les savants du pays : « Au reste, tous ces gens-là sont pour le mouvement de la terre. » Lettres de Peiresc, t. iv, p. 202. Et cela sc comprend, le libre examen, qui était la règle de fol des hérétiques, leur donnait, en matière d’exégèse ct de théologie, une latitude que ne possédaient pas les catholiques. Pen­ dant que ceux-ci étalent obligés de soumettre leur Intelligence à la décision des Congrégations romaines, il était loisible aux luthériens de s'en rapporter uni­ quement à leurs propres lumières sur les points que Luther lui-même aurait eu la prétention de définir. SI donc l’hostilité des chefs protestants contre la théorie copcmicicnnc contribua à ralentir le mouvement des études astronomiques, cc ne fut sûrement que dans une très faible mesure. Autant que l’on peut constater ce ralentissement, il convient d’en faire remonter la responsabilité à peu près entière aux tribunaux de l’Églisc romaine. Sans doute cct arrèt fut presque Insignifiant. Après 1616, Galilée continua, nous l’avons vu, de développer la théorie copcrniclcnnc. Si, après 1633, il cessa par obéissance d’en poursuivre la. démonstration,^l outres reprirent son œuvre où il l’avait laissée ct finirent par donner à l’hypothèse du mouvement de la terre les caractères d’une certitude scientifique. Mais ce travail s'accomplit en violation de la sentence prononcée par l’index et le Salnt-Ollicc. Il ne tint pas à ccs tribunaux que la démonstration en restât au point où elle était en 1616. C’est malgré, eux que l’opinion qu'ils avaient déclarée hérétique s'est transformée en vérité scientifique. Il est vrai que la note d’hérésie qu'ils avaient atta­ chée au système copcrnicien ne fut pas longtemps prise au sens strict. Et l’interprétation que l’on donna à leur décision s’élargit de manière à laisser le champ libre aux chercheurs. Vers 1685. le P. Kochnnsky, dont l’orthodoxie n’était suspectée par personne, s'exprime en cc sens. Après avoir fait observer que les arguments des copcmicicns établissent seulement une probabilité en faveur de leur opinion ct, par conséquent, n’obligent pas à abandonner l’interpré­ tation habituelle des passages de l’Écriture, le savant polonais continue : « Il sera permis ct même nécessaire de l’abandonner alors seulement qu’une démonstra­ tion physico-mathématique incontestable du mouve­ ment de la terre aura été trouvée; ct cette démonstra­ tion chacun est libre de la chercher. · Acta eruditorum, juillet 1685. Nous sommes loin de l'intransigeance d'Urbain VIII ct des cardinaux qui interdisaient expressément ù Galilée de s’occuper de la question, • à quelque titre ct sous quelque forme que ce fût. » Von Gcblcr, Die Acten, p. 112; ms. du procès, fol. 451, En réalité, la défense du pape ct des Congrégations 1093 GALILÉE romaines devait finir par n'avoir plue de caractère obligatoire ct même par être rapportée. Ce ne fut pas sans peine — manque de lumières sans doute — que Home sc décida A prendre ccttc mesure. Le texte même du décret de 1616 fut reproduit fn extenso jus­ qu’en 1661, dans les éditions de l'index faites par l’ordre ct avec l'approbation des souverains pontifes. Λ partir de 1661. on abrégea le décret, en mettant simplement sous la rubrique de la lettre L les mots Libri omnes docentes mobilitatem terere et immobili· totem solis, Alexandre VII approuva l'édition de 1664 (5 mars) dans les tonnes suivants : « Nous sanction­ nons ct confirmons cct Index par les présentes, en vertu de notre autorité apostolique, avec toute et chacune des choses qui y sont contenues; nous ordon­ nons cl commandons qu’il soit rigoureusement respecté par tous les corps ct par tous les particuliers, » La formule générale ct en quelque sorte adoucie du décret fut elle-même supprimée dans l’édition de l’index de 1757, avec l’autorisation spéciale du pape Benoit XIV. La sentence doctrinale des Congrégations n’était pourtant pas formellement rapportée. En 1820, Anfossl, maître du sacré palais, s'en autorisait encore pour refuser au chanoine Scltclc, professeur à la Sapience, l'imprimatur nécessaire A la publication de ses Éléments d'optique et d'astronomie. Celui-ci eut la bonne idée d’en appeler au pape, qui donna tort à Mgr Anfossl. Enfin, le 11 septembre 1822, la S. C. de ΓInquisition décida que l’impression des livres ensei­ gnant le mouvement de la terre selon le système com­ munément admis par les astronomes modernes, serait permise Λ Rome. Pie VII approuva ce décret, le 25 septembre de la mêmeiannée. Les plus scrupuleux observateurs des lois de l’index purent dés lors, en toute sécurité, sc rallier à la théorie copcmicicnnc. Les documents originaux qui concernent la condam­ nation de Galilée comprennent deux séries de registres oOlcicI», ceux des Procès et ceux des Décrets. Les registres des Procès, conservés aux archives du Saint-Office, ont subi nu XIX· siècle des vicissitudes étranges. En 1811. Napoléon les fit transporter ù Paris. Ils ne furent rendus nu pape qu’en 1845, et A condition que Home les publierait. Mgr Ma­ rini en donna une édition partielle en 1850 ; Henri de l'ÊpInois, en 18G7, ct Berti, en 1876, en donnèrent des éditions plus étendues, mais encore incomplètes. Cc n’est qu’en 1877 que Charles von Gebler publia l’édition qui put passer pour définitive. Nous y renvoyons dans nos notes ; Die Acten des Golileischrn Processes nach der Vatlcanischen Handschrlfl hcrausgegeben, Stuttgart. 1877. En même temps, Henri de l'Épinois publiait : Les pièces du procès de Galilée, Home et Paris, 1877. Cependant M. Antonio Favaro révisa le texte ct en donna une nouvelle édition : Galileo e Γ Inqulsizlonc, Documenti del processo Galilciano esistenti neir ArchMo del S. l'fflzlo c ncll* Architda segreto Vaticano, nrlla prima nolle Integralmente pubbltcatl da A. Favaro, Florence, 1907. Si l'édition de Favaro ne change A peu près rien nu texte du procès, p. 33-140, tel que le donne Gebler, en revanche elle procura pour la première fols une pleine satisfaction aux critiques pour le texte des Décre/s, p. 1333, mal connus jusque-là. A ccs pièces capitales, il faut «jouter : Le opère dl Galileo Galilei, publiés par Alberi, 10 vol., y compris le Supplemento, Florence, 1812-1856; A. Fnvaro. Le opere di Galileo Galilei, édition nationale sous les auspices do Sn Majesté le roi d'Italie. 20 vol., Florence, 1890-1908. On peut consulter aussi Dlbliografia Catileiana (1568-1895) raccnlla ed illudrata da A. Carll ed A. Fiumro, Home, 1896. Cet ouvrage contient l’Indb cation, par ordre de dates, de 2 108 publications concernant Galilée. Il n’y a pas lieu «l'indiquer ici 1rs ouvrages anté­ rieurs A 1877. nécessairement Incomplets. Citons donc simplement : Henri de l'Épinois. Zxi question de Galilée, lej faits et leurs conséquences, Paris, 1878; Berti, // processo originale de Galileo Galilei, 2· édit.. Home, 18/8; Grisar, S. J., Galileistudien, historisch-theologische Vntersr.chungen ùber die Urthelle der rtunischen Congregation™ in Galilei· procès, Batisbonnc, 1882; Fnvaro. Galileo Galilei e la studio dt Padbva. 2 vol.. Florence. 1883; Jaugey. Is procès de Galilée ct la théologie, Paris ct Lyon. 1888; Funk, Zur 1094 — GALLADE Galltct-Frage, dans Klrchrngeschlehtllche Abhandlung^e und Unlertuchungen, Paderborn, 1899, t. n, p. 444 sq.. Pierre Auband, Galilée et ΓÉglise. L*histoire et le roman. Avignon, 1910; A. Müller, t. I, Galileo Galilei und das Kopcrnikanische Weltsgrtrm; t. n, Der Galthl Prozess (von 1632-1633) nach Vrsprung, Vertauf und Folgen. Fribonrg-en-Brisgnu, 1900; eet ouvrage a été refondu et traduit en italien : A. Müller, Galileo Galilei : Studio stnricn scienti pen, trad, du docteur Pietro Prrciballl, avec une préface du card. P. Mail), une lettre du sénateur G. Schia­ parelli, Borne, 1911 c’est cette édition que nous avons citée); Uon Gnrzend, L*Inquisition et Phérésie : Distinction de l'hérésie théulogique et de fhéréslr Inquisitoriale, à propos de Γ affaire Galilée, Paris, 1913 (n *us ne croyons pas que la théorie proposée par M. Garzend te justifie histori­ quement; c’est pourquoi nous n’en n’avons pas tenu compte dons notre article). E. Vacandahd. appelé Je plus souvent Albert de Regto, dominicain italien, qui vivait ver* le milieu du xv· siècle. Il est né à Regirio (province de Modène) ct c’est là qu’il se fit religieux. Il est parlé de lui dans une déclaration du chapitre général tenu à Avignon en 1442; il est transféré du couvent de Reggio à celui de Trévise, pour lequel il reçoit une affiliation. Quelques auteurs, Rovetta, en particulier. Bibliotheca chronologiea, s’appuyant sur le témoignage de Vincent Rivalius, Catalogus pirorum illustrium prou incite utri usque Lombard ùe, font vivre Galin cani dans le xiv· siècle, vers 1360; mais c’est une erreur. C’est à tort également qu’ils prétendent qu’il fut nommé par le sénat de Venise pour enseigner l’Écriture sainte à Padoue; cette ville, en eflet, ne vint au pouvoir des Vénitiens qu’en 1404;si donc,comme ils le veulent, Galingani a vécu au siècle précédent, il n'a pu être en aucune manière patroné par le sénat de la république. Contarini d’ailleurs, dans ses Nolisie storiche circa ti pubblici professori nello studio di Padova, Venise. 1769, ne fait pas mention de lui. Au dire deTomasmo, on conservait de son temps (1446) dans la bibliothèque du couvent de Saint-Augustin de Padoue un ouvrage de Galingani Intitulé : Adaptlones saene Scripturse tam Veteris quam Noui Testamenti F. Alberti de Galtnganis de Regio sacrae theologis magistri ordinis pnrdica· torum. Rovetta cite encore de lui : Scriptum in quatuor libros Sententiarum; Quæsfiones theologicas varias; mais il ignore l’ouvrage sur l’Écriture sainte. GALINGANI Albert, Echard. Scriptores ordlnts pradicatorum, Paris, 1719, 1721, t. I, p. 795; Acta capitulorum generalium ord. prtrd., édit. Reichert, Rome, 1900, t. ni. p. 187, 219. R. Covlon. GALLADE Pierre, théologien jésuite, né à Lorch (Rhlngau), entra au noviciat de la Compagnie de Jésus le 13 juillet 1734, professa la philosophie puis le droit canonique A Heidelberg où il fut recteur de Funlvcrsité. puis, après avoir enseigné la philosophie A Bamberg (1747-1749), l’Écriture sainte à Mayence ct la théologie dogmatique Λ Molsheim, il fut chargé pendant quinze ans de renseignement du droit canon A Heidelberg (1751-1759), où il publia divers traités dont les prin­ cipaux ont été insérés dans le Thesaurus juris eccles. pra'sertim Germanici, du P. AnLSchmldL L i. sect, v : Dissertatio ad cap Hadrianus 29dist. LX11 /.Heidelberg, 1755; De sanctitate templi ritibus catholicis consecrati, ibid., 1761; Dissertatio de jure canonico publico de sponsione et juramento subjectionis et obedientiæ et fidelitatis a clericis inferioribus praestari suis praelatis solito, ibid., 1763; De erroneo conceptu Ecclesitr, quem tradit P/affius (n serm. Academ., ibid., 1765; De doctrina catholicorum el erroribus acathoticorum circa sponsalia de futuro et praesenti, ibid., 1766; De usu concordatorum Germania? apud catholicos ct acalholicos in imperio, ibid., 1766 ;De juramento fidelitatis a catholico clero saeculari· bus dominis prostando, ibid., 1767; Dissertatio historico· canonica de advocatis ecclesiasticis, ibid., n. 1768; De 1095 GALLADE — GALLICANISME 1096 autonomie privata In Imperatore non tolerata, Ibid., 1769; De autonomia privata fidei et rationi contraria, ibid., 1769. Le P. Gallade, à la fin de sa vie, remplit quelques charges importantes, devint recteur de Bamberg (1769-1772) et du séminaire de Saint-Charles a Heidelberg, où il mourut saintement le 29 no­ vembre 1789. l’opinion simplement probable en face d’une opinion plus probable. On sait que l’école thomiste espagnole est communément d’opinion contraire. Sommervogcl, Bibliothèque de la C1· de Jésus, t. ni, col. 1114-1119; Schwab, Quatuor secutorum syllabus rectorum uniDcriit. Heidelberg., part. H, p. 259-269; Hurter, Nomen· dator, L rv, col. 777. Mons (Hainaut). Il fit toutes scs études à l’univeniU de Douai. Il y fut l’élève du fameux Estlus ct le collègue du grand Sylvius. En 1613, H devint président du séminaire du roi, puis professeur de catéchèses. En 1614, il travailla à la Somme de saint Thomas, publiée par Marc Wyon. En 1617, il fut promu docteur en théologie avec Gaspar Ncmius, qui fut plus tard nommé évêque d’Anvers, puis archevêque de Cambrai (f 1667). II publia, en 1615, une réédition de la collection des décrets du concile de Trente qui a pour auteur Marzilla. Elle était intitulée: Decisiones el declarationes Illustrissimorum cardinalium sacri concilii Trident in i interpretum, quæ in quarto volumine decisionum Rotæ romanæ habentur. Cct ouvrage fut réimprimé plusieurs fois ct principalement À Toumon, en 1621, avec les citations de Jean Sotcalli et les références de Barbosa. Il fut mis à l’index, le 29 avril ct le 6 juin 1621, par ordre de Grégoire XV en vertu de la règle universelle posée par Pic IV (bulles Benedicius Deus ct Alias nos de 1563 ct 1564). Il était défendu, en effet, de publier le texte du concile de Trente en l’accompagnant de commentaires, ct d’ail­ leurs plusieurs de scs décisions ct déclarations étaient ou non authentiques ou tout au moins suspectes. Gallcmart avait l’excuse de la plus entière bonne foi. Il se croyait autorisé par l’apparition des ou­ vrages de Sotealli ct Lucius, comme 11 le dit dans sa préface. Les recueils de ccs décisions, quoique n’étant pas considérés comme authentiques ou offi­ ciels. ont été retranchés de l’édition officielle de l’index en 1900, en raison de leur utilité. Voir Præfatlo, p. xvi. Gallcmart a encore collaboré au commen­ taire sur le Prologus S. Hieronymi ct aux notes de la Glose de Nicolas de Lyre dont le bénédictin Léandre de Saint-Martin a enrichi la Biblla sacra cum glossa ordinaria, publiée par Balthazar Bcllèrc en 1617. En 1625, une peste éclata Λ Douai. Le zélé docteur voulut porter secours aux malheureux atteints de la terrible maladie ct il succomba victime de son dé­ vouement sacerdotal. P. Bernard. GALLAND André, savant oratoricn du xvm· siè­ cle, naquit à Venise de parents français, ic 7 décem­ bre 1709, y fut formé aux sciences sacrées par des maîtres éminents, tels, entre autres, que M. de Rubeis et Daniel Concina, dont il resta toujours l'ami; il mourut le 12 janvier 1779 ou 1780. Il a bien mérité des éludes patristiques par sa Bibliotheca græco-latina veterum Patrum anliquorumque scriptorum ecclesia­ sticorum, 14 in-fol., Venise 1765-1781. Collection, de­ venue rare aujourd’hui, qui ne renferme que 380 au­ teurs des sept premiers siècles, tous de peu d’étendue, maB qui donne les ouvrages grecs a la fols dans le texte original et dans une version latine, et qui, sans contenir beaucoup d’inédit, doit à ses excellentes Introductions, à ses corrections de textes, ù ses pré­ cieuses notes explicatives, une particulière valeur. L’Index alphabeticus de la Bibliothèque a paru à Bologne, ln-8°, 1863. Le laborieux écrivain a aussi réuni el réimprimé De vetustis canonum collectionibus dissertationum sylloge, Venise, 1778; Mayence, 1790, les dissertations de Constant, de Pierre de Marca, des frères Ballcrini, de Quesnel. de Blasco, etc., sur l’ori­ gine et les progrès du droit canonique. Enfin, Galland a laissé en portefeuille un Thesaurus antiquitatis ecclesiastic*, qui s’étend jusqu'au xn· siècle. Fessier-Jungninnn, Institutiones patrologlar, Inspruck, 1890, t. i, p. 102; Hurter, Nomenclator, Inspruck, 1895, t. ni. col. 98-99; Moschtni, Litteratura Veneziana, t. ni, p. 138; Bardenhewer, Les Pères de ΓÉglise, Mil. franç., Paris, 1905, t. !, p. 25. P. Godet. GALLARRETA Picrre-Joeoph, religieux augustin du couvent de Dona Marin de Aragon, vécut au xvm· siècle. On a de lui la version espagnole d’un commentaire français très étendu sur le catéchisme : Institution cristlana, o explication de las cualro partes de la doctrina cristlana, 3 vol., Madrid, 1789. Moral, Catalogo de escritores a gus linos es pa noies, dans la Ciudad de Dios, 1903, t. Lxn, p. 657; Lanlcrl, Postrema sarcula sex religionis augustinlanar, 1860. t. in, p. 362. A. Palmieri. GALLEGO DE VERA Barnabe, dominicain espagnol, originaire de Madrid ct fils du couvent de Saint-Dominique de Huete. Il enseigna la philosophie successivement en plusieurs maisons de son ordre. En 1623, il remplissait la charge de maître des étu­ diants au collège de Léon; puis 11 enseigna la théo­ logie morale en 1651 au collège Saint-Thomas de Madrid. Il fut prieur de Cacercz en 1645 et aussi dans son couvent d’origine, de Huete II mourut vers 1661. On a de lui : 1° Controversiae artium ln defensionem doctrina? angelici dodoris D. Thomir, t. i, Controversia: logic*, in-4·. Madrid, 1»·23; in-12. Cologne. H 32;1η-8β, 1638. i-e tome n devait être De controversiis physicis; nous ignorons s’il parut. 2· Tractatus de^ronscientia, reso­ lutiones morales, In-foL, Madrid, 1648. 11 parut aussi A la suite du Directorium conscientia? de Jean de la Cruz, Midnd. 1666. 3· Explication de la bula de ta santa Cruzada, in-4·, Madrid, 1642. D’après Fernandez, Hisloria del Rosario, el Lusitanus, Bibliotheca Hispana, Gallego aurait soutenu qu'il est permis de suivre Echard, Scriptores ordinis pradtcatorum, Paris, 1719-1721, L n, p. 601. R. COULON. GALLEMART Jean, né à Framcrics, près de Duthlllœul. Bibliographie doualslenne, t. I, p. 101, 10-1; Catalogue des manuscrits de Douai, p. 24; Foppcm, Biblio­ theca bflgica, t. n, p. 644; Series doctorum Academi* Duacensis, Bibl. Brux., ms. 17592; Hurter, Nomenclator, t. m, col. 799, note; Rcuscns, Biographie natinnate de Belgique, Bruxelles, t. Vi ; A. Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Lyon, 1895, 1.1, p. 436-437. L. Salembier. GALLICANISME. — L Définition ct division. IL Le gallicanisme des théologiens. III. Le galli­ canisme des politiques. I. Définition et division. — Ix: gallicanisme est un ensemble de tendances, de pratiques ct surtout de doctrines relatives Λ la constitution ct à l’étendue du pouvoir spirituel, répandues spécialement dans l’an­ cienne France ct opposées en des mesures diverses à certaines prérogatives du pape à l’égard de l’Église ct de l’Églisc vis-A-vis de l’État. Cf. M. Dubrucl et H.-X. Arquillièrc, Gallicanisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 4· édit., Paris, 1912, t. tr, col. 193-274. On ne s’occupera pas ici du galli­ canisme pratique, autrement dit des Libertés galli­ canes, leur nature, leur histoire constituent un sujet ressortissant au domaine du droit canonique : le présent article ne concerne que la théologie gallicane. ■ 1097 GALLICANISME Le gallicanisme doctrinal n’est pas un système unique. Après Bossuet, Lettre au cardinal d'Estrées, décembre 1681, Correspondance, édit. Urbain et Levesque, L n, p. 277, on divise généralement scs tenants en deux grandes classes et l’on distingue soigneusement le gallicanisme des évêques ct le galli­ canisme des magistrats; on dirait aussi bien : le galli­ canisme des théologiens ct le gallicanisme des politiques. Ici l’on s’occupera d’abord et surtout du gallicanisme des théologiens; on donnera ensuite quelques indi­ cations sur le gallicanisme des politiques. IL Le gallicanisme des théologiens. — Le gallicanisme des théologiens n’est pas lui-même un système unique; car ce n’est pas à proprement parler une doctrine positive : Il consiste essentiellement en négations que les différents auteurs entendent ct jus­ tifient diversement suivant les époques ct les éco­ les. Ccs constructions spéculatives diverses sont par conséquent secondaires ct accidentelles, au regard de la négation fondamentale en quoi consiste notre doctrine. Cependant après l’Assemblée de 1682, le gallicanisme de nos théologiens s’est fixé en une théorie assez cohé­ rente ct assez uniforme, enseignement commun ct pratiquement obligatoire dans toutes les chaires du royaume, dans les séminaires comme dans les uni­ versités : c’est de ce corps de doctrine qu’on trouvera Ici l’expoé. Pour type représentatif de nos maîtres gallicans, on peut dioisir avec avantage l’un des plus modérés, mais aussi l’un des plus savants ct des plus étendus : Honoré Tournély, né à Antibes le 28 août 1658, professeur A Douai de 1688 à 1692, à la Sorbonne de 1692 à 1716 et mort en 1729. Voir Tournély; cf. Joseph Hild, Honoré Tournély und seine Stellung zum Jansenismus, Fribourg-cn-Brisgau, 1911, ct les recensions de cc livre : J. Bainvcl, dans les Études, t cxxxi, p. 789 sq.; L cxxxn, p. 65 sq.; P. Godet, dans la Revue du clergé français, L lxvii, p. 178 sq. Les Prœlectiones theologica: quas in scholts sorbonicis habuit Honoratus Tournély, parues en 16 vol. in-8® de 1725 A 1730, curent un grand succès. « Tournély, disait en 1764 un pamphlétaire janséniste fort dépité, est dans notre France presque seul lu ct enseigné en grand ou en petit. » Toumély en petit, c’cst le célèbre abrégé en deux ou même un seul volume qu’A l’usage des séminaristes fit le lazariste Collet, Paris, 1744; Lyon, 1767. Notre auteur a donc assuré la formation théologique d’une bonne partie des prêtres français de l’avant-dernier siècle. Cf. Λ. Degcrt, Histoire des séminaires français jusqu’à la Révolution, Paris, 1912, L n, p. 250 sq. C’est pourquoi l’on peut lui emprunter le résumé des doctrinesjalors communément professées par le clergé gallican. D’autre part, Toumély est un des maîtres les plus parfaits de cc qu’on pourrait appeler la méthode théologique gallicane de la fin de l’ancien régime. Λ l’opposé de celle des gallicans des xrv· ct xv· siècles, cette méthode n’a rien de scolastique, presque rien de proprement spéculatif, elle prétend être positive, voire même historique; elle l’est en une certaine mesure; elle a surtout des affinités avec certaines méthodes juridiques : elle s’attache A étayer scs thèses sur l'exégèse ct le groupement de textes brefs qu'elle extrait des documents témoins d’une tradition encore incomplètement connue, quoique déjA fort étudiée, ct s'efforce de tirer de ccttc lettre, un peu servilement interprétée, la formule des lois constitu­ tives de la société chrétienne. On aura une idée du procédé en parcourant la série des preuves dont Tournély appuie scs conceptions ecclésiologiques. Enfin les thèses ct les arguments mêmes de Tournély sont Justement les thèses et les arguments qui furent 1098 produits dans les discussions du concile du Vatican par les adversaires de l’infaillibilité pontificale. On ne l’y nomme guère ou point du tout, mais c’est ce gallican modéré que les uns suivent et que les autres réfutent, tant avait été profonde l'influence de ce professeur dans la formation du clergé de toute une grande Église. Ces Indications sur la doctrine et la méthode galli­ canes, telles qu’on les rencontre dans les ouvrages d’Honoré Toumély, seront complétées par des notes sur quelques autres théologiens gallicans, antérieurs, contemporains ou postérieurs : on y verra les varia­ tions du gallicanisme, cc qui forme peut-être une de scs meilleures réfutations. Pour le reste, exposé et preuves de la doctrine orthodoxe ou solutions des objections, on voudra bien sc rapporter aux divers articles contenant les éléments du traité de l'Église. I^c système théologique de Toumély sur la consti­ tution de l’Église (droit public interne) ct sur ses relations avec l’Élat (droit public externe) est contenu à peu près entier — sauf renvoi au traité de VOrdre — dans son traité De Ecclesia Christi. L’auteur eut le temps d’en donner deux éditions; on utilisera la secunda editio ab auctore recognita, Paris, 1739. Les éditions ultérieures de Cologne, Venise ct Naples ont en effet été amendées dans un sens ultramontain ct ne livrent pas la pensée même de nos gallicans. 1. LES SYSTEMES GALLICANS SUR LA CONSTITUTION DB L'ÉGLISE. — 1° Système (Γ Honoré Toumély. — § 1. La définition de Γ Église. — Dès le début de son œuvre, Toumély établit sa définition de l’Église. Il l’emprunte à Canisius ct à Bellarmin, deux ultra­ montains : Catus hominum unius et ejusdem fidei christ iante professione el eorumdem sacramentorum comma· nione conjunctus, sub regimine legitimorum pastorum, ac præcipue romani pontificis. De Ecclesia, q. i, a. 2, conclusio, t. i, p. 25. Il dit préférer ccttc définition à celle de Richer : Ecclesia est politia monarchica, ad finem supematuralem spiritualem instituta, regi­ mine aristocratico, omnium optimo et natura convenientissimo, temperata a summo animorum pastore Domino Jesu Christo. Il reproche ά ccttc formule, ct non sans raison, d’être enveloppée, muette sur la communauté de fol et de sacrements, aussi bien que sur le pape, et de viser plutôt le mode de gouver­ nement (politia monarchica) de cette société que la société elle-même. Ibid. I II défend ensuite son propre texte contre les attaques de Launoy. Cclui-d ne voulait pas qu’en la définition de l’Église on fît mention des pasteurs ct du pape, et pour la raison même que Tournély invoquait contre j Richer : Istud enim pastorum regimen ad statum Ecclesia pertinet, non vero ad Ecclesia naturam et essentiam. I bid. I Contre ccttc objection, Toumély démontre correcte­ ment que deux choses sont essentielles A l’Église : Vunion de scs membres et la subordination des uns aux autres : unio scilicet eorum qui illam constituunt et subordinate seu dependentia eorumdem ab (is qut societatem moderantur el regunt. Ibid., p. 26. Ainsi est déterminée très nettement la position du gallicanisme A la fin de l’ancien régime : cc n’est pas une théorie démocratique; si, au sujet de la consti­ tution de FÉglisc, la doctrine gallicane sc distingue de la doctrine romaine, cc n'est pas qu’elle se sépare d’elle sur ce caractère essentiel à l’Église de Jésus-Christ d’être une société de membres inégaux, une société hiérarchique; c’est seulement parce qu’elle conçoit un peu autrement l’organisation de ccttc hiérarchie. 2. L*organisation de la hiérarchie. — La formule qui exprime cette conception se rencontre dans le De Ecclesia de Toumély, q. iîî, De auctoritate Ecclcstæ in rebus ad religionem Pertinentibus a. 6 Quale sit 1099 GALLICANISME Christo iastitutum regimen Ecclesiæ : c’est une conclusion : « Le gouvernement de l'Église n’est pas purement monarchique, mais il est tempéré d’aris­ tocratie; l’usage du pouvoir apostolique doit être modéré par les canons établis par l'Esprit dc Dieu et consacrés par le respect du monde entier. · On reconnaît, au passage, des mob employés par Bossuet dans la Déclaration dc 1682. Trois parties dans ccttc conclusion, dit Tournély : a) le régime dc l’Église est vraiment monarchique; b) il n’est pas purement monarchique; c) l'exercice du pouvoir apostolique est réglé par les canons aux­ quels il doit être soumis, a) La première partie dc la conclusion, celle qui affirme Γexistence dans l'Église d’un chef possédant · un pouvoir universel de gouverner et de commander aux autres, » est une doctrine que la faculté dc Pans a bien souvent réclamée comme sienne et, en particulier, lorsque Marc-Antoine de Dominis lui a attribué une conception purement aristocratique du gouverne­ ment ecclésiastique. Parisiensium doctrina, avait osé affirmer cet auteur, enucleate intellecta nihil discrepa! a mea his libris tradita doctrina el ab ipsa ventate... Schola itaque Pansiensis ct nostra est, ct reipsa potestati studet aristocraticæ, non monarchical : quare ex ejus quoque doctrina papatus nullo potest solido subsistere jundamento. A quoi la faculté dc théologie, censurant celte proposition (la 9· dc celles qu’elle condamna cn 1617), oppose cette dénégation formelle : Mera est contra jacultalcm Parisiensium impostura, ct Tournély appuie cc texte de deux témoignages de Gerson, Lib. de potestate ecclesiastica, consid. 10 ct 11 : Gerson lus... docet potestatem ecclesiasticam in sua plenitudine esse /oimaliler et subjective tn solo romano pontifice quem appellat monarcham primum, et de Pierre d’Ailly, in tractatu de auctoritate Ecclesiæ quem in ipsa sgnodo Constantiensi scripsit. Part. HI, c. i. b) La seconde partie : le régime de l'Église n'est pas purement monarchique, mais tempéré d'aristocratie, serait, d’après Tournély, communément admise par tous les docteurs catholiques et il enregistre à cc sujet l'aveu de Bcllannin, De romano pontifice, 1. I, c. v. La formule est, en ciTet, acceptée dc presque toutes les écoles catholiques, mais sous des mots identiques toutes ne mettent pas le même sens. Le sens gallican est déterminé par les arguments ici invoqués en sa laveur ct par la troisième partie de la conclusion. P· série de preuves. — Tournély mit cn ligne deux preuves scripturaires : a. Le régime purement monarchique et absolu a été réprouvé par Jésus-Christ quand il a dit : Scitis quia principes gentium dominantur eorum et qui majores sunt potestatem exercent in cos. Non ita exil inter vos, etc., Matth., xx, 26; cf. Luc., xxn, 25, ct il n’a Jamais été employé par les apôtres. Saint Paul les appelle dispensatores mysteriorum Dei, I Cor., ιν, 1, des économes 4 qui le domaine n'appartient point; saint Pierre est tout aussi formel : Neque dominantes in cleris. 1 PeU, v, 2. b. La seconde preuve est plus carastérisUque : r.'est d'un commun conseil, et non par les ordres du *eul saint Pierre, quoiqu’il possédât le primat, que les apôtres ont administré l’Église ct tranché les contro­ verses : ils étaient donc persuadés que l'Église ne devait Vas être gouvernée cl administrée par l'empire absolu i'un seul monarque. lbid.,p. 542. Notre docteur cite c choix entre saint Mathias et Joseph le Juste pour truplaccr Judas, neque illis duobus sortes dedit S. Petrus, vd a loto catu datas esse observat S. Lucas, Act.,î, 23; a constitution des diacres : El placuit sermo coram nultitudine. Act., vi, 2, 3-5 ct 9, quæ septem ex discipulis constituit coram apostolis, ct il Insiste partiOiHèrunent sur deux faits : le premier, que saint ιιου Pierre doit rendre compte dc sa conduite aux apôtres ct aux frères quand il introduit les gentils dans l’Église; le second, que la synodique de Jérusalem sur les observances qu'on doit imposer à ccs mêmes gentils, n’est pas établie par l’autorité du seul Pierre, ni signée de son seul nom, c'est une décision ct une lettre communes. Act., xv. 2* série de preuves. — Elle est empruntée au carac­ tère divin de l'institution des évêques; ils ont reçu du Christ le pouvoir dc juger sur les matières concer­ nant la foi ct la religion, aussi bien en même temps que le pontife romain, qu'avant lui, ou après lui : le gou­ vernement dc l’Église n’est donc pas remis aux seules mains de cc pontife, il n'est pas purement monarchique mais bien partiellement aristocratique. a. Que l’institution des évêques soit dc droit divin, notre auteur ne s’attarde pas à le démontrer, il renvoie à son traité de VOrdre, q. vi, a. 1, Dc divina episco­ porum institutione, prxeminenlia et superiorilale supra presbyteros, conch 2% b. Au contraire, il s’étend longuement sur leur privilège inaliénable dc juger les causes de fol : JésusChrist cn a donné le pouvoir à scs apôtres, auxquels les évêques succèdent. Joa., vin, 21. Saint Jacques et scs confrères en ont usé au synode de Jérusalem : Ego judico non inquietari cos qui ex gentibus conver­ tuntur ad Deum.... Visum est Spiritui Sancto et nobis. Act., xv, 19, 28. Les évêques les ont toujours imités. Tournély rapporte les formules conciliaires : Ego N. consentiens, judicans vel definiens subscripsi, les tenues dont se servirent les Pères dc Chalcédoine dans leur lettre au pape saint Léon le Grand, écho des termes employés par les évêques réunis au concile d’Arles dc 314, quand ils écrivaient au pape saint Sylves­ tre. Le pape Gélose H, cn 1118, parlant des évêques dc France, disait : Libenter acquiescimus /rutrum nostrorum judicio, qui a Deo sunt judices in Ecclesia constituti et sine quibus hæc causa tractari non potest. Ccs juges (que Gélasc semble regarder comme des juges nécessaires) n'ont pas besoin d’attendre la sentence du souverain pontife, ni dc le consulter, ni de lui déférer l’afTaire entière; ils peuvent, dans leurs conciles particuliers, connaître des causes de la foi ct les trancher : les exemples sont innombrables, depuis les condamnations portées contre Montan par les évêques des Gaules vers 177, que mentionne Eusèbe, H. E., 1. V, c. ni, Jusqu’à nos jours : Priscllllcn (concile dc Bordeaux, 485), Léporlus (425), les scmipélagicns (IIfl concile d’Orange ct concile dc Valence, 529), Élipand ct Félix (Francfort, 794), Godescalc (Klersy, 853), Bérenger (Paris, 1050), Abélard (Soissons, 1120, ct Sens, 1140), Gilbert de la Porrée (Reims, 1148) ont été frappés par des conciles provinciaux. Les papes ont reconnu ce droit dc juger cn demandant seulement qu'on leur fit une relatio dc la cause (Innocent I*r, Epist., n, ad Victricium llothomagensem: xxiv, ad concit. Carthaginense), en ren­ voyant ccs causes au tribunal des évêques (Siricc dans la cause de Bonose, Alexandre III dans celle dc Pierre Lombard) ou cn adoptant leur sentence (Boniface Il au concile d’Orange dc 529). Enfin, même quand une décision romaine a devancé le jugement épiscopal, les évêques prononcent sur la cause cn vertu de leur droit propre. C’est une préro­ gative que saint Léon leur reconnaît à l’occasion du concile dc Chalcédoine ct voici le commentaire de Tournély : « Cc que saint Léon avait défini (contre les erreurs d’Eutychès), le pape l’avoue lui-même, a été de nouveau discuté ct approuvé par le jugement dc toute la fraternité, c’cst-à-dirc de toute l’Église I réunie cn concile, ct le pape déclare cc jugement HOI (épiscopal) Irrévocable, parce qu’il est souverain ct d’une autorité Infaillible· · Puis, après deux témoignages analogues dc Martin I·» , et d’Adrien Ier, Tournély approuve la conduite des , évêques de France dans les affaires plus récentes dc la condamnation des cinq propositions de Jansénius, du · livre dc Fénelon ct du fameux Cas de conscience. » ! « Ils n’ont pas reçu les constitutions pontificales par une obéissance aveugle, mais cn connaissance de cause cl après jugement.·, ils n’ont pas été de simples exécuteurs, mais des juges..,. Non pas qu’ils sc soient constitués arbitre; et juges du jugement même du souverain pontife, mais eux aussi ils ont porté leur sentence sur la cause qu’avait tranchée le pape. » c. En lin notre auteur rapporte une série de condam­ nations doctrinales rendues par la faculté de Pans: elles taxent d’hérésie la proposition du dominicain Jean de Monzon : Ad solum pontificem pertinet eorum quæ tangunt fidem examinatio et decisio; elles obligent Jean Sarrazin, cn 1129, à rétracter scs thèses et à professer : Quandocunque in aliquo concilio aliqua instituuntur, tota auctoritas dans rigorem statutis, residet non in solo S. pontifice, sed principaliter in Spiritu Sancto et Ecclesia catholica, elles notent comme scandaleuse, blasphématoire, notoirement hérétique ct erronée la thèse du frère Ange, mineur : Posset papa totum jus canonicum destruere el novum consti­ tuere, Tournély fait encore état dc la rétractation Imposée cn 1655 au bachelier François Gouillon : Agnosco et fateor episcoporum jurisdictionem esse juris divini et esse immediate a Christo, cosquc in conciliis generalibus vere esse judices atque in iis ex eorum judiciis S. pontificem pronuntiare, et termine par la censure prononcée le 1er avril 1664 contre ccttc proposition dc Jacques Vernant : Ejus (S. pontificis) est unius emergentia circa fidem dubia infallibilis veritatis oraculo tollere el explanare.... Ha propositiones, dit à l’encontre la faculté, quatenus excludunt ab Ecclesia infalUbiiitatem activam, seu auctoritatem emergentia circa fidem dubia infallibilis veritatis oraculo tollendi et explanandi, jalsœ sunt, (cmerariæ, scandalosæ et hærcticæ. J· série de preuves. — Ccttc série d’arguments, par lesquels Tournély prouve que le régime ecclésiastique est cn partie aristocratique, montre tout à fait claire­ ment la pensée gallicane: · Que si le régime dc l’Église était de toute manière ct absolument monarchique, 11 s’ensuivrait nécessairement : a. que seul le souverain pontife serait d’institution divine, que toute l’autorité ecclésiastique aurait été donnée par Dieu ύ lui seul, que les évêques pris séparément, ou l’Église réunie en concile, n'auraient point d’autre autorité qu'un écoulement dc l'autorité du pape; b. qu’en l’Eglise (cn dehors du pape) il n’y aurait pas d’autre infailli­ bilité qu’une infaillibilité passive... (c'est-â-dirc : clic n’apprendrait du papo aucune erreur); c. que T Église universelle même assemblée serait inférieure à celui dont elle tirerait toute son autorité; d. que jamais il ne serait permis d'en appeler du pape au concile; e. que les conciles ne seraient jamais absolument nécessaires pour connaître ou définir la vérité : le pape les réunirait pour prendre conseil, sans être astreint â leur obéir. · Layncz, dans le discours rapporté par Palla vicini, Historia concilii Tridentin i, I. XVI11, c. xv, accepte toutes ccs conséquences, dit Tournély... Or toutes sont absurdes ct contraires Λ tout© la tradition. · Et notre docteur conclut:· Le régime de l’Église est-il plus monarchique qu’aristocratique ? i On peut le dire plus monarchique, si on considère Ia I manière commune, ordinaire, habituelle dont l’Église est gouvernée, car les conciles ne sont pas tor jours 1 réunis, tandis qu’il y a toujours un souverain pontife, Mais H est plus aristocratique» si l’on considère où 1102 est l'autorité suprême, primaire et infaillible : cette autorité est dan» la seule Église universelle ou réunie ou dispersée. · Toute la théorie gallicane est exprimée en ce dernier paragraphe, elle ressort avec plus de netteté encore dans la troisième partie de la conclusion de Tournély· c) L'usage de la puissance pontificale doit être réglé par les canons auxquels elle est soumise. Ces paroles sont extraites du texte même de la Déclaration de 1682. Tournély prouve cette finale d'abord par l'aveu des souverains pontifes. Tertia pan conclusionis, usum scilicet pontificia potestatis per canones moderandum esse quibus illa subdita esse debet, probaiur ex ipsamet summorum pontificum declaratione ae confessione, et il enregistre la confession de Jules Ier, de Libère, de Zoziine, de Bon*face (quod contra statuta Patrum concedere aliquid, œl mutare, ne hujus quidem sedis possit auctoritas), de Boniface I’r, de Celestin Itr, de Simplice.de GéIase Ι·ς de Félix III, de Grégoire le Grand (sicut sancti Evangehi quatuor libros sic quatuor concilia suscipere et venerari me fateor), de Martin l·*, de Léon III, de Nicolas Ier, etc. De ces déclara* fions sont nés ct l'adage ; Ecclesia regitur canone, non absoluta potestate, et les protestations de nos évêques n’acceptant les jugements apostoliques qu’au cas où ils sont fondés sur les canons. Tournély rapporte encore la lettre des prélats francs au pape Jean VIII (878) sur la condamnation de Lambert ct ajoute : Audias non alia conditione episcopos nostras judicio romani ponti pels acquiescere quam quod ipsis videatur ad sacrorum canonum normam exactum. 141 suite est consacrée aux Libertés gallicanes : leur fondement inébranlable est la ferme et constante adhésion au droit ancien ct commun, aussi bien qu’aux canons... Jamais nos évêques n'ont permis qu’on les en séparât et ils ont résisté toutes les fois que les pontifes romains ont tenté d’innover quoi quece fût contre leurs règles. Tournély sc contente dc rappeler l’attitude de Γ Assemblée de 1650 et ses protestations contre le bref de 1632 qui avait déféré à quatre évêques seule­ ment (ct non à douze, suivant l’antique coutume) te jugement dc plusieurs dc leurs confrères accusés dc lèse-majesté. Ce long développement n’eût pas été tout à fait conforme Λ la tradition gallicane, s’d ne s’était ter­ miné par un appel aux exemples africains. Ccttc Église est le modèle préféré d'un clergé plus latiniste qu’hcllénistc ct qui aurait eu scrupule dc chercher ses inspi­ rateurs ailleurs que dans une Église illustrée par des saints ct des docteurs tels que Cyprien ct Augustin, demeurée jusqu’au bout, malgré les revendications dc son ombrageuse indépendance, unie à l’Église romaine. On ne saurait exagérer l’influence des exemples africains sur le développement dc la théologie gallicane. 3. Le chef dc LÉglise. — Si le gouvernement dc l’Église est dans son essence plutôt aristocratique que monarchique, quelles sont les prérogatives que l’Église gallicane reconnaît au chef de cette Église? Tournély consacre ù cet important problème toute la q. v. De capite Eccles ix .· elle occupe le n· volume dc son traité Dc Ecclesia. Inutile de s’arrêter aux art. 1 et 2. Tournély y établit classiquement : a) la primauté dc Pierre sur les autres apôtres; b) la primauté d’honneur ct dc juridiction que le pontife romain possède de droit divin au-dessus dc tout autre évêque dans l'Église universelle. L’art, 3, au contraire, doit retenir lo lecteur, caron y examine les deux questions jadis si controversées : Le pape pcut-ll errer dans ses définitions sur les causes concernant la fol et les mœurs ? Son autorité est-elle dc telle nature qu’il n’oit pas de supérieur sur terre? 1103 a) Le pape peut-tl errer dans ses GALLICANISME définitions sur les causes concernant la /oi et les moeurs ? Théorie gallicane contre rin/ailllbilité pontificale. — a. Préliminaires de la these. — Toumély déblaie d'abord le terrain : tout ic monde est d’accord pour nier l'infaillibilité du pape comme docteur privé; la controverse n’a de sens que quand il s’agit du pontife pariant comme pontife, personne publique, pasteur et chef de tous les fidèles, docteur de toute Γ Église. Encore Id notre auteur croit-il nécessaire de dis­ tinguer trois cas : le pontife prononce seul, de son propre mouvement, sans consulter les cardinaux, ni les évêques, sans délibération préalable, ni examen, ni discussion diligente : alors, de l’aveu de Bellarmin, qui cependant estime le cas chimérique ct écarté par une providence spédalc de Dieu, le pape pourrait se tromper. Sa condition, dit Toumély, ne saurait être meilleure que celle de l’Égiise universelle elle-même à qui le Christ n’a promis le privilège de l'infaillibilité que si elle prend tous les moyens de l’industrie hu­ maine. suivant la volonté du Christ lui-même, pour connaître ct défendre la vérité, t. n, p. 121. — Lc pontife prononce avec le concile : tous les catholiques s’accordent à dire que sa sentence est infaillible; mais on se divise quand il faut déterminer précisé­ ment ή qui revient le privilège : est-ce au pape, qui le communique au concile; est-ce au concile tout entier, pape et évêques réunis cn un seul corps; est-ce au pape d’une part et de l’autre au concile, tous deux également infaillibles même s’ils n’étaient pas unis ensemble ? — Le pontife prononce hors du concile, mais avec scs conseillers ordinaires, après examen diligent, avec toutes les précautions humainement désirables ; dans cc troisième cas, pcut-il se tromper? Ici on n’est plus du tout d’accord : les uns aiïlrment l’infaillibilité du pape pourvu qu’il parle ex cathedra; ils assurent que c’est une vérité de fol; d’autres, tenant la même opinion sur le privilège de l’inerrancc, n'osent pas le proposer comme contenu dans le dépôt de la révélation; d’autres doutent de son exactitude; d'autres la nient résolument. D’ailleurs, continue Toumély, on est loin de s’en­ tendre sur le sens des mots ex cathedra : pour les uns, le pape ne parle ex cathedra qu’au sein du concile général; pour les autres, quand 11 définit le sens de l’Écriture ou de la tradition, ou bien quand il Instruit tous les fidèles, ou encore quand il a l’intention d’imposer à tous les chrétiens un acte de fol; d’autres disent : il est infaillible quand, s’adressant à l’Égiise entière, il lui enseigne une doctrine concernant la fol ou les mœurs. I.a divergence n’est pas moindre quand il s’agit de déterminer à quels signes on reconnaît que le pape n parlé comme pasteur ct docteur, à toute l’Égiise, sur une doctrine concernant la fol ct les mœurs, avec l’intention d’obliger à la croire et après examen diligent Et quand on suppose tous ccs doutes levés, il cn reste encore un, et c’est l’objet propre de la controverse entre gallicans ct ultramontains : Unde repetenda sit firmitas (lia ac certitudo plena sententiæ pontificis ex cathedra loquentls : an ex consensu et approbatione Ecclesiæ, an ex privilegio divinitus romano pontifici collate ? Toumély, ct avec lui la plupart des gallicans, admettraient volontiers la formule : le pape parlant ex cathedra est infaillible, si parler ex cathedra n’était pas autre chose que parler du consentement el avec C appro· ballon de Γ Église . encore pourrait-on longtemps dis­ cuter sur la manière dont ce consentement doit être fourni; faut-U qu'il soit absolument universel, exprès, antécédent, ou au contraire seulement dominant, lad te, conséquent, etc. ? Toumély écarte enün la thèse de Launov ct de 1104 Bossuet sur l’infaillibilité du siège romain ct la failli­ bilité de l’homme qui l’occupe. Il ne dissimule pas que les textes accumulés par l’érudition de l’historien ct de l’évêque semblent assigner au siège de Pierre une indé/ectibililé doctrinale indéniable, mais il nie qu’on puisse concilier cct aveu avec « la Déclaration du clergé de France, de laquelle i) ne nous est pas permis de nous écarter. » 11 s’en tient donc à la formule de 1682, et c’est celle dont il défend l’exactitude. b. Thèse gallicane contre l'infaillibilité personnelle du pape. — · Quoique le pape ait la part principale dans les questions de foi ct que ses décrets regardent toutes les Églises ct chaque Église cn particulier, son jugement n’est pourtant pas irréfonnable, à moins que le consentement de l'Églisc n’intervienne. · Et l’àutcur appuie ccttc déclaration d’un commentaire remarquable pour enlever, d’une part, aux jansénistes le prétexte de s’autoriser de cette doctrine pour contredire les décisions émanées du pape seul, ct, de l’autre, aux ultramontains l’avantage qu’ils pouvaient tirer — et qu’ils tirent cn effet — de l’obligation reconnue par tout chrétien ct par toute Église d’obéir à ccs définitions romaines. « Quoi qu’il en soit (de la théorie), voici ce qui est certain ct hors de contestation parmi les catholiques : au pontife romain, dans les choses qui concernent la religion appartient la part principale, à lui, abstrac­ tion faite même de la question de savoir s’il peut ou non errer, il faut toujours religieusement obéir tant que l’Égiise ne contredit pas à ses définitions ct ne réclame pas contre elles. Ccttc obéissance duc par tous n’est pas exigée par un privilège d’infaillibilité, mais simplement par la suprême puissance spirituelle dont il jouit sur tous les chrétiens. Nous l'avons déjà fait observer, jusqu’ici jamais aucun hérétique n’a refusé d’obéir aux papes ou aux évêques sous prétexte qu’ils n’étalent pas Infaillibles, ils ont donné d’autres raisons de leur méchante opiniâtreté, mais point celle-là. » Toumély propose cinq chefs d’argumentation relatifs à cette proposition cn laquelle sc résume tout son système : « C’cst à l’Égiisc entière, et prise cn commun que Jésus-Christ a attribué le privilège de l’inerrancc, ct non pas au seul Pierre ou à quelque autre homme. » œ. Preuves de la thèse gallicane. — Comme d’habi­ tude, la preuve scripturaire vient cn tête, mais clic est sommairement expédiée : c’est contre l’Égiisc que les portes de l’enfer ne prévaudront pas, Matth., xvi, 18; c’est avec tous les apôtres ct leurs successeurs que Jésus-Christ promet d’être jusqu’à la consom­ mation des siècles, xxvin, 20; c’cst pour tous qu’il demandera au Père d'envoyer l’Esprit, c’cst en tous que cet Esprit demeurera, c’cst tous qu'il instruira. Joa., xiv, 16; xvi, 13. C’cst V Église que Paul appelle la colonne et l'étal de la vérité. I Tim., m, 15. Tout cela prouve une infaillibilité collective ct non per­ sonnelle. La formule du premier concile n’est pas : Visum est Petro et nobts, mais Visum est Spiritui Sancto et nobis, d’où la conclusion : Sententia igitur concilii Ecclesiam universalem repræsentantis est ipsa· met sententia Spiritus Sancti a quo in Ecclesiam directe et immediate derivatur infallibilitas judicii ac doctrines in causis fidei et morum. Toumély écarte cependant l'accusation d’erreur portée contre Pierre à propos des reproches que lui fît saint Paul ct réprouve avec la faculté de Paris (15 décembre 1617) la 35· proposition insolente de Marc-Antoine de Dominis sur ce sujet. β. Lc second groupe de preuves est tiré de la pratique des conciles : ils sont nécessaires pour trancher les controverses religieuses; ils reprennent ct exa­ minent à nouveautés décrets des pontifes romains; 1105 GALLICANISME le consentement des évêques a toujours été estimé nécessaire, non que la sentence du pape fût regardée comme définitive ct indéformable. il serait fastidieux de reproduire la série des textes invoqués par Tournély pour prouver l’absolue néccstité des conciles, depuis la lettre du clergé romain à saint Cyprlcn (firmum decretum esse non posse quod non plurimorum videbitur habuisse consensum, Epist,, xxxi), jusqu’à 1’lndlction du concile de Lyon par Grégoire X (quod cum tpse solus (pontifex romanus) non possit sufficere ad propulsanda mala qua: exorta fuerant, levat oculos in montem, montem quidem Det, id es/, ajoute le théologien gallican, «d concilium generale Ecclesia: quæ est mons Dei); de même on peut passer rapidement sur l’argument emprunté à l’examen en concile des décisions déjà portées par les pontifes romains, cn notant cependant l’observation sur laquelle insiste cc théologien : à savoir que si l’on trouve bien des exemples de définitions pontificales soumises à cette procédure, on n’en rencontre pas un seul de définitions conciliaires; sur ccs dernières on ne revient pas pour les examiner de nouveau, on les relit, on les répète» on les confirme, jamais on ne les discute. Le consentement des évêques a toujours été estimé nécessaire pour qu’un jugement du souverain pontife fût regardé comme irréformablc : saint Irénéc, Cont. hær., 1. III, c. iv, demande qu’on consulte les Églises anciennes dans toutes les controverses; Tertullicn, De præscript., c. xxi, professe la même doctrine, ainsi que les papes Jules 1er, Célcstin, Léon le Grand, Gélasc, Martin Ier, etc.; saint Cyrille d’Alexandrie ct saint Augustin font écho aux décla­ rations de ccs anciens témoins de la tradition primitive. Peu importe, ajoute Tournély, que ce consentement soit antécédent ou conséquent, exprès, tacite ou même Interprétatif; l’opposition même d’un certain nombre d’évêques ne doit pas entrer en ligne de compte ct si, par extraordinaire, ils sc divisaient cn parties presque égales, ki vérité serait nécessairement du côté de ceux qui adhéreraient au souverain pontife. Ista enim melior ac sanior pars censeri deberet, et Ecclesiam sufficienter referre. Ecclesia siquidem corpus est visibile capiti suo romano ponti­ fici adunatum et ipse romanus pontifex est centrum uni­ tatis et communionis ecclesiastica:. Ecclesia, inquit S, Cy­ prianus, Epist., lxix, ad Pupianum, est plebs sacerdoti adunata et pastori suo grex adhærcns.,, atque Ecclesia est (n episcopo et episcopus in Ecclesia. C*est la doctrine prudente, remarque Tournély, de l’Asscmblée même de 1682 qui, malgré les Instances de Gilbert de Choiseul, refusa de dire : le jugement du souverain pontife n'est pas Irré/ormable tant que ne s'y ajoute point le consen­ tement de ΓÉglise universelle; notre clergé s’en tint à une formule qui ne dépassait point celle qu’avait proposée cn 1663 la faculté de Paris : Non esse doctrinam facultatis, quod summus pontifex, nullo accedente Eccle­ siæ consensu, sit infallibilis, γ. Les arguments du troisième groupe sont em­ pruntés à l'histoire de certaines controverses : la controverse paschale entre saint Polycarpe ct le pape Anlcet, les évêques d’Asie ct le pape Victor. Saint Irénéc croyait si peu à l'infaillibilité personnelle du pape qu’en ccttc occasion 11 prit la défense des Asiates que Victor qualifiait pourtant de rebelles d la vraie fol. La controverse baptismale entre saint Cyprlcn et le pape Étienne ct le jugement qu’en porte saint Augustin fournissent une Induction dans le même sens : le grand docteur d'iilppone excuse la révolte de l’évêque de Carthage, quia plenarium hae de re conci­ lium Ecclesia nondum habebat. De baptismo, 1. IV, c. vi. o. A ccs témoignages s’aloutcnt ceux des diverses Églises ct des grandes universités. Bessarion, au nom des grecs, disait au concile de Florence : Quoniam | / 1106 igitur quantacunque facultate polleat comana Eccles ta, minus tamen pollet synodo œcumen ica. Les /Africains ont exprimé plusieurs fois, notamment dans l'affaire du prêtre Apiarius, leur opinion contre les prétentions romaines; l’Égiise d’Allemagne n'a pas hésité a cn appeler du pape au concile, de même Γ Église de Belgique cn 1497 et l’Égiisc gallicane cn plusieurs occasions. L’université de Paris, par la bouche de Pierre d’Allly en 1387, a qualifié d’hérésie les propo­ sitions Infaillibilistes du dominicain Jean de Monzon; elle a appelé plusieurs fois du pape au concile, ct condamné souvent les doctrines ultramontaines. <. Enfin beaucoup de gallicans tirent argument des erreurs commises par les souverains pontifes ou des définitions contradictoires rendues, ou encore des aveux faits par eux : Tournély n’est pas du nombre. Il examine, un à un 1rs cas proposés ct montre qu’en ccs différentes espèces ou bien la fol n’était pas en cause, ou bien les décisions n'avaient pas été libres, ou bien n’avaient pas été portées dans les conditions requises pour qu’on les regardât comme des décisions ex cathedra, A ccttc argumentation positive, ce théologien joint une réfutation très étendue des preuves alléguées par les ultramontains cn faveur de l'infaillibilité pontificale. C’cst Bcllarmln qui est, comme de juste, l’adversaire mis cn cause quand il s’agit de l'inter­ prêta tion des textes scripturaires et conciliaires; c’est à Antoine Charlas. l’auteur du Tractatus de libertatibus Ecclesiæ gallican*, que Toumély s’en prend quand il est question des textes patristiques ou d’aveux favorables aux thèses ultramontaines que Charlas a eu la malice d’emprunter aux théologiens français. 11 suffit de noter les principes de solution que les gallicans opposaient aux preuves ct objections allé­ guées par leurs adversaires. Les promesses faites par Jésus-Christ à saint Pierre ne sont pas considérées par l'unanimité de la tradition catholique comme assurant des privilèges passant à scs successeurs, ni comme contenant autre chose qu’un primat d’honneur ct de juridiction auquel n est pas nécessairement jointe l’infaillibilité doctrinale indépen­ damment du consentement de l’Égiisc. Ainsi beau­ coup de Pères déclarent-ils que la prière faite par le Sauveur, pour que la fol de Pierre ne défaille point, ne vise que la personne de l’apôtre et la tentation parti­ culière que fut pour lui la passion du Sauveur. Beaucoup d’autres ne reconnaissent en l’apôtre que le représentant de l’Égiise universelle : Il reçoit le premier ct au nom des autres cc que les autres reçoivent ensuite eux-mêmes. Pierre n’est le fondement de l’Égiise que s’il de­ meure uni à ccttc Église; s’il s’en séparait, il ne serait qu’une pierre isolée, qui ne porterait rien. Voici lo développement de cette idée maîtresse : « Pierre est appelé par le Christ de ce nom de Pierre à cause de la fol ferme ct sans diminution que conservent ct sa personne ct ses successeurs, tant que cette pierre ct cette foi restent adhérentes et unies à l’édifice total qu’est l’Égiisc... Mais non pas si cette pierre sc sépa­ rait de tout l’édifice, si ccttc foi venait à abandonner la foi de toute l’Égiisc...; une pierre n’est fondamentale que si clic est sous la maison et lui est unie, ainsi lo pape n’est le fondement de l’Égiisc que s’il la supporte, c’est-à-dire s’il lui est joint dans le consentement en une même fol ct doctrine. La comparaison de la pierre fondamentale ct de la maison prise matériellement est inadéquate à notre sujet, parce que la solidité de la maison matérielle dépend de la solidité du fonde­ ment sur lequel elle s’appuie, tandis que la solidité du fondement de l’Égiise vient du seul Christ, qui l’a acquise de son sang ct qui est son fondement essentiel, 1107 GALLICANISME primaire ct interne,tandis que le pontife romain n’est pour elle qu’un fondement accidentel, externe, secon­ daire, ministériel, qui fonde l’Église seulement en tant qu’il adhère ù l'édifice entier ct lui est uni, comme il faut, pour en tirer sa propre fermeté. /Vins! l’enseigne fort bien le pape Sixte II J dans sa x* lettre aux évêques d’Illyrie: - Dc même que le corps, dit-il, est • gouxerné par la tète, la tête, si elle n’est soutenue par « le corps perd sa fermeté, sa vigueur ct la dignité • qu'elle possédait. » Il ne faut donc point presser la comparaison dc la maison ct du fondement.... si par fondement on n’entend pas le Christ lui-même... La fermeté de l’Église dépend du Christ, son auteur ct instituteur, qui est toujours présent en elle et la dirige par sa perpétuelle Influence. Vobiscum sum omnibus diebus. · Pierre est bien le centre, dit ailleurs Toumély, mémo au point dc vue doctrinal; mais un point n’est centre que par relation avec la circonférence; s’il s’en sépare, il n’est plus rien. Aux textes patristiques et conciliaires qu’on lui oppose Il répond, non sans quelque embarras, qu'ils constatent seulement le fait de l’Inerrancc ou actuelle, ou même habituelle dc l’Église romaine, mais reconnaissent si peu son droit à l'infaillibilité que les synodes n’ont jamais hésité à examiner l’exactitude des Jugements qu'elle avait rendus. Tout ce développement est couronné par une dissertation en forme sur la supériorité des conciles à l’égard du pape. C’est là qu’on trouve la réponse à la seconde ques­ tion posée par les gallicans sur les relations du pape ct de l'Église. b) L’autorité du pape est-elle de telle nature qu’il n’ait pus de supérieur sur terre ? Théorie gallicane sur la supériorité des conciles. — a. « Une société qui ne reconnaît pas à sa tête un monarque absolu est supé­ rieure, non seulement à scs membres Inférieurs, mais encore à celui qui en occupe le principal. Ainsi en c.l-ii de la république dc Venise où le doge est supérieur Λ chaque magistral ct A chaque membre du sénat, mais est soumis ct inférieur à toute h république... · b. Celui qui a reçu du Christ l'autorité dc lier cl de délier, comme représentant dc l'Église, dont il est le chef, le ministre principal ct universel, reconnaît ccttc Église pour supérieure, car c'est en elle qu’est la source, la racine, l'or ginc ct la plénitude dc la puis­ sance spirituelle conférée. c. L'autorité que tous les catholiques regardent comme infaillible est supérieure Λ celle sur l’infail­ libilité de laquelle on discute parmi ccs mêmes catho­ liques : c’est la position même des choses dans le problème qui nous occupe; le pape dont l’infaillibilité est contestée ne peut donc être le Juge dernier ct suprême des controverses de la fol, il reconnaît audessus dc lui l’autorité dc l’Église. d. L’autorité du collège des apôtres s’est exercée même sur suint Pierre : le chef dc l’Église fut envoyé en Samarie par scs collègues : Miserunt ad eos Petrum et Joannem. e. C’est enfin la pratique ct même l’expresse doctrine des conciles : Ils ont condamné des papes comme Vigile; ils en ont déposé d’autres comme Grégoire XII, Benoit XIII ct Jean XXIII; ils ont proclamé (A Constance), et non pas par un décret de circonstance, mais en visant la foi ct la réforme dc l’Église que le pape était soumis à leur Juridiction ct correction; ils ont répété ccs décrets dans des sessions du concile dc Bâle antérieures à la dissolution légitime de ce synode et l’on ne peut opposer à ccs décisions aucune décision ultérieure dc concile qui soit d’un rmdle sûrement oecuménique, ou qui soit d'une teneur excluant la thèse gallicane dc l’infaillibilité conjointe. 1108 Tel est le gallicanisme des théologiens à la fin de l’ancien régime : la comparaison dc sa constitution avec celle dc la république dc Venise est classique chez tous, elle est claire. Aussi pourrait-on dire que la formule exacte du système n’est pas tout à fait la définition de l’Église que Toumély emprunte ù Bellarmin : l'assemblée des fidèles n’est pas une société monarchique tempérée d’anslocratic, ce serait plutôt une société aristocratique améliorée par un statut monarchique; c’ait une collectivité gouvernée, ensei­ gnée, sanctifiée par une aristocratie épiscopale, par des vicaires immédiats du Christ. Pour assurer l’unité des vues ct des démarches dc ccs princes, pour suppléer à leurs négligences ou ù leurs défaillances, à l'insullisancc dc cc concile permanent, mais dispersé que forme l’épiscopat du monde entier auquel est confiée en bloc, in solidum, la charge dc l’Église universelle, ct ù celle dc ccs conciles assemblés,mais intermittents, que sont les synodes provinciaux, nationaux cl œcuméniques, Jésus-Christ a établi un évêque des évêques, le pape. Évêques ct pape sont constitues par le Christ aussi immédiatement les uns que l'autre, évêques et papes reçoivent directement leur Juridiction, comme leur caractère sacerdotal cl épiscopal, dc celui qui est le seul prêtre éternel, le seul chef dc l’Église, sans qu’on puisse dire, comme l'affirment certains épiscopaliens, que la juridiction supérieure du second soit constituée parles concessions volontaires à lui consenties par scs égaux en vue de sauvegarder l’unité, ni comme Laynez voulait le faire définir au concile de Trente, que la juridiction des premiers leur vienne du pontife romain. 2° Divers systèmes gallicans. — Il ne saurait être question de retracer ici, même brièvement, la genèse des théories gallicanes. On trouvera un essai sur l'histoire dc ccs doctrines (essai conçu au point de vue polémique pour établir un argument contre elles) dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, à l’art. Gallicanisme. On notera seulement quelques tentatives caractéristiques de systématisation d’une cccléslologlc gallicane. Le gallicanisme des théologiens français n’est primitif dans l’Église dc France, ni comme doctrine explicite, ni comme doctrine impliquée dans les principes cl la constitution dc cette Église. Ces théories sont des constructions factices imaginées pour justifier des résistances aux développements théoriques cl pratiques dc la primauté dc Pierre. Nos institutions particulières ont été parfois bouleversées par des inter­ ventions pontificales, d'autres fols nos susceptibi­ lités nationales, nées de très bonne heure, ont été alarmées par certaines démarches — redoutées ou accomplies — dc quelques papes, d’autres fois encore nos pères ont voulu sauvegarder les Intérêts matériels dc leur clergé lésés par les conséquences fiscales dc la centralisation romaine ct dc l'action mondiale du Saint-Siège. On commença par traiter d’abus les applications odieuses dc principes Incontestés, puis on cxcipa contre elles dc privilèges consentis par les pontifes à notre Église nationale, a scs évêques ct Λ nos souverains, ou bien on Invoqua des coutumes ayant prescrit; assez tard seulement on nia les prin­ cipes eux-mêmes ct on imagina diverses conceptions dc la constitution ecclésiastique où le pape n'occupait point la place que lui assignent pourtant Γ Écriture ct la tradition. On s’écarta d’autant plus facilement des principes traditionnels sur la matière: 1. que l’autorité ponti­ ficale avait été fortement battue en brèche par les polémistes césaricns. au temps de la querelle des investitures; leur Influence est Indéniable dans l’histoire du gallicanisme, celle des polémistes anglais n’est pas sans probabilité; 2. que l’on rencontrait dans les 1109 GA LL ICA N I SM B anciens canonistes (ils n’ont pas encore été assez étudiés à ce point de vue) des doctrines ct surtout des .formules qui semblaient soumettre le pape à l’Église : le canon sur le pape hérétique par exemple; 3. que le renouveau de l'aristotélisme dans 1' École avait créé dans les esprits un concept démocratique dc la société qui tic convient qu’analogiqucment a la société thiocratiquc ct monarchique qu’est l'Église : on voulait, à tort, ramener au type de la société politique, alors conçue comme essentiellement constituée par l’accord dc volontés égales, une société surnaturelle qui est plutôt du type dc la société familiale, consti­ tuet qu'elle est par la transmission d’une vie (la grâce) passant d'un auteur (le Christ) aux fidèles par le ministère de scs vicaires;4. qu’il fallut enfin, au début du xv· siècle, remédier au schisme pontifical par des mesures violentis, légitimées seulement aux yeux dc beaucoup par les théories gallicanes canonisées, disait-on, au conede de Constance. 1. On ne trouve pas d’exposé de doctrine qu’on puisse proprement qualifier de gallican avant l’avè­ nement de la dynastie capétienne : ni saint Irénéc, ni les évêques gaulois réunis au concile de Turin au début du v· siècle, ni même saint Hilaire d’Arles en querelle avec saint Léon le Grand, ni les prélats francs de l’époque mérovingienne, ni les Pères du concile de Francfort (794), ni les évêques partisans dc Louis le Pieux, qui reçurent si mal le pape Gré­ goire IV en 833, ni Hinemar de Heims, quoi qu’en ail dit son dernier ct très méritant historien, H. Schroers, Hinkmar von Reims, Fribourg-en-Brisgau, 1884, ne sont a proprement parler des gallicans. Les Fausses décrétales, dont on fait à tort l’une des sources principales de la doctrine ultramontaine, n’auraient pu s’imposer A la crédulité générale, avec l’invrai­ semblable facilité que l'histoire constate, si les théories sur lu constitution ecclésiastique qu’elles supposent n’avalent pas été les théories mêmes dc notre ancienne Église. La première exposition un peu nette d’une concep­ tion gallicane dc la constitution ecclésiastique sc trouve ct dans le discours au concile dc Saint-Baslc-de Verey (près Helms) que Gerbert place dans la bouche de l’évêque Arnold d’Orléans (17 ct 18 juin 991) et dans les lettres même dc Gerbert relatives ù ccttc affaire. Les rois Hugues Capet ct Robert, ct les évêques auteurs dc leur exaltation avaient A défendre contre un pape, qu’on supposait dévoué aux Carolingiens ct aux empereurs germains, la monarchie nouvelle, trahie par l’archevêque cs • fidèles, soit qu’cJle souffre de leur relâchement, celui-là 1127 GALL1C/\NISME leur demandera raison qui a confié l'Égllse à leur puissance. Ceux qui donnent le moins d’étendue à cc célèbre décret du VI· concile de Paris qui porte que · le Fils de Dieu a divisé la conduite de son Eglise entre les prêtres et les rois ct que c'est la doctrine que nous avons reçue par la tradition des saints Pères; ceux-là. dis-je. sont obligés de convenir que le roi, ou, cc qui est la même chose, le magistrat politique a la puissance souveraine dans Γ Église, quand il s*agit de conserver et de /aire exécuter sa discipline. » Sous la plume de Portalis, pareille conception était un anachronisme : le gallicanisme politique aurait dû mourir le jour où l'Assembléc constituante opposa à dom Gcrlc, demandant que la religion catholique fût proclamée religion d'État, un refus sur lequel la constitution Impériale n’était pas revenue. Le galli­ canisme politique, en eflet, n'est pas concevable dans un pays qui ne se considère plus comme une portion de chrétienté politiquement organisée, comme une Église nationale ou une nation chrétienne, ce qui aux yeux de nos pères était exactement synonyme : le ministre Impérial répétait des formules anciennes que la Révo­ lution avait vidées de réalité, mais il les répétait avec une netteté qui permet de trouver dans sa parole une des meilleures définitions du gallicanisme politique. C'est le système qui dans Γ Église nationale de France remet au magistrat civil le gouvernement de tout ce qui n'est pas strictement spirituel et la surveillance de toutes les mani/estai ions extérieures de la vie spirituelle. 2. Le système de Vayer de Boutigny. — Portalis empruntait du reste et les théories qu’il développait devant Caprara, et les termes mêmes dont il sc servait, à l’œuvre d'un des plus pénétrants conseillers du roi Louis XIV, à Roland Le Vayer de Boutigny (16271685), ct c’cst à cct auteur qu’il faut avoir recours pour connaître au juste le détail d'un système que Portalis ne pouvait qu’esquisser. Λ l’époque où l'Assembléc du clergé formulait la doctrine gallicane dans le document demeuré célèbre sous le nom de Déclaration de 1682, le roi demandait à cc maltrc des requêtes de lui faire « connaître avec précision toute l’étendue des prérogatives de sa couronne ct de (lui) apprendre principalement sur quoi elles pouvaient être appuyées en cc qui concerne l’administration de l’Église gallicane. · La haute valeur du conseiller s'étalt affirmée dans la rédaction de l’ordonnance de la marine, et son « orthodoxie gallicane » dans la composition d'un petit traité sur la législation relative aux vœux de religion : Le Vayer de Boutigny ne déçut point l'attente d’un souverain dont on a pu dire qu’il était le gallicanisme vivant, agissant, militant, triomphant... Le manuscrit des Dissertations sur l'autorité du roi en matière de régale fut copié à maintes reprises, puis publié à Cologne (7) en 1682 sans nom d'auteur. Le Vayer corrigeait de sa main cette édition subrep­ ti ce quand il mourut en 1685; son œuvre reparut sous différents titres ct avec divers noms d’auteurs, au cours du xvm· siècle, enfin en 1753 on cn fit paraître à Londres (7) une édition, qui portait son nom et qui était conforme au manuscrit original : Traité de l'autorité des rots touchant l'administration de ΓÉglise. C'est la synthèse la plus achevée du système gallican et c’cst bien celle que devaient consulter ceux qui, après la Révolution, voulaient renouer, autant qu’on le pouvait, la tradition de notre ancienne doctrine politique. a) L'Égllse, établit l'Avant-propos de ce traité magistral, · sc peut considérer en deux manières, ou comme un corps politique, ou comme un corps mys­ tique. On la considère comme un corps politique par relation à l’État dont elle est un membre, on la considère comme un corps mystique par relation au Fils de 1128 Dieu, dont elle est l'épouse, selon le langage des Pères. Comme corps politique, c’cst une assemblée de peuples unis par les mêmes lois et sous un même chef temporel pour contribuer ensemble à la conserva­ tion de l’État ct de la tranquillité publique. Comme corps mystique, c'est une assemblée de fidèles unis par une même fol ct sous un même chef spirituel pour travailler ensemble Λ la gloire de Dieu cl chacun à son salut particulier. Considérant l’Église comme un corps politique, son chef est le magislrat politique, c'est-à-dire ccttc puissance temporelle cn qui réside la souveraineté d'un État ct que nous appelons roi dans la plupart des monarchies. Considérant l’Église comme un corps mystique, son chef est le pape, c'est-à-dire ccttc puissance spirituelle à qui le Fils de Dieu, qui cn est le véritable chef, cn a commis le vica­ riat Ainsi deux puissances souveraines se trouvent asso­ ciées au gouvernement de l'Église : la temporelle est la première dans l'ordre naturel, car, comme a dit un fameux évêque du iv· siècle (saint Optat de Milève), c'est l’Église qui est dans l’État ct non pas l’État qui est dans l’Église. Mais, dans l’ordre surnaturel, la spirituelle est la plus considérable sans doute en excellence ct cn dignité. » On le volt, la doctrine gallicane regarde notre Église nationale, ou notre nation chrétienne, comme une société unique sous deux gouvernements. ô) Comment déterminer les relations des deux chefs 7 Avant le temps de Louis XIV, je l’ai dit, les gallicans s'en étaient surtout remis à la coutume. Avec l'ouvrage de Le Vayer de Boutigny. le fonde­ ment du système gallican change, ou pour mieux dire, il sc découvre aux yeux : sans doute le maître des requêtes, dans la première partie de son traité, accu­ mule les « exemples » du passé pour montrer le rôle des rois dans les affaires ecclésiastiques, mais il affirme solennellement que le fait ne crée pas le droit et que, pour connaître au vrai les relations légitimes des deux pouvoirs. Il faut partir de principes sur lesquels conviennent ct l’État ct l’Église. Or ccs principes sont contenus dans le canon du concile de Paris que Gralicn a inséré dans le Décret ct que Portalis Invoquait auprès du cardinal légat. Toute la seconde partie du · traité » de Le Vayer de Boutigny est le commentaire de cc canon : elle vaut la peine d’être analysée. Sur l'Egllse ct son administration le roi a des droits : a. comme che/ du corps politique; b. comme gardien et protecteur du corps mystique. a. Seul responsable devant Dieu des Intérêts temporels du corps politique qu’est l’Église gallicane, le roi y pourvoit seul, comme le pape pourvoit seul (en concurrence pourtant avec les évêques, leur nom n’est pas prononcé, mais il est sous-entendu) aux intérêts purement spirituels de la société chrétienne. Il arrive fort souvent que les intérêts de l’Église ne sont ni purement spirituels, ni purement temporels, mais mixtes, et c’cst cn ccs occurrences qu’il est délicat de déterminer les relations des deux pouvoirs. « Pour régler... ccs différends, dit cct auteur, il faut seulement considérer que ccs intérêts ou tendent à la même fin ou tendent à des fins diverses ct opposées. SI leurs Intérêts tendent à même fin, les lois des deux puissances doivent s’accorder parfaite­ ment... SI leurs Intérêts sont opposés, l’accommo­ dement cn est moins facile..., ou II s’agit d'une chose de nécessité à salut ou il s’agit d’une chose qui n'est point de nécessité à salut; j'appelle de nécessité à salut tout cc qui est de commandement ct de fol; tout cc qui n'est pas de commandement divin, ni de fol, mais qui tend seulement à une perfection plus grande, Je le considère comme n'étant point de nécessité à salut. S’il s’agit d'une chose de nécessité au salut 1129 GALLICANISME 1130 s'opposer à ce qui pourrait être contraire à leur salut; il n’y a point à balancer, point d'intérêt, point de loi d’État qui puisse entrer cn comparaison avec la néces­ mais il y a deux manières d’agir, l'une de souverain et sité du salut qui, comparé à tout le reste, est l'unique l’autre de médiateur. I>e souverain agit par comman­ nécessaire. Mais s’il s’agit d’une chose qui ne soit pas dement, par menaces et par châtiment. Le médiateur de nécessité au salut et qui tende seulement à une agit par remontrances, par exhortations et par prières. plus grande perfection. Il faut qu’elle cède aux lois L'Église est-elle obligée d'user de ccs deux voles pour et aux nécessités de l’État. Pourquoi cela? Parce que le salut des peuples? Nullement... Elle doit agir cn tout cc qui n’est point de nécessité au salut, mais qui souveraine dans les choses de la fol, parce que dans est seulement d’une plus grande perfection, n'est point ccs choses elle est souveraine... Hors les choses de la de l’exprès commandement de Dieu, est seulement fol, elle ne peut agir qu’en médiatrice, parce que dans u\ conseil; au contraire, les lois de l’État sont de ccs choses elle n’est pas souveraine, mais soumise, et l’exprès commandement de Dieu, qui nous ordonne que ce serait une usurpation qu'elle ferait sur le droit d’obhr aux princes, ct elles sont par conséquent des rois. d’obligation pour le salut même. » • Que les ministres de l’Égllse usent donc de remon­ Le Vayer explique aussitôt quelles conséquences trances, d'exhortations ct de prières envers les rois on peut tirer de ce principe ; Il est nécessaire au salut dans les choses mixtes..., cela est de leur devoir; que l’Évangile soit prêché, mais non qu’il soit prêché mais i) est alors de celui des rois d'en décider souve­ par tel prédicateur; la loi de l’État peut donc interdire rainement. Et si on me dit que peut-être les princes la prédication à tel ou tel, ou à telle heure, cn telle n’useront pas bien de leur autorité..., je réponds que, circonstance, à tel endroit. 11 est de nécessité au salut lorsque Dieu a donné le pouvoir souverain aux rois, qu’il y ait des prêtres, mais non pas qu’un tel soit Il a bien su qu’ils cn pouvaient abuser, qu’il n'a pas prêtre, le roi peut donc établir des empêchements à laissé néanmoins de le leur donner ct qu’il l'a ainsi l’ordination, etc. voulu afin qu’ils lui cn rendissent raison à lui-même. « Je ne doute pas, continue Le Vayer de Boutigny, C'est cc que... Grégoire de Tours répondit à Chllpéric... : que tout le monde ne demeure d'accord de cc que je « Sire, si nous manquons, vous nous jugez; si vous viens de dire qu’en cc qui n’est point d’exprès comman­ • manquez, qui vous jugera, sinon celui qui est la souvedement de Dieu, si l’intérêt de l’État sc trouve opposé • raine justice?» C'est donc aux rois de peser avec désin­ à celui de l’Église, cn sorte néanmoins qu'il y aille téressement les intérêts de l'Église.à se juger eux-mêmes peu de celui de l’Église et beaucoup de celui de l’État, I là-dessus et à se souvenir que, ne pouvant être juge celui-ci ne doive prévaloir... La diillculté ne consiste par aucune autre puissance humaine cn cc qui concemo donc qu'à savoir qui sera juge de cct intérêt et à le gouvernement de leur État, ils rendront compte à laquelle des deux parties il appartiendra de décider Dieu du bon ou du mauvais usage qu'ils auront fait dans ces occasions de l’importance et de la proportion de celle qu'il leur a donnée. » des besoins de l’Église et de l’État. Voilà le rôle du prince vis-à-vis de l’Église comme « Car si c’cst au prince, il semble que vous le rendiez chef du corps politique qu'est l'Égllse, voici mainte­ maltrc Indirectement de tous les intérêts de l’Église; nant son devoir ct scs droits comme protecteur du si c’cst aussi à la puissance spirituelle, vous la faites corps mystique. maîtresse de tout le temporel des monarchies, parce b. Le Vayer de Boutigny cn tire toute la théorie qu’elle n’aura qu’à dire : il y va de l’intérêt de l’Eglise des paroles du canon Invoqué par lui. Le droit de ct du salut des âmes, pour faire passer tout cc qu'elle garde ct de protection des souverains sur l’Église voudra établir. » n’est pas une concession de l’Église. « Tout cc qu’ils Et après avoir rappelé l’odieux souvenir de Boni(les princes) font dans l’cxercicc de leur droit de face VIH, le maître des requêtes conclut par ccs fortes garde ct de protection, ils le font indépendamment de paroles : « Or, pour expliquer cn un mot cc que j’en toute puissance humaine. » — Cc droit consiste à crois, non pas sur mon propre raisonnement, mais suppléer par la terreur de la discipline ce que le prêtre sur les décisions de l’Église même, j'ose dire que dans ne peut faire par la parole de la doctrine. Cc sont les toutes les choses mixtes, c'est-à-dire où l’Église ct expressions mêmes du vieux concile carolingien : la l’État prennent Intérêt, mais dans lesquelles il ne terreur de la discipline, c’est-à-dire toute coercition s’agit point de la fol, le magistrat politique est l’ar­ extérieure est interdite au prêtre, l’Église ne peut bitre souverain de l’intérêt de l’État ct que c’cst à user d’aucune sanction temporelle pour faire observer lui de juger si la nécessité de son État est telle qu’elle sa loi; cn face des rebelles elle serait désarmée si doive prévaloir ou céder aux besoins ct à l’intérêt de 1 Dieu ne lui avait donné d'ofllcc un protecteur : le roi. l’Église : ma raison est quc.de même qu’en tout cc qui La puissance temporelle supplée à la faiblesse essentielle est de la foi, l’État est subordonné à l’Église, de même de la puissance spirituelle cn quatre manières, comme cn tout ce nul n'est pas de la fol, l’Égllse est subor­ I le dit notre canon : a. « Si ceux qui sont dans l’Église donnée à l'Etat. Car Dieu n'a établi que deux sortes agissent contre la foi et la discipline de l'Église, ils seront punis par la sévérité des rois qui imposent sur d’ordre dans le monde..., l’ordre naturel pour toutes la tête des superbes le joug de la discipline que l'humilité les choses naturelles ct humaines, l’ordre surnaturel... de l’Église ne lut permet pas d'exercer, de là... tant pour toutes les choses surnaturelles ct divines..., cct ordre ne concerne que les choses de la fol...» hors la I d'exemples de la connaissance que les empereurs ont prise des choses de la fol... pour en punir les infrac­ foi, tout le reste est naturel ct humain : il faut donc teurs, de là vient que nous cn avons vu quelques-uns suivre l’ordre naturel dans le reste. Quel est cct ordre demander compte de leur fol non seulement à des naturel? C'est que le membre obéisse au chef, je veux particuliers, mais à des évêques ct à des papes mime, dire que l’Église, qui est membre de l’État, s'assujettisse lorsqu'elle leur a été Justement suspecte... Charles VI aux lois du magistrat politique... El de fait ne serait-il se soustraire à l'obéissance d’un mauvais pape... pas contraire à la justice de Dieu, d’avoir rendu les ct enfin tant de lois... pour la punition des hérétiques, princes responsables de la conduite de leurs États des mauvais prêtres ct des mauvais évêques, p. Si cl qu’il ne leur eût pas laissé la liberté d’ordonner l’on n’a pas le respect que l’on doit avoir pour les toutes les choses nécessaires à leur conservation, lorsqu'elles ne sont pas contraires à scs comman­ ordres de l’Égllse, le prince les fortifie des siens, afin, dit notre texte, de leur communiquer la force et la dements?... Je sais bien que, la puissance spirituelle vertu de l'autorité royale. » γ. · Qu'ils (les princes) étant aussi responsable à Dieu du salut des âmes, 11 ne serait pas juste de lui ôter la liberté d agir pour veillent ά la conservation de la paix dans C Église 1131 GALLICANISME lorsqu'elle at troublée. — Que si la discipline est négligée, qu'ils en empêchent le relâchement, car comme dit notre canon : soil que la paix et la disci­ pline soient augmentées soit qu'elles souffrent du relâchement, c'est au prince d’en rendre compte. · Et Le Vaycr de Boutigny resume toute sa doctrine ! dans la comparaison suivante qu'il emprunte a l’em­ pereur Basile : « L'Église sans doute est un navire de voyageurs que Dieu, qui en est le souverain maître, a commis à la conduite d’un pilote ct d’un capitaine, d'un pilote pour présider A la navigation ct d’un capitaine pour veiller ù la sûreté ct A la defense du n r ire. Tandis qu’il n’est question que de combattre les vents et la mer, que les matelots obéissent à la voix cl a la parole du pilote, tandis que le pilote fait bien tor devoir lui-même* qu’il ne parait point d’ennemis, au dehors et qu'il n'y a twint de tumulte et de sédition à craindre au dedans, tandis que, s’il y a quelque dispute, elle ne concerne que le fait ct ia science du pilote ct que sa parole ct son autorité suffisent pour l’apaiser, alors le capitaine se doit contenter de veiller sur ses soldats ct quant au reste il doit s'abandonner comme les autres à la conduite du pilote. Mais parait-il quelque adversaire au dehors, y a-t-il quelque rumeur à craindre au dedans, les matelots ou le pilote lui-même prévariquent-ih ou sc relâchent-ils de leur devoir, alors le capitaine a la terreur de la discipline en main pour remédier A tout. C’est à lui de défendre le vaisseau des ennemis du dehors, de faire au dedans qu’on obéisse au pilote, que la paix ct la discipline soient conservées ct d’empêcher enta que ceux qui doivent agir ct que le pilote lui-même ne sc relâchent. > En bref, la hiérarchie ecclésiastique ne peut exercer aucune coercition extérieure pour obtenir elle-même que ses fidèles observent scs lois, toute action de cc genre est du ressort de l’État; elle est soumise cllcmêrnc à la correction par laquelle le magistrat poli­ tique l’obligera A faire son devoir. Ainsi sc justi lient toutes les pratiques de l’ancienne monarchie; la dernière partie du traité de Le Vaycr de Boutigny les étudie les unes après les autres pour montrer qu’elles sont une conséquence nécessaire des principes établis ci-dessus : enseignement dans les chaires des églises, des universités, des collèges, publication de livres, lutte contre l’hérésie, convo­ cation des conciles, homologation de leurs règle­ ments, publication des décisions romaines, etc., appli­ cation des peines, distribution ct administration des biens d’Églisc, en un mot tout cc qui n’est pas stricte­ ment spirituel, tout cc qui n’est pas sans connexion axec quelque manifestation ou coercition extérieure ressortit au for civil. Les politiques revendiquent donc pour l'État un pouvoir indirect sur toute la vie de l'Église; c'cst une conception différente de celle des théologiens. 3° Notes sur l'histoire du gallicanisme des politiques. — Le gallicanisme des politiques est probablement beaucoup plus ancien en France que celui des théo­ logiens : la conception du caractère sacré de la per­ sonne royale, qui justifie la tutelle exercée sur l’Église, date au moins du temps de Charlemagne : le principe de la compétence exclusive du pouvoir laïque en matière temporelle, non seulement est clairement formulé sous Philippe le Bel, mais il est déjà la maîtresse pièce de tout un système de droit ecclésiastique que nos souverain* travailleront A réaliser d’abord par un instinct naturel de domination, puis en vertu d’une théone politique lentement élaborée. La théorie sera presque entièrement faite A l’apogée des Valois, le régne de ï-ouis XIV la consacrera. 1. L'étude des Institutions mérovingiennes révèle sans doute une mainmise très étendue du souverain sur le recrutement du personnel sacré, le gouvernement 1132 de l'Église, la propriété ecclésiastique; mais il semble bien qu'il n’y ait là qu'une situation de fait, qu'une série de contrats liant des personnes suivant des formes variables dont quelques-unes appartiennent au droit barbare, d’autres au droit romain, sans qu’on puisse démêler dans ce chaos une conception théorique cohérente des droits du roi sur l’Église de France. Il en va tout autrement avec Charlemagne ct c’est a lui qu'il faut faire remonter l'origine du gallicanisme des politiques. Μ. 1I.-X. Arquilliêre, dans l’art. Gallicanisme du Dictionnaire apologétique, l’a parfai­ tement montré, col. 237-239 : • La personne ct l’œuvre de Charlemagne ont engagé tout l’avenir. Sa politique eut pour résultat d'agrandir ct de consolider la mission religieuse, partiellement exercée par les rois mérovingiens. L'empereur franc se croit le continuateur des Con­ stantin ct des Théodose. Il ne s’aperçoit pas qu’il est, en même temps, l’héritier de la conception païenne de la souveraineté. 11 l’applique, d’ailleurs, avec un tact politiqûe ct religieux qui la fait accepter sans révolte. Mais, â regarder les choses de près, cette alliance avec l’Église, qui tend à concentrer les deux pouvoirs dans les mains de l’empereur, qui lui fait regarder son autorité comme divine ct inviolable, n'est pas différente, au fond, de la prétention des Philippe le Bel ct des Louis XIV au droit divin de leur couronne. ■ L’œuvre de Charlemagne avait été récemment préparée par son oncle Carloman et par son père Pépin, qui, avec saint Boniface, en réorganisant l'Église franque, convoquaient des conciles, nom­ maient des évêques, instituaient des archevêques. Le couronnement de Pépin ct de scs fils A Saint-Denis par le pape Étienne II, hardie réminiscence des tra­ ditions bibliques, acheva la consécration de celte race ct sanctionna son rôle religieux. L’onction sainte, désormais facteur essentiel dans la transmission du pouvoir — sacramentum, dira-t-on parfois — fait du roi une personne sacrée, et lui confère des droits in­ déterminés sur l'Église. Ce fait, encore mal étudié, a eu une influence profonde sur l'institution royale. La papauté a voulu par là donner A l’Église romaine un défenseur attitré, dont l’action fût plus efficace que la protection théorique ct lointaine de l’empereur byzantin. Elle n’a peut-être pas assez redouté de se donner un maître. D’autre part, ccttc consécration religieuse, qui était dans la logique des événements, pouvait rendre la royauté, en quelque sorte, justi­ ciable de l’Église. Ccs conséquences extrêmes et contradictoires sont, du reste, successivement venues au jour. » Sous Charlemagne, la première seule apparaît. • .... L'avènement de Léon III, la renommée gran­ dissante de Charlemagne, le discrédit de la cour byzantine, la marche des événements ct des idées amenèrent le roi des Francs A ceindre la couronne impériale. Sa mission religieuse s’en trouva élargie. L'empire romain finissant avait légué aux Imagi­ nations du moyen âge un souvenir profond, de plus en plus dégagé de scs limitations passées ct idéalisé par la légende : l’idée de la monarchie universelle. Sügmüilcr, Die Idee von der Kirche als imperium romanum in kanonischen Recht, dans Thcologische Quartalschrift, t. lxxx, p. 50. Au temps de Charle­ magne, on crut sincèrement assister A une réno­ vation de l’empire romain. La confusion des idées politiques ct religieuses, le défaut de sens historique qui est resté une des caractéristiques du moyen Age, la fermentation des légendes impériales, firent attribuer au nouvel Auguste une puissance religieuse Illimitée, assez voisine de celle des Césars païens. Cette concept Bon était fortifiée par des traditions vénérables. 1133 GALLICANISME Quand l'empire s'était christianisé, on avait cessé d’oilrir de l'encens à l'empereur, mais 11 était resté un personnage sacré. Les papes le saluaient avec respect ct ils estimaient son existence nécessaire. Cf. Grégoire le Grand, Epist.,1. VU, epist. xxvn, P. L„ t. lxxviî, col. 883... Car la première obligation de l'empereur était de travailler Λ la conservation de la fol, maintenue sans tache dans la ville de Home par les successeurs des apôtres. Et pour la faire régner dans tout l'em­ pire, il devait la protéger contre les hérésies avec une incessante vigilance. Cf. Grégoire le Grand, Epist,, 1. VI, epist. lxv, ibid., col. 849... » Charlemagne· était convaincu d'avoir reçu l'héritage des Césars. Dans scs actes ofllciels, Il s’intitule : KaroItu, serenissimus Augustus, a Deo coronatus, magnus, pacificus imperator, romanum gubernans imperium, el per misericordiam Dei rex Francorum atque Lan­ gobardorum. Borctius ct Krause, Capitularia..., L i. p. 126, 168, 169, 170, etc. Dans les lettres qu'on lui adresse, il est comparé à Titus « le très noble prince. » Alcuin, Epist., cil, P. L., t. c, col. 398, L’empire a un caractère sacré ct Charles sc confond avec lui. Il est « le phare de l'Europe. > Sa piété, « brillante • comme les rayons du soleil, » l'a désigné au choix de Jésus-Christ pour qu’il commandât la troupe sacrée des chrétiens, pour qu’il devint « le rempart < de la foi orthodoxe. » En faisant du baptême le lien principal des nations si diverses qu’il avait conquises, Charlemagne a contribué plus que personne à réta­ blissement de la chrétienté du moyen âge. Mais, avant que la papauté tn devienne la tête, Charlemagne parait le véritable chef de cette unité mystique qui est l’œuvre de sa foi, de sa politique ct de ses armes. ■ Charlemagne n’eut pas de successeurs capables de porter le faix d’une pareille dignité : la confusion établie par lui entre le sacré ct le profane subsista, mais cc fut l’Église qui, dans une assez large mesure, assuma la charge de gouverner ct le spirituel ct le temporel de la chrétienté. On sait quelles querelles suscita la liquidation de cc consortium, tout le moyen Age en fut rempli. 2. On ne reproduira pas ici l'élude faite ailleurs sur la marche progressive des Idées qui amenèrent la monarchie capétienne aux théories dont l’ensemble constitue le gallicanisme des politiques. Au xm· siècle, une bonne partie des seigneurs conspiraient avec le roi.ct la lutte que les confédérés, les statutarii menèrent contre l’excessive étendue de la compétence des tribunaux ecclésiastiques sur les laïques ct en matière purement laïque, ne fut pas étrangère à l’exagération de la réaction qui réduisit finalement à rien la juri­ diction de l’Église. Voici comment M. Arquillièrc expose la pensée des gallicans au temps du roi Philippe le Bel. Ibid., col. 219-250 : Dans le conflit qui mit aux prises cc souverain avec le pape Boniface VIII, le roi affirma solennel­ lement son Indépendance à l'égard de la papauté. En 1297, lorsque Boniface tenta de réconcilier les rois de France ct d’Angleterre, Philippe fit répondre à ses mandataires : « que le gouvernement temporel de son royaume appartenait Λ lui seul, qu’il ne reconnaissait en celte matière aucun supérieur... » L’année suivante, il accepta, cependant, la médiation non pas du pontife, mais de Benoit Gaëtanl. « Ce n'csl pas seulement à l’encontre du pape que la doctrine gallicane s'affirme : les pamphlets, nés à l'oc­ casion de la querelle, s’en prennent Λ toute immu­ nité, à toute juridiction temporelle ecclésiastique. Le plus célèbre commence par ces mots : Antequam clerici essent, rex Franche habebat custodiam regni sui et poterat statuta facere. Le Dialogue entre un clerc et un chevalier, auquel le Songe du V erqier em­ pruntera beaucoup, bat en brèche l’immunité fiscale 113* des ecclésiastiques, au nom des droits régaliens. Influence du droit romain exaltant la prérogaUxc souveraine, rivalités de prétoire entre officiers des juridictions rivales, développement de théories multitudinistes, tout contribue â faire mûrir les con­ ceptions gallicanes des âges précédents. Les conciles légifèrent en vain : ils obligent les confesseurs à Inter­ roger leurs pénitents sur les atteintes portées à la juridiction ecclésiastique et à les renvoyer, en cas de culpabilité, devant les évêques, ou même devant le pape : rien n'y fait Quand le roi veut obtenir une décime, il donne une confirmation illusoire des droits de l'Église, mais c’est lui maintenant, et non plus seulement les seigneurs, qui conduit la guerre contre les justices ecclésiastiques. Auprès de chaque ofilcialité, il a son avocat, prêt à intervenir pour faire prévaloir le principe dont les conséquences indéfinies amèneront l'anéantissement des cours spirituelles, savoir : l’exclusive compétence du roi en matière temporelle et dans toutes les causes réelles de scs sujets : Item certum est, notorium et indubitatum, disent Nogarct ct du Plaislans à Clément V, quod de here­ ditatibus et juribus et rebus immobilibus ad jus temporale spectantibus..., sive petitorio agatur, sive possessorio, sive pertineant ad Ecclesias et ecclesia­ sticas personas, sive ad dominos temporales, agendo et defendendo, cognitio pertinet ad curiam tempo­ ralem; specialiter autem domini regis ipsius. Le prince ne laisse à l’Église que la connaissance des causes personnelles ct criminelles de ses clercs, saut à employer la saisie du temporel pour obtenir, même en ccs matières, l'exécution de scs volontés. La théorie du cas privilégié s’ébauche. Infraction de sau­ vegarde, bri d’asseurcmcnt. port d’armes, fabrication de fausses monnaies, de faux sceaux, de fausses lettres royales, crime de lèse-majesté, attentat, abus de justice, excommunication des officiers royaux, res­ cousse, haro normand, amèneront les clercs devant le parlement. R. Géncstal, Le cas privilégié, cours professé à l’École des hautes études, section des sciences religieuses, 1909-1910, 1910-1911. On en trouve déjà quelques exemples dans les Olim et dans les registres inédits du parlement au temps de Philippe le Bd. Les développements ultérieurs de cette procédure auront pour la justice ecclésiastique les mêmes conséquences désastreuses que ceux des cas royaux pour les justices seigneuriales. Emcst Perrot, Les cas royaux, Paris, 1910... » • Quant au domaine de l’Église, des légistes hardis comme Pierre Dubois en proposent l’aliénation. Le roi réclame la garde royale universelle, qui figure en bonne place dans le scriptum contre Boniface VIII, ct lui assure la tutelle et l’exploitation de tous les biens d’Églisc. » 3. Les malheurs du grand schisme mirent souvent les rois dans l’obligation d’intervenir plus qu’il n’eût été souhaitable dans les affaires de l’Église. Quand l’unité fut rétablie, la monarchie des Valois s'était faite presque absolue. D’une part, ses légistes faisaient la théorie des Regalia Franche et renchérissaient sur les conceptions de leurs prédécesseurs du moyen Age; l'école do Toulouse est célébré à cet égard : ces Regalia Franche, Jean Fcrrault les énumère dans un Tractatus cum jucundus tum maxime utilis privi­ legia aliqua regni Franche continens (publié en 1514). En résumé, le roi n’a pas de supérieur, il taxe libre­ ment ct seul tous ses sujets, il confère tous les béné­ fices. il juge seul au possessoire les causes des clercs, il a seul le pouvoir législatif, etc. Les juristes excel­ lent à transformer en lois primitives, universelles, Imprescriptibles (dont personne n’est exempt s’il ne prouve sa liberté en alléguant des concessions royales explicites), de vieux droits féodaux, locaux, restreints 1135 GALLICANISME et aliénable* : telle est la transformation subie, par exemple, par le droit d’amortissement, compensa­ tion du relief sur les fiefs eclésiastmucs. qui devient alors loi primordiale interdisant à l’Eglise toute pos­ session de lu ic, sauf dispense du roi acquise à titre onéreux; telle est encore la transformation de la régale. Aucune liberté ecclésiastique ou locale ne résiste ù pareille procédure. D'autre pa i. c’est l’époque où le concordat de 1516 met aux mal \ du roi la fortune de l’Églisc et son haut personnel. Le souverain devint « le plus riche dispen­ sateur de rentes viagères qu'il y eût dans la chré­ tienté, » Il eut les moyens de récompenser magnifi­ quement les serviteurs de la monarchie : scs magistrats, à commencer par le chancelier du Prat, négociateur du concordat, meurent le plus souvent sous une mitre, les évêchés et les abbayes mis en commcnde achètent au roi des partisans en Italie ct jusque dans le SacréCollège : l’Églisc de France fut alors, comme elle ne l’avait jamais été, la chose du roi. Ce ne fut pas pour son plus grand bien. D’ailleurs, si le concordat assujettissait le haut clergé au souverain, il ne devenait pas la règle dont s'inspiraient les magistrats français. A l’issue du grand schisme, l’Église de France réunie à Bourges en 1437 avait adopté en partie la discipline proposée par le concile de Bâle, ct Charles VII avait fait des décisions de cette assemblée ecclésiastique une prag­ matique sanction célèbre. Bien qu’abolie au V· concile de Latran par l’accord du pape ct du roi, cette prag­ matique demeura le code de nos tribunaux, le droit commun auquel le concordat, qualifié de privilège, ne dérogeait que par exception strictement inter­ prétée, la charte de nos anciennes libertés. La disci­ pline du concile de T rente ne put jamais prévaloir contre cc texte qu’un faux célèbre avait muni de la garantie ’ du roi saint Louis, ct les décrets disciplinaires de l'Église assemblée en cc synode œcuménique ne purent jamais être promulgués : au moment où le roi étendait sa puissance sur le personnel ecclésiastique, le parle­ ment alllrmalt donc la sienne sur la législation ca­ nonique. L'apparition du protestantisme, mollement com­ battu, favorisé même par quelques prélats indignes, fit passer aux parlementaires le soin de rechercher ct de punir l’hérésie. Quand, après des années de luttes sanglantes, la Ligue, appuyée sur le pape, les princes j lorrains ct l’Espagne, s’opposa si vigoureusement aux ! fidèles du roi de Navarre, devenu chef de la maison ‘ de France, ceux des parlementaires qui mettaient, avant même le souci des intérêts religieux du pays, le culte de la foi saliquc, élaborèrent les traités célèbres qu'on invoquera dans tous les conflits ultérieurs. En 1590, Claude Fauchct, dans son Traité des libertés de l'Église gallicane. Insiste sur les restrictions à apporter à la puissance du pape; Charles Faye, dans son Discours des raisons el moyens pour lesquels Mesrieurs du clergé ont déclaré nulles el injustes les bulles mondortales de Grégoire XIV contre les ecclésiastiques demeurés en la fidélité du roi (1591), affirme la compé­ tence du prince en matière de discipline ecclésiastique, et restreint l'autorité pontificale aux personnes prixécs ; Antoine Hotmail. Traité des droits ecclésiasti­ ques, franchises el libertés de l'Église gallicane, 1594, quoique très gallican, est plus attentif à ne pas trop favoriser l’erreur protestante; Guy Coquille, Insil- ; lotion au droit français. Traité des libertés gallicanes, écrits en 1586 et 1594, mais publiés seulement après 1 1603, expose nettement, avec les deux maximes fonda­ mentale^ que reprendra Pithou, l’ensemble de nos libertés; Il les entoure d’un commentaire juridique ct historique et en fait le fond d'un projet de réforme de notre legislation ecclésiastique. Pierre Pithou enfin 1136 ! enferme tout le système en quelques articles, rattachés, comme on l’a vu, à deux principes : c’est l’évangile définitif dont Le Vayer de Boutigny fera comme la théologie ! — Tout semblait conspirer pour le succès des conceptions de nos légistes. 4. Au xvm· siècle, à la faveur des querelles autour de la bulle Unigenitus, les principes du gallicanisme des politiques portèrent tous leurs fruits : Ils furent empoisonnés. On sait qu'en vertu des théories gallicanes les parle­ ments voulurent connaître du refus d’absolution aux jansénistes opiniâtres, ct cela à double titre : parce que ce refus constituait une injure, et parce qu’il suscitait des troubles. Cette intervention maladroite fut plus que ridicule, elle discrédita à la fois ΓÉglise et le pouvoir civil. Le 7 septembre 1731, le parlement de Paris résuma les principes du gallicanisme des politiques en quatre articles : a) La puissance tempo­ relle est absolument Indépendante de toute autre puissance ct nul pouvoir ne peut en aucun cas y donner directement ou Indirectement atteinte, b) Les canons ct règlements que l’Églisc a droit de faire ne deviennent loi d’État qu’autant qu’ils sont revê­ tus de l’autorité respectable du souverain, c) A la puissance temporelle seule appartient la juridiction qui a droit d’employer la force visible et extérieure pour contraindre les sujets, d) Les ministres de l’Églisc sont comptables au roi, ct en cas d’abus à la Cour sous son autorité, de la juridiction qu’ils tiennent du roi, môme de tout cc qui pourrait, dans l’exercice du pouvoir qu’ils tiennent directement de Dieu, blesser la tranquillité publique ct les maximes du royaume. Un arrêt du conseil rendu le lendemain fit lacérer ccttc déclaration, mais une vingtaine d’années plus tard (24 mal 1766) le même conseil disait à son tour : « L’Église a reçu de Dieu une véritable autorité qui n’est subordonnée à aucune autre dans l’ordre des choses spirituelles qui ont le salut pour objet..., le gouvernement des choses humaines ct tout cc qui intéresse l’ordre publie et le bien de l’État est entière­ ment et uniquement du ressort [de la puissance temporelle). · L’Églisc seule décide cc qu’il faut croire ct pratiquer, mais le prince, avant d’autoriser la publication des décrets de l’Églisc ct d’en faire des lois d’État, a droit d’examiner « leur conformité avec les maximes du royaume, » seul il peut employer les peines temporelles, la force visible ct extérieure pour les faire pratiquer; H ne peut pas Imposer le silence aux pasteurs sur l’enseignement de la fol ct de la morale, mais il peut empêcher « que chaque ministre soit Indépendant de la puissance temporelle en ce qui touche les fonctions extérieures appartenant à l'ordre publie... ct écarter de son royaume des disputes étrangères à la fol ct qui ne pourraient avoir lieu sans nuire également au bien de la religion ct de l’État. > Dans leur remontrance A Louis XV, les évêques, par la bouche de Loménle de Brienne, firent observer qu’au nom de ccttc espèce de pouvoir indirect du temporel sur le spirituel, les parlements avaient envahi toute la sphère réservée A l’action de l’Églisc. Le roi ne répondit rien ct ne pouvait rien répondre : c’était l'essence même du gallicanisme des politiques qu'on lui dénonçait. Vingt-quatre ans plus tard, cc même Loménle de Brienne acceptait la constitution civile du clergé. Dans un des opuscules faits pour la défense de cct acte, Accord des vrais principes de l'Église, de la morale et de la raison, l’archevêque prévaricateur aurait pourtant pu lire les principes mêmes qu’il condamnait en 1766 : Tout ce qui est extérieur est de droit naturel soumis à la puissance qui fait les lois. 1137 GALLICANISME - GALLIFET Dans une société visible, comme est l’Églisc catho­ lique. quiconque prétend gouverner exclusivement lout ce qui est extérieur, met la main sur les organes essentiels ct sur tout leur exercice. 4· Les condamnations du gallicanisme des politiques. — En plus de la doctrine gallicane sur le mariage, dont il sera question ailleurs, voir Maiuaoe, deux pratiques très usitées en France ont été spécialement reprouvées par les papes : l’appel comme d’abus, et le placet requis pour donner aux actes apostoliques el aux décrets des Congrégations romaines, non seule­ ment valeur légale (au for civil), mais valeur obligatoire (au for de la conscience ct au for externe de l’Églisc gallicane). Le Syllabus rattache l’appel comme d’abus ct l’exequatur (placet) à une doctrine sur la prérogative du pouvoir séculier en tant que tel (abstraction faite de la qualité de protecteur de l’Églisc que peut reven­ diquer un prince chrétien), ct il frappe à la fois la doctrine ct la pratique : « La puissance civile, même exercée par un infidèle, a une autorité indirecte et négative sur les choses sacrées, ct par conséquent non seulement le droit ^’exequatur, mais encore celui qu’on nomme appel comme d’abus. > Prop. 41e, Denzinger, n. 1741. La condamnation spéciale du droit de placet a une portée beaucoup plus générale. Elle avait déjà été mentionnée dans la bulle ln coena Domini de Jules II (1510), a. 10; le concile du Vatican l’a renouvelée en des termes qui ne laisseraient aux gallicans, s’il en était encore, aucune échappatoire : Damnamus ct reprobamus illorum sententias qui hanc supremi capitis cum pas­ toribus el gregibus commu­ nicationem licite impedire posse dicunt, aut camdcm reddunt saeculari potestati obnoxiam, ita ut conten­ dant quæ nb apostolico sede ejus auctoritate ad re­ gimen Ecclesiæ constituan­ tur, vim ne valorem non habere nisi potestatis sæcularis placito confirmen­ tur. Const. Filius Del, c. in, Denzinger, n. 1829. Nous condamnons ct ré­ prouvons la théorie de quiconque affirme pouvoir li­ citement interrompre la com­ munication entre Je chef suprême de l'Église, les pasteurs ct les troupeaux, ou la fait dépendre du pou­ voir civil, prétendant enle­ ver aux netes du siège apos­ tolique ou (de ceux qui agissent] par son autorité pour le gouvernement de l'Église, toute force ct toute valeur s'ils n'ont pas été confirmés par le placet de la puissance séculière. M. Dubrükl. GALLIFET Joseph-François, théologien jésuite, un des plus savants ct plus zélés apôtres de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Né à Aix. le 3 mnl 1663, d’une noble famille de Provence, il entra dans la Compagnie de Jésus, au noviciat d'Avignon, le 17 septembre 1678, ct suivit pendant trois ans (1680-1683) les cours de philosophie du collège de la Trinité à Lyon, où le P. de la Colombière remplissait les fonctions de père spirituel. «C’est alors, écrit le P. de Gallifet, que j’eus le bonheur de tomber sous la conduite spirituelle du R. P. de la Colombière, le directeur que Dieu avait donné à la Mère Marguerite-Marie, laquelle était alors encore vivante. C’est de cc serviteur de Dieu que je reçus les premières Instructions touchant la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, et je commençai dès lors à l'estimer ct à m'y affectionner. · De l'excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, Lyon, 1733, p. 222. Ordonné prêtre à Lyon pendant sa quatrième année de théologie, il suivait dans la maison de Saint-Joseph les exercices de lu troisième probation, lorsqu'une maladie grave le réduisit en quelques jours Λ la dernière extrémité La communauté venait de réciter auprès de lui les prières des agonisants, quand un autre grand a ôïe du Sacré-Cœur, le P. Crofcel, déjà vénéré de 1138 tous comme un saint se sentit inspiré de se rendre devant le saint-sacrement et d’y faire un vœu pour la guérison du malade déjà privé de tout sentiment < Il promit à Jésus-Christ que, s'il lui plaisait de me con­ server la vie, je l’emploierais tout entière à la gloire de son Sacré-Cœur. Sa prière fut exaucée; je guéris. J'Igno­ rais le vœu qu'on avait fait à mon insu; mais le danger passé, il me fut donné par écrit Je le ratifiai de tout mon cœur; ct Je inc regardai dès lors comme un homme dévoué par un choix marqué de la providence au Cœur adorable de mon souverain Maître. Tout ce qui regardait sa gloire me devenait précieux et j’en fis l’objet de mon zèle. » Op. cit. Dès lors, la vie du P. de Gallifet est consacrée, sans réserve, à faire connaître et à promouvoir le culte du Sacré-Cœur : elle est liée tout entière à l’histoire de cette dévotion. Préfet des études, puis recteur au collège de Vesoul, ensuite recteur du collège de Grenoble, où il érige une chapelle au SacréCœur, qui devient bientôt le centre d’une congréga­ tion florissante, recteur du collège de la Trinité à Lyon (1713). provincial (1719-1723), recteur du collège de Besançon, où il élève comme à Grenoble une élégante chapelle du Sacré-Cœur, assistant de France à Rome 1724-1730), le P. de Gallifet se montre partout, mais surtout à Rome, l’insigne apôtre du Sacré-Cœur, l’avocat universel de toutes les causes qui intéressent la dévotion nouvellement propagée. « 11 semble, dit un document conservé au monastère de Paray ct daté du 27 mars 1725, que le P. de Gallifet, assistant de France, ne soit à Rome que pour faire valoir ccttc dévotion, de même qu’il faisait à Lyon, n’étant que provincial. C’est dans ce temps que nous avons eu l'honneur de le voir id, dans le cours de ses visites, et de connaître son rare mérite et sa rare vertu. » Cf. E. Lcticrcc, Le Sacré-Cœur el la Compagnie de Jésus, p. 134. Le P. de Gallifet déploya en eflet, dans cc but, une activité prodigieuse. 1) sollicita ct obtint l'érection canonique d'un grand nombre de confréries soit pour les maisons de la Visitation à La Flèche, Grenoble, Seysscl, Chambéry, Montélimart, Paray-le-Momal, Montargis, Marseille, Slstcron. Avallon,et bien d’autres, soit pour les églises de la Compagnie de Jésus à Sidan Blois, Grenoble, Sedan, Palma de Majorque. Ispahan, la Guadeloupe, Saint-Domingue, Léopol, Pondichéry, etc Mais l’œuvre la plus importante de sa vie fut assurément d’obtenir de Rome l’approbation d’un culte public ct l’institution d'une fête solennelle en l’honneur du Sacré-Cœur. Λ deux reprises, en 1687 ct en 1697, la S. C. des Rites avait refusé d’accéder à la supplique transmise par les religieuses de la Visitation à l’effet d’obtenir la concession de la fête» de la messe I et de l’oflice du Sacré-Cœur. Une nouvelle supplique fut présentée par les religieuses de Paray, le 6 juin 1725, au nom des plus grands monastères de France ct de Lorraine. Le P. de Gallifet emploie toute son ardeur à faire triompher cette cause. Il rédige un long ct savant mémoire, qui est un véritable traité sur le culte du Sacré-Cœur, De cultu Sacrosancti Cerdis Del ac Domini nostri Jesu Christi in variis Christiani orbis provinciis jam propagato, édité en 1726 aux frais du cardinal camerlingue Albani ct destiné à lever les dernières dillicultés de la S. C. des Rites. Le cardinal Prosper Lambert ini, depuis Benoit XIV, déclara· ces écritures parfaites sous tous les rapports. » CL Des­ moids, Continuation des Mémoires de littérature, t. m, p. 460. Cct ouvrage, aussitôt traduit en Italien, en allemand, en espagnol, ne fut publié en français par l'auteur qu’en 1733. sous cc titre : De Γexcellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, Lyon, 1733. Les éditions se succédèrent rapidement, bientôt répan­ dues dans toute la France. Appuyé chaleureusement par le roi d'Espagne. Philippe V, par le roi de Pologne, Au­ guste 1J ct parla reine de France,Marie Lcczlnska, le P. de 1139 GALLIFET GMlifet. postulateurde la cause, avait bon espoir de voir triompher ses efforts. Déjà le Saint-Siège avait con­ cédé plus de trois cents brefs d’indulgences perpétuelles A de florissantes confréries du Sacré-Cœur établies en France, en Allemagne, en Italie, en Pologne, en Bohême, en I Jthuanic, dans les Pays-Bas, en Chine même et au Canada. Plusieurs évêques, comme Mgr de Belzunce, évêque de Marseille, pour la France, Mgr Constantin Sranlauski. évêque de Cracovic, pour la Pologne, le cardinal Belluga pour l’Espagne, sollicitaient la même faveur, et les agents diplomatiques de ces trois puis­ sances insistaient dans cc but auprès du Saint-Siège, au nom de leurs gouvernements. Le cardinal Albani, rapporteur de la cause, le cardinal Marcfoschi, vicaire de Borne, les cardinaux Belluga, Cienfucgos ne dou­ taient point du succès. La S. C. des Rites, dans sa séance du 12 juillet 1727, n’en repoussa pas moins la demande des postulateurs, avec la note Non proposita, cc qui signifie, observe Benoit XIV, qu’on donnait l’avis de ne plus présenter ù l’avenir une instance qui impliquait de nombreuses difficultés et ouvrait la voie à une réponse négative. Lettre du P. de Gallifct à Mgr Lan­ guet, évêque de Solssons, 17 Juillet 1727. Cf. E. Leticrcc, op. cit., p. 143. Sur le sens ct la portée canoniques de cette note Non proposita, voir Nilles, De rationibus festorum utr(usque Cordis Jesu et Maria:, t. 1, p. 333. Le P. de Gallifct, loin de regarder la cause comme définitivement perdue, reprit la lutte avec une énergie nouvelle. Aux difficultés théologiques du cardinal Lambcrtini, promoteur de la fol, il répondit par des éclaircissements d’une rigoureuse précision ct d’une invincible logique sur l’objet de la dévotion au SacréCœur et sur les données de la tradition relatives à la dévotion elle-même. Une décision de Rome, le 30 Juillet 1729, fut encore négative. Le P. de Gallifct dut quitter Rome pour rentrer en France dans le courant de l'année suivante. Mais avant de partir, il avait fondé dans l’église de Saint-Théodore une confrérie du Sacré-Cœur, dite des 72 disciples, enri­ chie bientôt de nombreuses Indulgences par les sou­ verains pontifes Benoît XIII, Clément XII ct Clé­ ment XI11 ct destinée essentiellement, semble-t-il, à hâter le moment où l’Eglise accorderait à la dévotion au Sacré-Cœur son approbation solennelle. Le 26 mars 1783. Clément XII accordait à celte pieuse confrater­ nité le privilège de la fête du Ier vendredi après l’octave du saint-sacrement. Clément XIII, qui s'était enrôlé dans la confrérie lorsqu’il n’était encore que minoré, se hâta, dès qu’il fut promu sur la chaire de saint Pierre, de confirmer ccttc concession ct d’y ajouter de nou­ velles faveurs. C’est à lui qu’était réservé l’honneur Insigne de donner à la dévotion au Sacré-Cœur l'ap­ probation solennelle de ΓEglise. Clément XIV étant cardinal s’était fait inscrire parmi les membres de la confrérie ct donna lui-même la bénédiction du saintsacrement aux confrères. Élu pape, Il leur accorda une Indulgence plénière pour la fête du Sacré-Cœur. Enfin Benoit XIV voulut vénérer l’image du SacréCœur exposée dans l’église de Saint-Théodore, ct en 1750 déclara l’autel privilégié. Il ne restait plus qu'à autoriser la messe et l’office du Sacré-Cœur; c’est cc que fit Pie VI, le 19 Janvier 1779. C’est à l’œuvre fondée parle P. de Gallifct qu'allaient toutes les faveurs de l'Église cl par elle, bientôt, à tous les fidèles. En 1713, le P. de Gallifct eut à défendre au point de vue dogmatique, contre les objections du cardinal lambcrtini. devenu le pape Benoit XIV depuis 1740, le Mémoire de Sœur Marguerite-Marie Alacoque sur U vie et sur lc< communications divines relatives à la dévotion un ^nrré-Cœur. L'Apotogie rédigée par le P. de Gallifct. en ramenant lumineusement tout l’en­ semble de la question aux principes mêmes de la théologie, ne laissa rien subsister des difficultés — GALTIER 1140 spécieuses soulevées d’office par le promoteur de la fol ct entra complètement dans les vues du souverain pontife. Le P. de Gallifct a laissé en outre un petit traité théo­ logique sur le culte du Cœur immaculé de Marie : De cultu immaculati Cordis Maria:, inséré dans le Cursus theologia: de Migne, t. vin, col. 1491 sq., ct dans le De rationibus festorum utr(usque Cordis Jesu et Marie du P. Nilles, t. i, p. 427-437. 11 travailla Jusqu’à sa mort à des ouvrages de dévotion souvent réimprimés, même de nos jours, tels que les Sujets de méditation pour une retraite de huit jours, édités par le P. Ch. Siméon, Boulogne, 1891, d'après le texte de 1734; les Exercices des principales vertus de la religion chrétienne, Lyon, 1750; Paris, 1872, édition du P. M. Bouix, ct une Instruction abrégée sur la déuotton aux Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, Lyon, 1750. Le P. de Gallifct mourut au collège de Lyon, le l*r septembre 1749, heureux de voir s'affirmer partout les progrès mer­ veilleux de la dévotion au Sacré-Cœur, dont il avait été tout à la fois le théologien ct l'apôtre. Sommervogel, Bibliothèque de la C*· de Jésus, t. m, col. 1124-1131 ; E. Lé tierce, Le Sacré-Cœur et la C1· de Jésus, p. 128 sq.; Hurtcr, Nomenclator, 1910, t. îv, col. 1659. P. Bernard. GALLUZZI ou GALLUCCI (Gilles de), dominicain italien, né à Bologne ct dont Léandrc Alberti fait mention, De utris illustribus ordinis pradicatorum, Bologne, 1517, fol. 104. Il y a lieu pourtant de distin­ guer doux personnages du même nom : l'un, évêque de Torccllo, 1259-1288, Gams, Series episcoporum, p. 772; l’autre, archevêque de Candie, dans l’tlc de Crète. Élu le 11 mal 1334, il serait mort le 6 décembre 1340. D'après Alberti, il serait mort ù Bologne ct aurait été enterré dans l'église Saint-Dominique de son ordre, où un tombeau lui fut érigé qui sc voyait encore du temps de cct écrivain, devant le maître autel de la basilique. Il est évident que l’archevêque de Candie est un personnage complètement différent de l’évêque de Torccllo. D’après Rovctta, s’appuyant sur le témoi­ gnage de Vincent Rivalius, Gilles de Gallucci aurait laissé un certain nombre d’ouvrages, qui se conser­ vaient dans la bibliothèque conventuelle de Bologne : 1° De Christi Domini ct apostolorum paupertate; 2° Ad­ versus begardos et bc g ninos; 3° Summa casuum con­ scientia: ad (orrnam sacrorum canonum et juxta S. Tho­ ma· principia. Echnrd, Scriptores ordtnts prtrdlcalorum, Pari», 17191721, t. i, p. 597; Léundre Alberti, De utris illustribus ordinis prirdicaforum, Bologne, 1517, fol. 104. 124; Fontana, Sacrum theatrum domtnicanum, Home, 1666, p. 310; il Identifie à tort les deux personnages, il veut que Gnlluzzi ait été transféré à Candie, cc que la chronologie ne souffre pas; Eubcl. Hlcrarchia catholica, t. I, p. 223; Gams, Séries episcoporum, p. 401. R. Coui.on. GALTIER Bernard, controvcrsistc, né à Saint· AfTriquc (Aveyron), admis dans la Compagnie de Jésus en 1584. Après avoir enseigné la rhétorique à Rodez, puis à Agen, il fut recteur du collège de cette ville et de celui de Bordeaux. Il prêcha pendant trente ans dans les principales villes de France ct mourut ù Poitiers le 6 avril 1629. Scs controverses avec les protestants du Poitou curent un très grand retentis­ sement. Il reste de lui, outre une réplique faite à une instruction de Pierre de la Valladc, pasteur de l’église de Fontenay, un Important ouvrage sur les principes de la morale calviniste ct leurs applications, sous cc titre: L'Apocalypse de la Réformationou la révélatlondes mystères de la religion prétendue réformée. Œuvre divisée 1 en xu discours qui montrent comme la doctrine qu'elle I professe conduit à toute méchanceté, Poitiers. 1620. Cct ι ouvrage lui attira de vives attaques de la part de J141 GALT1ER — GANDULPHE ministres réformés, principalement de Pierre de la Vulladc. Sommcrvogd, Bibliothèque de la C1· de Jésus, t. m, col. 1147; Hurter, Nomenclator, t. ni, col. 711. P. Bernard. GAMACHES (Philippe de), théologien français, né en 1568, mort à Paris le 21 juillet 1625. Reçu docteur en 1598, il fut aussitôt pourvu d’une des deux chaires de théologie positive que le roi Henri IV venait de fonder au collège de Sorbonne. Invité à donner son avis sur le livre d’Edin. Richer, De eccle­ siastica et politica potestate, il se refusa ù le condamner, se bornant à le déclarer inopportun. Abbé commendataire de Saint-Julien de Tours, Philippe de Gamaches enseigna pendant plus de vingt-cinq ans ct passa pour un des meilleurs théologiens de son époque. Il a publié un commentaire de la Somme de saint Thomas sous le titre : Summa theologica, 3 tom. en 2 in-fol., Paris, 1627. Morérl, Dictionnaire historique, 1759, t. vi b, p. 51; Gravier, Histoire de runioersité de Paris, in-12, Paris, 1761, t. vtî, p. 41; Gallia Christiana, In-foL, Paris, 1856, t. xxv, col. 253; P. Péret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, Époque moderne, Paris, 1906, t. îv, p. 327-329; Hurter, Nomenclator, t. m, col. 641. B. HeüRTEBIZE. GAMS Plu» Bonifaclus, bénédictin ct historien, né le 23 janvier 1816 à Mittclbuch en Wurtemberg, mort à Munich le 11 mal 1892. Scs études classiques terminées, il alla étudicr à Tubinguc la philosophie et la théologie, puis entra au séminaire de Rottcnbourg et fut ordonné prêtre le 11 septembre 1839. Après avoir occupé divers postes du ministère parois­ sial. il fut nommé professeur d'histoire ct de théologie â la faculté thcologiqucd'llildcshcim. Le 29 septembre 1855, il entrait comme novice à l'abbaye de SaintUonifacc de Munich ct il y fil profession le 5 octobre de l’année suivante. Dom Gams cut à remplir dans son monastère les fonctions de maître des novices ct de prieur. Parmi scs nombreux écrits nous mention­ nerons : Ausgang und Z tel der Geschichte, in-8®, Tubinguc, 1850; Johannes der Tûufcr im Gcfàngnisse, in-8°, Tubinguc, 1853; Geschichte der Kirche Jesu Christi im ncunzehnten Jahrhundert, mit besonderer Bûcksicht auf Deutschland, 3 in-8®, Inspruck, 18541856 : pour faire suite à V Histoire de Γ Église de BéraultBcrcastcl; À cc travail on peut joindre : Die Siege der Kirche in demerslcn Jahrzehcnt des Pontificates Pius IX, in-8®, Inspruck, 1860. traduction d’un ouvrage ita­ lien de Jac. Margotti; Die eilftc Sûkularfeicr des Martyrcrlodcs des heitigen Boni/acius, des Apodds der Dcutschcn, in Eulda und Main:, 2 in-8®, Mayence, 1855; Die Kirchcngcschichte von Spanien, 3 in-8®, Batisbonnc, 1862-1879 : de cct ouvrage dom Gams publia un extrait sous le titre : Zur Geschichte der spanischen Slants inquisition, in-8®, Ratisbonne, 1878; DasJahrdes Aiartijrtodes der Apostel Intrus und Paulus, in-8®, Ratisbonne, 1867; Series episcoporum Ecclesix catholica· quotquot innotuerunt a beato Petro apostolo, in-4°, Ratisbonne, 1873; Hierarchia catholica Pio IX pontifice romano. Supplementum / ad opus : Series episcoporum Ecclcsiæ catholica·, in-4®, Munich, 1879; Series episcoporum Ecclesire catholica, qua Series quae apparuit 1873 completur el continuatur ab anno 1870 ad 20 /ebr. 1883, in-4®, Ratisbonne, 1885. Gams écrivit en outre de très nombreux articles en diverses revues allemandes, et fut un des principaux collaborateurs des deux éditions du Kirchenlextkon de Wctzcr ct Wcltc, 1847-1856, 1882-1901. H J P Plus Gams, dans Studlen und Mlttellungen au< dènî Bencitiktlner-Onten. 1892, p. 294; Fr. Lauchcrt. Die kirchengeschichtltchen und tellgeschlchtllchen Arbetten ton P. Pius Bonifaiius Gams O. S. B. Im Zusammenhang DE BOLOGNE 1142 geioùrdtgt, tbld., 1906, p. 634; 1907, p. 53, 299; K. Grûbe, P, Plui Bon liai tus Garni : eln Gedenkblatt, dans Hbtorischc politische Blatter, 1892, p. 233, 350; Hurter, Nomenclator, t. v, coi. 1628-1630, B. Hettrtebize. GANDOLFI Antolno-Domlnique, augustln, né à Vlntimillc, en Italie, sc distingua par son éloquence ct fut nommé deux fois prieur du couvent de sa ville natale. Il y mourut en 1707. Il est surtout connu par un savant ouvrage, très soigné au point de vue biblio­ graphique, sur les théologiens ct écrivains de son ordre : De ducentis celeberrimis augudinianis scripto­ ribus, qui obierunt post magnam unionem or tinis eremitici, usque ad finem tridentint concilii, amplioris bibliotheca augusliniensis edenda prauia, Rome, 1704. La Bibliotheca augustiniana qu’il promet dans cc ti r: n’a jamais paru. Il est aussi l'auteur d’un recueil de biographies de cardinaux augustins : Le porpore agostlniane, o sia chtara e ristretta notitia dei cardinali delTordine agosliniano, Mondovi, 1695. Oldoino, Athemrum ligusticum, Pérouse, 1630, p. 165166; lâcher, Allgemeino Gclehrten-Lezikon, Lcipug. 1750, L Π, col. 851; Ossinger, Bibliotheca augustiniana, Ingol­ stadt, 1768, p. 383-334; Biographie universelle, Paris, 1816, t. i, p. 419-1211 On trouve aussi des renseignements sur le Père GandolR dans V Epistola enumerans scriptores Patrem Gandolfum celebrante*, publiée À la fin de son ouvrage : Deducentis august in lanis scriptoribus, p. 390-398. A. Palmieri. GANDULPHE DE BOLOGNE. Le nom de Gandulphc de Bologne a Joui d’une vogue grandis­ sante chez les historiens de la théologie médiévale, depuis que ses Sententia, exhumées par Denifle de la poussière des bibliothèques, ont été considérées comme une des sources principales auxquelles aurait puisé le Liber Sententiarum de Pierre Lombard. — I. L’homme. II. Son œuvre canonique. III. Son œuvre théologique. L L’homme. — La renommée qui entoura le nom de Gandulphe au moyen âge,vers la (Indu xn·siècle, ct chez quelques copistes postérieurs, n'a malheu­ reusement pas eu d'intlucncc sur les récits des histo­ riens ou des chroniqueurs : ce qu’on n pu réunir Jus­ qu’ici sur la vie du personnage sc réduit à presque rien, même chez les biographes bolonais ou chez les auteurs qui donnent spécialement leur attention â l’histoire de l’école canonique de Bologne. Guillaume Durand, évêque de Mende (t 1286), qui nous a laissé, au debut de son Speculum juris, proœm., Venise, 1488, p. a. u la liste des anciens professeurs de droit canon de Bologne, omet de citer Gandulphe, bien qu'il n'écrive (1271) qu’un siècle après lui; mais il s'appuie plusieurs fois sur son autorité, sans men­ tionner son nom, dans le cours de l’ouvrage. Jean André, qui meurt en 1348, complète les ren­ seignements de cc prologue et fait constater à propos ι de Gandulphe les omissions de Guillaume de Mende. Additions au prologue du Speculum juris, Venise. 1 ISS, p. a. π Après eux, pour citer les principaux ouvrages sur I l’histoire du droit canon ancien, ni Thomas Diplo! valacci (♦ 1541), qui écrit en douze livres un De præstantia doctorum, Savigny, Geschichte des romtschen Bcchts im Mittclalter, Heidelberg. 1834. t. m. p. 42-48, 640-642; extraits Imprimés, très incorrectement, dans Sartl-Fattorinl, op, cit., t. n, p. 252-267 de la première édition; p. 1-9 de l’édition de 1896; ni Gui Panxlrolus (1599) qui a, malgré scs lacunes ct ses défauts, quelques bonnes sources de renseigne­ ments, De dans legum interpretibus, 1. HI, 2-4 Venise, 1555, p. 403-409; ni Sartl-Fattorinl, les deux camaldulcs de Bologne sur lesquels s’appuie beaucoup Savigny ct qui ont utilisé nombre de documents rassemblés sur l’ordre de Benoît XIV Bologne 1143 GANDULPHE DE BOLOGNE 1144 1760-1772» t r, p. 295; ni la nouvelle édition de cet évêque dès 1160. Von Schulte, Die Geschichte der ouvrage par Albldnl ct Malagola, De claris archiQuellcn, t. i, p. 137-138; Gillmann, dans Der Katholik, ggmnastt Bononiensis professoribus, Bologne, 1888, 1909, p. 17. Or des extraits conservés par un truité anonyme inédit (ms. de Bamberg P. II. 4), qui volt t. r, p. 369, n’ont ajouté quelque chose à l’histoire de sa vie. le jour peu après 1190, Anonymi quastlones decretales ad Nous cn sommes réduits à quelques rares données, Compilationem I composita c. a. 1'90 (von Schulte, disséminées chez les glossatcurs et les commentateurs Die Lileraturgeschichte der Compilationes antiqua, de Grnticn venus après Gandulphe : à l'aide de ccs besonders der drei ersten, dans les Silzungsberichte renseignements épars, l'on peut Axer approximati­ de Vienne, 1871, t. jlxvi, p. 58-64), montrent Ganvement la date de son activité littéraire; mais aucune dulphe rejetant l'avis de Jean de Faenza (extraits de ccs gloses n'affirme nettement que Gandulphe ait dans Saltet, op. cil., p. 319-321); d’autre part, Jean de occupé une chaire à Bologne, bien que l'ensemble des Faenza cite lui aussi Gandulphe au moins une fois, témoignages rende hautement vraisemblable le fait Summa, ms. de Bamberg, P. II, 27, comme l’a fait de cct enseignement. remarquer Maassen, Beilrdge zur Geschichte der Une note attribuée à Simon de Bislniano, qui juristichen Literatur des Mittelatters, insbesondere der écrivait entre 1174 ct 1179, semble-t-il, cf. von Decretislen-Liieratur deszwôl/ten Jahrhunderts, dans les Schulte, Geschichte der Quellcn, t. i, p. 142, nous dit Silzungsbcrichte de Vienne, Philos, histor. Classe, le grand renom de Gandulphe à son époque : Cu/us 1857, t. xxiv, p. 31, note 4, et von Schulte, Die magna esi in Ecclesia Dei auctoritas ; mais, en réalité, Geschichte der Quellcn, t. i, p. 132, n. 8; en outre, ccs mots ne proviennent pas de Simon de Bislniano, cette citation est introduite par le mot dicit, tandis ce que croyait von Schulte; ils sont d'une main posté­ que les exemples apportés pour Rufin ct Étienne de rieure qui les a ajoutés, comme le fera remarquer Tournai, qui écrivent l’un vers 1157-1159 très vraisem­ Heyer, de Bonn. Cf. von Schulte, Zur Geschichte blablement, l’autre dans les années 1160 (von Schulte, der Literatur ûber das Dekret, I, dans les Sitzungs· oo. cil., passim; Gillmann, loc. cit., p. 7 et 10), portent bertchte der k. Akademie der XVissenscha/ten, Philos, dicebat. Gandulphe aurait donc encore été en activité histor. Klasse, Vienne, 1870, t. lxiii, p. 131; J. de vers 1170. Ghellinck, Le mouvement thêologique du x//· siècle. Il semble même que sa carrière se soit prolongée Études, recherches et documents, Paris, 1914, p. 179, jusque vers 1185; car le premier des continuateurs note 1. de Huguccio, qui fait allusion à un événement de Les deux principaux auteurs qui nous rendent cette année, cite encore Gandulphe parmi les sendee dans la question chronologique sont Huguccio vivants : Gandutphus adhuc est in ea opinione. Gill­ et Jean de Faenza. Le premier, glossatcur canoniste mann, Das Ehehinderniss der geistlichen Verwandlscha/t de la fin du xn· siècle, évêque de Fcrrare cn 1190 ct aus der Busse, dans Der Kathollk, 1910, t xc, mort cn 1210, cite fréquemment l’avis de Gandulphe. extrait, p. 19, et dans Archio lûr katholisches Kir· Or, sa Summa fut achevée sans doute avant son épis­ chenrecht, 1912, L xcn, p. 367. copat, mais il y travaillait encore sous Grégoire VIH, Du texte de Pierre le Mangeur, qui se rencontre cn 1187. Von Schulte, Geschichte der Quellcn, L i, dans le résumé des Sentences de Gandulphe (ms. de p. 130-131, 161-163; Gillmann, Die Stebenzahl der Bamberg, B. IV, 29, fol. 131r), il n'y a rien à conclure, Sakramcntc bel den Glossatoren des Dekrels, dans Der voir Saltet, Les rêordinations, p. 318; ce texte ne figure Katholik, 1909, extrait, p. 24; voir aussi, du même, pas dans les chapitres correspondants de l’œuvre Archio für katholisches Kirchcnrecht, janvier 1914, originale. Quant à l’évêché de Coventry, auquel fait cela Axe le terminus ad quem, ou la date avant laquelle allusion von Schulte, Die Summa Decreti Lipsiensis des il faut placer l’œuvre de Gandulphe. S'il faut admettre Codex 986 der Leipzlger Universitdtsbibliothck, dans les que Gandulphe a été le maître de Huguccio — ce Sitzungsberichte de Vienne, 1871, t. lxviii, p. 43-54, que concluait von Schulte de l’expression dicebat ce doit être une confusion dans les slgles qui a produit mag. G. qui introduit plusieurs fois des citations, cette erreur; car dans la citation apportée par von et de l’absence de polémique chez le disciple vis-à-vis Schulte, le slgle G. désigne sans doute Gérard Pucelle des idées du maître, op. cit., t. i, p. 156 — l’on serait qui est, en effet, évêque de Coventry’ (septembre 1183porté à placer l’activité de Gandulphe vers le troi­ janvler 1184), vers le moment où est composée ccttc sième quart du x!i* siècle. Mais l’expression dicebat, etc., Summa super Decretum, ordinairement appelée Summa n'a pas la portée que lui donnait von Schulte, comme Lipsiensis. J. de Ghellinck, Le mouvement thêologique, l’a montré Dcnille, Archio, 1.i, p. 623, note 5, ct cn p. 224, note 5. réalité 1 luguccio combat sans cesse l’avis de GanChez les contemporains, Gandulphe doit avoir eu dulphc. De Ghellinck, Le mouvement thêologique, la réputation d'un canoniste ferme et tranché dans p. 226, note 1. Gillmann, qui prépare l'édition de la scs avis. On lui a reproché, dans la suite, du laxisme Summa de Huguccio, n’a trouvé aucun passage où dans les opinions par suite de son énoncé sur le Huguccio nomme Grandulphe son maître 11 n’y a debitum conjugal. Von Schulte, Die Geschichte der aucune raison à l’appui de l’avis de Dcnille qui Qurllen, t. i, p. 132, note 7; Sarti-Fattorini, op. cit., plaçait l’enseignement de Gandulphe « pas beaucoup Bologne, 1888, t. i, p. 369, note 1; Philipps, Kirchen· plus tard que celui de Boland BnndlnellL » Die Sen- recht, Ratisbonne, 1851, L iv, p. 175. Huguccio, cn temen Abadards und die Bearbeitungen seiner Theologia outre, l'a accusé en une occasion· de prendre des vessies vor .Mille des in Jahrhunderts, dans Archio /Dr pour des lanternes; * d’autre part, le renom de Gan­ Literatur und Kirchengeschichte des Mittetalters, 1885, dulphe devait être assez répandu pour qu'en s’écar­ L i, p. 621. tant de son avis, Huguccio ait éprouvé le besoin de Quelques passages de Jean de Faenza, dont dire : sed quidquid Gandutphus dicat, non credo. M. Sallet a tiré parti, Les réordinations, Paris. 1907, Ms. de la bibliothèque de Cambrai, 612, fol. 307 p 318-321, ont plus de chance de donner la vraie i ct 26; de Ghellinck, op. cit., p. 226, note 1. Au xiv· ct solution : l’enseignement de Gandulphe sc serait au xv· siècle, le grand nombre des annotations qui produit à peu près cn même temps que l’activité mentionnent Gandulphe dans les marges du Liber littéraire de Jean de Faenza, mais l'œuvre de Gan- I Sententiarum de Pierre Lombard pourrait faire croire duiphe aurait été quelque peu postérieure à celle de à la persistance de cc renom; mais nous avons établi l'évêque de Faenza; cellc-d sc place vers 1170, mais ailleurs, op. cit., p. 223-240, que ccs mentions pro­ n’est pas achevée avant 1171, bien que l’auteur soit viennent presque toutes d'une seule ct même source. 1145 GANDULPHE Ce qu'on peut affirmer, à cn juger par les multiples citations de l’époque, c’cst qu'en plusieurs points Gandulphe apparaît comme un initiateur, notamment dans la question de la validité des sacrements ct du pouvoir de l’ordre; dans un certain nombre de doc­ trines, il est présenté comme un chef d'école : Gandulphus et quidam alii, Gandutphus et qui eum sequun­ tur, etc. Ms. de Cambrai 612 ct de Leipzig 986; von Schulte, Die Summa Decretorum, dans les Sitzungsbenchle de Vienne, 1871, t. lxviii, p. 43; Saltet, Les "ordinations, p. 316; J. de Ghellinck, op. cil., y. 225226. Ses conceptions neuves ct originales, parfois jusque dans l'expression, sont énoncées plus d'une fols avec grande liberté. 11. Son œuvhb canonique. — Malheureusement, l’œuvre canonique de Gandulphe, qui pourrait nous renseigner avec plus de précision, nous échappe presque complètement; nous n’en avons plus que ce que nous cn ont conservé les glossatcurs qui le suivent, surtout la Summa Lipsiensis ct Huguccio, 11 résulte de ces extraits que Gandulphe a fait des gloses sur tout l'ensemble du Décret de Graticn. Ces gloses intéressent évidemment le droit canon avant tout. Mais la part qu’elles font à la théologie, surtout dans le De consecratione, nous empêche de les passer ici complètement sous silence. Gandulphe, du reste, est cn cela fidèle à la tradition canonique du xn· siècle : les deux sciences sont souvent mélangées dans les collections canoniques dès le xi· siècle, ct après Graticn, les glossatcurs font une large part à la dogma­ tique. Nous avons déjà fait allusion à l’avis de Gandulphc sur le pouvoir de l’ordre : le sacrement vaut malgré l’indignité du ministre simoniaque, car ï'impositio manus ambulatoria est, ordo usque in infinitum ambulatorius est, etc. Voir les extraits de la Summa Lipsiensis, ms. de Leipzig ct de l’œuvre anonyme de Bamberg, ins. P. II. 4, dans Saltet, op. cit., p. 316, 320, 322. Ajoutons-y des gloses sur l’intention du ministre ou du sujet dans le baptême, sur diverses questions relatives à l'eucharistie, sur l’inspiration des docteurs pour faire connaître — même à l’Égiise grecque — une doctrine jusque-là peu éclaircie : verisimile tamen videtur quod alicui doctorum eorum revelatum fuerit (à propos du pain azyme chez les grecs). Voir les anciennes éditions du Corpus juris, L i, Decretum, par exemple, l’édition de Lyon, 1671, p. 1913, De consecratione, dlsL III, can. 3. Une partie de ccs gloses a été reproduite dans la Glossa ordinaria de Jean le Teuton avant le concile de Latran (1215); von Schulte cn a donné un relevé. Die Glosse zum Dekret Gratians von ihren Anfângen bls auf die jûngsten Ausgabe, dans les Denkschn/ten der k. Akademie der Wissenscha/ten, Philos, histor. Klasse, Vienne, 1872, t. xxi, p. 54-55. Mais beaucoup de citations sont encore inédites dans les manuscrits. Un grand nombre de gloses, qui dépasse de beaucoup la vingtaine conservée par la Summa ordinaria, est fourni par la Summa super Decretum, autrement dit la Summa Lipsiensis, qui cite Gandulphe une centaine de fols. Von Schulte, Die Summa Lipsiensis, dans les Silzungsberichte de Vienne, Vienne, 1871, t. lxviii, p. 27-54; Die Geschichte der Quellen, p. 132, note 8; travail annoncé de Heyer de Bonn, sur la même œuvre. Vers le même moment, Huguccio qu'on a voulu faire l'élève de Gandulphe, comme on l’a vu plus haut, cite le maître bolonais plus de trente fols, J. de Ghcliinck, op. cil., p. 225; travail de Gillmann cl édition de Huguccio, par le même, cn préparation; d'autres extraits ou mentions de Gandulphe sont contenus dans divers manuscrits canoniques des bibliothèques de Bamberg, Durham, Leipzig, etc., J. de Ghellinck, op. cit. ; Heycr, travail cn préparation sur la Summa DE BOLOGNE 1146 Lipsiensis; Saltet, op. cit., p. 318-321· Ce qui complique beaucoup le relevé de ccs fragments, c'est la confusion toujours possible entre les sigles, comme on l'a vu plus haut à propos de Gérard Puccllc (mort évêque de Coventry cn 1184), désigné par le même sigle G., el l'état fautif de beaucoup de manuscrits. C'est ainsi que, de trois manuscrits de Huguccio. un seul, celui du Vatican, parle des baptisés dormientes; ceux de Cam­ brai ct de Bamberg n’en disent mot J. de Ghellinck, La di/jusion des oeuvres de Gandulphe au moyen âge, dans la Revue bénédictine, 1910, L xxvu, p. 387, note 4; Gillmann, Zur Geschichte des Gebrauchs der Ausdrûcke « irregularis » und · irregularitas r, Errveiteter Separat-Abdruck aus Archio fûr katholisches Kirchcnrecht, 1911, L xci, p. 24, note 4 du tirage à part. Les éditions d’un certain nombre de glossatcurs, actuellement cn préparation, faciliteront et déve­ lopperont, sans nul doute, la connaissance que nous avons des idées de Gandulphe conservées dans scs gloses canoniques. IIL Son œuvre tîiêologîque. — C'est cn 1885 que l'existence de l’œuvre théologique de Gandulphe est arrivée à la connaissance des théologiens ct des histo­ riens, grâce aux remarquables travaux de Demflc sur l'école théologique d’Abélard, Die Sentenzen Abœlards und die Bearbeitungen seiner Theologia cor Mitte des xtt Jahrhunderts, dans Archio fdr Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, 1885, t. i, p. 621624; cc même travail de Dcnifle examinait rapide­ ment la question des rapports entre Gandulphe et Pierre Lombard ct orientait la réponse dans un sens favorable à l’antériorité de Gandulphe. Outre un résumé des Sententia?, intitulé : Flores Sententiarum magistri Gandulfi (ms. de la bibliothèque de Bamberg, B. iV9 29, pl. 126M42r), trots manuscrits de la biblio­ thèque royale de Turin étalent indiqués par Déni île comme contenant les Sententiæ, ct dont deux portaient le nom de Gandulphe ou son initiale (/. n. 3; J./r. 33; L /v. 34; anc. Pasin. CXXX V, CLXXI, CXCV); mal­ heureusement l'incendie de 1904 détruisit ccs témoins du texte, et l’on avait peu d’espoir de retrouver autre chose de Gandulphe, voir Saltet, Les réordina­ tions, p. 317, lorsque trois nouveaux manuscrits, tous trois anonymes, furent signalés au public : deux du même fonds de Turin (D. IV. 35 ct D. Z/Z. 3J; anc. Pasin. CXXX VI et CXLT) par J. de Ghellinck, Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésias­ tiques, ses sources et ses copistes, dans la Repue d'his­ toire ecclesiastique, 1909, t. x, p. 293, note 3. ct un de l’abbaye cistercienne de Heiligenkreuz cn Styrie (ms. 242), par M. Grabmann, Eine neu-entdeckte Gandulphushandschri/t, dans Historisches Jahrbuch, 1910, L xxxi, p. 75; une édition des Sententia?, sur la base de ccs divers manuscrits, est cn preparation, par le pro­ fesseur P. von Walter, de Breslau. 1° L9authenticité des Sententiæ. — Cette authenticité n’a pas été contestée depuis les premières révélations de Dcnifle; mais cela ne veut pas «lire que les témoi­ gnages sur lesquels elle s'appuie soient bien nombreux ou parfaitement contemporains. L'originalité ct la liberté d’expression que dénotent plusieurs des gloses canoniques de Gandulphe ne s’hannonLscnt pas tout à fait non plus, à première vue, avec l'idée d'un simple travail de résumé ou de compilation, comme sont les Sententiæ. Toutefois, il n'y a pas lieu, croyons-nous, de. révoquer cn doute cette authenticité; la publication du texte complet ct les recherches dans les anciens recueils de gloses canoniques faciliteront quelque jour le contrôle des arguments invoqués. Comme témoignages extrinsèques, vient cn première ligne l’indication de quelques manuscrits; si les manu­ scrits actuellement existants sont tous anonvmes (Heiligenkreuz, 242, Turin, A. 57, Turin, A. 2 2 é), deux 1147 GANDULPHE certainement, de ceux qu'avait trouvés Denifle, mentionnaient Gandulphe. l'un au début par l'initiale G. (Turin, J, /v, JJ, le plus ancien des trois), l’autre à la fln : expliciunt Sententia magistri Gandulfi viri disertissimi (Turin, /, w, J); ces manuscrits étaient datés par Deniflc du xn· siècle. Loc. cit,, p. 621, note 2; p. 622, note 2. Dc plus, le résumé de Bamberg, qui appartient au xin· siècle, nomme expressément Gandulphe : Flores Sententiarum magistri Gandulfi, ct indique l’incipit : Cum haesit fides catholica. Ms. dc Bamberg, B. /V. 29, fol. 126’ ; Deniflc. loc, cit,, p. 622, note 1, ct 623, note 5. Outre cela, les coïncidences entre les avis de Gandulphe conservés dans scs gloses canoniques, ct les opinions qu’il a énoncées dans ses Serdentia, fournissent un excellent appoint A cette preuve extrinsèque dc l'authenticité; l'on peut voir, par exemple, ses idées sur le baptême ct l’essence du sacrement. Caus. I, q. i, can. 5-î, au mot Detrahe, voir au Corpus juris, Lyon, 1671, t. i, p. 522; Deniflc, toc, cit,, p. 622-623. Une comparaison plus étendue, après publication des textes, permettra de voir s'il y a lieu dc confirmer ou d infirmer cc jugement. Des manuscrits d'Angleterre ct dc France apportent égale­ ment un témoignage cn faveur de l’authenticité : de l’Angleterre provient un texte dc Pierre Lombard, fréquemment annoté dans ks marges, datant du milieu du xiu· siècle environ, et qui mentionne fort souvent, A partir du fol. 105’, les Sententia de Gan­ dulphe. Ms. de la bibliothèque d’Erfurt, Ampion. 108; Deniflc, loc. cit., p. 623, note 1; de Ghellinck, Le mouvement théologique du x//· siècle, p. 227. En France, un commentaire critique anonyme, actuellement A la bibliothèque de Troyes (ms. 1206), jadis à Clairvaux, ct dont la rédaction remonte vraisemblablement au milieu du xiiî· siècle, fait souvent intervenir le nom ct l’œuvre de Gandulphe. Denifle, ibid.; de Ghellinck, op. cil., p. 229. Cet annotateur ct cc commentateur avaient chacun un exemplaire des Sententia différent ; cet exemplaire n’a pu être non plus aucun des manu­ scrits actuellement existants, comme le montre à l’évidence la numérotation divergente des chapitres. 2° Contenu. — Les Sententia de Gandulphe sont divisées, comme celles du Lombard, cn quatre livres et chaque livre sc subdivise en courts chapitres; ceux-ci avaient un numéro d’ordre dans quelques manuscrits. Elles comprennent l'ensemble dc la théo­ logie, moins les tins dernières; ce traité n’a-l-il pu être ajouté par l’auteur? ou a-t-il été expressément retran­ ché dc son plan? ou les manuscrits ne sont-ils pas complets ? L'on ne sait Parmi les autres parties supprimées, il faut citer le chapitre sur l’extrêmeonction, et celui sur les ordinations des hérétiques, etc. ; or. Gandulphe parlait dc ccttc matière dans ses gloses, comme on l’a vu plus haut. Le plan est sensiblement le même que celui dc Pierre Lombard : I. I, Dieu, la Trinité, attributs divins, science divine, prédestina­ tion, volonté divine; I. II, angélologle, hexaméron, état primitif de l’homme, liberté, péché originel ct actuel: 1. Ill, incarnation, vertus théologales ct dons du Saint-Esprit; L IV, les sacrements. La suite des des chapitres n’est pas toujours la même que celle dc Pierre Lombard; chaque livre offre ici des divergences qui ont déjà été indiquées ailleurs, de Ghellinck, Le mouvement théologique du XII* siècle, p. 181-191; le début, lui aussi, est différent : à la division par les res et les signa du Lombard, Gandulphe substitue les premiers mots du Quicumquc sur la Trinité. 3* Antériorité de Pierre Lombard ou de Gandulphe. — La principale question que soulève l’œuvre de Gandulphe est celle dc ses rapports avec Pierre Lom­ bard. Est-ce lui qui a copié cl, par endroits, résumé, le Magister Sententiarum? est-ce le Lombard qui s'est send des Sententia dc Gandulphe, en développant ou DE BOLOGNE 1148 en les transcrivant selon les diverses matières? U question grandit cn intérêt ct prend une importance qui dépasse celle des problèmes littéraires ordinaires, si l’on veut bien penser que dc l'œuvre dc Pierre Lombard surgit, cn somme, toute la dogmatique du moyen Age, la Somme dc saint Thomas et, par suite, toute la théologie catholique actuelle. Λ l’aube des temps modernes, plusieurs des formules dc Pierre Ixnnbard, qui avait énoncé avec précision ou répandu avec succès un certain nombre dc doctrines, furent consacrées par des définitions conciliaires. Il y a donc un intérêt spécial pour le théologien à fixer la paternité dc ccs énoncés ct à déterminer quelle part revient à Pierre Lombard ou A scs modèles dans les progrès réalisés. C'est surtout dans les questions sacramcntaircs ct dans la christologie, non moins que dans le plan ct la méthode même dc la systémati­ sation, que consistent ccs progrès ou que sc manifeste ccttc fécondité pour l’avenir. Nous croyons pouvoir affirmer que les Sententia de Gandulphe ne sont nulle­ ment autorisées Λ enlever quelque droit à Pierre Lombard cn ces matières. L’Idée opposée a prévalu pendant plusieurs années. Λ la suite de Denifle qui datait les Sententia de Gandulphe du milieu du xn· siècle ct sur la foi d'un certain nombre dc témoi­ gnages des xni« et xiv· siècles, conservés principale­ ment dans les notes marginales des manuscrits dc Pierre Lombard, l’on a pu croire que le Magister devait A Gandulphe bon nombre dc scs doctrines; Denifle, qui sc proposait dc revenir sur la question, aurait sans doute constaté que la vraie solution n'était pas favorable à l’antériorité de Gandulphe. Grabmann, qui avait adopté jadis l'idée de Deniflc, est revenu A l’opinion opposée. Geschichte der Scholas· tischcn Methode, t. n, p. 389 sq.; L i, p. 39. D’autres, comme Espcnbcrgcr, n’avalent pas été convaincus. Die Philosophie des Petrus Lombardus, dans les Beitrdge sur Geschichte der Philosophie des MUFF allers, t. in, 1901, p. 7. Mais la plupart opinaient pour la solution qui faisait dc Gandulphe une source de plus A ajouter A celles qu’avait déjà utilisées Pierre Lombard. Actuellement, les arguments, apportés cn sens contraire, ont entraîné, croyons-nous, l’adhésion presque unanime des critiques. K. Sccbcrg, un des théologiens protestants qui ont le plus étudié la théologie médiévale, ne sc montre pas encore rallié A la thèse dc l'antériorité du Lombard. Lehrbuch dcr Dogmengeschichte, Leipzig, 1913, t. m, p. 189; Theologischcs Literatur-Blatt. 1912, t. xxxm, p. 130. La publication du texte dc Gandulphe facilitera évi­ demment la comparaison des deux œuvres ct aidera à donner un jugement plus ferme. En attendant, voici les arguments qui établissent solidement, croyonsnous. l’antériorité dc Pierre Lombard; le premier est pris A un traité spécial, celui des sept ordres ecclésiastiques; le second envisage, dans divers en­ droits du livre, les citations dc saint Jean Dainascènc. 1. Le traité des sept ordres ecclésiastiques (Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dlsL XXV, 1-19; Gandulphe, ms. dc Turin A. 67, fol. 8Γ-82Ο') n des chapitres complets identiques chez les deux auteurs, mais souvent le Lombard a quelques mots, ou des incises entières, de plus que Gandulphe, ct cela dans des condi­ tions qui s’harmonisent avec l’idée d’un résumé par Gandulphe, mais non avec celles d’un développement par le Lombard; les citations prises A un tiers, comme au Decretum dc Grallcn, au De sacramentis de I lugues de Saint-Victor, ou au De excellentia ordinum d’Yves de Chartres, montrent, par leurs variantes, que Gan­ dulphe a dû prendre modèle sur Pierre Lombard quand 11 s'écarte de la source commune; la réciproque ne peut être établie. Quelques particularités de tran­ scription, des omissions, des modifications, etc., 1149 GANDULPHE DE BOLOGNE — GANNERON 1150 qui se rencontrent chez Gandulphe, orientent nette- I n'a pu se résoudre A suivre servilement un maître; il a laissé percer par endroits son originalité et en divers avis ment vert la môme conclusion : c'est Pierre Lombard, est resté fidele à la lignée des canonistes, comme dans et non Gandulphe, qui a servi de modèle J. dc Gbcll'essence du baptême et les sacramenta principalta linck, Le mouvement théologique du x//· sieclr, p. 200En même temps ces divergences entre son enseigne 213. ment et celui du lombard attachent un réel Intérèi · 2. L'examen des citations de Damascene fait aboutir l'étude de son œuvre et à la place qui lui revient dans plus facilement ct plus clairement a la même solution. le courant dc la pensée théologique. Ces citations sont beaucoup plus nombreuses chez 5° 1)1/fus Ion de Γ auore. — 1-a diffusion des Senienttr le Lombard que chez Gandulphe; celui-ci cn a environ de Gandulphe doit avoir été assez grande à la fin «lu une dizaine dc moins que faut rc ; la longueur de chacune xiie siècle. La bibliothèque de Turin cn possédait au d élies est cn général plus grande chez le Lombard moins trois exemplaires de cette époque. Le résumé de que chez Gandulphe; quelques variantes montrent Bamberg, transcrit vraisemblablement en Allemagne, Gandulphe fidèle au Lombard ; Il va de même quand et le manuscrit dc Heiligcnkreuz (entré, semble-t-il, il intervertit l’ordre des citations ou quand il résume la assez tardivement dans la possession de cette abbaye) traduction; il a eu, non pas la traduction dcBurgundio laissent 13m près-s ion d'une diffusion plutôt rapide au sous les yeux, mais seulement les extraits faits par le Lombard dans son livre. C’est ce que montre encore début; elle est confirmée encore par les annotations, sa fidélité à utiliser d’autres citations fournies par le de main anglaise, faites, vers 1250, dans le manuscrit Lombard, mais qu'il abrège d'ordinaire. J· de GheJlinck, déjà cité d’Erfurt (Amplon. 161), et par l'usage que faisait de Gandulphe le commentateur du ms. ano­ op. al, p. 213, 223, 210-241. nyme de Clairvaux (Troyes, 1206). Ce résumé du 3. Une confirmation de ccs arguments peut se Lombard a eu certes au début plus de \ogue que beau­ trouver ù divers endroits dc l’œuvre de Gandulphe, coup d'autres œuvres similaires. Plus tard, il n’en fut qui est en général beaucoup plus succinct que le Lombard ct dans les développements personnels ct plus ainsi; à cn juger au moins par les multiples mentions de Gandulphe qui courent le long de la dans les citations patristiques; il ne laisse pas non plus marge des manuscrits de Pierre Lombard, en Italie, l’impression d'avoir écrit, comme le Lombard, sous cn France, cn Allemagne, en Angleterre, Ton peut dire l’empire d’impressions provoquées par les circonstances, qu'aucun de ces annotateurs ne cite Gandulphe d'une comine par les attaques des dialectici, etc.; ccs diverses façon indépendante du manuscrit mentionné plus caractéristiques, dont on pourrait aisément allonger haut de Clairvaux. La même chose peut se dire de la liste, s’accommodent fort bien d'un travail dc quelques textes imprimés ave* notes marginales. résumé; elles ne s'expliquent pas s’il faut admettre J. de Ghellinck. op. cit., p. 227-210; Les notes marginales la relation inverse entre les deux scntencicrs. J. dc du Liber Sententiarum, dans la Kevue d’histoire ecclé­ Ghellinck, op. cit., p. 212, 221-222, etc. C’est donc au Magister Sententiarum que revient la siastique, 1913, L xiv, p. 521-523. J. de Ghellinck gloire d’avoir mis systématiquement cn œuvre les GANNERON François, écrivain chartreux, né à idées qu’il codifie ct dc leur avoir donné une expression Dammartln en Goéllc au diocèse de Meaux, ver*. 1590. définitive dont s’inspireront les définitions conciliaires du xvi· siècle. Gandulphe n’a pas été ici victime d’un fit scs études au collège de Provins cl aux unisersttés de Keims ct dc Paris. Le 8 septembre 1616, il fit <· plagiat trop longtemps insoupçonné, qui l'aurait profession religieuse à la chartreuse du Mont-Dieu, où dépossédé pendant des siècles dc sa place légitime il mourut le 24 août 1668. Le chapitre générai de 1669, dans l’histoire des maîtres cn théologie. •1° Quelques caractéristiques. —Ce qui vient d’être dit cn donnant ù l’ordre l'annonce de sa mort, déclara qu’il avait louablement vécu et lui accorda des suffrages ne doit pourtant pas faire croire que l’œuvre thèologiparticuliers. Dom Ganncron est un des chartreux du que dc Gandulphe ne soit qu’un résume du Lombard. En XVII· siècle qui ont le plus écrit. Ses ouvrages sont plus d’un endroit, Gandulphe résume ou utilise direc­ nombreux ct intéressants. Ils traitent dc théologie, tement le Décret dc Graticn, comme dans le traité de d’ascétisme, d’hagiographie, d'histoire ecclésiastique la confirmation sans nullement s’occuper du Lombard; particulière ct surtout de l'histoire dc suint Bruno, de il puise non moins directement dans la Glossa dc son ordre ct descs hommes illustres. Il a écrit l'histoire Walafrid Strabon, dont il s’inspire fréquemment; une dc sa chartreuse du Mont-Dieu, cn plusieurs volumes, autre source utilisée est le commentaire de Pierre Lombard sur les Psaumes, P. L., t. cxci, col. 1271, I dont un en vers latins; il a laissé des monographies de au début du IV· livre sur les sacrements cn général, j plusieurs chartreuses de la province dc Picardie, ainsi Divers points dc contact entre Gcrhoch de Kcichersberg, i que les biographies dc plusieurs chartreux remarqua­ bles pur leur sainteté. Il termina sa carrière littéraire ct Pierre dc Poitiers d’une part, ct Gandulphe de par un opuscule latin intitulé : Fasciculus prœcol’autre, seront plus aisément étudiés quand on aura n iorum beahr Marier Virginis ex multis elicitus ct l’édition complète dc Gandulphe. Voir J. dc Ghellinck, op. c//., p. 191-201, 242-211. compactus, achevé en 1668, l’année même de sa mort. Ses œuvres historiques concernant l’ordre des char­ Gandulphe est sous l’influence du mouvement treux furent utilisées, au xvn· siècle, par dom Charles théologique de son époque cn faisant par endroits une Le Coutculx pour la composition de scs Annales ct place assez large à la dialectique, cn christologie, par par dom Léon Le Vasseur pour la rédaction dc ses exemple; mais sous ce rapport il est moins abondant Fphémértdes cartuslennes M. le chanoine Gillet, supé­ que son modèle; il ne le suit pas non plus pas Λ pas, rieur du petit séminaire de Heinis, qui n tiré bon parti quand il s'agit de résumer les avis divers des écoles, des manuscrits de dom Ganncron pour son Histoire dans les questions doctrinales traitées dialectiquement, de la chartreuse du Mont-Dieu, Helms, 1889, dit qu’il par exemple, dans celle do l’adoration du Christ. était un patient investigateur des traditions locales, En outre, Gandulphe se montre autonome cn plus un érudit laborieux et un observateur attentif des d'un endroit vLs-A-vis des idées mêmes de Pierre Lombard; par exemple, pour l’essence du sacrement 1 faits contemporains. Historien, Ganneron est sincère ct absolument digne dc créance dans les faits arrivés dans le baptême, pour le baptême de Jean, pour à son époque, dont 11 connaît parfois les menus détails, l'adoration du Christ, etc.; Il cn va de même dans qu’il raconte avec une naive simplicité ct apprécie l’ordre suivi pour un certain nombre dc chapitres. avec une complète franchise, assaisonnée parfois d’une Ccs divers Indices, comme chacun peut le voir aisément, confirment aussi l'authenticité dc l'œuvre : Gandulphe | pointe d’ironie et de causticité. Auteur dc Vies édi- 1151 GANNERON flantes ct d’écrits divers de spiritualité, Ganneron so I montre, en ces matières, d’une vive piété; mais il est fort prolixe ct noie les détails biographiques dans des considérations générales délayées dans un style qui ί manque trop de nerf ct de précision. I es ouvrages historiques cartusiens de dom Ganneron existaient autrefois aux archives de la Grande-Char­ treuse ct des maisons du Mont-Dieu, d’AbbcvJlle, de Montrcuil-sur-Mcr, du Val-Solni-Pierre, et ailleurs. Les autres écrits étaient au Mont-Dieu ou dans les chartreuses, qu'il avait habitées. La grande Dévolu­ tion a dispersé ccs trésors, dont un certain nombre semble, hélas 1 perdu pour toujours. Plusieurs traités sc trouvent actuellement éparpillés dans les biblio­ thèques publiques de Mézières, Charlcvillc, Grenoble, Abbeville, Paris, à la Bibliothèque nationale ct ù la Mazarine, ainsi qu’à Bruxelles, à In bibliothèque I royale dite de Bourgogne. La Grande-Chartreuse ct les maisons de Bosscrvillc, près de Nancy, ct de Sélignac (Ain) possédaient quelques manuscrits historiques, ct M. Philippot eaux, avocat à Sedan, conserve la Topo· graphie ou drscription générale de toute la chartreuse du Mont-Dieu depuis sa fondation jusqu'à l'an 1600, ms. in-fol. dont il ne reste que 39 feuillets. Les traités théologiques ct spirituels laissés par dom Ganneron n’ont pas, en vérité, l’étendue ni l’im­ portance de scs ouvrages historiques, surtout de ceux qui concernent l’ordre des chartreux ct l’Église de Heims. On peut néanmoins signaler les suivants : Ie Promptuarium gloria? calestis, in quo habentur ex dictis sanctorum præludia quædam ælernitatls, ms. in-fol. à la bibliothèque de Charlcvillc, n. 236; 2° Historia vilæ, virtutum atque revelationum piissimæ virginis Anna? Grij/oniæ excerpta et eliquata ex codice revelationum ejus, ms. Λ la même bibliothèque de Charlcville, n. 236; Œuvres de la saur Anne Grif/on, religieuse chartreuse, avec la notice de sa vie, par dom Ganneron; deux exemplaires ms. in-8° du xvn· siècle se trouvent à la bibliothèque Mazarine de Paris, ci. Molinicr, Catalogue des mss. de la bibliothèque Mazarine, t. n, p. 10-11, n. 1082-1083; 3e Medulla tolius vitæ spiritualis ex meris locis et exemplis S. Scripturæ elicita, ms. in-fol. à Charlcvillc; 4° Considerationes in universam vitam D. N. Jesu Christi, ms. perdu; 5° Tro­ phée de la vie solitaire restaurée par les chartreux, ms. perdu; 6° Œuvres du bienheureux Boson, prieur (général) des chartreux, ms. perdu; 7° Itinerarium veri cartusiani, seu tractatus de virtute solitarii, ms. perdu; 8° Sentiment universel de tous aages et siècles touchant la disme, ms. perdu; 9® Scénopégie ou des­ cription des tabernacles des anciens Hébreux distingués en 72 mansions, qui se retrouvent depuis la vocation d'Abraham jusqu'à l'entrée de la terre de promission, de., ms. à Mézières; 10· Lipsanographia seu tractatus de reliquiis sanctorum contra lipsanoctasos et incurios hujus temporis æstimatores et veneratores, etc., ms. à Mézières; 11e Éplstre parénétique et historique des bons ecclésiastiques tirée des exemples de nostre temps, dédiée & M’· Nicolas Ganneron. prêtre el curé d’Hyères (Yerres), au diocèse de Paris, ms. à Mézières. Parmi les ouvrages perdus il faut marquer le Procèsverbal sur l’aufhcur du livre De Imitatione Christi composé en 1630, selon le catalogue de M. P. Laurent, dont il sera question ci-après. Les imitatlonistcs ne signalent pas cc Procès-verbal; mais le P. Le Long, dans sa Bibliothèque historique de France, Barbier, dans sa Dissertation sur 60 traductions françaises de l'imitation. p. 208, Gence, dans les Nouvelles consi­ dérations, Paris, 1832, p. 19, n. 5, Puyol, dans L'auteur du livre de I'Imitatio Christi, Parii, 1899, p. 325, note, etc., disent que dom Ganneron écrivit vers 1650 · une dissertation pour démontrer qu’un chartreux était auteur de Γ imitation Le supérieur — GARAN 1152 général de l’ordre ne permit pns la publication de cc travail, intitulé : Actio de repetundis » (Puyol). M. l’abbé F.-A. Lefebvre, dans la 2e édition de son Histoire de la chartreuse de Notre-Dame des Prés, à Neuville-sous-Montrcuil, a inséré la Synopsis V. V. P. P. visitatorum prov. Picardiæ ord. carlus., de dorn Ganneron cl complétée jusqu’à la grande Révolution par un religieux de l’ordre. Le même éditeur lit paraître en 1891 à Boulogne sur-Mer, in-8·, l’ouvrage inédit de dom Ganneron. Intitulé : Tableau de la piété des anciens comtes de Boulogne qui disputent de l'anti­ quité avec les roys de France, de la noblesse avec ceux de Γ Angleterre, et de la religion avec tous les potentats de l'Europe. M. Paul Laurent, archiviste du dépar­ tement des Ardennes, en 1887, publia à Charlcville scs Notes inédites sur la vie et les natures de dom Gan­ neron, chartreux du Mont-Dieu, ct manifesta le vœu de la publication des écrits qui existent encore. Cc vœu a déjà eu un commencement de réalisation par les ouvrages suivants édités par M. Paul Laurent lui-même : 1° Annales de dom Ganneron. Antiquités de la chartreuse du Mont-Dieu, Paris. 1893; 2° Synopsis P. P. visitatorum provincia? Picardiæ ord. carlus., Montrcull-sur-Mer, 1893; 3° Coutumes du pays des Essuens, Paris, 1893; 4° La moisson de Thierache, Paris, 1894. Dans la Revue historique Ardennaise, novembre-décembre 1895, p. 251-265. M. Paul Laurent a publié une étude sur les Monumenta cartusiæ de Valle S. Pétri de dorn Ganneron. L'Écuy, Annales civiles et religieuses (TYvots-Cartgnan ct de Mouson; Lefebvre, Hist, des chartreuses d*Abbeville et de Montreull-sur-Mer; documents particuliers. S. AüTORB. GANS Jean, théologien allemand, né à Würzbourg en 1591, admis au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1610, enseigna la philosophie ct la théologie, tout en s’adonnant au ministère de la prédication. Confesseur de l’empereur Ferdinand IV, il reçut de cc prince le serment de défendre l’immaculée conception, serment qui fut imposé ensuite à toutes les universités des Etals héréditaires de l’Autriche. Le P. Gnns a laissé un important ouvrage de controverse religieuse sur les variations imposées au texte de la Confession d’Augsbourg par les ministres évangéliques de la Saxe : Ophtalmia htlherana, sive de mutatione Con/essionls Augustana? jacta a theologis Saxonicls, Vienne, 1631. Scs travaux généalogiques sur la famille impériale d’Autriche ont rendu aux historiens des services appréciés. Cf. Lcnglcl-Dufrcsnoy, Supplément à la méthode d'étudier l'histoire, t. n, p. 79 sep Outre scs discours, le P. Gans a publié quelques ouvrages de piété, entre autres : Considerationes decem plagarum Ægypti quo modo iisdem Dei Fliiis in passione plagatus sit, Vienne, 1633, ouvrage fort répandu dans la tra­ duction allemande. Le P. Gans mourut dans la maison professe de Vienne, le 11 mars 1662. Sommcrvogcl, Btbliothique de la C1· de Jésus, t. ni, col. 1183 sq.; Hurter, Nomenclator, t. ni, col. 222. P. Bernard. François, théologien espagnol, né à Glrona en 1640, reçu dans la Compagnie de Jésus le 8 novembre 1655. Après avoir enseigné les humanités ct la théologie, il fut nommé censeur du Saint-Olhce, recteur de Barcelone, Urge), Majorque ct Saragosse, ct se consacra avec de brillants succès au ministère de la prédication. Le P. Garan publia une sorte d’ency­ clopédie morale disposée en vue de la prédication et plusieurs fois réimprimée : El Sabio inslruido de la naturaleza, en quarenta max (mas politicas y morales, tlustradas con todo genero de erudieion sacra i; humana, Barcelone, 1675,1677,1704; ct un ouvrage théologique sur la sainte Vierge : Deipara eluctdatæ ex utriusque GARAN GARAN 1153 thfologhe placitis SS. PP· ac sacræ pagina luminibus ad splendorem, Barcelone, 1686. Le P. Garan est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages de spiritualité, entre autres : Monarchia de l'amor de Dios, Barcelone, 1701 ; Alfectuosissima agnitio beneficiorum Dei et humilis con/csslo ingratitudinis nostræ, Augsbourg, 1695; Exercicios del Christiano ansioso de su salvacion, Gironc, 17X3, ouvrage posthume. Dans la théologie parénétique, le P. Garan occupe également un rang distingué par ses Declamationes sacras, politicas y morales sobre (odos los Evangelios de la Quaresma can los assuntos ocurrentes de lismosna, Valence, 1695. Le P. Garan mourut à Barcelone, le 10 juillet 1701. Sommcrvogcl, Bibliothèque de la C1· de Jésus, t. m, col. 1194-1198; Torres Amat, Escrltores Catalanes, p. 340; Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 333. GARCIAS 1154 1625 : ouvrage qui fut censuré par la faculté de théologie de Paris. Cf. d’Argentré, Collectio judictorum, L n, p. 202. Garasse se défendit en publiant : L'abus descouvert en lu censure prétendue des textes de l’Escriture sainte, et des propositions de théologie tirées par un censeur anonyme de la Somme théo­ logique du P. François Garassus, in-8°, Paris, 1626. L’abbé de Saint-Cyran l’attaqua vivement dans un écrit Intitulé : La somme des fautes et faussetés capitales, contenues en la Somme théologique du P. François Garasse, in-4 °, Paris, 1626. .Moréri, Dictionnaire historique, 1759, t π ξ p. 66; Bayle, Dictionnaire historique et critique, Parii, 1820, L vu, p. 22-31 ; Sommcrvogel, Bibliothèque de la C1* de Jésus, Ln-4·, Bruxelles, 1892, t, vm, coL 1184; Hurter, Nomenclator, t. ni, col. 712-713. P. Bernard. B. Heurtebizb. GARCIAS Jean, en religion Emmanuel, naquit à GARASSE François, jésuite et polémiste, né à Biar, au diocèse de Valence, en Espagne, le 8 février Angoulême en 1584, mort à Poitiers le 14 juin 1631. 1820. Étant professeur au grand séminaire diocésain Agé de quinze ans, il entra au noviciat de la Compagnie de Valence, il institua, le 5 mars 1859, la pieuse asso­ de Jésus, ct scs études de théologie terminées se livra avec succès au ministère de la prédication. Malheu­ ciation appelée la Félicitation sabbatine en mémoire de la définition du dogme de l’immaculée conception reusement il se mit à écrire, ct dans scs ouvrages sc ct comme monument spirituel ct perpétuel de félici­ laissa aller à tous les excès de violence ct de bouffon­ tation à la très sainte Vierge de ce grand privilège. nerie contre les libertins ct les ennemis de la Compagnie Grâce au zèle de son fondateur, cette association se de Jésus qui à leur tour ne le ménagèrent pas. Il sc propagea très rapidement en Espagne avec l’appro­ trouvait à Poitiers lorsque la peste éclata dans cette bation des évêques, et ne tarda pas à sc répandre dans ville : aussitôt il demanda ù aller soigner les malades les autres nations catholiques des deux mondes. et ne tarda pas ά succomber victime de sa charité. Pie IX l'enrichit d’indulgences, l’honora de sept Parmi les trop nombreux écrits de cc jésuite nous brefs ct l’érigea en archiconfrérie primaire à Valence, mentionnerons t Horoscopus Anticoton is ejusque germa­ avec permission d’établir des archlconfréries locales norum, Martillcrii et Hardivilleri, vita, mors, cenota­ ct nationales dans les autres pays. Depuis 1873, phium, apotheosis, antijesuitis, et omnibus Calvini l’association fait imprimer chaque mois, à Valence, catulis ministris, vigilantiis, dormitaritiis. Antiquis, les Anales de la Felicitacion sabatine à Maria Inmanovis, novantiquis, informibus, reformatis, mustrlcolarils, cerdonibus, hortulanis, vespillonibus, et toti eulada. La basilique de Notre-Dame de Lourdes est le centre d’une archiconfrérie de ccttc association. excucullalorum gregi, in-8°, 1614; Elixir calvinisticum seu lapis philosophiæ reformatæ, a calolno Genevæ L’abbé Jean Gardas fit aussi frapper une médaille primum effossus, dein ab Isaaco Casaubonio Londinl de la Félicitation, qui a été également répandue avec politus. Cum testamentario anticotonis codice nuper grand succès dans toute l’Espagne. Le 8 décembre invenio. Ad anglicogallicanos præsumptæ reforma­ 1872, le pieux fondateur faisait scs vœux de religion tionis fratres, in-8°, Charenton, 1615 : Garasse publia ù la chartreuse de Valbonne, en France, au diocèse ccs deux pamphlets sous le nom d'André Scioppius; de Nîmes. Il est mort pieusement le 25 août 1903, Le banquet des sages dressé au logis et aux dépens de Λ l’hôpital de Pont-Saint-Esprit (Gard), où il avait Mr Longs Servin, par le sieur Charles de EEspinatl, dû sc retirer après le départ de sa communauté, obligée gentilhomme picard, in-8·, s. 1., 1617; Ιλ Rabelais par la loi du 1·Γ juillet 1901 à passer â 1’étrangcr. Il a réformé par les ministres et nommément par Pierre du publié : 1° Melodo elemental de canto llano y Repertorio Moulin, ministre de Charanion, pour réponse aux de misas, visperas, mailines, himnos, etc., para usa bouffonneries insérées en son livre de la vocation des de los seminarios, sochantres y organistas... Obra compasteurs, in-8·, Bruxelles, 1619 : Pierre du Moulin y puesta y dedicada à la Inmaculada Reina de los Angeles, est représenté comme un nouveau Rabelais; Les Valence, 1862; 2° El Consolador de los enfermas y recherches des recherches et autres oeuvres de M· Esttenne moribundos bafo la tutela de la inmaculada Reina de Pasquier, pour la défense de nos roys, contre les outra­ los Martires, Valence, 1875; 3· Aureola musical de la ges, calomnies et autres impertinences dudit autheur, Inmaculada Concepcion. Colecionde canticos melodicoIn-8·, Paris. 1622; les enfants d’Estlennc Pasquier armonicos... para usode los seminarios, colegios, asoctapublièrent une réponse avec l’aide d’Antoine Rcmy, cioncs, etc., Valence, 1887; 4° Felicilacton sabatina à avocat ou parlement de Paris : Défense pour Estienne Maria Inmaculada, Valence, 1859 ou 1860, opuscule Pasquier, contre les impostures et calomnies de François explicatif de la nature de la pieuse association, des Garasse, in-8°, Paris, 1624; autre édition sous le titre : devoirs des associés, des indulgences et des grâces A ntl-Garasse, divisé en cinq livres, 1. 1^ Bouffon; obtenues. Il a été rém primé un très grand nombre de II. L'Imposteur; III. Le Pédant; IV. L'Infurieux; fois, Λ Valence, ù Barcelone et dans beaucoup d’autres V. L'Impic, in-8°, Paris, 1G27; La doctrine curieuse villes d’Espagne ct des pays de langue espagnole. des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tris. Conte­ L'auteur en a publié une traduction latine. Valence, nant plusieurs maximes pernicieuses d VÊtat, d la 1862, 1867, etc. Il existe une trad, italienne, Reggio, religion et aux bonnes mœurs, in-4°, Paris, 1623; 1862; une première trad, française par le P. Ber­ Apologie du Père François Garassus de ta Compagnie nardin de Sainte-Marie, franciscain, parut à Bolbcc, de Jésus pour son livre contre les athéistes et libertins en 1861 ; une autre anonyme a été imprimée ù Lourdes, de notre siècle. Et response aux censures et calomnies de en 1869, 1870, 1873. Il y a d’autres traductions publiées Pau/heur anonyme, in-12, Paris, 1624; Nouveau fugeen Asie, en Amérique, etc. Enfin, pour compléter son mrnt de ce qui a été dit et écrit pour et contre le livre de œuvre ct la rendre durable, le pieux fondateur a la doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps. publié les opuscules ct statuts suivants : Idea pix Dialogue, in-12. Paris, 1624; La Somme thèologtque des congregationis monumentalis sacerdotum Gratulationis vérité: capitales de la religion chreslicnne, in-fol., Paris. (de lu l·ehcitacion à Maria Inmaculada) comme· DICT. DK TUfcOL. CATHOL. 1155 GARCIAS — GARDINER moratiox definitionis dogmatica, etc. Valence, 1867; Estatutos de la pia congregacion monumental de sacer­ dotes, etc.. Huesca, 1873; Estatutos de la congregacion sacerdotal dc la inmaculada Concepcion xajo la (utela del Sacralisimo Corazon dc Jésus, Valence, 1884; Instructiones para erigir en cualquier la asociacion de la Felicitac ion y a gregaria à la Primaria de Valêne ia, insérées dans le Buletino de largobispodo de Valencia, 14 décembre 1865, où parfois l'on publiait des articles concernant les progrès ct les avantages spirituels de la pieuse association. S Autore. GARDELLINI Louis, né à Borne le 4 août 1759, il y mourut le 8 octobre 1829. Il est connu par sa célèbre collection des décrets de la S. C. des Rites. On sait que cette Congrégation, instituée par le pape Sixte V Je 22 janvier 1588, avait pour mission dc veiller à cc que les rites ct cérémonies usités dans l'exercice du culte divin ct l'administration des sacrements fussent maintenus dans leur pureté, ou réformés dans leurs abus. Les décisions rendues par ccttc Congrégation furent dès les premières années assez nombreuses; afin d'en répandre la connaissance, des collections en parurent bientôt dont la principale était celle d’un prêtre dc Venise, Jean-Baptiste Pithonlus : Constitutiones pontificia ct romanorum Congregationum decisiones ad sacros ritus spectantes, éditée à Venise en 1730, ct qui comprenait même des décisions antérieures ù l'institution dc la S. C. des Rites. L’ouvrage n'était pas parfait D'autre part, dc nouveaux décrets parurent encore après sa publi­ cation. Aussi, dès le commencement du xix· siècle, Gardellini crut faire œuvre utile en reprenant aux origines une nouvelle collection. En 1807, parut le i*r volume des Decreta authentica Congreg, sacrorum B ituum ex actis ejusdem S. Congregationis collecta; en tête, un sacrorum rituum studiosis Monitum d sait le plan et le dessein dc l’auteur. Les décrets les plus anciens cités dataient de 1602; avant 1809 paraissait un n· volume; les événements retardèrent Jusqu'à 1816 la publication des t. in-v, qui compre­ naient les décisions Jusqu'au 30 avril dc cette année. En 1819, parut le t. vi, contenant les nouveaux décrets ct un commentaire de l'instruction dc Clément XI pour les prières des Quarante-Heures. Malgré la science, la piété, l'intelligence, l'application et la conscience dc l’auteur, la collection laissait Λ désirer : des incorrections avaient échappé. L’édition, ou plutôt la réimpression, dc 1827 s'efforça de les corriger, en ajoutant, avec un vire volume, des décrets allant de 1558 à 1599, ct les récents décrets rendus Jusqu'en 1826 Dans l’intervalle, Gardellini avait été nommé, à titre de récompense, assesseur de la S. C. des Rites. Il mourut, nous l’avons dit, le 8 octobre 1829. Son œuvre avait trop dc mérite pour ne pas être con­ tinuée ct Incessamment mise au point. Un vnre volume fut adjoint, en 1819 par le cérémoniaire apostolique, Joseph de Ligne, qui donna les décrets parus jusqu’au 23 septembre 1848. Une nouvelle édition, préparée par Capalti, parut en 1856, en 4 vol. in-4°, sous l'inspiration de la S. C. des Rites elle-même; des suppléments successifs complétaient l’œuvre peu ù peu. Enfin, un décret du 16 février 1898 déclarait authen­ tique un nouveau recueil, officiel celui-ci, de la S. C. Cette collection remplace désormais la collection Gardellini. mais en face de ses numeros elle a gardé le numéro que chaque décret portait dans les Decreta authrn!lea du célèbre liturgistc : seul cc nouveau recueil officiel pouvait supplanter la précédente collection Preface de In nouvelle collection officielle. Decrrta atdhm· lira Congregationis eatmrum Rituum ex actis ejusdem col­ lecta e/tuçur auctoritate j r» mutgata sub auspiciis 55. D· N' 1156 Lronü papa: XI U, 1898. t. i; Catholic encgclopadta, art. Gardellini; Hurler, Nomenclator llterarlus, 1912, t. v, col. 1065-1066. A. VlLUEN. GARDIEN (Ange). Voir Ange, t. i, coL 1216-1219, 1226, 1246, 1248, 1252, 1256, 1271. évêque de Winchester ct nomme d'État anglais sous Henri VIII, Édouard VI et Marie Tudor, mort en 1555. Né à Bury St. Ed­ mund's, dans le comté de Suffolk, entre 1483 et 1490, il était regardé comme le fils d’un foulon de cette ville; un mystère cependant plane sur sa naissance; on l’a dit fils naturel dc plusieurs personnages, mais 11 n'y a pas de preuves. Il étudia le droit canon cl civil à Cambridge; docteur en droit civil en 1520, ct en droit canon l'année suivante, il acquit un certain renom comme juriste, ct devint en 1524 précepteur d’un fils du duc de Norfolk; ceci fut le premier échelon de sa grandeur. Le duc le présenta au cardinal Wolsey, qui en fit son secrétaire et l’employa soit dans des procès contre les hérétiques, soit dans des négocia­ tions politiques. Les qualités dont il fit preuve atti­ rèrent sur lui l’attention d'Henri VIII, ct le roi résolut bientôt de l’employer dans l’affaire du divorce. Gar­ diner sc montra parfait courtisan; il fit tous ses efforts pour faire réussir cette malheureuse affaire, cl il aida son maître à rompre avec Rome, tout en s’opposant dc tout son pouvoir à l'introduction en Angleterre des doctrines protestantes qui venaient d’Allemagne, ce qui fit dc lui l’adversaire Irréductible de Cranmcr ct dc Cromwell. Il fut député en 1528 près de Clé­ ment VII, qui était alors à Orvicto, après a voir échappé aux troupes impériales, ct réussit, en lui « parlant rondement » ct en dressant devant scs yeux l’épou­ vantail d'une rupture possible, à obtenir du pape que le jugement dc la cause fût remis à deux légats, dont l’un était Wolsey, ct l'autre le cardinal Campcggio; cc dernier possédait l'évêché dc Hereford en Angleterre et avait beaucoup d'obligations envers Henri VIII. La combinaison fut déjouée par l’énergie dc Catherine d'Aragon, qui récusa ses juges ct en appela au pape : Clément VII, qui regrettait amèrement scs concessions, consentit à recevoir l’appel, ct sc réserva la cause. Gardiner fut cependant récompensé par le poste de secrétaire particulier du roi, ct quelque temps après, lorsque Cranmer eut suggéré l’idée de s'adresser aux universités afin dc réunir un grand nombre d'opinions favorables au divorce, il se chargea dc Cambridge ct ne trouva rien de mieux, pour obtenir la décision voulue, que dc faire jeter hors dc la salle les deux opposants les plus énergiques. Après la mort dc Wolscy, il fut nommé évêque dc Winchester, et reçut la consé­ cration épiscopale le 27 novembre 1531. Au début dc son épiscopat il sembla vouloir sc montrer moins servile; il s’occupa avec zèle de son diocèse, ct s'exposa même à encourir le déplaisir du roi en soutenant, dans l’adresse présentée à Henri VIH, en 1532, par la Chambre des communes que les évêques avaient le droit de faire telles lois qu’il leur plaisait pour le bien des Ames. 11 fit si bien qu'A Rome on s’imagina, comme Clément VII le disait à l'ambassadeur dc Gharlcs-Quinl, qu’il avait changé d'avis au sujet du divorce. En 1533, en effet, il refusa dc signer deux propositions affirmant que le mariage d’Henri et dc Catherine était nul. Ceci ne l’empêcha pas d’assister Cranmcr au couronnement d’Anne Boleyn, cl d’aller trouver le pape à Marseille, afin de le décider à lever l'excommunication prononcée contre Henri VIII. Là il fut obligé d’avouer qu’il avait menti en prétendant posséder de pleins pouvoirs. En avril 1534« il donna sa démission de secrétaire et sc retira dans son diocèse; bientôt il devint suspect GARDINER Étienne, 1157 GARDINER — G \ BET no roi pour sa conduite par rapport à la visite des monastères; ce fut sans doute pour rentrer en grâce qu’en février de l’année suivante il signa sa renoncia­ tion à la juridiction du pape» ct qu’il publia son célébré discours De vera obedtenlia. Il y soutenait les propo­ sitions suivantes : 1° la tradition humaine doit être regardée comme inférieure aux préceptes divins; 2· le pontife romain n’a aucune juridiction sur 1rs autres Eglises; 3° les rois, princes ct magistrats chré­ tiens ont droit à la suprématie dans leurs églises respectives, et sont obligés dc faire dc la religion leur premier souci. Cromwell s’empressa d’en faire circuler des exemplaires sur le continent, et en 1537 il était traduit en allemand. Cependant Gardiner ct ses amis, craignant d’indisposer le pape, faisaient courir le bruit que le discours avait été composé sous le coup dc menaces qui le mettaient en danger de mort. Il continua d’ailleurs à joucr son double jeu, et il par­ venait à inspirer confiance à Home pendant qu’il travaillait à procurer au roi le moyen dc se passer du pape. Il lui conseillait, en effet, dc faire publier dc nouveau au nom dc l'autorité royale les bulles que l’on désirait conserver, sans faire aucune mention du pape. Malgré cela, il était toujours contraire aux doctrines protestantes. 11 avait déjà dissuadé le roi dc sc joindre à la ligue dc Smnlkaldc, et en 1549, après une nouvelle ambassade en Allemagne, il resta du même avis; on lui attribue la principale part dans la rédaction des six articles (voir L i, col. 1284) qui établissaient défini­ tivement la rupture d’Henri VIII avec les protestants allemands. Cromwell ne lui pardonna pas cette défaite, et bientôt après il parvenait à le faire exclure du conseil privé. Mais le tout-puissant ministre n’était pas assez habile pour conserver longtemps la faveur du royal despote, ct sa chute laissa son adversaire en possession d’une influence plus grande que jamais. Gardiner, élu chancelier de l’université dc Cambridge à la place de Cromwell, s’appliqua à y combattre les Idées protestantes. Il reste Λ parler de la part qu’il prit aux deux essais dc traduction dc la Bible qui curent lieu sous Henri VIH. à l'instigation de Cranincr· Le premier projet fut lancé en 1533 et n’aboutit pas; Gardiner avait traduit les Evangiles dc saint Luc et de saint Jean. En 1542, nouveau projet, qui n’aboutit pas plus que le premier. On a voulu attribuer l’échec à Gardiner; il voulait, a-t-on dit, que la traduction proposée fût parsemée dc mots latins en nombre suffisant pour empêcher le peuple dc la comprendre. Il fit, il est vrai, une liste dc mots latins qu’il vaudrait mieux, A son avis, laisser tels quels, mais la raison qui le poussait A agir ainsi était la difficulté dc traduire en anglais des termes sur le véritable sens desquels les théologiens disputaient depuis longtemps sans parvenir A s’en­ tendre. Sous le règne d’Édouard VI, Gardiner sc montra beaucoup plus digne que sous le précédent; on peut dire qu’il passa tout le temps dc cc règne en prison. Il fut, en effet, renfermé dans la prison dc Fleet le 25 septembre 1547, pour sa résistance aux innova­ tions introduites par le conseil d’État 11 refusait en particulier dc sc soumettre aux Injonctions d’Édouard VI. qui bouleversaient la discipline, ct dc recevoir les Homélies, publiées par Cranmcr pour suppléer A la disette dc prédicateurs, ct surtout pour répandre les doctrines protestantes. H sortit dc prison À Noël suivant, bénéficiant de l’amnistie générale qui fut proclamée alors, mais 11 ne jouit pas longtemps dr sa liberté. Comme il était toujours suspect, on l’obligea A prêcher un sermon public (29 juin 1548) dans lequel il ne craignit pas dc soutenir la présence réelle - il fut envoyé A la Tour de Londres, où il resta 1158 jusqu’à l’avènement dc Marie; la reine le fit sortir de prison le 3 août 1553, lorsqu’elle fit son entrée solenI ncllc A Londres. lr, d’avoir remis cct auteur savant critique. L'ouvrage fut publié en 1684 par les dans son cadre historique, malgré les obscurités du soins du P. Hardouin : B. Theodorett, episcopi Cyri, sujet, grâce à sa science profonde des origines chrétien­ operum tomus quintus, Paris, 1684, avec les cinq nes ct spécialement du mouvement pélagicn, grâce dissertations du P. Garnier sur la vie de Théodoret, ausri a une rare sagacité critique a laquelle rien n'échappe la critique de ses ouvrages, sa doctrine ct de nouveaux de la valeur des détails ct de la portée des inductions documents et a perçus sur le V· concile générât La que font naître les ingénieux rapprochements. La V· dissertation contient près de deux cents lettres de partie conjecturale s'est réduite depuis lors; bien des Théodoret et des évêques orientaux impliqués comme hypothèses sont rejetées par la critique moderne. Le lui dans les démêlés du nestorianisme, avec un ensemble texte publié par le P. Garnier ct scs lumineuses disser­ de notes qui rectifient sur bien des points les assertions tations n’en ont pas moins servi de base à tous les du P. Lupus. A la suite de cet ouvrage, fut réédité le travaux ultérieurs, notamment ses recherches histo­ recueil des dix-huit sermons attribués jusqu'alors à riques sur les origines ct le développement du péla­ Théodoret, mais qui sont l'œuvre d’Eutherius, évêque gianisme de l’an 318 à l’an 430, ct la préface de la de Thyane en Cappadoce, comme le P. Garnier en four­ seconde partie contenant l'histoire du nestorianisme nit la preuve dans le texte même de Marius Mercator. depuis 428 à 433 et de très justes observations sur Ils sont réunis sous ce titre : Eutherii Thyanorum l'ordre qu’il convient de mettre dans les pièces qui episcopi sermones. On trouve en outre dans ce livre : ont trait au concile d’Éphèsc. Le Marius Mercator du Fulvii Lrsini emendationes in libros Theodorett P. Gamier valut au savant éditeur les hommages des De curandis Gneeorum morbis P. G., L lxxxv, érudits. Cf. Journal des savants, 1674, p. 1 sq. Les dissertations sur le pélagianisme furent insérées par col. 85-864. Outre un volume fort apprécié des bibliographes et J. le Clerc dans son Appendix Augustiana, Amsterdam, qui a trait à la classification des ouvrages dans les 1703, t. xii, comme documents de première valeur, ct bibliothèques : Systema bibltothecx cotlegii parisiensls les remarques désobligeantes de Noris, quelque peu S. J. Paris, 1678, cf. Balllct, Critiques historiques, irrité d'avoir été devancé par le P. Garnier dans Paris, n. 229, le P. Gamier a laissé divers ouvrages de l'édition des manuscrits de Mercator, ne représentent philosophie scolastique et de théologie dogmatique guère que le témoignage d'une critique tendancieuse. ct morale : Theses peripateticae de logica philosophie Cf. Nicéron, Mémoires, t. xi., p. 171. Noris ne recon­ organo, Paris, 1650; These* de philosophia morali morum naissait pas moins l’exceptionnel mérite du P Gamier, magistra. Paris. 1651; Organi philosophiae rudimenta qu’il comparait aux Pères Pctau cl Slrmond, ajoutant seu compendium logice an state!1er, Paris. 1651, 1657; qu’il n'aurait jamais rien publié lui-même à ce sujet Hegule fidei catholica· de gratia Dei per Jesum Christum, s’il avait connu le dessein du P. Garnier de donner Bourges, 1655; Tractatus de officiis confessorii erga une édition critique des œuvres de Mercator. Comme complément à scs travaux sur le nesto­ singula pe nitentium genera, Paris, 1688, 1689; Lyon, 1707; Strasbourg, 1718, 1726, etc. Le P. Gamier était rianisme, le P. Garnier publia l’année suivante, avec loin d'avoir mené à bonne fin scs nombreux travaux le même luxe de notes érudites ct de commentaires d’histoire dogmatique quand la mort le surprit. Les étendus, une édition critique du Bréviaire nestorien Acta eruditor. Lips., 1685, Supptem., II, p. 422. nous cl cutychicn de l.ibcrat, archidiacre de Carthage : apprennent qu'en partant pour Rome il avait confié Liberati, archidiaconi Ecclesie Carthaginensis, Brevia­ au P. hardouin un manuscrit intitulé : Procopii Gazai rium cause nestorianorum et eutychianorum emendatum commentarii in XI1 prophetas minores latine redditi. a plurimis quibus ante scatebat mendis repurgatum et Ce manuscrit n'a pas été Imprimé. Il en est de même notis et dissertationibus de quinta synodo illustratum, d’une analyse de tous les ouvrages de saint Augustin Paris. 1675. Ccttc édition n été reproduite dans la contre les pélagiens, accompagnée de notes ct com­ Bibliotheca veterum Patrum de Galland. t. xn, p. 119188. Faite sur trois excellents manuscrits» abondam­ mentaires. 11 serait à souhaiter vivement que cet ment pourvue de schoiics qui relèvent les fautes de ouvrage fût un jour retrouvé. Mention en est faite l’auteur et qui mettent cn lumière les endroits obscurs, au c. n de la VI· dissertation de Marius Mercator, l’ouvrage est enrichi d’une érudite dissertation sur p. 333. le V· concile général Sommervogel, Bibliothèque de la C1* de Jésus, t. HT. D’après un manuscrit inédit des archives du col. 1223-1231 :Nicéron, Mémoires, t. XL, p. 1G8 sq.; Journal Vatican, l'infatigable travailleur préparait cn même des savants, 9 février 1663; 15 mai 1G84; Acta eruditor. temps son édition commentée du Liber diurnus Lips— 1685. p. 47-55; Zaccaria, Bibliotheca antica c moderna 1163 GA HME R — dt storia Idkrarta, t. I, p. 514-5'28; Tilicmunt, Afémairra ln-4·, ibid., 1606; Estacioncs espiriluales que debe cocl/j.. t. xv, p. 142 sq.; Hurter, Nomenclator, 3* édit., t. ni, hacer d peregrino Christiano en la jornada des(a vida, col. 490 sq. in-4°, ibid., 1617; Hecentiorum variarum et tnexlricaP. Bernard. bilium questionum ex visceribus libri historialis Genesis 2. GARNIER Julien, bénédictin, né à Conncrré, hinc d illinc pululantium discussio, i η-fol., ibid., 1624; dans le diocèse du Mans, mort Λ Charenton le 3 juin Mansiones de las exedendas, grandezas y prerogatives 1725. Il entra dans la congrégation dc Saint-Maur que tuvo la bend ita Virgen Aiaria, ibid., 1629. en 1689 ct, Agé de vingt ans, lit profession à l’abbaye N. Antonio, Bibliotheca hlspana nova, in-fol., Madrid, de Saint-Mélaine de Bennes le 30 septembre 1690. U 17831 t· *» P· 329; H. Hurler, Nomenclator, 1907, t. in, étudia la théologie A Saint-Vincent du Mans ct devint col. 675. fort habile dans la connaissance de la langue grecque. E. Mangbnot. A la demande de dom Mabillon, il fut en 1699 appelé GARZONI Thomas, littérateur italien, né en man A Salnt-Gcnnain-dcs-Prés ct deux ans plus tard fut 1549 â Bagnocavallo dans la Bomagne, mort le 8 juin chargé dc préparer une nouvelle édition, avec traduc­ 1589. Ses premières études terminées dans sa ville tion latine, des œuvres dc saint Basile. Le 1er vol. natale, H alla étudier le droit à Ferrare, puis A Sienne, parut sous le titre : Sancti Patris nostri Basilii, Ctrsa­ et ensuite entra dans l’ordre des chanoines réguliers re* Cappadocia' archiepiscopi, opera omnia qu* exstant, dc Latran. où il lit profession à Bavenne le 13 octobre vel qutc ejus nomine circumferuntur, ad mss. codices 1566. Thomas Garzoni a beaucoup écrit sur les sujets Gallicanos, Vaticanos, Florentinos et Angticos, necnon les plus divers; mais seule mérite d’être mentionnée ad antiquiores editiones castigata, mullis aucta : nova l’édition des œuvres de Hugues dc Saint-Victor dont interpretatione, criticis pnrfationibus, variis lectionibus il veut, bien à tort, faire un chanoine dc Latran : illustrata, nova sancti dudoris vita, et copiosissimis I Hugonis de S. Victore opera omnia tribus tomis digesta, indiciis locupletata, in-fol. Paris, 1721. Le ιι· vol. studio et industria Th. Garzonii, poslillis annotatiun­ parut l'année suivante. Dom Julien Garnier avait culis, scholiis ac vita autoris expolita, 3 in-fol., Venise, préparé une partie du ni· vol,, quand il fut atteint 1588. d’une terrible maladie qui contraignit scs supérieurs Moréri, Dictionnaire historique, in-fol., 1759, t. vi b, A le faire conduire chez les frères dc la Charité à p. 82; Histoire littéraire dc la France, ln-4·, Paris, 1763, Charenton, où il mourut. Cc m· vol. fut publié en l. xn, p. 50. 1730 par les soins dc dom Maran. Celte édition des B. Heurtebize. œuvres dc saint Basile, la meilleure dc toutes, est 1. GASPAR, religieux augustin du xvt· siècle, dont reproduite dans P. G., t. xxix-xxxii. nous ne connaissons pas même le nom dc famille. Zlcgclbaucr, Historia rei l iterari* ordinis 5. Benedicti, Il est l'auteur d’un ouvrage intitulé : Axiomata Chri­ t. iv, p. 105, 411; dom Ph. Le Cerf, Bibliothèque historique stiana ex divinis Scripturis, sanctis Patribus, cum rl critique des auteurs de la congrégation de Saint-Maur, in-12, ecclesiasticis tum diam scholasticis, per reverendum lai Haye, 1726, p. 143; dom Tassln. Histoire littéraire de ta Patrem fratrem Gasparem ordinis eremitarum sancti congrégation de Saint-Maur, In-4·, Bruxelles, 1770, p. 470; Augustini, dodorem theologum ac regium contiona­ Idom François), Bibliothèque générale des écrivains de torem indignum, nunc naviter collecta, Opus hactenus Γordre de saint Benoit, t. I, p. 360; Hnuréau, Histoire littèdesideratum adversus htereticos antiquos et modernos, faire du Maine, in-12, Paris, 1872, t. v, p. 116; Vnncl, Nécrologe de Cabbage de Saint- Germa tn-des-Prés, in-4·, Coïmbre, 1550. Paris, 1896, p. 146; Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 1148Moral, Catalogo de cscrltores agustinos espanolcs, dans 11 Γ». Ia Ciudad de Dios, 1903, t. LXin, p. 209-210. B Heurtebize A. Palmieri. GARCFOLI Gabriel, augustin du xv· siècle, né à 2. GASPAR DE SAINTE-MARIE-MADELEINE Spolètc, fut provincial dc l'Ombrie ct vicaire général DE PAZZI (BORMANS), carme belge, originaire de de son ordre. En 1429, il fut nommé par Martin V Becringen, savant professeur dc philosophie ct de évêque de Noccra dei Pagani. Après avoir gouverné théologie, ct non moins remarquable par sa piété ct son diocèse pendant quatre ans, il retourna A Spolètc ct sa vertu, a publié : Bona praxis confessoriorum, sive y mourut le 16 juillet 1433. 11 est l’auteur dc plusieurs methodus bene administrandi pænitentiœ sacramentum, Tractatus adversus pestiferam sectam fraticellorunu dialogice deducta, in-12, Anvers, 1703, ouvrage qui Pnnfllo, Chronica fratrum ordinis eremitarum sancti eut une certaine vogue; Tradatus de opinione pro­ Augustini, Home, 1581, fol. 75; Gratianus, Anastasis augubabili ejusque usu, Ifnssclt, 1716. itinlana, Anvers, 1613. p. 73; Herrera, Alphabetum auguCosme de Villiers. Bibliotheca carmelitana. Orléans, •Unionum, Madrid, 1644, t. n, p. 296; Guudoltl.De ducentis 1752, t. i, coi. 537; Baphall de Saint-Joseph, Prolegomena celeberrimis augustinianis scriptoribus, Home, 1704, p. 124in sacrum theologiam. Gond, 1882, pf83; Blrhnrd et Glrnud, 126; Jncobilll, Bibliotheca Umbriae, Poligno, 1658, p. 122Bibliothèque sacrée, Paris, 1824, t. xi, p. 167. 123; Tfteber, Altgemeines Gelchrtcn-Lexikon, Leipzig, 1750, P. Servais. L n, coi. 856; Ossinger, Bibliotheca augustinlana, Ingol­ GASTINEAU Nicolas, théologien, né à Pans en stadt, 1768, p. 384-386. 1620 ou 1621, mort ù Saint-Cloud le 17 juin 16%. A. Palmieri. QARZIA Dominique naquit dans le royaume Entré fort jeune dans l’état cccKsiastitpie. il fut, à l’âge dc vingt-quatre ans, pourvu dc la cure d*Anel· d’Aragon. Il étudia h Alcala au collège des trois sur-Mamc, au diocèse de Meaux, qu’il garda pendant langues et il enseigna l’hébreu au premier cours dc l’université de ccttc ville. Il fut ensuite chanoine ct une vingtaine d'années. 11 vint ensuite sc fixer à Paris où il sc lia avec Amauld ct les solitaires de Portchapelain majeur à Sainte-Marie de Pilar à Saragosse, Royal. En 1672. (1 rencontra un gentilhomme pro­ et il y remplit plusieurs fols la charge de prévôt. Il fut aussi censeur dc la fol ou qualillcatcur pour le testant qui le questionna sur divers points dc religion. royaume d’Aragon. I) mourut en 1629. Scs ouvrages Il lui écrivit plusieurs fols ct ce fut l’occasion des Lettres de controverse, 3 in-12, Paris, 1677-1679 : sont écrits en espagnol ou en latin : Tesoro de los sobrrano* misterlos y exedendas divinas que se hatlan le i·· vol. est presque tout entier consacré â la réfu­ en 1rs (res l iras consonantes del sacrosanto y inefable tation du livre du ministre Claude : La défense de la nombre de Jesus, se gun sc escrivc en d texlo original réformation contre le livre intitule : Pré/uges légitimes bebreo, bi-foL, Saragosse, 1598; Propugnaculum reli­ contre les calvinistes; les deux autres volumes ont gionis Christian* contra obstinatam perfidiam Judieopour titre : La grande controverse de la présence ram adhuc expeclanlium primum adventum Messi*, réelle de Jésus-Christ en l'eucharistie, ou la suite 1165 GASTINEAU — GAUDIN dts lettres d un gentilhomme de la religion prétendue réformée. Moréri, Dictionnaire historique, In-fol., 1759, t. vi b, p. 89; Hurter, Nomenclator, t. iv, col. 437. B. Heurtebize. GAUCHAT Gabriel, controvcrslste, né à Louhans en Bourgogne en 1709, mort à la On dc 1779. Docteur en théologie ct abbé commcndatairc dc Saint-Jean de Falaise, il consacra toute son activité à combattre les incrédules. On a dc lui : Le temple de la vérité, in-12, Dijon, 17-18; Recueil de piété tiré de /'Écriture sainte, in-12, 1755; Lettres critiques ou analyses et rélutation de divers écrits contraires à la religion, 19 in-12, Paris, 1755-1763; Rapport des chrétiens et des hébreux, 3 in-12, Paris, 1754; Le Paraguay, conver­ sation morale, in-12, 1756; Catéchisme du livre de (esprit, in-12, 1758; Accord du christianisme el de la raison, 4 in-12, Paris, 1768; Le philosophe du Valais ou correspondance philosophique avec des observations ae Véditeur, 2 in-12, Paris, 1772; Extrait de la morale de Saurin, in-12; La philosophie moderne analysée dans ses principes, in-12. Quérnrd, La France littéraire, t. II!, p. 276; Feller, Diction­ naire historique, 1848, t. iv, p. 52; Barbier» Dictionnaire des ouvrages anonymes, 4 in-8·, Paris, 1872-1879, t. n, col. 1232; t. ni, col. 873; t. iv, col. 675; Hurter, Nomen­ clator, t. v, col. 54-55; Picot, Mémoires pour servir d rhtstotre ecclésiastique du IT///* siècle, 3· édit., Paris, 1885, L v, p. 454. B. Heurtebize. GAUDENCE PAGANINI, né à Poschiavo, dans les Grisons, en 1596, dc parents protestants, se con­ vertit au catholicisme. Passé en Italie, il y étudia, entra dans les ordres ct vint Λ Rome, espérant, dit-on, arriver à quelque dignité ecclésiastique. Épithalamc pour les noces du neveu d'Urbain VIII, Hendecasyl­ labi in nuptias Taddei Rarberlni ct Anna Columnae, dédicaces dc livres aux cardinaux les mieux en cour, Il ne négligea aucun moyen pour attirer l'attention et les faveurs, sans monter plus haut que la dignité de protonotairc apostolique; aussi, quand on lui offrit une chaire à Pise (1627). il s'y rendit pour enseigner les belles-lettres, l'histoire et la politique. La mort le surprit Λ Sienne le 3 janvier 1649. Gaudencc, écrit Tiraboschl, est auteur d’un grand nombre de livres; théologie, philosophie, droit, histoire, poésie, médecine, éloquence, archéologie, il a abordé tous les sujets, mais n’a laissé de nom en aucun genre; il ne fut qu’un écrivain superticici et léger. Voici ses principaux ouvrages qui méritent dc figurer dans ce dictionnaire : De inerrtitudine doctrine calvinianæ tractatus, in-12, Rome, 1623; De dogmatibus et ritibus veteris Ecclesia: adversus hujus temporis hærcttcos observationes, 2 in-12, ibid., 1625, 1626; Adversus Daniells Chamierl Pantrastiam, in-12, Rome, 1627 : l'ouvrage du ministre Daniel Charnier, contre lequel est dirigé cet opuscule, Pantrasttæ catholicae sive controversiarum de religione adversus pontificios corpus, 4 in-fol., avait paru ά Genève, 1626; An S. Marcus Evangelium scripserit latine ? Dissertatio, in-8®, Pise, 1634 ; De dogmatum Orlgenls cum philosophia Platonis comparatione : Salebrae TcrtulUanæ : De vita Chri­ stiana ante Constantini tempora, ln-4®, Florence, 1639; De errore sectariorum hujus temporis labyrintheo : Conatus in genesim divinam novus : De philosophicis opinionibus veterum Ecclesite Patrum, Pise, 1644. Des lettres et des poèmes autographes dc Gaudcncc Paganini, adressés Λ Gabriel Naudé (1631-1641), sont entrés à la Bibliothèque nationale de Paris, Nouv. acquisitions françaises, 2010. Cf. H. Omont, bibliothèque nationale. Nouvelles acquisitions, 1913. Nlcéron, Mémoire* pour servir d Γhistoire de* homme* lliu*lre*, l. xxxi, P· Fabrunl. ViUt Italorum doctrina 1166 excellentiorum qui sarculis XV/I d XVIH floruerant, t. xrv; Tlrubotchi, Storla della letlrralura llaltana, Rome, 1785, t. vin, p. 231 ; Richard et Giraud, Dl:ionarlo délie iciervze eccle*la*tlche, Naples, 1846; Hœfer, Nouvelle biographie générale, Paris, 1877, t. xix; Hurter, Nomenclator, t. rv, col. 1021, note. P. Édouard d'Alençon. GAUDENTIUS (Saint), évêque de Brescia, dans la Haute-Italie, à la fin du rv® siècle et au commence ment du v·, mourut, selon les uns vers 410, selon les autres vers 427. La date précise de sa naissance, sa patrie ct ses premières années nous sont inconnues. Ce qu’on sait de lui par lui-même, Serm., xvn, P. L., L xx, col. 962 sq., c'est qu'il fit. vers 370, un pèlerinage en Orient, et qu'il en rapporta des reliques, dont il dota plus tard une église de sa ville épiscopale. Élu. vers 387, évêque de Brescia, et contraint d'accepter, malgré lui, cette charge par les Instances des évêque» comprovinciaux, par celles en particulier de saint Ambroise, son ami de tous les temps, Gaudentius fut l’un des évêques d’Occident que le pape saint Inno­ cent I®r ct l'empereur Honorius députèrent à Con­ stantinople, en 404, pour y plaider la cause de saim Jean Chrysos to me persécuté. Mission, au reste, stérile ct sans succès. Gaudentius avait formé, à la prière d’un certain Bcnivolus, un petit recueil de scs prédications, P. L., t. xx, coL 827-1002, contenant vingt ct un sermons ou tractatus, les dix premiers adressés aux néophytes, pendant la semaine de Pâques, sur les principales vérités du christianisme et le dernier sur la vie ct la mort de son prédécesseur, saint Philas trius. L’authen­ ticité de ce discours, contestée par F. Marx dans les Prolégomènes de son édition dc saint Philastrius, 1898, p. vin, a été fermement maintenue par Chr. Knappe. Programme du gymnasium Carolinum d'Osnabruck, 1908. Le Carmen ad laudem PhilastrU, col. 1003-1006, est au contraire apocryphe. Tandis que Dupin, Nou­ velle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, L m, p. 84, censure sévèrement le faire de saint Gaudentius, maint critique moderne relève l'élégante simplicité, l’aisancc ct l'agrément dc son style. En somme Gaudentius, théologien irréprochable, est, dans l’histoire de l'ancienne littérature ecclésiastique, un homme de second plan. Nlrschl. Lehrbuch der Patrologle und Patristik, Mayence, 1881, t. n. p. 488-193; Fessier-Jungmann. Institutione* patmlughe, Inspruck. 1892. t. n a. p. 217-219; Bardenhewer, Le* Père* de ΓÉglise, édit, franç., Paris. 1905. t. n. p. 284; Paucker, Zeitschrift fur die auterr.Gymnasien, 1881, L xxxn, p. 481 sq. P. Godet. f. GAUDIN Alexis, chartreux français, mort vers 1707, a écrit, sous le voile dc l'anonymat : La distinc­ tion et la nature du bien et du mat, traité où Γοη combat l'erreur des manichéens, (es sentiments de Montaigne et de Charron et ceux de M. Rayle, ct le Livre de saint Augustin · De la nature^iu bien contre les manichéens », traduit en français sur l’édition des bénédictins avec des notes, in-12, Paris, 170-1· Bayle y répondit par un mémoire, qui fut inséré d'abord dans Γ Histoire des ouvrages des savons, août 1704, ct plus tard dans ses Œuvres diverses, L iv. Dom Gaudin a publié encore un Traité sur l'éternité du bonheur et du malheur apres la mort ct la nécessité de ta religion, dans le Recueil de pièces fugitives dc l’abbé Archimbauld, t. i. Archimbauld nous apprend, ibid., t. m, p. 95, que ce traité faisait partie d’un ouvrage Inédit dc dom Gaudin intitulé : Caractères de la vraie et de la fausse religion. Cc chartreux a coopéré avec l'abbé Trlcaud aux Remarques critiques sur la nouvelle édition du Dic­ tionnaire historique de Moréri donnée en 1704. On lui a attribué quelquefois 1’Abrégé de l'histoire des savants anciens et modernes,publié par l’abbé Trlcaud, 1167 GAUDIN — GAUME 1168 in-12, Paris, 170.8, mais suivant Barbier, Dictionnaire Il publia contre eux : Les jésuites convaincus d'obsti­ des anonymes, 3* édit, Paris, 1882, L i, p. 23-21, cet nation â permettre l'idolâtrie dans la Chine, In-12, 1743; ouvrage est plutôt d’Augustin Goguct, médecin dc Lettre au sujet de la bulle de N. S. P. le pape concernant Beauvais. les rites malabares, ln-12, 1715; Critique du build biographie an Ivenelle de Michaud, Paris, 1838, t. i.xv, moral donné au collège des jésuites de Rouen au mois p. 173-171; Hurler, Nomenclator, t. IV, col. 727. d'août 1730, In-12, 1751; dix-sept Lettres théologiques E. Manoenot. I sur la trinité, Γincarnation, la prédestination ct la 2. GAUDIN Jacques, théologien, né en Touraine grâce contre le système des Pères Bcrruycr ct llardouin, vers 1612, mort â Paris le 18 juillet 1695. Docteur de jésuites, 3 in-12, 1756; à la fin du t. m, on trouve h maison ct société dc Sorl>onnc, chanoine de Notrela traduction française de l’Épltrc à Diognète. Ses Dame dc Paris, official dc l’archevêque, Mgr dc Péréautres ouvrages jansénistes sont . cinq Lettres apolo­ fixe, il publia : Assumptio corporea D. Marlæ V. gétiques pour les carmélites du faubourg Saint-Jacques vindicata contra Cl. Joly dissertationem, in-12, Paris, de Paris, ln-12, 1718; Vie de messire Jean Soanen, 1670. On n encore dc cet auteur : Oraison funèbre évêque de Sencz, in-12, 1750, ou avec les Lettres de de M. de Pêréfixe, archevêque de Paris, prononcée dans ce prélat, 2 ln-lq; Lettre à Mgr l'archevêque de Sens l'église de Sorbonne le 10 février 1671, in-4 °, Paris, (Languet), in-12, 1752; Lettres â l'évéque d'Angers 1671; Elogium seu vitæ synopsis Pétri LallemanlH (dc Vauglrauld) au sujet d'un prétendu extrait du prioris sanctæ Genovefæ et universitatis Parisiensis catéchisme de Montpellier, autorisé par ce prélat, cancellarii, in-4 °, Paris, 1679; Défense du traité de in-12, Toulouse, 1752; Lettres aux évêques qui ont controverse du cardinal de Richelieu contre la réponse écrit au roi pour lui demander la cassation de l'arrêt du sieur Martel, ministre de la religion prétendue du parlement de Paris du 18 avril 1732, in-12, 1752; réformée, in-12, Paris, 1681. Lettre à un duc et pair, sur les affaires du parlement, du 26 octobre 1753, in-12, 1753 (ce libelle contre les Dupin. Table des auteurs ecclésiastiques du XVI!· siècle, ln-8·, Paris, 1704, t. n, col. 2538; Moréri, Dictionnaire évêques fut condamné au feu par arrêt du parlement historique, in-fol., 1759. t. VI b, p. 95; Le Long, bibliothèque de Rouen, du 20 février 1754); Lettre â un ami, où historique, in-fol., Paris, 1768, t. î, n. 9345, 13614; Hurter, l'on réfute les cinq lettres sur les remontrances du parle­ Nomenclator, L iv, col. 454-455. ment de Paris, ln-12, 1754; Histoire abrégée du parle­ B. Heurtebize. ment durant les troubles du commencement du règne 3· GAUDIN Jacques, né en 1740 aux Sablcsde Louis XIV. in-12, 1754. L'abbé Gaultier attaquait d’Olonnc, mort le 30 novembre 1810 à La Rochelle aussi les Incrédules. Dans cet ordre d’idées, on lui où il était bibliothécaire. 11 fut un moment oratoricn, doit : Les Lettres persanes (de Montesquieu) convaincues puis vicaire général dc son ancien confrère l'évêque d'impiété, in-12,1745; Le poème de Pope intitulé : Essai dc Mariana en Corse. Lors dc la Révolution, il adhéra sur l'homme, convaincu d'impiété, suivi dc plusieurs au schisme constitutionnel, devint vicaire de l'évêque lettres pour prémunir les fidèles contre l’irréligion· de la Vendée, puis député dc ce pays Λ ΓAssemblée in-12, 1746 ; Réfutation d'un libelle (dc Voltaire) législative où il fit le rapport sur ou plutôt contre les sur la voix du sage et du peuple, in-12, 1751. L'abbé congrégations religieuses. Il publia plusieurs ouvrages Gaultier mourut, le 30 octobre 1755, des suites d'une historiques ct littéraires et un volume sur les Incon­ chute de voiture qu’il avait faite près dc Graillon, vénients du célibat chez les prêtres, Lyon, 1781 et 1780, au retour d’un voyage ù Louviers, sa patrie. C’était que réfuta MoultroL un homme plein de fiel. Gaudin, Avis d mon flb Agé de sept ans, Paris, 1805. Biographie universelle, Paris, 1816, t. XVI, p. 586-587; A. Ingold. Fellcr, Dictionnaire historique et critique, Lyon, 1822, GAULTIER (GAUTHIER) Jean-Baptiste est né t. v, p. 75-76; Hœfcr, Nouvelle biographie générale, Paris, à Louviers, au diocèse d’Évrcux, en 1685. Il 1858, L xix, col. 699-700; Picot. Mémoires pour servir étudia à Paris au séminaire Saint-Maglolre, mais à rhtstotre ecclésiastique pendant te XVIII· siècle, 3· édiL, il ne prit pas dc grade en Sorbonne pour ne pas signer Paris, 185-1, t. m, p. 418; Hurtcr, Nomenclator, t. iv, col. 1417, note 2. le formulaire. En 1723, il s'attacha ù Pierre de Langle, E. Manoenot, évêque dc Boulogne, qui l'ordonna prêtre ct le nomma ! GAUME Joan-Joscph fut le neuvième enfant d’une promoteur et vicaire général. Il publia pour ce prélat famille patriarcale de cultivateurs qui, aux plus deux Mémoires sur les plaintes portées contre le gou­ mauvais jours de la Révolution, avait donné asile vernement de Mgr l'évêque de Boulogne, In-12, 1723; aux prêtres persécutés. Il naquit ù Fuans (Doubs), Mémoire pour servir d'éclaircissement à la Lettre du P. Pacifique de Calais, capucin, in-8°, 1724; Relation 1 le 16 prairial an X ou 5 juin 1802. Il fit scs études littéraires au petit séminaire d’Ornans et sa de ce qui s'est passé durant la maladie de M. de Langle, théologie au grand séminaire dc Besançon sous la évêque de Boulogne, in-4·, 1724. Après la mort dc direction dc l’abbé Busson, son cousin, dont le père cet évêque, Gaultier devint le bibliothécaire de avait été condamné à la guillotine par le tribunal Colbert de Croissy, évêque de Montpellier, ct la révolutionnaire de Matcbe, le 14 octobre 1793. Voir France littéraire de 1756 déclare formellement qu’il est l’auteur des écrits qui ont paru dès lors sous le Besson, Vie dc M. l'abbé Busson, Besançon, 1862. Ordonné prêtre en 1825, il fut deux ans vicaire à nom de Colbert. Celul-cl étant mort le 9 avril 1738, Vcsoul. Sur l'indication dc l'abbé Gcrbct, MgrMillaux, Gaultier se retira à Paris, où il vécut dans la retraite évêque de Nevers, le demanda, en 1827, pour pro­ la plus profonde. Il publia : Abrégé de la vie et Idée fesser le dogme dans son grand séminaire ct il le des ouvrages de Joachim Colbert, évêque de Montpellier, nomma chanoine honoraire, dès son arrivée, au mois avec le recueil de ses lettres, ln-8°, 1740. 11 écrivit aussi d’octobre dc ccttc année. L’abbé Gaumc n’occupa la la Prétact historique, qui est en tête des Œuvres dc Colbert, 3 in-4°. 11 attaqua impudemment le succes­ chaire dc dogme que durant l'année scolaire 1827-1828. seur dc Colbert, dc Charancy, dans une Lettre, en 1740, En 1828, 11 devint supérieur du petit séminaire dc Ncvcrs ct il réorganisa avec succès ccttc maison sous que le parti Janséniste appelait «les verges d’IIéllodorc ·; Mémoire apologétique et défense des curés de le triple rapport dc la piété, de la science ct de la dis­ Montpellier, ln-8 % 1742; Lettre d'un théologien ù cipline. En 1829, tout en gardant cette charge, il fut M· de Charancy, ln-4·, 1744; lettre au même Sur chanoine titulaire dc la cathédrale. Le gouvernement son instruction pastorale relallve ά la communion français exigea, en 1831, des supérieurs des maisons pascale, ln-4% 1745. 11 attaqua aussi les jésuites. d’éducation le serment, imposé par les ordonnances du 1169 GAUME 11 juin 1828. qu’ils ne faisaient pas partie d'une congrégation non approuvée. Quoique prêtre sécu lier, l’abbé Gaume refusa une déclaration que le pouvoir civil n’avait pas le droit de lui demander, ct li quitta le petit séminaire. Il dirigea dés lors le caté­ chisme de persévérance des jeunes filles dc toute la ville, œuvre dont il fut chargé pendant vingt ans. 11 Initiait scs élèves, dont le nombre dépassait 300, à la pratique des bonnes œuvres, ct il était lui-même président dc l’œuvre dc Saint-Françols-Xavlcr pour les ouvriers et directeur dc la conférence dc SaintVincent de Paul. Au cours d’un voyage à Rome en 1842, il reçut dc Grégoire XVI la croix de l’ordre de Saint-Sylvestre en récompense dc son dévouement au saint-siège ct des services qu’il avait rendus à la religion par scs ouvrages. Le 19 août 1843, il donna sa démission dc chanoine titulaire pour être vicaire général de Mgr Dufétrc; il eut part à l’amlnistration diocésaine à cc titre jusqu’en 1852; il démissionna alors en raison de son dissentiment avec le prélat au sujet des classiques chrétiens. Il avait ouvert la controverse sur l’abandon des auteurs païens dc l’antiquité et il menait campagne avec Louis Vculllot contre Mgr Dupanloup. Au mois de novembre 1852, l'évêque dc Ne vers adressa à son clergé une circulaire dans laquelle il prenait parti contre les idées dc son vicaire général. L’abbé Gaume quitta Nevers, tout en demeurant chanoine d'honneur dc la cathédrale, et sc retira ά Paris auprès de ses frères, qui étalent libraires-éditeurs. Le comité ecclésiastique dc Pou· tarlicr l'avait présenté aux suffrages des électeurs de l'arrondissement, en 1849, pour la députation. L’université de Prague lui avait donné le titre dc docteur en théologie, le 28 août 1848; les évêques dc Reims, de Montauban ct d’Aquila le nommèrent vicaire général (ce dernier, le 13 juin 1856). Pic IX l’éleva, en 1854, À la dignité dc protonotairc apos­ tolique ad instar participantium. En 1872, le préfet de la Propagande lui confia la charge de directeur général dc V Œuvre apostolique, destinée à venir en aide aux missionnaires. Il mourut à Paris, le 19 novembre 1879. 11 fut, toute sa vie, un prêtre pieux et zélé, d’un caractère bon ct affable, très dévoué ù l’Fglisc ct au siège apostolique. Son activité littéraire fut très féconde ct la liste dc ses publications, qui n’ont pas toutes la même valeur, est longue. Il débuta par l'ouvrage : Du catho­ licisme dans l'éducation, ln-8°, Paris, 1835; 2® édit., 1850, qui fut le prélude dc la question des classiques. Il s’occupa ensuite dc l’instruction ct dc la formation religieuse dc la jeunesse : Le grand jour approche, ou lettres sur la première communion, in-18,1836; 47· édit., 1911; Le Seigneur est mon partage, ou lettres sur la persévérance après la première communion, ln-18, 1836; 12· édlL, 1898; Le manuel des confesseurs, in-8®, 1837; 11· édit, 1880; Catéchisme de persévérance, ou exposé de la religion depuis l'origine du monde jusqu'à nos fours, 8 ln-8®, 1838 ; 13· édit., 1889; Abrégé du catéchisme de persévérance, ln-18, 1839; 41· édit., 1913; il traduisit ensuite Selva, ou recueil de matériaux.de discours et d'ins­ tructions pour les retraites ecclésiastiques, dc saint Alphonse dc Liguori, 2 in-18, 1840; Où allons-nous? Coup d'ail sur les tendances de l'époque actuelle, in-8°, 1844; Histoire de la société domestique che: tous les peuples anciens ct modernes, ou influence du christia­ nisme sur la famille, 2 in-8®, 1846; 2® édit., avec une introduction nouvelle, 1854; L'Europe en 1848, ou considérations sur l'organisation du travail. Le commu­ nisme et le christianisme, in-8®, 1848; Les trois Home, journal de voyage en Italie, 4 in-8®, 1848; 4· édit., 1876; Zxi profanation du dimanche, considérée au point de vue de la religion, de ta société, de la famille, de la liberté, du bien-être, de la dignité humaine et de la santé, in-16, 1170 1850; 3· édit., 1870 (ouvrage destiné â l'œuvre de Saint-François-Xavier); L'horloge de la Passion, trad, d'un écrit de saint Alphonse dc Liguori, in-18, 17® édit., 1857; Le ver rongeur des sociétés modernes, ou le paganisme dans l'éducation, in-8®, 1851; Lettres ά Mgr Dupanloup sur le paganisme dans l'éducation, in-8®, 1832; Bibliothèque des classiques chrétiens latins et grecs, pour toutes les classes, composée sur un plan d’études dédié au pape Clément VIII el approuvé à > Rome en 1592, publiée sous sa direction conformé­ ment aux prescriptions de · encyclique du 21 mars 1853, 30 ln-12, 1852-1855 (avec la collaboration de son frère, Jean-Alexis Gaume, chanoine de Paris, voir Ch. Perrin, Notice nécrologique *ur M. Gaume, chanoine de Paris, ln-12, Paris. 1869); Poètes et prosateurs profanes complètement expurgés, 2 in-12, 1857; La religion dans le temps et dans l éternité, ou introduction à l'étude raisonnée du christianisme, ’pte. Ce livre est construit suivant un plan particulier, qui a été remarqué seulement par Kurtz, Die Einheil der Genesis, Berlin, 1846, p. lxvh-lxviii. Il se divise, cn eflet, cn dix sections d’inégale longueur et d’inégale importance, qui débutent par une formule û peu prés Identique: nSw, n, 4;v, 1; vi, 9; x, 1; xi, 27; xxv, 12, 19; xxxvi, 1; xxxvn, 2. Il y n bien une variante : "T- ht, v, t, et une répétition dans la notice d’Ésàü, xxxvi, 1, 9, mais la variante a le même sens que la formule ordinaire ct le second emploi au sujet d’Ésaü n’est qu’une transition; le résultat final n’est donc pas par là modifié, ct tout le monde reconnaît que cc plan a été voulu ct établi pour lui-même ; on discute seulement, nous le verrons, sur la personne de l'auteur, Moïse ou un rédacteur définitif, qui l'aurait emprunté nu code sacerdotal. Quelle est la signification do cc titre commun, répété cn tête des dix sections? Le contenu de celles-ci sert à la déterminer. Le mot r'ih·? signifie étymo­ logiquement générations, et il pourrait garder co sens si toutes les sections n’étaient suivies, comme VI. - 38 1187 GENESE c'est le cas dc quelques-unes d’entre elles, v, 1-6; xi, 10-26, que de la généalogie des personnages nommés; Il signifierait seulement « table généalo­ gique ». Mais comme huit sections sur dix contiennent autre chose que des énumérations dc noms, le sens réel du mot est différent ct plus compréhensif. Dc la signification primitive dc généalogie l’auteur dc la Genèse a employé le mot πηττ dans le sens dérivé d'histoire, parce que les généalogies par lesquelles Il débutait dans les longues sections formaient le cadre dc l’histoire qu'il racontait Saint Éphrem l’entendait déjà cn cc sens. In Genesim, c. i, Opéra sqriaee el latine, Rome, 1737, t. i, p. 2. Le titre que l’auteur a placé cn tête des dix sections indique donc le genre littéraire dc son livre : c'est dc l’histoire à base généalogique. Il ne signifie pas : » histoire rela­ tant des traditions populaires, » comme le P. dc Hum· melaucr a voulu l’entendre. Exegelisches znr Inspirationsfrage, dans les Biblische Studien, Fribourgcn-Brisgau, 190-1, L ix, fasc. 4, p. 26-32. 11 n'a pas cc sens et, pour le lui donner, Il faut y joindre une Idée moderne, que les anciens n’avalent pas, celle d’histoire au sens large, d’histoire rapportée d'après la tradition populaire. Il signifie plutôt : « histoire fondée sur des généalogies, » qui constituaient le point de départ ct le cadre dc l’histoire primitive. De ccttc histoire primitive, il ne restait que des généalogies, dont quelques-unes étaient complétées par des récits particuliers, plus ou moins développés. Cf. P. dc Broglie, Les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique International des catholiques, Paris, 1889, t. i. p. 94-101 ; F. Prat, art. Généalogie, dans le Dictionnaire de la Bible dc M. Vigouroux, t. in, col. 160. Le sens d'< histoire > adopté, l’auteur dc la Genèse a pu l’appliquer même aux êtres inanimés, au ciel ct à la terre, n, 4, dont il racontait la création ct l’origine, et ccttc application, au lieu d’aller à l’encontre dc ccttc interprétation, comme on le dit parfois, ne s’explique que par elle ct l’exige. Après une introduction sur la création du monde cn six jours, i, 1-n, 3, vient la ir· section Intitulée : Générations ou histoire du ciel ct dc la terre, n, 4-iv, 26; elle raconte la création spéciale d’Adam ct d'Èvc, n, 5-25; leur tentation, leur péché ct leur expul­ sion du paradis terrestre, in, 1-24; la naissance dc 1 Caïn ct d’Abel, les caractères différents des deux frères, le meurtre d’Abel ct la punition dc Caïn, iv, 1-16; l’histoire de la postérité de Cam ct la naissance de Seth, iv, 17-26. La n· section débute par la généa­ logie des dix patriarches antédiluviens, d’Adam à Noé, v, 1-31, puis raconte la perversion dc l’humanité primitive, perversion que Dieu doit punir par le déluge, vi. 1-8. Cc sont les généalogies d’Adam ct dc ses fils. La m· section donne les généalogies ou l’histoire de Noé, vi. 9-ix, 29. Le juste Noé trouve grâce devant Dieu qui lui ordonne dc construire une arche destinée à le sauver du déluge, lui, sa famille ct quelques indi­ vidus dc toutes les espèces animales, vi, 9-22. Tous ceux qui doivent être sauvés entrent dans l’arche, vu, 1-9. La pluie tombe pendant quarante jours ct quarante nuits ; les eaux couvrent toute la terre ct détruisent tout à sa surface cn y demeurant 150 jours, Yii, 10-24. Elles diminuent progressivement, ct Noé sort de l’arche, vin, 1-11: il offre un sacrifice à Dieu qui le bénit ct fait alliance avec lui, vin, 15-ix, 17. Il plante la vigne, maudit Chain, bénit Sem ct Japheth et meurt, ix, 18-29. La iv· section débute par la table des peuples qui descendent des trois fils de Noé, x. 1-32, et elle sc termine par le récit de la construction de la tour dc Babel ct de la confusion des langues, xi, 1-9. La v· section donne In simple généalogie des fils de Sem dans la seule ligne d*Abraham, xi, 10-26. La vi· section, sous le litre de generations dc Tharé, 1188 raconte l’histoire spéciale d*Abraham, qui est longue­ ment développée depuis sa vocation ct sa migration dc Haran au pays dc Chanaan jusqu’à sa mort, xi, 27-xxv, 11. La vu· section sc réduit à la généalogie d'Ismaël, xxv, 12-18. La vin· prend l’histoire d’Isaac à la naissance d’Ésaü ct dc Jacob ct la poursuit jusqu’à la mort de cc patriarche, xxv, 19-xxxv, 29. La ix· section n’est que 1*. tableau généalogique de la postérité d’Ésaü, xxxvi, 1—12. La x· ct dernière section continue l'histoire dc Jacob après la mort de son père ct la poursuit jusqu’à la mort dc ce patriarche et celle dc son fils Joseph cn Égypte, xxxvn, 1-l, 25. Quelques critiques modernes ont cru reconnaître dans ccttc division cn dix sections une signification symbolique, le nombre dc dix marquant l'universalité ou la perfection dc l’histoire primitive dc la théo­ cratie judaïque. Cette idée ne parait pas avoir dirigé Fauteur dans la disposition dc son sujet Toutefois, cc sectionnement n’est qu’une partie dc cc qu’on appelle le · schématisme » dc la Genèse. L'auteur a, cn outre, disposé les dix sections suivant un ordre déterminé ct a ordonné scs matériaux dans chacune d'elles selon un procédé identique. Les (ôledô{ sont rangées dans l’ordre dc leur importance au point dc vue dc l’histoire d'Israël. Les unes, en effet, sont celles dc la ligne directe d'Adam à Jacob, ct les autres concernent les branches latérales. Celles-ci au nombre dc trois sont consacrées aux peuples descen­ dant des fils dc Noé, à la postérité d'Ismaël ct à celle d’Ésaü. Ayant moins directement trait à l’histoire juive, elles sont moins développées ct sc réduisent à une table généalogique. Elles précèdent toujours les branches parallèles de la ligne principale, ct il n en est plus directement question. C’est donc intention­ nellement qu’elles ont été mises les premières par un procédé d’élimination qui fixe dc plus cn plus l’atten­ tion du lecteur sur la brandie principale. Dc celle sorte, le contenu du livre se restreint continuellement dc plus cn plus : d’universelle qu’elle était au début, l’histoire se particularise progressivement pour n’être plus à la fln que l’histoire religieuse d’Israël. Caïn ct sa race sont éliminés dans l’histoire d’Adam; les descendants de Seth, honnis Noé, à partir dc l’histoire dc cc dernier; Cham et Japheth laissent la place à Sem; les fils d’Agar et dc Célhura sont exclus dc l'histoire cs fins ct elle dirige leurs actes à leur insu, ct même 1191 GENÈSE contre leur gré, vers un but déterminé. Dieu a voulu que Joseph fût vendu par scs frères afin qu’Israël fût sauvé de la famine. Abraham est expressément désigné comme prophète, xx, 7, ct il a la foi d’un pro­ phète, xxît. Ι/auteur s’intéressait donc déjà aux choses religieuses ct il écrivait une histoire théocratiquc, plutôt qu’une histoire nationale. Son vocabulaire ne se caractérise pas seulement par l’emploi du nom d'Élohim, précédé parfois d’Adonaï, xx, 1, ou de El, xxxm, 20; xxxv, 7; xliii, 14; xlvi, 2; il appelle • Amorrhécns » les habitants de la Palestine, xlviii, 22; il n'emploie jamais le nom d’Israël pour désigner le patriarche Jacob. Il a des expressions qu’on ne rencontre que sous sa plume; il emploie des mots rares, des tournures anciennes, ct certaines formes grammaticales lui sont propres. L’histoire de Joseph est plus simple ct moins aride que dans le Jéhovistc. L'auteur est un narrateur; il multiplie les anecdotes et il rend scs récits vivants ct saisissants, en expri­ mant les sentiments de scs héros; il a les qualités du conteur oriental; il n’expose pas d'idées générales ni de vues d'ensemble; il ne poétise pas scs récits. Gunkc) a voulu faire de E l’exposé d'une école de conteurs, et il a cru découvrir dans les fragments de la Genèse plusieurs mains. Ainsi les deux récits relatifs au roi de Gérarc, xx, 1-xxi, 7; xxt, 22-34, seraient séparés par le renvoi d'Ismaé), xxî, 3-21, qui ne s'y rattache pas, ct l’allinncc d'Isaac, xxvi, 26-33, ne serait qu'une répétition de celle d’Abraham, xxî, 22-34. Genests, 2e édit., Gœttinguc, 1902, p. lxxiv. On admet généralement que l’auteur était du royaume d Israël, parce que les traditions qu’il relate con­ cernent des localités de cc royaume. Voir O. Procksch, bas nordhcbralsches Sagenbuch. Die Elohimquclle, Leipzig, 1906. Dans l'école de Wcllhauscn, on soutient l’antériorité du jéhovistc sur l'élohiste, dont les tra­ ditions seraient moins fraîches, moins simples ct moins naïves. Mais Dillmann, Kittel, Kônig ct même Winckler, pour des raisons différentes, soutiennent la priorité de E. Son histoire de Joseph est mieux liée ct plus originale que celle du Jéhovistc. Les dates proposées varient du ix· au vm· siècle. Sur scs sources antérieures, voir t. v, col. 1748. Cf. E. Mangcnot, L'authenticité mosaïque du Pcnlateuque, Paris, 1907, I- 49-76. 2° Le document /éhovlste, J. — Désigné ainsi en raison de l’emploi constant qu'il fait du nom de Jahvé, même avant la révélation du Sinaï, cc document était encore une œuvre historique. Elle remontait dans son récit aux origines de l’humanité. On lui attribue les passages suivants de la Genèse : récit de la création du monde, d'Adam ct d'Èvc, n, 4 ô-25; chute, m, 1-24; histoire de Caïn et d’Abel, ct descendance des Garnîtes, iv, 1-26; naissance de Noé, v, 29; cause morale du déluge, vr, 1-8; entrée dans l’arche, vu, 1-10 (sauf 6); pluie, 12; fermeture de l’arche ct durée du cataclysme, 16 bt M; résultats de l'inondation, 22, 23; cessation, vin, 2 fr, 3 a; triple envoi de la colombe, 6-12; consta­ tation du dessèchement de la terre, 13 ô; sacrifice de Noé, 20-22; ivresse du patriarche et malédiction de Chanaan, rx, 18-27; généalogie de Cham, x, 8-19, et de Sem. 21, 24-30; tour de Babel, xi, 1-9; ancêtres d’Abraham, 28-30; vocation d’Abraham et migration au pays de Chanaan ct en Egypte, xn, 1-4 a, 6-20; retour au pays «le Chanaan. séparation de Lot ct partage de la contrée, xm, 1-5,7-11 a, 12 ô-18; alliance d’Abraham avec Dieu, xv (en partie); Agar, sa fuite, xvi, 1 ô, 2, 414; visite des ange*, promesse d'un fils à Abraham, destruction de Sodome, xvin, 1-xix, 28; histoire de I-ot et de ses filles, χιχ, 30-38; conception d Isaac, xxî. 1 a, 2 a; séjour d’Abraham à Bcrsabée. 33; promesses divines qu'il reçoit, xxn, 15-18; mariage d Isaac, xxiv, 1-67; Abraham épouse Céthura, xxv, 1192 1-6; Isaac au puits du vivant, 11 b·, lieu où habitait Ismacl, 18; naissance d’Ésaü ct de Jacob, 21-26 c; Ésaü vend son droit d'alncssc, 27-34; promettes divines renouvelées à Isaac; Rébccca chez Ablmélech, xxvi, 1-14; Isaac sc sépare d'Abimélcch, fait creuser des puits, reçoit de Dieu de nouvelles promesses cl s'allie avec Ablmélech, 16, 17, 10-33; bénédiction de Jacob, xxvii, 1-45; Jacob part à I laran, xxvm, 10; sa vision à Béthcl, 13-16, 19; Il arrive chez Laban, xxix, 2-14; il a de Lia quatre fils, 31-35; il épouse Bala, xxx, 3 5-5, 7, puis Zclpha, 9-13; épisode des mandragores, 14-16; naissance de Joseph ct richesses de Jacob, 24-43 (sauf retouches ou mélanges); Jacob veut retourner auprès d’Isaac, xxxi, 1, 3; pierres amoncelées à Galaad, 46, 48-50; Jacob prévient Ésaü de son arrivée, xxxn, 3-14 a; il lutte avec l'ange, 23-35; Il est accueilli par Ésaü, xxxm, 1-7; Dîna À Slchcm, xxxiv, 2 ô, 3, 5, 7, 11, 12, 19, 25 a, 26, 30, 31 ; Jacob à Béthcl, xxxv, 6 a, 14; il en part, 21, 22 a; quelques traits de l’histoire de Joseph, xxxvn, 3, 4, 12, 13, 14 b, 18 b, 21, 23 a, 25-27, 28 ô,31 o, 32 5,33,35; Juda et Thamar, xxxvm, 1-30; Joseph chez Putlphar, xxxix, 1-23; quelques détails de l’histoire de Joseph en Égypte, xlii, 38; xliii, 1-13, 15-23 a, 24-xliv, 34; xlvi, 8-xlvii, 6, 13-27 a, 29-31; xux, 1 ô-28 a X* 1-11, I L Ccs fragments forment une histoire sainte presque suivie depuis les origines, une histoire à la fols nationale ct religieuse. Le récit est objectif ct simple. L’auteur a reproduit la tradition populaire ct quelques chants de l’Age héroïque : le chant de Lantech, n, 23, 24, ct la bénédiction de Jacob mourant, xlix. Cf. J. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vu, p. 539-540. L'histoire des patriarches est fonciè­ rement la même que dans l’écrit élohiste; clic ne se diversifie que par quelques particularités ; ainsi, dans l’histoire de Joseph, c’est Juda qui est mis en évidence, tandis que l'élohiste donne le rôle principal à Ruben. Elle suit l’ordre chronologique. Quelques traits cependant trahissent la réflexion et l’esprit de système : le premier homme est anonyme; les fils des patriarches sc marient tous avant la mort de leurs pères; le nombre sept est plusieurs fois mentionné, vu, 4; vin, 10 sq., comme le nombre quarante, vu, 17;vm, 6. L'auteur aime à donner l'étymologie des noms propres de personnes (Èvc, Caïn, Scth, Noé, lJhaleg)ct de lieux (Nod, Béthcl); Il Indique celle du nom commun de la femme, n, 23. L'explication de ccs noms répond à l’histoire des personnages ou des localités. Le caractère d'Ésaû ct de Jacob est en rapport avec la signification de leurs noms, xxv 24-35. Les noms des fils de Jacob sont justifiés par les relations de leurs mères, xxix, xxx. Les noms des localités dérivent des événements qui s'y sont accomplis, xvr, 13, 14; xxî, 28-31; XXXI, 46 sq. Quoique moins détaillée ct plus descriptive que le récit élohiste, la narration jéhovistc a quelques particularités propres, par exemple, le nom de Gosen ct la localisation précise de certains événements. Les lieux habités par les patriarches sont nommés, xxiv, 62; xxv, 11; xxvi, 23, 25-33; xxvm, 10; xxxvn, 14; xlvi. 1. Les patriarches ne sont donc plus de simple! nomades; Ils sont stationnaires ct cultivent les terres, xvi, 12; cependant Isinarl ct Ésaü ont encore le caractère des fils de la steppe, xvi, 12; xxv, 27; xxvii. 40. Les ancêtres du peuple juif sont pacifiques, pieux.mais forts cependant,ct ils ne reculent pas devant la lutte, xxrx, 2, 3, 8-10; xxxn, 25 sq. Abraham ct Jacob ont une physionomie nette ct tranchée, ct la vie patriarcale est bien décrite. Au point de vue religieux, Jahvé a créé le monde; Il a été connu d'Adam et honoré par les patriarches. Il sc laisse toucher par les prières d’Abraham. Il étend sa providence sur tous les peuples, xu, 3; v ι .γ GENÈSE 1193 xxvm. 14. L’écrivain Jéhovistc fait un emploi fréquent des anthropomorphismes. Dieu apparaît Λ Abraham et à Jacob sous une tonne humaine; il agit comme un homme agirait : Il a créé l'homme avec de la terre, n, 7; il a planté le jardin d’Éden, 8 ; il a formé la femme avec une côte d’Adam, 21, 22; il s’est promené dans le Jardin, m, 8; Il s’est entretenu avec Caïn ct a mis sur lui un signe, iv,9-15; il a fermé la porte de l’arche, vu, 16; il est descendu sur terre pour voir les bâtisseurs de la tour ct pour confondre leur langage, xi, 5, 7. 11 éprouve les mêmes sentiments que les hommes : il sc repent, vi. G, 7 ; il fait des serments, xxiv, 7. En morale comme en dogme, le jéhovistc reproduit les idées des prophètes. 11 traite le problème de l’origine du mal ct Il raconte la chute d’Adam ct d’Eve. Il montre Je progrès du mal ct du péché dans l'humanité. Cain ct sa race sont maudits. La civilisation, œuvre des Calnltcs, sert à étendre ct à augmenter le crime. Des anges eux-mêmes sc pervertissent ct leur union avec les hiles des hommes donne naissance à une race de géants, fameux par leurs excès encore plus que par leur taille. Le cœur de l’homme déchu est porté au mal, vi, 5, ct le déluge est nécessaire pour purifier la terre. Après le déluge. Dieu constate encore les incli­ nations perverses de l’humanité, vin, 21. Aussi le jéhovistc signale-t-il l’immoralité de Cham, ix. 22; la division des hommes, xi, 1-9; le crime de Sodomc ct la conduite des filles de Ix)t, xix. 11 est donc pessi­ miste. Mais par des interventions continues Dieu s’oppose à la corruption grandissante, en punissant les coupables, surtout en sc préparant dans la lignée d’Abraham son peuple saint, qui conservera dans le monde son culte ct sera plus tard la bénédiction de toutes les nations. D’autres vues prophétiques sur l’avenir ct sur les desseins miséricordieux de Dieu sur les hommes coupables sc lisent, m, 15; v, 29; xvin, 18; xxvm, 14. L’écrivain jéhovistc insiste sur la foi en Dieu, qu’il loue en Abraham ct qui a été pour cc patriarche la cause des bienfaits divins ct de la sainteté, xv, G. Caïn, Abel, Noé, Abraham ct Jacob offrent des sacrifices en n’importe quel lieu, ct les localités où ils ont immolé des victimes A Jahvé deviennent des lieux saints. Au point de vue littéraire, l’auteur a des expressions spéciales, dont la principale est l'emploi constant du nom de Jahvé; Jacob est appelé Israël A partir de ΧΧΧΠ, 29. Ixîs habitants de la Palestine sont nommés • Chananéens ». Les noms de peuples sont au singulier : ainsi le peuple de Dieu est appelé Israel. Le jéhovistc passe pour le meilleur narrateur de tout l’Ancicn Testament. Scs récits sont clairs ct vivants. Il excelle à dépeindre le caractère des personnages ct il décrit les événements en quelques traits bien frappés. 11 aime la mise en scène, il multiplie les dialogues ct 11 nuance les sentiments. Les plus belles narrations de la Genèse sont sorties de sa plume. Il cite des chants antiques ct il n du souille poétique. On en a fait un habitant du royaume de Juda, parce que scs récits ont souvent pour théâtre Hébron et scs environs. Beaucoup de critiques ont prétendu distinguer dans son œuvre deux mains différentes J 1 ct J ·. Voir Kuenen, Histoire critique des liares de ΓΛ. T., trad, franç., Paris, 1866, L i, p. 151-158, 162-163; Budde, Die btblisdie Urgesddchte, Giessen, 1883, p. 521-531 ;Comlll, Etnleitung in das A. T., 3· et 4· édit., Fribourg-cn-Brlsgau ct Leipzig, 1896, p. 43-46; C. Bruston, Les deux jéhovistes, Montauban, 1885; Bacon, The Genests o/ Genesis, Harford, 1893; Ball, The book of Genesis. 1896; Gtinkcl, Genesis, Gœttingue, 1902, p. Lxxin-Lxxrv, etc. On fixe communément la composition du document jéhovistc au ιχ· siècle, vers 850; mais cette date ne convient, selon quelquesuns qu’A J *, les couches secondaires étant plus k 1194 récentes. Généralement, on le tient pour postérieur à l’élohiste. Cf. E. Mangenot, op. eit.. p. 76-95. 3° Le code sacerdotal, P. — Sur son nom, voir t. v, col. 1748. Cc document aurait fourni au dernier rédac­ teur du Pcntatcuque le cadre du livre entier, et notamment la division de la Genèse en tableaux généalogiques ou tôledôt. Voici la part qu’on lui attribue dans cc livre : 1° les tôledôf du ciel ct de la terre, ou le premier récit de la création, i, 1-n, 4 a; 2° les tôledôt d’Adam, v, 1-28, 30-32; 3· les (ôledôt de Noé, vi, 9-22: vu, 6, 11, 13-16 a, 18-21, 24; vm, 1, 2 a, 3 5-5, 13 a. 14-19; IX, 1-17, 28, 29; 4° les tôledôf des fils de Noe, x, 1-7,20,22,23, 31, 32; 5« les tôledôt de Sem, xi, 10-26; G° les tôledôf de Tharé, xi, 27, 31, 32, avec des parties de l’histoire d’Abraham, xn, 4 b, 5; xni, 6, 11 b, 12 a; xvi, la, 3, 15, 16; xvn, 1-27; xix, 29; xxî, 1 b, 2 b-5; xxni, 1-20; xxv, 7-11 a; 7° les tôledôt d’Ismaèl, xxv, 12-17; 8° les tôledôt d* Isaac, xxv, 19, 20, 26 b, xxvr, 34, 35; xxvii,’4G-xxvm, 9; xxix, 24, 29; xxxi, 18 b; xxxm, 18 a; χχχιν, 1, 2 a, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-21, 27-29; xxxv, 9-13, 15, 22 5-29; 9° les tôledôf d’Ésau, xxxvi, 1-43; 10° les (ôledôl de Jacob, xxxvn, 1, 2 a; xlvi, 5 5-27; xlvii, 7-11, 27 5, 28; xlviii, 3-7; xlix 1 a, 28 5-33; L, 12, 13. L’auteur, qui veut principalement introduire une législation, se propose, en écrivant l’histoire d* Israël, d’exposer l’origine des institutions religieuses de son pays. C’est pourquoi il remonte à l’histoire primitive ct aux débuts du peuple théocratiquc. Le récit de la création, l’histoire des patriarches antédiluviens, du déluge et des ancêtres immédiats d’Israel préparent ct amènent l’histoire de l’institution du peuple saint, après la sortie d’Égypte. Voir t. v, col. 1747-1748. Les événements capitaux de ccttc préparation sont longuement racontés, notamment les alliances de Dieu avec Noé ct Abraham. Les faits intermédiaires sont exposés d’une façon très succincte, par tableaux généalogiques. Les grandes époques sont caractérisées par une révélation ct une alliance de Dieu ct elles s'échelonnent pour préparer progressivemen» le régime théocratiquc. lui première, qui va d’Auam A Noé, sc termine par une apparition iV Élohim A Noé cl par une alliance dont le signe est l’arc-en-cicl ct dont l'obligation est l’abstention du sang. La deuxième s’étend de Noé à Abraham; elle comprend la révélation de Dieu A Abraham sous le nom d’/?Z Saddaî, voir L îv, coL 953, ct une alliance dont le signe est Ια circoncision. lui troisième-, d’Abraham A Moïse, est caractérisée par la révélation du nom de Jahuô, voir t. îv, col. 954 sq., ct par l’alliance qui aboutit A l’ins­ titution du sabbat. Ces trois périodes, jointes A l’histoire de Moïse, divisent en quatre périodes historiques le code sacerdotal, que Wellhauscn avait par suite nommé Vierbundesbuch, · le livre des quatre alliances. · L’al­ liance du SinaT n’est donc que l’accomplissement des promesses faites A Abraham; aussi Moïse est-il direc­ tement rattaché A cc patriarche. Celui-ci descend de Noé par ordre de primogéniturc, ct Noé est le chef de la branche aînée de la famille humaine. Il descend d’Adam, qui est en réalité le premier Juif. Les tableaux généalogiques ont donc été dressés pour établir la filiation de l’humanité. L’auteur indique les noms, la date de la naissance et l’ûgc de tous les chefs de famille qui sc sont succédé de père en fils depuis Adam, le premier homme, jusqu’à Moïse, le premier législateur. Dans le récit de la création. Dieu apparaît tout-puissant et sage; toutes scs œuvres sont bonnes, très bonnes ; l’homme est fait A son Image. L^s patriarches sont présentés commo des hommes Justes ct Intègres, vi, 9; xvn, L Au point de vue littéraire, le code sacerdotal a sa terminologie propre. Il nomme Dieu Élohlm. Jacob n’est jamais nummé Israël; mais le peuple est toujours 1195 GENÈSE d»signé par la formule : « fils d’Israël ·. L’auteur emploie des noms spéciaux pour désigner les localités» et il distingue les mois par leurs numéros d’ordre. Il recourt souvent aux mêmes formules : ainsi, dans le récit dc la création, il répète constamment les mêmes mots et les mêmes tournures. Il multiplie les titres et les conclusions par exemple, les tôlcdô(; il commence et finit scs énumérations par les mêmes termes. L’exé­ cution des ordres de Dieu est exprimée dans des phrases analogues à celle-ci : « Noé fit tout cc que Dieu lui avait commandé, » vi» 22. La langue dc l’écrivain est pauvre en images ct abstraite. 11 y a cepen­ dant dc belles pages, par exemple» le récit dc la création, ct l’auteur sait décrire une scène pittoresque des mœurs patriarcales, par exemple, l’achat du champ dc la sépulture dc Sara à Hébron, xxiiî. On le date au plus tôt dc la fin de la captivité des Juifs à Babylone. Voir Lévitique. Cf. E. Mangenot, op. cit., p. 131-179; Dictionnaire de la Bible dc M. Vigouroux, L v, col. 93-96. Si le livre actuel dc la Genèse est une compilation tardive d’une partie dc ces trois documents, qui sont d’époques diilérentcs, mais dont le plus ancien est dc beaucoup postérieur à Moise, il ne peut être l'œuvre du législateur d’Israël, ct sa rédaction définitive, comme celle du Pcntatcuque entier, sinon dc l’Hcxatcuque, serait au plus tôt dc peu antérieure à Esdras, si même elle ne lui a pas été postérieure. Sa valeur historique serait bien mélangée, puisqu’on y trouve­ rait combinées des traditions populaires récentes ct divergentes, sinon même légendaires ct mythiques. IV. Authenticité mosaïque. — Moïse, qui a été un personnage réel ct le législateur des Hébreux, voir t. v, col. 1749-1753, est tenu par les Juifs et par les chrétiens pour l’auteur dc la Genèse, comme il l’est dc l’Exodc, voir ibid., col 1753-1560, ct du Deuté­ ronome. Voir L ïv, col. 651-661. Nous revendiquons I authenticité mosaïque dc la Genèse. Ie Nature. — Nous ne prétendons pas toutefois que Moïse a écrit lui-même le livre de la Genèse, dc la première ù la dernière ligne. Depuis le xi· siècle de notre ère au moins, des savants juifs ct chrétiens ont admis que quelques additions avaient été faites à l’œuvre primitive; des modifications y avaient été introduites, comme gloses ou explications de termes difficiles ou changements de termes anciens en termes plus récents; enfin, au cours des siècles, des fautes dc transcription dc la part dc copistes inaltcntifs ou maladroits y ont pénétré et y sont demeurées. D’autre part. Moïse a pu sc servir de secrétaires, qui travail­ laient sous ses ordres, sa surveillance ct sous sa res­ ponsabilité, par conséquent en son nom, ct l'aidaient à recueillir ct à ordonner les documents ct à rédiger son texte. Enfin, écrivant sur des époques anciennes et parlant d’événements dont il n’avait pas été le témoin, Moïse a été obligé de consulter la tradition orale dc sa nation ct dc compulser même, s’il y en avait déjà, des documents écrits, listes généalogiques, récits, poèmes ct chants, etc., qu’il a utilisés et insérés mime ou fait insérer dans la trame de son livre. Ces principes, admis par les exégètes catholiques, ont été approuvés, le 27 juin 1906, par la Commission biblique X par Pic X. Voir Denzinger-Bannwart. Enchiridion, It· édit . n. 1998 sq.Ccs circonstances expliquent donc pour une part au moins les divergences dc style constatées, si plusieurs mains ont travaillé à l’œuvre commune, ct les indices d’une époque postérieure à Moïse» si on a fait à son écrit des additions ou des modifications plus ou moins considérables ct si les u pis tes y ont introduit des fautes plus ou moins lumbreuies dc transcription. Le nombre des additions et des modifications, quoique relativement peu consile, au sent ent dc la Commission biblique» 1196 n'est pas fixé, et puisque le principe est légitime, i) peut être étendu autant que l’exigera une étude critique, à la fois savante ct prudente. Cf. G. Hoberg, Ueber negative und positive Pentateuchkrltik, dans les Biblische Studien, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, t. vi, fasc. 1 ct 2, p. 7-9; Moses und der Pentateuch, Fribourgcn-Brisgau, 1905, p. 47-69; E. Mangenot, art. Pentateuque, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. v, col. 61-64; L'authenticité mosaïque du Pcntaleuque, p. 313-323. Bien plus, comme l'Écriture sainte ct la tradition catholique, tout en affirmant l’authenticité substan­ tielle du Pcntatcuque, n’en déterminent pas toutes les conditions ct ne disent pas comment Moïse a composé scs cinq livres ni dans quelle mesure le texte actuel reproduit l’œuvre originale dans sa forme extérieure ct dans les détails non essentiels, le P. Brucker a cru légitime de penser que Moïse aurait rédigé ct publié séparément plusieurs écrits, ayant chacun son objet et son unlté»proprcs, dans le genre des documents que les critiques croient reconnaître à la base du Pentateuque actuel. 11 se pourrait aussi que ces trois ou quatre écrits, rédigés sous la direction dc Moïse, aient longtemps existé séparément, ct il n’est pas interdit de retarder leur fusion complète ct définitive jusqu’à l’exil des Juifs à Babylone ou jusqu’au temps d'Esdras. C’est dans l’intervalle qu’ils auraient subi diversement les modifications accidentelles qu’on y remarque, le rajeunissement de la langue, devenue archaïque, et les adaptations à d’autres époques. Mais les récits de l’histoire patriarcale ct des origines du peuple d’Israël auraient eu, moins que l’œuvre légis­ lative, besoin d’une adaptation spéciale et sc seraient mieux conservés. DÉglise ct la critique biblique, Paris, s. d. (1908), p. 141-149. M Touzard s’est autorisé de cette interprétation large dans une note dc La religion d'Israël, dans le recueil : Où en est Γhistoire des religions? Paris, 1911, t. n, p. 23. Bien, au point dc vue dc l’orthodoxie, ne paraît s’opposer à ccttc hypo­ thèse, puisqu’elle maintient l’authenticité substantielle du Pcntatcuque, comme œuvre dc Moïse. Elle donne aussi satisfaction à une notable partie des observations constatées par les critiques en faveur dc la distinction des documents, qui seraient à la base du Pcntatcuque actuel. Pour la part dc modifications ct d’adaptations reconnues, elle explique les données relevées au sujet des dates tardives et diverses dc ccs documents séparés, celles-ci s’appliquant aux éditions successives des documents. Dc ccttc sorte, elle permet de concilier les exigences légitimes dc la critique du Pcntatcuque avec la doctrine traditionnelle de son authenticité mosaïque substantielle. 2° Preuves. — 1. Témoignages bibliques. — On ne lit nulle part dans la Bible que Moïse est l’auteur dc la Genèse. 11 n’a pas mis son nom dans le titre dc son livre. Rien même, dans le livre, n’indique son origine mosaïque. Les preuves d’activité littéraire dc Moïse» qu’on relève dans l’Exodc, voir t. v, col. 1753-1755, ct dans le Deutéronome, voir t. iv, col. 654-655, per­ mettent, dans une certaine mesure, dc conclure que le chef ct le législateur du peuple juif a eu une part personnelle dans la composition du livre dc la Genèse, qui sert comme d’introduction aux livres du milieu, dont le Deutéronome est la répétition ct le complément. Quand les livres historiques ct prophétiques dc la Bible parient dc la · loi · dc Moïse, les anciens com­ mentateurs ct quelques modernes encore les ont entendus et les entendent du Pcntatcuque entier, voir, par exemple. Clair, Le livre de Josué. Paris, 1883» p. 20-21, 54, 85; G. Hoberg, Ueber der Ursprung des Pentaleuchs, dans Biblische Zeitschrift, 1906, t. ïv, p. 338-340; Moses und Pentateuch, p. 17-35; M. Hetzenauer, Introductio in librum Genests, p. 27-35, mais 1197 GENÈSE la plupart ne conviennent qu’au Deutéronome, dont ils visent le contenu ct reproduisent des expressions caractéristiques. Voir t. ïv, col. 655-656; E. Mangenot, L'authenticité mosaïque du Pentatmque, p. 213-217; art. Pcntatcuque, dans le Dictionnaire de la Bible dc M. Vigouroux, t. v, col. 66-69. Plusieurs psaumes célèbrent la création de l'univers ct dc l'homme en des termes qui sc rapportent au c. i*r dc la Genèse Ainsi les ps. vin, cm, cxxxv, xxm, 2. D'autres résument l’histoire d’Israël ct font allusion aux faits rapportés dans la Genèse. Ainsi le ps. civ, 5-17. Cependant l’auteur des Paralipomèncs a utilisé le livre dc la Genèse pour dresser scs généalogies. I Par., i-vii. Voir P. de Broglie, Les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique international des catholiques de 1888, t. i, p. 119-151; art. Paralipomèncs, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. ïv, col. 2135. On peut donc penser que. quand il nomme la loi de Moïse, soit dans cc livre, soit dans les livres d’Esdras el de Néhémie dont il est le rédacteur, il parle dc la loi écrite et du Pcntatcuque entier, comprenant la Genèse. Il considérait par suite le livre comme l’œuvre dc Moïse. Dans la préface que le petit-fils du Siracide a mise en tête de la traduction grecque de l’Ecclé­ siastique, il nomme trois fois la Loi à côté des prophètes et des autres livres saints des Juifs; il désigne cer­ tainement sous cc nom les cinq livres du Pcntatcuque. 11 n’est donc pas question des cinq livres réunis avant l’époque d’Esdras. Mais Esdras ct Néhémie les tiennent pour l’œuvre de Moïse. Us ne sont pas les auteurs de la tradition juive, favorable à l’origine mosaïque du Pcntatcuque entier; ils n'en sont que les échos et les témoins. Cette tradition sc manifeste aussi dans les écrits du Nouveau Testament. Au temps de Notre-Scigncur, les Juifs admettaient couramment que Moïse est l’auteur du Pcntatcuque et ils désignaient ce livre indifféremment sous les noms dc · Moïse » ou dc < la Loi ». Ainsi faisaient Joséphe ct Philon. Jésus et ses apôtres employèrent les appellations usuelles. Jésus nomme Moïse ct les prophètes, en voulant parler dc leurs écrits. Luc., MV, 16, 17; xvi, 29, 31; xxiv, 27, 44-46; Joa., v, 46» 47. Les apôtres font dc même : saint Pierre, Act., ni, 22; saint Paul, Act, xm, 33; saint Jacques, Act., xv, 21. Ils partagent donc la croyance dc leur temps ct ils l’approuvent, car plusieurs fols leur argumentation suppose ct exige que Moïse soit l’auteur du livre dc la Loi. Or cc livre débutait par la Genèse, que les Juifs tenaient donc pour l’œuvre dc Moïse. Cette croyance, les Juifs orthodoxes l'ont gardée Jusqu'aujourd'hui. Voir E Mangenot, L'authenticité mosaïque du Pentaleuque, p. 225-228. 2. Témoignages de la tradition catholique. — La croyance des Juifs sur cc point a passé par Jésus-Christ ct scs apôtres dc la Synagogue dans l'Église, où elle s’est perpétuée jusqu'à nous. Les premiers Pères apologistes arguent de l’antiquité des livres do Moïse en faveur dc leur vérité, et ils déclarent que Moïse est le plus ancien dc tous les écrivains. Saint Justin ajoute qu'il a raconté par l’esprit prophétique la création du monde. Apol., i, 59, P. G., L vi, col. 416. L’auteur dc la Cohortatio ad Graecos, 28, 30, 33, 34, Ibid., col. 293, 296-297, 361; Tatlcn, Oratio ad Græcos, 40, 41, ibid., col. 884-885; saint Théophile d’Antioche, Ad Autol., ill, 23, ibid., col. 1156; Athénagorc, Legatio pro Christianis, 9, ibid., col. 905, disent la même chose, ainsi que plus tard le pscudo-Tertullicn, Apologet., 19, P. L„ L i, col. 438-440; Clément d’Alexandrie, Strom., i, 21, P. G., L vin, col. 820; Origène, Cont. Celsum, 1 VI, 21 ; 1. \ 11» 28,30.41, P. G,, t. xi, col. 1321, 1460 1464, 1480; Eusèbc dc Césaréc, Prap. evang., 1. X, c. i. P· G. t. xxi. col. 768; II. E., 1. I, c. n, P G., t. xx, col. 56; saint Cyrille d'Alexandrie, Cont. Julia- 1198 num, 1. I, P. G., t lxxvi, col. 524-525. Saint Irénée attribue à Moïse le récit de la création du monde. Cont. hier., 1. I, c. n, n. 6, P. G., t. vn, col. 715-716. Tcrtullicn, à propos dc la crlttion du monde, provo­ quait Hermogène ad originale instrumentum Moysi. Ado. Hermogenem, xix, P. L., L n, coi. 214. Dans un commentaire de VHexameron, faussement attribue à Eusthate d'Antioche, on reconnaît, sur l’autorité de Josèphc, que !c récit de la création est l'œuvre dc Moise P. G., L xvrn. col. 708 Marius Victorin déclare que Moïse enseigne dans le livre dc la Genèse. De verbis Scripture? : Pactum est, 1, P. L., L vni, col. 1009. Diodore dc Tarse déclarait que Moïse a écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen., P. G., L xxxxil col. 1561-1562. Didynie d'Alexandrie faisait de même à propos dc Gen., i, 26. De Trinitate, 1. II, c. vn, n. 3, P. G., L xxxix, col. 565. Saint Grégoire dc Nyssc attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la Genèse qui, dc prime abord, paraissent contraires. In Hexaemeron, procem., P. G., L xlvi, col. 61. Saint Basile dit que Moïse a écrit l'histoire de la création. In Hexaemeron, homiL i, n. 1, P. G., L xxrx, col. 5. Saint Ambroise dit dc même. Hexaemeron, 1. VI, c. n, n. 8, P. L., t. xiv, col. 245. Faustin attribue b Moïse le début de la Genèse. De Trinitate, c, i, n. 5-7, P. L., t. xiîî, col. 41, 42. Saint Chrysostome faisait h même chose, In Gen., homil. n, n. 2, 3, P. G., L lui, col. 27, 28, et il attribuait au même auteur le récit du déluge. Ad Stagirium a dæmone vexatum, u, 6, P. G., t. xlvii, col. 457. La Genèse est, pour saint Jérôme, un livre de Moïse, Epist., cxl, 2, P. £., t. xxn, coL 1167, et c’est seulement les mots: usque in hodiernum diem, Gen., xxxv, 4, ct non le livre entier, qu’il nr sait s’il faut attribuer à Moïse ou à Esdras. De per­ petua virginitate Π. Marier liber adversus Helvidium, η. 7, P. L., L xxni, col. 199. Saint Augustin connaît les cinq livres dc Moïse, Serm., xxxr, c. v, vn; cxxrv, c. ni, P. L., t. xxxvni, col. 198, 199, 687, ct 11 enseigne que le récit dc la création a été rédigé par cet écrivain. Conf., 1. XI, c. ni; 1. XII, c. xiv, xxx, P. L., t.xxxxi, col. 811, 832, 843; De Genesi ad litteram, 1. VIII, c. m. n. 7; 1. IX, c. xm, n. 23, P L., L xxxrv, col. 375, 402; De civitate Del, 1. XI, c. ïv, η. 1, P. L., L xli, col. 319. Théodore dc Mopsueste tient Moïse pour l'auteur dc la Genèse. Sachau, Theodori Mopsuestenl fragmenta syriaca, Leipzig, 1869, p. 3, 4, 6. Selon lui, Moïsi n’aurait pu écrire le récit dc la création ct celui dc l’histoire de l’humanité depuis Adnm jusqu'à Joseph qu'en vertu d’une révélation divine. Ibid., p. 8, 9. Cf. Klhn. Theodor von Mopsuestia und Junilius A/ncanus ats Exegeten, Fribourg-cn-Brisgau, 1880, p 98. Saint Cyrille d'Alexandrie dit que Moïse a été inspiré pour écrire le début de lu Genèse. In Joa., 1. V, c. n, P. G., L Lxxiii, col. 756. Procopc dc Gaza affirme que la Genèse est dc Moïse. In Gen., prol., P. G., L Lxxxvn, col. 24. Junilius sait par la tradition des anciens que Moïse u écrit les cinq premiers livres historiques dc Γ Ancien Testament, bien que leurs titres ne contiennent pas son nom ct bien qu’il parle dc lui-même à la troisième personne. De par­ tibus divinae legis, 1. I, c. vm, P. £., t. lxvîii, col. 28. Cf. Kihn, op. cit., p. 480. Pour saint Isidore dc Séville, voir Etym.,1. VI, c. î, n. 4,5; c. n, n. 1, P. L., t. lxxxij. col. 229,230. Pour le moyen âge ct les temps modernes, voir G. Hoberg, Moses und der Pentateuch, p. 72-73. 3. Critères internes. — Bien que le contenu dc lu Genèse ne prouve pas par lui-même l'origine mosaïque du livre, cependant les récits, qui ont pu être contrôlés par les découvertes modernes en Assyrie ct en Égypte, apparaissent anciens ct véridiques ct de In sorte confir­ ment indirectement l'antiquité de la tradition et dc 1 écrit lui-même. Ainsi le c. xiv de la Genèse, que toute une école d'exégètes a traité comme un midrasch do 1199 GENÈSE basse époque, formé de vagues souvenirs, apparaît maintenant d'accord avec ce que les inscriptions cunéiformes nous apprennent de l’époque d’Abraham. Si l’identification d'Amrnphel avec Hammourapi n’est pas encore absolument démontrée, du moins le récit biblique convient parfaitement à son époque et cadre bien avec cc que nous connaissons maintenant de cc temps éloigné, Cf. Touzard. Où en est l'histoire des religions ? t. n, p. 12-13. Voir Amraphel ct Chodorlahomor, dans le Dictionnaire de la Bible, 1.î, col. 522-524 ; L n, col. 711-712; V. Scheil.Lfl chronologie rectifiée du régne de Hammourabi (extrait des Mémoires de l Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xxxix), Paris, 1912, p. 11. Cf. J. Nikel, Genesis und Keil· schri/tforschung, ein Beitrag zumVertôndniss der bibltschrn Ur-und Pairiarchengeschichte,Frlbo\irg-cn-Brlsgvu, 1903. Le voyage d’Abraham en Égypte ct toute l’histoire de Joseph concordent exactement aussi avec cc que les documents hiéroglyphiques nous ont appris du pays à cette époque. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6· édit., Paris, 1896, 1.1, p. 153-180; t. n, p. 1-213; art. Échanson et Joseph, dans le Dictionnaire de la Bible, t. n, col. 1558-1559; L ni, col. 1657-1669; Dornstetter, Abraham, dans Biblische Studien, Fribourg-cn-Brisgau, 1902, t. xvn, fasc 1-3; H. J. Heyes, Joseph in Ægyplen, Munster, 1911. Cet accord s’explique mieux par une rédac­ tion rapprochée des événements que par une adap­ tation de la tradition hébraïque avec les choses égyptiennes à une époque postérieure, quand les Israélites étaient en rapport avec l’Égypte sous la royauté. Voir plus haut, t. v, col. 1555. Enfin, on trouve dans la Genèse deux mots égyptiens, 'abrek ct sâfenat pa'emah, nom égyption donné à Joseph, xli, 43, 15, ct des expressions hébraïques, qui ne sont que des trans­ criptions de mots égyptiens. Voir F. Vigouroux, La Bible ct les découvertes modernes, t. n, p. 586-591; Diction­ naire de la Bible, t. m, col. 1668-1669; L v, col. 82. 3° Réponse aux principales objections des critiques. —1. Emploi dij/érent des noms Élohim el Jéhovah. — a) Le fait. — Quand on lit le livre de la Genèse dans son texte original, on constate que régulièrement Dieu y est nommé tantôt Élohim tantôt Jéhovah, et cette particularité sc continue dans les cinq premiers chapitres de l’Exodc jusqu’au récit de la révélation du nom de Jéhovah, faite ù Moïse. Exod., vî, 1-8. Cette particularité, d’ailleurs, peut sc remarquer aisément même dans les versions, puisque les traducteurs grecs ct latins ont fidèlement rendu Élohim par θίός ct Deus et Jéhovah par Κύριος ct Dominus. Ainsi on lit, Gcn., î, 1-n, 3, trente-cinq fois Élohim, ct Gcn , n, 4-iiî, 25, vingt fois Jéhovah Élohim. Au c. iv, Jéhovah seul est employé, ct au c. v, Élohim seul (quatre fois). Jéhovah seul est employé cinq fols, vi, 1-8, sauf dans la formule : bené-ha” élohim, et Élohim seul, cinq fols dans le reste du chapitre, 9-25. Jéhovah revient, vu, 1, 5, 9; au f. 16 on lit successi­ vement Élohim et Jéhovah. Élohim est repris, vm, 1, 15, et Jéhovah, 20, 21. Élohim reparaît, ix, 1, 6, 8, 12, 16, 17; Jéhovah Élohim est employé au f. 26, ct Élohim seul au f. 27. Dans le récit de la confusion des langues, xi, 5-9, c’cst Jéhovah qui est usité, ainsi que dans celui de la vocation d’Abraham. xii, 1-8, ct de son séjour en Égypte, 17. Son emploi continue, xm, 4, 10, 13, 14, 18. Dans la rencontre de Melchisédech ct d’Abraham, c’est un nom spécial de Dieu qui est employé, El Elyôn, xiv, 18-20, qui est dit Jahvé El Elyôn, 22. Les deux noms Jéhovah et Élohim sont successivement usités : Jéhovah, xv, 1. 4, 7,9, 18, Élohim, 6, ct réunis en une seule déno­ mination, Jéhovah Élohim, 28. Jéhovah seul est nommé, xvi, 2, 5, 7, 11, 13, qui est dit. dans cc dernier verset, El-ro'i. Si Jéhovah est dit El üaddal, xvu, 1, Élohim 1200 vient aussitôt, 4, 7, 8, 9, 15, 18, 19, 22, 23. Jéhovnh revient, xvin, 1, 3, 13, 15, 17, 19, 20, 26, 27, 30. 31,32, 33, mais 11 n été appelé Élohim, 14. 11 se lit aussi, xix, 13, 14, 1 G, 24, 27, mais Élohim reparaît, 29. Il est employé encore, xx, 3, 6, 11, 13, 17, mais Jéhovnh termine cc chapitre, 18. Il est répété, xxi, 1, et suivi immédiatement de Élohim, 2, 4, 6, 12, 17, 19, 22, 23, qui est appelé Jéhovah El Elyôn, 23. Élohim continue, xxii, 1, 3, 8, 9, 12, pour être remplacé par Jéhovnh, 11, 14, 15, 16. Il reprend, xxm, G. Jéhovah revient, xxiv, 1, 2G, 31, 35, 40, 44, 48. 50, 51, 52, 56, pour être dit encore l’Élohim du ciel et de la terre, 3, 7, cl l’Élohim d’Abraham, 12,27» 42,48. Élohim est employé, xxv, 11, ct Jéhovah, 21, 22; xxvi, 2, 22, 24, 25, 28, 29, qui est dit l’Élohim d’Abraham, 24. C’est encore Jéhovah que nous lisons, xxvn, 7, 27, mêlé à Élohim, 20,28. El iaddal reparaît, xxvni, 3; puis, Élohim, 12. précède Immédiatement Jéhovah, qui est dit l’Élohim d’Abraham ct d’Isaac. 13, ct qui, 16, 21, est suivi d’Élohim, 12,17,20,21, 22. Jéhovah seul se rencontre, xxix, 31-35. Élohim, xxx, 1,8,17,18,20,23,27, alterne avec Jéhovah, 6, 22, 24, 30; xxxi, 3, pour reparaître seul, 5, 7, 9, 11,13,16,24,29, 42, ct être remplacé par Jéhovah, 49, ct reprendre, 50, 53; xxxn, 1, 2, 10 (ici avec Jéhovah), 28430; xxxin, 5,10,11,20; xxxv, 1, 5, 7, 9, 13, avec El $addat, 11. Dans l’histoire de Joseph, Jéhovah est usité, xxxix, 2, 3, 5, 21, 23, mais avec l’expression : < mon Élohim ·, 9. Élohim est employé à propos de l’interprétation des songes du pancticr et de l’échanson, xl, 8, ct du pharaon, xlv, 16, 25, 32, 38, 39, pour expliquer les noms des fils de Joseph, 51, 52, dans les rapports de Joseph avec scs frères, xlii, 18,28; xliii, 23, 29; xi.iv, IG; xlv, 5, 7, 8, 9; dans le voyage de Jacob en Égypte, xi.vi, 1, 3; dans les derniers moments de Jacob, xi.vn, 31 ; xlviti, 9, 11, 15, 20, 21, avec El Saddal, 3 ; enfin Λ la mort de Joseph, l, 23,24. On le retrouve au début de l’Exodc, î, 17, 20, 21 ; n, 22, 23; mais Jéhovah reparaît, 25. Les deux noms sont ensuite mélangés : Élohim, in, 1, G, 11,13, 14, Jéhovah, 2, 4, 7, pour marquer clairement que Jéhovah est l’Élohim d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, 6, 15, 16, des pères des Hébreux, 13, 15, IG, ct des Hébreux eux-mêmes, 18. De même, au c. iv, Jéhovah, 1, 3, 4, 6, 10, 11, 14, est l’Élohim des patriarches, 5. Élohim est employé seul, 16, ct 11 est suivi de Jéhovah, 19, 21, 22, 24, 27, 28, 30, 31, mêlé ô Êlohirn, 20, 27. Jéhovah, v, 2,17, 21, 22, est donc l’Élohim d’Israël, î, l’Élohim des Hébreux, 3, 8. A partir du c. vî, c’cst Jéhovah qui est régulièrement employé. L’alternance des deux noms divins, Élohim ct Jéhovah, est donc extrême­ ment compliquée en elle-même ct aussi par l’emploi d’autres noms, sans compter Adonaï, usité dans le discours direct à Dieu, ct les explications doivent résoudre le problème dans toute sa complexité, ct non pas seulement dans scs principaux éléments. Cf. F. de Hummelaucr, Commentarius (n Genesim, р. 10 1 1 b) Ses explications. — Cc phénomène étrange, qui ne sc rencontre dans aucun autre livre de la Bible, ne peut s'expliquer par le hasard, tant l'alternance des deux principaux noms divins est constante et régulière, ni par le seul désir de varier le style. Il faut donc en rechercher les raisons. Le fait n’avalt pas passé tout ô fait inaperçu chez les anciens. Pour répondre ô Hennogène qui soutenait l’éternité de la matière et qui appuyait ccttc erreur sur le fait que, dans la Bible, Dieu n’est pas toujours appelé Seigneur» Tcr­ tullicn dit que, si Dieu n’est que ό Θιός dans le с. ι·τ de la Genèse, c’est qu’il n’est devenu Κύριος ό θίό$, Gen., π, 4, le maître du monde créé, que par ! la création. Adversus Hermogenem, c. in, P. L., t. I, J col. 200. Saint Augustin a donné une explication I analogue de la différence entre Deus et Dorninus. De 1201 GENEbE 1202 la diversité des noms divins par l’exigence du sujet Genest ad litteram, L VIII. c. XL n. 26, P. f.., t. xxxiv, Ces noms, en effet, ne sont pas synonymes. Ils col. 382. Cette explication n’est pas fondée, puisque Dominus est la traduction de Jéhovah qui ne signifie i désignent bien la divinité, mais sous des aspects pas seigneur ou maître. Λ propos de Gcn., n, 7, saint I différents : Élohim, qui désigne les divinités païennes elles-mêmes, est dit de Dieu, envisagé comme Dieu Chrysostome n remarqué plus justement que Moïse a réuni, au début de son livre, les deux noms divins de l'humanité entière» ct Jéhovah, qui est Je nom pour montrer qu’ils convenaient également à Dieu ct propre du Dieu d’israél, est dit de ce Dieu, honoré qu’on pouvait les employer IndifTércmmcnt l’un pour spécialement par le peuple choisi. Cf. P. Julian, Etude critique sur la composition de la Genèse, p. 190l’autre. In Gen., homil. xiv, n. 2, P. G., t. un, col 112 201; F. de Hummelauer, Comment in Genesim, C'est un médecin de Montpellier, Jean Astrue, p. 8-14. Cette explication convient à quelques cas, qui, le premier, proposa une explication de l’alter­ nance des noms divins dans la Genèse. Cette diversité mais non pas à tous. Aussi, pour rendre compte de la diversité des noms divins, d'autres ont-ils admis provenait, selon lui, de deux documents ou mémoires que Moïse avait utilisé des documents antérieurs, antérieurs, dont Moïse s’était servi pour écrire sur qui donnaient à Dieu des noms différents. M. Vigou­ des événements dont il n'avait pas été le témoin : dans l’un, Dieu était appelé Élohim ct dans l’autre, roux n pensé que Moïse, écrivant lui-même, employait Jéhovah. Conjectures sur tes mémoires originaux de préférence le nom de Jéhovah, mais qu’il a inséré dont il paroil que Moyse s'est serai pour composer dans son œuvre d'anciens documents (traditions les Hures de la Genèse, avec des remarques qui appuient orales ou écrites), dans lesquels Dieu était nommé ou qui éclaircissent ces conjectures, ln-12, Bruxelles Élohim. Or, en les insérant, il les a conservés tels (Paris), 1753, p. 10-15. Cf. F. Vigouroux, Les Livres qu’ils étaient, sans y apporter de changement et saints ct la critique rationaliste, 3· édit., Paris, 1890, en particulier il n’a pas changé le nom d’Élohim, t. n, p. -180-483. Moïse avait eu à sa disposition deux parce que ce changement n'était pas nécessaire autres mémoires encore : l’un, d’où proviennent ù son but. Et c’cst pour faire comprendre à ses lecteurs les doubles récits, ct l’autre, qui comprenait les que la diversité des noms divins n'a point d’impor­ tance qu’après avoir reproduit le récit élohiste de la narrations où Dieu n'est pas nommé. Il avait disposé ces quatre documents sur quatre colonnes parallèles, création du monde. Il reprend, en son nom, ce récit que les copistes avaient ensuite combinées en les pour le compléter par d'autres renseignements et il transcrivant les unes â la suite des autres, dans leur unit dans la même phrase Jéhovah Élohim. Gen., n, 4. Voir Manuel biblique, 12· édit., Paris, 1906, L î, état actuel. Cf. G. Hoberg, Die Genesis, p. x.xxuXXXIII. p. 253, p. 448-450; Lts Livres saints et la critique rationaliste, 3· édit., Paris. 1890. t. in, p. 133-144. Cette hypothèse de deux documents, distincts par les noms divins employés, fit fortune. Eichhom Cf. abbé de Broglie, Élohim et Jéhovah, dans les Annales de philosophie chrétienne, 1891, t. exxn, étendit la distinction aux cinq premiers chapitres de l’Exodc, caractérisa les deux documents élohiste p. 539-568. ct jéhovlstc par leur contenu ct leur style, ct maintint M. Hoberg a prétendu, sans raison suffisante, que Moïse, ou un autre rédacteur, avait utilisé ccs que les sources utilisées par Moïse dans la Genèse sources. Dans l’hypothèse fragmentaire, on groupait ne contenaient que les noms d’El et d’Élohim. que les fragments en deux séries distinctes par l’emploi Moïse les avait conservés, mais que des copistes des noms divins, Élohim ct Jéhovah. Dans l'hypo­ postérieurs les ont remplacés en partie par le nom thèse complémentaire, la Genèse était d’abord un de Jéhovah. Moses und der Pentateuch, dans Biblische écrit unique, bien ordonné, dans lequel l’auteur Sludien, Fribourg-cn-Brisgau. 1905, t. x, fasc. 4, nommait Dieu Élohim ct auquel un dernier rédacteur p. 49-52; Die Genesis, 2· édit., 1908, p. xxn-xxvm. ajouta plus tard des morceaux jéhovisles. On revint Cf. F. de Hummelauer, op. cit., p. 7-8. On ne voit enfin à l’hypothèse documentaire. On admit d’abord pas pourquoi ccs noms n’auraient pas été changés plusieurs documents, dont l’un était élohiste et par les copistes dans tous les passages de la Genèse. l’autre jéhovlstc, mais ù ccttc phase de la critique D’autres exégètes catholiques ont pensé que Moïse avait utilisé des documents distincts par l’emploi du Pcntatcuquc, l’écrit élohiste était le Grundschrijt, du nom divin, des documents élohlstcs ct jéhovîstes. ou écrit fondamental, qu'on appela plus tard le code sacerdotal. A ccttc dernière phase, à laquelle on au moins pour les doubles récits de certains faits, est demeuré, on a distingué, comme nous l’avons dont nous parlerons bientôt. M. Vigouroux croyait cc sentiment faux, mais il reconnaissait qu’il n’était précédemment exposé, trois documents : le petit pas condamné ct qu’on pouvait soutenir l’emploi, élohiste, E, le Jéhovlstc, J, ct le grand élohiste ou fait par Moïse, de deux documents antérieurs, 1 un code sacerdotal, P. Cc dernier emploie le nom d’Élohim élohiste et l’autre Jéhovlstc. Cf. P. Vetter, Die tite* comme le premier. Cc sont les rédacteurs postérieurs qui, en réunissant l’élohiste au jéhovlstc, puis leur rarkritische Bedeutung der alttestamcnllichcn Gottesnamen, dans Tlïbinger theologische Quartalschn/t, combinaison avec le code sacerdotal, ont employé en certains passages les deux noms Jéhovah ct 1903, p. 12 sq., 202 sq., 520 sq. Du reste. Indépendamment de la diversité des noms Élohim pour établir le raccord des sources. Mais la divins. Il est de plus en plus vraisemblable que Mois· diversité des noms divins n’a plus dès lors l’importance a eu Λ sa disposlslon des documents écrits, par exemple, qu'elle a eue nu début de In critique; loin d’être le c. xxv de la Genèse. Cf. J. Kiev, Dte Penlateuchjrage, décisive, elle n'est plus qu’un élément, et même un Munster, 1903, p. 140-142; G. Hoberg, Die Genesis, élément accessoire, de la distinction des sources. Les documents sont surtout caractérisés par leur p. xx ; M. Hetzenauer, Introductio in librum Geneseos, p. 65-66. Mais, pour la détermination des sources contenu ct leur style, ct les noms divins senent utilisées, In considération de la diversité des noms seulement ά dénommer les deux premiers. divins ne Joue plus qu’un rôle secondaire, et c’cst à En face ct ù l'encontre des conclusions de la critique rationaliste, qui enlève ù Moïse la paternité des docu­ Juste titre, pour deux considérations principales. La première est que les dliïércnts noms divins no ments dont serait formée la Genèse actuelle, les commentateurs catholiques ont pris des positions sont pas toujours absolument sûrs, au point de vue de la critique textuelle, ct qu’ils ont pu être changés dlflércntcs. Ils ont maintenu fermement Λ Moise, ou A se*· secrétaires sous scs ordres et sa direction, la ct déplacés par les copistes. L'état aetucl des dinérentà composition do la Genèse. Quelques-uns ont expliqué textes de la Genèse en est la preuve indéniable. 12üJ GENÈSE Ainsi les targums uu paraphrases chaldalques de la Genèse ont presque partout substitué Jéhovah a Élohim et n'ont gardé ce dernier nom que lorsque Je sens l'exigeait. Il est juste d'ajouter qu'ils ont peu d’importance pour la constitution du texte original. La version des Septante a, sous cc rapport» une plus grande valeur. Or, les premiers traducteurs de la Bible hébraïque ont lu fréquemment Jéhovah Élohim en des passages où les autres témoins n’ont que l'un des deux noms, par exemple, iv, 6, 9, 15, 26; v, 29; vi, 3. 5, 8, 12, 13, 22; vn, 1, 5, 9, 16; vin, 15, 21; ix, 12; xxiv, 40; xxix, 31 ; xxx, 30. On ne peut donc pas suivre aveuglément le texte massorétique comme s'il n’avait pu être altéré, et il est nécessaire de le comparer avec les autres témoins du texte de la Genèse avant de conclure si un passage est élohistc ou Jéhovlstc parce qu’il reproduit Je nom d'Élohim ou de Jéhovah. Cf. F. de Hummclaucr, Commt ntarius (n Genesim, p. 5-6; J. Dahsc, Textkritische Materialen zur Uexateuch/rage. I. Die Gottesnamen der Genests, in-8°, Giessen, 1913; J. Skinner, The dioine names in Genesis, dans Expositor, avril 1913, p. 289-313. Le psaume xm n’est-il pas jéhovlstc* alors que le psaume i.n, qui lui est identique, est élohistc ? Il y a deux recensions du même cantique. La seconde consi­ dération est que les noms d'Élohim ct de Jéhovah ne sont pas les seuls noms divins, employés dans la Genèse. On y Ht d'autres noms divins : 'Adonal, usité quand le discours s'adresse directement soit à Élohim soit à Jéhovah, xv, 2, 8; xvm, 3, 27, 30, 32; xix, 18; ’£/ 'Elyôn, 'Êl ’Olâm, 'Êl Saddaï, 'Êl· ro't, etc. Voir t. iv, col. 951-953. I^e nom seul d’Élohim ou de Jéhovah n’est donc pas un critère sûr pour déterminer les passages élohlstcs et jéhovlstcs. F. Vlgouroux, Manuel biblique, L l, p. 451-452. Aussi les critiques modernes ont-ils recouru à d'autres critères. 2. Les doubles récits. — En faveur de la pluralité des sources du Pcntatcuque, on a depuis longtemps fait valoir les doubles récits des memes événements, qui apparaissent combinés dans le texte actuel. Or, Ils sont surtout nombreux dans lu Genèse, ct M. A. Schulz les a récemment étudiés d’une façon très complète dans une monographie : Doppelberichte im Pentateuch, dans les Biblische Studien, Fribourgen-Brisgau, 1908, t. xm, fasc. 1. Il suffira de les indiquer sans les examiner en détail· M. Schulz relève deux récits de la création, Gen., ι, 1-π, 4 a; n, 4 5-25; deux récits du déluge, combinés Gen., vi, 5-ix, 17; peut-être aussi deux récits de la tour de Babel, xi, 1-9; d’après Gen., xvn, 24, 25; xxi, 5, Ismael avait quatorze ans à la naissance d’Isaac; or, il ne parait être qu'un enfant, Gen., xxi, 8, 14, 15, 18, 20, quand II est expulsé avec sa mère, alors qu’il avait dix-sept ans d’après le premier récit ; deux sources dlilércntcs ont fourni les données du récit actuel de la visite de Dieu ou de scs anges chez Abraham et Lot avant la ruine de Sodomc, xvm, xxi; deux documents sont aussi combinés dans l'histoire de Jacob, xxvn, 2-xxvm, 9; comme dans celle de Joseph, xxxvH, 25-30, 39; xxxix, 1-xu, 10; xi.ii, 7-xlîii, 7; xui, 25-35; xun, 25; xlv, 9-xlvii, 12. Nous pourrions concéder à M. Schulz l'existence de ccs doubles récits de la Genèse, qui prouverait seule­ ment que Moïse a consulté des sources dlilércntcs et leur a emprunté ce qui lui convenait, il n'y a là rien de contraire à l'authenticité mosaïque de la Genèse. Mais M. Schulz a forcé la note, en prétendant que ces récits étaient non seulement divergents, mais con­ traires l’un â l’autre sur certains points. Il a exagéré à plaisir les divergences pour cn faire des contradic­ tions. On ne comprend pas que Moïse, ou même un rédacteur quelconque qui lui serait de beaucoup 1204 postérieur, n'auralt pas remarqué ces contradictions et ne les aurait pas fait disparaître dans sa cou blnaison des deux sources consultées. 11 a utilisé uea documents divergents, qui ne lui ont pas paru incon­ ciliables, parce qu'ils ne l'étaient pas cn elfct, ct il les a conciliés parfaitement dans une unique narration suffisamment cohérente, surtout si on tient compte de la manière de raconter propre aux Sémites ct en particulier aux Hébreux. Son travail de rédaction, nous le reconnaissons, a laissé des traces de la diver­ sité des documents utilisés, mais il n'a pas gardé d'indices de leur contradiction. Sous ce rapport, M. A. Allgcicr a ramené à de justes proportions les doubles récits de la Genèse. Ueber Doppelberichte in der Genesis, Fribourg-cn-Brisgau, 1911. Il y a des doublets dans la Genèse, c’cst entendu; mais cela prouve seulement que Moïse, ou scs secrétaires, ont consulté sur plusieurs événements de l’histoire pri­ mitive ct de l'histoire patriarcale des traditions dllTércntes ou même des documents écrits différents, rien de plus. Cf. G. Huvclin, Les doubles récits ct la vérité historique de la Genèse, dans les Études, 1910, L cxxi, p. 163-186; Les doubles récits de la Genèse, 1912, t. exxx. p. 79-8-1. 3. DiUérenccs de style. — Les passages élohistes ct jéhovistes ayant été déterminés par l’emploi des di lié rents noms divins, les critiques ont étudié leur vocabulaire ct les caractères de leur style, ct ils sont arrivés aux conclusions de diversité lexicographiquc ct grammaticale que nous avons précédemment indiquées. Or, pour ne parler que de la Genèse, cette diversité d'expressions ct de grammaire se rencontre surtout dans les doubles récits, dont nous venons de parler. Ccs récits provenant de documents diffé­ rents, il n'est pas étonnant qu’ils aient gardé des traces de leur origine première. Cela prouve seulement que, dans l'utilisation de scs sources, Moïse a conservé la forme elle-même des documents qu’il utilisait cl qu’il leur a fait subir le moins possible de transfor mations de style. Aucun de ccs arguments ne prouve donc la multi­ plicité des auteurs qui auraient mis la main à la composition de la Genèse. Ils prouvent seulement, cc qui ne fait pas de difficulté, que Moïse a utilisé ou fait utiliser des sources diilércntes, orales ou écrites, ct qu'il cn a gardé les caractères propres, cn ne les modifiant qu'autant qu'il était nécessaire pour les combiner en un récit cohérent V. Doctrine. — 1° Dogmatique ct morale. — Dès la première page de la Genèse, Dieu apparaît comme le tout-puissant créateur de toutes choses. Sur la notion de création dans la Genèse, voir t. m, col. 20422046. Sur la création cn six jours, voir Hexam&ron; sur la création, la condition et le péché d’Adam, voir t. i, col. 368-386; sur la création, la tentation ct le péché d’Ève, voir t. v, col. 1640-1655. Dieu y apparaît aussi provident : pourvoyant à la conserva­ tion ct à la propagation des espèces végétales, animales ct humaine, i, 11, 12, 22, 28, à l’alimentation de l'homme, 29, 30; n, 15, ct au sort d'Adam ct d’Ève après leur chute, ni, 21. Il impose à Adam des pré­ ceptes positifs, n, 16, 17, et il punit leur violation, ni, 14-19, 22-24. Il venge aussi le sang d'Abel, en punissant le fratricide Cain, iv, 11, 12. Quand le mal fut répandu sur la terre. Dieu se repentit d'avoir créé l’homme; Il punit les coupables par une inondation universelle ct ne sauva que le juste Noé avec sa famille, vi, 1-21. Il veilla à la conservation de Noé, vn, 16; vin, 1, 2, 15-17, lui fit des promesses, lui Imposa des préceptes ct renouvela alliance avec lui, vm, 21-ix, 17. Il s’occupa du sort de l'humanité post­ diluvienne, confondit scs projets orgueilleux ct la dispersa sur toute la terre, xi, 5-9. 11 sc choisit un 1205 GENÈSE 1206 peuple d'adorateurs fidèles cn la personne d’Abraham. se liaient par des serments, xxi, 22-24, 31; xxrv, 2-9; xxv, 32, 33; xxvi, 26-31; xlvii, 28-31. Il est Voir t. i, col. 94-98. 11 fut la providence non seulement fait mention aussi de purifications, accompagnées des patriarches Abiaham, Isaac ct Jacob, mais d'un changement de vêtements, xxxv, 2, d’un vœu, encore de tous les justes, Lot, Ismael, ct spécialement xxviii, 20, de bénédictions, xxvii, 4-41; xlviii, 13-20; de Joseph, dont l’histoire est toute providentielle, xltx, 28. Cf. J. Touzard, La religion d'Israël, dans puisque Dieu voulut qu’il fût vendu par ses frères Où en est l'histoire des religions? Paris, 1911, L xi, pour sauver la famille de Jacob de la famine qui devait sévir pendant sept années. Pour plus de p. 13-21. VI. Commentaires. — 1® Pères. — Sans parler des détails, voir t. iv, col. 948-951. L’homme est une créature de Dieu. Constitué, commentaires spéciaux de l'Hexaméron, voir Hexaméhon, Il reste des fragments de commentaires des sa creation, dans l’ordre surnaturel, Il était doté ou des commentaires complets du livre de la Genèse : des privilèges préternaturels, propres à l’état, hélas 1 S. Hippolyte, Grieehische Fragmente zur Genesis, trop court, d’innocence. Il était capable de connaître dans Die griechischen christlichen Schriftsleller der le bien ct le mal. Sa désobéissance ù un précepte positif de Dieu lui fit perdre l’état de grâce ct les ersten drei Jahrhundert, Leipzig. 1897, part II, privilèges de l’état d’innocence. Son repentir lui p. 49-81; Origéne, Selecta et homilia: in Genesim, rendit bien la grâce divine, mais non les dons préter­ P. G., t. xii, col. 45-262; L xvm, col. 12-16, ct dans naturels, ct il fut assujetti à la concupiscence, aux Pitra, Analecta sacra, Venise» 1883, L m, p. 555-556; souffrances ct à la mort. Voir t. i, col. 372 sq. La Diodore de Tarsc, Fragmenta in Genesim, P. G., famille humaine était constituée par Dieu par le L xxxiiî. col. 1561-1580; J. Deconinck, Essai sur la mariage, contrat naturel, n, 23, 24. Les premiers Chaîne de l'Octateuque avec une édition des commenenfants d’Adam exercèrent les deux arts nourriciers ta ires de Diodore de Tarse qui y sont contenus, Paris, de l’humanité : l’élevage des animaux domestiques 1912, p. 91-133; S. Éplirem, In Genesim, dans Opera et la culture de la terre, TV, 2. Les autres arts, la syriace et latine, Rome, 1737, t. i, p. 1-115; suivi musique ct le travail des métaux, parurent plus tard, d'un autre commentaire du même saint ct de Jacques 21, 22. L'homme était porté au mal. et les fils d’Adam, de Sarug, p. 116-193; S. Jean Chrysostome, Homilue surtout dans la lignée de Cain, furent criminels ou in Genesim, P. G., t. un, col. 23-365; t. liv, col. 385prévaricateurs, ct la terre fut bientôt corrompue ct 580; Sermones, L ix, col. 581-630; Théodore de Mopremplie d'iniquités. 11 y avait cependant des justes, suestc. Fragmenta in Genesim, P. G., t. lxvi, col. 633qui trouvaient grâce aux yeux de Dieu, surtout G45; Sachau, Theodori Mopsuesleni fragmenta synaca, dans la descendance de Set h. Dieu sc choisit un peuple Leipzig, 1869, p. 1-21 ; ci. L. Pirot, L'eruort exégeparmi les fils de Sem, un peuple, qui serait fidèle à tique de Théodore de Mopsurste, Home, 1913, p. 76· son culte parmi les populations, devenues poly­ 77, 277-278; Théodoret, Quastiones m Genesim, P. G. théistes. Cf. G. Schmidt, La révélation primitive et les L lxxx, col. 76-225; S. Ambroise, Hexaemeron, et données actuelles de la science, trad. Lemonnycr, traités suivants, P. L., t xiv, coi. 123-694; Corpus Paris. 191 λ scriptorum ecclesiasticorum. Vienne, 1897, t. xxxn; 2e Ilrligieuse et cultuelle. — Caïn ct Abel offraient S. Jérôme, Liber hebraicarum querstionum in Genesim, â Dieu des sacrifices, mais dans des dispositions P. L., t. xxm, col. 936-1010; S. Augustin, De Genesi bien différentes; aussi le Seigneur agréa-t-il les pré­ contra manichaos, P. L., L xxxiv, col. 173-220; mices du troupeau d’Abel, mais non les produits de De Genesi ad litteram imperfectus liber, col. 219-246; la terre de Caïn, iv, 3, 4. Voir t. i, col. 28-31. Énos De Genesi ad litteram libri XII. col. 245-486; In est présenté comme un fidèle adorateur de Dieu, 26. Heptateuchum locutionum libri septem, col. 485-502; Après le déluge, Noé offre des sacrifices sanglants, Querstiones in Heptateuchum, coi. 547-598 (Corpus que Dieu agrée, vin, 20, 21. Si la famille de Tharé scriptorum ecclesiasticorum, Vienne, 1894, t. xxvm); était Idolâtre à Ur-Kasdim, Jos., xxxv, 2, Abraham, S. Cyrille d’Alexandrie, Glaphyra in Genesim, P. G., Isaac ct Jacob sont monothéistes. Dieu s’était révélé L Lxxi, col. 9-385; Fragmenta, P. G., L lxxvii, â Abraham, lui avait fait des promesses pour lui ct col. 1175-1184; Eusèbe d'Émèse. Fragmenta in Pen· sa race, ct sc l’était attaché définitivement. Le père tateuchum, P. G., t. lxxxvi, col. 555-556; i’rocope des I lébrcux crut à la parole divine, ct Dieu le lui de Gaza, In Genesim interpretatio, P. G., t. lxxxvii, imputa Λ Justice, xv, 6. C’était cn vision ou cn appa­ col. 21-512; CL Marius Victor, Commentariorum rition sensible que Dieu sc manifesta à lui comme in Genesim libri 1res, P. L., L lxi, col. 937-970; à Isaac ct â Jacob. Les lieux de ces manifestations S. G amber. Le livre de la · Genèse » dans lu poésie divines devenaient des lieux de culte, où on élevait latine au 1 · siècle. Parts. 1899; S. Isidore de Séville, un autel et où on invoquait le nom du Seigneur; Quirstiones in V. T. Pentateuchum, P. L., L lxxxiu, ainsi Béthcl, xn, 8; xm, 4; Hébron, xm, 18. Abraham col. 207-289; S. Patère, De testimoniis in librum Genescos (extraits de saint Grégoire le Grand), P, L·. faisait à Dieu des sacrifices d’animaux, xv, 9-11, ct L lxxix, col. 685-722; pseudo-Euchcr, Commen­ Il poussa l’obéissance jusqu’à être prêt â immoler, tarii in Genesim in 1res libros distributi, P. L., sur son ordre, son fils unique, Isaac, xxn, 1-19. Voir t. 1, col. 98-106. Isaac fut favorisé aussi d’appa­ t. L, col. 893-1018; S. Bède, In Pentateuchum commentarii, P. L., t. xci, col. 189-286; pseudo-Bède, ritions divines ct il reçut confirmation des promesses (Juirstiones super Pentateuchum, P. L., t. xcrn, faites par Dieu, à son père, xxvi, 1-6, 23. 24. Sa col. 233-364; Alcuin, Interrogationes et responsiones soumission â Dieu était pénétrée de terreur, xxxi, in Genesim, P. L.. t. c, col. 515-566; Raban Maur, 42, 53. Jacob eut une vision ù Béthcl, où 11 dressa, en Commentarii in Genesim, P. L., t. cvn, col. 443-670; l'honneur de Dieu, une stèle, consacrée par une onction, Angelommc, Commentarius in Genesim, P. L., t. cxv, xxviH, 10-22; xxxi, 13, ct où il éleva plus tard un col. 107-244; Walafrtd Strnbon, Glossa ordinaria, lutcl, xxxv, 1-15. Il eut une autre vision à Phnnucl, P. L., t. exin, col. 67-182; Rend d'Auxerre, Commen­ xxxTi, 23-30. Il offrit un sacrifice à Galand,â l’occasion tarius in Genesim, P. L., t. cxxxi, col. 51-134. île son alliance avec son beau-père, Laban, xxxi, 54, 2° Au moyen âge, — S. Bruno d'Asti, Expositio et Λ Bersnbée, cn se rendant cn Égypte, xlvi, 1. in Genesim, P. L., t. clxiv, col. 147-234; Rupert l’n dehors du sacrifice, la religion patriarcale de Deutz, Comment, in Genesim, P. L., t. clxvii, comprenait d’autres rites, dont le principal était la circoncldon en signe de l’alliance contractée entre col. 199-566; Hugues de Saint-Victor, Adnotutiones Dieu et Abraham. Voir t. n. col. 2520. Les patriarches elucidütorix in Pentateuchum, P, L., L clxxv, coL 32- 1207 GENÈSE 61 ; S. Thomas, Postilla seu expositio aurea tn librum Genrseos, dans Opera, Paris, 1876, L xxxi, p. 1-194; Hugues dc Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588, t. i; Nicolas dc Lyre, Postilla, Home, 1471, t. ï; Tostat, Opera, Venise, 1728, L i; Denys le Chartreux, Com­ ment, in Pentateuchum, Opera omnia, Montreuil, 1896, L i, p. 3-469. 3° Aux temps modernes. — 1. Protestants. — M. Luther, Enarrationes in Genesim, dans Werke, Erlangen, L i-xi; J. Calvin, In librum Gcncseos commentarius, édlL Hengstenberg, 2 vol., Berlin, 1838; J. Gerhard, Comment, super Genesim, léna, 1637; J. E. Terser, Adnolationes in Genesim, Upsal, 1657; P. von Bohlen, Die Genesis historisch-krl· tisch erlûutert, Kœnlgsbcrg, 1835; F. Tuch, Commentar ùber die Genesis, Halle, 1838 ; 2e édit, par Arnold et Merx, 1871; F. Delitzsch, Commentar ûber die Genesis, 4* édit., Leipzig, 1872; Neuer Commentar ûber die Genesis, 1887; Wright, The book of Genesis in hebrew, Londres, 1859; 2· édit., 1896; Spurrell, Notes on the text of the book of Genesis, 2· édit, Oxford, 1896; Gossrau, Commentar zur Genesis, Halberstadt, 1887; A. Dillmann, Die Genesis, 6· édit., Leipzig, 1892; IL Holzlnger, Genesis erklart, Fiibourg-cn-Brisgau, 1898; 11. Gunkel, Die Genesis, Gœttingue, 1901 ; 3· édit., 1910; S. H. Driver, The book of Genesis, Londres, 1904 ; L. Strack, Die Genesis, 2· édit, Munich, 1905; G. C. Morgan, The book of Genesis, Londres, 1911; J. Skinner, A critical and exegetical commentary on Genesis, Edimbourg, 1911; O. Procksch, Die Genesis, Leipzig, 1913. Ajoutons-y J.-J. Halévy Gulf), L’histoire des origines d’après la Genèse, texte, traduction et commentaire, Paris, 1895, t. I. 2. Catholiques. — Jérôme Oleaster, Commentaria tn Pentateuchum Mosi, Lyon, 1586; A. Steuchus, In Pentateuchum adnolationes, Paris, 1578; B. Pereira, Comment, ct disput. tn Genesim, 4 vol., Rome, 15891598; L. Ystclla, Comment, in Genesim el Exodum, Rome, 1601; Corneilic de la Pierre, Comment, in Pentateuchum Mosis, Anvers, 1618; F. Panlutius, Comment, in Pentateuchum, Rome, 1619; J. Bonfrére, Pcnbdeuchus Moysis commentario illustratus, Anvers, 1625; F. Pavonc, Commentarius dogmaticus stuc theo­ logica interpretatio in Pentateuchum, Naples, 1635; G. Galopin, Comment, in Pentateuchum, Douai, 1648; Com. Jansénius, Pentateuchus, Paris, 1649; Cl. Frassen, Disquisitiones in Pentateuchum, Rouen, 1705; A. Calmct, Commentaire littéral, 3· édit., Paris, 1724, L t; J.-B. B. Vcnuzi, Pentateuch, 2· édit.. Meissen et Leipzig, 1819; F. de Schrank, Commentarius literalis tn Genesim, Soulzbach, 1835; T. J. Lamy, Comment, in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883, 1884; A. Tappchom, Erklàrung der Genesis, Paderborn, 1888; IL-J. Crclicr, La Genèse, Paris, 1889; F. de Hum· mclauer, Commentarius in Genesim, Paris, 1895; B. Neleler, Das Euch Genesis, Munster, 1905; G. Hoberg, Die Genesis nach dem Literalsinn erkhlrt, Fribourg-en-Brisgau, 1899; 2· édit, 1908; Minocchi, La Genest con discussioni critiche, Florence, 1908; M. Hctzcnauer, Commentarius in librum Genesis, Graz ct Vienne, 1910; L Murillo, El Génesis. Preccdido de una (ntroducttôn al Pentaleuco, Rome, 1914. Pour 1m questions critiques, voir les Introductions ginémles citées L iv, coL 664-665, ct les introductions purtlcuUèrM des commentaires récents; B. D. Eerdmans, j ilttettamenOlehe Studien. L Die Eompositton der Genests, Giessen. VMM; A. T. Chapman, An Introduction io the PrnfideucA, Cambridge, 1911; R, Kittel, Geschichte des Vnixcs Iirud. 2· édiL, Got lut, 1912, L i, p. 237-455, et du côté catholique. P. Julian. Étude critique sur la com­ position de la Genèse, Parts, 1888; L. Méchlncnu, L'origine nt' ta qtu du Pcntaleuque, 2* édit., Paris, 1901; J. Klcy, Die Pentateuchfmçf, HttDSter· 1003; G. Hoberg, Moses end der Pentateuch, dnns Hibllscht Studien, Fribourg-cn- 1208 Brisgau. 1905, t. x, fuse. 4; B. Mnngcnot, L'authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907; J. Sclbst, Handbuch zur Ribllschrn Geschichte, 6· édit., Frlbourg-cn· B ris gau, 1910, t. i, p. 90-103; M. Hctzcnauer, Introductio (n librum Genesis, Graz ct Vienne, 1910; L. Murillo, op. dt. Voir aussi Cb. Schœbcl, Démonstration de l'authen­ ticité mosaïque de la Genèse, Paris, 1873; J. Brucker, L’Église ct la critique biblique, Paris, 1908. Pour l’historicité des faits racontés dans la Genèse, voir F. Vigouroux, La üible et les découvertes modernes, 6· édit.. Paris, 1896,1.1, p. 205-571 ; t. n, p. 1-234 ; F. Lenormant. Les origines de l'histoire d'après la Dlble et les tradi­ tions des peuples orientaux, 2· édit., 3 in-12, Paris, 18801884 (Λ ΓIndex); J.-B. Pclt, Histoire de ΓAncien Testament, 3· édit., Paris, 1901, t. I, p. 20-199; J. Sclbst, op. dL, t. i, p. 104-386; J. Nikcl, Genesis und Ecilschrt/t/orschung, Fribourg-cn-Brisgxiu, 1903; Dos Aile Testament Im Llchte der altorientalischen Forschungcn. I. Die biblische Urgeschtchte. Munster, 1909; IV. Die Patrtarchengeschichte, Munster, 1912; S. Euringcr, Die Chronologie der blblischcn Urgeschichle (Gen. V und XI). Munster, 1909; J. Gôttsbcrger, Adam und Eva, Munster, 1910; IL J. Heyes, Joseph (n Æggplen, Munster, 1911; A. H. Snycc, The archtrclogg o/ the book of Genesis, dans The expository limes, 1908-1912. E. Manoenot, II. GENÈSE, PROPHÉTIES MESSIANIQUES. Les plus anciennes prophéties messianiques sont contenues dans la Genèse. Ce sont : 1° le protévangile, in, 15; 2° la bénédiction de Scm, ix, 26, 27; 3° les pro­ messes faites aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob, xn, 2; xm, 6; xv, 5; xvn, 4-6; xxvi, 4; xxvin, 14; 4° la bénédiction de Jacob mourant à Juda, XLix, 8-10. I. Le protévangile, ni, 15. — La première bonne nouvelle du salut de l’humanité par le Messie, qu’on a nommée pour ccttc raison le protévangile, a été donnée par Dieu lui-même au paradis terrestre à Adam et à Ève immédiatement après leur péché. Elle est contenue dans la mystérieuse sentence portée contre le serpent séducteur. Après s'être adressé directement ά l’animal visible, qui avait servi d'in­ strument au démon, voir t. v, col. 1649, ct lui avoir infligé une punition, appropriée ù sa nature, 14, Dieu vise l’être invisible ct mauvais, qui s’était caché sous les apparences du serpent et qui avait été le véritable tentateur. Il lui dit : « J'établirai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance ct sa descendance; celle-ci te brisera la tête ct tu lui briseras le talon, » 15. Parce que le démon a tenté la femme, Dieu mettra un jour, Il établira à l’avenir une inimitié, dont il est l'auteur ct qui est son œuvre, une inimitié morale, telle qu’elle peut exister entre deux êtres raisonnables, ennemis l'un dc l’autre. Num., xxxv, 21, 22; Ezcch., xxv, 15; xxxv, 5. 11 ne s’agit pas d’une simple antipathie ou d'une aversion naturelle, de l’horreur naturelle ct instinctive que les hommes éprouvent pour les serpents, comme i’ont entendu saint Éphrcm, In Genesim, dans Opéra syriace et latine, Rome, 1737, L i, p. 36, et saint Chrysostoine, In Genesim, homll. xvn, n. 7, P. G., L lui, col. 143, mais d’une inimitié spéciale ct surnaturelle entre In femme et le serpent tentateur. Sa nature ct scs ciïets seront décrits plus loin. Cette Inimitié sera établie par Dieu d'abord entre le serpent ct la femme. La femme dont il est ici question, ce n’est pas le sext féminin en général, quoique l’expression hébraïque employée puisse ovoir ce sens; c'est une femme déterminée, dont la détermination est fixée par l'article hébraïque. Or, dans tout le récit biblique il n'a encore été parlé que d'une femme, à savoir. Ève, la femme tentée par le serpent, comme le serpent lui-même est le serpent tentateur. D’ailleurs, il n'y a pas d'aversion spéciale, établie par Dieu, entre le démon ct le sexe faible. D'autre part. Dieu ne vise pas. directement au moins, une femme future, une autre Ève, la femme par excellence, la mère du 1209 GENESE Messie, puisqu'il n'a pas encore nommé le Messie. Cependant ccttc inimitié, Dieu l’établira aussi entre h descendance du serpent ct celle dc la femme. Comme ccttc inimitié est d'ordre moral, il faut exclure la postérité dc l'animal, dont le serpent tentateur a pris les apparences. Appliquée au démon, l’expres­ sion « descendance » est nécessairement métaphorique. Les anciens commentateurs l'ont entendue, ou bien des hommes mauvais comme le démon, ou bien des mauvaises pensées que le démon suggère aux hommes. Procopc de Gaza, In Genesim, P. G., t. lxxxvii, col. 205; S. Isidore de Séville, Quirst. in Gen., c. v, n. 5, P. L., t. lxxxiii, col. 221 ; Angclommc, Comment, in Gen., P. L., t. cxv, col. 141; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, P. L., L cxm, col. 95; S. Bruno d'Asti, Expositio in Genesim, P. L., L clxiv, col. 169. Raban Maur, Comment, in Genesim, 1. I, c. xvm, P. L., L cvii, col. 495, ct Hugues dc Saint-Victor, Adrwtationes elucidatoriæ in Genesim, P. L., L clxxv, col. 42, ont reconnu dans la descendance du serpent les démons. Alcuin y avait vu le péché originel, Interrogationes et responsiones in Genesim, int. lxxvi, P. L., t. c, col. 52-1, ct Rcmi d’Auxerre l’entendait des œuvres d’iniquité, commises par les hommes. Comment, in Gen., P. L., L cxxxi, col. 66. En vertu du parallélisme rigoureux qui existe entre la descen­ dance du serpent ct celle dc la femme, tous ccs com­ mentateurs ont donné à celle-ci une signification collective ct l’ont entendue soit du genre humain tout entier, qui descend directement d'Èvc (Alcuin, Raban Maur, Angclomme, Hugues dc Saint-Victor), soit des élus ou des chrétiens (Raban Maur, S. Bruno d'Asti), soit des bonnes œuvres produites par l’esprit (S. Isidore dc Séville, Rcmi d'Auxerre), soit des Institutions divines, les saintes disciplines (Procopc de Gaza). Ccttc inimitié aboutira à une lutte, que le texte hébreu décrit autrement que ne le fait la Vulgate. La version latine, après les Septante, attribue la victoire à la femme : Ipsa conteret caput tuum; le texte original la rapporte A la descendance dc la femme. Or, tous les manuscrits hébreux, sauf trois, les autres versions anciennes, tous les Pères grecs ct la plupart des latins ont un pronom masculin : ipse. Le premier verbe hébreu est d’ailleurs ù la troisième personne du masculin, ct le pronom suffixe du second verbe est aussi du masculin. Le pronom H’n sc rapporte donc à τ * î ct non pas ή hvn. Le leçon latine est donc fautive, ct on l’explique généralement par une erreur dc copiste. D'autre part, dans le texte hébreu, la lutte est exprimée par le même verbe répété dans les deux membres dc la phrase. La signification dc ce verbe a été discutée. En dehors dc ce passage, il ne sc rencontre dans la Bible que deux autres fois, Job, ix, 7; Ps. cxxxix. 11. Son emploi dans Job permet dc lui donner le sens dc briser; cependant on lui donne plus généralement le sens d'observer pour tendre des embûches. Ccttc dernière signification n été adoptée par les Septante, par les Pères grecs qui les ont cités ct par Onkclos. Quoique saint Jérôme, Liber quasi. hebraic. in Genesim, P. L., t. xxii, col. 943, préférât la signification : conterere, il a traduit le second verbe par insidiaberis. Si on prend les deux verbes dans ce dernier sens, les combattants s’observent, s'épient et s'apprêtent à s’attaquer conformément A leur nature. La race dc la femme, qui attaque le serpent, car c’cst lui, ct non pas sa race, qui est attaqué, cherche A lui écraser la tête, la partie du corps par laquelle les hommes cherchent A tuer le serpent; mais celui-ci, qui rampe sur la terre, vise le talon dc l’homme ct cherche A le mordre. La race dc la femme brisera donc un jour la tête du serpent. L’expression, appliquée au démon, est évidemment métaphorique Or, dans 1210 l’Écriture, briser la tête dc quelqu'un, c'est briser scs forces, sa puissance, le rendre incapable dc nuire, le vaincre. Amos, n. 7; Ps. lxvh, 22; crx, 6. La postérité de la femme brisera donc la puissance dc Satan, soit en détruisant les suggestions mauvaises qu'il suggère, lorsqu'on est attentif ct sur scs gardes, en y résistant dès le début dc la tentation, Procopc dc Gaza, loc. cil., col. 208; S. Isidore de Séville, foc. cit.; Alcuin, inter, lxxvh; S. Bruno d'Asti, loc. ciL; Jacques dc Saroug, In Genesim, dans les Opera syriace et latine de S. Éphrem, L i,p. 111. soit par la résistance que l’Église fait aux embûches du démon (Raban Maur, Rcmi d’Auxerre). Dc son côté, le démon, écrasé sous le talon dc son adversaire, l'attaque au seul endroit du corps qu’il puisse atteindre encore, en le mordant au talon. Plusieurs des commentateurs cités ont vu dans le talon des hommes, attaqué par le diable, la fin de leur vie, quand le démon redouble d’attaques et d'embûches pour les perdre et les empêcher dc persévérer dans le bien jusqu’au bout, mais dont ils triompheront, s’ils sont attentifs et s'ils veillent (Alcuin. Angelommc, Rcmi d’Auxerre, Hugues de Saint-Victor). Le diable, en marchant de travers, cherche à mordre l’Église au talon, pour la faire tomber. S. Bruno d’Asti, loc. cit. Dans cette Interprétation, la signification messianique du pro­ tévangile est très atténuée. Dieu, en punissant le serpent tentateur, lui prédit que les hommes triom­ pheront dc scs embûches ct finalement remporteront la victoire sur lui. Sa tète sera écrasée sous leur talon, qui, tout au plus, aura été mordu par cet adversaire dc leur salut. Saint Augustin. De Genesi contra manichæos, 1. Il, c. xvm, P. L., t. xxxnr, coL 210, cl saint Grégoire le Grand, Moral, in Job, I. I, c. xxxvt, n. 53, P. L., t. lxxv, col. 552, ont aussi entendu ccttc promesse divine dc la lutte des hommes avec le serpent infernal ct dc leur triomphe par leurs bonnes œuvres sur les perverses suggestions dc Satan. Cependant, d’autres commentateurs ont accentué davantage, quoique à des degrés différents, le carac­ tère messianique dc ce passage dc la Genèse. Les targums d’Onkelos ct dc Jérusalem en avaient re­ connu la signification messianique générale. Clément d'Alexandrie y avait vu seulement l’annonce pro­ phétique du salut dc l'humanité. Cohortatio ad gentes, i, P. G., L vm, col. 64. Dans un sens très précis, plusieurs Pères ont reconnu dans la femme, figurée par Ève, la mère du Messie, qui écrasera de son talon la tête du serpent infernal. S. Justin, Dialogus cum Tryphone. 100, P. G., t. vt, col. 709-712; S. Irénée, Cont.har., 1. III, c. χχιιι,η. 7;1. V,c. xix.n. l;c. xxi, n. LP. G., t. vu, col. 964, 1175-1176, 1179; S. Cyprien, Teslirn. adversus Judiros. I. II, c. ix, P. L., t iv, col. 704; S. Épiphane, liter., lxxvh, 18. 19, P. C., t. xi.n, col. 729; pscudo-Jérôme, Epist., vi. ad amicum devotum de mro per/cclo, P. L., t. xxx, col. 82-83; S. Léon le Grand, Serm., xxn, P. L., t. lîv, col. 729: S. Isidore dc Pélusc, Epist., 1. I, epist. ccccxxvi, P. G., L lxxvin. col. 417; pseudo-Bède, Qurvsdones super Genesim, P. L., t. xcur, col. 282; S. Fulbert dc Chartres, Serm., iv, de nativitate E. Virginis, P. L., t. cxli, col. 320-321; S. Bernard, Homil., n, super Missus est, n. 4. P. L., t. clxxxiii, col. 63. Saint Isidore dc Séville ajoute cette interprétation A celle que nous avons rapportée plus haut Quiest. in Genesim, c. v, n. 6, 7. P. L.. t. lxxxiii, col. 221. Raban Maur la signale comme soutenue par quelques-uns. Loc. cit. Angclommc termine l’interprétation précédente par ccs mots : Potest etiam et de beata Alaria üirgine, ex qua natus est Dominus, non incongrue accipi. Loc. cit. Saint Jérôme reconnaît dans la descendance de la femme A la fois les hommes qui marchent sur les serpents et Dominus conteret Salariam sub pedibus 1211 GENÈSE noi/r/4 wtfxtter. Liber hebralc, quteit. In Gen., P, L., L XXIII, col 043, Rupert de Douta volt dans celte descendance le Christ lul-méine. hi Gen,, I. Ill, c xx, P L , L (xxxvii» col. 306, S'appuyant sur ers Interprétation· r! le» dépannant, plusieurs exégètes modernes ont entendu la · descen­ dance · de la femme d'un< rejeton · unique, lo Messie. Lorsque r 2.’ u acnn collectif, lr pronom qui s’y rapporta se inet régulièrement au pluriel, ainsi qu’on le constate· Grn , xv, 13; xvn. H, 0, rtc. Λ cette règle on n'a trouvé que trois exceptions. Gen., xvi, 10; xvn, 17; xxiv, 60, Or le pronom est Ici nu singulier, l.< nom désigne donc un rejeton spécial, déterminé, comme ailleurs, Gen., iv, 26; Il Reg., vu, 12, 13; I Par., xvn, 11, 12. C'est donc lui (ou su mère pur lui) qui écrasera lu tête du serpent Infernal, tandis que rclul-cl cherchera A le mordre nu talon. La victoire définitive a été remportée sur le diable par le fils éni, comme Chanann avait été maudit directement Or, au lieu dc bénir son fils· Noé bénit Dieu : · Béni soit Jéhovah, ΓElohim de Sem I Que Chammn soit son cm lave I · Jéhovah, l'étre suprême, voir I. iv, col. 956-057, le Dieu de lu révélation, de la grâce ct du salut, est dit l'Elohim dc Srm. (7<*st lu première fols que Dieu est nommé l’Elohim d'un homme, ct cet honneur a échu A Srm. Plus lard, Jéhovah sc nommera lui-même l'Elohim d’Abraham, d'Isaac cl dc Jacob. Gen., xxvni, 13; Exod.f tu, 6. Celte dénomination exprime les rapports tout s|)écluux de Jéhovah avec ccs patriarche», dont II est l'Elohim : H est leur Dieu, (did de leur famille; Il n contracté avec eux cl avec luur postérité une alliance perpéim llr; il l< ur a promis A eux mêrm n et A leurs descen­ dants des bénédictions particulières d’ordre A la fols temporel et spirituel. Ccs bénédictions ne sont qu’uno Conséquence «le celle qui rst adressée Imllrcctcmenl pur Noé A son Dis Sem. SI dofic Jéhovah est dit l'Elohim dc Sem, cela slgnilir qu'il aura comme apanage d'avoir, lui el sa race, de· relations spéciales avec Jéhovah, qui sera son Elohlm ou son Dieu. La véritable religion A l'égard du vrai Dieu, Jéhovah, se conservera donc toujours dans la race de Sem. C'tst de relit race que viendra le salut, promis A l’humanité pécheresse, c'est d'elle que naîtra le rédempteur, qui triomphera définitivement du serpent Infernal, Tel est le sort dc la postérité de Sem «huis l'ordre religieux et spirituel. Théodorrt, Omeit. In Grn,. q. I.VIH, P, G , ( nxxx, col. 104 Dans l’ordre temporel rt politique· Chanaan sera son esclave. La bénédiction spirituelle, est la première. Ct. Dtclton· nuire dr ta llitde, I ·., col. 113 114 Juphrt, au contraire· reçoit d'abord une bénédiction trmpoirllc, exprimée dans le texte hébreu par une belle pnronomase Qu’Elohim (cl non plus Jéhovah) dilate Japhct, «lonl le nom signifie : « dilatant ·. Noé ojouh «Qu'il habite dans les tentes de Sem I· Quelque· «omim nlatcur » pensent qu'Elohlm C4t encore le sujet do ccttc phrase· ér0 se prosterneront devant toi. U. Juda ml un lion· eau. Apres avoir pillé, mon 01», lu ·· remonté t Il a plié le genou, Il s'est accroupi comme un lion et (comme une lionne; Qui Irait le fuir· lever 7 10. Le sceptre ne sortira pet aura plus de chef en Juda Λ la venue du Christ. I Donc qtuedam ad Judam referuntur et l'explication doit être tantôt historique et tantôt mystique. Juda est loué, parce que de lui sont sortis des rois et le | DICT. DK ItUOL. CATHOL· 1218 Christ; c’est un lion que personne n'ose déloger. Au sens mystique, il est dit que le Christ naîtra d’une vierge et qu’il mourra sur la croix. La qiuc reposita sunl sc rapportent manifestement â Juda et signi(lent les récompenses qu’il recevra au jugement dernier. La première partie du verset il parle proprie ri singulariter de Christo, qui réunit à sa vigne les Juifs et les gentils. Mais la seconde partie de ce verset se rapporte uniquement à l’histoire, et c'est au sens mystique seulement qu’il est question de l'Église, lavée dans le sang de Jésus-Christ. Le verset 12 exige une interprétation spirituelle : les yeux représentent les savants qui ont bu le vin de la doctrine, et les dents blanches, la candeur et la pureté de l’Église, De benedictionibus patriarcharum libri duo, préL, et 1. I, n. 1-15, P. L., l. xxi, col. 295-307. Selon le P. Moretus, op. cit.. p. 12-21, la xvn* homélie d’Origène In Genesim, n. 4-9, P. G..L xu, col. 256-262, est identique à l’explication de Rufin, et il est vrai­ semblable que celle-ci a été jointe comme xvn· aux seize homélies d’Origène sur la Genèse que Rufin avait traduites en latin. De fait, les deux textes donnent la même interprétation. IxDe benedictionibus patriarcharum libellus, attribué à Paulin de Milan, â tort selon le P. Moretus, op. cit., p. 22-29, mêle aussi l'interprétation historique et l’interprétation mystique ou typique. Les versets 810 sont entendus de Juda à la lettre et du Christ au sens mystique, tandis que les deux derniers, il cl 12, sont appliqués exclusivement au Christ. Les yeux figu­ rent les dons du Saint-Esprit, et les dents, les pré­ dicateurs du Nouveau Testament, le lait étant la doctrine du Nouveau Testament, c. ni, n. 6-9. P. L., L xx, col. 720-723. Dans son écrit Contra Faustum manichaum, I. XII, n. 42, P. L., L xu, coL 275-277; Corpus de Vienne, 1891, L xxv, p. 367-370, saint Augustin se demande cc que Jacob a dit de son fils Juda. dont le Christ est Issu secundum carnem. Or, il déclare que la bénédiction serait fausse si elle ne s'appliquait pas clairement au Christ. C’est du Christ qu’il est dit que ses frères l’ont loué; c’est lui qui a étendu scs moins sur le dos de ses ennemis; ses adversaires sont tombés à ses pieds. 11 est devenu parvulus à sa naissance; i) est monté i sur la croix, où il s’est endormi, et il est ressuscité. Les princes de la famille de Juda ont existé jusqu’à cc que les anciennes promesses aient été réalisées en leur temps. Hciode a été le premier étranger qui ait régné sur Juda. Le Christ a lié son peuple â sa vigne, en lui prêchant la pénitence; l’ânon, attaché aux rameaux, est le peuple des gentils. Le Christ a lavé les pécheurs dans son sang. Les yeux brillants de vin sont les hommes spirituels, ravis en extase, et les dents ! représentent les enfants nourris du lait de la doctrine, i Dans son De civitate Dei, L XVI, c. xli, P. L., t. xu, col. 519-520; Corpus de Vienne, 1900, L xl, p. 198-199, l'évêque d’HIppone, parlant du même sujet, renvoie I â son traité précédent. Le sommeil du lionceau est la mort du Christ, qui a été suivie de la résurrection. Son vêtement est l'Église lavée dans les eaux du baptême. Les autres traits de la prophétie sont expliqués comme précédemment Avec saint Isidore de Séville, commence la série des compilations des explications antérieures. Pour la béné­ diction de Juda, 11 emprunte à saint Augustin, â Rufin et â saint Ambroise. Il entend tout du Christ, sauf le verset 10, qui manifestement concerne Juda.Quadiones in V. T. In Genesim, c. xxxt, n. 14-29, P L., L lxxxiii, col. 278-281. Les commentaires, faussement attribués ù saint Eucher et â Bèdc et qui sont postérieurs au vi· siècle, sont des compilations du mémo genre, des sortes de chaînes, qui mettent bout â bout diverses explications. Le pseudu-Bède Indique même les noms VL — 39 1219 GENÈSE des Pères, dont 11 utilise les œuvres. Pour le premier, Commentarii in Genesim in 1res libros distributi, P. L., t L, col. 1039-1041, et pour le second, Quxsliones super Genesim, P. L, t. xcui, col. 357-359. Ils se ressemblent, ils dépendent surtout de saint Jérôme ct de saint Isidore, mais ils sont indépendants l’un de l'autre. Le pscudo-Euchcr a utilisé Grégoire d’ElvIre. Le vénérable Béde emprunte son commentaire à saint Jérôme pour l’interprétation historique et à saint Isidore pour l’explication spirituelle. In Pcnla· leu· hum commentarii, c. xlviiï-l» P. L·, t. xa, col. 275-279. Le commentaire d’Alcuin sur la bénédiction des patriarches n été édité comme un traité spécial, attri­ bué souvent à tort soit ii saint Jérôme, P. L·, t xxiii, col. 1309-1310 (pour Juda), soit à saint Augustin, Λ L., L xxxv, col. 2201 (pour Juda), ou bien comme formant une question de ses Interrogationes et responionrs in Genesim, q. ccxxxi, P. L., t. c, col. 562564; Il joint à l’explication historique ct littérale l’in­ terprétation spirituelle, mais il dépend entièrement de Bède. Voir Moretus, op. cit., p. 40-45. Un traité inédit, conservé dans un manuscrit de la seconde moitié du xn· siècle â l’évêché de Portsmouth, ayant appartenu à l’abbaye de Reading ct écrit peutêtre en Angleterre, a pour titre : Liber Rodberll abbatis De benedictionibus patriarcharum. C’est un ouvrage du ix· siècle, qui doit avoir été composé par saint Paschasc Radbert. Or, Il est tributaire de saint Am­ broise, de Rufin et de saint Isidore. P. Blanchard, Un traité De benedictionibus patriarcharum de Paschase Radbert? dans la Revue bénédictine, 1911, p. 425-432. Les commentateurs de la Genèse, du ix· au xn· siè­ cle, dépendent tous â des degrés divers de leurs devanclcis. Walafrld Strabon ne donne que l’explication historique ct copie saint Jérôme. Glossa ordinaria. In Genesim, P. L., t. cxm, coi. 178. Raban Maur applique la prophetic tout entière au Christ, en réunissant diverses Interprétations (saint Ambroise, Ru On, saint Jérôme). Commentarii in Genesim. 1. IV, c. xv, P. L., t. cvn, col. 659-660. Angelomme suit principalement saint Jérôme. Commentarius in Genesim, P. L., t. cxv, col. 233-234. Saint Bruno d’Asti distingue l’interprétation littérale de l’explication spirituelle. Il entend la lettre de la tribu de Juda. qui fournira des rois, sera conquérante ct sc reposera après scs combats. Le verset 10 annonce manifestement l’époque de la venue du Christ. L’explication spirituelle concerne le Christ. Expositio in Genesim, P. L., t. ci.xiv, col. 226-227. Rerny d’Auxerre entend les versets 8 ct 9 de David selon la lettre ct du Christ spirituellement. Le verset 10 annonce l’époque de la venue du Messie, à qui conviennent exclusivement les verset* 11 ct 12. Comment, in Genesim, P. L., t. cxxxi, col. 126-127. Rupert de Deutz revient à l’application de ia prophétie entière nu Christ. Il a connu Grégoire d’Elvirc. Comment, in Genesim, 1. IX, c. xxvm-xxx, P. L., t. CL xvn, col. 552-555 Hugues de Saint-Victor, au contraire, ne donne que l’explica­ tion historique ct il a des traits originaux. La compa­ raison de Juda avec le lion est une métaphore, qui signifie qu’on n’ose pas le déranger. Il ht : Donec veniat Silo, ct II l’entend de la localité de Silo, où Saül est senu, pour en conclure qu’à partir de Saül Juda aura la principauté ct que les I iébreux auront con(lance en lui. Les versets 11 ct 12 annoncent la fertilité de son territoire. Adnotat tones elucidutorix in Genesim, P L., L clxxv, col. 59. Cf. A. Posnanshl, Shiloh. Brster Teil. Die Aul/assung von Genesis, χι.ιχ, 10, in Alierfum bis :um Ende des MltkMters, Leipzig. 1904. Nous ne poursuivrons pas nos recherches dans les commentateurs postérieurs. Denys le Chartreux applique encore au Christ toutes les métaphores de 1220 la prophétie ct II entend de Juda le seul vend 10, qui annonce l’époque de la venue du Christ Comment, in Genesim, dans Opera, Montreuil. 1896, t. i, p, 441446. Corneille de la Pierre n’applique plus la prophétie entière au Christ qu’au sens allégorique. Comment, in Genesim, Paris, 1859, t. i, p. 394-103. Calmet déve­ loppe aussi surtout l explication historique. Com­ mentaire littéral. 3· édit., Paris, 1724, t. i, p. 334-338. C est le sens unique, auquel s’arrêtent les commenta­ teurs catholiques du xix· siècle, qui laissent de plus en plus de côté les applications messianiques pure­ ment allégoriques. Il nous reste à exposer brièvement cette explication. 2° Interprétation moderne. — La bénédiction de Juda. comme celle de ses frères, s’adresse directement à lui; c’est lui qui est interpellé. Jacob joue ensuite sur le nom de Juda, qui signifie < louer, glorifier », et, comme des noms de ses autres fils encore, il tire un présage de sa grandeur future. Scs frères le loueront, les autres tribus d’Israèl glorifieront celle de Juda ct sc prosterneront à scs pieds, parce qu’il sera fort et puissant; ils reconnaîtront sa suprématie et choisiront dans sa race leurs rois, comme ses ennemis eux-mêmes seront subjugués par lui. Il est, en effet, un lionceau qui quitte sa tanière, les montagnes de sa tribu, pour aller déchirer sa proie ct qui, le carnage accompli, remonte dans son repaire et s’y accroupit dans un repos qui accroît sa force. La répétition de l’image : « comme un lion, comme une lionne » ne fait que donner plus de force à la comparaison. La tribu de Juda, victorieuse de ses ennemis, une fois installée sur son territoire, n’en sera plus délogée : qui oserait réveiller cc lion au repos ? La prophétie messianique se trouve au verset 10, qui annonce l’époque de la venue du Messie. La pre­ mière partie est claire : Le sceptre ne sortira pas de Juda. ni le bâton de commandement d’entre ses pieds. Le sceptre est le symbole de la puissance royale. Jacob annonce donc que la tribu de Juda donnera des rois à sa postérité. Le mot hébreu çpo signifie « législalatcur ·, mais aussi < bâton ». Num., xxî, 18. On a adopté l’un ou l’autre des deux sens; mais le parallé­ lisme avec · sceptre » exige le second. Il s’agit dès lors du bâton de commandement, que les chefs de tribu placent entre leurs pieds comme signe de leur pouvoir. Le* traducteurs qui ont accepté le sens de «législateur» ou un sens analogue ont entendu les termes « d’entre scs pieds » comme une métaphore euphémistique pour désigner la génération, ct par suite la race. La seconde partie du verset est difficile à expliquer à cause du terme hébreu n5»e, que le* anciennes versions ont rendu différemment ct que les exégètes modernes comprennent dans des sens divers. Avec le P. La­ grange, on peut ramener tous les systèmes d’inter­ prétation à trois : 1. Il s’agirait d’une circonstance qui devait marquer l’arrivée de la tribu de Juda sur son territoire : il y serait arrivé · pacifique » ou « en paix », étant pour mbtf ou Mais celte interprétation ne convient pas au contexte : Juda est déjà au repos, ct on ne voit pas pourquoi U perdrait le sceptre après avoir terminé scs victoires. 2. fl s'agirait d’un lieu où Juda arriverait avec une gloire spéciale. Le texte massorétique semble l’avoir compris ainsi ct l’avoir entendu de Silo. C'est le sens adopté par Hugues de Saint-Victor. Voir plus haut. Mais la tribu de Juda n’a jamais été en cc lieu, ct 11 ne peut être question du séjour de l’arche à Silo. Jud., xvm, 31; I Reg., i, 3; π, 12 sq. Quelques com­ mentateurs remplacent Silo par Salem ou Jérusalem Mais rien n’autorise cette conjecture, et on ne voit pas pourquoi le nom de Salem aurait disparu du texte hébreu. 3. Il s’agit d’une personne. Quelques-uns 1 ont vu dans signifiant « pacifique », un titre 1221 GENÈSE — GENGELL 1222 s’être fait recevoir docteur en droit, il fut ordonné da Messie. Cc nom convient bien nu Messie, 11 est prêtre. Professeur de théologie morale au séminaire ml; mais aucun Père de l’Église n’a eu connaissance d’Aix, il composa, à la demande de Le Camus, évêque de celte interpretation. Puisqu’il est question d’un de Grenoble, une Théologie morale ou solution des cas sceptre cl d’une personne à qui Ton obéira, il faut qu’entre les deux la personne qui recevra ce sceptre de conscience selon Γ Écriture sainte, les canons et les saints Peres. 8 in-12, Pans, 1670. L’auteur s’y montre soit mentionnée. Toutes les anciennes versions l'ont ainsi compris, quoique diversement. Sauf saint Jérôme, casuistc sévère, trop rigide même, au jugement de plusieurs évêques de France et de la faculté de théo­ qui n lu l’hébreu autrement que les autres traducteurs et qui a traduit : qui mittendus est. · celui qui doit logie de Louvain, qui le censura le 10 mars 1703. Contre venir » (un des noms du Messie), voir E. Seydl, dnns cet ouvrage parut, sous le pseudonyme J. Remonde : Der Katholik.WW, L i, p. 159-163, les anciens ont lu Remarques sur un liore intitulé : Théologie morale. gta et Ils ont divisé ce mot en deux : le pronom 2 ln-12, Avignon, 1678; mais cet écrit fut mis à l’index par un décret du 13 mars 1679 et l’évêque de Grenoble relatif v, « qui, que · ct *5» < à lui », qui peut le censura dans un synode tenu le 19 avril 1679. s’écrire n'h ou nh. Ils ont donc traduit : « Jusqu’à L’ouvrage de Fr. Genet eut un bon nombre d’éditions cc que vienne celui auquel (le sceptre appartient) ». ct fut traduit en latin. Cette traduction, qui parut Cf. Ezecb.» xxî, 32 (heb.). Le sens est par suite que d’abord à Venise en 1702, fut dédiée au pape Clé­ le sceptre est tenu par Juda jusqu’à ce que vienne ment XL Pour se justifier contre les attaques l’auteur celui auquel 11 est destiné ct qui doit dominer les publia : Éclaircissements apologétiques de la morale peuples. Ce personnage, à qui le sceptre est réservé, chrétienne touchant le choix des opinions qu'on peut est un (Ils de Juda, qui le prendra pour régner sur les suivre en conscience, avec huit réflexions sur les nou­ païens; c'est le Messie qui devait avoir un empire velles remarques du sieur J. Remonde, ln-12, Paris, 1680. universel. 11 n’est donc pas nécessaire de dire avec Innocent XI nomma François Genet chanoine les anciens que le sceptre était sorti de Juda à la théologal d’Avignon, et, en 1685. évêque de Vaison. naissance du Messie, puisque celui-ci le reçoit de scs Ayant accueilli dans son diocèse les sœurs ou Filles ancêtres ct l’étend sur tous les peuples, dont il recevra de l’Enfance de Jésus, supprimées pour cause de l’obéissance. La prophétie messianique s’arrête là; Jansénisme par un arrêt de 1686, il fut arrêté le 29 sep­ elle annonce le règne messianique de Jésus-ChrisL tembre 1688, ct emprisonné au Pont-Saint-Esprit, Les versets 11 et 12 conviennent à Juda ct à sa puis à Nîmes, et enfin à l’île de Ré. Après de longs tribu ct célèbrent la fertilité de son territoire en vin mois, rendu à son diocèse, l’évêque de Vaison s’y ct en laiL Ce guerrier victorieux liera sa monture de signala par son zèle ct sa piété. Il mourut emporté combat au cep de vigne de son domaine, ct le vin y par un torrent qu’il voulut traverser en revenant de sera si commun qu’il pourra y laver scs vêtements faire une retraite à la chartreuse de Bonpas. couverts de la poussière de la bataille, en pressurant sa vendange. Le vin qu’il boira étincellera dans ses Gallia Christiana, in-fol., Paris, 1716. L I. coL 938; Dupin, yeux ou bien troublera son regard, ct scs dents seront Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du XVII· siècle blanches du lait que scs troupeaux lui fourniront part. IV·, in-8·. Ihiris. 1719, p. 435; Moréri. Dictionnaire en abondance. historique, 1759, t. v b. p. 131 ; Picot. Mémoires pour servir ά rhlstalre ecclésiastique pendant le XVI!!· siècle, in-8·, Paris L. Retake. Die Wetssagung Jacobs, Munster, 1849; 1853, t. î, p. 390; Hurter, Nomenclator, t. xv, col. 944-945. F.-X. Patrizl, Biblicarum quirstlonum decas, Home, 1877, B. Heprtedtze. p. 69-118; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12· édit, Paris, 2. GENET Jean-François, frère du précédent, 1906. t. î, p. 733-739; Λ. I.émnnn. Le sceptre de la tribu fut d'abord chanoine théologal de Notre-Dame des de Juda, Lyon, 1880; Ch. Trochon. Introduction générale Doms à Avignon et prieur de Saint-Gemme. Il devint aux prophètes. Paris, 1883. p. Lxxn-Lxxni; J. Corluy, ensuite archidiacre de Vaison ct il mourut en 1716. Il a Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand. 1884. L 1, p. 456publié : Cas de pratique touchant les sacrements et autres 4/4; Th. Lamy, dans le Dictionnaire apologétique de la fol catholique de Jnugey, Paris. 1889. col. 1624-1649; J.-H. Crematières importantes de morale et quelques autres cas de Mer, Im Genèse, Paris. 1889, p. 446-147; card. Melgnan, conscience semblables, in-12, 1710. Quelques bibliogra­ De VÊden ά Moise. Paris, 1895, p. 435-164; F. de Hummephes lui attribuent la version latine de la Théologie lauer. Commentarius tn Genesim, Paris, 1895, p. 592-597; morale de son frère, l’évêque de Vaison. J. Ijigrange, Im prophétie de Jacob, dnns la Revue biblique. 1898. t. vu, p. 530-532. 540; Fl. de Moor. Im bénédiction prophétique de Jacnb, Bruxelles, 1902; G. Hoberg. Die Genesis. 2· édit., Fribourg-cn-Brisgau. 1908, p. 441-444; M. Hetxcnaucr, Commentarius In librum Genesis. Gnu et Vienne. 1910, p. 659-665. E. Manoenot. GENESTI Jonn, théologien de l'ordre des célcstlns, né à la Chalsc-Dlcu en Auvergne, mort en 1652 au monastère de Verdclals. dans le diocèse de Bordeaux. Après quelques années passées dans la Compagnie de Jésus, où il eut à enseigner la philosophie ct la théologie, il entra à Lyon en 1645 dans l’ordre des célestins. Prédicateur de renom, 11 fut prieur des monastères de Mantes, dans l’ancien diocèse de Chartres, ct de Verdclals. I) est auteur d’un traité intitulé : Prolusio theologica de merito Christi pro reprobis juxta mentem divi Augustini. ln-8e, Paris, 1647. Moréri. Dictionnaire historique. In-fol., 1759, t. vb. p. 131; (dom François), Bibliothèque générale des écrivains de l'ordre de saint Benoît, t. x, p. 369, B. Heurtrbizb. 1. GENET François, évêque de Vaison, né à Avignon le 18 octobre 1640, mort le 17 octobre 1703. Après avoir enseigné la philosophie ct la théologie, et Feller, Dictionnaire historique, Paris. 1848, t. rv. p. 69; Picot, Mémoires pour servir d rhlstoirc ecclésiastique du XVIII· siècle, 3· édit.. Paris, 1853, t. t, p. 30; Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. xix, p. 874 ; Hurter, Nomenclator. 1910, t. xv, col. 944, note. E. Manoenot. GENGELL George, théologien polonais, né dnns la Grande Pologne le 7 avril 1651. admis au noviciat de la Compagnie de Jésus, à Calisz, le 4 septembre 1673, professa In philosophie, puis la théologie à Lemberg ct fut recteur îles collèges de faroslaw, de Cracovle et de Calisz. Doué d une Intelligence vive et souple et d’une remarquable puissance de travail, il consacra lo meilleur de sa vie à des travaux de controverse reli­ gieuse qui ont rendu son nom célèbre en Pologne, en Bohême ct en Autriche. Le luthéranisme, le zwinglia­ nisme, le calvinisme, le jansénisme et l’athéisme étudiés aux sources avec une patiente méthode, sont réfutés par leurs contradictions mêmes ct leurs erreurs matérielles en même temps que par la discussion vive, incisive, des principes élémentaires d· la foi chrétienne ou de la simple raison. Voici la liste de ses plus impor­ tants ouvrages: 1 · Defensio Aristotelis et suwphilosophie peripatetica: per enarrationem quinquaginta Lulherl pro- 1223 GENGELL - GENNADE 1224 religieux mourut au scolasticat de Louvain le 21 fé­ posdicnumopposiiarum Atistotell et suie philosophia- iravrier 1900, victime dont parlent les missionnaires catholiques et les ambassadeurs russes. Khakhanoff, Histoire de Géorgie, Paris, 1900, p. 61. La corruption des grands fut bientôt égalée par celle du clergé. Les catholicos eux-mêmes n’étaient plus qu'un jouet entre les mains des rois imposés au pays par les Turcs ou les Persans. Vers 1625, les habi­ tants de h principauté de Samtzkhé, dans la Géorgie occidentale, passèrent presque tous à l’islamisme qu’ils pratiquent encore aujourd'hui. Dubois de Monpéreux, Votjnge autour du Caucase, Paris, 1839, t. 1, p. 299. Un pea arant cette date, un certain nombre de catholiques 12G0 de la meme province, voyant que les Turcs ne persé­ cutaient pas les Arméniens parce que ceux-ci leur rendaient de grands services en leur servant d'espions, embrassèrent le rite arménien pour sc mettre à l’abri des vexations. Tamarall, op. cit., p. 478. Dans la Géorgie orientale, les Persans sc conduisaient à peu près de la même façon que les Turcs dnns la Géorgie occidentale. Abbas le Grand (1557-1628) surpassa tous les autres chahs par sa tyrannie ct sa haine contre les chrétiens. Un jour de Pâques, il massacra plu­ sieurs centaines de moines (5 000, s'il faut en croire les documents géorgiens) dans le monastère de SaintDavid de Garédja. Pour mieux ruiner la Géorgie, il déporta dans les différentes provinces de la Perse un million environ de chrétiens qui, petit à petit, perdirent leur foi pour embrasser l’islamisme (vers 1615). Archives de la Propagande, Persia, Giorgia, Mengretia e Tarlaria, t. ccix, p. 321; Pietro della Valle, Viaggi, Bologne, 1687, p. 198 sq. Parmi les martyrs les plus célèbres qui moururent victimes do la persécution d’Abbas, il faut citer le roi Louarsab (1623), Brosset, Histoire moderne de lu Géorgie, t. n, p. 51, cl la reine Kétévan de Kakhétle (1624), Archives de la Propa­ gande, Sentture n/eritc, Giorgia, t. i, p. 11, et le confesseur de ccttc reine, le moine Moïse. Figueroa D. Garcias de Silvia, I/ambassade en Perse, de 1617 à 1627, Parts, 1667, p. 134, 346. A partir de cette époque jusqu'au rattachement de la Géorgie à la Russie, nous ne connaissons plus guère l’Église de cc pays que par les relations qu’elle entretint avec les missionnaires latins. Un des catholicos qui ont le plus fait pour assurer l'union avec Rome, Antoine Ι·Γ (1744-1788), travailla d'abord â réformer le clergé ct le peuple. Dans un synode qui réunit tous les évêques de Karthlie ct de Kakhétie, il fit prendre les plus sages décisions pour améliorer les mœurs publiques, particuliérement en cc qui concerne les empêchements de mariage. Le zèle avec lequel il pro­ tégeait la mission catholique fut la cause de sa perte. A l’instigation du patriarche grec de Constantinople, Cyrille V, qui voyait d'un très mauvais œil toute tentative de rapprochement avec le monde catholique, le roi Tcïmouraz le destitua ct le chassa du pays, en 1755. Archives de la Propagande, Monte Caucaso, t. IV. p. 72. On lui donna pour successeur un certain Joseph (1755-1763), sous le pontificat duquel le roi Héracllus II réunit une assemblée d’évêques pour rétablir la discipline parmi le clergé. Le roi présenta onze articles de lois à l’assemblée qui les approuva à l'unanimité. La charte sc trouve au Musée ecclésias­ tique de Tiflis, sous le n. 866. Antoine Itr, réfugié en Russie, sembla oublier pendant son exil la faveur qu’il avait accordée au catholicisme, car il fit constamment profession de foi orthodoxe. Cependant il écrivit à la même époque un ouvrage sur le Miserere, dans lequel il sc prononce ouvertement pour la primauté du pape. Il revint en Géorgie à la mort du roi Téïmouraz, en 1781, ct occupa de nouveau le siège patriarcal jusqu’à sa mort, en 1788. Il fut le premier prélat géorgien à sc rapprocher de l’Église russe ct à en introduire les usages dans sa patrie. Cc zèle russophile lui valut même l’honneur de prendre place parmi les membres du saint-synode. Malgré ccttc conduite équivoque, il paraît cependant être toujours resté attaché à la fol catholique et les missionnaires latins nous affirment qu’il la confessa encore sur son lit de mort. Tamaratl, op. cit., p. 384. Très érudit lui-même, Antoine I·’ donna une grande impulsion aux études ecclésiastiques en rétablissant les séminaires ct les écoles. Son succes­ seur, Antoine II (1788-1811), fut le dernier catholicos que la Géorgie ait connu. XIIL La GftonoiB occidentale. — De bonne heure, la Géorgie occidentale, appelée aussi Colchide, 1261 GÉORGIE s'était détachée du royaume pour tonner plusieurs petite États, soumis d'abord aux Romains, puis aux empereurs byzantins. Elle prit alors le nom de Lazique, sous lequel on comprend toutes les tribus géorgiennes qui habitaient nu sud de i’ingour ct le long des côtes de la mer Noire. La seule marque de dépendance de ccs Étals vis-à-vis de la cour de Byzance était une espèce d’investiture que les basilcis accordaient aux nouveaux rois en leur envoyant les insignes de leur dignité. L'empire byzantin avait fait des habitants de ccs provinces des garde-frontière destinés à barrer la route aux envahisseurs. Les Perses virent dans la conquête de Lazique un moyen sûr d’atteindre plus facilement Constantinople. C’est pourquoi ils entre­ prirent contre les Byzantins une guerre longue ct acharnée, surtout à partir du règne de Justinien. Le Lazique resta néanmoins sous la dépendance de Constantinople jusqu'au commencement du x· siècle. A celte époque, il lit son union au royaume de Géorgie d’Abkhasie (Aphkhazétic en géorgien). Celle union dura pendant plus de cinq siècles, jusqu’au partage de la Géorgie entre les trois Ills d’Alexandre Ier (1442). De quel patriarcat dépendait l'Église du Lazique ? Au moins depuis 628. année qui marqua l’écrasement des Perses par Iléraclius, sinon plus tôt, la Géorgie occidentale fut soumise à la juridiction de Constan­ tinople. Dans une Notitia episcopatuum, composée vers G50 et publiée par Gclzcr, Ungedruckte und ungenûgend vcrûl/cnttichle Texte der Nutituc episco­ patuum, dans Abhandiungen der k bayer. Academie der Wissenscha/ten, Munich. 1900, p. 542 sq., le Lazi­ que forme une province ecclésiastique, dont le chef, le métropolite de Phasis, étend sa juridiction sur quatre sullragants, les évêques de Hhodopolis, de Saésines, de Pélré ct de Ziganes. On signale aussi dans la même liste un évêché autocéphalc en Abasgic. Nous ne savons pas combien de temps dura la juri­ diction de Constantinople sur celle province lointaine. En tout cas, le lien de dépendance n’existait plus au début du xe siècle. Dans une autre Notitia episco­ patuum de cette mémo époque, Gclzer, op. cit., p. 357, on trouve bien encore une province ecclesiastique portant le nom de Lazique, mais elle ne comprend pas des territoires vraiment géorgiens. La métropole, Trébizonde. commande à sept évêchés sullragants situés à peu près tous en Arménie. Les sièges indi­ qués vers 650 n'y figurent plus. Du x· siècle à la fin du χιν·, la Géorgie occidentale releva probablement du catholicos de Mtzkhéta. Mais en 1390 nous la voyons gouvernée par un catholicos particulier, du nom d’Arsène. Le domaine de cc dernier comprenait l’Aphkhazétic, c’est-à-dire l’imérélic. la Mlngrélle, le Gouria. le Samtzkhé, la Svanétic ct l’Aplikhazétic proprement dite. Le catholicos rési­ dait ordinairement à Bldchvinta ou Btunsta, dont l’église célèbre passait pour avoir été bâtie par l'apôtre saint André lui-même (I). L'origine de ce cathollcal de­ meure plus obscure que celle du catholicnt de Mtzkhéta. Il est impossible de trouver dans les documents qui nous restent do celte époque aucune indication ni sur la date de son érection, ni sur les circonstances qui l’ont accompagnée, ni sur le nombre des titulaires. La division politique de la Géorgie en plusieurs princi­ pautés ne semble pas avoir élé la cause principale de cette séparation ecclésiastique. TamnrnU, op. cil., p. 397. Il est probable que les patriarches d'Antioche regrettaient d’avoir reconnu l’autonomie à l’Église I géorgienne, surtout depuis que les conquêtes arabes avaient singulièrement amoindri leur puissance. On a des preuves certaines qu’ils cherchèrent à profiter des divisions qui existaient en Géorgie pour reprendre au moins une partie de leur juridiction ancienne. On peut citer, entre autres, des lettres adressées au catho­ 1262 licos de Mtzkhéta par des évêques du Samtzkhé, dans lesquelles ils avouent s'étre laissé entraîner par les émissaires grecs. Us promettent de ne plus en rece­ voir ct -ic ne plus même faire mention du patriarche d’Antioche à la liturgie. Jordania. Chroniques, L iv, p. 227, 265, 315. De même une charte de Dorothée, patriarche d'Antioche (1484-1523), adressée à Mzédchabouc. prince du Samtzkhé. fait les plus grands éloges de lui et des évêques de la région, tandis qu’elle traite d’impic ct d'infidèle le roi de Géorgie, ce qui semble indiquer une flatterie intéressée. Jordani a, op. cit., p. 316. Michel, patriarche d’Antioche, serait venu dans la Géorgie occidentale vers 1470 pour régler diffé­ rentes affaires ecclésiastiques. Il aurait aussi sacré le catholicos Joachim, qui n'est pas autrement connu. Jordania. op. cil., p. 294. Un autre patriarche d’An­ tioche, Macalre III (1643-1672), vint plusieurs fois en Géorgie au cours du xvn· siècle. Jordania, op. cit., p. 482. Le catholicos le plus célèbre de l’Aphkhazétic est Evdémon Tchkhétidzé, mort en 1605, auteur de vingttrois canons ecclésiastiques qui sont entrés dans le code géorgien compilé par le roi Vakhtang VI au xvm· siècle. Maladiic, qui était en même temps prince de Gouria, demanda au pape Urbain VIII des mis­ sionnaires ct les reçut avec faveur. Tamarali, op. cil., p. 401-403. Plusieurs de ses successeurs se montrèrent également très accueillants pour les missionnaires latins. Le dernier fut Maxime (1776-1795) qui mourut à Kiev, au cours d’une ambassade auprès de Cathe­ rine H pour lui demander du secours contre les Turcs. Maxime ne fut pas remplacé. XIV. Organisation de ι/Égeise géorgienne. Liste des évêchés. — La Géorgie conserva jusqu’à la fin de son indépendance un système politique ct social semblable sur beaucoup de points à celui de la féodalité occidentale. Le clergé formait un corps indé­ pendant cl privilégié, une société régie par scs propres lois. Le catholicas, chef spirituel du pays, les métro­ polites, les archevêques, les évêques, les archimandrites, les prêtres séculiers et les moines constituaient la hiérarchie ecclésiastique. Brosset, Histoire de la Géor­ gie, Introduction, Saint-Pétersbourg, 1859, p. lxxix. Gomme pour les autres classes de la société, tout dom­ mage commis au détriment d’un ecclésiastique était frappé d’une amende ou prix du sang, qui variait natu­ rellement suivant la dignité de la victime. Les tarifs n om pas changé du vin· au xvi· siècle. Les évêques sc mêlaient intimement à la vie nationale. Tout comme ceux dn moyen âge en Occident, ils accompagnaient les armées sur le champ de bataille et il est probable qu’ils tirèrent plus d’une fois l’épée. I c catholicos est reconnu · roi spirituel · du pas’s, Brosset, op. cit. Introduction, p. cix. dans les chartes royales et dans les différente articles du code Cela n'em­ pêchait pas les princes séculiers de le maltraiter, de le déposer ou de le chasser au gré de leur caprice. Ils donnaient même souvent sa charge à des personnages indignes, mais qui appartenaient soit à leur propre famille, soit à une famille noble dont ils voulaient sc concilier les faveurs. Les intérêts spirituels étaient né­ cessairement négligés par ces prélats de cour, plus occupés d’affaires temporelles, voire même militaires, que du soin des âmes. Le titre de · roi spirituel · n'était cependant pas un vain mot II donnait au catholicos une autorité réelle sur les citoyens et même sur l’année, nu temporel comme au spirituel. Brosset, op. cil.. Introduction, p. cx-cxii. Il ne semble pas que la Géorgie ail été divisée en provinces ecclésiastiques bien déterminées. Du moins, nous ne connaissons pas de document qui le prouve. Il est probable que les diocèses sc groupaient par pro­ vince civile, sans avoir eux-mêmes de limites exactes. GÉORGIE 1263 lui plupart des évêchés sc trouvaient dans les cam­ pagnes ou dans les montagnes, parce que la résidence de leurs titulaires était ordinairement dans les monas­ tères. Les évêques ct les évêchés tiraient leur nom du lieu de la résidence, ou du titre que portait l'église cathédrale. Le nombre des évêchés varia suivant les époques. Nous donnons ici la liste dressée au xvn* siè­ cle par un missionnaire théatin, le P. Λ. Lambcrli, qui séjourna en Géorgie de 1630 à 1649. Sacra storia det Colchi (Colchidesacra), Naples, 1657, p. 27-35. A l'époque où écrivait cct auteur, beaucoup de ccs évêchés avaient déjà disparu à la suite des multiples épreuves qu'avait subies la Géorgie. Géorgie orientale. Évêchés de la province de Karthlie. 1. Église patriarcale de Mtzkhéta. 2. ZalkéU. 3. laoiréli. 4. .ManélL 5. CoucouséU. 6. I*arnboukélil. 7. Actnléll. 8. Nakhidouréll. 0. Bonêli. 10. Sinbkavéll. 11. Tblléll (de Tlfib). 12. Mngnnéli. 13. (métropolitaine). 14. Gcrghitéll. 15. Snntainléli. 16. Nlcoséli. 17. Ourbnéli. 18. Nozouéli. 19. Rouéli. 20. ErtatsmindélL Évêchés de la province de Kakhétle. 1. Allaverdéll (archevêché). 11. Bodbéli. 2. Zédadznéll. 12. Lcrtéll. 3. DJvaréli. 13. Vanéll. 4. Samébéli. 14. ArimatéU. 5. Roustvéll. 15. Klziqéli. 6. Martkofélf. 16. Cabaléli. 7. CataUnéli. 17. Gaémntéll. R. Pouznaréll. 18. Ninotsmlndéll. 9. NécresséU. 19. Chéqéli. 10. Tchhirambéll. 20. VlglnéU. Éotchts de la province de Samtzkht. 1. Scaltéli. 11. Anéll. 2. Euphratéll. IX IchkhnéU. 3. Azibikéli. 13. Isplréli. 4. Angéli. 14. Artona. 5. Scatbéli. 15. IskméU. 6. Etbéli. 16. Ortéli. 7. Sunkaléll. 17. Arzéroumêli. 8. Matsqvréli. 18. KoumourdoélL. 9. Dadasnéli. 19. ErousmélL 10. CarélL Géorgie OCCIDENTALE. Évéchés de la province de Mlngrélte. 1. X 3. 4. 5. DandréU. Cagéll. Moqvéll. Bédléll. TzalcbélL 6. 7. 8. 9. 10. TchlpouriassêlL Khoféli. Obougéli. Tsqondidéll. Saalindjaqéll. Évêchés de la province d'Abkhasie. 1. Btsunta, résidence du ca­ tholicos de lu Géorgie occidentale. 2. DJikéli (archevêché). 3. Blnéli. 4. Anacopéll. Évêchés de la province de Gourta. 1. Schlamomcmédéll. X BlaétL 3. NlnotsmlndélL Il y avait donc en tout soixante-dix-sept évêchés en Géorgie. Peut-être le P. Lambert! en a-t-il omis qui avaient déjà disparu depuis longtemps. Remar­ quons en passant qu’il n'y avait pas moins de vingt- 1264 cinq églises cathédrales consacrées à la sainte Vierge, cc qui indique chez les Géorgiens une grande dévotion pour la Mère de Dieu. L'Église géorgienne possédait d'immenses richesses qui lui venaient des donations faites par les princes ou par les simples fidèles. Mouricr, L'art religieux au Caucase, Paris, 1887, p. 43. Ccs donations étaient presque toujours grevées de certaines charges, ordi­ nairement des messes ù dire ou des agapes à servir. On entend par agapes, en Géorgie, un repas que l'Église ou les fidèles doivent payer aux clercs, aux pauvres, aux passants, en un mot ù tous ceux qui sc présentent, en l’honneur des morts. Brossct, Histoire de la Géorgie, Introduction, p. exiv. Cette pratique, qui est proba­ blement d’origine païenne, est toujours en honneur ct cause la mine des familles. L’Église avait, tout comme l’État, des vassaux et aussi des serfs qui faisaient valoir scs propriétés. Brossct, op. cil., p. cxxvi. Scs richesses étaient considérables à la fin du xvm· siècle, malgré les malheurs du pays ct les pillages des grands, puisque le gouvernement russe lui a enlevé pour plus de 350 millions de francs d’immeubles. Issari, journal géorgien de Tillis, 1907, n. 110. XV. Le régime russe en Géorgie. L’exarchat. — Par le traité du 24 juillet 1783, conclu entre le roi Héraclius II ct l’impératrice Catherine II, le gouver­ nement russe s’engageait à maintenir sur le trône de Géorgie la dynastie régnante et à garantir l’indépen­ dance de l’Églisc nationale vis-à-vis du saint-synode de Pétcrsbourg. Dans un nouveau traité passé le 23 novembre 1799 entre le tsar Paul Ier ct le roi Georges XII, Ills d’Héraclius, il revenait déjà sur scs concessions. En effet, Georges XII devait abdiquer ct laisser la place à son fils David qui porterait le titre de régent de Géorgie, dignité qui devait sc trans­ mettre d'aîné en aîné à scs descendants. Rothiers, Itinéraire de Ti/Us d Constantinople, Bruxelles, 1829, p. 64-70. Or, dès le 18 janvier 1801, le tsar Alexandre Ier proclamait l'annexion pure ct simple de la Géorgie à l'empire russe. La Géorgie occidentale conserva encore pendant quelques années une autonomie illusoire, après quoi clic subit le sort des autres provinces. Nous n'avons pas à nous occuper ici de la manière brutale, coutumière aux Russes, avec laquelle s'opéra le chan­ gement de régime, ni des haines terribles que le gou­ vernement moscovite s'est attirées depuis plus d'un siècle par les vexations qu’il a infligées aux Géorgiens. Nous nous contenterons d'indiquer l’attitude qu’il prit vis-à-vis de l'Église. L’annexion de la Géorgie entraînait logiquement à ses yeux la disparition de la dignité de catholicos, dont l'existence semblait une injure nu saint-synode de Pétcrsbourg ct une grave atteinte portée à son auto­ rité. Pouvait-il, en effet, y avoir deux Églises ortho­ doxes dans l’empire des tsars ? C'est pourquoi l'em­ pereur Alexandre Ier écrivit au catholicos Antoine II, le 10 juin 1811, pour lui déclarer que l'Église géor­ gienne ne pouvait pas rester autonome et que sa dignité à lui n’avait plus aucune raison d'être depuis l'annexion. Il le priait en conséquence de sc rendre en Russie où il conserverait les honneurs dus à sa dignité, jouirait d'une pension convenable ct prendrait place parmi les membres du saint-synode. Tamarati, L'Église géorgienne, p. 384. Antoine II fut obligé de se rendre à ccttc invitation qui n’était qu'un ordre déguisé. Il mourut en Russie en 1828. Pour ne pas trop blesser la susceptibilité des Géorgiens, le gou­ vernement russe nomma d’abord un exarque indigène, Varlaam Erlstavi, pour succéder au catholicos. Six ans après, quand il vit son autorité fortement établie dans le pays, il jeta le masque ct remplaça Varlaam par un exarque russe, Théophylactc Roussanov (18171821). Depuis ccttc époque, l'Église géorgienne, incor- 1265 GÉORGIE 1266 poréc de force Λ l’Églisc ofllcicllc de Saint-Pétersbourg, Russie qui occupèrent bientôt les postes les plus a constamment été gouvernée par des exarques russes, importants. Ces immigrés, dont le saint-synode se dont nous donnerons la liste un peu plus loin. Bien servait pour arriver à ses fins de dénationalisation, qu’elle jouisse d’une organisation un peu spéciale, étaient loin d'avoir tous de hautes qualités. C'était elle n’est rien moins qu'autonome, comme on pourra parfois de véritables agents de police qui espionnaient s’en rendre compte en étudiant sa situation canoni­ les Géorgiens pour le compte du gouvernement de que. Saint-Pétersbourg. Leur zèle s’employa surtout à La réforme ne sc fit pas sans tiraillements. Un pre­ faire disparaître tout ce qui avait un caractère national mier réglement, élaboré en 1811 par l'exarque Varlaam géorgien, comme la langue et les usages particuliers. Erislavi ct le général Tornasov, gouverneur du Caucase, C’est ainsi que le staro-slave, langue liturgique des n’eut pas de succès ct fut remplacé par un autre en Russes, fut imposé dans les villes et dans les centres 1814» après la conquête de l’imérétie. L’Églisc géor­ un peu Importants. Tamarati, op. ciL, p. 385. Exarques gienne tout entière, comprenant les diocèses de la et simples prêtres acquirent en peu de temps des Géorgie proprement dite, de l’imérétie, de la Mingrélie fortunes scandaleuses, principalement en vendant les ct de la Gourie, était placée sous 1 autorité d’un seul biens d'Église, les riches ornements, les livres et vases exarque résidant ù Tiflis et assisté non d’un consistoire, précieux dont la piété des fidèles avait enrichi les mais d’un bureau synodal pour la Géorgie proprement églises et les monastères. On trouvera l’énumération de ccs pillages, d’après un journal géorgien, l’/jsnrf, dite, tandis qu’un consistoire était créé à Routais pour de Tiflis, n. 110, dans Tamarati, op. et/., p. 386-387. l’imérétie, la Mingrélie ct la Gouric. Il y avait cinq éparchics ct un vicariat. Tous les autres évêchés furent A lui seul, le gouvernement russe enleva a l’Église supprimés. Le bureau synodal entra en fonctions le géorgienne tous ses biens immeubles, d’une valeur 8 mai 1815. de 137 600 000 roubles, c’est-à-dire plus de 350millions Après trois ans d’expérience, on s’aperçut que la de francs. nouvelle organisation n’était pas viable et ne répon­ A maintes reprises, le clergé géorgien éleva la voix dait pas suffisamment aux vues bureaucratiques du pour défendre le bien des ûmes compromis par les pasteurs indignes que la · sainte Russie » envoyait de saint-synode. En 1818, Théophylactc Roussanov, pre­ plus en plus nombreux. Les plaintes qu’il adressait au mier exarque russe, sc chargea de rédiger un nouveau saint-synode restaient ordinairement sans réponse, à règlement qui établissait en Géorgie une seule éparchie moins qu’elles ne valussent toutes sortes de vexations portant les noms de Karthlie ct Kakhétie, ct donnait à leurs auteurs qu’on accusait de vues intéressées ou un évêque Λ chacune des autres provinces : Imérétic, d’entente avec les éléments révolutionnaires. En 1901, Mingrélie ct Gouric. Les évêques dépendaient direc­ tement de l’exarque qui résidait à Tiflis ct gouvernait à l’occasion du premier centenaire de l’annexion de la l’éparchie de Karthlie ct Kakhétie. En même temps, on Géorgie Λ l’empire russe, quatre évêques indigènes essaya d’introduire la procédure ecclésiastique pra­ virent dans cet le circonstance une occasion favorable tiquée en Russie. Jusquc-ΐά, on avait observé dans le pour obtenir quelque adoucissement au régime odieux pays des coutumes ecclésiastiques tout à fait patriar­ que subissait leur Église. Ils adressèrent un rapport au cales. Les curés étaient à la fois juges, conseillers, saint-synode pour lui demander l’institution d’une administrateurs ct propriétaires. D’après un usage chaire d'histoire ecclésiastique géorgienne à ΓAcadémie ancien, le prince de Mingrélie ct les seigneurs de la ecclésiastique de Saint-Pétersbourg. Le texte se trouve province se réunissaient chez le métropolite pour ! dans Tamarati, op. cil., p. 387. Cette requête, bien délibérer sur les alTaires de la principauté. La plupart I modeste cependant, n’obtint pas plus de succès que des évêques appartenaient aux familles seigneuriales les précédentes. Quatre ans plus tard, sous la pression ct administraient leurs diocèses sans recourir aux du mouvement révolutionnaire auquel la guerre mal­ complications d’une chancellerie bureaucratique. Une heureuse contre le Japon donnait une force plus taxe sur le clergé, quelques contributions prélevées grande, le gouvernement russe sc décida à publier, le sur la population par manière d’amendes judiciaires 17 avril 1905, le fameux « oukase de liberté », qui ct canoniques, sufllsblent à les faire vivre avec les accordait la liberté de conscience à tous les sujets de revenus des biens ecclésiastiques. Les prêtres étaient l’empire. En Géorgie, clergé, noblesse, peuple, tout le trop nombreux; un vi'lagc de cent foyers en comptait monde vit dans cct acte un encouragement à renou­ veler les revendications nationales. Le tsar et le saintjusqu’à huit. Ajoutez à cela que les moines employaient synode reçurent de multiples pétitions qui demandaient les nonnes comme servantes dans leurs couvents et le rétablissement de l’autonomie ecclésiastique pour que les évêques s’occupaient plus de ramasser les la Géorgie. Les nobles présentèrent, le 11 octobre 1905, impôts que de célébrer les ofllces liturgiques. S’il faut au vice-roi du Caucase une lettre collective réclamant en croire les rapports russes, un évêque officiait en la même faveur. Tamarati, op. cit., p. 393-395. L’espoir moyenne dix fois en trente ans ! On devine que les de tous fut trompé. Le gouvernement s’étant un peu projets de réformes de l’exarque ne pouvaient plaire raffermi, il fit la sourdc oreille. De son côté, le saintau clergé. Celui-ci se révolta el entraîna avec lui toute la population. On vit les ecclésiastiques s’enfuir avec i synode, pour tromper le public el pour gagner du les femmes ct les enfants dans les montagnes ct les I temps, confia l’étude de la question à une commission de vingt membres, qui étaient tous, sauf deux, des forêts, emportant tout le matériel du culte, tandis que les guerriers tenaient la campagne. Théophylactc, ' ennemis acharnés des Géorgiens. Les deux membres aidé des Cosaques, réussit Λ grand’peine à imposer scs ! favorables, deux Géorgiens, ne furent jamais convo­ qués aux séances, sinon pour entendre des paroles réformes dans la Géorgie. La Mingrélie, ΓImérétic ct la Gourio ne les acceptèrent que plus tard Λ la suite de j blessantes à l’égard de leur patrie. Comme il fallait s’y attendre, la commission conclut que le projet de réta­ répressions sanglantes. blissement d’une autonomie ecclésiastique en Géorgie Le saint-synode, fidèle Λ scs procédés de russifica­ tion, travailla méthodiquement Λ diminuer l’impor- | était absolument inacceptable. Les auteurs des péti­ tance de sa nouvelle acquisition. Après avoir réduit Λ i tions se virent traiter do rebelles par le saint-synode cinq les nombreux évêchés qui existaient encore au | ct plusieurs d’entre eux payèrent cher leur audace moment de l’annexion (une trentaine environ), il I La première victime fut Mgr Kirion, ancien vicaire de éloigna les ecclésiastiques zélés, parce qu’il les soup­ l’exarque, inculpé de délits imaginaires inventés par çonnait de nourrir de l’antipathie contre le régime la police impériale. 11 fut envoyé d’abord en Russie en russe, ct les remplaça par des ecclésiastiques venus de 1909, pub enfermé l’année suivante dans un monastère 1267 GÉORGIE de Crimée, qu'il n’avait pas encore reçu l’autorisation de quitter, au commencement dc 1914. L’exaspération des Géorgiens fut à son comble quand Ils virent sombrer l’espoir trop naïvement conçu d’une autonomie à la fols politique ct religieuse. L’action énergique des partis révolutionnaires amena bientôt des faits très graves. L’exarque Nicon fut assassiné cn 1908; le meurtrier, arrêté peu dc temps après, réussit à s’en­ fuir avec la connivcuce de la population ct à faire dis­ paraître toutes les pièces du procès. Le saint-synode attendit deux ans que les esprits fussent un peu calmés pour donner un successeur À Nicon. L’exarque Innocent, nommé en 1910, mourut subitement cn septembre 1913 ct fut remplacé dès le mois d’octobre suivant par Mgr Alexis, évêque de Tobolsk. Dc 1905 à 1914, plus dc 30 000 Géorgiens ont été condamnés pour crimes politiques. C’est dire que la répression russe a été terrible. XVI. Situation actuelle. — Le règlement dc 1818 n subi divers remaniements, qui ne présentent pas grand intérêt. L’organisation fondamentale est restée la même. L’Église géorgienne est gouvernée par un exarque soumis directement au saint-synode dc Petersbourg et assisté d’un bureau synodal dont il est le président de droit. Cc bureau comprend ordinaire­ ment cinq membres, dont un évêque, trois archiman­ drites et un archiprêtre. L’exarque, qui réside à Tlflls, porte les titres dc Karthllc ct Kakhélic, administre personnellement l’éparcbie de Géorgie ct a la haute surveillance sur les trois autres diocèses qui font partie de l’exarchat. Il est dc droit membre du saintsynode russe. L’éparcbie d’Imérétic (siège à Koutals), l’éparchlc de Gouric-Mingrélie (siègeà Potl)ct l’éparchic de Soukhoum (siège à Souhkoum-Kalé) sont les seuls diocèses suflragants de l’exarque. On a parlé dernière­ ment de distraire de I exarchat l’éparcbie dc Soukhoum, jugée assez russifiée, pouren faire un diocèse autonome, mais ce n’est là qu’un projet, dc sorte qu’aujourd’hul encore l’exarque dc Géorgie étend sa juridiction sur le territoire des six provinces ou gouvernements civils de Tiffls, Bakou. Erivan, Elisabclhpol, Koutals ct dc la mer Noire. C’est à lui que revient la haute direc­ tion des établissements ecclésiastiques, à lui qu’appar­ tient dc régler, soit par lui-même, soit par un recours au saint-synode ct à son procureur général, les conflits qui surgissent entre le haut et le bas clergé ou parmi le personnel des établissements ecclésiastiques. Notons aussi que l’évéquc russe dc Bakou, bien que son diocèse ne soit pas géorgien, prend une part active au gouver­ nement de l'exarchat. 11 assiste souvent aux délibé­ rations du bureau synodal, et c’est lui qui remplace l’exarque, cn cas d’absence ou dc mort. Comme dans les autres diocèses dc la Russie, on trouve dans l’exarchat géorgien, à côté des évêques proprement dits qui administrent un diocèse, plusieurs évêquesvicaires. L’éparcbie dc Géorgie (Karlhlie-Kakhétic) en compte deux, dont l’un porte le titre de Gori, ct l’autre celui d’Allaverdi. Ils aident l’exarque dans le gouver­ nement de son vaste diocèse. Par contre, les éparchies géorgiennes ne possèdent pas de consistoires; ils sont remplacés par des chancelleries. A ccs particularités près, l’administration dc ccs diocèses est calquée sur celle des autres diocèses dc l’empire russe. Deux séminaires, celui de Tiffls et celui dc KouUTs, pourvoient au recrutement du clergé. Le séminaire dc Tïfiis, fondé en 1817 par l’exarque Théophylacte Boussanov, comptait, cn 1902, 177 élèves, dont 52 n'appartenaient pas à la caste sacerdotale. Celui dc Koutals ne date que dc 1894. 11 a spécialement pour but de fournir des vocations ecclésiastiques à la Géorgie ne» identale. Il comptait, cn 1902, 200 élèves, dont 5* n appartenaient pas à la caste sacerdotale. Il faut noter celte proportion dc 28,7 0/0 de jeunes gens dont 1268 les parents ne sont point membres du clergé; dans le reste dc la Russie elle est in Uniment moindre. En dehors des séminaires, Il y a dans l’exarchat six écoles diocésaines dc garçons ct deux écoles diocésaines dc filles pour l’instruction des enfants des familles cléri­ cales. Les monastères existants sont au nombre dc 34, dont 27 d’hommes ct 7 dc femmes. Ils remontent pour la plupart à une haute antiquité, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Établis loin de toute habitation, ct d’accès peu facile, ils ne voient point affluer les aumônes des dévots pèlerins ct végètent dans une pauvreté voisine dc la misère. Citons panni les prin­ cipaux : 1° le monastère dc moniales dc Bodbissl, fondé au xn· siècle, près du tombeau dc sainte Nino, apôtre delà Géorgie; plusieurs fuis détruit et relevé, ce monastère ne remonte, dans sa forme actuelle, qu’à 1889; 2° le monastère d’hommes de Gaétat, en Imérctic. qui date du commencement du xn· siècle; 3® le monastère d’hommes de Saint-David Carédjéli, à Garédja, dans le voisinage dc Tiffls, fondé au vi· siècle par un des missionnaires venus dc Syrie; Il fut pendant longtemps un centre monastique très important, qui faisait la loi à onze autres couvents disséminés dans les environs; il conserve les tombeaux du fondateur saint David, ct dc son disciple, saint Dido; 4® le monastère d’hommes dc Kvarbtakct, placé sous le vocable de l’Assomption, fondé au x· ou au xn® siècle dans les environs dc Gori; 5° le monastère dc femmes de Mtzkhet-Samtavro, consacré à sainte Nino, ct dont l’église remonterait, s’il fallait cn croire les traditions locales, aux origines mêmes du christianisme en Géorgie; ccttc église servit dc cathédrale aux archevôques dc Samtavro jusqu’en 1811; 6° le monastère de la Transfiguration établi à Tiflis, où les moines dirigent une école paroissiale; 7° le monastère dc Bldchvinto près dc Soukhoum-Kalé, que les Russes appel­ lent le < Nouvel Athos. > En 1900, le personnel monastique comptait 1 379 membres, dont 1098 moines dans 27 couvents, ct 281 moniales, novices cn majorité, dans 7 mona­ stères. Les Géorgiens ne sont pas les seuls à peupler les 34 couvents de leur pays. Les Russes cn occupent un certain nombre ct forment même la majorité dc la population monastique. Les Géorgiens perdent de plus en plus le goût de la vie religieuse pour sc lancer dans les intrigues politiques. Pendant la période révo­ lutionnaire qui agita le pays de 1904 à 1910, les moines géorgiens maniaient, dit-on, plus volontiers la bombe que le psautier. En tout cas, par haine dc race, Russes ct Géorgiens habitent des monastères séparés. Le cou­ vent dc Bodbissl, qui renferme le tombeau dc sainte Nino. est depuis vingt-cinq ans entre les mains des Russes qui cn ont fait sauter la vieille église à la dyna­ mite cn 1889 pour cn rebâtir une nouvelle qui ne rappelât cn rien le glorieux passé de cc couvent. Cet acte dc vandalisme a justement irrité les Géorgiens. Quant nu clergé séculier ou clergé blanc, il compre­ nait. cn 1900, 62 archlprètrcs, 1 647 prêtres. 231 diacres, 1 805 clercs inférieurs, ayant tous un poste fixe, ct 3 archiprêtres, 68 prêtres, 8 diacres, ct 17 clercs infé­ rieurs, cn disponibilité. Les Russes entraient dans ces différents nombres dans la proportion d’un tiers environ. Cependant, ils ont une tendance marquée à s’attribuer les postes les plus Importants. Le nombre des paroisses était de 1 527, celui des églises dc 2 455, celui des chapelles privées dc 9. La population ortho­ doxe montait à 1 278 487 âmes, cn immense majorité de race géorgienne, ainsi réparties : 374 405 dans l’éparchic dc Géorgie (Karthllc-Kakhétlc), 478 290 dans celle d’Imérétic, 321 952 dans celle de GourleMingrélle, 103 750 dans celle dc Soukhoum. Les sectes étaient représentées par 50 000 membres, à peu près 1269 GÉORGIE tous d'origine russe, dont 32 000 aux seuls Molokans. On comptait 660 écoles paroissiales Instruisant 26 070 élèves, dont 7 201 filles, plus 13 écoles établies ù côté des monastères, avec 546 élèves. Ces chiffres donnés par les autorités russes sont fortement sujets à caution, parce que le saint-synode a tout intérêt à diminuer l’importance d'une Eglise qu'il n'arrive pas à russifier. Tous les Géorgiens que nous avons pu con­ sulter affirment qu'il y a nu moins 2 500 000 chré­ tiens dc leur race dans la région du Caucase. En 1913, il y avait 2 055 paroisses. Le gouvernement russe leur donnait 809 868 roubles (2 105 000 francs) dont 400 000 seulement aux paroisses géorgiennes qui sont au moins les deux tiers, et le reste aux paroisses russes. L'exarchat eut, pendant quelque temps, son périodi­ que, le « Messager ecclésiastique de Géorgie ·, qui parut tous les mois depuis le 1tr juillet 1864 jusqu'en 1903. Le manque de lecteurs fut la raison mise en avant pour justifier sa suppression. La rédaction était établie au séminaire de Tiflis. La revue, rédigée cn géorgien, com­ prenait deux parties, une officielle et une non officielle, avec un supplément cn russe. Cf. C. Rounkévitch, L'exarchat de Géorgie, dans V Encyclopédie théologique orthodoxe de Lopoukine-Gloubovski, Saint-Pétersbourg, 1903, t. m, col. 717-753. Ainsi que nous l'avons déjà remarqué, le clergé russe Immigré s'est tout naturellement attribué les postes les plus importants ct dc meilleur rapport. 11 agit dc même façon envers les ecclésiastiques géorgiens qui se montrent favorables aux entreprises de saintsynode ct que leurs compatriotes s'obstinent à regarder comme des traîtres à la patrie. L'exarque est toujours un Pusse dc race et dc tendances. Pour qui connaît les procédés de gouvernement employés par le cabinet dc Saint-Pétersbourg vis-à-vis des autres races dc l’empire, il n’y a rien d’étonnant à cc que le saint-synode le choisisse parmi les plus fermes champions de l’ortho­ doxie officielle, sans trop s’inquiéter de l’accueil que lui réservent les fidèles. Dc plus cn plus, le clergé russe proscrit tout cc qui est purement géorgien. Le slaroslave ou slavon est seul admis dans les cérémonies du culte, au moins dans les villes et les centres les plus Importants. La langue ct le chant géorgien ont été refoulés dans les campagnes dont les paroisses moins riches ne tentent pas la cupidité des Busses. Elles sont d’ailleurs presque toujours attribuées aux ecclésias­ tiques géorgiens qui sc montrent opposés à la politique religieuse de l’exarque, malgré le désir sincère de conci­ liation qui anime scs trois sufïragants. Ces derniers sont presque toujours choisis parmi' les ecclésias­ tiques géorgiens. Actuellement, l'évêque dc Soukhoum est cependant un Busse. Il n'est point besoin de noter que le gouvernement russe ne nomme, pour gouverner les éparchies, que des gens dont il est sûr. La proscription des coutumes nationales, les procédés vexatoires du clergé russe ct la · trahison » de certains prêtres géorgiens ont eu pour résultat la désertion cn masse des églises. Le peuple préfère s’abstenir dc toute pratique publique de religion plutôt que dc pactiser avec les · ennemis de la nation ·. Les préoccupations politiques contribuent plus à accentuer cet éloigne­ ment systématique que le souci dc la dignité de l’Église. Il y n quelques années, l’exarque Innocent sc plaignait même qu’un certain nombre de villages avaient demandé qu’on leur construisit des mosquées ! C'était là sans aucun doute des gens mal convertis. Il y a aussi des montagnards indépendants qui sont encore à moitié païens, bien qu’ils reçoivent le baptême; Ils vont jusqu’à offrir des sacrifices de moutons dans les grandes circonstances ct à certains jours déterminés. C'est à peine s'ils voient un prêtre dc temps cn temps. On volt par cc rapide aperçu que la situation est loin d’être brillante cn Géorgie au point dc vue de la reli­ 1270 gion. Il est probable qu’elle Ira même en empirant, si le régime politique ne change point La persécution entreprise par les Russes contre tout cc qui est géorgien s’étend non seulement aux chrétiens, mais encore aux musulmans. Les HudjaréUs, tribu montagnarde des environs de Batoum, ayant demandé récemment au gouvernement la permission de revenir au christianisme à condition de pouvoir prier en géor­ gien, se sont vu refuser celle faculté. Les autorités russes ont retiré aux Géorgiens musulmans le droit d’enseigner leur langue nationale dans les écoles qu'ils possèdent; elles leur imposent le turc pour les déna­ tionaliser. 11 est vrai que ces musulmans passent outre aux défenses du gouvernement el que celui-ci n'ose pas les inquiéter. Il est difficile d'évaluer le nombre des Géorgiens qui sont passés à l'islamisme pendant la domination turque ou persane. Ils seraient de 600 à 800 000. Après la conquête russe, bon nombre d'entre eux ont émigré cn Turquie où on les confond souvent avec les Tchcrkcsses ou Circassiens, sans doute parce qu'ils portent le même costume. Il y cn a 30 ou 40(100 dans la seule région d’Ismidt-Sabandja. XVII. Liste des catholicos et des exarques. — Nous donnons ici la liste des catholicos et des exarques qui ont gouverné la Géorgie du v· siècle jusqu'à nos Jours, telle que l'a dressée le P. Tamarati dans son Église géorgienne, Rome, 1910, p. 408-410. Celte liste est forcément Incomplète pour les catholicos, caries documents font presque entièrement défaut pour certaines époques. Il semble aussi qu'il y ait eu à diverses reprises plusieurs catholicos à la fois. Les dates indiquées par le P. Tamarati sont quelquefois incertaines, ainsi qu’il l'avoue lui-même. La liste sera du moins précieuse à consulter, parce qu'elle est la seule qu’on ait dressée jusqu'à nos Jours. Dans celle des catholicos de la Géorgie occidentale notamment, on remarquera des vacances considérables qui n'ont peut-être pas eu lieu; mais l'auteur n’a évidemment pu noter que les titulaires dont l’histoire nous a con­ servé le nom. Catholicos de la Géorgie proprement dite. Pierre !·% 471. Samuel P\ 513-528. Pierre II. Samuel II. Taphtchiag I··, 528-542. Tchlmng. Dassaba, 542-557. Evlalé. 555-557. Macaire. 557-570. Simon-Pierre ou Kvirion. 590-604. 11· Samuel III. 12· Samuel IV. 13· Samuel V. 14· Barthélemy, 610-642. 15· Jean Ier. 16· Babil·. 17· Ttiabor. 18· Samuel VI. 19· Evnon, 634-663. 20· Taphlchlng 11. 21· Evlalé II. 22· Jovel. 23· Samuel VII. 24· Georges I·’. 25· Kvlrlon II. 26· frdoboild. 27· Tév. 28· Pierre III. 29· Marna. 30· Jean II. 31· Grégoire I·». 32· Clément. 1· 2· 3· 4· 5· 6· 7· 8· 9· 10· 33· Talalé. 34· Samuel VIH 35· Sarmênn. 36· Cyrille. 37· Grégoire 11. 38· Samuel IX. 39· Georges 11. 40· Gabriel I*r. 41· Hilarion. 12· Arsène PL 43· Eussouki. 44· Basile PL 45· Michel P', 947. 46· David PL 47· Arsène II, 046-976. 48· Samuel X. 49· Simon. 50· MeJchisédech PL 1035. 51· Chrysvstome, 1012. 52· Georges 111. 53· Gabriel II. 1073. 54· Jeon III. 1105. 55· Basile IL 56· Éplphane. 57· Nicolas P». 1170. 58· Michel II. 1185. 59· Théodore Pr, 1186. 60· Jean IV. 61· Arsène III, 1218-1226. 62· Georges IV, 1226. 63· Nicolas H. 1215-1282. 64· Abraham Pr, 1282. 65· Eu thyme. I I 1271 66· Basile IIT, 1318-1346. 67· Nicolas I Π. 1337 68 · Georges V, 1303-1398. 69· Elioz I·', 1399-1110. 70· Michel ΠΙ. 1419-1428. 71· David II, 1128. 72· Théodore II, 1429-1438. 73· David III, 1439. 74· Chlo 1·% 1441-1446. 75· David IV. 1 147-1156. 76· Marc. 1460-1461. 77· David V. 1401-1470. 78· Évncrc I·», 1488. 79· Ablac-Abrnham, 14921499. 80· Éphrem Ier, 1498-1500. 81· Évagre II, 1199-1502. 82· Dorothée P',1503-1516. 83· Jean V, 1516-1517. 84· Basile IV. 1518-1529. 85· Melchisédcch II, 152415-10. 86· Jean VI, 1534-1548. 87· Simon I·', 1544-1548. 88· Nicolas IV, 1552. GEORGIE Domentl I·', 1557-1560. Nicolas V, 1562-1517. Evdomios Ier, 1578. Dorothée II. 1583-1585. Domentl II, 1583-1602. Zébédée, 1610. Jean VII, 1610-1615. Christophorc Ier. 16221062. 97· Zacharie I·», 1624-1633. 98· Evdomios II, 16341619. 99· Domentl III,1660-1675. 100· David VI, 1672. 101· Nicolas VI, 1676-1693. 102· Jean VIII, 1688-1699. 103· Bcssarion. 1721-1735. 1Ο1· Domentl IV, 17051742. 105· Nicolas VII, 17421744. 106· Antoine Ι·Μ 744-1788. 107· Joseph. 1755-1763. 108· Antoine II, 1788-1811. 80· 90· 91· 92· 93· 94· 95· 96· 1272 jouissaient d’une très grande influence cn Géorgie, servirent pendant longtemps de trait d’union entre l’Égiisc nationale ct celle de l’empire byzantin. Il no faut donc pas s’étonner que cc qu’on appelle parfois le rite géorgien ne soit pas autre ciiose que la traduction pure ct simple du rite byzantin, vulgairement appelé rite grec. Liturgie, office rituel, calendrier, tout est identique chez les Géorgiens ct chez les Gréco-Slaves. Λ peine peut-on signaler quelques coutumes particu­ lières de peu d’importance, comme on peut cn trouver aussi dans certaines Églises grecques, en Syrie, par exemple. Seul, le chant est différent. Au lieu d’adopter les compositions musicales byzantines, les Géorgiens ont conservé leur chant national dont les mélodies ont un cachet tout à fait spécial. Aujourd’hui, ce chant, proscrit par les autorités religieuses russes au profit du chant moscovite, s’est réfugié dans les églises des campagnes. Ainsi que nous l’avons dit un peu plus haut, le staro-slave ou slavon tend aussi à supplanter le géorgien dans les cérémonies du culte, de même que les usages particuliers de l’Égiisc russe font peu à peu disparaître ceux qui sont communs aux grecs ct aux Géorgiens. Catholicos de la Géorgie occidentale. Il n’est pas jusqu’à l’architecture religieuse que les Géorgiens n’aient empruntée aux grecs. Les premiers 1· Arsène, 1390. 10· I Illarion, 1672. monuments construits dans le Caucase semblent avoir 2· Joachim, 1470-1474. 11· David. 1682-1696. été l’œuvre d’architectes byzantins. Ceux de la meil­ 3· Malnchie P’,1519-1533. 12· Grégoire I·*, 1696. leure époque, du xi· au xv· siècle, reproduisent les 4· Evdémon I·', 155813· Nicolas, 1705. principaux éléments de la construction byzantine : 1578. 14· Grégoire II. 1712-1712. plan cn forme de croix grecque, coupole, etc.; ils 5· Malnchie II, 1605-1639. 15· Germain, 1742-1750. offrent une ressemblance frappante avec les églises de 6· Maxime, 1610-1657. 16· Bcssarion, 1750-1761. 7· Zacharie, 1656-1659. 17· Joseph, 1761-1776. la Grèce dans la dernière période du moyen âge. On 8* Simon, 1659-1666. 18· Maximo II, 1776-1795. retrouve aussi de nombreuses affinités avec les églises 9· Evdémon 11,1666-1675. des premiers siècles élevées en Asie Mineure, en Syrie et particulièrement dans le Hauran. L’architecture Liste des exarques. géorgienne, qui a subi tant d’influences diverses, est donc essentiellement composite. Elle présente toute­ Exarque géorgien. fois des caractères originaux qui la distinguent nette­ 1· Varlaam Eristnvi, 1811-1817. ment de l’architecture arménienne, sa voisine, qui a subi les mêmes influences. On cn trouvera une excel­ lente étude dans l’ouvrage de M. Mourricr, L'art au Exarques russes. Caucase, Bruxelles, 1907, p. 8 sq. 1· Théophylactc Houssa8· Paul Lébédcv, 1882XIX. Hagiographie. — Bien qu’ils aient adopté nov, 1817-1821. 1887. le calendrier byzantin ct qu’ils célèbrent les mêmes 2· Jonas Vasilievsky,18219· Pallade Ralcv, 1887fêtes que les grecs, les Géorgiens y ont cependant 1832. 1892. 3· Moise Bogdanov-Pla­ 10· Vladimir Bogolavlcnréservé une place à leurs saints nationaux. Ngus les tonov, 1832-1834. sky. 1892-1898. indiquerons d’après l’étude que le P. N. Nllles, S. J.t 4· Eugène Bajénov, 1834- 11· Flavien Gonxlctzky, a publiée dans la Zeitschrift /ûr katholischc Théologie, 1811. 1898-1903. 1903, p. 660 sq. 5· Isidore Nikolsky, 184412· Alexandre Opotzky, Janvier. G. Saint Abo, martyr· — 14. Sainte Nino. — 1858. 1903-1905. 14. Saints Louarsab ct Artchil, rois ct martyrs. — 6· Eusêbe Ilinsky, 185813· Nicolas, 1905-1906. 19. Saint z\ntoinc le Stylitc. — 27. Saint David lo 1877. 14· Nicon, 1906-1908. 7· Joannice Roudniev, Restaurateur, roi. 15· Innocent, 1910-1913. 1877-1882. 16· Alexis, 1913. Février. 21. Saint Pierre, crmite. Mars. 20. Saint Louarsab le Jeune, roi ct martyr. XVIII. Le rite gréco-géorgien. — Les mission­ Mai. 7. Saint Jean Zédadznéli. — 9. Saint Chlo, naires grecs qui évangélisèrent la Géorgie au iv· siècle ermite. — 13. Saint Euthymc, higoumène. — 14. Saint introduisirent tout naturellement le rite de leur pays Chalva, martyr. d'origine et la langue grecque dans les cérémonies du Juin. 1. Saints Chlo ct ses compagnons, martyrs. — culte. Π est probable aussi qu’il y eut au début mélange 27. Saint Georges, higoumène. Juillet. 12. Saint Jean, higoumène. — 29. Saint de rite grec et de rite syriaque, parce que la Syrie exerç a une influence certaine cn Géorgie. Quand Eustathe, martyr. Août. 11. Saint Rajden, martyr. — 11. Saint Jean, (’Église fut organisée ct que la traduction de l’Écriture missionnaire. sainte eut favorisé la réforme, la langue géorgienne Septembre. 13. Les six ermites, martyrs. — 13. remplaça peu â peu le grec, pour le supplanter défini­ Sainte Kétévan, reine ct martyre. — 14. Saints tivement. 11 est fort difficile de préciser la date â Joseph ct ses compagnons, martyrs. — 18. Saints Blzlaquelle s’opéra cc changement Important; il est pro­ dina, Elisbar ct Chalva, princes et martyrs. — 26. bable toutefois qu’il s’acheva au νι· siècle. Dès lors, Saints Isaac et Joseph, martyrs. 1« G orgiens, qui étalent cn relations suivies avec Octobre. 1t. Sainte Chouchanlke ou Suzanne, l’empire byzantin, adoptèrent les modifications reine ct martyre. — 28. Saint Néophyte, évêque ct introduites dans la liturgie à Constantinople, du martyr. — 31. Saints David ct Constantin, princes ct iv au xi· siècle. Le monastère des Ibères, au mont martyrs· Athos, ct celui de Sainte-Croix, à Jérusalem, qui 1273 GÉORGIE Novembre. 6. Les dix martyrs. — 10. Saint Con­ stantin, prince ct martyr.— 17. Saint Michel Gobroni et scs compagnons, martyrs. — 19. Saint Hilarion, ermite. Décembre. 2. Saint lssé, évêque. Fêtes mobiles. — 3· férié après Pâques, les saints martyrs de Garedja. — 5· dimanche après Pâques, saint Ablb, évêque ct martyr. — 6· dimanche après Pâques, saint David de Garedja. Nous donnerons quelques détails sur chacun de ccs différents saints. On trouvera la Vie de la plupart d'entre eux dans Martinov, Annus ecclesiasticus griecoSlavicus. Remarquons cn passant que la plupart sont morts dans les multiples incursions que la Géorgie eut A subir de la part des Perses, des Arabes, des Turcs, des Mongols ct des Persans. Saint Abo fut martyrisé à Tiflis par les Sarrasins cn 890. Nous avons résumé plus haut la vic de sam’c Nino, cn racontant la conversion de la Géorgie dont elle fut le premier apôtre. Les saints Louarsab ct Artchil, rois de Géorgie, moururent pour la foi chré­ tienne lors de la dévastation de leur patrie par McrwAnQrou ou le Sourd, cn 744. Saint Antoine le Stylitc, surnommé Martqoph ou le Solitaire, est un des mis­ sionnaires venus de Syrie au vi· siècle sous la conduite de saint Jean Zédadznéli. Il mourut vers 620. Saint David III, roi de Géorgie (1089-1125), surnommé le Restaurateur, travailla à relever de leurs mines l’É­ giisc ct l’État ct sc fit remarquer par son zèle pour la reconstruction des églises ct des monas tères.^ Saint Pierre de Maîouma, qu’il ne faut pas confondre avec Pierre Γ Ibère, un autre Géorgien qui fut évêque de la même ville, pratiqua la vie religieuse A Malouma, près de Gaza, ct mourut vers 452. Saint Louarsab le Jeune, roi de Géorgie, fut étranglé par les Persans cn 1622, après un cnicl exil de sept ans. Saint Jean Zédadznéli fut le chef des douze missionnaires venus de Syrie au vi· siècle pour achever l’évangélisation de la Géorgie. Saint Chlo, le Thaumaturge, un des compagnons du précédent, ermite A Mgvlmé, est un des patrons de la Géorgie. Saint Euthyme, higoumène du monastère des Ibères, au mont Athos, était le chef des traducteurs des Livres saints et des écrits des Pères, nu xi· siècle. 11 mourut cn 1028. Saint Chalva, prince d’Akhnllzkhé, mourut victime des Arabes après avoir longtemps souffert cn prison (1227). Saint Chio ct scs cinq compagnons périrent A une date non encore précisée, sous les coups des Leskincs. montagnards musulmans du Caucase. Saint Georges, higoumène du monastère des Ibères au mont Athos, fut un des disciples ct des successeurs de saint Euthyme, dans la traduction des Livres saints. Lc fondateur de ce monastère célèbre fut saint Jean, père de saint Euthyme, qui s'établit sur le mont Athos vers 970 ct mourut cn 998. Saint Eustathe de Mtzkhéta périt sous le fer des Perses en 581 Saint Rajdem, le premier martyr géorgien, fut cruellement mis A mort par le chah Plros, cn 457. Saint Jean Zédadznéli aurait été un des premiers missionnaires envoyés cn Géorgie par l'empereur Constantin, A la demande du roi Mirian.ct serait mort en 3S6. Les données histo­ riques sérieuses relatives A sa vie font complètement défaut. Les six martyrs honorés le 13 septembre furent mis A mort A Tiflis par les Perses. Cc sont : Étienne de Ilirsa, Zénon d’Icalto, Thaddéc de Stépan-Zinlnda, Isidore de Samtva. Pyrrhus de Bréta ct Michel d’t’lma. Sainte Kétévan, reine de Géorgie, emmenée cn capti­ vité par les Persans, mourut victime de son attache­ ment A la religion chrétienne ct A la chasteté (1622). Saint Joseph d’Allavcrdi, ermite, fut massacré avec plusieurs de ses compagnons, durant une incursion des Perses en 650. Les princes Bizdina. Elis bar ct Chalva, faits prisonniers par les Persans, préférèrent 1274 mourir plutôt que d’embrasser l'islamisme (1615). Ixs saints Isaac et Joseph périrent À Tiflis, durant une incursion des musulmans (808). Sainte Chouchanikc ou Suzanne refusa d’imiter son man qui avait aban­ donné la foi catholique, ct mourut martyre après six ans de la plus dure captivité, en 458. Saint Néophyte fut d'abord un chef musulman du nom d’Omar. Après sa conversion, il entra dans un monastère el devint évêque d’L’rbnlssl. Il mourut martyr des Sarrasins, vers 825. Les saints David et Constantin furent au nombre des victimes faites par Mensàn-Qrou ou le Sourd a Routais, en 741. Les dix martyrs honorés le 6 novembre périrent au vî« siècle. Leur vie ct leur office ont malheureusement disparu Saint Constantin, prince et martyr, fut mis a mort par le khalife Djafar, cn 849. Saint Michel Gobroni, d’Akhaltzikhé. com­ mandait les armées géorgiennes lorsqu’il fut tué par les infidèles avec deux cents de ses soldats, en 920. Saint Hilarion Vatchinazé, originaire de la Kakhétie, prêtre et ermite, mourut A Thessalonique, vers 882. Saint lssé, évêque de Cilcan, fut un des compagnons de saint Jean Zédadznéli. Les saints martyrs de Garedja périrent la nuit de Pâques 1621, massacrés dans l’église de leur monastère par le fameux chah Abbas le Grand. La tradition veut qu’ils aient été cinq mille. Saint Ablb, évêque de Nécressi ct martyr, fut un des com­ pagnons de saint Jean Zédadznéli. Saint David de Garedja, ermite, fonda la solitude monastique appelée plus tard la Thébalde géorgienne. 11 mourut vers 587. XX. Langue et littérature géorgiennes. — Les linguistes n’ont pas encore pu se mettre d’accord pour dire A quel groupe appartient la langue géorgienne. Bopp et Brossct la rattachent A la famille indo-euro­ péenne; Max Müller veut qu'elle soit de la famille touranicnne; P. A. Trombelti, L'unitô d'origine del linguaggto, Bologne, 1905, p. 5, 216, voit dans le géorgien et le basque l’anneau qui unit les langues chamlto-sémitiques aux langues Indo-européennes; d’autres enfin, comme Frédéric Müller, désespérant de classer cette langue ainsi que d’autres qui appar­ tiennent A des peuples voisins des Géorgiens, cn font provisoirement un groupe A part, le groupe des · langues caucasiques ». Quoi qu’il en soit de cette question que des études plus approfondies éclairciront probable­ ment un jour, la langue géorgienne est une des plus anciennes du monde. Beaucoup de savants, après A. Gattcyra, Jlevue de linguistique. Juillet 1881, t. xiv, p. 285, ct F. Lcnonnanl. Lettres assyrtologiqües, t. i, p. 124-127, admettent une parenté étroite entre le géorgien ct l’idiome ourartique révélé par les inscrip­ tions de Van. Dans la suite des temps, la langue pri­ mitive s’est scindée cn plusieurs dialectes locaux, tels que le gouri-lmérète, le karthli-kakhètc, le pchavkhevsour, le mesque, l’ingulloî. De même, un certain nombre de mots étrangers, d'origine sanscrite, perse, arménienne, grecque. Inline, turque, russe, etc., se sont peu A peu introduits dans la langue. La Géorgie occidentale a principalement subi l’influence de la Turquie, la Géorgie orientale celle de la Perse. Lc géorgien dispose de deux alphabets de trentehuit lettres chacun, l’alphabet mkMdrouli ou civil, introduit probablement par le roi Pharnavaz A la fin du iv· siècle avant Jésus-Christ, et que J. L. Okromtcheldi croit emprunté A l’alphabet zend, et l’alphabet khoutsùuri, ou religieux, qui ne serait qu’une trans­ formation du mkhédroull. Les Arméniens prétendent que Mesrob a envoyé aux Géorgiens cct alphabet religieux, après qu'il cn eut composé un pour ses compatriotes. Bien qu’il y ail plus d’une analogie entre l'écriture géorgienne ct récriture arménienne, celle paternité est fort contestable, car il n'est même pas démontré que Mesrob ait Inventé l'alphabot armé- 1275 GEORGIE 1276 nlen. Cf. Lynch, Armenia, Travels and etudes, Londres, un texte arménien, car Mesrob ct Sahag n’avalent 1901, t. î, p. 312. Le Dr H. von Aricht, ht die Æhnlichpas encore entrepris de traduire les Livres saints dans keit des glagolilischen nul dem grusinischen Alphabet leur langue. 11 est toutefois hors de doute que beaucoup Zu/all ? Leipzig, 1895, admet que l'alphabet slave de ccs traductions subirent l’influence des Arméniens. primitif dit glagolitiquc est un emprunt fait à l'al­ Nous en avons pour preuve l'aveu de saint Georges Mtatsmindéli. Khakhanachvili, Histoire de la littéra­ phabet civil géorgien, ce qui est une nouvelle preuve ture géorgienne, Tiflis, 1904, p. 98. Il reconnaît que la de l'antiquité de celui-ci. Ijj littérature géorgienne ne s’est pas bornée, comme zizanie, c’est-à-dire les erreurs des Arméniens, s’était introduite dans le texte sacré. La Syrie exerça éga­ certaines autres, aux sciences ecclésiastiques ; elle s’est lement une certaine influence, surtout au vî· siècle. essayée également dans le domaine purement profane Mais, à partir du vu· siècle, c’est du côté de Constan­ et a donné de véritables chefs-d’œuvre en prose ct en tinople que les Géorgiens vont principalement chercher vers. Malgré les vicissitudes de la vie nationale, on peut dire qu’elle n’a pas cessé de produire un seul la lumière. L’influence grecque pénètre de plus en plus el domine bientôt seule. Les importants monastères instant depuis le commencement jusqu'à nos jours. Alors que d'autres peuples orientaux se bornent Λ peu géorgiens répandus dans l’empire byzantin dirigent près exclusivement aujourd’hui à des traductions d'ou­ ce mouvement qui atteint son apogée aux x· ct vrages européens, les Géorgiens sont restés fidèles à xi· siècles. Livres saints, livres liturgiques, œuvres des Pères, toutes les richesses ecclésiastiques des grecs leurs traditions ct ne subissent que faiblement l'in­ pénètrent donc après celles des Arméniens ct des fluence occidentale. On divise ordinairement l’histoire de la littérature Syriens. géorgienne en quatre périodes : la période primitive 11 ne faudrait pas croire cependant que le mouve­ ou préparatoire, du v« au x· siècle, la période classique, ment littéraire se borna uniquement aux sciences du x· au xm· siècle, la période nouvelle, du xm· au religieuses. Dès le début, l’histoire occupe une place xix·, enfin, la période moderne, du xix· siècle à nos importante. L’ouvrage intitulé : la Conoersion de la jours. Celte histoire est encore Imparfaitement connue. Géorgie, dont la première partie au moins remonterait 11 reste dans les diverses bibliothèques de la Géorgie ct au vu· siècle, fait connaître une masse d'écrits plus de l’étranger une masse de manuscrits non encore anciens fort précieux sur les premiers siècles du étudiés, dont la publication jettera certainement une christianisme en Géorgie ct qui ont malheureusement lumière nouvelle sur les siècles passés. Malgré ces disparu. Une autre chronique importante de ccttc épo­ lacunes, nous pourrons donner de la littérature géor­ que paraît subsister dans une traduction arménienne gienne un aperçu suffisant. du xvin· siècle. Le sujet principal de cct ouvrage 1· Période primitive. — Il est tout naturel que les est la description de la Géorgie au temps du roi premières productions littéraires de la Géorgie aient Vakhtang Ι·Γ (446-499), composée par un certain Gouété des traductions de l’Écriture sainte. On comprend amber qui la continua jusqu'au règne d'Artchll II que dés le début les missionnaires eurent à cœur de (688-718). Enfin, les Annales géorgiennes, vaste compi­ rendre intelligible aux fidèles le texte des Livres lation exécutée au xvin· siècle sous le roi Vakhtang VI sacrés. Un manuscrit du ix· siècle, conservé au musée (1703-1738), sont basées sur une foule d écrits histo­ de la Société pour la diffusion de la littérature géor­ riques très anciens qui relatent les origines ct l’histoire gienne, Intitulé ΓÉpttre des apôtres — il renferme de la nation. Comme il v a une différence considérable toutes les Épi très apostoliques — porte en suscriplion entre le récit de la Bible ct celui des Annales, certains qu’il a été copié sur un manuscrit plus ancien qui auteurs veulent que ccs documents soient antérieurs remonte à la troisième année du règne d’Arcadius, à l’introduction du christianisme en Géorgie. Tamarati, c'est-à-dire vers 398-399. Nous savons aussi que le Église géorgienne, p. 28. roi Pharsman (542-557) donna à Évngrc, du monastère 2· Période classique. — La seconde période ou de Saint-Chio, un Évangile qui avait appartenu au roi période classique manifeste clairement l’in fluence Vakhtang (446-499). C’était peut-être celui que le roi grecque, mais non point dans tous les genres littéraires· Artchll I·' (410-434) fit traduire pour sa bdlc-fllle, Les couvents géorgiens de l’empire byzantin, parti­ la princesse perse Sagadouktc, mère de Vakhtang. culièrement celui du mont Athos, ceux d'Oplsl, de C’est très probablement dans l’idiome de la Perse que Chatbéri, de Saint-Chio Mgvimé, de Garcdja ct de fut faite cette traduction, mais elle prouve assez Guélati, en Géorgie, concentrent ά eux seuls presque clairement que l’Écriturc sainte était déjà connue ct tout le mouvement littéraire de l'époque. Au mont appréciée en Géorgie. Il ne manque pas d’autres Athos, saint Euthymc (964-1028) ct saint Georges documents qui prouvent l’activité littéraire des Géor­ Mtatsmindéli (1014-1066) dirigent une école de tra­ giens dans les premiers siècles du christianisme. Un ducteurs qui font profiter leur patrie des ouvrages grecs les plus importants. La Bible cl les livres liturmanuscrit de 897, appelé Γ · Évangile d’Adiche » en Svanétic, semble avoir été copié sur un texte beaucoup [ giques sont minutieusement révisés sur le texte grec. plus ancien. Parmi les livres de la bibliothèque de Saint Euthymc public à lui seul la traduction de Sail't-Sabas, il existe un synaxairc géorgien du vu· siè­ 52 ouvrages ct saint Georges de 17. On trouvera la cle. Le Sinal possède de nombreux manuscrits géorgiens I liste de 191 manuscrits géorgiens du mont Athos, qui sont pour la plupart de cette époque, dans le sur papyrus, ménées, psautiers, etc., que l’on fait également remonter au vu· siècle, mais qu’on n’a pas Journal asiatique. 6· série, 1867, t. î, p. 333-350. Elle fut dressée en 1836 par le P. I lilarion. confesseur du encore suffisamment étudiés. Un ordo de messes trouvé roi Salomon IL On v voit le.s œuvres de saint Athapar Tischendorf fut copié en 911 sur un autre qui est nasc, de saint Basile, de saint Grégoire de Nazianze, resté Inconnu. Les quatre Évangiles de Xnissa, docu­ de saint Jean Chrysos tome, de saint Jean Damascene, ment à peine recensé, portent la date de la créa­ les vies d’une foule de saints, des synaxalrc.s, des tion 6110, ce qui revient à l’an 506 de notre ère, d'après ouvrages apocryphes, etc. M. Tsagarclli a publié dnns te système géorgien. I^s Évangiles d’Urbnissa sont du vu· siècle; ceux de Parkallssa et de Tbélissa ne · le Sbornik, revue de la Société russe de Palestine, Saint-Pétersbourg, 1883, t. iv. p. 144-191, la liste sont que des copies faites en 973 ct 995 sur des manu­ des 147 manuscrits géorgiens conservés dans In biblio­ scrits plus anciens. Sur quel texte furent faites ces traductions primi­ thèque patriarcale de Jérusalem ct qui viennent pour tives ? Il est difficile d’admettre que l’Épltre des | la plupart du monastère de Sninlc-Cmix. l e Sinaf possède aussi un certain nombre de manuscrits. Tous apôtres, qui remonte à 398-399, ait été traduite sur 1277 GÉORGIE 1278 ccs ouvrages ct même une bonne partie de ceux qui se le Grand du pseudo-Cnfllsthènes, Plusieurs autres trouvent en Géorgie n’ont pas encore été suilhannncnt princes de la famille royale écrivirent aussi des traités élu ■!:< sur la théologie, la philosophie et l'histoire. ainsi que Vers le milieu du x* siècle, le catholicos Arsène H des poésies. L’œuvre la plus importante est le poème (946-976) écrit sous le titre l Abeille une histoire de la de David Gouramlchvili qui raconte les malheurs de séparation des Géorgiens el des Arméniens; il aurait la Géorgie au xvin· siècle. Le prince-moine Saba aussi travaillé à une collection de vies de saints, Soulkan Orbéllani. converti au catholicisme, et qui particulièrement de saints nationaux. Baumstark, avait voyagé en Europe, compose un dictionnaire et Die christlichen Literaturen des Orients, Leipzig, 1911, un recueil de fables Intitulé: Livre de la sagesse et du L lî, p. 104. Λ la indue époque, Jean Pétrissy traduisait mensonge. Vakhoucht, fils de Vakhtang VI, rédigea les œuvres de Platon ct d’Aristote. une géographie et une histoire, la Vie de la Géorgie ou Annales géorgiennes, d'après les riches matériaux A l’influence byzantine vint bientôt se joindre l'influence des Arabes ct des Perses. Les premiers recueillis par le comité historique qu'avait formé son importèrent les sciences positives : mathématiques et père. Vakhoucht fit imprimer une édition complète astronomie (ils avalent déjà, nu vm· siècle, établi un de la Bible à Moscou en 1742-1753. Enfin le catholicos observatoire à Tiflis), Les Perses enrichissent la litté­ Antoine I*r, outre diverses traductions d’ouvrages rature géorgienne d'une série de compositions en prose profanes, composa une théologie, un martyrologe, ct en vers. Le règne de Thamar (1184-1212) est marqué des biographies de saints, etc. par l'éclosion d'œuvres remarquables ducs à cette 4° Période moderne. — Ccttc période a produit un influence. Les poètes Tchakhroudzé ct Chota Rousgrand nombre d'auteurs distingués, mais qui ne se sont guère occupés que d'œuvres profanes. Dans fa lavéli célèbrent la reine dans leurs poèmes; Sarghis Tmogvéll compose le poème héroïque intitulé : Amiran· première moitié du xix· siècle, la littérature est à peu Darédjaniani ct le roman Visranüani. Mais de tous près exclusivement d'inspiration géorgienne; dans la seconde nu contraire, l’influence étrangère, russe ou les écrivains de ccttc époque, le plus remarquable est autre, se fait vivement sentir, sans exclure complè­ sans contredit le poète Chota Roustavéli. Les Géorgiens lisent ct étudient toujours avec une respectueuse tement le nationalisme littéraire. Citons dans la première moitié du siècle : le prince admiration son œuvre principale, la Peau de léopard Georges Erislavi, le premier dramaturge géorgien, ou mieux V Homme répéta de la peau de léopard, com­ fondateur du journal Tsiscari (ΓAurore), les princes posée sous la reine Thamar ct que certains évêques Alexandre Tchavtchnvadzé, Grégoire Orbélianl, Nico­ trop zélés du xvin· siècle condamnèrent comme impie. las Baratchvili, Vakhtang Orbéllani, Raphaël Eristavi, Lcist en a publié une traduction en allemand, Leipzig, les princesses Nino Orbéllani ct Barbarè Djordjadzé, 1880, ct Achas Borin une autre en français, Paris, 1885. 3° Période nouvelle. — Après la période classique, tous poètes remarquables, et le romancier Djonkadzê. Cette première période est signalée par les travaux la littérature géorgienne tomba dans une décadence littéraires ct scientifiques des fils du dernier roi, profonde causée par les désastres extérieurs ct les Georges XII; le prince David écrit un abrégé de troubles intérieurs qui bouleversèrent le pays : inva­ sions des Mongols, de Timour-Lcng, des Persans, etc. l'histoire de la Géorgie, son frère Jean recueille les La prise de Constantinople par les Turcs en 1453 actes diplomatiques de Georges XII; Téimouraz compose une excellente Histoire de la Géorgie ; Bagrat affaiblit pour toujours l'influence grecque qui était réunit les proverbes ct dictons populaires. Le seul déjà sur le déclin. La renaissance littéraire ne sc pro­ duisit qu’au xvii· siècle; elle sc continua pendant le auteur ecclésiastique â mentionner ù cette époque est siècle suivant. l’évêque Gabriel d’Imérétie, prédicateur célèbre, dont les sermons ont été traduits en anglais par Mahun, Même l’époque la plus troublée de cette période, du xm· au xvn· siècle, nous a laissé de nombreuses évêque anglican de Broad-Windsor. Après 1850. on remarque le prince Ilia Teliavttraductions ct des écrits originaux, entre autres une chavndzé, poète et romancier, fondateur du journal quinzaine de poèmes épiques. On rencontre aussi Sakurtvelos Moambé (le Messager géorgien), les princes quelques monuments de la législation civile ct ecclé­ siastique, tels que les lois du roi Georges V le Brillant Akaki Tsérétéli et Mamla Gouriéli, poètes lyrique^ l’économiste N. Nicolatzé, le romancier Georges Tsére(xiv· siècle), les lois de Béka, complétées nu xv· siècle téli, auteur d’ouvrages d'archéologie ct d'histoire, par le prince Aghbougua. suzerain du Samtzkhê SaataCatherine Gabachvili, auteur de romans, le prince bago. Au xm· siècle, le catholicos Arsène publie des Jean Matchabcli, traducteur des œuvres de Shakes­ règlements ecclésiastiques; au xiv·, l'archimandrite peare. Parmi les dramaturges citons :1c prince Raphaël Georges traduit en géorgien les canons de l’Église; Erislavi, Eugène Tsagaréli ct Alexandre Kazbek. Les au xv·, sur la proposition du catholicos Mafachle, un frères Rasiknchvili consacrèrent leur talent poétique concile publie des ordonnances obligatoires pour tous Λ la description de la vie, des mœurs, des coutumes ct confirmées par la signature de onze archevêques. des montagnards. Les historiens les plus connus sont Ccs ordonnances et les lois du roi Georges V, ainsi que Platon Josséllani, Dimitri Bakrndzê et F. M. Brossct, celles de l’ntnbck Béka ct d’Aghbougua, firent plus orientaliste français, qui consacra une grande partie tard partie du code du roi Vakhtang VI. Comme do sa vie à l’histoire de lu littérature géorgienne. œuvres historiques, citons : VHistoire des rois d'Jmé· David Tchoubinof n composé de nombreux ouvrages rétie par le catholicos Arsène (xiv· siècle); la Des­ classiques; A. Khakhanaclivili s’est occupé de l’histoire cription du Samtikhé-Saatabago par le moine Jean Mangléli (xv· siècle), la Destruction de la Géorgie par littéraire Une partie de l'activité littéraire des Géorgiens sc Jsmaél du catholicos Domenti (xvî· siècle), la Vie ct dépense depuis longtemps en de nombreux Journaux et les actes des princes d’Imérétic. par le moine Evdémon. La renaissance des xvn· et xvin· siècles, sous les revues maigre les tracasseries de la censure ofllclello rois Artchll. Téimouraz Ι·Γ,ΤόΠηοϋπιζ II. Vakhtang VI, russe qui supprime ou condamne impltovnblcmcnt Hèracllus II, produisit des œuvres plus remarquables. toute feuille dont les appréciations lui paraissent quel­ que peu libres. Il convient de citer les principaux Artchll, roi de Géorgie ct d’Imérétie, a laissé plusieurs ouvrages poétiques, dont VArtchilianl, œuvre épique organes de la presse géorgienne pour montrer combien qui retrace In vie ct les actes de Téimouraz I··. Cc est vivante ct active l'élite intellectuelle du pays. souverain occupe une place importante dans la litté­ Les principaux journaux sont : Imereli (l'Irémétlc), rature géorgienne; il a traduit ['Histoire d'Alexandre qui se public à Routais; Khma Kakhctissa (fa Voix do 1279 GÉORGIE Rakhétie) à Télav; Karthli (la Karthlle) à Cori; Batoumi Gazrti (le Journal de Batoum); Sassoplo Journali (le Journal du village); Cooperatsia (la Coopé­ ration). A Koutats; Sakhalkho Gazrti (le Journal du peuple), A Tiflis : c’est le plus répandu: enfin 7'avisantpali Sakarthlo (la Géorgie indépendante) qui se public en Europe. Citons parmi les revues : Gu nulle ba (Γ Illu­ mination). revue mensuelle; K Idc (le Hocher), revue hebdomadaire, A Tiflis; Guntiadi (l’Aubc), revue ecclé­ siastique, A Routais; deux revues pour l'enfance : Djidjeli (la Gcrminalson) ct Naghdouli (le Ruisseau); λfossapâli (la Récolte), revue mensuelle agricole, à Tiflis; Samkhournalo Pouriséli (Feuille de médecine), à Tiflis. Le gouvernement russe n supprimé ccs dernières années plusieurs journaux importants, dont quelquesuns très anciens, parce qu'ils publiaient des articles qui n’avaient pas le don de lui plaire. Citons : loeria (llhérie), Droêba (le Temps), Issari (la Flèche),Moambé (le Messager), Tsnobis Pourtséli (la Feuille de nouvel­ les), Tsiscari (l’Aurore), Crébouli (It Recueil), Eri (la Nation). Enfin, on rencontre cn Géorgie une dizaine de sociétés qui s’occupent de répandre dans le peuple le culte de la tradition littéraire nationale ou de la civili­ sation cn général. 1. La plus importante est sans con­ tredit. la Société pour la diflusion de la littérature géorgienne, fondée à Tiflis en 1877. Elle vil des coti­ sations de ses membres, de donations ct de fondations; son budget annuel est de 200 000 roubles, c'est-à-dire de 520 000 francs. Ιλ Société, dont le siège est a Tiflis, a des succursales un peu partout, principalement ù Gori, Télav, Routais, Batoum. Soukhoum-Kalé, Samtrédi, Bakou, Vladicavcase, etc. Elle possède à Tiflls un musée historique ct une bibliothèque de manuscrits et de documents concernant la Géorgie. Son but est d’éditer des manuels populaires ct scientifiques ct de créer des bibliothèques populaires dans les villes ct les villages. Elle entretient aussi 15 écoles primaires. 2. La Société des nobles du gouvernement de Tiflis s’occupe de l’instruction de la jeunesse. Elle possède deux gymnases A Tiflis, un pour les garçons et un pour les filles. 3. Il existe une société semblable à Routais, où elle dirige un gymnase; clic a de plus une école se­ condaire à Akhalisénaki. 4. La Société d'illumination (d'instruction ct d’éducation) à Tiflis; clic y possède une école secondaire de filles. 5. La Société des dames géorgiennes dirige A Tiflis une école professionnelle gratuite pour les jeunes filles. 6. La Société géorgienne d'histoire et d’ethnographie possède un musée à Tiflis. Elle édite des manuscrits anciens ct les œuvres de scs membres. 7. Il existe une société semblable A Koutals. 8. La Société de haute littérature vient cn aide aux écrivains géorgiens ct public leurs œuvres. Citons encore une société pour l’enseignement commer­ cial. une autre pour renseignement agricole, trois so­ ciétés dramatiques à Tiflis, Routais ct Batoum; enfin une société philharmonique à Tiflis, qui recueille les chants populaires ct qui dirige à Tiflis une école de musique. Terminons cet aperçu de la littérature géorgienne en disant quelques mots sur les premiers livres im­ primés. En 1627, la Propagande public un paroissien et un catéchisme. Le roi Artchil fait ouvrir à Moscou la première imprimerie géorgienne importante (1705) qui édite tout d’abord le Psautier, puis la Bible tout entière. L’évêque Anthime de Valachlc, géorgien de naissance, cn (onde une autre, vers 1710, A Rimnic; Il la transfère ensuite A Targovneln. puis A Svlagov, prés de Bucarest, et l'envole finalement cn Géorgie avec les ouvriers, après avoir Imprimé le Rontakion. Deux Imprimeries s'établissent bientôt cn Géorgie, celle de Tiflls ct celle de Koutals. Tiflis édite l’Évangile 1280 cn 1709, l’iforologlon ct le Kontaklon cn 1710. On trouve encore des imprimeries géorgiennes dans diverses villes russes, à Wladimir, Λ Krc nientchou k, à SaintPétersbourg, à Novgorod, etc. Samébéli fait imprimer A Novgorod (1739-1740) l'i lorologion, la Paraclitiki ct l’Evangile. Moscou édite la Bible cn 1733; le prince Vakhoucht la revise ct cn fait une nouvelle édition cn 1742-1543; en 1756, le catholicos Antoine Ier imprime tous les livres ecclesiastiques; cn 1765, paraissent les Épltres, le ISautier et un nouvel Horologion. La Bible géorgienne fut réimprimée de 1848 à 1884. Sur l’ordre du saint-synode, on travaille actuellement A une nouvelle édition des Livres saints, basée non sur le texte grec, mais sur la traduction slave qui est connue pour ses fautes. Aussi l’accueil que les Géorgiens font à cette œuvre est-il plutôt froid. XXL Mission latine. Du xm· au xvii· siècle. — Les premiers missionnaires latins qui pénétrèrent cn Géorgie, vers 1230, étaient des franciscains. Une lettre du pape Grégoire IX au roi de ce pays (avril 1233) nous apprend qu'il envoyait ccs apôtres non dans le but de ramener les Géorgiens à l’unité qu’ils n’avaient peut-être point encore rejetée, mais de convertir les populations païennes des environs. Archives Vaticancs, Reg. Vat. 17, fol. 6. Quelques années plus tard, huit frères prêcheurs envoyés par le même pape établis­ saient à Tiflls un monastère qui devint le centre de leurs mis -Ions < 1240). Tamarati, Église géorgienne, p. 430. Malgré les calamités qui continuaient de fondre sur la Géorgie, les papes ne cessaient pas de lui envoyer des missionnaires. Nicolas IV écrit à deux reprises (1289, 1291) au roi ct nu catholicos pour leur recom­ mander des franciscains. Langlois, Registre de Nico­ las IV, Paris. 1893. t. i. p. 391 ; t. n. p. 393. 904. Au début du xiv· siècle, les papes sc préoccupent de nouveau du sort religieux de la Géorgie. Jean XXII écrit en 1321 au roi Georges V le Brillant (1318-1364) pour le presser de revenir à l’unité romaine. Archives Vaticanes, Ioan. XXIt com. Reg. Val. 62, fol. 5. Sept ans plus tard, il transférait A Tiflis l'évêché de Smyrna, ruiné par les Turcs, puis il érigeait la capitale de la Géorgie en siège épiscopal latin (1329). Le premier titulaire de cc nouveau siège fut un ancien apôtre de la Géorgie, le dominicain Jean de Florence, qui gouverna la mission pendant dix-neuf ans. Tama­ rati, op. cit., p. 442. Les missionnaires latins, francis­ cains ct dominicains, continuaient de venir nombreux en Géorgie ct de travailler à la conversion des païens ct au retour des schismatiques A l’union. Ch. de SaintVincent, L'année dominicaine, /Xmicns, 1702, p. cvn; Henrion. Stnria universale dette missioni cattoltche, Turin, 1746,1.i, p. 125. Jean de Florence fut remplacé cn 1349 par Bertrand Colletti que Clément V transféra A Ampurie ct auquel il donna comme successeur l'évêque Bertrame (1356). Le grand schisme d’Occident fit sentir jusqu'en Géorgie scs funestes effets. Bertrame, ayant pris parti pour le pape de Rome, Urbain VI, sc vit destituer par son rival d’Avignon, Clément VII, qui le remplaça par un de scs partisans, le franciscain Henri Ratz. Archives Vaticanes. Clcm. Vil rom. Reg. Vat. 228. fol. 39. Quelques années plus tard, Bertrame fut rétabli sur son siège de Tiflls où il mourut cn 1391. Il eut pour successeur Léonard de Villaco, nommé par Boniface IX. Archives Vaticanes, Boni/. IX, ann. n, 1. XVII, fol. 168, puis par un certain Jean, nommé A une date Inconnue.· En 1125, Martin V choisit comme évêque de Tiflls le dominicain Jean de Saint-Michel. Archives Vaticancs, Reg. Vat., Mart. V, I. XXXII. fol. 207. Nicolas V nomma un autre domi­ nicain, Alexandre, cn 1150, ct Pic II, cn 1462. Henri qui mourut la même année, puis Henri Wonst, un franciscain. Le siège passa le 10 Juillet 1469 A un augustln, Jean Ymmlnk, ct revint ensuite aux fran- 1281 GEORGIE cis coins qu comptèrent parmi eux les deux derniers titulaires du .siège de Tiflis, Albert Engel cn 1193 et Jean Schneider de Dortmund cn 1507. Tarnarati, Église géorgienne, p. 450. 11 y eut donc quatorze évêques latins de Tiflls depuis In création du siège cn 1329, jusqu’à sa disparition au début du xvi· siècle Λ partir de cc moment, les missionnaires latins sc firent de plus en plus rares cn Géorgie jusqu’à dis­ paraître tout à (ait pendant un siècle environ. C’est alors qu'ils furent momentanément remplacés par les frères unis ou unileurs, branche arménienne de la famille de saint Dominique. Nous voyons, cn effet, le pape Paul 111 recommander deux de ccs missionnaires au roi de Géorgie, Louarsab (juin 1515). Archives Vaticancs, Paul, 111, ann. xi-xu, t. v, I. CCXLV, fol. 104. La mission des frères unitcurs semble avoir eu un plein succès, puisque le pape envoya l’année suivante un nonce cn Géorgie, l’archevêque arménien Étienne de Natchitchévan. Archives Vaticancs, Paul. 111, ibu!.. fol. 286. XXII. Mission des Pères théatins (1626-1700). — Pendant près d’un siècle, les Géorgiens furent privés de missionnaires catholiques. Au début du xvn· siècle, ils en demandèrent d’eux-mêmes. Les deux princes Manukar ct Alexandre s’adressèrent à ceux qui évan­ gélisaient la Persc, mais ils n’en obtinrent aucun. Antoine de Govvca, Relation des grandes guerres et victoires obtenues par le roy de Perse Cha Abbas, p. 477. Les princes de la Géorgie occidentale les imitèrent bientôt. Le prince Dadian réussit à faire venir un Père jésuite de Constantinople, le P. Louis Granger, qui partit pour la Mingrélic cn 1614 ct commença un apostolat fructueux que le manque de missionnaires obligea d’abandonner. En 1624. la Propagande envoya cn Orient quatre Pères dominicains pour étudier la situation. L'un d’eux visita la Géorgie ct promit aux princes de cc pays de leur faire envoyer des mission­ naires. On ne put malheureusement tenir ccs pro­ messes. Archives de la Propagande, Persia, Giorgia, Mcngrelia e Tartaria, t. ccix, fol. 439 sq. Plusieurs rapports favorables ayant été envoyés à la Propagande par divers missionnaires, cette Congrégation sc décida à entreprendre le retour des Géorgiens à l’unité catholique. Elle choisit pour cela l’ordre des théatins. Le P. Pierre Avitabillc partit de Home cn 1626 avec deux autres Pères. En route, ils rencontrèrent, à Messine, un moine géorgien. Nicolas Erbaclii. envoyé comme ambassadeur par lo roi Télmouraz auprès du pape ct des autres souverains d'Europe. Silos. Historia clericorum regularium, Home, 1655, t. n, p. 588. Nicolas Erbachl, après s’être converti à Home, fit fonder à la Propagande une imprimerie pour la langue géorgienne et imprima dans ccttc langue un petit livre de prières et un dictionnaire ilalo-géorgien. Tarnarati, op. cil., p. 505. Les missionnaires théatins n’arrivèrent en Géorgie qu’en décembre 1628. Leur prédication ct l'exercice de la médecine leur attirèrent bientôt la sympathie générale, malgré les calomnies répandues sur eux par des prêtres grecs venus de Jérusalem pour quêter en faveur du Saint-Sépulcre. Le retour de Nicolas Erbaclii accentua encore cette sympathie. Cependant le roi Tciinouraz n’osa point faire publiquement profession de foi catholique. Deux nouveaux missionnaires théatins partirent pour la Géorgie cn 1630. Ils rencontrèrent à Malle le P. Pierre Avitabile, envoyé à Home pour y exposer la situation de la Géorgie et qui repartit bientôt avec quatre nouveaux missionnaires, parmi lesquels le P. Chrlstophorc Castelli qui joua un grand rôle dans la suite. Il semblait que la mission allait se développer, mais les dispositions du roi ayant complètement changé sur le refus des Pères de lui verser une forte somme qu’ils n'avaient pas d’ailleurs, tout espoir d’une convermcr. nx tiiêol. cathol. 128? slon en masse de a nation fut perdu. Le pays tomba bientôt sous la domination «les Persans, ce qui ne facilitait pas la tâche des missionnaires. A la suite de cette conquête, la Propagande plaça, en 1633. la mission de Géorgie, sous la juridiction de l'évêque latin d’Ispahan. En même temps, on créait à Home le collège urbain de la Propagande, dont l'évangélisation de la Géorgie avait été l’occasion, ct on y réserva deux places pour les jeunes gens de cc pays. La mission reprit une certaine importance, puk la peste ct les guerres qui désolaient la Géorgie orientale ne tardèrent pas à la ruiner presque complètement. C'est alors que plusieurs Pères théatins allèrent s’établir cn Min­ grélic (1633) ct deux autres en Gourie, l’année suivante. Malheureusement, l’ordre ne sut pas borner son apostolat à la Géorgie. Les résultats merveilleux que les augustins obtenaient dans les Indes décidèrent le P. A vitabile ct plusieurs de scs compagnons à se rendre dans ces missions lointaines. Cc fut la cause pour laquelle fut abandonnée la mission de Gori. cn Géorgie (1638). Archives de la Propagande, Persia, Giorgia, Mengrelia e Tartaria, t. cax, fol. 391. Les mission­ naires de Gourie avaient reçu un excellent accueil du prince Malachle, qui était en même temps catholicos de la Géorgie occidentale. Ils établirent une école ct firent beaucoup de bien, malgré l’hostilité des prêtres grecs. Galanus, Conciliatio Ecclesiæ armerue, L ni, p. 169. La plus célèbre conversion opérée par un des leurs, le P. Castelli dont nous avons parlé plus haut, fut celle d'une princesse géorgienne, nommée Hélène, que le prince de Mingrélic, Dadian. obligea à épouser le chah de Persc, mais qui resta toujours catholique. Cottono. Ile scriptoribus clericorum regularium, p. 93. La mort du p ri nce-ca tholi cos Malachie nuisit beaucoup à la mission. L'hostilité du nouveau titulaire, Vakh­ tang, obligea le P. Castelli ct son compagnon à quitter le pays pour se réfugier cn Mingrélic. Le missionnaire persécuté fut bientôt appelé par Alexandre, roi d’Imérétie. Là encore il fut cn butte aux poursuites des prêtres grecs. Le patriarche d’Alexandrie vint même à Koutals au nom de son collègue de Constantinople demander au roi l’éloignement du P. Castelli, mais sa démarche demeura sans succès. Le prestige des Pères s'accrut beaucoup aux yeux du peuple par suite de l'échec des grecs. Malheureusement, le prince Dadian réclama le missionnaire ct recourut même aux menaces de guerre pour obliger le roi Alexandre à le laisser partir. Archives de la Propagande, Persia, Giorgia, Mengrelia c Tartaria, t. ccix, fol. 204. Cependant la mission de Mingrélic que le P. Castelli venait renforcer voyait grandir son influence· Le prince Dadian donna aux théatins une belle église à Cipourias ct douzo enfants à élever dans la fol catholique. Lambert!, Istoria sacra dei Colchi, p. 323 sq. Ils réussirent à faire défendre par le prince le trafic honteux des esclaves, très important dans tout le pays, puisque les mar­ chands grecs et arméniens cn emmenaient chaque année une moyenne de deux mille de la seule Min­ grélic, pour les vendre aux Turcs. Archives de la Propagande, Persia, Giorgia, Mengrelia e Tartaria, t. ccix, fol. 393 sq. De même, ils réussirent à rebaptiser nombre de personnes dont le baptême, conféré par des prêtres ignorants ct d’après des rituels fautifs, était invalide. ILs firent disparaître les fautes qui s’étaient glissées dans le rituel ct instruisirent le clergé de scs devoirs par rapport à l’administration des sacrements. Cottono, op, cit., p. 96. Pour pouvoir donner le bap­ tême, ils durent recourir à des subterfuges, ct le conférer souvent sous prétexte de médecine. Silos, op. cit,, t. n, p. 631. Plusieurs conversions importantes récompensèrent les missionnaires de leurs cflorts. L'archevêque grec de Trébizondc, Macaire, cn tournée de quêtes cn Mingrélic, ct l’archevêque géorgien Vf. - H 1283 GÉORGIE 1284 chassé de scs États par une révolution, eut pour Allaverdéll, tous deux farouches adversaires des successeur son neveu Cosrov-Khan, qui abjura le latins, se laissèrent loucher par la grâce et se firent mahométisme ct sc fit catholique. Parmi les autres catholiques. Archives de la Propagande, Leltere della princes qui embrassèrent la cause dc l’union, il faut Mengrelta, etc., t. cxxin, fol. 7; Lambert), op. ci/., citer Soulkan, dc l’illustre famille des Orbélianl, qui p. 353. Puis cc fut le tour du prince Dadlan que les se fit religieux sous le nom dc Saba, ct qui rendit les missionnaires baptisèrent et qui envoya des ambas­ plus grands services à la cause catholique en Géorgie. sadeurs au pape Urbain VIII pour lui témoigner son Archives dc la Propagande, Acta S. Congregationis, entière soumission. Archives dc la Propagande, Ldlere an. 171-1, n. 32, Giorgia, fol. 442. En 1714, le princedi Polonia, Moscou ia, Valachla, Moldavia, Palestina, moine Saba sc rendit en France ct â Rome pour de­ Soria, Armenia, Persia ct Tartaria, L xlii, fol 109. La mander la délivrance dc son oncle, le roi Vakhtang, mort du prince en 1657 ct la pénurie de sujets entraîna prisonnier en Perse depuis plusieurs années, ct pour la ruine de la mission des Pères théatins. Archives dc presser l’envoi dc missionnaires, lazaristes ou jésuites. la Propagande, Leltere della Sacra Congregazione, Ccttc dernière démarche déplut aux capucins. Archi­ L xxx, fol. 111. Dès 1660, un des leurs, le P. Galano, ves dc la Propagande, Acta S. Congregationis, an. 1714, établi à Constantinople, proposait à la Propagande n. 32, Giorgia, fol. 442. La Propagande décida dc d’envoyer en Géorgie des religieux d’un autre ordre. passer outre, d’accord avec le gouvernement français. Archives dc la Propagande, Asia e Cipro, t. ccxxvu, Les lazaristes étaient sur le point dc s'embarquer à fol. 33. Cependant la S. C. hésitait Λ enlever aux théatins ccttc mission où ils avalent si bien travaillé. Marseille, lorsque la mort de Louis XIV remit tout Elle demanda à leur général dc choisir dc nouveaux en question (1715). Tamarati, Église géorgienne, p. 605. missionnaires aussi nombreux que possible. Archives L’arrivée dc nouveaux capucins en Géorgie diminua dc la Propagande, Scrillure ri/erîle, Giorgia, t. i, p. 12. le regret de cct échec. Le retour du prince-moine Saba fut aussi une circonstance favorable au développe­ Le dernier départ dc théatins eut lieu en 1691. Pendant le court espace de temps que les religieux dc cet ordre ment du catholicisme, à cause dc l'influence dont 11 ont évangélisé la Géorgie, ils ont produit un bien jouissait dans son pays. Immense par leur zèle apostolique, leur charité ct Depuis le commencement dc leur mission, les capu­ leur vaste érudition. cins étaient en butte aux persécutions des Arméniens que les vexations des Persans obligeaient de plus en XXIII. Mission des Pères capucins (1661-18-15). — Nous avons vu que les théatins avaient dû, faute plus ù émigrer vers le nord. Tous les missionnaires de sujets, abandonner petit à petit la Géorgie propre­ s’en plaignaient dans leurs lettres. Cf. Archives de la ment dite pour se replier sur la Mingrélic. La Propa­ Propagande, Acta S. Congregationis, an. 1709, n. 43, gande décida, le 16 juin 1661, de leur attribuer défini­ Armenia, Giorgia, fol. 203. En 1669, il fallut l’inter­ tivement ccttc dernière province ct dc confier le reste vention personnelle du roi pour empêcher l’expulsion du pays aux capucins. Michael a Turio, Pullarium des capucins de Tiflis. Archives de la Propagande, capuccinorum, t. vn, p. 237. Le premier envol compre­ Acta S. Congregationis, an. 1669, n. 20 b, Giorgia, nait cinq Pères ct deux frères convcrs qui eurent fol. 257. Une vingtaine d’années plus tard, les Armé­ beaucoup dc difficulté â pénétrer en Géorgie, ù cause niens, profitant dc l’absence du roi, usèrent dc violences des guerres avec les Turcs. Au commencement de 1663, sur les capucins et tentèrent dc détruire leur établisse­ trois Pères arrivèrent à Tilfis, où ils s'installèrent. Un ment. Le prince Barzim délivra les missionnaires. Lo d’entre eux, le P. Carlo-Maria de Saint-Marin, retourna renversement du roi Georges, protecteur dc la mission bientôt à Rome pour exposer la situation difficile où (1697), ct les bouleversements politiques qui en furent se trouvaient les nouveaux missionnaires au point dc la conséquence permirent aux Arméniens dc recom­ vue matériel et pour demander de prompts secours en mencer leurs persécutions. Rome dut recourir au chah hommes et en argent. Après bien des pourparlers, il dc Perse ct faire intervenir les puissances catholiques obtint gain de cause. La mission put dès lors exercer pour protéger la mission menacée. P. Raphaël du Man^ une influence considérable, d’autant plus que les Pères Estât de la Perse, Paris, 1890, p. 376. La persécution capucins furent autorisés, comme les théatins, à reprit bientôt, car les Arméniens avaient réussi à exercer la médecine avec prudence. Archives dc la s’entendre avec les Géorgiens dévoués aux grecs ct Propagande, Lettere della S. Congregazione, t. ni, avec les envoyés des patriarches dc Constantinople ct fol. 209; L lv, fol. 39. Ils établirent une école ct dc Jérusalem. Archives dc la Propagande, Scrillure rilente, t. dlxvi, n. 43. En 1717, quelque temps après bâtirent une église qui attira beaucoup de monde. Archives de la Propagande, Atll delta S. Congregazione, le retour du princc-moinc Saba en Géorgie, les z\rmé3 agosto 1671, p. 260. Ils traduisirent en géorgien le niens se montrèrent encore plus hardis qu'nuparavanL Missionari Toscani, part. Il, fol. 762 sq. Bientôt catéchisme de Bellarmin ct prièrent la Propagande de le faire Imprimer, cc qui n’eut Heu que dix ans plus cependant la situation changea. Le roi Vakhtang étant rentré dc Perse dans son royaume, il prit les mission­ tard, en 1681. Leur apostolat ne s’exerçait pas unique­ naires sous sa protection ct le princc-moinc Saba ment dans la ville dc TIOls, Il rayonnait encore dans les seconda leurs efforts dc tout son pouvoir. Archives dc régions environnantes. Archives de la Propagande, la Propagande, lAttere delta S. Congregazione, t. cvn, Scnlture rt/erite, Giorgia, t. i, n. 27. Un moment, ils fol. 335; t. cviii, fol. 368, 377; t. cix, fol. 389. De crurent pouvoir conclure l’union de la nation tout nouveaux troubles agitèrent le pays, mais n’empê­ entière avec l’Église catholique, mais le projet ne put chèrent point les capucins de développer leurs œuvres, être exécuté, parce que Mgr Piquet, délégué en Perse, surtout en Imérétlc ct à Akhaltzkhé, alors occupée fut empêché de se rendre en Géorgie pour traiter ccttc par les Turcs. Plusieurs princes, comme les deux grave affaire. Archives dc la Propagande, Scrillure Orbélianl, Jean ct Vakhtang, parents dc Saba, l’évêque ri/erite, 11, n. 88. Chrlstophorc ct d’autres personnages importants Cependant les retours partiels à l’unité consolèrent embrassèrent alors le catholicisme. Une nouvelle per­ les missionnaires de cet échec. Le roi Georges embrassa sécution des Arméniens chassa les capucins dc Géorgie la fol catholique en 1686. Archives de la Propagande, ct ferma leur église dc Tlflis (1742). Archives dc la Ada S. Congregationis, fcb. 1686, fol. 23. Il fut bientôt Propagande, Monte Caucaso, Giorgia, t. n, n. 43, 44. imité par Eu thyme, archevêque de la Géorgie, par son Grâce aux démarches dc Rome, les missionnaires propre frère, par plusieurs prêtres. Missionari Toscanl, purent rentrer quelques mois après. 1.1, fol 737, et par le prince Barzim, dont la conversion L’évêque latin d’Ispahan, qui étendait toujours sa produisit une Impression profonde. Le roi Georges, 1285 GEORGIE juridiction sur In Géorgie, vint Λ Tiflis vers la même époque ct crut nécessaire d’y établir un vicaire épis- 1 copal. 11 choisit pour cela le P. Niccolo de Glrgcnll, des capucins, cc qui déplut au P. Claudio, préfet dc la mission, alors en voyage en Europe. A son retour, le P. Claudio quitta la mission de Tints pourccllcd’Akhaltzikhé. La querelle s'envenima à cause du manque d’esprit dc conciliation dont fit preuve le P. Niccolo ct de l’indépendance qu'il montra vis-ù-vls du Père préfet. Rome essaya en vain dc calmer les esprits. Archives dc la Propagande, Leltere della S. Congregazione, t. clxxi, fol. 191; t. clxxiii, fol. 156. Les démarches tentées dc 1742 à 1750 pour faire nommer un évêque latin à Tiflis n'aboutirent pas. En 1742, une partie de la Géorgie occidentale, Akhallzikhé avec son district, alors sous la domination de la Tur­ quie, fut détachée du diocèse d'Ispahan ct confiée au délégué apostolique résidant à Constantinople. Ar­ chives dc la Propagande, Scrillure non ri/erite, Monte Caucaso, Giorgia, t. n, n. 29 a. Cet expédient, imaginé pour remédier aux difficultés que présentait la visite de la Géorgie par l’évéquc d’Ispahan, n'obtint point le succès qu'on en attendait. Les délégués apostoliques n'allèrent jamais au Caucase et ne purent pas mettre fin aux démêlés qui curent lieu entre le clergé ct les fidèles et au sein même du clergé. L’absence d'un évêque fut toujours funeste aux développements de la mission catholique. En 1757, les capucins obtinrent de Rome la permission de chanter en langue géorgienne l’épître, l'évangile, le Gloria et le Credo à la messe solennelle. En 1781. la même faveur fut étendue aux Géorgiens qui suivent le rite arménien. Les frères Orbélianl. dont nous avons parlé plus haut, sc faisant apôtres comme leur parent, le prince-moine Saba, portèrent la foi catholique dans l’iméréLic ou Géorgie occidentale, où ils convertirent le catholicos Bessarion, le roi Alexandre, le prince dc Ratcha. Bos­ ton!, frère du catholicos, ct d’autres personnages impor­ tants, Archives de la Propagande, Miscellanee varie. t. r, cahier xm. Les capucins y établirent aussi une mission que les envoyés du patriarche grec réussirent ù ruiner complètement. Archives de la Propagande, Scrillure non ri/erite, Monte Caucaso, Giorgia, t. n, n. 63. Les Arméniens essayèrent d’en faire autant à Tiflis, mais ils n’y parvinrent pas, même en promettant une somme dc 51 000 écus au catholicos Antoine Ier (1753). Ar­ chives dc la Propagande, Scrillure non ri/crite, Monte Caucaso, t. n, n. 69. Entre 1750 et 1755, le catholi­ cisme prit à Tiflis une importance considérable. Le catholicos Antoine, plusieurs prêtres cl religieux, une soixantaine de princes ct un grand nombre dc fidèles étaient unis ù Rome. Archives dc la Propagande, ibid., n. 71. Les grecs ct les Arméniens coalisés finirent cependant par obtenir du roi l'expulsion des capucins, vers 1757. Rome réussit par ses démarches auprès des gouvernements français, autrichien ct ottoman ù faire revenir les missionnaires ù Tiflis, mais Ils ne purent pas rentrer en possession dc leur église. Archives dc la Propagande, ibid., n. 76. La Propagande forma alors le projet dc fonder une nouvelle mission auprès des montagnards du Caucase et en confia la direction aux religieux dc la congréga­ tion dc Salnt-Jcan-Baptistc. malgré l’opposition des capucins (1760). Archives dc la Propagande, Leltere della S. Congregazione, t. exevi, fol. 133. Les nouveaux missionnaires, au nombre dc cinq (trois religieux édlc Ihéulogique orthodoxe, Lopoukinr-Gloubovskl, Saint-Pétersbourg, 1903, t. m, col. 717-753. IV. Missions catholiques en Géorgie. — L. Auvray, Les registres de Grégoire IX, Paris, 1896, l. i; P. A· Carayon» Documents inédits concernant la Compagnie de Jésus, Poitiers, 1869. t. xx; C. M. Cottono, Dc scriptoribus cleri­ corum regularium. Pa I erm c. 1753; Bart. Ferro, Istoria delle missione det chicrict regolari, 2 vol., Rome, 170-1; D. Garcias de Silvia Figueroa. L’ambassade m Pcr.c, Paris, 1667; Fontana, Sacrum theatrum dominleanum, Rome. 1666, t. n; C. Gatanus, Conciliatio Ecdcsiir Amena· cum rnntana, 3 VOL, Rome, 1650-1054; Antoine dc Gouvca, Relation des 1289 GÉORGIE — GERBERON 1290 grandes guerres rt victoires obtenues par le rng de Perse, Bibliothèque sacrée. Paris, 1824, I. xn, p. 49; Daniel de la Chah Abbas, Rouen, 1646; F. de Gubernatis, Orbis %era· Vierge-Marie, Speculum carmelttanum, Anvers, 1680. t. I, phicus. De missionibus inter Infideles, Home, 1689; Henrion, p. 134; Petrus-Lucius, Carmelitana bibliotheca, Florence» Histoire générale des missions catholiques, 2 vol., Paris, 1593, fol. 31; Hurter, Nomenclator, 1906, I. i, col. 487-488. 1842; J. Juvencus. Historia Societatis Jesu, Home, 1710, P. Servais. t. xvn ; A. Mmbcrti, Rtlazlone della Colchide, Naples, GERBAIS Jean, théologien, né vers 1629 à Rupols 1654; Sacra istorla det Colchi (Colchlda sacra), Naples, dans le diocèse de Helms, mort à Paris le 14 avril 1699. 1675; E. Langlois, Les registres de Nicolas IV, Paris, 1893, Il sc fit recevoir en 1661 docteur en théologie dc la t. i; Murccllino da Clvczza, Storia universale delle missioni maison de Sorbonne et l’année suivante fut nommé franccscane, 11 vol., Home, 1857; Potthast, Regesta ponti· ficum romanorum, 2 vol., Berlin, 1873; Pressu11, Regesta professeur d'éloquence au collège royal. L’Assemblée Honorii papir III, Home, 1895; Hnphael du Mans, Estât du clergé le choisit pour réunir et publier les régiede la Perse, Paris. 1890; Rocco da Ccsinnle, Storia drlle monts portés précédemment sur les réguliers. L’ou­ missioni dei cappucclnt, Home, 1878, t. m; Bottiers, Iti­ vrage parut avec les commentaires de François Hallier néraire de Τι/lis d Constantinople, Bruxelles, 1829; Rubnisous le tilrc : Ordinationes univeni cleri gallicanl quis, Voyage en Tartarie, dans Bergeron, Relations des circa regulares conditx primum in comitiis generali­ voyages en Tartarie, Paris, 165*1; Ch. dc Saint-Vincent, bus anno 1625. Renovatæ et promulgata in comitiis L'année dominicaine. Parts, 1702; H. SbaralcH, Hullahum franciscanorum. Home, 1749, t. i, n, iv; J. Silos, Historia anni 1645 : cum commentariis Franclsci Haliter, clericorum regularium, 3 vol., Horne, 1555; P. della Valle, in-4®, Paris, 1665. Jean Gerbais publia en outre : Viaggi, 3 vol., Bologne, 1677; Annales de la Propagation Dissertatio de causis majoribus ad caput concordato­ de la foi, Lyon, t. xvn, .Mémoires du levant, Lettres édi­ rum de causis, cum appendice quatuor monumentorum fiantes et curieuses écrites des Missions étrangères. Parts, quibus Ecclesix gallicanæ libertas in retinenda antiqua 1780. On trouvera aussi dc multiples renseignements aux episcopalium judiciorum forma confirmatur, in-4°, Pa­ Archives dc la Propagande, lettres, rapports, décisions, etc. ris, 1679 : cette dissertation fut condamnée par Inno­ V. Langue et littératurb. — H. von Arich. ht die Æhnlichkeit des glugolltischcn mit dem grustnlschen Alphabet cent XI dans un bref du 18 décembre 1680; sur Zu/all? Leipzig, 1895; A. Baumstark, Die christlichen l’ordre dc l’Assemblée du clergé, Jean Gcrbais cor­ Literaturen des Orients, Leipzig, 1911, t. n; KhnkhanofT ou rigea son travail qui parut à nouveau à Lyon en Khakhnnachvili, Aperçu géographique el abrégé de Vhistoire 1685 ct à Paris en 1690; Traité pacifique du pou­ et de la littérature géorgiennes, Paris, 1900; Histoire de la voir de Γ Église et des princes sur les empêchements littérature géorgienne (en géorgien), Tiilis, 1904; Chota du mariage avec la pratique des empêchements qui Roustavéll, La peau dc léopard (en géorgien); trad, alle­ mande par Lclst, Der Mann in Tigerelle, Leipzig, 1880; subsistent aujourd'hui, in-4®, Paris, 1690; Lettre d'un trad, franç. par Achns Borin, La peau dc léopard. Parts, docteur de Sorbonne ù une personne de qualité au sujet 1885; A. Trombcttl, L'unilà d'origine del llnguaggto, de la comédie, in-12, Paris, 1694; Trois lettres d'un Bologne, 1905. docteur de Sorbonne à un bénédictin de la congrégation R. Janin. de Saint-Maur touchant le pécule des religieux faits 1. GÉRARD André, jésuite français, né à Gap, le curés ou évêques, in-12, Paris, 1695 : cet écrit fut mis 30 mars 1G08, admis au noviciat de la Compagnie dc I A l’index le 21 mars 1704; Lettre d'un docteur de Jésus le 26 septembre 1626, professa les humanités cl Sorbonne à une dame de qualité touchant les dorures la rhétorique au collège dc Dôle, la philosophie à Aix, des habits des femmes, in-12, Paris, 1696; Traité du puis l’Écriture sainte, devint recteur des collèges I célèbre Honorine (Nicolas Tudcschl) touchant le concile d’Arles ct d'Embrun, tout en sc livrant au ministère dc Rasle mis en français, in-8®, Paris, 1697, ouvrage dc la prédication ct en s’occupant avec ardeur dc condamné par l’inquisition en 1699; Lettre de l'Église controverses avec les protestants. Appelé à Home dc Liège au sujet d’un bref de Pascal II mis en français, comme secrétaire du P. général pour les provinces dc in-8®, Paris, 1697. France, il mourut dans cette ville le 26 décembre 1686. Nicéron. Mémoires pour servir d Vhistoire des hommes On a dc lui un Traité de controverses où il est démontré Illustres. I. xiv, p. 130; Moréri, Dictionnaire historique, 1759, par les propres principes de la religion prétendue qu elle t. v b, p 164; Journal des savants, 19 février 1691, p. 89; n'est pas la bonne, Grenoble, 1661. En outre, un résumé 28 mai 1696, p. 385; Acta eruditorum LipsUr. Supplemen­ dc son enseignement scripturaire : Medulla omnium tum. 1692. t. i, p. 57, 625; Dr. Joh. Fr. von Schulte, Die Epistolarum S. Pauli et Epistolarum canonicarum san­ Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechts, ctorum ad varias ratiocinationes contracta, Lyon, 1672. in-S·, 1880. t. m, p. 621; Férrt. La faculté de théologie Cf. Sommcrvogel, Bibliothèque de la C’· de Jésus, t. ni. Col. 1342 sq.; Hurler, Nomenclator, 3· édit., t. ni, col. 58. P. Bernard. 2. GÉRARD DE BOLOGNE, canne Italien, docteur ct professeur dc Paris, sc signala par sa piété, son érudition ct son éloquence. Appelé par les voix unanimes dc ses confrères ù la charge dc général dc son ordre, Il s’employa, pendant les 20 ou 21 années qu'il l'occupa, à promouvoir parmi les siens l’amour des études sacrées. Il mourut A Avignon, le 17 avril 1318, sans avoir pu achever son vaste ouvrage : Summa theologiæ notabilis. Il laissait manuscrites les leçons qu’il avait données à Paris : Questiones varix, et Quodlibcta varia. Grâce aux soins du canne Léonard Priulo, nous avons dc lui : In libros IV Sententiarum commentaria, in-fol..Venise, 1622. Quoique fidèle A saint Thomas dans l’ensemble de son enseignement, l’auteur s'en écarte cependant quelque peu ct sc rapproche plutôt de Duns Scot dans la question des universaux. J. Trisse. Catalogus priorum generalium ord. carmeL, dans Arrhh· f"r Lttrrafur und Kirchengesehlchte. t. v. p. 379; Bnphnrl dr Snlnt-Josrph. Prolegomena in S. theologiam, Gnnd 1882. p. 80; Cosme dc Villiers. Ribliotheca carme* ULana, Orleans, 1752, I· i, coi. 518-550; Richard el Girnud, dc Paris ct ses docteurs les plus célèbres. Époque moderne, Paris, 1006, t. iv, p. 362-368; Hurter, Nomenclator, 1910, t. rv, col. 223, 591. B. Heurtebize. GERBERON Gabriel, bénédictin, né le 12 août 1628 Λ Saint-Calais, dans le diocèse du Mans, mort à l’abbavc dc Saint-Denis le 29 mars 1711. Scs études dc philosophie chez les Pères de l’Oratoirc ù Ven­ dôme terminées, ct âgé seulement de dix-neuf ans, H fut choisi comme principal du collège dc sa ville natale. B renonça bientôt A ccttc charge pour aller de­ mander l’habit bénédictin à Saint-Mclaine de Rennes où il fit profession le 11 novembre 1649. Ordonné prêtre vers l’an 1655, il enseigna lu rhétorique, la philosophie et la théologie en divers monastères. A la suite de plain­ tes au sujet de son enseignement, ct après avoir été sousprieur à Saint-Benoît-sur-Loirc, il fut envoyé ù l’abbayc de In Couture du Mans, d’où, après être passé dans quel­ ques monastères dc Bretagne, il alla A Sain t- G crm ai ndes-Prés ct s'y employa à l’élude des Pères. Il fit tous scs efforts pour amener les supérieurs dc la congrégation de Saint-Maur A faire préparer une nouvelle édition des œu­ vres dc saint Augustin. Malheureusement domGerbcron | sc montrait en toutes circonstances l’ardent défenseur 1291 GERBERON des doctrines jansénistes, se permettant les attaques les plus dures contre ses adversaires. Scs supérieurs durent alors l’éloigner de Paris ct l’envoyèrent au pri­ euré d’Argcntcuil, puis ά l’abbaye de Corbie où il arriva au mois de juin 1675. Il y remplit les fonctions de sous-prieur. Dom Gerberon ne tarda pas à être accusé de défendre ct de propager le jansénisme; on lui reprocha en outre d’avoir pris parti contre la cour dans J'aiTaire de la régale. Aussi, le 14 janvier 1682, un exempt arrivait dans la ville de Corbie avec ordre d’ar­ rêter cc religieux ct de le conduire à Paris. Averti Λ temps, dom Gerberon prit la fuite, se retirant d’abord à Amiens, puis dans les Pays-Bas. Là il essaya de se justifier des accusations portées contre lui dans un mémoire qu’il adressa au commencement de 1683 au marquis de Sclgnelay, secrétaire d’fttat. Afin de sc mieux cacher, il quitta l’habit religieux, prit le nom d’Augustin Kergré ct s'efforça par scs discours et par scs écrits de répandre les doctrines jansénistes. En 1689, à cause des guerres entre la France ct la Hollande, il se fit recevoir bourgeois de Rotterdam. Toutefois il demeura peu dans cette ville; car dès l’année suivante il était à Bruxelles où il vécut en étroites relations avec Qucsncl ct les autres prétendus défenseurs de la doctrine de saint Augustin ct où il publia bon nombre d’ouvrages. Le 30 mal, il fut arrêté ct mis en prison par l'ordre de Mgr de Prccipiano, archevêque de Malines. Son procès fut instruit ct dom Gerberon fut condamné comme défenseur opi­ niâtre du jansénisme, rebelle à l’autorité du SaintSiège, auteur de livres diffamatoires contre le pape ct les évêques, etc. 11 était banni du diocèse ct renvoyé à scs supérieurs. Sous bonne escorte il fut conduit hors du pays ct enfermé à la citadelle d’Amiens où il demeura Jusqu'au commencement de 1707. Il fut ensuite transféré au donjon de Vincennes, d'où il sortit en 1710 après avoir signé, sur l'ordre de l’arche­ vêque de Paris, une profession de foi qu’il dut rati­ fier devant scs supérieurs à Saint-Germain-des-Prés. Puis fl fut envoyé à l'abbaye de Saint-Denis où il mourut non sans avoir écrit une lettre au pape où il prétend expliquer la signature qu'il avait mise à sa profession de fol lors de sa sortie de prison. Dom Ger­ beron a beaucoup écrit ct lui-même a donné une liste volontairement incomplète de scs ouvrages. Mal­ heureusement presque tous furent composés pour soutenir et propager les doctrines jansénistes ct sont l’œuvre d'un violent polémiste. Apologia pro Ruperto abbate Tuitiensi, in qua de eucharistica veritate eum catholice sensisse et scripsisse demonstrat vindex frater Gabriel Gerberon, ln-8w, Paris, 1669 : excellent ouvrage dirigé en partie contre Claude Saumaise qui avait affirmé que l’abbé Rupert était opposé au dogme de la transsubstantiation ; Catéchisme de la pénitence qui conduit les pécheurs à une véritable conversion. in-16, Paris. 1672 ct 1675, traduction d’un ouvrage en latin de M. Raucour, curé de Bruxelles : dom Ger­ beron l’a corrigé et y a ajouté deux méditations de saint Anselme; Acta Marii Mercatoris. S. Augustini Kcdeslsr doctoris discipuli, cum notis Rigberii theologi /ranco-german i, in-16, Bruxelles, 1673 : High cri us est un pseudonyme de dom Gerberon; Avis salutaires de la B. V. Marte ά ses dévots indiscrets, in-12. Lille, 1674 : traduction de l’écrit latin Monita salutaria de ΓAllemand Adam Wlndclfts; dom Gerberon traita le même sujet dans Lettre à M. A belly, évéque de Rodez, touchant son livre de Γ excellence de la sainte Vierçr, In-12, 1674; La fable du tems, ou un coq noir qui bat deux renards, 1674 : les deux renards sont l'évêque de Séez. Médavi de Grancé, et l’archevêque de Rouen, de Harlay, plus tard de Paris; L'abbé eommendatair' par le sieur de Froismont, in-4·, Cologne, 1674 : la premiere partie de cct ouvrage avait paru 1292 l'année précédente ct est l'œuvre de dom Delfau; Sentiments de Criton sur l'entretien d'un religieux et d’un abbé touchant tes commendes, in-12, Cologne (Orléans), 1674; Sancti Ansetmi ex Beccensl abbate Cantuariensis archiepiscopi opéra : neenon Eadmeri monachi Cantuariensis Historia novorum ct alia opuscula, In-fol., Paris, 1675 (P. L., t. clvhi, clix); Le combat spirituel, composé en espagnol par D. Jean de Cast gniza, religieux de l'ordre de S. Benott, el traduit en français sur l'original manuscrit, in-12, Paris, 1675; Catéchisme du jubilé cl des indulgences, Paris, 1675; Dissertation sur t'Angelus, in-12, Paris, 1675; Le miroir de la piété chrétienne, où l'on considère avec des réflexions morales l'enchaînement des vérités catholiques de la prédestination et de ta grâce de Dieu, et de leur alliance avec ta liberté de la créature, par Flore de Sainte-Foy, in-16, Bruxelles, 1676 : ce livre fut censuré par plusieurs évêques; dom Gerberon sc défendit par l’ouvrage suivant : Le miroir sans tache où l'on voit que tes vérités que Flore enseigne dans le miroir de la piété sont très pures, et que ce qu'on a écrit pour les réfuter n'est rempli que d'injures, de faussetés et d'erreurs, par l'abbé Valentin, in-16, Paris, 1680; Mémorial historique de ce qui s'est passé depuis l'année 1647 jusqu'en Ι65.Ί touchant les cinq proposi­ tions tant à Paris qu'â Rome, Cologne, 1676; Histoire de la robe sans couture de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est révérée dans l'église du monastère des religieux bénédictins d'Argenteuil avec un abrégé de l'histoire de ce monastère, in-12, Paris, 1676 : cct ouvrage a eu de nombreuses éditions; Deux lettres d'un théologien, l'une à M. le cardinal Grimaldi, archevêque d'Aix, l'autre à M. l'archevêque de Reims : ces deux lettres se trouvent dans un ouvrage intitulé : Le combat des deux clefs ou défense du miroir de la piété chrétienne, par M. Le Noir, théologal de Sécz, in-12 (Reims), 1678; Jugement du bal et de la danse, in-12, Paris, 1679; La morale des jésuites justement condamnée dans le livre du P. Moya, jésuite, sous le nom d'Amedeus Guimenius par la bulle de N. S. P. le pape Innocent XI, ln-12, 1681; Manifeste ou Lettre apologétique de dom Gerberon, prêtre, sous-prieur de l'abbaye de Corbie, à Λ/. de Seignelay, 1583; La vérité catholique victo­ rieuse, Amsterdam, 1684 ; Essais de la plus sûre morale, in-12, 1686 : traduction de l'ouvrage du P. Gilles Gabrielis ; Specimina moralis christlanæ el moralis diabolicæ in praxi; dom Gerberon en avait publié en 1682 une première édition qui fut condamnée à Rome, sous le titre: Essais de théologie morale; Histoire du formulaire qu'on fait signer en France, 1686; Lettre ù un seigneur d'Angleterre, s'il est bon d'employer les jésuites dans les missions, 1686; Défense de l'Église romaine contre les calomnies des protestants, contenant le juste discernement de la croyance catholique d'avec les sentiments des protestons et d'avec ceux des pélagiens touchant le prédestination et la grâce, mis en français par C, B. R,, et les Entretiens de Dieudonné ct de Romain sur ta même matière avec un Abrégé de l'hérésie des pélagiens composés par G. de L., théologien, et mis en français par A. K,, ln-12, Cologne, 1688; les diverses parties composant cct ouvrage avaient été publiées séparément en Hollande; L'Église de France affligée où l'on voit d'un côté, les entreprises de la cour contre les libertés de l'Église, el de l'autre les duretés avec lesquelles on traite en ce royaume les évêques et les autres personnes de piété, qui n'approuvent pas les entreprises de la cour ni la doctrine, des jésuites, par le sieur Poitevin, in-12, 1688; Ré flexions sur le plaidoyer de M. Talon, avocat général, louchant la bulle de N. S. P. le pape Innocent XI contre les franchises des quartiers de Rome, in-12; La règle des moeurs contre les fausses maximes de la morale corrompue, pour ceux qui veulent suivre les voies sûres du salut ct faire un 1293 GERBERON — GERBERT DE 1IORNAU 1294 juste discernement du bien ct du mal, in-12. Cologne, Jésuite, qui fut condamné par la cour de Borne; 1688; Méditations chrétiennes sur la providence de ! dom Gerberon le fut peu après pour ses Disquisitiones Dieu d l'égard du salut des hommes par le sieur de duæ historieæ de prædesttnatione gratuita el gratia Pressigni. in-12, 1681); Occupations intérieures pendant ex se efficaci. 1697 ; Conférence de Diodore et de Théotimc ta messe, avec des prières avant el après la conless ion sur les Entretiens de Cléanthe el d'Eudoxe, in-8·, Parts, ct la communion, in-12, Bruxelles, 1689; Im réno­ 1697 : défense des Provinciales; Im véritable lettre de vation des vaux du baptême, vers 1689; Critique M. l'abbé Le Bossu a un de ses amis sur le livre du ou Examen des préjuges du ministre Juricu contre cardinal Sfondrate, intitulé : Nodus prædestinationis 'Église romaine, et de la suite de Γaccomplissement dissolutus, ln-12, Paris, 1698: Lettre d'un théologien les prophéties, par l'abbé Richard, in-4% Paris, 1690; à M. l'évêque de Meaux, touchant ses sentiments et sa Instructions courtes et nécessaires à tous les catholiques conduite à l'égard de M. l'archevêque de Cambrai, des Pays-Bas touchant la lecture de l'Écriture sainte avec Γexcellent traité de S. Bernard de la grâce et du en langue vulgaire, 1690, dom Gerberon prend la libre arbitre, ln-12, Toulouse, 1698; Seconde lettre défense d’un livre de Jean de Nccrcasscl, évêque de à M. Bossuet, évêque de Meaux, pour la défense de Casloric; Écrit contre la conduite el la doctrine de M. de Cambray, où l'on montre que selon la plus saine Μ. Γarchevêque de Malines, 1690-1691; Examen de théologie on peut aimer Dieu purement pour lui-même, la réponse aux plaintes contre la conduite de M. l'arche­ in-12, Toulouse, 1698; Norisius aut fansenlanus, aut vêque de Malines, 1690; La défense des censures du pape non augustinianus demonstratur a Ludovico Mauguin Innocent XI et de la Sorbonne contre les apologistes peninsulano, Rouen, 1699; Traité historique sur la de la morale des jésuites, soutenue par le P. Moya, grâce et la prédestination par l'abbé de Saint-Julien, jésuite, sous le nom d'Amedeus Guimenius, par le P. Oger ln-12, Paris (Bruxelles), 1699; Abrégé de la doctrine Liban Erberg. in-12, Cologne, 1690; Decretum archiepichrétienne touchant la prédestination ct la grâce, contre scopi Mechliniensis, contra Scriptura sacra lectionem, les semipélagiens, calomniateurs de saint Augustin, notis illustratum, 1691; La morale relâchée, fortement Utrecht. 1700; Remontrance charitable à M. Louis soutenue par M. l'archevêque de Matines, justement de Cicé, avec quelques réflexions sur la censure de ΓAs­ condamnée par le pape Innocent XI, 1691; Justifica­ semblée du clergé, in-12, Cologne, 1700; Histoire tion générale des plaintes que l'on avait faites des senti­ générale du jansénisme, contenant tout ce qui s'est passé ments et de la conduite de M. l'archevêque de Malines, Icn France, en Espagne, en Italie, dans les Pays-Bas, Le véritable pénitent ou Apologie de la pénitence, au sujet du livre intitulé : Augustinus Cornelii Jansenii, in-12, Cologne, 1692; Sanctus Anselmus per se docens, par M. l’abbé···, 3 ln-12. Amsterdam, 1700; La ln-12, Délit, 1692; Dialogus inter S. Anselmum et confiance chrétienne, in-12, Utrecht, 1700; Étrennrs et Bosonem ejus discipulum seu difficultates circa S. Anavis charitables d MM. les inquisiteurs, en vers, 1700; Le sclmi sententias a Bosone proposita et ab Anselmo chrétien désabusé, in-12, Leyde, 1701 ; l ettres de M. Cor­ dissoluta, in-12, Cologne, 1692; Premier entretien d'un nelius Jansénius, évêque d'Yprès, et de quelques autres abbé et d'un jésuite de Flandre sur la signature du personnes à M. Jean de Verger du Hauranne, abbé de Formulaire, 1692; Second entretien d'un abbé et d'un Saint-Cyran, avec des remarques historiques ct théolo­ jésuite de Flandre sur les intrigues par lesquelles giques, par François du Vivier, in-12, Cologne, 1702; l’archevêque de Malines tâche d'introduire ta signature Nouvelle logique en français par dialogues, Bruxelles. du Formulaire, el les impostures par lesquelles ont été 1703. Dom Gerberon a laissé en outre un certain obtenues les bulles de Pie V et d'Urbain VIII contre nombre d’ouvrages inédits, dont le plus Important Baius ct Jansénius, 1693; Quastio juris pontificii circa est : Les aventures de dom Gabriel Gerberon où il decretum ab Inquisitione romana adversus XXXI pro­ raconte toute sa vie. Panni les écrits qui lui ont été positiones latum, Toulouse (Hollande), 1693; Quæstio faussement attribués, le plus célèbre est le fameux juris : 1° An Caroli V edictis tectio Scriptura sacra Problème ecclésiastique proposé à M, l'abbé Boileau prohibita sit; 2° An virgines Birchiana ponas incur­ de Γarchevêché de Paris ; à qui l'on doit croire de M. Louis rerint a Carolo V statutas, 1693; Avis politiques sur Antoine de Nvailles, évêque de Châtons en 1695, ou de le Formulaire, 1693; Difficultés adressées d M. de M. L. A. D. N., archevêque de Paris en 1696. Homes, évêque de Gand, par les catholiques de son diocèse touchant la lecture de V Écriture sainte en langue vulgaire (1693, en Hollande); Michaelis Baii, celeber­ rimi in iMvaniensi Academia theologi, opera : cum bullis pontificum, et aliis ipsius causam spectantibus, jam primum ad romanam Ecclesiam ab con viti is protestantium, simul ac ab arminiorum, cæterorumque hujusce temporis pelagianorum imposturis vindicandam, collecta, expurgata, el plurimis, qua* hactenus delitue­ rant, opusculis aucta ; studio A. P. theologi, in-4·, Cologne, 1G96; à la fin du livre il y a un écrit intitulé : Narratio chronologica causer Baii et vindicte Ecclesiæ romanœ a domno Gerberon; Adumbrata Ecclesiæ ro­ mance catholicæque veritatis de gratia, adversus Mel­ chior is Leydecked in sua historia jansenismi hallu­ cinationes, injustasque criminationes, defend io : vindice Ignatio Eickenboom theologo, 1696, in Batavia; Dé­ fense de l'Église romaine et des souverains pontifes, sur la grâce, contre M. Leydeckcr, théologien d'Utrecht, avec un écrit de M. Arnauld ct un recueil de plusieurs autres écrits, pour l'histoire de la paix de l'Église sur les questions du temps, Liège, 1697; Abat lardus redi­ vivus, in quo exhibentur mores diatribæ theologice P. Estrix, fesuitæ, in-4·; Contra novi A baHardi errores Bernardus etiamnum expostulat apud Clementem X, ln-4· : ccs deux écrits sont dirigés contre le P. Estrix, 1295 GERBERT DE HORNAU Ordonné prêtre Je 30 mai 1744, il fut presque aussitôt chargé du soin de la bibliothèque. 11 parcourut l’Alle­ magne, l’Italie, la France, se mettant en relations avec les savants de ces divers pays. Le 15 octo­ bre 1764 JJ fut élu prince-abbé de Saint-Biaise, et reçut h bénédiction abbatiale des mains du cardinal Fran­ çois de Bodt, évêque de Constance. Aussitôt il s’em­ ploya à rétablir la discipline régulière dans son monastère, pour lequel il rédigea de nouvelles consti­ tutions 23 juillet 1768. un terrible incendie détrui­ sit l’abbaye, dont les religieux durent chercher un refuge en divers monastères. L'abbé s'occupa sans retard â relever son abbaye où, au bout de quatre ans, les moines se trouvèrent réunis de nouveau et dont l'église fut consacrée le 28 septembre 1783. Très estimé des princes avec lesquels il eut à traiter pour la défense des droits de son monastère, il se montra toujours le fils très dévoué et très soumis du souverain pontife Pie VI. qu'il visita lors de son voyage ά Vienne. L’activité de dom Martin Gcrbcrt s’étendait à toutes les dépendances de son abbaye et son intelligente charité savait aller au-devant des besoins de tous ceux qui vivaient dans sa principauté. Il vint en aide autant qu'il le put aux émigrés français et tout particulièrement aux prêtres fuyant devant la Révo­ lution, dans lesquels il voyait des confesseurs de la fol. Malgré les soins qu’il apporta toujours au gouverne­ ment de son abbaye, il ne négligea jamais l’étude et publia de nombreux ouvrages qui lui ont fait prendre place parmi les premiers liturgistes et théologiens du xvm· siècle. Presque tous ont été imprimés par les presses de l’abbaye de Saint-Biaise : Theologia udus et nova circa præsenliam Christi in eucharistia. ln-8°, Fribourg, 1756; Principia theologia: exegeticæ. Præmittuntur prolegomena theologiæ Christian# univers#. Accedit mantissa de traditionibus Ecclesiæ arcanis, in-8°, Fribourg, 1757; Principia theologiæ symbolic# ubi ordine symboli apostolici præcipua dodrinæ chrt· stianæ capita explicantur, in-8®, Fribourg, 1758; Prin­ cipia theologiæ mystic# ad renovationem interiorem et sanctificationem Christiani hominis, in-8°, typis SanBlasianis, 1758; Principia theologiæ canonic# quoad superiorem Ecclesiæ formam et gubernationem, in-8®, 1758; Principia theologiæ dogmatic# juxta seriem tem­ porum et traditionis ecclesiastic# digesta, in-8°, 1758; Principia theologiæ moralis juxta principia et legem euangelicam, in-8®, 1758; De recto et perverso usu theo­ logi# scholastic#, in-8°, 1758; De ratione exercitiorum scholasticorum præcipue disputationum cum inter catho­ licos, tum contra adversarios in rebus fidei, in-8°, 1758; Principia theologiæ sacramenlalis, septem sacra­ mentorum Novi Testamenti doctrinam complexa, In-8°, Fribourg, 1758; Principia theologiæ Uturgicæ quoad divinum officium. Det cutium ct sanctorum, in-8®, Fri­ bourg. 1759; Demonstratio oeræ religionis veræque Ecclesiæ contra quasvis falsas, in-8®, typis San-Blasianis, 1760; De communione potestatis ecclesiastic# inter summos Ecclesiæ principes, pontificem el epi­ scopos, in-8®, 1760; De legitima ecclesiastica potestate circa sacra et profana, in-8°, 1761; De Christiana feli­ citate hujus vitæ, in-8®, 1762; De radiis divinitatis in operibus naturæ providenti# et grati# partes tres, in-8·, 1762; De #qua morum censura adversus rigi­ diorem et remissiorem, ln-8°, 1763; Adparatus ad eru­ ditionem theologicam, institutioni tironis congregationis S. Rlasii destinatus, in-8®, 1764; De selectu theologico Cirta effectus sacramentorum, in-8®, 1764 ; De eo quod est juris divini et ecclesiastici tn sacramentis, prxserttm in sacramento confirmationis, in-8°, 1764; De dierum /extorum numero minuendo, celebritate augenda, ln-8·. 1765; De peccato in Spiritum Sanctum in hac et altera vita irremissibili. Accedit paraphrasis cum notis ^tectis in Epistolam S. Pauli ad Hebnros, ln-8®. GERBE! 1296 1766; Constitutiones monasterii e congregatio! 's ad S. Blastum, in-fol., 1770; Taphographia principum Austri# post mortem Patrum M. Herrgotl et R. Uter restituta, novis accessionibus aucta, et hac usque tem­ pora deducta, 2 in-fol., 1772; De translatis HabsburgoAustriacorum principum et eorum conjugam ex ecclesia Rasileensi et monasterio Konigs/cldensi in monasttrium S. Rlasii cadaveribus, in fol., 1772; Crypta San-Blasiana nova principum Austriacorum, translatis eorum cadaveribus ex Helvetia ad conditorium novum mona­ sterii S. Rlasii in Nigra Sylva, in-4°, 1772 cl 1775 ; Codex epistolaris Rudolphi 1 Romanorum regis, locupletior ex manuscripits btbliothec# Vindoboncnsis editus ac commentario illustratus. Promittuntur Fasti Rudolphini, cum ex ipsis ejus epistolis, tum ex aliis anti­ quis monumentis ct scriptoribus. Accedunt diplomata, in-fol., 1772; Pinacotheca principum Austri# post mor­ tem Patrum M. Herrgott et R. Heer recognita et edita, 2 in-fol., 1773; Praxis regultc S. Renedicti, ex gallica lingua versa, ln-8®, 1773; Iter Alemanicum, accedit Palicum et Gallicum, in-8°, 1773 : autre édition en 1774; une traduction en allemand parut en 1776; De cantu cl musica sacra a prima Ecclesiæ ætate usque ad prasens tempus, 2 in-4 °, 1774; Scriptores ecclesia­ stici de musica sacra, potissimum ex variis I tali#, Gal­ li# et Germani# codicibus manuscriptis collecti, et nunc primum publica luce donati, 3 in-4°, 1774; Vetus liturgia Alemannica, disquisitionibus prœviis, notis ct observa­ tionibus illustrata, 2 in-4°, 1776; Dicmonurgia theo­ logice expensa, in-4°, 1776; Monumenta veteris liturgiæ Alemannicæ. Accedit pars ritualis et pars hcrmeneulica, 2 in-4°, 1779; Historia Nigra Sylv# ordinis S. Rene­ dicti coloni#. Cum codice diplomatico et variis tabulis ari incisis, 3 in-4°, 1783-1784; Anrcde am die versammeltcn Ordensgcistlichen am vorabende der feierlichen Kircheneiniveihung ru St. Rlasien, ln-8°, Saint-Gall, 1784; De Rudolpho Suevico, comite de Rhinfeldcn, duce, rege, deque ejus illustri familia apud S. Rlasium sepulta, crypt# huic antiqu# nova Austriacorum prin­ cipum adjuncta cum aopendice diplomatum, in-4°, typis San-Blaslanls, 1785; Solitudo sacra scu exer­ citia spiritualia exdoetnna ct exemplis sacra Scriptura ct sanctorum Patrum, tn usum pastorum Ecclesia, in-8°, 1787; Ecclesia militans, regnum Christi in terris, in suis fatis reprasentata, 2 in-8°, 1789; Nabuchodonosor somnians regna et regnorum ruinas a thcocratia exorbitantium. Prodromus Ecclesia militantis, 1791; Jansenisticarum controversiarum ex doctrina S. Au­ gustini retractatio, in-8°, 1791; Observationes in sircu­ lum Christi tertium et quartum, in-8°, 1791 ; De sublimi in euangelio Christi juxla divinam Verbi incarnati oeconomiam. Opus hoc editum ab ejus successore abbate Mauritio Ribelle, 3 in-8°, 1793; De periclitante hodierno Ecclesia statu, praserlim in Gallia, in-8°, 1793; Glossaria theotisca medii avi. Unaque specimina codicum M. S. a sæculo ix usque xin, in-8°, typis San-Blasianis, 1865. Scriptore* ordinis S. Benedictitqul 17S0· 1830 fuerunt (n Imperio Austriaco-Hungarico, ln-4% Vienne, 1881, p. 115; J.-B. Wclss, Traucrrrde auf den uerstorben Fiirst-Abt M, Gcrbrrt :u Sand-Blastcn,\ in-4·, Saint-Blnlsc, 1793; Bader, Furstabt Martin Gerbcrt von St. Rlasien : rin Lrbcnx· bild aus drrn uorigrn Jahrhundcrt, in-8·, Fribourg, 1875; Krieg, Furstabt Martin Gcrbrrt t>on SI. Rlasien. in-4·, 1896; G. Pfcilschiflcr, Furstabt Martin Gcrbcrt von St. Rlasien, ln-8·, Cologne, 1912; Féth, Biographie générale des musi­ ciens, 2' édit., in-8·, Paris 1871, t. m, p. 456; Feller, Dictionnaire historique, 1848. t. îv, p. 94; Hurter, Nomen­ clator, 1912, t. rv, col. 560-567. B. Heubtedize. GERBET Philippe-Olympe, une des grandes figures de l’épiscopat français au xix® siècle, directeur de conscience admirable, penseur élevé ct profond, écrivain d’un rare mérite, naquit d’une famille très 1297 GERBET considérée à Pollgny (Jura), le 5 février 1798. Après avoir été l’un des élèves les plus brillants el les plus appréciés du séminaire de Besançon, en 1818, Il alla poursuivre scs études théologiques à Paris, ct s’y lia d’une étroite ct indissoluble amitié avec l’abbé de Salinis, déjà lié lui-même avec Lamennais. 11 fut or­ donné prêtre à Notre-Dame, le l*r juin 1822, par Mgr de Quélen, ct nommé second aumônier du collège Henri-IV, dont l’abbé de Salinis était le premier au­ mônier, les deux prêtres avaient à cœur de se dévouer à l’apostolat auprès des jeunes gens et de lutter contre l’influence persistante des traditions vollalricnnes. Lamennais les visitait assez frécpicmment; c’est dans le salon des aumôniers de Henri-IV qu’est née, à la fin de 1822, l’école mennaisienne, cette école qui visait dans sa première étape, sans aucune préoc­ cupation politique, à promouvoir une restauration religieuse, en renversant à la fols le rationalisme contemporain ct le gallicanisme olïicicl. Gerbet y sera bientôt de Lamennais le disciple le plus intime ct le plus en vue. Jeune et fasciné par le génie d’un maître aimé autant qu’admiré, il en partagera toutes les opinions, jusqu’aux erreurs philosophiques ct aux doctrines libérales, ct il s’emploiera, dix années durant, à les servir de sa parole comme de sa plume. A La Chcsnaic, où il avait accompagné, en 1825, l’auteur de ΓEssai sur l'indifférence, parmi les jeunes gens groupés autour de lui, son aménité tendre adoucira les brusques ct pénibles variations de l’humeur du maître. Λ Paris, au lendemain presque de la révolution de 1830, Gcrbct donnera, dans un esprit tout mcnnalsien, des leçons de philosophie de (’histoire, qui ne laisseront pas, nonosbtant mainte idée fausse ou risquée, d’être fort applaudies, ct qui seront publiées par quelquesuns des auditeurs sous le titre de Conférences de philo­ sophie catholique. Dès 1824, il avait fondé, de concert avec l’abbé de Salinis, sous le patronage de Lamennais, le Mémorial catholique, revue mensuelle qui bientôt acquit une haute importance littéraire, s’adjoignit, à partir de février 1830, sa Revue catholique, ct suggéra à Pierre Leroux la pensée de créer le Globe, pour opposer doctrine à doctrine. Λ l’initiative de l’abbé Gerbet est aussi due la fondation, en 1830. de l’Atrnir. cc journal promis à une si courte ct si orageuse carrière, ct dont Gcrbct a été, de sa plume toujours prête, l’un des principaux rédacteurs. Gcrbct, enfin, sc faisant le champion de la philosophie du consentement universel ou sens commun, y a consacré trois ouvrages, intitules, l’un, Des doctrines philosophiques sur la certitude dans leurs rapports avec les fondements de la théologie (1826), l'autre. Coup d'ceil sur la controverse chrétienne depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours (1828), tous les deux désavoués depuis ct retirés par lui du commerce; le troisième, Sommaire d'un système des connaissances humaines, qui a été publié à la suite de l’ouvrage de Lamennais sur Les progrès de ta Révolution ct de la guerre contre l'Église (1829) Entre temps (1829), il avait écrit pour le grand public son petit livre tendre ct profond des Considérations sur le dogme générateur de la piété catholique, c’est-à-dire sur le mystère de l’cucharistle. Quand Grégoire XVI, par l’encyclique Singulari vos du 13 juillet 1834, condamna tout ensemble et les Pamirs d'un croyant ct le système philosophique de Lamennais, l’abbé Gcrbct, Adèle à l’esprit mcn­ nalsien primitif, qu’aussl bien il ne désertera jamais, se soumit à la voix du pape, sans équivoque ni arrièrepensée. « L’Église, écrlvalt-Π le 19 juillet 1834 à l’ar­ chevêque de Paris, est au-dessus de tout dans mon cœur. · H adhéra donc et absolument à la doctrine promulguée par l’acte du souverain pontife, ct cessa même toute relation personnelle avec Lamennais ouvertement révolté. Le collège de JulUy fut alors, 1298 pour l’abbé Gerbet. un port de refuge; il y paya sa bienvenue par un beau ct bon livre, souvent réédité, qui a paru sous des noms d’emprunt (de Salinis et de Scorblac) en 1834 et qui mérite de vivre, le Précis de l'histoire de la philosophie; après quoi, choisi pour directeur de la maison des hautes études que les abbés de Salinis et de Scorblac avaient fondée, non loin de Juilly, au village de Thieux, fl y fera des conférences de philosophie durant plusieurs années. Mais, en même temos que Gerbet, à Thieux comme à I-a Chesnale, travaillait à éclairer ct à former un auditoire d'élite, il prenait une part active au développement et à l’action de la presse catholique en France. Outre ses nombreux articles signés ou non signés, dans V Univers religieux, créé par l’abbé Migne en 1833 pour préparer les voies à la liberté d'enseignement, il concourait avec d’anciens mcnnalslens en 1836 à fonder V Université catholique, organe périodique d’un genre tout nouveau, qui se divisait en deux parties : l’une comprenant une série de Cours, où h philosophie, l’histoire, les sciences naturelles, l’archéologie, les arts étaient exposés et enseignés en harmonie avec les dogmes et les senti­ ments chrétiens; l’autre consacrée, comme les revues ordinaires, à des travaux détachés, à des appréciations d'ouvrages nouveaux. Gerbet, qui fut longtemps l’àmc de l’Université catholique, en inaugura le premier numéro par un Discours préliminaire sur la classifi­ cation des sciences qui fait ressortir, avec l’étendue de son savoir et la pureté de son style, sa piété sacerdotale, et qui est généralement réputé son chef-d’œuvre. On y remarque aussi notamment, de Gerbet, un article sur le Jocelyn de Lamartine, afin de dénoncer b dévia­ tion du génie du poète et la couleur panthéiste de sa poésie (1836); des Réflexions (émues) sur la chute de M de Lamennais (1836-1837); une série d’études sur les Rapports du rationalisme avec le communisme (1850); ct les Conférences (ΓAlbéric nonne. Peut-être, à cette époque, écrivit-il à Grégoire IL On ne sait pas avec certitude non plus si la lettre du pape, P. G., t. xevin, col. 147-155, le trouva encore patriarche. En cflet, le 17 janvier 729, Léon III réunit au palais un conseil d’État, silentium, dans lequel il chercha encore à gagner Germain. Celui-ci, n’espérant rien obtenir de l’Isauricn, donna sa démission en faisant sa réponse célèbre : « Si je suis Jonas, jetezmoi à la mer; mais, ô prince, sans un concile général, je ne puis pas Innover en matière de foi. » Le départ de saint Gcnnaln était un vrai désastre pour la foi: son successeur, l’ambitieux Anastase, approuva les vues de l’empereur ct l’iconoclasme triompha en par­ tie. Les remarques suivantes de Μ. I lubcrt. Revue histo­ rique, 1899, t. I.XTX, p. 17-18. mettront encore en plus vif relief l'influence qu’exerçait le saint: < Le nouveau patriarche étant hérétique, il n’y avait plus maintenant d’intermédiaire entre le pape ct les catholiques orien­ taux. L’autorité qu’avait eue Germain passa tout en­ tière à Grégoire 11. Le pape fut son véritable successeur. L’Église romaine devait devenir le foyer de la résistance à l’iconoclasmc.t Saint Gcnnaln, retiré du pouvoir, acheva scs jours dans le calme, dans sa propriété de Platanlon. C’est là sans doute qu’il composa son traité De h/crcsibus et synodis, à en juger par les circonstances dans les­ quelles il sc trouvait lorsqu’il écrivit. Voir n. 43. Il mourut presque centenaire, disent les anciens synaxaires. donc vers 733, si l’on prend pour base les données de la première lettre de Grégoire II à Léon III. Il fut enterré au monastère de Chora. Le synode Icono­ claste de 754 l’excommunia ct raya son nom des diptyques. Il ne fut définitivement réhabilité qu'au VII· concile œcuménique, en 787. II. Œuvres. —1° Œuvre historique — Il ne reste de saint Gcnnaln, au point de vue historique, que le traité Des conciles et des hérésies, P. G., t. xevin, col. 40-88. Il ne faut pas le confondre avec l’opuscule Des six conciles généraux, qui a été à tort attribué à Germain, voir CelUicr, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, t. xn, p. 40-41, jusqu’à cc que le cardinal Mal ait enfin publié, Spicilegium romanum, t. vu, p. 3-74, l’ouvrage certainement authentique, dont nous 1305 GERMAIN nous occupons ici. Son titre complet est celui-ci : Λόγος διηγηρατικός x<çt τών άγιων συνόδων καί τών κατα καιρούς άνίκαΟιν τω αποστολικω κηρύγματι άναφυινσών αίρίσιων. Il est dédié au diacre Anthlmc. En quelques mots, il présente les auteurs de chacune des hérésies, ses partisans, scs adversaires ct les conciles qui l’ont condamnée. Ainsi parle-t-il tour à tour de Simon le Mage, 3, des manichéens, 4, des rnontanistes, 5, des gnostiques, G, de Paul de Samosate, 7, de Sabcllius, 8, d’Origènc, 9, de l’arianisme, 10-19, des pneumatomaques, 20-22, des apollinaristes, 23, du nestoria­ nisme, 24-26, de l’eutychianismc, 27-35, du mono­ théisme, 36-38, et des débuts de l’iconoclasme, 39-42. Sur cet ouvrage, le cardinal Pltra fait les justes remarques qui suivent: Ilaud pneterea dissimulandum jam (jrandteuum senem, omnibus subsidiis destitutum, ac dolentem alienis manibus tradi patriarchii libros, seque suis spoliari, jorsan lubrica memoriæ induisisse nimium, neque sanam rerum seriem perpetuo serva­ visse. Juris ecclcs. grœcorum historia ct monumenta, t. ii, p. 295. Ccs quelques lacunes, bien excusables, vu les circonstances qui en sont la cause, De ha rest bus ct synodis, loc. cit., n. 43, ne nous cmpêdieront pas d’être de l’avis du cardinal Mai ct de trouver excellent, egregium, ce petit traité, de le regarder même comme une perle, gemmula. 2° Œuvres théologiques. — 1. Le seul traité en­ tièrement théologique qui ait été conservé, est le ΓΙίρί του δρου τής ζωής, P. G., t. xcvm, col. SO132. Encore Photius a-t-il tenté d’en dépouiller saint Germain à son profit, en le transcrivant dans la q. cxLix, ad Amphilochium, sans la moindre mention d’auteur, comme s’il était sien. Le cardinal Mai, qui l’avait édité, Scriptorum veterum nova collectio, t. i, p. 285-315, découvrit plus tard la fraude et restitua l’ouvrage ù son propriétaire dépossédé. Veterum scri­ ptorum bibliotheca nova, t. n, p. G82. Cet opuscule, d’une lecture agréable ct facile malgré l’élévation du sujet, est une justification de la providence de Dieu dans la mort, même subite, des hommes. La thèse est nettement posée dans le n. 2; clic est conduite avec méthode ct aussi avec vigueur grâce â la forme dialoguéc, adoptée dans tout le développement, Un rationaliste idéal, B, attaque le dogme par des objec­ tions de toute sorte, prises dans la nature, la philosophie, I’Ecrlturc sainte, tandis que le tenant orthodoxe de la pensée chrétienne, A, le réfute victorieusement. Les théologiens remarqueront surtout les n. 10-14, où le saint docteur développe scs vues sur la prescience divine. C’est là, sans doute, que le cardinal Mai a trouvé des passages favorables à la science moyenne. 2. D’après le cardinal Mal, Spicilegium romanum. t. vu, p. 74; P. G., t. xevin, col. 87, saint Germain, est aussi l’auteur d’un Commentaire sur Denys l'Aréopagite, mêlé â celui de saint Maxime, P. G., t. iv, col. 14. 3. Des quatre Lettres dogmatiques de saint Germain, nous avons déjà analysé les trois qui concernent l’iconoclasme 11 nous reste à ajouter un mot sur celle qu’il écrivit aux Arméniens · en faveur des décrets du concile de Chalcédoine. » P. G., t. xcvm, col. 135-146. Nous n’en possédons qu’une traduction latine, faite sur le texte arménien que conservent les mékhltarlstcs de Venise ct éditée par Mal. Veterum scriptorum bibliotheca nova, t. n, p. 682. L’authenticité de ccttc lettre est prouvée, en particulier, par la citation qu’en fait, au xn· siècle, un concile de Tarse. Dans le but de ramener à l’unité de l’Église le peuple arménien, séparé Λ la suite du concile de Chalcédoine, saint Germain s’attache Λ réfuter l’hérésie d’Eutychès par un exposé très serré de la doctrine de Chalcédoine ct des Pères, en particulier de saint Léon. La réponse dogmatique des Arméniens parut entièrement conforme 1306 à la vraie fol; aussi furent-ils admis à la communion sans plus de difficultés. 3° Œuvres oratoires. — Neuf homélies ont été éditées, P. G., t. xcvm, sous le nom de Germain; sept se rapportent à la sainte Vierge; des deux autres, l’une a pour sujet la sépulture du corps de Kotreiieigneur, et la dernière, la croix vivifiante. Avant d’en examiner le contenu, il importe de décider si vraiment toutes appartiennent à saint Germain, ou si l’on ne pourrait pas les attribuer «à Germain II, patriarche de 1222 à 1240, ou même à Germain Ill, patriarche pendant trois mois, en 1267. 1. Homélies mai tales. — Ballerini, Sgüoge monu­ mentorum, a étudié longuement la question de l'au­ thenticité des homélies mariales, ct l’a admise pour toutes. Dans le c. De homeliis Germano inscriptis disquisitio critica, Paris, 1855, L i, p. 249-286, appuyé tant sur des arguments intrinsèques que sur la date des manuscrits, en particulier d’après le codex Vaticon us I gneeus 455, il reconnaît à saint Germain l’homélie in sanetic Manx zonam, P. G., toc. cil., cul. 372; les ' deux homélies sur la Présentation, ibid., col. 292, 309; I les trois sur la Dormition, ibid., col. 340, 318, 360. En ! faveur de ccs dernières, la récente édition faite par . M. S. Eustradiades, des lettres théologiques de Michel Glykas, fournit un nouvel argument irrécusable. Μιχαήλ του Γλυκά ιίς τάς απορίας τής Οιιας Γραφής ζ·φαΛα·.α, 1 Athènes, 1906, L ι. Cet écrivain du χιι· siècle cite, dans sa xxu· lettre théologique, op. cil., p. 258-272. cha­ cun des trois discours en question cl les attribue expres­ se’ment αυΟιιότατος Germain, c est-â-dirc évidemment à • Germain Ier. Dans le t. n, p. 285-287, Bal le ri ru prouve aussi que l’une des deux homélies sur l’Annonciation connues sous le nom de Germain doit être attribuée au premier, c’est celle qu’avait éditée Combefis, Auctarium novum, L n, p. 14-23 et qui est reproduite, P. G., loc. cit., col. 320. Quelques auteurs semblent encore hésiter sur son authenticité ? Ont-ils remarqué qu’elle se trouve dans un manuscrit du xn· siècle ? Cf. IL Omont. Manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, Paris, 1898, t. ni, p. 372; cod. 4/2 de la ' bibliothèque de Lyon. Cela coupe court à la plupart I des difficultés et rend à peu près sûre l’attribution proposée. Saint Germain est, avec saint André de Crète, un des grands témoins du culte de Marie Δ son époque; il en fut aussi un des plus grands propagateurs. Dans les homélies qui nous restent de lui, deux pensées reviennent sans cesse ct semblent être le phot de sa mariologie : la pureté incomparable de la mère de Dieu et son universelle mediation dans la distribution des biens surnaturels aux hommes. Le premier point, mis en relief aussi par saint André de Crète, contemporain de notre saint, est développé spécialement dans les homélies sur la Présentation et l'Annonciation. L’Église y a puisé les leçons de l’office de l’immaculée Conception ct à bon droit, car si on n’y trouve pas ce dogme signalé en propres tenues, il y est enseigné, sans aucun doute possible, au moins d’une manière indirecte. Tant dans des affirmations positives que dans d innombrables comI para is uns, Marie y est exaltée pour sa pureté incom­ parable, écartant toute souillure, sans la moindre restriction ni pour une tache quelconque, ni pour un moment de son existence. Le péché originel est évi­ demment exclu aussi. On remarquera, d’ailleurs, sur lo nombre, certaines expressions qui serrent de plus près le dogme de l’immaculée conception : par exemple, dans la n· homélie sur la Présentation, P. G., loc. cil., col. 313, Marie est appelée un dépôt de Dieu, τήν tx C-hoû παρακαταθήκην, confié au sein d’Anne; il est inadmissible que le saint l’eût désignée ainsi, s’il l’avait crue souillée par le péché au premier instant 1307 GERMAIN de son existence. Les homélies sur la Dormition renferment la mémo insinuation : la mort de la sainte Vierge n’y est pas attribuée au péché originel, seule cause de la dissolution des corps, mais à de hautes raisons providentielles. Voir la ζΓ· homélie sur la Dor­ mition, loc. cil., col. 315. Sur l’autre point, la puissance d'intercession de Marie et son rôle de médiatrice universelle dnns la distribution des biens surnaturels, saint Germain dépasse tous scs contemporains, même saint André de Crête, et annonce saint Bernard, qui l'égalera, peutêtre, sans le dépasser. C’est surtout dans 1 homélie sur la ceinture de la Vierge et les deux sur la Dormition que Germain se flt le propagateur de ccttc doctrine. Voici, entre bien d’autres, un court extrait, fort explicite : « O mère de Dieu, ton secours est puissant dnns l’ordre du salut; il n'a pas besoin de recomman­ dation auprès de Dieu... Λ penser ά loi, on ne se lasse pas; ton patronage est immortel, ton intercession vivifiante, ta protection continue. SI tu ne prenais les devants, il n'y aurait point d’homme spirituel : personne n'adorerait Dieu selon l'Esprit... Personne ne connaît Dieu que par toi, ô toute sainte. Personne n’est sauvé que par toi, ô mère de Dieu; personne n'échappe aux dangers que par toi, ô vierge mère : personne n’est racheté que par toi. » //· homélie sur la Dormition, L xevin, col. 349. Dans la ir· sur la Dormition, il montre que Marie reste toujours présente par son assistance au milieu des fidèles qui l’invoquent. Voir, par exemple, col. 346. On remarquera que dnns l'homélie sur l’Annonciation saint Germain adopte l'opinion curieuse, commune à certains Pères grecs, d’après laquelle Marie aurait conçu Jésus-Christ, au moment même où l’ange la salua, avant qu’elle eût manifesté son consentement. Voir M. Jugic, dans Byzantinische Zeitschrift, 1913, p. 47. 2. Autres homHies. — Nous n'insisterons pas sur les deux autres homélies attribuées à saint Germain, P. G., loc. cit., col. 223-244, sur la croix vivifiante, et coL 244-290, sur ta sépulture du corps du Christ: un trop grand doute plane sur elles. On ne les trouve pas dans les manuscrits antérieurs au xm· siècle; Gretser et Combe fis, P. G., loc. cil., col. 243, ont nié l’authen­ ticité de cette dernière en sc basant sur des critères internes. Les mêmes arguments ont autant de valeur pour la précédente. L'attribution n'en sera certaine que lorsque auront été édités tous ks discours de Germain IL 4· Œuvres liturgiques. — Nous avons déjà signalé l’institution de l’acathiste. Il reste à ajouter quelques mots sur Γ Ιστορία ίχχλησχαστιχη καί μυστική Οιωρία, P. G., loc. cit., col. 384-454, et les poésies religieuses de saint Germain. 1« L’ Ιστορία ίχχλησιαστιχη χαι μυστική βιωρία est, avec la Μυσταγωγία de saint Maxime, le document le plus Important de cette époque pour l'histoire de la liturgie bvmntine C'est un commentaire des mettes orientales de saint Basile, de saint Jean Chnsostonie et des Présanctifiés. Le texte donné par Migne est la reproduction exacte de la 6· édition, faite par Galland. Veterum Patrum bibliotheca, Venise, 1765. Ce traité a été longtemps attribué à Germain 11, à cause de nombreuses inter­ polations du xi· ou du xir siècle qui l'avaient rendu tuspccL Le cardinal Pitra en disait, en son style énergique : Nonne trlum sæcutorum sannis vapulat i, ιστορ m.r historia? Nonne risu peritnrum explosa contemplatio mystica ? Nonne putidis opphlur srquioris 9Όΐ ineptiis, non rancidulis fartel arabum vocabulis, nen horret barbarie, quæ ou Germanum Nicer num d'fft ? Juris ccd. gr/rc. historia, t. n, p 97. Il désetp*'nlt lui-même de pouvoll discerner jamais dnns cette œuvre la part authentique des morceaux interpolés. 1308 lorsqu’il découvrit, nu cours de ses recherches, un document qui rendait possible cc travail, en servant en quelque sorte de « pierre de touche », c’est la traduction latine du traité original ou d’un abrégé de cc traité, faite par Annstase le bibliothécaire durant son séjour à Constantinople, en 869-870. Cc précieux manuscrit n’a été édité qu'en 1905, par Je P. S. Pétrides, avec une introduction explicative, dans la Pc vue de ΓOrient chrétien, t. x, p. 287-309, 350-364. Voir P. de Mcestcr, dans les Chrysostomika, Home, 1908, fasc. 2’, p. 290. L’opuscule comprend lxtiî chapitres, dont cinq, lv, lvi, lvii, lxi, lvii, empruntés à saint Maxime. Brigthman, The tournai of theological studies, 1903, t. tx, p 218-267, 387-398, a reconstitué le texte même sur lequel Annstase a fait sa traduction. Une lettre du même /\nastuse à Charles le Chauve, éditée par Pétrides, ibid., attribue formellement le commentaire en question ή salat Germain, mais en se basant uniquement sur la tradition grecque d'alors, ut Græci ferunt, ut fertur. Si, de ce fait, il n’est pas absolument certain que saint Germain en soit l'auteur, cela est du moins fort probable 2. Pour cc qui concerne les poésies religieuses de saint Germain, nous nous contenterons de résumer cc qu’en écrit le cardinal Pitra, Juris eccl. græc. historia, L n, p. 296 : Cetera canonum sive canticorum eccle­ siasticorum palæstra est, dit-ll, (n qua vincit quoque Germanus ct facile princeps eminet. II compte sous le nom de cc mélodc, cent quatre στι/ηρά ct vingtdeux canons, comprenant au moins cent soixante odes. Tout cela est disséminé surtout dans les ménées, du mois de septembre au mois de février, de juin à août, beaucoup de ccs poésies sont destinées à la fête de Noël. Ces constatations ont leur importance pour l'histoire de la liturgie byzantine. Le savant cardinal en conclut que les χοντχχια ct les oîxot sont encore Inconnus à Sainte-Sophie, de même que Κόχτοηχος. Il ajoute à cette liste les œuvres liturgiques suivantes, qui sc trouvent dans des manuscrits antérieurs au xm· siècle : <ύχάς maforum horarum in natalium vigi­ liis; officium integrum γονυχζισ; ας in pentecostali cursu; flebilia quutdam troparia in obitu monachorum. 5* Œuvres perdues. — Nous ne possédons pas, il s’en faut, toutes les œuvres, théologiques, pastorales ou polémiques, composées par saint Germain. Léon III fit brûler celles qui lui tombèrent sous la main. Peutêtre les autres empereurs Iconoclast es continuèrentils ccttc besogne de vandale. ( n des traités qui avait échappé a ccs tempêtes, mais qui s’est perdu depuis, est Γ’Ανταποδοτικός r, άνόΟιυτος. Photlns le connaissait et en a donné une analyse. Biblioth, cod. 233. L’auteur s’y proposait de prouver que saint Grégoire de Nysse n'a pas du tout enseigné, avccOrigènc. que les peines des démons ct des damnés sont temporelles. 11 établissait la fausseté de ccttc théorie origêniste par l’Ecriturc ct par les témoignages des Pères ct à cc propos il justifiait saint Grégoire de Nysse par diverses citations de scs écrits. Ccillicr, Histoire générale des auteurs sacrés ct ecclésiastiques, t. xn, p. 40. En dehors des oeuvres de saint Germain, les principale· sources A consulter sont : Βιος χαι zqmtcîcx και μερική θαυμάτων διήγτ,σις τού ίν Άγίοις IΙατρός ημών Γτρμανού, éditée par A. Pnpadopoulos-Kérnmeus, dans ΜκνρογορΒατίιος βιβλιοθήχη, t. π,’λνιχδοτα ίίληνικα. ρ. 1-17; ’ Γπόμνημα ττ,ς Μαρ·ας τής Ρωμαίας, édité par Μ. Gédéon dnns I Εχχλησιαστιχτι άλήθιια· 1883, t. m, p. 211-229; Mansi, Conci!.. L xn. cot. 255-258; S. Jean Damascene, De ima­ ginibus, ornt. n. 12. P. G., t. xr.iv, col. 1208; les lettres apo­ cryphes de Grégoire II A Léon III ΙΊ mi uri en, dans Mansi, ConciL, l. χιι. col. 959, 975; P. G., t. lxxxix, col. 511, 521; voir Λ leur sujet L. Guérnrd. Les lettres de Grégoire II ά Z>on Γ Itauricn. dans les Xféîangrs ίΓarchéologie et tf histoire. 1890, t. x, p. 44-60; Théophane, Chrono graph ta, 6204-6222 1309 GERMAIN passim; Nicéphore, Apolegdleus mfnnr, n. 3; Ménées· dans Synaxarlum Ecclriltr Constanti nopal itanie.êdll. IL Dclrhaye, dans Acta sanctorum, Bruxelles, 1902, novtmbria t. i; Georges Hainnrtolc, Ccdrenus, Zonnnu en ont aussi parlé; Bnronlus-Pagf, nn. 712-730, passim; Hemchenlus, dans Acta sanctorum, 1680, mail L nt; P, G., t. xcvin, col 19-36; Fabricius, Bibliotheca gnccu, P, G'„ t, xcvrn, col. 9-18; OllHer, Histoire générale des auteurs sacrés ct cédés las tiques, Paris, 1862, L xn, p. 36-13; Gallind, Bibliotheca oeterum Patrum, dans P. G., toc cit., col. 17-18; Le Quien, Oriens Christianus, 1740, col. 735, 235; Mai, Introductions diverses reproduites P. G., loc. cil.; Pitra, Juris ccd. gr.vcorum historia et monumenta, Home, 1868, l. n, p. 293-300; llcfclc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1910, t. in, 1. XVIII, c. I, n. 332; M. Gédéon, IΙα?ρ;αρχιχώ πίνα* ζ, Constantinople, 1890, p. 255-258; Krurnbaehcr, Gcschtchtc der bysanttnlsche [Atteratur, 1897, p. 66-67; Pnrgolrc, l/f.gtlse byzantine de 527 à 547, Paris, 1905, p. 254, 370? Bollandhto Bibliotheca hagiograpldca grorca, Bruxelles, 1909, p. 97. Voir aussi Tart. de M. Barbier de .Montault, dans la Iteoue de l'art chrétien, 1892, p. 233, et les encyclopédies : Kirchcnlexikon, art. de Fechtrup, 1880; Dictionary o/ Christian biography, 1880; Bogaslooskala cntsidopcdla, art. de M. Sokolof, 1903; J. Andree! a publié sur saint Germain, dnns le Bogaslaôsklt Vcstnik, une élude d'ensemble, qui n paru en volume, S. German, patr. Constant (715-730», in-8·, Moscou, 1898, ct a été plus tard unie à une autre étude sur saint Tarai se, dans Germant Tarasii, palriarchl Constanlinopobkie, Moscou, 1907. F. Cayré 2. GERMAIN, patriarche de Constantinople (1222124U). est célébré par sa résistance aux latins ct par scs homélies. II naquit à Anaplous sur le Bosphore, Il était diacre de Sainte-Sophie, au moment de la prise de Constantinople par les Francs, en 1204. Il sc retira alors dans un monastère, jusqu'à cc qu’en 1222, Jean III Va lacés, empereur grec de Nicéc (1222-1254), l’en tirât pour en faire un patriarche « œcuménique », en résidence ù Nicéc. C’est dans ccttc ville qu’il mourut. 1210, et fut enterré. Son fanatisme antilatin, autant que les miracles opérés sur son tombeau, lui a valu d'être mis sur les autels par les grecs. Sous son pontificat curent lieu certaines tentatives de rapprochement avec Borne; cc fut même lui qui en eut l’initiative. En 1232. en elïct, à l'instigation de l’em­ pereur, Jean Vatacés, qui craignait pour ses États, Il feignit de vouloir opérer l'union de l’Église grecque à l’Églisc latine, ct écrivit au pape Grégoire IX une lettre, assez impertinente d’ailleurs, en faveur de l’entente des deux Églises. Mansi. Concil., t. xxm, col. 245. Une autre épitre, adressée en même temps aux cardinaux, exaltait la grandeur de l'Église grec­ que. Baynaldi, an 1232, p. 50. Quoique froissé, le pape accepta. Sa lettre, ferme mais très digne, faisait entendre qu’il enverrait bientôt des ambassadeurs. Mansi, loc. cit.9 col. 55. Ils vinrent en effet. en 1231, ct eurent avec les grecs, Λ Nicéc d’abord, puis à Nymphée, près de Smyrne, sept colloques qui furent absolument Inutiles. On se sépara en se jetant mutuellement 1 anathème. Ilefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1913, t. v, p. 1565 sq. On trouvera dans Mansi, loc. cit., col. 277-307, les Actes de ce concile. Ils sc terminent par une profession de fol du patriarche ct de son synode, col. 307-319. Il existe aussi do la même époque, sur la même question, un autre acte patriarcal ct synodal fort intéressant, édité à Vienne en 1796, avec le Χρονικόν Γιωργωυτού Φραντζή, ct intitulé : Άπάντησχς πρός την τοιαύτην ομολογίαν του πάπχα Γρηγορίου χαι προς τούς 6π* Ικβίνου σταλ/ντας Φριμινουρίους (frères mineurs) χαι τούς λοιπούς πιρί της <χπορ<ύσ<ως τού I Ινώματος άγιου. Depuis lors, Germain put montrer sans feinte son vrai caractère ct lutta avec ardeur contre Γenvahis­ sement latin. Il reste quatre lettres, comme témoins de ses efforts. L’une est adressée au patriarche latin de Constantinople; Démétracopoulos en a édité une 1310 partie, OpMfoÇoç Ελλάς, Leipzig. 1872, p. 40-11 Le même auteur, ibid., p. 39-10, résume une autre lettre du patriarche adressée aux moines du couvent de · La Pierre ·, près des Blachemes. pour les féliciter de leur résistance aux latins, et les encourager à avoir toujours la même horreur des innovations occidentales sur le l· iliaque.les azymes, le purgatoire, etc. Les deux autres lettres ont été éditées par Cotclier, Monumenta Ecclesùe gnrea, t. ni, ct sont reproduites dans Migne, loc. cit., col. 601-622. Elles sont adressées aux fidèles de Chypre, alors soumis à la domination franque des Lusignan. L’une règle les rapports avec les clercs latins ct l’autre prend des mesures contre ceux qui ont accepté de se soumettre au pape. Non content de combattre le latinisme sur le terrain pratique, Germain II ne dédaigna pas de le poursuivre jusque dans le domaine théologique. Allalius, De consensione, p. 712, énumère un certain nombre de traités que Je patriarche composa contre les hérésies latines, et dont on devine immédiatement les titres : Sur la procession du Saint-Esprit; Des azymes; Du /eu du purgatoire; Du baptême. Iis sont encore inédits ct cela n’est guère à regretter, à eu juger par cc que nous connaissons ct dont Le Quien a écrit : « Il reste de lui quelques opuscules si vides ct si fades qu'il n'a presque rien été publié de pire par des grecs, · ct cc n’est point peu dire. L’œuvre la plus considérable de Germain II est oratoire Le manuscrit de Coislin 275 contient de lui quarante-six homélies ct six catéchèses. Fabnaus en donne le sujet et les premiers mots. Huit seulement ont été éditées. On en trouvera sept. P. G., t. exu col. 601-755. Dans ce nombre, on en comprend deux qui ont été parfois attribuées ù saint Germain Ier et ont été insérées dans scs œuvres : cc sont les homélies sur Vadoration de la croix, P. G., L xcvxn. coL 221, et sur la sépulture du corps du Christ, ibid., col. 243. Quoiqu'on ne puisse l’affirmer, il est très vraisemblable que c’est Germain II qui en est l’auteur, à en juger d’après le titre, le style, le sujet ct l’âge des manuscrits. L’homélie prononcée contre les Bogomiles, sur l'exal­ tation de la croix, loc. cit.. col. 621, a un certam intérêt historique, surtout si on la complète par VEpistula ad Constanlinopolitanos contra Bogonulos du même auteur, que M. Ficher vient d’éditer dans son livre Die Phundagiagiten, Leipzig, 1908, p. 115-125. Balleri ni. qui a édité l'homélie sur l’Annonciation, P. G., loc. cit., col. 677, l’attribue à Germain H par des arguments assez probants. Sylloge monumentorum, Paris, 1857, p. 285-295. Les autres discours, publiés dans Migne, sont les suivants : Sur la croix, col. 643659; Sur les images, col. 659-676; Sur les saints inno­ cents, col. 736-758. Avant de porter un jugement d’en­ semble sur l’œuvre oratoire de Gennain IL il parait prudent d’attendre, avec Ehrhard, qu’un plus grand nombre d homélies aient été publiées. Dans l’homélie sur l’Annonciation, il enseigne assez clairement lo dogme de l’immaculée conception. Nous nous contenterons de signaler quelques actes d’ordre canonique, sans grande importance, concernant certains monastères Miklosich-Mullcr, Acta patr., t. I, p. 87; Acta monast., t. i, p. 298-303; Khalll-PotU, Σύνταγμα 1<ρών κανόνων, L v, p. 106-113. C’est sous son patriarcat que Jean Ill Vatacès, par un chrjsobullc de 1228, prit des mesures nouvelles pour conserver aux églises les biens des prélats défunts. Bhalll-Potll, loc. cit., p. 324-325 Une recension nouvelle, avec une étude préparatoire, a été faite de cette encyclique par M. Jules Nicole, Iteoue des études grecques, 1894, t. vu, p. 68-80. Nicéphore Cnlllstc, Catalogus, P. G., t. cxLvn, col. 465; Ephrem le Chronographe, Ctrsares, P. G., t. extirr. col. 373; Georges l’Acropolllo; Allalius, De conscjtdone, 1618, p. 300, 1311 GERMAIN — GEROCH 563. 712; Le Qui en. Oriens christ (anus, Paris. 1740, col. 278279. reproduit dans P. G., t. cxl» col. 593-594; Fabricius, RiNi theca gr.rca.tslit. Hurles, t. xi, p. 162-171, reproduit dans P. G., t. cxl, col. 593- »02; Démétracopoulos, Grircla orthodoxa, 1872, p. 38-43; Sa t has, Bibliotheca grirca med., Constan tino pk·, 1873. t. ir, p. 5; M. Gédéon, llarptip/xol xtvai/;. Constantinople. 1890, p. 383-387; Kninibncher, Geschichte. dcr bgz. Lilerattir, 1897, p. 174; Jlcfcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1913, t. v, p. 1563 sq.; Fcchtrup, K irchrnlexikon, Fribourg, 1888; Sokolof, Bogos­ lovskaya cnhiclopedia, Saint-Pétersbourg, 1903. Voir plus haut, L ni, coL 1388. F. CAYR1-. ■ . • I ’ 1312 t-il, par les raisons de scs adversaires. Une lutte plus grave cl plus âpre s’engageait alors dans l'Église même à propos dc la bulle Unigenitus. Le P. Germon crut plus utile de tourner scs armes contre les jansé­ nistes. Des divers travaux entrepris par lui dans co but, il ne reste qu’un Traité théologique sur les 101 propositions énoncées dans (a bulle Unigenitus, publié après sa mort, Paris, 1722. Le P. Germon mourut à Orléans le 2 octobre 1718. Jac.-Ph. Lallcmant, Histoire des contestations sur la diplomatique, Paris, 1708; C. Bcrctti, Istoria della guerra GERMON Bnrihéiomi, jésuite français, né à Or­ diplomatica. Milan, 1729; J. P. Ludwig, Dr bellis diploma· léans le 17 juin 1663, admis au noviciat le 31 dé­ tfeis, Paris, 1708; J. P. Ludwig, Dr bellis diplomatids in cembre 1679, professa les humanités, la rhétorique ct I Gallia excitatis, Leipzig, 1720; J. Schwabe, Kune Erziihlungcn der Strcitlgkeiten uber die allen Urkundcn, Heidelberg, la philosophie à Orléans avec une grande réputation 1785; Journal des savants, 1713, p. 209-219; Mémoires dc science, tout cn s’adonnant à des études fort de Trévoux, 1713, p. 795-817; 1716, p. 989-998; P. Daniel, approfondies, mais trop peu méthodiques parfois, dc Histoire de France, Paris, 1755, t. 1, p. clxxxv sq.; Sompaléographie et de critique historique. Lorsque parut mcrvogcl, Bibliothèque de la Cïe de Jésus, t. in, coL l'ouvrage d’Adrien Baillct, De la dévotion à la sainte 1351-1337. Vierge et du culte qui tut est dû, Paris, 1693, Je P. Ger­ mon Intervint aussitôt, au nom de la théologie ct de l'histoire, pour relever les Interprétations inexactes des textes ct des faits dans son livre : Trois lettres du P. Germon d9 Orléans, jésuite, â M. Hideux, curé des Saints·Innocents, sur l'approbation qu’il a donnée au nouveau livre de la dévotion à la sainte Vierge, 1693. Il fit preuve également d’une érudition déjà sûre dans la Remontrance chrétienne à l’auteur de la traduction des homélies de S. Chrysostome, s. L, 1693. L’auteur dc cette traduction cn sept volumes était Nicolas Fon­ taine, qui accueillit d’ailleurs les observations qui lui étaient faites, notamment sur quelques passages relatifs à l’cxégésc de l’ÉpItrc aux Hébreux. Une lutte plus vive s’engagea à propos de VHistoire des congré­ gations De auxiliis publiée par le P. Serry, dominicain, sous le pseudonyme dc l’abbé Le Blanc. Le P. Germon, qui avait la partie belle, entra cn lice par sa Lettre d Λ/. l’abbé ·*· Sur la nouvelle histoire des disputes De auxiliis qu’il prépare, Liège, 1698. Le P. Serry se défendit vigoureusement dans une brochure publiée deux ans plus tard. Mais le P. Germon, s'en tenant aux faits et aux textes, lui opposa coup sur coup deux ouvrages décisifs : Questions importantes d l’occasion de la Nouvelle histoire des congrégations De auxiliis, Liège, 1701 (cf. Mémoires dc Trévoux, juillet 1701, p. 118-124; mai 1702, p. 17-22) ct Errata de l’Hisloire des congrégations De auxiliis composée par l’abbé Le Blanc, et condamnée par l’inquisition générale d’Espagne, Liège, 1702, où le savant critique n’eut pas de peine à mettre dans son plein jour la vérité. Cf. Jour­ nal des lavants, 1702, p, 128-433; Mémoires de Trévoux, juin 1702, p. 133-140; Acta eruditorum, 1702, p. 142449. Ix; P. Germon fut moins heureux dans la polé­ mique engagée à propos du De re diplomatica dc Mablllon, malgré les incontestables qualités d’éru­ dition ct dc pénétration qu’il déploya dans ccttc longue et ardente controverse inaugurée par sa pre­ mière dissertation, De veteribus regum Erancorum diplomatibus et arte secernendi antiqua diplomata vera a /alsis, Paris, 1703 (cf. Mémoires de Trévoux, Janvier 1704, p. 107-119; Journal des savants, janvier 1704, p. 3 sq.), suivie de la Disceptatio secunda, Paris, 1706. Les savants prirent parti pourct contre. Mais la diplo­ matique bénédictine eut pour elle les suffrages les plus autorisés, ceux de l’abbé Fontaninl, professeur d’éloquence à Rome, de l'abbé Lazr.arini, dc Glatti, jurisconsulte de Plaisance. Dom Constant Intervint sur la question des manuscrits de saint Augustin, ct dom Rulnart sur les principes dc la diplomatique. Le P. Germon publia de nouvelles Disceptationes, Parts, 1707, et un curieux ouvrage : De veteribus tue re­ bas fcclrsiaslicorum codicum corruptoribus, Paris, 1713, ct »c retira de la discussion, fortement ébranlé, semble- P. Bernard. GÉROCH, né à Polling (Bavière) cn 1093, après avoir fréquenté diverses écoles d’Allemagne, fut mis par l'évêque d’Augsbourg Λ la tète dc l’école dc son Église. Il prit tout d'abord rang parmi les défenseurs des droits du pontife romain ct les promoteurs dc la réforme ecclésiastique. IJ censura courageusement les mœurs du clergé, au milieu duquel il vivait, ct il sc sépara dc l'évêque Hermann, qui soutenait l’empereur Henri V ct son antipape Bourdin contre Calhste II. Il dut sc retirer à Rcitcnbuch. monastère dc chanoines réguliers du diocèse de Ratisbonne. Il fut nommé cn 1132 prévôt dc la collégiale régulière dc Rclchesperg, fonction qu’il remplit jusqu’à sa mort (1169). Cc fut, en Allemagne, un émule dc saint Bernard, travaillant à la réforme ecclésiastique ct à la défense du Saint-Siège par son action personnelle ct par scs écrits. Eugène III ct scs successeurs lui témoignèrent une grande confiance* Il entreprit plusieurs fols le voyage dc Rome. Le cardinal légat Gui sc fit accom­ pagner par lui dans sa mission cn .Allemagne (1143). Les empereurs le trouvèrent toujours hostile à leurs entreprises schismatiques. Géroch fut l'un des écrivains les plus féconds dc son temps. Scs écrits relatifs aux conflits entre les empereurs ct les souverains pontifes ont été réédités parSackur dans les Libelli de lite imperatorum cl pon­ tificum smeulis xi et xtl conscripti, Hanovre, 1897, t. ni, p. 136 525, des Monumenta Germanite historica. Ce sont des extraits du Liber de ædificio Dei ; Epistola ad Innocentium sur le clergé séculier ct régulier; Liber de simonlacis ou De co quod princeps huius mundi jam judicatus est ; De ordine donorum Spiritus Sancti ; Contra duas hmreses ; De novitatibus hujus (emporis ; De investigatione Antichnsti ; De gloria et honore Filii hominis; Opusculum ad cardinales; De quarta vigilia noctis ; des extraits du Comment, in ps. LXIV. Le recueil complet dc ses œuvres sc trouve P. L., t. exent, cxciv. Cc sont, outre les travaux cités déjà, scs lettres, son Comentarius aureus in psalmos et cantica jerialia; son commentaire du ps.i.xiv est traité avec plus d’ampleur; il est devenu le Liber de corrupto Ecclcsim statu, dédié au pape Eugène III. On lui doil encore: Epistola ad Eberhardum, episcopum Bambergensem sur l’égalité du Père et du Fili; Opusculum de gloria et honore Filii hominis ; Beatorum abbatum Formbacenseium Berengeri et Wirntonis. ordinis sancti Benedicti, vitir. L’auteur de la Chronique dc Rcichcrsperg, publiée par Ludwig dans sa Bibliotheca historica medii irvi, (ait connaître les services que Géroch a rendus à son monastère et ses efforts pour la restauration de la discipline religieuse. Noble Gtrhoh lm Relchersperg Fin Blld aus dem I^ebecx GÉROCH — GERSON 1313 iZ« Klrche Im XII Jahrhundert, in-8·, Leipzig, 1881 ; PottbasL Bibliotheca historica medii α·υί, t. i, p. 302-503; doin Gcillicr, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, 2· édit., Paris, 1863, t. xiv, p. 627-633; Healcncyclopadle fur protestantische Théologie und Klrche, L vi, p. 563-568 (avec bibliographie); The catholic encyclopedia, New York, 1909, t. vi, p. 472 (avec bibliographie), J. Bbssr, GERSON (Joan Io Charllor do). — I. Biographie, IL Scs opinions sur le pape, le concile ct la hiérarchie ecclésiastique; son rôle au concile dc Constance. III. Sa théologie morale. IV. Sa théologie mystique. V. Sa prédication. I. Biographie. — Jean le Charlier dit de Gerson naquit le 14 décembre 1363 au hameau aujourd’hui détruit qui portait autrefois cc nom, et qui dépendait du village dc Barby, dans le diocèse de Helms, non loin dc Bethel (Ardennes). Son père s’appelait Arnauld ct sa mère Élisabeth la Chardcnière : tous deux étaient cn excellent renom dc foi ct dc piété. Ils curent douze enfants ct Jean cn était l’aîné. Il fréquenta les écoles dc Hethel, puis dc Heims, ct entra à quatorze ans (1377) au fameux collège dc Navarre à Paris. Il y connut le futur évêque dc Genève, Jean Courlcculssc, son contemporain, un peu plus âgé que lui. Bibliothèque de T École des chartes, 1901, p. 471. Il eut comme condisciples le futur cardinal Pierre dc Luxembourg ct l’humaniste Nicolas dc Clémangis, qui étaient plus jeunes dc quelques années. Scs maîtres furent Laurent dc Chavangcs, Gilles des Champs qui fut aussi honoré dc la pourpre, ct surtout le célèbre Pierre d’Allly, dc Compïègne, dont il suivit les cours pendant sept anset dont il resta toujours l'ami dévoué. D’Allly assistait parfois A scs leçons ct il l’appelle son vénérable ct très cher compagnon. Sermo /actus in sy­ nodo Cameracensi ; Tractatus ct sermones. Dc son côté, Gerson lui dédia son livre intitulé : De vita spirituali animer. Opera, t. m, col. 3, ct lui adressa parfois des vers latins. Ibid., t. iv, col. 789. Il le nomma cn plein concile de Heims son illustre ct vénéré maître (1408) ct au concile dc Constance (1416) son incomparable pro­ fesseur. Jean Gcrson fut promu licencié ès arts sous maître Jean Lou trier cn 1381; baccalarius btblicus cn 1388, il lut les Sentences cn 1390 ct devient licencié cn 1392. Il fut promu au doctorat cn théologie, à l’âge dc 31 ans, cn 1394. Cf. Déni Ile, Chartularium uni­ versitatis Parisicnsis, t. m, p. 454. Dès avant son doc­ torat, il avait composé plusieurs écrits. En 1387, il prêcha devant le pape Clément VII d’Avignon, pour provoquer la condamnation du dominicain Jean dc Montcson qui niait l’immaculée conception dc la sainte Vierge. Montcson fut condamné cn eflet et V Alma mater décida de rejeter dc son sein les frères prê­ cheurs qui refuseraient de confesser cette vérité qui est aujourd’hui un dogme Notre docteur pense que ccttc sentence prononcée contre les dominicains fut trop dure : « Dieu sait, dit-il. ct je l’ai plus d’une fols montré, que je ne déteste point les mendiants ct que je n’ai point voulu leur destruction. · Et dans une épltre adressée aux élèves de Navarre, il réprouve la sévérité de l’université dans ccttc occasion. Opera, t. i, p. 129; il regrette aussi les pertes que la science ct l’influence de l’université ainsi que la vertu des étudiants ont faites par suite dc l'absence forcée des dominicains qui ne rentrèrent en grâce qu’en 1403. Il prononça peu après le panégyrique dc saint Louis, roi dc France, ct fit ainsi scs débuts dans sa carrière d’orateur qui devait être si brillante. Il avait conquis le doctoral depuis un an lorsque son maître Pierre d’Allly fut nommé évêque du Puy (1395). Sur la proposition du jeune prélat. Gerson fut choisi par Benoit NIH pour lui succéder dans le poste émi­ nent dc chancelier dc Notre-Dame et dc l’université (13 avril). C’est A partir de ccttc date qu’il commença | mer. dp, TiiéoL. cathol 1314 à s'occuper d’une manière très active de l’extirpation du schisme qui divisait depuis dix-sept ans l’Église cn deux parties ennemies ct numériquement presque égales. Ami dc la paix ct de l'union, il professa tou­ jours à l’égard du pontife dc Home ct dc celui d’Avi­ gnon des opinions très modérées. En mainte occasion, il sut montrer sa vive répugnance pour les procédés violents préconisés par certains membres de l'univer­ sité. Noël Valois, La France et le grand schisme, t, ni. p. 71, 180. Aumônier du duc de Bourgogne, il fut nommé doyen dc l'église dc Saint-Donatien à Bruges. Gcrson y demeura pendant quatre ans (1397-1401) ct il écrivit A ccttc époque le traité remarquable Intitulé : Sententia de modo se habendi tempore schismatis. Schwab, Johannes Gerson, p. 97, 152. Dans les discussions souvent orageuses dc cc temps si troublé, le théologien trouvera peu dc propositions pratiques où sc rencontrent plus dc fermeté doctrinale ct plus de sérénité d'âme. Voilà pourquoi il nous semble utile de résumer les points fondamentaux sur lesquels Gcrson émet son avis, saloo semper in omnibus superiorum cl sapientiarum /udicio : « Dans le présent schisme» écrit-il, cn une matière si douteuse il est téméraire» injurieux ct scandaleux d’afllrmer que tous ceux qui sont attachés à tel ou tel parti, ou tous ceux qui veulent absolument rester neutres, sont hors de la voie du salut, excommuniés ou suspects dc schisme. Il est licite ct même prudent dc prêter obéissance à tel ou tel pape» mais sous condition tacite ou expresse. 1) est téméraire, scandaleux et sapiens hare· sûnd'aflirmcr que les sacrements de l’Église n’ont pas leur cfllracilé au sein du parti contraire, que chez nos adversaires les prêtres ne sont pas ordonnés, les enfants ne sont pas baptisés ct l’eucharistie n’est pas consacrée. Dans ce schisme.il est téméraire cl scandaleux d’afllrmer qu’il n’est point permis d’ouir la messe des dissidentset dc recevoir les sacrements de leurs mains. Il serait plus utile, plus juste ct plus sûr dc chercher l’unité dc l’Église cn agissant sur les deux compétiteurs à la papauté, soit cn employant la voie dc cession, soit celle dc soustraction d'obédience, soit tout autre moyen légitime de coaction. A quoi sert de vexer ct dc troubler les âmes par l'excommunication ou autre­ ment? A quoi bon rejeter opiniâtrement une partie des chrétiens de la communion dc l’autre? · Opéra, t. n,p. 3. D’Allly,son maître, qui venait d’être nommé évêque de Cambrai cl qui avait été témoin des mêmes excès, partageait tout â fait son avis ct il s’en expli­ qua plus lard A plusieurs reprises. Discours du 11 dé­ cembre 1406 au concile dc Paris, dans Bourgeois du Ch as tenet, Nouvelle histoire du concile de Constance, p. 153 sq., ct Apologia concilii Pisani (1412), dans TSchuckert, Peler von Atili, appendix, p. 31. En 1398, Gcrson ne vota pas la soustraction d’obé­ dience à l’égard du pape d'Avignon pour lequel l'Église de France s’était dès l’abord déclarée. Il fut un des premiers A démontrer que Benoît ne devait pas être considéré comme hérétique ou schismatique ct qu’il n’était nullement A propos d’entamer, de cc chef, une action contre lui. Opéra, t. n, passim. Par suite, U réclama énergiquement la restitution d’obé­ dience, c'est-A-dirc la cessation dc cet état anormal qui constituait un schisme dans un schisme. Cette attitude conciliatrice, très conforme A son caractère, lui attira alors ct plus tard bien des rancunes peu dissimulées. Après la restitution d’obédience ct le concordat du 30 mal 1403, Gcrson, revenu do Brugcsjcélébra dans un sermon enthousiaste la cessation partielle du schisme, le triomphe des projets d’union ct la fln de ces longues querelles, trop.semblables, disait-il, aux luttes légendaires entre guelfes et gibelins. Dans son discours du 4 juin, il compare Benoit â^Antéc qui VI. — 4;’ 1315 GERSON reprend de nouvelles forces cn touchant In terre sa mere : · Ainsi, poursuit-il le pontife d'Avignon, au rude contact de l’epreuvc, apprendra i'humilité et la douceur. Par l'exercice de ccs deux vertus, d luttera contre le schisme ct le fera bientôt disparaître. > Lc bon chancelier a le privilège des assimilations singu­ lières. Plus tard (9 novembre), il comparera Benoit, évadé d’Avignon, a Jouas sortant du sein de la baleine. Il ne nous parait pas encore connaître a fond l'homme dont il sc fait le panégyriste outré, et il sc montre ici prophète peu clairvoyant En récompense de son dévouement, le souverain pontife le nomma curé de Sa! .t-Jcan-cn-Grève à Paris, ct unit cette charge Λ son olllce de chancelier. Malheureusement, ccttc bonne entente entre Paris ct Avignon ne devait pas durer, ct les belles espérances que Gerson avait conçues ne se réalisèrent point Les concessions promises par Benoit au duc d’Orléans ne furent pas accordées : le pape n’exigea guère avec moins d’âpreté qu’autrefois les taxes aposto­ liques ct tous les droits pécuniaires qu’il prétendait avoir; U parut ne songer qu’à reculer les limites de son obedience au détriment de celle d’innocent VU, qui venait de succéder â Urbain VI sur le siège romain. Cette mauvaise volonté, cette négligence à tenir de solennelles promesses, ccs faux-fuyants sans cesse renouvelés, ces prétentions de plus cn plus injusti­ fiables allaient amener de nouveaux conflits. Gerson, chancelier de l’université» était cn cc temps une des voix les plus écoutées du clergé français. Lc 1er janvier 1404, sept mois après le concordat» l'cluquent docteur avait prêché devant Benoit ù Tarascon, ct ne lui avait point ménagé les avertisse­ ments les plus graves. Son discours où, comme assez souvent chez lui, le vrai se mêle au faux, avait eu un très grand retentissement. Pierre d’Ailly, sincère partisan du pape d’Avignon, s’en était ému. Gerson répondit à son ancien maître, alors â la cour du pape; 1 regretta de voir exagérer la portée de ses paroles et de s’entendre attribuer des propos peu respectueux à I égard du pontife. Opera, L tr, col. 74. D’autre part, l’université sc brouillait avec le duc d'Orléans, le grand protecteur de Benoît, et sc rappro­ chait du duc de Bourgogne, cet ennemi personnel de son cousin d'Orléans ct qui allait bientôt devenir son meurtrier. L'Alma mater sc plaignit du prince et du pape; elle fit cesser toutes leçons pendant dix semaines et Gerson sc fit son porte-parole dans son fameux discours Intitulé : Vivat rex (7 novembre 1405). \ux vœux faits pour la santé de Charles VI, il mêla non sans audace des attaques contre les procédés arbitraires du duc d'Orléans. L’université, de plus en plus mécontente de Benoit, voulut renouveler la soustraction d’obédience qui avait si peu réussi une première fois cn 1398. D’Ailly el Gerson tentèrent de s’y opposer avant le concile de Pans, cn 1406; ils s'cHorcèrcnt de ramener leurs collègues à des procédés plus modérés. Au sein de 1 assemblée qui s'ouvnt en novembre, ct après de très longues ct très vives discussions, ils ne réussirent qu’en partie; ils obtinrent que la soustraction adoptée par les membres de l'assemblée fût réduite à certaines limites. Cf. L. Salcmbicr, Le grand schisme d'Occident, p. 221. D’Ailly et Gerson tirent aussi partie de l’ambassade solennelle qui fut envoyée à Benoit en 1407. Tous deux insistèrent fortement auprès du pontife pour qu’il *c démit de la papauté par une bulle formelle. Il refusa Plusieurs délégués voulurent alors briser ouvertement avec lui. Ici encore d’Ailly ct Gcrson firent triompher des sentiments plus pacifiques ct travaillèrent à retarder la rupture totale. Ibid., p. 229. 131G Tous deux furent aussi mc.ibret de la légation envoyée Λ Grégoire Nil. Ils furent témoins de la pusillanimité puérile ou plutôt Sentie du pontife, ils entendirent ses excuses pitoyables pour ne pas so trouver au rendez-vous de Sa voue où il devait ren­ contrer Benoit, ct eurent une noble attitude ù l’au­ dience de congé du 28 juillet 1408. N. Valois, Biblio­ thèque de l'Ecole des chartes, 1902, p. 232; Bibliothèque nationale, n. 7371 ct 12011. De retour ù Gênes, ils adressèrent de concert au pape romain une lettre très digne ct très touchante qui est restée jusqu'ici Inédite. Au nom de l’Égiisc, ils le supplièrent une dernière fois de tenir scs promesses, 15 septembre. Bibliothèque Vaticane, n. 4000 ct 1102. On sait que cc fut cn vain. L’année suivante, Gcrson assista au concile de Reims ct y prononça le discours d’ouverture. Il donna à ses auditeurs les conseils les plus pratiques sur l’instruc­ tion des fidèles, sur le bon exemple à leur donner ct sur l’administration des sacrements. Opera, t. n, col. 542 sq. Au cours de son sermon, il demande qu’un théologien soit nommé pour donner des leçons de science sacrée dans chaque église métropolitaine. A cc propos, il rend grâces ù son maître, l’illustre évêque de Cambrai, qui a obtenu de Benoit XIII que ccttc faculté soit étendue ù toutes les églises cathé­ drales et à toutes les collégiales notables. · Je ne sais pourquoi, dit-il, cc projet si utile n’a pas encore été mis à exécution. · Marlot, l’historien rémois, ajoute que Gcrson examina de concert avec d’Ailly le cas de la voyante Ermine, morte à Reims treize ans auparavant Dans une lettre que nous possédons encore, le chancelier approuva la relation que Jean Morclle» chanoine de Saint-Denis, avait écrite au jour le jour sur les faits merveilleux qui étalent imputés à ccttc prophétcssc. Opera, t. î, col. 83. En ccttc même année, à cause de son attitude paci­ ficatrice, d’Ailly encourut l’indignation des univer­ sitaires acharnés centre Benoit. Le roi épousa leur querelle ct voulut faire arrêter l’évêque de Cambrai. Clémangis ct Gcrson, scs élèves toujours fidèles, lui écrivirent de touchantes lettres de condoléances. L. Salembicr, Petrus de Alliaco, 1886, p. 75; Gcrson, Opera, t. m, p. 429; N. de Clémangis, Opera omnia, Epist., XLiv. Gcrson n'allait pas tarder Λ connaître lui aussi les vicissitudes humaines ct allait être poursuivi pour un autre motif. Lc 23 novembre 1407, le duc d’Orléans était tombé dans une me de Paris sous les coups de lâches assassins stipendiés par le duc de Bourgogne. Jean sans Peur assuma avec une singulière audace la responsabilité du fait accompli, plaida sa propre cause devant le roi Charles VI ct chargea de sa défense son conseiller Jean Petit (8 mars 1408). Celui-ci osa professer euvertement la théorie immorale du tyran­ nicide. Lc chancelier cnit de son devoir de déférer cette doc­ trine au jugement de l’évêque de Paris et des maîtres cn théologie. Les docteurs condamnèrent d’abord sept, puis neuf propositions de Jean Petit comme erronées ct scandaleuses: elles furent livrées au feu. Plus tard, au sein du concile de Constance. Gcrson dénonça de nouveau les articles incriminés (juin 1415) ct il le fit sept folscn quinze jours. Les Pères rendirent leur sen­ tence sur cc point le G juillet, ct condamnèrent le tyrannicide d’une manière générale, sans prononcer le nom du puissant duc de Bourgogne. Celte demimesure ne contenta point Gcrson et les Armagnacs du concile. Lc chancelier prit la parole au nom du roi de France» le 5 mai 1416, ct protesta éloquemment contre la sentence trop peu explicite qui frappait Jean sans , Peur. Opera, L il, p. 328; L v, p. 353, 355, 3G2 sq.; 1317 GEBSON 1318 Lab be-M ansi, Concil., t. χχνιι, cob 728 sq.; Schwab, Les savants l’ont nommé doctor christ inn iss imus et les op. cit., p 600· mystiques doctor consolatorius. Plusieurs statues îûi Gcrson n'avait assisté ni au concile de Pise (1409) ont été élevées à Paris ct à Lyon, et, dans l'églls: de la ni à celui de Koine (1112-1413), mais i! les avait Sorbonne, son image fait pendant à celle deBosiücL hautement approuvés. Son rôle a Constance fut des IL Ses opinions sur l’Églisf et la nif.RARcmr:; plus considérables. Il y arriva le 21 février 1415 avec SON RÔLE AU CONCILE DF. CONSTANCE. ---- On le Sait, une délégation de l’université de Paris. Nous n’entre­ cc qui a manqué le plus aux théologiens du commen­ rons pas dans le détail du procès de Jean iluss, cement du xv· siècle, c'est une doctrine ferme sur ce Schwab, op. cit., p. 510-609; Constance (Concile de), que les théologiens appellent aujourd'hui le traité de t. in, col. 1213 sq., de la condamnation des flagellants, l’Égiise. Lc gallicanisme, dont ils avalent pulsé le germe Gerson, Opera, t. n, p. 658, 660 ; voir Flagellants, dans renseignement des grandes écoles, s'est développé col. 16; de scs démêlés avec les Anglais qui, malgré grâce aux expédients arbitraires qu'on s'est cru obligé leur petit nombre, prétendaient former une nation d employer au milieu des événements malheureux du au sein du concile, N. Valois, op. cit., L iv, p. 369; grand schisme pour rétablir l’unité depuis si long­ de ses luttes doctrinales contre Matthieu Grabon, cc temps compromise. On peut plaider les circonstances grand adversaire des nouveaux ordres religieux, le atténuantes en faveur de notre Gcrson. Il a eu des Guillaume de Saint-Amour du xv· siècle. Gcrson, maîtres peu sûrs; Il a beaucoup étudié, en particulier, Opera, t. i, p. 467; Hcfele, Histoire des conciles, t. xi, Guillaume Occam, le plus mauvais génie du xiv* siècle. Sa conduite pratique, nous l’avons vu, est, en général, p. 103. Nous parlerons plus bas de son attitude vis-à-vis plus modérée et plus vaine crue scs théories. des trois papes qui sc disputaient alors la tiare ct des On accuse d’Ailly ct Gerson d'avoir été les pères théories qu’il eut l’occasion d'exposer au sein du du gallicanisme et, à un certain point de vue, on n’a concile pour arriver à l’extinction du schisme. pas tort. Remarquons toutefois, pour être juste, que. Cc furent surtout scs luttes contre Jean sans Peur quand il s'agit, cn 1398, de In première soustraction qui lui attirèrent des disgrâces imméritées. Déjà, d’obédience, ccs prétendus coryphées des opinions à Paris, le duc de Bourgogne avait provoqué une antipontihcalcs n'y eurent aucune part. En 140G, lorsqu'on voulut rétablir la soustraction complète émeute contre lui. Sa maison avait été p ilée ct il n’échappa aux assassins qu'on se réfugiant pendant d'obédience, ils opposèrent une résistance acharnée deux mois sous les voûtes de Notre-Dame. Après le aux projets «le Simon de Cramaud, de Pierre Plnoul. concile de Constance, pendant que le pape, l’empe­ « de Jean Petit ct de Pierre le Roy. Deux ans après, reur, les Pères ct les princes s’en retournaient avec quand la révolte contre Benoit Xlit se Ht plus pompe dans leur pays (1418), Gcrson apprenait que violente cl prépara une sorte de constitution civile Jean sans Peur avait juré sa perte ct que la nation du clergé au sein du V· concile de Pans, les résolutions schismatiques de rassemblée furent adoptée* vans picarde, nu sein de l’université, avait demande qu d fût désavoué, rappelé ct puni atrociter. Opera, t. v, eux, malgré eux ct. on peut le dire, contre eux. N. \ alois, p. 374; Dcnifle, Chartul., t iv, p. 300; Max I.enz, op. cit., t. tv, p. 23. I n peu plus tard, lorsqu'ils aban­ Revue historique, t. ix, p. 470. Pour éviter un crime à donnèrent Benoît XIII et Jean XXIII, c'est quand il son persécuteur, il sortit de Constance le 15 mai 1418, leur fut démontré que leur présence à la tête d’une partie et prit le chemin de l’exil avec scs deux secrétoires de l’Égiisc était un obstacle à l’union. Pereat unus, non au concile, André el Circslo. Il sc retira cn Allemagne· unitas, dit saint Bernard. à Γabbaye bénédictine de Mœlek, dont il avait connu En fin. il est prouvé aujourd'hui que plusieurs traités sur lesquels les adversaires de Gcrson sc sont parfois ba­ l’abbé à Constance. C'est là qu’il composa, à l'exemple de Boècc, son traité : De consolatione theologian L’arses pour attaquer sa doctrine théologique ne sont pas de chiduc d Autriche Frédéric voulut l’attirer dans son lui, par exemple : De modis uniendi; Octo conclusiones université de Vienne. Gcrson s'y rendit, mais n’y resta quarum dogmaltratio utilis videtur ad exterminationem point. Enfin, cn novembre 1419,1c chancelier apprit moderni schismatis ; Sermo /actus tn die ascensionis an. la mort de son ennemi juré Jean sans Peur, lue par 1409,etc. Enfin, les éditeurs protestants ou gallicans, les ordres du dauphin sur le pont de Montcrcau. Il Von der 1 lardt, Flacius Illyricus. Richer, Ellies Dupin, prit aussitôt la route «le la France, mais il ne rentra ont rendu a sa mémoire de mauvais sen ices en cn fai­ pas à Paris livré aux factions ct resté au pouvoir des sant un homme de parti et un précurseur pour leurs doc­ Bourguignons. Il sc dirigea vers Lyon oû l’appelaient trines hétérodoxes. son frère, prieur des célcstins, ct l’archevêque Amédéc il est trop certain que le chancelier a soutenu à propos de Talaru. Schwab, op. cit., p. 767. C’est là qu’il passa 1 du pape et du concile des théories erronées, condamna­ ses dernières années dans les exercices de la dévotion bles et plus tard condamnées. Sans doute, l’Égiisc ro­ ct du zèle sacerdotal. Il y composa divers écrits maine csl Indéfectible, mais, d’après lui. l'évêque de d'édification ct cn particulier son traité de théolo­ Rome n’est pas l’évêque universel, jouissant d’un pou­ gie mystique ou pastorale bien connu : De parvulis voir immédiat sur tous les fidèles; la puissance est cn lui ad Christum trahendis. Joignant l’exemple au pré­ subjective ct » xeeutive. Opera, t. n, col. 259. 279. Bien loin d'être infaillible, i) peut tomber parfois dans l'hérésie. cepte, il aimait à s’entourer de petits enfants dans l’église de Saint-Paul ct il se plaisait à leur cnscl- ! 1 )nns cc cas, s’il reste pape, on a le pouvoir de le lier, de gner les éléments de la doctrine chrétienne. Ces dix ■ l’emprisonner et même de le Jeter à la mer. Ibid., p. 221 ; Noël Valois, op. rit., t. iv, p. 84. Toutefois, il n’est pas années furent les plus douces de sa vie militante. l’adversaire du primatus qu’il affirme formellement être Il vécut assez longtemps pour écrire deux opuscules de droit divin; c’cst. dit-il, une primauté monarchique sur Jeanne d’Arc, dont il défend la mission divine. instituée par le Christ sumaturellcment ct immédiate­ Cf. Quicherat, Procès, t. v, p. 462. Sa mort arriva le 12 juillet 1429 ct les regrets de tous les gens de bien ! ment. Opéra, t. n. col. 529. Quant au concile général, sa Je suivirent jusqu’au tombeau. On lui attribua des i doctrine n’est pas plus sûre. Il admet In supériorité miracles, ct cinq martyrologes au moins lui donnent 1 de l’Égiisc ct du concile œcuménique sur le pape, car il ne voit pas d’autre moyen de sortir du schisme cl le titre de bienheureux. Plus de cinquante conciles particuliers ct de nombreux écrivains ecclésiastiques I de revenir à l imité. Les expédients temporaires devien­ recommandent aux pasteurs · ce grand, pieux ct ‘ nent pour lui des principes définitifs. C est de l'opporsavant professeur, cc zélateur des Ames, ce directeur tunbme dans l’ordre ecclésiastique. Gcrson se place hors ligne, co modèle des ministres de l’Évangilc... » dans l’ordre exclusivement rationnel ct pratique, ct 1319 t GERSON tonte son argumentation a pour but de justifier les manières dc procéder les plus extraordinaires pour arriver au résultat final désiré par toute la chrétienté. Le souverain pontife est, d’après lui, justiciable du concile qui peut le corriger ct même le déposer. Opera, L n, col. 201, 209 sq. Et il examine avec une sorte de complaisance tous les cas dc déposition. Quant à la convocation ct à la composition dc ccttc assemblée, 11 affirme avec d’Ailly que les quatre premiers conciles œcuméniques n’ont pas été réunis par l’autorité du pape, que non seulement les cardinaux, les évêques, mais l’empereur ct les princes, mais même le premier chrétien venu, peuvent convoquer un concile pour l'élection d’un pape unique ct universellement reconnu. Dc aujeribihtate papæ, Opera, L n, col. 209 sq. Selon sa doctrine, les curés peuvent être appelés dans ccttc assemblée ct avoir voix délibérative aussi bien que les évêques. De poleslate ecclesiastica, ibid., L π, col. 249. Les pastcurs dc second ordre ne sont-ils pas de droit divin, d’après lui, les successeurs des soixante-douze disciples ? Aucun fidèle ne doit être exclu du concile général. Opera, t. n, col. 205. On voit dans toutes ccs propositions comme un reflet des thèses les plus avancées du franciscain révolutionnaire Guillaume Occam. C’est l’ensemble dc toutes ccs erreurs que l’on appellera plus tard le gersonisme ct qu’au xvn« siècle Edmond Richer et Simon Vigor réduiront en système. D’ailleurs, il faut le reconnaître, en le regrettant, les actes de Gerson au sein du concile dc Constance furent en conformité avec ses dangereux principes. Avec les délégués dc l’université dc Paris, il réclama que les trois papes donnassent immédiatement leur démission (février 1115). l’artisan convaincu de la supériorité des docteurs sur les évêques, il demanda avec d’Ailly que les docteurs en théologie, en droit canon ct en droit civil eussent voix délibérative ct définitive in rebus fidei au sein du concile. C’était la conséquence dc scs tendances démocratiques ct multi­ tudinis tes. Cf. L. Salcmbicr, Le grand schisme, p. 212, Le parti français poursuivait avec énergie le pape Jean XXIII ct réclamait sa démission. Schwab, op. cit., p. 507; Von der llardt, op. cit., t. n, p. 265. Après bien des pourparlers, Jean lut en public une renon­ ciation expresse ct formelle avec une seule condition, c’est que Benoît ct Grégoire céderaient à leur tour. Le 2 mars 1415, dans la n· session solennelle, H répéta cette importante déclaration. Le 20 mars, la fuite du pape découragea au sein du concile le parti modéré ct déchaîna toutes les récla­ mations des violents. Le 22 mars au soir, Gcrson reçut de ses collègues dc l’université mission de prêcher à 1 issue de la messe du lendemain. Prévoyant la violence dc scs affirmations, les cardinaux, malgré l'initiative dc Slglsmond, refusèrent d’assister à la cérémonie. Le chancelier, après avoir paraphrasé un texte tiré dc l’évangile du jour, livra aux méditations du concile douze conclusions que nous résumons : faculté pour l’Eglise de répudier le vicaire dc son divin Époux, en d'autres termes, de se séoarer du souverain pontife; obligation stricte pour le pape, sous peine d’être réputé piücn ct publicain, de sc conformer à la règle dc l'Église ou du concile qui la représente; droit pour l’Église, sinon de détruire la plénitude dc la puissance apostolique, du moins d’en circonscrire l’uxage; faculté, dans beaucoup dc cas, pour le concile de ic réunir même sans le consentement du pape; obligation pour ce dernier dc suivre la voie d’union que le concile lui aura prescrite; dans le cas actuel, obligation pour Jean XXIII d’abdiquer. Opera, L n, coi. 21)1. Cette pièce est le manifeste des plus violents émanés des membres de l’assemblée. Gcrson prit part Qtfx ni*, iv« ct V sessions du concile, c’est-à-dire à 1320 cet opus tumultuarium qui engenra les quatre fameux articles de Constance; ceux-ci, on le sait, sont le code du gallicanisme ct ont préparé de loin les quatre articles dc 1682 (du 26 mars au 6 avril 1415). Lc21 juillet 1415, curent lieu à Constance des pro­ cessions solennelles pour obtenir la protection céleste à propos du voyage de Slgismond, roi des Romains, qui allait s’aboucher avec Benoît XIII (Pierre de Lune). Gcrson prit la parole dans ccttc circonstance ct vanta les décrets dc la iv· ct de la v« session du concile. Il exprima le désir de voir ccs articles inscrits sur la pierre dc toutes les églises : Conscribenda prorsus esse mihi videretur in cminenlioribus locis, vel insculpenda per omnes ecclesias saluberrima hœc Deter­ minatio, Lex vel Regula, (unquam directio /undamen­ talis, et velat in/allibilis, adversus monstruosum horrendumque o/jendiculum quod hactenus positum erat per multos de Ecclesia. Opera, t. n, coi. 275. Plus tard, dans un sermon prononcé Λ Constance même, le second dimanche après l’Épiphanie, il essaya de nouveau dc défendre la théorie de la supériorité du concile sur le pape et chercha visiblement à tran­ quilliser son Ame en même temps que celle de ses auditeurs : Vidi nuper sanctum Thomam ct Bonaventuram; hic relinquorum libros non habeo; dant supre­ mam et plenam summo pontifici potestatem ecclesia­ sticam; recte procul dubio, sed hoc /viciant in compara­ tione ad singulos fideles, ct ecclesias particulares. Dum ct enim comparatio /acienda juissct ad auctoritatem Ec­ clesia: synodal iter congregata:, subjecissent papam, et usum potestatis sute Ecclesia: eidem tanquam matri sum... Nullum legi praeter Bonavcnturam et Thomam : et tamen assero sententiam contrariam, quæ pontifici ja­ vel, a nullo theologo, nulloque sancto doceri, imo luere· (icam esse... Huic veritati /undata: supra petram Scri­ ptura: sacra: quisquis a proposito detrahit, cadit in lucre· sim jam damnatam, quam nullus unquam theologus, maxime Parisiensis ct sanctus asseruit... C’est toute une série d’hypothèses gratuites ct de contrevérités évidentes. En 1417, dans un autre traité, le chancelier emprunte le mode lyrique ct entonne un chant dc triomphe et d’actions dc grâces : Benedictus Deus qui per hoc sacro­ sanctum concilium, illustratum divinie legis lumine, dante ad hoc ipsum vexatione prasent is schismatis intellectum, liberavit Ecclesiam suam ab hac pestifera perniciosissimaquc doctrina. De potestate ecclesiastica, consid. x, Opera, t. n, coi. 240. Plus tard, en 1418, quand les ambassadeurs du roi dc Pologne voulurent faire condamner solennellement par le pape le dominicain Jean dc Ealkcnbcrg, déjà reconnu coupable par les nations (nationaliler), Mar­ tin Vies en empêcha et leur répondit qu’il ne voulait pas aller plus loin. Le chancelier jugea à propos dc s’élever contre cette décision ct composa son traité : Quomodo et an liceat in causis fidei a summo pontifice appellare, seu ejus judicium declinare. Dans cet opus­ cule il condamne formellement le décret du pape au nom dc la supériorité du concile général prononcée à Constance, ct ressasse toutes les objections du gallica­ nisme le plus avancé. Opera, t. π, col. 303. Martin V condamna ccttc proposition à la fin dc 1418. On le voit, Gcrson persévère dans son erreur, ct nul acte, nul écrit, durant son exil ct sa retraite de onze années, ne laissent soupçonner qu’il ait renié scs principes hétérodoxes. Cf. Bouix. Dc papa, p. 488. Pourtant, dès 1416, il fut obligé dc constater tristement que, même après la décision du concile ct la manière d’agir dc la sainte assemblée, il s’élevait encore des voix pour nier la supériorité du concile sur les papes. Il attribuait ccttc obstination < condam­ nable » au besoin dc flagornerie,· poison mortel dont I l’organisme de l’Église est depuis longtemps imprégné 1321 GERSON 1322 jusqu’à la moelle. · Optra, t. n, col. 217; Zaccaria, lement monarchique dc l’Église et en faisaient une p. 716. C’est à cause de ccs opinions très ouvertement sorte dc gouvernement représentatif dont le parlement énoncées que Gcrson passe encore aujourd'hui, comme amait été le concile général périodiquement convoqué. d’Ailly son maître, pour un préparateur dc la Réforme. Aussi, sur la conduite dc Gcrson en ccttc affaire, C'est aussi pour ccttc raison que des écrivains pro­ nous adoptons entièrement le jugement équitable, et testants comme A. Jcpp ct Winkclmann, en Allemagne, au fond sympathique, de l’éminent cardinal bénédictin Schmidt, dc Bonncchosc ct Jean Muller, en France, C. Sfondratc : Gtrsonem nimio zelo, quo sui temporis ont pu le comparer à Wiclcf ct à Jean iluss. Tout cc abusus et jlagitia prosequebatur, extra /usti rectique limites que nous avons dit jusqu’ici prouve que ccs compa­ abreptum esse, ne illi quidem negant qui ejus patroci­ raisons sont injustes jusqu’à l’outrage envers notre nium maxime susceperunt... Nemo negaverit fuisse Gerdocteur. Cf. I t n i, p. 272. sonem selectae doctrinae et pietatis et tamen opinionem D’autres protestants, comme l’anglican Burnet, imbiberat pontificio adversam; idque, ut persuasum omnino habeo, zelo Ecclesiam adjuvandi ambitione trium ont étrangement exagéré certaines affirmations dc pontificum misere collisam.., Ignosce mihi, Gerson, non Gcrson ct ont mérité comme lui cc reproche de Bossuet : • Peut-on soutTrir qu’abusant d’un traité que Gcrson sunt hac verba Parisiensi toga, tantoque digna doctore, humani aliquid es passus, et quod ratio non debuit, impetus a fait De aufrribilitate papm, Bumet en conclût que, edixit. Gallia vindicata, t. n, p. 125-126, 128. selon cc docteur, on peut fort bien sc passer du pape ? Peut-être serait-il opportun de rappeler à cc propos au lieu qu’il veut dire seulement, comme la suite dc les paroles de Léon XIII adressées à M. Brunetiêre. cet ouvrage le montre d’une manière à ne laisser aucun doute, qu’on peut déposer le pape en certain cas. Il s'agissait d’un prélat qui a été lui aussi très attaché Quand on raconte sérieusement dc pareilles choses, aux idées gallicanes, et qui, à cause de cela, a été critiqué parfois sans Indulgence : · Cc qui a vieilli on veut amuser le monde, ct on s’ôte toute croyance dans Bossuet, a-t-il dit, c'est son gallicanisme. On parmi les gens sérieux. > Histoire des variations, peut excuser cette erreur ct l’oublier aujourd’hui, en 1. VII, cxi. considération de tant de génie ct de tant de services Du côté catholique, nous avons aussi le devoir de rendus. » Le grand pape n’aurait-il point parlé de la constater que certains théologiens ont fait à notre même façon à propos de notre chancelier ? docteur des reproches sévères ct qu’ils n’ont guère Gcrson ne s’adonna guère à la philosophie et à la admis d’excuses en sa faveur. En France, nous trouvons théologie purement dogmatique. Il n’a composé sous Bouix, très monté contre le chancelier, De papa, t. x, ce rapport que quelques traités qu’on trouve aux p. 456 ct 176, Petitdidicr qui estime l’œuvre de Gcrson L i ct n dc scs œuvres. Il s'en occupa juste assez pour digne d’un étemel oubli. Diss. de concit. Constant., p. 3. laisser percer quelques opinions nominalistes qu’il En Italie, il fut attaqué par Bcllannln ct par Carrara, tenait dc scs maîtres, ct pour manifester scs défiances qui l’appelle fanatique cl furibond, De primatu ro­ ct son dédain à l’endroit des subtilités d'une scolas­ mani pontificis, p. 243, en Allemagne, par Zicgclbaucr. tique dc décadence. Qu’on lise la lettre très courte ct Hurter, Nomenclator, t. n, col. 1069. très substantielle que notre docteur a écrite à Bruges, Presque tous s’appuient surtout pour le condamner en 1400, ct qui a pour titre De reformatione Ecclesiae. sur le traité Dc modis uniendi qui, on le croit généra­ Opera, L 1, col. 121. I) se plaint amèrement des thèses lement aujourd’hui, n’est pas dc lui. C’est l’opinion inutiles, sans fruit ni solidité, qui sont exposées ct de Hergenrother, Histoire de Γ Église, trad. Bclct, t. xv, p. 213; de Pastor, Histoire des papes, t. i, p. 203; défendues au sein dc la faculté dc théologie dc Paris. Il dénonce les étudiants qui font profession dc mépriser de Finke, Forschungen und Qucllen,c\. d’Erlcr, Dietrich Von Nieheim, p. 173. la Bible ct les docteurs, ct qui dédaignent de sc servir Et pourtant, d’après cc que nous avons dit jusqu’ici, des termes employés par eux. Il s’élève contre les 11 est facile de retrouver la genèse des erreurs dc erreurs ct les scandales ainsi produits par ceux qu'il Gcrson, l’évolution dc scs fausses doctrines ct de nomme les curiosi et les phantastici. 1) a bien raison reconstituer l'histoire de scs variations. Découragé par dc réclamer des maîtres la répression de cc déver­ la conduite et les tergiversations des papes rivaux, gondage d’idées ct la condamnation de ces disputes consterné par l’échec dc la voie dc cession ct des purement verbales qui montrent une profonde dévia­ autres moyens employés pour rétablir l’unité, il en tion dc l’esprit théologique. est arrivé à ne voir dc remède nécessaire que dans la Scs préférences sont tout acquises à la théologie convocation d’un concile général qui serait, dans l’hypo­ pratique, soit morale, soit mystique. thèse, maître général ct souverain infaillible dans III. Sa théologie morale. — Constatons d’abord, l’Église, ct qui imposerait à tous la paix compromise pour le regretter, le principe faux que place notre depuis près dc quarante ans. De examinatione doctri­ docteur à la base de sa morale. La cause dc tout narum, Opera, L i, col. 8. devoir, dit-il, est la volonté divine, qui décide souve­ Cc sont les ravages persistants du schisme, dit rainement du bien ct du mal, ct rend nos actions Ballcrini, qui poussèrent Gcrson ct les docteurs à pro­ bonnes ou mauvaises, en permettant les unes ct en poser cl à soutenir la supériorité du concile général, défendant les autres. Rien dc juste ni d’injuste en ct le chancelier le déclare lui-même ouvertement. soi : la justice est cc qui est conforme au décret Migne, Theologiae cursus completus, t. ni, col. 1360; suprême, l’injustice est cc qui s’en écarte. Comme si De potestate ecclesiastica. Opera, L xi, col. 239 sq. Gcrson craignait qu’on ne se méprit sur sa pensée, il • Le premier ou un des premiers dans la tradition la précise dc manière à rendre le doute impossible. de la chrétienté, le chancelier a soutenu ct fait accepter « Dieu ne veut pas certaines actions, dit-il. Opera, le principe dc la supériorité du concile général dans t. m, col. 13, parce qu’elles sont bonnes; niais elles l’Église ct la non-infaillibilité doctrinale des papes. sont bonnes, parce qu’il les veut, de même que d’autres Il ne voulut pas s’apercevoir qu’il rompait avec la sont mauvaises parce qu’il les défend. » « La droite tradition unanime des Pères ct des docteurs ct même raison, dit-il ailleurs, Opera, t. ni, col. 2G, ne précède avec les sentiments dc toute ccttc école dc Paris dont pas la volonté, ct Dieu ne sc décide pas à donner des 11 était fier d’être le disciple ct dont H avait jadis lois à la créature raisonnable, pour avoir vu d’abord partagé les opinions. » De potestate eccles., consid. xn, dans sa sagesse qu’il devait le faire ; c’est plutôt le Opera, t. n, col. 246 sq. contraire qui a lieu. > Il suit dc là que la loi du devoir Les décisions dc Constance, en eflet, inspirées en n’a rien d’absolu ni d’invariable, et que les actions partie par lui, changeaient la constitution essentiel- 1 que nous jugeons criminelles auraient pu tout aussi 1323 GERSON bien Être vertueuses : consequence exorbitante, qui cependant n'est pas désavouée par Gerson, suivant lequel, Opéra, t. î, col. 147, « les choses étant bonnes parce que Dieu veut qu’elles soient telles, il ne les voudrait plus ou les voudrait autrement que cela même deviendrait le bien. » Ainsi notre docteur pousse jusqu’à scs dernières limites ce système de morale fondé sur le décret arbitraire de la divinité, qui avait déjà été développé par Duns Scot ct Occam, ct que son maître Pierre d’Ailly avait formellement soutenu. Nullum est ex sc peccatum, sed praecise quia lege prohibitum. Principium in 1” Sent., fol. iv, verso; Principium in II' Sent., fol. xiv; cf. Petrus de Alliaco, p. 224. On le voit, c’est un système faux en lui-même, déplorable par ses résultats, qui n’exalte la puissance de Dieu qu’aux dépens de sa sagesse ct de sa bonté cl ébranle toute certitude. 11 semble ignorer les vrais caractères de la loi éternelle ct la conformité que doivent avoir avec elle toutes les lois positives. Hâtons-nous de dire que, si la théorie de Gerson sur les principes de la morale fondamentale est erronée, ses ouvrages sont du moins remplis d'excel­ lentes observations de détail, cl de maximes de con­ duite qui ne sauraient être trop méditées. Jourdain, Dictionnaire des sciences philosophiques, 2· édit., p. 618; Schwab, Johannes Gerson, p. 286 sq. N’allcndons pas de notre auteur un traité complet comprenant toutes les parties de la théologie morale. Ses opuscules sont écrits au hasard des circonstances, des besoins ct des demandes. Cc n’est pas un cours suivi. C'est un recueil de dissertations casuistiques et pratiques, non theologiie cursus, sed excursus. IJ composa au concile de Constance (1415) un traité de la simonie, alors trop en honneur dans les trois obédiences qui se partageaient l'Église. Il se tînt plus en garde qu'Albcrt le Grand ct d'Ailly n»ntrc les erreurs de l'astrologie judiciaire, dans son tritogium astrologiae theologizalK. Opera, t. î, col. 190; | t. ni, col. 291. Il poursuivit avec non moins d'ardeur la magie, Opera, t. I, col. 206 sq., ct les superstitions de toute sorte. Opéra, t. n, col. 521; t. î, col. 208, I 220. Nous devons encore au moraliste:les Règles morales; les Définitions des termes concernant la théologie morale; la Vie spirituelle de l'âme: les Quatre vertus cardinales; les Impulsions (De impulsibus); les Premiers mouve­ ments el le consentement (De primis motibus et con­ sensu). les deux écrits sur les Passions de l'âme; les Signes bons ct mauvais; le Frein ou la Garde de la langue : un Avertissement pour les religieuses ; des Con­ clusions contre uneconscicn e trop étroite et scrupuleuse, contre ta honteuse tentation du blasphème, contre la fête des fous; Une Explication de cette sentence : que votre volonté soif faite; des réflexions sur la prière et sa valeur, sur la consolation de la mort des amis, sur la préparation à la messe; De pollutione nocturna; De pollutione diurna. Certains autres écrits qui regardent ou la doctrine des mœurs ou les règles de la discipline ccc! siaslique sont : la Juridiction spirituelle avec une thèse sur la juridiction spirituelle et temporelle; la Déclaration des défauts des ecclésiastiques ; les Excom­ munications, irrégularités et leur absolution; VArt d'en­ tendre les confessions ; la Manière de chercher les péchés tn confession: les Remèdes contre les rechutes (contra recidivum peccati); le Double péché véniel, la Différence entre les péchés mortels ct les véniels ;V Absolution dans ta confession sacramentelle; le Pouvoir d*absoudre et la réserve des péchés, avec une lettre à un prélat sur la nv legation à apporter dans la réserve des cas; les Indulgencri la Correction du prochain; le Désir et fa fuite de Γ épiscopat; la Vie des clercs; la Tempérance pour les prelate dans le manger, dans le boire et les vêtements; te. Manière de vivre pour tous les fidèles, ou règlement 1321 pour tous depuis l'enfance jusqu’à la vieillesse, depuis le simple artisan jusqu'aux nobles prélats. Les enfants furent l'objet de sa particulière solli­ citude surtout, nous l'avons vu, vers la lin de sa vie. Remarquons particulièrement son traité De parvulis ad Christum trahendis. Opera, t. ni, col. 277. 11 faut encore signaler dans cc sens la Doctrine ou règlement pour les enfants de l'Église de Paris; l’Adresse aux pou­ voirs publics au sujet de la corruption de la feunesse par des images lascives ct autres choses semblables; De Γinnocence de l'enfant, défense du précédent opus­ cule. Cc dévouement a une de ses explications dans les paroles suivantes extraites du Ressouvenir de saints projets : « C’est par les enfants que doit commencer la réforme de l'Eglise. » Opéra, t. n, col. 109. Il no s’occupa point seulement des enfants du peuple, mais il prit encore la plume pour contribuer à l’édu­ cation de l'héritier du trône de France. ■ Si enseigner tout enfant, disait-il, est louable ct méritoire, com­ bien plus est-on en droit de le dire, quand il s’agit d' < un enfant royal appelé û régner I » 11 s’agissait de son serenissime prince et seigneur Charles Vil, puis il en fit autant en 1429 pour le futur Louis XL Opéra, t. ni, col. 226,235. 11 composa en outre plusieurs autres petits traités d'instruction el d’éducation populaire qui montrent tout son zèle apostolique. Mais la prédilection du chancelier se portait tou­ jours du côté des étudiants de l'université. C’cst ainsi que de Bruges il leur adressa deux lettres qui sont comme une sorte de règlement intellectuel et moral pour les élèves de son ancien el toujours aimé collège de Navarre. Il leur recommande d’éviter pomposa super insolitis arrogantia, de réprouver toute nouveauté, surtout en morale, en même temps qu’il leur donne les meilleurs conseils sur les auteurs qu’ils doivent préférer aux autres ct méditer dans le silence et le recueillement. Dans une seconde lettre, il reproche aux étudiants l’obstination dans les disputes ct aux maîtres certains défauts scandaleux. 11 regrette enfin que les serinons manquent aux élèves, même le dimanche, à cause du départ des dominicains. Dans une dernière admonition (1427), d les met en garde contre la doctrine d'Ubcrtln de Casai, qui était un faux spirituel de l'école de Joachim de Flore. Gerson crut aussi de son devoir de prémunir, ù plusieurs reprises, la jeunesse studieuse surtout, contre le livre sceptique ct parfois obscène de Jean de Meung qui a pour titre le Roman dr la Rose. On a plus d'une fols analysé cet ouvrage qui point, non point l'idéal, mais la vie réelle dans le sens le moins élevé du mot. C’est un recueil de dissertations théolo­ giques, philosophiques, satiriques et en tout point révolutionnaires. L’auteur est un rationaliste doublé d'un épicurien, précurseur de Rabelais ct de Voltaire. Gerson rendit un grand service ά la morale ct au bien public en réprouvant cc livre qui ad illicitam venerem et libidinorum amorem excitat. C'était sans doute la première fols que la théologie catholique condamnait un roman. Celui-ci est véritablement la somme de toutes les indisciplines intellectuelles et morales au xni· siècle, ct a amplement mérité toutes les sévé­ rités de notre docteur. Opera, t. m, coi. 297; Bourre t, p. 70. IV. Sa théologie mystique. — Gerson préfère ccttc science surnaturelle à toutes ct il en donne quatre raisons. La théologie mystique rend le chemin qui conduit à Dieu plus facile ct accessible à tous; clic se suffit à elle-même, mais on ne saurait en dire autant de la spéculative; clic produit, en particulier, les vertus d’humilité et de patience, tandis que la spéculative engendre souvent l’nmour-proprc, l'orgueil ct, par suite, les cont esta lions; clic procure ici-bas ù l'âme dans le calme, ct la sérénité enfin dontcllclul 1325 GEKSüN 132b assure la Jouissance, comme un avant-goût de la tion extatique » du souverain bien. Et par là dépassecéleste béatitude. t-il éminemment le simple savoir théorique. Par où l’on Mentionnons d’abord la Montagne de contem­ comprend aussi qu'à la différence de la théologie dia­ plation, qui est son chef-d’œuvre en cc genre; mais lectique ou argumentative, la théologie mystique ne Gcrson s’est aussi élevé jusqu aux plus hautes régions requiert pas un acquis scientifique considérable, mais de la science sacrée, dans la 1 heologie mystique, à seulement la foi en Dieu et l’amour de Dieu comme laquelle il faut ajouter le travail jmslericur : I Éclair­ Bien suprême, sans aucune science livresque; d'ou il cissement scolastique de la théologie mystique; le suit qu elle est à la portée des plus simples et même Carmen sur la purification des sens intérieurs; la Médi­ des ignorants. En troisième heu. elle a le privilège, tation, traité qui porte le nom de Consolatorius ; 1 illu­ toujours par rapport à la théologie d’école, de nous mination du cœur; la Simplicité et lu pureté du coeur; la apporter, par l'adhésion et 1 union à Dieu, fruit de Direction et la droiture du cœur, VŒU et son obfet; l'amour même, le parfait contentement de nos âmes les Renudes contre lu pusillanimité, les scrupules, tes avec la totale ct défimUvc pacification de nos désirs. consolations trompeuses de l'ennemi et les subtiles , Cette union (union mystique) est d’ailleurs a entendre tentations; les Diverses tentations du diable; V Épitre dans un sens exclusivement moral, c'est-à-dire que làme, d ses sœurs pour enseigner ce que chacun doit penser en s’attachant a Dieu par l'amour, ne fait qu'un avec chaque jour, les Exercices appropriés aux dévots sim­ lui par la parfaite conformité du vouloir, mais une ples (De cxrrc.itus discretis devotorum simplicium); conformité tellement parfaite qu'elle rejaillit jusqu’à les 7rois traites sur les cantiques; les Douze considé­ la substance même de l âme, qui adhere a, nsi à Dieu rations que doit /aire l'homme a l'égard de Dieu pour par son fond; à cause de quoi Gcrson compare Je que la prière soit exaucée; la Prière du pécheur lors­ rapport de l'âme avec Dieu dans l'umon mystique à qu'il a beaucoup d‘inquiétudes sur scs péchés: les Quel­ celui de la même âme avec la grâce sanctifiante (en ques pieuses méditations de l'ûmr sur l'Ascension; les tant que distincte des vertus) dans la justification. Plaintes des défunts dans le jeu du purgatoire d l'égard L'union mystique, enfin, ains* definie, et par elle la des amis sur la terre; le Testament quotidien du pèle­ théologie mystique elle même. avec l’amour dont elle rin, suivi de Considérations sur ce meme sujet ct ter­ est l’expression, coïncide ct s'identifie avec la pnere miné par le Testamentum metricum du même pèlerin; parfaite ou prière par excellence, qui ne consiste pas les Conseils évangéliques et l'état de perfection, où en paroles, même imaginées ou Int ércures, mais dans l’auteur s'élève de l’ordre naturel aux hauteurs de un suprême ravissement de la pensée cl du cœur aul’ordre surnaturel, en commentant ces mots : Utrum dessus d’eux-mêmes pour sc perdre el s'absorber en aurora mane rutilans solem ediderit; la pièce de vers D»eu. sursum corda... ad Dominum. qui est V Épithalamc mystique du théologien et de la Voilà pour la partie spéculative de la théologie mys­ théologie sous la figure de Jacob et de Rachel et qui tique. Gerson, en effet — et c’est une division qui lui s’ouvre ainsi : appartient en propre — y distingue en outre une partie pratique, exposant les conditions et ta movens prépa­ Oro per ccrvos caprcnsquc canipl, ratoires (inaustrur) de la contemplation mvstque. Ces Oro sanctos per amoris ignes. industrie sont ta suivantes : 1· at tendre Γappel de Dieu; Per fidcin sanctam, decus ct honorem, 2e bien connaître son tempérament ind viduel; 3° avoir Jacob, amas me? égard à sa vocation cl à son état; 4· tendre sans cesse enfin une autre pièce devers ayant pour titre : Miroir vers une perfection plus haute; 5· éviter autant que de la vie humaine. possible la multiplicité des afiaircs et. en tout cas, ne Les principes qui dirigent Gcrson dans cette science pas se la Lettre Lxxiv. Les œuvres complètes de Gerson furent éditées dès le commencement de l’imprimerie, d’abord à Cologne : Operum Johannis Gerson, cancellarii Parisiensis, ln-fol., 1183, t. i-iii; 1484, t. iv.Voir le détail dans Schwab, op. cit., p. 788, ct pour les œuvres oratoires dans Bourret, p,26. Les deux éditions françaiscs.cclle de Kichcr,4 vol., Paris, 1606, ct celled Ellies Dupin, 5 ln-fol., Anvers ou plutôt Amsterdam, 1706, ont été faites sous l’influence d’idées gallicanes ct dans des vues de polémique reli­ gieuse. Elles ont été composées sans grand soin, avec hôte ct confusion, ct ne sont pas sans de graves défauts. La dernière est pourtant assez complète ct contient dans les quatre premiers volumes plus de quatre cents traités de Gerson. C’est toujours celle que nous avons citée, bien qu’on doive sc mettre cn garde contre le mauvais esprit de l’éditeur. Vers la fin de sa vie. Gerson se plaignait de voir cer­ tains deses opuscules falsifiés ct publiés d’une manière incorrecte ct souhaitait que la flamme les dévorât. Qu’cût-ll dit. s’il avait pu prévoir les manipulations que scs écrits allaient subir entre les mains des éditeurs de l’avenir ct les interprétations parfois fantaisistes ct hété­ rodoxes auxquelles ils seraient livrés ? Quant à scs sermons,nous espérons que bientôt quel­ que érudit les fera paraître dans Icuroriginalité primitive ct d’après les manuscrits authentiques. Le grand publie pourra ainsi apprécier à sa Juste valeur un des monu­ ments les plus remarquables de notre littérature sacrée. Telle fut la vie si agitée et telles furent les idées si complexes de l’illustre chancelier de l’université de Paris Nous avons tâché de les résumer avec impar­ tialité cl sans passion, sine ira et studio. 11 fut certainement un des hommes les plus sym­ 1330 pathiques de son époque, ct son influence s’étendit bien au delà des limites de son temps et de son pays, il sc trompa parfois, mais, quand il exposa la vérité, il dépassa les meilleurs. Appliquons à scs œuvres, en le modifiant quelque peu, le vers connu de Martial : Sunt mala, sunt giurdam mediocria, tunl bona plura. B. Bess, Johannes Gerson und die ktrchenpalllischen Parte (en Frankreichs vor dem Konzil zu Pisa (dissert.), in-8·, 1890; M. J. Boileau, Les variations doctrinales du chancelier Gerson sur ta souveraineté et Γinfaillibilité ponti· flcatcs avant, pendant et après le concile de Constance, pré· cédées d’un exposé de sa oie et de ses oeuvres, dans la Revue du monde catholique, 1881, t. x, p. 60-80, 394-416, 627-645; Émile de Bonnechose, Zxj Réformateurs avant la Réforme, XV· siècle, Gerson, Jean Huss et le concile de Constance, 2 in-8·, Paris, 1844, aarc des considérations nouvelles sur l’Église gallicane depuis le grand schisme jusqu’à nos fours, fdid., 1853; 3· édit.,2 in-12, Ibid., 1860; trad, nllem.. Leipzig, 1817; M. Bouix, Tractatus de papa, Paris, 1870, t. ï; E. Bourret. Essai historique et critique sur les sermons français de Gerson. d’après les mss. inédits de la Bibliothèque impériale et de la bibliothèque de Tours, in-8·, Paris, 1858; Jean Darche, Le B. Jean Gerson, chancelier de Paris, docteur très chrétien et consolateur, sa vie et son culte, son influence pour le culte de Marie, etc., in-18, Ihiris, 1880; Dupré Lasallc, Éloge de Jean Gerson, chancelier de VÉglise et de Γ univers lté de Paris, dans Académie franç., séance puW. (1838); discours, in-4·, Paris (18381; dans Chroniq. de Champagne (1833), t. iv, p. 125-129; A.-P. Fougère, Éloge de Jean Gerson, chancelier de l’Église et de runiversité de Paris, dans Académie franç., séance publ., 1838; discours, in-8·, Paris. 1838; Ibid., 1843; P. Férct, /-a faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus célèbres, moyen Age, Paris, 1897, t. iv, p. 223-273; Ch. Jourdain, Doctrina Johannis Gersonit de theologia mystica, in-8·. Paris, 1838; arL Gerson, dans le Dictionnaire des sciences philosophiques (1875), p. 616-619; J.-B. L’Écuy, Essai sur la vie de Jean Gerson, chancelier de l’Égllse et de Γuniversité de Paris, sur sa doctrine, ses écrits, cl sur les évènements de son temps auxquels il a pris part, précédé d’une introduction où sont exposées les causes qui ont préparé ct produit le grand schisme d’Occident, 2 tn-8·, Paris, 1832; On. Leroy, Corneille et Gerson dans Γ · Imitation de Jésus· Christ·, ίη-8·, Paris, 1841; Valenciennes, Paris, 1812; ex­ trait, Paris, 1841; cf. J. (de), dans L’Univers catholique (1842), t. xiv, p. 202-211; dans l’investigateur (1814), t. îv, p. 352; Gerson auteur de I’ · Imitation de J.-Ch. ·, monument à Lyon..., ln-8·, Paris, 1845; A. L. Masson. Jean Gerson, sa vie, son temps, ses ceuvrcs, in-8·, Lyon, 1894; A. Lafontaine, Jehan Gerson, Paris. 1900; Ed. Richer, Apologia pro Joanne Gersonio, pro suprema Ecclesiae et concilii generalis auctori· fate..., in-4·, Leyiie, 1676; L. Salembicr, Petrus de Alliaco, LlUe, 1886; Le grand schisme d’Occident. 4· édit., Paris, 1902; J.-B Schwab, Johannes Gerson, professor der Théologie und Kanzler der Univers Hat Parts, eine Monographie, ln-8·, Würzbourg, 1858; Sfondnite, Gallia vindicata Montour, 1711; R. Thoniassy, Jean Gerson ft le grand schisme d’Occident, 2· édit., in-18. Paris, 1852; Noël Valois, La France et le grand schisme. 4 in-8·, Paris, 1896-1902; J. C. A. Wlnkelnumn, Gerson, Widefus, H ussus inter se et cum reformatoribus comparati, commentatio, in-4·, Gœttingue, 1857; Zaccaria, Antifebronius, 4 in-8·, 1768-1770. L. Sxlkmüier. GERTMAN Mathias était originaire de Turnhout, petite ville de la Campine (Brabant), où avait pris naissance, plus d’un siècle auparavant, le fameux théologien de Louvain, Jean Driedo. Il appartenait à une ancienne et noble famille. Né en 1614, il fit de brillantes études à l’université de Douai; il y obtint le bonnet de docteur en théologie, en 1G40, après avoir eu pour professeur l’illustre Sylvius. Il reçut une chaire primaire de théologie cn 1654 ct il remplaça probablement Valentin Kandour. Il fut pendant quarante ans directeur du séminaire du roi. Prévôt de Saint-Pierre à Douai cn 1658, puis de SalntAmé en 1670, il fut cn même temps chancelier de l’université. Il Joignit à ces emplois divers celui do censeur de livres. 11 fut mêlé à deux affaires très importantes dans la 1331 GERTMAN GERTRUDE lutte de la faculté contre le jansénisme ct le gallica­ nisme. En 1673, Adam Wldenfeld, avocat de Cologne, qui avait fréquenté les jansénistes de Gand, de Louvain et de Paris, publia à Gand un opuscule intitulé : Monita salutaria B. Virginis Marite ad cultores suos indiscretos. L'auteur mettait dans la bouche de la Vierge Marie une série de reproches qu'elle adressait à ses dévots sur la forme de leurs prières. Cct opuscule fut traduit en français; l'une de ccs traductions était de dom Gerberon, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, fort compromis dam les luttes Jansénistes, qui dut plus tard sc réfugier en Hollande et fut ensuite enfermé à Vincennes jusqu'à la rétractation de ses erreurs. Un prêtre du diocèse de Tournai demanda à son évéque Gilbert de Choiscul, janséniste avéré, la permission de faire imprimer une traduction dont il était l’auteur. Le prélat accorda l'autorisation. Ccttc audacieuse attaque contre la dévotion à la sainte Vierge causa une très vive impression dans la Flandre et le Hainaut. Les Jésuites ct les récollcts firent à l'évêque de Tournai une très vive opposition. D'après Foppcns. Gertman publia à Douai une réfutation péremptoire du livre de Wldenfeld sous cc titre : Jesu Christi monita maxime salutaria de cultu ditectisstmie matri Marite debite exhibendo (1674). Nous devons le dire cependant, Paquot pense que cette réfutation eut pour auteur Henri De Cerf, aussi professeur de théologie à Douai (f 1705). Gertman prit aussi une part active à la protestation que le recteur ct le conseil de l'université adressèrent à Louis XIV, le 9 mars 1683, à propos des fameux articles de 1682, dont le roi réclamait renseignement dans les chaires des facultés. Les professeurs de théologie d'alors étaient Jacques Randour, neveu de Valentin. Pierre Delalaing, Mathias Gertman ct Nicolas de la Verdure. Ccs docteurs ne traitèrent point la question de fond; ils n’auralcnt guère eu de chances d’être écoulés; mais dans une lettre très respectueuse dans la forme, très ferme el très fière au fond, ils plaidèrent l'opportunité. Us firent valoir de leur mieux les traditions de leur illustre école ct du pays, les Intérêts de la religion en Flandre, et leurs craintes pour l'avenir de leur chère Alma mater. Le succès ne fut pas Immédiat. Louis XIV ne voulut point d'abord prêter l’oreille à ces doléances, si légitimes qu’elles fus­ sent. Les maîtres refusèrent énergiquement d’enseigner la Déclaration. On sait qu’en 1693, le roi, vaincu par la résistance des souverains pontifes et de leurs nonces, revint à résipiscence dans une lettre adressée au pape Innocent XII. 11 l’avertit qu'il avait donné les ordres necessaires · pour que les choses contenues dans cet édit, touchant la Declaration faite par le clergé de France, à quoi les conjonctures passées l'avaient obligé, ne soient pas observées. » Gertman était mort le 29 novembre 1683; il ne vit point la victoire finale de l’université de Douai. Il fut Inhumé dans la collégiale aujourd’hui détruite de Saint-Amé. Une splendide épitaphe, rapportée par Poppens ct par Paquot, rappelait les principaux faits de sa carrière professorale ct signalait scs brillantes qualités. Par son testament, il fonda une bourse d’études de près de deux mille florins de rente en 1 faveur de ses parents et. à défaut d’eux, en faveur des jeunes gens nés à Turnhout ou dans un rayon de huit lieues de cette ville. Il légua aussi au séminaire sa riche bibliothèque, à condition qu’elle restât accès- , sible aux docteurs, professeurs, licenciés ct étudiants de l’université. Gertman a composé plusieurs traités de théologie. Son cours sur l'eucharistie, professé en 1613.